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l’œuvre pour piano olivier gardon

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olivier gardon

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L’Œuvre pour pianoThe Compete Piano Works

www.timpani-records.com

Olivier Gardon

1870 - 1937

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Enregistrement/recording: Théâtre de Poissy, mai et juillet 1994

Direction artistique/Producer: Bruno Berenguer

Son/Balance: Igor Kirkwood

Montage/Editing: Jean-Pierre Bouquet

Responsable de production: Stéphane Topakian

Couverture/Cover: Henri Rivière ‘Du haut des tours de Notre-Dame’

Timpani 1995© Timpani 2014

2C2223

CD 1 (67'53)

Douze PréluDes oP. 36 1916 - Ed. Henn

1 - Prologue (Maestoso) 3'08 2 - Tendresse (Andante) 3'59 3 - Pressentiment (Agitato) 3'15 4 - Souvenir d’un jour de joie (Allegro molto appassionato) 2'12 5 - Nostalgie (Andante con moto) 4'07 6 - Par gros temps (Largo) 2'24 7 - Évocation d’un jour d’angoisse (Poco lento) 4'07 8 - Dans la nuit (Grave) 3'51 9 - Suprême appel (Allegro molto agitato) 3'1410 - Sur une tombe (Molto lento e sostenuto) 2'4411 - Adieu (Moderato piu tosto lento) 4'3812 - Seul (Molto maestoso) 4'46

silhouettes D’enfants oP. 43 1918 - Ed. Henn

13 - Valse 1'2714 - Chanson 1'2515 - Divertissement 1'1216 - Barcarolle 2'3717 - Gavotte dans le style ancien 3'44

Deux Pièces Pour Piano oP. 7 Date ? - Ed. Salabert

18 - Impression d’automne 2'2719 - Intermezzo 2'01

20 - le Glas oP. 39 no 2 7'48 1916 - Inédit/unpublished - (Op. 39 no

1: perdu/ruined)

CD 2 (71'27)

trois nocturnes oP. 35 1915/1916 - Ed. Salabert

1 - La nuit avait envahi la nef de la cathédrale... (Lento) 9'54 2 - Au splendide mois de mai, lorsque les bourgeons rompaient l’écorce... (Adagio cantabile) 5'48 3 - La lumière rayonnait des astres de la nuit, le rossignol chantait (Larghetto espressivo) 8'27

suite bourGuiGnonne oP. 17 1899 - Ed. Leduc

4 - Aubade 3'04 5 - Idylle 3'46 6 - Divertissement 2'04 7 - Légende bourguignonne 3'46 8 - À l’Angélus du soir 4'54 9 - Danse rustique 2'1010 - Clair de lune 2'43

solituDe oP. 44 Poème en quatre parties 1899 - Ed. Leduc

11 - Hantise 5'2712 - Nuit blanche 7'0413 - Vision hallucinante 3'2114 - La Ronde fantastique des revenants 8'05

Avertissement : La présente édition com-prend toute l’œuvre de Louis Vierne pour le piano, à l’exception de quatre pièces inédites : trois, numérotées op. 29 et composées en I896 et 1912, et une, op. 49. Ces œuvres, dont nous disposions des manuscrits, ne sont pas à la hauteur de la production de cet immense créa-teur. Vierne lui-même s’en désintéressa et ne les proposa jamais à l’édition. Nous l’avons suivi.

Note: The present edition comprises Louis Vierne’s whole output for the piano with the exception of four unpublished pie-ces, three with number Op. 29, written in 1896 and 1912, and another Op. 49. These works, of which manuscripts exist, are not up to the standard of the other works of this immense creator. Vierne himself had no interest for them and ne-ver proposed them for publication. We have followed him in this respect.

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© Olivier Dalmasso

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Né presque aveugle à Poitiers le 8 octobre 1870 et mort à Paris le 2 juin 1937, Vierne demeure un organiste illustre, mais seulement un or-ganiste, pour la plupart de ceux qui connaissent son nom. Formé à l’Ins-titut des Jeunes Aveugles à Paris, il fit rapidement preuve de dons musi-caux exceptionnels ; remarqué par César Franck qui le prit comme élève particulier, il fut admis à la classe d’orgue du Conservatoire de Paris en 1890. Après le décès du Maître de Sainte-Clotilde, il reçut l’enseigne-ment de Charles-Marie Widor. Ayant obtenu le Premier Prix d’orgue en 1894, Vierne fut nommé sur concours organiste de Notre-Dame de Paris, le 21 mai 1900. Ce fut le tremplin de sa carrière car ses multiples talents d’interprète, d’improvisateur et de compositeur attirèrent à sa tribune l’élite de l’Europe intellectuelle et artistique. Sa mort subite, à l’orgue de Notre-Dame, au cours de son 1750e récital, paracheva sa réputation d’organiste de légende que venait servir une abondante œuvre d’orgue, sans précédent par sa qualité et son ampleur depuis J.-S. Bach.

Dans le domaine de l’orgue, Vierne s’affirme donc comme un grand créateur ; mais, précisément, ce domaine — que les autres musiciens jugent le plus souvent avec un certain dédain — tout en lui assurant la pérennité, a fait de l’ombre au reste de son œuvre. Or il fut avant tout un compositeur et l’orgue ne constitue qu’un de ses multiples moyens d’ex-pression puisqu’il a abordé tous les genres musicaux hormis le théâtre et réussi à nous léguer des chefs-d’œuvre dans chacun de ces genres ; les autres disques publiés par Timpani en fournissent des exemples particu-lièrement marquants.

Au xixe siècle, il y eut peu d’organistes français capables d’écrire pour le piano si l’on excepte Boëly, Alkan, Franck et Saint-Saëns, mais tous étaient de remarquables pianistes. À l’orée du xxe siècle, Vierne se présente comme leur continuateur, à la fois organiste et pianiste. Très partiellement et plutôt mal formé à la technique pianistique par Henri Specht lors de ses études à l’Institut des Jeunes Aveugles où il obtint un Premier Prix de piano, il n’eut de cesse par la suite que d’acquérir ce

qui lui manquait pour devenir un véritable pianiste. Ses dons étaient tels qu’avec quelques efforts et les judicieux conseils de Widor, lui-même pianiste honorable et surtout excellent pédagogue, du marquis Antoine de Konsky (un élève de Chopin) et, plus tard, de Raoul Pugno, il par-vint à maîtriser totalement un instrument qui, confessait-il modestement, n’était pas le sien. Pourtant, au dire de ceux qui l’entendirent en séance privée (Vierne se refusa toujours à donner des récitals publics de piano, hormis pour ses propres œuvres), sa virtuosité, son sens du phrasé, son toucher subtil et sa science des coloris lui auraient permis de faire une belle carrière de pianiste.

À ses débuts, il avait un gros entraînement et un répertoire étendu qui, en dehors de Bach, embrassait toute la période romantique, de Beetho-ven à Liszt, en passant par Schubert et surtout Chopin et Schumann, ses auteurs de prédilection. Si, après 1900, son métier d’organiste à temps plein (et même plus que plein entre les offices, les récitals, les leçons particulières et la suppléance du Conservatoire !) ne lui permit plus de pratiquer le piano solo avec autant d’assiduité, il continua d’être un mer-veilleux pianiste d’accompagnement — il adorait accompagner — et conserva jusqu’au bout une technique aiguisée au point de pouvoir faire entendre, au soir de sa vie, sur son «crapaud» de la rue Saint-Ferdinand, nombre de Préludes , de Valses, de Scherzos et de Polonaises de Chopin, les Sonates en fa dièse mineur et en sol ainsi que le Carnaval de Vienne de Schumann, et plusieurs Études d’exécution transcendante de Liszt. Bernard Gavoty me confia avoir gardé un souvenir impérissable de ces séances.

On voit donc que Vierne connaissait tout du piano, ses ressources comme ses limites ; il était naturel qu’il fût tenté de composer pour cet instrument. L’œuvre de piano de Vierne n’est évidemment pas compa-rable à son œuvre d’orgue : moins abondante, elle n’en a ni le poids ni l’inventivité proprement instrumentale. Alors qu’il innove dans le do-maine de l’orgue, sa conception du piano demeure fidèle à l’écriture ro-mantique, même dans les pièces harmoniquement les plus audacieuses. Cela dit, s’il n’apporte rien de fondamentalement nouveau à la techni-que de l’instrument, il ne faut pas s’y tromper, le piano de Vierne est du très grand piano (certains Préludes et la quasi totalité de Solitude sont d’une extrême difficulté d’exécution). À aucun moment on n’a l’impres-sion de musique d’organiste, excepté peut-être dans la dernière pièce de

LOUIS VIERNE ET LE PIANOJean-Pierre Mazeirat

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Solitude dont certains passages « scherzando » sonneraient mieux à l’or-gue grâce aux coloris que permettent les changements de registration.

Comme dans le reste de sa production, on peut suivre l’évolution de son langage qui, parti de l’harmonie classique, s’oriente peu à peu vers l’atonalité par l’emploi d’un chromatisme de plus en plus exacerbé qui lui est strictement personnel.

Mais ce qui importe avant tout, c’est le message intime que Vierne nous livre dans sa musique de piano (comme d’ailleurs dans sa musi-que de chambre). À travers ce message, nous voyons un homme broyé par une effroyable destinée (nous ne saurions trop recommander à ce propos la lecture de l’ouvrage de Bernard Gavoty : Louis Vierne, la vie et l’œuvre, Albin Michel, Paris, 1943. Réédition chez Buchet-Chastel, Paris, 1980) Pourtant, comme tous, il aspirait au bonheur et, quand on voit son portrait d’homme heureux que traduit la charmante Suite bour-guignonne, on se prend à imaginer le reste de sa carrière de compositeur sans le fiel, les cendres et les larmes que le sort lui réserva. Les Prélu-des, dans leur enchaînement comme dans leur expressivité romantique, sont un témoignage très émouvant de ce calvaire dont le paroxysme est atteint avec Solitude, d’une écriture particulièrement moderne. Vierne trouva parfois la force de s’arracher aux pensées moroses que sa vie de martyr lui inspirait : voyez les trois merveilleux Nocturnes, si délicate-ment impressionnistes, de même que les tendres Silhouettes d’enfants...

Certes, tout n’est pas d’égale valeur dans cette œuvre, mais les Prélu-des et les Nocturnes sont des chefs-d’œuvre qui devraient faire partie du répertoire des grands pianistes. Je tiens personnellement Solitude pour géniale, mais une œuvre aussi torturée exige un effort de compréhen-sion. Parmi les autres pièces enregistrées ici, il n’en est aucune qui soit ennuyeuse ou médiocre, Toutes sont séduisantes, distinguées et parfai-tement représentatives de la personnalité de ce grand compositeur. Une telle production mérite donc mieux que le purgatoire où elle moisissait jusqu’ici.

