Louga infos 112 der

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n°112 septembre 2011 100 FCFA iNTeRVieW - MaMaDOu DiOP, PROFesseuR aGReGe, DiReCTeuR De l’iNsTiTuT Du CaNCeR JOliOT-CuRie De l’hOPiTal aRisTiDe le DaNTeC « Au Sénégal, plus de 18% des femmes sont infectées par le virus hpv RESPONSABLE du cancer du col de l’utérus » Si seulement 1 à 2% des femmes infectées par le papillomavirus, principal vecteur du cancer du col de l’utérus, vont développer ef- fectivement un cancer du col de l’utérus, près d’un quart de la po- pulation féminine sénégalaise est en contact direct avec le virus. Ce qui situe le cancer du col de l’utérus au premier rang des cancers en termes de fréquence tout sexe confondu. La situation est d’autant plus grave que les symptômes de cette pernicieuse affection ne sont pas visibles au stade précoce. La prévention doit donc reposer sur un dépistage régulier qui doit s’effectuer tous les trois ans pour les femmes âgées de 25 à 65 ans. D’où la nécessité d’une campagne de sensibilisation sur ce tueur silencieux. Lire en page 10 Le débat actuel sur l’attribution par les services de l’Etat à un promoteur privé d’une portion de la réserve foncière située sur la zone dite de la bande verte relève plus du règlement de comptes entre politiciens que d’une ap- proche rationnelle de la gestion de l’espace communal. Tout porte à croire que le promoteur privé en question, en l’occurrence la SUARL Souris Immo- bilier, est en train de faire les frais de querelles entre l’ancienne et la nou- velle administration communale sur fond de tractations peu amènes et de chantages larvées. Lire en page 4 La disqualification des politiques et des Marabouts Un Sénégal nouveau est en train de naître. Le 23 juin, la rue a renvoyé tout le monde à ses pénates. Les institutions d’abord. Le Président de la Répu- blique a été proprement disqualifié comme ins- tance de gouvernance. Le Parlement, mis en joue et sommé de respecter la vo- lonté du peuple. Ensuite les Ordres. La classe poli- tique ne pouvait que faire profil bas devant la rue, se prosternant à l’ultime seconde comme l’a fait le pouvoir, ou, jouant les chiffonniers du soir dans les médias comme l’a fait l’opposition. Les guides religieux ont joué aux mé- decins après la mort, ce qui augure d’un processus de mise à l’écart de la reli- gion dans les affaires reli- gieuses. Quand la revendication de l’égalité sociale prend cette am- pleur, c’est tous les ordres qui en reçoivent les contrecoups. ReVOluTiON CiTOyeNNe au seNeGal ATTRIBUTION DE LA BANDE VERTE Un promoteur privé victime de chantages larvés CYAN MAG. JAUNE NOIR Amin’ta se la joue trop facile. Depuis le début de l’hi- vernage, les Lougatois vivent un véritable calvaire. Pas une seule route praticable dans la ville. Les eaux stagnantes envahissent les points bas. Les inondations perturbent le quotidien des popula- tions. Tandis que Aminata Mbengue Ndiaye se tourne les pouces à la mairie. Quand on l’interpelle sur la question, elle a beau jeu de répondre que les principales routes excavées ne relèvent de la compétence de commune mais plutôt de l’ATR. P.3 Samba Khary Cissé « informalise » le Conseil régional. De Samba Khary Cissé, on n’a jamais attendu des mira- cles. On savait que la présidence du Conseil régional que lui avaient trouvé ses mentors du palais présidentiel n’était qu’un marocain pour le consoler de la mairie que l’on n’a jamais osé lui donner. Mais on pouvait légitimement penser qu’il allait au moins gérer le Conseil Ré- gional comme ses prédécesseurs. C’était se faire des illusions. Samba Khary a « informalisé » l’institution en créant par fournées des GIE à qui il a donné tous les marchés. P.3 Une culture soufi métissée au flamenco Cheikh MbaCké Guèye alias Cheikh baye Fall P.12 P.12 Mensuel d'informations générales - ISSN 08504331 Lire notre dossier en pages 5-8 La disqualification des politiques et des Marabouts

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n°112septembre 2011

100 FCFA

iNTeRVieW - MaMaDOu DiOP, PROFesseuR aGReGe,DiReCTeuR De l’iNsTiTuT Du CaNCeR JOliOT-CuRie

De l’hOPiTal aRisTiDe le DaNTeC

« Au Sénégal, plus de 18% des femmes sont infectées par

le virus hpv RESPONSABLE du cancer du col de l’utérus »Si seulement 1 à 2% des femmes infectées par le papillomavirus,

principal vecteur du cancer du col de l’utérus, vont développer ef-

fectivement un cancer du col de l’utérus, près d’un quart de la po-

pulation féminine sénégalaise est en contact direct avec le virus. Ce qui situe le cancer

du col de l’utérus au premier rang des cancers en termes de fréquence tout sexe

confondu. La situation est d’autant plus grave que les symptômes de cette pernicieuse

affection ne sont pas visibles au stade précoce. La prévention doit donc reposer sur un

dépistage régulier qui doit s’effectuer tous les trois ans pour les femmes âgées de 25 à

65 ans. D’où la nécessité d’une campagne de sensibilisation sur ce tueur silencieux.

Lire en page 10

Le débat actuel sur l’attribution par les services de l’Etat à un promoteurprivé d’une portion de la réserve foncière située sur la zone dite de la bandeverte relève plus du règlement de comptes entre politiciens que d’une ap-proche rationnelle de la gestion de l’espace communal. Tout porte à croireque le promoteur privé en question, en l’occurrence la SUARL Souris Immo-bilier, est en train de faire les frais de querelles entre l’ancienne et la nou-velle administration communale sur fond de tractations peu amènes et dechantages larvées.

Lire en page 4

La disqualificationdes politiques et des Marabouts

Un Sénégal nouveau esten train de naître. Le 23juin, la rue a renvoyé toutle monde à ses pénates.Les institutions d’abord.Le Président de la Répu-blique a été proprementdisqualifié comme ins-tance de gouvernance. LeParlement, mis en joue etsommé de respecter la vo-lonté du peuple. Ensuiteles Ordres. La classe poli-tique ne pouvait que faireprofil bas devant la rue,se prosternant à l’ultimeseconde comme l’a fait lepouvoir, ou, jouant leschiffonniers du soir dansles médias comme l’a faitl’opposition. Les guidesreligieux ont joué aux mé-decins après la mort, cequi augure d’un processusde mise à l’écart de la reli-gion dans les affaires reli-gieuses. Quand larevendication de l’égalitésociale prend cette am-pleur, c’est tous les ordresqui en reçoivent lescontrecoups.

ReVOluTiON CiTOyeNNe au seNeGal

ATTRIBUTION DE LA BANDE VERTE

Un promoteur privé victime de chantages larvés

CYAN MAG. JAUNE NOIR

Amin’ta se la joue trop facile. Depuis le début de l’hi-vernage, les Lougatois vivent un véritable calvaire. Pas une seuleroute praticable dans la ville. Les eaux stagnantes envahissent lespoints bas. Les inondations perturbent le quotidien des popula-tions. Tandis que Aminata Mbengue Ndiaye se tourne les poucesà la mairie. Quand on l’interpelle sur la question, elle a beau jeude répondre que les principales routes excavées ne relèvent dela compétence de commune mais plutôt de l’ATR. P.3

Samba Khary Cissé « informalise » le Conseilrégional. De Samba Khary Cissé, on n’a jamais attendu des mira-cles. On savait que la présidence du Conseil régional que lui avaienttrouvé ses mentors du palais présidentiel n’était qu’un marocain pourle consoler de la mairie que l’on n’a jamais osé lui donner. Mais onpouvait légitimement penser qu’il allait au moins gérer le Conseil Ré-gional comme ses prédécesseurs. C’était se faire des illusions. SambaKhary a « informalisé » l’institution en créant par fournées des GIE àqui il a donné tous les marchés. P.3

Une culture soufimétissée au flamenco

Cheikh MbaCké Guèyealias Cheikh baye Fall

P.12

P.12

M e n s u e l d ' i n f o r m a t i o n s g é n é r a l e s - I S S N 0 8 5 0 4 3 3 1

Lire notre dossier en pages 5-8

La disqualificationdes politiques et des Marabouts

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Peinant à porter sa charge de ca-pitale régionale, Louga se voitreléguer à des strates secon-daires, soutenant douloureuse-ment la concurrence manifeste

que lui imposent ses voisines. Si son consi-dérable patrimoine immatériel demeure en-core intact dans les limbes du substratculturel, la ville a perdu ses défricheurs d’es-paces culturels nouveaux, ses semeursd’idées neuves, cette foi dont parle Senghoret qui a lui a valu d’avoir été une locomotivedans le développement du Sénégal. La ville

qui peut se vanter d’avoir très tôt explorédes horizons nouveaux par ses hommes po-litiques qui se caractérisaient par leur ouver-ture au reste du monde, par ses artistes quiont sillonné le monde entier, ne peut au-jourd’hui se prévaloir que du FESPOP.Certes, la manifestation a pris de l’ampleurces dernières années, elle polarise ce qui sefait de mieux dans le domaine folkloriquemais elle ne peut suffire à la ville. Les Lou-gatois se doivent de réapprendre à produiredu culturel, à former des hommes capablesde réaliser les plus grandes œuvres. La lec-

ture du livre d’or de la ville est éloquente àcet égard. Quelques feuilles après l’hom-mage de Senghor, on retrouve le témoi-gnage de Amadou Moctar Mbow qui, autitre de Directeur général de l’UNESCO,écrivait : « J’ai été particulièrement heureux de vi-siter la commune de Louga où j’ai passé mon en-fance et une partie de mon adolescence, d’y voir tantde lieux et de visages connus. Y être reçu à la mu-nicipalité par un maire dont la famille a été si liéeà la mienne a été aussi pour moi un grand sujet desatisfaction. C’est sur cette terre que j’ai acquis lesplus profondes convictions qui guident encore mon

action au service de la communauté internationale.A cette terre qui m’a vu grandir, qui m’a instruit,qui m’a appris à affronter les difficultés avec séré-nité, je voudrais témoigner aujourd’hui ma très pro-fonde reconnaissance et mon fidèle attachement ».Ces mots valent viatique pour tous les Lou-gatois qui aujourd’hui envisagent de s’enga-ger dans l’action publique. Il seraitdommage que subsiste le paradoxe extraor-dinaire de Louga qui a donné au Sénégal unprésident de la République et qui a vu sousson règne sa splendeur prendre la clé deschamps.

Le 23 janvier 1973, le Président Léopold Sédar Senghor

écrivait dans le livre d’or de la mairie : « A la ville de Louga

d’où est parti le mouvement de jeunesse, de foi et de travail

qui a donné naissance à la IIème République ». L’exhuma-

tion de cet hommage montre à quel point la ville de Louga

a perdu de son lustre en l’espace de quelques années. Jadis,

carrefour d’échanges, de rencontres, de circulation des

hommes et des idées, Louga s’est aujourd’hui installée dans

une indolence maladive.

L’hommage de Senghor et le viatique de Amadou Makhtar Mbow

PESTICIDES

LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

Dans le rétroviseur

GROUPE LOUGA COMMUNICATION“GLC” 19, AVENUE

AHMADOU SAKHIR MBAYE - SANTHIABA CENTRE LOUGA - SÉNÉGAL - ISSN 08504331 TÉL. 609 95 12

FONDATEUR ÉDITEUR

ABDOULAYE BAO

CONSEILLER DE LA RÉDACTION

MOUSTAPHA SARR DIAGNE

MAQUETTE & MISE EN PAGES

SYNTHESIS © +221 77 641 68 37

ASSISTANTE PAO

MAME FATOU NDIAYE BAO

lOuGa a PeRDu De sa sPleNDeuR

Le train sifflait toujours trois fois. Tous les Lou-gatois qui ont quelque peu blanchi de la têtese souviennent de ces moments inoubliablesoù le vécu quotidien concordait avec le titred’un célèbre film western. C’est le PrésidentSenghor himself qui avait inauguré le célèbretrain Arigoni (voir notre photo 1) du temps oùla vie de la commune se rythmait aux départset aux arrivées du train. Senghor avait même

l’habitude de le prendre ce fameux train pourconvoyer ses visiteurs officiels. Sur notre photo2, on le revoit en compagnie de Modibo Kéitaà la gare de Louga lors d’une tournée écono-mique de l’ancien président du Conseil de gou-vernement de la Fédération du Mali.Avec Wade, les Lougatois avaient cru que letrain serait de retour. Que les rails, partis àla ferraille, parcourraient de nouveau la ré-gion. Que ces trains seraient de superbesbolides à grand écartement sillonnantcomme des météores la brousse lougatoise.

