L'Opinion - vendredi 11 décembre — Oodrive Aressy B2B

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BELGIQUE : 1,80€ – ALLEMAGNE : 2,20€ – UK : 1,80£ – SUISSE : 3,20 CHF Billet. Un séisme attendu Rien sans doute ne sera plus comme avant. Comme le prévoient certains, le visage de la France sera changé. Déjà l’étranger commente le choc à venir tant l’affaire est d’importance. D’ailleurs, même le Premier ministre s’en est mêlé, réclamant, grave, l’exempla- rité. Enfin, c’est fait : Karim Benzema n’est plus sélectionnable pour jouer au football en équipe de France tant que la justice n’aura pas tranché. Cette mise à l’écart, ce bouleverse- ment, ce séisme peuvent être suivis d’un nouveau traumatisme, puisque Michel Platini doit connaître, en partie, son sort ce vendredi. Les médias s’enflamment, tout le monde s’émeut. Avec raison : devant des situations aussi tragiques, on com- prend mal que d’autres se mobilisent sur autre chose. Michel Schifres   [email protected] L’ambitieux Fromantin et ses 577 candidats Après avoir claqué la porte de l’UDI, le député des Hauts-de- Seine vise haut Page 6 3’:HIKKLB=]UV\UU:?l@c@b@b@k"; M 00118 - 1211 - F: 1,70 E ET SI LE DIGITAL RÉVOLUTIONNAIT AUSSI VOS CONSEILS D’ADMINISTRATION ? Découvrez BOARDNOX et toutes nos solutions sur www.oodrive.fr A chaque flambée électorale du Front national résonne la même antienne. La classe politico-médiatique rivalise de formules chocs pour recom- poser, réinventer, renouveler, réhabi- liter ou réenchanter… Loin des mea culpa factices, versons donc à notre tour une pièce au dossier. Elle est signée de l’Allemand Horst Seehofer, leader de la CSU : « La résolution des problèmes est la meilleure protection contre l’extré- misme de droite ». Condensé de bon sens, cette cita- tion en dit long sur notre délitement national. Car sans verser dans un popu- lisme anti-élites, comment ignorer que la colère des électeurs du FN se nourrit d’un sentiment d’abandon, d’un divorce profond avec une classe politique depuis longtemps déjà moins préoccupée par les solutions que par les ambitions ? En France, gouverner, c’est échouer. Sur le chômage d’abord. Mais aussi sur la mobilité sociale, la sécurité, les déficits, la fiscalité, l’identité, la précarité, l’édu- cation… Dans cet univers clos qu’est devenue la caste politique, le dogma- tisme prime sur la compétence, la déma- gogie sur le résultat, le clientélisme sur la performance. Les gouvernements ? Trop souvent un cénacle de cyniques, dans lequel longévité rime avec médio- crité, déni avec mépris. Les partis ? Des machines à promouvoir des candidats obnubilés par la présidentielle, pas des idées – ou si peu audacieuses. Un temps, la dette a financé nos lâ- chetés. Elle a masqué notre préférence pour la désinvolture et la manœuvre. C’est fini. Malgré un programme aussi simpliste que dangereux, le Front natio- nal bénéficie de la prime à ceux qui n’ont pas échoué pour n’avoir jamais dirigé. Il prospère sur la faillite de dirigeants prêts, au soir du second tour, à pro- mettre, à promettre encore et toujours. Sans se soucier, une nouvelle fois, de « résoudre les problèmes ». Rémi Godeau @remigodeau t Résoudre les problèmes, la meilleure protection contre les extrêmes SIPA PRESS Geoffroy Didier (LR) invité de la matinale Dominos Le deuxième tour des élections régionales se tiendra dimanche. Ar- rivé en tête dans six régions au soir du premier tour, le Front national pourrait l’emporter dans une ou plu- sieurs régions, une première pour le parti mais aussi en Europe, où les formations populistes et d’extrême droite ne sont jusqu’ici parvenues aux responsabilités qu’à la faveur d’alliances avec les partis tradition- nels. Tout le continent regardera de près le score du FN, dans un contexte de rejet de l’Union euro- péenne accentué par la crise des réfugiés. Raphaël Proust et Isabelle Marchais le passé, « a conduit notre continent [...] à la catastrophe ». S’il n’a pas explicitement mention- né le Front national, nul doute que la nouvelle poussée de l’extrême droite française au premier tour des élections régionales illustre ce « danger » qui guette, selon lui, l’Union européenne. Si la presse du continent a beaucoup commenté ce résultat, les responsables politiques des pays membres n’ont pas vraiment réagi. Du moins officiellement car, plus que ces scores électoraux qui restent à confirmer, c’est bien la pers- pective d’une victoire de Marine Le Pen au scrutin présidentiel de 2017 qui fait frémir les partisans de l’UE. « C’est vrai qu’il y a un problème français », reconnaissait mardi, en pri- vé, un responsable européen. Si l’essor des populismes est loin d’être l’apa- nage de l’Hexagone, « il y a un malaise, une souffrance et une difficulté bien française derrière le fait que près de 30 % de l’électorat vote FN », ajoutait- il tout en soulignant que « ni l’Italie, ni l’Espagne, ni l’Allemagne ne sont dans une situation politique comparable ». Outre-Rhin, l’heure est d’ailleurs à l’in- quiétude : Berlin ne peut se résoudre à rompre avec un partenaire politique et « L’Union européenne est en danger et personne ne peut dire si elle exis- tera dans dix ans ». Avec gravité, Martin Schulz a tiré la sonnette d’alarme dans une interview accordée lundi au quo- tidien allemand Die Welt. Pour le pré- sident du Parlement européen, le péril prend les traits d’une « Europe du natio- nalisme, une Europe des frontières et des murs » qui, à plusieurs reprises dans L’Europe suspendue au score du FN A la veille du second tour des régionales, les institutions européennes sont effrayées par une éventuelle victoire du FN. Les partis anti-système, eux, espèrent une dynamique lll Page 2 VENDREDI 11 ET SAMEDI 12 DéCEMBRE 2015 N° 648 — 1,70 € Antiterrorisme : l’échec de la logique Shadok Un mois après le 13 novembre, les services de renseignement tentent de tirer les leçons Page 7 Faut-il avancer la primaire de la droite ? Christian Jacob, Eric Ciotti ou encore Gérard Longuet y sont favorables Page 4 Le gouvernement vers un « Jobs Act » à la française La montée du chômage pousse Matignon à réformer plus vite le marché du travail Page 5

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prévoient certains, le visage de la France sera changé. Déjà l’étranger commente le choc à venir tant l’affaire est d’importance. D’ailleurs, même le Premier ministre s’en est mêlé, réclamant, grave, l’exempla-rité. Enfin, c’est fait : Karim Benzema n’est plus sélectionnable pour jouer au football en équipe de France tant que la justice n’aura pas tranché.

Cette mise à l’écart, ce bouleverse-ment, ce séisme peuvent être suivis d’un nouveau traumatisme, puisque Michel Platini doit connaître, en partie, son sort ce vendredi. Les médias s’enflamment, tout le monde s’émeut. Avec raison : devant des situations aussi tragiques, on com-prend mal que d’autres se mobilisent sur autre chose.

Michel Schifres    [email protected]

L’ambitieux Fromantin etses 577 candidatsAprès avoir claqué la porte de l’UDI, le député des Hauts-de-Seine vise haut Page 6

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A chaque flambée électorale du Front national résonne la même

antienne. La classe politico-médiatique rivalise de formules chocs pour recom-poser, réinventer, renouveler, réhabi-liter ou réenchanter… Loin des mea culpa factices, versons donc à notre tour une pièce au dossier. Elle est signée de l’Allemand Horst Seehofer, leader de la CSU : « La résolution des problèmes est

la meilleure protection contre l’extré-misme de droite ».

Condensé de bon sens, cette cita-tion en dit long sur notre délitement national. Car sans verser dans un popu-lisme anti-élites, comment ignorer que la colère des électeurs du FN se nourrit d’un sentiment d’abandon, d’un divorce profond avec une classe politique depuis longtemps déjà moins préoccupée par

les solutions que par les ambitions ? En France, gouverner, c’est échouer. Sur le chômage d’abord. Mais aussi sur la mobilité sociale, la sécurité, les déficits, la fiscalité, l’identité, la précarité, l’édu-cation… Dans cet univers clos qu’est devenue la caste politique, le dogma-tisme prime sur la compétence, la déma-gogie sur le résultat, le clientélisme sur la performance. Les gouvernements ?

Trop souvent un cénacle de cyniques, dans lequel longévité rime avec médio-crité, déni avec mépris. Les partis ? Des machines à promouvoir des candidats obnubilés par la présidentielle, pas des idées – ou si peu audacieuses.

Un temps, la dette a financé nos lâ-chetés. Elle a masqué notre préférence pour la désinvolture et la manœuvre. C’est fini. Malgré un programme aussi

simpliste que dangereux, le Front natio-nal bénéficie de la prime à ceux qui n’ont pas échoué pour n’avoir jamais dirigé. Il prospère sur la faillite de dirigeants prêts, au soir du second tour, à pro-mettre, à promettre encore et toujours. Sans se soucier, une nouvelle fois, de « résoudre les problèmes ».

Rémi Godeau@remigodeau t

Résoudre les problèmes, la meilleure protection contre les extrêmessipa press

GeoffroyDidier (LR) invitéde lamatinale

DominosLe deuxième tour des élections régionales se tiendra dimanche. Ar-rivé en tête dans six régions au soir du premier tour, le Front national pourrait l’emporter dans une ou plu-sieurs régions, une première pour le parti mais aussi en Europe, où les formations populistes et d’extrême droite ne sont jusqu’ici parvenues aux responsabilités qu’à la faveur d’alliances avec les partis tradition-nels. Tout le continent regardera de près le score du FN, dans un contexte de rejet de l’Union euro-péenne accentué par la crise des réfugiés.

Raphaël Proustet Isabelle Marchais

le passé, « a conduit notre continent [...] à la catastrophe ».

S’il n’a pas explicitement mention-né le Front national, nul doute que la nouvelle poussée de l’extrême droite française au premier tour des élections régionales illustre ce « danger » qui guette, selon lui, l’Union européenne. Si la presse du continent a beaucoup commenté ce résultat, les responsables politiques des pays membres n’ont pas vraiment réagi. Du moins officiellement car, plus que ces scores électoraux qui restent à confirmer, c’est bien la pers-pective d’une victoire de Marine Le Pen au scrutin présidentiel de 2017 qui fait frémir les partisans de l’UE.

