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numéro spécial Pauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunes : un défi pour les territoires la lettre des organisateurs 20 juillet sept. 2010 loisirs éducatifs & territoires N otre fédération a organisé, le 22 mai 2010 à Saint-Étienne, une journée d’étude nationale ayant pour thématique : « Pauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunes : un défi pour les territoires ». Un thème au cœur du projet « Éduquer pour demain »… Cette thématique se place au cœur du projet des Francas. À l’occasion du Congrès de Nantes, en 2004, nous y avions inscrit l’orientation suivante : « agir en direction de tous les enfants et adolescents, en accentuant notre action vers les plus pauvres ». Cette orientation faisait écho à un contexte particulier, carac- térisé par l’augmentation de la pauvreté enfantine. L’évolution socio-économique qui a marqué la seconde moitié de la décennie n’a pas vraiment permis d’amé- liorations de ce point de vue. Sans céder aux seuls effets de conjoncture, les Francas ont tout le temps affirmé leur volonté de s’adresser à tous les enfants et les jeunes, et en particulier ceux qui sont les plus défavori- sés socio-économiquement. Pour autant, selon une enquête réalisée cette année dans les 27 pays de la Communauté euro- péenne par l’organisme Eurostat, la pauvreté des enfants s’est encore aggravée et notre pays, avec un taux de 14 %, se classe au onzième rang européen ! Force est de constater que la pauvreté enfantine est un vrai problème de société à résoudre, dont la gravité a semble-t-il dépassé les pouvoirs publics, mais aussi tous les acteurs éducatifs, à commencer par une fédération comme la nôtre. C’est pour cette raison que nous réaffirmons aujourd’hui que nous avons « l’ardente obligation » de nous emparer de cette question afin de tenter d’enrayer l’évolution d’une pauvreté devenue intolérable. Poser les bases d’une réflexion pour poursuivre et amplifier notre action auprès des enfants et des adolescents, tel est l’objec- tif de ce vingtième numéro de Grandir ! loisirs éducatifs & territoires. Il rend compte également des travaux abordés lors de cette journée. Olivier David Président des Francas

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numéro spécialPauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunes :un défi pour les territoires

la lettre des organisateurs

N° 20juillet ➜ sept. 2010

loisirs éducatifs & territoires

Notre fédération a organisé, le 22 mai 2010 à Saint-Étienne, une journée d’étude nationale ayant pour thématique : « Pauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunes : un défi pour les territoires ».

Un thème au cœur du projet « Éduquer pour demain »…Cette thématique se place au cœur du projet

des Francas. À l’occasion du Congrès de Nantes, en 2004, nous y avions inscrit l’orientation suivante : « agir en direction de tous les enfants et adolescents, en accentuant notre action vers les plus pauvres ». Cette orientation faisait écho à un contexte particulier, carac-térisé par l’augmentation de la pauvreté enfantine. L’évolution socio-économique qui a marqué la seconde moitié de la décennie n’a pas vraiment permis d’amé-liorations de ce point de vue. Sans céder aux seuls effets de conjoncture, les Francas ont tout le temps affirmé leur volonté de s’adresser à tous les enfants et les jeunes, et en particulier ceux qui sont les plus défavori-sés socio-économiquement.

Pour autant, selon une enquête réalisée cette année dans les 27 pays de la Communauté euro-péenne par l’organisme Eurostat, la pauvreté des enfants s’est encore aggravée et notre pays, avec un taux de 14 %, se classe au onzième rang européen ! Force est de constater que la pauvreté enfantine est un vrai problème de société à résoudre, dont la gravité a semble-t-il dépassé les pouvoirs publics, mais aussi tous les acteurs éducatifs, à commencer par une fédération comme la nôtre. C’est pour cette raison que nous réaffirmons aujourd’hui que nous avons « l’ardente obligation » de nous emparer de cette question afin de tenter d’enrayer l’évolution d’une pauvreté devenue intolérable.

Poser les bases d’une réflexion pour poursuivre et amplifier notre action auprès des enfants et des adolescents, tel est l’objec-tif de ce vingtième numéro de Grandir ! loisirs éducatifs & territoires.

Il rend compte également des travaux abordés lors de cette journée.

● Olivier David Président des Francas

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C’est quoi la pauvreté ? Deux approches : l’une anglo-saxonne, la pauvreté abso-lue ; l’autre européenne, la pauvreté relative. Dans l’approche anglo-saxonne, la pauvreté absolue est pensée

comme le niveau de consommation en dessous duquel il est impossible de survivre : nourriture et calories, vêtements, logement, chauffage…

numéro spécial Pauvreté et loisirs éducatifs

n°20 - Juill./Sept. 2010

Pauvreté et loisirs éducatifs : état des lieux et défis à relever

Philippe Vial, sociologue

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Ces critères permettent de définir le seuil de pauvreté. Dans l’approche européenne, la pau-vreté relative se définit par rapport au niveau moyen de vie des habitants d’un pays. Ainsi, un « pauvre » en France est aujourd’hui bien moins démuni qu’un pauvre en 1850. C’est le sentiment de pauvreté qui l’emporte. Ce qui revient inévitablement à la question plus poli-tique des inégalités et par interférence à la question de la « cohésion sociale ».

De quoi se prive-t-on quand on est pauvre ?On ne meurt plus de la faim ou presque en

France, même si près de 3 % des Français disent ne pas avoir consommé un repas complet pendant au moins une journée au cours des deux dernières semaines. Pendant l’hiver 2008-2009, les Restos du Cœur ont servi 100 millions de repas à plus de 800 000 personnes.

C’est surtout le problème du logement qui reste crucial. En France :– 100 000 personnes vivent sans abri ;– 100 000 personnes vivent en camping ou en mobile-home ;– 640 000 personnes vivent en meublés soit une augmentation de plus de 16 % entre 2006 et 2009.

Près de 13 % des Français vivent dans des logements inadaptés à la composition de leur famille et près de 15 % n’arrivent pas à chauffer correctement leur logement. En France, 800 000 logements sociaux, matériellement et financiè-rement adaptés aux besoins et aux possibilités des publics qui en ont besoin, manqueraient encore.

Près de 11 % des Français n’arrivent plus à acheter au moins un vêtement neuf par an. Près de 8 % n’arrivent plus à posséder deux paires de chaussures en état. Près de 32 % des Français n’arrivent plus à s’offrir une semaine de vacances par an. Un nombre non négligeable de foyers n’arrive plus à entretenir un véhicule. Véhicule qui permet de se rendre à son lieu de travail.

« Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut

supprimer la souffrance en ce monde. La souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent

et affirment qu’on peut détruire la misère. »Victor Hugo, Discours sur la misère (Assemblée nationale, 9 juillet 1849).

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Vivre loin des normes, les stigmatesde la pauvretéLogement, alimentation, consommation, mais

aussi soins, éducations, loisirs…Vivre pauvre en France, c’est vivre loin des

normes de notre société. Si l’inclu travaille, consomme, est autonome, se déplace, l’exclu cherche à s’insérer ou s’auto-exclut, réduit sa consommation, dépend de la solidarité nationale et se trouve assigné à résidence.

Naissent ainsi les stigmates de la pauvreté qui rappellent tous les jours aux pauvres leur statut d’exclu : sentiments d’inutilité sociale, de non-reconnaissance, d’insécurité et d’injustice sociales. Sentiments qui entraînent la construction, peu à peu, d’une vraie réalité « d’exclusion sociale » et de « fracture sociale », susceptible de remettre en cause le pacte républicain.

