Louis Bouyer - ExultetBouyer par rapport à saint Thomas d’Aquin (1228-1274), en qui d’aucuns...

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  • LouisBouyer

  • JeanDUCHESNE

    LOUISBOUYER

    ARTÈGESpiritualité

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  • la boucle » en revenant au premier des neuf volumes de cette« somme », qui saluait en la Vierge Marie, « Trône de laSagesse»(14),laréalisationdudesseindivin.

    C.EncoredeuxtrilogiesLorsque l’on regarde l’ensemble de la production du P.

    Bouyer, on s’aperçoit que ces trois trilogies synthétiques sontprécédées par deux autres et s’appuient sur les travaux quiprolongentetdéveloppentlespremièresmonographiesévoquéesplus haut. Ces deux triptyques antérieurs comportent en fait,dansundéfiquinesurprendrapasde lapartd’unespritaussipeuconformiste,chacunquatrevolumes.L’un,achevéen1960,portesurlestrois«étatsdevie»dans

    l’Église : monastique (7), sacerdotal (17) et baptismal, cetroisièmevoletfaisantl’objetdedeuxlivresdistincts,lepremierpluscatéchétique,voireapologétique(15), leseconddavantagecentrésur lavie intérieure (19).Chacunpeut trouver là,quelleque soit sa condition, les retombées immédiatespour lui,danssa relation personnelle et ecclésiale avec Dieu, de ce que«pense»lathéologie.L’autre trilogie implicite est l’Histoire de la spiritualité

    chrétiennequeleP.Bouyerdirigeaudébutdesannées1960etquin’estpasterminée.Iln’enrédigelui-mêmequedeuxtomes:lepremier (sur leNouveauTestamentet lesPèresde l’Église :20) et troisième (sur l’orthodoxieet leprotestantisme :25), etune partie seulement (sur Byzance) du deuxième (21), confiésans complexe à des bénédictins plus experts que lui sur leMoyen Âge. Le quatrième volume (sur les débuts de laspiritualité «moderne » au sein du catholicisme) est demêmel’œuvre de son collègue et ami à Juilly, l’abbé Louis Cognet(1917-1970).Lasuitealongtempsattenduunauteur–envain.

  • Mais, à travers ce qui a pu être publié, il apparaît que lechristianisme n’est pas simplement un système doctrinal ouspéculatif,maisunvécuquiaunehistoire,etquecettehistoiren’est pas fondamentalement celle de dogmes, de conciles, depapes, de schismes et d’insertions toujours imparfaitesdans le«monde»,mais consiste en relations à la foispersonnelles etcollectivesavecDieu.Le recours à des collaborateurs pour cetteHistoire (comme

    d’ailleurs pour d’autres : 24, par exemple, et aussi maintespréfacesetparticipationsàdescollectifs)suggèreégalementquele P. Bouyer ne s’est jamais complu dans une dédaigneuseautosuffisance. C’est ce que confirment d’une part l’audiencequ’ontcherchéeettrouvéeseslivresetqu’ilsgardent,etd’autrepart lesministères qu’il n’a pas cessé d’exercer (en France etailleurs) dans quantité de couvents, monastères et paroisses,ainsi qu’auprès d’innombrables amis fort divers, tout encontinuant à être demandé pour enseigner non seulement enAmérique,mais encore un peu partout en Europe etmême enAfrique, sans compter de multiples rencontres et contactsœcuméniques.Un autre indice de l’existence d’un réseau autour du P.

    Bouyerest l’empressementaveclequelHansUrsvonBalthasartraduisit lui-même ses livres pour publier dans sa maisond’éditionenSuissealémanique.Maisundesesplusbeauxtitresde gloire – encore que ce soit un des plus discrets – est sansdoutel’efficacesollicitudequ’ilprodiguaaucardinaldeLubacaffaibliparl’âgeetisoléparunesantéprécaire.Il faut savoir gré aux Éditions du Cerf d’avoir entrepris

    depuis2008deremettreàladispositiondupubliclesœuvresduP.Bouyer(3,7,8,9,14,17,19,22,23,28)dontlapertinencetoujoursactuellesevérifieainsi.