« C’est vrai qu’il y a un problème français », reconnaissait mardi, en pri-vé, un responsable européen. Si l’essor des populismes est loin d’être l’apa-nage de l’Hexagone, « il y a un malaise, une souffrance et une difficulté bien française derrière le fait que près de 30 % de l’électorat vote FN », ajoutait-il tout en soulignant que « ni l’Italie, ni l’Espagne, ni l’Allemagne ne sont dans une situation politique comparable ». Outre-Rhin, l’heure est d’ailleurs à l’in-quiétude : Berlin ne peut se résoudre à rompre avec un partenaire politique et

« L’Union européenne est en danger et personne ne peut dire si elle exis-tera dans dix ans ». Avec gravité, Martin Schulz a tiré la sonnette d’alarme dans une interview accordée lundi au quo-tidien allemand Die Welt. Pour le pré-sident du Parlement européen, le péril prend les traits d’une « Europe du natio-nalisme, une Europe des frontières et des murs » qui, à plusieurs reprises dans

L’Europe suspendue au score du FNA la veille du second tour des régionales, les institutions européennes sont effrayées par une éventuelle victoire du FN. Les partis anti-système, eux, espèrent une dynamique

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vENDREDI 11 ET SAMEDI 12 DéCEMBRE 2015 N° 648 — 1,70 €

Antiterrorisme : l’échec dela logique ShadokUn mois après le 13 novembre, les services de renseignement tentent de tirer les leçons Page 7

Faut-il avancerla primaire de la droite ?Christian Jacob, Eric Ciotti ou encore Gérard Longuet y sont favorables Page 4

Le gouvernement vers un « Jobs Act » à la françaiseLa montée du chômage pousse Matignon à réformer plus vite le marché du travail Page 5

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2 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015

Ne pas être isolée en première ligne. L’Alle-magne s’est fixé cette ligne de conduite depuis des décennies pour les dossiers européens. Ses dirigeants sont soucieux de ne pas réveil-ler – avec plus ou moins de succès en regard de la crise grecque – les peurs d’une Allemagne hégémonique sur le continent. Aussi, Berlin regarde avec circonspection la progression du Front national depuis des années de l’autre cô-té du Rhin. Une victoire, encore très hypothé-tique, de Marine Le Pen en 2017 à la présiden-tielle priverait la République fédérale de son principal partenaire au sein de l’UE. La chef de file du FN défend des idées incompatibles avec les positions clés allemandes : la sortie de l’eu-ro ou la remise en question du système Schen-gen, réglant la libre-circulation des personnes et des marchandises, pour ne citer que les plus emblématiques.

L’Allemagne d’Angela Merkel n’a pas de vé-ritable alternative au tandem avec Paris. Parmi les poids lourds démographiques, la Grande-Bretagne de David Cameron s’éloigne plutôt qu’elle ne se rapproche du continent, l’Italie est encore plus faible économiquement que la France. De plus, les liens institutionnels avec ces deux pays sont bien plus ténus en compa-raison d’un demi-siècle de rapprochement volontariste entre les deux ex-ennemis ances-traux.

Une dérive droitière dans l’Hexagone, sy-nonyme de repli sur soi, aurait aussi un impact pour l’économie allemande. Le voisin occiden-tal reste le premier partenaire commercial de la République fédérale avec 167 milliards d’euros d’échanges en 2014. Le quotidien des affaires Handelsblatt juge d’ailleurs le programme éco-nomique du FN « digne de la RDA ».

Le camp conservateur d’Angela Merkel s’inquiète aussi d’un effet tache d’huile des

succès électoraux frontistes. L’arrivée de qua-siment un million de demandeurs d’asile de-puis le début de l’année donne déjà des ailes à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), au dis-cours proche du FN. Les derniers sondages lui donnent entre 8 % et 10 % des intentions de vote au niveau fédéral, soit le double de son total aux législatives de 2013. Elle atteint 12-13 % dans la majorité des Länder d’ex-RDA. La petite formation devrait entrer dans les trois parlements régionaux appelés à être renouve-lés en mars 2016, poursuivant ainsi son enraci-nement sur la scène politique allemande.

La CSU bavaroise, en particulier, tire le signal d’alarme. L’allié traditionnel du parti d’Angela Merkel, aux accents volontiers po-

pulistes, a eu pour raison d’être pendant des décennies de constituer le parti le plus à droite de l’échiquier politique allemand. Depuis des semaines, son patron Horst Seehofer tire à boulets rouges sur la politique d’asile d’Angela Merkel. Partisan d’un plafond du nombre de réfugiés, Horst Seehofer réclame des solutions pour « régler les problèmes sécuritaires » et « limiter l’immigration ». « La résolution des problèmes, je ne peux que le répéter, est la meilleure protection contre les extrémistes de droite », a-t-il martelé en début de semaine.

Luc André (à Berlin)

« Grande Marine. La France change, l’Eu-rope et l’Italie changeront aussi », a exulté dimanche le chef de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, quelques heures après la percée histo-rique de Marine Le Pen. Le chef du parti d’ex-trême droite n’a jamais caché son admiration pour la présidente du Front national. Avec sa victoire, Matteo Salvini veut croire en des len-demains radieux pour son parti en Italie. Le leader de la Ligue a désormais en ligne de mire sa rencontre avec Marine Le Pen en janvier, à Milan, pour défendre leur vision de l’Europe avec l’ensemble des partis de leur groupe par-lementaire européen.

« Le Front national est le parti de ceux qui n’ont jamais eu la parole en France. Nous, nous voulons être la même chose en Italie : le parti des petits », a déclaré mardi Matteo Salvini au Corriere della Sera. Une formule qui n’a rien d’incantatoire pour un parti qui ne cesse de gagner des voix. Provocateur, omniprésent sur le plan médiatique, Matteo Salvini, 42 ans, a réussi à faire de la Ligue du Nord le principal parti d’opposition, à droite, de Matteo Renzi.

Un modèle. Même s’il a fait de Marine Le Pen un modèle pour bâtir sa trajectoire, le « léghiste » sait toutefois que le modèle de l’ex-trême droite française n’est pas transposable à 100 % de l’autre côté des Alpes. L’histoire des deux partis n’est pas la même, les visions poli-tiques et régionalistes divergent. Longtemps sécessionniste, la Ligue du Nord a forgé ses bastions dans le Nord de l’Italie. Contraire-ment au Front national aujourd’hui implanté dans la plupart des régions françaises, la Ligue peine à conforter son assise dans le Sud de l’Ita-lie, en dépit de ses efforts pour nationaliser son discours.

À la différence aussi du FN, les « léghistes » n’ont pu exister jusqu’à présent qu’en faisant alliance avec d’autres partis de droite, à com-

mencer par celui de Silvio Berlusconi. Une alliance qui leur a permis d’accéder depuis longtemps aux responsabilités locales et de gouverner aujourd’hui deux régions de taille, la Lombardie et la Vénétie.

L’obstacle du M5S. Mais le principal obstacle pour Matteo Salvini reste le mouve-ment contestataire « Cinq étoiles » (le M5S) de l’ex-humoriste Bepe Grillo, que les son-dages placent en deuxième position dans les intentions de vote des Italiens, derrière le Parti démocrate. Au lendemain des élections fran-çaises, les parlementaires du M5S se sont posés en « rempart » contre l’avancée de l’extrême droite en Italie.

Malgré des nuances d’approche, les deux mouvements ont pour point commun un dis-cours anti-immigration et anti-Europe. Tout comme la Ligue du Nord, Bepe Grillo agite les peurs et réussit à canaliser les frustrations populaires, surgies avec la crise économique. Ses excès verbaux n’ont rien à envier à ceux de Matteo Salvini. Résultat, si le M5S a rallié une bonne partie de l’électorat de gauche, son idéologie « anti-système » est assez souple pour lui permettre de labourer aussi sur les terres de droite.

Selon La Repubblica, le M5S et la Ligue tota-lisent à eux d’eux 40 % des intentions de votes. A six mois des élections municipales dans les villes les plus importantes d’Italie, « l’effet d’en-traînement du vote français pourrait être irré-sistible » et affaiblir Matteo Renzi, pouvait-on lire lundi dans le quotidien romain. Si le pré-sident du Conseil italien s’inquiète pour l’ave-nir de l’Europe, il affiche sa sérénité quant au devenir de l’Italie. « Nous [Le parti démocrate, NDLR], nous gagnons parce que les réformes sont en train de porter leurs fruits », a-t-il décla-ré sur son compte Facebook.

Catherine Dabadie (à Rome)

Berlin a tout à perdred’une percée du FN

En Italie, les partis contestataires galvanisés

Matteo Salvini espère profiter d’un effet FN.

L’Europe suspendue au score du FN

Sipa preSS

économique privilégié, sans parler d’éventuelles répercussions positives pour les eurosceptiques de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Ce « pro-blème français », c’est aussi celui d’une perte d’in-fluence réelle du pays dans les grandes décisions européennes. « Où est la France, quel est son avis sur les dossiers ? », s’interroge Jean-Dominique Giuliani. Le président de la Fondation Robert Schu-man adresse une critique sévère à la classe poli-tique française, coupable à ses yeux de « naviguer

au gré des sondages et des manifestations à Paris » et d’avoir délaissé les enjeux européens. Une ten-dance que la « poussée populiste du FN » ne fait, au final, que renforcer. « Il n’y a pas une personnalité politique dans le paysage français qui rompe avec cette dérive et qui tienne un discours européen moderne et attrayant », regrette-t-il. L’une des conséquences de ce désengagement, c’est que « le couple franco-allemand ronronne », dénonce Jean-Dominique Giuliani.

Jusqu’ici discrets, les Européens devraient néanmoins réagir si le FN parvenait dimanche à en-lever une ou plusieurs régions. Il s’agirait d’une pre-mière pour l’extrême droite et les partis populistes qui ne sont jusqu’ici parvenus aux responsabilités qu’à la faveur d’alliances avec les partis tradition-nels, que ce soit en Autriche, en Finlande ou encore en Italie.

Pour autant, en quoi les succès du Front natio-nal sont-ils plus dangereux pour l’UE que ceux des populistes britanniques ou polonais ? Parce que « la France n’est pas un pays comme les autres, rap-pelle Giles Merritt, secrétaire général du think tank bruxellois “Friends of Europe”. L’idée qu’un pays fondateur puisse sortir des politiques européennes et progressistes est un grand choc ». La France est aussi la deuxième économie de la zone euro, possède une armée qui compte et une diplomatie mondiale : « Nos décisions ont des conséquences sur nos partenaires », résume Jean-Dominique Giu-liani.

