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Les arts de combat, lutte ou arts martiaux, suscitent un intérêt croissant dans notre société. Davantage qu'un simple apprentis- sage du combat, c'est une véritable philosophie de vie qui est en général recherchée à travers leur pratique. La lutte éduca- tive ne nécessite pas une expertise technique de la part de l'enseignant. Par le traitement didactique qui la constitue, ses obser- vables sont simples et concrets. PAR H. DOHIN LA LUTTE ÉDUCATIVE Trop souvent envisagée dans sa seule dimen- sion sportive, la lutte éducative est, à l'ori- gine, fondée sur la communication. Encore aujourd'hui, dans toutes les luttes tradition- nelles, accepter de lutter, c'est accepter de se mesurer avec les autres pour trouver sa place au sein du groupe. D'un point de vue éducatif, la lutte est un moyen pour observer les tensions, prendre conscience des inhibitions, des résistances à la communication, et ainsi permettre une gestion de l'agressivité. Dans notre démarche pédagogique nous considérons l'activité dans sa dimension informationnelle. Cette conception suppose d'organiser l'enseignement pour mettre le pratiquant en situation de communication et de réceptivité d'informations. On privilégie l'aspect relationnel et la pratique s'articule autour de la communication kinesthésique. Les observables immédiats ne sont plus exclu- sivement techniques, mais incluent la gestion du tonus musculaire et la réponse aux signaux déclencheurs des actions. LA SÉANCE DE LUTTE PRÉSENTE TROIS FORMES PRINCIPALES DE SITUATIONS Des combats aménagés La notion du combat de lutte est présente le plus souvent en alternance avec des situations d'en- chaînements en duo. Les situations d'apprentis- sage mises en place ont pour objet de maintenir la continuité de l'action et l'information. En assurant le contact avec l'autre lutteur, l'appre- nant peut éviter de passer par une phase de lutte à distance, où l'information visuelle, inhibitrice et facteur d'élévation du tonus musculaire, prend le pas sur l'information kinesthésique. Des situations de mobilité individuelle : au sol principalement et en liaison sol-debout. A travers toute une gamme de pivots en partant des « rampings » (déplacements en rampant sur le dos puis à plat ventre) jusqu'aux relevés, il s'agit de découvrir le tapis et d'intégrer tota- lement l'horizontale. On peut imaginer le par- cours du bébé qui, au fil des semaines, explore progressivement l'espace en fonction de ses possibilités physiques ; au sol les contraintes dues à l'attraction terrestre sont différentes. L'élève peut prendre conscience des multiples possibilités de déplacements en utilisant tous les points d'appui de son corps (mains, coudes, épaules, etc.). Des situations d'enchaînement en duo : où tout le corps est engagé dans la communica- tion avec le partenaire, impliquant la prise de confiance en soi dans tous les contacts, de dos comme de face. Remarque Des temps de parole entre les situations sont nécessaires pour amener l'élève à mettre des mots sur ce qu'il ressent, sur ses productions motrices, puis à échanger avec les autres élèves. 1. MATÉRIEL PÉDAGOGIQUE Le tapis Il est sécurisant, plus souple que le tatami. Pour assurer une bonne sécurité, il doit pouvoir absorber des chocs, être confortable (une épaisseur de 6 cm est recommandée) et assez grand : 64 m 2 (8 x 8) pour une classe de CP, il faut 144 m 2 (12 x 12) pour un groupe de 30 lycéens. La tenue La tenue sportive habituelle en EPS convient parfai- tement : short ou survêtement léger et tee-shirt. La pratique s'effectue à pieds nus ou en chaussures de lutte. Il faut penser à avoir les ongles courts et à enle- ver tous les objets « agressifs » : montres et bijoux. EPS N° 308 - JUILLET-AOÛT 2004 63 Revue EP.S n°308 Juillet-Août 2004 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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Les arts de combat, lutte

ou arts martiaux, suscitent

un intérêt croissant dans

notre société. Davantage

qu 'un simple apprent is­

sage du combat, c'est une

vér i table phi losophie de

v i e q u i est en g é n é r a l

recherchée à travers leur

prat ique. La lutte éduca­

tive ne nécessite pas une

expertise technique de la

part de l'enseignant. Par

le t ra i tement d idac t ique

qui la constitue, ses obser­

vab les sont s imp les et

concrets.