Comment faire face ?Comment faire face à cette situation alar-

mante pour que notre République reste « une et indivisible » ? En continuant à promouvoir, jour après jour, toutes les actions qui, pour moi, il y a plus de 20 ans, donnaient tout son sens à mon travail. Elles tenaient en une seule phrase qui garde, me semble-t-il, toute son actualité et que vous reconnaîtrez tous, car inscrite dans le patrimoine des Francas :

« Avec l’enfant d’aujourd’hui vers l’homme de demain, le plus libre et le plus responsable possible, dans la société la plus démocratique possible ». ●

Mieux comprendre, le seuil de pauvreté en Europe

En Europe on est « statistiquement » pauvre si on vit seul ou en ménage avec moins de 50 % ou 60 % du « revenu médian » par personne (plus justement par unité de consommation [UC]) des habitants de son pays. Le seuil de pauvreté n’est donc pas identique pour tous les pays. Plus un pays est riche,

plus son seuil de pauvreté augmente.

Le revenu pris en compte pour un foyer est le revenu dit « disponible » après paiement de l’impôt et perception des prestations sociales. Le revenu disponible est divisé par 12 puis par le nombre d’UC.

– Le premier adulte d’un foyer est évalué à 1 UC.– Le deuxième adulte d’un foyer est évalué à 0,5 UC (0,7 Oxford).– Les enfants à charge sont évalués à 0,3 UC (-14 ans).– 1 foyer avec Mme et M. et 2 enfants de -14 ans est évalué à 2,1 UC. ●

Exemple de montant de seuil de pauvreté en France, en 2007

60 % RM* 50 % RM*

Une personne seule 908 euros 757 euros

Un adulte et un enfant 1 181 euros 984 euros

Deux adultes et 2 enfants (-14 ans) 2 089 euros 1 741 euros

* RM : Revenu médian

Combien de pauvres en France ?

Avec un seuil de 50 % du RM*, 4,2 millions d’individus, soit 7,2 % de la population, peuvent être considérés comme pauvres.– Avec un seuil de 60 % du

RM*, ce taux passe à 8 millions, soit 13,4 % de la population.– Le taux de personnes pauvres a diminué entre 1970 et 1995, passant de 19,1 % à 13 %.– On observe ensuite une stagnation du taux de personnes pauvres entre 1995 et 2000, aux alentours de 13 %.– Puis, une reprise d’un taux à la hausse entre 2000 et 2008, aux alentours de 13,5 %.– Aujourd’hui, le risque d’une hausse apparaît du fait de la crise économique et financière (aux alentours de 14,5 % à 15 %). ●

* RM : Revenu médian

Minima sociaux et revenu de solidarité active

Le pays compte 3,3 millions d’allocataires des minima sociaux souvent en dessous du seuil de pauvreté à 50 % du RM*, soit plus de 6 millions de personnes concernées.Il y avait en France 2,1 millions de travailleurs pauvres en 2009. Combien seront-ils fin 2010 ? ●

* RM : Revenu médian

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«Cette journée et la réflexion qu’elle enclenchera sont les bienvenues dans notre Ville. Elle se relie à la très forte place de la vie associative à Saint-Étienne, notamment dans le champ des pratiques

associatives avec les enfants, les jeunes et même les adultes. Elle interroge aussi la démocratisation en profondeur, la démocratisation authentique de l’accès à la culture et aux loisirs. »

Pauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunesLe thème de cette journée est crucial. Avec la

permanence de situations de pauvreté et d’inéga-lité de grande ampleur, le contexte actuel de crise rend ces situations encore plus difficiles.

« Désindustrialisation de notre région, chômage, population immigrée sans revenus, ici plus qu’ailleurs, nous sommes appelés à prendre à bras-le-corps les défis liés à la pauvreté et aux loisirs éducatifs des enfants et des jeunes. »

L’action de la ville de Saint-Étienne sur le terrain de la pauvreté et de la précaritéIl existe des mesures ou des aides spécifiques

axées sur la solidarité concrète avec les personnes en difficulté.

« Certaines passent par les services de la Ville, d’autres avec des associations que nous subven-tionnons et pour lesquelles nous garantissons des emprunts, ce qui est loin d’être négligeable pour des investissements lourds comme le logement très social. La ville de Saint-Étienne n’est pas le grand sauveur du pauvre et ne prétend pas l’être, mais elle fait beaucoup et améliore ses pratiques (notamment dans l’aide alimentaire) afin que les pauvres soient le moins possible à l’écart des autres. »

Une façon d’agir cohérenteLa mission n’est pas d’administrer la misère mais

de l’attaquer à la racine.« Certains dirigeants l’ont oublié en faisant une

confiance aveugle à la croissance économique. Pour améliorer la situation de tous les chômeurs, je reste adossé à cette visée contenue dans la fameuse phrase de Victor Hugo : ˝ le seul vrai secours aux misérables, c’est l’abolition de la misère ̋ . Citation à laquelle il faudrait ajouter quelques mots sur la fraternité, sur la considération, le respect dû éga-lement à tous. Le pauvre est d’abord un citoyen comme nous tous et secondairement un citoyen qui a des problèmes. »

Pour une justice plus effectiveC’est l’ensemble de la politique municipale et

la façon dont la Ville gère ses dépenses et ses recettes qui sont l’espace d’une action pour une justice plus effective.

« En tant que commune, nous ne sommes pas les répondants à titre principal des grandes poli-tiques d’actions directes contre les pauvretés, à la différence des conseils généraux ou de l’État. Cela peut être considéré comme une chance si on décide d’agir par d’autres leviers, car cela nous met davantage à l’abri du risque de stigmatisa-tion qui vient renforcer dans le vécu des pauvres la difficulté de leur situation. »

Des exemples… « Nous citerons la politique fiscale, tarifaire ; par exemple le prix de l’eau et des repas à domicile. Citons encore l’organisation de manifestations culturelles (Fête du livre, Festi’mômes, festival pour enfants à Noël) et d’autres temps forts culturels de la Ville, où les personnes en difficulté, habituellement, ne sont pas présentes. Dans la même ligne, la Ville soutient l’effort de diffusion de la Comédie de Saint-Étienne dans de multiples lieux, où l’accès à la culture n’est pas évident. »

Pauvreté et territoire, une ville témoigne

Philippe Rayé, adjoint au maire de Saint-Étienne en charge de la solidarité et du développement social urbain

La vie associative occupe une large place à Saint-Étienne. Pas moins de quarante centres de loisirs reposent sur des associations. La Ville les soutient en appuyant financièrement leurs actions ou en accordant une place importante aux actions éducatives et culturelles avec les associations de quartier dans les opérations de développement social urbain.

Philippe Rayé, adjoint au maire de Saint-Étienne en charge de la solidarité et du développement social urbain, a témoigné et partagé sa vision sur les enjeux de la pauvreté lors de l’ouverture de la journée d’étude nationale « Pauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunes : un défi pour les territoires ». Nous le remercions, ici même, de nous permettre de rappeler ses propos.