L’influence du FN sur la politique française ne peut donc que saper la poursuite du projet européen, tant le parti remet en cause systémati-quement toutes les valeurs de l’UE, qu’il s’agisse de l’ouverture sur le monde (économique avec la mondialisation, humaine avec la crise des réfugiés), du libéralisme, de l’espace Schengen, de l’assainis-sement budgétaire ou encore de l’euro. Si les résul-tats du premier tour des régionales se confirment au second, « cela donnerait une immense bouffée

d’oxygène à d’autres forces populistes et d’extrême droite qui menacent l’intégrité de l’Europe », s’in-quiète Giles Merritt. Comme le soulignait lundi le quotidien britannique The Guardian, « Marine Le Pen n’est pas seule et c’est un vrai problème pour l’Europe ».

Tout près de la région Nord-Pas-de-Calais-Pi-cardie – dont la prochaine présidente pourrait bien être Marine Le Pen – les Belges de la Nouvelle al-liance flamande (N-VA) se sont d’ailleurs réjouis de la voir caracoler en tête. Nationalistes, libéraux et

jugés moins infréquentables que les extrémistes du Vlaams Belang (qui siègent dans le même groupe que le FN au Parlement européen), ils n’en sont pas moins ravis de voir leurs idées progresser dans de nombreux Etats membres. « Le résultat des élec-tions [en France, NDLR] est le dernier signe d’une longue série, l’opposition augmente en Europe de l’Est, la discussion fait rage en Grande-Bretagne sur le Brexit, les Danois ont rejeté la politique judi-ciaire européenne et même la Suède a rétabli les

contrôles à ses frontières », jubilait lundi le pré-sident de la N-VA, Bart De Wever. Un peu plus au nord, le Parti pour la liberté du néerlandais Geert Wilders – qui s’affiche régulièrement avec Marine Le Pen – est en tête dans les sondages à un an et de-mi des élections législatives prévues en mars 2017 aux Pays-Bas. Comme en France, c’est sur le rejet de l’accueil des réfugiés qu’il prospère, tout en promettant de quitter l’UE s’il était élu Premier mi-nistre. En Pologne, la récente victoire des conser-vateurs du parti Droit et Justice (PiS) ont remis le pays dans le sillage eurosceptique du Hongrois Viktor Orban, adepte des provocations à l’égard de l’Union.

Une défiance croissante vis-à-vis de l’existence même de l’UE qualifiée de « paradoxe » par le com-missaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. « L’Europe et le monde font face à des crises d’une ampleur sans précédent [...] dont les réponses ne peuvent être qu’internationales, à tout le moins européennes. Pour cela, on se tourne vers l’Europe, on attend beaucoup d’elle. Et pour-tant dans le même mouvement, certains la vili-pendent, d’autres s’en détournent, beaucoup s’en défient, bien peu la soutiennent et la magnifient », a-t-il écrit sur son blog. Un billet dont le titre sonne comme un plaidoyer : « Ça suffit ! » Sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’un cri de désespoir ou d’encouragement…

@raphaelproust t@IMarchais t

« Pas une personnalité politique dans le paysage français ne tient un discours européen moderne et attrayant »

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L’arrivée de quasiment un million de deman-deurs d’asile donne déjà des ailes à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), au discours proche du FN

Selon le quotidien britannique The Guardian, « Marine Le Pen n’est pas seule et c’est un vrai problème pour l’Europe »

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vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 3

StratégieSentant la ou les victoires possibles mais pas du tout assurées, les candidats du Front national jouent plus que jamais la carte de la dédiabolisation et de la pro-fessionnalisation.

Béatrice Houchard

Surtout, ne pas faire peur. S’ils sont élus, il n’y aura pas de « nuées de sauterelles », ni d’« invasions de crapauds », ni de « barbelés ». Les candidats du Front national font en sorte de ne pas affoler des électeurs qui, au dernier moment, pourraient hésiter à leur confier les clés de leur région. Même si Marion Maréchal-Le Pen persiste et signe dans son opposition à la subvention du Planning familial ou que Louis Aliot conseille aux musulmans (sans les citer explicitement) d’« aller vivre leur foi ail-leurs ».

« On savait que ce serait la semaine de la peur », lance ainsi Florian Philippot mardi soir, devant 250 personnes réunies à Cormontreuil (Marne). « Ils sont même allés chercher Dany Boon, depuis Londres, ajoute-t-il [rires dans la salle]. Mais je suis pragmatique. On vous dit que les investisseurs vont fuir les régions si nous sommes élus. Evidemment, c’est faux. Je travaillerai en bonne intelligence avec les milieux économiques, bien sûr ; avec les asso-ciations, bien sûr ; avec l’administration terri-toriale, bien sûr ». Sous-entendu : avec tout le monde, « bien sûr ».

S’il avait « combattu » la fusion entre les trois régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne, Florian Philippot affirme ici, à deux pas de Reims, que ce nouveau découpage « n’est peut-être pas éternel » et qu’une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle pourrait le remettre en cause. Mais pas de panique : « Puisque la fusion est là, je la gérerai dans un esprit d’équilibre, d’équité, d’économie. »

Sur les économies à venir, justement, il veut aussi rassurer : « Je ne toucherai pas au budget de la culture », dit-il, reconnaissant que ce n’est pas un énorme budget et se risquant à ajouter, un rien présomptueux : « Le monde de la culture est largement avec nous. »

Après le meeting, il commente : « Mon pro-gramme plaît tellement qu’ils le caricaturent. Je suis tout le temps obligé de répondre. Par

Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, les proches de Marine le Pen savent qui sera vice-président et de quel secteur, et glissent que le directeur général des services est trouvé. Il s’agirait d’un DGS déjà en poste dans une ré-gion. Pour la grande région Est, Florian Philip-pot confie avoir « des contacts intéressants ».

Dans le Centre-Val-de-Loire, Philippe Loiseau affirme avoir sous la main son DGS (« quelqu’un qui a déjà été en poste ») et son di-recteur de cabinet. Chargé il y a plus d’un an de recruter dans la haute administration, Steeve Briois aurait épluché « une centaine » de CV. Pour caresser les électeurs dans le sens du poil, tous annoncent qu’ils réduiront le nombre de vice-présidences et le train de vie des régions.

Il y a quand même un petit problème : les compétences des régions permettent difficile-ment de « changer la vie quotidienne », comme l’a pourtant promis Marine le Pen mardi sur TF1. Alors tous jurent de faire « du barouf », comme l’a répété la présidente du FN jeudi

sur BFMTV : « Je vais pourrir la vie du gouver-nement à chaque minute de chaque jour de chaque semaine ». « Ils vont entendre parler de moi et des habitants de la région ». Idem pour Florian Philippot l’autre soir à Reims : « S’il faut faire un peu de bruit, on fera un peu de bruit. »

Elue présidente de région, Marine Le Pen harcèlerait le gouvernement sur Calais, et Flo-rian Philippot organiserait des référendums d’initiative populaire, par exemple sur le finan-cement de la mosquée de Strasbourg. « On ira porter le résultat au ministre de l’Intérieur, au Premier ministre et au président de la Répu-blique. On va les remettre au travail », a-t-il lan-cé à Cormontreuil, recueillant presque autant de succès que lorsqu’il a promis de « réaffec-ter aux personnes âgées les 350 000 euros de l’accueil des migrants ». Succès de la soirée à l’applaudimètre.

@beache3 t

exemple, je n’ai jamais dit qu’on était contre les transfrontaliers. Je ferai du bilatéral, ça tombe bien, j’adore ça. Il faut juste que ce ne soit pas imposé par Bruxelles. » Il ajoute : « C’est le re-vers de l’effet-loupe : on nous surveille. Si nous sommes élus, à chaque fois qu’on dira quelque chose, ça portera cinquante fois plus que n’im-porte quel autre président de région lambda. »

Depuis dimanche soir, Marine Le Pen aussi a sorti la carte du rassemblement : « J’entends être la présidente de tous les habitants de la ré-gion, de toutes les villes et de tous les villages, y compris ceux qui ont été abandonnés ». Et tous les candidats ont adressé un petit clin

d’œil aux électeurs de Nicolas Dupont-Aignan, car les victoires peuvent se jouer à quelques voix près : « Sur les valeurs, sur la souveraine-té, l’identité, on est très proches », dit Florian Philippot, pas mécontent de noter que, pour la première fois, il est arrivé en tête à Colombey-les-Deux-Eglises.

Pour appuyer leur démonstration et ten-ter de convaincre qu’ils pourraient faire mieux que les autres à la tête des régions, les candi-dats du Front national ont un argument en or : dans les villes qu’ils dirigent depuis 2014, ils ont dépassé la majorité absolue dans 7 cas sur 11. Commentaire de Marine le Pen : « Les gens ne sont pas masos. Les habitants de nos villes sont heureux, et si c’était aussi le cas dans nos régions ça tuerait l’argument de la peur brandi par les autres candidats. » Florian Philippot reprend le slogan publicitaire : « Dans les villes du Front, les gens vivent bien. Essayer le FN, c’est l’adopter. »

Autre argument : les équipes. Marion Ma-réchal-Le Pen, sur son affiche de second tour, pose devant son éventuel futur exécutif régio-nal avec pour slogan : « Nous sommes prêts. »

Les candidats Front national jouent la cartedu rassemblement

Etre un Français aux Etats-Unis et observer simultanément l’émergence de Donald Trump et le succès du Front National aux élections régionales est une expérience intéressante, et inquiétante. Depuis des mois aux États-Unis, journalistes, experts, adversaires politiques prédisent le déclin de Trump à chaque nouvelle polémique. L’étranger naïf voit le tribun popu-liste solidement ancré en tête de tous les son-dages. On lui explique qu’il ne s’agit que d’une parenthèse clownesque, typique des premiers temps d’une campagne, comme Herman Cain en 2012 contre Mitt Romney, et que les candidats « sérieux » prendront vite le relais : tout rentrera dans l’ordre. Et pourtant.

Insultes contre John McCain, vétéran du Vietnam et candidat républicain en 2008, pro-pos sexistes contre une journaliste de Fox News, promesses grotesques de construire un « grand, grand mur » à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique et d’expulser tous les clandestins du pays, attaques xénophobes contre les immigrés mexicains et désormais, depuis les attentats de Paris et la tuerie de San Bernardino, apparem-ment inspirée par Daech, fuite en avant raciste avec sa proposition d’interdire « temporaire-ment » le territoire américain aux musulmans, y compris ressortissants américains. Pendant des mois, la montée de Trump a été accueillie avec un mélange d’embarras et d’amusement. Ils cèdent aujourd’hui la place à la condamnation.

