Lyon: terre d'asile? "Exaequo" mag de l'ISCPA Lyon
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La parole aux concerns
Lyon, une terre dasile ?
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Le dbat autour de laccueil des rfugis fait la une des mdias. Plutt favorables accueillir les rfugis, llan de solidarit des Franais vascille depuis les attentats de Paris. Deux responsables des attentats sont entrs sur le territoire grce aux filires des rfugis. La peur sest donc empare de certains curs. Mais ce sentiment ne doit pas stendre, les rfugis fuient la guerre, les tortures et linjustice. Il est naf de penser quils souhaitent retrouver la mort au bout du chemin. Cette fuite vers loccident est un acte politique. Ils votent contre la violence, contre les gouvernements autoritaires. Cette fuite est un symbole de leur adhsion aux valeurs occidentales : dmocratie, libert religieuse et humanisme social.
En septembre, le gouvernement annonait quil accueillerait 24 000 rfugis sur les deux prochaines annes. Pour Franois Hollande, laccueil de ces personnes fait partie de la chair et de lme de la France . Ce sont plus de 600 villes qui ont affirm leur soutien et leur solidarit ces populations. Lyon, deuxime ville daccueil des populations rfugies, a elle aussi montr son soutien la politique daccueil. Grard Collomb, maire de Lyon, a dclar quil accueillerait ces populations selon les capacits de la ville , et souhaite rpartir ces rfugis sur lensemble de la rgion . Lyon est dj dpass par les centaines de personnes qui sont dj sur place. Toutefois, une nouvelle forme de solidarit voit le jour. Des centaines de familles qui se mobilisent pour accueillir des rfugis au sein de leur foyer. Une initiative citoyenne qui mriterait le soutien du gouvernement. Franois Hollande dclarait quil dbloquerait des fonds pour les villes, pourquoi pas pour ces familles ?
Notre rdaction, qui se revendique humaniste, a voulu, travers ce magazine, donner la parole tous ceux qui travaillent pour cet accueil : centres dhbergement, institutions, associations et citoyens. Mais aussi donner la parole ces populations rfugies. Notre travail, sem dembches, tente de donner une vision globale des problmes, des solutions et des questions que soulve laccueil de ces personnes. Nous avons souvent t confront des refus, pour la scurit des rfugis et par respect de leur intimit. Nous nous sommes rendus sur le terrain pour vrifier si les actes sont la hauteur des dclarations de notre gouvernement.Force est de constater quencore une fois, les belles paroles de nos politiques correspondent rarement la ralit du terrain. Derrire ce combat pour la solidarit, il apparat surtout un combat entre la droite et la gauche et une course au vote, quelques semaines des lections rgionales. La volont y est, les actes ne le sont pas forcment !
Coline RepoltRdactrice en chef
Marie RedortierPhotographe
Quentin LachseRdacteur en chef adjoint
Antoine GaraponSecrtaire de rdaction
Laura TurcSecrtaire de rdaction
Charline BakowskiRdactrice
Malys ErissyRdactrice
Maxime FeuilletRdacteur
Lo RoynetteRdacteur
Arnaud BastionRdacteur
Pauline RagueRdactrice
Solne RigouletMaquettiste
To HenrietRdacteur
Vincent TricoliRdacteur
Marie JeromePhotographe
ISCPA Lyon47 rue du Sergent Michel Berthet 69009 [email protected]
Directrice de la rdaction : Claire PourprixDirectrice de la publication : Isabelle DumasRemerciements : La rdaction fait ses remerciements Lucien OULAHBIB, Pauline LANO et Mathieu DELATY pour leurs dessins, Kamel KABTANE, Pierre-Olivier DOLINO, Richard WERTENSCHLAG, Thierry CLAIRE, Franois BES DE BERCK, Alekasanyan ARKADI, Famoro, Omer OSMAN, Franois RYSTO, Clmence GAUTHIER-PONGELARD, Jean-Wilfried MARTIN, Alexendre VINCENDET et Claire POURPRIX. La rdaction remercie aussi tous les bnvoles, les citoyens, les associations et les institutions qui ont accept de nous rencontrer et de rpondre nos questions. La rdactrice en chef remercie lensemble de son quipe pour son travail et son implication.
DITO
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@Exaequomaghttps://exaequomagazine.wordpress.com/
Plus darticles ladresse suivante :
Accueil des rfugis: la volont y est, les actes seront-ils lahauteur ?
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P6-11
SOMMAIRE
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SE SITUER
ENQUETE
OPINION
DOSSIER
IMMERSION
chaque mot, son sens...
Infographie P4
P5
Regards politiques
La parole aux Lyonnais P12Un spcialiste nous rpond P13
P14-21
Visa : En qute de droits
Gnration identitaireViolences policires
P27
P27
P24-25
Ma vie, un combat
COUP DILLe cas de la Caserne Raby
Centre de santP28P29
CULTURE
SOCITLes religions simpliquent P22Dbat : SDF VS rfugis P26
Du roman la ralit P30Dheepan P31
Lhistoire se rpte P4
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1860-1960
Rfugis: o peuvent-ils alleR ?
SE SITUER
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Entre 2000 et 4 000 personnes
Entre 1 000 et 2000 personnes
Entre 10 et 1 000 personnes
Villes favorables
Villes favorables sous condition
Villes hostiles laccueil de rfugis
Les rfugis se bousculent en Grce, en Italie et en Sicile. Ils arrivent par centaines et tentent de rejoindre les contres europennes. LUnion europenne multiplie les runions pour tenter dorganiser au mieux ces arrives massives. La France sest engage accueillir quelques dizaines de milliers de personnes. O pourront-ils aller, quelles sont les villes qui souhaitent les accueillir ?
Capacit dhbergement
Mairie de Toulouse, rgion Rhnes-Alpes, mairie de Besanon, site de la mairie de Clermont-Ferrand, site de la mairie de Paris, citations politiques et sources internet.
Pour ou contre ?
Paris
Bordeaux
Toulouse
Clermont-Ferrand
Besanon
Lille
Roanne
Lyon
Belfort
Cannes
BziersAix-en-Provence
Troyes
St Quentin
Hnin Beaumont
Vagues dimmigration: thermo mtre des conflits dans le monde
Deux priodes de migration italienne pour desraisons conomiques et politiques (facsime). Le Vieux Lyon a pris des allures florentines aveclarrive des Italiens.
Italiens, Grecs, Armniens, Juifs, Maghrbins et Espagnols.Flux migratoire d aux rgimes totalitaires et aux guerres.
Fin du XIX me sicle
Maghrbins.Flux migratoire en raison dun appel de main doeuvre de la France pour reconstruire le pays aprs la guerre. Les maghrbins se sont installs dans le quartier de la Guillotire.
Trente Glorieuses (1950-1980)
Coline Repolt
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chaque mot, son sens...Par Clmence Gautier-Pongelard, ancienne juriste de la Plateforme de services aux migrants (PSM), Calais.
Migrant : celui qui migre. Cest tout simplement quelquun qui part de son pays pour aller dans un autre. Si je pars vivre en Allemagne, je serai une migrante. Si un Allemand vient en France, il migre galement. Dans les mdias, le terme est assez mal utilis car les migrants sont ceux qui vont du sud vers le nord. Les personnes qui vont du nord vers le sud sont des expatris . Le mot mi-grant a pris un sens pjoratif dans lopinion publique quil na pas lorigine. Les mdias utilisent parfois le terme d ex-migrant pour dsigner des migrants qui se sont installs en France. Cest notamment le cas Calais o lopinion publique pense que les migrants sont des personnes en transit, qui sont en France pour passer en Angleterre. Ainsi, un migrant qui sinstallerait en France au lieu daller en An-gleterre aurait cess de migrer. Cest faux : un migrant reste un migrant ds lors quil a quitt son pays dorigine. La seule faon de ne plus tre une personne migrante est de rentrer dans son pays dorigine. Le terme migrant nexplique pas pourquoi la personne a quitt son pays, contrairement au terme de rfugi.
Rfugi : cela correspond la situation dune personne qui a demand lasile dans un pays autre que son pays de nationalit et pour laquelle on a considr quelle avait effectivement besoin dune protection. Contrairement au demandeur dasile qui attend une rponse sa demande, le rfugi a vu sa demande dasile accepte. Le pays dans lequel il a demand lasile a considr quil avait effectivement besoin dune protection. En droit, le mot rfugi correspond la dfinition de la Convention de Genve de 1951 : le terme rfugi sappliquera toute personne : (...) Qui craignant avec raison dtre perscute du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalit, de son ap-partenance un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors
du pays dont elle a la nationalit et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se rclamer de la protection de ce pays .
Dans lUnion europenne, lorsque lon demande lasile on peut obtenir deux types de protection : le statut
de rfugi ou la protection subsidiaire. Le statut de rfugi quivaut un titre de sjour de dix ans ; la
protection subsidiaire correspond un titre de sjour dun an. Cette dernire est normalement dlivre pour les personnes qui ne remplissent pas les conditions de la convention de Genve et qui risquent la torture ou la peine de mort dans leur pays dorigine, ou qui viennent de pays
en situation de guerre civile.
Demandeur dasile : cest une personne qui demande une protection un pays autre que son pays de nationalit. Partout dans lUnion europenne, les demandeurs dasile doivent demander lasile aux Etats qui vont vrifier que leur demande dasile est fonde. En France, un demandeur dasile dpose sa demande de protection auprs de lOffice franais de protection des r-fugis et apatrides (Ofpra) et, si cet organisme rejette sa demande, il peut faire un recours auprs de la Cour nationale du droit dasile (CNDA).
Ces termes peuvent galement se re-couper : lorsquon est demandeur dasile
ou rfugi, a priori, on a forcment migr et donc on est aussi une personne migrante.
Vous remarquerez srement que ces trois mots sont globalement mal utiliss dans les mdias et/ou par les politiques. Je pense que certains le font dessein : on parle de migrant lorsque lon sou-haite faire peur, donner limpression dinva-
sion, de rfugis lorsquon veut faire remar-quer au public que les personnes qui
migrent viennent de pays en guerre.
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Vagues dimmigration: thermo mtre des conflits dans le monde
Syriens, Afghans, Irakiens, Erythrens, Soudanais, Congolais.Flux migratoire d aux guerres, famine, guerres civiles et rgimes autoritaires dAfrique.
Asie du Sud Est, Turcs et Africains Sub-SahliensA la Guillotire, le quartier chinois illustre cette vague dimmigration.
1980-1990 Fin des annes
1990
Kosovars, Roms dEurope de lEst, Albanais, Serbes et Armniens.Flux migratoire d la guerre du Kosovo.
