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La protection des données à caractère personnel dans un monde numérisé Peter HUSTINX, Contrôleur européen de la protection des données Le commerce électronique et la protection des consommateurs : la directive sur les droits des consommateurs Gosta PETRI, Chef d’unité adjoint « Droit des consommateurs et du marketing » Direction générale « Justice » de la Commission européenne Internet et droit de la concurrence Eric MORGAN de Rivery, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, Eileen LAGATHU, Avocat au Barreau de Paris, et Anne DUBUISSON, Juriste E-justice : le projet européen de justice en ligne Alain MARTER, Avocat au Barreau de Chambéry, Expert auprès du Comité « Droit des technologies de l’information » du CCBE, Membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, Président d’honneur de l’UNCA, et Emmanuel KATRAKIS, Collaborateur à la Délégation des Barreaux de France Editorial Dossier spécial Internet : Quelles problématiques ? Quelles solutions ? T RIMESTRIEL D INFORMATIONS EUROPÉENNES - O CTOBRE 2010 - WWW . DBFBRUXELLES . EU - ISSN 1372-3715 82 L’Observateur de Bruxelles ® Point sur… L’arrêt « Akzo » : la Cour confirme que les correspondances entre un avocat interne et son entreprise ne sont pas couvertes par la confidentialité Dominique VOILLEMOT, Avocat, Président de la Délégation des Barreaux de France et Anne-Gabrielle HAIE, Collaboratrice à la Délégation des Barreaux de France Les récents développements de la jurisprudence européenne dans le domaine des jeux de hasard Thibault VERBIEST, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, Chargé d’enseignement à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et Geoffroy LEBON, Juriste, Doctorant Centre de droit du sport, Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III Distribué par L A REVUE D INFORMATION JURIDIQUE EUROPÉENNE DE LA D ÉLÉGATION DES B ARREAUX DE F RANCE Voir notamment : Arrêt de la Cour sur la question prioritaire de constitutionnalité française, Arrêt de la Cour sur le taux de TVA applicable à l’aide juridictionnelle en France, Conclusions de l’avocat général sur la condition de nationalité imposée par certains Etats membres pour accéder à la profession de notaire,… L’actualité du droit de l’Union européenne Detlef ECKERT, Directeur, Direction générale « Société de l’Information et des Médias » de la Commission Européenne

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L'Observateur de Bruxelles - n°82

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La protection des données à caractère personnel dans un monde numériséPeter Hustinx, Contrôleur européen de la protection des données

Le commerce électronique et la protection des consommateurs : la directive sur les droits des consommateursGosta Petri, Chef d’unité adjoint « Droit des consommateurs et du marketing » Direction générale « Justice » de la Commission européenne

Internet et droit de la concurrenceEric Morgan de Rivery, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, Eileen LagatHu, Avocat au Barreau de Paris, et Anne Dubuisson, Juriste

E-justice : le projet européen de justice en ligneAlain Marter, Avocat au Barreau de Chambéry, Expert auprès du Comité « Droit des technologies de l’information » du CCBE, Membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, Président d’honneur de l’UNCA, et Emmanuel KatraKis, Collaborateur à la Délégation des Barreaux de France

Editorial

Dossier spécialInternet :

Quelles problématiques ? Quelles solutions ?

T r i m e s T r i e l d ’ i n f o r m a T i o n s e u r o p é e n n e s - o c T o b r e 2 0 1 0 - w w w . d b f b r u x e l l e s . e u - i s s n 1 3 7 2 - 3 7 1 5 n° 82

L’Observateur de Bruxelles®

Point sur… L’arrêt « Akzo » : la Cour confirme que les correspondances entre un avocat interne et son entreprise ne sont pas couvertes par la confidentialitéDominique VoiLLeMot, Avocat, Président de la Délégation des Barreaux de France et Anne-Gabrielle Haie, Collaboratrice à la Délégation des Barreaux de France

Les récents développements de la jurisprudence européenne dans le domaine des jeux de hasardThibault Verbiest, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, Chargé d’enseignement à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et Geoffroy Lebon, Juriste, Doctorant Centre de droit du sport, Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III

Distribué par

l a r e v u e d ’ i n f o r m a T i o n j u r i d i q u e e u r o p é e n n e d e l a d é l é g a T i o n d e s b a r r e a u x d e f r a n c e

Voir notamment : Arrêt de la Cour sur la question prioritaire de constitutionnalité française, Arrêt de la Cour sur le taux de TVA applicable à l’aide juridictionnelle en France, Conclusions de l’avocat général sur la condition de nationalité imposée par certains Etats membres pour accéder à la profession de notaire,…

L’actualité du droit de l’Union

européenne

Detlef ecKert, Directeur, Direction générale « Société de l’Information et des Médias » de la Commission Européenne

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L a r e v u e d ’ i n f o r m a t i o n j u r i d i q u e e u r o p é e n n e d e L a d é L é g a t i o n d e s B a r r e a u x d e f r a n c e

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TA B L E D E S M AT I È R E S 3

TABLE DES MATIÈRES

L’Observateur de Bruxelles®

Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

Editorial .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 5Detlef Eckert, Directeur, Direction générale « Société de l’Information et des Médias » de la Commission europénne

Dossier spécial

Internet : Quelles problématiques ? Quelles solutions ? .......................................................................................................................................................................... 8

La protection des données à caractère personnel dans un monde numérisé ............................................................................................................................. 8

Le commerce électronique et la protection des consommateurs : la directive sur les droits des consommateurs .......... 11

Internet et droit de la concurrence ........................................................................................................................................................................................................................................................... 16

L’e-Justice : le projet européen de justice en ligne ............................................................................................................................................................................................................ 20

Points sur…

L’arrêt « Akzo » : la Cour confirme que les correspondances entre un avocat interne et son entreprise ne sont pas couvertes par la confidentialité ............................................................................................................................................................................................................................... 26

Les récents développements de la jurisprudence européenne dans le domaine des jeux de hasard .................................................. 31

L’actualité du droit de l’Union européenne .................................................................................................................................................. 35

Bibliothèque ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 73

Informations générales ........................................................................................................................................................................................................................................................................................... 80Nos formations ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 80Autres manifestations ....................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 81Nos partenaires ......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 82

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Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

Éditorial

É d i t o r i a l 5

La récente crise économique ayant annulé une grande partie des progrès réalisés en Europe depuis 2000, la Commission européenne s’est engagée en mars 2010 dans une stratégie permettant de sortir plus fort de la crise et de se transformer en une écono-mie intelligente, durable et inclusive : la stratégie Europe 2020. Le rôle que jouent les technologies de la communication et de l’information (TIC) dans la transformation de tous les secteurs de notre société est tel que la moitié des gains de productivité réalisés dans l’Union européenne au cours des 15 dernières années leur était due. En ce sens, il était juste que la stratégie numérique pour l’Europe fût la première des sept initiatives phares prises dans le cadre de la stratégie Europe 2020.La stratégie numérique décrit plusieurs domaines d’action prioritaires : créer un mar-ché unique du numérique, accroître l’interopérabilité, renforcer la sécurité d’Internet et la confiance des utilisateurs, permettre un accès plus rapide à Internet, augmenter les investissements dans la recherche et le développement, améliorer les compétences numériques et l’intégration, et utiliser les tech-nologies de l’information et des communications pour relever les défis auxquels la société doit faire face.La création d’un marché unique du numérique permettrait de réduire la fragmentation de la mosaïque de marchés numériques nationaux et d’éliminer les barrières réglementaires à un commerce en ligne transfron-talier. Le citoyen européen, aujourd’hui, ne parvient pas dans 60 % des cas à acheter un bien ou un service en ligne dans un autre pays de l’Union pour des raisons diverses, telles que la non-reconnaissance des cartes de paiement. Au cours d’un voyage, quiconque peut acheter un CD de musique dans un magasin. En revanche, il n’est pas toujours légalement possible de télécharger de la musique d’un autre pays de l’Union parce que les droits sont accordés sur une base nationale. La stratégie numérique propose en ce sens de compléter l’espace de paiement européen unifié (SEPA – Single Euro Payments Area), de proposer un cadre juridique relatif à la reconnaissance et à l’interopérabilité transnationales de systèmes sûrs d’authentification électronique ou encore des propositions de système de règlement en ligne des litiges à l’échelle de l’Union européenne pour les transactions de commerce électronique, afin d’accroître la confiance des consommateurs.Seulement 12% des utilisateurs se sentent en confiance lorsqu’ils effectuent des transactions en ligne. La pro-tection des données à caractère personnel et la confiance sont des atouts majeurs du développement de la société de l’information. La stratégie numérique propose, entre autres, de réexaminer le cadre réglementaire de l’Union en matière de protection des données, en vue d’assurer une plus grande confiance des individus et de renforcer leurs droits, ou de proposer un instrument optionnel relatif au droit des contrats, qui complèterait la directive sur les droits des consommateurs, pour remédier au cloisonnement du droit en la matière, notam-ment en ce qui concerne l’environnement en ligne. Elle propose aussi des initiatives concernant d’autres systè-mes de règlement des litiges de consommateurs en vue de faire des propositions de système de règlement en ligne des litiges à l’échelle de l’Union européenne pour les transactions de commerce électronique d’ici à 2012 ou de publier un code européen des droits en ligne qui récapitulerait, de façon claire et accessible, les droits de l’utilisateur numérique existant dans l’Union, complété par une revue annuelle des infractions à la législation sur la protection des consommateurs en ligne et des mesures coercitives appropriées, en coopération avec le réseau européen des agences de protection des consommateurs. Je vous invite à visiter le guide eYou, précur-seur de cette initiative 1.Sans vous énumérer les quelques cent actions, dont un tiers de nature législative, que prévoit la stratégie numérique pour l’Europe, je souhaite avoir éveillé suffisamment votre curiosité sur ces nombreux sujets de l’actualité numérique. Rejoignez-nous dans la construction commune d’une société de l’information plus juste et plus proche du citoyen.

Detlef EckertDirecteur, Direction générale « Société de l’Information et des Médias » de la Commission europénne

1. http://ec.europa.eu/information_society/eyouguide/navigation/index_fr.htm.

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Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

DOSSIER SPÉCIAL

S O M M A I R E 7

Internet : Quelles problématiques ? Quelles solutions ?

S O M M A I R E

La protection des données à caractère personnel dans un monde numériséPeter HustinxContrôleur européen de la protection des données ............................................................................................................................................................................................................................................... 8

Le commerce électronique et la protection des consommateurs : la directive sur les droits des consommateursGosta PetriChef d’unité adjoint « Droit des consommateurs et du marketing » Direction générale « Justice » de la Commission européenne .............................................. 11

Internet et droit de la concurrenceEric Morgan de RiveryAvocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles

Eileen LagathuAvocat au Barreau de Paris

Anne DubuissonJuriste ......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 16

L’e-Justice : le projet européen de justice en ligneAlain MarterAvocat au Barreau de Chambéry, Expert auprès du Comité « Droit des technologies de l’information » du CCBE, Membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, Président d’honneur de l’UNCA

Emmanuel KatrakisCollaborateur à la Délégation des Barreaux de France ...................................................................................................................................................................................................................................... 20

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Dossierspécial

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Nul ne conteste que nous vivons dans un monde mar-qué par des progrès technologiques fulgurants et dont l’ampleur et l’accessibilité ne cessent de croître. Internet ne constitue que l’un des éléments d’une réalité numéri-que qui fait désormais partie de la vie de tout un chacun. Ces avancées technologiques offrent bien entendu d’in-nombrables possibilités aux entreprises et aux consom-mateurs. Elles nous procurent également de nombreux avantages et peuvent améliorer notre qualité de vie.

Il suffit de penser aux effets que les systèmes de santé en ligne peuvent avoir sur nos vies ou aux avantages que procurent le wifi, le courrier électronique, les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux, tant sur le plan privé que sur le plan professionnel. Mais si nous n’investissons pas de façon intelligente dans la protection de nos don-nées personnelles et confidentielles, toutes ces techno-logies peuvent présenter de sérieux revers.

Les effets de La technoLogIe I. et de La mondIaLIsatIon sur La protectIon des données

L’essor du monde numérisé engendre tout d’abord une augmentation importante du volume même des échan-ges de données à caractère personnel. Songez, par exemple, au caractère ordinaire qu’a désormais pris l’uti-lisation des vastes bases de données clients ou ressour-ces humaines, auxquelles a également accès l’ensemble des filiales d’une société donnée dans le monde. Comme le montre l’énorme succès des réseaux sociaux, tels que facebook, ce phénomène ne se limite pas au monde des affaires, mais touche un nombre croissant d’individus, en particulier les jeunes.

L’accroissement des échanges de données à caractère personnel combiné aux progrès technologiques engen-dre aussi – souvent à l’insu des individus et sans qu’ils

puissent la contrôler – une forte augmentation de la col-lecte et de l’utilisation de ces données. La fourniture de services ou de contenu sur internet va souvent de pair avec la collecte d’informations sur les utilisateurs, leurs habitudes et leurs préférences. Les exemples sont légion et il y a de fortes chances qu’ils se multiplient. L’utilisation de cookies, permettant aux opérateurs Internet d’en-voyer des publicités ciblées aux utilisateurs d’Internet en observant leurs habitudes de navigation, en est un parmi d’autres.

Un monde marqué par les avancées technologiques et la mondialisation présente d’autres défis, comme par exemple une complexité accrue à plusieurs niveaux. En travaillant à l’échelle internationale ou mondiale, les sociétés elles-mêmes se complexifient. Des tâches importantes sont souvent sous-traitées et, de ce fait, le cadre juridique (personnalité juridique) ne coïncide pas toujours avec la façon dont les relations sont organisées dans la pratique.

Du fait de cette complexité, il est devenu plus difficile d’identifier les responsabilités en matière de conformité avec les règles relatives à la protection des données. C’est particulièrement le cas dans le monde d’Internet, où un grand nombre de parties différentes peuvent être amenées à interagir depuis des lieux éloignés les uns des autres. Prenez l’exemple des entreprises Internet dont le siège est établi dans un Etat non membre de l’Espace économique européen (EEE), qui emploient des sociétés de sous-traitance situées dans d’autres pays, mais qui ciblent et réalisent des bénéfices en traitant les informa-tions personnelles de résidents de l’Union européenne. Dans ce type de situation, il n’est pas toujours aisé de déterminer qui est responsable et si le droit de l’UE est applicable. Pour que le système de protection des don-nées soit efficace, il est néanmoins fondamental que les réponses à ces questions soient suffisamment claires et puissent être mises en pratique facilement.

La protection des données à caractère personnel dans un monde numérisé

peter hustinx*Contrôleur européen de la protection des données(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

Internet : Quelles problématiques ? Quelles solutions ?

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D O S S I E R S P E C I A L • I n t E R n E t : Q u E L L E S P R O B L É M A t I Q u E S ? Q u E L L E S S O L u t I O n S ? 9

Le cadre JurIdIque actueL II. de L’ue en matIère de protectIon des données

L’Union européenne dispose d’un cadre juridique solide en matière de protection des données, qui fournit aux individus des garanties concernant la protection de leurs données privées et personnelles. La directive sur la pro-tection des données (95/46/CE) 1, la directive vie privée et communications électroniques (2002/58/CE) 2 et la décision-cadre du Conseil relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (2008/977/JAI) 3 établissent l’ensemble des règles rela-tives à l’utilisation des données et confèrent des droits aux individus. Ce cadre juridique repose sur une série de principes de base, solidement ancrés et techniquement neutres, ayant résisté à l’épreuve du temps.

Ces règles sont transposées dans les législations natio-nales des Etats membres de l’Union européenne. Elles sont applicables au traitement des données en vertu du droit de l’UE si l’organisation responsable est établie dans un Etat membre de l’Union européenne ou si des moyens situés dans l’Union européenne sont utilisés. Le cas échéant, le droit de l’UE est applicable, indépendam-ment du lieu où les données sont traitées, que ce soit dans l’Union européenne ou ailleurs. Des dispositions particu-lières réglementent le transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers n’offrant pas un niveau de protection adéquat. Ces règles, qui s’appliquent tant aux environnements hors ligne qu’aux environnements en ligne, sont dès lors également extrêmement pertinentes dans le domaine d’Internet.

Les exemples suivants illustrent la façon dont le cadre juridique de l’UE en vigueur en matière de protection des données confère des droits aux individus et impose des obligations à ceux qui collectent et traitent les informa-tions à caractère personnel, y compris dans un environ-nement en ligne.

Si une boutique en ligne de l’Union européenne recueille les coordonnées de ses clients pour livrer des produits qui ont été commandés, ces informations ne peuvent

être utilisées qu’à cette fin (ou à des fins compatibles). Ces données ne peuvent être transférées à des tiers sou-haitant les utiliser à des fins complètement différentes. Elles ne peuvent être conservées pour une durée supé-rieure à la durée nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels elles ont été fournies (livraison de biens et obtention du paiement correspondant) ou d’objectifs étroitement liés.

Si la même boutique en ligne souhaite diffuser du maté-riel promotionnel concernant de nouveaux produits, elle n’y est souvent autorisée que si les destinataires en ont clairement donné leur consentement. La boutique en ligne est tenue de protéger ces informations en appli-quant les mesures les plus récentes sur le plan technique et organisationnel. Si elle souhaite transférer sa liste de clients à un siège situé en dehors de l’Union européenne – au Japon, par exemple –, elle doit fournir des garanties appropriées, telles que la signature d’un accord avec l’or-ganisation destinataire au Japon. Si la boutique en ligne viole les obligations qui lui incombent en vertu des légis-lations en vigueur, les individus lésés peuvent s’adresser aux autorités de protection des données, qui sont habi-litées à examiner la plainte et à infliger des sanctions à l’organisation concernée.

certaInes actIvItés III. de maIntenance peuvent être nécessaIres

Tel qu’illustré plus haut, le cadre juridique actuel de l’UE en matière de protection des données prévoit des garan-ties importantes en vue de protéger les informations per-sonnelles des individus. Néanmoins, la combinaison du processus de mondialisation et des progrès technologi-ques donne lieu à un traitement des données complexe et parfois envahissant. Il convient dès lors peut-être d’ap-porter des modifications au cadre juridique actuel.

Les modifications du cadre juridique ne devraient pas porter atteinte aux principes de base ni aux droits indi-viduels en matière de protection des données ; les prin-cipes essentiels de la directive demeurent valables. Elles devraient se limiter à résoudre des problèmes spécifi-

1. Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO L 281 du 23 novembre 1995, p. 31-50.

2. Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la pro-tection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, JO L 201 du 31 juillet 2002.

3. Décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, JO L 350 du 30 décembre 2008.

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Dossierspécial

10 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

ques, essentiellement dus aux technologies, à la mon-dialisation et à l’absence d’harmonisation des exigences dans l’Union européenne — ce qui rend difficile pour les opérateurs de se conformer aux règles. En règle géné-rale, les modifications devraient viser à renforcer l’effica-cité pratique de la protection des données.

À la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le cadre juridique a récemment été renforcé. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, y compris ses articles 7 et 8 sur la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, est désormais juridique-ment contraignante pour l’Union européenne et ses Etats membres. L’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit désormais aussi un cadre juridique général concernant les mesures législati-ves de la protection des données. Le traité de Lisbonne a dès lors créé une possibilité importante – voire une dyna-mique politique – de modernisation de la protection des données à caractère personnel dans le monde digitalisé.

La révIsIon de La dIrectIve Iv. sur La protectIon des données

Début 2010, Madame Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne, en charge du cadre juridique de la protection des données de l’Union européenne, a annoncé son intention de modifier le cadre juridique de la protection des données actuel pour en faire un cadre juridique moderne et global. Cette initiative est très appréciée.

L’objet du présent article ne me permet que d’ébaucher le contenu et la nature de certaines des modifications qui semblent nécessaires pour faire face aux problèmes identifiés. Ces modifications peuvent être résumées comme suit.

En premier lieu, il semble nécessaire de rationaliser les échanges encourageant les responsables du traite-ment des données à traduire les exigences juridiques en des mesures concrètes de protection des données. En d’autres termes, il conviendrait de leur demander de mettre en place des procédures et des pratiques adéqua-tes facilitant le respect des législations en matière de pro-tection des données. Ces procédures pourraient consis-ter à contraindre les grandes et moyennes entreprises à nommer des membres du personnel pour exercer des compétences spécifiques dans le domaine de la protec-

tion des données, à réaliser des évaluations d’impact sur la vie privée dans les situations où la protection des don-nées et le respect de la vie privée sont particulièrement menacés, etc. Il faudrait alors veiller à ce que les mesures de protection des données et de la vie privée soient inté-grées à la technologie dès le début de son élaboration visant au traitement des données personnelles. Il serait également utile que les responsables du traitement des données soient obligés de fournir suffisamment d’élé-ments d’informations sur ces mesures et leur fonction-nement pratique.

En deuxième lieu, les droits des individus en matière de protection des données devraient être renforcés. Par exemple, si des données relatives à leur situation finan-cière ou leur santé tombent entre de mauvaises mains, ils devraient en être informés. Ils devraient avoir le droit d’en être informés. En outre, les autorités de protection des données ou les associations de la société civile devraient être habilitées à intenter une action auprès des tribunaux nationaux si elles estiment que la protection des données et la vie privée d’un individu ont été violées. Ces mesures ont récemment été incluses dans la directive vie privée et communications électroniques, mais il n’y a aucune raison qu’elles ne s’appliquent qu’aux fournisseurs de services de télécommunications et d’Internet, et non de manière plus générale aux environnements en ligne et hors ligne.

Il convient aussi peut-être de renforcer l’efficacité des échanges de données à caractère personnel et de réduire les mesures sans réelle valeur ajoutée pour la protection de ces données. À cet égard, il existe aujourd’hui une réelle possibilité de réduire la bureaucratie sur support papier tout en renforçant les garanties concrètes et l’effi-cacité pratique de la protection des données.

Enfin, il serait opportun de saisir la présente occasion pour s’assurer que les autorités de protection des don-nées dans l’Union européenne soient en mesure de jouer leur rôle de surveillance, en renforçant l’harmonisation des règles établissant leur totale indépendance et leurs pouvoirs d’exécution étendus, qu’elles peuvent exercer, le cas échéant, au-delà de leurs frontières, en étroite col-laboration avec leurs homologues d’autres Etats mem-bres de l’Union européenne et de pays tiers.

Il faut espérer que ces éléments seront pris en compte dans la révision dont la directive sur la protection des données fait actuellement l’objet et qu’ils feront éven-tuellement partie intégrante d’un instrument juridique modernisé.

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D O S S I E R S P E C I A L • I n t E R n E t : Q u E L L E S P R O B L É M A t I Q u E S ? Q u E L L E S S O L u t I O n S ? 11

Au niveau européen, les règles protégeant les consom-mateurs qui achètent en ligne figurent essentiellement dans deux directives : la directive « commerce électroni-que » 1 et la directive « vente à distance » 2. Elles prévoient les trois catégories principales de règles suivantes :

les informations précontractuelles qui doivent obli- –gatoirement être fournies par le commerçant au consommateur avant la conclusion du contrat, tel-les que le prix, l’adresse du commerçant et les frais de livraison ;

le droit de rétractation dont dispose le consomma- –teur, y compris les modalités et les effets de l’exer-cice de ce droit ;

les règles relatives à l’exécution du contrat. –

Cet article tâchera de présenter les défis auxquels le légis-lateur est confronté en matière de contrats de consom-mation conclus sur Internet, ainsi que la tentative de réponse donnée par la proposition de directive sur les droits des consommateurs.

Le cadre JurIdIque exIstant I. en matIère de contrats transfrontaLIers

Faciliter les achats transfrontaliers sur Internet consti-tue un enjeu clé pour l’intégration du marché inté-rieur. Créer les meilleures conditions pour ce mode de

vente au détail est essentiel pour assurer une crois-sance forte de l’Europe dans les années à venir. Dans ce contexte, la loi applicable aux contrats conclus entre un commerçant établi dans un Etat X avec un consom-mateur domicilié dans un Etat Y revêt une importance cruciale. Permettre au commerçant de se baser sur un seul ensemble de règles minimiserait ses coûts, en revan-che, lui imposer le respect des règles du pays du domicile du consommateur entraînerait des coûts importants qui devraient, à terme, être supportés par l’acheteur.

Le législateur européen a opté pour une solution qui laisse aux parties contractantes la liberté de choisir la loi applicable (en pratique le professionnel va tou-jours imposer son choix au consommateur), tout en obligeant le professionnel à respecter les dispositions impératives de la loi du pays où le consommateur réside (article 6 du règlement « Rome I » 3). Ce prin-cipe s’applique dans tous les cas où le commerçant « dirige » ses activités vers le pays du consommateur. Cette solution a été choisie pour aligner les règles relati-ves à la loi applicable avec celles sur le forum prévue par le règlement « Bruxelles I » 4. Le législateur a ainsi considéré que le règlement des litiges concernant les contrats de consommation devait être facilité pour le consommateur, en lui permettant de saisir la juridiction de son domicile et en assurant le respect des dispositions impératives de sa loi, à condition toutefois que le contrat ait été conclu dans le cadre d’une activité dirigée vers son pays. Le principe de l’application des dispositions impératives du

Le commerce électronique et la protection des consommateurs : la directive sur les droits des consommateurs

gosta petri*Chef d’unité adjoint « Droit des consommateurs et du marketing » Direction générale « Jus-tice » de la Commission européenne(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas d’autres organismes ou

personnes)

1. Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), JO L 178 du 17 juillet 2000, p. 1-16.

2. Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à dis-tance, JO L 144 du 4 juin1997, p. 19-27.

3. Règlement 593/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I »), JO L 177 du 4 juillet 2008, p. 6-16.

4. Règlement 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I »), JO L 12 du 16 janvier 2001, p. 1-23.

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12 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

droit de la consommation du pays du consommateur est également valable pour les contrats conclus sur Internet ; le principe du pays d’origine prévu par la directive « com-merce électronique » ne s’appliquant pas 5.

Se pose dès lors la question de savoir comment il est défini qu’un site web dirige ses activités vers un pays donné. L’affaire « Alpenhof » 6, actuellement pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne, devrait apporter des réponses. Les conclusions de l’avocat général Trstenjak du 18 mai 2010 proposent un certain nombre de critères. Ainsi, la simple accessibilité du site ne suffit pas pour considérer que celui-ci dirige ses activités vers l’ensemble des Etats membres. En revan-che, le contenu du site constitue un facteur impor-tant, notamment s’il indique la possibilité de passer la commande depuis des pays étrangers, en indiquant par exemple le code international devant le numéro de télé-phone de contact ou en prévoyant la possibilité pour le consommateur d’indiquer son pays de résidence sur un site interactif 7. Il est probable que l’approche de l’avocat général soit confirmée par la Cour. En tout état de cause, tout commerçant souhaitant activement commercialiser ses produits dans d’autres Etats membres reste tenu de se conformer aux dispositions impératives du droit de la consommation du pays du consommateur si celles-ci sont plus strictes que celles du pays d’origine.