PAR H. DOHIN

LA LUTTE ÉDUCATIVE Trop souvent envisagée dans sa seule dimen­sion sportive, la lutte éducative est, à l 'ori­gine, fondée sur la communication. Encore aujourd'hui, dans toutes les luttes tradition­nelles, accepter de lutter, c'est accepter de se mesurer avec les autres pour trouver sa place au sein du groupe. D 'un point de vue éducatif, la lutte est un moyen pour observer les tensions, prendre conscience des inhibitions, des résistances à la communication, et ainsi permettre une gestion de l'agressivité.

Dans notre démarche pédagog ique nous cons idérons l 'ac t ivi té dans sa dimension informationnelle. Cette conception suppose d 'organiser l 'enseignement pour mettre le pratiquant en situation de communication et de réceptivité d'informations. On privilégie l 'aspect relationnel et la pratique s'articule autour de la communication kinesthésique. Les observables immédiats ne sont plus exclu­sivement techniques, mais incluent la gestion du tonus musculaire et la réponse aux signaux déclencheurs des actions.

LA SÉANCE DE LUTTE PRÉSENTE TROIS FORMES PRINCIPALES DE SITUATIONS

Des combats aménagés

La notion du combat de lutte est présente le plus souvent en alternance avec des situations d'en­chaînements en duo. Les situations d'apprentis­sage mises en place ont pour objet de maintenir la continuité de l'action et l'information. En assurant le contact avec l'autre lutteur, l'appre­nant peut éviter de passer par une phase de lutte à distance, où l'information visuelle, inhibitrice et facteur d'élévation du tonus musculaire, prend le pas sur l'information kinesthésique.

Des situations de mobilité individuelle : au sol principalement et en liaison sol-debout. A travers toute une gamme de pivots en partant des « rampings » (déplacements en rampant sur le dos puis à plat ventre) jusqu'aux relevés, il s'agit de découvrir le tapis et d'intégrer tota­lement l'horizontale. On peut imaginer le par­cours du bébé qui, au fil des semaines, explore progressivement l 'espace en fonction de ses possibilités physiques ; au sol les contraintes dues à l'attraction terrestre sont différentes. L'élève peut prendre conscience des multiples possibilités de déplacements en utilisant tous les po in ts d ' a p p u i de son corps ( m a i n s , coudes, épaules, etc.).

Des situations d'enchaînement en duo : où tout le corps est engagé dans la communica­tion avec le partenaire, impliquant la prise de confiance en soi dans tous les contacts, de dos comme de face.

Remarque Des temps de parole entre les situations sont nécessaires pour amener l'élève à mettre des mots sur ce qu'il ressent, sur ses productions motrices, puis à échanger avec les autres élèves.

1 . M A T É R I E L P É D A G O G I Q U E

Le tapis

Il est sécurisant, plus souple que le tatami. Pour assurer une bonne sécurité, il doit pouvoir absorber des chocs, être confortable (une épaisseur de 6 cm est recommandée) et assez grand : 64 m 2 (8 x 8) pour une classe de CP, il faut 144 m 2 (12 x 12) pour un groupe de 30 lycéens.

La tenue

La tenue sportive habituelle en EPS convient parfai­tement : short ou survêtement léger et tee-shirt. La pratique s'effectue à pieds nus ou en chaussures de lutte. Il faut penser à avoir les ongles courts et à enle­ver tous les objets « agressifs » : montres et bijoux.

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SITUATIONS PÉDAGOGIQUES Nous proposerons ici une classification thé­matique, accompagnée d'exemples, à partir desquels l'enseignant pourra expérimenter en introduisant des variantes d'exercices selon le besoin (1). Pour réaliser une lutte riche et fluide, l'élève doit acquérir certaines habile­tés, que nous déclinons en groupes de situa­tions exploitées au fil des séances :

- la mobil i té au sol et la mobil i té debout (mobilité individuelle et mobilité à deux) ; - l'alternance de la mobilité et de la stabilité (stabilité de forme et de poids) ; - les pivots (centre d'action) ; - les signaux (en information kinesthésique principalement).