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Une refonte générale des partenariatsLa ville de Saint-Étienne a engagé une refonte

générale de la relation ville/associations, y compris les associations qui agissent en matière de soli-darité concrète. De plus en plus de partenariats, de dialogues, une volonté d’échapper à une relation financeur/subsidié sans pour autant que la Ville joue à l’associatif, une politique d’activation de participation active des citoyens dans l’ensemble des domaines de la vie locale : un chantier ouvert et difficile. ●

Des points de vigilance

Quelques points de vigilance au seuil de cette réflexion sur la lutte contre les pauvretés, que celles-ci se rapportent au droit, à l’éducation ou à la culture. « Attention au risque de réduire la

pauvreté à ses configurations matérielles : bas revenus, mal logement. Cette simplification peut, d’une part, conduire à des erreurs, car les situations humaines ne sont pas des chiffres et être, d’autre part, démobilisatrice. »

1er point de vigilance, la pauvreté est complexeLa pauvreté est plus complexe qu’on ne le pense.« N’oublions pas l’enfant que nous avons connu et qui

ne va pas en colonie parce qu’il n’a pas de garde-robe. Pensons aussi à la pauvreté affective, au traumatisme de la rupture parentale, à la cassure de l’estime de soi qui provient des violences subies, ou même du regard discriminatoire porté par les autres… et ce ne sont que des exemples. Dans tous les cas, les ˝ pauvretés d’être ˝, sont plus difficiles encore à combattre car moins visibles et davantage tues par ceux qui les vivent. »

2e point de vigilance, au-delà des statistiquesLes situations humaines ne sont pas des chiffres.« Si dans la situation présente, les revenus des plus riches

sont atteints, le nombre de personnes qui sera sous le seuil de la pauvreté diminuera, puisque nous appliquons un seuil de pauvreté relatif. Cela ne signifie pas pour autant que la vie de chaque jour sera moins difficile. »

3e point de vigilance, les discriminations sexistesSoyons attentifs au risque de recrudescence des discrimi-

nations sexistes dans l’accès des enfants aux loisirs.« La tendance à ce que les garçons soient davantage

inscrits que les filles dans les activités de loisirs est toujours latente. Peut-être, parce que le garçon de 13 ans est plus turbulent que sa sœur qui, elle, rend des services à la maison... Lorsqu’il faut faire des choix pour des motifs économiques, on sait de quel côté la balance va pencher. »

4e point de vigilance, une mise sous tutelle rampantePrenons garde à toute forme de mise sous tutelle ram-

pante des pauvres, hors mises sous tutelles légales.« Cela s’applique à leur façon de dépenser leur argent.

Par exemple, considérer qu’ils n’ont pas le droit d’aller chez le coiffeur ou de partir en vacances au prétexte qu’ils sont allocataires du RSA. »

D’une façon plus générale, la ligne de conduite que l’on peut suggérer est celle de changer la société pour que l’égalité de tous, vis-à-vis des droits de base, ne soit pas formelle mais réelle. Que les pauvres soient considérés par tous comme ayant, selon l’expression de Jean-Baptiste de Foucault, « toute leur place dans l’échange social ». ●

«Le seul vrai secours

aux misérables, c’est l’abolition de la misère.»

Victor Hugo

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Comment aborder la question du loisir avec ces familles et comment accueillir les enfants ? Comment les accueils éducatifs de proximité peuvent-ils être repérés comme espaces de rencontres, d’échanges pour tous ?

Une relation de proximité pour accompagner les famillesNous rencontrons des familles qui sont dans

l’accompagnement permanent et l’assistance contrainte. Malgré la gratuité, les parents n’ins-crivent pas leurs enfants dans des offres de loisirs qui sont proposées localement. Ces familles en situation de pauvreté ont le sentiment de ne plus être dans les références culturelles. Nous

observons que ces parents sont souvent éloignés de toute relation sociale locale. Ils sous-estiment leurs capacités de contribution dans le cadre des espaces de loisirs.

Nous rencontrons aussi des parents, attentifs à l’éducation de leurs enfants, qui sont désemparés face aux espaces éducatifs, de peur de « ne pas être à la hauteur ». Citons en premier lieu l’école, où ils furent eux-mêmes en difficulté.

Au-delà de la gratuité, l’enjeu de l’accessibilité pour les familles est de pouvoir se réapproprier les espaces collectifs : ne plus avoir peur de l’autre, rompre avec l’auto-censure que l’on s’inflige « au prétexte de... ».

Par leur proximité, les structures collectives de quartier représentent des espaces d’activités accessibles et les temps de loisirs des moments de choix et de liberté. En réaffirmant la capacité de tous à participer à l’action éducative locale, on peut rendre la parole aux familles en situation de précarité : quelle reconnaissance de leur expres-sion, de leurs revendications, quels processus participatifs et collaboratifs de la question du

L’éducation populaire est aussi une éducation citoyenne. Les familles « pauvres » sont des familles à part entière. Nous avons à travailler sur la dé-représentation et les préjugés pour changer les regards et lutter contre l’exclusion sociale.

Pauvreté et familles Marie-Claire Dauhlac, animatrice du groupe national Loisirs pour tous des Francas Paulette Millet, conseillère municipale déléguée auprès des personnes en situation de précarité, Saint-Étienne Françoise Richter, présidente du conseil d’administration, CAF de Saint-Étienne

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«Ne plus avoir peur de l’autre,

rompre avec l’auto-censure que l’on s’inflige ˝ au

prétexte de... ˝ »

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loisir éducatif pour tous ? L’implantation locale permet de construire progressivement une relation de confiance.

De l’attention portée aux enfants à l’attention portée aux famillesUn lien est à retrouver avec les fonctions

sociales d’animation du programme Place de l’Enfant, comme ensemble de techniques qui conduisent à des changements profonds dans les pratiques, savoir-faire et représentations, qui produisent une transformation sociale : accueil, information, concertation, médiation.

Les projets d’animation des familles sont à inscrire à part entière dans les projets locaux, en posant de manière plus explicite les missions

des centres de loisirs éducatifs : accueil des parents, animation parents-enfants, participa-tion (implication dans les instances de décision), accompagnement, orientation.

Citons à cet égard l’une des 12 clés pour grandir à loisir, base de travail commune des centres de loisirs éducatifs :

« Pour les parents, les centres de loisirs éducatifs sont des espaces de participation et d’engagement constituant une ˝ porte d’entrée ˝ des politiques éducatives locales. »

Des dynamiques partenariales à reconsidérerLes moyens financiers publics sont en baisse.

Ils nécessitent une « optimisation » par l’action

partenariale et des pratiques plus collaboratives. Sous prétexte de rationaliser les moyens, il ne faudrait pas que les partenariats deviennent trop contraignants.

Les acteurs éducatifs locaux alertent sur des logiques de financement qui ont tendance à stigmatiser les familles les plus démunies qui n’ont accès qu’aux offres « pour les pauvres ». Logiques qui pourraient aussi interdire progres-sivement des formes d’accueil innovantes.

Si le partenariat est une condition indispen-sable à des objectifs politiques et de société, il ne faut pas perdre de vue le sens de l’action à conduire. L’enjeu n’est pas de « gérer la misère », mais de « sortir de la pauvreté ». ●

Soutenir les familles les plus fragilesFrançoise Richter, présidente du conseil d’administration, CAF de Saint-Étienne

Les Caisses d’allocations familiales accom-pagnent depuis toujours les associations dans leurs politiques de loisirs éducatifs. Nous consacrons beaucoup de ressources financières pour aider les familles mais aussi

à ce que nous appelons les « partenaires temps libre et vacances familles ». Nous avons notam-ment toujours soutenu les familles les plus fragiles.

Dans le département de la Loire, nous travaillons en intelligence avec les fédérations d’éducation populaire, notamment les Francas. Nous ne sommes pas là que pour contrôler les budgets, mais pour travailler ensemble.

Montrer notre soutienNotre présence à cette journée permet égale-

ment de montrer notre soutien et notre recon-naissance aux acteurs du terrain. Nous sommes aussi dans une réflexion sur la politique loisirs et vacances des enfants. Quelle politique « temps libre » de la part de la CAF pour les familles les plus fragilisées mais aussi celles qui sont justes au-dessus du seuil de pauvreté ? C’est une politique constante malgré la rigueur du temps présent.