On y a avait cru et on a eu tort.Senghor et Modibo étaient accompagnés deleurs épouses. Dans ce Louga des premièresannées de l’indépendance, le faste était tou-jours au rendez-vous. Voici le charme de Co-lette Senghor et l’élégance toute africaine deMme Kéita. Après Colette qui avait renducomplexée la Reine Elisabeth d’Angleterre lorsde sa mémorable visite au Sénégal, on aime-rait avoir aussi un jour au palais de la Répu-blique une grande dame africaine commecelle que nous voyons sur notre photo 3.

Quand le train sifflait…

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De Samba Khary Cissé, on n’a jamais at-tendu des miracles. On savait que la pré-sidence du Conseil régional que luiavaient trouvée ses mentors du palaisprésidentiel n’était qu’un marocain pour

le consoler de la mairie que l’on n’a jamais osé luidonner. Mais on pouvait légitimement penser qu’ilallait au moins gérer le Conseil Régional commeses prédécesseurs. C’était se faire des illusions.Samba Khary a « informalisé » l’institution encréant par fournées des GIE à qui il a donné tousles marchés. On en veut pour preuve le gardien-nage qu’il a confié à un GIE qui ne dispose mêmepas d’agrément au niveau du ministère de l’Inté-rieur. Résultat : les factures déposées par le GIE nepeuvent pas être traitées par le trésorier payeur del’Etat et les gardiens ont du mal à percevoir leurssalaires. Il fallait voir ces pauvres veilleurs de nuità la veille de la korité, ils étaient à la recherched’une ancien photographe devenu un grand four-nisseur de la place et sauveur du Conseil régionalpour avoir de quoi passer la fête. Il est d’ailleurs denotoriété publique que les factures des GIE ensouffrance sont légion sur le bureau du payeur.Voilà bien une preuve manifeste d’incompétencequi mériterait une délégation spéciale. Mais l’amiBathie a le bras long et l’oreille de gens haut placésà la Présidence. Louga mérite mieux que ça.

LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

buzzlougade

Il faut parier que le Président A

bdoulaye Wade ne connaît rie

n à la

ville de Louga. Après avoir fait d

e Moubarack Lô un ministre con

seiller

éphémère qui ne refuse même

aujourd’hui de se prévaloir d’

une dis-

tinction aussi fugace, revoilà

qui remet en selle l’ancien

député

Momar Lô pour en faire un m

inistre. Une nomination qui, d

’ailleurs,

a été faite en catimini, sans auc

une annonce officielle. Il faut p

eut-être

se payer le journal officiel aux c

aractères extrêmement petits po

ur dé-

busquer l’annonce de cette no

mination. Me Wade qui en est t

oujours

à ses considérations datant de

Mathusalem pense que, pour

tenir la

ville de Louga, il lui faut néce

ssairement avoir quelqu’un da

ns la fa-

mille Lô. C’est une hérésie. La

configuration de la ville s’est c

onsidé-

rablement modifiée sociologiq

uement. Plus personne ne se

réfère à

cette désuète hiérarchisation

sauf peut-être quelques uns

de ses

conseillers complètement dép

hasés. Avec ces dominations

qui ne

sont même pas perceptibles à

louga, Wade est en train de com

mettre

les erreurs en spirale.

En marge d’une audience au palais, le Président Wade avait promis à votre serviteur de participer à la priseen charge de la construction de la grande mosquée de Louga. Joignant le geste à la parole, il avait d’ailleursdépêché l’architecte officiel du palais Ousseynou NDiaye pour effectuer une mission d’évaluation à Lougaafin de lui rendre compte de ce qui devait être effectivement fait pour que la capitale du Ndiambour ait unegrande mosquée digne de sa renommée de centre religieux. Mais quand ce dernier est venu à Louga, il aété orienté orienté vers une autre mosquée qui ne nécessitait aucune réfection. Depuis lors, le dossier esten l’état. Plus personne n’en a plus fait cas. Aujourd’hui, ce sont les populations par le canal d’un comité degestion de la grande mosquée qui en ont marre des promesses non tenues de Wade qui ont décidé deconstruire de leurs mains avec leur propre argent cette grande mosquée. Le premier palier a déjà été réalisé,le second le sera très prochainement. On ne va tout de même pas attendre Wade pour pouvoir prier Dieudans des conditions décentes.

Etonnante reconversion quecelle de certains anciens foot-balleurs de l’équipe du Ndiam-bour. Deux d’entre eux onttroqué le ballon rond avec lechapelet. Ils sont aujourd’huidans les mosquées et s’occu-pent de vaquer aux affairescourantes. Qui nous disait quele football éloigne de la reli-gion. Ces anciens joueurs duNdiambour sont en train debattre en brèche la fameusethéorie des intégristes quibannissent toute activité lu-dique au prétexte qu’elles dé-tournent l’homme de foi. Voilàqui s’appelle marquer un but etengranger des points en vuedu décompte final, le seul qui,du reste, mérite qu’on y prêteattention.

Depuis le début de l’hivernage, les Lougatois vivent un véritable

calvaire. Pas une seule route praticable dans la ville. Les eaux

stagnantes envahissent les points bas. Les inondations pertur-

bent le quotidien des populations. Tandis que Aminata

Mbengue Ndiaye se tourne les pouces à la mairie. Quand on

l’interpelle sur la question, elle a beau jeu de répondre que les

principales routes excavées ne relèvent pas de la compétence

de commune mais plutôt de l’ATR. On ne comprend pas pour-

quoi elle se défausse si facilement sur l’Etat central. Si au moins

elle avait pu combler les nids de poule sur ce qui appartient au

domaine communal, on comprendrait. Mais Amin’ta la joue

trop facile. Pour l’instant, elle a, semble-t-il, d’autres préoccu-

pations qui n’ont rien à voir avec l’amélioration des conditions

de vie de ses administrés.

Amin’ta se la joue trop facile

Les points des « reconvertis »

On n’attend pas Wade pour prier Dieu

Samba Khary Cissé« informalise »

le Conseil régional

Les erreurs en spirale de Wade

Edmond HanneIbou Ndao Diaw

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LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

Vie de la Cité

CYAN MAG. JAUNE NOIR

Revenons à la genèse decette affaire. Aux termesdu dernier plan directeurd’urbanisme de la com-mune de Louga, cette

zone dite de la bande verte devait ser-vir de poumon vert pour la ville. Elles’étalait sur deux kilomètres de long etsur cent mètres de large et avait étéaménagée à l’occasion de l’exécutiondu Programme Indépendance de 1982.Elle s’insérait dans une politiqued’aménagement globale de la com-mune en conformité avec le Plan direc-teur d’aménagement conçu en 1978.Pour sa réalisation, 150 familles quioccupaient cette emprise avaient étéexpropriées puis reclassées dans desquartiers périphériques de la ville. Desmoyens significatifs ont été mis enœuvre pour réaliser ce poumon vert dela ville de Louga. Ainsi pendant cinqans, deux camions citernes ont été mo-bilisés pour l’arrosage des plants quiavaient été mis en terre sur les lieux.Au final, la bande verte était devenueun terrain de jeux pour les jeunes desquartiers environnants, une sorte debois au cœur de la ville qui rompaitd’avec un paysage environnant mar-qué par l’avancée du désert. Mais trèstôt, le mal chronique de l’administra-tion sénégalaise pris le dessus sur lesbonnes pratiques. L’entretien de labande fut stoppée, les arbres coupéespar les charbonniers, le site trans-formé en dépotoir et laissé en jachèreen guise de terrain de vagabondagedes rats. C’est sur ces entrefaites quele déclassement du site est intervenuet une série de morcellements ont étéeffectués. Certains privés ont pu béné-ficier de lots tandis que la mairie s’estréservée l’espace où elle a édifié la casedes tout petits et un terrain de basket.

C’est en 2006 que, remarquant quel’état de délabrement avancée de ladite bande verte que El Hadji Modou

Fall, propriétaire de la SUARL SourisImmobiliers qui revenait d’Espagne,s’est ouvert au maire de l’époque Ma-niang Faye d’un projet de constructiond’un complexe d’un coût global de 2milliards de francs Cfa comprenantune cité de 138 villas, un centre com-mercial et un hôtel. A l’époque, lemaire Maniang Faye qui percevaitdans la réalisation de ce projet desavantages certains pour la communede Louga –et peut-être, l’histoire nousle dira, quelque intérêt particulier àson accomplissement -, a balisé le che-min pour El Hadji Modou Fall. C’estsur ses conseils que le promoteur privéa pris l’attache des services compé-tents de l’Etat pour obtenir un bail surla portion de cette bande verte qui fai-sait office de dépotoir d’ordure. Toutesles démarches entreprises, la SUARLSouris Immobilier a pu bénéficier de lapart de la mairie de Louga d’un avisfavorable pour l’affectation de ce site àsa société.

C’est ainsi que les services de l’Etatchargés de veiller sur le domaine del’Etat, en l’occurrence la Commissionde Contrôle des Opérations doma-niales logée au ministère des Fi-nances, a au terme d’une délibérationen sa séance du 17 décembre 2007,émis un avis favorable à la demandede régularisation, par voie de bail,d’un terrain du domaine privé del’Etat, sis à Grand Louga, dépendantdes titres fonciers 1.405/L et 1.406/L àla SUARL Souris Immobiliers. Il fautnoter que l’acte d’attribution signé dela main du Directeur de l’Enregistre-ment et du Timbre, Ibrahima Wades’est faite à la suite de l’examen d’unrapport des services techniques décon-centrés et de l’avis favorable de laCommune de Louga. Le site d’une su-perficie totale de 6,960 hectares a faitl’objet d’un redécoupage en quatre ti-tres fonctions distincts numérotés de

1769 à 1772 qui ont tous été cédés parl’Etat du Sénégal pour une durée detrente ans susceptible de prorogationd’une durée maximale de vingt ans àla SUARL Souris Immobilier.

Les polémiques à propos de cette attri-bution ont commencé à fleurir quandle nouveau maire, Mme AminataMbengue Ndiaye, jugeant cette ces-sion illégale au prétexte de la nonconformité du projet avec la destina-tion initiale de cette bande verte, aesté en justice contre Souris Immobi-liers. Des accusations avaient été por-tées contre Maniang Faye qui,disait-on, a apporté sa caution à cetteattribution. La réponse de ce derniersur la question laisse l’observateurperplexe au regard de son implicationdans le processus d’attribution du siteà Souris Immobilier. « Le terrain ap-partient à l’Etat, je suis étranger àcette affaire. Je ne suis ni de près ni deloin, impliqué dans cette affaire. Lamairie n’est informée qu’en aval. Leterrain appartient à l’Etat donc, il nerevient pas au maire de procéder à sonattribution. Le promoteur bénéficied’un bail alors qu’aucun maire du Sé-négal ne peut délivrer ce document » aaffirmé l’ancien maire à l’occasiond’une interpellation de la presse locale.. Il faut reconnaître que même si lamairie de Louga n’a pas pouvoir offi-ciellement de d’accorder un bail em-phytéotique sur un terrain relevant dudomaine de l’Etat, elle a au moins jouéun rôle de conseil auprès de la sociétéSouris Immobiliers, ce qui du resten’outrepasse aucunement ses préroga-tives premières qui sont d’inciter lespromoteurs privés à investir dans l’es-pace communal.

Pour cette raison, quand ManiangFaye déclare dans la presse locale  :« Je pense objectivement que, même sile promoteur a avec lui un acte légal,il n’est pas légitime d’attribuerl’unique réserve foncière de 8 hectaresà une seule personne. Elle risque de seheurter à la résistance des popula-tions. On lui attribue gratuitement unterrain qu’il peut revendre facilementà 3 milliards. Je suis entièrement d’ac-cord avec la position de l’actuel maire

parce que nous avions identifié ce sitepour abriter plusieurs projets de lamunicipalité. De ce fait, la Commis-sion de Contrôle des Opérations doma-niales devrait consulter la mairieavant de déclasser et d’attribuer lesite », ce jugement devient très rapide-ment sujet à caution.

