L'œuvre scientifique et philosophique de César Lombroso...

12
Fr. Agostino Gemelli L'œuvre scientifique et philosophique de César Lombroso (suite) In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17° année, N°66, 1910. pp. 245-255. Citer ce document / Cite this document : Gemelli Agostino. L'œuvre scientifique et philosophique de César Lombroso (suite). In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17° année, N°66, 1910. pp. 245-255. doi : 10.3406/phlou.1910.2741 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1910_num_17_66_2741

Transcript of L'œuvre scientifique et philosophique de César Lombroso...

Fr. Agostino Gemelli

L'œuvre scientifique et philosophique de César Lombroso (suite)In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17° année, N°66, 1910. pp. 245-255.

Citer ce document / Cite this document :

Gemelli Agostino. L'œuvre scientifique et philosophique de César Lombroso (suite). In: Revue néo-scolastique de philosophie.17° année, N°66, 1910. pp. 245-255.

doi : 10.3406/phlou.1910.2741

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1910_num_17_66_2741

l'œuvre de césar lombroso 245

thiques, car ils emploient les mêmes procédés autant que le besoin s'en fait sentir. Ainsi la voûte à nervures eut bientôt remplacé partout les lourdes voûtes romanes et souvent c'est au moyen de contreforts qu'on la maintient en équilibre. Même dans les édifices dépourvus de voûtes, la distinction s'accuse plus nette entre les diverses fonctions. On y observe la division des murs en trumeaux et remplissages, l'agrandissement des fenêtres et l'on voit s'accuser plus franchement les moyens de construction. Ensuite l'architecture civile s'est emparée bien vite des formes décoratives créées pour l'architecture religieuse : arcs-brisés, fenêtres, fenestrage», pinacles, redents, moulures et décoration sculptée, ce qu'on appelle en un mot : les formes gothiques.

Nous pouvons donc conclure de cet exposé sommaire que le système gothique forme un ensemble complet et entièrement logique, dont le point de départ est l'invention de la croisée d'ogives. Toutes ses formes, tous ses procédés, même toutes les fantaisies de son ornementation sont rationnellement déduits de ce principe nouveau, fis en sont sortis comme un bel arbre, avec ses branches, ses feuilles, ses fruits, sort d'un gland ou d'une graine. C'est là un fait dont aucune autre période de l'histoire de l'art n'offre un exemple comparable.

H. Lemaire.

V.

L'ŒUVRE SCIENTIFIQUE ET PHILOSOPHIQUE DE CÉSAR LOMBROSO.

(Suite *).

Insuffisance de la doctrine de la dégénérescence. — La criminalité est elle vraiment reliée à des signes anthropologiques d'infériorité ? Existe-t-il un aspect épileptique constitué surtout par des asymétries, un aspect rachitique, une physionomie propre à l'idiotie ? Est-ce que la criminalité présente aussi des signes anthropologiques clairs, constants, uniformes, jusqu'à former un type, offrant sans doute des variétés individuelles, mais constant et commun, au moins pour certains caractères? Peut-on reconnaître le criminel-né à des caractères anatomiques expressifs d'une dégéné-

•) Traduit de l'italien. Voir numéro de février, pp. 73-93.

246 A. GEMELLI

rescence ? Ces déviations organiques sont-elles cause des déviations morales ? A cette question plusieurs auteurs ont répondu négativement. Citons Brugia, témoin certes non suspect, et Ferri, un ancien disciple de Lombroso l).