Pour l’avenir des budgets contraintsNos moyens ne seront pas constants, nous obli-

geant alors à faire des choix. C’est l’enjeu de notre réflexion.

Autre questionnement fondamental : sachant qu’il est toujours très long de faire évoluer des politiques sociales à moyens constants, quels sont les loisirs et les vacances qu’il convient de privilégier ? Familiaux ? De proximité ? À l’extérieur… ? ●

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Quand bien même la collec-tivité est volontariste, les enfants ne répondent pas forcément présents. Il est donc important de réfléchir aux modes et aux espaces d’accueil. Comment rendre

accessibles aux enfants et aux jeunes les centres de loisirs ? Comment gagner la confiance des familles ? Comment mettre en place des disposi-tifs qui permettent à ces enfants d’aller vers les équipements et les offres de loisirs ? Un élément clé : démontrer que l’accueil dans les centres de loisirs, mais aussi lors des vacances, contribue à la réussite éducative et sociale des enfants et des jeunes.

Être présentPour pouvoir accueillir les enfants et les jeunes

en situation de précarité, il faut innover. L’une des pistes : travailler ensemble sur le territoire pour repérer ces jeunes et mettre en place des actions de proximité, comme le souligne Jean-Christophe Augé des Francas de Seine-et-Marne. Et de citer les loisirs de proximité avec des éducateurs de rue. ●

LibReS PRoPoSDes AtelieRs De pROximitÉ

« Dans le cadre d’un projet éducatif local, nous travaillons avec des enseignants

qui nous présentent des enfants qu’ils estiment en difficulté. Nous mettons en place des ateliers avec l’école de musique, une fois par semaine. Les apprentissages sont au cœur de notre action. Un enfant qui apprend la musique développe de

Pauvreté et loisirs éducatifs Régis Juanico, député de la Loire bruno Feutrier, directeur départemental de la cohésion sociale de la Loire André Dancert, adjoint au maire de Saint-Étienne à la vie associative Myrima Ulmer, adjointe au maire de Saint-Étienne à l’éducation

Les enfants touchés par la précarité ont difficilement accès aux loisirs éducatifs pour des raisons économiques, culturelles… Il nous semble important aux Francas de travailler sur cette question d’accessibilité aux loisirs éducatifs. L’éducation est globale, et les loisirs éducatifs participent à la réussite éducative et sociale des enfants.

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nouvelles possibilités cognitives et construit une image valorisante de lui-même. Nous organisons aussi des activités autour du langage, de la bibliothèque… »

Perrinne Renoux, Ville de Fontaine, (38)

Une sOliDARitÉ teRRitORiAle

« En secteur rural, nous développons des accueils collectifs pour les mineurs

issus de zones urbaines sensibles. Ils viennent ici pour se reconstruire. Les élus ruraux sont souvent désemparés ; en dehors de l’école du village, il n’y a rien. Aussi, à nous d’être innovants et d’accompagner. »

Dominique Parsy, les Francas de la Somme

AU-Delà Des A pRiORi

« Sur le département, le Conseil général a fait le choix d’apporter une contribu-

tion financière pour les enfants des familles qui sont bénéficiaires du RSA-socle. Une contribution qui permet aux enfants de fréquenter les centres de loisirs pour moins de 1 euro, repas compris. Malgré cette aide, peu nombreuses sont les familles bénéfi-ciaires du RSA qui fréquentent nos centres de loisirs. Ces familles ne veulent pas s’exposer. Il nous faut leur faire comprendre, au-delà des a priori, la nécessité de nous confier leurs enfants. »

Cathia Barrière, les Francas de Dordogne

lA bOnne UnitÉ

« Nous avons des équipements et on ajoute ˝ Oui mais personne ne vient dans

ces équipements ˝. L’exemple typique : les théâtres dans les quartiers populaires qui ne sont pas fréquentés par les populations de ces quartiers. Les équipements sont-ils la bonne unité de nos actions ? Ne devrions-nous pas sortir des centres de loisirs pour aller vers les enfants ? Cela impliquerait une évolution réglementaire. »

François Renaud, les Francas de Belfort

lA FORmAtiOn

« On évoque les équipements mais nous devons aussi nous intéresser à la question

des médiations. On s’aperçoit que les anima-teurs socioculturels sont souvent éloignés sociologiquement de leurs publics. »

Nadia Amouda, Ville de Saint-Étienne

AlleR veRs les FAmilles

« Aucun département français n’est épar-gné par les problématiques liées à la

pauvreté. Mais à l’inverse, ici même, nous devons souligner la richesse associative (plus de 5 000 associations dans l’arrondissement de Saint-Étienne).

Les familles font des choix et les loisirs dans des familles pauvres sont considérés parfois comme des privations anecdotiques. Les freins : la question tarifaire, la dimension culturelle, l’autocensure… Il nous faut chan-ger et aller vers les familles. »

Bruno Feutrier, directeur départemental

de la cohésion sociale de la Loire

l’innOvAtiOn

« Que signifie ˝ pauvreté culturelle ˝ ? Attention à ne pas caricaturer certains

milieux. Des choses se transmettent notam-ment par l’oralité, cela fait aussi partie de

la culture et se réfléchit en termes de médiation. Des familles ne viennent pas, ou beaucoup moins, pour des raisons multifac-torielles. Le mode d’accueil soulève des questions liées à l’amplitude, la souplesse. Les heures d’ouverture sont notamment remises en cause. Partout nous devons innover. »

Isabelle de la Poterie, direction départementale

de la cohésion sociale de la Loire

Comment favoriser les départs en vacances et un égal accès aux loisirs ?Régis Juanico, député de la Loire, rapporteur à l’Assemblée nationale du budget sport, jeunesse et vie associative pour l’année 2010

R égis Juanico est l’auteur d’une proposition de loi, portée par une plateforme associative de soixante organisations nationales dont les Francas, et signée par l’ensemble du groupe socialiste.

3 000 000 d’enfants qui ne partent pas en vacancesIl existe un observatoire de l’enfance, l’OVLEJ, l’Observatoire des vacances et des

loisirs des enfants et des jeunes, qui mène des enquêtes sur les départs en vacances. Les études nous prouvent qu’un Français sur deux ne part pas en vacances, ce qui représente 3 000 000 d’enfants. Si on prend les ménages qui disposent d’un revenu de moins de 1 200 euros par mois, c’est 82 % des Français qui ne partent pas en vacances. Et pourtant, les vacances sont un droit fondamental, reconnu par la Convention inter-nationale des droits de l’enfant – art 31 (ONU, novembre 1989).

Un droit fondamentalDes dispositifs d’aide de départ en vacances existent, mais sont sans doute insuffi-

sants. On voit que sur une classe d’âge de 5 à 19 ans, 20 % des enfants et des jeunes bénéficient d’une aide de l’État, de la CAF (les bons de vacances), des comités d’entreprises (chèques vacances), des communes avec les CCAS, des conseils généraux… Signalons des actions très innovantes dans la Drôme, la Haute-Saône, qui chaque année font partir pour la première fois 150 à 200 gamins sur leur département. Un premier départ déclencheur d’habitudes.

Une aide de l’ÉtatSi des familles et des enfants ne peuvent pas partir en vacances, et préfèrent notam-

ment les centres de loisirs – moins chers – c’est pour une raison de coût de séjour. C’est donc à l’État, en plus des dispositifs qui existent, de rendre effectif le droit aux vacances pour les enfants en proposant une aide moyenne de 200 euros attribuée sous conditions de ressources.