En fait, c’est là que se trouve le nœudgordien du problème. La Commissionde Contrôle des Opérations doma-niales n’aurait pu commettre un telacte au mépris des mécanismes qui ré-glementent son fonctionnement.

L’article 8 du Code de l’urbanisme ditdans ses alinéas 1, 2, 3  et 4 : « Lesschémas d'urbanisme fixent les orien-tations fondamentales de l'aménage-ment des territoires intéressés, comptetenu de l'équilibre qu'il convient depréserver entre l'extension urbaine,l'exercice des activités agricoles, desautres activités économiques et la pré-servation des sites naturels. Les sché-mas d'urbanisme prennent en compteles programmes de l'Etat ainsi queceux des collectivités locales et des éta-blissements et services publics ou pri-vés. Ils déterminent la destinationgénérale des sols et, en tant que de be-soin, la nature et le tracé des grandséquipements d'infrastructures, en par-ticulier des transports, la localisationdes services et activités les plus impor-tantes ainsi que les zones préféren-tielles d'extension ou de rénovation.Les schémas d'urbanisme s'appliquentà des communes, à des communautésrurales, à un ensemble de communeset de communautés rurales ou de leursparties.»

Les autorités communales, à la lecturede ces dispositions, détiennent undroit de préemption sur les sols dansl’espace communal et aucune cessionne peut se faire sans leur aval. L’en-quête pour l’attribution du site n’au-rait jamais proposé un avis favorablesi la mairie, à l’époque, s’était opposéeà cette cession. En plus d’un rapportdu cadastre, un procès-verbal duConseil municipal de la Commune deLouga signé de la main du maire Ma-niang Faye existe dans le fond du dos-sier examiné par la Commission de

Contrôle des Opérations domanialeset qui ont motivé son avis favorable.

En fait, c’est sur la régularité de laprocédure d’attribution que la Coursuprême s’est basée le 25 février 2011pour annuler la décision portant rejetde la demande d’autorisation deconstruire que la nouvelle maire MmeAminata Mbengue Ndiaye avait priseà l’encontre de Souris Immobilier.

En fait, La SUARL Souris Immobiliers’est trouvée prise dans l’étau de que-relles politiques et chantages innom-mables. Il est de notoriété publiquequ’un conseiller municipal a reçu dupromoteur privé la somme de 15 mil-lions de francs qu’il est en train derembourser sur injonction de MmeAminata Mbengue Ndiaye. A Louga,les langues se délient sur les per-sonnes qui ont exigé des petits ca-deaux du promoteur privé. Il estlégitime de se demander comment unconseiller municipal, auteur d’un telacte de prévarication, peut-il encore lé-gitimement siéger au Conseil. Sa dé-mission devrait être exigée par lemaire ou au moins par des membresdu conseil municipal. Au lieu de cela,Mme Aminata Mbengue Ndiaye s’enest prise au promoteur, négligeantainsi deux de ses devoirs fondamen-taux. Le premier qui est d’encouragerles ressortissants Lougatois résidant àl’étranger d’investir et le second quiest de faire régner la probité et latransparence au sein du conseil qu’elledirige. De tels manquements à ladéontologie de l’élu local sont tout sim-plement impardonnables. A moinsqu’il n’y ait d’autres dessous encoreplus inavouables dans cette affaire.

Elle montre bien les difficultés

qu’éprouvent les promoteurs privés à

investir dans la commune. Si a fortiori

un Lougatois éprouve autant d’en-

traves à investir dans sa propre ville

natale, que dirait-on des étrangers.

C’est toute la mentalité des autorités

administratives déconcentrées et com-

munales qu’il faut impérativement

changer au risque de voir les capitaux

déserter la commune. Cette affaire

doit servir de leçon.

AttriBUtiOn De LA BAnDe verte

De ChAntAgeSLArvéS

Un prOMOteUr privé viCtiMeLe débat actuel sur l’attribution par lesservices de l’Etat à un promoteur privéd’une portion de la réserve foncière si-tuée sur la zone dite de la bande verte re-lève plus du règlement de comptes entrepoliticiens que d’une approche ration-nelle de la gestion de l’espace communal.Tout porte à croire que le promoteurprivé en question, en l’occurrence laSUARL Souris Immobilier, est en train defaire les frais de querelles entre l’an-cienne et la nouvelle administrationcommunale sur fond de tractations peuamènes et de chantages larvées.

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Les évènements du 23 juinsont les indices d’une mu-tation qualitative dansl’histoire politique du Sé-négal indépendant. Ce

n’est peut-être pas pour la première foisque le Parlement défie l’exécutif dansnotre pays. Durant la crise de 1962, lesparlementaires, évacués de leur siège del’actuelle Place Soweto par la gendarme-rie, s’étaient réunis au domicile du prési-dent de l’Assemblée nationale LamineGuèye pour voter une motion de dé-fiance à l’encontre de Mamadou Dia,président du Conseil de gouvernement.Cet acte avait sonné le glas de la Pre-mière République et donné prétexte à lamise en place d’un présidentialisme sen-ghorien qui s’est éclairé lentement maisprogressivement sous les coups de bu-toir de la nécessité.

Pour retrouver une telle polarisation surle Parlement réduit institutionnellementà la simple fonction de chambre d’enre-gistrement ou de caisse de résonnance, ila fallu attendre plus d’une trentaine d’an-nées. C’était en 1994. Le vote du Pland’urgence Sakho-Loum, appliqué surl’injonction impérative des institutionsde Bretton-Woods, qui avait pour effetune diminution de 20% des salaires, de-vait ramener l’institution parlementaire àl’avant-scène de l’actualité. Ce fut unenuit mémorable où les syndicalistesavaient pris d’assaut la Place Soweto. Latension avait été à son extrême mais lesdéputés de la majorité socialiste avaienttenu bon. Ils avaient respecté lesconsignes de vote de leur parti saufquelques parlementaires syndicalistes quiavaient refusé de cautionner le plan. Onne saura jamais si cette fronde mimée ne

fut qu’une simple comédie destinée àamuser la galerie. La grève générale quis’en suivit malgré son succès populairene fut de nul effet sur l’application decette politique de rigueur et la poursuited’une politique de précarisation du tra-vailleur sénégalais.

Cependant, toujours est-il que ce jour-làla Place Soweto fut le théâtre d’un face-à-face inédit entre le pouvoir et le peuple.La victoire du candidat de l’opposition àla présidentielle de 2000 trouve sesgermes dans cette béance ouverte cettenuit entre les institutions qui fonction-naient sur les logiques externalisées duFMI et un corps social pris en étau entrela crise économique et la déliquescencedu pouvoir des socialistes d’alors, décon-nectés des réalités. D’autres facteurs sontvenus se sédimenter à cette césure entreles institutions et la société qui sont à

verser dans l’explication de l’avènementde l’alternance. Parmi eux, il faut noterle processus de radicalisation démocra-tique de l’opposition qui a biffé la cou-pure traditionnelle entre la gauche et ladroite et permis la constitution de frontsunitaires que ces socialistes taxaient de «contre-nature ». Les luttes de clans in-ternes, la perte d’homogénéité et les frac-tionnements qui ont vu surgir des flancsdu Parti socialiste d’autres formationspolitiques ont accéléré son renvoi horsdu pouvoir en 2000.

Les évènements du 23 juin dernier sontà la fois la réitération des crises de 62 etde 94. Le frémissement prérévolution-naire porte en filigrane une défiance duParlement à l’égard de l’exécutif. Le refusde voter le projet de loi instaurant unticket à la prochaine élection présiden-tielle proposé par le Président de la Ré-

publique a politiquement valeur de mo-tion de défiance même si la lettre dudroit n’impose pas une démission dugouvernement. Sous d’autres cieux, unPremier ministre n’aurait jamais attendud’être démis pour se retirer après unetelle déconvenue.

Le 23 juin consacre la disjonction del’exécutif du corps social. Toute autrelecture de ces évènements serait erronée.Ayant pu constituer, à la faveur du boy-cott par l’opposition des dernières légis-latives, une chambre introuvable,politiquement scandaleuse d’abord au re-gard de la distorsion existant entre la réa-lité du corps social et sa représentationau niveau de l’Assemblée, ensuite du faitde la composition du Sénat dont la ma-jorité des membres ont été désignés parle Président de la République, le pouvoirn’a pas réussi à faire passer son texte.

LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

DOSSiER

L’idée saugrenue d’un référendum.C’est venu comme un che-veu dans la soupe. Alors que tout le monde exhorte le Conseil constitu-tionnel à prendre ses responsabilités, Sidy Lamine Niasse prend langueavec le ministre des Affaires étrangères Madické Niang et nous ressortl’idée d’un référendum sur la candidature de Me Abdoulaye Wade. Cetteéventualité qui serait une présidentielle avant la lettre où le candidat Ab-doulaye Wade n’aurait aucun adversaire face à lui est une idée aussi sau-grenue qu’est douteuse l’intention de celui l’a émise. Sidy Lamine est unexpert des positions équivoques. La versatilité, çà lui connaît.

Alioune Tine récolte les coups et les bénéfices.Il a été bastonné par des milices lors de la journée du 23 juin.Mais Alioune Tine ne va pas s’en plaindre. Alors que son mou-vement avait été submergé par « Y’en a marre », le voilà quireprend le devant de la scène. On sait Alioune Tine assez futépour tirer les marrons du feu de cette bastonnade. Cela suf-fira-t-il pour faire de lui le candidat qu’il rêve d’être ? That’sthe question !

CYAN MAG. JAUNE NOIR

Un Sénégal nouveau est en train de naître.

Le 23 juin, la rue a renvoyé tout le monde

à ses pénates. Les institutions d’abord. Le

Président de la République a été propre-

ment disqualifié comme instance de gou-

vernance. Le Parlement, mis en joue et

sommé de respecter la volonté du peuple.

Ensuite les Ordres. La classe politique ne

pouvait que faire profil bas devant la rue,

se prosternant à l’ultime seconde comme

l’a fait le pouvoir, ou, jouant les chiffon-

niers du soir dans les médias comme l’a

fait l’opposition. Les guides religieux ont

joué aux médecins après la mort, ce qui au-

gure d’un processus de mise à l’écart de la

religion dans les affaires religieuses.

Quand la revendication de l’égalité sociale

prend cette ampleur, c’est tous les ordres

qui en reçoivent les contrecoups.

LeS MUtAtiOnS DU 23 JUin

DU préSiDent, De LA CLASSe pOLitiqUeet DeS reLigieUx

LA tripLe DiSqUALifiCAtiOn

Dossier réalisé par Moustapha Sarr DIAGNE

Page 6: Louga infos 112 der

Sans doute que l’institution parlementaire, malgréses clôtures et sa capture par le principal parti aupouvoir, a été poreuse à la pression populaire. Depeur d’entrer en collusion avec un « peuple » masséaux grilles de l’Assemblée, les parlementaires ontrefusé de voter le texte. L’acte de retrait qui mit unterme à la séance ne fut que diplomatique. Ce nefut pas seulement une reddition de l’exécutif. C’estle commencement d’une nouvelle ère qui sera ca-ractérisée par trois déterminants fondamentaux.

Le premier réside dans le fait que l’échec du partiau pouvoir et son candidat annoncé de changer parun coup d’état institutionnel les règles du jeu duprochain scrutin présidentiel, entérine leur disqua-lification de fait. Le Parti démocratique sénégalaisa perdu l’essentiel de sa base sociale, du fait de larépétition des scandales financiers comme « l’Af-faire de la mallette Segura », « l’Affaire de l’achat duterrain aux Almadies à un milliard et poussières »,« les Révélations des audits de l’ARMPT », etc. Pas-sons sur le scandale à répétition des « Chantiers deThiès » ou la nébuleuse du financement de l’OCIqui, le temps jouant, tendent à s’effacer de notrechamp de vision. L’incapacité chronique du pou-voir à résoudre la question cruciale de l’électricitéalors qu’il n’y a guère réjouissances et célébrationsrythmaient le temps du pouvoir avec l’inaugurationdu monument de la Renaissance africaine ou l’or-ganisation du FESMAN, cette maladive inaptitudeà déterminer des priorités, au détriment des popu-lations, ont valu à la personne du Président l’éva-nescence d’une sympathie populaire. La dérivemonarchiste couronne cette désaffection avec l’oc-troi, comme un cadeau de Noël, à sa progénitured’un ministère gigantesque aux contours découpésselon le bon vouloir de ce dernier. En quelquesmois, le Président a tout perdu : sa crédibilité, sa

popularité et… sa légitimité. Ses adversaires ont au-jourd’hui beau jeu de lui demander de retirer sa can-didature. Ultime geste qui lui reste à accomplir s’ilveut encore conserver sa respectabilité. Quelle quepuisse être la décision du Conseil constitutionnelsur cette question, le Président est aujourd’hui dis-qualifié pour diriger le pays.

