LOUVRE-LENS - Corps des architectes conseils de l'état · 3.2.1.1 L’Observatoire national des...

81
LOUVRE-LENS OPTIMISATION DES EXTERNALITES INDUITES PAR LE MUSÉE IDENTIFICATION DES CONDITIONS ORGANISATIONNELLES, JURIDIQUES, FINANCIERES ET ECONOMIQUES Mission d’expertise économique et financière du Nord - Pas-de-Calais Anne de Goriainoff, Receveur des finances, chef de la mission Direction régionale des finances publiques du Nord – Pas-de-Calais Juillet 2009 Exemplaire n° 00 Dossier n° 096202

Transcript of LOUVRE-LENS - Corps des architectes conseils de l'état · 3.2.1.1 L’Observatoire national des...

LOUVRE-LENS

OPTIMISATION DES EXTERNALITES

INDUITES PAR LE MUSÉE

IDENTIFICATION DES CONDITIONS ORGANISATIONNELLES , JURIDIQUES, FINANCIERES ET ECONOMIQUES

Mission d’expertise économique et financière du Nord - Pas-de-Calais

Anne de Goriainoff,

Receveur des finances, chef de la mission

Direction régionale des finances publiques du Nord – Pas-de-Calais

Juillet 2009 Exemplaire n° 00 Dossier n° 096202

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 2/81

SAISINE Par lettre du 2 mars 2009 (annexe 1), le Préfet de la Région Nord-Pas-de-Calais a saisi la Mission d’expertise économique et financière (MEEF) du Nord – Pas-de-Calais afin de permettre l’identification des conditions organisationnelles, juridiques, financières et économiques nécessaires à l’optimisation des externalités induites par le futur Louvre-Lens. Il s’agissait de mettre en évidence les conditions optimales dans lesquelles l’implantation du Musée du Louvre à Lens pouvait induire un développement économique local allant au delà des simples effets attendus d’une nouvelle fréquentation touristique. Cette saisine de la MEEF a donné lieu : - à l’élaboration d’un cahier des charges (annexe 2), signé le 31 mars 2009 par le secrétaire général pour

les affaires régionales (SGAR) et le chef de la MEEF. - à un entretien d’étape, le 28 avril 2009, avec Mme la Sous-préfète de Lens, chargée par le Préfet de

Région d’une mission de coordination de l’action des services régionaux de l’Etat pour le Louvre-Lens, visant à s’assurer que les axes de recherche de la MEEF correspondaient au besoin du commanditaire.

La commande passée à la MEEF a consisté à : - réaliser un benchmarking de l’insertion économique locale de projets à l’ambition comparable, pour

mettre en évidence les facteurs clés d’optimisation des externalités induites (stratégies mises en place, modalités de gouvernance et d’organisation, modes de financements, modalités de mesure et d’évaluation des résultats)

- proposer des modèles d’analyse et d’évaluation des retombées de ce type de projets

Avertissement

Les rapports d’expertise réalisés par les MEEF sont habituellement introduits par une synthèse mettant en évidence les points forts et les points faibles du projet soumis à leur analyse. Cette partie est absente dans le présent rapport compte tenu du caractère inhabituel du travail demandé, visant principalement à analyser divers projets sans rapports entre eux. L’équipe de la MEEF qui a réalisé ce rapport était composée de : Anne de Goriainoff, receveur des finances, chef de la MEEF Benoit Brocq, adjoint, inspecteur du Trésor public Annie Salomez, contrôleur du Trésor public

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 3/81

1 Les projets étudiés par la MEEF ................. ............................................................. 5

PROJET N°1 : EMSCHER PARK (RUHR - ALLEMAGNE ) ....................................................................................... 6

� Située au cœur de la Ruhr en Allemagne, la vallée de l’Emscher est un ancien bassin minier et industriel ....... 8

� L’ « IBA », plus qu’une solution, une méthode appliquée à l’initiative d’un intellectuel visionnaire et d’un homme politique de premier plan ........................................................................................................................................ 10

� Une structure de gouvernance pour définir la stratégie et mobiliser les acteurs locaux sans prendre leur place ............................................................................................................................................................................... 10

� Le principe d’intervention de l’IBA : repérer, améliorer, labelliser puis soutenir des projets initiés par les acteurs locaux .................................................................................................................................................................... 11

� Trois axes stratégiques et une démarche à mi-chemin entre deux visions : muséifier ou tout détruire ............. 11

� Une masse critique d’investissements (3 Mds €) et la mobilisation de la population et des acteurs locaux ...... 15

� Une nouvelle dynamique et un retournement d’image apparaissent comme les principaux effets bénéfiques, même si l’absence d’évaluation précise rend tout bilan délicat .............................................................................. 15

PROJET N°2 : B ILBAO RIA 2000 (PAYS BASQUE - ESPAGNE) .......................................................................... 18

� Une agglomération de près d’un million d’habitants, l’un des bassins industriels historiques d’Espagne ......... 20

� Une vision stratégique née en 1991 : changer de modèle économique et changer la ville ............................... 21

� Un pari : l’embellissement urbain et la qualité architecturale, valorisés par une puissante communication, peuvent entraîner le développement économique ................................................................................................. 22

� Gouvernance : une association pour la stratégie, une société d’aménagement pour l’action ........................... 23

� Le musée Guggenheim n’est pas le point de départ de la stratégie de renouveau économique de Bilbao mais son aboutissement emblématique et son démultiplicateur ..................................................................................... 25

� Des retombées mesurées avec précision, pour légitimer le projet .................................................................... 27

PROJET N°3 : FUTUROSCOPE (VIENNE – FRANCE) .......................................................................................... 30

� Un portage politique constant au service d’une stratégie précise de développement économique................... 32

� Une mise en œuvre rapide et progressive, pour éviter l’effet tunnel et crédibiliser le projet ............................. 33

� Gouvernance : une « cellule commando » constituée au sein du Conseil général ........................................... 35

� Financement : concentration des investissements ............................................................................................ 36

� Des retombées unanimement reconnues mais qui ne font pas l’objet d’une évaluation permanente ............... 36

PROJET N°4 : TATE GALLERY ET REGENERATION DE LIVERPOOL (ROYAUME-UNI) ........................................... 39

� Un déclin industriel et portuaire brutal à partir des années 1970 ...................................................................... 41

� La Merseyside Development Corporation (MDC) : un organisme créé par l’Etat en 1981 pour mettre en œuvre une stratégie combinant régénération urbaine et développement économique ..................................................... 41

� L’implantation de la Tate Gallery en 1986 : l’élément phare d’une première opération d’urbanisme visant à rendre à la ville les bords de la Mersey et à restaurer l’image de Liverpool ........................................................... 42

� Couronnées de succès, la stratégie et la méthode sont appliquées à un périmètre plus vaste à partir de 1990 ............................................................................................................................................................................... 43

� Malgré la dissolution de la MDC en 1998, ses principes d’intervention continuent d’être appliqués ................. 43

PROJET N°5 : LE MUCEM, AU SEIN DE L ’OPERATION EUROMEDITERRANEE (MARSEILLE - FRANCE) ................. 46

� Au début des années 1990, le constat d’une agglomération en perte de vitesse est partagé par l’Etat et la municipalité ............................................................................................................................................................ 48

� Une opération d’intérêt national de développement économique et de régénération urbaine à durée prédéterminée (15 ans) .......................................................................................................................................... 48

� Gouvernance : un établissement public d’aménagement, l’Etat au cœur du processus ................................... 51

� Des investissements publics massifs (581 M€) pour créer les conditions nécessaires à la mobilisation des investissements privés (3 Mds €) ........................................................................................................................... 51

� Le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) : « fer de lance » d’une gamme complète d’équipements destinés à favoriser le rayonnement de l’agglomération ................................................ 54

� Des objectifs initiaux chiffrés et une évaluation précise et régulière des résultats ............................................ 56

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 4/81

2 Les facteurs clés de réussite ................... .............................................................. 59

2.1 Des évolutions comparables .................... .................................................................................. 59

2.1.1 Des situations très dégradées à l'origine .............................................................................. 59

2.1.2 Des succès avérés ................................................................................................................ 59

2.2 Les facteurs clé de réussite .................. ..................................................................................... 59

2.2.1 Une stratégie de long terme, des réalisations de court terme .............................................. 59

2.2.2 Des investissements publics, massifs et ciblés, précurseurs de l’investissement privé ....... 60

2.2.3 La recherche de la qualité et d'un retentissement médiatique ............................................. 61

2.2.4 Un portage politique puissant, un pilotage affirmé et une équipe pluridisciplinaire .............. 61

2.2.4.1 Les structures de gouvernance : pas forcément uniques et dédiées mais deux fonctions essentielles à assurer ............................................................................................................................................. 61

2.2.4.2 Les acteurs ........................................................................................................................................... 63

3 L’évaluation : quelles méthodes pour quelles fina lités ? .................................... 64

3.1 Trois exemples d’études d’impacts ............. .............................................................................. 64

3.1.1 Des conditions de réalisation rigoureuses sont indispensables ........................................... 64

3.1.2 L’analyse d’impact du Musée du Louvre (établissement parisien) de juin 2009 : une approche complète ............................................................................................................... 65

3.1.2.1 Xavier Greffe, universitaire, propose deux approches méthodologiques .............................................. 65

3.1.2.2 La méthodologie de l’analyse d’impact retenue par le Musée du Louvre ............................................. 66

3.1.2.3 Le calcul des effets directs (entre 471 et 756 M€ en 2006) .................................................................. 66

3.1.2.4 Le calcul des effets indirects (entre 250 et 401 M€) et des impacts sur les finances publiques et l’emploi ............................................................................................................................................. 67

3.1.3 La démarche de Bilbao se rapproche de celle du Louvre .................................................... 69

3.1.4 La méthodologie ODIT France mesure l'impact des équipements touristiques et culturels . 70

3.1.4.1 Les préalables indispensables à la réalisation de l’étude d’impact ....................................................... 70

3.1.4.2 Les retombées directes ........................................................................................................................ 71

3.1.4.3 Les retombées indirectes ..................................................................................................................... 72

3.1.4.4 Les retombées induites ........................................................................................................................ 73

3.2 Des outils de pilotage et de suivi ............ ................................................................................... 74

3.2.1 Les observatoires locaux des politiques de la ville ............................................................... 74

3.2.1.1 L’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) ........................................................... 74

3.2.1.2 Recommandations formulées pour la mise en place d’un observatoire local ....................................... 75

3.2.1.3 Une batterie d’indicateurs classés selon les objectifs à atteindre ......................................................... 76

3.2.2 Le guide méthodologique d’ODIT France ............................................................................. 78

3.2.3 Les critères du classement des villes européennes de la DIACT ........................................ 78

3.3 Quelle évaluation pour le Louvre-Lens ? ....... ........................................................................... 80

3.3.1 Une réflexion indispensable .................................................................................................. 80

3.3.2 Devenir une référence en matière d’évaluation peut donner au Louvre-Lens un positionnement porteur et novateur ...................................................................................... 81

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 5/81

1 LES PROJETS ETUDIES PAR LA MEEF Les projets analysés ont été choisis en supposant a priori qu'ils avaient de nombreuses similitudes avec celui du Louvre-Lens, en particulier une finalité commune : création d'un équipement de taille importante, dépassant largement celle d'un équipement local, dans la perspective de redynamiser une zone en déclin. Ils ont tous une vocation culturelle ou éducative, même si cet aspect prend une place plus ou moins importante selon les projets. Leur évocation par les responsables de la mise en œuvre du musée du Louvre, par les responsables administratifs locaux, leur retentissement en particulier dans la presse spécialisée, le fait qu'ils aient fait l'objet d'un déplacement de certains membres du conseil régional ont été des critères de sélection. D'autres projets, considérés également comme portant la même problématique, ont été analysés de façon plus succincte faute de recul ou d'éléments d'information suffisamment précis : Cité de la Mer à Cherbourg, Centre Pompidou à Metz, Vulcania en Auvergne. Il y sera néanmoins fait parfois référence.

Les cinq projets étudiés par la MEEF

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 6/81

Projet n°1 : Emscher Park (Ruhr - Allemagne)

Nota : Chaque projet étudié fait l’objet d’une présentation sous la forme suivante : - une synthèse sous forme d’un tableau - suivie d’une description plus détaillée dégageant les clés de réussite (ou d’échec). Synthèse Nom du projet IBA Emscher Park

IBA : ‘’Internationale Bauaustellung’’ Lieu La Rurh, située dans le Land de Rhénanie du Nord Westphalie (Allemagne) Dates et durée de l’opération

1989-1999 (10 ans)

Superficie du périmètre d’intervention

800 km²

Population du périmètre d’intervention

5 millions d’habitants Principales villes : Dortmund (588.000 habitants), Essen (583.000), Duisburg (499.000), Bochum (384.000), Gelsenkirchen (267.000)

Principales caractéristiques socio-économiques initiales du territoire

Zone la plus dense d’Allemagne (entre 2.000 et 3.000 hab./km²) Ancien bassin minier Nombreuses friches industrielles Pollution Paupérisation Tissu urbain destructuré Image dégradée et faible attractivité Morcellement administratif

Descriptif succinct du projet

L’IBA désigne une procédure de gouvernance, à caractère exceptionnel, à durée prédéterminée, déjà plusieurs fois appliquée en Allemagne. L’IBA Emscher Park fédère près de 120 projets retenus selon trois axes stratégiques : - assumer l’héritage industriel du territoire - renverser l’image du territoire par l’art, la culture et l’exemplarité

environnementale - faire de la qualité une exigence centrale

Montant total des investissements

3 Mds € (dont deux tiers de fonds publics, provenant majoritairement du Land et des fonds européens)

Principaux acteurs du projet

Land de Rhénanie du Nord-Wesphalie Principal initiateur, financeur et porteur de la démarche

Les municipalités Initient les projets et assurent la maîtrise d’ouvrage de la majeure partie des projets

LEG, une société d’aménagement dont le capital est détenu en majorité par le Land (modèle de la SEM en droit français)

Portage foncier

KVR, le syndicat intercommunal regroupant 17 villes

Rôle limité : réalisation de la trame verte

Structure spécifique de gouvernance mise en place

L’IBA - société privée (SARL) - détenue à 100% par le Land allemand Rhénanie Nord-Wesphalie - budget de 3 M€ par an soit 30 M€ en dix ans - composée d’une trentaine d’experts - dirigée par un directoire composé d’élus et de personnalités qualifiées Un principe d’intervention : « faire faire » Son rôle : - repérer les projets - aider les porteurs de projets à les améliorer et à les mener à bien - leur attribuer un label nécessaire à l’obtention de financements publics

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 7/81

Retombées Pas de système d’évaluation mis en œuvre, ni pendant, ni après Retournement d’image Créativité artistique et culturelle Bilan mitigé sur le plan socio-économique 119 projets réalisés sur 514 projets étudiés par l’IBA 17 centres technologiques (entreprises + organismes de recherche) 400 km d’égouts 2.000 ha d’espaces naturels préservés ou recréés 13 gares rénovées 10 terrils ou anciennes décharges transformés en zones de détente ouvertes au public 3.000 appartements réhabilités, 6 cités jardins (habitat minier) modernisées, 21 lotissements de 100 à 200 nouveaux logements (sur des friches industrielles) Plusieurs sites industriels ouverts à la visite atteignent aujourd’hui les 450.000 visiteurs par an.

Principales leçons L’association de deux hommes clés : un intellectuel visionnaire et un politique de haut niveau L’exigence de qualité L’application d’une méthode plutôt que d’un plan Une structure de gouvernance ad hoc, légère, composée de techniciens pluridisciplinaires avec un principe d’intervention : « faire faire » Une masse critique d’investissements, la polarisation de dispositifs financiers existants Une réalisation progressive et des concrétisations rapides et régulières

Documents / sites web / personnes / organismes ressources

- L’IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réha bilitation industrielle et urbaine - Document préparatoire d’un voyage d’étude dans la Ruhr - Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise - 2008

- L’IBA Emscher Park, un anti modèle - Projet urbain n°21 (revue de la DGUHC) – septembre 2000

- IBA Emscher Park –Rethink :be / Christian Horn – janvier 2009 - Olivier FREROT , directeur de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération

lyonnaise - Ariella MASBOUNGI , architecte urbaniste en chef de l’Etat, Direction générale

de l’aménagement, du logement et de la nature (ex-DGUHC), Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire (MEEDDAT)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 8/81

���� Située au cœur de la Ruhr en Allemagne, la vallée de l’Emscher est un ancien bassin minier et industriel L’Emscher Park désigne une zone de 800 km² (dont 480 urbanisés) située de part et d’autre de la rivière Emscher au cœur de la Ruhr, elle-même au centre du Land allemand de Rhénanie Nord-Wesphalie. Sur moins de 120 km s’étale une conurbation concentrant la majeure partie des 5 millions d’habitants de la Ruhr et formée de plusieurs villes approchant ou atteignant les 500.000 habitants (Dortmund, Essen, Duisburg, Bochum). L’exploitation du charbon et l’industrie sidérurgique ont assuré le développement économique de cette région de la fin du XIXème siècle au milieu du XXème siècle. Le premier puits de charbon a été creusé en 1837. Le pic de production est atteint en 1937 avec 130 millions de tonnes de charbon (en comparaison, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais produisait un peu plus de 30 millions de tonnes par an à la même époque). L’accroissement démographique massif induit s’est accompagné d’une urbanisation qui s’est étalée au gré de l’ouverture des puits et des usines, au mépris du réseau villageois préexistant.

Mine de Zollverein Confrontées à la concurrence du pétrole et d’un charbon meilleur marché en provenance d’autres régions du monde, les industries charbonnières et sidérurgiques de la Ruhr ont décliné à partir de la fin des années 1950, non sans laisser une profonde emprunte dans le paysage et générer des difficultés socio-économiques aiguës (plus de 300.000 chômeurs à la fin des années 1990). A la fin des années 1980, la région de l’Emscher présente les caractéristiques suivantes : - 10.000 hectares de friches industrielles : non entretenus, les bâtiments et terrains délaissés se

dégradent rapidement. Leurs propriétaires ne peuvent les céder faute de pouvoir financer leur dépollution ou leur démolition.

- Les sols, l’air et l’eau sont fortement pollués. - Le tissu urbain et les infrastructures, organisés au seul service de sites miniers et industriels ayant

disparu, forment un vaste conglomérat urbain peu lisible et sans centralités. - Une image très dégradée, associée au déclin économique et à un environnement détérioré, pesant sur

l’attractivité du territoire, pour la population et pour les investisseurs extérieurs. - Un paysage économique dominé depuis longtemps par de très grandes entreprises et sans culture de

l’entrepreneuriat individuel. - Alors que plusieurs villes du territoire atteignent ou dépassent un demi-million d’habitants, leur notoriété

reste très modeste. De plus, de tailles équivalentes, aucune de ces villes n’a de légitimité historique, économique ou politique pour exercer le leadership. Aussi, malgré une imbrication urbaine totale et des problématiques entremêlées (transports, gestion des déchets et dépollution, difficultés économiques et sociales), la coopération intercommunale est quasi-absente.

Pourtant, ce territoire jouit d’une déserte autoroutière, ferroviaire et fluviale exceptionnelle, d’une main d’œuvre abondante et d’un positionnement géographique privilégié au centre de l’Europe continentale.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 9/81

Source : Le Dessous des Cartes / ARTE Rhénanie Nord-Wesphalie 18 millions d’habitants - 34.086 km² La Ruhr 5,3 millions d’habitants – 4.435 km² Emscher Park, au centre de la Ruhr

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 10/81

���� L’ « IBA », plus qu’une solution, une méthode appl iquée à l’initiative d’un intellectuel visionnaire et d’un homme politique de premier plan Le sigle IBA signifie « Internationale Bauaustellung », littéralement « Exposition internationale d’architecture ». Cependant, cette appellation ne désigne pas une exposition au sens classique mais une procédure d’exception propre à l’Allemagne, se traduisant par une démarche volontariste d’aménagement et de développement d’un territoire donné pendant une dizaine d’années. Une IBA a été menée à Berlin au milieu des années 1980. Outre l’IBA Emscher Park dans la Ruhr, des démarches analogues sont actuellement en cours dans trois autres régions allemandes : l’IBA Fürst-Pückler-Land (Allemagne de l’Est), l’IBA Stadtumbau (centre de l’Allemagne) et l’IBA Hambourg (nord de l’Allemagne). Le lancement de l’IBA Emscher Park est né de la ren contre de deux hommes clés à la fin des années 1980 : un intellectuel visionnaire et un homme poli tique de haut niveau : - Karl GANSER : haut fonctionnaire en urbanisme, enseignant chercheur en géographie à l’université de

Munich. Il est l’initiateur de la mise en place de l’IBA de l’Emscher Park. - Johannes RAU : alors président du Land de la Rhénanie du Nord Westphalie (ultérieurement Président

de la république fédérale d’Allemagne 1999-2004 ; décédé en 2006). Il va soutenir politiquement la démarche, activement et sur toute sa durée.

���� Une structure de gouvernance pour définir la strat égie et mobiliser les acteurs locaux sans prendre leur place � l’IBA : une entité dédiée, instituée pour une durée fixée à l’avance (10 ans), composée d’un

groupe d’experts et dirigée par un comité de direct ion politique Si l’acronyme IBA désigne la démarche, il définit également un organisme créé spécialement sous la forme de l’équivalant allemand d’une SARL en droit français. C’est donc une société privée dont le capital est détenu intégralement par le Land de Rhénanie du Nord-Wesphalie. La direction de l’IBA est assurée par un directoire composé d’élus (représentant le Land, les collectivités locales, le monde économique, les associations) et de personnalités qualifiées reconnues (architectes, urbanistes, artistes, universitaires...). Ce directoire arrête les grandes orientations et valide in fine tous les projets labellisés par l’IBA. Il confère à l’IBA une légitimité politique indispensable compte tenu des pouvoirs qu’elle exerce. Cette société dispose d’un budget de fonctionnement volontairement limité (3 M€ par an soit 30 M€ en dix ans) et d’aucun budget d’investissement propre. Elle n’est composée que d’une trentaine de techniciens pluridisciplinaires puisque son rôle se limite à la sélection puis à l’accompagnement des projets qui restent par ailleurs menés à bien par leurs initiateurs. La direction opérationnelle de cette équipe de techniciens était assurée par Karl Ganser. Pour chaque projet suivi par l’IBA, l’un des techniciens employés par l’IBA a été nommé référent, avec des responsabilités élargies. Il était l’interlocuteur principal du maître d’ouvrage et animait avec ce dernier une équipe-projet réunissant les différents acteurs concernés. Au total, 514 projets ont été proposés à l’IBA. 119 ont reçu le label et ont été réalisés. Pour éviter tout rejet, la démarche IBA s’appuie sur les acteurs locaux. � Le positionnement des acteurs préexistants Le Land de Rhénanie du Nord-Wesphalie - il est propriétaire à 100% du capital de la SARL, support juridique de l’IBA - il apporte une part importante des subventions accordées aux projets labellisés par l’IBA - ses représentants siègent au directoire de l’IBA Les municipalités et les investisseurs privés - ils ont l’initiative des projets

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 11/81

- ils en assurent la maîtrise d’ouvrage - leurs représentants siègent au directoire de l’IBA La société d’aménagement LEG C’est une société immobilière privée dont une majorité du capital est détenue par le Land. Elle peut être comparée, en droit français, à une SEM d’aménagement. Elle existait avant la mise en place de l’IBA. - elle a un rôle classique d’aménageur et de portage foncier : rachat des friches, dépollution / démolition /

viabilisation, commercialisation des terrains et bâtiments requalifiés - ses ressources proviennent à 50% de subventions européennes, 40% de la vente des terrains

requalifiés et 10% de subventions du Land. - son rôle est considéré comme primordial dans la mesure où l’un des objectifs stratégiques de l’IBA est

de limiter l’accroissement de l’emprunte urbaine aux dépens des rares espaces naturels restants, en privilégiant le réemploi des surfaces abandonnées par l’industrie.

- 2.500 ha ont été requalifiés par LEG depuis sa création en 1979. Le syndicat intercommunal KVR Ce syndicat intercommunal regroupe 17 villes de l’Emscher Park. S’il existait avant l’IBA, son action a toujours été limitée par des conflits internes essentiellement dus à l’homogénéité des villes membres qui a empêché l’émergence d’un leadership de l’une d’entre elles. C’est l’acteur qui s’est senti le plus fragilisé par la mise en place de l’IBA, précisément instituée pour pallier ses insuffisances. Pour atténuer ce sentiment, le KVR s’est vu confier la conduite d’un des projets phares de l’opération : le Parc paysager de l’Emscher Park, la trame verte traversant le territoire. La gestion des espaces naturels était en effet l’une des ses compétences les plus anciennes et pour laquelle son savoir-faire était reconnu.

���� Le principe d’intervention de l’IBA : repérer, amé liorer, labelliser puis soutenir des projets initiés par les acteurs locaux Les projets réalisés dans le cadre de l’IBA sont tous des projets initiés et portés par les acteurs locaux préexistants (municipalités, associations, entreprises). L’IBA ne porte elle-même aucun projet. Au plus, elle les suggère. Le rôle de l’IBA consiste à : - repérer les projets et initiatives (appels à projet, réception des propositions des acteurs locaux) ; - les évaluer aux regards d’une longue liste de critères de qualité exigeants : cette logique s’oppose

volontairement à celle qui consiste à définir des prescriptions minimales, pratique courante dans les instruments de planification urbaine ;

- si nécessaire, aider les porteurs de projets à les améliorer, à les « faire monter en gamme » : expertise technique, aide à la rédaction de cahiers des charges susceptibles d’attirer de grandes signatures, aide à la constitution des dossiers de demande de subventions (européennes notamment), assistance éventuelle au montage administratif et financier ;

- par sa notoriété, donner du crédit et un certain prestige à chaque projet qu’elle retient ; - leur donner in fine un label nécessaire à l’obtention des subventions du Land ou de l’Etat fédéral. Ce

label vise à vérifier la cohérence de chaque projet soutenu avec les grands objectifs métropolitains préalablement définis ;

- promouvoir les bonnes pratiques, faire partager les bonnes idées.

���� Trois axes stratégiques et une démarche à mi-chemi n entre deux visions : muséifier ou tout détruire Les trois axes stratégiques de l’IBA Emscher Park � Assumer l’héritage industriel, le considérer comme un capital et en faire un levier.

L’héritage industriel constitue une donnée de départ, il est incontournable. S’il induit des handicaps, il constitue également un repère identitaire pour la population et confère certains atouts sur lesquels s’appuyer après les avoir identifiés : main d’œuvre nombreuse, qualifiée et travailleuse, infrastructures de transport, etc….

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 12/81

� Renverser l’image du territoire par l’art, la culture et l’exemplarité environnementale. Il s’agit de donner de nouveaux signaux puissants, à l’attention des habitants du territoire et du monde extérieur, en promouvant l’art, la culture et le développement durable.

� Viser la qualité des projets.

Cette ambition est déclinée dans tous les domaines : qualité architecturale et esthétique, qualité environnementale mais aussi qualité sociale, urbanistique et qualité dans le processus d’élaboration des projets (procédures exemplaires de concertation, association des riverains). Des concours d’architecture internationaux ont été lancés pour la plupart des projets, même ceux de taille modeste. Même si cela occasionne un surcoût potentiel, cela a été considéré comme un moyen de garantir la qualité des projets, d’assurer leur médiatisation et in fine d’accentuer leur impact (justifiant ainsi le surcoût initial).

Une démarche à mi-chemin entre deux visions : muséi fier ou tout détruire S’agissant de l’important patrimoine industriel de la région, deux approches s’opposent : - l’approche conservatoire : témoin d’une prospérité passée et symbole identitaire, ce patrimoine devait

être sacralisé ou muséifié ; - la volonté de faire table rase : témoignage douloureux du passé et sans usage, plus coûteux à entretenir

qu’à démolir, l’ensemble des bâtiments devait être détruit pour laisser la place à de nouvelles installations.