2005-2015
Propos recueillis par Laura Turc
Laura Turc et Coline Repolt
Source : Muse de lhistoire de limmigration
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ENQUTE
Lyon et sa rgion se mobilisent pour laccueil des rfugis
Dans toute lEurope, ou presque, la crise des migrants est au cur des dbats. Dbut septembre, une enqute dopinion, ralise par linstitut Elabe, montrait que les Franais taient majoritairement opposs laccueil des rfugis. Mais la publication de la photographie du jeune Aylan Kurdi, retrouv mort noy sur une plage de Turquie, a soudainement fait voluer notre avis sur la question. Aprs le choc de cette publication, les initiatives en faveur des rfugis se sont multiplis. Lyon et sa rgion sont galement concerns. La rgion Rhne-Alpes compte 6 800 places dhbergement pour rfugis, dont 2 000 pour la mtropole de Lyon et le dpartement du Rhne. Certaines villes sapprtent accueillir des rfugis, certaines lont dj fait mais dautres refusent. Quelles sont les mesures prises pour parvenir les accueillir ? Sont-elles toujours mises en place ?
Les Rhnalpins devraient donc accueillir un peu plus de 10 % de la totalit des rfugis attendus sur le sol franais dans les deux ans venir. Ces derniers, Syriens et Irakiens pour la plupart, viendront sajouter aux autres demandeurs dasile dj accueillis dans la rgion. Ils taient dj 3632 en 2014 selon lOffice franais de protection des rfugis et apatrides, contre 5101 en 2013. Si le nombre de demandeurs est en sensible baisse, la mtropole de Lyon et sa rgion ont tout de mme dcid dagir afin de permettre une rpartition quitable. Nous avons, au niveau des demandeurs dasile, une tradition daccueil relativement forte et ancienne. Nous allons donc mobiliser lensemble des rseaux ,
confirmait Grard Collomb, prsident de la mtropole de Lyon, le 7 septembre dernier, aprs la demande faite par Bernard Cazeneuve aux municipalits du pays de se mobiliser . Et pour pouvoir tre en mesure daccueillir ces personnes dans des conditions dcentes, un investissement financier de la part de la rgion
semble indispensable.
500 000 euros dbloqus par la Rgion
Le prsident de la rgion Rhne-Alpes, Jean-Jack Queyranne, a donc annonc le 15 septembre dernier, lors de sa visite dun centre daccueil de demandeurs dasile gr par lassociation
Forum rfugis Villeurbanne, une srie de mesures afin de participer llan de solidarit , tout en rappelant la vocation dhumanisme social de la Rgion . Le but est daugmenter considrablement la capacit dhbergement, qui est pour lheure son maximum. Do la mise en place dun fonds durgence de 500 000 euros visant a accueillir dignement les 2500 rfugis attendus dans les deux prochaines annes. Mais ce nest pas tout. Le prsident PS de la rgion a aussi voqu son souhait de rouvrir lancien site du conseil rgional de Charbonnires, inoccup depuis linstallation des nouveaux locaux la Confluence. Le site pourra accueillir une centaine de demandeurs
dasile, le temps que leur soit reconnu le statut de rfugis et quils intgrent des dispositifs daccompagnement , prcise Jean-Jack Queyranne. Il propose galement lattribution de dix bourses rgionales pour laccueil dtudiants syriens sur les trois prochaines annes. Des mesures qui semblent en adquation avec les engagements de la France au sein de lUnion europenne, sur fonds de campagne lectorale pour la prsidence de la rgion. Mais a quelques semaines des lections de dcembre, il nest pas certain que ces mesures soient toujours dactualit si Jean-Jack Queyranne venait cder la prsidence rhnalpine.
Arnaud Bastion
Ancien site de la Rgion : un coup
mdiatique
Pour Laurent Wauquiez, candidat de la droite et du centre aux lections rgionales en Auvergne-Rhne-
Alpes, la dcision de rouvrir lancien site de la rgion aux rfugis nest pas raisonnable, voire irresponsable. Interrog le 21 novembre dernier lors dune runion publique Charbonnires-les-Bains, o il prsentait
son projet damnagement du prcdent site de la rgion (lire ci-aprs), lancien ministre a qualifi de simple coup mdiatique la mesure annonce par Jean-Jack Queyranne. Ce nest pas parce que des locaux ne sont pas utiliss que lon va y mettre nimporte qui, nimporte comment a prcis Laurent Wauquiez. Pour lui, laccueil des rfugis doit se faire en lien avec des structures ddies, dans des installations tudies pour, avec des associations qui peuvent les accompagner, notamment pour une insertion dans lemploi . Il rajoute mme que cest une dcision irrespectueuse vis--vis des personnes accueillies tant les anciens locaux de la rgion tombent en ruine. Bref, les campagnes rgionales sont bien lances.
La Mtropole en point de chute, mais pour quel accueil ?
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Parmi les 24 000 rfugis que la France sest engage accueillir dans les deux prochaines annes, 2500 sont attendus dans la rgion Rhne-Alpes.
Quentin Lachse
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lOuest, rien de nouveau
Les ventuels visi-teurs sont prve-nus, une gigantesque pancarte les avertit : Espace sous protection lec-tronique . Le portail donnant sur la route nationale 7 est ver-rouill par une grosse chane et un cadenas la hauteur Bien malin celui qui arrive-ra le dfaire discrtement. A lentre, dans un espace vitr, des documents : des arrts, des dcisions de votes des papiers dats de 2011. Le parking, tout de suite derrire le portail, na pas vu une seule goutte de dsherbant depuis sans doute trs longtemps. On devine encore les places en gravier sous lherbe. Autour du btiment qua-si labandon, cest le flou qui rgne. Les langues ne se dlient pas aussi facilement quon le voudrait. Un appel la vente a t lanc. Dici quelques mois, cest une autre entreprise qui investira les lieux, annonce la Rgion, par tlphone. Des logements, un
centre de congrs, des bu-reaux et des commerces oc-cuperont les dix hectares de terrain. En attendant, la Rgion a propos aux associations doc-cuper les lieux . Mais quand on se rend sur cet ancien site administratif : personne La mairie de Charbonnires ne nous laissera entendre que rien na t sign. Il y a bien un pro-jet de cration de logements so-ciaux qui a t lanc, mais rien de concret.
Les associations se sentent mises de ct
Pour en savoir un peu plus sur ce lieu construit par la Rgion en 1974, il faut se tourner vers lassociation des familles de Charbon-nires-les-Bains. Sgolne Detaisne, prsidente de las-sociation, explique quil y a un an, la rgion avait dj ou-vert les portes de son ancien sige social : A lpoque, il ne sagissait pas que de rfu-gis ou de migrants. Ctait en priode hivernale, les
gens taient accueillis dans ces lieux, mais nous navons pas pu nous y rendre. Nous avions fait une collecte de denres alimen-taires pour toutes ces familles, et cest tout. Mme discours du ct de lassociation Pierre Valdo, lun des responsables, Ivan Courriol, exprime aussi cette sensation de flou. On na jamais trop compris ce quil se passait. Rendez vous compte, le btiment est protg ! Il y a des camras de surveillance, des vigiles, des alarmes. En d-but danne, nous nous sommes mobiliss avec les gens de lasso-ciation pour que les personnes puissent avoir un toit. Ils ont eu droit des constructions en prfabriqu.
Un accueil mitig
Sur place, aucune trace de tout cela. Pas de vigile, pas de camra lentre du por-tail. Il est dailleurs trs facile de sy introduire en passant sous le portail situ chemin Beckensteiner. Il est vrai que si des amna-gements doivent tre faits, ils
seront minimes, assure la R-gion.Le responsable de lassociation Pierre Valdo ajoute son avis laccueil des Charbonnois. Nous sommes en plein Ouest lyonnais. La population l-bas est bien plus exigeante et a des at-tentes diffrentes des populations de lEst de Lyon. Jai le sentiment quil y a de la mfiance.Sur place, les riverains sont par-tags : Lan dernier, il y avait eu quelques inquitudes sur la venue de personnessur le site de la Combe , raconte une rive-raine du centre ville, peine quelques centaines de mtres des btiments labandon. Nous mme on savait pas quoi penser. Et puis, on les a croiss dans la rue, on voyait quil ne se passait rien de particulier.On fi-nissait par leur dire bonjour. [] Ctait des gens finalement trs charmants. Avant dajouter : Sil y en dautres qui doivent venir, ce nest pas un problme. Ce tmoignage sera le seul que nous aurons pu recueillir. Beau-coup ne sont pas au courant de la venue de rfugis.
Quentin Lachse
Lancien site de la rgion Rhne-Alpes pourrait accueillir quelques rfugis dans les prochains mois. Quentin Lachse
Une vision davenir droite pour lancien site de la Combe
Laurent Wauquiez, tte de liste centre et droite, est candidat la tte de la future grande rgion Rhne-Alpes-Auvergne. Et le moins que lon puisse dire, cest quil a de grandes ambitions pour ce site. 5 000 m de btiments ddis quelque 1 200 tudiants qui apprendront, dans lancien htel de Rgion, les mtiers du numrique. Il a dj fait appel un cabinet darchitecte pour donner une perspective davenir aux habitants de Charbonnires, venus au petit meeting organis le 21 novembre. Lide est de se baser sur le modle amricain, avec rutilisation de ce qui a dj t fait et la part belle la nature sur les 10 hectares de terrain. Quant aux migrants qui de-vaient tre accueillis, ils sont absents du projet. Personne ne sait o ils iront. Mais le candidat assure quil garde lesprit que le prfet aura le dernier mot. Il veut dailleurs en discuter avec lui. Le projet pourrait se concrtiser par les premires tudes en 2017.
Ctait une promesse de Jean-Jack Queyranne. Lancien btiment qui abritait le conseil rgional de Rhne-Alpes a t mis la dispo-sition du Dpartement pour accueillir des rfugis. Le site, situ dans lOuest lyonnais, reste pourtant bien mystrieux. Et ne semble pas servir la cause des migrants.
La Mtropole en point de chute, mais pour quel accueil ?
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Comment se positionnent les Dans la mtropole lyonnaise, les avis divergent. Faut-il accueillir ou non des rfugis? Comment les prendre en charge? Com-ment ragit la population locale? Plusieurs villes affichent des points de vue radicalement diffrents ce sujet. Cest notamment le cas des mairies de Villeurbanne et Rillieux-la-Pape. Ces municipalits sexpriment pour Ex Aequo.