  • U

    ChapitrepremierPhilosophieetanthropologie

    nexposéunpeusystématiqueetordonnédelapenséeduP. Bouyer n’est pas chose aisée, puisque lui-même atoujoursniéavoirédifiéquelquesystèmequecesoit. Il

    peut néanmoins être utile, après l’inventaire qui précède ensuivant plus oumoins l’ordre chronologique, de s’aventurer àtracer un itinéraire d’accès à son œuvre depuis l’extérieur, demanière si possible à en faciliter l’accès et à permettre àquiconque entre dans un de ses livres de le situer dans unensembleàlafoisdiversifiéetcohérent.Laquestionpréalablequ’ilseraitclassiquedeposeravantde

    pénétrer dans le domaine théologique, c’est-à-dire de laconnaissance de Dieu, paraît être celle de son objet même :existe-t-il?Sioui,quepeut-onensavoiretqu’est-cequecelachange?Cesinterrogationssontéminemmentphilosophiques.Ilest ànoterpourcommencerquecetteproblématiquen’estpas,pour leP.Bouyer,unpointdedépartobligé.Nonqu’il ignoreles difficultés qui ont pu surgir et les réponses qui ont étéproposées:plusieurschapitres(IVàVI,puisXIIIetXVI-XVII)du Père invisible (34) y sont consacrés de manièreremarquablementcomplèteetpédagogique.Il faut cependant ouvrir ici une parenthèse pour situer le P.

    BouyerparrapportàsaintThomasd’Aquin(1228-1274),enquid’aucuns ont vu l’auteur indépassable de la seule philosophiequisoitnonseulementconformeauchristianisme,maisencorela seulequivaille.Dans sesentretiensavecGeorgesDaix (35,chapitreXI),leP.Bouyers’expliquesurcepoint.SaintThomas,dit-il, a réussi à « relier les différents éléments de la

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  • système intellectuel, etqu’elle estbienplus fondamentalementpratique,participationliturgiqueetobservance.Iln’estdoncpasindispensable de faire de la théologie son métier pour êtrechrétien, pas plus que ce ne l’est de faire savoir de façonpersonnelle et prétendument originale ce que l’on expérimenteet croit. La réflexion et le témoignage ne sont bien sûr passuperflus,maiscesexercicesdelaparoleaubénéficedetousnesont pas exigibles de chacun et requièrent des grâcesspécifiques,alorsquelasimplefidélitéauxritesetprescriptionsestnécessaireetsuffisante.Lescodesrituelsetdecomportementéthiquenesontpasdes

    productions purement humaines. Si déjà les discours édifiants(au meilleur sens du terme : qui construisent, cimentent etélèvent lacommunautécroyante)n’ontdevaleurqu’inspirés,àplus forte raison les textesdes loisdivinesontDieu lui-mêmepourauteurpremier,lerédacteur(connuouinconnu)n’étantenquelque sorte qu’un traducteur dans la langue et la culture desontempsetpourl’histoire.C’estuneautrepercéeradicaleetdécisivedujudaïsmeet,àsa

    suite,duchristianisme.Maisellenedoitnullementsurprendre,puisqu’onretrouveicilastructureduvéritablesacrifice,oùc’estenfaitDieului-mêmequiagit,puisqueluiseulpeut«fabriquerdu sacré ». Il agit et il parle.Onpeutmêmedire qu’il agit enparlant : saParole crée, et aussi elle sauve ; elle enseigne auxhommes à quoi ils sont appelés et comment elle accomplit ledesseindivinsurlecosmos.LeChristestleVerbedeDieufaithomme.IlestdoncparfaitementlogiquequelesÉcrituressoientdites«sacrées»ou«saintes»,qu’ellesconstituentlapremièrepartie de la célébration du sacrifice eucharistique et qu’ellesnourrissentaussibientouteprière–liturgiqueoupersonnelle–quetouteélaborationthéologique.Silelangageestessentielàl’humanité,c’estparcequ’elleest