L’IBA emprunte finalement une voie médiane induisant de conserver et de rénover une partie des installations industrielles tout en les affectant à de nouveaux usages. La prise en compte simultanée de deux dimensions te mporelles et de deux dimensions spatiales � Une procédure d’exception à durée limitée, prédéfinie et servant une stratégie à long terme L’IBA est instituée pour une durée volontairement limitée (10 ans) et connue dès le départ de tous les acteurs. Il s’agit à la fois de lui conférer un caractère d’exception très mobilisateur (créer un challenge) et de rassurer les acteurs locaux potentiellement hostiles à une intervention extérieure pérenne ou sans limite de durée précise. Une évaluation du dispositif à mi-parcours (à l’issue des cinq premières années) a été programmée dès le départ afin de pouvoir corriger la stratégie si nécessaire. Néanmoins, c’est bien une stratégie de développement économique à long terme qui est poursuivie, avec des objectifs excédant largement les dix années. L’IBA est donc conçue comme un outil d’intervention exceptionnel visant à enclencher une dynamique nouvelle, sensée se poursuivre et porter des fruits bien au-delà de son existence. � La stratégie est régionale mais servie par une multitude de projets très localisés L’échelle géographique stratégique est celle de la métropole rhénane. La cohérence des objectifs est recherchée à cette échelle. Toutefois, cette stratégie est servie par des projets multiples (119 au total), plus ou moins importants et disséminés sur tout le territoire, de façon à apparaître concrets à l’ensemble des habitants.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 13/81

119 projets « IBA » réalisés (points rouges) Quatre principes de réalisation sont arrêtés � Requalifier les friches industrielles et recréer de l’emploi dans la région : symboles du déclin industriel,

les installations minières et industrielles délaissées sont conservées mais intégrées dans des projets leur donnant de nouveaux usages. Elles doivent apparaître comme un capital à faire fructifier plutôt que comme un témoin encombrant du passé. Cette logique est au cœur de la stratégie de retournement d’image et d’inversion du processus de déclin. Certains bâtiments ont été rénovés pour accueillir musées, lieux d’exposition ou de création artistique et espaces de loisirs. D’autres pour accueillir des parcs d’activités, centres de recherche, incubateurs d’entreprises, centres commerciaux et logements. Conformément aux axes stratégiques de l’IBA, l’accessibilité en transports, la qualité architecturale et environnementale, l’aménagement d’espaces verts sont particulièrement soignés.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 14/81

Exemples de réalisations : La mine de Zollverein classée au patrimoine mondial de l’Unesco (à gauche)

Entrepôts du port fluvial de Duisburg transformés e n bureaux (à droite) � Aménager une trame verte au cœur du territoire : pour redonner sa place à la nature, créer un attrait

paysager à la région, tracer un axe fédérateur pour un ensemble urbain jusque là dépourvu de cohérence. Pour rendre ce projet rapidement visible, sa réalisation est volontairement concrétisée par une multitude de micro-projets paysagers portés par les municipalités et les propriétaires privés. Au demeurant, ces multiples interventions respectent toutes un schéma global de la trame verte.

La trame verte de l’Emscher Park (2.000 ha au total )

� renaturer la rivière de l’Emscher : utilisée comme égout à ciel ouvert pendant 100 ans, la rivière fait

l’objet d’un important effort de dépollution (construction d’égouts, de stations d’épuration, etc.). En parallèle, une action vigoureuse est menée pour lutter contre l’imperméabilisation des sols d’un bassin versant déjà fortement urbanisé.

� Renaturer la rivière de l’Emscher : utilisée comme égout à ciel ouvert pendant 100 ans, la rivière fait

l’objet d’un important effort de dépollution (construction d’égouts, de stations d’épuration, etc.). En parallèle, une action vigoureuse est menée pour lutter contre l’imperméabilisation des sols d’un bassin versant déjà fortement urbanisé.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 15/81

� Rénover ou construire de l’habitat : réhabilitation de logements existants et construction de nouveaux logements, essentiellement sur des friches industrielles (pour densifier le tissu urbain et éviter qu’il ne s’étale davantage). Les programmes sont retenus en fonction de leur ambition en terme de qualité et d’innovation architecturale, de mixité habitat-activités, de normes environnementales exigeantes.

���� Une masse critique d’investissements (3 Mds €) et la mobilisation de la population et des acteurs locaux Concentrer les dispositifs de financement existants pour atteindre une masse critique Pendant les 10 années d’intervention de l’IBA, le montant total des investissements réalisés est estimé à 3 milliards d’euros dont deux tiers de fonds publics. L’importance de ce montant était en soi un objectif, il s’agissait d’atteindre une masse critique pour un effet maximal. Les financements publics sont principalement venus de dispositifs préexistants, pas spécialement dédiés à l’IBA : fonds européens (Urban, Objectif 2), Land (crédits alloués à la rénovation urbaine, programmes de rénovation de l’habitat, monuments historiques, préservation de l’environnement, …), Etat fédéral. L’IBA a agi comme une « grande machine à détourner des subventions » selon les propres propos de Karl Ganser1 en favorisant le fléchage des financements vers les projets labellisés par l’IBA. Les critères du label IBA ont été astucieusement élaborés, de façon à ce que les projets respectent les critères d’éligibilité de plusieurs dispositifs d’aides existants. En outre, les équipes de l’IBA ont apporté une aide technique décisive aux maîtres d’ouvrage pour rechercher les financements, monter les dossiers de demande de subventions. S’agissant des financements privés, ils ont été recherchés soit sous la forme de mécénats artistiques (pour les équipements culturels), soit au titre de partenariats public-privé conclus pour la réalisation de certains ouvrages (par exemple : bâtiment industriel rénové pour abriter à la fois une équipement culturel et un centre commercial), soit simplement pour acquérir ou louer des bâtiments et terrains requalifiés par la société d’aménagement LEG. S’appuyer au départ sur les entités ou personnes le s plus dynamiques pour obtenir rapidement des résultats L’une des principales difficultés a été de convaincre les acteurs locaux et la population d’adhérer à la démarche IBA. Face au scepticisme initial, l’IBA s’est attachée à identifier rapidement quelques projets (mêmes modestes), initiés par des personnes ou entités particulièrement dynamiques et à les soutenir activement. L’objectif était que les premières concrétisations de l’IBA soient rapidement visibles afin de crédibiliser la démarche. Par ailleurs, à chaque inauguration d’un des projets, une période festive était organisée afin de favoriser l’appropriation par les riverains de l’espace requalifié et de médiatiser l’avancée de la démarche IBA.

���� Une nouvelle dynamique et un retournement d’image apparaissent comme les principaux effets bénéfiques, même si l’absence d’évaluation p récise rend tout bilan délicat Dix ans après la fin de l’IBA Emscher Park, ses résultats n’ont toujours pas fait l’objet d’une évaluation précise. Pour pallier ce manque, l’Université de Dortmund a lancé en 2008 un programme d’études baptisé « IBA revisited » visant précisément à réaliser cette évaluation. Ses résultats ne sont pas encore publiés à la date de rédaction du présent rapport. Néanmoins, dans le cadre de la préparation d’un voyage d’étude dans la Ruhr, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise a réalisé récemment une analyse2, synthétisée ci-après.

1 Cité dans L’IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine - Document préparatoire d’un

voyage d’étude dans la Ruhr - Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise - 2008 2 L’IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine - Document préparatoire d’un voyage

d’étude dans la Ruhr - Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise - 2008

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 16/81

� Quelles suites après l’achèvement de l’IBA ? Ce document souligne que la recherche systématique d’une grande qualité urbaine et écologique, pratiquée pendant dix ans sous l’ère IBA, est restée ensuite un réflexe pour certains services municipaux. Des projets continuent d’être élaborés selon les méthodes acquises. En outre, l’intérêt de mener une stratégie à l’échelle métropolitaine a été mis en évidence pendant la période de l’IBA. La coopération intercommunale semble s’être renforcée. A titre d’exemple, le syndicat intercommunal KVR poursuit toujours le schéma d’aménagement du Parc Paysager de l’Emscher Park. Un autre signe positif mentionné est le succès rencontré par une nouvelle initiative prise par le Land postérieurement à l’IBA : « les Regionalen ». Ce sont des programmes plus modestes mais très clairement inspirés de la méthode IBA, proposés par le Land aux autres régions qui le composent. De nombreux territoires, constatant les effets bénéfiques dans la vallée de l’Emscher, ont souhaité en bénéficier. Au total, c’est une grande partie du territoire du Land qui connaît une nouvelle dynamique. Toutefois, d’autres observateurs considèrent que l’IBA a été une parenthèse pendant laquelle l’abondance des financements a permis de soutenir temporairement des projets qui, à l’usage, se sont avérés non viables. Certains porteurs de projet n’ont pas été en mesure de continuer à financer leur fonctionnement. Par ailleurs, la recherche de la qualité en matière architecturale et environnementale est exigeante, elle peut accroître les coûts et allonger les délais de réalisation. Face à ces contraintes et à la nécessité de créer rapidement des emplois, certaines municipalités sont tentées d’abandonner les principes IBA, par exemple en autorisant la création de complexes commerciaux ou de logements de faible qualité, sur des espaces naturels. � Une valorisation réussie du patrimoine industriel Certains anciens sites industriels reçoivent aujourd’hui près de 450.000 visiteurs par an, ce qui tend à démontrer le potentiel offert par le tourisme industriel. Les sites ouverts à la visite ont été mis en réseau, une « route de la culture industrielle »3 a été ouverte afin de proposer un parcours complet permettant d’appréhender l’ensemble de l’histoire industrielle locale. Une bonne partie des visiteurs sont des habitants de la région qui, ainsi, réinvestissent et se réapproprient ces espaces. Ces derniers ne constituent plus des cicatrices disgracieuses mais des objets de fierté. � La créativité artistique et culturelle encouragée p ar l’IBA s’est pérennisée Fortement soutenues au départ par l’IBA, les initiatives artistiques et culturelles ont trouvé dans la Ruhr plusieurs éléments favorables à leur développement : - les friches industrielles constituent des espaces vastes et sans voisinage, propices à l’organisation

d’évènements musicaux populaires et bruyants, - les entreprises artistiques, fragiles sur le plan économique, y trouvent des espaces à des prix modérés, - leur aspect hors du commun, source d’inspiration pour l’art contemporain, s’avère prisé des artistes. Dès évènements culturels tels que la RuhrTriennale, nés pendant la période IBA constituent aujourd’hui des évènements reconnus sur le plan international et ont sensiblement renouvelé l’image du territoire. Ce foisonnement culturel issu de l’IBA a également été un facteur clé pour l’obtention par la Ruhr du titre de Capitale Européenne de la culture en 2010. � Sur le plan environnemental, les progrès sont sensi bles mais d’importants efforts restent à

réaliser Du fait de la densité du maillage urbain, le projet de trame verte de l’Emscher Park demeure partiellement réalisé vingt ans après le lancement de l’IBA, même si le nombre d’espaces naturels restaurés et ouverts à la population s’est fortement accru. De nombreux espaces pollués restent en attente de traitement et seule une partie de la rivière Emscher a été décontaminée. L’effort particulier consenti en matière de qualité environnementale des constructions pendant la période IBA a permis de valider la viabilité économique de certains procédés expérimentaux et de donner à cette région

3 http://www.route-industriekultur.de/

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 17/81

le statut de référence et de précurseur en la matière. La Ruhr a ainsi pu développer des savoir-faire bien avant que le développement durable ne devienne une préoccupation mondiale. � Un impact économique et social qui reste discuté Le taux de chômage dans la Ruhr reste aujourd’hui l’un des plus élevés d’Allemagne. Il s’établit à 10,8% en novembre 2008 contre 7,1 % au niveau national, avec des pointes à près de 20% à Gelsenkirchen. Par conséquent, l’IBA ne semble pas avoir permis à cette région de rattraper son retard par rapport aux autres régions allemandes. Il apparaît que le changement d’image du territoire et l’effort accompli pour attirer des entreprises innovantes ont permis de générer des emplois nouveaux dans les secteurs de pointe (services, développement durable, recherche scientifique). Cette stratégie n’a néanmoins pas permis de créer massivement les emplois adaptés à une main d’œuvre majoritairement non qualifiée pour ces métiers. Deux secteurs ont en revanche fortement bénéficié de l’IBA : le tourisme (activité quasiment nouvelle sur ce territoire) et les loisirs. � Autres effets de l’IBA - Sur l’habitat : la volet logement de l’IBA présente un bilan très positif avec quelques 5.500 logements

construits ou réhabilités selon des standards de qualité élevés ; - Sur la santé : l’amélioration de la qualité des logements a eu des effets bénéfiques sur le plan sanitaire ; - En matière de transports : le développement des transports en commun et tout particulièrement du train

s’est concrétisé par la rénovation des gares, l’amélioration des interconnexions entre les modes de transport (développement de centres d’échange).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 18/81

Projet n°2 : Bilbao Ria 2000 (Pays Basque - Espagne)

Synthèse Nom du projet Bilbao Ria 2000 (Espagne) Lieu Agglomération de Bilbao dans le Pays Basque (nord de l’Espagne) Dates et durée de l’opération

1989 : lancement du processus d’élaboration du Plan stratégique de revitalisation de l’espace urbain de Bilbao 1991 : adoption du Plan stratégique Bilbao Ria 2000 1991 : création de Métropoli 30, association regroupant acteurs publics et privés 1992 : création de la société anonyme à capital public Bilbao Ria 2000 1995 : mise en service de la première ligne de métro 1997 : inauguration du Musée Guggenheim 1999 : inauguration du Palais des congrès et de la musique 1999 : achèvement de la rénovation de l’aéroport (soit 10 ans)

Superficie du périmètre d’intervention

500 km²

Population du périmètre d’intervention

900.000 habitants dont Bilbao (353.000) et Baracaldo (96.000)

Principales caractéristiques socio-économiques initiales du territoire

Un bassin d’industries minières (fer), sidérurgiques et de constructions navales D’importantes friches industrielles Le tissu urbain et environnement dégradés Une image détériorée Un taux de chômage dépassant 20%, bien supérieur à la moyenne nationale Un contexte politico-administratif complexe et tendu (terrorisme, défiance à l’égard de l’Etat central)

Descriptif succinct du projet

Bilbao Ria 2000 est une stratégie visant le renouvellement urbain, le changement de modèle économique et le développement de l’attractivité du territoire. Quatre axes : - refonte des infrastructures internes à l’agglomération et d’accès à celle-ci - passage d’un positionnement industriel vers un développement du tertiaire et du

quaternaire (loisirs et culture) accompagné d’un effort d’adaptation de la ressource humaine à ce nouveau positionnement

- régénération environnementale et urbaine par la réappropriation des berges du fleuves délaissées par l’industrie

- rayonnement culturel Montant total des investissements

Montant global : 3,6 Mds€ Principales opérations : - Métro : 1,5 Mds€ (50% : Communauté autonome basque ; 50% : Province de

Biscaye + déficit d’exploitation pris en charge par les Municipalités) - Relocalisation du port : 610 M€ (Etat, Bilbao Ria 2000) - Assainissement de la Ria : 650 M€ - Aéroport : 204 M€ (Etat) - Musée Guggenheim : 144 M€ (50% : Communauté autonome basque ; 50% :

Province de Biscaye + terrain fourni par la Municipalité de Bilbao)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 19/81

Principaux acteurs du projet

La Communauté autonome du Pays Basque

Acteur clé : a initié le Plan stratégique et a financé le Métro, le Musée Guggenheim et le Palais des congrès

La Province de Biscaye Financement d’une partie du Métro, du Musée Guggenheim et du Palais des congrès

L’Etat espagnol

A déclaré l’opération « enjeu national » Est entré au capital de la société Bilbao Ria 2000 A financé la relocalisation du port et la rénovation de l’aéroport

Les 30 municipalités de l’aire métropolitaine de Bilbao

Chaque ville a élaboré des plans d’urbanisme, validés par la Communauté autonome et la Province de Biscaye

Structure spécifique de gouvernance mise en place

Metropoli 30 (association) Instance collégiale d’élaboration de la stratégie, d’animation, d’évaluation et de communication

Bilbao Ria 2000 (société anonyme à capital intégralement public)

Mise en œuvre : aménageur, portage foncier, promotion foncière

Retombées La fréquentation annuelle moyenne du Musée Guggenheim : 1 million de visiteurs Un surcroît de PIB généré par le musée évalué à 210 M€ en 2008 Des recettes fiscales induites par le musée de près de 30 M€ par an Environ 4.200 emplois induits Le taux de chômage est devenu structurellement inférieur à la moyenne nationale La renommée incontestable au plan mondial du plan de rénovation urbaine de Bilbao (plusieurs prix internationaux) L’image et l’attractivité du territoire est renouvelée Fierté des habitants retrouvée

Principales leçons L’élaboration d’un plan stratégique sommaire et des premières concrétisations rapides L’ambition de qualité urbanistique et architecturale Une politique de communication active et confiée à des professionnels du marketing Une association réunissant les acteurs publics et privés pour élaborer la stratégie et une société d’aménagement pour mettre en œuvre les opérations Un soutien financier et politique fort de la Communauté autonome du Pays Basque et de l’Etat espagnol

Documents / sites web / personnes / organismes ressources

- Bilbao. La culture comme projet de ville - Projet urbain n°23 (revue de la DGUHC) – septembre 2001

- Flagship : projet d’image, tactique de développemen t ? - Nicolas Genaille - Mémoire de Master « Urbanisme et Territoires » - Institut d’urbanisme de Paris – 2007

- Impact des activités du Musée Guggenheim Bilbao sur l’économie du Pays Basque en 2008 – Etude disponible en français sur le site du Musée http://www.guggenheim-bilbao.es

- La culture comme facteur de développement de la vil le : les expériences étrangères – Diane Saint-Pierre – Ministère québécois de la Culture – Mai 2002

- Bilbao, entre volontarisme et pragmatisme – C. Chimits, P. Godier, G. Tapie – 2001

- Ariella Masboungi , architecte urbaniste en chef de l’Etat, Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (ex-DGUHC), Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire (MEEDDAT)

- Sites internet - association Metropoli 30 : www.bm30.es - société Bilbao Ria 2000 : www.bilbaoria2000.org

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 20/81

���� Une agglomération de près d’un million d’habitants , l’un des bassins industriels historiques d’Espagne Ville portuaire, Bilbao est devenue une agglomération industrielle à la fin du XIXème siècle et a fondé sa richesse sur l’exploitation minière (fer), l’industrie sidérurgique et la construction navale. Le déclin brutal de ces activités à partir des années 1970 a généré d’importantes difficultés socio-économiques (taux de chômage culminant au-dessus de 20%) ainsi qu’une dégradation de l’environnement et du tissu urbain. La topographie est une contrainte forte pour Bilbao. Cette ville est située dans la vallée étroite de la Ria, enserrée entre des collines. Les activités portuaires et industrielles se sont développées de part et d’autre du fleuve, monopolisant les rares espaces plats au dépens de la ville. Cette dernière avait donc peu à peu été séparée de son fleuve.

L’aire métropolitaine de Bilbao Un contexte politico-administratif particulièrement complexe

Outre l’Etat espagnol, trois niveaux de collectivités jouissant de compétences élargies interviennent dans l’agglomération de Bilbao : la Communauté autonome du Pays Basque, la Province de Biscaye (le Pays Basque compte trois provinces) et les Municipalités. Ce morcellement des responsabilités est par ailleurs aiguisé par les revendications autonomistes voire indépendantistes et la pression terroriste exercée par l’organisation séparatiste ETA. L’aire métropolitaine de Bilbao forme sur 500 km² la cinquième aire métropolitaine d’Espagne avec 900.000 habitants4 (1.800 hab./km²), soit la quasi-totalité des habitants de la Province et presque la moitié de la population de la Communauté autonome du Pays Basque. Parmi les 35 communes de l’agglomération, Bilbao est de loin la plus peuplée avec 353.000 habitants. Baracaldo (96.000 hab.) est la seconde ville. Les autres municipalités sont plus modestes.

Le Pays Basque constitue aujourd’hui la quatrième région d’Espagne par son PIB en volume (6,3 % du PIB national au 1er semestre 2008) mais la première en PIB par habitant (32.133 € / hab., devant Madrid et Barcelone), ce qui représente 34% de plus que la moyenne nationale et 16% de plus que la moyenne européenne (UE à 15). Dans la Province de Biscaye, le taux de chômage s’établit à 11,5% au 1er trimestre 2009, très en deçà de la moyenne nationale (17,4%), à l’inverse de la période antérieure au lancement du programme de requalification urbaine.

4 Données 2007 Institut national de la statistique espagnol (INE)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 21/81

���� Une vision stratégique née en 1991 : changer de mo dèle économique et changer la ville A la fin des années 1980, l’agglomération de Bilbao connaît des difficultés socio-économiques fortes et son environnement urbain est profondément dégradé. Fortes de ce constat défavorable, les autorités basques et notamment la Communauté autonome du Pays Basque lancent un plan ambitieux de rénovation urbaine et de développement économique baptisé « Bilbao Ria 2000 ». Ce programme s’appuie sur un plan stratégique (1991) conçu à l’initiative de la Communauté autonome du Pays Basque. Ce document politique fixe la stratégie de développement à suivre pour les dix à quinze années à venir, pour un ensemble métropolitain composé de 30 communes dont Bilbao. Le plan stratégique est élaboré avec le concours d’un grand cabinet de conseil en management et stratégie5 qui va lui-même s’appuyer sur les expertises présentes localement : économistes, architectes, urbanistes, acteurs du monde culturel et social. Il s’agit de tirer parti de la présence favorable d’un « humus de professionnels de la ville »6 et de s’appuyer sur les acteurs locaux prêts à s’investir. Le plan stratégique est volontairement sommaire . L’objectif est d’éviter que le contexte politico-administratif local induise un trop long processus de définition d’un document trop précis. Il s’agit de dégager de grands axes relativement consensuels pour lancer rapidement les premières réalisations, créer une dynamique visible. La vision stratégique est ensuite complétée et enrichie en parallèle de sa réalisation , progressivement et par un travail conjoint des acteurs. Pour réussir la reconversion urbaine de l’agglomération et préparer un développement post-industriel, le projet Bilbao Ria 2000 retient les quatre axes stratégiques suivants : - L’accessibilité (port, aéroport) et la mobilité intra-urbaine (métro, chemin de fer, tramway). - L’investissement dans les ressources humaines pour adapter la main d’œuvre aux nouveaux

besoins (université, politique ambitieuse en matière de formation professionnelle, création d’un pôle technologique). Le projet a misé en effet sur l’essor du tertiaire et du quaternaire (l’industrie du loisir et de la culture) et s’est donné pour ambition de positionner Bilbao en pôle de compétitivité lié au software7 et aux hautes technologies.

- La régénération environnementale et urbaine avec la qualité comme principe : qualité

environnementale (dépollution des sols et du fleuve, espaces verts), qualité de l’urbanisme et qualité architecturale. Pour attirer puis conserver les nouvelles industries et les compétences humaines adéquates, il fallait modifier le milieu physique de vie, alors largement dégradé, régénérer le tissu urbain pour proposer une nouvelle qualité de vie. Alors que la ville s’était peu à peu détournée de son fleuve car elle en était séparée par les zones industrielles et portuaires, le projet va s’attacher à ériger le fleuve en colonne vertébrale de l’aire métropolitaine et s’appuyer sur les espaces libérés par les activités industrielles (en crise) et portuaires (déplacées vers le long du littoral). Ces espaces devenus obsolètes deviennent un capital, une opportunité.

- Le rayonnement culturel , pour valoriser la créativité et restaurer l’image de la ville et son attractivité. Le plan stratégique est ensuite décliné dans différents documents cohérents : - Un plan territorial (1993-1994) Jamais définitivement approuvé, ce plan a cependant servi de « vision » pour l’aménagement du territoire métropolitain autour de trois principes directeurs : éviter la détérioration des sols non urbanisables, définir un système de villes cohérent, considérer Bilbao comme une seule métropole d’un million d’habitants.

5 Andersen Consulting 6 Selon Ariella Masboungi, architecte urbaniste en chef de l’Etat (MEEDDAT) interrogée par la MEEF le 23 avril 2009. 7 Logiciels informatiques.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 22/81

- Les plans généraux de Bilbao et de Baracaldo (les deux principales villes de l’agglomération) Ce sont des plans d’aménagements urbains qui définissent le projet général des deux villes, leurs atouts et les usages des sols. - Les plans partiels Comparables aux PLU français, ces documents déterminent pour chaque secteur les règles d’urbanisme applicables. Pour les quartiers les plus importants du projet Bilbao Ria 2000, ils ont été élaborés directement par la société Bilbao Ria 2000.

���� Un pari : l’embellissement urbain et la qualité ar chitecturale, valorisés par une puissante communication, peuvent entraîner le développement é conomique L’ accent est mis sur la qualité architecturale Tant pour restaurer l’image de marque de la ville et son attractivité que pour reconquérir l'auto estime des habitants, la qualité architecturale et urbanistique constitue le fil conducteur de la stratégie de Bilbao Ria 2000. Il s’agit de soigner l’esthétique, le fonctionnalisme et le bien-être des usagers. C’est pourquoi, le recours à des architectes renommés est systématiquement recherché par le biais de concours internationaux : - Norman Foster pour la conception et la réalisation du métro. Les entrées de métro – les « fosteritos » -

sont devenues des points de repère rythmant le paysage urbain et lui donnant une structure lisible pour ses habitants.

- Santiago Calatrava pour l’aéroport et deux passerelles construites sur le fleuve - Franck Gehry pour le musée Guggenheim - César Pelli pour le plan d’urbanisme La même ambition s’applique à la construction des logements : l’objectif est d’« embourgeoiser 8» les quartiers paupérisés.

Les « fosteritos » (Norman Foster), des entrées de métro qui structurent le paysage urb ain de Bilbao

La communication, un outil abondamment employé Cette dimension est essentielle pour comprendre la notoriété mondiale du projet de Bilbao. Pour optimiser les effets du plan de rénovation urbaine et du changement de positionnement économique, il convient de le faire connaître. Il s’est agi véritablement de « vendre » l’image de la ville à l’extérieur et auprès de la société locale. A l’égard de l’extérieur, le projet fait l’objet d’une véritable entreprise internationale de marketing afin de faire connaître la nouvelle ambition de Bilbao : expositions itinérantes sur les projets architecturaux de Bilbao, participation à des expositions internationales, appel à des grandes signatures architecturales, politique active de relation média, accueil d’évènements médiatiques (défilés haute-couture).

8 Ariella Masboungi, architecte urbaniste en chef de l’Etat (MEEDDAT) interrogée par la MEEF le 23 avril 2009.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 23/81

Tous les actes ou décisions du projet sont traités comme des objets de communication. Leur promotion est systématique, par l’engagement de plans de communication locale, nationale et internationale, dont la mise en œuvre est confiée à des professionnels (attachés de presse, chargés de communication).

���� Gouvernance : une association pour la stratégie, u ne société d’aménagement pour l’action Dès le début de la mise en œuvre du projet de rénovation de Bilbao, deux entités nouvelles sont mises en place : l’association Metropoli 30 et la société Bilbao Ria 2000. Elles existent toujours aujourd’hui. Elles permettent d’associer les efforts d’élus disposés à dessiner une vision d’avenir et de professionnels apportant leur expertise. L’association « Metropoli 30 », instance d’élaborat ion de la stratégie, d’animation, d’évaluation et d e communication Créée en 1991, l’association Metropoli 30 (30 comme le nombre de villes formant l’agglomération) réunit la quasi-totalité des acteurs publics de l’aire métropolitaine et une centaine de partenaires privés. A l’origine uniquement composée des administrations publiques, elle s’est peu à peu ouverte aux acteurs privés et à la société civile (banques, entreprises, fondations, groupes de presse, chambres de commerce…). Dix ans après sa création, les partenaires privés représentaient 70% de son budget. C’est une instance de réflexion et de définition du cadre stratégique de la transformation de Bilbao. Elle oriente les actions de ses membres (sans agir à leur place) et nourrit le plan stratégique au fur et à mesure de son application. L’objectif est que ce dernier ne soit ni rejeté ni ignoré par la société civile parce qu’il serait uniquement défini par les pouvoirs publics. Au contraire, les différents acteurs s’approprient la démarche puisqu’ils ont ainsi le sentiment de participer à son élaboration. Sa fonction essentielle est de promouvoir une vision générale du développement de la métropole. Son fonctionnement s’inspire des cercles de qualité9. Par ailleurs, Metropoli 30 conduit directement certaines actions : - Mène les campagnes de diffusion et de communication relatives au plan stratégique de

l’agglomération, en direction de la population et vers l’extérieur. - Conseille les maîtres d’ouvrage des projets et attribue un label aux projets jugés cohérents avec la

stratégie de rénovation. Ce label permet aux projets d’obtenir plus facilement des financements et leur confère une notoriété supérieure. L’association n’hésite pas à émettre publiquement des critiques sur les projets publics ou privés non conformes à la stratégie et fait pression pour obtenir des aménagements.

- Commande des études et évaluations pour mesurer les effets de la démarche et réalise un travail de

comparaison avec d’autres projets majeurs en Europe et dans le Monde. Pour ce faire, Metropoli 30 emploie une dizaine de permanents dont le profil est fortement marqué par des compétences en matière de communication et de marketing. La société « Bilbao Ria 2000 », un société de droit privé à capital public pour réaliser les aménagements et créer de la valeur Créée en 1993 à l’initiative de l’Etat espagnol et des administrations basques (Communauté autonome, Province, Municipalités), Bilbao Ria 2000 est une société anonyme de droit privé à capital entièrement public. Le Maire de Bilbao la préside, le Ministre espagnol en charge des infrastructures est vice-président. Dans une région espagnole où la revendication autonomiste (voire indépendantiste) reste vive, cet organisme a également été conçu comme une manière pour l’Etat central de peser fortement sur une opération qu’il considère comme d’intérêt national, sans apparaître directement.