Ils seront 24 000. 24 000 rfugis tre accueillis en France sur les deux prochaines annes selon Franois Hollande, qui sexprimait sur le sujet lors de sa confrence de presse du 7 septembre dernier, lElyse. Le Prsident de la Rpublique affirmait : Cest le devoir de la France. Le droit dasile fait partie intgrante de sa chair, de son me. Cest lHistoire qui appelle cette responsabilit. Dans plusieurs villes de lagglomration lyonnaise et plus particulirement Villeurbanne, le message semble avoir t entendu. Trs vite, Jean-Paul Bret, le maire PS de la ville se positionne en faveur de laccueil de migrants dans sa commune. Un choix expliqu par Franois Rysto, directeur de cabinet la mairie de Villeurbanne: Cela tient la nature de la ville. Villeurbanne sest construite en se peuplant presque exclusivement de migrations extrieures au cours du XXme sicle. Sont arrivs des Espagnols, des Italiens, des Portugais qui venaient pour chercher du travail mais aussi pour fuir le rgime politique de leur pays. Puis ce sont les populations dAfrique du Nord qui sont venues pour travailler. En un sicle, Villeurbanne passe de 20 000 145 000 habitants et devient la 20me municipalit la plus peuple de lHexagone. la mairie, on a dcid que le slogan de cette ville, ctait : Tous venus dailleurs, tous devenus dici. Il y a une tradition daccueil chez nous, et il ny a pas de raison que cela change aujourdhui , poursuit Franois Rysto.Alors que la crise des migrants accapare la sphre mdiatique et que la photo dAylan Kurdi, ce jeune migrant syrien de 3 ans, retrouv mort noy sur une plage de Turquie fait le tour du monde, certaines voix slvent pour dnoncer le manque de ractivit des autorits comptentes. Interrog ce sujet par Lyon Capitale, Jean-Paul Bret
dfend sa position : Laccueil, cest notre quotidien, mais on nen parlait pas de la mme manire. Lactualit ne nous conduisait pas en parler comme aujourdhui. Des dclarations appuyes par Franois Rysto : On a rapidement pris conscience de limportance daccueillir des migrants venus de Syrie ou dIrak puisque depuis plus dun an, nous en recevons ici, la mairie. Au dbut, il sagissait de mdecins, de professeurs de fac avec des moyens financiers mais aussi des moyens intellectuels. La plupart dentre eux parlaient dj franais, ils avaient un rseau de relations en Occident et sont venus ds que la situation a commenc senvenimer dans leur pays. Ces gens-l arrivent avec leurs enfants et nous demandent de les aider. En gnral, ils se dbrouillent trs vite et en trois semaines, un mois, ils sont sortis daffaire et ont trouv un logement et pour certains mme, un travail . Mais petit petit, Franois Rysto observe un changement au fil des semaines : les rfugis qui toquent la porte de la mairie sont issus de populations de moins en moins favorises, des zones rurales du nord-est de la Syrie ou du nord de lIrak. Ces personnes nont pas dexprience urbaine et baragouinent un anglais approximatif. La municipalit dcidait alors de ragir en prenant en charge ces personnes qui ne prsentaient aucune capacit
dintgration rapide la socit.
De la jungle de Calais au centre Forum rfugis
de Villeurbanne
Laccueil des migrants dans la mtropole lyonnaise et Villeurbanne prend une nouvelle tournure le 28 octobre dernier. Le gouvernement, souhaitant mettre un terme la suroccupation du
centre de Calais, demande la Mtropole de Lyon daccueillir certains migrants de cette jungle . 50 rfugis (49 hommes et une femme) originaires dErythre, du Soudan et dEthiopie dbarquent alors au centre de transit de Forum rfugis Villeurbanne sous lil de Michel Delpuech, le prfet de la Rgion Rhne-Alpes. Aujourdhui, un mois aprs leur arrive, ces migrants sont toujours au centre de transit o leur situation lgard du droit dasile est en cours dexamen. Une tape qui ncessite gnralement entre trois et six mois. Au terme de cette priode, ces individus obtiennent ou non le statut de rfugi politique, qui leur garantit les mmes droits quun citoyen franais. Dans son interview accorde Lyon Capitale, Jean-Paul Bret expliquait que cet accueil de migrants soudanais, thiopiens, syriens ou irakiens devait tre structur sur le moyen terme : Pour tre efficace, il faut dpasser lacte compassionnel immdiat. Des familles accueillies dans dautres familles, si elles ne sont pas mises dans un parcours, elles vont tre isoles. Il faut leur offrir des perspectives . Franois Rysto prcise : Au centre de transit, ils sont confronts des professionnels qui examinent leur situation, leurs possibilits de travailler, de scolariser leurs enfants, dobtenir un accs au logement et aux soins. Tout cela seffectue dans des structures encadres par des pros et dautres associations avec lesquelles on a lhabitude de travailler. lheure actuelle, la municipalit de Villeurbanne travaille uniquement sur laccueil de ces 50 rfugis africains. En effet, les migrants syriens et irakiens ne sont pas encore arrivs et la mairie affirme ne pas avoir dinformation prcise quant leur venue. En attendant, la commune a ouvert un numro de tlphone pour les Villeurbannais
prts accueillir des migrants dans leur foyer puissent sinscrire. Spontanment, on a eu 50 60familles qui nous ont donn leur nom, leur adresse , affirme Franois Rysto. Les migrants passeront donc par le centre de transit avant de pouvoir peut-tre rejoindre ces familles dans leur domicile.
Des critiques acerbes dans lopposition
Cette politique daccueil orchestre par Jean-Paul Bret, le maire socialiste villeurbannais, na pas manqu de soulever les critiques de lopposition. Jean-Wilfried Martin, prsident du groupe Les Rpublicains Villeurbanne, dnonce une forme dinstrumentalisation politique. Il prcise : Linstrumentalisation politique qui a t faite Villeurbanne, a a t de dire : Regardez, nous accueillons des populations migrantes mais les autres maires, eux, refusent. Cest bien gentil de donner des leons de morale comme a dautres lus, quand on est maire dune ville comme Villeurbanne avec des budgets assez importants, alors quil y a des problmatiques dans dautres communes qui peuvent tre beaucoup plus difficiles grer. Rillieux-la-Pape, le maire Alexandre Vincendet (Les Rpublicains) va plus loin et accuse Jean-Paul Bret de clientlisme et dlectoralisme.Des propos fermement condamns par Franois Rysto : Parler dlectoralisme en parlant des migrants, cest mconnaitre la ralit car ce ne sont pas des gens qui votent. Ils ne viennent pas dans un but de passer toute leur vie ici, ils chappent la guerre, la misre, la mort. Parler dlectoralisme quand on leur tend la main, cest exagr. Nous sommes conscients que toute
ENQUTE
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la population nest pas daccord avec la politique daccueil de la ville. Si nous navions pas de lieux pour les accueillir, on ne le ferait pas, mais aujourdhui, nous avons la capacit dagir et la volont de le faire, donc on le fait.
Un accueil qui ne fait pas lunanimit
Si certaines villes ont annonc leur dsir de rpondre lappel du gouvernement en acceptant
daccueillir des migrants sur leur territoire et en mettant en place une situation propice un accueil dcent, dautres sont plus timides et freinent des quatre pieds. Dans lagglomration lyonnaise, quelques villes ont exprim leurs rticences au prfet du Rhne dlgu lEgalit des chances, Xavier Inglebert, sur leur choix daccueillir des migrants afin de rpondre lappel du gouvernement. Cest le cas de Saint-Priest, ville de plus de 40000 habitants. Pour le maire, Gilles Gascon (Les Rpublicains), il est ncessaire de trouver des solutions
aux problmatiques actuelles de la ville. On a 5 000 demandes de logement en attente. Je me vois mal ne pas rpondre en priorit des gens qui attendent depuis cinq ou six ans , avait-il dclar Rue89Lyon. De plus, il a galement expliqu que dautres villes de Mtropole de Lyon ont davantage de moyens pour accueillir des rfugis : Il y a certainement des communes ayant moins de problmes de logements sociaux que nous, pouvant rpondre lafflux des migrants. Contacte, la mairie de Saint-Priest a expliqu que le maire naurait pas le temps de rpondre nos questions afin dexpliquer son choix. Ce dernier argument a galement t voqu par le maire de Villefranche-sur-Sane, Bernard Perrut : Nos efforts en termes de solidarit, dj significatifs ici, trouvent dautant plus leurs limites que lEtat baisse de manire trs importante les aides financires ncessaires pour rpondre aux besoins et attentes des habitants. Avec 57 % de logements sociaux, Alexandre Vincendet, maire de Rillieux-la-Pape, estime quil nest pas en capacit daccueillir ces migrants : Je suis lune des communes qui a le plus de logements sociaux sur la Mtropole lyonnaise. Il estime galement avoir dj fait des efforts en mettant disposition 60 places dhbergement durgence dans le quartier Ostrode : En continuant tre gnreux dun ct, mme sil y a dj 57 % de logements sociaux dans la commune, cela me permet de dire de lautre ct : moi jai donn, maintenant chacun de faire un effort. Le fait davoir t gnreux ce moment-l, me permet aujourdhui de donner un non ferme et dfinitif, totalement compris par ltat . Certaines communes refusent galement pour des raisons de cots. Ltat attribue 1000 euros par migrant. Un cot drisoire pour les maires qui estiment que laide nest
pas suffisante lorsquil faut prendre en charge les soins, le logement, les dmarches administratives, lducation, etc. Quand vous avez 57 % de logements sociaux, forcment les dpenses sociales ne sont pas les mmes que dans une ville o vous avez 6 % de logements sociaux. LEtat dun ct dit Soyez gnreux, accueillez-les , et de lautre ct on dit Vous avez 1000 euros par migrants . Cest une insulte lintelligence. Avec cette somme on tient dix jours maximum , sexclame Alexandre Vincendet. Pour Jean-Wilfried Martin, il faut aussi tenir compte des capacits daccueil long terme: Il est aussi difficile daccueillir des migrants car dans certaines communes, comme Villeurbanne, car les coles sont arrives au maximum de leur capacit daccueil, donc accueillir des familles o les enfants doivent aller lcole, cela pose problme. Ils vont galement avoir accs aux centres communaux daction sociale donc ce sont des budgtaires supplmentaires. Ce qui nest pas compatible avec la baisse des dotations de lEtat.
Jusqu prsent, on a cr des ghettos de riches
et des ghettos de pauvres
Une autre raison linquite. Il ne faut pas rajouter de la difficult la difficult, de la misre la misre, un argument quil exprime haut et fort et pour lequel il a son explication. Selon lui, pour les villes qui sont dj en grande difficult, ce nest pas raliste de leur imposer des rfugis . La question de la mixit sociale est souleve : Des communes comme Saint-Fons ou Feyzin, sont dj en grande difficult, vous ne pouvez pas demander den rajouter encore et encore. Soit un moment, on est un peu raliste et on se dit que la mixit sociale, a va dans les deux sens, soit vous
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Il ne faut pas rajouter de la dif-ficult la difficult. Alexandre Vincendet, maire de Rillieux-la-Pape. LauraTurc
Il y a une tradition daccueil chez nous, et il ny a pas de raison que cela change aujourdhui. Franois Rysto, directeur de cabinet du maire de Villeurbanne. LauraTurc
villes de la Mtropole de Lyon?
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ENQUTE
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continuez entasser et vous voyez ce que a peut donner avec les derniers vnements. Avant dajouter : Jusqu prsent, on a cr des ghettos de riches et des ghettos de pauvres. Et la mixit, a vaut aussi bien pour lun que pour lautre. Franois Rysto ne partage pas son avis: Je comprends ce quils disent mais en revanche pas leurs dcisions. Alexandre Vincendet nest pas du ct de la tolrance et de laccueil. Ce quil craint, cest quil a du logement social avec des familles en difficult et des jeunes de quartier, cest ce quil appelle la difficult. Et les migrants, pour lui, cest une difficult en plus. Nous ne sommes pas du tout daccord avec lui. Pour nous, les gens qui arrivent de lextrieur, ce nest pas une difficult mais une volution, quelque chose de positif. Selon le maire de Rillieux-la-Pape, la majorit de ses habitants serait plutt contre cet accueil: Jai plus de 72 nationalits Rillieux, donc ici, la diversit, on sait ce que cest. Quand vous avez des personnes qui sont issues de la diversit et de limmigration et qui viennent vous dire Monsieur le Maire, il y a trop dtrangers dans notre cage descaliers ou dans notre barre dimmeuble , a interpelle, confie Alexandre Vincendet. Et vous en avez dautres qui vont vous dire Stop, maintenant, a suffit, dcommunautarisez les quartiers . Cest demand par une grande majorit de ces personnes dans les quartiers, quelle que soit leur
origine, quelle que soit leur religion et quelle que soit leur condition.