Dans un premier temps, il est très riche de pas­ser par l'horizontale. Quel que soit le type de s i tua t ions (seul ou à deux) , cela pe rmet d'abaisser le tonus musculaire et favorise la communication kinesthésique avec le parte­naire.

Mobilité individuelle

L'élève découvre le tapis en se déplaçant individuellement, principalement au sol, puis en alternant les passages au sol et debout.

Exemples : « rampings » sur le dos (photo 1) et sur le ventre (photo 2) ; déplace­ments en quadrupédie (photo 3). Ces exercices sont très importants pour déver­rouiller le dos et se relâcher. Ils peuvent être réalisés seuls ou à deux (d'une manière plus ludique), en suivant un partenaire qui marche doucement (photo 4). Pivoter sur le ventre (photo 5). autour de la main (photo 6). Marcher pied-genou avec changements de direction (photo 7). Surpasser (2) : alterner quadrupédie face au tapis et dos au tapis.

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Pivoter sur le bassin : de la position assise revenir à plat ventre et inversement (photos 8 à 11).

Mobilité à deux et réponse à un signal kinesthésique Pivoter autour du partenaire en position quadrupédique (photo 12). Résister à l'emprisonnement au sol, combattre au sol à partir d'une position de « tombé » (victoire). Exemple (photo 13) : A est couché sur le dos, B est en appui poitrine sur lui. Les deux élèves sont ainsi allongés avec l 'axe du corps tourné à 90° l'un par rapport à l 'autre. Cette position doit permettre d'associer une contrainte, qui est l 'acceptation du contact, à une facilitation, qui vient du fait que la posi­tion allongée enlève la peur d'éventuels chocs et permet

un plus grand relâchement. L'élève A doit revenir à plat ventre ou en position de supériorité, sur B. Ce dernier doit rester sur A, rester lourd en appui poitrine sur A, sans le bloquer avec ses bras. Il doit ensuite être capable de pivoter sur A.

Mobilité et réponse à un signal visuel L'objectif consiste à aller chercher le contact en ceintu­rant le partenaire (photos 14, 15).

Exemple : l'élève A est à plat ventre, B est debout devant A ; B doit passer derrière A en le contournant et le ceinturer. C'est une situation simple et ludique qui permet à l'élève d'aller chercher le contact avec le sol et avec son parte­naire sans appréhension. L'élève A pivote en s'aidant des mains pour se propulser.

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Mobilité à deux et réponse à un signal kinesthésique L'objectif consiste à rechercher des signaux pour surpas­ser (photos 16 à 19). Exemple : au sol, l'élève A qui se trou­ve en position quadru-pédique doit revenir sur B (qui n'oppose pas de résistance) en surpassant. L'élève B doit conserver l'appui poitrine sur A, pivoter autour, sans l'empê­cher de surpasser et sans perdre le contact. Cette situation permet d'observer si l'enfant trouve ses repères pour revenir en s'adaptant au placement du parte­naire.

Opposition en kinesthésie Il s'agit de l'application de l'alternance communication-opposition. Exemple : un combat de lutte au sol convient particulièrement bien (photo 20) ; le principe retenu dans cette situation est la mise en position de recherche de solution de la part des élèves, en position de départ. Au contact, A est en posi­tion quadrupédique et B est au-dessus, de face, en appui de sa hanche sur l'épaule du partenaire. Il faut placer le couple en situation de communication kinesthésique de façon à offrir aux deux élèves des possibilités variées de réponses sans avantager l'un ou l'autre.

Combat Cette situation d'opposition est intéressante à partir du moment où les parte­naires ont intégré les principes de la lutte en communication et en information et sont capables de lutter sans forcer. Exemple : combat de lutte libre avec départ face à face à distance comme dans la lutte olympique.

LES PREMIÈRES SÉANCES

En début de cycle, il est indispensable de faire une présentation orale de la lutte aux élèves en tant qu'activité de communication : l'im­portance est donnée au ludique et non à la force (informations-clé sur la lutte, activité immémoriale, les luttes tradition­nelles, les luttes olympiques, la lutte édu­cative).

SÉANCE 1

Informations visuelles : vision centrale et vision périphérique Courses très variées (individuelles, col­lectives, poursuites, conduites par deux, avec yeux fermés), pas chassés, etc.