Douze PréludesBien que portant le numéro d’opus 36 (indiqué 38 par erreur sur l’édi-

tion) les Préludes pour piano de Vierne sont antérieurs à ses Nocturnes. Les six premiers ont été écrits à La Rochelle pendant l’été de 1914 que Vierne passa dans la famille de son élève Marthe Bracquemont, la dé-

dicataire de l’ensemble du recueil ; quant aux six derniers, ils furent composés à Paris entre octobre 1914 et juin 1915.

On notera tout de suite une différence de style et d’inspiration entre les Nocturnes et les Préludes ; les uns décrivent des perceptions senso-rielles que l’auteur exprime par un impressionnisme délicat quand les autres, fidèles à la tradition romantique du prélude, visent à traduire les méandres d’une âme tourmentée par les événements. La guerre, tout d’abord, est à l’origine d’une sourde inquiétude : les deux frères de Vierne sont au front et risquent la mort à chaque instant. À cette angoisse vient s’ajouter en mai 1915 une catastrophe sentimentale : Jeanne Montjovet, sa compagne depuis 1910, le quitte. Son divorce en 1909 l’avait laissé désemparé et cette nouvelle épreuve est d’autant plus terrible ; les derniers Préludes en sont le reflet.

Ainsi comprend-on toute la signification de l’œuvre qui présente d’abord une alternance de pages ensoleillées et sombres pour s’enfon-cer peu à peu dans un désespoir omniprésent. On retrouvera cet enchaî-nement fatal dans d’autres œuvres de Vierne, notamment son cycle de mélodies Le Poème de l’amour (Timpani 1C1091).

Le Prologue qui sert d’ouverture aux Préludes donne d’emblée une idée du climat contrasté qui habite tout le recueil. On y trouve d’abord de grands traits ascendants qui alternent avec des accords d’une écra-sante majesté ; leur effet presque théâtral comme la tonalité d’ut mineur symbolisent la tragédie qui couve ou, pour être plus exact, en sont les signes avant-coureurs. Un épisode central dont le thème délicat se dé-tache de l’irisation d’une mer de triples croches, apporte une agréable fraîcheur, une bouffée de bonheur insouciant avant le retour des traits fulgurants et une péroraison particulièrement saisissante.

Tendresse est une page en la majeur éminemment charmeuse. Le thè-me principal possède cette volupté sensuelle que l’on ne trouve que dans le sentiment amoureux. Un second motif, très expressif, s’anime jusqu’à l’extase suprême avant de retrouver, suivant un galbe merveilleux, l’am-biance du début. La conclusion est d’une parfaite sérénité.

On ne saurait traduire avec plus de vérité la sensation d’anxiété que dans Pressentiment. Toute la pièce est basée sur l’antagonisme entre un agitato fébrile qui glace le sang et un adagio dont le martellement lugu-bre est tout aussi angoissant. La sombre tonalité de fa dièse mineur, si chère à Vierne, n’est pas étrangère à cette impression de terreur.

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Souvenir d’un jour de joie exprime de manière éclatante un moment de bonheur intense. Écrit dans la radieuse tonalité de mi bémol majeur, le morceau est d’une vigueur schumannienne ; habité tout entier d’une brûlante passion jusqu’au fulgurant trait conclusif, il produit un effet d’autant plus frappant que le langage de l’auteur est direct. La sincérité d’un tel message en fait tout le prix.

Dans Nostalgie, une mélopée monodique en sol mineur, ponctuée d’accords ténébreux, alterne avec un 6/8 dont le balancement berceur est d’une tristesse voilée, accentuée par le chromatisme de l’écriture. Il est impossible d’exprimer avec d’avantage d’acuité le regret mélancoli-que d’une époque fanée.

Deux accords tonitruants annoncent le climat agité de Par gros temps. Cette houleuse toccata en si mineur clôt le premier livre des Préludes composé à La Rochelle. C’est une vision romantique, idéalisée, de la tempête océane. Le dessin répétitif, haletant, de perpetuum mobile doit beaucoup à l’influence du répertoire d’orgue où ce type de pièce a été abondamment illustré ; l’écriture demeure néanmoins parfaitement pia-nistique et, à vrai dire, ce dessin répétitif n’est que le support d’une courbe expressive, tour à tour inquiétante, féroce, contenue, brutale qui suggère le mouvement du ressac et l’éclatement des vagues jusqu’au bref et impressionnant crescendo final.

Le septième Prélude, Évocation d’un jour d’angoisse, présente dans la tonalité d’ut dièse mineur trois reflets d’une inquiétude profonde. Le premier est matérialisé par un thème d’une sublime beauté qui émerge note après note, avec mélancolie, d’un accompagnement ondoyant ; le second est une douloureuse rêverie d’accords arpégés, doucement égre-nés sur des basses voilées ; quant au troisième, il exprime avec force un noir tourment par un motif viril auquel la répétition des notes initiales donne un caractère lancinant. Ce dialogue poignant s’achève par une conclusion évanescente tout aussi remplie d’émotion.

Ce n’est point tant l’obscurité que Dans la nuit vise à dépeindre mais la déréliction et son cortège de cauchemars. Après quatre accords in-troductifs chargés de résonances, apparaît une sorte de marche funèbre en si bémol mineur, reflet d’un total désespoir. Elle est interrompue par un épisode central agité où s’affirme un sentiment farouche de mâle révolte. Mais l’obsédante marche funèbre s’impose de nouveau jusqu’à une fin sans rémission.

Suprême appel est une pièce pleine de fougue dans laquelle l’auteur a voulu clamer haut et fort sa soif d’amour en montrant tout ce que son cœur recelait encore de passion. Écrite en fa mineur, elle oppose d’une manière très classique un thème masculin aux accents héroïques à une idée féminine chantante et ponctuée de trilles.

Un après-midi de l’hiver 1914-1915, Vierne alla au cimetière du Montparnasse se recueillir sur la sépulture de sa mère décédée en 1911. De cet aparté muet lui vint aussitôt une de ses pages les plus inspirées : Sur une tombe. Il n’y a là ni sanglots ni révolte, rien d’autre qu’une prière dont le chant très pur en ut majeur et les harmonies très simples ont la sérénité prenante d’un negro spiritual, ici réinventé de toutes piè-ces, puisque Vierne, comme la plupart des compositeurs français, ne devait découvrir la musique des Noirs d’Amérique qu’après la fin de la première guerre mondiale. Quel chef-d’œuvre !

Adieu est la conséquence du départ de Jeanne Montjovet. Il n’est pas question ici de larmoiements de quai de gare car tout est irréversible-ment consommé : un amour de cinq années que Vierne croyait indé-fectible se solde par un abandon qui résonne dans sa tête comme une trahison. Ainsi se répondent une complainte en la mineur, rampant sous de noires alternances, et une convulsion effroyable, désarticulée, qui apparaît soudain comme une crise d’épilepsie.

Seul... Telle est la chute de ces douze Préludes. Pouvait-il en être autrement compte tenu de ce qui précède ? Une courte introduction d’accords déchirants rappelle la cruauté d’un implacable destin ; elle est suivie d’une ultime réaction de révolte qui prend la forme d’un agitato en mi mineur fiévreux, tourmenté par une rage aussi furieuse qu’impuis-sante, avec son dessin de triolets martelés. Une simple transition d’ac-cords arpégés mène à une péroraison résignée, presque crépusculaire en dépit de sa tonalité de mi majeur.

Cet ensemble monumental avait rallié tous les suffrages, lors des audi-tions partielles qu’en donnèrent pendant la guerre l’auteur, Émile René Blanchet ou José Iturbi, et plus encore quand Lélia Gousseau en fit la création intégrale le 20 février 1926, Salle Érard à Paris, où le triomphe fut total.

On se demande pourquoi il demeure dédaigné de la plupart des pia-nistes.

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Silhouettes d’enfantsLorsque Vierne fut contraint en juin 1916 d’aller se faire soigner à

Lausanne, il fut pris en charge par une grande dame, la Comtesse du Boisrouvray, qui le conduisit chez des amis, les Vuillemin, propriétaires de la villa Rochemont à Chailly où elle s’était réfugiée avec ses enfants. Vierne y résida plus de deux ans. Pendant cette période marquée de drames — notamment la mort au front d’un fils et d’un frère — il fut constamment entouré : à la sollicitude de ses hôtes, au dévouement de la comtesse s’ajoutaient la gaîté et l’affection des cinq enfants de celle-ci, véritable rayon de soleil dans ces moments difficiles. Aussi, en mai-juin 1918, écrivit-il pour eux un recueil de pièces pour piano.

Vierne est un des rares compositeurs à avoir compris les mystères du premier âge et à avoir su exprimer avec tant de poésie et de simplicité l’émerveillement et la tendresse qu’ils suscitent. C’est pourquoi les Sil-houettes d’enfants sont dignes de figurer aux côtés de chefs-d’œuvre tels que les Scènes d’enfants de Schumann, la Chambre d’enfants de Moussorgsky, le Children’s corner de Debussy ou Dolly de Fauré. Encore pourrait-on trouver Vierne plus spontané, plus viscéral dans son inspi-ration, que les auteurs précités, hormis Schumann avec lequel il semble décidément avoir une parenté certaine, sinon par l’écriture, du moins par une expressivité sans détours.

La Valse en fa majeur qui ouvre le recueil est d’une grande sobriété avec ses deux voix parfaitement adaptées à la technique rudimentaire d’un débutant — mais il n’est pas certain que les dissonances et les frottements acidulés dont elle est constamment émaillée et qui en font le charme, puissent être compris par de jeunes cerveaux habitués à des harmonies plus sucrées.

La Chanson est, de ce point de vue, beaucoup plus pédagogique. Ré-solument écrite en ut majeur, ses batteries scandent une jolie phrase présentée d’abord en imitations successives puis en canons d’un effet exquis. Voilà une belle initiation à la polyphonie pour un tout petit !

Le Divertissement est le seul morceau du recueil qui exige une cer-taine virtuosité. Cette pièce en sol mineur, gracieuse, tournoyante est un enchantement fugace qui ne peut manquer de séduire. Elle n’est pas sans parenté avec le Divertissement de la Suite bourguignonne.

Sur un 6/8 berceur, la Barcarolle fait dialoguer deux motifs dans la chaude tonalité de ré majeur, l’un constitué de grands accords, l’autre

plus délié et chantant. Que de poésie et d’originalité dans ces quelques notes !