Accueillir mais une condition: uniquement
desrfugis syriens chrtiens
Alors que certaines villes exposent des arguments lis leur budget, leur capacit matrielle daccueil ou encore aux problmes sociaux quelles rencontrent dj, dautres vont plus loin et brandissent largument religieux. Cest notamment le cas de Roanne, ville de plus de 35000 habitants dans la Loire, et de Charvieu-Chavagneux, ville de plus de 8000 habitants dans le Nord-Isre. Le maire de Roanne, Yves Nicolin, (Les Rpublicains) et le maire de Charvieu-Chavagneux, Grard Dezempte, sont prts accueillir des rfugis dans leur commune mais avec une condition : il faut que ce soit des rfugis syriens chrtiens. Si la France dcide daccueillir sur son sol un certain nombre de familles et quelle dcide de les intgrer, cest--dire de leur donner des papiers, la ville de Roanne pourra jouer ce rle-l, accueillir peut-tre une dizaine de familles mais la condition quil soit bien question de rfugis chrtiens qui sont perscuts parce que chrtiens en Syrie, par Daech,
avait dclar France Bleu Yves Nicolin. Il avait expliqu et justifi ses propos 20minutes: Il nest pas question de dire je ne veux que les chrtiens ou que les musulmans . Cest une question de scurit. On est dans lurgence. Et ceux pour lesquels on aura le plus rapidement une analyse, ce sont les chrtiens. On a la quasi-certitude quils ne seraient pas infiltrs par dventuels membres de Daech. Une question de scurit est galement largument avanc par Grard Dzempte: Les chrtiens ne mettent pas en danger la scurit dautrui, ils nattaquent pas les trains arms de kalachnikov, ils nabattent pas des journalistes runis au sein de leur rdaction. La mairie de Charvieu-Chavagneux a t contacte, mais le maire na eu le temps de rpondre nos questions. Les propos ont vivement fait ragir les associations dfendant les droits de lhomme. SOS Racisme en Rhne Alpes a port plainte contre le conseil municipal de Charvieu-Chavagneux pour incitation la haine raciale et la discrimination. La Ligue des droits de lhomme avait jug les propos du maire de Roanne de discriminatoires .Le 13 novembre dernier, Paris, des terroristes de Daech ont sem la terreur dans les rues de Paris. Deux dentre eux avaient profit du flux de migrants pour rejoindre lEurope en se faisant passer pour des rfugis
syriens.Pour Alexandre Vincendet, ces vnements ne vont pas contribuer amliorer lopinion publique propos de laccueil des migrants : Cela va enlever une forme danglisme. Il va y avoir une prise de conscience. A un moment, il faut que les autorits prennent leurs responsabilits et aprs cest chaque citoyen de voir les choses telles quelles doivent tre. Aujourdhui, dans les quartiers il y a des tags vantant les actes des terroristes, il y a des plaisanteries, des interpellations, il y a des conflits avec les forces de police. Jusqu maintenant ctait vu comme quelque chose danodin, mais on se rend compte que ce ntait pas anodin. Pour Jean-Wilfried Martin, depuis les attentats, on constate sur les marchs, en discutant avec les habitants quil y a une certaine rticence des Villeurbannais accueillir les migrants. On peut alors se poser la question: savoir sil ny a pas potentiellement des risques. Il faut tre mfiant.. Selon Franois Rysto: Ces vnementsne vont rien changer par rapport laccueil des migrants. Il poursuit: Je pense que les gens vont parfaitement comprendre, ils savent faire la diffrence entre des personnes qui commettent des attentats et des personnes qui viennent ici pour fuir ces attentats, et les mmes doctrines.
Laura Turc & Maxime Feuillet
Quand vous avez des personnes qui sont issues de la diversit et de limmigration et qui viennent vous dire Monsieur le Maire, il y a trop dtran-gers dans notre cage descaliers ou dans notre barre dimmeuble , a interpelle . Alexandre Vincendet. LauraTurc
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Tout est une question dorganisation
Xavier Inglebert est le prfet du Rhne dlgu lEgalit des chances. Exquo la rencontr dans son bureau, la prfecture de Lyon. En toute simplicit, il explique la position de ltat dans la question de laccueil des rfugis et des demandeurs dasile.
Savez-vous o se trouvent actuellement les 2 500 migrants attendus enRhne-Alpes?Les migrants syriens ou irakiens attendus dans la rgion sont pour lheure dans ce que lon appelle les hotspots, situs en Grce et en Italie. Ils font lobjet dinscriptions, didentifications et font une demande pour rallier tel ou tel pays. Le processus pilot par lEurope est donc bien en cours.
Sous quels statuts ces migrants arrivent-ils?Alors, il faut bien diffrencier deux grands types de migrants. Dabord, il y a une minorit qui dispose dj du statut de rfugi. Un statut qui leur a t accord par des organismes comme lOffice franais de protection des rfugis et apatrides (Ofpra), directement sur les hotspots. Et des rfugis qui arrivent de faon perle, en fonction des appartements qui ont t mis disposition. Puis, il y a la deuxime catgorie, la plus importante. Celle des demandeurs dasile. Un statut part entire. [NDLR: Voir notre article page 20].
La procdure prend du temps, y a-t-il eu des amliorations?Effectivement, le processus complet est relativement long, environ deux ans. Mais il y a une rcente loi qui a t vote dans un but de rduction des dlais. Le rapporteur, le snateur rhodanien Franois-Nol Buffet, a permis par cette loi une simplification des procdures qui ramne les dlais seulement neuf mois.
Ce sera la mme chose pour les migrants syriens qui arriveront bientt?Pour eux, il y aura un dispositif particulier. La procdure de dlivrance du statut ne devrait pas dpasser quatre mois. Sachant quhabituellement, lOfpra accorde le statut de rfugi un demandeur sur quatre, les taux seront naturellement diffrents dans cette situation dextrme urgence.
Aprs lobtention du statut de rfugi, que se passe-t-il pour ces personnes?Aprs les quatre mois dinstruction du dossier et lobtention du statut de rfugi, ils ne resteront pas forcment dans le dpartement. Ils seront rpartis dans toute la France. Ce statut donne ensuite le droit au RSA et aux diffrentes allocations.
Quelles sont vos ambitions pour ces migrants et rfugis? Notre objectif ce nest pas seulement de les loger, cest aussi de les accompagner. Nous les plaons dans des logements qui offrent un terrain favorable leur insertion. Pour quils puissent intgrer notre socit. Cela passe par un certain nombre de structures, associations qui sont proximit pour les aider au quotidien.
Dans le Rhne, comment allez-vous les rpartir? Dans des logements existants? Concernant les logements, tous ces migrants qui vont arriver, je ne sais pas qui ils sont, combien ils sont, combien il y a de familles... On a ici un guichet unique qui permet de les accueillir dans des conditions plus favorables et pratiques administrativement parlant. Cela rduit encore les temps de traitement. En France, il y a du logement social vacant. Quand je dis logement social, je parle plutt de logement aid*. Il arrive souvent que des logements aids soient plus agrables que certains logements privs. Les constructions sont faites avec le cahier des charges impos par ltat. Ce sont donc les dernires normes qui sont en vigueur.
Mais on ne peut pas tous les mettre Lyon par exemple. Non, videmment, cest compliqu en ville. Dans louest du dpartement, on a des taux de logements vacants de lordre de 10 15 % en fonction des endroits. Cest non ngligeable. Je pense quil y aura ensuite une rorientation des personnes sur tout le territoire franais. Mais, je le rappelle, pas de logement sans un environnement favorable. On a, la prfecture, une personne en service civique, qui liste toutes les associations, les personnes qui proposent leur aide Avec ce listing, on voit o lon peut les rpartir.
Mais vous ne vous concentrez que sur des logements sociaux/aids? On a souvent des personnes qui viennent spontanment et qui nous disent: Jai un appartement qui a une pice de libre, on peut accueillir des gens quand vous voulez. Cest trs gentil de leur part, mais cest une solution pour une semaine, voire deux. Dans notre cas, on parle de dures pour six mois. Les logements attribus par ltat ne sont que des lieux de transition.
Propos recueillis par Quentin Lachse et Arnaud Bastion
*Xavier Inglebert insiste sur le fait que 67 % des Franais peuvent prtendre ce type de logements.
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Quentin Lachse
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La parole aux Lyonnais
Je ne suis pas un centre daccueil
La conjoncture conomique actuelle nest dj pas simple pour prendre denouvelles responsabilits
On ne peut pas accueillir toute la misre du monde, mais on peut essayer de venir en aide ceux qui viennent chez nous
tes-vous pour ou contre laccueil de rfugis Lyon ?
Totalement contre Pour
Pour, mais...Contre
Oui
Non
Si oui, tes-vous prts personnellement les accueillir chez vous ?
Sondage ralis par Malys Erissy auprs de 827 Lyonnais du 5 novembre 2015 au 11 novembre 2015 (sexe, tranches dges, formations et toutes orientations politiques confondus)
Ltat a bien les moyens de les accueillir, pas moi
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OPINIONS Pour ou contre laccueil des rfugis ?
Quon soccupe dabord des Franais en dtresse
Libert, galit, FRATERNIT
Entre guillemets, quelques propos recueillis par certains sonds par la rdaction
23,8%
14,9%
36.9%
25.3%
82.6%17.4%
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Il ne faut pas jeter la pierre aux Franais en parlant dintolrance
Dune faon gnrale, comment peut-on interprter les rsultats dusondage obtenu ?
Au sujet de ce quil se passe en ce moment, sur ce rel flux migratoire, les chiffres ne mtonnent pas vraiment. Que ce soit la proportion de personnes pour ou contre. Il faut savoir que toute socit humaine est spontanment ferme ltranger, et prouve une certaine xnophobie. Attention, ne pas confondre avec le racisme ! La xnophobie, cest la peur de lautre, peur que linconnu vienne dranger ses habitu-des. Je pense que beaucoup de personnes ne sont pas totalement contre laccueil des rfugis mais uniquement dans une certaine mesure, car la question quils se posent est : Comment va-t-on sorganiser si lon accueille tout le monde ?
Comment faut-il prsenter ce phnomne migratoire pour quilsoit davantage accept par la socit ?
La solution principale serait de changer limage des migrants. Il faut les prsenter dune autre manire. Dans lidal, il faut queux-mmes soient ouverts la culture du pays qui les accueille, et surtout ne pas ragir comme si leur intgration tait quelque chose que leur doive les citoyens lyonnais. Il y a l un problme daltrit. La solution serait de ne pas prsenter lautre comme diffrent mais bien comme semblable, se focaliser sur les points communs de chacun afin de mieux cohabiter. Il ne faut plus prsenter le migrant comme un tre souffrant, que lon doit protger mais comme un tre qui a aussi apporter quelque chose notre socit.