Nous devons admettre que la folie, le crime, la dégénérescence peuvent parfois se trouver réunis et alliés dans un individu. Plusieurs de ceux qui portent les stigmates du crime, pauvres épaves de la société, nous apparaîtraient comme des victimes si nous parvenions à découvrir les maladies qui affectent leurs centres nerveux. Mais nous ne pouvons dire toutefois que la criminalité soit le résultat nécessaire de la dégénérescence. La criminalité est le résultat de facteurs complexes parmi lesquels la dégénérescence peut parfois comparaître ; elle a certes une importance beaucoup moindre que les facteurs sociaux et moraux et que les éléments psychologiques individuels. Seule une étude d'ensemble, s'élevant au-dessus de la considération exclusive du mécanisme physiologique et du substrat anatomique, peut nous expliquer pourquoi, dans les mêmes conditions d'éducation, de relations sociales, un individu se comporte de façons si différentes d'un autre, si bien que chez l'un la résignation et chez l'autre le crime sont deux manières extrêmes de réagir aux mêmes circonstances de besoin ou de souffrance.

Ajoutons que l'on trouve des individus, portant dans leur organisme les signes indiscutables de la dégénérescence et qui, malgré cela, observent parfaitement les lois morales.

On ne peut donc admettre que le lien de la criminalité et de la dégénérescence aille jusqu'à fonder une explication biologique du crime.

Mais y a-t-il vraiment un type criminel reconnaissable à des caractères physiques ? Ainsi posée, la question n'est pas faite pour éclairer les recherches. Supposons l'existence de ces caractères et admettons qu'ils soient déterminés. Il faudra encore demander s'ils sont innés ou acquis, et cette face du problème est la plus importante. La physionomie traduit à l'extérieur l'allure habituelle de nos activités psychiques, nos réflexions, notre genre d'études, les

1) Brugia écrit : « Diciamo subito che la risposta a tal problema non puô essere che negativa ; le imperfezioni del corpo non rivelano quelle délia mente, nessun criterio obbiettivo od induttivo dà per necessaria la connivenxa delT in fer mi ta orga- nica e morale. »

Ferri s'exprime comme suit : < Questa dottrina, egli ci dice, forse ba del vero, ma molto più ha dell' indeterminato, dell' imprecise», in quanto tende a riunire fatti di troppo varia natura, assimilando l'empiéta, la pazzia, perlino il genio, al carcinoma, all' ernia, aile deformazioni délia rachitide. »

L'ŒUVRE DE CÉSAR LOMBROSO 247

impressions que nous recevons de notre milieu habituel, bien plus que notre constitution native. Prétendre que nos goûts et nos habitudes ne doivent rien à notre initiative propre, qu'ils sont déterminés en nous dès la naissance, c'est résoudre d'avance le problème en question. D'ailleurs « le crime » est une abstraction. Si l'on veut vérifier celte abstraction en la confrontant avec la réalité, il est nécessaire de se rapporter aux diverses espèces de criminels. S'il y a réellement un type criminel, il faudra y trouver les caractères essentiels de toutes les espèces de malfaiteurs.

La chose sera sans doute difficile et on devra bien reconnaître que assassins, voleurs, escrocs, ont leur physionomie spéciale. Une seconde question surgit alors. A quel moment et en quel sens les caractères organiques de ces individus ont-ils agi sur leur conduite ? Les ont-ils déterminés à la faute ? Ou seulement, supposant chez eux une déviation préliminaire d'ordre moral, les supposant décidés à une mauvaise action, les ont-ils simplement déterminés à l'espèce de faute qui correspondait à leurs dispositions naturelles ? On voit que tout cela est fort complexe.

La question se complique encore de la confusion faite entre le vrai criminel et le malade, entre le criminel d'habitude et le criminel de naissance.

Ainsi on est arrivé à toutes les contradictions. Aujourd'hui encore, après tant de batailles, l'école n'est point parvenue à déterminer de façon précise le type du criminel-né.

Maudsley avait écrit que les criminels forment une sous-race parmi les hommes tout comme les moutons à tête noire diffèrent des autres moutons. Lombroso essaye de déduire les caractères criminels des caractères de l'homme primitif l).