Enfin la délicieuse Gavotte dans le style ancien nous révèle un aspect peu connu de Vierne qui renoue ici avec des archaïsmes dont Saint-Saëns ou d’Indy étaient coutumiers. Le premier thème, frais et pimpant cède la place à un passage central plus souple, un brin nostalgique, avant un da capo général par lequel on retrouve le joyeux la majeur du début.

L’illustre Clara Haskil n’hésita pas à jouer ces cinq petits bijoux en première audition publique à Paris, lors d’un concert de charité donné le 23 février 1921 à l’hôtel Claridge.

Deux Pièces pour pianoEn 1893 Vierne n’est rien d’autre qu’un élève au Conservatoire de

Paris en attente d’un premier prix ; cela fait deux ans que des collègues jaloux de Widor, professeur titulaire de la classe d’orgue, le lui refusent injustement. Mais, à défaut de prix, l’élève a déjà fait ses premières ar-mes de compositeur avec quelques pièces d’orgue et deux motets, sans parler d’œuvrettes de musique de chambre encore antérieures. Cette fois, le jeune homme s’attaque au piano et écrit dans les six premiers mois de l’année un triptyque dont le volet central, Marche funèbre, de-meuré inédit (sans doute pas assez salonnard au goût des éditeurs !) a malheureusement disparu.

La première pièce, Impression d’automne, est une romance sans pa-roles (tel était d’ailleurs son titre original) où l’influence de Chopin est manifeste. Avec son thème unique en mi majeur répété sans modula-tion, elle a dû plaire par sa simplicité et son élégance aux filles de bonne famille désireuses de charmer leurs soupirants un soir de réception.

L’Intermezzo, un allegro giocoso en ré bémol majeur, se situe égale-ment dans la mouvance de Chopin tant par les inflexions de son thème que par ses harmonies ; à défaut de présenter une vraie personnalité, il ne manque ni de fraîcheur ni de musicalité et procure un réel plaisir à l’auditeur.

Vierne donna lui-même la première audition publique de ces pièces (y compris la Marche funèbre disparue) à la première séance de la Société de Musique Nouvelle, Petite Salle Érard à Paris, le 5 février 1895. Elles furent saluées par une ovation bien agréable pour le tout jeune artiste.

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Le GlasÀ l’automne 1916, Vierne, qui est en pleine période créatrice malgré

son exil et sa maladie, projette de composer un Poème des cloches pour piano en quatre parties. Seuls, semble-t-il, les deux derniers volets ont été réalisés et déposés à la SACEM sous le titre de Poème des cloches funèbres. L’un d’eux, Cloches dans le cauchemar, n’a pu être retrouvé et, pour l’heure, l’unique rescapé est Le Glas, achevé le 28 décembre 1916.

Dédiée à la mémoire de son ami Alphonse Franc (dont la femme était la marraine de Jacques, fils aîné de Vierne), cette pièce en sol dièse mi-neur produit un effet extraordinaire avec une grande sobriété de moyens : un simple accord de dominante–tonique (ré#–sol#) figure la cloche ob-sédante, sèche, presque fêlée malgré sa résonance, qui martèle de bout en bout un thème sombre et torturé. Tant par le climat lugubre que par l’écriture dont les dissonances se font de plus en plus féroces, la parenté avec Le Gibet de Ravel s’impose. Néanmoins, là où Ravel a voulu dé-crire la posture statique des pendus, Vierne s’est employé à traduire le lent mouvement du cortège funèbre qui se rapproche au gré d’un grand crescendo jusqu’à de terrifiants accords fortissimo pour s’éloigner en-suite et se perdre dans un ultime tintement. Ce bel exemple d’inventivité nous fait d’autant plus regretter la perte de l’autre volet du poème.

Trois NocturnesAu début de décembre 1915, Vierne alla passer quelques jours à Rouen

dans la famille de son ami Albert Dupré. Un soir, ce dernier l’emmena pour une séance privée à la tribune de son orgue de Saint-Ouen, un ma-gnifique Cavaillé-Coll. Pour n’être qu’une église abbatiale, Saint-Ouen a pourtant des dimensions comparables à celles de Notre-Dame de Paris et, devant ce vaisseau immense, vide, gagné par l’ombre, répercutant les fresques sonores de ses improvisations, Vierne ressentit une émotion maintes fois éprouvée à sa propre tribune.

Sitôt rentré de cette soirée, il entreprit de la traduire musicalement et écrivit un Nocturne pour piano qui fut achevé le 7 décembre, avant même son départ de Rouen. L’épigraphe « La nuit avait envahi la nef de la cathédrale », est parfaitement évocatrice des impressions visuelles et auditives que Vierne a voulu exprimer dans cette ample pièce en la mi-neur. Les impressions visuelles apparaissent dès le début du morceau ;

elles se rattachent à l’architecture du monument : dans un climat que l’on pourrait qualifier de debussyste (comment ne pas songer à La Cathédrale engloutie) une série d’accords montants et descendants, noyés dans des sonorités fondues de double pédale, alternent avec d’autres accords qui marquent le premier thème. Ils semblent dessiner la nef, la succession de ses piliers, la courbure de ses arcs, les nervures de ses voûtes...

Quant aux impressions auditives, elles se manifestent un peu plus loin par un second motif sombre et majestueux dont l’écriture complexe, serrée, évoque l’orgue au point que le piano paraît s’être mué en instru-ment à tuyaux. Ces deux ambiances contrastées dialoguent avant l’ap-parition d’un passage plus serein (poco piu mosso) où le premier thème se détache sur un lit de triolets. Il s’anime et conduit à un épisode fortis-simo dont les gigantesques accords, assis sur des basses profondes, sont une allusion à la puissance colossale d’un grand Cavaillé-Coll. Puis tout s’apaise et la pièce s’achève dans le climat mystérieux du début.

Dès son retour à Paris, Vierne se mit à composer un Second Nocturne, aussi rapidement réalisé que le premier, puisqu’il tut terminé le 15 dé-cembre. Il évoque le souvenir du crépuscule d’un beau jour de printemps passé aux environs de Paris. L’auteur l’a fait précéder de cette phrase tirée de L’Intermezzo lyrique de Heinrich Heine traduit par Gérard de Nerval : « Au splendide mois de Mai, lorsque les bourgeons rompaient l’écorce... ». Cet adagio cantabile en mi majeur n’a rien du mystère ni de la grandiose solennité du Premier Nocturne. Voilà au contraire une poésie limpide dont le chant initial au contour net, sous-tendu d’harmonies fraîches et gaies en dépit d’un chromatisme intense, respire la joie de vivre. Presque aussitôt apparaît un autre motif détendu et folâtre. Ils se succèdent et se combinent en un discours dont le sentiment expressif profond prend un caractère ardent et animé dans la partie centrale du morceau où Vierne semble avoir voulu décrire le flamboiement d’un coucher de soleil au travers de volutes nuageuses. Et, peu à peu, la nuit s’installe tiède, douce, tout imprégnée encore des parfums de la journée...

Le 30 décembre 1915. Vierne partit en Suisse pour y effectuer une tour-née mais aussi consulter le Docteur Éperon, ophtalmologue à Lausanne, qui pouvait soigner sans opérer le glaucome dont il souffrait depuis plu-sieurs mois. C’est au gré de ces déplacements que fut écrit le Troisième Nocturne, achevé à Genève le 23 janvier 1916. Il n’y a cependant rien de spécialement helvétique dans ce Nocturne puisque Vierne y dépeint

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l’ambiance d’une nuit de la fin mai 1913 passée dans la vallée de l’Eure, à Jouy, près de Chartres. L’épigraphe « la lumière rayonnait des astres de la nuit, le rossignol chantait... » est un peu trompeuse car Vierne avoua avoir dépossédé de ses droits d’auteur un pauvre merle au profit d’un rossignol imaginaire !

Mais on ne se trompera pas sur les qualités du morceau : c’est un chef-d’œuvre. Le premier thème en ré bémol majeur, un des plus purs de toute l’histoire de la musique, est à lui seul un joyau. Scintillant d’étoiles, il semble flotter sur un substrat harmonique vaporeux, paré de reflets lunaires. Et voici que survient le rossignol — ou le merle comme l’on voudra — chantant dans la plus totale des libertés avec force trilles, appoggiatures et gruppettos. Mais Vierne s’est bien gardé de reproduire servilement le chant des oiseaux que, pourtant, il notait scrupuleuse-ment à ses heures ; il s’est contenté de le suggérer avec beaucoup de poésie, sachant qu’aucun instrument, pas même les appeaux des chas-seurs, ne peut imiter parfaitement la nature. Ce chant, comme tout chant d’amour, s’anime jusqu’à la plus éclatante passion. De grands traits ser-vent de transition pour retrouver l’atmosphère subtile, presque magique, des premières notes auxquelles s’ajoute un motif secondaire de basses veloutées. Un ultime chant d’oiseau mène à une conclusion d’allure très fauréenne, égrenée quasiment note à note.

Vierne créa lui-même ces Nocturnes à la Maison du Peuple de Lausanne le 6 octobre 1916 et y obtint un triomphe amplement mérité car ils ont tout pour eux. Pourtant, hormis les « poilus » qui eurent l’oc-casion de les entendre interprétés par René Vierne peu avant sa mort héroïque au front, le public français dut attendre le 3 mars 1926 pour les découvrir lors d’un concert de la S.M.I (Société de Musique Indé-pendante), Salle Érard, où Emma Boynet en donna une très remarquable audition.

Suite bourguignonneEn juillet 1898. Vierne se rendit à Caen chez Charles Mutin, successeur

du célèbre facteur d’orgues Aristide Cavaillé-Coll, qui lui avait deman-dé d’être le parrain de sa fille, tandis que pour marraine, il avait choisi Arlette Taskin, fille d’un baryton de l’Opéra-Comique très renommé et descendant des facteurs de clavecin Taskin. Vierne connaissait les Taskin pour avoir donné chez eux des récitals d’orgue ou de piano et enseigné

au baryton les rudiments de l’orgue jusqu’à sa mort soudaine. Il n’avait pas alors prêté attention à Arlette mais, lorsqu’il la retrouva chez Mutin, il fut émerveillé par sa beauté et séduit par l’intérêt qu’elle lui portait. Le 8 octobre 1898 ils se fiancèrent et leur mariage fut célébré en avril 1899.