Une majorit de personnes qui sont contre laccueil des migrants Lyon mettent en avant un devoir de solidarit prioritaire envers les Franais, notamment les sans-abri. Quen pensez-vous ?
Au sujet des sans-abri franais, ceux qui prsentent cet argument nont pas tout fait tort. En effet, il faudrait aider tout le monde de la mme faon. Prenons lexemple dune situation trs reprsentative de ce quil se passe souvent : si une femme seule franaise avec un enfant est dans lattente dun logement social depuis huit mois, une famille de six migrants sera susceptible en deux mois dobtenir ce mme logement pour une question durgence , par le simple fait quils sont plus nombreux. Cest exactement cela qui ne fonctionne pas et qui emmne ce genre dargument. Cest l un problme de justice, dans lequel il faut analyser la complexit de chaque situation, qui nest pas chose facile.
tre contre laccueil des migrants signifie-t-il tre raciste ?
Il ne faut pas faire damalgame, les Lyonnais et la France ne sont pas racistes. Pour le justifier, il faut simplement se pencher sur lhistoire de limmigration. Les premires gnrations de nationalit diffrente sintgraient trs bien. Cest partir des annes 68, au moment de la crise, quune contre-socit sest constitue, entranant une certaine animosit envers ltranger et crant cette peur de la concurrence. Cest un peu ce que lon retrouve maintenant.
Comment percevez-vous le refus daccueillir un migrant chez soi, malgr la proportion de personnes favorables laccueil des migrants sur le sol lyonnais ?
Cest le modle franais lui-mme qui entrane ce genre de raction car, en France, les citoyens ont une tendance tout attendre de ltat. Ce, la diffrence des pays anglo-saxons ou scandinaves qui ont un devoir de charit bien eux. Il ne faut pas jeter la pierre aux Franais en parlant d insolidarit , quelque soit leur choix. De plus, ce serait trs culpabilisant !
Propos recueillis par Malys Erissy
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OPINIONS Pour ou contre laccueil des rfugis ?
Lucien Oulahbib, docteur en sociologie, crivain et professeur dhistoire des mdias, porte une analyse complte, travers cet interview, sur les rsultats obtenus lors du sondage prcdent. Une enqute ayant pour but dillustrer, ainsi que de justifier, la
volont ou lapprhension des Lyonnais en ce qui concerne laccueil des migrants dans la ville.
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VISAGES
Un visa pour lEurope
Nous avons voulu savoir et connatre lhistoire des principaux concerns. Nous nous sommes rendus dans diffrents lieux, et diffrents quartiers. Famoro, un rfugi mineur, Joseph, un Irakien en France depuis plus de vingt ans, Anne-Claude et Antoine ayant accueilli Moh, sont des exemples parmi tant dautres. Quoi quil en soit, ceci est leur histoire.
DOSSIER
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Une personne est au guichet de lOfpra pour la rgularisation de ses papiers. Certains attendent leur tour depuis plus de cinq heures. Marie Jrome
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tre mineur et rfugi
la mort de son pre en 2010, il rejoint son oncle, limam du village voisin. Ne se doutant pas quil lui imposerait lcole coranique, il dcide de retourner Bamako. Il y retrouve cette femme. Cette mamie , comme tous les enfants du quartier lappelle. Au Mali, on se partage les maisons, les enfants des uns sont les enfants des autres et la vie en communaut na pas meilleure dfinition. Elle ne peut cependant pas lassumer financirement. Un de ses amis lui propose de lhberger. Il loue sa remorque des particuliers et gagne de quoi nourrir deux bouches. Quelques mois plus tard, il dit Famoro : Tout est organis, nous partons demain pour la France.
Les petits enfants pleuraient dans les bras de leur maman
Au dpart de Gao, tous deux montent dans une 4x4 Cruser avec une trentaine de personnes bord. Ils se dirigent en direction de Kidal au nord-est du pays. Alternant marches nocturnes interminables, trajets dans des voitures aux airs de voyages mortifres, lui et son ami parviennent atteindre lAlgrie quelques semaines plus tard. Famoro a toujours ces quelques photos dans son sac dos et son livre de franais. Un pav de quelques centaines de pages. Ils voyagent en bus, en voiture et parviennent tous deux Melilla. Melilla, enclave espagnole sur le rif marocain, est une de ces terres stratgiques pour les migrants. Ils se comptent par centaines. Les rochers sont vertigineux. Les gens y dorment mme la pierre. Il y a des enfants, des vieilles femmes, des vieillards. Famoro y restera trois mois. Il y perdra toutes ses affaires et son ami avec. Je ne sais mme pas sil est encore vivant. Famoro parvient trouver un bateau grce un vieux monsieur qui lui paie le trajet. Cest un petit bateau moteur, o prs dune centaine de personnes sont entasses. Les petits enfants pleuraient dans les bras de leur maman , confie Famoro. Arriv sur la plage de Malaga en Espagne, il se confronte pour la toute premire fois aux autorits. Elles prennent ses empreintes et le laissent partir, retrouver lami de son pre qui y vit depuis des annes. Famoro restera cinq mois sur le sol espagnol. Lami de son pre, qui avait prvu de retourner au Mali, rcupre son acte de naissance Bamako. Famoro peut alors partir en bus pour la France : Madrid, Bilbao, Lyon.
Cest trop dur de dormir dehors
Nous sommes au mois de fvrier. Famoro a 15 euros en poche. Il attend la gare Perrache abasourdi par la situation. Un homme dcide de lemmener au commissariat de la Guillotire, esprant quil dormira au chaud cette nuit-l. Les policiers lui posent une multitude de questions. Ils prennent ces empreintes et lemmnent la MIE (centre de ressources pour mineurs isols trangers). Il ny a pas de place, retournez la gare , lui dit-on.
DOSSIER
Famoro dormira dans la rue pendant deux mois avant de revenir au commissariat : Ctait trop dur de dormir dehors . Les policiers lemmnent laroport voir la police aux frontires. Il refusera les tests osseux quil juge dgradants , avant daccepter aprs 48 heures de garde vue. ce moment prcis, la juge, Stphanie Robin, soccupera de son dossier.
De mai aout, il alternera foyers pour mineur et chambres dhtel temporaires, ponctus par des rendez-vous hebdomadaires au 9earrondissement pour se rendre au cabinet de la juge pour enfant. Puis, il est envoy Paris. Il doit chercher son passeport au consulat du Mali. De retour Lyon, Famoro est lgitime pour avoir laccs un logement viable et lducation.
Depuis le mois de septembre, il est hberg dans les logements Majo, Vnissieux. Une chambre de 12m2 o il possde un petit frigo et une plaque de cuisson, une salle de bain et des WC individuels. Il fait chaud, et les draps sont lavs une fois par semaine. Il reoit aussi 15 euros par semaine, avec 100 euros de chque-restaurant par mois. Je cuisine du gombo et du maph avec a. a me rappelle mon pays . Depuis le dbut du mois doctobre, Famoro va lcole en seconde technologique au lyce Edmond Labb, Oullins. Il a t accept dans la classe CIT (Cration et innovation technologique). Jusqu mes 18 ans, je pourrai rester dans le foyer. Aprs, je ne sais pas comment a va se passer. Lincertitude face lavenir rgne en maitre, mais ce qui importe aujourdhui Famoro cest trouver un patron . Si Famoro avait su avant que la France ntait pas cette terre daccueil, cette terre soit disant des droits de lhomme , il ne serait jamais venu.
Marie Jrme
Famoro a 17 ans. Il est n et a grandi Bamoko. Aujourdhui, il tudie au lyce technique dEdmond Labb, Oullins. Cest un mineur isol , comme le qualifie ladministration franaise. Je le rencontre pour la premire fois lors dune manifestation concernant le droit des rfugis. Personne nest illgal , peut-on lire sur les banderoles. Je sympathise avec Famoro et dcide de le revoir chaque semaine pour suivre ses dmarches, ses joies et ses malheurs. Cet article est son histoire.
Durant une exposition de Hans Sylvester Les enfants berges , Famoro immortalise cet enfant jouant loigner les oiseaux des champs de crales : Je faisais a quand jtais petit Marie Jrme
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Il avait deux pieds chez nous, la tte et le cur en Syrie
Cest le dbut de la vraie vie Un couple lyonnais, Anne-Claude et Antoine, a accueilli un rfugi syrien, Moh, g de 31 ans, pendant prs de six mois. Six mois de dmarches administratives, longues et compliques. Mais galement six mois dchanges, de moments conviviaux, comme de conflits familiaux. Une exprience complexe et riche la fois , pour Antoine et Anne-Claude, mais qui a galement t le point de dpart dun nouveau monde pour Moh.
Antoine, dorigine russe, a cependant vcu jusqu lge de 15 ans, en Syrie, Damas. Il a poursuivi ses tudes suprieures en France, mais a gard de nombreux contacts amicaux l-bas. Juste avant Nol, lorsque la guerre syrienne tait dj importante, Antoine se faisait normment de soucis pour les fils dun de ses amis. Notamment pour lan, Moh, qui allait, sans tarder, tre accapar pour partir larme. Ce qui fut effectivement le cas. Mais il a russi schapper et est parti en direction du Liban, Beyrouth. Cest
dans ce contexte-l quAntoine a demand sa femme sils pouvaient accueillir ce jeune homme chez eux. Jai dit oui sans vraiment hsiter, tant tous les deux dans le secteur public, nous avons pour habitude de nous aider de personnes souvent violentes , explique Anne-Claude. En ajoutant tout de mme : Jtais heureuse pour lui, mais, les enfants ntant plus la maison, il a fallu que lon rapprenne vivre avec quelquun au quotidien. Moh a alors pris lavion Beyrouth jusqu Genve, o le couple est venu le chercher. Il est arriv de manire lgale, en tant qutudiant en langues appliques. Cest donc partir de l, le 29 avril 2015, que tout a commenc.