Le Congrès d'anthropologie criminelle de Rome en 1885 avait marqué le triomphe de l'école lombrosienne, l'acceptation du type criminel ; le Congrès de Paris marqua le commencement de la défaite. A ce congrès se confirme dans le monde scientifique international l'impression que les conclusions de l'école italienne sur le type criminel se rattachent à tort à l'étude exclusive des caractères anatomiques. L'opinion nouvelle est due à l'école française, laquelle prétend avoir, la première, étudié la criminalité comme un phénomène social. Cette idée, en fait, avait déjà été exprimée en Italie par Turati, Colaianni, Battaglia. A Rome, Ferri déclarait que, pour

1) Brugia écrit : « Egli pretese di notomizzare i delinquent^ di attribuire aile ten* denze di ognuno singolari inodalità, secondo il quale concetto, ond' egli ebbe titolo di De Jussieu dell' antropologia criminale, ogni nequlzia d'uoino consumata o pensata, si estrinaecfaerebbe cod segni di specifica evidenza. »

248 À. GEMELLI

caractériser un criminel, il faut s'appuyer toujours sur les caractères organiques et psychologiques. A Paris, Manouvrier disait que la recherche de ces caractères ressemble un peu à la recherche de la pierre philosophai Et au Congrès de Bruxelles, le rapport de Houzé et Warnots fut encore plus décisif, car il concluait que, en général, les criminels ne sont pas physiquement inférieurs aux honnêtes gens.

A ce moment, les travaux se succèdent. Baer tient qu'il est impossible d'établir des signes distinclifs de la culpabilité. Clarke trouve chez un millier de détenus des caractères beaucoup plus exceptionnels que typiques. Laurent affirme que, chez les clients des prisons, on trouve tout au plus un aspect acquis, une physionomie professionnelle. D'après Francotte, l'aspect du criminel, son regard froid, immobile et aigu, sa face patibulaire ne préexistent pas à l'habitude du crime, mais sont l'expression de la brutalité, de la tromperie, d'une vie dangereuse et dure, de la corruption des milieux traversés. Et il conclut que les irrégularités de structure, d'ailleurs inconstantes et mal définies, ne manifestent nullement la dégénérescence. Au Congrès de Bruxelles, malgré la défense de Drill et de Tarnowsky, le type criminel reçoit de nouveaux coups. Houzé et Warnots reprochent à Lombroso d'avoir construit sans tenir compte des conditions sociales et de la race et d'avoir transformé en règle des exceptions anatomiques et psychologiques rassemblées au hasard.

Au Congrès de Genève de 4896, Nâcke lui inflige une défaite bruyante. Il affirme qu'il ne peut y avoir un type criminel, pas plus qu'il n'y a un type d'aliéné ou un rapport de parenté du crime avec l'atavisme.

On pourrait allonger la liste, mais à quoi bon ! Il suffira de signaler les études récentes de Hertz qui tendent à remettre le dégénéré à sa vraie place, à l'expliquer biologiquement d'après certaines indications encore incomplètes, mais qui seront fécondes. L'aliéniste italien Tanzi, dans un récent traité sur les maladies mentales, reconnaît que les défauts physiques ne caractérisent pas plus le criminel que les autres hommes. Ingenieros s'exprimait de même dans un écrit récent et déclarait que les caractères indiqués par l'école de Lombroso ne sont pas spécifiquement réservés au criminel. Il n'existe pas un « type criminel ». Il est seulement vrai que beaucoup de criminels présentent les anomalies morphologiques communes à tous les dégénérés.

Nous pouvons conclure. Il y a ici deux problèmes dont on pourrait ainsi formuler la solution :

l'œuvre de césar lombroso 249

ift II existe des individus qui doivent élre considérés comme anormaux ; ils présentent des altérations et des déviations morphologiques. Il faut y voir des dégénérés. Pour ces individus, le crime, dans une proportion qui varie selon les individus et selon les conditions de milieu, d'éducation, de société, est l'expression de facteurs internes.

2° Les anomalies morphologiques ne sont pas un caractère spécial au criminel.

Que reste-t-il de l'anthropologie criminelle ? Bien peu de chose. Un amas de données rassemblées sans méthode, des observations contradictoires, des statistiques qui ont perdu toute signification. Tout au plus en reste-t-il les procédés que la police emploie pour identifier les criminels. Après tant d'années de recherches, il faut se remettre à une étude objective de l'anthropologie, de la psychologie, de la sociologie du criminel.