9 Le cercle de qualité est une méthode de travail consistant à réunir périodiquement plusieurs personnes de niveaux, de services ou

d’entités différents autour d’une ou plusieurs problématiques. Le cercle de qualité a pour vocation d’identifier des solutions par un

travail d’itération et de réflexion collective. Utilisée dans les entreprises, notamment pour la gestion de la qualité, cette méthode s’est

diffusée dans les domaines de la gestion publique et de l’urbanisme.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 24/81

Les représentants des actionnaires (élus ou fonctionnaires) ont été spécialement choisis pour leur compétence et leur dynamisme. La majeure partie des décisions prises par le conseil d’administration l’ont été à l’unanimité, la vision et la stratégie ayant été préalablement élaborées et validées collectivement, dans le cadre de l’association Metropoli 30. La société est constituée d’une équipe pluridisciplinaire réunissant ingénieurs, architectes et juristes. Le territoire d’intervention de Bilbao Ria 2000 s’est d’abord limité à la ville de Bilbao. A partir de 1999, la société est intervenue sur d’autres zones jugées prioritaires, sur l’ensemble du territoire métropolitain. Forte de la souplesse et de la réactivité que lui confère son statut privé, la société Bilbao Ria 2000 a une double mission : - proposer des actions (études, programmation) - mettre en œuvre des opérations dans les domaines de l’urbanisme, du transport et de l’environnement

(mission opérationnelle d’aménageur, de portage foncier et de promotion foncière) A sa création, la société est faiblement dotée par ses actionnaires (1,8 M€). Toutefois, la plupart des terrains sur lesquels elle a mené ses opérations lui ont été cédés à prix faibles par les municipalités, le port10 ou la société de chemin de fer11. Il s’agissait pour l’essentiel de friches industrielles ou d’emprises ferroviaires situées le long du fleuve. Sous le tripe effet de leur requalification complète, de la réalisation parallèle des opérations comme le Musée Guggenheim et du cycle haussier de la demande immobilière en Espagne, la société Bilbao Ria 2000 réalise de substantielles plus-values sur ces terrains, à chaque fois réinvesties dans de nouvelles opérations, de plus en plus importantes. Ces succès financiers ont de surcroît crédibilisé la démarche, et peu à peu attiré l’investissement privé et induit ainsi l’effet levier attendu. La valeur du foncier a parfois doublé ou triplé entre son acquisition par la société et sa revente. Compte tenu de ses moyens initiaux modestes et pour rendre les résultats rapidement visibles, la société choisit de commencer par les opérations les plus simples et les moins coûteuses (création d’un parc, petits programmes de logements). Progressivement, les opérations menées sont plus ambitieuses ou qualitatives, les prêts bancaires et les cofinancements privés plus aisés à obtenir. Les autres acteurs - La Communauté autonome du Pays-Basque est un acteur moteur du projet Bilbao Ria 2000. C’est elle

qui a initié l’élaboration du plan stratégique à la fin des années 1980. Aux côtés de la Province de Biscaye, elle finance les grands équipements culturels, le Musée Guggenheim et le Palais des congrès et de la musique.

- L’Etat espagnol participe activement à la démarche en décrétant « enjeu national » l’opération de

modernisation de Bilbao et en devenant actionnaire de la société Bilbao Ria 2000. Il réalise d’importants investissements dans ses domaines de compétence avec notamment la construction du nouvel aéroport, du nouveau port et du nouveau sillon ferroviaire (50%). Il participe également au financement des opérations liées à l’environnement (épuration de la Ria). Par ailleurs, il a cédé à la municipalité des terrains lui appartenant et intervient pour obtenir des fonds européens (Feder et Urban).

- les trente Municipalités (notamment celles des deux principales villes : Bilbao et Baracaldo) participent

au projet, au titre de leurs compétences d’urbanisme (rédaction des documents d’urbanisme). - l’université Deusto : un groupe pluridisciplinaire (géographes, sociologues, économistes) de cette

université de Bilbao est chargé de concevoir puis de réaliser une évaluation annuelle et quinquennale du plan stratégique.

10 Le Port a échangé ses terrains situés sur les berges du fleuve, en plein centre de la ville contre des terrains situés sur le littoral qui

permettaient son extension. 11 En échange des travaux d’aménagements dans les gares et de la réalisation d’un nouveau sillon ferroviaire au sud de

l’agglomération.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 25/81

���� Le musée Guggenheim n’est pas le point de départ d e la stratégie de renouveau économique de Bilbao mais son aboutissement embléma tique et son démultiplicateur Le musée Guggenheim n’est pas à l’origine de la stratégie de renouveau économique de Bilbao. Il procède d’une démarche structurée, lancée près de dix années avant son inauguration. Outre le musée, les principales opérations réalisées dans le cadre du plan stratégique Bilbao Ria 2000, pour un montant global de 3,6 milliards d’euros, sont les suivantes : - la délocalisation du port, des berges de la Ria vers le littoral. La construction du nouveau port, incluant

un nouveau terminal ferroviaire, correspond à un investissement global de 610 M€, - la construction d’un nouveau sillon ferroviaire au sud de la ville et de quatre nouvelles gares afin de

libérer des emprises foncières le long du fleuve et déplacer une partie du trafic (72 M€), - la réalisation d’un nouveau système de transports en commun, incluant notamment un nouveau métro et

un tramway (1.500 M€), - la construction d’un nouvel aéroport pour améliorer la connexion internationale de la ville (204 M€), - la requalification de 600 ha, situés le long du fleuve, sur les 12 km séparant la ville de la mer, - le Palais des congrès et de la musique, - Un hôtel de luxe (Sheraton), - Un centre commercial important, - Des centaines de logements de standing. Le musée Guggenheim demeure toutefois le projet le plus emblématique de la stratégie, sa réalisation phare, celle qui a donné son rayonnement international à la ville. Au début des années 1990, les administrateurs de la fondation new-yorkaise Solomon R. Guggenheim recherchait un nouveau site en Europe (après Berlin et Venise) pour leur célèbre collection d’art moderne et contemporain. Informés de ce projet, les dirigeants de Bilbao vont saisir cette opportunité parfaitement cohérente avec leur stratégie et convaincre la fondation Guggenheim de choisir Bilbao. Il est à noter que plusieurs autres villes européennes avaient auparavant refusé la demande d’implantation formulée par la fondation (Séville, Madrid, Vienne et Salzbourg). La municipalité de Bilbao a fourni gratuitement un terrain situé près du fleuve, dans le périmètre du plan de requalification urbaine. Le gouvernement autonome du Pays Basque a apporté la moitié du financement nécessaire à la construction du musée. Quatre-vingt entreprises privées ont également apporté une contribution financière. En contrepartie, la fondation Guggenheim a mis ses collections à la disposition du musée, complétées par des acquisitions propres au musée de Bilbao. La fondation assure par ailleurs l’exploitation du musée. Le musée est inauguré le 18 octobre 1997. Le bâtiment développe sur trois niveaux 24.000 m² dont 11.000 destinés aux expositions (20 galeries). Il comprend un auditorium de 300 places, un restaurant, deux cafétérias et une boutique-librairie. Son intégration dans la ville, ses accès piétonniers et son environnement ont été particulièrement soignés. Il a enregistré 100.000 visiteurs dès le premier mois12 et 1,4 million la première année. La fréquentation se stabilise aujourd’hui à près d’un million de visiteurs par an13 quand les prévisions envisageaient au mieux le chiffre de 400.000. En 2008, un tiers des visiteurs sont espagnols (10% sont basques) et deux tiers sont étrangers (20% de Français, 9% d’Anglais, 7% d’Allemands, 6% d’Américains). La silhouette du musée, originale, caractéristique et aujourd’hui connue dans le monde entier, attire des personnalités internationales qui y organisent divers évènements contribuant également à l’amélioration de l’image de la ville (clips musicaux : Smashing Pumpkins, Simple Minds ; défilés haute couture : Carolina Herrera, Paco Rabanne).

12 Source : Unesco 13 Source : Bilan 2008 disponible (en français) sur le site internet du Musée (http://www.guggenheim-bilbao.es).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 26/81

Le musée Guggenheim de Bilbao Une stratégie d’édifice « flagship » ou « porte-drapeau » 14 La réalisation du musée Guggenheim s’apparente à une stratégie d’urbanisme et de développement local dite flagship. De l’anglais « vaisseau amiral », la notion de flagship peut également se traduire par « fleuron », « emblème » ou « porte-drapeau ». Cette notion est d’abord utilisée dans les domaines du commerce et du marketing pour désigner le service ou le produit phare et le plus vendeur d’une marque commerciale. De nombreux exemples peuvent illustrer ce concept dans des secteurs économiques très variés : Ipod pour Apple, Windows pour Microsoft, Logan pour Dacia, TGV pour la SNCF, etc… Ce concept a ensuite été adopté en matière d’urbanisme et de développement économique territorial. Comme le produit flagship permet d’attirer les consommateurs vers l’ensemble des produits d’une marque commerciale, l’édifice flagship est celui qui permet de « vendre » l’ensemble de la ville auprès des investisseurs ou des visiteurs. De la même manière que la notoriété du produit flagship peut dépasser celle de son fabricant, le bâtiment flagship est celui dont la renommée est telle que le territoire qui l’abrite en devient indissociable et hérite des mêmes qualificatifs (innovant, original, ambitieux, …). La stratégie flagship appliquée au développement territorial répond aux besoins des territoires manquant totalement de capital image ou souffrant d’une imag e particulièrement dégradée . Elle se traduit par la réalisation d’un projet-phare d’architecture ou d’aménagement dont l’effet recherché tient parfois davantage à l’édifice lui-même qu’à son objet ou sa destination. Par son originalité, son esthétique, le prestige de son architecte ou de son nom, ce bâtiment souligne le savoir-faire du territoire et promeut une créativité propice aux investissements. La médiatisation induite suscite la fierté des habitants, contribue à modifier profondément l’image du territoire et améliore son attractivité. La réussite de ce type de stratégie de développement ne repose pas seulement sur la réalisation du bâtiment flagship. Ce dernier doit être l’élément accélérateur d’une stratégie plus large, partagée par les acteurs locaux et relayée par une puissante communication à l’égard de la population locale et de l’extérieur.

14 Sur ce sujet, voir notamment Flagship : projet d’image, tactique de développement ? - Nicolas Genaille - Mémoire de Master

« Urbanisme et Territoires » - Institut d’urbanisme de Paris – 2007

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 27/81

En précisant dans l’appel d’offres initial, relatif à la construction du musée Guggenheim, que l’édifice devait avoir une identité claire, devenir un des bâtiments les plus significatifs du XXème siècle et le symbole qui ferait connaître Bilbao, les initiateurs du renouveau de Bilbao se sont clairement inscrits dans une démarche de ce type.

Extraits du livre Txoriburu (Tête de linotte), écrit par l’écrivain et illustratrice basque Asun B alzola

Dans les années 40, «C’étaient des années de fer et nous vivions à Bilbao, ville de fer elle aussi, toujours mouillée, luisante et noire parce qu’il pleuvait sans discontinuer... Les ombres vertes des parapluies tachaient les rues et les maisons encrassées par la fumée des usines... Bilbao était une bonne réplique de Coketown, la ville industrielle imaginaire décrite par Dickens dans Temps difficiles.» Aujourd’hui, «Le quartier de mon enfance a changé d’une manière incroyable. D’un site bruyant et industriel, il est devenu un endroit très paisible. Bilbao était une ville grise, dans le style de, je ne sais pas... Manchester peut-être. Maintenant elle est blanche, lumineuse.»(…) «Les gens se sont approprié le musée, ils ne le voient pas comme le bien de messieurs se trouvant à New York, mais comme quelque chose à eux. Le plus encourageant, c’est que les jeunes en sont les premiers admirateurs». (…) «Lorsqu’on se trouve à l’intérieur de l’édifice, la lumière, les spirales de l’architecture en font presque oublier le contenu. Pour un peu, on le visiterait même s’il était vide. Le Guggenheim a fait de Bilbao une ville beaucoup plus gaie car on le voit de beaucoup d’endroits. On prend une rue, et on voit soudain la montagne en face et les toitures de titane. Il vous joue des tours.»

���� Des retombées mesurées avec précision, pour légiti mer le projet Face à un certain scepticisme initial voire à un mouvement de rejet, les promoteurs du musée Guggenheim se sont attachés dès le départ à mesurer et à valoriser ses impacts sur le territoire. Le projet a dû faire face à deux oppositions principales : venant de ceux qui jugeaient qu’en temps de crise, les ressources publiques devaient être concentrées sur le soutien à l’industrie et à l’emploi ; ou portée par une partie des acteurs locaux de la culture qui voyaient s’assécher leurs propres sources de financement au profit d’une institution venant de l’extérieur. Chaque année, un bilan de l’impact économique du musée est publié. Il est disponible en français sur le site internet du musée15. Il mesure les retombées en terme de PIB généré, d’emploi et de recettes fiscales. En 2008 (cf. tableau ci-dessous), les dépenses effectuées par les visiteurs du musée sur le territoire de la Communauté autonome du Pays Basque sont estimées à 231,8 M€ soit un surcroît de PIB évalué à 210,1 M€, après application de coefficients multiplicateurs propres à chaque secteur d’activité. Après une baisse des dépenses directes enregistrée au début des années 2000 (cf. graphique ci-dessous), induite par un recul de la fréquentation du musée, ces retombées progressent à nouveau depuis 2005. Selon la structure du tissu économique, certains coefficients multiplicateurs peuvent être inférieurs à 1 compte tenu des phénomènes d’évasion (ex. : achats de biens ou services produits hors du territoire étudié). Ceci explique que le PIB généré peut être inférieur au montant des dépenses directes. Lorsque c’est le cas, cela signifie que les dépenses effectuées par les visiteurs du musée bénéficient également à d’autres zones économiques. Par ailleurs, les collectivités basques ont perçu chaque année entre 26 et 30 M€ de recettes fiscales induites par le surcroît d’activité attribué au musée, soit plus de 310 M€ en onze années ou le double du coût de construction du musée. Les collectivités ont ainsi obtenu un retour sur investissement en moins de cinq années.

15 Impact des activités du Musée Guggenheim Bilbao sur l’économie du Pays Basque en 2008 (disponible en Français sur le site du

Musée http://www.guggenheim-bilbao.es)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 28/81

Fin 2008, près de 4.200 emplois directs et indirects sont attribués à l’existence du musée. Les acteurs de la rénovation de Bilbao rapprochent volontiers ce chiffre des 4.000 postes directs et indirects des anciens chantiers navals à leur apogée (2.600 emplois avant leur fermeture).

Retombées économiques du musée Guggenheim en 2008 (950.000 visiteurs)

En M€

Dépenses effectuées par les visiteurs dans le musée (d’après le compte d’exploitation du musée)

29,0

Dépenses effectuées par les visiteurs, en dehors du musée, sur le territoire de la Communauté autonome du Pays Basque (d’après des enquêtes réalisées auprès des visiteurs)

202,8

- dont restauration / débits de boisson 91,6 - dont achats dans les commerces et boutiques 29,6 - dont hébergement 46,4 - dont transports 13,4 - dont loisirs (cinémas, autres visites…) 21,7

Total des dépenses directes 231,8

Surcroît de PIB dans la Communauté autonome du Pays Basque (obtenu après application des multiplicateurs sectoriels calculés par les économistes)

210,1

Recettes fiscales pour les collectivités locales basques (déduites du PIB généré)

28,6

Emplois maintenus Il ne s’agit pas d’une création nette mais du total des emplois reliés à l’existence du Musée.

4196 emplois

Evolution des retombées économiques du musée Guggen heim

Depuis 1994, le taux chômage du Pays Basque est str ucturellement inférieur à la moyenne nationale Au cours des 25 dernières années, le taux chômage au Pays Basque a connu une très forte baisse en passant de 21,5% en 1984 à 5,62% en 2008 (cf. graphique ci-dessous). Il s’accroît à nouveau sensiblement ces derniers mois en raison de la conjoncture économique mondiale défavorable. On observe que, pendant toute la période considérée, le taux de chômage basque connaît des évolutions très proches de celles du taux national. Néanmoins, alors que le taux basque était structurellement supérieur à la moyenne, il est devenu structurellement inférieur à partir de 1994. S’il est difficile d’isoler la contribution dans cette évolution de la revitalisation de l’agglomération de Bilbao, principal moteur économique régional,

0

50

100

150

200

250

300

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

mill

ions

d'e

uros

Dépenses directes Création PIB Recettes fiscales

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Em

ploi

s m

aint

enus

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 29/81

initiée au début des années 1990, il est pourtant certain que le changement de modèle économique poursuivi et la stratégie d’attractivité menée ne sont pas étrangers à ce retournement de tendance.

Evolution comparée du taux de chômage en Espagne et au Pays Basque (1984-2009) 16 Ligne rouge : date à laquelle les positions relatives des deux courbes s’inversent

Pour mémoire : la stratégie de renouvellement est lancée en 1991 D’autres impacts sont mis en avant : - le regain d’attractivité du territoire induit par la campagne d’image : au cours des douze mois suivant

l’ouverture du musée Guggenheim, plus de 8.500 articles de presse relatant l’évènement, dont 60% à diffusion internationale, ont été comptabilisés17.

- l’afflux de nouveaux visiteurs a attiré de nouvelles enseignes commerciales en centre-ville et incité les

autres établissements culturels à enrichir leur offre (musées, cinéma, théâtre). Rénové, le musée des Beaux Arts préexistant a ainsi vu sa fréquentation doubler.

- le renouveau du sentiment de fierté des habitants lié à l’embellissement de leur cité et à sa nouvelle

notoriété. Enfin, l’arrivée du musée Guggenheim combinée à la transformation urbaine de la ville s’est également accompagnée d’un autre effet, plus critiqué, sur le marché immobilier local. En effet, le prix au mètre carré des logements a doublé voire triplé en une dizaine d’années dans certains quartiers devenus très attractifs mais excluant dans le même temps une partie de leur population initiale. Au total, le plan de modernisation mis en œuvre à Bilbao est devenu une référence au niveau international. Il s’est vu attribué plusieurs distinctions internationales comme le prix du meilleur projet urbain du monde 2004 (Biennale de Venise, Prix « Città d’acqua »).

16 Source : Institut national de la statistique espagnol (INE) 17 Flagship : projet d’image, tactique de développement ? - Nicolas Genaille - Mémoire de Master « Urbanisme et Territoires » -

Institut d’urbanisme de Paris – 2007

5

7

9

11

13

15

17

19

21

23

25

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Tau

x de

chô

mag

e %

Espagne Pays Basque

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 30/81

Projet n°3 : Futuroscope (Vienne – France)

Synthèse Nom du projet Le Futuroscope, le parc de loisirs et la technopole (zone d’activités) Lieu A 13 km au nord de Poitiers (Vienne)

Sur les communes de Chasseneuil-du-Poitou et de Jaunay-Clan Dates et durée de l’opération

1983 : lancement du projet 1987 : inauguration du parc de loisirs et de la technopole

Superficie du périmètre d’intervention

6.990 km² (superficie du département de la Vienne, espace pour le bénéfice duquel le projet a été mené). La surface du site du Futuroscope (parc de loisirs et technopole) mesure 2,6 km².

Population du périmètre d’intervention

Département de la Vienne : 419.000 habitants (2006) ; densité 60 hab./km² Agglomération de Poitiers : 130.000 habitants

Principales caractéristiques socio-économiques initiales du territoire

Un département peu connu, à forte identité rurale et sans atout touristique de premier plan.

Descriptif succinct du projet

Relancer l’activité économique par l’amélioration de l’attractivité du territoire, en s’appuyant sur un équipement phare (un parc de loisirs dédié aux technologies de l’information), vecteur d’image et matérialisant le changement de positionnement du département.

Montant total des investissements

250 M€ (pour le seul Parc de loisirs)

Principaux acteurs du projet

Le Conseil général de la Vienne, notamment son ancien Président (René Monory)

Principal initiateur, financeur et porteur de la démarche

L’Université de Poitiers Partenaire Etat, Conseil régional, Communes Financements

Structure spécifique de gouvernance mise en place

Pas d’entité autonome : une cellule dédiée au sein du Conseil général - resserrée (4 personnes au départ, 20 au maximum), pluridisciplinaire, placée

sous l’autorité directe du Président, - assure la maîtrise d’ouvrage (du parc et de la technopole), la recherche de

partenariats, la promotion, la concertation… Une SEM a été mise en place mais uniquement pour assurer l’exploitation du parc de loisirs.

Retombées Pas de système d’évaluation permanent. Une étude d’impact économique publiée en 2007 : le Futuroscope aurait généré 308 M€ de revenus dans le département en 2006 (3,2 Mds € depuis son ouverture) + 8.200 emplois Un changement radical de l’image du département et de l’agglomération de Poitiers

Principales leçons Le rôle clé du portage politique puissant et constant de R. Monory L’intégration du projet Futuroscope dans une stratégie précise et structurée de développement économique (le parc de loisirs n’étant qu’un outil mis au service de la stratégie). La concrétisation rapide (4 ans) et progressive (livraison d’un élément même modeste tous les ans), pour rendre le projet concret rapidement, asseoir sa crédibilité (face au scepticisme initial), attirer des investisseurs privés. La diversité et l’enthousiasme des membres de l’équipe-projet mise en place (« la cellule commando ») La concentration des investissements

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 31/81

Documents / sites web / personnes / organismes ressources

- Les 20 ans du Futuroscope 1987-2007 – Dossier de presse SEM Futuroscope - 2007

- Gestion du Département de la Vienne Exercices 1997- 2004 - Rapport d’observations définitives – Chambre régionale des comptes de Poitou-Charentes – Octobre 2006

- Trois aménagements à vocation culturelle et de lois irs – Rapport de la Cour des comptes - Février 2007

- L’Effet Futuroscope – Etude réalisée par Louis Caudron LC - Développement et Conseil – Juin 2007

- Michel CAUD , chargé de mission développement économique au Conseil général de la Vienne

- Denis BRUNELLIERE , direction des investissements du Futuroscope - Sites internet

- parc de loisirs : www.futuroscope.com - technopole : www.futuroscope-technopole.com

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 32/81

���� Un portage politique constant au service d’une str atégie précise de développement économique

Le projet du Futuroscope bénéfice dès l’origine du portage politique fort et constant de son initiateur René Monory. Au début des années 1980, celui-ci est sénateur, président du Conseil général et ancien ministre de l’industrie et de l’économie. Selon le témoignage recueilli par la MEEF18, il va : - se trouver au cœur de la définition des objectifs et de la stratégie adoptée, - assurer un leadership affirmé et constant pendant tout la durée de réalisation du projet, - se montrer intransigeant quant au respect de la stratégie initiale et réactif dans ses arbitrages, - accepter de prendre les risques inhérents à une telle opération (la probabilité d’un échec n’était pas négligeable), - mettre sa force de conviction et son poids politique national au service du projet.

Le constat dressé à la fin des années 1970 est le suivant : la Vienne est un département essentiellement rural, pâtissant d’une notoriété très faible, traversé par des flux de population qui ne s’y arrêtent pas et souffrant d’un déclin démographique. Il n’a en outre aucun atout touristique important (ni mer, ni montagne).

Département de la Vienne Dans ce contexte, R. Monory se donne comme objectifs prioritaires de relancer l ’activité économique du département en attirant de nouveaux investisseur s et de créer des emplois. Pour atteindre ces objectifs, la stratégie définie consiste à modifier radicalement l’image du territoire en provoquant « un électrochoc médiatique ». Il s’agit de créer le sentiment qu’investir dans la Vienne devient attractif pour l’investisseur, à la fois en terme opérationnel et en terme d’image pour son entreprise.

18 Entretien du 27 mai 2009 avec Michel Caud, chargé de mission développement économique du Conseil général de la Vienne et

Denis Brunellière, direction des investissements du parc du Futuroscope.

René Monory

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 33/81

Une thématique est alors choisie, elle doit être su ffisamment précise pour être perceptible et suffisamment porteuse pour se distinguer et suscite r un intérêt médiatique . Le domaine choisi est celui des technologies de la communication, R. Monory étant convaincu qu’elles constituent un secteur porteur en termes d’image et de développement économique. La visibilité du nouveau positionnement va en outre s’appuyer sur des choix techniques et architecturaux innovants et originaux. C’est de ce raisonnement que procède l’idée du Futuroscope. Ce projet de parc de loisirs dédié aux technologies de l’information et de l’image constitue l’outil clé, mis en œuvre au service de la stratégi e adoptée, et non une fin en soi . S’il a pour vocation de générer une fréquentation touristique source de retombées économiques directes, il constitue surtout l’instrument permettant d’obtenir la médiatisation recherchée, de faire connaître et de crédibiliser la nouvelle ambition du département. L’optimisation de l’équilibre d’exploitation du parc de loisirs est souhaitée mais ne constitue pas l’objectif prioritaire. Les éventuels déficits sont considérés comme des investissements en matière de communication et de développement économique. En favorisant le renouvellement de l’image de son t erritoire d’accueil, le parc doit permettre d’améliorer son attractivité et de nourrir la fierté et l’ambition de ses habitant s. Puisqu’il s’agit bien d’attirer des investisseurs, l’aménagement de la « Technopole du Futuroscope » est lancé concomitamment à celui du parc de loisirs. En cohérence avec le nouveau positionnement choisi et affiché, cette zone d’activités fait l’objet d’aménagements de pointe en matière de télécommunications avec l’installation d’un téléport19. Ces prestations haut de gamme permettent de distinguer cette zone d’activités parmi les offres concurrentes. Pour conforter son positionnement et éviter toute banalisation du projet, seules les demandes d’installation émises par des entreprises ou des administrations intervenant dans le domaine de l’information et des télécommunications vont être acceptées. Aussi, même si le démarrage de la zone d’activité va s’avérer lent et la tentation d’être moins sélectif forte, le cap stratégique va être tenu. Par ailleurs, conscient de l’intérêt d’emporter un large soutien pour réussir son projet, R. Monory porte une attention particulière à son appropriation par la population locale, les risques de rejet étant importants au motif que les investissements ne bénéficieraient qu’à une partie du territoire départemental. Aussi, « un fonds Futuroscope » est-il mis en place. Présenté comme abondé par les bénéfices tirés de l’exploitation du Parc de loisirs (même si ce n’était pas mathématiquement le cas), il sert à co-financer d’autres projets sans rapport avec le Futuroscope, portés par d’autres collectivités dans le département. Son objectif est de rendre concrets et perceptibles les retombées du parc dans tout le département.

���� Une mise en œuvre rapide et progressive, pour évit er l’effet tunnel et crédibiliser le projet C’est en septembre 1983 que René Monory, président du Conseil général de la Vienne, propose à son assemblée délibérante la création d’un équipement présentant au public les technologies avancées. Le site est choisi dès janvier 1984 et les travaux de construction d’un « Pavillon du Futuroscope » débutent en décembre de la même année. En février 1985, le Conseil général décide d’intégrer le Pavillon du Futuroscope dans un vaste ensemble appelé « Parc du Futur ». Il s’agit de créer une vitrine des technologies nouvelles s’appuyant sur les techniques, alors émergentes, de communication. Une société d’économie mixte, la SEM du Parc du Futuroscope, est créée en mars 1987 pour assurer l’exploitation du parc de loisirs. Dès juin 1987, le Pavillon du Futuroscope, premier bâtiment du Parc, est ouvert au public, suivi la même année par un second bâtiment, le Kinémax.

19 Zone sur laquelle sont regroupés des moyens d'accès à des systèmes de communications de grande capacité et mis à disposition de

plusieurs utilisateurs (réseau en fibre optique, antennes satellites...).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 34/81

Après son ouverture, le parc de loisirs voit son offre étoffée selon un rythme volontairement annuel , afin de renouveler son attractivité et d’inciter les visiteurs à prolonger leur séjour. La zone d’activités adossée au parc de loisirs, baptisée Technopole du Futuroscope est réalisée en parallèle, là aussi selon un rythme annuel.