Moh est enregistr comme demandeur de statut de rfugi
Dune manire gnrale, quand quelquun arrive en France, que ce soit avec une situation rgulire ou irrgulire, il faut quelle senregistre
la prfecture de la ville o elle est domicilie, accueillie ou hberge. Il faut galement savoir que du moment o lon est enregistr comme demandeur dasile, on ne peut plus avoir demploi. Mais ils ont cependant pu faire une demande de RSA, quils ont obtenu assez rapidement. Des empreintes digitales sont alors prises afin de contrler si la personne na pas dj t rpertorie dans un autre pays de lUnion europenne. Lorsque cest le cas, elle est automatiquement renvoye dans le pays concern pour poursuivre les dmarches. Moh n tait pas rpertori, et a ainsi pu remplir un dossier didentification et obtenir un rendez-vous la prfecture de rgion. Cest ce rendez-vous quil a pu acqurir son APF, lautorisation provisoire de sjour, et rcuprer son dossier remplir pour lOfpra, lOffice franais de protection des rfugis et apatrides. Cest donc trois, Moh, Anne-Claude et Antoine, quils ont rempli ce lourd dossier administratif. Un dossier quil a fallu envoyer en moins de vingt-et-un jours, en recommand, lOfpra. Cest ici que Moh a d dcrire toute son histoire, comment, et surtout pourquoi, il est arriv en France. La peur de devoir aller la guerre de manire imminente est la principale cause. Cependant, si Moh voulait obtenir le statut de rfugi et non de protection subsidiaire , autrement dit tre assur pour dix ans et non seulement pour deux petites annes, il lui fallait aller plus loin. Dcrire ses craintes dun contexte politique insoutenable vivre au quotidien, que ce soit dans le milieu scolaire ou familial. Moh est arriv avec un syndrome post-traumatique, il avait peur des avions, du bruit des ptards, ou encore de croiser des uniformes en ville , confie Anne-Claude. Une fois le dossier arriv lOfpra, la famille a reu le premier document qui dclarait Moh comme enregistr comme demandeur de statut
Moh de retour pour un repas de famille chez Antoine et Anne-Claude DR
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DOSSIER Un visa pour lEurope
Javais limpression davoir un neveu la maison, trs proche et heureux
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Il avait deux pieds chez nous, la tte et le cur en Syrie
de rfugi . Grce lui, ils ont pu se rendre une nouvelle fois la prfecture et obtenir un second rcpiss constatant le dpt dune demande dasile .
Moh a ensuite t convoqu lOfpra Fontenay-sous-Bois, en rgion parisienne. Le dlai de convocation peut varier entre un et six mois selon les nationalits. Mme si les Syriens sont favoriss dans cette tape, cela reste un vrai parcours de combattant , dclare Antoine. Le rendez-vous lOfpra est certainement un des moments les plus difficiles. En effet, Moh a d rpondre aux questions dun officier de protection dans les moindres dtails. la fin de linterrogatoire, lofficier peut admettre quil na pas assez dlments et reconvoquer ultrieurement la personne. Une fois un nombre dlments suffisant, il a la possibilit daccepter et/ou de rejeter la demande, et dans ce cas, la personne peut faire appel auprs dun tribunal. Moh na pas eu besoin daller jusque-l. Pour sa part tout est all trs vite. En moins de trois jours, ils ont reu un document qui dclarait officiellement que le statut de rfugi a t accept . partir de ce jour-l, Moh a ainsi t plac sous la responsabilit administrative et juridique de lOfpra. La dernire tape est celle de la fiche dtat civile , ce qui va dfinir son identit pour les dix annes venir. Quand lorsque Moh pensait arriver au bout de ses dmarches, dautres rendez-vous se sont prsents lui. Aprs une visite mdicale obligatoire, il a d se rendre lOFII, lOffice franaise dintgration et dimmigration, afin de signer son contrat daccueil et dintgration pour obtenir sa carte de rfugi.La priode des dmarches na pas toujours t de tout repos pour
Antoine et Anne-Claude. Il avait deux pieds chez nous, la tte et le cur en Syrie , confie Anne-Claude. En effet, Moh ne faisait pas de rels efforts pour parler franais. Antoine, qui parle arabe couramment, pouvait changer facilement avec lui. Pour le reste, il prfrait sexprimer en anglais, malgr les nombreuses aides. Ils lui ont donn des cours de franais chez eux, il a galement pris des cours lextrieur, notamment au Secours catholique, ou encore dans un laboratoire de langues. Mme si ctait parfois dur de se dire, quen tant chez soi, ctait encore nous de nous adapter, on la entre guillemets adopt. On avait des disputes mais comme avec nos enfants , dclare Anne-Claude.
On avait des disputes mais comme avec nos enfants
Une priode rythme de difficults administratives mais galement de lgers diffrends au sein de la maison familiale. Moh tant un musulman trs pratiquant, le couple a d faire face certains problmes lis la religion, comme le ramadan, les prires ou encore la nourriture halal. Mais finalement, chacun a russi faire des concessions pour sadapter lun lautre. Le plus compliqu, notamment pour Anne-Claude, a t le sujet de la position de la femme. Une femme trs fministe face un musulman trs pratiquant, les discussions se sont souvent termines en long dbat. Mais ce qui ne les a pas empchs de vivre une trs bonne exprience. Des vacances dans le sud de la France, des repas entre amis, des ftes de famille et bientt Nol. Ils avaient une totale confiance en lui et navaient donc aucune crainte de le laisser tout seul. Javais limpression davoir un neveu la maison, trs proche et heureux. Nous avons pleur en nous quittant, avoue Anne-Claude.Aujourdhui, Moh est toujours en possession de ses papiers provisoires et attend avec impatience sa carte officielle de rfugi. Mais sa situation est dsormais favorable. Il a intgr un centre de langues appliques, o il pourra ainsi approfondir son franais et passer le niveau B1 prochainement, juste avant les vacances de Nol. Dsormais, mme sil en a envie, il ne peut plus retourner dans son pays dorigine. Mais lorsquil a su que la France lui offrait tout a, il a compris quil devait respecter ses valeurs mme si ce ntait pas les siennes, et que ctait le dbut de la vraie vie , conclut Anne-Claude.
Charline Bakowski
La communaut Singa, qui favorise lesprit du vivre ensemble depuis maintenant trois ans, a mis en place la plateforme Calm (Comme la maison) le 20 juin dernier. Un principe cr pour faciliter la mise en relation entre familles volontaires et rfugis dans le besoin. Pour accueillir chez soi un rfugi, rien de plus simple. Que vous ayez un chteau ou un simple appartement, que vous soyez propritaire ou tout simplement locataire, vous pouvez tre famille daccueil , condition dtre gnreux et ouvert desprit. Il faut, dans un premier temps,
sinscrire sur le site Singa et remplir un questionnaire dtaill. Toute une srie de questions, comme le nombre de chambres disponibles, vos habitudes alimentaires, si vous fumez, si vous prfrez une femme, ou encore si vous aurez le temps et lenvie de passer du temps ensemble, avec la personne. Une fois le questionnaire rempli, Singa va mettre en relation famille et rfugi, selon les critres de ce questionnaire, mais galement selon leurs passions et leurs objectifs professionnels. Ensuite, les deux personnes vont se rencontrer dans un lieu
neutre. Que ce soit autour dun caf ou pendant une promenade le long dun fleuve, elles pourront prendre le temps quelles dsirent pour discuter, changer et apprendre se connatre. Car, une fois cette rencontre termine, toutes deux auront 24 heures pour dcider si elles acceptent, ou non, de vivre ensemble . Votre rle dans tout a ? Partager votre culture et votre langue franaise, tout en prenant en compte ses pratiques culturelles. Si certains ont une crainte de partager leur quotidien avec un tranger, ils pourront
sinspirer de la charte, qui donne des exemples de rgles communes, ou encore demander un contrat, pour plus de suret. Cependant, parfois, malgr ces multiples prcautions, la cohabitation ne se passe pas toujours comme prvu. Pour cela, vous pourrez faire appel aux mdiateurs Singa, qui se chargent de laccompagnement social des rfugis. noter que tous les rfugis sont des personnes ayant dj leurs statuts de rfugi.
Pour plus dinformations, rendez-vous sur http://singa.fr
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Pour tre comme la maison
Javais limpression davoir un neveu la maison, trs proche et heureux
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Mon bulletin de vote ira lextrme droite
Joseph Azar-Keriakous est n dans le nord de lIrak. En 1990, la guerre du Golfe clate. Cest seulement cinq ans plus tard que Joseph dcide de fuir les bombes avec sa famille. Lobjectif est de rejoindre la France pour retrouver ses liberts perdues en Irak. Lexil commence, et ne sarrtera que quatre ans plus tard dans la rgion lyonnaise, o il retrouve son frre. La famille partie trois est reste deux annes en Jordanie afin de pouvoir rejoindre lItalie puis la France. Cest dans ce pays dexil que Joseph et sa femme donnent naissance un deuxime enfant. Une fois arrivs en France, ils sont recueillis par un foyer dans la rgion lyonnaise. Pour obtenir des papiers Joseph admet avoir eu de la chance. Cest grce sa vision irakienne de la vie quil a russi sintgrer dans la socit franaise. Son priple lui a cot 25000 dollars, pour cela il a d emprunter auprs de son frre ou damis. Aprs tre arriv sur le sol franais son objectif tait simple: travailler. Il a enchan les petits boulots, le travail de nuit, jusqu avoir, certains mois, trois mtiers dans la mme journe. Pour pouvoir rembourser, et continuer vivre au foyer, lui et sa femme ont travaill sans relche, et nont pas offert de vacances leurs enfants. Sa femme est tombe malade cinq ans aprs leur arrive en France. Depuis, elle ne travaille plus. Grce au foyer, mes enfants ont pu aller lcole, apprendre le franais. Aujourdhui, ils ont tous un travail et cest l lessentiel. Pour obtenir ses papiers rapidement, il a ralis tout ce qui tait recommand : Jai travaill, jai essay dapprendre le franais, jai chang de prnom, et aprs cinq ans en France, ma famille et moi, nous avons obtenu notre carte didentit. Pour mon der-nier fils Lazare, ctait diffrent. Il est n sur le sol franais, ce qui a t plus simple.Aujourdhui Joseph tient un commerce dans le quartier Saint-Georges Lyon. Il est Franais et le revendique, mme sil noublie pas lIrak. En tant que Franais, il se rend aux urnes chaque lection. En France, nous avons obtenu des liberts. Ce pays nous a tout donn, je me dois daller voter, et de remplir les devoirs dun citoyen franais. Il rajoute : Je votais Sarkozy, mais aujourdhui ses choix ne sont plus assez dcisifs pour moi. Les politiques ne sont plus capables de grer des rfugis qui ne respectent pas leur pays daccueil. Aux prochaines lections, cest sr, mon bulletin de vote ira lextrme droite.
DOSSIER Un visa pour lEurope
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Joseph ( droite) et son fils Lazare. Arriv en France il y a vingt ans, son fils est n en France. Ils se sont pleinement intgrs la socit fran-aise. Marie Jrome
La famille Azar est arrive en France il y a vingt ans. Aprs avoir obtenu des papiers franais, cette famille sest pleinement intgre la socit. Seul problme encore pour Joseph, le pre, la barrire de la langue. Cest son fils Lazare qui nous a traduit les propos de son papa.
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Un jour, jai dcid de
partir
Omer a mis deux ans pour arriver sur le sol franais. deux ans o incertitude et survies taient de rigueur. Deux ans de solitude : Jai pris mes affaires et jai march. Ctait la fin 2013. Omer a rempli un sac dos et a pris la route en direction de Kassala. Originaire de Teseney, dans le sud rythren, il a march pendant trois jours pour parvenir dans cette ville frontalire du Soudan. Avec 2 000euros en poche, il a dcid de laisser sa vie et son avenir entre les mains de passeurs. Le salaire moyen est d peine 50 euros en rythre.
Je voulais rejoindre lAngleterre
Il sest ensuite rendu Khartoum, en voiture, par le biais dun passeur pour la somme de 200 euros (il y a 500kilomtres entre les deux villes soudanaises) puis il sest ensuite dirig Ajdabiya (Libye) en Land Cruzer. On tait 13 dans la voiture. On a tous pay 1500 euros. larrive je savais que a allait tre compliqu. Je navais plus dargent. Finalement, il restera une anne entire en Libye, faute dargent. Je navais pas les 500euros ncessaires pour payer le passeur. Je voulais aller en Italie. Famille, amis, tous ses proches lui ont envoy de largent. Je dois les rembourser, mais ce nest pas aussi facile que ce que jimaginais.