  • faite«àl’imageetàlaressemblancedeDieu».Cen’estdoncpas Dieu qui parle comme les hommes, mais ceux-ci quireçoiventdeluilesmotspourluirépondreaprèsquesonVerbeatoutcréé.Danssonanalyseduphénomènedulangage(voir22,chapitre IV), le P. Bouyer relève que tout discours n’est passeulement expression de soi et suppose également undestinataire. La Parole deDieu institue ainsi l’homme commesoninterlocuteurousonpartenaire:visionexaltante,s’ilenest,denotrevocation.Lathéologiechrétienneapparaîtainsicommebiendavantage

    qu’un discours sur Dieu dont l’homme serait non seulementl’émetteurmaisencorelasourceultimeetunique.Carcetravailderéflexionetdepartages’originedanscequeDieuditdelui-même,sibienqu’iln’estpasdethéologiedignedecenomquines’inspirepasdesÉcritures,nes’yréfèrepasetn’enreçoitpassavalidation.

  • D

    ChapitreIIIParoledeDieuetviechrétienne

    ans son Dictionnaire théologique (24), aux articles«ÉcritureSainte»et«ParoledeDieu»,demêmequ’audébut de La Bible et l’Évangile (8, chapitre Ier), le P.

    Bouyer souligne les différences entre les textes sacrés del’Égliseetlediscourstouthumain.Cedernierabeauavoiruneintention, il ne la réalise pas forcément.Au contraire, lorsqueDieu s’exprime, non seulement il ne peut ni se tromper nitromperceuxauxquelsils’adresse,maisencoresonintentionseréalise.SonVerbe est ainsi créateur, et il révèle aussi quel estsondessein.

    A.L’ÉcritureaucœurdelavieLeVerbedivins’avèrefinalementnonpasquelquechose,un

    simpleinstrumentauxmainsdeDieu,maisunepersonne,JésusleChrist, son Fils fait homme pour faire de tous ses frères etsœurs, des enfants adoptés de sonPère.Riende semblable netransparaîtdanslesrécitsmythiquesnidanslesoraclessibyllinsdesreligionsmoinsachevées,mêmesiellessontcontemporainesdu judaïsme, voire du christianisme. Les conséquences sontmultiplesetdécisives.

    1.DanslaliturgieUne première est que les lectures solennelles de laBible et

    l’Évangile constituent une part essentielle de toute liturgiechrétienne,oùcequiestaccomplinepeutêtrequ’uneréponseet

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  • foilaplusintensenesauraitlagénéreretcen’estpaslerésultatd’un effort prodigieux d’ascèse ni d’une technique bien aupoint. Ce n’est donc jamais un acquis, ni un état que l’onpourraitcréerpuisdupliquersimplementenfaisantcequ’ilfaut.La capacité de communiquer cette expérience s’avère alors

    unegrâcesupplémentaire,quiestd’unordreencoredifférentetn’accompagne pas automatiquement celles de la foi et del’illuminationpersonnalisée.Combiendesaintsauthentiquesnerestent-ilspasanonymesounesombrent-ilspasrapidementdansl’oublideshommes !Mais celademeure le secretdeDieu,unaspectdumystère,uneréalitéqu’ilfautdoncnommermystique.L’incapacité totaleoupartiellededécrirecequiestéprouvéneprouveaucunementquecenesoitrienqu’uneillusion.Enfait,le don de partager oralement, par écrit ou par des actes decharité les vérités de foi que l’on a perçues n’est pas unprivilège,maisunmoyenutiliséparDieuensusdessacrementset de sa Parole, car le destinataire et bénéficiaire n’est pas lapersonnequis’exprime,maistousceuxdontlafoiestéclairéeetapprofondieparcestémoignages.Dans chacun des trois aspects de la vie mystique (foi,

    expérienceetcommunication),Dieucommetoujoursgardedoncl’initiative.Iloctroieàquiilveut(ycomprisàdeslaïcs)lagrâcedeguiderparl’exempleetl’enseignementdanslaviespirituelleuniquementpourautantquecelacontribueàédifierleCorpsduChrist, en initiant plus profondément à son mystère toujoursplus d’êtres humains et en faisant ainsi d’eux des mystiques,mêmes’ilssontincapablesderacontercequileurarriveetnelesaventqueparunehumblefoi.Lesexpériencessontinnombrables,mêmesiellesnesontpas

    toutesconnues, et les leçons tiréesde leur récit sont légion. Ilrevient à l’institution ecclésiale d’en authentifier et relayeréventuellement les bienfaits afin de les intégrer à la Tradition