Le deuxième déterminant concerne une générali-sation de la disqualification qui atteint l’essentiel dela classe politique sénégalais. Le 19 mars 2011, leconstat était clair que les manifestations organiséespar des éléments extérieurs au corps politiqueavaient drainé bien plus de monde que celles despartis. Il est tout aussi significatif que ce soit les or-ganisations de la société civile qui ont pris en chargel’appel à la résistance du 23 juin. La plupart des lea-ders n’ont fait que de piètres tentatives de récupé-ration des bénéfices politiques de cette journée.L’exercice est devenu rituel. Les hommes politiquesen sont réduits aujourd’hui à faire œuvre de chif-fonniers pour tirer la couverture de leur côté.

La religion est faite que les politiques sont au-jourd’hui hors jeu. La versatilité de leur discoursque les radios se complaisent à mettre à jour en dif-

fusant des propos antérieurs, le phénomène dit dela transhumance qui nous a fait voir de cocasses ap-paritions dans la salle du Conseil des ministres, lesvolte-face spectaculaires de ministres ou Premiersministres défenestrés, une propension à jouer lescaméléons, tout cela a été le ferment de la perte decrédibilité de la classe politique. A de rares excep-tions, pouvoir et opposition n’y échappent pas. Le23 juin a été un véritable tsunami qui a tout oupresque emporté sur son passage. Les cris de vic-toire des politiques s’estomperont et leurs souriresnarquois s’effaceront quand le temps nous aurapermis de décrypter le sens profond des évène-ments du 23 juin.

Le troisième déterminant concerne la classe mara-boutique. Elle a fait son apparition en début de soi-rée lors de cette journée du 23 juin. Alors que lescomptes avaient déjà été réglés dans la rue. Exceptéle chef de l’Eglise catholique qui avait très tôt lancéun cri d’alarme, tous les chefs religieux s‘étaientmurés dans un silence profond. Leurs interven-tions, fort tardives, seront à ranger dans le mêmeregistre que celui des récupérateurs. Certes, ils ontfourni au Président de la République la perche quilui a permis de ne pas perdre complètement la face.Mais d’ors et déjà, ils doivent savoir que leur in-fluence est en train de s’effilocher.

Le 23 juin n’a fait que mettre en actes, au sens théâ-tral du terme, une dilution de l’influence des mara-bouts qui avait commencé depuis bien longtemps.Depuis le début du règne des petits fils dans lesconfréries sénégalaises s’est produit un élargisse-ment des grandes familles religieuses qui a pourconséquence une décentralisation des pôles d’at-traction des fidèles. Si au sein des confréries, touss’accordent sur la centralité de la figure tutélaire dufondateur, des dissensions apparaissent souvent

entre les branches familiales. L’apparition decheikhs de nouveau type mobilisant plus que les hé-ritiers directs du fondateur a engendré une pertur-bation majeure dans l’ordonnancement de ladévotion. Tout cela a miné l’homogénéisation del’ordre religieux maraboutique. Il s’y ajoute deuxautres facteurs qui ont contribué à rétrécir la sphèred’influence du religieux. Le premier est la concur-rence larvée entre confréries et entre religions. In-nommable, inavouable, elle n’en détermine pasmoins les actes posés par les chefs religieux. L’autrefacteur est l’immixtion trop profonde des certainschefs religieux dans la politique ou - ce qui peut êtrela même chose – la convocation trop fréquente dela religion dans la sphère du politique. La confusionentre les instances du politique et du religieux fera,un jour, le lit de la mise en quarantaine des ordresreligieux dans les affaires.

Quand dans la marche d’une société, de tels phé-

nomènes se produisent sous l’impulsion d’une dou-

ble revendication à la fois de liberté et d’égalité

sociale, ce sont tous les fondements du corps social

qui sont ébranlés. Le 23 juin fut l’un de ces mo-

ments privilégiés. La remise en question populaire

n’a rien épargné ni personne. C’est d’abord l’illégi-

timité du dispositif institutionnel et de son fonc-

tionnement qui a été décrétée par la rue. C’est

ensuite la disqualification du pouvoir en place et,

par un phénomène d’amplification, de toute la

classe politique à tenir le gouvernail du pays qui a

été rendu audible par la clameur populaire. En

écho, on entendait une mise en quarantaine de la

classe maraboutique. Quand la revendication de

l’égalité sociale prend cette ampleur, c’est tous les

ordres qui en reçoivent les contrecoups. Aussi bien

les politiques et que les religieux.

LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

DOSSierLa mort du Ndiguel politique. La remise en question desordres entraine la mort du ndiguel politique électoral. Cette évi-dence a été notée par Chérif Bakhaya Aïdara, haut dignitaire de lacommunauté khadriya, qui revenait d’une cérémonie d’hommageau lieu saint de Nimzath en Mauritanie. Pour lui, le ndiguel politiquen’a plus de sens et les religieux doivent être à équidistance entre lesacteurs politiques. Une position novatrice qui mérite qu’on y réflé-chisse un peu plus.

La révolution citoyenne. Le concept est nouveau. C’est avecl’alternance que les Sénégalais ont vraiment découvert les vertus dela citoyenneté. Ce rapport à l’Etat sans intermédiation est inédit au Sé-négal. Une révolution silencieuse s’est opérée au cours de ces der-nières années dans la conscience collective. C’est toutel’opérationnalité de la politique qui s’en trouve modifiée. Le vote n’estdevenu un acte individuel par excellence et le déclin des « grands élec-teurs » est inscrit en filigrane dans les actes de protestation populaire.

Un Sénégal nouveau

est en train de naître.

Le 23 juin en donnait

les prémices.

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LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

DOSSier

Le M 23. Du M 23, on pense que c’est une nébuleuse, un conglomératd’organisations de la société civile et de partis politiques. Ce qu’on ne ditpas vraiment, c’est que ce mouvement, rien que par son existence, établitune hiérarchie entre les organisations qui la composent. Aujourd’hui, lespartis politiques sont à la remorque des organisations de la société civile.Et parmi celles-ci, les mouvements qui se sont formés spontanémentcomme « y’en a marre » occupent le haut du pavé. De l’histoire, on a ap-prend que c’est en marchant que l’on prouve le mouvement. Les jeunesont mis la contestation en acte. Il leur faut maintenant l’organiser. « Y’en amarre » a de l’avenir devant soi.

Un conseil constitutionnel qui devra prendre ses res-ponsabilités. La question de la recevabilité de la candidature de MeWade est entre les mains du Conseil constitutionnel. On se rappelle que ceconseil avait été instauré en remplacement de la Cour Suprême parce que leprésident Diouf ne faisait pas confiance en son dernier président Hassane Bas-sirou. Le Conseil Constitutionnel est donc congénitalement appelé à avoir despositions favorables au régime. Mais les conditions ont changé et les sagesdevront prendre leurs responsabilités et non pas se défausser comme l’avaitfait Kéba Mbaye au moment de proclamer les résultats des élections de 93.

La concentration excessive

des pouvoirs à la prési-

dence et une parcimo-

nieuse redistribution des

prérogatives de la gestion

des affaires de l’Etat entre les mains de

quelques individus, ne devant ce privi-

lège qu’à une proximité du locataire du

palais ou aux hasards des attirances sym-

pathiques, a produit un césarisme de

mauvais aloi dans la République. Ce

trauma est d’autant plus pernicieux

qu’une culture de servitude volontaire

s’est insidieusement incrustée dans les

esprits. Une sorte d’avilissement moral

et d’amollissement de la volonté qui a

frappé les organes les plus essentiels du

corps social.

Ce lymphatisme singularise l’appareil ju-

diciaire où une cécité circonstancielle est

toujours de mise quand les jugements

peuvent déplaire en haut lieu. Les dos-

siers sont laissés à l’entretien sélectif de

la mémoire qui, comme disait Birago

Diop, ne rapporte que le fagot qui lui

plaît quand elle va chercher du bois

mort. Chez le personnel parlementaire,

l’indolence a toujours été de rigueur. De

tout temps, dans tous les régimes. Mais

la courbure de l’échine n’a jamais été au-

tant pratiquée que sous cette législature.

Dans l’aplatissement, les records ont été

battus. Et de loin. Cet amollissement de

la volonté retrouve aussi au sein d’une

grande partie de l’élite politique qui a

laissé l’initiative à la jachère pour se com-

plaire des délices et de la paisibilité de

l’irrésolution qu’induisent la guidance

servile. Quelques années ont suffi pour

que cette mentalité de la sujétion s’en-

fouisse dans les replis les plus profonds

de leur inconscient.

Le paroxysme est perceptible quand,

jouant aux sophistes de saison, quelques

individus s’offrent la délicate corvée de

la théoriser dans une vulgate digne d’un

charretier. Nous avons alors eu droit à la

réduction des hommes, de tous et de

toutes, au rang de simples« variables ».

La seule constante est la personne du

César qui, du haut d’une hautaine sou-

veraineté, se joue des destins comme un

Dieu spinoziste s’amuserait du spectacle

du monde. Sous le régime des socialistes,

on avait connu l’allégorie du « maître du

jeu » qu'avait mise au goût du jour un in-

tellectuel collectif socialiste qui peinait à

penser une atmosphère de fin de règne

et les balancements d’un pouvoir aux al-

lures de girouette qui ne prenait que la

direction que les vents de circonstance

voulaient lui indiquer. Ceux du change-

ment finirent par lui indiquer la porte de

sortie démontrant la vanité d’une maî-

trise qui n’avait d’existence que dans un

discours idéologique. Avec les libéraux,

le ravalement de la pensée est tel qu’il de-

vient interdit de réfléchir. Penser est de-

venu crime de lèse-majesté. Puisque la

variable n’a point la dignité de l’initiative.

On nous dit que nous sommes dans une

démocratie, que l’alternance de 2000 a

été un point d’orgue dans la montée en

gamme du processus démocratique. On

oublie que pour faire une société démo-

cratique, il faut des hommes libres. Pour

faire une société libre, il faut une équité,

une égalité sociale qui permet à tous les

citoyens d’accéder aux dignités que leur

permettent de conquérir leurs compé-

tences. Depuis la césure produite par l’al-

ternance, la société sénégalaise se meut

dans l’antithèse de cette assertion. La dé-

mocratie marche à rebours.

Le premier geste dans la transmutation

des mœurs fut l’adoption presque à

l’unanimité lors d’un référendum d’un

présidentialisme exacerbé. Avec la dis-

tance que procure le temps et à la faveur

de la révélation à la lumière du dessein

caché dans les blancs de ce projet de

constitution, on se rend compte que ce

geste avait été décisif. On avait fait un ré-

férendum pour se priver à jamais d’en re-

faire. Ont suivi alors les modifications

ubuesques de la Constitution que nous

avons connues. Au mépris de l’esprit des

lois en République, la Constitution a sta-

tut de brouillon, vulgaire bout de papier

que l’on triture à volonté. Elle ne res-

semble même plus à rien tant elle a été

raturée et griffonnée. Le dernier scandale

en la matière est l’instauration d’un ticket

à l’élection présidentielle. On ne sait et

ne saurait deviner pour quelle raison, en

vue de quel subterfuge, cette nouvelle

disposition devrait être introduite dans

la Constitution. On sait tout simplement

que c’est juste de la volonté de l’Unique,

de l’Etre Suprême. Robespierre avait pris

le soin de le placer hors du genre hu-

main. Les libéraux au pouvoir ont réussi

la prouesse de lui voler ses attributs et de

les confier à leur guide. Dans une telle

atmosphère de surréalisme institutionnel

combinée à une évanescence progressive

de l’égalité sociale incarnée par l’appari-

tion sur la scène politique d’une classe de

citoyens, hissée au-dessus du commun,

par leur faculté à obéir, par cette prodi-

gieuse faculté à se vautrer dans la sujé-

tion, le cours monarchiste est en train de

prendre tournure. La sujétion à la

Constante, à l’Unique trouve sa perfec-

tion dans une extension à son engeance.