Découverte du tapis : mobilité individuelle - « ramping » sur le dos et la poitrine, - réalisation de tous les pivots au contact du tapis (rotations 360° sur les fesses,

sur le ventre, sur l'épaule, autour de la main), - quadrupédies face au tapis ou face au pla­fond (sous formes de traversées), - alternance de quadrupédies face au tapis ou

tace au plafond, - traversées de tapis en déroulant pieds-genoux. Découverte du contact avec le parte­naire : l'information kinesthésique Un partenaire couché sur le dos, Vautre à 90° en appui poitrine contre poitrine : - celui qui est en dessous doit revenir sur le ventre malgré le poids de l'autre, - celui qui est dessus doit pivoter autour en conservant l'appui poitrine, - les deux partenaires réalisent ces consignes simultanément (photo 21).

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Un partenaire en appui quadrupédique sur le tapis, Vautre en appui de dos sur lui : - celui qui est dessus doit pivoter autour (360°) en conservant le contact des omoplates et en restant face au plafond, - la même chose, celui qui est dessous se déplace lentement. Un partenaire est à plat ventre sur le tapis, Vautre debout face à lui Celui qui est debout doit aller ceinturer l'autre en le contournant, celui qui est au sol peut se déplacer en restant à plat ventre.

Découverte de la mobilité à deux et des signaux déclencheurs de l'action en infor­mation kinesthésique Traversées de tapis en roulant - un partenaire couché sur le dos, l'autre allongé sur lui les bras engagés dessus-des­sous. Ils enclenchent la rotation chacun leur tour lorsqu'ils passent sur le dos (photo 22), - un partenaire à plat ventre, l'autre derrière le prend en ceinture : celui qui est dessous rampe pour traverser le tapis (attention, par sécurité, il ne doit pas avoir les bras tendus), celui qui

est dessus réalise des ceintures de côté à droite et à gauche. Cette situation se déroule au début sans opposition puis avec opposition.

Pivots Sans opposition, un partenaire en appui quadrupédique sur le tapis, l'autre en appui poitrine sur lui. Celui qui est dessus reste en appui poitrine et cherche à pivoter, celui qui est dessous cherche à revenir dessus tout en conservant le contact.

Combats

La position de départ est au sol, un partenaire en appui quadrupédique sur le tapis, l'autre en appui de face (tout son poids pèse sur le partenaire). Les premiers combats se déroulent à « 30 % » de l'effort maximal. Ils ont pour observables la communication et la continuité des actions ; il est hors de question de chercher la victoire en luttant avec intensité maximale.

Relaxation - Étirements Les situations de retour au calme sont mul­tiples et variées. Les étirements peuvent être réalisés seuls (étirements actifs), ou par deux (étirements passifs).

SEANCES 2 et 3

Reprendre les situations de la première séance. Commencer directement par les courses, puis des situations à deux.

Traversées de tapis debout : le lutteur prend appui en déséquilibre arrière sur les mains (bras tendus) ou la poitrine de son partenaire (photo 23) ; il pivote et passe der­rière son partenaire lorsque celui-ci retire une main (signal en kinesthésie).

Enrichir les pivots au sol : mobilité individuelle puis à deux.

GRILLE D'OBSERVATION

Les observables présentés ici permettront à l'enseignant, à partir des situations qu'il aura mises en place, d'évaluer les capacités des élèves (tableau). Si ces notions ne sont pas évidentes au premier abord, elles constituent néanmoins un référentiel riche pour l'ensei­gnement. Deux thèmes sont envisagés : - la disponibilité à l'information, - la capacité à alterner la stabilité et la mobilité en information. Le mode d'observation du rapport du couple à travers les enchaînements et les temps de pas­sage de la stabilité à la mobilité est spécifique de la lutte éducative. Ces deux indicateurs (mobilité et stabilité) permettent d'observer la continuité de l'action dans la lutte et la jus­tesse des prises d'informations. Trois éléments sont pris en compte.

La stabilité de forme : le corps est relâché (adaptation du tonus), le poids est le plus réparti possible pour prendre l'information sur le partenaire.

La stabilité de poids : le corps est mobilisé pour modifier la répartition du poids et créer un point de fixation dans le rapport du couple (utilisation du déséquilibre du partenaire).