Un parc de loisirs et une technopole, réalisés en parallèle et selon un rythme annuel

Parc de loisirs du Futuroscope Technopole du Futuroscope

1987 Pavillon du Futuroscope et Kinémax Lycée Pilote 1988 Pavillon de la Communication Téléport 1989 Le Monde des Enfants Palais des Congrès

1990 l’Omnimax et la Gyrotour Installation du Centre national d’enseignement à distance (CNED)

1991 le Cinéautomate 1992 le Tapis Magique

1993 le Solido Installation de l’Ecole nationale supérieure

de Mécanique et d’Aérotechnique (ENSMA)

1994 le Pavillon de la Vienne et l’Aquascope

1995 Images Studio Installation de laboratoires de l’Université

de Poitiers (sciences physiques)

1996 IMAX 3D Installation de l’Ecole Supérieure des

Personnels d’Encadrement de l’Education Nationale

1997 Le Lac aux Images 1998 Imagic 1999 2000 Le Défi d’Atlantis Gare TGV

A la fin des années 1990, considérant que les investissements clés ont été réalisés, le Conseil général de la Vienne décide de transférer à l’initiative privée le développement du parc de loisirs. Ce dernier est cédé à un groupe privé en février 2000. La SEM chargée de l’exploitation du parc est dissoute et le Département réalise une plus-value estimée à 41,2 M€20. Toutefois, face au déclin de la fréquentation, attribué à la gestion du parc par son nouveau propriétaire, le Conseil général décide dès 2002 de reprendre à son compte la propriété et l’exploitation via une nouvelle SEM. Entre 1987 et 2008, le parc de loisirs enregistre plus de 37 millions de visiteurs soit 1,7 million en moyenne. Sa fréquentation connaît une hausse constante lors de ses dix premières années et culmine à 2,9 millions

20 Source : Chambre régionale des comptes de Poitou-Charentes - Rapport d’observations définitives sur la gestion du Département

de la Vienne - Exercices 1997- 2004 - Octobre 2006

Le Pavillon du Futuroscope Le Kinémax

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 35/81

de visiteurs en 1996 . Elle diminue ensuite sensiblement et atteint son point bas en 2003 avec 1,1 million de visiteurs. Depuis, la fréquentation du parc se redresse lentement et s’établit à 1,6 million en 2008. De son côté, la Technopole21 occupe aujourd’hui 200 ha autour du parc de loisirs. La zone d’activités abrite notamment 50.000 m² de bureaux, 15.000 m² d’espaces de réunion, un centre de congrès (trois amphithéâtres dont un de 1.150 places), 1.450 chambres d’hôtels, plusieurs restaurants. Le site est desservi par le TGV (1h20 de Paris) et par l’autoroute Paris-Bordeaux (A10). La technopole a par ailleurs reçu en juillet 2005 le label de pôle de compétitivité dans le secteur « Mobilité et Transports Avancés ». Il accueille également un pôle universitaire de premier plan, fruit d’un partenariat étroit avec l’Université de Poitiers. Les 20 administrations et 160 entreprises implantées sur la technopole emploient 4.700 personnes (en plus des 700 emplois du parc de loisirs) dont 700 chercheurs. La zone compte également 2.100 étudiants et 1.000 logements.

���� Gouvernance : une « cellule commando » constituée au sein du Conseil général La mise en œuvre du projet (parc de loisirs et technopôle) est d’abord confiée à une SEM d’aménagement. Néanmoins, le rythme de réalisation s’avérant peu convaincant, le Conseil général décide de prendre en charge directement le projet. Son Président met en place au sein de la collectivité une cellule resserrée (de quatre personnes au départ à vingt au maximum), pluridisciplinaire, dédiée au projet et placée directement sous son autorité. Elle est notamment composée d’un architecte22, d’un ingénieur-urbaniste et de personnes présentant des profils juridiques, économistes, financiers et administratifs. Thierry Breton23 est chef du projet de 1986 à 1990. Le Conseil général assume, via cette équipe : - le financement et la maîtrise d’ouvrage des infrastructures du parc de loisirs et de la technopole

(élaboration des programmes, élaboration des cahiers des charges, lancement des appels d’offres, …), - la commercialisation de la zone d’activité, - l’accueil des investisseurs, - la recherche de partenariats, - la promotion du projet. En mars 1987, la SEM du Parc du Futuroscope est constituée. Son rôle se limite néanmoins à l’exploitation du seul parc de loisirs, le Département restant propriétaire et maître d’ouvrage des équipements. La technopole est réalisée sous la forme d’une ZAC, directement par le Conseil général, sans intervention d’un aménageur extérieur.

21 Source : Dossier de presse « Les 20 ans du Futuroscope 1987-2007 » - SEM Futuroscope - 2007 22 Denis Laming, l’architecte de la plupart des constructions du parc de loisirs 23 Futur PDG de France Telecom et Ministre de l’Economie et des Finances

Fréquentation du Parc du Futuroscope Millions de visiteurs

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 36/81

Par ailleurs, pour obtenir le soutien politique nécessaire au sein de l’assemblée départementale, une commission spéciale Futuroscope est constituée, mêlant élus de la majorité et de l’opposition locales.

���� Financement : concentration des investissements Au début des années 1980, le Conseil général de la Vienne dispose d’un budget modeste dont la majeure partie est affectée à des dépenses de fonctionnement. Son Président entend alors tirer parti de la récente loi de décentralisation (mars 1982) qui lui transfert la responsabilité d’élaborer le budget départemental. Une politique d’accroissement sensible de la part réservée aux investissements est menée (la part des investissements est passée de 13% à 38% du budget départemental entre 1984 et 1999) et pendant les dix premières années du projet Futuroscope, 10% du budget annuel d’investissement de la collectivité lui est affecté. L’objectif est bien de concentrer les moyens en les mettant au service de la stratégie adoptée et d’éviter toute dilution induite par la poursuite d’objectifs trop nombreux ou imprécis. En outre, le Conseil général de la Vienne décide de prendre directement à sa charge l’acquisition du foncier et le financement des infrastructures, y compris le parc de loisirs. Les raisons en sont les suivantes : - au démarrage du projet, les risques financiers étaient tels que les investisseurs privés n’étaient pas

disposés à y participer. Le Conseil général devait d’abord faire la démonstration de sa pertinence. C’est ainsi que le premier hôtel a été réalisé directement par la collectivité. Elle a également construit elle-même les premières surfaces de bureaux pour répondre immédiatement aux demandes d’installation. Les chaînes hôtelières et promoteurs de surfaces tertiaires sont intervenus dans un second temps, confortés par les premiers succès commerciaux,

- S’agissant des éventuels financeurs publics, le Conseil général a préféré accélérer les mises en

chantier, nécessaires pour la crédibilité du projet, en prévoyant de les financer intégralement, quitte à intégrer les autres partenaires publics volontaires dans un second temps,

- La propriété du foncier et des installations a permis à la collectivité de maîtriser directement les

opérations et de bénéficier des plus-values foncières générées par sa propre action, pour financer les investissements suivants.

Pour le seul parc de loisirs, la Chambre régionale des comptes24 évalue le montant total investi par le Conseil général de la Vienne à 351,1 M€, de 1984 à 2005 (y compris le coût du rachat en 2002). Sur la même période, la collectivité a encaissé 112,9 M€ de recettes (produits de cession en 2000, produits fiscaux directs, redevances et loyers perçus). Aussi, l’investissement net a-t-il été évalué à environ 250 M€.

���� Des retombées unanimement reconnues mais qui ne fo nt pas l’objet d’une évaluation permanente � Pas de système d’évaluation permanent Dans son rapport de 2007, relatif aux aménagements à vocation culturelle et de loisirs, la Cour des comptes reconnaît que s’agissant du Futuroscope de Poitiers25 « La notoriété internationale du premier parc de loisirs français s’est peu à peu établie et a incontestablement contribué à dynamiser l’image du département et de la région, tout en stimulant l’activité économique locale. » Néanmoins, la Cour souligne26 dans ses conclusions que « la transparence recherchée dans la définition et le niveau des aides accordées doit se doubler d’un souci d’évaluer de manière continue les effets induits du Parc en matière économique et touristique, seuls susceptibles de rendre légitime la mobilisation permanente d’importants fonds publics locaux en faveur de cet équipement. »

24 Evaluation reprise par la Cour des comptes dans son rapport relatif aux aménagements à vocation culturelle et de loisirs publié en

février 2007. 25 Op. cit p. 458 26 Op. cit p. 466

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 37/81

En effet, la réalisation du Futuroscope, projet stratégique de la Vienne pendant plus de vingt ans n’a pas donné lieu à la mise en place d’un système permanent d’évaluation précise des retombées économiques. Si les divers partenaires engagés suivent, chacun dans son domaine et selon ses méthodes, les évolutions qui l’intéressent, aucune mise en commun périodique n’a été instituée. � L’exploitant du parc de loisirs effectue un suivi précis de sa fréquentation pour piloter sa stratégie

marketing. � De son côté, l’observatoire départemental du tourisme mesure la fréquentation touristique du

département, notamment par le nombre de nuitées. La Vienne est aujourd’hui classée parmi les départements touristiques, avec 2,2 millions de nuitées par an contre 300.000 avant le lancement du Futuroscope.

� Quant à la modification radicale de l’image du département, si elle est unanimement reconnue, elle ne

fait pas l’objet d’une mesure précise et régulière. Les services du Conseil général indique que cette nouvelle notoriété et ce positionnement « hautes technologies », reconnus en Europe et dans le Monde, ont par exemple permis à la Vienne de nouer des partenariats avec des régions étrangères dont le poids économique excède largement le sien. Le Conseil général a développé des coopérations avec Lisbonne, Bonn, Wroclaw (Pologne) et Shenzhen (Chine). Le partenariat avec la ville chinoise a ainsi été décisif pour obtenir l’implantation sur 60.000 m² du siège européen du deuxième opérateur chinois de télécommunications. De plus, certains investisseurs s’intéressant à la Vienne, parce qu’ils connaissent le Futuroscope, sont finalement redirigés vers d’autres zones d’activités du département plus adaptées à leurs moyens ou à leur secteur d’activité. C’est donc l’ensemble du département qui bénéficie de l’attractivité générée par le Futuroscope.

� L’amélioration de l’attractivité du territoire se mesure également dans l’évolution démographique. Après

une importante croissance démographique jusqu’au début des années 1970, la ville de Poitiers a connu un certain déclin à partir de 1975. Sa population s’est à nouveau fortement accrue à partir des années 1990. Si le Département de la Vienne n’a jamais connu d’affaiblissement démographique réel, l’augmentation annuelle de sa population est plus forte depuis le début des années 1990. L’existence d’une corrélation entre ces évolutions démographiques favorables et la montée en puissance du Futuroscope (1987) reste difficile à démontrer, elle est néanmoins probable.

Evolution démographique de la ville de Poitiers et du département de la Vienne (Insee)

Ligne orange : inauguration du Futuroscope (1987)

50 000

70 000

90 000

1954 1962 1968 1975 1982 1990 1999 2006

300 000

320 000

340 000

360 000

380 000

400 000

420 000

440 000

Poitiers Vienne

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 38/81

� Une étude d’impact économique plus complète publiée en 2007 Pour tenter de mieux objectiver l’ensemble de ces effets, une étude globale a été commandée au cabinet LC-Développement et publiée en juin 200727. Cette étude identifie deux types d’impacts : - l’impact du changement d’image du département, - l’apport de chiffre d’affaires, de revenus et de créations d’emplois. Le premier type d’impacts, désigné dans l’étude comme potentiellement le plus important, est toutefois jugé « difficile à estimer ». L’étude suggère de chiffrer (mais ne le fait pas) le montant des dépenses de communication qu’il faudrait consentir pour obtenir le même résultat en terme de notoriété. Pour le second type d’impacts, l’étude applique une méthodologie proposée par Olivier Bouba-Olga, maître de conférences à la faculté de sciences économiques de Poitiers28. Elle définit l’impact économique total comme la somme de deux composantes : le revenu net direct et l’effet induit. � le revenu net direct =

Somme des revenus (chiffre d’affaires) générés par le Futuroscope (parc de loisirs et technopole)

- les revenus provenant de la Vienne

(il ne faut prendre en compte que les revenus venant de l’extérieur du département, c’est-à-dire ceux qui correspondent à un surplus)

-

la part des salaires et de la sous-traitance non versée à des personnes ou sociétés de la Vienne (une part du chiffre d’affaires généré est utilisé pour rémunérer des personnes ou sociétés se trouvant hors

du département – effet d’évasion-) � l’effet induit : il s’agit des effets du revenu net direct sur le chiffre d’affaires des sous-traitants locaux qui

le reversent à leur tour sous forme de salaires et de sous-traitance, avec le même type d’effets d’évasion vers l’extérieur du département à prendre en compte.

A partir de ce raisonnement, O. Bouba-Olga construit une formule mathématique dont les principales variables sont : - la part des revenus provenant de l’extérieur (notamment parmi les visiteurs du parc de loisirs) : plus elle

est forte, plus l’impact économique est important, - le taux de valeur ajoutée des entreprises locales : plus il est faible, plus l’effet d’évasion vers l’extérieur

est important et l’impact économique réduit, - la part des revenus perçus par les habitants locaux (salaires) dépensés localement, - la part de sous-traitance confiée à des entreprises locales (variable fortement dépendante de la richesse

du tissu économique local et de sa capacité à répondre à des demandes variées). Le montant et la provenance des revenus des entreprises installées dans la Technopole du Futuroscope ainsi que le montant et la destination de leurs dépenses (part de sous-traitance locale) ont été identifiés grâce à une enquête qui leur a été adressée. La part des dépenses des salariés effectuées localement a été déterminée à partir d’hypothèses économiques et d’une étude INSEE sur la consommation des ménages. Selon les calculs effectués, la présence du Futuros cope (parc de loisirs et technopole) aurait ainsi généré 308 M€ de revenus en 2006 et un total de 3,2 milliards depuis 1987. Par ailleurs, le nombre d’emplois nouveaux est estimé à 4.700 sur le site du Futuroscope et 3.500 dans le reste du département.

27 L’Effet Futuroscope – Etude réalisée par Louis Caudron LC - Développement et Conseil – Juin 2007 28 Cette méthodologie s’appuie elle-même sur des travaux théoriques de Sombart (1916), Hoyt (1954), North (1955) et Davezie

(2003)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 39/81

Projet n°4 : Tate Gallery et régénération de Liverpool (Royaume- Uni)

Synthèse Nom du projet La régénération de Liverpool (Royaume -Uni) Lieu Liverpool Dates et durée de l’opération

1981-1998 (17 années)

Superficie du périmètre d’intervention

3,2 km² en 1981 élargis à 23,7 km² à partir de 1990, soit plus de 20% de l’agglomération de Liverpool

Population du périmètre d’intervention

435.500 habitants (agglomération de Liverpool)

Principales caractéristiques socio-économiques initiales du territoire

Un déclin démographique constant Une économie fortement affaiblie par le déclin du port et des industries traditionnelles Un environnement dégradé Des difficultés sociales importantes L’image du territoire est essentiellement associée au déclin industriel

Descriptif succinct du projet

Un projet de régénération urbaine et de développement économique basé sur : - la réappropriation par la ville de ses friches portuaires - la renaissance de l’attractivité de Liverpool par la restauration de son

rayonnement national et international, notamment par la réalisation d’équipements culturels de premier plan tels que la Tate Gallery

Montant total des investissements

Environ 300 M€ d’investissements publics de 1981 à 1998 82 M€ (public + privé) pour le seul programme de requalification de l’Albert Dock, incluant l’implantation de la Tate Gallery

Principaux acteurs du projet

L’Etat Initiateur et inspirateur du projet

Structure spécifique de gouvernance mise en place

La Merseyside Development Corporation (MDC) Organisme semi public ad hoc, - créé et contrôlé par l’Etat, - doté de prérogatives de puissance publique, - fonctionnant comme une entreprise, - chargé d’élaborer puis de mettre en œuvre la stratégie de régénération urbaine

et de développement économique, en privilégiant le partenariat public-privé. Retombées - La Tate Gallery reçoit une moyenne de 600.000 visiteurs par an et l’Albert Dock

(ensemble de plusieurs équipements culturels dont fait partie la Tate Gallery) environ 5 millions par an, faisant de Liverpool une destination touristique à part entière.

- Le port de Liverpool figure depuis 2004 sur la liste du patrimoine mondial culturel de l’humanité (UNESCO)

- Liverpool a obtenu le titre de Capitale européenne de la culture en 2008 et constitue aujourd’hui, la ville britannique qui compte le plus grand nombre de musées après Londres.

- Le taux de chômage à Liverpool est aujourd’hui comparable à la moyenne nationale

- Le PIB par habitant progresse plus vite que la moyenne nationale

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 40/81

Principales leçons - Concentration des fonds publics sur un secteur jugé prioritaire pour créer les

conditions favorables aux investissements privés. - Création d’une société de projet, concentrant les responsabilités et ayant recours

autant que de besoins à des compétences professionnelles diverses. - Définition d’une zone géographique d’intervention et d’objectifs précis. - Choix d’un périmètre d’intervention d’abord restreint puis étendu lorsque la

méthode a fait la preuve de son efficacité, notamment auprès des investisseurs et des acteurs locaux.

- Promotion offensive et professionnelle du projet, au plan national et international. Documents / sites web / personnes / organismes ressources

- Dossier réalisé pour un voyage d’étude à Liverpool (2004) - Association Internationale Villes et Ports – John Hinchliffe, Liverpool City Council

- Urban Development Corporations : Performance and Go od Practice , DETR, 199829

- Urban Development Corporations and Sustainable Comm unities – avril 2009 – Parlement du Royaume-Uni – Note SN/SC/3154

- Sites internet - du Musée Tate Liverpool www.tate.org.uk

29 Document référence proposant un bilan de 8 expériences de sociétés de développement urbain mises en place au Royaume-Uni

entre 1981 et 1988. La MEEF n’a pu se procurer ce document dans son intégralité mais de nombreuses synthèses, réalisées par divers

organismes officiels, sont disponibles sur internet (notamment à l’adresse suivante http://www.communities.gov.uk/archived/general-

content/citiesandregions/urbandevelopmentcorporations/).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 41/81

���� Un déclin industriel et portuaire brutal à partir des années 1970 Connue pour son club de football et pour être le berceau des Beatles, Liverpool se trouve dans le Nord-Ouest de l’Angleterre, sur les rives de l’estuaire de la Mersey. A partir du XVIIIème siècle, Liverpool doit sa prospérité à son immense port (jusqu’à 50 km linéaires de quais), principale porte d’entrée et de sortie du commerce britannique pendant près de trois siècles (commerce des esclaves, du coton, du sucre, du tabac). Ce port fut également l’un des principaux points de départ des migrations britanniques vers les Etats-Unis au XIXème siècle. A partir des années 1970, concurrencée par d’autres ports britanniques plus proches de Londres et marquée par le déclin de son industrie textile, Liverpool a connu une brutale dégradation de sa situation économique. Alors qu’au milieu des années 193030, l’agglomération de Liverpool dépassait 840.000 habitants, elle a ensuite subi un rapide déclin démographique avec un pic dans les années 1970 (- 100.000 habitants en dix ans).

Aujourd’hui, cette diminution se poursuit, mais à un rythme moins soutenu depuis le milieu des années 1990. Mi 2007, l’agglomération compte 435.500 habitants sur 112 km² (soit environ 3.900 hab./km²) et constitue la neuvième agglomération du Royaume-Uni. L’âge moyen de sa population est sensiblement inférieur à la moyenne nationale (42% de moins de 30 ans contre 37%). Au début des années 1980, les principales difficultés de Liverpool sont les suivantes : - un déclin démographique constant, - une économie affaiblie, - la mauvaise qualité des logements, - l’environnement dégradé, - l’insuffisance des équipements culturels et de loisirs, - l’obsolescence du système de transports publics. En outre, les zones portuaires historiques ont été délaissées au profit d’installations plus modernes construites en aval. Ces quartiers, situés au cœur de Liverpool, sont alors abandonnés ou investis par de petites industries spécialisées dans la récupération de métaux ou la réparation automobile.

���� La Merseyside Development Corporation (MDC) : un o rganisme créé par l’Etat en 1981 pour mettre en œuvre une stratégie combinant régéné ration urbaine et développement économique Au début des années 1980, les défis à relever sont jugés, par le gouvernement britannique, trop lourds pour la municipalité. C’est pourquoi il crée en 1981 la « Merseyside Development Corporation » (Société de développement de Merseyside – MDC) avec pour mission de susciter, d’orienter et d’accompagner la régénération des bords de la Mersey à Liverpool, sur un périmètre initial de 3,2 km². La création des « sociétés de développement » dans plusieurs régions britanniques est une initiative du Gouvernement Thatcher31. Ces entités, propres à l’organisation institutionnelle britannique, sont créées dans les années 1980 pour mettre en œuvre les grandes opérations d’aménagement urbain en lieu et place des administrations municipales ou régionales. Bénéficiant d’une grande autonomie d’action, leurs dirigeants sont néanmoins nommés par le Gouvernement et leur action fait l’objet d’un rapport annuel remis au parlement national. 30 Source : Office for National Statistics 31 Local Government, Planning and Land Act - 1980

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 42/81

L’idée constitutive de la Merseyside Development Corporation32 est de créer, par des investissements publics, les infrastructures capables d’attirer les investisseurs privés. Pour ce faire, la MDC s’est vu déléguer des prérogatives de puissance publique (droit de préemption, rédaction des documents d’urbanisme, compétence générale pour mener toute action jugée opportune ou nécessaire) et de substantiels fonds publics (provenant principalement de l’Etat et complétés par les collectivités locales et les fonds européens). La société n'a pas directement assuré la maîtrise d’ouvrage de la plupart des programmes de régénération, mais a joué le rôle de fer de lance, d’initiateur, de fédérateur. Avec ses 60 salariés permanents (au maximum), elle a largement recouru à des compétences extérieures privées (consultants, associations locales) et publiques (ministère de l’Industrie, administrations locales), ponctuellement et au fur et à mesure de ses besoins.

���� L’implantation de la Tate Gallery en 1986 : l’élém ent phare d’une première opération d’urbanisme visant à rendre à la ville les bords de la Mersey et à restaurer l’image de Liverpool La stratégie élaborée consiste d’abord à identifier les bâtiments dignes d’être conservés et recelant un réel potentiel, les autres étant démolis ; puis à réaménager l’espace public (voiries, espaces paysagers, dépollution). Pour commencer, la société se limite à une seule opération : la régénération de l'Albert Dock. L’Albert Dock est une partie centrale du port historique, construite en 1846 et délaissée depuis 1972, formée d’immenses entrepôts à l’architecture caractéristique de l’apogée du port de Liverpool. Bien que constituant l’une des constructions les plus vastes classées Monuments Historiques en Angleterre33, l’Albert Dock se trouvait menacé par divers projets de démolition et de comblement des bassins. Dès 1982, la MDC s’associe à un promoteur immobilier (Arrowcroft) pour élaborer un ambitieux programme de réhabilitation estimé à 82 M€ et mené à bien en six années. Le programme de requalification a combiné : - la réouverture des espaces aux habitants (aménagement des espaces de promenade menant à

Otterspool) permettant à ceux-ci de se réapproprier les bords de la Mersey ; - la création d’évènements (Festival international des Jardins - 1984) et d’équipements culturels de haut

niveau pour favoriser la notoriété du site et contribuer à restaurer l’image nationale et internationale de Liverpool : Mersyside Maritime Museum (1986), The Tate Art Gallery (1988), The Beatles Story (1990) et The Museum of Liverpool Life ;

- la réalisation d’équipements privés permettant de rentabiliser l’opération : 227 logements haut de gamme, des bureaux de prestige, des boutiques, bars, restaurants, hôtels et un studio de télévision.

L’implantation de la Tate Gallery est un élément phare du projet. La Tate est une institution culturelle britannique de renommée internationale, née à Londres et regroupant aujourd’hui quatre établissements : deux à Londres (la Tate Britain et la Tate Modern), un à Liverpool (la Tate Liverpool) et un dans le sud-ouest de l’Angleterre (la Tate St. Ives). Inaugurée en mai 1988, la Tate Liverpool présente des œuvres d’art contemporain ainsi que des œuvres plus anciennes et organise de nombreuses expositions temporaires. Sa fréquentation a rapidement atteint 500.000 visiteurs. Le musée enregistre aujourd’hui une moyenne de 600.000 visiteurs par an34.

L’Albert Dock de Liverpool abritant notamment la Ta te Gallery

32 Cf. Merseyside Development Corporation – 1981-1998 – Synthèse des rapports annuels - The City of Liverpool - M352 MDC/13 33 Classé « Listed Building - Grade I » depuis 1952, c’est-à-dire le niveau le plus élevé en terme de protection. 34 source : site internet du musée www.tate.org.uk

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 43/81

���� Couronnées de succès, la stratégie et la méthode s ont appliquées à un périmètre plus vaste à partir de 1990 Devant le succès de cette première opération (la fréquentation totale du site de l’Albert Dock dépasse les 4 millions par an en 1990), le périmètre d’intervention de la MDC est peu à peu élargi aux secteurs voisins et passe de 3,2 km² à 23,7 km². Son mandat est également considérablement étendu : elle doit désormais s’attacher à attirer les investissements étrangers, favoriser le développement des entreprises déjà présentes dans le nouveau périmètre, améliorer l’offre de logements et mieux associer la société civile locale à ses projets. Pour mener à bien ces nouvelles missions, mieux associer les autres acteurs locaux et tenir compte de ses moyens humains limités, MDC a privilégié le soutien, la coordination et la stimulation des initiatives prises par des tiers et conformes aux objectifs : - soutien financier et technique à des organismes de formation professionnelle, - participation à l’élaboration des programmes de transports publics, - montage de partenariats pour réaliser des opérations de réhabilitations de logements, développant à la

fois une offre pour les habitants mais aussi une offre plus haut de gamme pour attirer une nouvelle population,

- développement d’équipements de loisirs. Le périmètre d’intervention a été scindé en plusieurs zones (South Liverpool, Liverpool Waterfront, North Liverpool & Bootle, Birkenhead et New Brighton). Chacune de ces zones a fait l’objet d’un diagnostic puis d’une stratégie et d’un projet exploitant aux mieux ses potentialités propres : - deux quartiers d’affaires (Brunswick Business Park dans South Liverpool et Sandhills Business Park

dans North Liverpool), - un centre de conférences et un hôtel au Princes Dock, - l’International Technology Campus combinant recherche universitaire et activité commerciale, - la restauration du quartier touristique de New Brighton, - la construction de logements sur les rives de la Mersey, le Liverpool Waterfront, - la remise en valeur du quartier d’architecture georgienne (1720-1840) de Birkenhead. La société a en revanche pris en charge directement et de façon très volontariste la promotion de la régénération de Liverpool, au plan national et international, en employant des professionnels et les outils de la publicité, des relations publiques et du marketing : campagnes de presse offensives, production d’émissions de télévision valorisant la ville ou le projet, soutien à la candidature olympique de Manchester (pour les JO 1996), financement d’un déplacement aux Etats-Unis de l’orchestre philharmonique de Liverpool, animation d’un réseau d’hommes d’affaires intéressés par l’art, etc… Elle a également développé un savoir-faire en matière de régénération urbaine qu’elle a commercialement exploité en proposant ses services au Royaume-Uni et à l’étranger, contribuant ainsi à faire du programme de régénération de Liverpool une référence mondiale et à renouveler l’image de la cité.

���� Malgré la dissolution de la MDC en 1998, ses princ ipes d’intervention continuent d’être appliqués En 1998, le Ministère britannique de l’Environnement, des Transports et des Régions a réalisé un bilan35 de huit expériences de Sociétés de développement urbain (Urban Development Corporations) menées au Royaume-Uni, parmi lesquelles celle de Liverpool (Merseyside). Cette étude conclut que ce modèle de société de projet s’est avéré particulièrement adapté aux zones qui cumulent la plupart des difficultés socio-économiques. En une quinzaine d’années, les huit opérations étudiées ont permis, au total, la création de 144.000 emplois, la construction de 326 km de voiries urbaines, de 5 millions de m² de surfaces commerciales et 14.700 logements ainsi que la requalification de 24 km² de friches industrielles. L’investissement public total est évalué à 2,3 milliards d’euros pour 8 milliards d’euros d’investissements privés attirés (soit un effet levier de près de 4). 35 Urban Development Corporations : Performance and Good Practice, DETR, 1998. Synthèse disponible en anglais sur le site de

documentation officielle destiné aux collectivités locales britanniques à l’adresse suivante :

http://www.communities.gov.uk/archived/general-content/citiesandregions/urbandevelopmentcorporations/

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 44/81

Selon cette étude, le succès des opérations est principalement dû : - à l’importance des fonds publics confiés à ces sociétés de développement (effet masse), à même de

créer les conditions favorables aux investissements privés ; - à la gamme complète de pouvoirs délégués à un même organisme, pour une zone géographique

bien définie et avec des objectifs précis et peu nombreux ; - à leur organisation en « quasibusiness », respectant des logiques plus attractives (car plus

compréhensibles) pour les investisseurs privés que celles appliquées par les structures administratives locales traditionnelles ;

- à leur qualité de « guichet unique », leur permettant de prendre en charge l’ensemble des problématiques auxquelles font face les investisseurs disposés à s’impliquer.

En revanche, cette étude met en évidence plusieurs lacunes :

- l’action de ces organismes a souvent favorisé le déplacement d’activités économiques à l’intérieur des agglomérations sans création nette, donc aux dépens d’autres zones ;

- lorsque les efforts en matière de formation de la main d’œuvre locale n’ont pas été suffisants, l’inadéquation des compétences présentes avec les nouveaux emplois créés a réduit les effets sur le chômage au sein de la population locale ;

- concentrés sur un périmètre donné, ces organismes n’ont pas suffisamment veillé à coordonner leur action avec les politiques menées par ailleurs, par les autres acteurs publics ou privés, dans le reste des agglomérations ;

- l’insuffisante concertation avec les élus locaux et les autres intervenants locaux a, par endroit et surtout au démarrage, généré une certaine hostilité contre-productive ;

- le manque d’objectivité dans l’évaluation des impacts, réalisée par les sociétés elles-mêmes et des insuffisances dans les indicateurs retenus : en particulier, la mesure des effets sur l’emploi aurait dû prendre en compte les variations et non les volumes ainsi que les créations nettes au niveau des bassins d’emplois et pas seulement des zones d’intervention.