Les obstacLes au bon II. fonctIonnement du marché IntérIeur

Les directives existantes en matière de droit de la consommation étant basées sur une harmonisation minimale, permettant aux Etats membres d’adop-ter des règles plus strictes dans leur droit interne, la fragmentation du droit de la consommation résultant des règles de conflit de lois entraîne des coûts impor-tants de mise en conformité pour les commerçants qui s’engagent dans le commerce transfrontalier. Les

petites et moyennes entreprises (PME), notamment, sont confrontées à la nécessité d’adapter leurs conditions générales de vente, ce qui peut s’avérer coûteux dans la mesure où elles n’emploient pas nécessairement de juriste d’entreprise et doivent alors avoir recours à un conseil juridique pour effectuer cette adaptation.

Selon les calculs de la Commission, les coûts de mise en conformité pour une entreprise de vente à distances qui souhaite vendre ses produits dans les 27 Etats mem-bres, s’élèveraient à 70 526 euros. Pour une entreprise de vente par démarchage, le coût serait légèrement plus élevé et atteindrait 71 625 euros. Or, ces coûts de mise en conformité affectent non seulement les prix des pro-duits et services, mais ont également un effet particuliè-rement dommageable pour les consommateurs du fait de la réduction de l’offre qu’ils engendrent. De plus, les consommateurs des petits Etats membres, en particulier, pourraient trouver une gamme plus diversifiée de pro-duits à un prix plus concurrentiel au-delà de leurs frontiè-res. Malheureusement, il s’avère souvent impossible pour ces consommateurs de trouver un site web étranger qui accepte de leur vendre ses produits.

En 2009, la Commission a effectué une « enquête-mys-tère » sur le commerce électronique transfrontalier, au cours de laquelle des « clients-mystère » ont tenté d’ache-ter un certain nombre de marchandises à partir d’un pays étranger 8. Selon cette enquête, six transactions sur dix n’ont pas abouti, essentiellement à cause du refus du commerçant de livrer ses produits dans un pays étranger. Le manque à gagner qui en résulte est considérable. L’en-quête montre en effet que, dans la moitié des Etats mem-bres, une économie de 10 % ou plus pourrait être réalisée par le consommateur sur au moins 50 % des produits s’il avait la possibilité d’acheter certains produits dans d’autres Etats membres, plutôt que dans son Etat membre d’ori-gine. En outre, beaucoup de produits ne sont même pas accessibles en ligne dans certains pays. En Belgique, par exemple, 65 % des marchandises recherchées n’étaient pas offertes par les commerçants en ligne locaux, mais uniquement dans d’autres pays.

5. Annexe I de la directive 2000/31/CE exclut « les obligations contractuelles concernant les contrats conclus par les consommateurs » du principe du pays d’origine énoncé dans l’article 3 paragraphes 1 et 2 de la directive.

6. Affaires C-585/08 et C-144/09. L’affaire concerne l’interprétation de l’article 15.1 c) du règlement « Bruxelles I », mais aura des conséquences pour l’in-terprétation du concept de l’activité dirigée dans l’article 6 du règlement « Rome I ».

7. Les autres critères suivants peuvent également permettre de déterminer qu’un site web dirige ses activités vers un Etat membre donné : – le fait d’avoir auparavant passé des contrats avec des consommateurs dans d’autres Etats membres, – le type de domaine utilisé pour le site internet, – si le commerçant a cherché à faire en sorte que les consommateurs d’Etats membres déterminés soient informés de son offre.8. Le test comprenait des achats de livres, DVD, ordinateurs, chaussures, équipements sportifs et des appareils domestiques.

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La proposItIon de dIrectIve sur III. Les droIts des consommateurs

L’harmonisation complète au niveau européen des règles les plus importantes relatives aux contrats de consom-mation conclus en ligne pourrait résoudre ce problème de fragmentation. C’est la raison pour laquelle la Com-mission a adopté, en octobre 2008, une proposition de directive sur le droit des consommateurs 9. Cette proposition vise à rassembler les quatre directives existantes dans un texte unique et procédant à une harmonisation maximale. Outre la directive « vente à distance » qui vise spécifiquement le commerce élec-tronique, la proposition couvre également les direc-tives « démarchage à domicile » 10, « vente et biens de consommation » 11 et « clauses abusives » 12. L’harmo-nisation de ces directives a pour but de permettre au commerçant d’utiliser les mêmes conditions généra-les de vente dans tous les Etats membres. A ce titre, les modalités et effets du droit de rétractation ainsi que les obligations d’informations pour les contrats conclus à distance ou par démarchage constituent des dispositions essentielles à harmoniser pour démanteler les obstacles au bon fonctionnement du marché intérieur. De même, des règles communes relatives à la livraison, au trans-fert du risque et à la durée de garantie pour les biens de consommation doivent être mises en œuvre dans des contrats standards destinés au commerce transfrontalier. Une harmonisation maximale des critères permettant de déterminer si une clause est abusive, combinée avec l’instauration de listes de clauses interdites ou présu-mées interdites, permettra de protéger le commerçant contre l’invalidation des clauses légales dans son pays. En revanche, il ne s’agit pas d’harmoniser toutes les règles applicables aux contrats de consommation ; une telle harmonisation « maximaliste » n’étant pas justifiée par l’objectif visant à améliorer le fonction-nement du marché intérieur.

• Le premier chapitre de la proposition contient les définitions et les règles déterminant le champ d’ap-plication du texte. Celui-ci serait en principe large, dans la mesure où tout contrat de vente de biens ou de ser-vice conclu entre un consommateur et un professionnel, tels que définis dans le texte, serait en théorie couvert par celui-ci. Cependant, les chapitres suivants réduisent son champ d’application en introduisant certaines limi-tations, hormis le chapitre V sur les clauses abusives qui s’appliquerait de manière horizontale. Rien n’empêche-rait toutefois les Etats membres d’appliquer également les règles de la directive à d’autres contrats s’ils le sou-haitent.

• Le chapitre II introduit une nouveauté en proposant de prévoir une liste des informations essentielles, devant être fournies avant la conclusion de chaque contrat de consommation, qu’il soit conclu à distance, par démarchage (ou hors établissement selon la ter-minologie de la proposition) ou en face à face dans un établissement commercial. Ces obligations d’infor-mations sont alignées sur celles prévues par la directive pratiques commerciales déloyales 13 pour les invitations à l’achat. Elles feraient ainsi partie intégrante du contrat et leur non-respect devrait être sanctionné.

• L’objectif du chapitre III est d’établir des règles com-munes sur la vente à distance et la vente hors établis-sement :

Il prévoit des obligations d’informations spécifiques –pour ces contrats, s’ajoutant aux obligations généra-les prévues par le chapitre II. A titre d’exemple, devraient être fournies des informations sur les condi-tions et les modalités d’exercice du droit de rétracta-tion, au moyen d’un formulaire de rétractation, repro-duit dans l’annexe I de la proposition de directive.

Par ailleurs, il précise les obligations formelles qui –devraient être respectées pour la conclusion de

9. COM(2008) 614 final.10. Directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des

établissements commerciaux, JO L 372 du 31 décembre 1985, p. 31-33.11. Directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consomma-

tion, JO L 171 du 7 juillet 1999, p. 12-16.12. Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, JO L 95 du 21 avril

1993, p. 29-34.13. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis

des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement 2006/2004/CE du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), JO L 149 du 11 juin 2005, p. 22-39.

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contrats à distance et hors établissement, à savoir notamment la signature d’un bon de commande pour les contrats hors établissement et la confirma-tion de l’information précontractuelle sur un sup-port durable pour les contrats à distance.

En ce qui concerne plus spécifiquement le droit de –rétractation, la proposition prévoit un délai harmo-nisé de 14 jours pour les deux types de contrat. Ce délai commencerait à courir dès la conclusion du contrat. En revanche, pour les contrats à distance portant sur la vente de biens, le délai ne commen-cerait à courir qu’à réception de ceux-ci 14. Il est important de noter que la proposition prévoit de prolonger ce délai à trois mois, si le professionnel omet d’informer le consommateur de son droit de rétractation. Ce faisant, la Commission entend met-tre fin à la situation disproportionnée instaurée par l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Heininger, 15 qui avait prolongé, sans limite de durée, ce délai, en cas de défaut d’information au consommateur dans des situations de démarchage.

La proposition réglemente également en détail les –modalités de l’exercice et les effets de la rétracta-tion. Ainsi, elle prévoit que le consommateur devrait notifier sa rétractation au professionnel sur un sup-port durable, ce qui inclut des notifications sur papier ou envoyées par e-mail. Pour les contrats conclus sur Internet, la proposition prévoit la possi-bilité de remplir, de manière interactive sur le site web du professionnel, un formulaire de rétractation standard. Dans ce cas, un accusé de réception devrait être envoyé au consommateur. Après rétrac-tation, le professionnel serait obligé de rembourser tout paiement reçu du consommateur dans les trente jours. Le consommateur, quant à lui, devrait renvoyer à ses frais les biens achetés dans un délai de quatorze jours. En principe, les frais de renvoi seraient les seuls coûts supportés par le consomma-teur, sauf s’il manipule les biens reçus au-delà de ce qui est « nécessaire pour s’assurer de la nature et du bon fonctionnement » de ceux-ci. Cette dernière for-mule signifie qu’un consommateur, ayant par exem-

ple commandé un vêtement sur Internet, devrait seulement l’essayer, mais ne devrait pas le porter, s’il souhaite se rétracter. S’il ne respecte pas cette règle, le consommateur deviendrait responsable de la dépréciation du bien qui en résulte.

• Le chapitre IV prévoit les règles relatives à la vente des biens de consommation et constitue une refonte de la directive 99/44/CE 16. Il comprend, notamment, des règles sur la conformité du contrat, la hiérarchie des recours en cas de défaut de conformité et le délai de garantie légale dont bénéficie le consommateur (deux ans).

L’option prévue par la directive existante, permet- –tant aux Etats membres d’imposer au consomma-teur d’informer le professionnel du défaut de confor-mité endéans deux mois à compter de la découverte du défaut, est rendue obligatoire dans la proposi-tion. Le renversement de la charge de la preuve, pendant les six premiers mois de la garantie, est en outre maintenu. Ce chapitre reprend également la règle prévue par l’actuelle directive, imposant la livraison dans un délai de 30 jours, pour la vente à distance et étend celle-ci à toutes les ventes, en la limitant toutefois à la livraison de biens.

Par ailleurs, la proposition renforce la protection des –consommateurs, en prévoyant un droit au rembour-sement du produit acheté dans les sept jours sui-vants la date de livraison prévue, si ce produit n’est pas livré à temps.

Enfin, ce chapitre introduit une nouveauté concer- –nant le transfert du risque. Le risque de perte ou d’endommagement du bien serait transféré au consommateur, seulement lorsque celui-ci prend matériellement possession du bien. Cette harmoni-sation créerait une sécurité juridique, qui faciliterait sans doute considérablement les échanges trans-frontaliers sur Internet. Or, si la solution retenue est favorable aux consommateurs, une dérogation s’ap-plique cependant lorsque le consommateur retarde indûment la prise de possession du bien (par exem-ple s’il ne retire pas le bien à la poste dans le délai

14. Plus précisément, l’article 12.2 alinéa 2 précise que le délai commence à courir « le jour où le consommateur ou un tiers autre que le transporteur et désigné par le consommateur prend matériellement possession de chacun des biens commandés ».

15. Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, aff. C-481/99, Recueil de jurisprudence 2001, p. I-9945.16. Directive 99/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation,

JO L 171 du 7 juillet 1999, p. 12-16.

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fixé). Dans ce cas, le consommateur devrait assumer le risque de perte ou de détérioration, après le délai de livraison convenu avec le professionnel.

• Le dernier chapitre de la proposition, le chapitre V, traite des clauses abusives. Afin de permettre au commerçant de se baser sur des conditions générales identiques dans tous les Etats membres, la proposition suggère d’harmoniser ces conditions visant à déter-miner si une clause est abusive. Elle prévoit également d’établir deux listes de clauses, la première énumérant les clauses réputées abusives en toutes circonstances (liste noire), et la seconde listant les clauses présumées abusives (liste grise). Par ailleurs, ce chapitre développe les règles sur la transparence des clauses contractuelles, et prévoit qu’elles « doivent être mises à la disposition du consommateur de manière à lui donner effectivement la possibilité d’en prendre connaissance avant la conclusion du contrat ». En ce qui concerne le commerce électroni-que, cette condition pourrait être remplie par la mise à disposition de ces clauses sur le site web du profession-nel. Enfin, un concept novateur a été introduit parmi les règles sur la transparence, à savoir l’interdiction de tout paiement supplémentaire résultant d’options par défaut imposées aux consommateurs. Autrement dit, les « cases pré-cochées » sur les sites web, obligeant les consomma-teurs peu attentifs à acheter une assurance d’annulation ou à opter pour une livraison expresse non souhaitée, seraient interdites.

**********

La directive fait l’objet de négociations assez intenses depuis deux ans. La portée et les effets de l’harmonisa-

tion maximale ont suscité des doutes parmi certains Etats membres au Conseil et certains membres du Parlement européen. Les associations de consommateurs se sont également montrées sceptiques quant à l’effet d’une telle harmonisation sur le niveau de protection des consom-mateurs à l’échelle nationale. Face à ce « blocage », la Vice-présidente de la Commission Viviane Reding a pro-posé de recentrer l’harmonisation sur les aspects ayant le plus d’incidence sur le fonctionnement du marché intérieur, et plus particulièrement sur les contrats à dis-tance et hors établissement. Cette idée a été reprise dans le projet de rapport sur la proposition de directive, pré-senté récemment par le rapporteur de la commission « Marché intérieur et protection des consommateurs » 17 du Parlement européen. Ainsi, le rapporteur propose notamment d’harmoniser les obligations d’informations pour les contrats à distance et hors établissement, mais pas pour les contrats conclus « en établissement ». Les chapitres II et III de la proposition seraient donc combi-nés. De la même manière, le rapporteur propose de per-mettre aux Etats membres d’ajouter, au niveau national, des clauses en plus de celles qui figurent sur les listes noire et grise. Ces clauses nationales devraient être com-muniquées à la Commission, qui aurait l’obligation de les rendre accessibles aux commerçants, par exemple via un site web établi à cette fin. Ces propositions ont reçu un accueil favorable du Conseil, dont les travaux progres-sent bien sous l’actuelle Présidence belge. Espérons que le co-législateur se mettra d’accord sur un texte dans un avenir proche, les consommateurs européens lui en seront reconnaissants.

17. Dite « commission IMCO ».

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En 2010, plus de la moitié de la population européenne est connectée à un réseau Internet haut débit 1. L’utili-sation croissante d’Internet va de pair avec l’intérêt tou-jours plus marqué dont les autorités de concurrence font montre vis-à-vis des problèmes liés à la vente en ligne ou aux agissements des entreprises dominantes sur Internet tels que Google ou Microsoft 2.

La Commission européenne a mené plusieurs études pour mieux connaître l’utilisation d’Internet par les consommateurs européens. A cette occasion, elle a pu constater que si le nombre d’achats en ligne augmente régulièrement (selon la Commission européenne, la pro-portion des acheteurs qui ont acheté au moins un article sur Internet entre 2006 et 2008 est passée de 27 à 33 %), seulement 7 % de ces achats seraient transfrontaliers 3. Au vu de ces chiffres, on comprend bien pourquoi une politique active pour le développement du commerce électronique est nécessaire, notamment dans l’optique de la construction continue du marché intérieur.

L’émergence de nouvelles problématiques en droit de la concurrence est logiquement apparue en parallèle avec le développement rapide d’Internet. Celle de la vente en ligne a été particulièrement discutée récemment, notamment lors de l’élaboration du nouveau règlement d’exemption 4 et des lignes directrices sur les restrictions verticales 5. D’autres problématiques existent, notam-ment celles liées à la superdominance d’entreprises relativement nouvelles. En clair, si les principales diffi-

cultés rencontrées pour l’appréhension d’Internet par le droit de la concurrence concernent la vente en ligne et, en particulier, la distribution sélective (I), il en existe d’autres, telles que celles liées à la définition des marchés pertinents (II) ou relatives à l’émergence de nouvelles entreprises ultradominantes susceptibles d’abuser de leur position très avantageuse (III).

La vente en LIgneI.

La vente en ligne pose des problèmes particuliers, notam-ment dans le cadre de la distribution sélective du fait de la recherche d’une image de marque. La Commission aborde cette problématique dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales (1), mais laisse de côté une partie de la question, en n’abordant pas le problème des « pure players », c’est-à-dire des revendeurs actifs unique-ment sur Internet (2).

Les solutions retenues par A. les lignes directrices dans le cadre de la distribution sélective

Ces dernières années, Internet a été un facteur de bou-leversement important dans les habitudes de consom-mation. Désormais, il est loisible à chacun de circuler sur la toile pour comparer les prix plus rapidement, sans contrainte d’horaire ou de distance. Cette nouvelle

Internet et droit de la concurrence

eric morgan de rivery*Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelleseileen Lagathu*Avocat au Barreau de Parisanne dubuisson*Juriste(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leurs

auteurs et n’engagent pas d’autres organismes ou personnes)

1. http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/refreshTableAction.do ?tab=table&plugin=0&pcode=tin00073&language=en.2. Cf. par exemple : Décision C(2008) 927 final du 11 mars 2008 dans l’affaire n° COMP/M.4731 — Google/ DoubleClick ; TPICE 17 septembre 2007, Micro-

soft c/ Commission aff. T-201/04 ; Aut. conc décision 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx.

3. Report on cross-border e-commerce in the UE, 5 mars 2009, SPEECH IP/09/354, disponible sur le site de la DG Santé et Consommateurs, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do ?reference=IP/09/354v.

4. Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE 2010 L 102 du 23 avril 2010.

5. JOUE 2010 C 130 du 19 mai 2010.

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faculté emporte nécessairement des conséquences posi-tives sur la concurrence : encouragement à la transpa-rence des prix, abaissement des coûts de transaction, diminution des frais de distribution.

Toutefois, de nombreuses questions demeurent à pro-pos de la vente en ligne, en particulier dans le domaine de la distribution sélective. Des exigences de qualité, de conseil, d’image de marque sous-tendent en effet ce type de distribution et certains fournisseurs estiment que la vente par Internet de leur produit (en général des produits de haute technologie ou de luxe) est peu com-patible avec ces exigences.

Les lignes directrices de la Commission sur les restric-tions verticales abordent ce problème de manière sim-ple : elles assimilent par principe la vente en ligne à une forme de vente passive 6, en ce qu’elle représente « un moyen raisonnable de permettre aux consommateurs d’at-teindre le distributeur » 7. En conséquence, une interdic-tion totale de revente sur Internet est considérée comme incompatible avec les règles de concurrence, puisqu’elle reviendrait à une interdiction de vente passive constitu-tive d’une restriction caractérisée 8. En clair, les ventes en ligne sont soumises aux mêmes règles que les ventes en dur.

Bien sûr, le fournisseur a le loisir d’imposer à son distribu-teur des critères pour la vente en ligne, afin de pouvoir maintenir l’image de marque qu’il souhaite construire. Mais, ces conditions doivent être globalement équivalen-tes (mais pas nécessairement identiques) à celles impo-sées pour la vente en dur. En outre, la Commission per-met au fournisseur (et c’est là l’un des principaux apports des lignes directrices concernant Internet) d’imposer à son distributeur qu’il dispose d’un point de vente physi-que « pillar and mortar », entérinant de facto la possibilité d’exclure les « pure players » du système de distribution sélective.

La question des « pure players » ne se trouve cependant traitée qu’indirectement par ce biais, ce qui n’est pas

entièrement satisfaisant, au regard des problèmes spéci-fiques qu’ils peuvent poser.

La question des « B. pure players »Le problème de la distribution sélective en ligne a déjà été abordé dans plusieurs décisions de l’Autorité de la concurrence française 9, qui a retenu des solutions simi-laires à celles retenues par la Commission dans ses lignes directrices. A ces occasions, les problèmes liés aux « pure players » avaient déjà été soulevés par les commenta-teurs, sans pour autant que ceci ne convainque la Com-mission de traiter cette problématique.

L’argumentation selon laquelle l’accès au réseau de distri-bution par des « pure players » favoriserait le parasitisme a été retenue par l’Autorité de la concurrence et par la Commission dans ses lignes directrices pour autoriser l’interdiction des « pure players ». Certains fournisseurs estiment en effet que les « pure players » profiteraient des efforts fournis par les autres distributeurs du réseau (investissement dans le magasin physique, présentation des produits, conseils etc.) sans en assumer les coûts.

Il nous semble à ce sujet opportun de souligner que si les coûts engagés par les « pure players » sont différents, ils existent pour autant. On peut mentionner notamment les coûts de développement et d’actualisation d’un site Internet répondant aux critères établis dans le contrat de distribution, les coûts de stockage, de transport, etc. De plus, si le risque que le consommateur se rende dans un magasin pour bénéficier de conseils et effectue ensuite son achat sur Internet existe bien, le risque inverse peut aussi être vérifié : l’acheteur compare les prix et se fait une première idée du produit sur Internet, avant de se rendre dans un réseau de distribution physique afin de bénéficier d’un conseil rapide et ciblé de la part d’un ven-deur spécialisé. En clair, l’argument du parasitisme peut jouer dans les deux sens. De ce fait, imposer l’existence d’un magasin en dur pourrait ne pas être justifié, et pour-rait même conduire à une interdiction totale d’une cer-

6. Avec une exception toutefois : au point 53 des lignes directrices, il est indiqué que « La Commission considère la publicité en ligne spécifiquement adressée à certains clients comme une forme de vente active à ces clients ». Dans ce cas, « une restriction à l’utilisation d’Internet par les distributeurs parties à l’accord est compatible avec le règlement d’exemption par catégorie ».

7. Lignes directrices, point 52.8. Lignes directrices, point 57.9. Voir les décisions 06-D-24 du 24 juillet 2006 relatives à la distribution des montres commercialisées par Festina ; 06-D-28 du 5 octobre 2006 relative à

des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution sélective de matériels Hi-Fi et Home cinéma ; 07-D-07 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ; 08-D-25 citée supra.

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taine forme de distribution, ce qui pourrait être contraire à la jurisprudence de la Cour de justice 10.

En conclusion, on doit continuer à s’interroger sur l’op-portunité d’aligner le régime des ventes par Internet sur celui des ventes en dur en ce qui concerne les restrictions verticales. En tout cas, dans certaines circonstances, la vente par Internet peut paraître inadaptée 11 et la déci-sion Hi-fi Home Cinéma démontre la difficulté d’une telle assimilation complète. Dans cette dernière affaire, une entreprise, qui admettait le principe de la distribution par Internet, l’interdisait pour deux types de produits de très haute gamme, qui nécessitaient des essais en bouti-que afin de pouvoir tester le son des produits. Le Conseil de la concurrence a admis un système hybride et pour le moins complexe, dans lequel la vente en ligne et la vente physique sont couplées, l’acheteur ne pouvant en l’occur-rence acheter son produit en ligne qu’après avoir obtenu un certificat délivré en magasin. Sur le fondement de tels exemples, pourquoi ne pas admettre que dans certains cas, l’assimilation de la vente par Internet avec la vente en dur n’est tout simplement pas adaptée ?

L’appréhension d’Internet par le droit de la concurrence soulève également d’autres problèmes, notamment en ce qui concerne la définition des marchés pertinents et en particulier des marchés géographiques.

La questIon des marchés II. pertInents

Les ventes en ligne présentent de nouveaux enjeux pour les praticiens et les autorités de concurrence. L’un d’entre eux est la définition des marchés pertinents, qui pour-raient obéir à d’autres règles que celles utilisées pour des produits similaires proposés sur le marché physique.

L’Autorité de la concurrence, tout comme la Commis-sion européenne, accepte parfois de considérer que le mode de distribution, notamment la vente sur Internet, est un critère de distinction des marchés de produits 12.

Pour sa part, la Commission a distingué dans le secteur de la distribution de musique enregistrée, le marché de la distribution physique et le marché de la distribution numérique 13. Toutefois, l’Autorité de la concurrence n’a pas retenu l’existence d’un marché de services d’agences de voyage en ligne distinct d’un marché plus large du marché des services d’agence de voyages prestés pour les voyages de loisir 14. La méthodologie utilisée par les autorités de concurrence pour distinguer les différents marchés est la même que pour définir les marchés phy-siques classiques, en analysant particulièrement la pro-blématique de substituabilité du côté de l’offre et de la demande.

Internet a eu un impact important sur la définition géo-graphique des marchés en cause. En effet, le commerce en ligne efface les frontières spatiales, ce qui a d’autant plus d’impact lorsque, comme c’est le cas en France, il existe de fortes contraintes réglementaires sur l’implan-tation de nouvelles surfaces commerciales 15. En règle générale, on constate lors de l’analyse de la jurispru-dence que le marché en cause est très souvent défini comme étant de dimension nationale. Ceci est dû en particulier aux contraintes de langue et de paiement qui auraient pour conséquence de cloisonner, en quelque sorte de facto, le marché à un niveau national. Ainsi, les autorités de concurrence estiment que sur le marché de la distribution de musique en ligne, les licences sont principalement octroyées par les maisons de disques aux prestataires de services de musique en ligne aux fins de l’exploitation dans les limites d’un territoire national donné. De la même manière, il a été constaté en France que les principaux labels imposent que le paiement soit effectué en utilisant un numéro de compte bancaire français. Toutes ces situations aboutissent en pratique à un renvoi systématique des internautes à la plateforme française du site concerné.

Cette situation n’a pas été à notre connaissance remise en cause directement par les autorités de concurrence. On peut cependant se demander si elle est en phase d’abord avec les objectifs de la Commission européenne

10. Voir par exemple : CJCE, 25 octobre 1977, Metro, aff. 26/76.11. Robert Saint-Esteben, Distribution, Internet et la pratique décisionnelle récente des autorités de concurrences, Concurrences n° 1-2010.12. Voir par exemple : Aut.conc, décision 09-D-06 du 9 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de

la vente de voyage en ligne, pt. 94 ; Commission européenne, décision COMP/M.3333 — Sony/ BMG, du 19 juillet 2004, points 23 et s.13. COMP/M.3333, pt 27.14. Aut. conc, 09-D-06, pt. 111.15. Anne Perrot, Table ronde : l’ouverture de la distribution sur Internet : quelles conséquences pour les réseaux ? Concurrences 3-2010.