  • pardesbéatificationsetdescanonisations,voireenproclamanttelou telle (commelesdeuxThérèse–d’AvilaetdeLisieux–ainsi que Catherine de Sienne) « docteur de l’Église ». Lediscours sur Dieu fondé sur une connaissance directe vaut eneffet largement le travail intellectuel et l’alimentemême.Qu’ils’agisse de contemplatifs ou d’actifs charitables, cependant, iln’est jamais question de fabriquer des saints ni d’imposer desmodèles, et seulement de reconnaître leur rayonnement pourl’accroître.(Surtoutceci,voir19,chapitreXIetXII,etaussi36,spécialement leschapitresXIII,XIV,XVIIetXI,demêmeque42ettoutel’Histoiredelaspiritualité).

  • L

    ChapitreIVL’ÉgliseetlaTrinité

    a figure de l’Église a irrésistiblement commencé deprendreformedanscequiprécèdelorsqu’ilaétéquestionde la Tradition qui transmet la Parole de Dieu, de la

    liturgie et des sacrements avec la fonction apostolique etpresbytérale, ainsi que des différents « états » (baptismal,sacerdotal et religieux) de vie chrétienne et, pour finir, de lamystique.Le P. Bouyer ne revendique pas d’originalité avec son

    «ecclésiologie».Dansl’«Introduction»dusecondvolume(30)du premier triptyque « économique » (anthropologie : 14,sociologie : 30, cosmologie : 38) de sa grande synthèsedoctrinalesur leprojetdivin, ildéclarese reconnaîtredans lestravauxdesPP.HenrideLubac,s.j.etYvesCongar,o.p.Àsesyeux, l’Église n’est pas « première » et, si la définition et lacompréhensiondecequ’elleestontposémaintsproblèmesaufildessièclesetenposentencore,lessolutionssetrouventbienen amont : dans l’étudede l’histoire et de la spiritualité, dansl’interprétation des Écritures (y compris l’Ancien Testament),danslachristologieetlacompréhensionduDieuuniqueentroispersonnes, dans la théologie des sacrements (et spécialementl’Eucharistie)… C’est en effet aux lumières puisées dans cesdifférents domaines bien plus fondamentaux que doivent êtretraitées les questions qui concernent directement l’Église :succession apostolique, primauté du pape, structurehiérarchique,collégialité,diversitédesministères,desmissionset des vocations, unité du Corps du Christ et pluralité desÉgliseslocales,œcuménisme,rapportsavecle«monde»etles

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  • L’

    ChapitreVUnionetféminité

    œcuménismeestbiensûrunaspectdel’«ecclésiologie».Ilconsisteàcommencerpar reconnaîtred’abordque leChristnepeutavoirqu’unseulCorpsetqu’ilnepeutexisterqu’unseulTemple,faitde«pierresvivantes»,del’uniqueEsprit,puisquel’unitén’estpasréaliséeetqu’ilestimpossibled’enprendresonparti.Il y a là une motivation, si ce n’est un devoir, dont Louis

    Bouyer a toujours eu conscience, avantmême son passage duluthéranisme au catholicisme romain. Dans sa jeunesse, ilfréquente aussi bien d’autres protestants (qui sont loin d’êtred’accordentreeux)quedesorthodoxesetdes«papistes»,etiln’est pas insensible aux charmes de l’anglicanisme. Ce quil’intéresse chez tous ces « frères séparés », ce sont lesperspectivesqu’ilsouvrentdans lacompréhensionde laParoledeDieuetdanslavieliturgiqueetspirituelle.C’estunprincipeénoncédès ledébutdeDuprotestantismeà l’Église (10,page2):«Onnedoitpas[…]jugerunereligion[…]surcertainessystématisations livresques. Il faut se rappeler qu’elle est uneaffairedevieet c’estdans lescommunautésoùelle est vécuequ’ilfauts’efforcerdeladécouvrir.»Une enquête honnête, sans préjugés hérités d’ignorances

    réciproquesàlasuitedevieillesruptures,permetd’identifiercequirested’authentiquementchrétienchez«lesautres».Ilpeutmêmeyavoir làdes facettesoudes approchesdumystèrequel’onaoubliéesouminimiséeschezsoi.Autrementdit,ilexistedans toute Église des « principes positifs » et même deslumièresquipourraientêtremieuxpartagées.