Les autorits italiennes mont donn 50 euros pour aller en France.
Il parvient tout de mme rejoindre la Sicile, sur un bateau : 79 personnes sur neuf mtres par trois sentassaient. Arrt par les autorits italiennes, il prend le train Vintimille aprs stre fait scanner ses empreintes digitales: Elles mont donn 50 euros pour que je rejoigne la France. Nice, il a pris la direction de Paris. Je me suis cach dans les toilettes. Il dormira deux mois dans les rues parisiennes : la Chapelle, je voulais aller en Angleterre, alors je me suis rendu en Belgique. Mais les autorits belges lont attrap et renvoy en Italie. Je ne voulais pas y rester, alors jai repris le train pour la France. Cette fois-ci, il rejoint Calais. Jy suis rest trois mois. Puis les autorits franaises sont venues, et ont demand qui parmi les Erythreens souhaitaient lasile en France. Jai dit que je le voulais . partir de l, il a reu un rcpiss lui permettant de vivre trois mois sur le territoire franais. Il est pass par Roanne, avant davoir des contacts Lyon et tre hberg par lAdoma (organisme de logement social et durgence). Aujourdhui il vit avec le RSA, dans une chambre de 12 m2 peine, quil paie 70 euros par mois. Jai 22 ans et ltat franais ne fait rien pour mon insertion. Je vais dans une association musulmane trois fois par semaine, jessaie dapprendre le franais. Pour linstant, Omer ne comprend rien au franais. Jaimerais travailler et mintgrer, mais a me semble presque impossible.
Marie Jrme
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Omer na pas voulu tre pris en photo. Sa tong exprime aussi bien son priple. Marie Jrme
Aprs avoir rencontr Omer la prfecture du Rhne, pour le renouvellement de son titre de sjour, il dcide de nous parler de son histoire. rythren, Omer a parcouru plus de 10 000km pour fuir lenfer de son pays.
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DOSSIER Un visa pour lEurope
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Il reoit son APSLes empreintes digitales de Naman permettent de sassurer que sa demande dasile ne relve pas dun autre Etat europen : il se voit remettre le prcieux ssame sur lequel figure en vue des dmarches auprs de lOfpra (Office franais de protection des rfugis et apatrides).
Naman doit tout dabord dclarer une adresse de domiciliation associative auprs dune association daccueil des migrants. Cest ensuite, quil devra obtenir, auprs de la prfecture du Rhne, un rcpiss dautorisation provisoire de sjour (APS), valable un mois. Sen suivent gnralement de longues heures dattente faire la queue.
Obtenir une autorisation provisoire
Il est plac en rtentionNaman, dont les empreintes avaient t releves son arrive en Italie, est identifi dans la base de donnes Eurodac . En vertu du rglement Dublin II, Naman est plac dans le centre de rtention administratif (CRA), ct de laroport de Lyon Saint-Exupry.
Il passe en procdure acclreNaman se voit refuser lAPS car la prfecture estime quil vient dun pays considr comme sr ou quil ne court plus de risques de perscutions. LOfpra doit alors statuer sur sa demande dans un dlai de 15 jours. Naman peut former un recours contre le placement en procdure acclre devant le tribunal administratif.
Naman ne trouve pas de lit La demande dhbergement de Naman est rejete par manque de place (les familles sont prioritaires sur les clibataires). Il est donc plac sur liste dattente et redirig vers des solutions dhbergement temporaire (htel ou structure collective). Pour une meilleure rpartition, LOFII (Office franais de limmigration et de lintgration) peut le rediriger vers un Cada dans un tout autre dpartement. Sil refuse, il ne percevra pas dallocations. Si, dans un dlai de neuf mois, lOfpra na pas dlibr, il a le droit de travailler.
Envoyer sa demande dasile et chercher un hbergement
Naman doit maintenant constituer un dossier pour lOfpra. Doivent y figurer : une copie de son APS ainsi que deux photos, et tout document tayant son rcit et ses craintes de perscutions en cas de retour dans son pays . Naman doit expliquer, en franais, les motifs de sa demande dasile et son histoire personnelle. Dans le cas o Naman a t plac en CRA, il dispose de seulement cinq jours pour rdiger les motifs de sa demande et envoyer son dossier complet de demande dasile lOfpra qui doit statuer sur sa recevabilit sous 96 heures. En attendant la rponse de lOfpra ce qui dure plusieurs mois , Naman doit trouver un logement dans un centre daccueil pour demandeurs dasile (Cada).
Naman trouve un litSa demande est accepte par un Cada : il bnficie de cet hbergement pendant toute la dure dexamen de sa demande.
Faire prolonger son sjour de six mois en prouvant sa demande dasile
Naman reoit enfin un courrier de lOfpra. Mais ce nest pas forcment une bonne nouvelle. Plusieurs cas de figure.
Naman obtient le statut de rfugi ou bnficie dune protection subsidiaire Dans certains cas exceptionnels, lOfpra peut estimer que les lments du dossier sont suffisants pour accorder lasile. Naman est donc dispens dun futur entretien individuel au sein de lorganisme. Devenu rfugi , Naman peut se faire dlivrer une carte de rsident valable dix ans. Dans le cas dune protection subsidiaire , le migrant a droit une carte de sjour vie prive et familiale , valable un an mais renouvelable. Le jeune homme, muni de la dcision de lOfpra, na plus qu demander la prfecture un rcpiss de demande de titre de sjour dune dure de trois mois renouvelables, qui lautorise travailler. Il dispose du mme dlai pour quitter son hbergement en Cada.
Pour un migrant ayant fui son pays, obtenir le droit dasile en France - et le statut de rfugi sil y est ligible - relve du parcours du combattant. Le ministre de lIntrieur, Bernard Cazeneuve, qui souhaitait une simplification des procdures, a t exauc par lentre en vigueur, le 2 novembre dernier, de la loi dont il est linitiative. Quen est-il dornavant ? Prenons lexemple fictif de Naman, Erythren de 26 ans, qui a fui les perscutions de son pays dorigine. Pass par lItalie, il est arriv Lyon sans avoir t contrl aux frontires. En situation irrgulire, il souhaite sinstaller sur le sol franais.
Demande de droit dasile : un chemin sem dembches
Par Lo RoynetteSources : Site internet du service public, de Libration, dEuronews, du Huffing-ton Post, de FranceTv Info, de lOfpra, de France terre dasile , Forum rfugis.
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Naman bascule en procdure acclreLe dossier de Naman est incomplet. Il doit le complter avant lexpiration du dlai de 21 jours, enclench ds lobtention de lAPS. Mais Naman dpasse la date limite : le dossier passe automatiquement en procdure acclre. Naman pourra tre reconduit aux frontires ds la dcision finale de lOfpra, si celui-ci refuse lasile, et ce mme sil forme un recours devant la Cour nationale du droit dasile (CNDA) alors quen procdure normale, le recours empche lexpulsion.
Faire prolonger son sjour de six mois en prouvant sa demande dasile
Refus dasile, et recoursLaudition de Naman na pas convaincu lOfpra qui lui notifie le rejet de sa demande par courrier recommand en motivant obligatoirement sa dcision. Naman forme alors un recours devant la Cour nationale du droit dasile (CNDA) dans un dlai dun mois (sans quoi le rejet devient dfinitif). Il est autoris rester en France pendant la dure de la procdure de recours et ne peut donc pas tre expuls (sauf cas de procdure acclre).
Se rendre laudition devant lOfpraAprs plusieurs semaines ou mois dattente, lOfpra convoque enfin Naman pour une audition dans ses locaux, Fontenay-sous-Bois, en rgion parisienne. Cet entretien se droule sous la vigilance dun officier de protection, ventuellement assist dun traducteur (ncessaire dans 80 % des cas). Il consiste, selon lOfpra, permettre au demandeur dasile dexposer compltement les motifs de sa demande, de complter ou rectifier son rcit crit et de clarifier les ventuelles zones dombre .
Naman dcroche le statut de rfugi
Lentretien et le dossier de Naman ont t convaincants : il reoit une dcision favorable de lOfpra par courrier recommand. Ce statut lui est attribu car il craint lgitimement dtre perscut dans son pays , en raison de sa race , de sa religion ou encore de sa nationalit . Il se fait dlivrer une carte de rsident valable dix ans.
Naman obtient une protection subsidiaire
Naman nobtient pas le statut de rfugi mais la protection subsidiaire qui lui donne droit une carte de sjour vie prive et familiale (voir 3a). Elle peut tre prolonge si les conditions qui ont conduit sa dlivrance (danger de mort ou de torture dans son pays dorigine) restent dactualit au moment de la renouveler.
Refus de lasile et obligation de quitter la France
En confirmation de la dcision de lOfpra, la CNDA refuse la demande dasile. Le migrant peut thoriquement former un pourvoi en cassation, recours considr comme inutile puisquil sagit dune simple vrification de la procdure. Il sera ensuite reconduit la frontire.
Attendre le recours et la dcision finaleDans un dlai dun mois, Naman est convoqu devant la CNDA pour motiver son recours contre le refus dasile. Elle statue ensuite dans un dlai de cinq mois.
Naman obtient finalement le statut de rfugi
La CNDA annule la dcision de lOfpra. Naman obtient lasile et recevra sa carte de rsident valable dix ans.
Naman bnficie de la protection subsidiaire
La CNDA annule la dcision de lOfpra et dlivre ce statut qui lui permet dobtenir la carte de sjour vie prive et familiale (voir 3a).
Demande de droit dasile : un chemin sem dembches
Naman obtient une simple prolongation de sjourLOfpra lui envoie une lettre denregistrement qui prouve que la procdure est en cours. Il devient officiellement demandeur dasile. Il doit retourner la prfecture, muni de son numro de dossier, pour obtenir un rcpiss constatant le dpt dune demande dasile , qui lui permettra de prolonger son sjour en France pour six mois renoulables. Naman na pas le droit de travailler avant un an. En revanche, le rcpiss lui permet de postuler et dobtenir lAllocation temporaire dattente (ATA) puisque ses ressources sont infrieures 879,84 euros par mois. Naman recevra donc 11,45 euros par jour, jusqu ce que lOfpra rende sa dcision finale.