La fixation : c'est la création d'un axe de rotation sur le partenaire qui va permettre de pivoter et de trouver la mobilité.

Les comportements recherchés sont dans l'ordre : - être capable de placer le plus souvent pos­sible le maximum de surface au contact de l'autre pour prélever le plus d'informations possible, le tonus est alors bas et la réceptivité à son maximum (stabilité de forme) ; - se déplacer d'une manière minimaliste pour créer un point de pivot entre les deux lutteurs (stabilité de poids) ; - utiliser ensuite cette fixation et développer une action autour de cet axe (en mobilité). Les enchaînements sont constitués de pas­sages successifs d'une stabilité de forme (relâché au contact du partenaire) à une stabi­lité de poids (création d'un point de fixation) à la mobilité puis inversement. La justesse temporelle de ces passages successifs consti­tue un observable du savoir lutter informa­tionnel.

SÉANCES TYPES -COMPORTEMENTS ATTENDUS

La séance est composée de courses, de dépla­cements seuls ou à deux, de stretching, et de situations de lutte, mais il est également pos­sible d'y associer différents exercices gym­niques, de renforcement musculaire ou des jeux collectifs. Elle se termine idéalement par une phase de relaxation (« re-axation »).

Les variations possibles durant la séance En fonction des obstacles rencontrés par les élèves, l'enseignant peut à tout moment moduler certaines variables didactiques en changeant ou en adaptant les situations sur : - le degré d'opposition ; - les positions de départ ; - la durée des situations ; - l'organisation des groupes (niveaux des par­tenaires, sexe, poids).

Comportements attendus D'un point de vue général, les élèves devraient avoir développé à la fin du cycle un « savoir lutter » sur la base de la communica­tion, c'est-à-dire en restant impliqués dans le combat sur une base informationnelle, s'atta­chant à garder le contact en cherchant le geste « juste ». Cette transformation chez les appre­nants devrait faire apparaître des comporte­ments plus libres, c'est-à-dire moins sécuri­taires et défensifs, donc plus riches dans le contact avec le partenaire-adversaire, que ce soit dans l'opposition ou lors de situations en coopération. Nous pourrons donc observer des combats sans fuites, sans blocages défen­sifs passifs, et sans comportements stéréoty­pés, où l'apprenant cherche à s'organiser stra-tégiquement pour attaquer et « placer son coup » (sa prise). La lutte devrait devenir fluide, l'interpénétration des sphères person-

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2. RÈGLEMENT EN LUTTE ÉDUCATIVE Gain du match La victoire sera attribuée avant le temps réglementaire si un lutteur marque deux tombés (le premier tombé rapportera quatre points), sinon au lutteur qui totalise le plus grand nombre de points techniques. Quatre points. Le tombé (deux omoplates au contact du tapis, c'est la finalité de la lutte). En lutte éducative, le tombé est constaté lorsque le lutteur est maintenu trois secondes. Ceci devrait permettre au pratiquant d'avoir le temps de réaliser sa position au sol et d'en­chaîner si cela est encore possible. Trois points. Prise ou contre-prise amorcée debout ame­nant l'adversaire directement en danger (dos orienté vers le tapis). Ceci est appliqué uniquement dans les ren­contres de niveau 2 et 3, où la lutte debout est considérée. Deux points. « Mise en danger » au sol uniquement. Le lutteur passe épaules orientées vers le tapis à par­tir d'une action de son adversaire dans ce but.

nelles plus évidente, les enchaînements sans rôle tenu d'attaquant ou de défenseur plus fré­quents, le nombre des réponses motrices aux situations augmenté. Nous pourrions qualifier cette lutte de « spontanée », c'est-à-dire qui n'est pas axée sur la recherche systématique de techniques réfléchies.

Hervé Dohin Professeur agrégé d'EPS,

Université du Mirail, Toulouse, Centre de formation,

Stade toulousain. Email : [email protected]

Un point. L'amener à terre (3) avec passage arrière (4). Il est appliqué à chaque fois qu'un lutteur parvient à contrôler son adversaire en se plaçant derrière lui, celui-ci étant en quadrupédie ou à plat ventre.