Une proposition de loiRupture de son milieu, temps éducatif complémentaire, temps de récupération

physiologique, mais aussi outils de socialisation, de mixité sociale, les vacances sont capitales. Dans la société française qui se fragmente, qui se fragilise, on a besoin d’avoir des lieux collectifs, des lieux de cohésion sociale. La loi pour instaurer une aide au départ en vacances pour les enfants et les adolescents mineurs participerait de cette construction sociale de chacun et de tous. ●

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Qui dit absence de revenus, dit absence de travail et d’accès aux loisirs, à l’éduca-tion, à la santé… Dans les ressources d’un foyer, il y a ce qui émane de lui-même mais aussi de son espace

relationnel. Dans les mondes d’aujourd’hui, quand on parle de pauvreté, il y a la pauvreté de la relation sociale.

Pauvreté et territoiresQuand on associe maintenant pauvreté et

territoires, cela nous renvoie immédiatement à l’idée du morcellement. Le contexte territorial dans lequel on vit est surdéterminant. Il y a des territoires où il y a de la pauvreté et d’autres non, que cette pauvreté soit absolue ou relative. Quand on parle de pauvreté et territoires, on pense immédiatement aux zones urbaines sensibles. C’est une vision étroite de la pauvreté.

Au-delà des zones urbaines sensibles, les zones rurales sont encore plus pauvres. Quand on regarde les cartes de la pauvreté d’un territoire, notamment dans « Les inégalités en France – Alternatives économiques », pour une même région, les départements ruraux sont les plus touchés.

La pauvreté dans les campagnesAutre constat, si les disparités entre les régions

tendent à s’atténuer, en revanche, les disparités dans les régions s’accentuent, notamment dans les zones rurales. Cette pauvreté en milieu rural touche tout autant les ruraux de souche que les néoruraux. Néoruraux qui n’ont pas toujours évalué les contraintes d’une vie à la campagne, accès aux soins, aux loisirs… créant des situations de grande fragilité, où « souvent, nous rencon-trons des jeunes seuls, isolés, sous-diplômés, en situation de grande précarité ».

Une impérieuse nécessité, travailler avec l’écoleLes gens attendent jour après jour quelque

chose qui ne vient pas. Partout en France, des efforts sont faits. On a beau offrir des loisirs éducatifs, parfois ça ne marche pas. Comment accompagner pour ouvrir les publics pauvres à cette culture des loisirs éducatifs qu’ils ignorent, voire refusent ? Très tôt, ces familles savent que l’ascenseur social ne fonctionne pas, que la seule issue possible, c’est l’école.

Quelles sont alors les possibilités d’interven-tion... ? Il y a une impérieuse nécessité de travailler avec l’école.

Accéder à toutes les ressources du territoirePermettre l’accès aux enfants, aux jeunes, aux

familles, à toutes les ressources d’un territoire, tant humaines que matérielles, ouvre de nouvelles possibilités, de nouvelles potentialités et de nou-velles relations entre tous les acteurs politiques, publics, associatifs. C’est un enjeu, pour aujourd’hui et demain, pour maintenir la cohésion sociale et lutter contre la pauvreté. ●

La pauvreté se définit souvent par l’absence de ressources, de richesses, par la perception de ce que l’on a ou pas. C’est une définition pertinente mais réduite. C’est une image socio-économique, mais nous devons aller plus loin.

Pauvreté et territoires François Rochebloine, député de la Loire, vice-président du conseil général de la Loire Philippe Rayé, adjoint au maire de Saint-Étienne à la vie associative Christian Celette, conseiller municipal délégué à Saint-Étienne aux centres sociauxA

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« Les gens attendent jour

après jour quelque chose

qui ne vient pas. »

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LibReS PRoPoSpAUvRetÉ et JeUnesse

« La pauvreté impacte en premier lieu : les familles de plus de trois enfants, les

familles monoparentales, les familles dont les parents sont étrangers. Sans oublier les étrangers sans papiers où tout est exacerbé. Elle touche alors particulièrement les jeunes qui sont exclus des solidarités familiales, les familles ne pouvant faire face. C’est impor-tant de le reconnaître quand on cible des actions vers les publics précaires. »

Maurice Corond, comité directeur national des Francas

COnstRUiRe sOn AveniR : Une OpÉRAtiOn De plUs en plUs DiFFiCile

« Sur des entretiens avec des éducateurs prévention dans l’Isère, un constat : pour

ces jeunes qui ne croient plus qu’on puisse construire son avenir, on fait du palliatif. Des jeunes qui nous confient aussi que ce que font les associations c’est bien. Mais d’une même voix désabusée : ̋ vous ne pouvez rien pour nous ˝. »

Pascal Branchard, les Francas du Rhône

Une qUestiOn FOnDAmentAle, Une iDÉe simple

« Comment permettre l’accès de tous aux ressources du territoire ? Quelles solutions

pour permettre d’utiliser au mieux les res-sources qui sont proposées par le territoire ? On peut faire évoluer :– les représentations d’actions qui sont aujourd’hui liées au budget ;– l’accessibilité socioculturelle, car trop souvent les familles accordent de la crédi-bilité à la seule institution scolaire ;– la construction de temps libres qui soient créateurs de différence… Une idée simple : à partir du centre de loisirs, organiser l’action pour permettre aux enfants d’utiliser les ressources du territoire. Cela change nos démarches pédagogiques et les projets des centres de loisirs. »

Dan Chiriconi, les Francas du Rhône

le teRRitOiRe

« Pus de 30 000 centres de loisirs en 2010, contre 11 000 en 1992… L’offre a aug-

menté, sous l’effet le plus souvent de l’action des communes. Le territoire a cette vertu d’être un lieu de diagnostic précis sur l’offre et la fréquentation en termes de segmenta-tion socioprofessionnelle. Qui fréquente les centres de loisirs… ? Une question à laquelle on sait répondre sur un territoire, mais pas à l’échelle nationale. Par exemple, la question

de l’accessibilité culturelle : moins d’enfants pauvres, plus d’enfants aisés… qui pourra y répondre ? »

François Renaud, les Francas de Belfort

Une inteRROgAtiOn, lA DÉCentRAlisAtiOn

« C’est le plus souvent grâce aux actions des municipalités que le lien social est

maintenu. L’interrogation : où va nous en-traîner la décentralisation avec des moyens moins importants mis à disposition des acteurs publics locaux ? Le fait que l’État réduise son rôle sur cette question peut constituer à terme un facteur d’aggravation des différences territoriales. »

Pierre Durand, les Francas

les enFAnts, les JeUnes, à leUR tOUR ÉDUCAteURs

« Éloignement économique, éloignement géographique, éloignement culturel...

le maintien de la cohésion sociale dans une région, un territoire, une ville, est difficile.Pire, la misère pourrait chasser la pauvreté. C’est-à-dire qu’il n’y a plus de possibilités, de potentiels.Ce qui m’inquiète, au-delà de la pauvreté, c’est la détérioration de la qualité des rela-tions. Il nous faut reconstruire les valeurs de solidarité, d’écoute, pour que les enfants puissent les véhiculer auprès de leur entou-rage. La qualité de ce qui se fait dans les centres de loisirs doit se répercuter à l’exté-rieur. »

André Dancert, adjoint au maire de Saint-Étienne

La situation économique que nous connaissons fait que certains territoires plus que d’autres sont en difficulté. Les régions où l’emploi existe résistent mieux à la pauvreté. Celles qui ont

connu un passé industriel particulièrement riche, à la suite des fermetures d’entreprises, se trouvent en grande difficulté. La Loire avec les mines, l’armement, le cycle, la sidérurgie, le textile… est dans ce cadre-là.