Mais rien n’y fait. À chaque nouvelle contro-verse, le consensus d’observateurs prédit son implosion et Trump continue de dominer les sondages. Pire, chaque mouvement d’indigna-tion ne fait que renforcer l’attrait de son message anti « politiquement correct ». Un vent de pa-nique commence à souffler sur les républicains

qui pensaient initialement disposer de candidats solides pour contrer l’inévitable candidature de Clinton. Les questions qui fâchent commencent à se murmurer : que faire s’il a l’investiture ? Les caciques du Parti républicain accepteront-ils de soutenir un candidat qui a fait campagne en s’attaquant au parti et à ses principes ? Mieux vaut ne même pas y songer.

Marco Rubio, le jeune sénateur de Floride, hispanique, articulé et interventionniste sur les questions internationales, reste le favori de l’establishment républicain qui préfère se convaincre que Trump finira par s’effondrer. En effet, à deux mois de la première primaire, la route est encore longue. Les provocations de Trump peuvent fonctionner sur le court terme mais rebuteront clairement les électeurs modérés. S’il est vu comme un vote perdant face à Hillary Clinton, les républicains se déporteront peut-être vers un choix moins risqué.

Lame de fond. Quel que soit le résultat, le populisme de Trump laissera nécessairement une trace durable, qui sera un défi pour le Parti républicain. Comment son succès actuel a-t-il pu, à ce point, déjouer les pronostics des experts ? Comment y répondre ? Les Américains ne sont pas seuls à être désemparés. En France, qu’un succès électoral de Marine Le Pen soit toujours qualifié de « choc » alors que le FN est arrivé en tête aux européennes de 2014 et que les sondages le donnaient gagnant est stupé-fiant.

Naturellement la comparaison a ses limites et les contextes nationaux sont différents : question du rôle de l’argent dans le processus électoral aux Etats-Unis, enjeux européens en France. Mais Trump, comme Marine Le Pen et

les autres dirigeants populistes européens de droite et de gauche, sont les représentants d’une lame de fond croissante contre les institutions de nos démocraties libérales. Ils exploitent un vide politique. Dans les deux pays, les sondages montrent une défiance croissante vis-à-vis des élites. L’absence de renouvellement renforce ce désamour. Aux Etats-Unis, la campagne se dirigeait initialement vers un nouveau duel ( Jeb) Bush- (Hillary) Clinton ; en France on prépare un remake de 2012.

Aux Etats-Unis, la population exprime son rejet d’un Congrès bloqué par les manœuvres partisanes et les lobbys, culminant dans le fameux « shutdown » des institutions d’octobre 2013. En France, combien de gouvernements successifs ont échoué à réformer le pays, son marché du travail rigide, ses universités peu compétitives, à préparer le système aux défis de la mondialisation ? Qui d’ailleurs imagine que le gouvernement actuel répondra à la vague FN avec de vraies réformes structurelles ?

Les populistes s’emparent de cette démission du politique et dictent le débat en des termes dangereux. Ils déplacent la conversation vers l’angoisse identitaire jouant

Trump, Le Pen et la démission du politiquesur un sentiment de perte de contrôle. Face aux transformations qui nous entourent, les mêmes boucs émissaires pour Trump et Le Pen : immi-grés et minorités. Ils adoptent des méthodes et cibles similaires, attaquant « l’establishment » et ses piliers que sont les partis des deux bords (« UMPS ») et les médias.

Que Le Pen et Trump soient moins conserva-teurs sur les questions de mœurs ou nettement moins libéraux sur l’économie que leurs concur-rents n’est pas le sujet. Ils rejettent l’existence d’un clivage droite-gauche qui serait une supercherie d’une élite connivente. Il s’agit de reprendre le pouvoir à Bruxelles, Washington, au « système ». Que Trump soit un milliardaire new-yorkais, Marine Le Pen l’héritière d’un parti népotiste, impliqué dans des affaires d’abus de biens sociaux et d’escroquerie, importe peu. Ils luttent contre la « bien-pensance », le « politique-ment correct », armes d’une élite déconnectée pour nier la réalité des problèmes quotidiens des électeurs. A l’heure des réseaux sociaux et médias en continu, ils incarnent la recherche d’authenticité face aux éléments de langage ternes et prévisibles.

Le déni ou l’indignation ne fonctionnent plus. Se convaincre qu’il ne s’agit que d’un vote de contestation éphémère ou du fruit de l’abstention et de la dispersion des voix relève du déni. Mépriser ou culpabiliser, avec condes-cendance, les électeurs a fait long feu. Notre impuissance à prévoir et répondre aux succès des Trump et Le Pen est le reflet de notre faillite à offrir une alternative politique à leur message.

Benjamin Haddad est chercheur au Hudson Institute à Washington. Il a enseigné les questions internationales à Sciences Po Paris.

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L’Europe suspendue au score du FN

« Je vais pourrir la vie du gouvernement à chaque minutede chaque jour dechaque semaine »,assure Marine Le Pen

Florian Philippot :« Mon programmeplaît tellement qu’ilsle caricaturent.Je suis tout le temps obligé de répondre »

Benjamin Haddad

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4 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015

CalendrierLa compétition censée désigner le candidat de la droite et du centre à l’Elysée est fixée au 20 et 27 novembre 2016. Mais ce calendrier tardif commence à être contesté au sein des Républicains. « C’est un débat qui mérite d’être posé », estime Christian Jacob. Il sera sur la table dès lundi lors du bureau poli-tique du parti de Nicolas Sarkozy consa-cré au second tour des élections régionales.  

Ludovic Vigogne

Que celui-ci soit un succès ou une déception, au lendemain du second tour des élections ré-gionales, ce sera le grand débat qui se posera à droite : faut-il avancer la primaire et l’organiser avant l’été ? L’élection dont sortira le champion de la droite et du centre pour l’élection prési-dentielle de 2017 est pour l’instant program-mée les 20 et 27 novembre 2016.

Au sein des Républicains, ils sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur ce calendrier tardif. L’opposition peut-elle vivre encore un an sans chef ? Peut-elle se déchirer sur la place publique, avec le degré de violence dont elle a le secret, pendant douze mois, sans en sortir très affaiblie ? « Face à Marine Le Pen, la droite

a besoin d’un patron vite. Elle ne peut pas se permettre un an de débats internes. Ils ne peuvent pas garder la primaire en novembre », avance même un ministre, au Figaro Magazine qui évoque l’hypothèse.

Jeudi, sur LCP, Christian Jacob a mis les pieds dans le plat. « S’il y a une possibilité d’avancer la primaire et que cette position est consensuelle, je crois que c’est un débat qui mérite d’être posé. Mais ça ne peut se faire que de manière consensuelle et si c’est possible techniquement […]. La force aujourd’hui de la droite, c’est que nous n’avons pas ce qu’il y a à gauche, cette fracture idéologique », a jugé le président des députés LR. A l’Assemblée natio-nale, il a commencé à sonder ses collègues. « Les parlementaires sont plutôt pour, confie-t-il à l’Opinion. Si tu la fais avant l’été, tu fais le campus des jeunes et les journées parlemen-taires à la rentrée avec un candidat. Sinon, tu auras un candidat après les vœux. » Et d’ajou-ter un dernier argument : « Notre électorat aime l’ordre. »

Eric Ciotti est aussi partisan de cette solu-tion. Le député LR des Alpes-Maritimes pré-pare une initiative afin de la promouvoir pour la semaine prochaine. « La primaire est une obligation, déclare-t-il à l’Opinion. Mais on n’est pas obligé d’en conjuguer tous les incon-vénients. Sa logique, c’est de pousser chacun à se distinguer. Je n’imagine pas que l’on vive

dans ce climat pendant un an. Il faut donc au plus vite purger ce débat et l’organiser avant l’été. »

Selon nos informations, Gérard Longuet a aussi prévu d’intervenir lundi lors du bureau politique des Républicains pour plaider en ce sens. « Nous avons un problème de leadership, dit le sénateur LR de la Meuse. Il faut le régler. Une victoire dans une primaire ripolinera à neuf le visage de la droite. »

S’il n’en est pas à l’initiative, Nicolas Sar-kozy, qui a vécu un entre-deux tours difficile, n’est pas insensible à ce scénario. Son entou-rage fait savoir que le président des Républi-cains ne demande rien. Mais l’ancien chef de l’Etat a com-mencé à tester l’idée devant quelques responsables de sa famille.

Elle comporte néanmoins un inconvénient. Alors qu’au-tour de lui, rien n’est prêt pour la primaire, il devrait quitter la rue de Vaugirard, très vite, au plus tard au début du prin-temps (les statuts exigent que le président du parti ait aban-donné ses fonctions plus de trois mois avant l’élection).

Parmi les adversaires et candidats déjà déclarés à la pri-maire, le discours est partagé. Directeur de campagne d’Alain Juppé, Gilles Boyer rappelle qu’initialement le maire de Bordeaux avait proposé de tenir le vote avant l’été, avant de se rallier à la proposition des autres camps qui réclamaient un calendrier plus tardif. Il précise : « Si c’est pour revenir sur les conditions d’organisation et faire une primaire avec 300 000 participants dans les permanences des Républicains, c’est non. Si c’est en revanche faisable dans les conditions qui ont été définies, pourquoi pas ? Je préfère tard mais bien plutôt que tôt et mal. Mais tôt et bien, ce n’est pas inintéressant. »

François Fillon est lui plutôt réservé. De-puis quelques semaines, le député de Paris soupçonne Nicolas Sarkozy de fomenter un mauvais coup sur la primaire pour l’après ré-gionales. Le refus est en revanche net du côté de Bruno Le Maire. « C’est non. Il y a quinze jours, on nous disait que la primaire serait impossible à organiser en dix mois selon les conditions fixées et maintenant on veut l’avan-cer ! rétorque un des proches du député LR de l’Eure. C’est une manœuvre des tenants du vieux système pour tenter de conserver le pouvoir. Une telle bidouille pour répondre à la crise politique que nous vivons n’est pas à la hauteur des enjeux. »

Un des principaux organisateurs de l’élec-tion est lui catégorique. « C’est n’importe quoi, dit-il. Il est impossible de l’organiser dans de bonnes conditions avant l’été. » Cela suffira-t-il à clore le débat ? Ou celui-ci, succédant à nom-breux autres sur le nombre et la répartition des bureaux de vote ou sur les conditions de finan-cement du scrutin, décidera-t-il un candidat à sortir du processus de la primaire et à se pré-senter directement au premier tour de l’Elysée ?