Dans cette période où tout semble lui sourire, Vierne se montre par-ticulièrement fécond puisqu’il écrit en quelques mois quatre mélodies, sa monumentale 1re Symphonie pour orgue, un motet et la Suite bour-guignonne pour piano qui nous intéresse ici. Le titre surprend car Vierne n’était pas originaire de Bourgogne et l’œuvre elle-même ne paraît pas être d’inspiration spécifiquement bourguignonne. Nous sommes loin de Maurice Emmanuel (un grand ami de Vierne) qui a si finement illustré le folklore de cette région. Alors, que penser ? Vierne n’ayant jamais choisi un titre à la légère, il faut croire, faute de mieux, que soit la famille Taskin soit celle de la dédicataire, Juliette Toutain (une élève du compositeur), avait des attaches bourguignonnes. De toute manière, cela ne remet pas en cause l’intérêt que présentent ces sept pièces.

L’Aubade qui ouvre la suite est une pièce vive et joyeuse comme la tonalité de mi majeur dans laquelle elle est écrite. Les accords alternés qui sous-tendent le thème incisif et conquérant, de même que les traits qui l’interrompent, suggèrent habilement la guitare ou la mandoline. La partie médiane, en sol majeur, offre l’attrait d’un dessin répétitif du plus heureux effet. Quant à la conclusion, plus vive encore, elle part du regis-tre des basses pour s’élever jusqu’au claquement volontairement sec de l’accord final. Toute l’ardeur du jeune amoureux se montre ici !

Par contraste, Idylle est l’image d’une tendresse exquise. Là où Ber-nard Gavoty — convention d’époque oblige ! — ne voyait qu’une mélo-die ingénue, se révèle une caresse sensuelle qui semble décrire dans ses circonvolutions, ses imitations, ses réponses, ses multiples triolets, les contours de l’être aimé avec, par moments, un zeste de passion empor-tée. Mais la conclusion, presque évanescente, tout en confirmant le ton charmeur de si bémol majeur, retrouve la fine expressivité du début.

Que de charme aussi dans Divertissement. Ce presto en mi majeur virevolte avec une aisance et une grâce souveraines, tant par le motif de croches-double croches à 2/4 que par la houle de triolets arpégés qui, dans la partie centrale du morceau, se chargent de sonorités résonnantes de pédale très bien conçues. La conclusion, dans sa légèreté de trait de harpe, est tout aussi réussie.

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La Légende bourguignonne est un des sommets du recueil. Cette com-plainte, visiblement recueillie de la boucle édentée d’une vieille pay-sanne, pour reprendre les mots de Gavoty, se répète sans cesse comme l’accompagnement berceur et obstiné que semble moudre un vielleux sur une bancale mesure à 5/4. Mais la mélodie, tantôt exprimée mono-diquement, tantôt chargée d’harmonies délicates prend une vie singu-lière en quittant la tonalité d’ut dièse mineur pour y revenir au gré de modulations habilement conduites qui ne font que renforcer la discrète nostalgie de cette archaïque chanson.

À l’Angélus du soir donne une idée, encore timide, de l’impression-nisme qui habitera bientôt l’âme romantique de Vierne. Ici, le langage demeure attaché aux règles et aux dogmes mais l’esprit s’en évade. La cloche de l’Angélus, dont le tintement scande de sa dominante immuable l’ensemble de la pièce, écrite en fa dièse majeur, laisse libre cours à des ambiances diverses : un chant d’oiseau, poétique à souhait, traduit l’alanguissement d’une chaude journée passée aux champs. Un thème solidement construit lui succède. Sans doute Gavoty aurait-il raison de n’y voir que « des notes égrenées dans un ciel trop bleu semé de nuages trop roses », si le discours ne prenait soudain une tournure aussi lyrique qu’émouvante. L’oiseau se manifeste une dernière fois avant une péroraison limpide.

La Danse rustique demeure la pièce la plus « conventionnelle » de cette suite. On y sent un peu trop le cliché de la vie campagnarde vue au travers de l’œil du citadin que Vierne était contre son gré (il détes-tait la ville et tout spécialement la capitale !). Cela dit, le morceau est musicalement réussi ; c’est une sorte de bourrée en si majeur, fortement charpentée, agrémentée de traits, que le scherzando central rend plus souple et attrayante.

Pour clore cette suite. Vierne a choisi la douceur avec Clair de lune. Inspiré depuis toujours par les diverses facettes de la nuit, il livre ici sa première vision de la pâle Séléné, vision encore romantique et pure-ment expressionniste, par opposition à l’impressionnisme dont il fera preuve dans son 3e Nocturne, l’introduction du dernier volet de Soli-tude ou encore Clair de lune pour orgue (Pièces de fantaisie, 2e suite, op. 53 no 5). Dans cet andante sostenuto en sol majeur, Vierne se contente de suggérer sans viser à décrire. Tout y est simple et charmant. Le thème, très sobre, est d’abord sous-tendu d’harmonies verticales ; puis, dans

l’épisode central en si majeur d’une prenante sensualité, apparaît un accompagnement arpégé qui mènera la pièce jusqu’à son terme, d’une exquise délicatesse.

L’œuvre fut triomphalement accueillie lors de sa création par la dédi-cataire, Juliette Toutain, à la Société de Musique Nouvelle, Petite Salle Érard le 2 mai 1900. Ce succès s’étant reproduit avec les auditions ulté-rieures, Vierne orchestra L’Aubade, la Légende bourguignonne, À l’An-gélus du soir, et la Danse rustique comme Ravel le fit pour certaines pièces du Tombeau de Couperin. Le résultat fut certainement extraor-dinaire puisque la salle, debout, fit à l’auteur une formidable ovation lors de la première audition orchestrale, Salle Pleyel, le 19 mai 1910, par l’Orchestre des Concerts du Conservatoire placé sous la direction de Philippe Gaubert. La critique de l’époque salua une orchestration « digne des Russes ». Elle est hélas perdue...

SolitudeLorsqu’éclata la Première Guerre Mondiale, Louis Vierne éprouva

un sentiment de frustration en étant contraint de rester à la vie civi-le en raison de sa quasi cécité ; son patriotisme était d’autant plus in-transigeant qu’il était né au moment même de la défaite de 1870 et avait été élevé dans l’idée qu’un jour la France prendrait sa revanche et récupérerait l’Alsace et la Moselle. C’est bien ce qui se produisit mais au prix du sang versé qui n’épargna guère de familles françai-ses. Pour Vierne, le destin fut particulièrement cruel : ayant déjà perdu son fils cadet, mort de maladie le 7 septembre 1913, l’aîné, Jacques, engagé volontaire, fut tué le 11 Novembre 1917.

À compter de cette date, Vierne se raccrocha plus encore à ses frères qui combattaient héroïquement et, de son exil suisse, correspondait ré-gulièrement avec eux. C’est pour René, le benjamin qui avait suivi ses traces en devenant organiste de Notre-Dame-des-Champs à Paris, que Vierne avait le plus d’affection. René lui écrivait souvent, en moyenne tous les quinze jours ; et soudain, après une lettre datée du 30 avril 1918, plus rien...

L’attente se mua peu à peu en inquiétude puis en pressentiment que l’irrémédiable s’était produit. Tout en n’y voulant pas croire et en mul-tipliant les démarches pour savoir ce qui était advenu, Vierne se mit à composer dès le mois de juin un poème pour piano à la mémoire de

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ce frère dont la disparition n’était pas officielle. Le 10 Juillet, il écrit à son cousin Ambroise Colin : « Tout cela, je le fais sans but. comme un pommier qui donne ses pommes sans savoir pourquoi ; étendu sur une chaise longue, j’écris le nez contre ma page, avec la sensation d’une puissance fatale qui me contraint à cette besogne malgré moi... » Les trois premiers volets du poème semblent avoir été réalisés dans ce climat de prémonition qui allait, hélas, s’avérer exacte car, peu après, son cou-sin lui fit parvenir l’annonce de la mort de René, littéralement pulvérisé par un obus autrichien de gros calibre le 29 mai 1918, annonce confir-mée par le capitaine sous les ordres duquel il avait servi.

En répondant à son cousin le 26 juillet il lui dit : « Tu sais que René m’est cher à un titre bien plus précieux qu’un frère selon le sang : il est moralement mon fils puisque c’est moi qui ai fait son éducation de mu-sicien et formé son âme d’artiste... » Que Vierne continue de parler de son frère au présent montre bien l’ampleur du choc. Le quatrième volet du poème, assez différent des autres, en est le reflet.

« Le souvenir des disparus hante le solitaire ». Telle est l’épigraphe du premier volet, Hantise, écrit dans la sombre tonalité de fa dièse mineur. La mort annonce sa venue sous la forme d’un thème grave, tourmenté à l’extrême ; elle semble avancer à tâtons, trébuchant parfois sur quelque invisible obstacle, au gré de ce thème étrange et peu chantant (ce qui est rare chez Vierne) qui occupe dans les trois premiers volets un rôle comparable au leitmotiv wagnérien. Ici, il dialogue avec un chant à pei-ne ébauché et quasiment désarticulé par un chromatisme si complexe que l’atonalité s’installe. Dans le développement central, cette ébauche s’amplifie jusqu’à un épisode fortissimo puissamment expressif. Alors, dans une atmosphère devenue plus sereine, le chant se fait entendre en entier, imprégné, en sa beauté nue, de tendresse fraternelle. Mais quel-ques traits entrecoupés d’accords annoncent le retour du leitmotiv de la mort par lequel s’achève la pièce.

« O douleur, invisible compagne, tu veilles inlassablement près de celui dont tu as mis l’âme en deuil et déchiré le cœur. » Ainsi est caractérisé le second volet, Nuit blanche. Une alternance de quartes ténébreuses et inquiétantes sert de support à un thème ample dont le mouvement mélodique descendant et les accords aux harmonies lanci-nantes traduisent une affreuse angoisse. Un second motif, plus houleux et plus vif, se dandine un instant, s’anime brusquement et débouche sur

un allegro agitato violent et heurté dont l’effet est terrifiant ; dans ses flux et ses reflux, cet ouragan sonore semble traversé d’éclairs et de coups de tonnerre jusqu’au paroxysme d’un grand dessin arpégé qui émerge comme un pic au milieu des nuées. Il est manifeste que Vierne a voulu symboliser par ce tumulte l’ambiance d’un champ de bataille comme il l’avait fait dans le final de son Quintette. Puis tout s’apaise et voilà que reparaît le leitmotiv de la mort. On retrouve alors l’atmosphère du début du morceau, suivie d’une digression dont le chromatisme ne laisse plus deviner la moindre tonalité. La conclusion parvient enfin à desserrer cet étau asphyxiant, grâce à sa claire tonalité de si majeur.