Le pays se meurt dans la dévotion. Et le

plaisir du César se trouve dans la

contemplation de cette grande fresque

de l’adoration où de piteuses figures ri-

valisent d’ingéniosité dans l’abaissement

pour attirer son regard. Et encore, cet

étalage de gueuserie ne le satisfait point.

Il lui faut, suprême humiliation pour nos

nobles âmes, indépassable dépravation

des mœurs, il faut à ce César la curée.

Elle est presque indescriptible la ruée

vers les richesses, vers les terres, les mai-

sons, les bijoux, l’argent et les factices

honneurs. Hommes et femmes s’inju-

rient, s’entredéchirent, s’étripent. La mal-

séance est dans une parfaite mise en

scène dans la République.

Est-il nécessaire de convoquer quelqu’un

d’autre pour faire apprécier au lecteur

l’état de déchéance démocratique dans la-

quelle le Sénégal se trouve aujourd’hui.

L’acte serait futile puisque la réalité est si

éloquente qu’elle surpasserait l’imagina-

tion du plus fantaisiste des observateurs

qui se serait permis à l’orée de l’alternance

de faire une description du Sénégal de

2011. Il faut aller chercher loin, très loin

pour dénicher une béquille à servir au lec-

teur. Nous l’avons débusquée dans un

vieux texte, un texte de Tocqueville, qui

pourrait faire office de grimoire pour la

démocratie, dans lequel il parle des tyrans.

Il y est écrit : « Chacun d’eux, retiré à l’écart

et comme étranger à la destinée de tous les

autres ; ses enfants et ses amis particuliers

forment pour lui l’espèce humaine ; quant au

demeurant de ses concitoyens, il est à côté

d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et

il ne les sent pas ; il n’existe qu’en lui-même

et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une

famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus

de patrie. Au dessus de ceux-là s’élève un

pouvoir immense et tutélaire qui se charge

seul d’assurer leur existence et de veiller sur

leur sort ; il est absolu, détaillé, prévoyant et

doux. Il ressemblerait à la puissance pater-

nelle si, comme elle, elle avait pour objet de

préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne

cherche au contraire qu’à les fixer irrévoca-

blement dans l’enfance ; il aime que les ci-

toyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent

qu’à se réjouir ; il travaille volontiers à leur

bonheur, mais il veut en être l’unique agent

et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité,

prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs

plaisirs, conduit leurs principales affaires, di-

rige leur industrie, règle leurs successions, di-

vise leurs héritages : que ne peut-il leur ôter

entièrement le trouble de penser et la peine de

vivre ». La citation est longue mais elle en

valait la peine. On jurerait que Tocqueville

en rêve a, un jour, fait une escale au Séné-

gal en 2011. Une si parfaite coïncidence

avec la réalité ne peut être fortuite. Parce

que tout simplement nous vivons dans la

parfaite caricature d’une démocratie qui a

mal tourné.

Pour remettre les choses à l’endroit, et

soigner cette corruption du corps social,

il faudrait que la prochaine présidentielle

se joue sur le registre de la restauration

des mœurs. Là et uniquement sur ce plan

se trouvera le salut de la nation.

Escapade en terre de servitude volontairele seNeGal sOus WaDe

Le Sénégal offre aujourd’hui le désolantspectacle d’une société traumatiséepar l’exercice d’une gouvernance ou-trancièrement piratée par la politiquepoliticienne.

Pour remettre les choses à l’endroit, et soigner

cette corruption du corps social, il faudrait que

la prochaine présidentielle se joue sur le registre

de la restauration des mœurs. Là et uniquement

sur ce plan se trouvera le salut de la nation.

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LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

DOSSier

Les constitutionnalistes s’accordenttous à reconnaître qu’il n’existe pasde supériorité de fait d’un régimesur l’autre. Tous les deux peuventdonner lieu à des dérives. Un parle-

mentarisme débridé avec une assemblée à la pro-portionnelle intégrale peut être vecteur d’uneinstabilité chronique. Il fait le lit des régimes departis où les minorités influent beaucoup sur lejeu politique. Le cas de la Quatrième Républiquefrançaise est souvent cité en exemple. Malgré laqualité d’hommes politiques d’une envergure po-litique exceptionnelle comme Pierre MendesFrance, Maurice Thorez ou Vincent Auriol, cetteRépublique, formatée pour empêcher le Particommuniste français de tenir les rênes du pouvoirexécutif, fut celle des guerres coloniales et despolitiques ultra-marines d’arrière-garde. Le dé-tour, par l’ex métropole n’est que pour montrer,contrairement à ce qui est généralement admis,que les travers d’un parlementarisme radical nese limitent pas seulement à l’instabilité qui lui estconstamment accolée. Le parlementarisme est lemoyen le plus efficace pour les partis minoritairesde faire exécuter leur dessein politique. L’Europed’aujourd’hui nous en fournit un exemple élo-quent. C’est dans les pays à régime parlementairecomme la Suisse ou l’Autriche que la montée del’extrémisme de droite a été corollaire d’une ra-dicalisation des politiques discriminatoires contreles immigrés et les étrangers. Autre exemple : lagrande influence qu’exerce le courant religieuxpourtant très minoritaire sur la politique du gou-vernement israélien n’est que le fait d’un parle-mentarisme dont l’impact se traduit toujours parune radicalisation vers les extrêmes.

Dans notre pays, comme on s’en rend compte, lesprincipaux tenants du parlementarisme sont lespetits partis. Ils ont, pour la plupart, une certainelégitimité historique pour avoir vu le jour sous laclandestinité. Les plus fervents partisans de cettethèses sont la Ligue démocratique, le PIT, lesailes soi-disant authentiques d’And Jëf, les diversrestes du RND plus quelques partis « minuscu-laires » dont on connaît pour militants que le lea-der ou son second qui squattent les salles derédaction et les plateaux de télé. Ce sont des or-ganisations généralement structurées sur le modedu centralisme démocratique avec des systèmestrès resserrés de l’encadrement des militants. Ha-

bitués à l’entrisme dans les syndicats, à la mani-pulation des assemblées générales, aux synthèsesdéformées, ces partis sont de véritables appareilsde détournement d’objectifs politiques. Ils n’ontjamais pu conquérir une assise populaire et doncne trouvent grâce que dans les coalitions où ellesviennent avec comme finalité d’embrigader lesautres. L’exemple type de genre de regroupementfut la Coalition 2000 qui avait soutenu la candi-dature de Me Abdoulaye Wade. Dans le pro-gramme, ces partis avaient fait accepter au PDSl’inscription dans un programme de gouverne-ment l’adoption du régime parlementaire. On saitce qu’il est devenu de cette promesse. Si tôt élu,le Président Wade l’a jetée aux orties faisant uneconstitution par référendum une constitutionhyper présidentialiste que ces formations poli-tiques, à part le PIT, ont approuvée. Ce sont exac-tement les mêmes partis politiques quireviennent, par le truchement des assises natio-nales, pour exiger un parlementarisme, justequelques années après avoir cautionné un régimeprésidentiel. Si les assises nationales valent cequ’ils valent parce que d’éminents sénégalais ontparticipé à l’élaboration de ses conclusions, ilconvient de passer au crible de la critique ses pro-positions et d’en extirper les scories tel que ceparlementarisme qui ne convient qu’aux partismarginalisés par les consultations électorales etqui cherchent par des voies détournées à se repo-sitionner sur la scène politique. Très souvent,c’est par le moyen du chantage dans le procès deconstitution des majorités qu’ils interviennent.Imaginons quelle serait leur marge de manœuvredans un régime parlementaire surtout si l’on saitque la plupart de ces partis sont de grands adeptesdes allers et retours entre le pouvoir et l’opposi-tion. Ils ont l’enjambement facile de cette lignerouge qui devrait délimiter les clivages entre unemajorité et une opposition. Un parlementarismeinstauré sous leur égide serait la porte ouverte auxpratiques opportunistes, un tapis rouge pour lesmaîtres chanteurs et un pas de plus vers la déli-quescence des mœurs, déjà peu reluisantes, de laclasse politique.

Cependant, on comprend bien que les Sénégalaispuissent avoir un regard de défiance par rapportau régime présidentiel. Près d’une dizaine d’an-nées d’exercice d’un présidentialisme exacerbésous l’ère libérale ont fini par les dégouter de ce

mode de gouvernement. Ils ont envie de voir lespouvoirs du Président de la République balisés.Ils veulent que « le pouvoir limite le pouvoir ».Ils ne veulent plus être les jouets d’une sorte deDeus Ex Machina qui peut se donner le luxe demodifier à sa guise les circonstances et les condi-tions de leur existence. Plus de blanc-seing, di-sent-ils. Certains acteurs de la classe politique nel’entendent pas ainsi. Parmi eux, les anciens Pre-miers ministres. On peut citer Moustapha Niasse,Idrissa Seck, Macky Sall. Pour avoir ressentidans leur chair les frustrations inhérentes à lacondition de Premier ministre sous l’alternance,ces anciens vizirs rêvent tous de détenir un jourcette liberté de mouvement que confère le statutde Président de la République. Leur sortie descercles du pouvoir a provoqué chez eux une sortede rébellion. Ils ont créé leur parti politique pourrevenir dans le jeu. Après avoir été Premier mi-nistre, aucune autre fonction n’est digne d’êtreassumée à leurs yeux que celle de Président de laRépublique. Ces anciens Premiers ministres neseront jamais pour une modification du régime.D’ailleurs, ils éludent souvent la question et pré-fèrent ne pas l’aborder de front. Pour être juste,

il faudra ajouter dans le lot Ousmane Tanor Diengqui a, sous l’ère socialiste, occupé une positiontrès particulière dans le régime. Mamadou Loumfut le Premier ministre par procuration qu’il avaitchoisi. On se souvient du jour où l’on annonçaitla nomination de Loum. Le décret nommant Ous-mane Tanor Dieng était déjà paru. Au moment oùMamadou Loum se présentait aux journalistes enqualité de Premier ministre, Ousmane TanorDieng était debout un palier supérieur à celui setenait Loum sur l’escalier qui mène aux apparte-ments du Président de la République. Ce ne seraitque justice donc d’assimiler le Premier secrétairedes socialistes à la liste des anciens Premiers mi-nistres. Il est évident que si un jour, ces personnesparviennent au pouvoir, il n’est pas évidentqu’elles vont changer le régime. Tout au pluspourrait-on espérer de la part de MoustaphaNiasse, Ousmane Tanor Dieng ou Macky Sall unecertaine humilité et un exercice plus pondéré despouvoirs du Président de la République. Des au-tres, Dieu seul sait ce qu’ils feront.

Mais, on le sait ! il ne faut point compter sur latempérance des hommes pour espérer avoir unestabilité institutionnelle. Les promesses deshommes politiques ne valent que pour ceux quiy croient. L’expérience le prouve éloquemment.Il faudra alors que la prochaine présidentiellesoit l’occasion du débat public sur le meilleurrégime pour équilibrer les pouvoirs, préserverla stabilité des institutions et brider les pratiquespeu orthodoxes d’une classe politique aux écus-sons écornés.

ReGiMe PResiDeNTiel Ou PaRleMeNTaiRe

pourquoi devrait-on brider les pratiquespeu orthodoxes de la classe politiqueA la veille de chaque élection présidentielle, la question resur-

git inévitablement dans le débat cité politique. Faudrait-il au

Sénégal un régime présidentiel, le seul qui, selon les adeptes de

cette thèse, pourrait permettre à un chef de l’Etat élu au suf-

frage universel de disposer de tous les moyens pour définir des

orientations politiques et les appliquer ? Ou, au contraire, de-

vrait-on opter pour un régime parlementaire avec un Premier

ministre recevant son adoubement de la représentation natio-

nale devant qui elle serait responsable ? Exposée dans une di-

mension purement théorique, ces questions suscitent toujours

des réponses à la normande.

C’est peut-être une des tares de notre système démocratique. Le pli est pris à chaque scrutin présidentield’enregistrer un certain nombre de candidatures fantaisistes. A la dernière élection de 2007, la majeurepartie des candidats était sortie de nulle part. On a souffert le martyre face aux histrions et aux saltim-banques venus juste pour jouer leur partition de figurant sur la scène politique.