  • Cen’estpasseulemententhéorie,dansseslivresportantplusdirectement sur l’œcuménisme (10, 18), que le P. Bouyer lemontre, mais par des exemples concrets, dans le troisièmevolume de sonHistoire de la spiritualité (25), consacré auxmystiques protestants, anglicans et orthodoxes. Pour ne citerquecertainsdesauteursetmouvementsdontlerayonnementluiparaît franchir les frontières de leur « confession » ou« dénomination », les Richard Hooker (1554-1600) et JohnDonne (1572-1631), les poètes « métaphysiques » GeorgeHerbert (1543-1633), Henry Vaughan (1622-1695) et ThomasTraherne (1636-1674), les « platonistes » de Cambridge ainsique leméthodismeenGrande-Bretagne, lepiétisme, lesFrèresmoravesetGerhardTersteegen(1697-1769)enEuropeduNord,etpourl’orthodoxiesaintNicodèmedel’Athos(1748-1809)enGrèce et en Russie Païssy Velitchkhovsky (1722-1794), saintSéraphin de Sarov (1759-1833, présenté comme unecombinaisondeFrançoisd’AssiseetduCuréd’Ars–25,page71) et enfin les Récits d’un pèlerin apparaissent comme desmaîtres ou des écoles qui peuvent relancer et nourrir toute viechrétienne.Lesicônesdel’Orientchrétiens’avèrentdemême,pourleP.

    Bouyer, avoir une valeur universelle (41), de même que lesintuitions théologiques du P. Serge Boulgakov (1871-1944)qu’il rencontra Paris pendant ses études. Les souvenirs (37)gardésde longspériplesentre1966et1974versAthèneset laGrècede l’antiquitépréchrétienne,Constantinople (lanouvelleRome) et Moscou (la troisième) témoignent pareillement quedestrésorsdefoi,d’intelligenceetdebeautépeuventêtreglanésdansd’autrestraditions.

    A.L’œcuménismecatholique

  • Aucune optimiste myopie ne découle pourtant de cespossibilitésimmédiatesdecommunionspirituelle.Ilnes’agitlàen effet que d’un œcuménisme inachevé. Non que lesretrouvailles soient superficielles. Mais, si elles ne manquentpas de profondeur, c’est en quelque sorte l’épaisseur ou laconsistancequifaitdéfaut.Telqu’ilaétélancéaudébutduXXesièclepardesprotestants

    suédois et anglophones, puis par des orthodoxes (dontfinalement les Russes contrôlés par le régime soviétique),l’œcuménisme se limite à constater et préciser ce qui estcommun, approfondir la connaissance mutuelle et développerdes échanges et des coopérations ponctuelles. C’est déjà uneavancéeconsidérableparrapportauxdéfiancesetauxhostilitésdu passé.Mais les institutions ainsi créées ne constituent pasuneuniqueÉglise.Chaque«confession»ou«dénomination»garde son indépendance et s’en satisfait – y tient mêmejalousementetn’anuldésird’intégrerunensembleplusvaste.Pas question donc d’aller plus loin en reniant les autonomiesfaçonnées par l’histoire, qu’il s’agisse d’Églises nationales oudel’autoritédefondateursrésolumentdissidents.L’œcuménisme catholique est bien plus ambitieux. S’il a

    d’abordétélefaitd’initiativesindividuelles–commecellesdel’abbé Paul Couturier (1881-1953) et de Dom LambertBeauduin, si cher au P. Bouyer (23) –, il a été assumé parVaticanIIavecledécretUnitatisRedintegratioetlacréationduSecrétariatpourl’Unité.Laclédecetœcuménismeestlanotiondecatholicité:ilnepeutyavoirqu’uneseuleÉglise,universelledansl’espacecommedansletemps,oùtouteslesparticularitésaussibien localesqu’historiquespeuvent trouverplace,pourvuqu’ellesnesedétachentpasdelatradition–autrementditdelachaînedetransmissionquis’originedansleChristlui-mêmeet