@LVigogne t

Faut-il avancer la primairede la droite et du centre ?

Ce sera la grande question au lendemain des régionales. Christian Jacob, Eric Ciotti ou encore Gérard Longuet y sont favorables

« Je préfère tard mais bien plutôt que tôt et mal. Mais tôt et bien, ce n’est pas inintéressant. » Gilles Boyer, directeur de campagne d’Alain Juppé

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J’attendais Valls, lundi matin, tout en lisant la presse, quand mon téléphone s’est mis à vibrer. Ou plutôt, soyons précis, quand l’un de mes téléphones s’est mis à vibrer. Celui-là, les journalistes le connaissent par cœur : 06 32… J’avais déjà ce numéro lorsque j’étais premier secrétaire. Je l’ai conservé depuis. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est ma ligne privée. C’est en tout cas celle que je maintiens contre vents et marées avec tous ceux qui écrivent des horreurs sur mon compte et m’assurent en même temps, lorsque je les rencontre, de leur sollicitude et même, souvent, de leur amitié. Passons…

Lundi matin, donc, j’ai reçu un texto qu’il m’a suffi de lire pour en deviner l’auteur. « L’urgence est là. Tu dois me voir. » Pas de signature. Encore moins de formule de politesse. Les convocations de ce genre, je n’en reçois pas souvent. C’est d’ailleurs pour cela que j’en ai su aussitôt l’origine. Edwy, pardi !

Je n’ai pas répondu tout de suite. D’abord parce que je n’aime pas qu’on me siffle après m’avoir si longtemps battu froid. Ensuite, parce que Manuel venait de s’asseoir face à moi et que je me voyais mal répondre au procureur de Mediapart devant un homme qui est, selon lui, la réincarnation de Guy Mollet. Enfin et surtout, j’avais besoin de réfléchir tranquillement à l’objet exact de cette soudaine mise en demeure.

Edwy, je le connais comme ma poche. Tellement lisible et pourtant imprévisible. Un brin radoteur, rarement sympathique, toujours grandiloquent, même dans les petites choses. Un jour Péguy, l’autre Trotski, entre leçon de morale et cours de stratégie politique. Depuis le temps qu’on se fréquente… Trente ans déjà ! Quand il était le premier flic du Monde puis quand il est devenu, avec Colombani et Minc, le

chef d’orchestre si peu clandestin de notre brave quotidien du soir, Edwy aimait venir boire un verre avec moi, au bar du Lutécia.

On parlait. On échangeait des infos. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a fini par écrire un livre ensemble, en 2006. Il me posait des questions plus longues que mes réponses. J’avais trouvé le titre : « Devoir de vérité » – sans rire. Lui avait imposé l’éditeur : Stock, bien entendu, pour rester en famille. Il avait surtout tenu à ce que cette longue interview soit qualifiée de « dialogue ». En toute modestie journalistique…

Que me voulait-il, à nouveau ? Me parler de la TVA pour la presse en ligne et du redressement fiscal que vient de lui infliger Bercy ? Difficile à croire, d’autant qu’il y a belle lurette que son avocat, qui est aussi le mien, m’a transmis le dossier. Me signaler à l’avance les turpitudes d’un de mes ministres, comme du temps de Cahuzac ? Si c’était le cas, j’avais plutôt intérêt à ne pas bouger une oreille.

Il fallait donc aller au plus simple. Si Edwy voulait me voir en urgence, au lendemain du premier tour des régionales, c’est que l’urgence était précisément celle de l’actualité la plus chaude. « Quand le blé est sous la grêle, fou qui fait le délicat », comme disait l’autre. J’ai répondu par texto sur un mode un peu pète-sec qui me semblait convenir à la situation : « Mercredi, 21 heures, dans mon bureau. » J’ai failli ajouter : « Tenue de camouflage obligatoire. » Je me suis retenu de justesse et, au fond j’ai bien fait.

Je dis ça parce que la tenue de camouflage, Edwy l’a enfilée tout seul.

Au jour et à l’heure dite, l’huissier, qui en a pourtant vu d’autres, l’a introduit dans mon bureau avec une mine étonnée. Costume noir, chemise noire, moustache noire, regard noir : sur le coup, j’ai cru qu’Edwy s’était barbouillé le visage de charbon de bois pour qu’on le remarque moins, en cette soirée de décembre.

– Ça va ?– Non.–Tu voulais me voir ?– Oui.– Tu avais des choses à me dire– Nous sommes requis !Dis comme ça… Avant que j’aie eu

le temps de lui répondre, Edwy avait déjà plongé le nez dans son cartable. Il en a sorti un livre qu’il s’est mis à me lire d’une voix tremblante d’émotion : « La France est à la merci d’un accident historique : l’élection à la présidence de la République, en 2017 de la dirigeante d’extrême droite, Marine Le Pen. Il ne s’agit là ni de pronostic, ni de prévision, encore moins d’un pari. Simplement d’une analyse froide de l’ampleur sans précédent de la crise de la représentation politique et… » Là, je l’ai coupé : « Je sais. Camba me dit la même chose. » Cette remarque, je le confesse, n’était pas charitable vu la détestation que se vouent ces deux enfants de Léon.

Edwy a pris son air de musaraigne. « Sauf que ces phrases, à Mediapart, nous les avons écrites il y a tout juste un an dans un ouvrage – Qu’ont-ils fait de nos espoirs –qu’une fois encore, tu n’as pas voulu lire. » J’allais lui répondre qu’en effet, ça n’était pas nécessaire puisqu’il répétait toujours la même chose, quand, à ma grande stupeur, Edwy s’est levé pour me tendre la main : « Arrêtons ces querelles stupides. Soyons à la hauteur. Tu es pragmatique, je suis radical. Construisons une radicalité pragmatique. Vire Valls et la République revivra, à gauche. »

Pardon de rabaisser le débat, mais dans les yeux embués de mon vieux camarade, j’ai vu soudain s’esquisser la formule de ma réélection en 2017. Oh, bien sûr, je ne l’ai pas dit comme ça. Je n’allais quand même pas casser l’ambiance ! D’autant qu’Edwy, dans son élan, avait déjà replongé dans son cartable. « Tu connais, j’imagine, Hemingway ? ». Et puis quoi encore… Imperturbable, il a alors déclamé : « Aucun homme n’est une île, un tout complet en soi. Tout homme est une partie de l’ensemble. Aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas. C’est pour toi qu’il sonne. »

Il était 22 heures. C’était l’heure de nous quitter. Une pendule s’est mise à sonner. Les pendules de l’Elysée ne seront jamais à la hauteur d’Edwy.

@LesCarnetsFH tDerrière les initiales F.H. se cache un fin observateur de la gauche française, assez introduit dans l’entourage présidentiel pour ne rien ignorer (ou presque) de ce qui se trame dans le bureau du chef de l’Etat. Et qui, pour avoir suivi depuis de longues années François Hollande, est un fin analyste de la psychologie présidentielle.

Palais de l’ElyséeF.H.

Pour une radicalitépragmatique

Edwy Plenel : « Arrêtons ces querelles stupides. Soyons à la hauteur. Tu es pragmatique, je suis radical. Construisons une radicalité pragmatique. Vire Valls et la République revivra, à gauche »

Nicolas Sarkozy n’est pas insensible à un scénario de primaire avancée.

ReuteRs

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vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 5

BrainstormAprès un bon deuxième trimestre, l’éco-nomie a arrêté de créer des emplois au troisième trimestre dans le secteur mar-chand, comme le montre l’Insee jeudi (900 emplois nets détruits en trois mois, contre 28 000 créés entre avril et juin).

Fanny Guinochet

Manuel Valls ne décolère pas des mauvais résultats de la France sur le front du chômage. Les livraisons de ses derniers jours ont de quoi mettre le moral à zéro du Premier ministre. Après les 42 000 inscrits supplémentaires à Pôle emploi en octobre, puis les statistiques de l’Insee de la semaine dernière portant le taux de chômage à 10,6 % - son niveau le plus haut depuis 1997 -, voici maintenant le coup de frein sur la création d’emplois marchands au 3e tri-mestre…

Aussi, le premier ministre a-t-il demandé à ses équipes de mettre toutes les pistes sur la table. Le benchmark avec les voisins bat son plein. Tout y passe, pour créer une sorte de « Jobs act » à la française, comme l’a fait Mat-teo Renzi en Italie : du « CDD intérim » multire-nouvelable à l’extension de contrats de projets, en passant par le renforcement des contrats

aidés. L’objectif : mener une guerre frontale contre le chômage et en particulier le chômage de longue durée et celui des jeunes.

La future loi Travail de la ministre Myriam El Khomri, si elle ambitionne de lever quelques verrous, reste un peu trop théorique au goût de Manuel Valls. Robert Badinter doit livrer son rapport préparatoire le 15 janvier mais le gouvernement a conscience que la réécriture du Code prendra du temps. Aussi cherche-t-il à accélérer le mouvement. D’autant que patro-nat et syndicats le pressent d’agir sur quelques sujets, comme la relance de l’apprentissage ou l’exonération des charges pour des emplois à

destination des plus éloignés du marché du travail.

Laurent Berger, à la CFDT, demande que « l’emploi des jeunes soit une cause nationale », quand Pierre Gattaz réclame « un plan d’ur-gence contre le chômage de masse ». « C’est un scandale, un fléau, je demande qu’il y ait une sorte de plan Marshall, un Grenelle, un élec-trochoc, tout ce que vous voulez », a martelé le patron du Medef sur RTL le 8 décembre. Et de parier sur le fait que « ça peut être fait avec tous les partis politiques, avec tous les partenaires sociaux ». À l’image de la loi « zéro chômage » du député PS, Laurent Grandguillaume, adop-tée à l’unanimité, dans la nuit de mercredi ?

« Tout le monde a voté pour, du Front de Gauche aux Républicains, se félicite le député de Côte d’Or, c’est du jamais vu pour une loi sociale ! » Les deux députés FN étaient absents lors du vote de ce texte qui prévoit l’expéri-mentation dans une dizaine de territoires de la création de CDI pour des chômeurs de longue durée dans des emplois dits d’utilité publique. Bénéficiant de la procédure d’urgence, cette loi est inscrite au Sénat le 15 janvier, et pour-rait servir de véhicule législatif pour faire

passer quelques mesures chocs sur lesquelles planche Matignon. Seule réserve, que les su-jets ne soient pas trop éloignés de ce texte, sans quoi le Conseil constitutionnel considérera que ce sont des cavaliers législatifs.