Un point. Le surpasser. Il s'agit de la même situation, lorsqu'un lutteur passe d'une position d'infériorité (dessous) à une position de supériorité (dessus). Ceci est organisé dans le but de privilégier l'enchaînement. Celui qui passe dessous doit enchaîner.

Règles particulières Il n'y a pas d'avertissement en lutte éducative. Afin de rendre très lisibles les enchaînements, on attribue des points uniquement à celui qui a agi pour marquer. L'arbitre ne parle généralement pas aux lutteurs, néanmoins une terminologie d'arbitrage existe.

Durée des combats : approximativement trois minutes (2 fois 1 min 30).

Notes (1) Un film pédagogique a été réalisé pour les enseignants qui sou­haiteraient visualiser de multiples situations. Par ailleurs des stages de formation sont organisés. Pour tous renseignements : SUAPS université de Toulouse. 5 allées Antonio Machado. 31058 Toulouse, e-mail : [email protected] (2) Surpasser : lorsqu'on est sous le partenaire, consiste à revenir dessus en passant derrière lui ( 1 point). (3) Amener le partenaire au sol sans mise en danger et avec passage arrière. (4) Le passage arrière est indispensable pour l'attribution d'un point.

Bibliographie Ajurriaguerra J. et Stambak M., L'évolution des syncinésies chez l'enfant. La presse médicale (vol. 63). Paris. 1955. Cyrulnik B., Sous le signe du lien. Pans, Hachette, 2000.

Dejours C., Le corps d'abord ; corps biologique, corps érotique et sens moral. Paris, Payot, 2001. Dohin H., Bat-Erdene Avraga ». film Bétacam - Université de Toulouse le Mirail. ESAV, 1991. Dohin H., Évolution de l'enseignement de la lutte : bilan et pers­pectives. Toulouse. Université le Mirail, 1999. Dohin H., « Mise à l'épreuve d'une option didactique information­nelle de la lutte : le cas d'un cycle d'EPS en sixième ». DEA en Sciences de l'éducation. Toulouse, université le Mirail, 2001. Dohin H., « La lutte éducative, vecteur de la construction identitaire » in Revue EMPAN. Sport et intégration, Ramonville (31), Érès, 2003. Galinier J.-J., Taï Chi. « Un pont entre orient et occident ». Bla-gnac. Arts Martiaux Bio-Contact. 2000. Rulie C., La lutte éducative, harmonisation de l'enfant. Toulouse. Faculté de Médecine, 1998. Sauvageot A., La Lutte Éducative, Aix-Marseille II, IUT hygiène et sécurité, 1988. Sauvageot M., « Document nécessaire à l'interprétation de la lutte éducative, de l'école maternelle à l'école élémentaire ». Nice : Concertations « AIS », 1989. Tabema P., Enseignement de la lutte, Paris, V'igot, 1977.

3. Maurice Sauvageot C'est à Alger, en milieu hospitalier auprès d'enfants abandonnés, orphelins de guerre que Maurice Sau­vageot élabore la lutte éducative. Professeur d'EPS et d'expression corporelle à l'université d'Alger, il enseigne à l'école nationale d'art dramatique et cho­régraphique de 1966 à 1977. Il cherche à faire com­muniquer les enfants entre eux en retirant toute notion d'agressivité et de passivité, sollicitant l'intel­ligence émotionnelle en amont de l'intelligence rationnelle. Ses observations rejoignent en fait les thèses d'H. Wallon et de J. de Ajurriaguerra qui décrit le dialogue du bébé avec sa mère comme un dialogue tonico-émotionnel, insistant sur le fait que le premier langage passe par le jeu du tonus mus­culaire. La lutte éducative, activité de communica­tion, prolonge le dialogue corporel décrit par Ajurria­guerra, avec l'autre et non plus avec la mère.

Nous remercions pour leur aimable collaboration Nawal Berrada, Jacques Cauquil, Agnès Casteran, Christophe Philippe, Robert Viguié, André Gaubert. les élèves des AS des collèges Michelet à Toulouse, et de l'Annonciation à Seilh, les étudiants de l'université de Toulouse.

Tableau. Exemple de grille d'évaluation

68 Revue EP.S n°308 Juillet-Août 2004 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé