L’Observatoire thonier de l’IRD · La pêcherie thonière européenne a commencé dans...

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Une pêche de plus d’un demi-siècle et une gestion internationale basée sur l’avis scientifique La pêcherie thonière européenne a commencé dans l’Atlantique tropical vers 1955 avec l’arrivée à Dakar (Sénégal) des premiers canneurs français pêchant habituellement le germon dans le golfe de Gascogne.Les prospections dans l’océan Indien ont commencé en 1981 sous l’impulsion des armements français. Aujourd’hui 23 senneurs français sont en activité dans les océans Atlantique et Indien. Ils débarquent principalement en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Sénégal, aux Seychelles, à Madagascar et à Maurice. D’autres navires français débarquent à La Réunion du thon et de l’espadon pêchés à la palangre. Situées majoritairement en zone internationale – hors des Zones Éco- nomiques Exclusives – les ressources thonières sont gérées par des organi- sations régionales de gestion des pêches (ORGP) dites Commissions thoniè- res :CICTA pour l’océan Atlantique et CTOI pour l’océan Indien.Tout pays pêcheur de thonidés a la responsabilité du suivi statistique détaillé de l’acti- vité de ses flottilles et doit déclarer annuellement ses captures,en zone inter- nationale ou dans le cadre d’accords de pêche avec les pays côtiers. Ensuite les ORGP examinent chaque année la situation environnementale et biologi- que des ressources pour définir les règles d’exploitation. Aux côtés des considérations politiques et économi- ques, les observations, le suivi statisti- que et l’expertise scientifique jouent un rôle décisif pour apprécier objective- ment la situation et aider leurs prises de décision. Un partenaire scientifique indépendant indispensable L’État français a délégué à l’IRD,à tra- vers son Observatoire thonier, la res- ponsabilité du suivi scientifique et sta- tistique de la pêche thonière tropicale française. Les journaux de bord remplis par les pêcheurs, les données relevées par des observateurs embarqués sur les navires de pêche, les échantillonnages au port et en usine, les campagnes scientifi- ques de marquages des poissons ainsi que les données de suivi des navires par satellite constituent « le carburant » des chercheurs pour étudier le fonctionne- ment et l’exploitation des écosystèmes pélagiques. L’Observatoire thonier de l’IRD est impliqué de la collecte à l’analyse de ces données. Présent localement depuis le début des activités des navires français dans les zones océaniques tropicales, il dispose de séries uniques de données de haute résolution (opération par opé- ration de pêche), variées (espèce, taille, poids, sexe, positions géographiques, conditions climatiques, etc.) et permettant un recul historique de près d’un demi-siècle pour certaines. L’Observatoire thonier travaille en partenariat avec les armateurs fran- çais et de nombreux centres de recherche dans les pays tropicaux ou euro- péens impliqués dans la pêche et les recherches thonières. Les séries de données de l’Observatoire thonier sont d’un grand intérêt scientifique en raison de leur large couverture géographique des zones inter- tropicales des deux océans Atlantique et Indien, mais aussi parce qu’elles concernent d’autres espèces que les thons. Ainsi, l’Observatoire est de plus en plus sollicité pour étudier la biodiversité des écosystèmes pélagiques et analyser l’impact des pêches thonières sur les autres espèces : requins, tor- tues, mammifères marins et oiseaux. L’Observatoire thonier devient progres- sivement un véritable Observatoire des Écosystèmes Marins Hauturiers. Quantifier l’effort de pêche et les captures L’Observatoire thonier a pour mission de quantifier d’une part les moyens mis en œuvre pour pêcher (effort de pêche) et d’autre part ce que les pêcheurs prélèvent de l’écosystème, c’est-à-dire ce qui est débarqué et ce qui a été rejeté à la mer car non commer- cialisable. La collecte des données né- cessaires et leur analyse sont encadrées et cofinancées par un règlement com- munautaire dit ‘DCF’ (Data Collection Framework, règlement CE du Conseil n°199/2008). Le coût total d’environ un million d’euros par an est partagé entre l’Union européenne, le Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, et l’IRD. Les bases de données et les outils informatiques d’acquisition / traitement développés depuis plusieurs décennies par l’Observatoire thonier constituent des standards dans la collecte de don- nées thonières utilisés au niveau inter- national. Le fonctionnement de l’Ob- servatoire thonier est certifié ISO 9001 depuis janvier 2009. Les méthodes et les outils techniques de l’Observatoire évo- luent et se perfectionnent sans cesse. Ainsi en 2013 se mettent en place une transmission électronique des journaux de pêche (« e-logbook ») et l’embarque- ment d’observateurs sur l’ensemble des navires, nécessitant la formation d’ob- servateurs scientifiques dans les pays côtiers. q L’Observatoire thonier de l’IRD Observer les écosystèmes marins hauturiers et la pêche thonière tropicale pour mieux les comprendre et mieux les gérer L es milieux marins pélagiques hauturiers – situés en haute mer – sont des espaces méconnus qui ont souvent été comparés à de vastes déserts. Pour les poissons, la nourriture (zooplancton, micro- necton) y est en effet rare et distribuée de façon irrégulière conduisant les grands prédateurs pélagiques (thons, marlins, espadons, requins, mammifères marins, tortues, oiseaux…) à effectuer des déplacements de grande amplitude. Ils se répartissent ainsi dans les divers océans mon- diaux. Les écosystèmes pélagiques sont exploités par des pêches industrielles et artisanales qui ciblent les ressources thonières et apparentées.Avec environ 4,5 millions de tonnes débarquées annuellement, les ressour- ces thonières constituent une composante significative de la pêche mondiale. Sur 100 tonnes pêchées par le monde, près de 6 tonnes sont des grands pélagiques. Contrairement à la production mondiale globale qui stagne depuis la fin des années 80, voire décroît selon les estimations, la production thonière continue d’augmenter. L’Europe, principalement via des navires espagnols et français,représente un peu plus de 10 % de la production mondiale de thon et est le deuxième producteur derrière le Japon. Les thons font partie des poissons les plus consommés en Europe. © FADIO / IRD-Ifremer / Marc Taquet Des espaces méconnus mais exploités par l’homme

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Une pêche de plus d’un demi-siècle et une gestioninternationale basée sur l’avis scientifique

La pêcherie thonière européenne a commencé dans l’Atlantique tropicalvers 1955 avec l’arrivée à Dakar (Sénégal) des premiers canneurs françaispêchant habituellement le germon dans le golfe de Gascogne.Les prospectionsdans l’océan Indien ont commencé en 1981 sous l’impulsion des armementsfrançais. Aujourd’hui 23 senneurs français sont en activité dans les océansAtlantique et Indien. Ils débarquent principalement en Côte d’Ivoire, au Ghana,au Sénégal, aux Seychelles, à Madagascar et à Maurice. D’autres navires françaisdébarquent à La Réunion du thon et de l’espadon pêchés à la palangre.

Situées majoritairement en zone internationale – hors des Zones Éco-nomiques Exclusives – les ressources thonières sont gérées par des organi-sations régionales de gestion des pêches (ORGP) dites Commissions thoniè-res : CICTA pour l’océan Atlantique et CTOI pour l’océan Indien.Tout payspêcheur de thonidés a la responsabilité du suivi statistique détaillé de l’acti-vité de ses flottilles et doit déclarer annuellement ses captures, en zone inter-nationale ou dans le cadre d’accords de pêche avec les pays côtiers. Ensuiteles ORGP examinent chaque année lasituation environnementale et biologi-que des ressources pour définir lesrègles d’exploitation. Aux côtés desconsidérations politiques et économi-ques, les observations, le suivi statisti-que et l’expertise scientifique jouent unrôle décisif pour apprécier objective-ment la situation et aider leurs prises dedécision.

Un partenaire scientifiqueindépendant indispensable

L’État français a délégué à l’IRD, à tra-vers son Observatoire thonier, la res-ponsabilité du suivi scientifique et sta-tistique de la pêche thonière tropicalefrançaise. Les journaux de bord remplispar les pêcheurs, les données relevéespar des observateurs embarqués sur lesnavires de pêche, les échantillonnages auport et en usine, les campagnes scientifi-ques de marquages des poissons ainsique les données de suivi des navires parsatellite constituent « le carburant » deschercheurs pour étudier le fonctionne-ment et l’exploitation des écosystèmespélagiques.

L’Observatoire thonier de l’IRD estimpliqué de la collecte à l’analyse de cesdonnées. Présent localement depuis ledébut des activités des navires françaisdans les zones océaniques tropicales, ildispose de séries uniques de donnéesde haute résolution (opération par opé-

ration de pêche), variées (espèce, taille, poids, sexe, positions géographiques,conditions climatiques, etc.) et permettant un recul historique de près d’undemi-siècle pour certaines.

L’Observatoire thonier travaille en partenariat avec les armateurs fran-çais et de nombreux centres de recherche dans les pays tropicaux ou euro-péens impliqués dans la pêche et les recherches thonières.

Les séries de données de l’Observatoire thonier sont d’un grand intérêtscientifique en raison de leur large couverture géographique des zones inter-tropicales des deux océans Atlantique et Indien, mais aussi parce qu’ellesconcernent d’autres espèces que les thons. Ainsi, l’Observatoire est de plusen plus sollicité pour étudier la biodiversité des écosystèmes pélagiques etanalyser l’impact des pêches thonières sur les autres espèces : requins, tor-tues, mammifères marins et oiseaux. L’Observatoire thonier devient progres-sivement un véritable Observatoire des Écosystèmes Marins Hauturiers.

Quantifier l’effort de pêche et les capturesL’Observatoire thonier a pour mission de quantifier d’une part les moyens

mis en œuvre pour pêcher (effort depêche) et d’autre part ce que lespêcheurs prélèvent de l’écosystème,c’est-à-dire ce qui est débarqué et ce quia été rejeté à la mer car non commer-cialisable. La collecte des données né-cessaires et leur analyse sont encadréeset cofinancées par un règlement com-munautaire dit ‘DCF’ (Data CollectionFramework, règlement CE du Conseiln°199/2008). Le coût total d’environ unmillion d’euros par an est partagé entrel’Union européenne, le Ministère del’Écologie, du Développement Durable etde l’Énergie, et l’IRD.

Les bases de données et les outilsinformatiques d’acquisition / traitementdéveloppés depuis plusieurs décenniespar l’Observatoire thonier constituentdes standards dans la collecte de don-nées thonières utilisés au niveau inter-national. Le fonctionnement de l’Ob-servatoire thonier est certifié ISO 9001depuis janvier 2009. Les méthodes et lesoutils techniques de l’Observatoire évo-luent et se perfectionnent sans cesse.Ainsi en 2013 se mettent en place unetransmission électronique des journauxde pêche (« e-logbook ») et l’embarque-ment d’observateurs sur l’ensemble desnavires, nécessitant la formation d’ob-servateurs scientifiques dans les payscôtiers.

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L’Observatoire thonier de l’IRDObserver les écosystèmes marins hauturiers et la pêche thonière tropicale

pour mieux les comprendre et mieux les gérer

L es milieux marins pélagiques hauturiers – situés en haute mer –sont des espaces méconnus qui ont souvent été comparés à devastes déserts. Pour les poissons, la nourriture (zooplancton,micro-

necton) y est en effet rare et distribuée de façon irrégulière conduisantles grands prédateurs pélagiques (thons, marlins, espadons, requins,mammifères marins, tortues, oiseaux…) à effectuer des déplacementsde grande amplitude. Ils se répartissent ainsi dans les divers océans mon-diaux.Les écosystèmes pélagiques sont exploités par des pêches industrielleset artisanales qui ciblent les ressources thonières et apparentées.Avecenviron 4,5 millions de tonnes débarquées annuellement, les ressour-ces thonières constituent une composante significative de la pêchemondiale. Sur 100 tonnes pêchées par le monde, près de 6 tonnessont des grands pélagiques. Contrairement à la production mondialeglobale qui stagne depuis la fin des années 80, voire décroît selon lesestimations, la production thonière continue d’augmenter. L’Europe,principalement via des navires espagnols et français, représente un peuplus de 10 % de la production mondiale de thon et est le deuxièmeproducteur derrière le Japon. Les thons font partie des poissons les plusconsommés en Europe.

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Des espaces méconnus mais exploités par l’homme

Bases de données disponibles– Données fines et agrégées sur les activités de pêche [1960-2012].– Données fines des observateurs embarqués sur les conditions de pêche

et l’impact sur l’écosystème [1995-2012].– Données internationales des Commissions thonières [1950-2005].

Une riche production scientifique– Bases de données de référence et outils informatiques.– Atlas de distribution des pêches internationales.– Articles scientifiques dans des revues internationales :

22 publications depuis 2008.– Contributions aux groupes de travail des Commissions thonières :

26 pour la CTOI et 14 pour la CICTA en 2012.– Thèses : 4 soutenues entre 2010 et 2012, dont 3 étudiants du Sud.– Fourniture de jeux de données aux étudiants de Master et aux doctorants

de l’Université de Montpellier ou de pays partenaires.

Présent dans deux océans L’Observatoire thonier est largement reparti géographiquement du fait de

l’extension de la pêche thonière tropicale européenne. Deux antennes princi-pales sont en Côte d’Ivoire pour les débarquements sur la partie ouest del’Afrique (Abidjan, Dakar,Téma) et aux Seychelles pour les débarquements del’océan Indien (Victoria, Antsiranana, Mombasa, Port Louis, Saint-Denis de LaRéunion). L’ensemble des activités est coordonné au Centre de RechercheHalieutique de Sète en France, où sont administrées les bases de données etdéveloppés les outils informatiques. Au total près de 40 personnes travaillentchaque année pour l’Observatoire, dont 6 statutaires de l’IRD, 3 non statutai-res et 33 enquêteurs sur le terrain.

> Personnel IRD – Un coordinateur– Un gestionnaire– Un ingénieur de recherche, chargé de l’évaluation des stocks– Un informaticien responsable du système d’information – Un administrateur des bases de données – Deux développeurs– Deux coordinateurs d’enquête régionaux (océans Indien et Atlantique)

> Personnel sous-traité : 33 personnes correspondant à 22 temps plein– Assistants techniques et échantillonneurs basés dans les différents ports de débarquements.– Observateurs scientifiques.

Les principaux partenariats scientifiques et techniquesau Nord et au Sud

> France

– MEDDE/DPMA, Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture

– AAMP,Agence des Aires Marines Protégées – TAAF,Territoires des Terres Australes et Antarctiques Françaises– Ifremer, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer– Orthongel,Association des armements producteurs de thons congelés– Oceanic Developpement– ARDA,Association Réunionnaise de Développement de l’Aquaculture

> Europe

– UE/DG MARE, Direction Générale Affaires Maritimes et Pêche de la Commission Européenne

– AZTI, Instituto Tecnológico Pesquero y Alimentario (Espagne)– IEO, Instituto Español de Oceanografía (Espagne)

> International

– CRO, Centre de Recherches Océanologiques (Côte d’Ivoire)– CRODT, Centre de Recherches Océanographiques de Dakar Thiaroye

(Sénégal)– MFRD, Marine Fisheries Research Division (Ghana)– AFRC,Albion Fisheries Research Centre (Maurice)– SFA, Seychelles Fishing Authority (Seychelles)– USTA, Unité Statistique Thonière d’Antsiranana (Madagascar)– CICTA, Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés

de l’Atlantique– CTOI, Commission des Thons de l’Océan Indien

Site : www.ecoscope.org Contact : [email protected] O

Partenaires(Chercheurs+ ITA)

IRD(Chercheurs+ ITA) un carré représente un individu

Étudiants

Sète (CRH-EME)

FRANCE

SÉNÉGAL

GHANA

ex. CÔTE D'IVOIRE = 25000 tonnes

Débarquements annuels français de thons et espadons tropicaux (2011), en tonnes (Fr et Mayotte, senneurs et palangriers)

Océan Atlantique

Océan Indien

KENYA

MAURICE

SEYCHELLES

MADAGASCARAntsiranana

(3200 t)LA RÉUNION

CÔTED'IVOIREDakar

(9500 t)

Abidjan(25000 t)

Victoria

St-Denis(2500 t)

Port Louis

Mombasapartenaire

KMFRI(1430 t)

Temapartenaire

MFRD(5500 t)

C.R.O.D.T

Centre de Recherche Océanographiquesde Dakar-Thiaroye

25000 t

(44900 t)

(20500 t)

Copyright têtière au recto : IRD Cap St-Paul / Christophe Peignon / Pascal Bach / FADIO IRD-Ifremer / Hubert-Harmattan / Christophe Peignon

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Répartition des activités des thoniers senneurs français dans les océans

Atlantique et Indien

Répartition des activités des thoniers senneurs français dans les océans

Atlantique et Indien