Aussi, les sociétés de développement font alors l’objet de critiques récurrentes, essentiellement en raison de leur nature équivoque à mi-chemin entre entreprise et administration, du défaut de transparence dans leurs relations avec l’Etat et d’un manque de légitimité par rapport aux autorités locales. Comme les treize autres organismes du même type au Royaume-Uni, la Merseyside Development Corporation est dissoute en 1998 par le nouveau Gouvernement travailliste de Tony Blair. Au demeurant, compte tenu des succès obtenus dans la régénération de Liverpool, les nouveaux outils institutionnels mis en place par le Gouvernement s’inspirent fortement des méthodes et de la philosophie d’intervention de la MDC tout en s’efforçant d’en corriger les défauts. Dès 1999, la Northwest Development Agency (NWDA) est créée par l’Etat pour promouvoir la régénération et le développement économique à une échelle plus large, incluant l’ensemble du nord-ouest de l’Angleterre. Elle met en œuvre la « Stratégie économique régionale (RES) » élaborée pour cette région qui regroupe environ 7 millions d’habitants autour de Manchester et Liverpool, qui représente 10% du PIB du Royaume-Uni et constitue l’un des bassins industriels historiques du pays.

Ses cinq priorités d’intervention36 sont les suivantes : - encourager les jeunes entreprises et soutenir l’innovation, la croissance des secteurs stratégiques pour

la région, l’exploitation du tissu scientifique régional, l’amélioration de la compétitivité internationale du territoire,

- permettre la progression du niveau de compétences de la population (formation professionnelle, éducation),

- poursuivre le développement des infrastructures de transport, la construction de logements, - continuer le développement de la culture et la promotion de l’image de la région, notamment à travers

ses atouts naturels.

36 www.nwda.co.uk

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 45/81

La reconversion de Liverpool En bleu : le périmètre d’intervention ; en rouge : le périmètre classé au patrimoine de l’UNESCO ; en

pointillés verts : le périmètre historique du port. Aujourd’hui, si Liverpool connaît encore d’importantes difficultés socio-économiques (parmi les dix quartiers les plus pauvres du Royaume-Uni, quatre se trouvent à Liverpool) et n’a pas totalement enrayé son déclin démographique, de nombreux indicateurs laissent penser qu’elle a retrouvé son attractivité économique et son rang parmi les métropoles européennes dynamiques. Entre 1997 et 2006, le produit intérieur brut par habitant a ainsi progressé plus vite à Liverpool (+ 62%) que dans l’ensemble du Royaume-Uni37 (+ 53%). Le taux de chômage à Liverpool (7,4 % en avril 2009)38 se trouve désormais proche de la moyenne nationale (7,1%) et inférieur à celui observé à Londres (8,2%). Outre certains services gouvernementaux nationaux (Ministère de la Santé, Ministère des finances, Ministère de l’Intérieur), Liverpool a attiré de nombreuses entreprises du tertiaire, en particulier dans le secteur du service aux entreprises (finance, centres d’appels, conseil). Par ailleurs, les grands équipements culturels dont la Tate Gallery ont redonné son rayonnement international à la ville. Liverpool est aujourd’hui la cité britannique qui compte le plus de musées après Londres. Liverpool a obtenu le classement de son port au titre du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO en 2004 puis le titre de Capitale européenne de la culture en 2008. Le tourisme, secteur économique auparavant marginal, est devenu un secteur important, induisant le développement de nombreux hôtels et restaurants. Liverpool accueille à nouveau des paquebots de croisières.

37 Source : Regional, sub-regional and local gross value added – Office for National Statistics - décembre 2008 38 Source : site internet de Office for National Statistics

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 46/81

Projet n°5 : Le MUCEM, au sein de l’opération Euroméditerranée (Marseille - France)

Synthèse Nom du projet Le futur Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) au

sein de l’opération « Euroméditerranée » (Euromed) Lieu Marseille Dates et durée de l’opération

1995 – 2012 (17 années)

Superficie du périmètre d’intervention

Périmètre d’intervention d’Euroméditerranée : 4,8 km²

Population du périmètre d’intervention

Agglomération de Marseille : 1 million d’habitants Ville de Marseille : 840.000 habitants

Principales caractéristiques socio-économiques initiales du territoire

Un taux de chômage supérieur à 20% Un déclin démographique marqué (- 150.000 habitants entre 1970 et 1990) Un environnement urbain très dégradé, notamment dans les quartiers centraux Un tissu économique faiblement tourné vers l’international et marqué par d’importantes carences dans le tertiaire supérieur et le tourisme d’affaires

Descriptif succinct du projet

Euroméditerranée est avant tout une ambitieuse opération de requalification urbaine et de développement économique de l’agglomération marseillaise, dont le futur Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) confortera le rayonnement culturel international.

Montant total des investissements

3,5 Mds € sur la période 1995-2012 dont 146,3 M€ pour le MUCEM - Etat : 227 M€ - Ville de Marseille : 122 M€ - Autres financements publics : 232 M€ - Privé : 3.000 M€

Principaux acteurs du projet

Etat Initiateur et principal financeur public Maître d’ouvrage du MUCEM

Ville de Marseille Financeur et maître d’ouvrage de plusieurs projets

Communauté urbaine de Marseille Financeur et maître d’ouvrage de plusieurs projets

Conseil général des Bouches-du-Rhônes Financeur et maître d’ouvrage de plusieurs projets

Conseil régional PACA Financeur et maître d’ouvrage de plusieurs projets

Port autonome de Marseille Financeur et maître d’ouvrage de plusieurs projets

Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM)

Maître d’œuvre d’une partie du système d’évaluation Maître d’œuvre de plusieurs études inspirant les projets Euroméd

Promoteurs privés Financeurs et maîtres d’ouvrage Structure spécifique de gouvernance mise en place

L’Etablissement public d’aménagement euroméditerranée (EPAEM). Dans le cadre d’une opération d’intérêt national (OIN), l’EPAEM, établissement public de l’Etat, met en œuvre la stratégie définie par l’Etat et les collectivités locales partenaires : - coordination et pilotage des actions des partenaires publics, - recherche des soutiens financiers, - conduite opérationnelle des opérations stratégiques (maître d’ouvrage des ZAC,

aménageur, développeur), - exercice de la compétence en matière d’urbanisme, pour le compte de l’Etat, - communication, promotion et prospection. L’EPAEM emploie une quarantaine de personnes.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 47/81

Retombées L’opération Euroméditerranée s’est vue assigner des objectifs précis et chiffrés,

exprimés en : - en nombre total de planchers neufs (1,2 millions de m²) - en nombre d’habitants supplémentaires à attirer sur le périmètre d’intervention (+10.000) - en nombre d’emplois à créer (entre 15.000 et 20.000) - en surface de bureaux à créer (600.000 m²) - en nombre de logements à construire ou à réhabiliter (4.000 neufs et 6.000 réhabilités) - en surfaces nouvelles destinées à des activités commerciales et à des équipements publics (200.000 m²) - en surface d’espaces publics à aménager (20 hectares) - en montant d’investissements privés à générer (3 Mds €) et coefficient multiplicateur de l’investissement public (x 3) Ceci a conduit l’EPAEM a mettre en œuvre un système d’évaluation. Dans le domaine de l’emploi, en particulier, l’EPAEM a développé un observatoire précis avec l’agence d’urbanisme. La perception du projet par la population est mesurée par sondage. Parmi les résultats : En 2005, 600 M€ d’investissements privés avaient été obtenus, 344.000 m² de planchers neufs construits. Entre 1995 et 2007, 7.300 emplois nouveaux ont été enregistrés avec une nette « montée en gamme ». Le déclin démographique de la ville est enrayé. Marseille a obtenu le titre de Capitale européenne de la Culture pour 2013.

Principales leçons - L’élaboration d’une stratégie intégrée, combinant réaménagement urbain, développement économique et rayonnement culturel.

- Le choix d’un positionnement économique précis, après une réflexion sur les potentiels et les opportunités à saisir.

- La création d’un organisme dédié, chargé de coordonner les actions des différents partenaires et de mener lui-même les opérations stratégiques.

- Des investissements publics massifs (581 M€) pour créer les infrastructures de base nécessaires pour attirer les investisseurs privés.

- Une gamme complète d’équipements parmi lesquels le futur MUCEM constituera un fer de lance.

- Des objectifs initiaux précis et chiffrés, un système d’évaluation régulière pour un pilotage optimisé.

Documents / sites web / personnes / organismes ressources

- François JALINOT - Directeur général d’EUROMEDITERRANEE - Marie-Caroline THERY – MEEDDAT / DIACT – Chargée de la contractualisation

territoriale au sein de la cellule « Développement et mutations économiques » - Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM) - Questionnaire sur le projet de loi de finances pour 2009 – Assemblée

nationale – Commission des finances (Aménagement du territoire – question n°24)

- Protocole de partenariat d’Euroméditerranée 2006-20 12 - Sites internet

- EPAEM : www.euromediterranee.fr - MUCEM : www.musee-europemediterranee.org - Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM) :

www.agam.org

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 48/81

���� Au début des années 1990, le constat d’une agglomé ration en perte de vitesse est partagé par l’Etat et la municipalité Au début des années 199039, le maire de Marseille Robert Vigouroux40 et l’Etat partagent le même constat d’une situation socio-économique très défavorable : - Marseille se caractérise en effet par un taux de chômage supérieur à 20% et la perte, en vingt ans, de

150.000 habitants et de 50.000 emplois industriels non compensés par un essor symétrique des activités tertiaires. Dans le même temps, le centre-ville a perdu sa fonction naturelle de pôle d’attraction en raison d’une urbanisation peu structurée des périphéries.

- L’agglomération souffre de plus d’un important déséquilibre entre le nord et le sud, ce qui gêne le

fonctionnement urbain de la ville, et d’une nette dégradation de son environnement urbain (nombreuses friches industrielles, bâtiments dégradés).

- Par ailleurs, malgré sa taille, le tissu économique de Marseille n’est pas en mesure de délivrer les

fonctions économiques et les services dignes d’une métropole européenne, ce qui pèse fortement sur son attractivité économique. Son secteur tertiaire supérieur est peu développé : l’agglomération manque de cabinets de conseil, d’agences de communication, de prestataires informatiques, etc.

En 1995, l’Union européenne engage le processus dit de Barcelone qui vise à créer, en partenariat avec les pays tiers du pourtour méditerranéen, une dynamique de développement économique partagée. La France entend positionner Marseille au cœur de cette perspective. Or, force est de constater que la ville ne possède pas les infrastructures requises pour jouer un tel rôle : espaces de congrès, hébergements, équipements pour le tourisme d’affaires font défaut. Ces handicaps sont d’autant plus flagrants qu’à la même époque, Barcelone, principale concurrente de Marseille, s’est considérablement modernisée pour accueillir les Jeux Olympiques de 1992. C’est dans ce contexte que le lancement de l’opération « Euroméditerranée » est décidé en 1995. Elle résulte de la volonté partagée de l’Etat, de la ville de Marseille, de la communauté urbaine Marseille-Provence, de la région PACA et du conseil général des Bouches-du-Rhônes de redonner à Marseille les moyens de jouer son rôle de métropole régionale et euro-méditerranée. Il s’agit d’aménager et de développer un nouveau quartier de ville contribuant au développement urbain, social, économ ique, culturel, touristique et international de Marseille, chaque composante crédibilisant les autres, et d’affirmer le positionnement euro-méditerranéen de l’agglomération. L’appellation Euroméditerranée est précisément retenue pour traduire (et faire percevoir) le positionnement choisi.

���� Une opération d’intérêt national de développement économique et de régénération urbaine à durée prédéterminée (15 ans) Lancé en 1995, Euroméditerranée désigne à la fois une opération d’intérêt national (OIN) et un établissement public d’aménagement (EPA). L’opération d’intérêt national est un statut accordé par l’Etat à certaines opérations limitativement désignées dans l’article R. 121-4-1 du code de l’urbanisme. Il s’agit d’une procédure exceptionnelle, utilisée en 1958 pour réaliser le quartier de la Défense en Ile-de-France. Créée par décret en Conseil d’Etat, l’OIN confère à l’Etat, à titre dérogatoire et pour la zone définie, la compétence en matière d’urbanisme normalement exercée par la commune ou l’EPCI. L’Etat exerce le pouvoir de délivrer les autorisations d’urbanisme ou de créer des zones d’aménagement concerté. Les collectivités territoriales conservent la responsabilité de rédiger les documents d’urbanisme mais doivent veiller à leur cohérence avec les orientations définies par l’Etat. Le périmètre d’intervention d’Euroméd a été fixé sur proposition de l'Agence d'urbanisme : d'abord de 310 hectares, il a été porté en décembre 2007 à 480 hectares pour intégrer plusieurs ensembles voisins et assurer une meilleure cohérence urbaine. S’il concentre des friches industrielles et présente un 39 Source : entretien avec François Jalinot, directeur général d’Euroméditerranée – 31 mars 2009 40 Robert Vigouroux devient maire de Marseille en 1986 à la suite du décès de Gaston Deferre. Il est élu au même poste en 1989.

L’actuel Maire Jean-Claude Gaudin est maire depuis 1995.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 49/81

environnement urbain dégradé, il dispose d’atouts indéniables sur lesquels va s’appuyer l’EPA : une desserte d’une densité rare au cœur d’une métropole d’un million d’habitants (croisement de trois autoroutes), un potentiel foncier (friches portuaires et industrielles), trois kilomètres de façade maritime, un patrimoine architectural intéressant après réhabilitation. La concertation entre l’Etat et les différentes collectivités territoriales impliquées se matérialise par la signature, en décembre 1995, d’un protocole définissant pour la période 1995-2001 les engagements financiers respectifs, les modalités de gouvernance du territoire, les périmètres, les éléments d’orientation et de programmation, les opérateurs à créer ou à mobiliser. Ce protocole est complété à deux reprises : en février 2000 pour la période 2001-2006 et en novembre 2005 pour la période 2006-2012. Les quatre objectifs fondamentaux de l’OIN, retenus en commun par l’Etat et les collectivités, mettent en évidence le caractère global de l’opération, combinant les dimensions urbanistiques, économiques, culturelles et sociales.

Les object ifs fondamentaux de l’opération d’intérêt national Euroméditerranée (extraits du protocole dans sa version en vigueur)41

� Accélérer le rayonnement métropolitain

L’enjeu essentiel de l’opération est de conforter Marseille dans son rôle de grande métropole de l’Europe du Sud, au cœur des échanges avec l’autre rive de la Méditerranée. Pour cela, il convient de développer les emplois stratégiques, de renforcer le rayonnement en matière de culture et de formation, de conforter sa vocation de lieu d’accueil des institutions euroméditerranéennes.

� Créer des emplois et des richesses pour tous les Ma rseillais 5000 emplois nets nouveaux ont été créés depuis 1995. Le taux de demandeurs d’emplois du centre ville a reculé de 22%. Pour autant, ces résultats restent insuffisants. L’objectif est donc de créer 5500 emplois nets supplémentaires, à la fois en ciblant les emplois qualifiés (emplois décisionnels et à vocation internationale), et en favorisant l’accès des demandeurs d’emplois moins qualifiés des 1er, 2ème, et 3ème arrondissements aux filières du commerce, de l’hôtellerie - restauration, de la gestion des sites touristiques, et du bâtiment travaux publics.

� Offrir des logements de qualité pour tous A fin 2004, 1300 logements neufs sont lancés, dont 600 logements sociaux (46%), 850 logements sont réhabilités, dont 190 logements sociaux (22%), 290 logements vacants ont été remis sur le marché. Les objectifs 2006-2012 sont de construire 2700 logements neufs supplémentaires et de réhabiliter 1250 logements supplémentaires. En encourageant la réalisation de logements pour tous, et notamment de logements sociaux (au moins 20% des nouveaux logements) et de logements à prix abordables, notamment pour les jeunes actifs, Euroméditerranée favorisera la mixité sociale.

� Conforter la dynamique de l’investissement privé A ce stade, les collectivités et les maîtres d’ouvrage publics avec l’aide de l’Union Européenne ont investi plus d’un milliard d’euros dans l’Opération. Cet investissement public massif a suscité un montant équivalent d’investissement privé. La nouvelle phase de l’Opération doit permettre de porter l’effet de levier « investissements privés/investissements publics directs » à un ratio supérieur à 3,5.

41 Le protocole en vigueur pour la période 2006-2012 (version signée en novembre 2005) est disponible sur internet à l’adresse

suivante : http://www.euromediterranee.fr/html/modules/euromed/features/medias//pdf/protocole_euromed_III.pdf

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 50/81

Périmètre d’intervention de l’opération Euroméditer ranée

Le futur front de mer de Marseille, avec en particu lier la tour CMA-CGM de 147 mètres de haut (livraison prévue courant 2009)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 51/81

���� Gouvernance : un établissement public d’aménagemen t, l’Etat au cœur du processus Comme pour la plupart des autres OIN, l’Etat a décidé d’incarner ses responsabilités particulières sur ce secteur par la création d’un établissement public dédié et placé sous sa tutelle. Un Etablissement public d’aménagement euroméditerranée (EPAEM) a ainsi été institué par un décret d’octobre 199542. Il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial, chargé d’une mission d’aménagement urbain et de développement économique sur un territoire bien défini et pour une durée limitée (15 années). Son conseil d’administration est formé de vingt membres dont neuf représentent l’Etat et neuf représentent les collectivités territoriales, auxquels s’ajoutent un représentant du Port autonome de Marseille et une personnalité qualifiée nommée par le Premier ministre. Le président du conseil d’administration, élu en son sein, est actuellement Guy TEISSIER, maire d’arrondissement à Marseille. La mission confiée à l’EPAEM est d’aménager et de développer le nouveau quartier de centre-ville en combinant la création d’un quartier d’affaires situé entre le port et la gare TGV et la rénovation d’un périmètre urbain très dégradé. Pour ce faire, l’EPAEM assure les fonctions suivantes43 : - Une fonction stratégique : analyser et préciser les atouts de l'agglomération, rechercher des secteurs

d'activité porteurs à attirer sur la zone, définir les voies de développement prioritaire, définir le plan d'action nécessaire à mettre en place ;

- Coordonner et piloter les actions des différents partenaires ; - Mobiliser les fonds nécessaires à la réalisation des opérations ; - Conduire les opérations en collaboration avec les différents partenaires ; - Promouvoir le projet et assurer sa commercialisation auprès des réseaux économiques et des

institutions ; - Réaliser, pour son compte ou celui de collectivités locales, les opérations d'aménagement et

d'équipement ; - Exercer, dans son périmètre, un droit de préemption ; - Acquérir (puis céder), y compris par voie d'expropriation, les immeubles bâtis ou non bâtis nécessaires à

cet aménagement ; - Favoriser l’appropriation du projet par la population locale par des actions de communication (à ce titre,

l’EPAEM organise chaque année des « journées découvertes » au cours desquelles il présente les différents projets et leur état d’avancement).

L’EPAEM emploie une équipe d’une quarantaine de personnes, composée de fonctionnaires en détachement et de personnels recrutés par voie contractuelle. Ils forment, selon François JALINOT, le directeur général de l’EPAEM44, une véritable équipe de développement économique combinant les différents métiers du marketing, de la communication, de la promotion et de la prospection. Ils s’appuient le cas échéant sur des prestataires pour mener diverses études, assurer la promotion de certains projets et la recherche d’investisseurs. 10,3 M€ sont consacrés aux fonctions communication, prospection et promotion pour la seule période 2006-201245.

���� Des investissements publics massifs (581 M€) pour créer les conditions nécessaires à la mobilisation des investissements privés (3 Mds €) Pour l’ensemble de la période 1995-2012, un total de 581,3 M€ d’investissements publics 46 auront été affectés à l’opération Euroméditerranée, dont 531 M€ apportés par les signataires du protocole et 50,3 M€ de fonds européens. L’Etat a pris en charge près de 40% du total avec 227 M€ et la ville de Marseille plus de 20% avec 122 M€.

42

Décret n°95-1102 du 13 octobre 1995 portant création de l'Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée 43 Source : site internet de l’EPAEM : http://www.euromediterranee.fr/ 44 Source : Réponses adressées à la MEEF par l’EPA Euroméditerranée (2 avril 2009) 45 Source : protocole en vigueur pour la période 2006-2012 46 Source : Questionnaire sur le projet de loi de finances pour 2009 – Assemblée nationale – Commission des finances

(Aménagement du territoire – question n°24)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 52/81

Financements publics de l’opération Euroméditerrané e (M€) 1995-2012

M€ % Europe 50,32 9% Etat 227,22 39% Marseille 122,31 21% Département Bouches-du-Rhône

56,92 10%

Région PACA 56,92 10% Communauté urbaine

38,46 7%

Autres 29,17 5% Totaux 581,32 100% Si les financements publics sont de grande ampleur, les partenaires publics ont affiché dès le départ leur ambition de générer, par effet levier, des investissements privés cinq fois plus importants, à hauteur de 3 Mds €. Une grande partie des investissements publics a été mobilisée dans les premières années de l’opération : 75% des sommes ont été investies avant 2006. Le solde (132,6 M€) est prévu pour la dernière période, d’ici à 2012. Les investissements privés ont connu une évolution inverse : faibles en début de période, ils n’ont depuis cessé de croître. Ces derniers prennent ainsi progressivement le relais puis le pas sur les financements publics. Ces évolutions croisées traduisent une stratégie basée sur des investissements publics initiaux massifs, employés pour requalifier totalement la zone d’intervention et créer les infrastructures nécessaires pour la rendre attractive pour les investissements privés. Concrètement, le projet Euroméditerranée se compose d’un ensemble de ZAC et de programmes de requalification. La maîtrise d’ouvrage des ZAC est assurée par l’EPAEM. Les diverses constructions sont réalisées sous la maîtrise d’ouvrage des partenaires publics du projet, chacun selon ses compétences (Etat, ville, communauté urbaine, conseil général, conseil régional, port autonome) ou d’investisseurs privés. L’EPAEM assure la coordination de l’ensemble ainsi que les missions de communication, de prospection et de promotion. Les équipements publics sont programmés par l’EPAEM en partenariat avec l’ensemble des collectivités concernées. Pour ce qui relève des équipements privés (bureaux, logements, hôtels, équipements de congrès et à vocation événementielle, …), ils font l’objet d’une démarche de promotion menée par l’EPAEM, élaborée à l’attention de promoteurs, de développeurs et d’investisseurs mais aussi d’une démarche de réservation et d’acquisition foncière. Comme l’indique le détail ci-après, une grande partie des opérations programmées sont achevées à la date de rédaction du présent rapport dont la rénovation de la Gare Saint-Charles (200 M€) et la construction de plusieurs dizaines de milliers de m² de bureaux. Parmi les opérations importantes non-achevées, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM), la Tour CMA-CGM (147 mètres de haut) ou l’Hôpital Euroméditerranée peuvent être cités.

50,32

227,22

122,31

56,92

56,92

38,46

29,17

Europe

Etat

Marseille

Département 13

Région PACA

Communauté urbaine

Autres

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 53/81

Les principales opérations d’Euroméditerranée 47 (en vert : opérations réalisées, en jaune : opérations en cours)

Joliette (22 hectares) • 180 000 m2 de bureaux (nouveau quartier d’affaires avec 800 entreprises installées) • 1000 logements • hôtellerie, commerces, activités (30 000 m2)

Principales opérations Maître d’ouvrage Livraison ZAC Joliette EPAEM Maison départementale Jeunesse et Sports Conseil général 2003 Un collège pour 600 élèves Conseil général 2005 Deux écoles Ville 2006 et 2009 Un gymnase Ville Un parking EPAEM 2008 Un parking Communauté urbaine 2007 Voiries et espaces publics EPAEM Les Docks (80.000 m² de bureaux) Privé Euromed Center (70.000 m² de bureaux) Privé 2010-2011 Cœur Méditerranée (18.000 m² de bureaux) Privé 2008 LD COM net center (26.000 m² de bureaux) Privé 2002 Ilôt M5 (logements + commerces + équipements sociaux) Privé 2007 Ilôt M1 (logements + commerces) Privé (Kaufman and Broad) 2006 Saint -Charles (16 hectares) • 42 000 m2 de bureaux • 500 logements • 7 000 m2 d’hôtellerie, 3000 m2 de commerces de proximité • un groupe scolaire

Principales opérations Maître d’ouvrage Livraison ZAC Saint-Charles EPAEM

Gare Saint-Charles (pôle de transport, TGV) : 200 M€

SNCF (gare ferroviaire) Conseil général (gare routière)

Abords et espaces publics (EPAEM)

2007

Bibliothèque universitaire Ville En projet Laboratoire de recherche en économie publique Ville En projet Voiries et espaces publics EPAEM Tunnel Saint-Charles Communauté urbaine 2005 Carrefour Autoroute A7 – Boulevard Leclerc EPAEM 2009 Plusieurs opérations de logements Privé Belle de Mai • 27 000 m2 de studios audiovisuels et de locaux pour les industries multimédia • 35 000 m2 destinés au pôle national du patrimoine • 25 000 m2 pour le pôle de culture vivante (spectacles, ateliers d’artistes)

Principales opérations Maître d’ouvrage Livraison Pôle Médias (studios audiovisuels, locaux pour les industries multimédia) Ville 2004

Pépinière multimédia Association de

développement Marseille Innovation

1996

Archives Municipales Ville 2001 Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine Ville et Etat 2002

Réserves des Musées de Marseille Ville

Archives du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM)

Etat (Ministère de la Culture -

EMOC48) 2009

Système friche théâtre Privé (association)

47 Source : site internet de l’EPAEM http://www.euromediterranee.fr/ 48 Etablissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, établissement public de l’Etat

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 54/81

Cité de la Méditerranée

Principales opérations Maître d’ouvrage Livraison ZAC Cité de la Méditerranée EPAEM Nouvelle gare maritime Port autonome 2005 Archives et bibliothèque départementale Conseil général 2006

Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM)

Etat (Ministère de la Culture -

EMOC49) 2012-2013

Le Silo (salle de spectacles de 2.000 places, restaurant gastronomique et bureaux)

Privé (SEM) 2009

Centre régional de la méditerranée (création et diffusion artistique) Conseil régional En projet

Hôpital Euroméditerranée (450 lits) Privé 2012 Voiries et espaces publics EPAEM et Port autonome Tunnel Major-Dunkerque Communauté urbaine 2002 La Tour CMA-CGM (tour de 147 mètres contenant 40.000 m² de bureaux) Privé (CMA-CGM) 2009

Les Quais d’arenc (90.000 m² de bureaux, logements, commerces) Privé 2012

Ilots Peyssonels (80.000 m² dont une tour de 140 mètres) Privé En projet A ces quatre opérations majeures, s’ajoutent des opérations de rénovation de la rue de la République et de divers quartiers existants.

���� Le Musée des civilisations de l'Europe et de la Mé diterranée (MUCEM) : « fer de lance » d’une gamme complète d’équipements destinés à favor iser le rayonnement de l’agglomération Selon son directeur général François Jalinot50, le rôle d'entraînement de l'accès à la culture est reconnu et utilisé couramment à l'étranger. Il est également identifié comme un facteur d'intégration social, surtout pour les jeunes. Il précise que c’est le foisonnement d’équipements, une certaine masse critique d’équipements, qui enrichira l’attractivité de la destination et donc la fréquentation de chacun d’entre eux. C’est pourquoi, si le futur Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) est le fer de lance du volet « rayonnement culturel » d’Euroméditerranée, il s’intègre dans un ensemble d’équipements ou programmes culturels : - centre destiné aux industries culturelles (opération Belle de Mai) - mise en valeur du patrimoine architectural de la ville (Gare Saint-Charles, Docks de la Joliette, etc.) - grands équipements culturels avec, outre le MUCEM, le Silo (salle de spectacles de 2000 places) et le

Centre régional de la Méditerranée S’agissant du MUCEM, la programmation d’un grand équipement culturel sur le territoire d’Euroméditerranée est évoquée51 dès le démarrage de l’opération. Néanmoins, c’est en 2000 que l’Etat annonce son intention de transférer les collections du Musée national des arts et traditions populaires situé à Paris au futur MUCEM de Marseille. Le projet est entériné lors d’un CIAT de juin 2004. Le permis de construire, sur le site du Fort Saint-Jean, est délivré en juin 2008. En juin 2002, le MUCEM a fait l’objet d’un concours international d’architecture lancé par le Ministère de la Culture, à l’issue duquel l’équipe Rudy RICIOTTI / Roland CARTA a été retenue. Le MUCEM développera 26.000 m² sur cinq niveaux et sera consacré « aux ressemblances, différences, emprunts ou oppositions entre les cultures de l'Europe et de la Méditerranée au travers des grands traits de leurs civilisations52 ». En parallèle, un bâtiment complémentaire de 13.000 m² est en cours de rénovation dans le secteur de la Belle de Mai pour accueillir les réserves des collections du MUCEM.

49 Etablissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, établissement public de l’Etat 50 Entretien avec François Jalinot, directeur général d’Euroméditerranée – 31 mars 2009 51 Source : réponses adressées à la MEEF par l’EPA Euroméditerranée (2 avril 2009) 52 Cf. présentation du MUCEM sur le site internet d’Euroméditerranée

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 55/81

Le MUCEM se situera à côté du Fort Saint-Jean, à la jonction entre le Vieux Port et le nouveau fro nt de mer

Le coût global prévisionnel du MUCEM (études et tra vaux) est estimé à 146,3 M€ 53. L’Etat, via l’EMOC54, en assure la maîtrise d’ouvrage et l’essentiel du financement (101 M€ soit 70%). Le conseil régional, le conseil général et la ville de Marseille apportent chacun 15 M€ soit 10%. Selon les termes de l’EPAEM55, la création du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) vise à : - contribuer concrètement aux échanges culturels entre les deux rives de la Méditerranée ; - incarner et crédibiliser la nouvelle ambition culturelle d’envergure internationale portée par

l’agglomération marseillaise. A ce titre, la programmation du MUCEM a constitué un élément significatif du dossier de candidature de Marseille pour le titre de « capitale européenne de la culture » pour 2013 ;

- faire du front de mer de Marseille une destination touristique à part entière (croisiéristes notamment) ; - compléter la gamme de services et de fonctions attendus d’une ville qui se veut métropole européenne,

favoriser l’implantation de cadres de haut niveau, l’accueil d’évènements internationaux, et donc l’implantation d’entreprises du tertiaire supérieur ;

- constituer un nouveau pivot urbain entre le Vieux Port et le nouveau front de Mer, permettant une meilleure articulation et une circulation de flux touristiques en croissance ;

- par la qualité de son architecture, renforcer l’image, la notoriété et donc l’attractivité du nouveau quartier d’affaires et du nouveau pôle touristique.

Plusieurs fois retardée, notamment par différents recours juridictionnels, l’inauguration du MUCEM est prévue en janvier 2013. Toutefois, à la date du présent rapport, la rénovation du fort Saint Jean qui accueillera une partie du Musée est engagée. Des expositions préfiguratrices y sont d’ores et déjà organisées. Le futur musée dispose déjà de son site internet56 et se trouve dès à présent mis en avant dans tous les supports de communication développés par l’EPAEM et utilisés dans des campagnes de communication (achat d’espaces publicitaires, relations presse, visites de journalistes, …), dans des actions de promotion (présence sur des salons, organisation d’événements, visites d’investisseurs,…) ou de prospection. Par ailleurs, l’installation à Marseille d’une mission de préfiguration du musée a été annoncée par la ministre de la Culture en mai 200957. Sa mission sera d’assurer l'interface entre l’établissement et les collectivités territoriales partenaires, de définir la programmation culturelle et de préparer les expositions inaugurales.

53 Source : réponses adressées à la MEEF par l’EPA Euroméditerranée (2 avril 2009) 54 Etablissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, établissement public de l’Etat 55 Source : réponses adressées à la MEEF par l’EPA Euroméditerranée (2 avril 2009) 56 www.musee-europemediterranee.org 57 La Provence – 20 mai 2009

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 56/81

Le rayonnement du futur musée s’appuie également sur les actions d’un groupe de réflexion informel mis en place pour fédérer diverses personnalités intéressées par le projet : la société des amis du Mucem. Celles-ci s'efforcent notamment de faire connaître le plus largement possible le nouveau musée, de susciter l'intérêt des milieux économiques et d’encourager le mécénat.

���� Des objectifs initiaux chiffrés et une évaluation précise et régulière des résultats Outre les objectifs qualitatifs (accroître le rayonnement de Marseille, diversifier et internationaliser ses activités économiques, assurer la requalification d’un ensemble urbain), l’opération Euroméditerranée s’est vue assigner, dès le départ, des objectifs quantitatifs précis et chiffrés, exprimés58 : - en nombre total de planchers neufs (1,2 millions de m²) - en nombre d’habitants supplémentaires à attirer sur le périmètre d’intervention (+10.000) - en nombre d’emplois à créer (entre 15.000 et 20.000) - en surface de bureaux à créer (600.000 m²) - en nombre de logements à construire ou à réhabiliter (4.000 neufs et 6.000 réhabilités) - en surfaces nouvelles destinées à des activités commerciales et à des équipements publics

(200.000 m²) - en surface d’espaces publics à aménager (20 hectares) - en montant d’investissements privés à générer (3 Mds €) et coefficient multiplicateur de l’investissement

public Ces objectifs ont été ajustés lors de l’extension du périmètre d’intervention. Pour piloter ses actions et rendre compte à ses autorités de tutelle, l’EPAEM est chargé d’assurer un suivi permanent de l’évolution de ces indicateurs. Pour ce faire, l’établissement a développé des outils d’évaluation en partenariat avec divers organismes spécialisés. S’agissant plus particulièrement de l’emploi A partir de 199759, l’EPAEM a mis au point, avec l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM) et selon une méthodologie définie avec l’INSEE, un observatoire de l’emploi sur le périmètre d’Euroméditerranée. Cet observatoire permet non seulement de mesurer le stock d’emplois et ses évolutions d’une année sur l’autre mais également de spécifier les activités économiques représentées afin de vérifier que la « montée en gamme » et l’internationalisation attendues se produisent. Ces évaluations se basent sur l’exploitation de données statistiques provenant des URSSAF et du fichier national des établissements SIRENE (INSEE). Elles sont par ailleurs consolidées par des enquêtes menées sur le terrain. Même si les contraintes de secret statistique liées à la maille très fine de ces études constituent une difficulté méthodologique forte, les évaluations aboutissent à des résultats très précis : en janvier 2007, l’observatoire comptabilise 27.200 emplois sur le périmètre d’Euroméditerranée et une progression de + 500 sur l’année 2006. Depuis 1995 et le début de l’opération, la création nette cumulée d’emplois est évaluée à 7.300 avec un renforcement effectif des secteurs ciblés au départ, à savoir les TIC et les activités financières.

58 Source : site internet d’Euroméditerranée 59 Source : Références 2007 – Rapport d’activité de l’AGAM pour l’année 2007

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 57/81

Evolution annuelle de l’emploi sur le périmètre d’E uroméditerranée Mesure effectuée par l’AGAM

Ces évaluations annuelles ont également été complétées en 2008 par une « radioscopie des salariés d’Euroméditerranée » réalisée par l’agence d’urbanisme60, à partir d’un millier de questionnaires collectés auprès des salariés de 57 entreprises présentes dans le quartier d’affaires. Cette étude est présentée comme peu coûteuse dans la mesure où les questionnaires ont été remplis par voie électronique. Son objectif a été de mieux connaître le pôle emplois du quartier d’affaires pour optimiser le pilotage de son développement par l’EPAEM.

Radioscopie des salariés d’Euroméditerranée réalisée en 2008 Extrait des principales conclusions (source : AGAM)

- La situation personnelle et professionnelle des salariés montre que le développement du site a eu un

impact certain sur le marché de l’emploi puisqu’un quart des salariés était sans emploi au moment de leur embauche.

- Le quartier d’affaires a attiré une part notable de salariés en provenance d’autres régions (un sur cinq) ce qui confirme l’attractivité économique du site.

- Les salariés qui exercent des fonctions stratégiques et qui travaillent à l’international concernent près d’un emploi sur cinq ; ce qui représente une part importante en adéquation avec la vocation d’un quartier d’affaires.

- De nombreux salariés considèrent que l’accessibilité au site est problématique et soulignent les difficultés rencontrées en matière de stationnement. S’ils réclament plus de places de stationnement, ils souhaitent aussi plus de transports en commun.

- Les trois quarts des salariés considèrent le quartier d’affaires comme un lieu de travail agréable. Cependant, ils estiment le niveau d’équipement insuffisant ou mal adapté pour un quartier d’affaires qui aspire à jouer un rôle significatif au niveau national et international.

S’agissant des autres dimensions d’Euroméditerranée, l’EPAEM assure un suivi de l’évolution du marché de l’immobilier tertiaire (prix, offre, demande) et de l’habitat et accompagne étroitement les investisseurs privés intervenant sur le périmètre, ce qui lui permet de mesurer en permanence le montant de ces investissements. Un bilan d’étape complet après dix ans d’interventi on (2005) En 2005, soit dix ans après le lancement de l’opération Euroméditerranée et au moment de la réflexion portant sur une éventuelle extension de son périmètre, un bilan complet a été réalisé au regard des objectifs initiaux61 :

- 600 M€ d’investissements privés - 344.000 m² de planchers neufs

60 Source : Références 2008 – Rapport d’activité de l’AGAM pour l’année 2008 61 Données communiquées par la DIACT

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 58/81

- 25.500 emplois sur le périmètre dont 5.700 créés entre 1995 et 2005 - 3.256 entreprises implantées, soit 708 de plus qu’en 1995 - 1.300 logements neufs et 2.300 réhabilités

Ce bilan a été complété en juin 2005 par un sondage commandé à TNS/sofres, par l’EPAEM et la ville de Marseille. Il s’est agi de mesurer la perception et le jugement de l’opération par la population. Selon ce sondage62, en 2005 : - 22% des marseillais ne connaissent pas Euroméditerranée - 56% citent le « développement économique de Marseille » comme étant un objectif de l’opération, 47%

« l’aménagement urbain », 47% « la création d’un pôle international d’échanges », etc - 65% considèrent que les quartiers inclus dans le périmètre évoluent « plutôt en bien » - etc. D’autres résultats D’autres types de résultats peuvent être mis au crédit de l’opération et à ce titre enrichir son évaluation : - Dans le classement des villes européennes établi par la DIACT63, Marseille est passée de la 5ème à la

4ème catégorie entre 1989 et 2003. - Selon l’EPAEM64, la fréquentation touristique de Marseille et en particulier celle issue des croisières a

considérablement augmenté. - D’après les données de recensement fournies par l’INSEE, il semble possible de détecter un effet

Euroméditerranée sur l’évolution démographique de la ville de Marseille (cf. graphique ci-dessous).

Evolution démographique de Marseille et de la Franc e entre 1962 et 2006 65

(pour mémoire, le projet Euromediterranée a été lancé en 1995)

62 Consultable sur le site internet d’Euroméditerranée à l’adresse suivante :

http://www.euromediterranee.fr/html/index.php?module=Infos_PN_UpDownload&func=view_download&idl=370 63 Les villes européennes – Analyse comparative – DIACT - 2003 64 Source : réponses adressées à la MEEF par l’EPA Euroméditerranée (2 avril 2009) 65 Source : recensements INSEE

700 000

750 000

800 000

850 000

900 000

950 000

1962 1968 1975 1982 1990 1999 2006

Mar

seill

e

0

10 000 000

20 000 000

30 000 000

40 000 000

50 000 000

60 000 000

70 000 000

Fra

nce

Marseille France

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 59/81

2 LES FACTEURS CLES DE REUSSITE

2.1 Des évolutions comparables L'analyse détaillée des projets retenus a priori confirme que le contexte dans lequel ils se sont inscrits présente des traits communs, similaires à l'environnement de l'implantation du Louvre-Lens : - ils ont tous été conçus pour faire face à une situation très dégradée, qui a motivé une action

d'envergure ; - ils se sont traduits par des changements fondamentaux, en conformité avec les résultats attendus.

2.1.1 Des situations très dégradées à l'origine � Les zones concernées par les projets ont presque toutes un riche passé d’activités industrielles basées,

sur l’extraction minière (Emscher Park, Bilbao) et/ou sur l’exploitation d’un grand port (Marseille, Liverpool, Bilbao), fortement marquées par les crises économiques des années 1970 et 1980 dont témoignent de vastes friches industrielles. Le projet Futuroscope se distingue puisqu’il a pris au contraire appui sur un territoire à forte identité rurale, pour lequel il ne s’agissait pas de renouer avec une prospérité perdue mais de générer un développement économique ex nihilo.

� Le contexte social est marqué par une paupérisation de la population, avec des taux de chômage plus

élevés que la moyenne nationale, accompagnée le plus souvent par un déclin démographique marqué (Liverpool et Marseille en particulier). A Bilbao, la situation est encore plus dégradée en raison des menaces terroristes. Bien que dans un contexte différent, l’agglomération de Poitiers n'échappe pas à un déclin de sa population au cours de la période précédant le lancement du Futuroscope.

� Les territoires sont peu attractifs, en raison de leur mauvaise image aux yeux des investisseurs (Bilbao,

Liverpool, Marseille, Emscher Park) ou de leur absence de notoriété, comme pour la Vienne, zone essentiellement rurale et sans atout touristique particulier.

� Le tissu urbain a vieilli naturellement (Bilbao, Emscher Park, Liverpool), sans aucune restructuration. Le

paysage urbain est enlaidi par la présence de zones industrialo-portuaires désaffectées, situées au cœur des villes. Le cadre de vie très détérioré agit comme un repoussoir et affecte indubitablement la confiance en l’avenir des habitants. Cette évolution était d’autant plus visible à Marseille que la zone d’Euroméditerranée, très dégradée, se situait à proximité de zones centrales et touristiques.

� Les responsabilités administratives et politiques sont morcelées et se superposent. Partout, les

interventions publiques des Etats centraux, des régions, lands ou provinces, des municipalités et divers regroupement intercommunaux, chacun dans leurs domaines de compétences, s’avèrent au mieux inefficaces, au pire contradictoires.

2.1.2 Des succès avérés

Les différents projets ont été menés sur des périodes longues (de 10 à 20 ans) et se sont traduits par des succès incontestables : � en termes de renversement d'image et de notoriété (notamment Bilbao, Liverpool, Emscher Park), � en matière de développement économique (Futuroscope, Liverpool, Bilbao), � sur la situation sociale (Bilbao, Marseille).

2.2 Les facteurs clé de réussite

2.2.1 Une stratégie de long terme, des réalisations de court terme Dans tous les cas étudiés, l'objectif de développement économique et social s'est traduit par une stratégie de requalification urbaine nécessaire pour changer radicalement et globalement l'image du territoire. Il s'agit d'un défi à relever, d'une vision sur l'avenir pour une période de plusieurs dizaines d'années.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 60/81

Ces leviers ont été mobilisés dans tous les projets, même si certains mettent d'abord l'accent sur la requalification urbaine (reconquête des zones portuaires à Bilbao, Marseille et Liverpool, Emscher Park), alors que d'autres visent en priorité une thématique économique porteuse (Futuroscope mais aussi Cité de la Mer à Cherbourg) et réalisent les aménagements nécessaires. Les actions programmées dans une stratégie globale, dépassent largement un seul équipement, fut-il de taille démesurée : le Futuroscope est conçu avant tout comme un élément d'attractivité économique et pas seulement comme un site touristique ; de la même façon à Marseille, le MUCEM s'inscrit au sein d'une gamme complète d'équipements dans le cadre d'une ZAC. Les programmes de Bilbao et de l'Emscher Park sont menés dans un vaste cadre stratégique. Il faut rappeler à cet égard que si le musée Guggenheim constitue l’emblème du renouveau de Bilbao, sa réalisation est allée de pair avec la reconquête de la Ria, la construction d’un métro et d’un aéroport, d'un palais des congrès… Le choix d'une stratégie globale et de long terme n'a pas pour autant été synonyme d'un processus long de définition précédant la mise en œuvre, induisant un « effet tunnel », dommageable pour la crédibilité du projet et l'adhésion de la population. La raison tient à la volonté des acteurs de déboucher très vite sur des réalisations mêmes modestes mais régulières afin de rendre rapidement crédible et visible le projet, notamment vis-à-vis des investisseurs privés (Futuroscope, Emscher Park, Bilbao). Mis en confiance par les premières réalisations et attirés par des opportunités économiques nouvelles, les partenaires ont développé progressivement leurs propres ambitions, la population et les acteurs locaux se sont appropriés la démarche. Cet aspect est à souligner à Bilbao car la construction de la gare et du parc a permis d'éviter le rejet par la population, marquée par des revendications identitaires, d'un projet initialement considéré comme relevant d’une culture étrangère (américaine en l’occurrence avec le musée Guggenheim). En résumé, cela signifie que le choix d’une stratégie claire et de long terme, même succincte au départ, doit aller de pair avec le lancement très rapide de premières réalisations prioritaires et donc avec une concentration des moyens sur des opérations ciblées. Le déclenchement des premières opérations ne doit pas attendre la finalisation d’un consensus large, ce dernier ne se dégageant que progressivement, à mesure de la validation de la vision initiale par les premiers résultats.

2.2.2 Des investissements publics, massifs et ciblés, précurseurs de l’investissement privé

Les investissements réalisés sont toujours importants : de plus de 3 Mds € dans trois cas (Emscher Park, Bilbao, Marseille) échelonnés sur des périodes de 10 à 20 ans. Ils portent sur des infrastructures majeures : systèmes de transport pour faciliter la desserte interne et l’accès de/vers l’extérieur (gares, trains, métros…), dépollutions et requalifications de friches industrielles, rénovation de quartiers entiers. La multiplicité des équipements est également un trait commun à tous les projets : musées, mais aussi zones d’activités économiques, campus universitaires, logements, bibliothèques, centres sportifs… Il est à noter en outre que tous les projets misent sur le développement des secteurs tertiaires et/ou de haute technologie : c'est la dominante stratégique du Futuroscope qui a parfois refusé l'implantation d'entreprises ne satisfaisant pas ce critère. C'est aussi le cas de Bilbao qui a développé cette ambition en l'accompagnant par la formation professionnelle de la population. Le financement est assuré par un soutien exceptionnel des pouvoirs publics combiné avec une polarisation dans la durée de dispositifs de financement souvent préexistants (fonds européens, dispositifs nationaux dédiés à la rénovation urbaine) sur les réalisations intégrées dans le projet stratégique (Emscher Park, Bilbao, Futuroscope). Ces financements publics initiaux massifs sont toujours considérés comme le préalable indispensable à la mobilisation d’investissements privés (Bilbao, Liverpool). Il s’agit de créer des conditions économiques favorables aux investisseurs privés, chargés, dans un second temps, de relayer l’effort public dans une logique d’effet levier. Cette logique permet de plus aux autorités publiques de récupérer une partie de leur effort financier, sous forme de recettes fiscales supplémentaires ou de plus-values foncières induites par la requalification et la revente des parcelles (Bilbao). Le coefficient multiplicateur de l’effet levier constitue parfois même l’un des indicateurs suivis par les acteurs du projet (c’est le cas par exemple de l’opération Euroméditerranée à Marseille).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 61/81

2.2.3 La recherche de la qualité et d'un retentissement médiatique Au delà du caractère structurant des investissements, la qualité est toujours recherchée : qualité urbanistique, architecturale, de l'environnement. Ainsi, l'apport des grands architectes et urbanistes structure-t-il le paysage ; les fosteritos de Norman Foster, l’architecture avant-gardiste de Franck Gehry (Guggenheim) ou de Denis Laming (Futuroscope) ; De même, les espaces en friches sont dépollués et restaurés, puis ouverts à la population ; les logements sont rénovés ou construits selon des standards de haute qualité. Il s'agit de proposer aux habitants et aux entreprises, actuels et futurs un cadre de vie attractif et un nouveau bien-être. Au delà de cette amélioration des conditions de vie de la population, cette stratégie vise aussi et peut-être d’abord le changement d'image du territoire par des gestes architecturaux et une exemplarité urbanistique, sociale, environnementale, suffisamment retentissants pour susciter l’intérêt aux plans national et international et restaurer la confiance en soi et la fierté des habitants. Le message délivré doit être d’autant plus puissant que l’image initiale du territoire est défavorable (Bilbao, Liverpool, Emscher Park) ou absente (Futuroscope). Dans chacun de projets, de véritables plans de communication, plans médias ou plans marketing sont élaborés, confiés à des professionnels et s’appuient sur des budgets significatifs. C’est tout particulièrement le cas pour Bilbao où les retombées médiatiques ont été recherchées comme préalable et multiplicateur des retombées économiques. Ces stratégies ont visé concomitamment deux cibles, dans des proportions toutefois différentes d’un projet à l’autre : la cible interne (les résidents et les acteurs locaux : Emscher Park, Marseille), la cible externe (investisseurs, médias nationaux et internationaux, populations qualifiées résidant ailleurs : Bilbao, Futuroscope, Liverpool). En particulier, s’agissant des cibles externes, des stratégies de type ‘’flagship’’ ont permis d’incarner les nouvelles ambitions et de démultiplier les retombées dues au pari de la qualité pour l'ensemble du territoire. L'équipement-phare (Guggenheim, Tate Gallery, Parc de loisir du Futuroscope) n'est pas le point de départ ni une fin en soi, mais l’outil clé ou l'aboutissement emblématique d’un projet de requalification urbaine et/ou de développement économique, à même de générer le rayonnement médiatique recherché.

2.2.4 Un portage politique puissant, un pilotage affirmé et une équipe pluridisciplinaire

2.2.4.1 Les structures de gouvernance : pas forcément uniques et dédiées mais deux fonctions essentielles à assurer

� La définition de la stratégie Cette fonction vise à assurer l’indispensable légitimité politique du projet ainsi que le lien avec les acteurs locaux et la population, afin de prévenir tout rejet ou non-appropriation du projet. Elle incarne la prise de risque politique que suppose chacun des projets étudiés. Il s’agit d'initier le projet, d'en tracer la stratégie. A Bilbao, un processus long et compliqué de définition d'un document complet a été évité au profit de l’élaboration de grandes lignes stratégiques, peu nombreuses mais claires. La définition de la stratégie est confiée à une instance mêlant généralement élus et personnalités qualifiées : - le directoire de l’IBA pour l’Emscher Park, - l’association Metropoli 30 pour Bilbao, - la commission ‘’Futuroscope’’ au sein de l’assemblée du conseil général de la Vienne, - le conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 62/81

Il convient d’observer qu’aucune instance de se type n’a été initialement mise en place pour le projet de Liverpool, ce qui a précisément été reconnu comme l’une des principales faiblesses de ce projet. Les modifications du mode de gouvernance, décidées en 1998, ont précisément visé à corriger cette carence. � La conduite de projet avec professionnalisme et plu ridisciplinarité Cette fonction est toujours confiée à une équipe dédiée, généralement légère, pluridisciplinaire et formée d’experts et de techniciens qui reçoivent un rôle clair de mise en œuvre de la stratégie. Trois configurations sont rencontrées : - L’équipe chargée de la mise en œuvre de la stratégie a une existence juridique distincte de l’organe

chargé de la définir : c’est le cas pour Bilbao où sont distinguées clairement la définition de la vision stratégique assurée par l'association Metropoli 30 et la réalisation des aménagements prise en charge par Bilbao Ria 2000, société privée à capital public qui réunit une quarantaine de professionnels.

- Une instance unique accueille à la fois les fonctions de définition de la stratégie et les équipes chargées

de la mise en œuvre. C’est le cas d’Euroméditerranée pour laquelle il a été décidé de mettre en place une structure spécifique, sous forme d'un établissement public, réunissant les deux missions dans le cadre très particulier de l'OIN. Le schéma est similaire pour Liverpool avec la Merseyside Development Corporation (MDC), à la différence près que cette dernière recourt largement à des consultants extérieurs en fonction de ses besoins.

- Dans le cas particulier du Futuroscope, aucune instance juridiquement distincte n’a été mise en place

puisque le Conseil général de la Vienne a mené directement les opérations66. Il n’en demeure pas moins que les deux fonctions ont été individualisées, au sein le collectivité locale, avec la Commission « Futuroscope » d’une part (définition de la stratégie) et la cellule « commando » d’autre part (équipe opérationnelle de mise en œuvre).

L’opération de l’Emscher Park a bénéficié d’une organisation originale dans la mesure où la fonction stratégique a été assurée par l’IBA, société privé à capital public, mais qu’aucune instance dédiée n’a été créée pour réaliser la mise en œuvre : l’IBA a préféré "faire faire", conduire une stratégie de labellisation de projets initiés par les acteurs en place. Elle a ainsi joué un rôle d’aiguillon, d’émulateur, de mise en conformité des projets avec la stratégie d’ensemble, en apportant aux acteurs locaux un appui technique (montage des projets, travail du projet avec son porteur, assistance pour la rédaction des cahiers des charges et des appels d’offres) et financier (aide pour les dossiers de demande de subvention, « pompe » à subventions). Cette méthode, outre son pragmatisme, présente l'avantage de faciliter l'adhésion des acteurs locaux à la démarche puisqu’ils ont le sentiment de conserver un rôle central. Il est apparu que lorsque la structure qui porte la stratégie concentre les pouvoirs de décision, elle intégrait en son sein l'équipe pluridisciplinaire de professionnels mettant en œuvre les réalisations. A l'inverse, lorsque les pouvoirs étaient plus morcelés, le fait de réunir les techniciens au sein d'une seconde structure permettait une identification claire de leur rôle par les élus. Toutefois, dans ce cas, la difficulté est de faire accepter l'intervention de cette structure technique nouvelle par les acteurs en place. Pour contourner ce risque, l'IBA de l'Emcher Park a préféré se donner comme mission de « faire faire » ou « d'aider à faire ». La nature juridique de la structure de pilotage et de réalisation repose sur les mêmes principes dans trois cas : Bilbao Ria, l'IBA Emscher Park et la MDC de Liverpool sont toutes des sociétés de droit privé à capitaux publics. A Marseille, c’est la forme d'un d'établissement public qui a été retenue, dans le cadre exceptionnel d'une opération d'intérêt national. Enfin, s’agissant du Futuroscope, après une tentative décevante de pilotage par un SEM, le Conseil général a décidé de piloter directement les opérations. Il faut souligner que dès le départ, le caractère temporaire des structures de pilotage de Bilbao et de l'Emscher Park était affirmé, ce qui leur a conféré un caractère exceptionnel et mobilisateur.

66 Une SEM a certes été mise en place mais, dans un second temps et avec pour seul rôle l’exploitation du Parc de Loisir.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 63/81

2.2.4.2 Les acteurs

� Une personnalité forte : pas nécessairement La réalisation d'un projet d'envergure et la définition de la stratégie d'ensemble a été le plus souvent portée par la volonté affirmée d'une personnalité politique visionnaire, prête à faire un pari sur l'avenir et à engager une "transgression des frontières administratives, économiques, politiques’’ préexistantes puisqu’il s’agit de modifier les repères, de « bouger les lignes ». C’est tout particulièrement le cas avec René MONORY, alors sénateur, ancien ministre et président du Conseil général de la Vienne pour le Futuroscope mais également avec Johannes RAU, alors président du Land pour le projet de l’Emscher Park. Souvent, mais pas toujours, cette personnalité s’est appuyée sur un professionnel d'envergure, portant une vision urbanistique et architecturale de l'avenir : - Karl GANSER, haut fonctionnaire en urbanisme et universitaire (Emscher Park) - César PELLI, urbaniste (Bilbao) - Denis LAMING, architecte (Futuroscope) A contrario, le portage du projet par une personnalité particulière n'est pas indispensable puisque aucune ne se dégage pour Liverpool ou pour Marseille. Toutefois, dans ces deux derniers cas, le portage politique fort et constant a été tout à fait décisif même s’il a été plus collectif. Il est noter que ces deux projets présentent également la particularité d’être largement initiés par les Etats centraux alors que les autres relèvent davantage d’initiatives locales (Bilbao, Emscher Park, Futuroscope). � L'association acteurs publics et privés : indispens able et multiforme Dans tous les projets étudiés, la rencontre des acteurs privés et publics a été essentielle pour le "décollage" du projet. Cette association peut être prévue dès la conception du projet : Metropoli 30 réunit une centaine de partenaires privés à côté des acteurs publics intervenant sur le projet de Bilbao ; à Liverpool dès le départ, il est prévu d'attirer puis d’associer les investisseurs privés par une politique très offensive notamment sur le plan de la communication. L'implication des partenaires privés est également recherchée après le démarrage et tout au long de l'opération, la stratégie des acteurs publics étant alors de rendre crédible le projet de développement économique par des investissements massifs d'infrastructures et des politiques de marketing offensives confiées à des professionnels (Bilbao, Futuroscope…).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 64/81

3 L’EVALUATION : QUELLES METHODES POUR QUELLES FINALITES ?

L'analyse des projets précédents fait apparaître qu'évaluer les impacts du futur Louvre-Lens peut avoir deux grandes finalités complémentaires qui se distinguent fortement par l'utilisation potentielle et les destinataires des résultats : � soit il s’agit de mesurer, a priori et/ou a posteri ori, les impacts socio-économiques de

l’équipement, pour le valoriser et justifier la dép ense publique. Les principaux destinataires des résultats sont extérieurs aux porteurs du projet. O n parle plutôt "d'études d'impact".