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  • cherNewman,quiapubliépoèmesetromans(LossandGain,1848 ; Callista, 1855), il ne dédaignera pas de s’essayer àl’expression lyrique et narrative. La manifestation la pluspubliqueestsansdoutele«Prélude»deCosmos(38,pages11-19).Ilyrelatedeuxexpériencesquil’ontmarqué:l’uneàl’âgedetreizeendécouvrantlesitevasteetriantdeSancerredanslavalléedelaLoire;l’autredanssonâgemûr,auborddelamer,plusaustèremaisnonmoinsgrandiose,àBivilledans lenord-ouestduCotentin.Àcesecondmomentprivilégiésontassociéesdeuxgamines,

    deux cousines, filles d’amis qui les lui ont confiées pour desvacances.IlleurlitLaPetiteSirèned’HansChristianAndersen(1805-1875) et d’autres classiques de la littérature enfantine,puis se met à leur raconter lui-même des histoires glanées aulong de ses multiples voyages et rencontres. Ces récits sontrassemblésdansLesHespérides (d, sous un pseudonyme, afindenepasrevendiquer,pourcetteœuvre«privée»,laréputationque lui vaut son « métier »). Il tient également ses jeunesauditrices en haleine avec les histoires tournant autour du roiArthuretdelaTableronde,queluiarévéléeslepoètevictorienAlfred,lordTennyson(1809-1892).Ilemmènesesprotégéesenvisiter les théâtres, àBrocéliande au cœur de laBretagne et àl’abbaye de Glastonbury dans le Somerset anglais, ce quidonneraLesLieuxmagiquesdelalégendeduGraal(44),cettefois sous son nom, puisque cette étude a une dimensiond’érudition universitaire (le sous-titre est L’Imaginairemédiéval),même si elle résulte d’un engagement intime.Maisn’est-ce pas aussi le cas pour les ouvrages plus«professionnels»?(Voirci-dessusIntroduction,A,5).Quand ces livres paraissent dans les années 1980, le P.

    Bouyervientdepublier,déjàsousunnomd’emprunt,unromantrès personnel, en partie autobiographique : Prélude à

  • l’Apocalypse ou les derniers chevaliers du Graal (c). Sacapacité visionnaire et mystique s’y déploie, aussi bien qu’unréalisme sans merci, avec un sens du comique plus souventproche de la verve rabelaisienne que du distingué humourBritishetuneallégressedeconteurintarissable.Bien plus tôt, il a déjà signé sous des pseudonymes deux

    romans. Le premier est un roman « psychologique » dans latradition britannique (a), accepté sur la recommandation duphilosopheGabrielMarcel(1889-1973)parFernandAubier,quia fondé en1924 les éditionsMontaigne et devient un ami.Lesecondestunrécithistorique,autempsdesGuerresdereligion(b).L’unetl’autretraduisent,sansdoutepluséloquemmentqueles travaux théologiques (10, 18), à travers des péripétiesagrémentées de relations amoureuses les tensions intimementvécuesdanslepassageduprotestantismeaucatholicisme.

    C.Humanisme?Ce qui précède, néanmoins, n’est que la description très

    schématique d’une sensibilité et un inventaire succinct del’activitéqu’elleasuscitée,etnonlaprésentationd’unepenséestructurée. Le P. Bouyer n’a guère théorisé la dimensionculturelledesonœuvre,mêmedanssonlivreplusdidactiquesurlaquêteduGraal(44).SesmotivationstransparaissenttoutefoisdanssesétudessursaintPhilippeNéri(4),Érasme(13)etsaintThomasMore(40),ainsiquedanssonDictionnairethéologique(24).