Surtout, les dispositifs envisagés risquent d’être moins consensuels. « Car il faut déblo-quer le marché du travail tout en expliquant que cela ne se fera pas contre les chômeurs », poursuit un proche du dossier. La sécurisa-tion du contrat de travail devrait y figurer, et notamment le plafonnement des indemni-tés prud’homales, si cher au patronat. Pré-vue dans la loi Macron 1, mais retoquée par le Conseil constitutionnel, cette disposition pourrait réapparaître.

Matignon n’exclut aucun scénario, y com-pris de profiter de cette période si particulière de l’état d’urgence, et d’en passer par une loi spécifique dès janvier. L’Élysée semble moins pressé. Reconnaissant que « la situation de l’emploi est moins détendue qu’espérée », l’en-tourage du chef de l’État insiste surtout sur les deux lois en cours, la loi Travail et la loi Macron 2, dite « Noé ».

@fannyguinochet t

Face au chômage, le gouvernement planche sur un « Jobs Act » à la française

La montée du chômage pousse Matignon à accélérer la réforme du marché du travail.Il envisagerait une loi pour acter des mesures chocs en faveur de l’emploi

« Ils acceptent une moins grande sécurité dans le travail. Cette flexibilité leur permet d’entrer plus facilement dans la vie active. » Pour Sami Rahal, directeur des ressources humaines chez Deloitte, les jeunes qui ar-rivent sur le marché de l’emploi tendent à plus de réalisme. C’est l’une des tendances qui ressort du nouveau baromètre  sur l’hu-meur des jeunes diplômés, présenté ce jeudi. Une étude menée courant novembre auprès d’un millier de répondants, oscillant entre un niveau Bac et Bac +5, sur le marché du tra-vail depuis moins de trois ans. Une tranche de la population dont la situation profession-nelle semble s’améliorer sensiblement : selon l’étude, 70 % sont en poste contre un sur deux en 2014.

Pour atteindre ce nouveau taux et intégrer le marché de l’emploi, ces jeunes ont accepté de rogner certains « acquis » de leurs aînés. 63 % se prononcent ainsi pour la suppression des 35 heures. Plus de 50 % sont favorables à la baisse du montant des allocations chômage après six mois. « On constate une évolution assez majeure de la perception du marché du travail par ces jeunes », a commenté de son côté Frédéric Micheau, directeur du dépar-tement opinion chez OpinionWay. La moi-tié accepterait la mise en place d’un contrat de travail unique en remplacement du CDD ou  CDI.  « C’est quelque chose que l’on n’ob-servait pas il y a trois ans », ajoute-t-il.

Des postulants à la vie active conciliants donc, et qui se prennent en main : parmi ceux en poste, 25 % ont trouvé leur emploi via leur

réseau. « Ils ont conscience de l’importance de cet outil dans la recherche de poste », pointe Sami Rahal, soulignant par ailleurs que 10 % des diplômés ont trouvé leur travail grâce aux réseaux sociaux professionnels, tels LinkedIn ou Viadeo.

Les auteurs de l’enquête tiennent éga-lement à souligner une augmentation cu-rieuse : celle du nombre de sondés considé-rant les diplômes inutiles dans la recherche d’emploi. Ils n’étaient que 13 % à le penser en

janvier 2014, contre 22 % aujourd’hui. Plus précisément, cet avis est partagé aujourd’hui par 17 % de ceux qui sortent des grandes écoles, « une proportion élevée », estime Sami Rahal, soulignant que les directeurs de ressources humaines, également question-nés dans le cadre de l’étude, sont près de 70 % à affirmer, au contraire, que les diplômes faci-litent la signature d’un contrat de travail.

Des jeunes bousculés par la cr i se, conscients du caractère très mouvant du monde de l’emploi et qui revoient leurs pers-pectives professionnelles en conséquence : près de 20 % de ceux en poste ne savent pas où ils seront d’ici deux ans, un sur cinq par-vient à se projeter sur dix ans.

S’ils se contentent d’une vision à plus court terme, ces nouveaux actifs gardent ce-pendant un certain traditionalisme dans leur rapport au travail : « La disparition du pro-fil salarié au profit d’autres statuts propres aux freelancers, comme celui d’autoentre-preneur, ne séduit que 39 % des personnes interrogées, » a souligné Géraldine Segond, directrice adjointe des ressources humaines chez Deloitte. Parallèlement, 6 % des sondés imaginent se lancer dans l’entrepreneuriat. « C’est moins que ce que certains pourraient penser », a insisté Sami Rahal.

Des données à contre-courant donc de l’image assez largement diffusée d’une géné-ration Y focalisée sur l’écosystème des jeunes pousses.

Un univers dont les codes restent cepen-dant attractifs et tendent à dépeindre sur les acteurs économiques plus installés. « Les caractéristiques recherchées au sein des start-up, telles l’ambiance de travail ou l’équi-libre entre vies privée et professionnelle, se retrouvent de plus en plus au sein d’entre-prises établies qui ont dû s’adapter », conclut Géraldine Segond.

Claire Bauchart@clairebauchart t

Le numérique déconnecte croissance et emploi

Les jeunes diplômés acceptent plusde flexibilité pour trouver un job

Durant la première moitié de son quin-quennat, François Hollande s’est heurté de plein fouet à la courbe de Laffer : « Trop d’im-pôt tue l’impôt ». Durant la seconde moitié, il risque de faire connaissance avec les subtilités de la courbe de Beveridge. À première vue, cette dernière est pourtant d’une grande simplicité : plus il y a d’emplois disponibles sur le marché, moins il y a de chômeurs. Sauf qu’il ne suffit pas de se promener le long de cette courbe pour la comprendre.

La particularité de la courbe de Beveridge est en effet de se déplacer dans l’espace. De sorte qu’un jour donné, il peut y avoir autant d’offres d’emploi disponibles que le jour précédent mais deux fois plus de chômeurs ! Ceci parce que les nouveaux métiers proposés ne correspondent plus aux qualifications des chômeurs. Beveridge est l’économiste qui a modélisé la notion de chômage structurel…

Les chiffres trimestriels de l’emploi publiés par l’Insee jeudi rappellent avec acuité com-bien cette problématique se pose aujourd’hui à la France. Sur un an (à fin septembre 2015), l’industrie française a détruit 42 000 emplois et le bâtiment 45 000. À l’inverse, le tertiaire en a créé 124 000, parmi lesquels 49 000 dans l’intérim. Cela représente une hausse de 1,1 % de l’emploi dans le secteur tertiaire marchand et de 9,5 % dans l’intérim.

Les optimistes voient souvent dans le rebond de l’intérim les signes avant-coureurs d’une reprise de l’emploi durable. Cette fois-ci, pourtant, l’ampleur du phénomène inter-pelle. Il est à mettre en lien avec la précarisa-tion globale du marché de l’emploi, marqué également par l’envolée des contrats courts, voire très courts. Plus qu’un attentisme de la part d’entrepreneurs qui attendent de voir la reprise se concrétiser avant d’embaucher, ces phénomènes traduisent une modification structurelle du marché de l’emploi.

Mutation douloureuse. « On assiste à une révolution profonde dans le monde du travail dont personne, parmi les responsables politiques, n’a pris conscience, explique un haut responsable patronal. Quand vous leur parlez numérisation, ils répondent que cela va permettre d’améliorer la productivité de l’administration. Mais ils ne comprennent pas du tout le choc que cela provoque sur l’écono-mie réelle ». Le plus dur est probablement à venir : des secteurs traditionnellement créa-teurs d’emplois dans les années 1990 et 2000, comme la distribution ou la banque, ne le sont plus et pourraient au contraire représenter des bataillons de nouveaux chômeurs dans les prochaines années.

Les études prévenant de l’ampleur du phénomène se sont multipliées au cours des deux dernières années. La dernière en date – A Transforming World, publiée en novembre par Bank of America Merrill Lynch – fait froid dans le dos. Sur 300 pages, les économistes améri-cains démontrent qu’avec la robotisation (au sens large) de l’économie, ce sont un tiers des emplois actuels en Grande-Bretagne et 47 % de ceux aux Etats-Unis qui disparaîtront dans les prochaines années. Ils seront certes remplacés par de nouveaux métiers mais cela impliquera une douloureuse mutation pour nombre de salariés.

La France n’échappera pas à ces pro-blématiques. Le réflexe traditionnel de nos responsables politiques, qui consiste à croire qu’une reprise de la croissance suffira à faire baisser fortement le chômage, pourrait donc être battu en brèche. « La bonne réaction consisterait à admettre la nécessité de passer par une étape de destruction des emplois existants avant une reprise saine, poursuit ce patron proche du Medef. Mais aujourd’hui, aucun responsable politique n’est capable de porter un discours aussi courageux et réaliste ».

Cyrille Lachèvre @CyrilleLachevre t

Selon le baromètre, 63 % des jeunes seprononcent pour la suppression des 35 heures. Plus de 50 % sont favorables à la baisse du montant des allocations chômage après six mois

La future loi Travail de Myriam El Khomri, si elle ambitionne de lever quelques verrous, reste un peu trop théorique au goût de Manuel Valls

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6 l’Opinion vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015

Finances publiquesLes députés clôtureront dans la nuit de ven-dredi à samedi l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2016. Les sénateurs en feront de même avec le projet de loi de fi-nances rectificatives (PLFR) pour 2015. Sécu-rité, emploi, guichets sociaux… Les hausses de dépenses ont entraîné d’importants transferts de crédits en fin d’année, no-tamment sur l’écologie ou la recherche.

Raphaël Legendre

Dernière ligne droite pour le marathon bud-gétaire. Après deux mois d’examen, plus de 1 700 amendements déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat et près de deux cents articles au final contre 64 au départ, les députés vont clôturer dans la nuit de vendredi à samedi l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016. Les sénateurs en feront de même avec le projet de loi de finances rectificative qui, entre le début et la fin de l’examen à l’Assemblée natio-nale, est passé de 43 à 110 articles, avec près de 1 000 amendements déposés.

Cette inflation législative aurait pu faire craindre un dérapage des recettes comme des dépenses. Les deux textes tiennent pourtant la trajectoire du déficit public (3,8 % en 2015 et 3,3 % en 2016) et les principaux agrégats budgétaires. Le taux de prélèvements obligatoires devrait ainsi passer de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,6 % en 2015, puis 44,5 % en 2016. Le taux de dépenses publiques reculera de 56,4 % du PIB en 2014 à 55,8 % en 2015 puis 55,1 % en 2016.