On s’est payé la candidature d’un organisateur de combats de lutte qui, confondant la popularité de cesport avec son aura personnelle, a failli faire tourner au burlesque notre élection présidentielle. La justiceétant immanente et la vérité finissant toujours par sortir du puits, le candidat « aux mains blanches »s’était révélé délinquant notoire qui a fini par prendre le large pour échapper à l’épée de Damoclès deDame justice.

On a aussi eu notre lot d’illusionnés qui pensaient, parce que quelque part dans nos voisinages un candidatde la société civile avait remporté une présidentielle, qu’il fallait juste se mettre sous l’égide d’une telleappellation pour réussir le hold up politique parfait. Une candidature à la présidentielle, on le sait, est unpuissant moyen de promotion. Beaucoup de gens sacrifient à ce rituel pour avoir une ligne de plus surleur carte de visite, surtout si ces personnes ambitionnent d’amorcer une carrière internationale.

En 2007, on ne s’est pas plaint d’avoir échappé à des « Lech Walesa » tropicalisés qui avaient faussementétabli l’équivalence entre leur propre popularité avec le succès de quelques journées mortes organisées àl’occasion de la mise du Plan de rigueur budgétaire du couple Sakho-Loum ou de trois journées mémora-bles de grève où l’Etat avait été pris en otage par un syndicat. On le sait aussi, un soutien au second tourse monnaie très cher. Quelques candidats aux scores électoraux lilliputiens ont bien gagné au change. Leursoutien leur a valu non point une mais des ou plusieurs sinécures. Certainement que cet exemple avaientinspiré beaucoup de candidats en 2007.

La conviction serait légitimement faite que cet exemple inspire encore aujourd’hui. .Certains candidatss’engagent dans la bataille électorale comme on ferait un investissement en affaires. Les quelques millionsdéposés à titre de caution seraient rendus au multiple à deux chiffres, une fois bien serrée la négociationdu soutien à un candidat presque sûr de gagner au deuxième tour serait bien. Sinon comment expliquerque quelqu’un qui ne parvient même pas à mobiliser au-delà de son quartier lors des dernières électionslocales puisse prétendre se présenter à la présidentielle. Comment est-ce que quelqu’un qui ne peut mêmepas gérer une fédération sportive parmi les moindres en audience et en importance, peut-il oser venirnous demander de voter pour lui ? Il faut être clown ou fou pour avoir culot de ces personnes ! Si encore,ils avaient eu le sens de la satyre d’un Coluche dont la fausse candidature en 81 à la présidentielle avaitété la plus acerbe critique contre le système français, on aurait compris. Mais ce n’est pas le cas. Ces gensy croient et croient qu’ils sont plus malins que tout le monde. Et qu’ils peuvent se jouer du peuple pour sepositionner dans la société. Il y a de ces candidatures à la présidentielle qui ne sont que de l’encombrementhumain. Il faudra un jour trouver un système de récurage des coulisses de la compétition en vue de la pré-sidentielle pour nous préserver du cirque auquel on est en train d’assister. Non pas qu’il faille adopter àun système censitaire qui ne permettrait qu’aux riches de se présenter mais trouver en toute bonne foiune solution pour éviter cette comédie. L’augmentation de la caution à 65 millions est un faux remèded’autant plus dangereux qu’elle va pousser certains candidats à nouer des alliances douteuses avec des fi-nanciers peu recommandables.

L’échéance électorale ne doit pas aussi être l’occasion de prendre des revanches personnelles. La remarquevaut aussi bien pour les candidats indépendants que pour ceux qui sont investis par les partis politiques.Bon nombre de candidats ne le sont que par le dépit qu’ils éprouvent pour quelque autorité. On a beaujouer au petit seigneur dans quelque organisme international dont, du reste, l’inefficience a été mis aujour, on ne peut, soit parce qu’on a perdu cette planque, soit qu’on a acquis une certaine notoriété inter-nationale, estimer que le maroquin de Président de la République est le seul qui vous sied. Le statut decandidat à la Présidence doit se mériter. Et le fauteuil de l’Avenue Senghor ne peut être un siège de re-change. La vocation de candidat ne peut s’acquérir parce qu’on s’est miré le matin et qu’on y pense chaquefois qu’on se rase mais cette vocation doit naître chez celui qui est digne parce qu’il a longuement réfléchi,qu’il a regardé comment vit ce peuple et qu’il est prêt à se mettre à son service. Ce n’est pas ceux quiavaient imposé des plans drastiques dont l’inanité est aujourd’hui prouvée, ce n’est pas ceux qui agissaientsous les injonctions des institutions de Bretton-Woods et qui nous imposaient des retraits intenables surnos revenus qui doivent aujourd’hui venir nous seriner de beaux discours. Il fait de la décence pour êtrecandidat et un peu d’humilité pour ne pas obstruer le chemin pour ceux qui ont du mérite à revendre. Abon entendeur, salut !

PResiDeNTielle 2012

De l’encombrement humain sur la scène

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Au Sénégal, l’alternance politiqueréalisée en mars 2000 portait lamarque d’une jeunesse désem-parée en quête d’emplois que lecandidat WADE les promettait

gracieusement. De même que les manifesta-tions du 23 juin 2011 sont l’œuvre d’un peupletrahi, toujours confronté à un chômage endé-mique. Le chômage et l’inflation, ennemis jurésdu pouvoir d’achat, sont des fléaux décriés danstous les pays du monde actuellement. Ils font,en ce moment, l’actualité dans des pays puis-sants tels que les Etats-Unis, la France, l’Alle-magne ou l’Italie. Devant cette situation,aggravée dans les pays sous développés par lemanque d’infrastructures et la pauvreté, il estunanimement reconnu que les solutions passentd’abord par la croissance économique et la ré-partition des richesses. Quand l’économie va,même la délinquance et le banditisme (polluantla qualité de la vie) qui s’explique en partie parl’inaccessibilité de certaines masses aux ri-chesses, peuvent être combattus avec unebonne politique de répartition, qui viendra enmême temps juguler la pauvreté.

C’est pourquoi, dans la compétition pourl’exercice du pouvoir, on peut déclarer sans se

tromper que l’économie est un sujet prioritaire.Cela reste, tout de même, l’avis de l’écono-miste, puisque le sociologue non convaincupeut vouloir mettre l’accent sur l’importancedes relations sociales, des mœurs et des valeurs.De cette polysémie jaillit une possibilité de pré-cision : les économistes campent le débat sur ledéveloppement en considérant que celui-ci,n’est pas seulement expliqué par l’abondanceen termes financiers et matériels. C’est pour-quoi, la définition du développement par l’in-termédiaire du Produit National Brut (PNB) partête d’habitant, qui a prévalu jusqu’au milieudes années 90, a été progressivement abandon-née. On considérait, suivant cette logique, queles pays ayant un PNB par tête supérieur ouégal à 25 000 US$ sont développés. Néan-moins, il a été remarqué que des pays commele Gabon, la Lybie, le Qatar ou l’Arabie dépas-saient ces niveaux de PNB par tête, mais nepouvaient pas être considérés comme pays dé-veloppés. Dans ce 20ème siècle, il est de plusen plus théorisé une nouvelle définition révolu-tionnaire qui est venue intégrer la qualité de lavie, la stabilité ou la bonne gouvernance. D’ail-leurs, dans certains pays développés, à la placedu Produit Intérieur Brut, on théorise de plus

en plus le Bonheur Intérieur Brut (BIP). Cer-tains pays comme la Suède s’illustrent égale-ment dans la prise en compte des impactsenvironnementaux dans le calcul des créationsréelles de richesses.

Selon les économistes, la croissance écono-mique, aussi forte soit-elle, n’est pas suffisantepour qu’on parle de développement. Elle doits’accompagner de changements mentaux et so-ciaux favorables à l’épanouissement collectif,sans inégalités sociales. C’est sous cet angleque les critiques formulées à l’égard du néoca-pitalisme s’avèrent difficiles à réfuter, mail ilimporte de préciser que ce débat idéologiquen’est pas l’objet de cet article. Parallèlement,l’aspiration des peuples à la démocratie est uneautre donne qui corrobore la prééminence del’économie sur tous les autres domaines de lavie des sociétés. Les économistes sont généra-lement d’avis que la démocratie ne peut seconsolider dans des conditions de dénuementprofond, comme c’est le cas dans nos pays.Ceci donne une bonne idée de la fragilité de lajeune démocratie sénégalaise, relativement auxmédiocres résultats glanés sur le plan écono-mique au bout de la décennie 2000-2011. Cer-tains grands économistes ont émis des avisconcordants sur ce sujet du développement etde la démocratie. Barro (2000) a dressé un bilandes interactions entre le développement écono-mique et le développement de la démocratie.Mais ce débat doit tenir compte de phénomènestrès complexes, comme les bons résultats éco-nomiques constatés chez certains régimes au-toritaires tels que la Chine. Toutefois, à partird’un comparatif Inde/Chine, Amartya Sen (PrixNobel d’économie en 1998), a aussi expliquéque la démocratie est surtout importante dansles moments difficiles. Dans ses travaux, il aargué que l’Inde s’est tiré plus facilement desfamines que la Chine qui a connu encore audébut des années 1960 une grande famine ayantfait 30 millions de morts. Mais tous ces grandséconomistes reconnaissent que devant un affluxde richesses, se pose le problème d’une bonnegestion aussi bien dans un régime de démocra-tie que dans un régime autoritaire. En tout casselon Barro « des accroissements du niveau devie tendent à engendrer un accroissement pro-gressif de la démocratie. A l’opposé, les démo-craties qui se sont érigées sans développementéconomique antérieur se révèlent fragiles.

Par Mounirou NDIAYE

LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

economie

Comme le rappelle souvent le Pr Moustapha KASSE, l’économie est la sphère dé-terminante en dernière instance. Autrement dit, les solutions aux problèmes d’unpays doivent être inéluctablement accompagnées d’une bonne dynamique écono-mique. Les gouvernements, en Afrique plus particulièrement, s’évertuent à résou-dre quatre problèmes fondamentaux et prioritaires : le chômage, la pauvreté, lemanque d’infrastructures et la faiblesse du pouvoir d’achat qui renvoie au tauxd’inflation. D’ailleurs, dans son dernier essai publié en 2005, l’économiste améri-cain John Kenneth Galbraith (décédé en 2006 à 94 ans) écrivait que les deuxproblèmes fondamentaux auxquels l’humanité va être confrontée dans ce 20èmesiècle s’appellent Inflation et chômage.

Pourquoi le débat économiqueest prioritaire

CONQueTe Du POuVOiR 

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LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

Santé

Louga Infos : Professeur, pouvez-vousnous parler des données épidémiolo-giques du cancer du col de l’utérus au Sé-négal ?

Pr Mamadou Diop : Le cancer du col del'utérus est consécutif à l'infection persis-tante par le virus du papillome humain(HPV).

Au Sénégal, avec 1.197 nouveaux cas esti-més en 2008, le cancer du col de l'utérus sesitue au 1er rang en termes de fréquence toutsexe confondu. 4 femmes sur 5 sexuellementactives risquent d’être infectées au cours deleur vie. Dans la plupart des cas, ce virus dis-paraît naturellement, mais pour certaines, ilreste dans le col et il s’attaque aux cellulessaines.

Les papillomavirus sont très répandus, trèscontagieux et ils se transmettent par contactsexuel. Cette infection passe souvent inaper-çue car le virus est éliminé chez la plupartdes femmes sans avoir donné lieu à dessymptômes particuliers. Cependant, certainstypes de papillomavirus s’installent de façonpermanente au niveau du col de l’utérus. Ilspeuvent alors transformer, de manière trèslente, les cellules normales en cellules cancé-reuses. C’est une maladie silencieuse qui nes’accompagne pas de symptômes aux stadesprécoces.

Les femmes âgées de 50 ans sont particu-lièrement touchées. Ces cancers restent rela-

tivement très rares avant 25 ans et ils devien-nent plus fréquents dès la trentaine. Ainsi,40% des femmes atteintes ont entre 35 et 54ans. Au Sénégal, plus de 18% des  femmessont infectés par le papillomavirus (HPV).

A défaut d’un programme national orga-nisé de dépistage et à cause d’une consulta-tion tardive, la mortalité est très élevée auxalentours de 70 %.

Quels sont les principaux facteurs derisque de cette affection ?