Dans ce cas, les impacts s’expriment, pour un territoire donné, en revenus générés, en emplois créés voire en surcroît d’attractivité, induits par le nouvel équipement. Ils sont estimés avant la réalisation de l’équipement et/ou mesurés après sa mise en service. La publication de ce type d’études d’impact est de plus en plus fréquente, dans le cadre de la réalisation d’équipements et d’infrastructures publics (équipements culturels et de loisirs, autoroutes, TGV, etc.), de l’organisation d’évènements sportifs ou culturels voire également lorsque de grandes entreprises s’implantent, sont menacées ou sollicitent des aides publiques. Toutefois, ce champ de la science économique demeure faiblement exploré et de nombreuses difficultés méthodologiques rendent l’exercice malaisé et les interprétations délicates. Dans ce contexte, la MEEF s’est attachée à collecter différentes méthodes utilisées et à recueillir les préconisations de l’INSEE67 et du Musée du Louvre68, établissement culturel lui-même précurseur dans ce domaine. � soit il s’agit de doter les porteurs du projet d’un instrument de pilotage, conçu pour faciliter la

conduite d’une stratégie et atteindre des objectifs . Les porteurs du projet constituent les principaux destinataires des résultats. On parle al ors "d'outils de pilotage" ou "de suivi".

Dans ce cas, l’évaluation prend la forme de tableaux de bord réunissant un certain nombre d’indicateurs, choisis au regard des objectifs du projet et relevés périodiquement. Même si une publication régulière des résultats est prévue, il ne s’agit pas de la finalité principale de l’exercice. A la différence d’une étude d’impacts qui ne fait que constater des résultats socio-économiques et ne vise pas à identifier d’éventuelles actions correctrices, un système de suivi complète les seuls indicateurs de revenus ou d’emplois par d’autres dimensions (économiques, sociales, éducatives, culturelles, urbaines, etc.) et peut s’enrichir d’une composante géographique (pour identifier des différences d’évolution à l’intérieur du périmètre d’études). La MEEF a identifié un certain nombre de modèles de référence de ce type, indications méthodologiques et jeux d’indicateurs, notamment utilisés en matière de politiques de la ville ou de planification.

3.1 Trois exemples d’études d’impacts

3.1.1 Des conditions de réalisation rigoureuses sont indispensables Afin de garantir la crédibilité d'une étude d'impact économique, il est important qu'elle se déroule dans la plus grande objectivité possible et s'accompagne d'une rigueur scientifique incontestable, garantie par l’indépendance du maître d’œuvre de l’étude par rapport à son commanditaire. Anne Krebs, chef du service Etudes, évaluation et prospective du Musée du Louvre recommande d’ailleurs l’intervention d’un ou plusieurs universitaires pour réaliser ou superviser ce type d’analyses. 67 Entretien du 26 mai 2009 avec Jean-Jacques Malpot, directeur régional de l’INSEE Nord-Pas-de-Calais et Aurélien Daubaire, chef

du service études. 68 Entretien du 28 mai 2009 avec Jean-Marc Legrand, directeur du projet Louvre-Lens pour le Musée du Louvre, Katia Lamy,

architecte et chargée de mission grands travaux architecturaux et Anne Krebs, chef du service Etudes, évaluation et prospective.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 65/81

En effet, de nombreuses études de retombées économiques, induites par des équipements culturels ou de loisirs, publiées en France ou à l’étranger affichent des résultats très favorables, en termes de chiffre d’affaires généré ou d’emplois créés. Ces bons résultats affichés sont souvent obtenus dans des conditions qui ne présentent pas des garanties suffisantes quant à la méthodologie suivie, l’indépendance par rapport à leur commanditaire, l’origine des données ou le caractère scientifique des interprétations délivrées. Ce type d’étude est réalisé soit avant la mise en service de l’équipement (étude ex ante), ce qui suppose d’émettre un certains nombre d’hypothèses, en terme de fréquentation notamment, soit après son inauguration (étude ex post) et selon une périodicité à définir (ponctuellement, annuellement,…). Les résultats publiés et leur utilité en termes d’aide à la décision peuvent facilement être mis en cause. C'est pourquoi, la définition des destinataires (médias, investisseurs privés, grand public, financeurs du projet) et des canaux de diffusion doit faire l’objet d’une réflexion préalable.

3.1.2 L’analyse d’impact du Musée du Louvre (établissement parisien) de juin 2009 : une approche complète

3.1.2.1 Xavier Greffe, universitaire, propose deux approches méthodologiques

L’étude d’impact économique du Louvre, menée en partenariat avec le service études, évaluation et prospective du musée, par l’universitaire Xavier Greffe (Centre d’Economie de la Sorbonne – CNRS / Paris I), publiée le 4 juin 200969, peut être citée comme exemple méthodologique tentant de dépasser les lacunes décrites précédemment. L’universitaire dessine deux approches possibles : � l’étude de la « valeur contingente » du musée Dans ce cas, l’analyse se place du côté de la demande, c’est-à-dire qu’elle s’efforce de mesurer l’effort maximal que les agents économiques concernés par le musée sont prêts à consentir pour en disposer. Cette approche s’intéresse non seulement aux personnes qui « consomment » l’équipement (ses visiteurs, ses fournisseurs, ses salariés…) mais également à tous les agents économiques intéressés par son existence : - soit parce qu’ils envisagent de l’utiliser un jour (valeur d’option), - soit parce qu’ils souhaitent que leurs enfants puissent en disposer (valeur d’héritage), - soit parce que leur propre activité ou résidence tire profit de la proximité de l’équipement, de son image,

de l’attractivité qu’il confère à son territoire d’accueil (valeur d’existence). X. Greffe juge cette approche plus riche dans la mesure où elle permet de prendre en compte les « non-utilisateurs » de l’équipement ainsi que les effets non monétaires ou difficiles à monétariser dans des délais courts, en particulier : - les effets du musée sur l’augmentation de la valeur du foncier avoisinant, - le développement d’anticipations positives d’entrepreneurs, c’est-à-dire l’effet positif de la présence du

musée sur les prévisions de développement des activités, induisant des stratégies d’embauches et d’investissements sur le territoire,

- les effets économiques et sociaux du développement culturel de la population, de l’amplification de son appétence pour la connaissance, du développement de la réussite scolaire,

- l’amélioration perçue du cadre de vie, - l’amélioration de l’attractivité du territoire, - la consolidation de valeurs identitaires, communautaires, fédératrices. En revanche, l’auteur précise que cette approche s’expose davantage à la critique et nécessite de réunir des données moins immédiatement disponibles ou de recourir à des enquêtes coûteuses. � l’analyse d’impact du musée Classique et plus rapide à mettre en œuvre, ce type d’analyse se place du côté de l’offre, c’est-à-dire que l’on mesure l’effet d’entraînement ou de levier exercé par l’équipement sur l’économie, à partir des flux de dépenses qu’il génère sur un bassin économique donné. 69Etude rendue publique le 4 juin 2009 (cf. Le Figaro - Le Louvre est une bonne affaire pour la France – 05/06/09). Document

intégral remis à la MEEF par le Musée du Louvre.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 66/81

C’est cette dernière option méthodologique qui a été retenue par X. Greffe.

3.1.2.2 La méthodologie de l’analyse d’impact retenue par le Musée du Louvre

L’analyse d’impact menée par X. Greffe mesure les variations de revenus et d’emplois induites par l’existence du musée. La méthode s’applique : - à ne retenir que les liens de causalité avérés, c’est-à-dire les effets qui ne se seraient pas produits si le

musée n’existait pas - à bien définir les contours de l’équipement pris en compte : en l’espèce le Musée lui-même ainsi que

ses dépendances, le Jardin des Tuileries et le Carrousel notamment. - à préciser la période prise en compte : une année, en l’espèce 2006 pour laquelle toutes les données

nécessaires étaient définitives (en 2006, la fréquentation du Louvre s’est établie à 8,35 millions de visiteurs70).

- à circonscrire le périmètre géographique de référence : il s’agit de ne prendre en compte que les effets nets positifs à l’intérieur de ce territoire et donc de neutraliser les retombées qui ne correspondent qu’à des transferts d’un secteur d’activités à un autre, au sein du périmètre de référence. S’agissant du Musée du Louvre, c’est le périmètre national qui a été choisi. Autrement dit, les revenus induits par les visiteurs français du musée sont volontairement écartés puisqu’ils ne génèrent pas d’activité supplémentaire à l’échelle du périmètre mais opèrent simplement un transfert d’un secteur géographique à l’autre. L’échelle nationale a été choisie notamment en raison de son financement par l’Etat et donc par l’ensemble des contribuables français. En 2006, le nombre de visiteurs étrangers s’est élevé à 4,75 millions soit 57% du total des visiteurs.

3.1.2.3 Le calcul des effets directs (entre 471 et 756 M€ en 2006)

Les effets directs totalisent les dépenses directement induites par l’existence du musée et réalisées dans le périmètre de référence. L’exigence d’un lien de causalité avéré a par exemple conduit à écarter les dépenses des visiteurs du musée dont le séjour à Paris n’a pas été motivé par le musée lui-même. � les dépenses du Louvre lui-même (agrégat A) :

C’est le total, pour l’année considérée, des salaires versés et des achats de biens et services réalisés par l’établissement public sur le territoire national (les dépenses et salaires versés à l’étranger sont déduites puisqu’ils n’ont pas d’effet économique sur le territoire pris en considération). Les données utilisées sont extraites du compte annuel de l’établissement public. � les dépenses des visiteurs du musée (agrégat B) : Il s’agit uniquement des dépenses effectuées par les visiteurs étrangers (les dépenses des français ne correspondent pas à un gain net pour le territoire d’analyse), lors de leur venue en France. L’achat des billets d’entrée au musée n’est pas pris en compte puisque le revenu correspondant est déjà comptabilisé au titre des dépenses du musée lui-même (A), puisqu’elles sont en partie financées par les recettes de billetterie. Par ailleurs, le lien de causalité entre l’existence du Louvre et le revenu induit par la dépense des visiteurs étrangers a été qualifié : si le visiteur étranger vient à Paris principalement pour visiter le Louvre, 100% de ses dépenses sont comptabilisées ; à l’inverse, si le visiteur étranger vient au Louvre alors que son séjour a une toute autre motivation, seule une part réduite des revenus induits est retenue.

X. Greffe calcule le résultat (montants et taux à appliquer) à partir des enquêtes réalisées auprès des voyageurs étrangers dans les aéroports (pour mesurer l’importance du Louvre dans la motivation de leur voyage) ou en proratisant leur dépense en fonction de la durée de séjour et du temps passé au Louvre (les visiteurs étrangers passent en moyenne 2,5 jours à Paris, la durée moyenne de visite du Louvre étant d’une demi-journée, X. Greffe retient 20% du total des dépenses). Ces différents modes de calcul aboutissent à des résultats différents, dessinant ainsi un ordre de grandeur.

70 Collections permanentes, expositions temporaires, auditorium et musée Eugène Delacroix (source : rapport d’activités 2006 du

Musée du Louvre)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 67/81

� les dépenses des entreprises partenaires (agrégat C ) Cet agrégat totalise les dépenses effectuées par les nombreuses entreprises qui utilisent des actifs du musée (ses œuvres, ses locaux, son image) pour leur propre activité : mécènes, secteur de l’édition, industries audiovisuelle et cinématographique, etc. Les montants pris en compte figurent dans les contrats signés avec le Musée, déduction faite des rémunérations versées au Musée (puisqu’elles sont déjà comptabilisées en A).

� les dépenses des entreprises clientes du Musée (agr égat D)

Il s’agit des dépenses effectuées par les entreprises (salaires, achats de biens et services) qui occupent, à des fins commerciales, les espaces du musée ou son voisinage immédiat. Les informations nécessaires sont extraites des comptes des entreprises concernées. Là aussi, le montant des éventuelles redevances versées au Louvre est ôté puisque déjà pris en compte au titre de l’agrégat A :

- la location d’espaces pour des manifestations - les concessions d’espaces à des fins commerciales - le tournage de films

Impact direct du Louvre sur l’économie française en 2006 (M€)71

M€ Les dépenses du Musée du Louvre (A) 175 Les dépenses des visiteurs du musée (B) (trois résultats pour trois modes de calcul)

250 391 535

Les dépenses des entreprises partenaires (C) 2 Les dépenses des entreprises clientes du Musée (D) 44 Total des effets directs 471 612 756

3.1.2.4 Le calcul des effets indirects (entre 250 et 401 M€) et des impacts sur les finances publiques et l’emploi

Les effets indirects correspondent à l’utilisation, par les différents agents économiques, des revenus qu’ils ont perçus au titre des effets directs : activité générée par les salariés du musée ou des entreprises intervenantes, chiffre d’affaires occasionné chez des tiers par les clients ou fournisseurs du musée, etc. Ces effets de propagent par ondes successives dans l’ensemble de l’économie du territoire considéré. Ces ondes s’amortissent à mesure qu’elles se diffusent, par différents phénomènes de fuite (épargne, dépenses hors du périmètre). Ces effets indirects sont calculés par application d’un coefficient multiplicateur (multiplicateur de « Keynes » ou de « Leontief ») qui dépend étroitement de la structure du tissu économique local (intégration du tissu économique, taux de recours à la sous-traitance étrangère, degré de représentation des divers secteurs d’activité, etc.). Faute de coefficient propre au contexte du Louvre en France, X. Greffe a utilisé un coefficient établi aux Etats-Unis (1,53), pour un contexte économique jugé proche. Aussi, le total des effets directs et indirects du Musée du Louvre est estimé en 2006 entre 721 et 1.157 M€ d’apport en produit intérieur brut supplémentaire (ou valeur ajoutée) pour le territoire d’étude (la France en l’espèce). Ce résultat est mis en perspective avec la dépense initiale, c’est-à-dire le budget annuel du musée (dépenses réelles de fonctionnement et d’investissement) soit 181,4 M€.

Impacts directs et indirects du Louvre sur l’économ ie française en 2006 (M€) 72 M€ Total des effets directs 471 612 756

Coefficient multiplicateur 1,53

Total des effets directs et indirects 721 936 1.157

71 Source : L’impact économique du Louvre - Xavier Greffe – Centre d’Economie de la Sorbonne – Juin 2009 72 Source : L’impact économique du Louvre - Xavier Greffe – Centre d’Economie de la Sorbonne – Juin 2009

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 68/81

L’auteur de l’étude a ensuite traduit ces résultats en termes de retombées pour les finances publiques et pour le marché de l’emploi. � s’agissant des finances publiques , la méthode proposée vise à calculer l’impact financier net pour

l’Etat, c’est-à-dire la différence entre le montant des recettes fiscales induites par le surcroît d’activité économique et le coût du musée pour les finances de l’Etat (subvention annuelle versée au musée)73. Les recettes fiscales correspondent à la somme :

- des recettes de TVA : les différents taux de TVA sont appliqués aux seuls effets directs, en raison du

mécanisme de droit à déductibilité, - des recettes d’impôt sur le revenu : X. Greffe a choisi un taux d’imposition moyen de 10% et une part

moyenne de chiffre d’affaires revenant aux salaires (et donc soumis à l’impôt sur le revenu) de 60%, - des recettes d’impôt sur les sociétés : l’économiste a retenu un taux moyen de bénéfices de 7% du

chiffre d’affaires (taux de rentabilité moyen de l’hôtellerie-restauration) et un taux moyen d’imposition de 20%.

Le total des recettes fiscales générées par l’activité économique induite par le Louvre est ainsi estimé entre 119 et 158 M€ en 2006. Compte tenu du montant de la subvention versée la même année par l’Etat (110 M€) et de la dépense fiscale occasionnée par le mécénat (11 M€)74, l’impact financier pour l’Etat oscille entre une perte nette de 2 M€ et un gain net de 82 M€. Il convient d’observer que X. Greffe ne prend pas en compte les impôts locaux puisqu’il s’est concentré sur l’analyse de l’impact financier pour l’Etat.

Estimation de l’impact du Louvre sur les finances p ubliques en 2006 (Etat)

M€ Recettes de TVA De 70 à 126 Recettes d’impôt sur revenu De 42 à 65 Recettes d’impôt sur les sociétés De 7 à 12

Total des recettes fiscales De 119 à 203

Subvention versée par l’Etat au Louvre 110 Dépense fiscale induite par le mécénat 11

Impact net sur les finances publiques (Etat) De – 2 à + 82

� s’agissant de l’emploi , X. Greffe propose d’estimer la masse salariale totale induite par les effets

directs et indirects en fonction de la part moyenne de chiffre d’affaires affectée aux salaires. Il déduit ensuite la masse salariale versée par le Louvre à ses employés (le nombre d’emplois correspondant étant parfaitement connu). Enfin, la masse salariale totale obtenue est divisée par le salaire brut moyen pour évaluer le nombre d’emplois générés par le musée.

Deux hypothèses de revenu moyen ont été retenues : 30 k€ et 42 k€ par emploi et par an. Selon ces hypothèses et celles relatives au calcul des effets directs et indirects, l’analyse estime entre 10.292 et 21.225 le nombre d’emplois imputables à l’existence du Musée du Louvre.

73 L’analyse se limite à l’effet financier de la dépense publique mais ne propose pas de la rapprocher de l’activité économique

générée et donc d’évaluer l’effet économique de la dépense publique. En 2006, l’Etat ayant versé une subvention de 110 M€ au

Louvre, on peut calculer que chaque euro public dépensé a généré entre 6,55 € et 10,52 € de PIB supplémentaire. 74 Dépensée en contrepartie du mécénat (législation fiscale).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 69/81

Estimation de l’impact du Louvre sur l’emploi en Fr ance en 2006

M€

a Effets directs, déduction faire de la TVA payée et de la masse salariale de l’établissement du Louvre

333 445 562

b Effets indirects 250 324 401 c Sous-total (a+b) 583 769 963

d Estimation de la part des effets affect ée à la masse salariale (c x 60%) 350 461 578

Nombre d’emplois

e Emplois induits (hypothèse salaire moyen = 30 k€ brut) (d/0,03)

11.666 15.366 19.266

e' Emplois induits (hypothèse salaire moyen = 42 k€ brut) (d/0,042)

8.333 10.244 13.761

f Emplois du Musée du Louvre (donnée certaine) 1.959

g Impact total en nombre d’emplois (e ou e’ + f) 10.292 à 13.625

12.203 à 17.325

15.720 à 21.225

3.1.3 La démarche de Bilbao se rapproche de celle du Louvre Le Musée Guggenheim de Bilbao publie une fois par an sur son site internet un bilan comportant une étude de l’impact économique du musée sur l’économie locale. L’étude 2008 est parue en janvier 200975. Le périmètre d’étude choisi est celui de la Communauté autonome du Pays Basque. Les résultats sont exprimés en création de PIB, nombre d’emplois maintenus et recettes fiscales. Selon une méthode qui se rapproche de celle mise en œuvre pour le Musée du Louvre, le Musée Guggenheim totalise : - les dépenses réalisées au Pays Basque par les visiteurs du musée. Ce montant procède d’une

estimation effectuée à partir du nombre de visiteurs, de leur provenance géographique et des différences de comportement d’achat selon la provenance géographique. Les profils de dépenses sont déterminés sur la base d’enquêtes réalisées directement auprès des visiteurs (4.200 visiteurs interrogés en 2008). Cette mesure se rapproche de l’agrégat B de l’étude d’impact réalisée pour le Louvre tout en apparaissant plus précise puisque l’étude du Louvre se base sur des enquêtes générales, effectuées auprès des touristes étrangers (visiteurs ou non du musée), dans les aéroports parisiens. Il n’est en revanche pas précisé si, comme cela a été fait pour le Louvre, les dépenses des visiteurs provenant du périmètre d’études (du Pays Basque en l’occurrence) ont été écartées afin de neutraliser les simples transferts d’activité économique au sein du territoire. Or, les visiteurs basques du Guggenheim représentent 10% de la fréquentation en 2008.

- les dépenses effectuées par les organisateurs de manifestations utilisant les locaux du Musée et son

image. Le montant résulte du nombre d’évènements et d’une estimation des dépenses en fonction du type d’évènements. Il s’apparente à l’agrégat C de l’analyse sur le Louvre.

- les recettes du musée, établies à partir du compte d’exploitation de l’établissement. Ce montant équivaut

à la somme de l’agrégat A (dépenses du musée lui-même) et d’une partie de l’agrégat D (dépenses des entreprises clientes) définis pour le Louvre puisque le montant des dépenses du musée (méthode Louvre) correspond a priori à celui des recettes (méthode Bilbao), si l’on considère comme marginal l’éventuel bénéfice ou déficit. Toutefois, s’agissant des dépenses des entreprises clientes (D), la méthode utilisée pour Bilbao revient à prendre en compte uniquement les redevances versées au musée et non les autres dépenses induites par les opérations utilisant le musée.

Pour calculer les retombées directes et indirectes (PIB, emplois, recettes fiscales), le Musée Guggenheim applique au total ainsi obtenu différents multiplicateurs, propres à chaque secteur d’activité économique impliqué (et non un seul coefficient relatif aux équipements culturels comme c’est le cas dans l’étude du Louvre). Ces coefficients sont déterminés à partir de tableaux économiques Input-Output établis

75 Impact des activités du Musée Guggenheim Bilbao sur l’économie du Pays Basque en 2008 – Etude disponible en français sur le

site du Musée http://www.guggenheim-bilbao.es

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 70/81

spécialement pour le contexte économique du Pays Basque. De ce point de vue, la méthode Bilbao apparaît plus fine. Dénommés en France « tableaux d'entrées-sorties »76, ces outils statistiques, d’usage complexe, mettent en évidence, pour un tissu économique donné (un pays ou une région), les caractéristiques du système de production de chaque produit. Ils permettent en particulier d’estimer la quantité de travail, d’importation, d’exportation, d’investissement, etc. mis en œuvre pour chaque production. Pour un même produit, les résultats peuvent varier sensiblement d’une zone géographique à une autre, en fonction de l’intégration de son tissu économique, de son organisation, du degré de représentation des différents secteurs d’activité, de son besoin d’importer pour produire, des modalités de répartition des profits, etc. Les coefficients ainsi déterminés permettent d’estimer les effets économiques induits, par propagation au sein de l’économie locale, des revenus générés par le musée, tout en tenant compte des effets de fuite (vers d’autres territoires plus ou moins proches), propres à chaque secteur d’activité. Si la méthode utilisée par le Guggenheim et le type de résultats se rapprochent fortement de l’analyse réalisée pour le Musée du Louvre, l’origine des données et le détail des calculs effectués ne sont pas publiés. L’étude de Guggenheim a en revanche le mérite d’être réalisée chaque année depuis 1998, ce qui permet de disposer d’une série longue et régulière et de constater des évolutions. Cela dit, aucune méthodologie n’a été spécifiquement mise au point pour tenter d’objectiver « l’effet Bilbao », c’est-à-dire les impacts économiques du renouvellement radical de l’image de ce territoire basque. En effet, l’étude d’impact publiée annuellement par le Guggenheim ne comptabilise pas le bénéfice économique induit par l’implantation ou l’essor d’entreprises n’entretenant aucun rapport formel avec le musée (client, fournisseur, partenaire…) mais dont le développement s’avère au moins partiellement motivé par la présence du musée, sa notoriété, son image. Or, il est vraisemblable que cet « effet Bilbao » excède la simple addition des retombées directes et indirectes telles qu’elles sont évaluées.

3.1.4 La méthodologie ODIT France mesure l'impact des équipements touristiques et culturels

ODIT France77, groupement d’intérêt économique chargé par l’Etat de missions d’ingénierie touristique, d’observation économique et de promotion du secteur touristique en France, a mis au point en 2006, à destination des gestionnaires, organisateurs, élus, un guide méthodologique de l’estimation des impacts des sites, équipements et évènements touristiques et culturels78. Son élaboration a été réalisée à l’occasion d’une étude d’impact de la Cité de l’Espace de Toulouse. Cette méthodologie se concentre sur l’évaluation des retombées en termes de revenus, d’emplois et de recettes fiscales. Les revenus générés correspondent à la « valeur ajoutée » de l’équipement pour son territoire d’accueil, calculée en effectuant la somme des retombées directes, indirectes et induites. La traduction en emplois et en recettes fiscales est obtenue par distribution de la valeur ajoutée en masse salariale et en impositions à partir de taux moyens. L’analyse vise à produire une photographie, à un instant donné, des effets économiques d’un équipement, sur une année ou depuis sa création.

3.1.4.1 Les préalables indispensables à la réalisation de l’étude d’impact

OFIT France dresse une liste de quatre préalables méthodologiques nécessaires : - Définir un territoire d’étude : ODIT France recommande d’adapter sa taille à l’importance de

l’équipement ainsi qu’au périmètre à l’intérieur duquel des effets sont escomptés. Le territoire ainsi

76 Issus des théories économiques de François Quesnay (XVIIIème siècle) et Wassily Leontief (1936), prix Nobel d’économie en

1973. 77 Site internet : www.odit-france.fr 78 Pourquoi et comment mesurer les impacts des sites, équipements et événements touristiques et culturels ? Schéma de principe.

ODIT France – Mai 2006 (document adressé à sa demande à la MEEF, reçu le 11 mai 2009).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 71/81

délimité peut être rapproché de découpages administratifs dans un souci de disponibilité des données. Dans le cas de la Cité de l’Espace, le périmètre d’étude a été défini à partir de trois courbes isochrones (zones géographiques se trouvant à moins d’1h, 2h et 3h de transport de l’équipement),

- Définir la période d’étude : une année dite de « croisière » ou de « fonctionnement normal » de

l’équipement peut être choisie avant d’extrapoler le total des retombées sur toute la durée de vie de l’équipement à partir d’hypothèses de montée en charge,

- Réunir certaines compétences au sein de l’équipe chargée de réaliser l’étude : le calcul des différents

impacts nécessitent des compétences comptables et financières (pour l’analyse des bilans et comptes de résultat), économiques (pour l’utilisation des logiques de branches et secteurs d’activité) et statistiques (pour l’usage des coefficients multiplicateurs et formules macro-économiques),

- Disposer d’un minimum de données : l’équipement étudié doit disposer d’une comptabilité d’exploitation

autonome, sa fréquentation doit faire l’objet d’une observation fine (nombre et provenance des visiteurs, typologie et montants de leurs dépenses).

3.1.4.2 Les retombées directes

Les retombées directes totalisent l’impact des investissements réalisés pour la construction et l’aménagement de l’équipement (parfois désigné sous le terme d’ « effet chantier ») et l’impact de son exploitation (ses dépenses de fonctionnement). � L’impact des investissements L’indicateur fondamental sur lequel repose l’essentiel de l’analyse préconisée par ODIT France est le taux de valeur ajoutée moyen propre à chaque branche d’a ctivité économique . La valeur ajoutée correspond à l’excédent enregistré par une entreprise, sur sa production et ses ventes, qu’elle redistribue ensuite successivement sous forme de salaires, d’impôts, de dividendes, d’autofinancement de ses investissements. La valeur ajoutée mesure donc la « richesse » créée par une entreprise et bénéficiant à son territoire d’accueil. Ce taux de valeur ajoutée moyen par branche est calculé à partir du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée, réalisés par chaque branche de la Nomenclature Agrégée (NA)79 et publiés annuellement par l’INSEE. Il convient ensuite de recenser les entreprises ayant participé à la construction de l’équipement, en écartant celles qui sont extérieures au périmètre d’étude, puis d’identifier les branches d’activité auxquelles elles appartiennent. La richesse créée (et donc distribuée localement) est ensuite déduite en appliquant le taux de valeur ajoutée correspondant au montant des marchés qui leur ont été attribués.

Exemple d’estimation de l’impact des investissement s (données fictives)

Entreprises Implantée dans

le périmètre Marché Catégorie NA

INSEE

Montant du marché (M€ HT)

Taux de valeur ajoutée moyen de la catégorie

NA (fournie par

l’INSEE)

Valeur ajoutée (=richesse

redistribuée) (M€)

Entreprise A Oui Maître

d’œuvre Services aux entreprises

20 33% 6,6

Entreprise B Non Non prise en compte Entreprise C Oui Gros œuvre Bâtiment 85 15% 12,8

Entreprise D Oui Terrassement Travaux publics

25 25% 6,2

Etc.… Total En M€

79 La méthodologie d’ODIT France, parue en 2006, fait référence à la nomenclature économique de synthèse (NES). Depuis 2008, la

NES a été remplacée par l’INSEE par la Nomenclature Agrégée (NA) pour une meilleure compatibilité avec les nomenclatures

statistiques étrangères. La logique demeure toutefois identique.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 72/81

Cette méthodologie présente deux limites fortes : - les données de chiffres d’affaires et de valeur ajoutée fournies par l’INSEE sont nationales. Leur

utilisation néglige donc les différences de structure économique d’une région à l’autre. La part de valeur ajoutée (et donc de richesse) qui est redistribuée hors du périmètre d’étude (et donc qui ne lui profite pas) est a priori inversement proportionnelle à la densité économique du territoire. Or, cette densité varie fortement d’une région à l’autre. Plus le territoire d’étude est restreint, plus cette difficulté méthodologique est forte. Elle est nulle lorsque le territoire national constitue le périmètre d’analyse.