Cette apparente stabilité ne signifie pas pour autant que les lignes n’ont pas bougé. Bien au contraire. Suite aux attentats de janvier et de novembre, le gouvernement a dégagé 600 mil-lions d’euros de moyens supplémentaires pour la sécurité intérieure en 2015, et 800 millions en 2016. Les opérations extérieures ont coûté 650 millions d’euros de plus que prévu cette an-née. Sur le quinquennat, plus de 30 000 postes seront sauvegardés ou créés dans l’armée, 10 000 seront créés dans la police et la gendar-merie, 2 500 dans l’administration pénitentiaire et judiciaire et plus de 1 000 postes de douaniers.

Mais ces dépenses régaliennes ne sont pas les seules à exploser. La politique de l’emploi a également coûté beaucoup plus cher que prévu cette année (créations de 478 000 emplois aidés contre 365 000 prévus originellement, pour un surcoût de 640 millions d’euros), tout comme l’hébergement d’urgence (+224 millions par rap-port à l’enveloppe originale). Aide médicale de l’Etat, allocation adulte handicapé, aides au loge-ment ou RSA Activité : les guichets sociaux sont eux aussi en constant dérapage.

Pour financer tout cela tout en respectant la norme de dépense, et alors que les rentrées fis-cales se heurtent à un plafond de verre et qu’il est devenu quasiment impossible d’augmenter les impôts, le gouvernement a dû opérer en cette fin d’année des redéploiements massifs de cré-dits entre les missions de l’Etat. Des centaines et des centaines de millions d’euros de crédits ont été annulés, principalement sur les missions « Ecologie » (–600 millions d’euros), « Recherche et enseignement supérieur » (–400 millions) ou « Aide publique au développement » (–110 mil-lions).

Et encore, le rabot aurait pu être beaucoup plus violent. Car par chance, le gouvernement a bénéficié cette année encore d’éléments excep-tionnels pour boucler son budget : 2 milliards d’euros d’économies sur les intérêts de la dette grâce aux taux bas et un milliard sur la partici-pation du budget européen. Sans ces trois mil-liards, l’objectif de réduction du déficit n’aurait pas été respecté.

Au final, plus de six milliards d’euros de transferts ont été inscrits dans le schéma de fin de gestion pour 2015, contre 2 milliards tradi-tionnellement. Un signe supplémentaire que la politique du rabot est arrivée à bout de souffle.

Défi de la maîtrise des dépenses. « Le véri-table défi auquel nous sommes confrontés est celui de la maîtrise des dépenses. Le collectif budgétaire démontre parfaitement [...] cette évi-dence que nous sommes au bout du bout en ma-tière de régulation budgétaire et d’utilisation du rabot », a ainsi rappelé il y a quelques jours le pré-sident (LR) de la commission des finances Gilles Carrez au pupitre de l’Assemblée nationale. « Il y a trente ans, les dépenses de justice, de sécurité et de défense représentaient en points de PIB le double de ce qu’elles sont aujourd’hui. Alors que nous ne pouvons plus augmenter les 1 250 mil-liards d’euros de dépenses publiques, le défi va être de redéployer vers ces missions régaliennes une partie des 670 milliards d’euros de transferts sociaux », a ajouté le président de la commission des finances.

Pour cela, il va falloir davantage travailler sur l’efficacité des politiques publiques. « Le milliard d’euros dépensés en contrats aidés a-t-il empêché le chômage de progresser de 42 000 personnes en octobre ? La non-dégressivité des allocations-chômage (21 milliards de déficit sur l’Unedic) joue-t-elle en faveur ou au détriment de l’emploi ? Le filet extrêmement resserré de l’assistance joue-t-il en faveur de la croissance ou ne la pénalise-t-elle pas parfois ? », s’est interrogé le député. Des questions auxquelles ni le PLF, ni le PLFR, qui seront définitivement votés jeudi, ne répondent malheureusement.

@LEGENRA t

Budget : une gestion au rabot à bout de souffle

PLF et PLFR seront définitivement votés jeudi prochain au parlement, clôturant deux mois de marathon budgétaire

DépartDimanche soir, alors que les résultats du premier tour des élections régionales étaient à peine tombés, Jean-Christophe Fromantin a décidé de quitter l’UDI, sans bruit ni fracas. Mais convaincu que son avenir politique est ailleurs que dans cette formation centriste. Il met en place un maillage territorial pour présenter 577 candidats aux élections législatives de juin 2017.

Caroline Vigoureux

Comme beaucoup de Français dimanche der-nier, il a suivi le premier tour des élections ré-gionales devant son poste de télévision. Depuis son vaste bureau de la mairie de Neuilly-sur-Seine, le député a vu défiler les responsables politiques sur les plateaux télé pour tenter de trouver une explication à la déferlante FN. La gauche expliquait qu’il fallait voter pour la droite quand la droite assurait au contraire qu’il fallait se maintenir quoi qu’il arrive. « C’était pitoyable, indécent. Ils sont dans un déni de réalité et ne prennent pas la mesure du problème », constate Jean-Christophe Fro-mantin.

L’édile francilien a regardé Jean-Chris-tophe Lagarde, le président de l’UDI, défendre le front républicain. « Ces stratégies nationales n’ont aucun sens. Le front républicain, c’est re-connaître que toutes les décisions se prennent d’en haut quel que soit l’intérêt de la région. Laissons les candidats faire ce qu’ils veulent ! »

Ce désaccord était celui de trop. Dans les minutes qui ont suivi, il a publié un tweet

renvoyant sur son blog. Un texte de quelques lignes pour expliquer les raisons de son dé-part. En pleine soirée électorale, sa décision est passée presque inaperçue. Tant pis pour le timing. « Je ne voulais pas faire un coup », jus-tifie-t-il. Sur Twitter, Jean-Christophe Lagarde, lui a répondu froidement. « Vous n’y étiez déjà plus et n’avez payé qu’1 seule fois votre cotisa-tion, 1 mois avant d’être candidat à la Pdce… Bon vent ! ».

Il a failli renchérir mais n’a finalement rien écrit. « Lagarde a prouvé qu’il avait davantage une vision comptable qu’une vision pour la France. Ces attaques me passent au-dessus de la tête. »

Cela faisait déjà plusieurs mois que Jean-Christophe Fromantin envisageait de rompre avec le parti dont il avait brigué la présidence en novembre 2014. « Jean-Christophe voulait quitter l’UDI depuis belle lurette. Il profite du moment », estime Hervé Morin, membre

de la formation centriste. Mardi 1er décembre, lors de la réunion hebdomadaire des députés UDI, le maire de Neuilly s’était accroché avec le président du groupe, Philippe Vigier, quand le sujet des élections régionales était venu dans les discussions.

« J’avais l’intuition que nous assisterions di-manche à l’écroulement du système politique en direct. Tout part en vrille, ça n’a plus aucun sens. Je ne veux pas être avec ceux qui vont se fracasser sur le mur de cette crise », confie-t-il.

Combat à Neuilly-sur-Seine. A peine parti Jean-Christophe Fromantin a déjà son projet en tête : présenter 577 candidats aux élections législatives de 2017. Ambitieux, celui qui dé-fend la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025 croit pouvoir organiser d’ici là un maillage territorial. Le député a mis en ligne une plate-forme pour déposer les candidatures et dit avoir déjà reçu plusieurs pro-positions de personnes sans étiquette politique. « Le vrai su-jet de 2017, c’est les législatives », affirme l’élu, qui ne croit pas au principe de la primaire. Il a rédigé une charte d’éthique qu’il entend faire signer à ses futurs candidats. A partir du mois de février, il entamera un tour de France, en commen-çant par Marseille. Pour finan-cer son projet, il compte sur les contributions des particuliers. « Barack Obama a bien réussi à faire sa campagne sans argent public. »

Et comme pour mieux prouver que rien n’est impos-sible, Jean-Christophe Fro-mantin ne cesse de citer en exemple son combat à Neuil-ly-sur-Seine, ce fief sarkozyste qu’il a fait tomber en 2007, avant de devenir cinq ans plus tard député des Hauts-de-Seine puis conseiller départemental. Pourquoi ses victoires ne seraient-elles pas transposables ailleurs ? « Tout le monde m’a pris pour un dingue mais il n’empêche que j’ai été élu à chaque fois », affirme-t-il crânement. Même si, pour l’instant, il est seul dans son aventure. « Je pars dans l’arène avec mes petits bras, mes moyens. Mais je ne dois rien à personne, c’est ma force ».

Mardi, cet ancien chef d’entreprise a reçu l’accord du Palais Bourbon pour intégrer la commission des Finances, celle dont il rêve de-puis qu’il est devenu député en 2012 (il appar-tenait jusqu’alors à la commission du dévelop-pement durable et de l’aménagement du terri-toire). Cet ancien chef d’entreprise affectionne particulièrement les questions économiques. Puisqu’il a quitté le groupe UDI à l’Assemblée nationale, le député a changé de place dans l’Hémicycle. Il apprivoise depuis mardi le stra-pontin numéro 321. « Comme 3-2-1, partez », fait-il remarquer. Lui est déjà parti sans vrai-ment connaître sa prochaine destination.

@CaroVigoureux t

L’ambitieux Fromantinet ses 577 candidats

Après avoir claqué la porte de l’UDI, le député des Hauts-de-Seine veut désormais présenter des candidats partout en France

Carl labrosse

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« La droite a une attitudeen demi-ton »

Hervé Mariton, député Les Républicains de la Drôme, était l’invité de Nicolas Beytout. Le candidat à la primaire de la droite est revenu sur sa volonté de clarifier la ligne politique des Républicains : « Nous devons être clairs sur les questions économiques, sur les questions de politique étrangère… » Il regrette que la droite ait « une attitude en demi-ton » et qu’elle cherche à « se situer par rapport au Front na-tional ». Retrouvez l’intégralité de l’interview

sur www.lopinion.fr

L’opinion de... Hervé Mariton (LR)

Ce vendredi matin, Nicolas Beytout reçoit Geoffroy Didier (LR)

Les rendez-vous vidéo de lopinion.fr

8 h 45L’interview de Nicolas Beytout10 heuresLes petites phrasesde la matinée12 h 30Le Décryptage16 heuresLe Top-Flop17 heuresLe Tweet-clash20 heures Les petites phrasesde la journée

« J’avais l’intuition que nous assisterions dimanche à l’écroulement du système politique en direct. Tout part en vrille, ça n’a plus aucun sens »

« Tout le monde m’a pris pour un dingue mais il n’empêche que j’ai été élu à chaque fois », affirme Jean-Christophe Fromentin.