« Arrière, spectre sanglant, si tu n’es qu’une vaine image ! » Sans doute, en écrivant cette épigraphe. Vierne s’est-il souvenu de la dernière fois où il vit René : « le samedi 23 octobre 1915, à cinq heures du matin, je fus brusquement réveillé par un carillon à ma porte. J’ouvris et vis entrer un fantôme, couvert de craie des pieds à la tête, que je ne recon-naissais pas. » C’était René qui revenait de la bataille de Champagne pour une permission... En tout cas, l’épigraphe définit parfaitement Vi-sion hallucinante. Vierne s’y montre singulièrement inventif. Si le dessin introductif est proche parent des thèmes initiaux du Scherzo no 2 en si bémol mineur op. 31 et plus encore du Scherzo no 3 en ut dièse mineur op. 39 de Chopin, la pièce est néanmoins traitée dans un tout autre es-prit ; c’est plutôt au Liszt démoniaque que l’on doit songer car on trouve, notamment dans Mephisto Polka qui date de 1883, les ferments de l’ato-nalité que Vierne pousse ici beaucoup plus loin. Cela n’a pas grand sens que de dire que Vision hallucinante est écrite en ré mineur tant l’auteur s’est plu à anéantir cette tonalité ou peu s’en faut. Il convient d’y ajouter l’extraordinaire liberté de rythmes dont Liszt n’avait pas idée et qui préfi-gurent certaines œuvres de Prokofiev. De fait, après le dessin introductif (agitato), se présente un épisode d’une brutalité inouïe (piu largamente), entrecoupé de traits d’inégale longueur et d’interruptions soudaines. Un allegro agitato prend le relais et, comme possédé par le Malin, se mue en une bacchanale effrénée. Alors ressurgit une ultime fois le leitmotiv de la mort (grave), harmoniquement dénaturé et brisé par de nouveaux traits inégaux. Le morceau s’achève dans une ambiance particulière-ment sinistre. Que d’originalité et de nouveauté dans celle musique !

La danse macabre a des origines historiques bien précises : elles re-montent à la Peste Noire qui, au cœur de xive siècle, tua en quelques

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années la moitié de la population de l’Europe. Les survivants n’osaient plus enterrer les corps par crainte de la contagion et les laissaient se dé-composer jusqu’à ce que les squelettes, enfin débarrassés des miasmes, puissent être ensevelis. Alors, mélange de terreur superstitieuse et de foi chrétienne en la résurrection de la chair, le thème de la danse macabre fit son apparition en peinture, en sculpture et dans l’art du vitrail. La musique ne s’en empara que bien plus tard, lors du mouvement roman-tique qui coïncide avec la redécouverte du monde médiéval. En écrivant La Ronde fantastique des revenants, Vierne s’inscrit dans cette lignée. Contrairement aux trois premiers volets, le leitmotiv annonciateur de la mort n’y apparaît pas car la Grande Faucheuse a fait son office. L’épi-graphe — « Troublés dans leur repos par la joie des vivants, les morts se lèvent et dansent aussi sous le clair de lune » — permet de comprendre le déroulement de cette ample pièce en la mineur.

Dans les premières mesures, le clair de lune est symbolisé par un des-sin répétitif aux harmonies blafardes, suivi d’une mélopée d’esprit très debussiste. On imagine un cimetière baigné de cette froide et paisible clarté. Soudain, un glissando fulgurant ouvre les lombes d’où surgissent des squelettes agités d’un ricanement sardonique. Alors commence la danse des ossements, ingénieusement construite et servie par une belle écriture ; le dessin de sextolets à la main gauche qui précède chaque ap-parition du ricanement est une trouvaille. Après un bref développement de ces éléments, on découvre un curieux thème de valse parodique (la mesure reste à deux temps !) qui dialogue avec les tourbillonnants sex-tolets, de plus en plus endiablés, jusqu’à un déchaînement puissam-ment rythmé qui est l’acmé du morceau ; il s’achève par un nouveau glissando qui génère le même rire macabre. Et la ronde reprend de plus belle ; c’est là le seul point faible de la pièce car on peut se lasser de réentendre ce que Vierne, par un souci bien français de symétrie, nous propose derechef à l’oreille sans rien y apporter de neuf, hormis les cu-rieux traits parsemés d’accords violents qui précèdent le retour au clair de lune initial. L’œuvre se termine par un ultime et sec appel des morts sortis de leurs caveaux.

À la première audition donnée par José Iturbi à la Maison du Peuple de Lausanne le 13 décembre 1918, la salle fut secouée d’une vive émo-tion, augmentée par la présence du compositeur qui avait été opéré des yeux et avait encore la tête enveloppée de pansements après deux mois

de chambre noire. Le publie lui fit une ovation qui se prolongea pendant plusieurs minutes. Le succès fut également considérable à la première parisienne, par le même José Iturbi, Salle Gaveau, le 12 février 1920.

Remarqué à l’âge de sept ans par la pianiste hongroise Lili Kraus, Olivier Gardon étudie le piano au Conservatoire de Nice et au Conser-vatoire national de Paris avec Pierre Sancan et Jean Hubeau, puis se perfectionne auprès de Jean Fassina, György Sebök, Géza Anda et Lili Kraus. Grand Prix Marguerite Long, Prix Reine Elisabeth, Prix Viotti, Prix Casella de Naples, il entame une brillante carrière de soliste et de cham-briste qui l’amène dans les plus grandes salles des capitales musicales du monde (le Théâtre des Champs-Elysées, la Salle Pleyel, et le Théâtre du Châtelet à Paris, le Royal Festival Hall et le Barbican Center à Lon-dres, le Carnegie Recital Hall à New York, le Grosses Festspielhaus à Salzbourg, le Bunka Keikan et le Kioi Hall à Tokyo, le Dvorak Hall à Prague, le Théâtre Solis à Montevideo...) Il se produit entre autres avec le London Symphony Orchestra, le Mozarteum Orchester de Salzbourg, le Philharmonique de Radio-France, le Sofia Philharmonic Orchestra, les Orchestres de chambre de Prague et de Stuttgart, l’Orchestre National de Lille, et collabore ainsi avec des chefs tels que Karl Münchinger, Fer-dinand Leitner, Pierre Dervaux, Uri Segal, Theodor Guschlbauer, Davis Shallon, Serge Baudo, Jean-Claude Casadesus, Jacques Mercier,… Les Editions Bärenreiter lui ont confié la nouvelle révision urtext des Prélu-des et Nocturnes pour piano de Louis Vierne. Titulaire d’une classe de piano au Conservatoire à rayonnement régional de Paris (CRR), il est le directeur artistique de l’Académie internationale d’été de Nice.

OLIVIER GARDON

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Born almost blind in Poitiers in 1870 and dying in Paris on 2 June 1937, Vierne is an illustrious organist for those who know his name, yet for them he is no more than an organist. Trained at the Institute for Young Blind People in Paris he quickly showed proof of exceptional mu-sical gifts. Cesar Franck noticed him and took him as a private pupil. He was admitted to the organ class of the Paris Conservatory in 1890. After Franck’s death he became the pupil of Charles-Marie Widor.

Having won a first prize for the organ in 1894 Vierne was appoin-ted, after a competition, organist of Notre-Dame in Paris. This was the springboard for his career as his multiple talents of performer, improviser and composer attracted the artistic and intellectual elite of Europe to his organ loft. His sudden death at the organ of Notre-Dame, during his 1750th recital, completed his reputation as a legendary organist, of a quality and breadth unprecedented since J.S. Bach. In the realm of the organ Vierne established himself as a very great creator; however this very area, which other musicians often consider with some disdain, has cast a shadow over the rest of his output, even though it has assured his survival. Vierne was above all a composer and the organ provided only one of many means of expression, for he dealt with all musical genres except opera and he was successful in bequeathing us masterpieces in each of them. The other recordings issued by Timpani provide some particularly striking examples.

In the nineteenth century few French organists were capable of writing for the piano, with the exception of Boëly, Alkan, Franck and Saint-Saëns, but both of them were remarkable pianists. At the dawn of the twentieth century Vierne appears as their continuator both as organist and pianist. Though receiving only partial and rather medio-cre training in piano technique by Henri Specht in the course of his studies at the Institute for Young Blind People where he obtained a first prize for piano, he never ceased subsequently to acquire what was lacking in order to become an true pianist. His gifts were such that with some effort and the wise advice of Widor, himself an ho-

norable pianist and above all an excellent teacher, of the Marquess Antoine de Konsky (a pupil of Chopin) and later of Raoul Pugno, he managed to gain total mastery of an instrument that he modestly admit-ted was not his own. However, according to those who heard him in private concerts (Vierne always refused to give piano recitals in public, except in the case of his own compositions), his virtuosity, his sense of phrasing, his subtle touch and his science of colour would have enabled him to lead a fine career as a pianist.

At first he had a heavy programme of study and a wide repertory which, aside from Bach, included the whole romantic period, from Beethoven to Liszt, together with Schubert and above all Chopin and Schumann, his favourite composers. If after 1900 his duties as a full-time organist (and even more than full-time, what with the church services, recitals, private lessons and substitute work at the Conservatory!) prevented him from practising the piano with as much assiduity as before, he remained a wonderful accompanist—an activity he liked very much—and kept a finely polished technique right up to the end, to the point of playing, in his last years, on his baby grand in the rue Saint-Ferdinand, a host of Preludes, Waltzes, Scherzos and Polonaises of Chopin, the Sonatas in F sharp minor and G and the Viennese Carnival of Schumann, and several of Liszt’s Transcendental Studies. Bernard Gavoty has told me of his un-forgettable memories of these performances.

It is thus clear that Vierne knew all about the piano, its resources as well as its limitations; it was natural therefore that he be tempted to compose for the instrument, though his piano output is certainly not comparable with that for organ, being less abundant and not having either the weight or the purely instrumental inventiveness of the latter. Whereas he innovates in the domain of the organ, his conception of piano music remained faithful to the romantic style, even in those pieces that are harmonically the most adventurous. That said, though he brings no-thing fundamentally new to the technique of the instrument, one should not think that we are dealing with anything but very sophisticated piano music (some Preludes and almost the whole of Solitude are extremely difficult to perform). At no time does one have an impression of an orga-nist’s music, except perhaps for the last piece of Solitude, certain ‘scher-zando’ passages of which would sound better on the organ in view of the coloration that changes of registration would allow. As for the rest of his

LOUIS VIERNE AND THE PIANOJean-Pierre Mazeirat

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output one can follow the evolution of his language which, from classical harmony, moves gradually towards atonality through the use of ever more thorough chromaticism, a particularly personal trait in his music.