L’emploiQui dit pertes d’emplois dit familles en

difficulté, des jeunes qui, à la sortie de leur cursus scolaire, quittent le territoire pour essayer de trouver un emploi ailleurs.

Nous sommes dans une situation difficile. On constate des différences d’un territoire, d’un département, d’une région à l’autre. À cet égard, certains ont évoqué la décentrali-sation comme amplificateur des différences.

Des différences à corrigerPour ma part, je suis favorable à ce que l’on

corrige, d’un territoire à l’autre, ces différences. Mais, on perçoit les difficultés et les limites d’une telle intervention.

Il me semble qu’il faudrait revoir la décen-tralisation, sur un certain nombre de points, pour rechercher une forme d’équité. Équité, afin que celui qui est pauvre aujourd’hui ne le soit pas encore plus demain. En premier lieu,

que la personne pauvre trouve ou retrouve un emploi ; une autre vie verra alors le jour.

Une progression de la précaritéLes familles restent sur les territoires en

difficulté, pour plusieurs raisons : l’âge, l’ac-quisition d’un appartement... Mais beaucoup n’ont pas forcément les moyens de s’expatrier. C’est un constat, il suffit de regarder combien les associations caritatives sont sollicitées. On assiste à une progression de la précarité.

Une ressource, la solidaritéC’est un enjeu difficile à résoudre, surtout

quand nos territoires sont enclavés.Cela pourrait être anecdotique mais les

voies de communication sont primordiales pour ouvrir, accueillir des entreprises. Celles-ci auraient dû être envisagées il y a une ving-taine d’années.

Mais un territoire est aussi constitué d’hommes qualifiés, volontaires, liés par une solidarité exceptionnelle, et cela nous rend moins pessimistes. Nous voulons garder cette jeunesse, une jeunesse qualifiée. C’est la richesse de notre région.

Condition de notre attractivité à venir, dans le domaine de l’enseignement, des universités, de la recherche, il nous faut être encore plus performants. ●

Cette jeunesse est la richesse de notre régionFrançois Rochebloine, député de la Loire, vice-président du Conseil général de la Loire, chargé de la jeunesse et des sports

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numéro spécial Pauvreté et loisirs éducatifs

« Attention à ce que l’éradication de la pauvreté ne vienne pas assommer les pauvres. »

Joël Roman, philosophe

Joël Roman, philosophe, compagnon de route des Francas depuis de nombreuses années, nous a livré pendant cette journée consacrée à la pauvreté et aux loisirs éducatifs des enfants et des jeunes, « un défi pour les territoires », une rétrospective de la lutte contre la pauvreté et des pistes pour demain. Sous le titre « Pauvreté, République et contrat social », nous reproduisons ici les moments forts de son intervention.

Il y a une tension permanente entre la pauvreté, obstacle à toute potentialité d’émancipa-tion, et une voie qui consiste malgré tout à miser sur le travail éducatif pour lutter contre la pauvreté. Cette tension est révé-

latrice de toute une histoire, de toute une difficulté qui tourne autour de la pauvreté et du pacte républicain – l’héritier d’une double tradition – ou de la pauvreté et de la citoyenneté.

Premier temps, l’émancipation de l’individuLa première tradition, apparue au

milieu du XIXe siècle, est celle de l’émancipation de l’individu. Elle sup-pose que petit à petit toute une série d’obstacles soit surmontée dont la pauvreté, l’ignorance, l’obscuran-tisme… qui venaient faire écran, pour les républicains, à la perspective de citoyens libres et égaux. Ce qui fait le citoyen, c’est une posture d’autono-mie. Et là, un autre héritage revient, toujours au XIXe siècle : l’indépen-dance économique, une garantie de l’indépendance de la citoyenneté, d’où le suffrage censitaire. Cette idée est restée profonde dans notre représen-tation de la citoyenneté, conçue essen-tiellement comme une liberté politique et non comme une justice sociale, de partage, d’émanci-pation collective. C’est bien l’émancipation individuelle qui est visée.

Des tentations de suffrage capacitaires ont ainsi vu le jour au début de la IIIe République. L’idée : le droit de vote est accordé à ceux qui ont un minimum d’instruction (le certificat d’études, par exemple). Si on ne possédait pas

ce minimum d’instruction, on risquait alors d’être manipulé, abusé.

Ces tentations n’ont pas totalement disparu de nos jours, en termes de réactions plus ou moins spontanées que nous pourrions avoir à l’égard de populations que l’on juge mal éduquées ou peu émancipées… Il y a là quelque chose qui est au fondement de cette difficulté à éradiquer la pauvreté.

Deuxième temps, la construction de la solidarité

Si le premier temps du pacte répu-blicain correspond à l’égalité politique, juridique, la liberté de la devise répu-blicaine, le deuxième temps se mani-feste par la solidarité, la fraternité de notre devise.

La solidarité est une autre idée de la citoyenneté politique, une autre idée de l’égalité en droit des citoyens. La solidarité consacre la dépendance mutuelle des individus, soudés dans une dette sociale commune.

Nous sommes alors dans des préoc-cupations de justice sociale qui ont abouti à notre système social, après la seconde guerre mondiale.

Adossé à ce système et pendant les Trente Glorieuses, on a pu penser que la pauvreté était un problème potentiellement résiduel, qu’on allait pouvoir la vaincre. On avait alors une dynamique de généralisation du travail, forme sociale généralisée qui va permettre l’insertion et grand vecteur d’émancipation. Tout le monde était appelé à monter dans le train de la croissance. Les logiques de l’inser-tion et du handicap seront les grandes

matrices d’une circulation sociale, dans laquelle les individus seront impliqués.

Les « nouveaux pauvres »Au début des années quatre-vingt, le système

connaît des ratés. Des poches de résistance, de nouveaux phénomènes économiques sociaux… L’expression « nouveaux pauvres » apparaît. L’idée est devenue une thématique à la mode.

On ne comprend pas très bien les phénomènes

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numéro spécial Pauvreté et loisirs éducatifs

nouveaux, reflets des transformations sociales qui révèlent de nouvelles formes de pauvretés (foyers monoparentaux, etc.). L’une des réponses en 1988 : le RMI.

Du Rmi…On travaille à la fois autour de l’idée d’un revenu

d’existence, d’une allocation universelle dissociée du revenu du travail, et autour de l’intégration.

L’intégration, c’est trouver des formes qui permettent de relier les individus à la vie sociale sans passer d’abord par le travail. L’insertion sociale est un préalable à l’insertion profession-nelle – (Rapport Laurent Schwartz sur l’insertion économique).

… au RsAÀ travers le RMI, n’est-ce pas un nouveau droit

qui apparaît, le droit inconditionnel à un revenu ? Mais le RMI est soumis à des conditions qui varient extrêmement d’un département à l’autre. Entre un pôle juridique, celui du droit, et un pôle mora-liste, celui du mérite, des tensions se mettent en place. Sans compter l’activation des dépenses passives. On va donner de l’argent aux gens, à condition que cela amène une amélioration effective de leurs conditions.

Avec le RMI, une question se pose, celle des effets de seuil : entre un RMI familial conséquent et un très petit salaire, il ne faut pas qu’il y ait le sentiment d’une perte d’argent mais le sentiment d’une reconstruction. C’est l’objectif du RSA.