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qui souhaite élargir la portée du e-commerce et aug-menter le nombre de ventes transfrontalières sur Inter-net et surtout avec l’établissement d’un marché commun européen. Sans grand risque d’erreur, on peut affirmer que l’évolution rapide des ventes sur Internet affectera à court terme les définitions des marchés qui sont en passe de devenir pour beaucoup d’entres eux européens voire mondiaux 16.

Finalement, on doit reconnaître qu’une définition appro-priée des marchés pertinents est d’autant plus impor-tante qu’elle constitue la base nécessaire pour établir la position dominante d’une entreprise sur un marché donné.

L’émergence d’entreprIses III. superdomInantes

Internet est un outil de communication qui s’est déve-loppé rapidement et a permis à certaines entreprises d’acquérir une position ultradominante sur leur marché. Ainsi en est-il du marché des moteurs de recherches sur Internet, que les autorités de concurrence décrivent comme caractérisé par de fortes barrières à l’entrée, du fait notamment des coûts importants de recherche et d’investissement, des exigences de notoriété, des forts besoins humains et finalement de l’absence de concur-rence potentielle 17. Pour autant, on constate que la concentration de ce marché est de plus en plus forte, avec de nombreux rapprochements entre entreprises, comme en attestent les affaires Google/DoubleClick ou Yahoo !/Microsoft.

Ces marchés sont d’autant plus spécifiques et le renforce-ment de la position dominante des acteurs présents sur ces marchés d’autant plus probable, qu’il s’agit de mar-chés bifaces, dans lesquels deux groupes d’acteurs inte-ractifs voient leurs intérêts converger. Ainsi, dans le cas de la publicité en ligne, un annonceur sera d’autant plus intéressé par les espaces publicitaires liés aux recherches d’un moteur que ce dernier sera susceptible de générer un trafic important. L’attrait devient évident, lorsqu’un moteur de recherche comme Google totalise en France environ 90 % des recherches 18.

D’une façon pas entièrement surprenante, de telles entreprises superdominantes peuvent être tentées d’abuser de leur pouvoir de marché, afin d’évincer leurs concurrents. Le retentissement de certaines de ces affai-res, du fait de la notoriété des entreprises concernées et du montant parfois très élevé des amendes, montre bien que les problèmes de concurrence sur Internet revêtent un intérêt singulier. Ainsi en va-t-il de l’affaire Microsoft, dans laquelle cette entreprise a été condam-née en 2004 19 (confirmé en 2007 20) à une amende record de 497 millions d’euros pour avoir abusé de sa position dominante en liant la vente de Windows Media Player à celles des autres logiciels du groupe.

En conclusion, l’évolution rapide qu’ont connu Internet et ses utilisations au cours de ces quinze dernières années a nécessité l’adoption d’une réglementation spécifique. Cependant, le marché de l’Internet ne cesse de se trans-former et les solutions d’aujourd’hui risquent elles-mê-mes de devoir être remises en cause si l’on veut continuer de favoriser l’utilisation d’Internet par les consomma-teurs et, partant, d’assurer une intégration toujours plus grande du marché commun.

16. COMP/M.3333 pt 41.17. Décision C(2010) 1077 du 18 février 2010 dans l’affaire n° COMP/M.5727 Microsoft/Yahoo ! Search Business, point 111 ; Aut. conc décision 10-MC-01

précitée, points 132 et s.18. Aut. conc décision 10-MC-01 précitée, point 133.19. Affaire COMP/C-3/37.792 — Microsoft.20. TPICE, aff. 201/04 précitée.

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20 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

Trouver un avocat spécialisé en droit de la famille en Espagne, consulter le registre du commerce allemand, introduire en ligne une procédure européenne d’injonc-tion de payer, s’informer via Internet de la législation européenne ou nationale en vigueur ou encore interro-ger en France, dans le cadre d’une procédure judiciaire, un témoin situé en Grèce en visioconférence, telles sont quelques illustrations des objectifs de l’« e-Justice ». Ce vocable désigne, en effet, un projet visant à faciliter l’ac-cès des citoyens à la justice dans l’Union européenne grâce à l’utilisation des technologies de l’information. Ce projet s’est matérialisé par le lancement, le 16 juillet 2010, du portail Internet e-Justice 1. Les avocats européens se sont, dès l’origine, fortement impliqués dans l’e-Justice par leur soutien et par la réalisation de projets concrets.

un engagement poLItIque fort I. de L’ue : Les textes fondateurs de L’e-JustIce

L’e-Justice s’insère dans le cadre de la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) au sein de l’Union européenne. Formalisée avec la signature du traité d’Amsterdam, le 2 octobre 1997, cette politique a notamment pour objectifs de renforcer la coopération judiciaire en matière civile et pénale au sein de l’Union européenne (UE) et de faciliter la libre circulation des citoyens européens.

L’utilisation des technologies de l’information et de la communication pouvant contribuer à la réalisation de

ces objectifs, la Commission européenne, sous l’impul-sion notamment des Etats membres réunis au sein du Conseil européen, a adopté, le 30 mai 2008, une com-munication intitulée « Vers une stratégie européenne en matière d’e-Justice » 2.

La Commission y définit précisément le « néolo-gisme e-Justice » comme « le recours aux technologies de l’information et de la communication pour améliorer l’ac-cès des citoyens à la justice et l’efficacité de l’action judiciaire entendue comme tout type d’activité consistant à régler un litige ou à sanctionner pénalement un comportement ».

Ce premier document a été suivi d’un plan d’action rela-tif à l’e-Justice européenne, publié le 7 novembre 2008, sous présidence française du Conseil de l’UE, qui détaille les actions à mener pour la période 2009-2013 3. Dans ce cadre, le Conseil a adopté le 21 mai 2010 une feuille de route initiant ce plan d’action applicable jusqu’à la fin de cette période4.

Le Parlement européen a également fait part de son avis sur l’e-Justice dans une résolution datée du 18 décembre 2008 5.

Enfin, le programme de Stockholm, qui définit la politi-que de l’UE en matière de justice pour la période 2010-2014, a consacré l’importance du rôle de l’e-Justice dans la justice de demain. Ce programme, adopté en décem-bre 2009 par les Chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-sept Etats membres rassemblés au sein du Conseil européen, reconnaît l’e-Justice comme étant « une excel-lente occasion de faciliter l’accès à la justice ».

L’e-Justice : le projet européen de justice en ligne

alain marter*Avocat au Barreau de Chambéry, Expert auprès du Comité « Droit des technologies de l’information » du CCBE, Membre du Bureau de la Confé-rence des Bâtonniers, Président d’honneur de l’UNCAemmanuel Katrakis*Collaborateur à la Délégation des Barreaux de France(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leurs auteurs et n’engagent pas

d’autres organismes ou personnes)

1. Le portail e-Justice est accessible à l’adresse suivante : https ://e-justice.europa.eu/home.do.2. Communication de la Commission européenne du 30 mai 2008 intitulée « Vers une stratégie européenne en matière d’e-Justice », COM(2008)329 final.3. Plan d’action du Conseil de l’Union européenne relatif à l’e-Justice européenne, Code document : 15315/08.4. Mise en œuvre du plan d’action relatif à l’e-Justice européenne — Feuille de route du Conseil de l’Union européenne, Cote document : 9714/1/10.5. Résolution du Parlement européen du 18 décembre 2008 contenant des recommandations à la Commission sur l’e-Justice (2008/2125(INI)).

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De ces documents, se dégagent les traits caractéristiques de l’e-Justice européenne :

– L’e-Justice s’inscrit dans une tendance caractérisée par l’introduction des technologies de l’informa-tion dans les rapports entre le citoyen et l’autorité publique. Avant même le lancement de l’e-Justice, l’Union européenne avait lancé des travaux, bapti-sés « e-Gouvernment », portant sur l’utilisation des Technologies d’Information et de Communication (TIC) dans les procédures administratives.

– L’e-Justice concerne tous les domaines du droit ; ceci nécessite une approche horizontale recouvrant à la fois le droit civil, le droit pénal et le droit administra-tif, afin d’améliorer l’accès à la justice et de renforcer la coopération entre les autorités compétentes.

– L’architecture d’e-Justice est décentralisée puisqu’il s’agit de relier entre eux des systèmes nationaux adaptés. Elle n’est réalisable que grâce à une coopé-ration entre les institutions européennes, les Etats membres et les professionnels du droit, dans le res-pect du cadre réglementaire national et européen en vigueur. A l’heure actuelle, la justice en ligne européenne n’est en effet pas fondée sur un instru-ment contraignant de droit européen. D’un point de vue technique, sa réalisation impose par consé-quent une étroite coordination entre toutes les par-ties prenantes.

– L’e-Justice doit être accessible aux citoyens, aux entreprises et aux praticiens via un site Internet uni-que. Il s’agit du portail e-Justice, lancé le 16 juillet 2010.

Les dIverses fonctIons II. de L’e-JustIce

Le plan d’action du Conseil de l’UE a clairement défini les trois fonctions essentielles de l’e-Justice, à savoir :

L’accès aux informations relevant A. du domaine de la justice

Il s’agit principalement de permettre aux citoyens euro-péens, aux entreprises et aux professionnels du droit d’accéder facilement à la législation et à la jurisprudence européenne et nationale.

La dématérialisation des procédures B. judiciaires et extrajudiciaires transfrontalières

Elle vise à permettre de communiquer électronique-ment, dans le cadre de procédures transfrontalières, avec les autorités compétentes d’autres Etats membres. A titre d’exemple, il sera possible prochainement d’effec-tuer sur le portail e-Justice des demandes en ligne, par formulaires électroniques, dans le cadre des procédures européennes d’injonction de payer européenne 6 ou de règlements de petits litiges 7.

Les communications entre autorités C. judiciaires dans le cadre de procédures transfrontalières

L’UE attache, à ce titre, une grande importance à l’amé-lioration de l’outil de la vidéoconférence afin d’accroître son utilisation. Un guide sur la visioconférence dans les procédures judiciaires transfrontières est déjà accessible sur le portail e-Justice. A un horizon plus lointain, la réa-lisation d’un système de réservation pour l’organisation de visioconférences entre juridictions des Etats membres est envisagée.

La réaLIsatIon de proJets III. concrets

Afin que l’e-Justice européenne devienne réalité, les ins-titutions européennes ont décidé de lancer un grand nombre de projets qui, pour certains, ont déjà abouti. A ce titre et sans être exhaustif, sera précisé ici l’état du

6. Règlement 1896/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer, JO L 399 du 30 décembre 2006, p. 1-32.

7. Règlement 861/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, JO L 199 du 31 juillet 2007, p. 1-22.

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22 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

portail e-Justice, point d’orgue de la justice en ligne euro-péenne, de même que les principaux projets intéressant la profession d’avocat auxquels la Délégation française auprès du Conseil des barreaux européens (CCBE) et la Délégation des Barreaux de France attachent une impor-tance particulière.

Le portail e-JusticeA. Lancé au mois de juillet 2010, ce portail, accessible en vingt-deux langues, constitue le guichet unique d’accès aux informations et aux fonctionnalités de l’e-Justice. Il permet de consulter de nombreuses informations sur le droit de l’Union et celui des Etats membres. Il renvoie également vers de multiples sites Internet d’information et de coopération judiciaire tels que « EUR-Lex », l’équi-valent du site « Legifrance » au niveau de l’UE, ou encore le Réseau judiciaire européen en matière civile et com-merciale.

On accède également par ce portail à des informations pratiques portant sur les systèmes judiciaires aux niveaux européen et national, l’aide juridictionnelle dans les dif-férents Etats membres, la formation judiciaire, les procé-dures européennes transfrontalières, le recouvrement de créances ou encore l’exécution des décisions de justice en Europe et les instruments européens y afférents.

Une rubrique du portail, dédiée aux praticiens du droit, leur permet d’accéder aux informations concernant leur profession et son exercice en Europe.

Les prochaines versions du portail, tout en le dévelop-pant, iront au-delà d’un simple contenu informatif. Elles permettront la mise en œuvre de recours à des procédu-res dématérialisées. Plus encore, un espace consacré aux professionnels du droit devrait leur permettre, sur procé-dure d’authentification, d’accéder de manière sécurisée à des fonctionnalités leur étant réservées.

Les autres principaux projets B. intéressant la profession d’avocat

La clef de voûte de la justice en ligne et des procédures dématérialisées est sans conteste l’identification et la signature électronique. Sans celles-ci, il est par exem-ple impossible d’envoyer via Internet, valablement et de

manière sécurisée, des pièces de procédures à une juri-diction située dans un autre pays européen. La Commis-sion européenne a lancé en coordination avec les Etats membres d’importants travaux à ce sujet.

La mise en œuvre du plan d’action relatif à l’e-Justice européenne prévoit également le lancement de travaux et la réalisation de projets intéressant l’exercice des avo-cats en Europe, parmi lesquels :

– La possibilité d’effectuer en ligne des demandes dans le cadre des procédures européennes d’injonc-tion de payer ou de règlement de petits litiges ;

– La mise en place d’un système de transmission et de traitement en ligne des demandes d’aide judiciaire ;

– La notification et la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires par voie électronique ;

– Le paiement en ligne des frais de procédure ;

– L’interconnexion de certains registres nationaux, tels que les registres d’insolvabilité, les registres du commerce, les registres des testaments ou encore les bases de données du casier judiciaire des Etats membres.

une ImpLIcatIon constante Iv. des avocats européens dans L’e-JustIce

Conscient de l’importance de l’e-Justice, le CCBE s’est positionné, dès la fin du mois de novembre 2008 8. Il s’est depuis doté d’un groupe de travail composé d’experts des différentes Délégations nationales.

Le CCBE est favorable à l’e-Justice dans la mesure où la justice en ligne permet de faciliter l’accès des citoyens à la justice. Les avocats européens demeurent cepen-dant vigilants, avec le souci constant que l’utilisation des technologies respecte les droits fondamentaux des justiciables, dont le droit à la protection des données personnelles. Ainsi, en matière pénale, le CCBE a fait part de réserves au sujet de l’utilisation de la visioconférence dans les procédures judiciaires et de l’interconnexion des casiers judiciaires.

8. Première mise en œuvre de la stratégie du CCBE en matière d’e-Justice, 29 novembre 2008. Document consultable à l’adresse Internet suivante : http://www.ccbe.org/fileadmin/user_upload/NTCdocument/FR_Premiere_mise_en_2_1231836210.pdf.

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Les prises de position ont été associées aux actes et les avocats européens participent à un certain nombre de projets d’e-Justice cofinancés par la Commission euro-péenne.

Etre retenu dans le cadre d’un projet suppose concrè-tement que plusieurs Délégations membres du CCBE se réunissent au sein d’un consortium. La Délégation française auprès du CCBE a, à cet égard, une démarche volontariste et s’appuie efficacement sur la Délégation des Barreaux de France.

Parmi les réalisations en cours, il est possible de citer :

– PenalNet : il s’agit d’un réseau européen de com-munication électronique sécurisée destiné aux avo-cats pénalistes 9. Il doit permettre à ses spécialistes de disposer de réseaux sécurisés de communication équivalents à ceux de la justice.

Ce projet porté par le Barreau espagnol rassemble quatre autres Barreaux : la France par l’intermédiaire du Conseil National des Barreaux, la Hongrie, l’Italie et la Roumanie. La plateforme de communication a été lancée en septembre 2009. Ce réseau doit à la fois être déployé dans son activité, s’élargir à de nouveaux Barreaux nationaux et s’enrichir d’une fonction de visioconférence cryptée.

– Fiches d’information du CCBE sur le droit des accusés dans chaque Etat membre de l’UE : ces fiches ont été rédigées par les experts nationaux des Délégations membres du CCBE. Elles seront prochai-nement accessibles via le portail e-Justice.

– L’annuaire européen des avocats du CCBE : ce projet pilote, également soutenu dès le départ par la Délégation française auprès du CCBE et ses experts, vise à créer un annuaire européen des avocats per-mettant à chaque citoyen européen de rechercher

dans sa propre langue les coordonnées d’un avocat situé dans un autre Etat membre selon des critères de recherche communs. Les Barreaux représentant treize pays, dont la France, participent à ce projet. Cet annuaire a vocation à être accessible via le por-tail e-Justice. Il s’agit d’un véritable enjeu pour la profession d’avocat, qui requiert à la fois des choix techniques conditionnés par les situations nationa-les et une réflexion stratégique quant aux données y figurant. La Délégation française auprès du CCBE, particulièrement active en ce domaine, a dû com-mencer par approfondir sa réflexion interne en y associant les représentants des différentes institu-tions hexagonales.

– Le projet Pilote A : ce projet ambitieux vise à ren-dre interopérable les systèmes d’e-Justice des Etats membres de l’UE. Principalement destiné aux auto-rités publiques nationales, le CCBE a été associé aux travaux en cours et les experts de la Délégation fran-çaise auprès du CCBE ainsi que la Délégation des Barreaux de France ont déjà eu plusieurs contacts avec les représentants de la Chancellerie.

* * **

L’e-Justice européenne n’a de sens que si elle constitue une avancée pour l’accès à la justice des citoyens euro-péens. La justice en ligne représente un défi, tant pour les institutions européennes que pour les praticiens du droit. Sa réussite repose sur un engagement constant et une étroite coopération entre, d’une part, les autorités publiques européenne et nationales et, d’autre part, les praticiens du droit. La présence et l’engagement des avo-cats sont indispensables pour permettre de garantir les droits des justiciables.

9. Le site Internet du réseau européen PenalNet est accessible à l’adresse suivante : http://www.penalnet.eu/portalPenalnet/home.do ?idioma=fr_FR.

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L’Observateur de Bruxelles®

Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

S O M M A I R E 25

POINT SUR …

S O M M A I R E

L’arrêt « Akzo » : la Cour confirme que les correspondances entre un avocat interne et son entreprise ne sont pas couvertes par la confidentialitéDominique VoillemotAvocat, Président de la Délégation des Barreaux de France

Anne-Gabrielle HaieCollaboratrice à la Délégation des Barreaux de France ..................................................................................................................................................................................................................................... 26

Les récents développements de la jurisprudence européenne dans le domaine des jeux de hasardThibault VerbiestAvocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, Chargé d’enseignement à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Geoffroy LebonJuriste, Doctorant Centre de droit du sport, Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III ........................................................................................................................................................ 31

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Pointsur …

26 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

L’« affaire Akzo » trouve son origine dans une décision de la Commission européenne du 10 février 2003 1, par laquelle elle avait ordonné aux sociétés Akzo Nobel Che-micals Ltd (ci-après « Akzo ») et Akcros Chemicals Ltd (ci-après « Akcros »), ainsi qu’à leurs filiales, de se sou-mettre à des vérifications visant à rechercher les preuves d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles. Au cours de ces vérifications, un différend était survenu entre les fonctionnaires de la Commission et les représentants des sociétés en cause concernant cinq documents qui, selon ces derniers, étaient susceptibles d’être couverts par la protection de la confidentialité des communications entre l’avocat et son client, alors que l’avocat en ques-tion était un avocat d’entreprise. Les fonctionnaires de la Commission avaient décidé de répartir ces documents en deux catégories distinctes, lesquelles avaient fait l’ob-jet d’un traitement différent.

La première catégorie, dite « série A », comprenait, d’une part, un mémorandum rédigé par le directeur géné-ral d’Akcros rapportant ses discussions avec d’autres employés afin d’obtenir un avis juridique externe dans le cadre du programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence et, d’autre part, un second exem-plaire de ce mémorandum qui comportait des annota-tions manuscrites se référant à des contacts avec un avo-cat externe, en mentionnant notamment son nom. Une copie de ces documents avait été placée dans une enve-loppe scellée, que les fonctionnaires avaient emportée.

La seconde catégorie, dite « série B », avait pour contenu, d’une part, une série de notes manuscrites du directeur

général d’Akcros rédigées à l’occasion de discussions avec des employés et utilisées en vue de la rédaction du mémorandum et, d’autre part, deux courriers électroni-ques échangés entre le directeur général et un avocat employé de manière permanente au service juridique d’Akzo mais inscrit au Barreau néerlandais. Considérant que ces documents n’étaient pas susceptibles d’être pro-tégés par la confidentialité des communications entre avocat et client, les fonctionnaires en avaient fait une copie qu’ils avaient versée au dossier.

Akzo et Akcros avaient alors introduit deux recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne. Le premier visait à obtenir l’annulation de la décision de la Commission ordonnant les vérifications (affaire T-125/03) et le second avait pour objet d’obtenir l’annulation de la décision de la Commission rejetant la demande de pro-tection, au titre de la confidentialité des communica-tions entre avocat et client, des documents de la « série B » et indiquant son intention d’ouvrir l’enveloppe scel-lée contenant les documents de la « série A » 2 (affaire T-253/03). Par un arrêt du 17 septembre 2007 3, le Tribu-nal avait rejeté le premier recours comme irrecevable et le second comme non fondé. En effet, après avoir notam-ment rappelé les principes dégagés par l’arrêt « AM & S » du 18 mai 1982 4, le Tribunal avait conclu qu’il découlait de cet arrêt que les communications entre avocat interne et client étaient expressément exclues du champ d’appli-cation de la confidentialité des communications, dans la mesure où l’avocat interne ne remplissait pas la condi-tion d’indépendance exigée, celui-ci étant lié par un rap-

1. Décision de la Commission du 10 février 2003 C (2003) 559/4 portant modification de sa décision C (2003) 85/4 du 30 janvier 2003.2. Décision de la Commission du 8 mai 2003 C (2003) 1533 final.3. Arrêt du Tribunal de première instance du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd contre Commission des Commu-

nautés européennes, affaires jointes T-125/03 et T-253/03, Recueil de jurisprudence 2007 page II-03523.4. Arrêt de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe Limited contre Commission des Communautés européennes, affaire 155/79, Recueil de jurisprudence

1982 p. 1575.

L’arrêt « Akzo » : la Cour confirme que les corres-pondances entre un avocat interne et son entre-prise ne sont pas couvertes par la confidentialité

Dominique Voillemot*Avocat, Président de la Délégation des Barreaux de France Anne-Gabrielle Haie*Collaboratrice à la Délégation des Barreaux de France(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leurs auteurs et n’engagent pas

d’autres organismes ou personnes)

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Poin

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27P O I N T S U R … • L ’ A R R ê T « A k z O »

port d’emploi avec l’entreprise pour laquelle il travaille. En outre, le Tribunal avait refusé la thèse des requérantes, selon laquelle la jurisprudence « AM & S » devait être révi-sée de manière à faire bénéficier de cette protection les échanges d’un avocat interne avec sa direction.

A la suite du rejet de leurs recours, Akzo et Akcros ont introduit un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne. Dans le cadre de ce pourvoi, le débat est plus circonscrit, dans la mesure où seuls les courriers électroniques échangés entre le directeur d’Akcros et l’avocat interne, appartenant à la « série B », sont soumis à la Cour.

La question sur laquelle la Cour est invitée à se pro-noncer est dès lors de savoir si un échange entre la direction d’une entreprise et un avocat interne employé par cette dernière peut bénéficier de la protection de la confidentialité des communications entre avocat et client. Dans cet arrêt 5, la Cour confirme les principes posés par l’arrêt « AM & S » concernant le bénéfice de la protection de la confidentialité des com-munications entre avocat et client. Elle examine ensuite l’opportunité d’une éventuelle révision de cette jurispru-dence. Enfin, elle apporte des précisions quant à l’inci-dence de l’inscription au Barreau du juriste en entreprise sur l’appréciation du critère d’indépendance.

LA ConfirmAtion i. De LA jurispruDenCe « Am & s »

Selon Akzo et Akcros, le Tribunal aurait effectué une inter-prétation et une application erronée du critère relatif à l’indépendance de l’avocat, posé par l’arrêt « AM & S ». Quelques rappels sur cet arrêt rendu par la Cour le 18 mai 1982 sont nécessaires, avant d’examiner l’application qui en ai faite dans l’arrêt « Akzo ».

Rappels sur l’arrêt « AM & S »A. Saisie d’un recours en annulation contre une décision de la Commission, la Cour avait eu l’occasion, dans le cadre de l’arrêt « AM & S », de poser le principe de la confiden-tialité des communications entre avocat et client, qui n’existait pas jusqu’alors dans l’ordre juridique de l’Union

européenne, en se fondant sur un examen des ordres juridiques nationaux. Elle en avait également dessiné les contours par l’introduction de deux critères cumulatifs, qui limitaient le bénéfice de cette protection à certaines catégories de documents et d’avocats.

Le premier, critère matériel, s’attachait à l’objet du document visé. La Cour avait affirmé qu’il devait spécifi-quement s’agir de documents échangés dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client.

Le second critère était, quant à lui, un critère person-nel relatif au statut de l’avocat. Au regard de ce cri-tère, les échanges concernés devaient émaner d’avo-cats indépendants, c’est-à-dire d’avocats non liés au client par un rapport d’emploi. La Cour avait indiqué que cette seconde condition était la résultante d’« une conception du rôle de l’avocat, considéré comme collabora-teur de la justice et appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale dont le client a besoin » et que « cette protection a[vait] pour contrepartie la discipline professionnelle imposée et contrôlée par les institutions habilitées à cette fin » 6.

C’est avec l’arrêt « Akzo » que la Cour a été amenée à réexaminer spécifiquement la question du bénéfice de la protection de la confidentialité des échanges des avo-cats internes avec leur hiérarchie.

L’application dans l’arrêt « Akzo » B. de la jurisprudence « AM & S »

Il est tout d’abord important de noter que la Cour com-mence son raisonnement par une reprise intégrale des principes dégagés par l’arrêt « AM & S ». Ce faisant, elle annonce explicitement sa volonté de s’inscrire dans la lignée de cette jurisprudence et par là même, sa volonté de la confirmer.

Le contexte jurisprudentiel et l’exigence du critère tenant à l’indépendance de l’avocat ainsi rappelés, la Cour for-mule une conclusion sans équivoque quant à la possibi-lité pour les avocats internes de prétendre au bénéfice de cette protection : « l’exigence d’indépendance impli-que l’absence de tout rapport d’emploi entre l’avocat et son client, si bien que la protection au titre du principe de la confidentialité ne s’étend pas aux échanges au

5. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd contre Commission européenne, affaire C-550/07 P, non encore publié au Recueil.

6. Arrêt « AM & S » op. cit., point 24.

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28 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

sein d’une entreprise ou d’un groupe avec des avocats internes » 7.

Selon la Cour, il n’est pas possible de considérer que l’avocat interne remplit le critère d’indépendance, dans la mesure où il existe une dépendance hiérarchique et économique de celui-ci vis-à-vis de l’entreprise qui l’em-ploie. Elle rappelle ainsi que pour bénéficier de cette pro-tection, l’avocat doit jouir d’une indépendance absolue, conformément aux principes dégagés par l’arrêt « AM & S ».

Le Cour confirme donc la décision du Tribunal, ce qui l’amène à affirmer que les requérantes ne sont pas fon-dées à invoquer une interprétation et une application erronée de la jurisprudence « AM & S ». C’est par consé-quent à bon droit que le Tribunal a conclu que les cour-riers électroniques échangés entre le directeur d’Akcros et l’avocat interne ne pouvaient bénéficier de la protec-tion des communications entre avocat et client.

Le refus D’une éVoLution ii. De LA jurispruDenCe « Am & s »

A l’appui de leur pourvoi, les requérantes appelaient la Cour à réviser la jurisprudence « AM & S », afin d’adapter celle-ci aux évolutions intervenues depuis son prononcé en 1982. A ce titre, les deux principaux arguments invo-qués par les requérantes étaient, d’une part, les modifi-cations introduites dans les différents ordres juridiques nationaux ainsi que dans l’ordre juridique européen et, d’autre part, la violation des droits de la défense et du principe de sécurité juridique.

Une révision non-justifiée au regard A. de l’évolution des ordres juridiques nationaux et européen

Dans l’arrêt « AM & S », pour établir une définition euro-péenne du principe de confidentialité des communica-tions entre avocat et client, la Cour avait procédé à un exa-men comparé de cette protection dans les différents Etats membres, afin d’en dégager les principes communs. Les requérantes invoquant l’existence de développements majeurs dans les ordres juridiques nationaux, la Cour exa-

mine l’ampleur de ceux-ci afin d’évaluer si une évolution de la jurisprudence « AM & S » s’avère nécessaire.

La Cour admet que la reconnaissance spécifique du rôle du juriste d’entreprise et que la protection de la confi-dentialité des communications avec celui-ci se trouvent, aujourd’hui, plus répandues dans les Etats membres, qu’à l’époque des faits de l’arrêt « AM & S ». Néanmoins, elle considère que ces éléments ne s’avèrent pas suffisants pour justifier une évolution de sa jurisprudence.

Elle estime, qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas de tendance uniforme, ou du moins clairement majori-taire, dans les ordres juridiques des Etats membres. Un nombre important d’Etats membres exclut toujours du bénéfice de la protection de la confidentialité les communications des juristes d’entreprise, à l’instar de la France. De plus, la Cour constate que les Etats membres qui permettent aux juristes d’entreprise de s’inscrire au Barreau, leur conférant ainsi le statut d’avocat, sont peu nombreux. La situation en vigueur aux Pays-Bas ne consti-tue donc pas une tendance prépondérante en Europe.

La Cour en conclut que « la situation juridique au sein des Etats membres de l’Union n’a pas évolué au cours des années qui se sont écoulées depuis le prononcé de l’arrêt AM & S [...] dans une mesure justifiant d’envisa-ger un développement de la jurisprudence dans le sens d’une reconnaissance, aux avocats internes, du béné-fice de la protection de la confidentialité » 8. La Cour dresse, par ailleurs, le même constat concernant le droit de l’Union européenne.

Ainsi, l’exigence d’une indépendance absolue de l’avocat pour bénéficier de la confidentialité de ses communica-tions s’avère encore aujourd’hui pertinente, compte tenu des disparités existant dans les différents Etats membres quant au statut et aux droits reconnus aux avocats inter-nes.

Une révision non justifiée B. par une éventuelle violation des droits de la défense et du principe de sécurité juridique

Pour justifier leur demande de révision de la jurispru-dence « AM & S », les requérantes faisaient également

7. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 44.8. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 76.

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29P O I N T S U R … • L ’ A R R ê T « A k z O »

valoir que les principes établis par cet arrêt étaient de nature à violer les droits de la défense. Elles estimaient que la faculté de pouvoir se faire conseiller, défendre et représenter sur la base d’un libre choix d’un conseil juri-dique, à laquelle se rattache le principe de confidentialité des communications, devait être garantie quel que soit le statut de l’avocat.

A ce titre, la Cour reconnaît que la consultation d’un avo-cat interne entre dans le champ d’application de ce droit. Néanmoins, elle considère que ce droit peut connaître certaines restrictions, sans pour autant porter atteinte aux droits de la défense. Elle rappelle, à ce titre, que des juristes d’entreprise se voient parfois priver de la possibi-lité de représenter leur employeur devant les juridictions nationales. La Cour estime que le refus de reconnais-sance de la confidentialité des communications d’un avocat interne constitue une restriction inhérente à l’exercice de cette profession, mais qu’elle ne repré-sente pas une violation des droits de la défense.

Par ailleurs, la Cour affirme que cette situation n’engendre pas une incertitude juridique pour les justiciables. Selon les requérantes, l’existence de deux régimes de protec-tion de la confidentialité distincts, à savoir le régime en vigueur au niveau national et celui en vigueur au niveau de l’Union européenne, violerait le principe de sécurité juridique, dans la mesure où la protection de la confi-dentialité dépendrait de la circonstance que la vérifica-tion soit effectuée par la Commission ou par une autorité nationale. Or, la Cour considère que les procédures de vérification en matière de concurrence procèdent d’une répartition claire de compétences, de sorte que les entre-prises faisant l’objet d’une vérification sont en mesure de déterminer leurs droits et obligations vis-à-vis des auto-rités compétentes et du droit applicable. Partant, elle affirme que « les règles relatives à la protection de la confi-dentialité des communications entre avocats et clients peu-vent, dès lors, varier en fonction de cette répartition de com-pétences » 9. Ainsi, selon la Cour, « le principe de sécurité juridique n’impose donc pas de recourir, pour les deux types de procédures […], [nationales ou européenne], à des critères identiques en ce qui concerne la confiden-tialité des communications entre avocats et clients » 10.

En outre, elle précise que le recours à des règles nationa-les, pour déterminer l’étendue des pouvoirs de la Com-mission lorsqu’elle procède à une vérification, porterait atteinte à l’unité du droit de l’Union européenne. En effet, si les règles applicables dépendaient du lieu de la vérification, les entreprises soumises à une vérifi-cation par la Commission ne bénéficieraient pas du même traitement, ce qui constituerait une violation du principe d’égalité de traitement.

Aux vues de ces considérations, la Cour conclut que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer une viola-tion des droits de la défense et du principe de sécurité. Il n’existe donc pas, de ce point de vue, de raisons justifiant une révision de la jurisprudence « AM & S ». Ainsi, l’arrêt « Akzo » constitue bien une confirmation claire de la juris-prudence « AM & S », dans la mesure où la Cour reprend les principes dégagés par celle-ci et refuse de la modifier. L’arrêt « Akzo » enrichit également cette jurisprudence, car la Cour est amenée à répondre, dans le cadre de cet arrêt, à une question qui ne lui avait pas été posée dans les circonstances de l’espèce de l’arrêt « AM & S ».

L’inCiDenCe De L’insCription iii. Au bArreAu D’un AVoCAt interne sur L’AppréCiAtion Du Critère D’inDépenDAnCe

Dans le cadre de cet arrêt récent, la Cour a été invitée à examiner une question nouvelle relative à l’incidence sur l’appréciation du critère d’indépendance de l’inscription au Barreau d’un juriste en entreprise.

La Cour souligne que si, dans de nombreux Etats mem-bres, un juriste d’entreprise n’est pas autorisé à s’inscrire à un Barreau, c’est en revanche admis dans d’autres Etats membres, tels que les Pays-Bas, Etat de l’avocat interne concerné par le cas d’espèce. Or, les requérantes faisaient valoir cette possibilité offerte aux Pays-Bas, considérant que celle-ci avait un impact sur l’appréciation de l’indé-pendance du juriste en entreprise.

La réponse de la Cour est très claire : elle considère qu’une telle inscription ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle un juriste en entreprise ne peut bénéficier de la

9. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 102.10. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 105.

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30 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

confidentialité de ses communications. En effet, si elle reconnaît que l’inscription au Barreau implique la sou-mission de l’avocat interne aux règles professionnelles, elle affirme néanmoins que cette inscription ne permet pas de considérer que l’avocat interne jouit du même degré d’indépendance vis-à-vis de son employeur qu’un avocat externe vis-à-vis de son client. La Cour fonde ce constat sur les trois éléments suivants :

– Premièrement, « il est plus difficile pour un avocat interne que pour un avocat externe de remédier à d’éventuelles tensions entre les obligations profession-nelles et les objectifs poursuivis par son client 11 ».

– Deuxièmement, la situation de salariat dans laquelle se trouve l’avocat interne « met ainsi en cause sa capacité à agir dans une indépendance profession-nelle » 12. En effet, l’existence de cette situation de subordination vis-à-vis de son employeur « ne per-met pas à l’avocat interne de s’écarter des stratégies commerciales poursuivies par [celui-ci] » 13.

– Troisièmement, la Cour estime qu’il existe des « liens étroits » 14 entre un avocat interne et son employeur, dans la mesure où ce premier peut, dans le cadre de son contrat de travail, être appelé à exercer d’autres tâches qui peuvent avoir une incidence sur la politi-que commerciale de l’entreprise. En l’espèce, l’avo-cat interne était investi de la mission de coordina-teur pour le droit de la concurrence.

Par conséquent, elle conclut qu’« il en résulte que, du fait tant de la dépendance économique de l’avocat interne que des liens étroits avec son employeur, l’avo-cat interne ne jouit pas d’une indépendance profes-sionnelle comparable à celle d’un avocat externe » 15. L’inscription au Barreau d’un avocat interne n’est par conséquent pas de nature à remettre en cause le refus

de lui reconnaître la confidentialité de ses échanges, du fait des liens étroits qu’il entretient avec son employeur et qui ont un impact sur son degré d’indépendance vis-à-vis de ce dernier.

Partant du constat qu’avocats externes et avocats inter-nes ne jouissent pas du même degré d’indépendance, la Cour relève que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer une violation du principe d’égalité de trai-tement, dans la mesure où « l’avocat interne se trouve dans une position fondamentalement différente de celle de l’avocat externe, de sorte que leurs situations ne sont pas comparables » 16. Or, la Cour rappelle qu’une violation du principe d’égalité de traitement ne peut être établie que si des situations comparables font l’objet d’un traitement différent, condition qui n’est pas remplie en l’espèce. Elle estime, en effet, que « cette différence d’indépendance conserve toute son importance, quand bien même le législateur national […] chercherait à assi-miler les avocats externes et les avocats internes » 17. Cette circonstance ne permet pas une comparaison de leurs situations respectives.

La Cour rejette donc le pourvoi introduit par Akzo et Akcros dans son ensemble. Les communications avec un avocat interne demeurent exclues du champ d’ap-plication de la protection de la confidentialité au niveau de l’Union européenne. Du fait de cette confirmation de l’arrêt « AM & S » et des apports introduits par l’ar-rêt « Akzo », il est possible de considérer que la notion de protection de la confidentialité des communications entre avocat et client est aujourd’hui clairement définie au niveau européen : cette protection n’est offerte qu’aux avocats externes à une entreprise, qui seuls jouissent de l’indépendance nécessaire vis-à-vis de leur client.

11. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 45.12. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 47.13. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 47.14. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit. point 48.15. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 49.16. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 58.17. Arrêt de la Cour du 14 septembre 2010 op. cit., point 57.

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31P O I N T S U R … • J U R I S P R U d E N c E S U R L E S J E U x d E h A S A R d

Depuis quelques années, les Etats membres ont assisté à une montée en puissance de l’industrie des jeux d’argent et de hasard qui s’est traduite par une conquête des dif-férents marchés nationaux historiquement gouvernés, pour une grande partie, par un régime de droits exclu-sifs 1. Peu enclin à libéraliser de manière spontanée ce secteur d’activité, de nombreux Etats membres se sont alors heurté à l’opportunisme d’opérateurs de jeux qui entendent se prévaloir de la « législation » européenne pour capter l’intérêt croissant des citoyens européens pour les jeux de hasard. Ceci a donné lieu a un impor-tant contentieux entre les autorités nationales des Etats membres et les opérateurs de jeux désireux d’investir leur marché.

Dès lors, les juridictions nationales ont, pour certaines, décidé de surseoir à statuer pour demander des préci-sions à la Cour de justice de l’Union européenne. En règle générale, les précisions sollicitées sont destinées à faire la lumière sur la compatibilité de la législation nationale avec les prescriptions du droit de l’Union européenne. A cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que les Etats membres disposent d’un pouvoir d’ap-préciation propre, compte tenu du caractère particulier des jeux de hasard, pour limiter, partiellement ou tota-lement, l’offre de tels jeux sur leur territoire dès lors que ces restrictions sont justifiées au titre des mesures déro-gatoires prévues par le Traité ou par des raisons impé-rieuses d’intérêt général, non discriminatoires, néces-

saires et proportionnées par rapport au but poursuivi 2. Ceci ne commande pas de commentaire particulier car il s’agit d’une règle bien connue pour toute législation restrictive d’un Etat membre. Toutefois, dans le domaine des jeux de hasard, le juge européen a ajouté un critère supplémentaire pour reconnaître le bien fondé d’une législation restrictive qui tient au fait que les restrictions adoptées doivent contribuer à limiter les activités de jeux d’une manière cohérente et systématique 3. Ce cri-tère est destiné à enrayer les politiques prohibitives de jeux d’« Etats croupier » qui ont pour particularisme de réfréner les occasions de jeux de leurs ressortissants par la mise en place de régime monopolistique tout en cau-tionnant la politique d’expansion de jeu menée par le ou les organismes investis des droits exclusifs.

Les arrêts rendus ces derniers mois dans ce domaine démontrent clairement qu’aucun revirement de juris-prudence 4 n’est à dénoter en ce qui concerne la position du juge européen. Au contraire, l’absence de remise en cause d’une législation fondée sur un monopole étati-que, résultante de certaines décisions récentes, est uni-quement le fruit d’une application constante et concrète des principes susmentionnés à la situation de l’espèce soumise au juge de Luxembourg. C’est dire que la lutte contre le protectionnisme des Etats membres n’est pas synonyme systématiquement d’harmonisation des légis-lations nationales.

Les récents développements de la jurisprudence européenne dans le domaine des jeux de hasard

thibault Verbiest*Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, Chargé d’enseignement à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)Geoffroy Lebon*Juriste, Doctorant Centre de droit du sport, Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III(* Les observations contenues dans cet article appartiennent à leur auteur et n’engagent pas

d’autres organismes ou personnes)

1. V. not. F. Merlin, Le marché international des paris sportifs en ligne (http://www.igaming-monaco.com/resources/document/Press/cp0_etude_fm_fr.pdf ).

2. Pour un état de la jurisprudence antérieure, cf. : T. Verbiest et M. Monov, « Arrêt ‘Santa Casa’ : frein ou accélérateur à la libéralisation des jeux de hasard sur Internet ? », JDE, 2009, p. 277 — T. Verbiest et M. Monov, L’arrêt ‘Santa Casa’ : frein ou accélérateur à la libéralisation du secteur des jeux de hasard sur Inter-net ? », RLDI n° 54, nov. 2009, p. 83. Adde J.-M. Rizzo, Sport et droit européen, Lamy Droit du sport, Etude 172, spéc. n° 172-240 et s. — F. Jolit et G. Simon, Jeux et loteries, Lamy Droit du sport, Etude 320, spéc. 320-135 et s.

3. CJUE, 6 nov. 2003, aff. C-243/01, Gambelli, points 67 à 69 ; CJUE, 6 mars 2007, aff. jointes C-338/04, C-359/04 et C-360-04, Placanica, points 45 et 46. V. not. JCP Europe n° 1, 2004, p. 18-19, note L. Idot ; JCP G n° 46, 2004, p. 2047-2050, note T. Verbiest et P. Reynaud ; Cah. dr. sport n° 8, 2007, p. 197-202, note G. Gil ; Cah. dr. sport n° 8, 2007, p. 185-196, note D. Poracchia.

4. Cette thèse du revirement de jurisprudence a été soutenue par certains praticiens lorsque l’arrêt Santa Casa a été rendu par la CJUE en septembre 2009.

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32 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

poLitique CoHérente i. et systémAtique De réGuLAtion Des jeux De HAsArD

Certains marchés nationaux ne semblent pas encore destinés à l’accueil des opérateurs de jeux de hasard qui ont fondé une partie de leur « business model » sur le bénéfice des libertés instituées par le droit de l’Union européenne. Tel est particulièrement le cas du marché des jeux du Portugal, des Pays-Bas et de la Suède.

Dans un arrêt remarqué du 8 septembre 2010 5, désor-mais connu sous le nom de la jurisprudence Santa Casa, la CJUE a validé la législation portugaise en ce sens que la politique restrictive poursuivie dans le domaine des jeux de hasard était parfaitement cohérente et systématique. De même, dans deux arrêts du 3 juin 2010 6, le juge euro-péen a admis la compatibilité avec le Traité de la législa-tion hollandaise en considérant notamment que la politi-que expansionniste mise en place (création de nouveaux jeux, publicité) est destinée à enrayer l’offre illégale en canalisant l’envie de jouer des consommateurs dans des circuits légaux.

Plus récemment, le juge de Luxembourg a eu l’occasion de se prononcer à propos de la législation suédoise dans un arrêt du 8 juillet 2010 7. Il a confirmé que l’exclusion des intérêts lucratifs privés du secteur des jeux de hasard, objectif fondamental de la législation suédoise, est une justification qui est de nature à fonder la compatibilité d’une réglementation nationale avec le Traité dans la mesure où il serait « inacceptable de permettre que des pro-fits privés soient tirés de l’exploitation d’un fléau social ou de la faiblesse des joueurs et de leur infortune » 8. A ce titre, la prohibition de la publicité, pour des jeux de hasard orga-nisés dans d’autres Etats membres par des opérateurs privés à des fins lucratives, à destination des résidents suédois, participe pleinement de cette politique dans un sens cohérent et systématique. Toutefois, la législa-tion suédoise est discriminatoire si la méconnaissance de cette prohibition emporte des sanctions plus sévères que celles applicables en cas de promotion des jeux de

hasard qui sont organisés illégalement sur le territoire national. Il incombe alors au juge national d’examiner si la législation sanctionne différemment ces deux incri-minations sachant que cette différence de traitement ne peut être fondée sur le fait que des sanctions identiques sont prévues dans des textes distincts. Si c’était le cas, le régime de droits exclusifs institué en Suède devrait-il pour autant être reconsidéré ?

remise en CAuse De L’institution ii. D’un réGime monopoListique ou De Droits exCLusifs

A l’instar de l’Italie 9 il y a quelques années, l’Allemagne et l’Autriche sont invités à revoir leur copie par le juge européen.

A travers trois arrêts en date du 8 septembre 2010 10, la CJUE a examiné la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de la législation allemande relative aux jeux de hasard qui présente la particularité de relever d’une compétence partagée entre les autorités régionales (Län-der) et les autorités fédérales. La juridiction européenne va condamner la législation allemande, non pas en raison de ce partage de compétence qui est sans incidence en l’occurrence, mais dans la mesure où la politique restric-tive mise en œuvre n’est pas de nature à limiter les acti-vités de jeux de manière cohérente et systématique. En effet, le juge ne conçoit pas que cette législation s’accom-pagne, d’une part, d’une politique d’expansion des jeux de hasard non couverts par un monopole qui présentent, en outre, un potentiel de risque d’addiction plus élevé et, d’autre part, de campagnes publicitaires intensives réa-lisées par l’organisme public en situation de monopole dans le domaine des loteries et des paris sportifs. Ces deux facteurs ont inévitablement pour conséquence la sensibilisation et l’encouragement des consommateurs à participer activement au jeu en vue d’accroître considé-rablement les recettes qui en sont issues et qui servent au demeurant à financer essentiellement des activités sociales, culturelles ou sportives.

5. CJUE, 8 sept. 2009, aff. C-42/07, Santa Casa, notes T. Verbiest et M. Monov, op. cit.6. CJUE, 3 juin 2010, aff. C-203/08, Sporting Exchange Ltd et aff. C-258/08, Ladbrokes, JCP Europe n° 8, 2010, p. 20, note D. Simon ; JCP G n° 25, 2010, p. 1301,

note F. Picod ; RLDI n° 62, 2010, p. 55-57, note L. Costes.7. CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-447/08 et C-448/08, Otto Sjöberg, Anders Gerdin.8. Point 43 de l’arrêt Otto Sjöberg, Anders Gerdin, op. cit.9. CJUE, Gambelli, préc. ; CJUE, Placanica, op. cit.10. CJUE 8 sept. 2010, aff. C-46/08 Carmen Media Group Ltd ; aff. C-316/07 Markus Stoß ; aff. 409/06 Winner Wetten GmbH.

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33P O I N T S U R … • J U R I S P R U d E N c E S U R L E S J E U x d E h A S A R d

Par ailleurs, la CJUE n’admet pas, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, que la législation allemande, alors incompatible avec le Traité, puisse continuer à s’ap-pliquer pendant une période transitoire durant laquelle sa mise en conformité serait opérée 11.

En revanche, comme c’est le cas en Allemagne, le fait que les jeux de hasard et d’argent ne soient pas tous soumis à une même fiscalité ne contrevient pas au règles de l’Union européenne puisque « l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que l’exercice de la faculté dont disposent les Etats membres pour fixer des conditions et limi-tes à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par cette disposition permet à ceux-ci de n’exonérer de cette taxe que certains jeux de hasard ou d’argent » 12.

Outre l’Allemagne, la législation autrichienne a éga-lement été stigmatisée par le juge de Luxembourg 13. D’abord, la législation autrichienne institue une discri-mination qui n’est pas justifiée au regard des règles du Traité en réservant le droit d’exploiter des jeux de hasard, dans les établissements de jeux, aux seuls opérateurs qui possèdent leur siège sur le territoire autrichien. Ensuite, les autorités autrichiennes ont procédé à l’octroi, sans mise en concurrence, de la totalité des concessions d’ex-ploitation d’établissement de jeux ce qui contrevient au principe de libre prestation de service et de libre établis-sement. Pour rappel, seul l’octroi de droits exclusifs dans le domaine des jeux de hasard à un opérateur public sou-mis à une surveillance directe de l’Etat ou à un opérateur privé soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics permet de passer outre les obligations afférentes à une procédure de sélection (transparence, égalité, non-dis-crimination) 14.

En conséquence, ce panorama de jurisprudence conduit à se demander s’il faut s’attendre à une instauration future d’une législation « cohérente et systématique », à l’échelle européenne, dans le domaine des jeux de hasard.

Vers une HArmonisAtion iii. proCHAine DAns Le DomAine Des jeux De HAsArD : iLLusion ou réALité ?

En 1992, la Commission s’était penchée sur l’opportu-nité d’harmoniser les législations nationales en matière de jeux de hasard et avait dû s’en remettre au refus du Conseil européen de « légiférer » en la matière en vertu du principe de subsidiarité 15. Ceci s’est traduit notam-ment par la mise en place de la Directive « services » 16, dont la date de transposition était fixée au plus tard au 28 décembre 2009, qui exclut formellement de son champ d’application les activités de jeux d’argent, y compris les loteries et paris 17.

Aujourd’hui, cette possibilité d’harmonisation semble encore du domaine de l’utopie surtout lorsque nous savons que la jurisprudence de la CJUE s’appuie sur cette absence d’harmonisation pour motiver en particulier ses décisions qui traitent des jeux en ligne.

En effet, il n’est plus rare de voir la CJUE affirmer que, en l’absence d’harmonisation européenne dans le secteur des jeux de hasard sur Internet, un Etat membre est donc en droit de considérer que le seul fait qu’un opérateur propose légalement des services relevant de ce secteur par Internet dans un autre Etat membre, où il est établi et où il est en principe déjà soumis à des conditions légales et à des contrôles de la part des autorités compétentes de ce dernier Etat, ne saurait être considéré comme une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité. En outre, en raison du manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, les jeux de hasard acces-sibles par Internet comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux.

Il est courant de la voir en déduire que l’article 49 CE (nouvel article 56 TFUE) ne s’oppose pas à une réglemen-

11. CJUE, Winner Wetten GmbH, op. cit.12. CJUE 10 juin 2010, aff. C-58/09 Leo-Libera GmbH.13. CJUE 9 sept. 2010, aff. C-64/08 Engelmann.14. T. Verbiest, M. Monov et P. Pelletier, Arrêts « Ladbrokes » et « Sporting Exchange » : de nouvelles limites à la portée des libertés fondamentales en matière de jeux

de hasard, JDE, à paraître.15. J.-M. Rizzo, Sport et droit européen, op. cit., spéc. n° 172-240.16. Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.17. Article 2.2.h) de la Directive 2006/123/CE op. cit.

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Pointsur …

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tation d’un Etat membre qui interdit à des opérateurs établis dans d’autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par Internet sur le territoire dudit Etat mem-bre.

En conséquence, eu égard à la marge d’appréciation octroyée aux Etats et à l’absence de toute harmonisation européenne en la matière, une obligation de reconnais-sance mutuelle des autorisations délivrées par les divers Etats membres ne saurait exister au regard de l’état actuel du droit de l’Union 18.

Ainsi, depuis peu, la jurisprudence de la Cour semble délaisser le principe de reconnaissance mutuelle au pro-fit du principe de reconnaissance conditionnelle selon

lequel l’Etat d’accueil, lors de la procédure d’attribution des droits exclusifs sur son territoire aux différents opé-rateurs, doit prendre en considération les conditions déjà remplies par l’opérateur de jeux de hasard en ligne dans son Etat d’origine, ce qui ne fait cependant pas obstacle à la liberté de chaque Etat membre d’imposer des condi-tions plus strictes pour l’exercice de telles activités sur son territoire 19.

Autant dire qu’il est désormais conseillé de procéder, avant l’entrée d’un opérateur sur un marché national de jeux en ligne, à une analyse juridique de la législation applicable qui pourra parfaitement être couplée à l’étude de marché qui est généralement effectuée. Le droit de l’Union européenne ne permettant plus, à lui seul, d’in-vestir le marché tout azimut !

18. Point 112 de l’arrêt Markus Stoß, op. cit.19. T. Verbiest et M. Monov, L’arrêt ‘Santa Casa’ : frein ou accélérateur à la libéralisation du secteur des jeux de hasard sur Internet ? », op. cit.

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L’Observateur de Bruxelles®

Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

S O M M A I R E 35

Actualité du droit de l’Union européenneSOMMAIRE

Banque ....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 37

Directive OPCVM 2009/65/CE, Mesures d’exécution ................................................................................................................................................................................. 37

Concurrence ................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 37

Abus de position dominante, Vérifications d’engagement pris par une société, Droit d’être entendu, Pouvoirs de la Commission ........................................................................................................................................................................................................................................................................ 37

Aide d’Etat, Etendue du contrôle juridictionnel ................................................................................................................................................................................................. 38

Entente, Lafarge, Confirmation de l’amende .......................................................................................................................................................................................................... 39

Entente, Secteur des plaques en plâtre ............................................................................................................................................................................................................................... 40

Abus de position dominante, Astra Zeneca ................................................................................................................................................................................................................ 41

Aide d’Etat, France, Service public de la radiodiffusion, Difficultés sérieuses ......................................................................................... 43

Consommation ..................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 44

Protection des consommateurs, Services financiers ................................................................................................................................................................................. 44

Contrats ................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 44

Droit européen des contrats .................................................................................................................................................................................................................................................................... 44

Droits fondamentaux ......................................................................................................................................................................................................................................................................... 45

Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ............................................................................................................................................................. 45

Protocole 14 de la Convention EDH, Première mise en œuvre ................................................................................................................................................ 46

Droit général de l’Union européenne ..................................................................................................................................................................................................... 47

Action en responsabilité, Répartition de compétences ........................................................................................................................................................................ 47

Environnement .................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 48

France, Directive sur la gestion des déchets de l’industrie extractive, Non-transposition, Recours en manquement ............................................................................................................................................................................................................................................................................... 48

Finances .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 48

Gouvernance économique, Instruments de renforcement ............................................................................................................................................................ 48

Fiscalité .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 49

TVA, Simplification des règles de facturation ........................................................................................................................................................................................................ 49

Fiscalité dans l’Union européenne, Tendances en 2010 ..................................................................................................................................................................... 50

Directive « mère-filiale », Notion de retenue à la source .................................................................................................................................................................... 50

Rémunération en bons d’achats, Régime TVA ....................................................................................................................................................................................................... 52

Institutions ..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 52

Accès aux documents des institutions, Procédures de contrôle des aides d’Etat, Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête ............................................................................................................. 52

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Accès aux documents des institutions, Portée de la protection des données personnelles ............................................ 53

Justice, Liberté et Sécurité ................................................................................................................................................................................................................................................... 55

Procédures pénales, Droit à l’information ................................................................................................................................................................................................................... 55

Question prioritaire de constitutionnalité, Demande préjudicielle, Contrôles d’identités aux frontières, Liberté de circulation ..................................................................................................................................................................................................................................... 55

Déplacement illicite d’enfant, Compétence, Exécution ........................................................................................................................................................................ 57

Liberté d’établissement ............................................................................................................................................................................................................................................................... 58

Profession de notaire, Condition de nationalité ............................................................................................................................................................................................... 58

Marché intérieur .............................................................................................................................................................................................................................................................................................. 59

Groupe des régulateurs européens dans le domaine des services postaux .................................................................................................. 59

Avenir du commerce électronique dans le marché intérieur, Mise en œuvre de la directive commerce électronique .................................................................................................................................................................................................................................................................................... 59

Marchés publics ................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 60

Marché public de travaux, Entrepreneur d’un autre Etat membre, Obligation d’enregistrement fiscal ...................................................................................................................................................................................................................................................................................... 60

Profession ......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 61

France, Aide juridictionnelle, Taux réduit de TVA ........................................................................................................................................................................................... 61

Avocats, Honoraires, Obligation de respect de tarifs maximaux ...................................................................................................................................... 62

Propriété intellectuelle ................................................................................................................................................................................................................................................................. 63

Brevet unique européen, Régime de traduction ................................................................................................................................................................................................ 63

Brevet, Protection juridique des interventions biotechnologiques ............................................................................................................................. 63

Marque communautaire antérieure, Certificat de renouvellement, Délai imparti par l’OHMI pour apporter des preuves ......................................................................................................................................................................................................................................................................... 64

Recevabilité d’un recours devant la chambre de recours de l’OHMI, Irrégularité de l’acte de recours ...... 65

Sécurité sociale ................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 66

Soins hospitaliers nécessaires et inopinés effectués dans un autre Etat membre, Remboursement ............ 66

Social .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 67

Egalité entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, Renforcement de la protection ........................................................................................................................................................................................................................................................... 67

Retraites, Livre vert ................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 67

Travail à temps partiel, Calcul des retraites, Non-discrimination ................................................................................................................................... 68

Travailleuses enceintes, Dispense ou affectation à un autre poste, Maintien des primes et indemnités .. 69

Sociétés .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 70

Transfert d’entreprise, Autonomie de l’entité transférée, Représentants des travailleurs ............................................. 70

Télécommunications ............................................................................................................................................................................................................................................................................ 71

Portabilité des numéros de téléphone, Autorités réglementaires nationales, Redevance à caractère dissuasif, Prise en considération des coûts ....................................................................................................................................................................... 71

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BanqueDirective OPCVM 2009/65/CE, Mesures d’exécution

Directives et règlementsLa Commission européenne a publié, le 10 juillet 2010, les mesures d’exécution de la nouvelle directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (ci-après « OPCVM »). Ces mesures d’exécution se com-posent de quatre textes adoptés le 1er juillet 2010. Il s’agit de :

la directive 2010/43/UE portant sur l’organisation de –la société de gestion et sur ses relations avec le dépo-sitaire,la directive 2010/42/UE portant sur les fusions –d’OPCVM, les structures maître/nourriciers et la mise en commun par les autorités compétentes de chaque Etat membre des dispositions nationales en matière de commercialisation de parts d’OPCVM,le règlement 583/2010/UE portant « sur le document –d’informations clés » destiné aux investisseurs,le règlement 584/2010/UE portant sur les relations –entre les autorités compétentes de chaque Etat membre.

•  La directive 2010/43/UE vise à renforcer l’harmoni-sation de l’organisation des sociétés de gestion euro-péennes qui peuvent déjà commercialiser les produits coordonnés dans l’Union européenne et qui pourront, dès le 1er juillet 2011, gérer directement un OPCVM euro-péen établi dans un autre pays que le sien.

• La directive 2010/42/UE détaille certaines mesures de protection des investisseurs lors des opérations de fusion ou dans le cadre du schéma OPCVM maître/nourriciers, et organise les relations entre les différents acteurs de ces OPCVM.

• Le règlement 583/2010/UE précise les modalités d’éta-blissement du « document bref contenant les informa-tions clefs pour l’investisseur » appelé couramment « KID » et prévu à l’article 78 de la nouvelle directive OPCVM. Ce règlement a été accompagné de deux recommandations du Comité européen des régulateurs de bourse datées également du 1er juillet 2010 concernant le calcul des frais et l’appréciation du risque global de l’OPCVM à indi-quer dans le KID.

• Le règlement 584/2010/UE définit enfin les documents et procédures types à utiliser pour la transmission élec-tronique dans le cadre des procédures de notification, utilisées par un OPCVM lorsqu’il souhaite accéder au marché d’un autre Etat membre. Il fixe également les

procédures communes visant à renforcer la coopération en matière de surveillance des activités transfrontalières des gestionnaires.

(JOUE L 176, du 10 juillet 2010)

ConcurrenceAbus de position dominante, Vérifications d’engagement pris par une société, Droit d’être entendu, Pouvoirs de la Commission

Arrêt de la CourSaisie d’un pourvoi introduit par la Commission euro-péenne visant à obtenir l’annulation d’un arrêt du Tribu-nal de l’Union européenne (affaire T-170/06) annulant la décision de la Commission rendant contraignants les engagements pris par la société De Beers SA (ci-après « De Beers ») de cesser ses achats de diamants bruts à Alrosa Company Ltd (ci-après « Alrosa »), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur les pouvoirs de la Commission en matière de vérification d’engagement pris par des sociétés et sur les droits de la défense de la société tierce subissant cet engagement.

Les sociétés Alrosa et De Beers sont actives sur le marché mondial de la production et de la fourniture de dia-mants bruts, sur lequel elles occupent respectivement le deuxième et le premier rang. En 2002, elles avaient convenu un accord selon lequel Alrosa s’engageait à vendre à De Beers des diamants bruts à hauteur de 800 millions de dollars américains par an tandis que De Beers s’engageait à les lui acheter. Cet accord avait été notifié à la Commission, qui avait ouvert contre les deux sociétés une procédure fondée sur l’article 81 CE (nouvel article 101 TFUE) interdisant les accords anticoncurren-tiels et une procédure fondée sur l’article 82 CE (nouvel article 102 TFUE) interdisant les abus de position domi-nante dirigée contre De Beers.

En réponse à l’ouverture de ces procédures, les deux sociétés avaient proposé à la Commission des engage-ments tendant à la réduction progressive des ventes de diamants bruts d’Alrosa avait De Beers pour une valeur de 275 millions de dollars en 2010 et un plafonnement à ce montant. La Commission avait refusé d’entériner ces engagements. La société De Beers avait ensuite présenté individuellement des engagements prévoyant la réduc-tion progressive des ventes de diamants bruts d’Alrosa à De Beers pour arriver à une valeur de 400 millions de dollars en 2008 puis à leur suppression subséquente. Le 22 février 2006, la Commission avait adopté une décision rendant obligatoires les engagements proposés par De Beers.

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La société Alrosa avait saisi le Tribunal d’un recours en annulation de cette décision. Par un arrêt du 11 juillet 2007, le Tribunal avait annulé la décision de la Commis-sion considérant qu’elle ne respectait ni le principe de proportionnalité qui devait être retenu pour examiner les engagements, ni le droit pour Alrosa d’être entendu sur les engagements individuels proposés par De Beers. La Commission a formé un pourvoi devant la Cour à l’en-contre de cet arrêt reprochant au Tribunal d’avoir adopté une interprétation et une application erronées du prin-cipe de proportionnalité et du droit d’être entendu.

•  La Cour rappelle que l’obligation pour la Commis-sion d’assurer le respect du principe de proportion-nalité a une portée et un contenu différents selon la procédure suivie. Dans le cadre de la procédure par laquelle la Commission peut obliger par voie de déci-sion les entreprises à mettre fin à une infraction, le principe de proportionnalité doit être observé. En revanche, dans le cadre de la procédure tendant à l’acceptation par la Commission des engagements des entreprises concernées, son rôle est limité à la vérification que ces engagements répondent aux problèmes identifiés.

En l’espèce, la Commission n’avait donc pas à examiner la proportionnalité des engagements mais uniquement à vérifier s’ils évitaient un abus de position dominante. Le contrôle juridictionnel effectué par le Tribunal ne pouvait donc porter que sur le point de savoir si l’appréciation de la vérification à laquelle s’était livrée la Commission était manifestement erronée. La Cour en conclut que le Tribu-nal a commis une erreur de droit en considérant que la décision de la Commission était disproportionnée par rapport au but poursuivi.

• La Cour constate, concernant le droit pour Alrosa d’être entendu, que deux procédures distinctes ont été enga-gées par la Commission, l’une au titre de l’article 81 CE et l’autre en vertu de l’article 82 CE. Elle souligne que la société Alrosa aurait pu bénéficier de la qualité d’« entre-prise concernée » dans le cadre de la procédure tendant à lutter contre les accords anticoncurrentiels mais ne pouvait se prévaloir de cette qualité dans la procédure de l’article 82 CE dirigée uniquement contre la société De Beers. Dans cette seconde procédure, les droits d’Alrosa étaient limités à ceux d’un tiers intéressé. La Cour estime donc que le Tribunal a interprété de manière erronée la portée du droit d’Alrosa d’être entendue en considérant que la procédure était unique et que cette société devait bénéficier, en tout état de cause, des droits offerts à l’en-treprise concernée.

La Cour conclut donc qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

(Arrêt du 29 juin 2010, Commission européenne / Alrosa Company Ltd, aff. C-441-07)

Aide d’Etat, Etendue du contrôle juridictionnel

Arrêt de la CourSaisie d’un pourvoi introduit par la Commission euro-péenne visant à obtenir l’annulation d’un arrêt du Tribu-nal de l’Union européenne (affaire T-366/00) annulant partiellement la décision de la Commission concernant l’aide d’Etat mise à exécution par la France en faveur de la société Scott Paper SA / Kimberly-Clark (ci-après « Scott »), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’étendue du contrôle juridictionnel exercé sur l’appréciation de la Commission dans une procédure d’examen d’une aide d’Etat.

En l’espèce, Scott est une société américaine productrice de papier à usage sanitaire et domestique. En 1987, en vue de permettre l’implantation d’une filiale de Scott, le département du Loiret et la ville d’Orléans avaient, aux termes d’une convention, confié la mission de réa-liser l’ensemble des études et des travaux nécessaires à l’aménagement des terrains requis pour cette implan-tation à la société d’économie mixte pour l’équipement du Loiret (ci-après la « Sempel »). En outre, par cette convention, il avait été convenu que la ville d’Orléans et le département du Loiret s’engageaient à financer les coûts d’aménagement du site. A la fin de l’année 1987, la Sempel avait vendu à Scott une partie des terrains aménagés à un prix préférentiel. Cette vente n’avait pas fait l’objet d’une notification à la Commission au titre du régime des aides d’Etat. A la suite du rapport de la Cour des comptes française pour l’année 1996 commentant la cession du terrain à Scott, la Commission avait été saisie d’une plainte et avait décidé, en mai 1998, d’ouvrir la procédure relative à l’examen des régimes d’aides prévue par l’article 88 §2 CE (nouvel article 108 TFUE). Par une décision du 12 juillet 2000, la Commission avait considéré que l’aide d’Etat en faveur de Scott, consistant en la vente d’un terrain et en une redevance d’assainis-sement à un prix préférentiel, était incompatible avec le marché commun et avait, par conséquent, ordonné la restitution des sommes illégalement versées. Scott avait dès lors saisi le Tribunal en vue d’obtenir l’annulation partielle de cette décision de la Commission. Par un arrêt du 29 mars 2007, le Tribunal avait conclu que la Com-mission avait violé son obligation de mener, de manière diligente, la phase d’examen visée à l’article 88 §2 CE et annulé l’article 2 de la décision litigieuse. La Commission a formé un pourvoi devant la Cour à l’encontre de cet arrêt, reprochant au Tribunal d’avoir outrepassé ses pré-rogatives dans l’exercice de son contrôle juridictionnel en jugeant qu’elle avait contrevenu à son obligation de diligence pour déterminer la valeur de marché du terrain litigieux et, par conséquent, le montant de l’aide d’Etat litigieuse.

• La Cour rappelle que si le juge de l’Union est com-pétent pour contrôler l’interprétation effectuée par

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la Commission dans son évaluation des données de caractère économique, en revanche il ne lui appar-tient pas, dans le cadre de ce contrôle, de substituer son appréciation économique à celle de la Commis-sion. En effet, le contrôle juridictionnel exercé sur les appréciations économiques faites par la Commission est un contrôle restreint, qui se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’ab-sence d’erreur manifeste d’appréciation et de détour-nement de pouvoir.

• S’agissant du choix de la méthode des coûts et de l’évaluation de la valeur de marché du terrain liti-gieux non aménagé, la Cour constate que le Tribunal a outrepassé les limites de son contrôle juridiction-nel, dans la mesure où il s’est simplement borné à statuer que, en ayant préféré la méthode des coûts, la Commission avait contrevenu à son obligation de dili-gence sans démontrer que les éléments ainsi ignorés auraient pu conduire à une appréciation différente quant à l’évaluation du montant de l’aide. Elle relève, par ailleurs, que le Tribunal n’a identifié aucune erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la méthode et dans son application.

•  S’agissant de l’évaluation de la valeur de marché des aménagements réalisés sur le terrain, la Cour considère que le Tribunal n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de la valeur de marché du terrain litigieux et de ses aménagements et qu’il a par conséquent outrepassé les limites de son contrôle en considérant, sur le fondement des faits qu’il a constatés, que la Commission avait, dans son examen de la valeur de marché du terrain litigieux, violé son obligation de diligence.

• La Cour considère, par ailleurs, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que, en fonction des élé-ments de preuve dont elle disposait lors de l’adoption de la décision litigieuse, la Commission avait contrevenu à son obligation de diligence pour la simple raison que, d’une part, elle n’a demandé ni à Scott, ni aux autorités françaises de produire les évaluations du terrain litigieux auxquelles ces dernières se contentaient de faire réfé-rence pour remettre en cause l’évaluation retenue par la Commission et, d’autre part, elle n’a pas procédé à la réouverture de la procédure d’examen.

La Cour conclut qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, dans la mesure où le Tribunal a jugé que la Commission avait violé son obligation d’examen diligent et impartial, et décide de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

(Arrêt du 2 septembre 2010 Commission européenne / Scott SA, aff. C-290/07)

Entente, Lafarge, Confirmation de l’amende

Arrêt de la CourSaisie d’un pourvoi tendant à l’annulation d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne (affaire. T-54/03) confirmant la décision de la Commission européenne qui condamnait l’entreprise Lafarge (ci-après « la requé-rante ») au paiement d’une amende de 249,6 millions d’euros, la Cour de justice de l’Union européenne a rejeté le recours.

La Commission avait infligé, par décision du 27 novem-bre 2002, une amende d’un montant total de 478 mil-lions d’euros aux entreprises Lafarge, Gyproc, BPB et Knauf pour leur participation à une entente sur le marché des plaques en plâtre. Ces entreprises avaient participé à une infraction unique et continue qui s’est manifestée notamment par des échanges d’informations relatives aux volumes de vente, des concertations sur les hausses de prix et des réunions visant à la répartition ou la stabi-lisation des marchés de plaques en plâtre en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et au Benelux entre 1992 et 1998.

L’entreprise Lafarge avait introduit devant le Tribunal un recours en annulation à l’encontre de la décision liti-gieuse. A titre subsidiaire, elle avait demandé au Tribu-nal de réduire l’amende qui lui a été infligée. Le Tribunal ayant confirmé la décision de la Commission, l’entreprise a ensuite formé un pourvoi devant la Cour tendant à l’an-nulation de cet arrêt.

S’agissant plus particulièrement de la contestation relative à la majoration de l’amende au titre de la réci-dive, la requérante soutient d’une part, que le Tribunal a violé le principe nulla poena sine lege en considérant que la Commission disposait d’une base juridique pour majorer l’amende au titre de la récidive et que, d’autre part, le Tribunal a violé le principe général de sécurité juridique en considérant que la Commission pouvait constater l’existence d’une récidive sans limitation dans le temps.

• Sur l’allégation de violation du principe nulla poena sine lege :

Selon la requérante, une peine ne pourrait être aggra-vée au titre de la récidive que dans les cas et dans les conditions strictement prévues par la loi. Or, le règle-ment 17/62/CEE (ci-après « le règlement ») n’habiliterait pas la Commission à augmenter les amendes pour réci-dive.

La Cour rappelle qu’une telle majoration répond à l’im-pératif de réprimer les manquements répétés aux règles de concurrence par une même entreprise et que celle-ci se fonde sur l’article 15 §2 du règlement. En effet, en vertu de cette disposition, la durée et la gravité de l’infraction doivent être prises en considération pour

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déterminer le montant de l’amende. Une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en consi-dération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause.

En conséquence, la Cour estime que l’article 15 §2 du règlement constitue la base juridique pertinente pour la prise en considération d’une récidive lors du calcul de l’amende.

• Sur l’allégation de violation du principe général de sécurité juridique :

Selon la requérante, le Tribunal aurait par ailleurs violé le principe général de sécurité juridique, en ce qu’il aurait considéré que la Commission pouvait constater l’existence d’une récidive sans limitation dans le temps. Elle invoque, à ce titre, un principe général commun aux droits des Etats membres, selon lequel la loi fixerait, pour l’application de la récidive, un délai maximal entre le moment où a été commise l’infraction examinée et une éventuelle condamnation antérieure. L’entreprise Lafarge estime par ailleurs qu’eu égard à la nature et au degré de sévérité des sanctions en droit de la concur-rence, ces sanctions relèvent de la « matière pénale » au sens de l’article 6 de la Convention EDH. Elle se réfère à la jurisprudence de la Cour EDH.

La Cour relève que, s’il n’existe pas dans la régle- –mentation de l’Union en matière du droit de la concurrence, un délai prédéterminé au-delà duquel une récidive ne saurait être prise en compte, le droit de l’Union n’autorise pas, pour autant, la Commission à en tenir compte sans limitation dans le temps. Selon la Cour, toute majoration au titre de la récidive doit être conforme au principe de proportionnalité qui exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un pré-cédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles.La Cour estime que, étant donné que l’entreprise Lafarge avait déjà fait l’objet de mesures antérieu-res de la Commission et que sa filiale a néanmoins continué à participer activement à l’entente en cause jusqu’en 1998, soit pendant quatre ans après la notification de cette décision, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que le principe de sécurité juridique n’était pas violé.

Concernant l’argument relatif au caractère pénal –des sanctions infligées par la Commission en droit de la concurrence, la Cour juge que celui-ci ne saurait prospérer. Elle considère que, même dans l’hypothèse où les sanctions infligées par la Commission dans le cadre du droit de la concur-rence devraient être considérées comme rele-vant de la « matière pénale » au sens de l’article 6 de la Convention EDH, la requérante ne démon-tre pas en quoi le Tribunal aurait violé son droit

à un procès équitable tel que consacré par ledit article.

En conséquence, la Cour confirme l’arrêt du Tribunal et le montant de l’amende infligée à l’entreprise Lafarge.

(Arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge SA / Commission européenne, aff. C-413/08 P)

Entente, Secteur des plaques en plâtre

Arrêt de la CourSaisie d’un pourvoi tendant à l’annulation d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne (affaire. T-52/03) confir-mant la décision de la Commission européenne condam-nant l’entreprise Knauf Gips KG au paiement d’une amende de 85,8 millions d’euros, la Cour de justice de l’Union européenne a annulé l’arrêt du Tribunal, a rejeté le pourvoi pour le surplus et a statué elle-même définiti-vement sur le litige.

Par décision du 27 novembre 2002, la Commission avait infligé une amende d’un montant total de 478 millions d’euros aux entreprises Knauf Gips KG, Lafarge, Gyproc, et BPB pour leur participation à une entente sur le marché des plaques en plâtre. Ces entreprises avaient participé à une infraction unique et continue, qui s’était notamment manifestée par des échanges d’informations relatives aux volumes de vente, des concertations sur les hausses de prix et des réunions visant à la répartition ou la stabi-lisation des marchés de plaques en plâtre en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et au Benelux entre 1992 et 1998. L’entreprise Knauf Gips KG avait dès lors introduit un recours en annulation de la décision litigieuse devant le Tribunal.

Le Tribunal ayant confirmé la décision de la Commis-sion, l’entreprise a ensuite formé un pourvoi devant la Cour tendant à l’annulation de cet arrêt. Selon l’entre-prise Knauf Gips KG, le Tribunal aurait enfreint l’article 15 du règlement 17/62/CEE (ci-après « le règlement ») en concluant, d’une part, à l’existence d’une unité écono-mique entre elle et les autres sociétés détenues par la famille Knauf (ci-après « le groupe Knauf ») et d’autre part, en lui imputant la responsabilité des agissements de celle-ci.

• La Cour rappelle, tout d’abord, qu’en ce qui concerne l’existence d’une unité économique, le droit de la concurrence vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise comprend toute entité exer-çant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridi-que, cette unité économique est constituée de plu-sieurs personnes morales ou physiques.

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•  La Cour affirme ensuite que l’existence d’une entité économique peut être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolé-ment, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité. Afin de déterminer s’il existe une unité économique entre l’entreprise Knauf Gips KG et les autres sociétés détenues par la famille Knauf, la Cour a examiné les éléments suivants :

les associés des sociétés sont les mêmes ; –

il existe un contrat familial qui a pour objet d’assurer –une direction et une gestion unique des sociétés du groupe Knauf et qui doit garantir un exercice uni-que et concentré des droits des sociétés dans l’en-semble du groupe ;

la société Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft –KG (ci-après « GKV ») détient des participations dans plusieurs sociétés actives sur le marché des plaques en plâtre contrôlées par le groupe Knauf ;

l’ensemble des chiffres de ventes de la requérante –dans le cadre de l’infraction en cause se rapportait à l’ensemble des sociétés du groupe Knauf ;

l’entreprise Knauf Gips KG a transmis la totalité du –chiffre d’affaires du groupe Knauf.

Sur la base de ce faisceau d’éléments, la Cour conclut que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les sociétés appartenant au groupe Knauf consti-tuent une unité économique.

• S’agissant de l’imputation à la requérante de la respon-sabilité des agissements des sociétés du groupe Knauf, le Tribunal a constaté que l’entreprise Knauf Gips KG s’est présentée, lors de la procédure administrative, comme seul interlocuteur de la Commission et n’a contesté cette qualité à aucun moment de ladite procédure administra-tive. Selon lui, il incombait à la requérante de démontrer, au cours de la procédure administrative, que l’infraction commise par le groupe Knauf ne lui était pas imputable, sous peine de ne plus pouvoir le faire plus tard. La Cour relève que, s’agissant de l’application des articles 81 et 82 CE (nouveaux articles 101 et 102 TFUE), aucune disposition du droit de l’Union n’impose au destina-taire de la communication des griefs de contester les différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procé-dure juridictionnelle. La Cour considère qu’en l’absence de base légale expressément prévue à cet effet, une telle limitation est contraire aux principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense.

En conséquence, la Cour annule l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a jugé que la requérante était la société responsable de l’action du groupe Knauf dans le cadre de l’infraction et rejette le pourvoi pour le surplus.

• En revanche, le litige étant en l’état d’être jugé, la Cour décide de statuer elle-même définitivement. Elle estime que GKV dépend de la requérante en ce qui concerne son comportement sur le marché, même en l’absence d’un lien de subordination entre elles. De plus, la plupart des documents du groupe Knauf, qui ont été saisis par la Commission, sont rédigés sur du papier à en-tête de la requérante. En conséquence, la Cour considère que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation en estimant que la requérante devait être considérée comme responsable de l’ensemble des agissements du groupe Knauf.

(Arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips KG / Commission, aff. C-407 / 08 P)

Abus de position dominante, Astra Zeneca

Arrêt du TribunalLe Tribunal de l’Union européenne a confirmé en grande partie la décision de la Commission européenne sanc-tionnant le groupe AstraZeneca pour abus de position dominante en raison de l’utilisation abusive des systè-mes de brevets et de la procédure d’autorisation de mise sur le marché visant à retarder l’entrée sur le marché de médicaments génériques.

Saisi d’un pourvoi formé par AstraZeneca plc (Royaume-Uni) et sa filiale AstraZeneca AB (Suède), le Tribunal de l’Union européenne a validé, pour l’essentiel, la décision de la Commission sanctionnant, en vertu de l’article 82 CE (nouvel article 102 TFUE), deux nouveaux cas d’abus de position dominante.

Dans sa décision, la Commission avait infligé aux requé-rantes, conjointement et solidairement, une amende de 46 millions d’euros, ainsi qu’une amende de 14 millions d’euros à AstraZeneca AB pour avoir commis deux abus de position dominante ayant consisté en :

un ensemble de déclarations trompeuses émises –devant les offices des brevets en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Norvège, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, ainsi que devant les juridictions nationales en Allemagne et en Norvège ;

la soumission de demandes de retrait des autorisa- –tions de mise sur le marché des gélules de « Losec » au Danemark, en Norvège et en Suède, combinée avec le retrait du marché des gélules de « Losec » et du lancement d’une nouvelle version du « Losec », le « Losec MUPS », dans ces trois pays.

Les deux comportements incriminés visaient, selon la Commission, à faire obstacle à l’entrée sur le marché de médicaments génériques.

Le Tribunal a rejeté dans un premier temps divers moyens soulevés par les requérantes tenant, notam-

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ment, à la définition du marché pertinent ainsi qu’à des incohérences et des erreurs d’appréciation de la Commission. Il a également considéré que la Commis-sion n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en parvenant à la conclusion qu’AstraZeneca détenait sur le marché pertinent une position dominante, au sens de l’article 82 CE et de l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (accord EEE).

Dans un second temps, le Tribunal a examiné les deux cas d’abus de position dominante.

•  Premier cas d’abus de position portant sur les systèmes de brevets

Le premier abus, sanctionné par la Commission, prenait la forme de déclarations délibérément trompeuses effec-tuées devant les offices nationaux de brevets et devant certaines juridictions nationales. Ces déclarations avaient été faites par AstraZeneca dans le cadre de demandes d’obtention pour le « Losec » de certificat complémen-taire de protection (ci-après « CCP ») visant à étendre la durée du droit exclusif garantie par le brevet.

Selon les requérantes, étant donné qu’il n’existait aucun « précédent » sanctionnant pour abus de position domi-nante ce comportement, l’article 82 CE ne trouvait pas à s’y appliquer pour les raisons suivantes :

Premièrement, ni la simple intention d’obtenir frau- –duleusement un brevet ou un CCP, ni la demande, même frauduleuse, de brevet ou de CCP, ni encore l’octroi d’un brevet ou d’un CCP qui n’est pas sus-ceptible d’être mis en œuvre immédiatement, ne pourraient être constitutifs d’un abus de position dominante.

Deuxièmement, la simple acquisition d’un droit –exclusif ne constituerait pas, en l’absence d’éléments complémentaires, un abus de position dominante.

Troisièmement, un abus de position dominante ne –saurait exister que lorsque le brevet obtenu de manière frauduleuse est mis en œuvre et que cette mise en œuvre remplit les conditions énoncées dans l’arrêt du Tribunal ITT Promedia/Commission (aff. T-111/96) en vertu duquel le fait d’intenter une action en justice n’est susceptible de constituer un abus de position dominante, au sens de l’arti-cle 82 CE, que dans des circonstances exceptionnel-les, à savoir lorsque, d’une part, l’action ne peut rai-sonnablement être considérée comme visant à faire valoir les droits de l’entreprise concernée et ne servi-rait dès lors qu’à « harceler » l’opposant et, d’autre part, lorsque l’action est conçue dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer la concurrence.

En définitive, selon les requérantes, la mise en œuvre d’un brevet ne saurait constituer un abus de position dominante que lorsque l’entreprise a sciemment acquis

ou mis en œuvre un brevet qu’elle savait être nul, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Le Tribunal rejette cette interprétation, considérant que l’article 82 CE interdit à une entreprise en posi-tion dominante d’éliminer un concurrent et de ren-forcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. En l’espèce, la présentation aux autorités publiques d’informations trompeuses, de nature à induire celles-ci en erreur et à permettre, en conséquence, la délivrance d’un droit exclusif auquel l’entreprise n’a pas droit ou auquel elle a droit pour une période plus limitée, constitue une pratique étrangère à la concurrence par les mérites, qui peut être particulièrement restrictive de la concurrence. Un tel comportement ne correspond pas à la responsabilité particulière incombant à une entre-prise en position dominante de ne pas porter atteinte, par un comportement étranger à la concurrence par les mérites, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

Le Tribunal considère, par conséquent, que la Commis-sion a fait une juste application de l’article 82 CE en considérant que constituait un abus de position domi-nante la présentation par une entreprise jouissant d’une telle position de déclarations objectivement trompeuses aux offices des brevets, de nature à conduire ces derniers à lui accorder des CCP auxquels elle n’avait pas droit ou auxquels elle avait droit pour une période plus limitée et, ainsi, à restreindre ou à éliminer la concurrence.

• Second cas d’abus de position portant sur les retraits sélec-tifs des autorisations de mise sur le marché des gélules

Le second abus, sanctionné par la Commission, prenait la forme de retrait d’autorisation de mise sur le marché du « Losec » empêchant, en vertu de la réglementation européenne applicable, l’enregistrement selon une pro-cédure abrégée de médicaments génériques.

Selon les requérantes, le comportement incriminé ne constituait pas, en tout état de cause, un abus de posi-tion dominante puisqu’il ne conviendrait pas d’imposer à une entreprise, même en position dominante, l’obliga-tion de maintenir en vigueur ses autorisations de mise sur le marché afin que les médicaments génériques et les importations parallèles puissent plus facilement entrer sur le marché et lui faire concurrence.

Le Tribunal rejette cette interprétation. Il considère notamment que le retrait des autorisations de mise sur le marché du « Losec » ne saurait être considéré comme un comportement relevant de la concurrence par les mérites. Ce comportement ne trouvait, en effet, aucun fondement dans la protection légitime d’un investis-sement tendant à contribuer à la concurrence par les mérites, dans la mesure où AstraZeneca ne disposait plus du droit exclusif d’exploiter les résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques. Ainsi,

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en l’absence de motifs tenant aux intérêts légitimes d’une entreprise engagée dans une concurrence par les mérites et en l’absence de justifications objecti-ves, une entreprise en position dominante ne saurait faire usage, en vertu de l’article 82 CE, des procédu-res réglementaires uniquement de façon à empêcher ou à rendre plus difficile l’entrée de concurrents sur le marché.

Le Tribunal ne valide cependant pas totalement le rai-sonnement de la Commission, mais considère notam-ment que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que le retrait, au Danemark et en Norvège, de l’autorisation de mise sur le marché du « Losec » était susceptible d’exclure les importations parallèles de ces produits. Faisant usage de son pouvoir de pleine juri-diction en matière d’amendes, le Tribunal a réduit, en conséquence, le montant des amendes. L’amende imposée, conjointement et solidairement, aux requéran-tes est fixée à 40,25 millions d’euros et l’amende imposée à AstraZeneca AB est fixée à 12,25 millions d’euros.

(Arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca / Commission, aff. T-321/05)

Aide d’Etat, France, Service public de la radiodiffusion, Difficultés sérieuses

Arrêt du TribunalSaisi de recours en annulation par Métropole télévision (ci-après « M6 ») et Télévision française 1 SA (ci-après « TF1 ») contre la décision de la Commission européenne relative au projet d’octroi par la France d’une dotation en capital de 150 millions d’euros à France Télévisions SA (ci-après « France Télévisions ») et de demandes d’injonction à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’exa-men, le Tribunal de l’Union européenne a considéré que cette aide d’Etat était compatible avec le droit de l’Union européenne.

France Télévisions est une société publique française, propriétaire de plusieurs chaînes de service public. A la suite de l’annonce par le président de la République française de la suppression à terme de la publicité télé-visée sur la télévision publique, la France a notifié à la Commission, le 11 juin 2008, son projet de procéder à une dotation en capital de 150 millions d’euros en faveur de France Télévisions. Par décision du 16 juillet 2008, la Commission a considéré qu’il s’agissait d’une aide com-patible avec le traité et a décidé de ne pas ouvrir la procé-dure formelle d’examen. M6 et TF1, chaînes concurrentes de France Télévisions, ont saisi le Tribunal pour que soit annulée cette décision.

• En premier lieu, les requérantes font valoir l’existence de difficultés sérieuses qui aurait dû conduire la Com-mission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, qu’en vertu de la –Communication de la Commission sur la radiodiffu-sion, le critère de proportionnalité du financement public aux besoins du service public est respecté lorsque les aides d’Etat n’excèdent pas les coûts nets induits par la mission de service public. Or, en l’es-pèce, le Tribunal considère que c’est à bon droit que la Commission a constaté que la dotation de 150 mil-lions d’euros n’était pas susceptible d’excéder les variations induites dans le coût net du service public dues aux évolutions des recettes publicitaires pour 2008 et au besoin de programmation supplémen-taire et qu’il n’existait dès lors pas de difficultés sérieuses, quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen. En effet, le Tribunal souligne que, bien qu’elles eussent été recevables à faire valoir ce grief, les requérantes n’ont pas contesté le montant des variations des recettes publicitaires et des besoins de programma-tion estimé à 300 millions d’euros.

Le Tribunal affirme, ensuite, que c’est à tort que les –requérantes font valoir que la Commission n’était pas en mesure d’affirmer, sans se livrer à une analyse précise des produits et des charges en l’espèce, que le déficit de recettes publicitaires augmentait « mécaniquement » le coût net du service public. En effet, selon le Tribunal, il ressort suffisamment des éléments contenus dans la décision attaquée que la Commission était fondée à considérer que, s’agis-sant de l’année 2008, seule visée par la dotation notifiée, aucune économie significative sur les char-ges commerciales ne pouvait être raisonnablement prévue qui empêcherait de conclure à une relation de proportionnalité entre la baisse des recettes commerciales et la baisse du bénéfice net.

Eu égard à l’absence de contestation ou de remise en cause du montant estimé de 300 millions d’euros d’aug-mentation des coûts nets de service public, le Tribunal conclut que la Commission ne pouvait nourrir aucun doute quant au respect du critère de proportionnalité en ce qui concerne la dotation notifiée de 150 millions d’euros.

•  En second lieu, le Tribunal rejette l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait violé son obligation de motivation.

Le Tribunal rejette donc les recours des requérantes visant à l’annulation de la décision de la Commission.

(Arrêt du 1er juillet 2010 Métropole télévision (M6) et Télévision française 1 SA (TF1) / Commission euro-

péenne, aff. jointes T-568/08 et T-573/08)

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ConsommationProtection des consommateurs, Services financiers

Propositions de directives et Livre blancLa Commission européenne a présenté, le 12 juillet 2010 des mesures pour renforcer la protection des consom-mateurs et leur confiance dans les services financiers. Une modification des normes européennes a été propo-sée en vue d’assurer une meilleure protection des titulai-res de comptes en banque et des petits investisseurs. La Commission a également lancé une consultation publi-que sur les moyens d’améliorer la protection des pre-neurs d’assurance.

• Proposition de refonte de la directive 94/19/CE rela-tive aux systèmes de garantie des dépôts

La Commission a adopté, le 12 juillet 2010, une propo-sition de révision profonde de la directive sur les systè-mes de garantie des dépôts. Cette proposition traite en particulier de l’harmonisation et la simplification des dépôts protégés. Le texte propose notamment que le niveau de garantie minimale soit effectivement porté à 100 000 euros d’ici à la fin de l’année. Il est également prévu des remboursements plus rapides et une meilleure information des titulaires de comptes, une diminution des formalités administratives et un financement plus solide des systèmes de garantie. La plupart des mesures proposées pourraient entrer en vigueur dès 2012 ou 2013 et s’appliqueraient dans tous les États membres de l’Union européenne.

La proposition est accompagnée d’un rapport qui traite des questions que soulèvent les clauses de réexamen de la directive 94/19/CE qui ne sont pas abordées, ou pas entièrement, par la proposition de révision.

• Proposition de directive modifiant la directive 97/9/CE relative aux systèmes d’indemnisation des inves-tisseurs

La Commission européenne a adopté, le même jour, une proposition de modification de la directive sur les systèmes d’indemnisation des investisseurs dans le but d’accroître l’efficacité des règles sur la protection des investisseurs, de créer des conditions de concurrence égales pour les instruments financiers protégés et de veiller à l’existence d’un financement suffisant et à la prise de dispositions nécessaires pour garantir l’indemnisation des investisseurs. La proposition prévoit une augmenta-tion du niveau minimum d’indemnisation à la somme de 50 000 euros par investisseur. Il est également envisagé un remboursement plus rapide des investisseurs, une meilleure information sur l’étendue de la couverture des actifs et une protection élargie des investisseurs.

• Livre blanc sur les régimes de garantie des assuran-ces

Dans le Livre blanc adopté le 12 juillet dernier par la Com-mission européenne, différentes options sont proposées pour permettre aux consommateurs de bénéficier d’un niveau de protection complet et équitable dans l’Union européenne et aux contribuables de ne pas avoir à payer en cas de faillite d’une entreprise d’assurance. L’adoption d’une directive est notamment proposée pour permettre le respect par les Etats membres d’un ensemble minimal d’obligations relatives aux régimes de garantie des assu-rances. Les parties intéressées peuvent présenter leurs observations sur les propositions du Livre blanc jusqu’au 30 novembre 2010.

(COM(2010)368 final, COM(2010) 371 final, Livre blanc sur les régimes de garantie des assurances)

ContratsDroit européen des contrats

Livre vertLa Commission européenne a publié, le 1er juillet 2010, un Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d’un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises.

Le Livre vert a pour objet de lancer une consultation publique afin de recueillir des orientations et les avis des acteurs concernés quant aux mesures envisagea-bles dans le domaine du droit européen des contrats. La consultation se tiendra du 1er juillet 2010 au 31 janvier 2011 et sera ouverte à toute partie intéressée.

La Commission rappelle notamment que les disparités existantes entre les droits nationaux des contrats peuvent entraîner des frais de transaction supplémentaires et une insécurité juridique pour les entreprises, ce qui affaiblit ainsi la confiance du consommateur à l’égard du marché intérieur. Pour ces raisons, elle estime que les consom-mateurs et les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises disposant de ressources limitées, se montrent parfois peu enclins à s’engager dans des transactions transfrontalières.

Le Livre vert a pour objet d’exposer les actions envisa-geables pour consolider le marché intérieur en accom-plissant des progrès dans le domaine du droit européen des contrats et de lancer une consultation publique. En fonction de l’évaluation des résultats de cette consulta-tion, la Commission pourrait proposer des actions com-plémentaires d’ici 2012. Toute proposition législative sera accompagnée d’une analyse d’impact ad hoc.

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Après avoir fait un rappel du contexte en matière de droit européen des contrats, le Livre vert de la Commission examine la nature juridique de l’instrument envisagé et son champ d’application.

• Concernant la nature juridique du futur instrument de droit européen des contrats, le Livre vert prévoit sept options :

la publication des résultats du groupe d’experts ; –

la création d’une « boîte à outils » destinée au légis- –lateur, qui serait soit un acte de la Commission créant une « boîte à outils », soit un accord interins-titutionnel sur l’élaboration d’une « boîte à outils » ;

l’élaboration d’une recommandation de la –Commission relative à un droit européen des contrats, avec deux possibilités envisageables. La première serait une recommandation incitant les Etats membres à substituer l’instrument européen recommandé à leur droit national des contrats. La seconde serait une recommandation qui pourrait inciter les Etats membres à intégrer l’instrument de droit européen des contrats à titre de régime facul-tatif, offrant aux contractants une solution de subs-titution au droit interne. Dans les Etats membres choisissant cette méthode, l’instrument européen facultatif coexisterait avec des instruments consti-tuant d’autres solutions de substitution, suscepti-bles d’être désignés comme la loi applicable à des contrats ;

l’élaboration d’un règlement instituant un instru- –ment facultatif de droit européen des contrats ;

l’élaboration d’une directive relative au droit euro- –péen des contrats ;

l’élaboration d’un règlement instituant un droit –européen des contrats ;

l’élaboration d’un règlement instituant un code civil –européen.

• Concernant le champ d’application à donner à l’ins-trument, le Livre vert envisage deux voies :

un instrument de droit européen des contrats visant –à la fois les contrats conclus entre entreprise et consommateur et / ou les contrats conclus entre entreprises ;

un instrument visant à la fois les contrats transfron- –taliers et les contrats nationaux.

• Concernant le champ d’application matériel à confé-rer à l’instrument de droit européen des contrats, le Livre vert envisage deux options :

soit un instrument avec un champ d’application –étroit (définition du contrat, obligations précon-tractuelles, formation du contrat, droit de rétracta-tion, représentation, causes de nullité, interpréta-

tion, teneur et effets des contrats, exécution, recours en cas d’inexécution, pluralité de débiteurs et de créanciers, changement de parties, compensation de créances, fusion, et prescription, ou encore règles impératives en matière de contrats de consomma-tion) ;

soit un instrument avec un champ d’application –large (questions connexes telles que la restitution, la responsabilité non contractuelle, l’acquisition et la perte de la propriété des biens, ainsi que les sûre-tés réelles mobilières).

•  Le Livre vert pose également la question des types spécifiques de contrats qui pourraient relever de l’instru-ment.

• Le Livre vert aborde enfin le champ d’application que pourrait recouvrir un éventuel code civil européen.

(COM(2010)348 final)

Droits fondamentauxAgence des droits fondamentaux de l’Union européenne

Rapport annuel 2010L’Agence des droits fondamentaux de l’Union euro-péenne a publié, le 10 juin dernier, son rapport annuel. Il reprend les évènements et les développements inter-venus dans le domaine des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne, en s’appuyant sur les données recueillies dans les 27 Etats membres. Ce rapport iden-tifie les différents enjeux que doit relever l’Union euro-péenne dans les domaines de la protection des données, de l’exploitation extrême sur les lieux de travail, des droits de l’enfant, du racisme et de la discrimination ainsi que les questions relatives aux personnes lesbiennes, homo-sexuelles, bisexuelles et transsexuelles.

Le rapport démontre qu’un grand nombre d’organis-mes de promotion d’égalité, d’institutions nationales de protection des droits de l’homme et d’autorités pour la protection des données manquent de ressources et d’in-dépendance.

Il fait également le constat que la lutte contre les discri-minations n’est pas encore un réflexe dans tous les Etats membres. L’Agence des droits fondamentaux se fonde sur des éléments concrets, tels que le fait que beaucoup d’enfants demandeurs d’asile disparaissent au cours de la procédure ou que les personnes homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles souffrent de discrimina-tion dans leur vie quotidienne et professionnelle. Cette étude fait état des problèmes de racisme auxquels sont

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confrontés quotidiennement un grand nombre d’immi-grants et de minorités vivant dans l’Union européenne.

Il met également en évidence la trop faible protection offerte par certains Etats membres aux mineurs étran-gers et l’exploitation des travailleurs migrants.

L’Agence des droits fondamentaux conclut en invitant les Etats à adopter une directive transversale relative à tous ces chefs de discriminations, sur le fondement de l’arti-cle 19 TFUE.

Protocole 14 de la Convention EDH, Première mise en œuvre

Décision de la Cour européenne des droits de l’hommeSaisie d’un recours fondé sur l’article 6 §1 de la Conven-tion européenne de sauvegarde des droits de l’homme (ci-après « la Convention ») relatif au droit à un procès équitable, et sur l’article 13 prévoyant un droit de recours effectif devant une juridiction nationale, la Cour euro-péenne des droits de l’homme (ci-après « la Cour EDH ») a procédé à la première application des nouveaux critè-res de recevabilité introduits par le Protocole n° 14 de la Convention.

Le litige opposait une société commerciale de transport routier international à Monsieur Ionescu. Par une action introduite devant le tribunal de première instance de Bucarest, le requérant demandait la condamnation de la société au paiement de 90 euros au titre des dommages et intérêts pour le non-respect des obligations contrac-tuelles. Sa demande de dommages et intérêts ayant été rejetée par le Tribunal, le requérant avait formé un pourvoi devant la Haute Cour de Cassation et de justice (ci-après « la Haute Cour »). Conformément aux dispositions en vigueur dans cet Etat, la Haute Cour avait examiné préa-lablement la recevabilité de la requête en chambre de conseil. Cette dernière avait annulé le pourvoi au motif qu’il n’indiquait pas les motifs d’illégalité reprochés au jugement du tribunal de première instance. Le requérant avait alors formé une contestation en annulation contre ce dernier arrêt, alléguant qu’il était la conséquence d’une erreur manifeste de la Haute Cour, dans la mesure où il avait motivé son recours dans son mémoire versé au dossier. Le requérant reprochait, en outre, l’absence de publicité de la procédure devant la Haute Cour. La Haute Cour avait rejeté cette contestation au motif que l’arrêt visé par celle-ci n’était susceptible d’aucune voie de recours.

Devant la Cour EDH, le requérant s’est fondé sur l’article 6 §1 de la Convention pour contester le refus du tribunal de première instance de se prononcer sur sa demande de production d’éléments de preuve, l’absence de publicité de la procédure devant la Haute Cour et, le défaut d’accès à cette juridiction pour contester son jugement. Il a éga-lement invoqué l’absence d’effectivité de son recours

contre le jugement du tribunal de première instance de Bucarest et l’absence de recours contre l’arrêt de la Haute Cour, en se fondant sur l’article 13 de la Convention.

• En premier lieu, la Cour EDH rejette le moyen du requé-rant, relatif au refus du tribunal de première instance de se prononcer sur sa demande de production d’éléments de preuve, pour défaut manifeste de fondement.

• En second lieu, s’agissant du moyen tiré de l’absence de publicité de la procédure et de l’annulation du pourvoi, ainsi que de l’absence de recours contre l’arrêt de la Haute Cour, la Cour EDH rappelle que, en vertu de l’article 35 §3 b) de la Convention, tel qu’amendé par le Protocole n° 14, entré en vigueur le 1er juin 2010, elle est tenue de déclarer irrecevable toute requête individuelle lorsqu’elle estime que le requérant n’a subi aucun préjudice impor-tant, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de l’af-faire et à condition que le litige ait été dûment examiné par un tribunal interne. La Cour EDH vérifie, par consé-quent, si le critère de « préjudice important » est rempli en l’espèce.

- Elle considère que l’absence d’un tel préjudice renvoie à des critères tels que l’impact monétaire de la question litigieuse ou l’enjeu de l’affaire pour le requérant. Elle ajoute que le faible montant litigieux a été l’élément décisif qui l’a conduite récemment à déclarer une requête irrecevable.

• En l’espèce, la Cour EDH constate que le préjudice finan-cier allégué par le requérant est faible, dans la mesure où il est estimé à 90 euros tous préjudices confondus, et qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que la situation économique du requérant est telle que l’issue du litige aurait des répercussions importantes sur sa vie person-nelle.

La Cour EDH conclut donc à l’absence de préjudice important.

• En dernier lieu, s’agissant de la question de savoir si le respect des droits de l’homme exige l’examen au fond de la requête, la Cour EDH rappelle qu’elle a déjà jugé que le respect des droits de l’homme n’exige pas la poursuite de l’examen de la requête lorsque, par exemple, la législation concernée a été modifiée et que des questions similaires ont déjà été résolues dans d’autres affaires portées devant elle. Or, en l’es-pèce, les dispositions de la législation nationale relative à l’examen préalable du pourvoi ont été abrogées de sorte que l’affaire ne présente plus qu’un intérêt historique.

En conséquence, la Cour EDH déclare la requête irrece-vable.

(Décision CEDH du 1er juin 2010, Mihai IONESCU / Roumanie, requête n° 36659/04)

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47L’A C T U A L I T É D U D R O I T D E L’ U N I O N E U R O P É E N N E • D R O I T S G é N é R A L D E L ’ U N I O N E U R O P é E N N E

Droit général de l’Union européenne

Action en responsabilité, Répartition de compétences

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par le Tribunal de commerce de Bruxelles (Belgique), la Cour de justice de l’Union euro-péenne s’est prononcée sur l’interprétation des articles 235 et 288 CE (nouveaux articles 268 et 340 TFUE) relatifs à la compétence juridictionnelle de la Cour en matière d’ac-tion en responsabilité dirigée contre l’Union européenne.

Le litige au principal opposait Maître Hanssens-Ensch, en qualité de curateur à la faillite d’Agenor SA (ci-après « Agenor »), à la Communauté européenne. Il avait pour objet la réclamation d’une somme de 2 millions d’euros en raison du comportement prétendument fautif de la Communauté qui aurait contribué à la faillite de la société Agenor.

Dans le cas d’espèce au principal, la société Agenor avait remporté un appel d’offres de la Communauté en 1994, dans le cadre du programme européen « Leonardo da Vinci ». Son contrat avait par la suite été renouvelé jusqu’au 31 janvier 1999. A la fin de ce second contrat, la Commis-sion avait proposé à Agenor un avenant prolongeant celui-ci, à la condition toutefois que des améliorations sen-sibles et une restructuration du bureau d’assistance tech-nique soient apportées. La société ne l’avait pas accepté. La Commission avait dès lors constaté que ledit contrat avait expiré, position qu’Agenor avait contestée. Agenor étant en faillite, son curateur à la faillite avait introduit, devant le tribunal de commerce de Bruxelles, une action en responsabilité contre la Communauté. La Commission avait contesté la compétence de la juridiction bruxelloise.

Cette dernière a décidé d’interroger la Cour afin de savoir si une action en responsabilité, dirigée contre la Commu-nauté et fondée sur une réglementation nationale insti-tuant un régime légal particulier divergeant du régime commun de l’Etat membre concerné en matière de res-ponsabilité civile, constitue une action en responsabi-lité non contractuelle au sens de l’article 288 deuxième alinéa CE, qui, conformément à l’article 235 CE, ne relève pas de la compétence des juridictions nationales.

• La Cour rappelle que les litiges relatifs à la responsabi-lité non contractuelle de la Communauté relèvent de sa compétence. En effet, l’article 235 CE prévoit qu’elle est compétente pour connaître des litiges relatifs à la répara-tion des dommages visés à l’article 288 deuxième alinéa CE, lequel a pour objet ladite responsabilité non contrac-tuelle. Cette compétence des juridictions de l’Union est exclusive. En revanche, lorsqu’il s’agit de litiges relatifs à la responsabilité contractuelle de la Communauté, le traité ne confère à la Cour une compétence pour connaî-

tre de ces litiges qu’à l’article 238 CE, à savoir en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat passé par la Communauté ou pour son compte. La Cour en conclut que les litiges relatifs à la responsabilité contractuelle de la Communauté relèvent, en l’ab-sence d’une clause compromissoire, de la compé-tence des juridictions nationales.

•  La Cour examine, ensuite, si l’action en cause a pour objet la responsabilité contractuelle de la Communauté ou la responsabilité non contractuelle de celle-ci :

Elle observe que le renvoi opéré par l’article 235 CE –à l’article 288 deuxième alinéa CE ne concerne que la notion de dommages, à savoir les dommages cau-sés par les institutions de la Communauté ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions, en matière de responsabilité non contractuelle, alors que la référence faite à l’article 288 deuxième alinéa CE aux principes généraux communs aux droits des Etats membres ne fait pas partie de ladite notion. Cette référence, quant à elle, a pour objet de déterminer les conditions devant être remplies pour que la Communauté soit obligée de réparer de tels dommages.

Concernant l’action en cause au principal, la Cour –relève que, ainsi que la requérante le concède elle-même, cette action n’a pas de fondement contrac-tuel. En outre, la circonstance que ladite action relève de conditions d’application particulières, notamment en ce que seule une « faute grave et caractérisée » est susceptible d’engager la responsabilité de la per-sonne concernée, ne saurait occulter le fait que cette action revêt les caractéristiques générales d’une action tendant à la réparation de dommages en matière de responsabilité non contractuelle, au sens de l’article 288 deuxième alinéa CE.

La Cour énonce que, dans ces conditions, la cir- –constance que la réglementation nationale sur laquelle est fondée une action en responsabilité non contractuelle dirigée contre la Communauté constitue un régime légal particulier, divergeant du régime commun de l’Etat membre concerné en matière de responsabilité civile, ne saurait avoir pour effet d’exclure ladite action du champ d’application de l’article 235 CE.

La Cour conclut qu’une action en responsabilité non contractuelle dirigée contre la Communauté, même si elle est fondée sur une réglementation nationale insti-tuant un régime légal particulier divergeant du régime commun de l’Etat membre concerné en matière de res-ponsabilité civile, ne relève pas, en vertu de l’article 235 CE, lu en combinaison avec l’article 288 deuxième alinéa CE, de la compétence des juridictions nationales.

(Arrêt du 29 juillet 2010, Françoise-Eléonor Hanssens-Ensch, en qualité de curateur à la faillite d’Agenor SA /

Communauté européenne, aff. C-377/09)

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EnvironnementFrance, Directive sur la gestion des déchets de l’industrie extractive, Non-transposition, Recours en manquement

Arrêt de la CourSaisie d’un recours en manquement introduit par la Com-mission européenne à l’encontre de la France, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la France avait manqué aux obligations qui lui incombent, en ne trans-posant pas, dans le délai prescrit, la directive 2006/21/CE concernant la gestion des déchets de l’industrie extrac-tive et modifiant la directive 2004/35/CE (ci-après « la directive »).

Cette directive prévoit des mesures visant la prévention ou la réduction des effets néfastes sur l’environnement ou sur la santé des personnes, de la gestion des déchets provenant des industries extractives. Elle impose aux Etats membres de veiller à ce que les dangers d’accidents majeurs soient identifiés et qu’un certain de nombre de mesures soient prises pour prévenir ces accidents à diffé-rents stades de la gestion des déchets. Il appartient aux Etats membres, en vertu de ce texte, de définir une poli-tique de prévention des accidents et de mettre en place un système de gestion de la sécurité. La transposition de la directive devait intervenir avant le 1er mai 2008.

Devant la Cour, la France a reconnu que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, elle n’avait pas été à même d’adopter toutes les mesures nécessaires à la transposition de la directive. Néanmoins, elle a justi-fié ce retard notamment par le fait qu’il n’existait pas en droit français de régime unique applicable aux déchets de l’industrie extractive. En effet, seuls les déchets prove-nant des carrières relèveraient du régime des installations classées défini par le code français de l’environnement, tandis que ceux provenant des mines relèveraient du régime spécifique prévu par le code minier. La France a toutefois fait état de l’adoption à venir de mesures légis-latives et réglementaires destinées à parachever la trans-position de la directive.

• La Cour rappelle, tout d’abord, que l’existence d’un man-quement doit être appréciée en fonction de la situation de l’Etat membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements inter-venus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour. Or, en l’espèce, la Cour relève qu’il est constant que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, la France n’avait pas adopté toutes les mesures néces-saires pour assurer une transposition complète, dans l’ordre juridique français, de la directive.

• Ensuite, s’agissant de la difficulté à laquelle aurait été confrontée la France lors de la transposition de

cette directive, à savoir l’absence en droit français d’un régime unique applicable aux déchets de l’indus-trie extractive, la Cour rappelle qu’un Etat membre ne saurait exciper de situations internes, telles que les difficultés d’application apparues au stade de l’exé-cution d’un acte du droit de l’Union, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des normes de ce droit.

Par conséquent, la Cour considère qu’en ne prenant pas, dans le délai prescrit, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives pour se conformer à la directive 2006/21/CE, la France a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

(Arrêt du 29 juillet 2010, Commission européenne / France, aff. C-35/10)

FinancesGouvernance économique, Instruments de renforcement

CommunicationLa Commission européenne a publié, le 30 juin 2010, une communication proposant plusieurs instruments destinés à renforcer la gouvernance économique de l’Union européenne et de la zone euro. Les proposi-tions de cette communication reposent sur trois catégo-ries de réformes :

•  Une synchronisation de la surveillance de l’Union européenne avec celle des procédures budgétaires au niveau national dans un cadre unique : le « semes-tre européen ».

Afin de mettre en œuvre une coordination européenne par anticipation, les Etats membres devraient soumet-tre simultanément leurs programmes de stabilité et de convergence ainsi que leurs programmes nationaux de réformes. Les orientations ainsi dégagées permettraient ensuite d’élaborer, dans la deuxième partie de l’année, la rédaction en détail des budgets nationaux pour l’année suivante.

Par ailleurs, un renforcement des volets préventif et cor-rectif du Pacte de stabilité et de croissance devrait avoir lieu. La Commission propose d’exiger un progrès plus rapide vers l’équilibre budgétaire qui offrirait une marge de sécurité par rapport à la limite des 3% de déficit pour les pays avec une dette élevée ou avec des risques pro-noncés en termes d’évolution de leur dette. Le critère de la dette devrait être appliqué de façon efficace sur la base d’une référence numérique claire et simple pour établir un rythme satisfaisant de réduction de la dette.

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• Une prévention des déséquilibres macro-économi-ques entre les Etats membres. Selon la Commission, une détection rapide, grâce à des indicateurs plus déve-loppés, dans un cadre européen plus contraignant, per-mettrait de corriger des écarts grandissants.

• Une surveillance au niveau européen des réformes structurelles dans les Etats membres. La Commis-sion estime que cette surveillance devrait permettre de garantir que les Etats membres font des progrès confor-mément aux objectifs de la « Stratégie 2020 pour une croissance plus soutenable, plus écologique, basée sur la connaissance et créatrice d’emploi », telle qu’adoptée lors du Conseil européen de juin 2010.

(COM(2010) 367/2)

FiscalitéTVA, Simplification des règles de facturation

DirectiveLe Conseil de l’Union européenne a adopté, le 13 juillet 2010, la directive 2010/45/UE modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de factura-tion.

• Ce texte répond à trois objectifs principaux :

faciliter la lutte contre la fraude fiscale ; –

améliorer le fonctionnement du marché intérieur en –simplifiant, notamment, les obligations administra-tives à la charge des petites et moyennes entrepri-ses,

offrir la sécurité juridique nécessaire aux opérations –de facturation.

La généralisation des dispositifs d’autoliquidation entraîne, par ailleurs, plusieurs modifications dans la mesure où ceux-ci requièrent la mise en œuvre de modes de facturation adaptés.

• La directive prévoit de nouvelles modalités de fac-turation portant notamment sur :

L’émission de factures –

La facturation est soumise aux règles applicables dans l’Etat membre où est réputée avoir été effectuée la livraison de biens ou la prestation de services (nouvel article 219 bis). Des dérogations restent néanmoins envi-sageables.

L’obligation de facturation lors de la fourniture d’acomp-tes dans le cadre des livraisons intracommunautaires

effectuées dans les conditions prévues à l’article 138 est supprimée (nouvel article 220).

L’obligation de facturation pour certaines opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après « TVA ») au titre de l’article 135 (opérations d’assurance, par exemple) est supprimée. Toutefois les Etats membres qui le souhaitent, peuvent déroger à ces nouvelles disposi-tions (nouvel article 221).

L’émission de factures simplifiées est autorisée dès lors que le montant de la facture est inférieur à 100 euros ou à 400 euros après consultation du comité de la TVA (nouvel article 220 bis). Toutefois, cette mesure de simpli-fication ne s’appliquera pas :

aux livraisons et aux acquisitions intracommunau- –taires ;

aux prestations de services intracommunautaires ; –

aux opérations à destination de personnes non –assujetties ;

à l’importation suivie d’une livraison immédiate- –ment consécutive dans un autre Etat membre ;

aux livraisons de biens ou aux prestations de servi- –ces impliquant un dispositif d’autoliquidation.

Pour les livraisons de biens intracommunautaires visées à l’article 138 et les prestations de services pour lesquelles la TVA est due par le preneur, conformément à l’article 196, la date limite d’émission de la facture est fixée au plus tard au 15ème jour du mois suivant celui au cours duquel le fait générateur est intervenu (nouvel article 222).

L’émission de factures périodiques reprenant plusieurs livraisons de biens et prestations de services est désor-mais autorisée, dès lors que la taxe est exigible au cours du même mois civil. Les Etats membres peuvent étendre cette faculté aux opérations dont la taxe devient exigible au cours d’une période excédant un mois civil (nouvel article 223).

Le contenu des factures –

La liste des mentions obligatoires devant apparaître sur les factures est modifiée et certaines mentions devien-nent obligatoires (nouvel article 226).

Le contenu des factures simplifiées est précisé (nouvel article 226 ter).

Le principe général d’obligation de traduction des factu-res dans la langue officielle de l’Etat membre du destina-taire est supprimé. Toutefois, les Etats membres gardent la possibilité d’exiger cette traduction dans des cas exceptionnels (nouvel article 248 bis).

L’émission des factures électroniques –

La facture électronique est définie de manière plus simple (nouvel article 217). L’émission de factures électroniques est soumise à l’acceptation du destinataire.

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Les modalités techniques relatives à la certification de l’origine ainsi que la protection du contenu des factures dont les modalités doivent être définies par l’émetteur de la facture sont précisées (nouvel article 233).

Le stockage des factures –

La compétence des Etats membres est renforcée concer-nant la détermination des règles relatives au stockage des factures (nouvel article 247). En outre, les Etats membres bénéficient d’un droit d’accès aux factures électroniques stockées par les assujettis dans les autres Etats membres (nouvel article 249). Par ailleurs, la directive prévoit que les factures papier et les factures électroniques seront désormais traitées de façon identique.

•  La directive prévoit des dispositions complémen-taires aux mesures relatives à la facturation portant notamment sur :

La modification du régime de l’expertise sur –biens meubles

Les expertises sur biens meubles sont désormais consi-dérées comme des prestations de services au même titre que les travaux sur ces mêmes biens, dès lors que les biens concernés retournent vers les Etats membres à partir desquels ils avaient initialement été expédiés. En outre, les obligations de tenue de registres visées à l’article 243 s’imposent désormais aux prestataires de ces expertises (nouvel article 17 §2).

L’exigibilité de la taxe –

Les livraisons intracommunautaires de biens, réalisées de manière continue pendant une période supérieure à un mois civil, sont réputées effectuées à la fin de chaque mois civil. De même, les prestations de services intra-communautaires pour lesquelles la taxe est due par le preneur, qui sont réalisées pendant une période supé-rieure à une année, sont réputées effectuées à la fin de chaque année civile (nouvel article 64 §2).

En cas de retard ou d’absence d’émission de facture, les Etats membres ont la possibilité de rendre la taxe exigi-ble dans un délai qui ne doit pas dépasser le 15ème jour du mois suivant celui au cours duquel est intervenu le fait générateur (nouveaux articles 66 1er alinéa c) et 222).

L’adaptation des règles de mise en œuvre du –droit à déduction

Les Etats membres peuvent décider, lorsque la TVA est exigible à l’encaissement du prix, que le droit à déduc-tion ne prendra naissance qu’à partir du paiement de la taxe par le client à son fournisseur ou prestataire (nouvel article 167 bis). Ce régime facultatif ne sera applicable qu’aux assujettis réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros (ou 2 000 000 euros après avis du comité de la TVA).

• La directive doit être transposée avant le 31 décem-bre 2012 et mise en application à compter du 1er janvier 2013.

(JOUE L 189, du 22 juillet 2010)

Fiscalité dans l’Union européenne, Tendances en 2010

RapportLa Commission européenne a publié, le 28 juin 2010, l’édition 2010 du rapport sur les tendances de la fiscalité dans l’Union européenne.

Ce rapport contient une analyse statistique et écono-mique des systèmes d’imposition des Etats membres de l’Union européenne ainsi que de l’Islande et de la Norvège. Les données sont présentées dans un cadre sta-tistique unifié (le système harmonisé SEC95 des comptes nationaux et régionaux) qui permet d’évaluer les systè-mes hétérogènes d’imposition nationaux sur une base comparable.

Cette publication a pour spécificité d’offrir une classi-fication des recettes fiscales selon les fonctions écono-miques, c’est-à-dire selon qu’elles sont prélevées sur le travail, la consommation ou le capital. Cette classification est basée sur les données détaillées d’imposition et les calculs des Etats membres pour allouer les recettes de l’impôt sur le revenu personnel. La publication présente également des indicateurs statistiques (les taux implici-tes) de la pression fiscale effective moyenne portant sur le travail, la consommation et le capital, ainsi que des données sur la fiscalité environnementale et les taux maxima d’imposition sur le revenu des personnes physi-ques et des sociétés.

Elle présente, en outre, pour chacun des 29 pays cou-verts, un aperçu du système d’imposition, des tendan-ces des recettes fiscales et des principaux changements récents de politique. Des tableaux détaillés permettent la comparaison entre les différents pays et les moyennes européennes. Les données couvrent la période 1995-2008 et sont présentées en pourcentage du PIB et en pourcentage de l’imposition totale.

(« Taxation trends in the European Union », http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/

documents/taxation/gen_info/economic_analysis/ tax_structures/2010/2010_full_text_en.pdf)

Directive « mère-filiale », Notion de retenue à la source

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par la Commissione tributaria regionale di Torino (Italie), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation des arti-cles 5 §1 et 7 §2 de la directive 90/435/CEE concernant

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51L’A C T U A L I T É D U D R O I T D E L’ U N I O N E U R O P É E N N E • F I S c A L I T é

le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après la « directive »). L’article 5 de la directive pose le principe de l’interdiction des retenues à la source pour les béné-fices distribués par une société filiale à sa société mère, lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25% dans le capital de la filiale. L’article 7 précise que les Etats membres peuvent prévoir des dispositions nationa-les ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes.

Les litiges au principal opposaient, d’une part, P. Ferrero e C. SpA (ci-après « Ferrero ») et, d’autre part, General Beverage Europe BV (ci-après « GBE ») à l’administration fiscale italienne, au sujet de retenues fiscales opérées par celle-ci à l’occasion de transferts financiers considérés comme des distributions de dividendes.

Le premier litige concernait des retenues fiscales opérées lors de la distribution de dividendes et du remboursement de la « majoration d’impôt à titre de décompte final » par Ferrero à sa société mère néerlandaise Ferrero Interna-tional BV (ci-après « Ferrero International »). Le second litige se rapportait à des retenues fiscales opérées lors de la distribution de dividendes et du remboursement de la « majoration d’impôt à titre de décompte final » à GBE par sa filiale italienne Martini e Rossi SpA (ci-après « Martini »).

Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a inter-rogé la Cour sur le point de savoir :

d’une part, si la retenue appliquée par l’administra- –tion fiscale italienne, au titre de la convention bilaté-rale mise en œuvre en l’espèce, au remboursement de la majoration d’imposition effectué par des socié-tés italiennes au profit de leurs sociétés mères néer-landaises, constituait une retenue à la source prohi-bée par l’article 5 §1 de la directive et,

d’autre part, si, dans l’hypothèse où une retenue fis- –cale telle que celle en cause dans les affaires au prin-cipal constitue une retenue à la source sur les béné-fices distribués au sens de l’article 5 §1 de la directive, celle-ci pouvait néanmoins relever du champ d’ap-plication de l’article 7 §2 de cette directive.

• Concernant la première question, la Cour rappelle que les termes « retenue à la source » figurant à l’arti-cle 5 §1 de la directive ne sont pas limités à certains types d’impositions nationales précises. En outre, la qualification d’une imposition, d’une taxe, d’un droit ou d’un prélèvement au regard du droit de l’Union euro-péenne incombe à la Cour en fonction des caractéristi-ques objectives de l’imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée en droit national. A cet égard, selon la Cour, constitue une retenue à la source sur les bénéfices distribués, au sens de la directive, toute imposition sur les revenus perçus dans l’Etat

dans lequel les dividendes sont distribués et dont le fait générateur est le versement de dividendes ou de tout autre rendement des titres, lorsque l’assiette de cet impôt est le rendement desdits titres et que l’as-sujetti est le détenteur des mêmes titres.

La Cour précise que la juridiction nationale doit donc vérifier ces différents éléments. Elle doit, en particulier, opérer un contrôle sur le point de savoir si l’administra-tion fiscale italienne ne renonce pas systématiquement, en pratique, à la recette fiscale constituée par la majo-ration d’imposition en cas de distribution de dividendes par une société italienne à une société néerlandaise, notamment dans l’hypothèse où la majoration d’im-position ne serait pas perçue par ladite administration, mais que les sommes correspondant à cette majoration seraient transférées directement par la société italienne à la société néerlandaise. Si le constat d’un tel renon-cement devait être opéré, ledit transfert, lorsqu’il est réalisé, pourrait en effet être considéré comme une distribution de bénéfices. Ce n’est que dans l’hypo-thèse où la juridiction de renvoi estimerait que le « rem-boursement » de cette majoration d’imposition n’a pas une nature fiscale, qu’une retenue fiscale, telle que celle en cause dans les affaires au principal, pourrait consti-tuer une retenue à la source sur les bénéfices distribués, prohibée en principe par l’article 5 §1 de la directive.

•  Concernant la seconde question, la Cour rappelle que l’article 7 §2 constitue une dérogation au prin-cipe général d’interdiction des retenues à la source sur les bénéfices distribués et est, par conséquent, d’interprétation stricte.

Elle constate que la convention bilatérale en cause a bien pour objectif d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune ainsi qu’il en résulte de son intitulé. Toutefois, la Cour précise que la retenue fiscale en cause ne peut être considérée comme relevant du champ d’application de l’article 7 §2 de la directive que si, d’une part, la convention bilatérale prévoit des dispositions visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes et que, d’autre part, l’application de ladite retenue ne peut en annuler les effets.

La Cour conclut qu’il appartient à la juridiction de renvoi, dans l’hypothèse où elle considère que la retenue fiscale en cause peut être qualifiée de retenue à la source sur les bénéfices distribués au sens de l’article 5 §1 de la direc-tive, de vérifier si cette double condition est remplie.

(Arrêt du 24 juin 2010, P. Ferrero e C. SpA / Agenzia delle Entrate — Ufficio di Alba et General Beverage Europe BV

/ Agenzia delle Entrate — Ufficio di Torino 1, aff. jointes C-338/08 et C-339/08)

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Rémunération en bons d’achats, Régime TVA

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par le VAT and Duties Tribunal, Manchester (Royaume-Uni), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation de l’ar-ticle 2.1 de la sixième directive 77/388/CEE en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (ci-après « la directive »). Cet article prévoit que les livrai-sons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agis-sant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA »)

Le litige au principal opposait Astra Zeneca UK Ltd (ci-après « Astra Zeneca ») aux Commissioners for Her Majes-ty’s Revenue and Customs, concernant la TVA à laquelle cette société a été assujettie en raison de la fourniture de bons d’achat à ses employés dans le cadre de la rémuné-ration de ces derniers.

Astra Zeneca proposait à ses employés de recevoir une partie de leur rémunération sous forme de bons d’achat à faire valoir dans certains magasins. Elle soutenait que le coût d’acquisition desdits bons faisait partie des frais généraux de l’entreprise. Par conséquent, elle devait être autorisée à déduire la TVA résultant de cette acquisition sans être tenue de facturer, en aval, la TVA sur la fourni-ture des bons en question à ses employés, au motif que cette fourniture n’était pas effectuée à titre onéreux. Cette interprétation a été contestée par l’administration fiscale britannique.

La juridiction de renvoi a ainsi interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 2.1 de la directive devait être interprété en ce sens que la fourniture d’un bon d’achat par une société à ses employés dans le cadre de leur rémunération constituait une prestation de services effectuée à titre onéreux.

•  La Cour constate qu’Astra Zeneca, en tant qu’elle fournit des bons d’achat à ses employés contre la renonciation, par ces derniers, à une partie de leur rémunération en espèces, accomplit une activité économique, au sens de la directive. En effet, les bons d’achat en cause dans l’affaire au principal permettent aux employés qui les reçoivent d’acheter un bien ou un service dans des commerces déterminés.

•  La Cour relève que ces bons leur attribuent un droit futur et indéterminé quant à son objet sur des biens ou des services. Dès lors, dans la mesure où ils ne transfè-rent pas immédiatement le pouvoir de disposer d’un bien, leur fourniture ne constitue pas une « livraison d’un bien » au sens de l’article 5 §1 de la directive, mais une « prestation de services » au sens de l’arti-

cle 6 §1 de cette dernière, puisque, en vertu de cette disposition, toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens dudit article 5 est considé-rée comme une prestation de services.

• La Cour rappelle que la notion de « prestations de servi-ces effectuées à titre onéreux », au sens de l’article 2 §1 de la directive suppose l’existence d’un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue. Or, elle constate qu’il existe bien un lien direct entre la fourniture des bons d’achat par Astra Zeneca à ses employés et la partie de la rémunération en espèces à laquelle ces derniers doivent renoncer en contrepartie de cette fourniture.

Elle relève que cette opération se traduit par un prélève-ment spécifique sur le fonds des employés ayant effectué un tel choix et qu’Astra Zeneca reçoit une contrepartie exprimée en argent, puisqu’elle correspond à une frac-tion de la rémunération en espèces de ses employés. Elle souligne en outre que la charge de la TVA relative à la fourniture de ces bons est supportée par le consom-mateur final des biens et/ou des services pouvant être achetés avec lesdits bons, à savoir les employés d’Astra Zeneca qui les reçoivent. En effet, le prélèvement auquel cette fourniture donne lieu sur la rémunération de ces employés comprend le prix des bons en question ainsi que l’intégralité de la TVA relative à ceux-ci.

• La Cour conclut que l’article 2.1 de la directive doit être interprété en ce sens que la fourniture d’un bon d’achat par une société, ayant acquis ce bon à un prix incluant la TVA, à ses employés contre la renoncia-tion, par ces derniers, à une partie de leur rémunéra-tion en espèces constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de cette disposi-tion.

(Arrêt du 29 juillet 2010, Astra Zeneca UK Ltd / Commissioners for Her Majesty’s Revenue and

Customs, aff. C-40/09)

InstitutionsAccès aux documents des institutions, Procédures de contrôle des aides d’Etat, Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête

Arrêt de la CourSaisie par la Commission européenne d’un pourvoi tendant à l’annulation d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne (T-237/02), par lequel il a annulé une déci-sion de la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la question du

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refus d’accès à des documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’Etat octroyées à l’entreprise Tech-nische Glaswerke Ilmenau GmbH (ci-après « TGI »).

Le litige au principal concernait l’ouverture, par la Com-mission, d’une procédure formelle d’examen des aides accordées par l’Allemagne à TGI, à l’égard notamment d’un prêt bancaire octroyé à cette dernière. Dans le cadre de cette procédure, TGI avait demandé l’accès à l’ensem-ble des documents figurant dans les dossiers de la Com-mission relatifs aux affaires d’aides d’Etat la concernant. La Commission avait rejeté cette demande au motif que la divulgation de ces documents risquait de porter atteinte à la protection des objectifs des activités d’ins-pection et d’enquête.

TGI avait alors introduit un recours auprès du Tribunal en vue d’obtenir l’annulation de ladite décision. Le Tribu-nal avait annulé la décision, en reprochant notamment à la Commission de ne pas avoir examiné de manière concrète et individuelle les documents visés par la demande d’accès. La Commission avait formé un pourvoi visant à annuler l’arrêt ainsi rendu par le Tribunal.

• La Cour indique, à titre liminaire, que la demande pré-sentée par TGI concernait l’ensemble du dossier adminis-tratif relatif aux procédures de contrôle des aides d’Etat qui lui avaient été octroyées. Elle rappelle, en outre, que le règlement 1049/2001/CE relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci-après « le règlement ») tend à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il prévoit cependant un régime d’exceptions à cet égard dans la mesure où ce droit d’accès demeure soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. La Commission avait ainsi fait valoir pour refuser cet accès que les documents en question relevaient d’une activité « d’enquête » bénéficiant dudit régime.

• La Cour précise toutefois que, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce docu-ment relève d’une activité mentionnée dans le règle-men. L’institution concernée doit également fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une excep-tion prévue à cet article. Ceci étant, l’institution concer-née peut se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divul-gation portant sur des documents de même nature.

Concernant les procédures de contrôle des aides d’Etat, de telles présomptions générales peuvent résulter du règlement 659/1999/CE qui vise notam-ment à codifier la pratique constante de la Com-mission dans l’application de l’article 88 CE (nouvel

article 108 TFUE). Or, il résulte de ce règlement que les intéressés, à l’exception de l’Etat membre respon-sable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’Etat, du droit de consulter les documents du dossier admi-nistratif de la Commission. A cet égard, la Cour relève notamment que les documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’Etat, tels que ceux sollicités par TGI, s’inscrivent dans le cadre des fonctions administra-tives spécifiquement attribuées auxdites institutions par l’article 88 CE.

La Cour juge, ainsi, que le Tribunal aurait dû reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif por-terait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête. Cette présomption générale n’ex-clut pas le droit pour les intéressés de démontrer qu’un document dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par ladite présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document sur le fondement du règlement.