Yet what counts more than anything else is the private message that Vierne gives us in his piano music, as indeed in his chamber music. Through this message we can see a man ground down by a dreadful fate (we can not recommend too strongly Bernard Gavoty’s book, Louis Vierne, la vie et I’œuvre, published by Albin Michel, Paris, 1943 and republished by Buchet-Chastel, Paris, 1980). However, as we all do, he aspired to happiness and when one considers his portrait as a happy man in the Suite bourguignonne, one is led to imagine the rest of his ca-reer as a composer without the rancour, the tears and ashes that life held in store for him. The sequence of romantically expressive Preludes is a very moving witness to that suffering whose climax was reached with Solitude, written in a particularly modern style. Vierne sometimes found the strength to tear himself away from the morose thoughts to which his martyr’s life led him, as for example in the three wonderful, so delicately impressionistic Nocturnes or the gentle Silhouettes d’enfants.

Certainly not everything is of equal worth in this output, but the Pre-ludes and the Nocturnes are masterpieces which should form part of the repertory of all major pianists. I personal think Solitude is a work of genius, yet such a tortured work demands an effort of understanding. None of the pieces recorded here is boring or mediocre. All are attrac-tive, distinguished and perfectly representative of this great composer’s personality. Such an output deserves more than the purgatory in which it has languished until now.

Twelve PreludesThough bearing the opus number 36 (wrongly indicated as 38 in the

score) the Preludes for piano by Vierne predate his Nocturnes. The first six were written at La Rochelle during the summer of 1914 which Vierne spent with the family of his pupil Marthe Bracquemont, the dedicatee of the whole volume; the last six preludes were composed in Paris between October 1914 and June 1915.

A difference of style and inspiration is immediately noticeable between the Nocturnes and the Preludes: the former depict sensory perceptions expressed by lhe composer in a delicate impressionism, whereas the

latter, faithful to the romantic tradition of the prelude initiated by Cho-pin, aim to translate the wanderings of a soul tortured by events. The war, for a start, lay at the origin of an undefined preoccupation: Vierne’s two brothers were at the front risking their lives at every instant. To this worry was added, in May 1915, a personal disaster: Jeanne Montjovet, his companion since 1910, left him. His divorce in 1909 had left him bereft and this new trial was all the more terrible. The final Preludes are a reflection of this.

So one can understand the signification of the work that first presents alternating sunny and sombre sections and then drives itself gradually into an omnipresent despair. This doomladen progression can be found in other works of the composer, in particular his song cycle Le Poème de I’Amour (The Poem of Love – Timpani 1C1091).

The Prologue, which acts as an overture for the Preludes at once gives an idea of the contrasted atmosphere of this volume. First appear great rising figures alternating with chords of overwhelming majesty; their al-most theatrical effect, like the key of C minor, symbolizes the impending tragedy, or to be more precise, constitutes its precursory signs. A central episode whose delicate theme stands out from the iridescence by virtue of waves of demisemiquavers, brings a pleasant gust of freshness, a burst of carefree happiness before the return of the dazzling figures and an especially striking peroration.

Tenderness is an eminently appealing piece in A major. The main the-me possesses that sensual voluptuousness that is only found in feelings of love. A second, most expressive, motive works itself up into a supreme ecstasy before returning, in wonderfully proportioned manner, to the opening atmosphere. The ending is one of perfect serenity.

The feeling of anxiety in Foreboding could not be more truthfully conveyed. The whole piece is based on the dichotomy of a feverish agitato that chills the blood and an adagio whose lugubrious ham- mering is no less unsettling. The sombre key of F sharp minor, so dear to Vierne, is not without playing a part in the feeling of terror that he seeks to produce.

Memory of a Day of Joy expresses in sinking manner a moment of in-tense happiness. Composed in the radiant key of E flat major, the piece is of Schumann like vigour. Possessed throughout of a fiery passion right up to the final dazzling figure, it produces an effect all the more striking

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in that the composer speaks so directly. The sincerily of such a message gives the piece all its value.

In Nostalgia a monodic chant in G minor, punctuated with sombre chords, alternates with a six-eight rhythm whose veiled, lilting sadness is accentuated by the music’s chromaticism. It is impossible to give sharper expression to the melancholic regret for an faded epoch.

Two resounding chords herald the agitated atmosphere of In bad Weather. This tempestuous toccata in B minor concludes the first book of the Preludes, composed at La Rochelle. This is a romantic, idealized vision of an ocean storm. The breathless, repetitive outline of this perpe-tuum mobile owes much to the influence of the organ repertory which features many works of this kind; despite this the style is perfectly pia-nistic and indeed this repetitive pattern is merely the underpinning of an expressive melodic curve that is by turns unsettling, fierce, restrained, brulal, suggesting the motion of the surf and the breaking of waves, right up to the impressive final crescendo.

The seventh prelude, Evocation of a Day of Anguish, in C sharp minor, presents three reflections of profound disquiet. The first occurs in a subli-mely beautiful theme that emerges note by note with melancholy, over a lilting accompaniment; the second is a painful meditation with gentle ar-peggiated chords over a muffled bass; the third is the forceful expression of black torment by means of a virile motive to which the repetition of the first notes gives a throbbing character. This poignant dialogue comes to an evanescent end no less charged with emotion.

It is not so much darkness that is intended to be depicted in During the Night as dereliction and its procession of nightmares. After four highly resonant introductory chords a kind a funeral march, in B flat minor, appears, reflecting an atmosphere of total despair. This is interrupted by an agitated central episode in which the grim feeling of male revolt is asserted. Yet the obsessive funeral-march again takes over relentlessly until the end.

Ultimate Call is a fiery piece in which the composer has wanted to shout out his appetite for love by revealing all the passion still hidden in his heart. In F minor, the piece sets off against each other in a highly classical manner a heroic masculine theme and a lyrical feminine idea punctuated with trills.

One afternoon in the winter of 1914-1915 Vierne decided to go to the

cemetery of Montparnasse to commune with himself on the grave of his mother who had died in 1911. From this silent conversing there at once came one of his most inspired pieces: By a Tomb. Here there are neither sobs nor revolt, nothing but a prayer whose very pure C major melody together with the very straightforward harmonies possesses that striking serenity of a negro spiritual, albeit completely reinvented here because Vierne, like most French composers, only discovered the music of the American blacks after World War I. What a masterpiece!

Farewell reflects the consequences of the departure of Jeanne Montjo-vet. There is no question here of tearful goodbyes in a railway station, as everything is irreversibly consummated: a love of five years that Vierne believed indestructible ended by an abandonment that reverberated in his mind as a betrayal. Thus we have here a lament in A minor that crawls beneath alternating dark figures, and a horrendous, disjointed convulsion that appears suddenly like a fit of epilepsy.

Alone... Such is the culmination of these twelve Preludes. In view of what has gone before, could it be any different? A short, heartbreaking chordal introduction acts as a reminder of the cruelty of implacable fate; it is followed by a final reaction of revolt in the shape of an agitato pas-sage in a feverish E minor, tormented by a fury as raging as it is impotent with its pattern of hammering triplets. A simple transition of arpeggiated chords leads to a resigned, almost twilit peroration, in spite of its E major tonality.

This monumental whole received universal approval on the occasion of partial performances that the composer, Émile-René Blanchet or Jose Iturbi gave during the war, and even more so when Lelia Gousseau gave the first complete performance on 20 February 1926 in Salle Érard, when the triumph was total. One can only wonder as to why this work has been an object of disdain for most pianists.

Silhouettes of ChildrenWhen Vierne was obliged, in June 1916, to go to Lausanne for health

reasons, he was looked after by a noble lady, the Countess du Boisrou-vray, who took him to her friends the Vuillemins, owners of the Villa Rochemont in Chailly where she had taken refuge with her children. Vierne stayed there for more than two years. During this period, mar-ked by dramatic events—notably the death at the front of a son and a

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brother—he was never left alone. In addition to the care of his hosts and the devotion of the countess there was the gaiety and affection of the latter’s five children, veritable rays of sunlight in these difficult moments. Thus it was that in May and June 1918 he wrote an album of piano pieces for them.

Vierne is one of those rare composers to have understood the mys-teries of early childhood and to have been able to express the wonder-ment and tenderness to which they give rise with so much poetry and simplicity. This is why the Silhouettes of Children are worthy of standing alongside masterpieces such as Schumann’s Scenes of Childhood, Mus-sorgsky’s Child’s Bedroom, Debussy’s Children’s corner or Faure’s Dolly. One might even deem Vierne to be more spontaneous, more heartfelt in his inspiration than the other composers, with the exception of Schu-mann with whom there certainly seems to be some affinity, if not stylistic at any rate in its directness of expression.

The Waltz, in F major which opens the album is very restrained, with its two melodic parts perfectly adapted to the elementary technique of a beginner; yet it is not certain that the dissonances and sharp clashes with which the piece is sprinkled and which create its charm can be unders-tood by young minds used to more sugary harmonies.

The Song is, from this point of view, much more of a leaching piece. Written in a resolute C major, its notes mark out a pretty phrase at first presented in successive imitations then in various canons, to most exqui-site effect. This is a splendid initiation to polyphony for a small child!

The Divertissement is the only piece in the album that requires a cer-tain virtuosity. This graceful, swirling piece in G minor is a fleeting en-chantment that cannot fail to seduce. It may be compared with the Di-vertissement of the Suite Bourguignonne.

Over a soothing six-eight, the Barcarolle consists of a dialogue of two motives in the warm key of D flat major, the one comprising broad chords, the other more supple and lyrical. What poetry and originality there are in these few notes!

Lastly the delightful Gavotte in the old Style reveals a little-known side of Vierne which is related to the archaisms familiar to Saint-Saëns and d’Indy. The first theme, fresh and sprightly, gives way to a central section that is more supple, slightly nostalgic in tone, before a general da capo arrives.

Two Pieces for PianoIn 1893 Vierne was nothing more than a pupil at the Paris Conservato-

ry awaiting his first prize; for the previous two years, jealous colleagues of Widor, the titular professor of the organ class, had unjustly refused it to him. Yet, in lieu of a prize, the pupil had already made his debut as a composer with several organ pieces and two motels, not to mention little pieces of chamber music. This time the young man tackled the piano and wrote a triptych in the first six months of the year, of which the unpublished central section, Funeral March, has unhappily disappeared (doubtless not elegant enough for the publishers!).

The first piece, Autumn Impression, is a song without words (such in-deed was its original title) in which Chopin’s influence is clear. With its one theme in E major, repeated without modulating, its simplicity and elegance must have appealed to young ladies of good families desirous of charming their admirers during a reception.