- l’implantation géographique d’une entreprise peut s’avérer trompeuse quant à sa capacité à redistribuer

localement la richesse qu’elle génère : - si une part importante de ses employés et de ses actionnaires résident hors du périmètre d’étude, - du fait qu’une part de la valeur ajoutée est affectée à des impôts nationaux, - s’il s’agit d’une filiale d’un groupe, une part des bénéfices peut être transférée au niveau de la

maison mère implantée à l’extérieur du périmètre A l’inverse, une entreprise implantée à l’extérieur du périmètre (et donc écartée par l’analyse) peut mettre en œuvre des facteurs de production situés à l’intérieur de celui-ci.

� L’impact de l’exploitation de l’équipement ODIT France propose de procéder exactement de la même manière que pour l’impact des investissements. Les taux de valeur ajoutée, correspondant aux branches d’activités, sont appliqués aux différents fournisseurs de biens et services de l’équipement80 (données extraites des comptes d’exploitation de l’organisme gestionnaire de l’équipement). A cette richesse estimée, sont ajoutés les montants de la masse salariale versée et des impôts acquittés directement par l’établissement.

3.1.4.3 Les retombées indirectes

Les retombées indirectes correspondent aux dépenses effectuées par les visiteurs de l’équipement, à l’intérieur du périmètre d’étude (mais hors de l’équipement lui-même, déjà prises en compte dans les retombées directes). Leur évaluation repose sur la connaissance des comportements d’achat des visiteurs de l’équipement. ODIT France recommande donc de recourir à des enquêtes, parfaitement représentatives sur le plan statistique. Elles doivent permettre d’identifier la provenance des visiteurs (dans ou hors du périmètre), la motivation de leur venue, le temps consacré à l’équipement au cours de leur séjour, la durée de séjour ainsi que le montant et le type de dépenses effectuées hors de l’équipement (restauration, hôtellerie, etc…). S’agissant du montant et de la nature des dépenses, ODIT France suggère également d’utiliser les études menées en la matière par les observatoires régionaux du tourisme. Les visiteurs sont ensuite classés selon l’importance de l’équipement dans la motivation de leur séjour : séjour spécifiquement motivé par l’équipement, partiellement motivé ou non motivé par celui-ci (cas des visiteurs ayant décidé de visiter l’équipement seulement une fois sur place). Les dépenses des visiteurs résidant sur le territoire d’étude sont écartées (comme dans la méthodologie mise en œuvre par le Louvre). Selon cette catégorisation, le montant des dépenses est intégralement ou partiellement (au prorata du temps consacré à l’équipement pendant le séjour) pris en compte. Les montants obtenus sont ensuite ventilés entre les différentes branches d’activités (hébergement, restauration, alimentation, …) et les taux de valeur ajoutée de la Nomenclature Agrégée appliqués pour obtenir le total des retombées indirectes.

80 Comptes d’achats (60), services extérieurs (61), autres services extérieurs (62), autres charges (65), charges exceptionnelles (67).

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 73/81

Exemple d’estimation des impacts indirects (données fictives)

Importance de l’équipement dans la motivation du séjour

Part des dépenses prise en compte

Ventilation par branches d’activités (données issues des enquêtes ou

fournies par l’observatoire du tourisme)

Taux de valeur ajoutée moyen de la catégorie NA

(fournie par l’INSEE)

Retombées indirectes

Principale 100%

Hébergement = 25% 17% (services aux

particuliers) résultat

Restauration = 14% 17% (services aux

particuliers) résultat

Loisirs = 8% 17% (services aux

particuliers) résultat

Alimentation = 18% 11% résultat Transport = 7% 37% résultat

Etc. … résultat

Partielle

Selon la proportion du

séjour consacrée à la visite

l’équipement (1/2, 1/4, 1/8,

etc.)

Hébergement = 25% 17% (services aux

particuliers) résultat

Restauration = 14% 17% (services aux

particuliers) résultat

Loisirs = 8% 17% (services aux

particuliers) résultat

Alimentation = 18% 11% résultat Transport = 7% 37% résultat

Etc. … résultat Nulle 0%

Visiteurs résidant dans le périmètre

0%

Total des impacts indirects résultat

3.1.4.4 Les retombées induites

Les retombées induites correspondent aux effets diffusés dans l’ensemble du tissu économique local (« effet boule de neige ») par les agents économiques qui bénéficient des effets directs et indirects de l’équipement. Ces retombées sont calculées en appliquant des coefficients multiplicateurs au total des retombées directes et indirectes. ODIT France propose une série de coefficients calculés pour la France, selon différentes théories économiques et références étrangères. Plus le territoire est dense sur le plan économique (nombreuses entreprises, nombreux secteurs d’activités présents, intégration…) et peuplé (grande variété de compétences présentes, existence d’un marché local important,…), plus les effets de fuite sont faibles et donc le coefficient multiplicateur élevé. Et inversement. L’ODIT précise toutefois qu’il convient d’utiliser ces coefficients avec une grande prudence, compte tenu de leur caractère théorique et des spécificités de chaque territoire économique.

Coefficients multiplicateurs proposés par ODIT Fran ce en fonction de la taille de l’agglomération et de s a densité économique

Plus de 100.000 habitants

Entre 30.000 et 100.000 habitants

Entre 10.000 et 30.000 habitants

Entre 500 et 10.000 habitants

Départements à forte densité économique

1,6 1,2 0,7 0,4

Départements à moyenne densité économique

1,2 1 0,6 0,4

Départements à moindre densité économique

0,7 0,6 0,4 0,3

Coefficient moyen national 1,4

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 74/81

3.2 Des outils de pilotage et de suivi Le second type « d’évaluation » consiste à estimer les effets d’un projet ou d’une stratégie selon deux axes principaux, identifiés par la Direction régionale de l’INSEE81 : - un système de suivi qui se borne à collecter périodiquement des données pour en constater les

évolutions, - un système d’évaluation qui analyse les effets induits par un équipement ou une politique publique; dans

ce cas, plus ambitieux que le précédent, les liens de causalité sont délicats à dégager. Dans les deux cas, il s’agit de mettre en place un outil dédié surtout aux acteurs du projet ou de la stratégie, pour faciliter le pilotage ou le suivi de leur action. Les exemples proposés ci-dessous proposent ces deux aspects de l’évaluation. Le premier exemple décrit ces deux aspects à travers les observatoires qui ont été mis en place dans le cadre de la politique de la ville avec un double objectif :

- d’une part alimenter le débat public et faciliter l’évaluation de la dépense publique par les parlementaires,

- d’autre part, servir d’outil de pilotage pour les autorités chargées de la mise en œuvre de la politique.

Ensuite, l’exemple de l’ODIT apporte d’outils de pilotage avec des batteries d’indicateurs permettant de suivre l’impact d’un équipement touristique. Enfin, l’analyse des critères utilisés par la DIACT82 pour réaliser le classement des villes européennes illustre la méthodologie employée et les questions qu’elle sous-entend.

3.2.1 Les observatoires locaux des politiques de la ville Les politiques de la ville mises en œuvre en France depuis plusieurs années se sont accompagnées d’un important effort de suivi des évolutions et d’évaluation des actions avec notamment la création d’un observatoire national et d’observatoires locaux.

3.2.1.1 L’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus)

Le dispositif mis en place en France, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 200383 pour suivre le programme de rénovation urbaine fournit un modèle de référence utile à la fois dans son organisation, ses objectifs, ses méthodes, les indicateurs choisis, les modes de publication. Le dispositif se compose84 : - d’un conseil d’orientation (élus et personnalités qualifiées) ; il débat et décide des axes d’analyses,

assure la coordination entre les partenaires de l’observatoire, - d’un maître d’œuvre, le secrétariat général du Comité interministériel des villes (CIV), en particulier ses

départements Evaluation, Etudes et Prospective ; il produit les statistiques, les études et les analyses prospectives en partenariat avec les grandes institutions de production statistique avec lesquelles des conventions ont été signées (Insee, Dares…).

L’évaluation se concrétise par la production de rapports annuels et d’études diffusées largement et par un système d’information géographique 85 (SIG) accessible en permanence sur internet, à la fois dans une version « grand public » et dans une version plus complète, destinée aux différents acteurs impliqués :

81Recommandations formulées par la Direction régionale Nord-Pas-de-Calais de l’INSEE - Rencontre avec la MEEF du 26 mai 2009 82 Délégation Interministérielle à l'Aménagement et à la Compétitivité des Territoires 83 Loi n° 2003-710 84 Prévu par le décret n° 2004-1135 du 22 octobre 2004 relatif à l’Observatoire national des zones urbaines sensibles. 85 Système d'Information Géographique de la Délégation Interministérielle à la Ville : http://sig.ville.gouv.fr

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 75/81

services de l'Etat, réseau professionnel "politique de la ville", collectivités signataires d'un contrat urbain de cohésion sociale, partenaires fournisseurs de données, etc. Les objectifs et indicateurs associés figurent directement dans la loi de programmation de 2003 (annexe 1). Ils concernent : - la réduction des écarts entre quartiers et entre villes, - l’emploi et le développement économique, - l’habitat et l’environnement urbain, - la santé, - la réussite scolaire, - la sécurité, - les services publics.

3.2.1.2 Recommandations formulées pour la mise en place d’un observatoire local

Face aux besoins multiples en matière de pilotage des politiques de la ville et pour mutualiser les initiatives, un guide méthodologique de l’observation locale86 a été élaboré en septembre 2008 par la Délégation interministérielle à la ville (DIV) et la Fédération nationale des Agences d’urbanisme. Entièrement téléchargeable sur le site internet de la DIV87, ce guide formule de nombreuses recommandations méthodologiques pour la mise en œuvre de systèmes locaux d’évaluation ou de suivi. Selon ce guide (p. 11),

« La finalité de l’observation consiste à dresser un état des lieux et une analyse des dynamiques et des évolutions des territoires et de leurs habitants en lien avec le suivi des actions et des dispositifs mis en œuvre. Selon les préoccupations locales, cette observation peut aller plus loin et mesurer l’impact des politiques conduites sur certaines thématiques (attractivité, satisfaction des habitants…), ainsi que leurs effets à moyen et long terme sur les territoires et les populations concernées en lien avec les démarches évaluatives. L’évaluation vise en particulier à identifier les résultats et les impacts à moyen ou long terme des orientations stratégiques et des obj ectifs opérationnels , à comprendre les causes, les leviers et les facteurs qui expliquent les évolutions observées. Elle s’appuie sur des démarches quantitatives et qualitatives complémentaires (questionnaires, entretiens qualitatifs, individualisés ou collectifs, débat public). »

Pour mettre en place un système d’évaluation, le guide recommande : - De partir de l’existant, c’est-à-dire d’utiliser les données fournies par les démarches d’observations

sectorielles ou géographiques préexistantes : observatoires de l’habitat, de l’économie, des transports, de l’environnement, de l’urbanisme. Il s’agit alors de centraliser des données déjà recueillies pour d’autres usages, de coordonner les échelles, de mutualiser les méthodes.

- D’identifier clairement un maître d’ouvrage du syst ème d’observation . Le maître d’ouvrage (une

structure ad hoc, un établissement public, une association réunissant plusieurs partenaires engagés, l’une des collectivités concernées…) est responsable de la mobilisation des partenaires et des moyens utiles à l’observation. Il oriente les travaux, le choix des indicateurs, organise la restitution et la diffusion des résultats. A titre d’illustration, sur les 45 observatoires locaux de la politique de la ville, répertoriés en France début 2008 par la DIV, la maîtrise d’ouvrage est assurée par une agence d’urbanisme dans 31 cas. Dans les autres cas, ce rôle est pris en charge par une collectivité locale (5 cas), un bureau d’étude ou une université (4), une direction régionale de l’INSEE (3).

86 Observation locale et politique de la ville – Notre stratégique et guide méthodologique - Délégation interministérielle à la ville &

Fédération nationale des agences d’urbanisme – Septembre 2008 87 http://i.ville.gouv.fr/divbib/doc/guide_obs_locale.pdf

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 76/81

- La mise en place par le maître d’ouvrage : - d’un « comité stratégique » : pour le pilotage et le suivi de l’observatoire, - d’un « cercle de partenaires » ou « groupe d’experts » : pour réunir les principaux fournisseurs

de données, connaisseurs des sources et du terrain, chargés d’apporter leur analyse, - d’un « conseil scientifique » : pour encadrer les travaux et les méthodologies mises en œuvre.

- La désignation du maître d’œuvre de l’observatoire , distinct du maître d’ouvrage (agence

d’urbanisme, service d’une collectivité, bureau d’étude, organisme de recherche, …). Il doit offrir suffisamment de garanties en matière de compétences techniques, de neutralité et de capacité à réaliser les travaux sur une longue période (plusieurs années). Les compétences à réunir concernent à la fois le traitement et l’analyse statistiques ainsi que les techniques de diffusion des résultats (site internet) et les aspects juridiques (mise en œuvre de conventions entre organismes, gestion des problématiques CNIL inhérentes à ce type de démarche).

3.2.1.3 Une batterie d’indicateurs classés selon les objectifs à atteindre

Le guide Observation locale et politique de la ville propose également un catalogue d’indicateurs, classés selon les objectifs à poursuivre, la disponibilité des données et les analyses qu’elles permettent, les échelles géographiques (au niveau du quartier pour la plupart), les sources mobilisables, la périodicité de mise à jour des données (infra-annuelle, annuelle, …), etc. La construction du tableau de bord présente aussi l’intérêt d’obliger les différents partenaires engagés dans une stratégie commune à mener une réflexion préalable sur ses objectifs.

Exemples d’objectifs et d’indicateurs associés

(Extraits du guide Observation locale et politique de la ville) Objectifs démographiques : la stratégie vise à favoriser certaines évolutions dans la structure démographique de la population, sa densité, sa mobilité, les profils sociaux rencontrés Exemples d’indicateurs utilisables : Nombre d’habitants par sexe, âge, état matrimonial, catégorie socioprofessionnelle, … Densités Nombre de ménages, de personnes par ménage Nombre de ménages par tranches de revenus Ancienneté dans le logement Part des ménages étrangers Part des étudiants Part des bénéficiaires de l’allocation adultes handicapés ou de l’allocation personnalisée d’autonomie Provenance et caractéristiques des nouveaux habitants Nombre d’actions d’informations mises en place à l’intention des nouveaux habitants

Exemples de sources mobilisables : INSEE Services municipaux Etat civil Système d’observation statistique des logements (FILOCOM) CAF

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 77/81

Objectifs socio -économiques : la stratégie vise à développer la création d’entreprises, le développement de certaines activités économiques ou de certains emplois, à améliorer la situation de l’emploi et de l’accès à l’emploi (adaptation des qualifications,…) Exemples d’indicateurs utilisables : Taux de chômage Caractéristiques de la population active (âge, sexe, lieu de résidence, nationalité, niveau de formation) Caractéristiques des demandeurs d’emploi (âge, sexe, lieu de résidence, nationalité, durée du chômage) Taux de motorisation de la population active Nombre d’entreprises et répartition par secteurs d’activité Part d’établissements par tranches de salariés Migration domicile-travail Nombre de contrats aidés Niveau de formation, origine géographique des personnes recrutées

Exemples de sources mobilisables : INSEE SIRENE (INSEE) Pôle Emploi DRTEFP DARES

Objectifs sociaux : la stratégie vise à réduire la pauvreté, à diversifier les niveaux de vie Exemples d’indicateurs utilisables : Nombre de ménages fiscaux Revenus fiscaux des ménages par unité de consommation Part des allocations dans les revenus disponibles Nombre d’allocataires Bénéficiaires de la CMU

Exemples de sources mobilisables : DGFIP (services fiscaux) CAF Services de l’équipement Caisses régionales d’assurance maladie

Objectifs relatifs au logement : la stratégie vise à améliorer la situation du logement (quantité, diversité, qualité, prix) Exemples d’indicateurs utilisables : Nombre de logements Part de logements sociaux Part de locataires et de propriétaires Surfaces habitables Age du parc de logements Nombre d’occupants par logement Ventilation des logements selon le profil social des occupants Taux de vacance des logements sociaux Nombre de transactions immobilières Prix du foncier Etat des logements Profil social des acheteurs

Exemples de sources mobilisables : INSEE Services de l’équipement CAF Notaires Agence nationale de l’habitat

Objectifs éducatifs : la stratégie vise à favoriser la réussite scolaire, à élever le niveau scolaire, à améliorer l’attractivité des établissements Exemples d’indicateurs utilisables : Nombre d’établissements d’enseignement supérieur Filières représentées Nombre d’élèves par niveau d’enseignement Répartition des parents par professions et catégories socioprofessionnelles Part des élèves boursiers Proportion d’élèves en retard scolaire Taux de réussite aux examens

Exemples de sources mobilisables : Education nationale (fichier SCOLARITE) Collectivités locales (état des établissements)

D’autres batteries d’indicateurs sont suggérées pour servir des objectifs en matière de sécurité, de santé, de cadre de vie, de vie sociale, d'accessibilité et de transport public.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 78/81

3.2.2 Le guide méthodologique d’ODIT France Dans son guide méthodologique de l’estimation des impacts équipements touristiques et culturels88, ODIT France complète son modèle de calcul présenté précédemment par des indications visant à constituer un véritable outil de pilotage. L’objectif est de permettre d’enrichir l’analyse des impacts économiques (revenus, emplois, recettes fiscales) et d’ajouter une analyse des autres types d’impact : éducatifs et pédagogiques, scientifiques et techniques, touristiques et ludiques, urbains et sociaux, en termes d’image et de notoriété. ODIT France souligne que, pour que ces grilles d’analyse constituent de réels instruments de pilotage, elles nécessitent un travail préalable et partenarial, de définition et de hiérarchisation des objectifs de l’équipement, aboutissant au choix des indicateurs pertinents, des niveaux à atteindre et des échéanciers. Un certain nombre d’indicateurs sont proposés (détail ci-après). Cette liste est éclectique, non exhaustive et certains indicateurs peuvent apparaître contradictoires, ce qui met en évidence la nécessité d’une réflexion préalable approfondie.

Suggestion d’indicateurs, selon les objectifs assig nés à l’équipement (ODIT France)

Extraits du guide méthodologique d’estimation des impacts équipements touristiques et culturels (2006)

Educatifs et pédagogiques

% des publics scolaires par rapport au total des visiteurs Taux de captation par rapport à la population scolaire de l’académie

Evaluation qualitative (note de 1 à 10) des actions éducatives par rapport au contenu, à la communication, à l’animation, à la tarification

Evaluation de la valeur ajoutée pédagogique attribuée par les enseignants % du budget « éducatif et pédagogique » dans le budget de l’établissement

Scientifiques et techniques Impact scientifique (note de 1 à 10) : notoriété parmi les scientifiques Taux d’inscription dans les filières universitaires scientifiques et techniques

Touristique et ludique

% de la fréquentation touristique par rapport à la fréquentation globale Répartition des visiteurs selon leur provenance % des recettes de billetterie par rapport aux subventions Valeur des partenariats noués avec des institutions, des opérateurs privés % du budget affecté à la promotion de l’équipement

Urbaine et sociale

Surfaces ayant fait l’objet d’aménagements urbains Evolution des facilités d’accès, de transport (note de 1 à 10) Impact sur la vie et l’animation du quartier (note de 1 à 10) Evolution des taxes foncières, loyers, prix de vente Augmentation du chiffre d’affaires des commerces proches

Economique, affaires, compétitivité

Evolution du chiffre d’affaires de l’équipement Niveau d’autonomie par rapport aux financements publics Création de richesse (valeur ajoutée) Emplois créés Nombre de demandes d’implantations de nouvelles entreprises

Image et notoriété

Mesure de la notoriété de l’équipement et du territoire (au niveau régional, national, international) Evaluation de la lisibilité de l’équipement Taux d’adhésion des publics, des professionnels, de la population (enquêtes) % du budget communication

3.2.3 Les critères du classement des villes européennes de la DIACT La DIACT89 publie périodiquement un classement des agglomérations européennes de plus 200.000 habitants, selon une batterie de 15 critères mesurant leur attractivité et leur dynamisme économ ique . Ce classement peut être utilisé de trois manières :

88 Pourquoi et comment mesurer les impacts des sites, équipements et événements touristiques et culturels ? Schéma de principe.

-Partie 5 - ODIT France – Mai 2006 (document adressé à sa demande à la MEEF, reçu le 11 mai 2009). 89 Les villes européennes – Analyse comparative – DIACT - 2003

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 79/81

- L’amélioration du classement d’une agglomération peut servir d’objectif à plus ou moins long terme : par

exemple, en 2003, Lens se classe à la 178ème place de ce classement sur un total de180 agglomérations prises en compte ;

- Le changement de catégorie peut également servir d’objectif. En effet, en complément du classement général, la DIACT regroupe les villes dans 7 catégories en fonction d’une analyse fine des performances des différentes villes pour les différents indicateurs. Paris est aujourd’hui dans la première, Lens dans la dernière ;

- Les critères utilisés pour établir ce classement (ou une partie d’entre eux) peuvent être au nombre des indicateurs inclus dans un système d’évaluation à mettre en place.

Les 15 critères retenus par la DIACT

dans son classement des villes européennes Population Evolution de la population (1950-1990) Trafic de marchandises des ports Nombre de passagers des aéroports Accessibilité à l’échelle européenne : nombre des autres villes accessibles dans la journée Nombre de sièges sociaux de grandes sociétés Places financières : nombre de banques internationales Nombre de foires et salons réservés aux professionnels Nombre moyen annuel de congrès internationaux Nombre et renommée des musées Nombre de nuitées touristiques Nombre de sites et manifestations culturelles Nombre d’étudiants Nombre de revues scientifiques éditées Nombre d’unités de recherche publiques et privées

Extraits du classement de l’attractivité des 180 ag glomérations européennes

de plus de 200.000 habitants

Villes Classement

(sur 180) Nombre de

points Catégorie

(sur 7) Paris 1 81 1 Marseille 23 44 4 Bilbao 39 36 5 Lille 39 36 5 Essen (Ruhr) 39 36 5 Liverpool 96 25 6 Lens 178 16 7 Poitiers (non classée en raison d’une population insuffisante)

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 80/81

3.3 Quelle évaluation pour le Louvre-Lens ?

3.3.1 Une réflexion indispensable A partir des exemples précédents, il apparait qu’un certain nombre de questions relatives à la mise en place d’un système d’évaluation sont récurrentes, en particulier pour disposer d’un outil de pilotage pertinent. � le maître d’ouvrage, responsable de l’équipement ou porteur d’une politique publique doit être

clairement identifié, puisque le système de suivi ou d’évaluation doit répondre à ses besoins spécifiques. Cette maîtrise d’ouvrage peut être collective et, dans ce cas, être confiée à une entité (association, établissement public, etc.) associant les différents partenaires engagés ;

� la stratégie définie par le maître d’ouvrage doit également être clarifiée : quelles sont les finalités de l’action menée : s’agit-il de favoriser le développement économique ? et/ou le développement culturel ? et/ou la notoriété du territoire ? et/ou le développement social et urbain ? à quelle échéance ? et pour quel(s) territoire(s) ?

Compte tenu des réponses aux questions précédentes, une démarche progressive peut ensuite être mise en œuvre. Elle passe par : 1. L’identification des objectifs qui vont de pair avec la stratégie fixée et se traduisent par des indicateurs

pertinents. 2. L’identification des périmètres les plus adaptés (en tenant compte des problématiques statistiques).

Selon la direction régionale de l’INSEE90, le choix, fondamental, du périmètre est dicté : - par la problématique : suivant les sujets, les échelles pertinentes sont différentes ; - par des nécessités d’ordre méthodologique : l’échelle choisie ne doit pas induire de biais

statistiques et fausser l’analyse ; - par la disponibilité des sources statistiques : les données disponibles sont collectées selon des

périmètres normés (quartiers, villes, zones d’emploi…).

3. La détermination des niveaux à atteindre selon un échéancier pluriannuel. Les niveaux à atteindre sont à fixer en fonction d’une situation initiale de référence. Celle-ci peut combiner deux dimensions : - une « situation 0 » consistant en un relevé des valeurs des indicateurs effectué avant le lancement

du projet - un scénario de référence présentant une évolution des indicateurs, par projection des variations

constatées antérieurement ou encore par application des variations constatées par ailleurs au niveau national ou régional.

Dans les deux cas, il s’agit d’isoler les effets de l’équipement.

4. L’identification des destinataires des résultats (responsables de la mise en œuvre de la stratégie, partenaires, médias, grand public) et de l’objectif des messages qui leur sont délivrés (assurer le pilotage de la stratégie, la promouvoir, attirer des partenaires, informer, etc.…)

5. La définition de la périodicité et des modes de diffusion (note semestrielle, rapport annuel,

conférences de presse périodiques, publication semestrielle sur internet, etc.…) 6. La désignation du maître d’œuvre du système d’évaluation, chargé de collecter, de traiter, d’analyser

et de publier les données.

90 Entretien du 26 mai 2009 avec Jean-Jacques Malpot, directeur régional de l’INSEE Nord-Pas-de-Calais et Aurélien Daubaire, chef

du service études.

MEEF NORD – PAS-DE-CALAIS – Louvre-Lens Exemplaire n°00 – dossier n°: 096202 81/81

3.3.2 Devenir une référence en matière d’évaluation peut donner au Louvre-Lens un positionnement porteur et novateur

L’étude relative aux impacts du Musée du Louvre, réalisée en juin 2009 par Xavier Greffe selon une méthodologie désormais classique a montré ses avantages en termes de coût et de rapidité. Elle présente toutefois des lacunes soulignées par X. Greffe lui-même puisqu’il reconnaît qu’elle ne prend pas suffisamment en compte les effets économiques induits par des équipements culturels de premier plan : des éléments aussi importants que le développement d’anticipations positives par les chefs d’entreprise, les effets économiques et sociaux du développement culturel de la population, la perception par les habitants de l’amélioration de leur cadre de vie, l’amélioration de l’image et donc de l’attractivité du territoire, la consolidation de valeurs identitaires, communautaire, fédératrices…ne sont pas pris en compte. S’agissant du Futuroscope par exemple, les effets économiques sur la Vienne ne peuvent probablement pas se résumer à la seule adition des dépenses générées, directes ou indirectes. Entre une implantation à Poitiers ou dans une autre ville de taille comparable, certaines entreprises ont choisi la première option pour associer l’image de leur société à celle de la ville. Or, si ces entreprises ne sont ni clientes ni fournisseuses du Futuroscope ou de la Technopole, l’activité économique qu’elle créée n’est pas comptabilisée au titre des retombées de l’action menée par le Conseil général de Vienne par l’intermédiaire du Futuroscope. S’il s’avère que l’enjeu du Louvre-Lens réside dans les effets attendus en termes d’image, d’attractivité et de locomotive économique pour son territoire d’accueil, peu d’outils méthodologiques sont disponibles, y compris à l’échelle mondiale pour les mesurer. Cette lacune pourrait être palliée au moins partiellement en faisant du projet Louvre – Lens un laboratoire en grandeur réel dans ce domaine, comme l’a souligné Anne Krebs91. Positionner le Louvre-Lens comme laboratoire ou site expériment al en matière d’évaluation des politiques publiques de développement économique s’ appuyant sur le rayonnement culturel , par la mise en place d’une école de l’évaluation ou d’un centre de recherche, est susceptible de donner au projet un atout supplémentaire pour favoriser son rayonnement international, lui-même vecteur de développement économique. En plus de l’intérêt propre des résultats pour le pilotage du projet, la réalisation d’une telle expérimentation pourrait permettre de faire progresser la recherche dans un domaine des sciences économiques encore insuffisamment inexploré, alors que la demande en matière d’évaluation des impacts des grands équipements culturels va croissante, que ce soit au niveau des institutions nationales, européennes ou mondiales. Il convient à ce titre d’observer que la réussite du projet Guggenheim de Bilbao, en termes de surcroît d’attractivité économique pour l’agglomération basque, provient probablement autant de la promotion offensive de son exemplarité en matière de régénération urbaine que par le contenu du programme de régénération lui-même. En effet, si son statut de référence mondiale repose sur des succès concrets, il s’appuie aussi largement sur une stratégie de communication spécialement menée à l’attention des universitaires, urbanistes, médias spécialisés et responsables publics du monde entier. Lors de leurs entretiens avec la MEEFF, le département Etudes, évaluation et prospective du Musée du Louvre et la Direction régionale Nord-Pas-de-Calais de l’INSEE sont apparues particulièrement intéressées par cette éventualité.

* * *

91 Entretien du 28 mai 2009 avec Anne Krebs, chef du service Etudes, évaluation et prospective (Musée du Louvre).