La situation d’aujourd’hui, « les nouveaux, nouveaux pauvres »La situation d’aujourd’hui, « les nouveaux,

nouveaux pauvres », des catégories qui étaient déjà celles des années 1980 : familles monopa-rentales, travailleurs pauvres, à quoi s’ajoutent le surendettement, les effets du chômage ; un chômage structurel… Des nouveaux pauvres qui ne sont pas seulement pauvres dans leurs conditions économiques, mais aussi dans leur posture, leur profil. Ce sont des gens qui sont informés, capables de négocier leur droit. Ils ne correspondent pas au profil type du pauvre assistanciel. On voit là quelque chose qui va interroger notre perception de ce qui se joue dans les questions de la pauvreté.

Notre perception des enjeux liés aux questions de la pauvretéla pauvreté et le regard des autresNous l’avons souligné, arracher les gens à la

misère, à l’ignorance, à tout ce qui limite leurs capacités à être des individus libres et auto-nomes, est une tradition républicaine qui reste très forte. C’est pour cela qu’on veut émanciper celui qui n’est pas vraiment au niveau, qui n’est pas vraiment comme il devrait l’être. Le pauvre aura voix au chapitre le jour où il ne sera plus pauvre. L’ignorant aura voix au chapitre quand il aura appris un minimum…

Mais il y a l’intuition que les individus ne sont pas forcément victimes uniquement de leurs conditions, de leur pauvreté, mais d’abord d’une

absence de reconnaissance, de dignité reconnue qui passe par le regard des autres et particulière-ment le regard des émancipateurs, travailleurs sociaux, dispositifs d’aide, institutions, voire des associations d’éducation populaire. Le modèle de l’école étant très fort chez nous, l’éducation populaire n’a pas été en France une éducation mutuelle. C’est une éducation descendante, promue par les classes moyennes pour les classes populaires, contrairement à l’Angleterre où il y a une culture ouvrière très forte.

la pauvreté, un marché solvable… !Depuis une dizaine d’années, un modèle extrê-

mement puissant se met en place. La réponse à la pauvreté se résoudrait en proposant aux individus d’émettre leurs souhaits sous la forme de demandes solvables. Le marché va résoudre ainsi le problème de la pauvreté qui va elle-même devenir un immense marché. Au lieu d’avoir des systèmes d’aides publics, semi-publics, associatifs, on passe par une solvabilisation de la demande en octroyant un certain nombre de prêts que les individus ne pourront jamais rembourser. On va permettre ainsi à des personnes qui n’en ont pas les moyens d’acquérir un logement. Résultat : la crise des subprimes. La question de l’emploi à domicile est aussi une façon de remettre dans le circuit économique des gens en difficulté.

Une troisième voieEst-on nécessairement condamné à devoir

choisir entre la perspective émancipatrice mais qui oublie la dimension de reconnaissance des individus ou la dimension néolibérale, celle de la solvabilisation de la demande ? Une troisième voie se dessine. Elle reprend cette perspective d’émancipation en précisant : pour qu’il y ait une logique émancipatrice, il faut être dans la

éducation populaire et pauvreté

éducation populaire peut-elle jouer une partition dans le champ de la pauvreté telle qu’elle est posée aujourd’hui ? » À cette question formulée par Philippe Deplanque, délégué général des Francas, voici la réponse apportée par Joël Roman.

« L’outil contre la pauvreté est le vecteur qui permettra aux personnes d’être elles-mêmes les organisateurs et les acteurs de leur propre existence et d’en porter témoignage. Parce qu’elle travaille avec les personnes, l’éducation populaire a un rôle central à jouer. Mais elle doit être porteuse de transformations et pouvoir représenter les plus démunis. L’une des pistes de représentation des personnes en difficulté a été développée par Jean-Baptiste de Foucauld : confions des bons associatifs à ces personnes qui iront là où elles voudront aller.

Faisons aussi confiance aux gens sur l’accès à la culture et aux loisirs au sens large. Internet en est le meilleur exemple. Même si certains ont perdu le rapport à la lecture, ils n’ont pas perdu un rapport à la société, à l’information, à la musique, aux divertissements au sens large. Il nous faut donc travailler sur nos représentations de ce qu’est la culture, sur ce que nous pouvons mettre en œuvre. Travaillons enfin sur la question de l’éducation. L’éducation des enfants, comme l’éducation populaire des adultes, c’est d’abord un vivre ensemble, un vivre avec. Notre tradition très scolaire de la question de l’éducation a beaucoup de mal à penser d’abord l’éducation en ce sens. De ce point de vue, l’éducation populaire est en avance. » ●

reconnaissance des personnes, de leur existence et de leurs capacités à vivre leur propre vie. Elles font partie de la société sans avoir à acquitter de droits d’entrée. On rompt avec l’idée qu’avant de rentrer dans la société, il faut un préalable : un patrimoine, un travail salarié, un minimum d’éducation…

On est dans la société avec ce que l’on est, son histoire.

Permettre de prendre conscience de ses capacitésIl est important de permettre aux individus de

prendre conscience de leur « capabilité », du fait qu’ils sont capables de prendre le pouvoir sur leur propre vie, d’entreprendre et d’être des sujets politiques. Il est important de leur donner les outils qui vont leur permettre de dire ce dont ils ont besoin, de construire à la fois des prises de parole et des prises de pouvoirs. Le monde asso-ciatif, de ce point de vue, a un rôle considérable à jouer.

ContinuerAutour de la capabilité et de la prise de pouvoir,

deux questions liées l’une à l’autre, on est dans la logique de la reconnaissance. On n’est plus simplement dans l’idée que la pauvreté est quelque chose qu’il faudrait éradiquer (avec l’idée sous-jacente, plus ou moins présente, que ce sont les pauvres qui devraient être éradiqués). L’option de la reconnaissance tourne le dos à la mise sur le marché des individus et à la volonté de les rendre solvables. Le marché n’est pas un outil de reconnaissance. La reconnaissance passe par la médiation sociale, l’échange, un regard mutuel qui permet d’instaurer les individus dans une forme citoyenne de l’égalité, autre mot de notre devise républicaine. ●

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numéro spécial Pauvreté et loisirs éducatifs

A u terme de cette journée, je voudrais revenir en quelques mots sur les trois thèmes ouverts à notre réflexion, même si on est plus ou moins sensibles à certaines réalités.

Pauvreté et famillesDans les années 1990, la famille était une

thématique à part entière et une réflexion collec-tive et politique. Aujourd’hui, on se rend compte que notre vision de la famille a changé sous l’influence des secousses sociales et des réponses apportées. Au délitement d’un certain nombre de réalités sociales correspond le rétrécissement de la pensée et des interventions dans le domaine familial.

À une société qui cherchait à faire évoluer les éléments liés à la famille a succédé un temps où l’individuel tient la place principale. Dans le même temps, le collectif est épinglé parce que porteur de dépenses inconsidérées et d’assistanat. Nous savons bien que, dans la réalité qui est la nôtre, nous aurons beaucoup à compter sur l’action collective pour faire évoluer la société.

Pauvreté et territoiresPrenant exemple sur notre territoire, la paupéri-

sation grandissante des familles, le glissement des classes moyennes vers la précarité, la multiplica-tion des tentations et propositions normatives, la fermeture des sites industriels, l’aggravation des pathologies sociales, enfin la spécificité des territoires périurbains et ruraux où la pauvreté s’insinue, produisent un impact négatif. Cet im-pact évolue tout au long de la vie à partir des inégalités de départ, scolarité, culture, ouverture au monde et même l’appropriation du pouvoir, avec une difficulté à devenir militant.