The Intermezzo, an allegro giocoso in D flat major, also lies within Chopin’s orbit, as much by the inflections of its theme as by its harmo-nies if it does not reveal any real personality it does not at least lack either freshness or musicality and gives the listener genuine pleasure.

Vierne himself gave the first public performance of these pieces (including the missing Funeral March) at the first meeting of the Society for New Music in the Salle Érard, Paris, on 5 February 1895. They were hailed with an ovation that was most welcome for the very young artist he then was.

The KnellIn the autumn of 1916 Vierne, who was in full creative swing despite

his exile and his illness, planned the composition of a four-part Poem of Bells for piano. Apparently only the last two parts were realized and deposited at the Sacem—the French performing rights society—under the title of Poem of Funeral Bells. One of them, Nightmare Bells has not been found, and to date the only extant work is The Knell, finished on 28 December 1916.

Dedicated to the memory of his friend Alphonse Franc (whose wife was the godmother of Vierne’s eldest son Jacques), this piece in G sharp minor produces an extraordinary effect with very modest means: a sim-ple dominant–tonic chord (D#–G#) represents the bell—obsessive, dry,

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almost cracked despite its resonance, hammering out a dark and tor-tuous theme from one end of the piece to the other. As much by the lugubrious atmosphere as by the ever more ferocious dissonances an affinity with Ravel’s Le Gibet becomes clear. All the same, there where Ravel wanted to depict the static posture of a hanged man, Vierne plies himself to the conveying of the slow movement of the funeral proces-sion, drawing near in a massive crescendo to terrifying fortissimo chords before moving away and disappearing out of sight in a final ringing of bells. This fine example of inventiveness makes one regret all the more the loss of the other part of the poem.

Three NocturnesIn early December 1915 Vierne went to spend a tew days in Rouen

with the family of his friend Albert Dupré. One evening, the latter look him for a private concert in his organ loft at Saint-Ouen, a magnificent Cavaille-Coll. Although merely an abbey church, Saint-Ouen nonethe-less has dimensions comparable with those of Notre-Dame in Paris. In front of this immense vessel, Vierne was seized with an emotion many times felt in his own loft.

As soon as he returned from this evening out he started to translate it into music, writing a Nocturne for piano which he finished on 7 Decem-ber, before even he left Rouen. The epigraph ‘Night had enveloped the cathedral nave’ is a perfect evocation of the aural and visual impressions that Vierne wished to express in this expansive work in A minor. Visual impressions appear right from the start, rellecling the architecture of the building: in a climate that might be termed Debussy-like (how can one not think of La Cathedrale engloutie?) a series of rising and descending chords, drowned in the melting sonorities of a double pedal, alternate with other chords denoting the first theme. They seem to outline the nave, the succession of the pillars, the curve of the arches, the ribbing of the vaults, etc. As for the aural impressions, they are evident a little further on in a darkly majestic second motive whose complexity and density conjures up the sound of the organ, to the point where the pia-no seems to have been transformed into a piped instrument. These two contrasted atmospheres continue their dialogue until the appearance of a more peaceful passage (poco piu mosso) in which the first theme stands out against a background of triplets. It becomes more lively, leading to

a fortissimo section whose gigantic chords over deep bass notes are a clear reference to the overwhelming power of a great Cavaille-Coll. Then all calms down and the piece ends in the atmosphere of mystery that characterized the opening.

As soon as Vierne returned to Paris he started work on a second Noc-turne which he composed as rapidly as the first, completing it on 15 December, it evokes the memory of twilight one beautiful day spent in the environs of Paris. The composer attached to it this phrase from Heinrich Heine’s Lyrical Intermezzo, translated by Gérard de Nerval: ‘In the splendid month of May, when the buds burst (heir skin’. This adagio cantabile in E major has about it none of the mystery and solemnity of the first Nocturne. On the contrary, here we have transparent poetry of which the opening melody, with its clear contour underpinned by fresh, gay harmonies despite intense chromaticism, breathes the joy of life. Almost at once another relaxed, playful motive appears. They follow on one from another and combine in a dialogue whose deeply expressive feeling lakes on a more ardent and animated character in the work’s central section, where Vierne seems to have wanted to describe the fiery burst of sunset through the wreaths of cloud. Gradually night sets irf, warm, gentle, still impregnated wilh the day’s fragrances.

On 30 December 1915 Vierne left for a tour in Switzerland, but also to consult Doctor Éperon, an ophthalmologist in Lausanne, who without operating could treat the glaucoma he had been suffering from for se-veral months. It was in the course of these peregrinations that the third Nocturne was composed, being finished in Geneva on 23 January 1916. There is however nothing particularly Swiss in this Nocturne since it depicts the atmosphere of a night in late May 1913 spent in the valley of the Eure, in Jouy, near Chartres. The epigraph. ‘Light was radiating from the night stars, the nightingale was singing...’ is rather misleading as the composer admitted having usurped the rights of a mere thrush in favour of an imaginary nightingale!

The qualities of the work however are far from misleading: this is a masterpiece. The first theme in D flat major, one of the most pure in the whole history of music, is a jewel in its own right. Sparkling with stars, it seems to float over a nebulous harmonic underlay, adorned with lu-nary reflections. And here comes the nightingale—or the thrush if you prefer—vigorously singing in total freedom with trills, appoggiaturas and

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turns. Yet Vierne has studiously avoided a servile reproduction of bird-song which he nonetheless noted down at times most scrupulously: he was content to suggest it with great poetry, well knowing thai no instru-ment, not even a hunter’s decoys, can give a perfect imitation of nature. This song, like any love song, becomes more animated until passion bursts forth. Broad gestures serve as a transition to the more subtle, al-most magical atmosphere of the first notes, to which is added a secon-dary, velvety bass motive. A final passage of birdsong leads to a very Fauré-like conclusion, delivered sparingly, almost note by note.

Vierne himself gave the first performance of these Nocturnes in the Maison du Peuple in Lausanne on 6 October 1916 and obtained a ri-chly deserved triumph as they have everything going for them. However, apart from the ‘poilus’ (the soldiers) who were able to hear them played by René Vierne shortly before his heroic death at the front, the French had to wait until 3 March 1926 to discover them in the course of a concert of the S.M.I, in the Salle Érard, in a very remarkable rendition by Emma Boynet.

Suite bourguigonneIn July 1898 Vierne went to Caen to see Charles Mutin, successor to

the celebrated organ builder Aristide Cavaille-Coll, who had asked him to be his daughter’s godfather. The godmother was to be Arlette Taskin, daughter of a very famous baritone at the Opéra-Comique and a des-cendant of the Taskin harpischord manufacturers. Vierne knew the Tas-kins as they had given organ and piano recitals at their home and had taught the baritone the rudiments of organ playing up until his sudden death. He had not until then paid any attention to Arlette but, when he came across her at the Mutins’ home, he was amazed by her beauty and charmed by her interest in him. On 8 October 1898 they became engaged and the wedding was held in April 1899.

During this period, when all seemed rosy, Vierne showed himself to be particularly prolific, as he wrote, in the space of a few months, four songs, his monumental First Symphony for organ, a motet and the Sui-te bourguigonne for piano, to which we now turn. This is a surprising title as Vierne did not come from Burgundy and the work itself does not seem to be of specifically Burgundian inspiration. We are far re-moved from Maurice Emmanuel—a great friend of Vierne—who has

given such refined expression to the folklore of this region. So, what is one to make of it? As Vierne never chose his titles lightly, we must suppose, lacking a better hypothesis, that the Taskin family or the de-dicatee, Juliette Toutain, a pupil of the composer, had links with Bur-gundy. In all events this does not affect the interest that these seven pieces present.

The opening Aubade is a lively and joyous piece, like the A major in which it is written. The alternating chords that underpin the incisive, all-powerful theme, together with the figures that inter-rupt it are a skill-ful suggestion of the mandolin. The central part, in G major, present an attractive repetitive figure of most felicitous effect. The even livelier conclusion starts in the bass register and rises to a deliberately sharp per-cussive final chord. All the young lover’s ardour is expressed here!

By contrast, Idylle is the portrayal of exquisite tenderness. Where Ga-voty, adhering to the conventions of the time, saw merely a simple song, a sensual caress in fact becomes manifest, one that seems in its circu-mvolutions, imitations, responses, multiple triplets, to represent the form of the loved one, together with, at times, a zest of overwhelming passion. The almost evanescent ending, however, while reinforcing the seductive key of B major, returns to the expressive delicacy of the opening.

What charm also in the Divertissement. This presto in E major whirls with supreme grace and ease, as much on account of its semi- and demisemi-quaver motive in 2/4 as of the ripple of arpeggiated triplets which, in the central section, are charged with well devised resonant pedal sounds. The ending, with its harp figure, is no less successful.

The Légende bourguigonne (Burgundian Legend) is one of the highli-ghts of the album. This lament, clearly collected from the mouth of a toothless old peasant woman (to borrow Gavoty’s words), is endlessly re-peated in the form of a lullaby accompaniment churned out by a hurdy-gurdy player in a limping 5/4 metre. Yet the melody, at times a monody, at times enveloped in delicate harmonies, takes on an unusual existence in abandoning the key of C sharp minor and returning in the course of skillfully constructed modulations that only strengthen the discreet nos-talgia of this ancient song.

The À l’Angelus du soir (On Evening Angelus) gives an idea, albeit timid, of the impressionism that soon was to inhabit Vierne’s romantic soul. Here the language remains attached to rules and dogma, but the

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spirit manages to escape. The angelus bell, whose unchanging, domi-nant tolling articulates the whole of this piece in F sharp major, leaves free rein to various atmospheres: a birdsong as poetic as one could wish for portrays the languor of a hot day in the fields. A solidly constructed theme follows. No doubt Gavoty would be right to see here only ‘notes scattered in an unduly blue sky dotted with unduly pink clouds’, if the music did not suddenly become both lyrical and moving. The bird ap-pears one last time before a limpid peroration.

The Danse rustique (Rustic Dance) is the most ‘conventional’ piece in this suite. One is rather too much aware of the cliche of country life seen by an urban dweller such as Vierne was, albeit unwil- lingly (he hated cities and especially the capital!). That said, the pie-ce is successful as music, being a sort of bourree in B major, strongly articulated, decorated with flourishes, which the central scherzando renders more supple and attractive.