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vendredi 11 et samedi 12 décembre 2015 l’Opinion 7

« Retex »Quatre semaines après les attentats qui ont coûté la vie à 130 personnes, les « services » ont entrepris, dans la plus grande discré-tion, un « retex » (retour d’expérience) pour tenter de comprendre ce qui a dysfonction-né. Si certaines informations doivent rester secrètes, cette question doit éga-lement être débattue publiquement, estiment les experts. 

Jean-Dominique Merchet

C’est une défaite. En 2015, les services français de renseignement ont subi plusieurs échecs majeurs, en ne parvenant pas à empê-cher une série d’attaques terroristes : Charlie Hebdo, Montrouge, le magasin Hyper Cacher, Villejuif, Saint-Quentin-Fallavier, le Thalys et enfin les attentats du 13 novembre. Le bilan humain est de 162 morts, dont 10 terroristes, et de centaines de blessés. Le bouclier qui protégeait les Français a été percé à plusieurs reprises.

Or, depuis la vague d’attentats de 1994-1996, et si l’on excepte le cas spécifique de la Corse, les services antiterroristes étaient par-venus à protéger le territoire national, alors que d’autres pays étaient sévèrement touchés. Ainsi al-Qaïda n’avait jamais pu pénétrer les défenses françaises. Les professionnels de la lutte contre le terrorisme en concevaient une légitime fierté, mettant en avant la qualité de leur travail ou de la législation française.

Après cette défaite en rase campagne, le gouvernement ne peut plus se contenter d’un « Circulez, il n’y a rien à voir ! », comme le fait un peu vite le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Certes, les services se livrent à un « retex à bas bruit », un retour d’expérience couvert par le secret-défense, assure un proche du dossier. Mais les pesanteurs administratives sont telles que ce travail risque de déboucher une nouvelle fois sur ce qu’Yves Trotignon, ancien analyste de la DGSE reconverti dans le privé, qualifie de « syndrome Shadok » : « Plus ça rate, plus on a de chance que ça marche… »

En mars 2012, l’affaire Merah avait pour-tant été une première alerte sérieuse. Des dys-fonctionnements avaient été pointés et une nouvelle loi antiterroriste adoptée dans l’ur-gence à l’automne suivant. Une de plus ! « On a

voté 14 lois antiterroristes en moins de quinze ans », constatait la sénatrice UDI Nathalie Gou-let au lendemain de Charlie. Depuis lors, il y a eu une nouvelle loi sur le renseignement, en juillet dernier, puis les mesures de l’état d’ur-gence.

A chaque fois, c’est la logique du « toujours plus » qui s’applique : plus de crédits, plus d’ef-fectifs, plus de moyens, plus de pouvoirs pour les services de renseignement et de sécurité. Une réponse quantitative, soutenue autant par les chefs que par les syndicats. Cela permet d’éviter de s’interroger sur les méthodes et l’or-ganisation qui viennent pourtant de montrer leurs limites. « Renforcer sans fin des struc-tures prises en défaut, pour le seul bénéfice de montrer qu’on le fait, n’offre aucune garantie de succès ou d’efficacité accrue », assure Yves Trotignon, dans un récent article pour The Conversation.

Le renseignement français souffre d’abord d’un enchevêtrement administratif kafkaïen. Créée en 2008, la communauté française du renseignement comprend pas moins de six services dépendant de trois ministères diffé-rents (Défense, Intérieur et Finances). Mais d’autres services impliqués dans la lutte contre le terrorisme n’en font pas partie, comme le renseignement territorial (les ex-RG) ou la gendarmerie. Un exemple, lorsque le ministre de l’Intérieur réunit ses principaux subordon-nés directement concernés, ils sont au moins quatre : le directeur général de la police natio-

nale, le directeur général de la sécurité inté-rieure, le directeur général de la gendarmerie nationale et le préfet de police, seul maître à bord à Paris et dans les trois départements de la petite couronne.

Car la direction du renseignement de la pré-fecture de police (DRPP) est une structure indé-pendante du service central du renseignement territorial (SCRT), même s’ils font le même job, mais pas dans les mêmes zones géographiques. Tout comme la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) des gendarmes. Ces der-niers ont d’ailleurs le plus grand mal à occuper des postes au sein de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), toujours marquée par son origine policière…

Au sein de la police, les logiques différentes du renseignement et de la police judiciaire sus-citent également des tensions. Après l’attaque de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), le ministre de l’Intérieur a créé une nouvelle structure, l’état-major opérationnel de prévention du ter-rorisme (Emopt), qui traite plus de 11 000 per-sonnes fichées. Mais elle s’ajoute à l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) qui dépend, non pas du ministre, mais du di-recteur de la police…

Ce chaos administratif renforce une autre faiblesse de l’antiterrorisme français : son manque d’ouverture sur le monde intellectuel et académique. Ce qui pêche, c’est moins le recueil de l’information que son traitement – l’« analyse », disent les professionnels. Alain Bauer, professeur de criminologie appli-

quée, résume la situation : « Après chaque catastrophe sécuritaire, une commission d’en-quête, publique ou interne, publie un rapport. Systématiquement, ce document rappelle que les services : 1/ savaient tout ou presque, 2/ pour de mystérieuses raisons, n’ont pas compris ce qu’ils savaient, 3/ espèrent que cela ne se reproduira pas. » Le criminologue plaide pour une coopération étroite entre « entre chercheurs et agents opérationnels, pour tirer

les conséquences des failles et améliorer le sys-tème », comme la police de New York (NYPD) a su le faire après le 11-Septembre.

Sébastien-Yves Laurent, l’un des rares uni-versitaires français spécialistes de ce domaine, estime que le « paradigme » français du rensei-gnement « s’appuie sur l’intuition, le flair, le doigt mouillé, l’expérience du terrain », là où les Américains font plus appel aux méthodes des sciences sociales. « Je suis persuadé qu’il faut y avoir recours pour rendre l’analyse plus rigoureuse », affirme-t-il. Comme le dit Yves Trotignon : « La cuirasse doit évoluer constam-ment pour résister aux coups du glaive et le moindre retard créé des vulnérabilités parfois mortelles. » On vient de le constater, le vendre-di 13 novembre.

@jdomerchet t

Lors de la fusillade au Bataclan à Paris, vendredi 13 novembre. En 2015, le terrorisme aura fait 162 morts en France.

Antiterrorisme : cette logiqueShadok qui a mené à l’échec

Un mois après les attaques du 13 novembre, les services de renseignement français vont devoir tirer les conséquencesde leurs graves échecs

DRPP, SCRT, SDAO, DGSI, Emopt, Uclat...Un chaos administratif

Sipa preSS

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Mon père a posé sa cuillère et dit, s’adressant à ma mère : « Ça ne vaudra jamais la confiture de tomates vertes de tante Marguerite. »

Je devais avoir neuf ou dix ans, c’était l’une de ces journées si magni-fiques de décembre en Béarn. Nous étions à table, inquiets de sa prochaine et acerbe remarque, nous tenant bien droit, « on ne s’appuie pas sur le dossier de sa chaise », le nez dans nos assiettes, espérant éviter ainsi qu’il ne fixât son humeur du moment sur l’un d’entre nous.

C’est ce jour-là que j’ai, pour la pre-mière fois, entr’aperçu ce qui distingue « le goût » de « la sensation ».

Sans doute parce que l’injustice m’était familière, j’ai immédiatement intégré que rien jamais ne peut rivaliser avec le souvenir lumineux d’une journée parfaite, d’un mets dont le goût s’est insinué en nous comme un ruisseau dans les herbes, un mets dont le goût semblait s’être évanoui mais qui était juste tapi, enfoui au plus profond de toi, là où il s’est transformé en sensation, prête à surgir à tout moment, renforcée par tout ce temps pendant lequel tu n’y « pensais » plus.

Ma mère a répondu : « Vous avez rai-son. C’est très exactement ce que je res-sens en pensant aux fantastiques gelées de groseille que nous avions à Saint-Pol. Et ces groseilles à maquereaux ! » Je me suis alors senti totalement exclu, défini-tivement orphelin de ces saveurs que je ne connaîtrais jamais.

Délices inégalables. Je n’ai jamais goûté aux confitures de tomates vertes des tantes de Peyrehorade ni aux gelées de groseilles à maquereau de mon arrière-grand-mère à Saint-Pol mais il me semble avoir au bout des doigts les pots de confitures de reine-claude ou d’abricot, tous ces pots soigneusement rangés avec leurs feuilles concaves creu-sées par la goutte d’eau posée à chaud, tous ces délices concoctés par ma mère et certainement inégalables.

J’ai en moi ses gelées de groseilles rouges ou de coing, ces matières qui prennent si bien la lumière quand on en prend une cuiller, comme les plus beaux vitraux.

J’en ai perdu le goût mais je sais, évidemment, que s’il m’était donné d’y goûter à nouveau je les reconnaîtrais entre mille.

J’aime et admire, vous le savez, celles et ceux qui professent de nous faire plaisir en nous nourrissant, en nous abreuvant. Je les plains parfois de devoir user leur génie, leurs tech-niques, leurs forces, dans la plus atroce des batailles, celle qu'ils ne pourront jamais gagner, celle de la sensation. Tu sais… quand tu goûtes quelque chose et que tu dis : « La vache c’est délicieux ! Ça me rappelle celle que me faisait ma mère. » Tu vois maintenant ce dont je parle ? C’est là que tu crucifies celle ou celui qui ne sait pas encore qu’il doit ac-cepter cela avec humilité pour mieux se consacrer à mettre en pot, en casserole, à la poêle ou au four, ses préparations à lui, assaisonnées de morceaux de son cœur.

J’en connais quelques-uns qui ont dépassé tout cela et, pour ce qui est des confitures et gelées, j’en connais un, il se nomme Stéphan Perrotte. Il a été sacré Meilleur Confiturier de France et couronné champion du monde en 2015. Il fallait bien ça pour éclairer de douceurs fruitées ce mois de décembre.

Mon cadeau est le sien : en exclusi-vité mondiale sur le site de l’Opinion, LA recette de Noël, une confiture de clémentines. Si facile à faire que c’en est un vrai bonheur. Et si exquise que je me demande s’il ne faut pas demander pardon avant de la savourer. C’est une question.

Mille SaveursJean-Bernard Magescas

Merveille et malédiction, la sensation et le goût des confitures

Plus de crédits, plus d’effectifs, plus de moyens, plus de pouvoirs... Cela permet d’éviter de s’interroger sur les méthodes et l’organisation

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