L'anthropologie criminelle a confondu le problème du pourquoi et le problème du comment. Elle a cru pouvoir établir les causes ; elle n'avait fait qu'entrevoir certaines des conditions organiques à partir desquelles parfois le crime se constitue.

L'école de Lombroso a l'honneur d'avoir provoqué les premières recherches sur les conditions de milieu physique, sur les conditions organiques et psychiques qui influencent la liberté de l'homme.

Mais son mérite ne va pas au delà. L'échec des doctrines de l'école italienne ne déterminera pas la chute de l'anthropologie criminelle. Ceux qui la cultivent s'instruiront de l'expérience du passé et ils comprendront que cette science, encore dans l'enfance, doit recueillir et classer des matériaux afin de déterminer le rôle que les divers facteurs peuvent jouer dans l'explication génétique du crime. On comprendra l'importance de ces recherches pour la détermination du degré de responsabilité de chaque criminel.

L'homme de génie. — La doctrine de l'origine du génie est intimement liée à la doctrine de la criminalité. Qu'est-ce que le génie? Lombroso établissait des caractères anormaux de dégénérescence communs aux hommes de génie. Il relevait divers cas de génies névrosés et fous. Sur ces bases il cherchait à déterminer les conditions qu'il considérait comme engendrant le génie : conditions climatériques, sociales, héréditaires. D'autre part, il étudiait les manifestations géniales que présentent les aliénés. Et il croyait ainsi être arrivé à établir une analogie entre les caractères spéciaux de l'homme de génie aliéné et ceux des hommes de génie non aliénés, comme aussi des fous géniaux.

250 A GEMELLI

. Non content d'avoir établi le caractère spécial du génie, il cherchait un élément biologique qui en fût le fondement. Dans cette seconde recherche, il s'est en quelque temps si souvent contredit que, dans la cinquième édition de « Vuomo di genio », il écrivait : « Jamais je n'ai dû, comme dans ce livre, désavouer presque entièrement la première édition. Jamais l'idée primitive, d'autant plus imparfaite que plus improvisée, n'a dû se transformer à ce point. »

A la fin il formula la théorie d'après laquelle le génie est une psychose, une dégénérescence, une maladie. Et allant plus loin, il veut préciser et s'arrête à la théorie qui fait du génie le produit d'une névrose de nature épileptique. La preuve était empruntée aux domaines les plus divers. Preuves génétiques : l'origine oom- mune d'hommes de génie et d'épileptiques, également nés de parents alcooliques, trop vieux, atteints de traumatismes ou de folie. Preuves d'analogie : la moindre fréquence du génie comme de l'épilepsie chez les femmes ; les caractéristiques somatiques et psychologiques communes : hallucinations, précocité sexuelle et intellectuelle, somnambulisme, dissociation de la personnalité, obtusité tactile, analgésie, amnésie, phobie, délire, insensibilité morale, etc. Il s'appuyait surtout sur l'analogie de l'accès épileptique et de l'enthousiasme. Enfin il établissait la présence de l'épilepsie classique, avec tout son cortège de phénomènes physiques et psychiques, chez des hommes vraiment géniaux. Chez d'autres, il retrouvait, mais sans accès, certains phénomènes psychiques qui accompagnent l'épilepsie ; d'où il inférait une forme d'épilepsie larvaire. Aucun grand homme n'échappe à sa main profanatrice : de Pétrarque à Manzoni, de Christophe Colomb à Napoléon, de Dante à Carducci, de César à Pierre Je Grand, de Goethe à Wagner, de Bacon à Kant, de Comte à Hegel, tous sont classés épileptiques, mélancoliques, mégalomanes, alcooliques, fous douteurs, hallucinés et fous moraux. Napoléon et Pascal sont dans une catégorie, Goethe et Léopardi dans une autre, George Sand et Chopin dans une troisième, Dante, Hegel, Victor Hugo dans une quatrième.