Le virus du papillome humain (HPV) està l'origine du cancer du col de l'utérus. Il enexiste de nombreux types, mais ce sont plusparticulièrement les sérotypes 16 et 18 quisont en cause. Au Sénégal, les sérotypes 16,58 et 18 sont respectivement les plus fré-quents. La contamination s'effectue à l'occa-sion de rapports sexuels non protégés. Elleest très fréquente puisqu'on estime que 70 %des personnes qui ont une activité sexuellesont en contact avec le virus. Dans l'extrêmemajorité des cas, le système immunitaire par-vient à contrôler spontanément l'infection vi-rale (contre laquelle il n'existe pas detraitement médical efficace) et à l'éliminer.Seules 1 à 2 % des femmes contaminées parle virus vont développer un cancer du col del'utérus.

D'autres facteurs de risque en rapport aveccette contamination ont été identifiés. Ils in-terviennent également dans l’apparition de la

maladie telle que la précocité des rapportssexuels et la multiplicité des partenaires, letabagisme, la contraception, les grossesses etaccouchements et d’autres infections sexuel-lement transmissibles.

Quels sont les symptômes de ce type decancer et comment se manifestent-ils ?

Il n’y a pas de symptômes perceptiblesaux stades précoces. Les symptômes peuventapparaître sous la forme de saignements pro-voqués lors des rapports ou de la toilette, desaignements spontanés, de pertes, de dou-leurs pelviennes Plus tardivement, on peutobserver des pertes de sang entre les règles,après la ménopause ou après les relationssexuelles. Des pertes blanches indolores sontparfois associées.

L'examen clinique permet d'évaluer l'ex-tension locale et régionale. L'imagerie est es-sentielle, notamment le scanner ou l'IRMabdominale. Une échographie peut égale-ment être pratiquée. Le dosage sanguin de lacréatinine permet d'évaluer un éventuel re-tentissement de la maladie sur les reins, cequi témoignerait d'une maladie déjà avancée.

Quels sont les modes de traitement ?

Les modalités de traitement dépendent dustade de la maladie. Les stades précoces re-lèvent de la chirurgie. La «conisation» permetde n'enlever qu'une partie du col de l'utérus.Mais le chirurgien est parfois obligé de pra-tiquer une hystérectomie qui est un est unacte chirurgical qui consiste à enlever tout oupartie de l'utérus. Celle-ci s'accompagne ha-bituellement d'un contrôle, voire de l'ablationdes ganglions loco-régionaux.

Les stades plus avancés relèvent de l'asso-ciation de la radiothérapie et de la chimiothé-rapie.

Est-il possible de prévenir ce type decancer ?

Le dépistage repose sur la pratique régu-lière d'un frottis qui, en prélevant des cel-lules du col, permet leur analyse aumicroscope. L'examen direct du col (colpo-scopie) permet également de mettre directe-ment en évidence des lésions suspectes. Maisseule l'analyse au microscope de ces lésionsprélevées permet d'affirmer le diagnostic enconstatant la présence de cellules cancé-reuses. On préconise un premier frottis vers25 ans et, en l’absence d’anomalies, tous les

3 ans jusque 65 ans. Malheureusement, 7O à8O% des femmes arrivent en consultation àun stade avancé de la maladie.

Au Sénégal comme dans les pays pauvres,le test de détection de l’ADN du virus HPVà moindre coût suivi d’un traitement immé-diat par la cryothérapie chez les femmes tes-tées positives, sera le meilleur moyen pourfaire baisser l’incidence et la mortalité ducancer du col de l’utérus. La grande sensibi-lité du test HPV comme test principal pourréduire la mortalité par cancer du col a étéprouvée par un grand essai contrôlé rando-misé en Inde.

Le programme détection-traitement peutêtre institué à un coût beaucoup plus basqu’un programme de vaccination contreHPV basé sur les 3 doses actuelles du vaccin.La vaccination des jeunes filles prendra desdizaines d’années pour réduire le taux demortalité pour le cancer du col alors que ledépistage a un effet dans les 5 ans. Des vac-cins plus pratiques sont cependant en coursde développement.

Dans nos conditions de ressources limi-tées, il est actuellement plus logique de met-tre en place un programme de dépistage dequalité et de compléter la stratégie par lesprochaines générations de vaccins dés qu’ilsseront disponibles. Cependant, il faut noterque le reflexe de se faire dépister n’est pasencore ancré dans les esprits. C’est pourquoiil est nécessaire de mener une sensibilisationà grande échelle pour informer les femmessur les dangers du cancer du col de l’utérus.

« Au Sénégal, plus de 18% des femmes sont infectées par le virus hpv RESP0NSABLE du cancer du col de l’utérus »

iNTeRVieW - MaMaDOu DiOP, PROFesseuR aGReGe,DiReCTeuR De l’iNsTiTuT Du CaNCeR JOliOT-CuRie De l’hOPiTal aRisTiDe le DaNTeC

Si seulement 1 à 2% des femmes infectées par le papillomavirus, principal vecteur du cancer du col de l’utérus,vont développer effectivement un cancer du col de l’utérus, près d’un quart de la population féminine sénégalaiseest en contact direct avec le virus. Ce qui situe le cancer du col de l’utérus au premier rang des cancers en termesde fréquence tout sexe confondu. La situation est d’autant plus grave que les symptômes de cette pernicieuse af-fection ne sont pas visibles au stade précoce. La prévention doit donc reposer sur un dépistage régulier qui doits’effectuer tous les trois ans pour les femmes âgées de 25 à 65 ans. D’où la nécessité d’une campagne de sensibi-lisation sur ce tueur silencieux.

Propos recueillis par Cherif SARR et Abdoulaye BAO

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LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

internationalDur apprentissage pour Karim. Le fils du Président est cu-rieusement convoqué dans la rubrique International du journal. C’estbien parce que Karim Wade est devenue, contre son bon gré, une figurede la scène politique françafricaine. Les dernières accusations portéescontre lui par Robert Bourgi ont l’air cousu de fil blanc. Spécialiste enprocès gagnés, Karim aura quand même beaucoup de mal à reprofilerson image. Les fronts semblent trop nombreux et les requins trop car-nassiers pour un novice en politique comme lui. Que c’est dur cet ap-prentissage ! On dira qu’il s’est trop tôt frotté à plus dangereux que lui.Cela lui fera une bonne leçon pour l’avenir.

La dent dure de Bolloré Il s’est donné un devoir d’ingérencedans la politique sénégalaise. Depuis qu’il a éjecté par dessus bordpar son concurrent Dubaï Port, Bolloré ne parvient pas digérer sa dé-convenue au Sénégal. Le magnat français fait tout pour déstabiliser lerégime du Président Wade. Il mène un combat de l’ombre, finance descandidats à la présidentielle qui ont déserté les rangs des libéraux et,dit-on, joue de son influence auprès de Sarkozy pour qu’il lâche Wade.Vincent Bolloré a la dent dure. Mais il devra faire face à dur à cuire.

Les bombardements de Tripoli et les gesticulations du

Président Nicolas Sarkozy pour mener une campagne

militaire en Libye ou l’intervention de la Force Licorne

en Côte d’Ivoire sous le sceau des Nations Unies sont-

elles une continuation de l’aventurisme français en

Afrique communément appelé Foccartisme ? Est-on toujours dans

cette segmentation spatio-temporelle dite Françafrique qui désigne

cette conjonction de réseaux de mafieux, d’hommes d’affaires véreux,

de sociétés-écrans, de compagnies fictives et de multinationales, tous

acteurs d’une praxis politique particulière faite de conspirations, de

complots, de manipulations des groupes ethniques, d’assassinats d’op-

posants ? Quels sont les ressorts des nouvelles formes d’intervention

de la France sur la scène africaine ? Voilà des questions bien légitimes

au regard de cette récente actualité qui nous donne l’impression que le

siècle n’a pas changé. Que sous le ciel des Afriques, c’est à travers les

siècles un éternel recommencement des équipées de la soldatesque

française. Juste quelques modifications du décor. La tunique bleue, le

casque Edgan et le cheval de la garde républicaine ont laissé place au

béret, au kaki et à la jeep du légionnaire auxquels se sont substitués les

treuils et les chars amx des bataillons de l’infanterie marine. Sous Sar-

kozy, effet de mode oblige ! l’Armée française, empruntant les straté-

gies américaines initiées lors de la Guerre du Golfe, recourt à sa chasse

aérienne détruisant l’aviation ivoirienne à Bouaké, stoppant l’avancée

des chars libyens vers Benghazi, rasant les abords du bunker de

Gbagbo. Quelle est la différence entre le pilonnage des forces libyennes

par les mirages français portant l’étendard de l’OTAN et le saut des

parachutistes sur Kolwezi ? La Côte d’Ivoire, est-elle seulement un Li-

beria du 21ème siècle ? La réponse à apporter à cette série d’interro-

gations nécessite un coup d’œil dans le rétroviseur.

Le Foccartisme était la clé de voûte de la Françafrique. C’était un sys-

tème, une connexion d’hommes politiques ayant pignon sur rue et ar-

borant la cocarde des officiels, d’hommes de l’ombre souvent revenus

avec de profondes cicatrices des guerres coloniales du Vietnam et d’Al-

gérie, d’hommes d’affaires passant le plus clair de leur temps à hanter

les antichambres des bureaux de présidents africains. La françafrique

avait enserré dans ses rets toutes les chancelleries françaises sur le conti-

nent. Elle dictait ses oukases à Bercy, au Quai d’Orsay et à la Rue Mon-

sieur. Elle a toujours un pied bien planté à l’Elysée, bousculant quel-

quefois l’ordonnancement du protocole et souvent gênant aux

entournures le secrétariat général. Du temps de Chirac, les réseaux

avaient une existence quasi-officielle, occupant Rue de l’Elysée le rez-

de-chaussée du bâtiment abritant la Cellule africaine. La topographie

rejoignait parfaitement la symbolique. Ce Foccartisme se riait de l’al-

ternance gauche/droite au sommet de l’Etat. Elle n’en avait cure

puisqu’elle a, de tout temps, l’oreille de l’occupant du Palais de l’Elysée.

De Gaulle avait donné carte blanche à Jacques Foccart, lui, laissant le

loisir de faire assassiner, quand il le voulait, au détour d’une rue un pré-

sident Sylvanus Olympio, juste coupable de n’avoir pas une fibre fran-

cophile très sensible, de liquider le trop rectiligne Outel Bono, cet

opposant tchadien qui refusait de courber devant le Président François

Tombalbaye et risquait de perturber les plans français conçus par l’am-

bassadeur Fernand Wibaux, de susciter une sécession au Biafra. Gis-

card D’Estain, moins cynique, ne put néanmoins échapper à l’influence

des réseaux foccartiens. Il a fait sauter sur injonction sa soldatesque

sur le Shaba et n’a pas empêché Foccart de lancer une attaque, par Bob

Denard et sa clique de mercenaires interposés, sur le palais de Mathieu

Kérékou. Mitterrand, obsédé par la conservation de l’écluse qu’était le

Rwanda a laissé les mains libres aux généraux de l’Armée française

dans l’instrumentalisation des conflits ethniques dans ce pays, la dia-

bolisation des Tutsis et la commission d’un génocide.

Dans l’entendement de ceux qui tiraient les ficelles de ce Foccartisme,

l’Afrique était une pâte à modeler. Cette françafrique avait l’initiative.

Il lui suffisait juste de trouver des motivations pour entrer en action.

Quelques lignes directrices traversaient toutes ces actions. Fortement

perturbés par le complexe de Fachoda et les défaites de la vallée de

Dien Ben Phu et des plateaux oranais, « ces « Françafricains » étaient

habités par la phobie de l’anglo-saxon. Ils avaient une idée particulière

des intérêts de la France qui s’imbriquaient naturellement leurs intérêts

personnels et leur offraient l’occasion de remplir à bord les caisses de

leurs multiples compagnies d’import-export et sociétés de sécurité. Ils

avaient partie fortement liée avec le capital français. Elf, Bolloré,

Bouygues, Matra et consorts utilisaient leurs services à volonté. La cé-

lèbre compagnie pétrolière française implantée au Gabon et au Congo

fut, de renommée mondiale, le cheval de Troie de cette Françafrique.