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Le son des cloches de lglise apostolique armnienne Saint-Jacques retentit dans le troisime arrondissement de Lyon, annonant le dbut de la messe. Comme tous les dimanches, les fidles se pressent pour entrer dans lhabitacle ds 11 heures. Lglise est pleine, les premiers retardataires se retrouvent sans sige. Peu importe, les croyants se lvent souvent, une vieille habitude de prier debout qui persiste depuis le Vme sicle. Les chants liturgiques orthodoxes rsonnent dans lglise lautel color. En sortant du cur du btiment, au premier tage, des chants se font aussi entendre. Ce sont dix voix angliques qui reprennent la chanson armnienne Erevan. Seda est l pour reprendre les enfants sur la justesse des notes et les mouvements de la chorgraphie qui accompagne le morceau. Cette femme tait au conservatoire en Armnie. Musicologue et compositrice de formation, elle a pu faire valider une quivalence son diplme Paris. Cest aujourdhui avec les douze enfants de sa chorale, quelle partage tous les dimanches, de 10 heures midi, sa passion pour la musique mais aussi pour la culture armnienne. Car si Seda apprend des chansons de Charles Aznavour ses jeunes lves, ce rendez-vous hebdomadaire reste un moyen de transmettre une culture . Essentiellement dorigines armniennes, les petits viennent darriver en France o ils sont ns. ltranger, il est facile doublier ses racines, confie Seda, en particulier pour les enfants qui grandissent en France. Pour moi, cest grave. On ne doit pas perdre ce quon a et transmettre nos traditions. Pendant que les adultes profitent de la messe religieuse, les plus jeunes partagent un moment ludique avec la chanteuse. La moiti des enfants inscrits cette activit sont demandeurs dasile. Si pour Seda le statut des bambins na pas dimportance pour son mari, cest la rgularisation des familles arrives en France qui importe. Alekasanyan et Seda se sont maris il y a dix ans en Armnie. Aujourdhui install Lyon avec leurs deux
enfants ns en France, le couple noublie pas do il vient, ni les barrires quils ont d franchir pour esprer mener une vie paisible. Laide aux migrants est devenue son combat quotidien.
Lyon, les dmarches administratives sont longues
et difficiles
Alekasanyan pose ses mains pour les rchauffer autour de sa tasse de caf. Cest dans une station essence, proximit de lglise armnienne, quil choisit de se livrer. En 2014, son association, Souffle dArmnie, voit officiellement le jour. Aprs avoir vcu Valence et Saint-tienne, cest Lyon quil a choisi de se baser pour apporter son aide. Valence les demandes sont traites rapidement. Lyon est une grande ville. Les dmarches y sont donc plus longues et difficiles. ce jour, lhomme aide
une cinquantaine de personnes dans leurs dossiers de demandeurs dasile, de statut de rfugis et de rgularisation. Jaide pour les dmarches la prfecture, se renseigner auprs des bonnes personnes est important tout comme une bonne traduction de son dossier. Cest en effet la prfecture du Rhne quun contact a t nou avec Alekasanyan. Il accompagnait Arthur, jeune Armnien, habitant Roanne, pour finaliser son dossier en lui montrant lendroit o lon prend les empreintes. Si Arthur matrise le franais, de nombreux migrants ne parlent que leur langue natale. Alekasanyan parle cinq langues : larmnien, le russe, langlais, litalien et le franais. Aprs avoir aid lassociation Forum rfugis pendant plusieurs annes en traduisant les propos des migrants frachement arrivs, lhomme ressentait le besoin de crer sa propre association. Pour le moment le contact avec les nouveaux arrivants se fait par bouche oreille, mais jaurai bientt le
La prfecture de Lyon est ouverte de 13h30 14 heures pour tous les demandeurs dasile. Photo prise en novembre 2015 Marie Jrome
IMMERSION
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Reconstruire sa vie Lyon: le quotidien dun migrant dvou aux nouveaux arrivants Alekasanyan Arkadi est g de 37 ans. Arriv en France en 2005, cet Armnien na jamais pu acqurir le statut de rfugi. Aprs des dmarches longues et difficiles, il a russi rgulariser sa situation au bout de quatre ans. Marqu par cette exprience, lhomme soccupe dune association pour aider les rfugis et demandeurs dasile arrivs en France. Immersion au cur du quotidien de ce migrant, menant un combat quotidien pour linsertion des nouveaux arrivants Lyon.
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Seda et les 10 enfants prsents la chorale ce dimanche 25 novembre. Marie Redortier
Alekasanyan, Armnien de 37 ans .Marie Redortier
Seda, Alekasanyan et leur fils g de neuf ans devant lcole armnienne du 3e arrondissement. Marie Redortier
temps de me consacrer pleinement cette activit. LArmnien est rceptionniste de nuit dans un htel. Bientt au chmage pour licenciement conomique, il compte profiter de son temps libre pour soccuper de ses protgs. Car entre travail nocturne et dmarches administratives en journe, son train de vie est compliqu. Mais si lhomme est rceptionniste Lyon, en Armnie il tait vice directeur de Lada-Armnie, une coentreprise russo-armnienne considre comme le deuxime plus gros constructeur automobile de lpoque.
La demande dasile, cest le loto
Pour Alekasanyan Arkadi, pas de doute, il fallait partir. la fin de lanne 2005, il quitte lArmnie aux cts de sa mre pour rejoindre la France. La famille espre ainsi chapper au climat politique instable dans la rgion - les affronts entre Armniens et Azris - et au gouvernement corrompu de Robert Kotcharian. Rafael Shahmuradyan, notre directeur, sest fait assassin par le ministre des transports. Son meurtre offre au ministre le monopole tant dsir du secteur de lautomobile , explique Alekazanyan. Les faits remontent au 6 fvrier 2005, lorsque les ouvriers de Lada-Armnie dcouvrent le corps inerte de leur directeur dans le quartier Komsomol de Tolyatti. Il tait le distributeur officiel non seulement de VAZ, mais aussi dautres entreprises autos russes comme GAZ et and UAZ. cette poque, Shahmuradyan
exprimait dj des soupons sur le ministre des Transports et des communications, Andranik Manukyan , analyse t-il. Il faut dire que Manukyan dtient Ararat-Lada, lentreprise concurrente Lada-Armnie. Et que cette dernire allait trs prochainement accrotre sa production ltranger en raison de la fermeture de la frontire entre la Russie et la Gorgie, par lesquelles la plupart des voitures russes sont achemines en Armnie. Un assassinat qui tombe donc un moment stratgique , poursuit Alekasanyan. Cest donc pour cette raison que lancien bras droit de Rafael Shahmuradyan demandera lasile politique la France. Un tout autre parcours dbute alors. Les dmarches administratives se succdent jusquen 2008, date laquelle il parvient enfin obtenir un statut de rfugi politique. Au total, pas moins de trois demandes successives ont t formules. Le plus difficile ce nest pas de raconter son histoire, cest de prouver chaque fait. Et quand bien mme les faits sont prouvs, reste remplir les quotas. Depuis 2010, seul 3% des demandeurs dasile armniens obtiennent leurs papiers franais , explique t-il. Lorsquon lui demande si ctait refaire, est-ce quil referai les dmarches, Alekasanyan nhsite pas : Non, cest tout le temps le loto. Certaines personnes ne mritent pas le statut et lobtiennent, dautres en dpendent
et ne lobtiendront pas. Jaurais d faire une demande de rgularisation, ce qui maurais trs certainement empcher de perdre six annes de ma vie. La demande de Seda a abouti neuf ans plus tard. Et si le couple tente aujourdhui de se reconstruire, cest sans le soutien de leurs proches. Les parents de Seda habitent encore en Armnie. Ils aimeraient me rejoindre en France, mais sils viennent je veux quils aient lassurance de vivre correctement et de voir leur situation se rgulariser rapidement. Pour les personnes dun certain ge, lobtention des papiers est trs complique. Des dmarches tumultueuses pour les plus gs, Alekasanyan le sait. Sa mre a fui lArmnie pour rejoindre lEurope en mme temps que lui. Elles est malheureuse en France. Attachs leurs terres, leurs maisons, leurs passs, les migrants qui quittent leur Etat peinent se reconstruire loin de leur quotidien et de leurs attaches. Ici, la situation est beaucoup plus avantageuse, mais mme si nous nous sommes tablis Lyon, nous noublierons jamais nos origines. Le couple armnien souhaite emmener prochainement leurs enfants en Armnie pour quils aient une vision de ce qui aurait pu tre leur lieu dhabitation si la situation politique y tait diffrente.
Pauline Ragu et Marie Redortier
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La communaut musulmane de Lyon a-t-elle dj mene des actions en faveur des migrants ?
Il devait arriver 30 000 personnes, dont 2 000 dans le dpartement du Rhne et pour linstant : personne. Actuellement, nous mettons en place une coordination des associations musulmanes et des mosques pour leur venir en aide. On se prpare agir sur diffrents points : Lapprentissage du franais et sur laccompagnement des
dmarches administratives. On va aussi travailler sur laccueil psychologique afin de les aider prendre en compte leur migration. On offrira un accueil alimentaire, on proposera des biens de consommation pour leur permettre de se nourrir. Etant demandeurs dasile, ils auront une situation qui va se rgulariser donc nous allons essayer de les prparer cela. Je pense quil ny a que trs peu de gens qui veulent venir en France. Ils prfrent partir en Allemagne ou dans les pays du Nord, o ils pensent quils seront mieux intgrs, mieux accueillis. Beaucoup se posent la question au vu de la situation de la jungle de Calais.
Existe-il un devoir daccueillir ces personnes dans la religion musulmane ?
Pour lislam, lune des actions essentielles accomplir durant sa vie de croyant est daider les plus dmunis. Par exemple, faire le ramadan est une faon qui permet tout musulman de savoir ce quest la faim
et la soif et cela le rapproche de la privation. Le Coran nous fait un devoir daider le plus faible. On a donc cette tradition religieuse qui nous en fait une obligation.
Quelle est la vision de la communaut musulmane lyonnaise sur ce phnomne des migrants ?
Lyon a une tradition daccueillir les migrants, ceux qui fuient la guerre et la misre. Aujourdhui, on attend ceux qui viennent de Syrie. Les musulmans eux-mmes sont, pour la plupart, des gens qui ont immigr, ou qui sont issus de limmigration. Donc ils connaissent la migration, le fait de quitter son pays et les sentiments que cela apporte. Je pense quils le comprennent.
Lyon, certains vous reprochent de ne pas assez vous mobiliser, presque de limmobilisme sur cette question. Querpondez-vous cela ?
La communaut musulmane est conomiquement faible. Beaucoup vivent de leurs travaux et de laide sociale. Elle donne surtout en fonction de ses moyens, de sa situation actuelle et de sa mobilisation. De plus, il ny a pas de grand industriel ou de grande famille et la majeure partie des dons sont issus de la classe moyenne. On na pas dorganisation aussi importante que le Secours catholique ou populaire. Aucune de nos associations nest finance sur des fonds publics. Pour des dons, il faut une mobilisation et il ny a pas cette mobilisation aujourdhui car on ne sait pas qui est qui. Les gens ne font pas la diffrence entre les migrants et les immigrs clandestins. Quand on a voulu envoyer nos dons en Syrie on nous a dconseill, car on ne savait pas vers qui les moyens allaient partir. En ce qui concerne les migrants, pour linstant, on na rien, on est en train de se prparer, on nest pas encore dans les grandes oprations. Mais je pense que les musulmans rpondront quand la demande se fera.
Les migrants sont parfois trop exigeants avec ce quon leur propose
Propos rapports par To Henriet
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MIGRATION, CE QUEN PENSENT LES RELIGIEUXLa question de la migration est sur toutes les lvres. Comment aider ces personnes, comment les accueillir dcemment ? Se sont des questions qui effraient et inquite