. Les disciples en font autant que le maître. Et l'on voit surgir des monographies d'hommes de génie. Ainsi Roncoroni, Antonini, Cognetti de Martiis, Patrizt étudient le Tasse, Alfieri ou Léopardi.

Les disciples ne se contentent pas de suivre la doctrine du maître. Ils en tirent les conclusions les plus extrêmes et vont jusqu'à dire, ce que lui n'avait pas osé dire nettement : le génie s'identifie avec l'épilepsie.

Nous ne pouvons faire ici l'examen critique de cette théorie. Il faudrait rechercher si l'inducticn est concluante, si les faits sont

l'œuvre de césar lombroso 251

historiquement vrais, si les éléments physiologiques de la théorie sont fondés et admis par les hommes de science. Contentons-nous de quelques observations générales. Elles serviront encore à mettre en lumière la physionomie de l'auteur.

Incohérence de la théorie de l'homme de génie. — Premier défaut où l'homme se retrouve tout entier :1a théorie manque tout à fait de précision. On lui en a fait un mérite, on a dit que Lombroso ne définissait jamais parce que ses idées sur la nature du génie résultaient de l'ensemble de sa production et qu'ainsi génie, talent, extravagance se confondaient malgré les barrières empiriques qui séparent ces diverses manifestations de la personnalité humaine. Mais en fait, Lombroso n'a jamais bien su ce qu'était le génie. Et l'imprécision de son langage reflète une imprécision de pensée peu favorable aux recherches scientifiques.

Il écrivait lui-même récemment : « Une plus juste critique est de dire que je n'ai pas assez distingué le grand talent du génie. » Et pour se justifier il ajoutait : « Mais les génies sont si rares, que, à vouloir ne s'occuper que d'eux, on pourrait risquer de tabler sur des éléments trop restreints. D'ailleurs, il y a des génies qui par certains côtés sont inférieurs aux hommes de talent, et des talents qui touchent au génie. La démarcation est si malaisée à établir, que ceux qui me critiquent tombent dans la même erreur. » l)

1) Horselll a voulu justifier le maître. Il écrit : « Ne al Maestro, né ai seguaci di loi, per quanto interpreti ed estensori non sempre abbastanza critici dei principt e metodi délia scuola, venne e viene mai in mente che una coincidenza divenga una causa, che un' anomalia porga la spiegazione del delitto o délia pazzia, una ere- dità neuropatica dia ragione del genio. No : le stimmate che denotano difetti di sviluppo, deviazioni di struttura, dissimmetrie di funzione, accompagnano, e non causano, il fenomeno mentale morboso od anomalo ; esse, cioè, «ono un indizio o un esponente (a seconda délie circostanze e dei cas!) di quel fondamento organico, materiale, che la dottrina presuppone e poi assegna e assai gpesso invincibilmente dimostra esistere al disotto délie malattie, anomalie ed eccezionalità dello spirito umano. Non si attribuisca, dunque, al Lombrosismo l'errore ingenuo e grossolano di metodo consistente nell' interpretare un fatto coïncidente per una causa efficiente, o, corne hanno detto i giullari délia critica, nel diagnosticare la insania dai diametri e dalle bozze del cranio ! Tanto il segno fisico particolare, quanto l'abnormità psichica intellettuale e mentale complessiva, sono insieme descritti perché insieme veduti o insieme scoperti, non già perché dai primo si immagini si8tematicamente e pregiudicatamente la seconda quale effetto immancabile e diretto. In realtà la stimmata morfologica o fisiopatica indica l'esistenza di una causa comune che dà origine nello stesso tempo al perturbamento délia struttura o délia- funzione organica e ail' anomalia o eccessività délia funzione psichica : e la causa comune, cbe agisce contemporaneamente sui due lati o aspetti délia unica personalità, è la degenerazione o la malattia. È oramai tempo che da questa stolida accusa relativa al metodo la scienza del Lombroso venga purgata seconde giustizia. t

liais quoi qu'en ait Morselli, cette défense n'est pas moins illogique que la thèse de Lombroso. Il reconnaît lui-même : c Che, se il Maestro s'è lasciato in taluni casi

252 A> 8EMELLI

L'erreur fondamentale de Lombroso est plus profonde, c'est une erreur de logique qui lui est commune avec tous nos positivistes. C'est le sophisme : cum hoc ergo propter hoc. D'un rapport de concomitance il infère un rapport de causalité. Du fait que chez l'homme de génie il a trouvé certains caractères pathologiques ou de dégénérescence, il conclut que l'homme de génie est un anormal.

Examinons l'induction de Lombroso. Il énumère les caractères anthropologiques qu'il considère comme

propres à l'homme de génie. Ces caractères, dit-il, ne sont que des stigmates de dégénérescence, symptômes d'une névrose. Et il en conclut que le génie se confond avec la névrose.

A preuve de cette identité, Lombroso fait passer sous les yeux du lecteur des individus appartenant au groupe des génies ou à des groupes connexes, et qui présentent ces stigmates.

Mais à vrai dire, pour admettre son raisonnement, il faudrait que rénumération des stigmates de dégénérescence fût complète, tout au moins il faudrait que les manquants fussent négligeables. Or, il suffit de lire Lombroso pour voir qu'il n'en est rien. Il n'examine qu'un nombre restreint de cas. Il met, pêle-mêle avec les génies, des hommes à peine marquants 1).

Autre erreur fondamentale, pour pouvoir affirmer qu'un caractère est propre à une classe d'individus, il est nécessaire qu'il convienne à cette classe, et à cette classe exclusivement. Or, quels sont les caractères de dégénérescence qui sont propres aux hommes de génie? Lombroso parle de petite stature, stature défectueuse, précocité, maigreur, etc. Tout cela est très peu spécifique 2).

trasclnare a prevedere e per s in o a prédire l'anormalltà morale, a lai ignota o dà lai non potuta ancor analizzare obiettivamente, dall' esistenza di certi caratteri fisici somatici, dalle particolarità superficial! di struttura corporea (quali la fisiono- mla più o meno fedelmente riprodotta), questo puô essere stato da parte sua an atto di oredenza eccessiva nelle proprie teorie, una affermazione ardimentosa, ma pur 8empre simpatlca. » Ecco, veramente, io Bon cbiamerei simpatica l'affermazione di chi va con la teorla avant! ai fatti ; io la cbiamerei ssmplicemente lllegittima.

1) Salis Seevis écrit : « La Induzione degli individu!, in cui vi è la impronta dei caratteri, délie abitudini, dei gentiment! e di checchè altro stimato da lui argo- mento di degenerazione, negli uomini di genio sta al di sotto del vero corne uno a cento e più. Giacchè egli tocca appena alcuno fra gli antichi, vola au l'età di mezzo, nomina alcuno dopo 'il risorgimento délie scienze ; il suo lavoro più forte si ristringe a parecchi gruppi d'individu! modern!, confonde» -Io cogli uomini di genio scrittori d'ingegno poco su del comune o di mediocre cultura. Chi dira cotesta ana induzione perfetta, concludente ? Niuno per fermo. »

9) Salis Seevis ajoute : < II Lombroso ve 1! mette cosi sott' occhio : statura pîccola, e difettosa, mancinistno, precocità d'ingegno, magreeea, balbuzie, sme- morataggine ed altrettali. Cotesti sono i caratteri degeneranti, che qualificano l'uomo d'ingegno? Quand'è cosi, o conviens cavarsi gli occhi dalla fronte per non vedere, corne non vi sia caro al mon do di magri, di piccole stature, di smemorati,

l'œuvre de césar lombroso 253

II faudrait encore demander si les caractères spécifiques de l'homme de génie sont historiquement prouvés. Mais il ne faut pas se montrer trop difficile à l'égard d'un homme qui dut tant de fois transformer ses théories en présence des faits.

Lombroso en matière d'histoire a la vue perçante. Il a découvert que Kotzebue écrivit à trois ans sa première comédie, que Haller à quatre ans expliquait une ballade, que Canova était amoureux à cinq ans et Dante à neuf ans. Il est vrai, il nous raconte aussi que Cornelius a Lapide s'appelait de ce nom parce qu'il avait eu la tête atteinte d'une pierre qui, blessant son cerveau et irritant les circonvolutions frontales, lui avait apporté le génie. Il n'est pas nécessaire d'expliquer au lecteur belge comment « a Lapide » traduisait le nom familial néerlandais de Van Steen.

Conclusion. — Dans toutes ces théories, une erreur fondamentale est incluse, l'erreur positiviste.

Lombroso dénie tout droit d'existence à la philosophie. Il réduit le savoir à ce qui se voit au microscope, à ce qui se trouve à la pointe du bistouri, à ce que mesure la machine à diviser. Nous l'avons dit, il fut l'un des premiers à s'enthousiasmer pour la doctrine matérialiste du « Kreislauf des Lebens » de Moleschott. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si pour Lombroso, qui niait l'âme, disparait la distinction que seule l'âme peut mettre entre le génie et la folie, entre la mentalité du poète et du penseur et la passion du criminel. Il n'a en effet étudié ni le génie des hommes de génie, ni la criminalité du criminel, il a étudié seulement la structure physique des uns et des autres.

Ainsi l'on comprend ces théories grossières et profanatrices, ces théories scandaleuses dans lesquelles lui et ses disciples se sont attaqués aux esprits élevés que tout homme vénère.

On comprend aussi comment Gina Lombroso a pu écrire en mettant en lumière les soi-disant avantages de la doctrine : « Mon père a démontré d'une manière lumineuse et définitive dans son

di difettosi di corpo, o conchiudere che di nomini di genio ve ne ha a iosa. Tanto è falso che cotesti caratteri si addicano particolartnente od anche proporzional- mente agli uotnini di genio. Oh si, portarono la impronta del tralignamento nella mostra anticipât a del loro ingegno, un Aristotele, un Platone, un Demostene, un Cicerone, un Michelangelo, un Tiziano ed altri non pochi veri genii, che vissero lunghi anni sani di corpo e di mente ! In conclusione siano pure i caratteri anno» verati indizi di degenerazione, corne li qualificano gli scienziati, tecondo il Lom< broso, ma non sono cosi propr! degll uomini di genio, che non siano altresi cornu» nissitni agli altri ordini d'individui. La sua induzione 4 quindi molto rumorosa nei nomi, ma muta in logica, ossia di niun ralore. »

254 À. GEMELLI

« Uomo di genio » que le génie et la sainteté ne sont que des variétés de névrose... Parmi toutes les critiques et les injures que cela lui a valu, on n'a apporté aucun fait qui renversât la doctrine. Malgré la colère des petits esprits équilibrés et bien pensants, la ligne délicate qui sépare le génie de la folie n'est pas encore trouvée... Si l'on se refuse à admettre l'origine pathologique du génie, c'est là un simple effet de l'orgueil moderne. »

Essayons donc d'être moins orgueilleux. De fait, Lombroso, sous ce rapport, ne nous a point donné un très bon exemple.

Ceci n'est point un commérage, c'est un trait qui éclaire l'homme. Sergi, son ami, raconte qu'il disait un jour à Lombroso à propos d'une nouvelle édition de « UUomo di genio » : « Vous serez dans l'appendice ». Et Lombroso de sourire d'an air bon enfant.

Avons-nous été trop sévères ? Nous l'avons dit dès le début, ce n'est point l'homme que nous avons voulu combattre, mais la doctrine. L'homme a le mérite d'avoir éveillé l'intérêt pour l'anthropologie, d'avoir éveillé chez beaucoup de jeunes gens l'amour des recherches scientifiques, d'avoir, comme je l'ai montré plus haut, commencé et conduit vigoureusement plusieurs applications pratiques qui réellemennt lui font honneur.