    1.Unmoten«-isme»Danscedernier,c’estl’article«Humanisme»qu’ilconvient

    de regarder d’abord. C’est en effet sous ce vocable que l’on

  • désigne habituellement toute philosophie visant à permettre leplein épanouissement de l’homme, sur le plan personnel etspirituel (ludique et onirique, mais pas forcément religieux),aussi bien que matériel et collectif (bien-être et relationssociales).LeP.Bouyer relève lesambiguïtésdu terme,crééenfait non pas pendant laRenaissancemais auXIXe siècle. Toutdépenddelaconceptiondel’humanitéquiestsous-entendue.Sitoute référence à Dieu est gommée, si le terme implique unerevendication d’autonomie, d’auto-définition, voire d’auto-redéfinition, l’« humanisme » est incompatible avec la foichrétienne,oùl’hommeestcrééparetpourDieu.Cequiempêchecependantderejetertotalementcemoten«-

    isme », c’est d’une part que l’« économie » divine fonde unevision dynamique de l’homme, et d’autre part qu’avecl’apparitionduracismeauXIXesiècle,desidéologiesauXXeetaujourd’hui des tentations (voire des tentatives) eugénistes(visantàaméliorerl’espècegrâceàdespercéestechnologiques),l’unitédugenrehumain,l’égalitédetousceuxquilecomposeetla liberté de chacun sont menacées. L’Église se voit du coupamenée à défendre ces vérités en insistant sur leur caractèreobjectif et universel et en coopérant avec ceux qui lesreconnaissentmêmes’ilsnepartagentpassafoi.Notonsiciqueparlerde«vérités»estassurémentpréférable

    àinvoquerdes«valeurs»,mêmesinombredecroyantslefontsans réfléchir, car ce que vaut quelque chose suppose unétalonnageàautrechose,quinepeutêtrequebiensubjectifetsuspect quand il s’agit de réalités indépendantes de laconceptionquel’onenaetdesprojetsquel’onpeutvainementnourrir de les perfectionner. Autrement dit, lorsqu’il s’agitd’idéesetd’idéaux, lavaleurest toujoursajoutée, alorsque lafoin’ajoutestrictementrienàcequ’ellereçoitpouryadhérer.

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  • Tabledesmatières

    Introduction

    Unevie

    Unitinéraireetuneœuvre

    A.Sixorientationsfondatrices1.L’Écritured’abord2.LesPèresdel’Église3.Laliturgieaucœurdelaviechrétienne4.Éducationethumanisme5.Lemodèlemonastique6.L’histoireetleprésent

    B.Lagrandesynthèsedoctrinale

    C.Encoredeuxtrilogies

    ChapitrepremierPhilosophieetanthropologie

    A.Lapercéedelaphénoménologie

    B.Sacréetsacrifice

    ChapitreIIDelaliturgieàlathéologie

    A.LeSalutdansl’amouretnonl’autopunition

    B.Lelangage,àl’imagedeDieu

  • ChapitreIIIParoledeDieuetviechrétienne

    A.L’Écritureaucœurdelavie1.Danslaliturgie2.Auquotidien3.Danslaprière

    B.Uneouplusieursspiritualitéschrétiennes?

    C.Lesformesdiversesdelaviespirituelle1.LirelaBible2.Lessacrements3.L’ascèse4.Lamystique

    ChapitreIVL’ÉgliseetlaTrinité

    A.LeCorpsduChrist

    B.LeTempledel’Esprit

    C.UnseulDieuentroispersonnes1.LePère,leFilsetl’Esprit2.Dieuennous

    ChapitreVUnionetféminité

    A.L’œcuménismecatholique

    B.Féminitédel’Égliseetdel’humanité

    C.LaVierge-Mère

  • ChapitreVICatholicité

    A.Théâtreetpoésie

    B.L’imaginaire

    C.Humanisme?1.Unmoten«-isme»2.L’espritd’enfance

    ConclusionUnhéritageàs’approprier

    Bibliographie

    I.LivresdeLouisBouyer

    II.Autrespublications

    III.PrincipalespublicationsenfrançaissurLouisBouyer

  • 1 Les numéros (de 1 à 47) ou lettres (de a à d) entre parenthèses et enitaliques renvoient aux publications du P.Bouyer répertoriées dans labibliographieenfindevolume.Lescitationsdecesouvragessontci-dessousenitaliques.