Pauvreté et loisirs éducatifsÀ ces problèmes concrets, les associations

d’éducation populaires cherchent à apporter des solutions. Notre époque leur demande beaucoup. Les réalités qui sont les nôtres appellent des solutions innovantes. Citons : les ludothèques, l’accueil de la petite enfance… ces actions répondent à des situations de déshérence. Les collectivités ne peuvent que renforcer leurs contributions malgré les difficultés économiques ; par exemple, mises à disposition et entretien des locaux qui accueillent des activités, tarifs munici-paux relatifs à l’enfance et à la famille, etc.

Vivre ensembleNotre volonté et ces efforts sont encore insuffi-

sants au regard de la nécessité de reconstruire le lien social. Notre responsabilité politique est bien

là : reconstruire le lien social, le vivre ensemble... domaines où les associations ont tellement à intervenir.

Dans notre activité d’élus, et en référence à ce qui a été dit tout au long de cette journée, nous devons rester des militants du vivre ensemble. Nous avons parlé aussi du caractère crucial de notre situation présente, un appel à agir vite pour que la cohésion sociale puisse se reconstruire, une absolue urgence républicaine. ●

« Nous savons bien que, dans la réalité

qui est la nôtre, nous aurons beaucoup à compter sur l’action collective pour faire

évoluer la société.»

Discours de clôture André Dancert, adjoint au maire de Saint-Étienne

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Un point crucial : le développement de la personnemichèle picard, maire de Vénissieux

L’enfance et la jeunesse sont des écrins formidables où la découverte de disciplines sportives, culturelles, artistiques, les expérimentations réussies ou pas, dessinent pas à pas la personnalité en devenir. Ce trajet des Minguettes à Saint-Étienne, je l’ai effectué en quelque sorte deux fois.

Aujourd’hui en tant que maire, hier en tant que jeune femme. Et je sais que je n’aurais jamais fréquenté les Beaux-Arts de Saint-Étienne sans la découverte des disciplines artistiques alors que j’étais enfant aux Minguettes. En somme, Vénissieux m’a offert ce que j’allais être : une femme et une citoyenne.

Notre volonté politique est bien de donner cette possibilité de se construire, cette initia-tion, cette ouverture d’esprit à l’ensemble des jeunes Vénissians. Cinéma, médiathèque, école de musique, arts plastiques, installa-tions sportives, notre ville s’est dotée de structures à la pointe de notre aggloméra-tion. Pourquoi ce choix ? Parce qu’il manquera toujours une note sur la gamme d’un enfant qui n’aura pas eu la chance d’entendre un piano, parce qu’il manquera des couleurs à la palette d’un enfant qui n’aura jamais eu la chance de voir un tableau, parce que les parcours scolaires forment les esprits, les formatent également, parce que, à force de créer des murs invisibles, on construit dans son esprit la pire des autocensures, celles d’activités qu’on croit réservées aux autres. « La culture aux élites, le pain et TF1 au peuple » pour réactualiser en 2010 une vieille maxime. La pauvreté n’est pas que matérielle. Elle touche aussi les domaines de l’esprit et de la psychologie. Ce mécanisme est déjà à l’œuvre dans de nombreux quartiers popu-laires. Les parents ne pensent pas forcément ouvrir leurs enfants à d’autres environne-ments alors que les services de la mairie le leur proposent. Les barrières ne sont pas que financiers mais inconscients, culturels, psy-chologiques.

À travers une continuité éducative de tous les temps de l’enfant, notre Ville cherche à lui faire découvrir des territoires jusqu’alors inex-plorés, à lui faire franchir l’ensemble de ces frontières invisibles que sont la ségrégation et la discrimination territoriales.

Des racines et des ailes, des repères et des utopies, c’est le chemin qu’il nous faut ouvrir et qu’il nous faut leur offrir. ●

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loisirs éducatifs & territoires – la lettre des organisateurs – N° 20 – Juillet/septembre 2010 – Trimestriel – ISSN : 1779-1898 – Directeur de la publication : Philippe Deplanque – Responsable de la lettre : Didier Jacquemain ([email protected]) – Animatrice de la rédaction : Sandra Minette (sminette@francas.

asso.fr) – Ont contribué à ce numéro : Christian Celette, André Dancert, Marie-Claire Daulhac, Olivier David, Bruno Feutrier, Régis Juanico, Paulette Millet, Philippe Rayé, Michèle Picard, Françoise Richter, François Rochebloine, Joël Roman, Myrima Ulmer, Philippe Vial – Conception/réalisation : Chromatiques éditions – 47/49, avenue du Dr-Netter – 75012 Paris – Tél. : 01 43 45 45 10 – www.chromatiques.fr Impression : Paton Imprimeur – 71, av. du Maréchal Leclerc – 10120 St-André-les-Vergers – Les Francas : 10-14, rue Tolain – 75980 Paris Cedex 20 – Tél : 01 44 64 21 53 – Fax : 01 44 64 21 11 – www.francas.asso.fr

Alternatives Économiques

Le mensuel Alternatives Économiques, qui fête son trentième anniversaire cette année, est le second magazine économique français avec plus d’un million de lecteurs chaque mois. Il est édité par une société coopérative de production, ce qui signifie que la majorité de son capital est détenue par ses salariés. De plus, la quasi totalité de son chiffre d’affaires est constituée par les abonnements et les achats de numéros payés par ses lecteurs. Cela garantit son indépen-

dance à l’égard des pou-voirs tant économiques que politiques. Sa spéci-ficité vis-à-vis des autres médias économiques est

de s’adresser en priorité à ses lecteurs en tant que citoyens afin de les aider – de façon claire et pédagogique – à comprendre les mécanismes écono-miques complexes qui sont à l’œuvre dans nos sociétés, et à décrypter les choix politiques et sociaux qui se cachent le plus souvent derrière.

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L’Observatoire des inégalités

Qui sommes-nous ?L’Observatoire des inégalités est un

organisme indépendant d’informa-tion et d’analyse sur les inégalités. Il est situé à Tours et dispose d’une antenne en région parisienne. Outre l’équipe permanente, il s’appuie sur un réseau de citoyens sensibilisés par la question des inégalités. L’Obser-vatoire des inégalités dispose par ailleurs d’un conseil scientifique com-posé d’économistes, de philosophes, de sociologues et de juristes.

Nos principesL’Observatoire des inégalités cherche

à établir un état des lieux des inéga-lités le plus complet possible et à publier les analyses les plus pertinentes du phénomène. Son action n’aurait de sens s’il ne s’adressait pas au public le plus large possible, en franchissant les barrières sociales, culturelles et politiques notamment.

Indépendant de tout parti politique, syndicat ou entreprise, l’Observatoire cherche à engager le débat le plus ouvert possible entre différentes sensi-bilités. Il a aussi vocation à réunir des

approches scientifiques de disciplines distinctes.

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inégalités est garantie par le soutien essentiel de donateurs privés. Nos partenaires sont aussi des organismes publics et privés qui partagent nos valeurs.

Nous faire connaitreL’Observatoire des inégalités met

à votre disposition des documents d’information sur ses objectifs, ses activités, à diffuser sans modération.

Pour en savoir plus : www.inegalites.fr

La journée d’étude nationale « Pauvreté et loisirs éducatifs des enfants et des jeunes : un défi pour les territoires » a été réalisée en collaboration avec la revue Alternatives Économiques et l’Observatoire des inégalités, la ville de Saint-Étienne, le conseil général de la Loire, la direction départementale de la Cohésion sociale de la Loire, la Caf de Saint-Étienne et la MAIF.