Le premier de ses mérites est certainement d'avoir entrepris l'étude scientifique du crime, considéré objectivement comme une déviation de l'activité sociale de l'individu. Cette étude fait l'objet de la criminologie. L'école classique de droit pénal considère le crime comme fait antijuridique, antisocial ; elle tient compte sans doute des conditions ambiantes et des conditions organiques parmi lesquelles le crime a germé ; mais elle ne donne pas à cette étude l'importance voulue parce qu'elle ne voit dans le crime qu'une entité abstraite à laquelle est due la peine. Lombroso a le mérite d'avoir donné une impulsion vigoureuse à ces études négligées jusqu'à lui et, il faut le reconnaître, encore négligées aujourd'hui. Ce mérite réel justifie et explique le grand succès qu'ont obtenu les théories de Lombroso.

Mais à l'enthousiasme bruyant et tumultueux des premiers moments a succédé la période de recueillement, où se fait le travail de critique et de sélection. Il faut trier, dans l'œuvre de Lombroso, ce qui est viable et ce qui, définitivement, est mort.

Soyons-lui reconnaissants de l'impulsion qu'il a donnée aux recherches d'anthropologie, mais aussi refusons courageusement le droit de cité à ses doctrines et mettons-nous au travail, serein et , sans préjugé, qui pourra refaire l'anthropologie sur des bases sérieuses.

l'œuvre de oésar lombroso 255

Une dernière observation. L'analyse de l'œuvre scientifique de César Lombroso suggère

une conclusion : Elle marque la fin d'une époque et une fin peu glorieuse. Elle est aussi un grand enseignement pour nous. A l'époque des triomphes de Lombroso, on a travaillé sans nous, et ainsi on a travaillé contre nous.

C'est parce que nous sommes restés étrangers au mouvement des études qui se sont faites sur la criminalité, du point de vue biologique, dans ces cinquante dernières années, parce que ces recherches ont été faites sans notre collaboration et, chose plus importante, sans notre critique, c'est pour cela qu'elles ont abouti à des affirmations hostiles à nos idées. C'est pourquoi nous avons le devoir, aujourd'hui, de prendre part au renouvellement de l'anthropologie criminelle qui s'accomplit de nos jours, surtout par les écoles allemandes. En ce moment, les constructions enfantines et simplistes des anlhropologistes italiens tombent en ruine. On voit se dresser les lignes de conceptions nouvelles fondées sur la recherche scien* tifique sans préjugés. C'est le moment de répéter ce que disait dans la Revue Néo-Scol astique M. Mans, au lendemain du quatrième congrès d'anthropologie criminelle tenu à Genève : « Les recherches de l'anthropologie criminelle, comme toutes celles de la psychologie expérimentale, ne sont l'apanage d'aucune école. Le champ d'exploration est assez vaste pour recevoir tous les travailleurs de bonne volonté et il faut espérer que les spiritualistes ne seront pas les moins actifs. De même que les absents ont souvent tort, les doctrines qui se tiennent à l'écart sont exposées à être mal connues et mal jugées. Par la force des choses, les progrès accomplis sans elles paraissent trop souvent s'être faits contre elles » l).

Au lendemain des funérailles de Lombroso et de sa doctrine, à ce moment où les hommes d'étude s'attellent à la refonte de l'anthropologie 2), veillons à ne pas retomber dans l'erreur d'autrefois.

Prof. Dott. A. Gemelli, 0. F. M., co-dlr«cteur de la Rivista di Fihsofia Neo-Scolastica.

1) Revue Néo-Scolastique, novembre 1896, p. 897. 1) Sur la direction prise par l'anthropologie dans la solution des problèmes abordés,

mais non résolus par Lombroso, on peut voir mon ouvrage : Le dottrine moderne délia delinquent», Libreria éditrice Fiorentina, 2a éd., 1610.