To conclude this suite, Vierne chose a gentle ending for this sui-te with Clair de lune (Moonlight). Inspired, as ever, by the varie-gated facets of the night, he here presents his first vision of the pale Selene, a vision that is still romantic and purely expressive, as op-posed to the impressionism he was to demonstrate in his Third Nocturne, the introduction of the last part of Solitude or indeed Clair de Lune for organ (Pieces de fantaisie, second suite, op. 53 No. 5). In this andante sostenuto in G major Vierne merely suggests wi-thout aiming to describe. Everything is simplicity and charm. The quite unadorned theme is at first underpinned with purely vertical harmonies; then, in the B major central episode, of striking sensuality, an arpeggia-ted accompaniment makes its appearance and leads the piece up to its conclusion of exquisite delicacy.

The work was a triumphant success at its first performance by the de-dicatee Juliette Toutain, at the Société de Musique Nouvelle in the Salle Érard in Paris on 2 May 1900. This success was repeated at subsequent performances and Vierne orchestrated Aubade, Légende bouguignonne, À L’Angelus du soir and Danse rustique as Ravel had done for several pieces from the Tombeau de Couperin. The result was certainly extraor-dinary as the audience was on its feet, giving the composer a tremendous ovation after the orchestral premiere in the Salle Pleyel on 10 May 1910 by the Orchestre des Concerts du Conservatoire conducted by Philippe

Gaubert. The critics of the day hailed it as an orchestration ‘worthy of the Russians’. The score has alas been lost!

SolitudeWhen World War I broke out Louis Vierne was frustrated by being

obliged to remain in civilian life on account of his near blindness; his patriotism was all the more intransigent in that he had been born in the very moment of the defeat of 1870 and had been brought up with the idea that one day France would avenge itself and recover Alsace-Lor-raine. This indeed happened but at a price in blood which hardly spa-red a single French family. For Vierne fate was particularly harsh: having already lost his youngest son through illness on 1 September 1913, his eldest, a volunteer, was killed on 11 November 1917.

From this date Vierne grew all the more attached to his brothers who were fighting like heroes and from his exile in Switzerland, he regularly corresponded with them. Vierne had the greatest affection for the ben-jamin, René, who had followed in his footsteps by becoming organist of Notre-Dame-des-Champs in Paris. René often wrote to him, on average every two weeks, and suddenly, after a letter dated 30 April 1918, no-thing more...

The wait gradually turned to worry and then to a presentiment that something irrevocable had happened. Though not wanting to believe it, and multiplying his steps to find out what had happened,Vierne started in June to compose a poem for piano in memory of this brother whose death had not yet been officially announced. On 10 July he wrote to his cousin Ambroise Colin: ‘I have been doing all that without any aim in view, like an apple tree that produces apples without knowing why; stretched out on a couch I have been composing with my nose glued to the page, with the feeling of a fateful force pressing me to the task despi-te myself...’ The first three parts of the poem seem to have been produced in this atmosphere of doomladen premonition that was alas to prove true for, shortly afterwards, his cousin forwarded him the announcement of the death of René, pulverized literally by a wide-bore Austrian shell on 29 May 1918, an announcement confirmed by his captain.

Replying to his cousin on 26 July he wrote: ‘You know that René is very dear to me for more than his being a brother: morally he is my son as it was I who educated him as a musician and who shaped his artistic

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soul...’ That Vierne continued to refer to his brother in the present tense affords ample evidence of the depth of the shock, which is reflected in the poem’s fourth section, rather different from the rest.

‘The memory of people who have disappeared haunts the solitary man’. Such is the epigraph of the first part, Obsession, written in the dark tonality of F sharp minor. Death announces its arrival in the form of an extremely tortuous bass theme: it seems to grope its way forwards, stumbling at times on some invisible obstacle, all through the unfolding of this strange theme, one that is rather unmelodious (a rare occurrence in Vierne’s music) and which, in the first three parts, has a role compa-rable to that of a Wagnerian leitmotive. Here it engages in dialogue with a barely sketched out song, one that is almost disarticulated by chro-maticism so complex it leads to atonality. In the central development section this sketch grows to become a powerfully expressive fortissimo episode. Thereafter, in a more serene atmosphere, the song is heard in its entirety, impregnated—in its unadorned beauty—with fraternal tender-ness. However, a few figures interspersed with chords herald the return of death’s leitmotive with which the piece ends.

‘O sorrow, invisible companion, untiringly you keep watch by him whose soul you have bereaved, whose heart you have broken.’ This is the mood of Nuit blanche (Sleepless Night), the second part. Sombre, unsettled fourths in alternation form a background to a broad theme whose descending melodic line and chords with throbbing harmonies represents frightful distress. A second, more turbulent and livelier motive struts for a moment, suddenly erupts and leads to a violently rumbus-tious allegro agitato of terrifying effect; in its ebb and flow this tornado of sound seems crossed with flashes of lightning and claps of thunder until a paroxysm is reached with a great arpeggiated figure that emerges like a mountain summit amid the clouds. Vierne clearly wished this tem-pest to represent the atmosphere of a battle field, just as he had done in the finale of his Quintet. Afterwards, everything quietens down and the death leitmotive reappears. The mood of the opening returns, followed by an episode so chromatic that any tonality is quite indiscernible. With the clear tonality of B major the ending at last loosens the asphyxiating vicelike grip.

‘Back, bloody spectre, if you be but mere image!’ In writing this epi-graph Vierne was no doubt thinking of the last time he had seen René:

‘Saturday, 23 October 1915, at 5 a.m., I was suddenly woken by the sound of bells chiming at my door. I opened it and saw a ghost enter, whom I did not recognize, covered from head to foot with clay’. It was René who had come back from the battle of Champagne on leave... At all events the epigraph is a perfect indication of Vision hallucinante (Hallucination). Vierne showed himself to be particularly inventive here. Though the introductory figure is closely related to the opening themes of Chopin’s Scherzo No. 2 in B flat minor op. 31 and even more so of the Scherzo No. 3 in C sharp minor op. 39, the piece is nonetheless developed in a quite different spirit, evoking rather Lisztian demonics, for one finds in the earlier composer, notably in the Mephisto Polka of 1883, the seeds of atonality that Vierne in this piece pushes much further on. There is not much point in saying that Vision hallucinante is in D minor since the composer has taken so much pleasure in almost com-pletely destroying this tonality, and he added an extraordinary rhythmic freedom of which Liszt had no ideal, and which prefigure certain works of Prokofiev, for indeed, lifter the introductory figure (agitato) comes a passage of unparalleled brutality (piu largamente), interspersed with fi-gures of unequal length and sudden outbursts. An allegro agitato takes over and, as though possessed by the Evil One, is transformed into a frantic bacchanal. At this point the death leitmotive rears up for the last time (grave), its harmony twisted and broken by new irregular figures. The piece ends in a particularly gloomy mood. What originality and innovation in this music!

The ‘danse macabre’ or ‘dance of death’ had very definite historical origins, going back to the Black Death which, in the course of the four-teenth century, killed half the population of Europe in just a few years. The survivors did not dare bury the bodies for fear of contagion and left them to rot until the skeletons, finally rid of miasmata, could be buried. Then it was that the theme of the ‘danse macabre’ entered painting, sculpture and the art of stained glass as a mixture of superstitious terror and Christian faith in the resurrection of the body. It entered music only much later with the romantic movement’s rediscovery of the medieval world.

In composing La Ronde fantastique des revenants (The Ghosts’ Fantas-tic Round) Vierne adopted this theme. In contrary to the first three parts, the death leitmotive does not appear here as Death the Reaper serves

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that purpose. The epigraph, ‘Troubled in their hearts by the joy of the living, the dead rise and dance in the moonlight’, enables one to under-stand the unfolding of this ample piece in A minor.

In the opening bars the moonlight is portrayed by a repetitive figure with pallid harmonies followed by a very Debussy-like melody, putting one in mind of a cemetery bathed in this cold and peaceful light. Sud-denly a flashing glissando opens the tombs from which skeletons rush out in the throes of sardonic laughter. Then starts the dance of the bones, ingeniously constructed and well served by a fine sense of style; the sextuplet in the left hand preceding each occurrence of the sardonic laughter is a real find. After a brief development of these elements a strange theme appears, a parody of a waltz (the metre remains in duple time!) dialoguing with the turbulent sextuplets that become ever more diabolic, until a powerfully rhythmic outburst that forms the climax of the piece, culminating in a new glissando that gives rise to the same ma-cabre laughter. Then the round lakes off again and this is the weak point of the movement for one begins to tire of hearing yet again what Vierne, with a very French attention to symmetry, offers once more to the ear wi-thout bringing anything new to it except for the odd figures interspersed with violent chords preceding the return to the opening moonlight. The work ends with a final, sharp call from the dead risen from their tombs.

At the first performance given by José Iturbi at the Maison du Peuple in Lausanne on 13 December 1918, the audience was strongly moved, its emotion increased by the presence of the composer who had had an eye operation and whose head was still in bandages after two months in a dark room. The audience gave him an ovation that lasted several mi-nutes. The success was also considerable at the Parisian premiere, also given by Iturbi, in the Salle Gaveau on 12 February 1920.

Olivier Gardon was seven years old when he came to the attention of the Hungarian pianist Lili Kraus. He went on to study at the Conservatoire de Nice and at the Conservatoire national supérieur de musique in Paris with Pierre Sacan and Jean Hubeau, and he perfected his skills under the guidance of Jean Fassina, Géza Anda, Lili Kraus and György Sebök. He has garnered numerous awards in prestigious international competitions, including the Marguerite Long competition (1973), the Queen Elisabeth Music Competition (1975), the Viotti International Music Competition and the Casella Piano Competition in Naples. Since then, his career as a soloist and chamber musician has taken him to all the greatest musical venues of the world (the Théâtre des Champs-Elysées, the Salle Pleyel, and the Théâtre du Châtelet in Paris, the Royal Festival Hall and the Barbican Center in London, the Carnegie Recital Hall in New York, the Grosses Festspielhaus in Salzburg, the Bunka Keikan and the Kioi Hall in Tokyo, the Dvorak Hall in Prague, the Théâtre Solis in Montevideo...) He has performed with the London Symphony Orchestra, the Salzburg Mozarteum Orchester, the Orchestre philharmonique de Radio-France, the Prague Chamber Orchestra and the Stuttgart Chamber Orchestra, the Orchestre National de Lille, under the baton of conductors such as Karl Münchinger, Ferdinand Leitner, Pierre Dervaux, Uri Segal, Theodor Guschlbauer, Davis Shallon, Serge Baudo, Jean-Claude Casadesus, Jacques Mercier… In 2011, Bärenreiter publishes the new urtext edition of Vierne’s piano Préludes and Nocturnes revised by him. He teaches piano at the Conservatoire à rayonnement régional de Paris and is the Artistic Director of the Académie internationale d’été de Nice.

OLIVIER GARDON

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