Cet imbroglio se nourrissait de l’exploitation des rentes qu’offraient

les ressources pétrolières, minières et agricoles de l’Afrique et de trafics

délictueux ou criminels. Du réseau de trafic de drogue, d’or ou de dia-

mants aux décaissements très officiels de l’aide publique au dévelop-

pement en passant par les valises diplomatiques, la vente clé en main

des éléphants blancs que furent certaines unités industrielles, les ex-

portations de matières premières et les importations de biens d’équi-

pement, tout était entremêlé en Françafrique. Multiples logiques se

superposaient. Celles des militaires voulant garder l’intégrité physique

du pré carré, des affairistes cherchant fortune à travers steppes et forêts,

des sociétés voulant faire main basse sur les marchés et ressources, et

enfin des mercenaires atteints par les démangeaisons de l’inaction. La

Françafrique avait l’initiative. Il suffisait qu’il y ait une conjugaison cir-

constancielle des motivations pour qu’une action soit déclenchée. Soit

au Soudan où Pasqua taillait bavette avec le Président El Béchir et son

ex idéologue de service, le racé Hassan Al Tourabi, pour circonscrire

l’influence anglo-saxonne aux limites de la frontière avec l’Ouganda,

soit en Angola où les trafics d’armes ont rattrapé le même Pasqua et

son acolyte Pierre Falcone, soit en Afrique du sud à qui la France avait

voulu fourguer une centrale nucléaire.

Lionel Jospin avait voulu mettre un terme à ce fatras de relations dou-

teuses. Sans succès. Avant lui, Jean-Pierre Cot avait balancé un coup

de pied dans la fourmilière. Mal lui en prit parce qu’il a été bien vite

congédié. Sarkozy avait promis lors d’un séjour au Bénin qu’il tuerait

la bête immonde. Il avait juré sur tous les saints de mettre fin au mythe

qui prête à la France « la faculté de redresser les situations, de recher-

cher ses intérêts (…) et d’être capable d’assurer la stabilité ou de créer

l’instabilité dans un pays ». Faut-il voir là rien qu’encore une promesse

non tenue du Président français. L’explication serait trop courte.

Il semble qu’aujourd’hui l’on se retrouve face à une logique de l’aléa-

toire où la Françafrique ne ressurgit qu’à la faveur de circonstances

particulières. Aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Libye, les interventions

Mort est le serpent, mort est le venin.Quand il s’agit de la Françafrique, lestatut d’évidence de l’assertion prendla clé des champ tant il est manifesteque ce système de mise sous coupedes anciennes colonies africaines dela France survit à son créateurJacques Foccart. Le mentor ayantpassé l’arme à gauche, le venin esttoujours là, distillé par la bouche d’unpetit commis du système. Dans unsubit accès de bonne conscience, Ro-bert Bourgi donne l’air de faire desrévélations pourrissant à volonté l’at-mosphère de la campagne électoralefrançaise et réglant à titre personnelses ultimes contentieux. Faudrait-ilvoir dans ses propos la volonté de re-cueillir les derniers sacrements. Laconfession de Bourgi, il faut le dire,n’est pas au diapason des crimes per-pétrés en Afrique. Ce ne sont pas lesdemies vérités sur quelques mallettesde billets qui permettront d’absoudreles crimes perpétrés par la França-frique. Des révélations, il en faudraitplus. Bien plus que ce grenouillardnous dit. La Françafrique est-ellevraiment morte ?

Les aveux du petit commisdu système et les premièresnotes d’un requiem

FRaNCaFRiQue

Par Moustapha Sarr DIAGNE

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Jacques Foccart,le mentor

Bourgi, le p’titcommis

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Il est particulier dans songenre. Cheikh Baye Fall, deson nom d’artiste, ou CheikhMbacké Guèye, tel que l’état-civil sénégalais le connaît estle seul percussionniste séné-galais qui touche au flamenco,ce genre pluriséculaire qui afait la notoriété de la musiqueespagnole. Cheikh Baye Fallest un style particulier quel’on nomme l’afro-flamenco.

LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011

Culture

Un mélange de sonoritéscastillanes et de rythmesafricains, une sorte demétissage du son eth-nique. S’il est peu connu

au Sénégal, parce que comme le ditl ‘adage, nul n’est prophète chez soi,Cheikh a un digest des plus riche dans lemonde hispanique. Il a joué avec lesmeilleurs joueurs de flamenco aumonde. Lors du festival Dakar Culturaorganisé l’ambassade d’Espagne àDakar et qui a enregistré la participationde Youssou Ndour, Cheikh s’est produitavec Antonio Carmona, un maestro del’afro-flamenco dont la notoriété n’estplus à faire en Espagne. Cheikh a jouéaussi pour Bede, un immense artiste es-

pagnol qui collectionne les disques d’oren Espagne. Gipsy King, un groupe in-ternationalement connu a aussi enregis-tré la collaboration de Cheikh. Parmi lesgroupes qu’il a fréquenté, on note aussiLatin Jazz. Il a aussi eu un compagnon-nage avec Jerry Gonzales et Javier Co-lina qui sont des vedettes du mondehispanique.Pourtant rien ne prédestinait CheikhBaye Fall à ce compagnonnage avec leflamenco. Cheikh est natif de Louga.Comme tout Lougatois, il a excellédans la danse. Cheikh a fait partie duballet des danseurs lougatois qui avaitgagné le trophée de Oscar des va-cances en 1996. C’est par la suite, sui-vant les muses d’une vocation déjàouverte, il s’est inscrit à l’Ecole des

Arts dans la section Danse pendantdeux ans, de 1998 à 2000. C’est à lasuite de ce cursus académique queCheikh Baye Fall s’est rendu en Es-pagne. Au pays de Cervantès, il s’estentiché du flamenco. Depuis lors, pasun pas de « pakargni » pour lui sans leclaquement des castagnettes. Pas defrappe du pied au sol sans aussi que nevibre la peau tendue du sabar. Cheikhest cette synthèse. Il assure ne puisersa source d’inspiration que dans lesenseignements de son guide spirituel,Serigne Dame Ibn Cheikh MourtallaMbacké. Aux âmes qui vont chercherleur inspiration dans les profondeursde la spiritualité, le rythme n’a aucunsecret. N’est-ce pas là la source dumystère de la culture soufi.

Une culture soufi métissée au flamencoCheikh MbaCké Guèye alias Cheikh baye Fall

Le lion, Gaston et Eumeu. Il est celui qui, tout seul, aréussi organiser un championnat de lutte qui a fait ressortir lesjeunes loups de l’arène. Ce promoteur, originaire de Louga, fait lafierté de sa ville. Mais au lieu de cela, certains lui jettent des bâtonsdans les roues dans l’affaire Eumeu Sène. C’est un faux procèsqu’on est en train de lui faire. Faisons lui confiance pour se défen-dre. C’est un vrai lion. Tout comme Eumeu Sène. Et c’est pourquoiils sont en si bonne compagnie sur notre photo.

Mamadou Kébé part à la retraite. Mamadou Kébé, qui a di-rigé le Centre culturel de Louga est aujourd’hui parti à la retraite.Après avoir séjourné dans la capitale du Ndiambour, ce natif de Ké-bémer a ensuite occupé le poste de Commissaire général au mémorialde Gorée avant de regagner Douta Seck. La ville de Louga rend un vi-brant à un cet homme qui a beaucoup contribué le rayonnement de laculture lougatoise.

CYAN MAG. JAUNE NOIR

françaises ont un caractère réactif. Il a fallu que des

révolutions soient déclenchées dans le monde arabe,

que des Libyens forment un comité de salut public

et prennent le fusil contre Mouamar El Khadafi pour

que Nicolas, « Le petit » -allusion faite à ce maître de

la Françafrique que le grand, au sens premier du

terme, Charles de Gaulle- enfile sa combinaison

d’aviateur pour lancer ses missiles sur la Libye. La

Côte d’Ivoire a été le champ d’une invasion subite

par une armée surgie de nulle part, équipée de chars

et d’auto-mitrailleuses, composée d’hommes suffi-

samment entraînés pour pouvoir mettre en déroute

les FANCI (Forces armées nationales de Côte

d’Ivoire) pour que le bataillon des parachutistes

transalpins débarquent à Bouaké.

La Françafrique se retrouve aujourd’hui des circons-

tances. La démocratisation des sociétés africaines et

l’émergence d’une société civile et d’une opinion pu-

blique africaine sont passées par là. Pour pouvoir in-

tervenir en Afrique, en dépit des nombreux

lobbyings dans les instances internationales pour la

reconnaissance et d’effectivité du droit d’ingérence,

La France est obligée de se revêtir du manteau des

Nations Unies pour faire le coup de feu en Afrique.

Même si, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire, l’avis

de non objection de l’ONU a été acquise a posteriori.

Elle a beaucoup perdu de ses capacités proactives, ne

se risquant à ne faire le larron que quand l’occasion

se présente.

Cependant, comme dans l’opération Turquoise

menée sur la frontière entre l’actuel République dé-

mocratique du Congo et Rwanda en 1994, la ban-

nière bleu ciel ne sert qu’à occulter les véritables

enjeux des interventions françaises en Afrique. En

Côte d’Ivoire où les intérêts du capital français sont

immenses avec plus de 200 filiales de ses transnatio-

nales et près d’un millier de petites et moyennes en-

treprises implantées dans ce pays, la France de Chirac

et de Sarkozy ne pouvait laisser prospérer une rébel-

lion venant du nord qu’elle ne maîtrisait pas. Son in-

tervention sous prétexte de restaurer la paix n’a été

que la préservation d’une chasse gardée. C’était au

risque de maintenir un Président Gbagbo qui tirait

bien malhabilement à lui, à des fins de politique in-

térieure, une couverture d’anti-impérialiste. La France

avait misé depuis longtemps sur Alassane Dramane

Ouattara. Le meilleur cheval pour lui, c’était l’homme

qui avait, au moment de la libéralisation, permis le

rachat par le capital français de toutes les sociétés na-

tionales ivoiriennes privatisées. Récemment, l’intru-

sion en Côte d’Ivoire des Américains avec la

multinationale Cargill ou des Chinois avait suscité les

inquiétudes d’un patronat français qui n’en voulait

plus du fantasque Laurent Gbagbo. Ce dernier, plus

par stupidité qu’autre chose, leur a offert l’occasion

en or de le mettre définitivement hors jeu.

En Libye, il est évident que l’intervention française

est piratée par des enjeux de politique intérieure. La

montée du lepenisme en France risque de priver Sar-

kozy d’une part importante de son bassin électoral.

Dans ce pays où quand le patriotisme avait un sens,

il signifiait auparavant prendre les armes pour affron-

ter l’ennemi au « sang impur », le nationalisme rime

avec casser de l’arabe. Au mieux en horde le soir sous

la lumière blafarde des lampadaires de bord de Seine.

Avec si peu de courage, Sarkozy fait de même. Il pi-

lonne les villes libyennes faisant des milliers de vic-

times civiles. Vive la guerre facile !

Mais il y a plus profond dans cette intervention en

Libye. Sarkozy n’a jamais digéré le fait que la France

n’ait pas suivi les Etats-Unis dans sa deuxième guerre

du Golfe. La France, évincée des marchés de la re-

construction de l’Irak, ayant perdu la mainmise

qu’elle avait sur le pétrole irakien avant l’invasion du

Koweit et les contrats d’armement de ce pays, a

voulu s’offrir sa guerre en Libye. Elle escompte à

terme domestiquer le pétrole libyen. Le capital fran-

çais est à l’affût pour voler au devant des contrats qui

se présenteront très prochainement. C’est pourquoi,

Sarkozy fait feu de tout bois. Plus on détruit, plus il

y aura à reconstruire. C’est l’implacable logique du

capital qui épouse les mêmes contours que la logique

d’une Françafrique devenue, par la force des choses,

réactive.

Peut-être, sommes-nous en train de percevoir au loin,

à travers le vacarme des missiles qui sont tombés sur

Tripoli, les premières notes du requiem de la Fran-

çafrique. Les révélations de Robert Bourgi donnent

raison à ce penseur qui disait que quand l’histoire met

en terre une forme particulière de rapports sociaux,

c’est toujours une première fois comme tragédie et

une seconde fois comme comédie. La tragédie, elle a

été ivoirienne ou tripolitaine ; Bourgi est le nom de

la comédie. La Françafrique se confine dans le risible.

Dans cette « insoutenable légèreté » qui est au cœur

des fausses révélations et vraies traditions des aveux

d’un commis et petit porteur de valises du système.

Les aveux du petit commis du systèmeet les premières notes d’un requiem

Suite de la P.11

Bombardements en Libye