La Cour conclut que c’est à tort que le Tribunal a jugé qu’il n’apparaissait pas de manière manifeste qu’il y avait lieu de refuser, sans procéder au préalable à un examen concret et individuel de ces documents, l’accès à tous les documents afférents aux procédu-res de contrôle des aides d’Etat visés par la demande d’accès introduite par TGI. Elle annule l’arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci a annulé la décision liti-gieuse. La Cour rejette, en outre, pour les mêmes motifs, le recours introduit par TGI devant le Tribunal visant à l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur le refus d’accès à des documents afférents aux procé-dures de contrôle des aides d’Etats octroyées à TGI.

(Arrêt du 29 juin 2010, Commission européenne / Technische Glaswerke Ilmenau GmbH, aff. C-139/07 P)

Accès aux documents des institutions, Portée de la protection des données personnelles

Arrêt de la CourSaisie d’un pourvoi introduit par la Commission euro-péenne visant à obtenir l’annulation d’un arrêt du Tribu-nal de l’Union europénne (affaire T-194/04) annulant la décision de la Commission portant rejet de la demande de The Bavarian Lager Co. Ltd (ci-après « Bavarian Lager ») d’accès au procès-verbal complet d’une réunion tenue dans le cadre d’une procédure en manquement, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé la relation existant entre le règlement 1049/2001/CE relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci-après le « règlement 1049/2001/CE ») et le règlement 45/2001/CE, relatif à la protection des personnes physiques à

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l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (ci-après le « règlement 45/2001/CE »).

La société Bavarian Lager avait été créée en vue d’impor-ter de la bière allemande en bouteille dans les débits de boissons du Royaume-Uni. Toutefois, son produit n’avait pu être vendu étant donné que la plupart de ces éta-blissements étaient liés par des contrats d’achat exclusif qui les obligeaient à s’approvisionner en bière auprès de certaines brasseries. En vertu de la réglementation britannique, la « Guest Beer Provision » (GBP), les bras-series étaient tenues d’accorder aux gérants de pubs la possibilité d’acheter une bière provenant d’une autre brasserie à la condition qu’elle ait été conditionnée en baril. Or, la plupart des bières produites en dehors du Royaume-Uni étaient vendues en bouteilles. Estimant que la GBP constituait une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative aux importations, Bavarian Lager avait déposé une plainte auprès de la Commis-sion.

Au cours de la procédure en manquement engagée par la Commission à l’encontre du Royaume-Uni, des repré-sentants des administrations communautaire et britan-nique, ainsi que des représentants de la confédération des brasseurs du marché commun avaient participé à une réunion qui s’était tenue le 11 octobre 1996. Bava-rian Lager avait demandé à participer à cette réunion, mais la Commission avait refusé de faire droit à sa demande. Après avoir été avertie par les autorités britan-niques de la modification de la GBP visant à permettre la vente de bière embouteillée en tant que bière d’une pro-venance différente à l’instar de la bière conditionnée en baril, la Commission avait informé Bavarian Lager de la suspension de la procédure en manquement et du clas-sement de l’affaire. Bavarian Lager avait demandé plu-sieurs fois à la Commission l’accès aux documents versés au dossier du recours en manquement et les noms des participants à la réunion. La Commission avait accepté de divulguer certains documents relatifs à cette réunion, mais avait occulté cinq noms figurant sur le procès-ver-bal, deux personnes s’étant expressément opposées à la divulgation de leur identité et la Commission n’ayant pu contacter les trois autres. Bavarian Lager avait déposé une nouvelle demande en vue d’obtenir le procès-ver-bal complet de la réunion, avec la mention du nom de tous les participants. La Commission avait rejeté cette demande en invoquant notamment la protection de la vie privée de ces personnes, telle que garantie par le règlement. Bavarian Lager avait introduit un recours auprès du Tribunal demandant l’annulation de cette décision de la Commission.

Le Tribunal avait annulé la décision de la Commission, estimant notamment que la seule inscription du nom des intéressés sur la liste des personnes ayant participé à une réunion au nom de l’entité qu’elles représentaient ne

constituait pas une atteinte et ne mettait pas en danger la vie privée de ces personnes. La Commission a saisi la Cour de justice d’un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal, considérant que le Tribunal avait commis des erreurs de droit dans ses constations relatives à l’application de l’ex-ception prévue par l’article 4 §1 b) du règlement et avait ainsi rendu certaines dispositions du règlement 45/2001/CE inopérantes.

• La Cour rappelle, tout d’abord, que ces deux règlements ont des objectifs différents. Le règlement 1049/2001/CE vise à assurer la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques, ainsi que des informations qui fondent leurs décisions et à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents, ainsi qu’à promouvoir de bonnes pratiques administrati-ves. Le règlement 45/2001/CE vise à assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, lors du trai-tement de données à caractère personnel. Le seul lien explicite entre ces deux règlements est établi à l’arti-cle 4 §1 b) du règlement 1049/2001/CE, qui prévoit une exception à l’accès à un document dans le cas où la divul-gation porterait atteinte à la protection de la vie privée ou de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.

•  La Cour constate, ensuite, que dans l’arrêt attaqué le Tribunal a limité l’application de l’exception prévue par l’article 4 §1 b) du règlement 1049/2001/CE aux situa-tions où la vie privée ou l’intégrité de l’individu serait violée au sens de l’article 8 de la CEDH sans prendre en compte la législation de l’Union relative à la protec-tion des données à caractère personnel, notamment le règlement 45/2001/CE. Or, selon la Cour, cette disposi-tion est indivisible et, ne permet pas une séparation des cas de traitement des données à caractère personnel en deux catégories, à savoir, d’une part, une catégorie dans laquelle ce traitement serait examiné uniquement sur la base de l’article 8 de la CEDH et, d’autre part, une autre catégorie dans laquelle ledit traitement serait soumis aux dispositions du règlement 45/2001/CE.

La Cour en déduit que lorsqu’une demande fondée sur le règlement 1049/2001/CE vise à obtenir l’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel, les dispositions du règlement 45/2001/CE, y compris sa disposition qui impose au destina-taire du transfert de données à caractère personnel l’obligation de démontrer la nécessité de la divulga-tion de celles-ci, ainsi que la disposition qui confère à la personne concernée la possibilité de s’oppo-ser à tout moment, pour des raisons impérieuses et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concernant fassent l’objet d’un trai-tement. Par conséquent, la Cour considère que l’in-terprétation particulière et limitative donnée par le Tribunal à l’article 4 §1 b) du règlement 1049/2001/

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CE ne correspond pas à l’équilibre que le législateur de l’Union avait l’intention d’établir entre les deux règlements en cause.

• Par ailleurs, la Cour constate que c’est à juste titre que le Tribunal a conclu que la liste des participants à la réunion figurant dans le procès-verbal de cette réunion contient des données à caractère personnel, car les per-sonnes qui avaient pu y participer pouvaient être iden-tifiées. Elle examine ensuite si la Commission pouvait accorder l’accès au document comprenant les cinq noms des participants à cette réunion et arrive à la conclusion que c’est à bon droit que la Commission avait vérifié si le consentement de ces personnes existait afin de diffuser les données personnelles les concernant. En l’absence du consentement des cinq participants à la réunion, la Commission s’était soumise à suffisance à son obligation de transparence en diffusant une version du document litigieux expurgée de leurs noms.

Ainsi, selon la Cour, Bavarian Lager n’ayant fourni aucune justification expresse et légitime, ni aucun argument convaincant afin de démontrer la nécessité du transfert de ces données personnelles, la Com-mission n’avait pu mettre en balance les différents intérêts des parties en cause. Elle ne pouvait pas non plus vérifier s’il n’existait aucune raison de penser que ce transfert pouvait porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées. Dès lors, la Cour conclut que c’est à bon droit que la Commission avait rejeté la demande d’accès au procès-verbal complet de ladite réunion.

(Arrêt du 29 juin 2010, Commission / Bavarian Lager, aff. C-28/08)

Justice, Liberté et SécuritéProcédures pénales, Droit à l’information

Proposition de directiveLa Commission européenne a adopté, le 20 juillet 2010, une proposition de directive relative au droit à l’infor-mation dans le cadre des procédures pénales. Ce texte vise à définir des normes minimales communes en la matière dans l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne.

La Commission propose de nouvelles règles destinées garantir que toute personne soupçonnée d’une infrac-tion pénale ou poursuivie à ce titre dans un Etat membre soit informée de ses droits dans une langue qu’elle com-prend. Toute personne arrêtée ou faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen devra être informée de ses droits par écrit au moyen d’une « déclaration de droits »

énumérant ses droits fondamentaux pendant la procé-dure pénale.

Dans le cadre de cette proposition, les Etats membres demeurent libres de choisir la formulation précise de la déclaration. Toutefois, le texte comporte en annexes, d’une part, un modèle indicatif de déclaration de droits à remettre aux personnes soupçonnées ou poursuivies lors de leur arrestation et, d’autre part, un modèle indicatif de déclaration de droits pour les personnes arrêtées sur la base d’un mandat d’arrêt européen. Disponibles dans 22 langues officielles de l’Union, ces deux modèles ont vocation à assurer une cohérence des pratiques nationa-les et à limiter les coûts de traduction.

Cette proposition est le deuxième volet d’une série de mesures visant à établir des normes communes euro-péennes dans les affaires pénales. Elle suit l’adoption par la Commission d’une proposition de directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales. Les prochaines mesures envisagées doivent concerner le droit de consulter un avocat et le droit de communiquer avec ses proches, ses employeurs et les autorités consulaires.

COM(2010) 392 final

Question prioritaire de constitutionnalité, Demande préjudicielle, Contrôles d’identités aux frontières, Liberté de circulation

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par la Cour de cassation (France), la Cour de justice de l’Union européenne s’est pronon-cée sur l’interprétation de l’article 267 TFUE qui autorise ou impose dans certains cas aux juridictions nationales de saisir la Cour d’un recours préjudiciel et de l’article 67 TFUE relatif à l’absence de contrôle des personnes aux frontières intérieures.

Les deux affaires au principal opposaient respectivement Monsieur Aziz Melki et Monsieur Selim Abdeli à l’Etat français. Ces deux personnes de nationalité algérienne avaient été contrôlées par la police dans la zone com-prise entre la frontière de la France avec la Belgique et une ligne tracée de 20 km en-deçà de cette frontière. Ils avaient tous deux fait l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et d’une décision de maintien en rétention. Ils avaient dès lors formé un recours contre cette décision devant le juge des libertés et de la déten-tion. Messieurs Melki et Abdeli avaient soulevé devant celui-ci l’inconstitutionnalité de l’article 78-2, quatrième alinéa, du Code de procédure pénale, au motif que cette disposition portait atteinte aux droits et libertés garan-tis par la Constitution française. Cette question avait été transmise à la Cour de cassation. Selon la Cour de cassation, Messieurs Melki et Abdeli soutenaient que

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l’article 78-2, quatrième alinéa, du Code de procédure pénale était contraire à la Constitution étant donné que les engagements de la France résultant du traité de Lisbonne avaient valeur constitutionnelle au regard de l’article 88-1 de la Constitution française et que cette disposition du Code de procédure pénale, en tant qu’elle autorisait des contrôles aux frontières avec les autres Etats membres, était contraire au principe de libre circu-lation des personnes.

Saisie dans ce contexte, la Cour de Cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour deux questions préjudicielles afin de savoir si :

– l’article 267 TFUE s’oppose à une législation d’un Etat membre qui instaure une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité des lois nationales imposant aux juridictions dudit Etat membre de se prononcer par priorité sur la transmission, à la juri-diction nationale chargée d’exercer le contrôle de constitutionnalité des lois, d’une question relative à la conformité d’une disposition de droit interne avec la Constitution lorsque est en cause, concomi-tamment, la contrariété de celle-ci avec le droit de l’Union ;

– l’article 67 TFUE s’oppose à une législation nationale qui permet aux autorités de police de contrôler, dans une zone de 20 kilomètres à partir de la fron-tière terrestre d’un Etat membre avec les Etats par-ties à la CAAS, l’identité de toute personne, en vue de vérifier le respect, par celle-ci, des obligations de détention, de port et de présentation des titres et des documents prévues par la loi.

• Concernant la première question, la Cour relève, tout d’abord, que selon les dispositions nationales en cause, lors de l’examen d’une question de constitutionnalité, fondée sur l’incompatibilité de la loi en cause avec le droit de l’Union, le Conseil constitutionnel apprécie également la conformité de cette loi avec le droit de l’Union. Le juge du fond procédant à la transmission de la question de constitutionnalité ne pourrait, avant cette transmission, ni statuer sur la compatibilité de la loi concernée avec le droit de l’Union ni poser une question préjudicielle à la Cour de justice en rapport avec ladite loi. En outre, dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel jugerait la loi en cause conforme au droit de l’Union, ledit juge du fond ne pourrait pas non plus, postérieurement à la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui s’imposerait à toutes les autorités juridictionnelles, saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle.

La Cour en déduit que la législation nationale en cause aurait pour conséquence d’empêcher, tant avant la transmission d’une question de constitu-tionnalité que, le cas échéant, après la décision du Conseil constitutionnel sur cette question, les juridic-tions des ordres administratif et judiciaire nationales d’exercer leur faculté ou de satisfaire à leur obliga-

tion, prévues à l’article 267 TFUE, de saisir la Cour de questions préjudicielles. Par conséquent, elle conclut que l’article 267 TFUE s’oppose à une telle législation nationale.

• En revanche, la Cour précise que l’article 267 ne s’op-pose pas à une telle législation nationale, pour autant que les juridictions nationales restent libres de :

saisir, à tout moment de la procédure et même à l’is- –sue de la procédure incidente de contrôle de consti-tutionnalité, la Cour de toute question préjudicielle qu’elles jugent nécessaire ;

d’adopter toute mesure nécessaire afin d’assurer la –protection juridictionnelle provisoire des droits conférés par le droit de l’Union européenne et ;

de laisser inappliquée, à l’issue de la procédure inci- –dente, la disposition législative nationale si elles la jugent contraire au droit de l’Union.

• Concernant la seconde question, la Cour rappelle que l’article 67 TFUE prévoit l’absence de contrôle des per-sonnes aux frontières intérieures. Elle ajoute que, pour répondre à cette question, il convient également de prendre en considération les articles 20 et 21 du règle-ment 2006/562/CE établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (ci-après « le règlement »). Or, ces dispositions prévoient un franchissement des frontières intérieures sans que des vérifications aux frontières ne soient effec-tuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité. Il est également précisé dans ces articles que la suppres-sion du contrôle aux frontières ne porte pas atteinte à l’exercice des pouvoirs de police des Etats membres dans la mesure où l’exercice de ces compétences n’a pas un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières.

La Cour en déduit que l’article 67 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du règlement s’opposent à une légis-lation nationale conférant aux autorités de police de l’Etat membre concerné la compétence de contrôler, uniquement dans une zone de 20 kilomètres à partir de la frontière terrestre de cet Etat avec les Etats parties à la convention d’application de l’accord de Schengen, l’identité de toute personne, indépendam-ment du comportement de celle-ci et de circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et des documents prévues par la loi, sans prévoir l’en-cadrement nécessaire de cette compétence garan-tissant que l’exercice pratique de ladite compétence ne puisse pas revêtir un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières.

(Arrêt du 22 juin 2010, Aziz Melki, aff. C-188/10 et Sélim Abdeli, aff. C-189/10)

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Déplacement illicite d’enfant, Compétence, Exécution

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par l’Oberster Gerichtshof (Autri-che), la Cour de justice de l’Union européenne s’est pro-noncée sur l’interprétation du règlement 2201/2003/CE relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (ci-après « le règlement »).

Dans le cas d’espèce au principal était en cause un couple non marié avec un enfant, qui résidait ensemble en Italie. A la séparation du couple en janvier 2008, la mère avait quitté le domicile commun avec sa fille et, malgré une décision provisoire d’un tribunal italien du 8 février 2008 lui interdisant de quitter l’Italie avec l’enfant, elles étaient parties vivre en Autriche. Le 23 mai 2008, le même tribu-nal avait adopté une décision par laquelle il avait confié, de façon provisoire, la garde aux deux parents, tout en précisant que l’enfant pouvait résider, jusqu’à l’adoption de sa décision définitive, en Autriche avec sa mère. En novembre 2008, un tribunal cantonal autrichien avait rejeté une demande du père introduite en avril 2008 visant à obtenir le retour de l’enfant en Italie, en se basant sur la décision du tribunal italien. A la suite d’une demande de la mère de lui confier la garde de l’enfant, le 26 mai 2009, un tribunal cantonal autrichien s’était déclaré compétent et avait demandé au tribunal italien de décliner sa propre compétence. Le père s’était déjà adressé, le 9 avril 2009, au tribunal italien, dans le cadre de la procédure pendante concernant le droit de garde, auquel il avait demandé d’ordonner le retour de l’enfant en Italie. Le 19 mai 2009, lors de l’audience organisée par le tribunal italien, la mère avait donné son accord au pro-gramme de rencontres entre le père et la fille, néanmoins elle n’avait pas révélé la démarche judiciaire qu’elle avait engagée devant la juridiction autrichienne. Le 10 juillet 2009, le Tribunal italien avait confirmé sa propre com-pétence dans la mesure où, selon lui, les conditions de transfert de compétence n’étaient pas remplies et avait ordonné le retour immédiat de l’enfant en Italie. Cette décision avait été certifiée, conformément au règlement 2201/2003/CE. Le 25 août 2009, une juridiction autri-chienne avait rendu une ordonnance de référé, confiant de façon provisoire la garde de l’enfant à la mère. Le 22 septembre 2009, le père avait demandé, auprès des juridictions autrichiennes, l’exécution de la décision ordonnant le retour de l’enfant en Italie. Saisie de ce litige, la Cour suprême autrichienne, ayant des doutes sur l’in-terprétation du règlement, a décidé de surseoir à statuer et d’interroger, à titre préjudiciel, la Cour de justice.

• La Cour relève, à titre liminaire, qu’il s’agit d’un dépla-cement illicite d’un enfant et que, selon le règlement, la juridiction compétente, du moins au moment de l’en-lèvement, était le tribunal italien, juridiction du lieu de

résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement illicite.

• En premier lieu, la Cour souligne que le système établi par le règlement est fondé sur le rôle central accordé à la juridiction qui est compétente et que la reconnais-sance et l’exécution des décisions rendues dans un Etat membre doivent reposer sur le principe de la confiance mutuelle, les motifs de non-reconnaissance devant être réduits au minimum nécessaire. De plus, elle relève que le règlement vise à dissuader les enlèvements d’enfants entre Etats membres et, en cas d’enlèvement, à obtenir que le retour de l’enfant soit effectué sans délai. Ainsi, l’enlèvement illicite d’un enfant ne devrait pas, en principe, avoir pour conséquence de transférer la compétence des juridictions de l’Etat membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immé-diatement avant son déplacement à celles de l’Etat membre dans lequel l’enfant a été emmené.

Par ailleurs, elle affirme que seule une décision défi-nitive, adoptée sur la base d’un examen complet de tous les éléments pertinents, par laquelle la juridic-tion compétente se prononce sur le règlement de la garde de l’enfant qui n’est plus soumis à d’autres déci-sions administratives ou judiciaires peut avoir l’effet de transférer la compétence à une autre juridiction. En effet, pour le cas où une décision provisoire aboutirait à la perte de compétence sur la question de la garde de l’enfant, la juridiction compétente de l’Etat membre de la résidence habituelle antérieure risquerait d’être dissua-dée d’adopter une telle décision provisoire malgré le fait que les intérêts de l’enfant l’exigeraient.

La Cour conclut que, l’article 10 b) iv) du règlement doit être interprété, en ce sens qu’une mesure provi-soire ne constitue pas une « décision de garde n’impli-quant pas le retour de l’enfant », et ne saurait fonder un transfert de compétence aux juridictions de l’Etat membre vers lequel l’enfant a été illicitement déplacé.

• En deuxième lieu, la Cour constate qu’une décision de la juridiction compétente certifiée conformément au règlement et ordonnant le retour de l’enfant a force exécutoire, même si elle n’est pas précédée d’une décision définitive relative au droit de garde de l’enfant. La Cour rappelle qu’afin de ne pas retarder le retour d’un enfant illicitement déplacé, une telle déci-sion jouit de l’autonomie procédurale.

• En troisième lieu, la Cour constate que l’exécution d’une décision certifiée, ordonnant le retour de l’en-fant, ne peut pas être refusée en raison d’une décision rendue ultérieurement par une juridiction de l’Etat membre d’exécution. Cette exécution ne peut pas non plus être refusée au motif qu’elle serait suscepti-ble de porter gravement atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant en raison d’une modification des circons-tances survenue après l’adoption de la décision certi-

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fiée. La Cour rappelle que le règlement établit une nette répartition de compétences entre les juridictions de l’Etat membre d’origine et de l’Etat membre d’exécution pour assurer un retour rapide de l’enfant. La juridiction requise ne peut que constater la force exécutoire de la décision. Les questions concernant le bien-fondé de la décision ainsi qu’une éventuelle modification des circonstances ne peuvent être soulevées que devant la juridiction com-pétente de l’Etat membre d’origine.

(Arrêt du 1er juillet 2010, Doris Povse/ Mauro Alpago, aff. C-211/10 PPU)

Liberté d’établissementProfession de notaire, Condition de nationalité

Conclusions de l’avocat généralL’avocat général Cruz Villalón a rendu ses conclusions dans les recours en manquement engagés par la Com-mission européenne contre six Etats membres (Allema-gne, Autriche, Belgique, France, Grèce et Luxembourg), concernant la condition de nationalité imposée pour l’accès à la profession de notaire. La Commission consi-dère que ces Etats membres, en imposant une condition de nationalité pour accéder à la profession de notaire, ont violé, d’une part, les articles 43 et 45 alinéa 1 CE (nouveaux articles 49 et 51 TFUE) relatifs à la liberté d’établissement et, d’autre part, qu’ils ont manqué aux obligations qu’ils leur incombent, à l’exception de la France, en vertu de la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (ci-après « la directive »).

• S’agissant du premier motif de manquement relatif à la violation des articles 43 et 45 alinéa 1 CE, l’avo-cat général examine, en premier lieu, si l’activité notariale, en particulier l’activité d’authentification, constitue une participation à l’exercice de l’autorité publique. Il estime que l’essence de l’activité du notaire réside dans le pouvoir d’authentification et dans les effets qui y sont attachés, à savoir la force probante et le carac-tère exécutoire. L’avocat général rappelle ensuite que les notaires, par le biais de l’authentification, exercent direc-tement et spécifiquement une activité à caractère public, en ce sens que, par cette activité, ils accordent aux par-ticuliers, par anticipation, une autorisation d’exercice de leur propre droit qu’ils devraient autrement solliciter au cas par cas. L’intervention du notaire dispense la per-sonne désireuse de se prévaloir des éléments authenti-fiés par le notaire de la nécessité de solliciter le concours d’une autre autorité publique, de sorte qu’il a ainsi été conféré à l’acte authentifié une valeur juridique qualifiée, publique, qui ne peut être remise en cause que devant une juridiction. Ainsi, l’authentification constitue une

activité qui participe directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique, dans la mesure où elle transforme en acte public ce qui est purement privé et lui confère de la sorte la force propre à l’auto-rité publique.

• En second lieu, l’avocat général procède à l’examen de la proportionnalité de la condition de nationalité pour accéder à la profession de notaire imposée par les Etats membres en cause, du fait du lien existant entre l’activité notariale et l’autorité publique, au regard des articles 43 et 45 alinéa 1 CE. Après avoir établi que cette condition de nationalité s’apparente à une discrimination, l’avocat général remarque que cette condition constitue une intrusion grave dans la sphère du citoyen européen qui ne saurait être admise qu’au terme d’un strict contrôle de proportionnalité, ce qui implique la présence de motifs particulièrement impé-rieux d’intérêt général.

• Or, s’il ne fait aucun doute que la profession de notaire est entourée de garanties et spécificités qui révèlent son importance aux fins du commerce juridique privé, il est tout aussi certain qu’aucune des spécificités en ques-tion ne justifie que le statut de ses membres intègre une mesure aussi rigoureuse et sévère que la discrimination directe en raison de la nationalité.

•  Selon les Etats membres concernés, la prestation de serment accomplie par les notaires avant leur entrée en fonction exprimerait l’étroitesse du lien existant entre le notaire et l’Etat qui lui octroie un pouvoir public et serait ainsi une expression de sa loyauté. L’avocat général affirme qu’une approche selon laquelle un ressortis-sant d’un Etat membre ne serait en mesure d’expri-mer un engagement de loyauté envers un autre Etat membre qu’à la condition d’adopter au préalable la nationalité de ce dernier impliquerait une remise en cause fondamentale tant des articles 17 et 18 CE (nouveaux articles 20 et 21 TFUE) que des droits poli-tiques liés à la citoyenneté en vertu des traités et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union euro-péenne. Il considère, au contraire, que le notaire s’insère dans un cadre dans lequel la loyauté s’établit à la fois à l’égard de l’Etat conférant l’autorité qu’à celui de l’Union européenne et des autres Etats membres.

En conclusion, l’avocat général affirme qu’une mesure introduisant une condition de nationalité apparaît dis-proportionnée dans la mesure où elle n’est pas néces-saire à la réalisation des fins poursuivies. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une activité participant à l’exercice de l’autorité publique, les articles 43 et 45 alinéa 1 CE s’opposent à l’exigence d’une condition de nationalité pour accéder à la profession de notaire.

•  S’agissant du second motif de manquement relatif à la violation de la directive 2005/36/CE, l’avocat général considère qu’il n’est pas fondé, dans la mesure où la Commission n’a pas établi que les Etats membres étaient

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tenus de se conformer aux obligations prévues par la directive en ce qui concerne l’activité notariale.

(Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón du 14 septembre 2010, Commission / Belgique ; France ;

Luxembourg ; Autriche ; Allemagne ; Grèce, aff. C-47/08 ; C-50/08 ; C-51/08 ; C-53/08 ; C-54/08 ; C-61/08)

Marché intérieurGroupe des régulateurs européens dans le domaine des services postauxDécisionLa décision de la Commission européenne instituant le groupe des régulateurs européens dans le domaine des services postaux (ci-après « la décision ») a été publiée, le 11 août 2010, au Journal officiel de l’Union européenne. La création du groupe des régu-lateurs européens dans le domaine des services postaux (ci-après « le groupe ») vise à consolider le marché inté-rieur pour les services postaux et à garantir l’application uniforme de la directive 97/67/CE concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service.

•  Organe de réflexion, de discussion et de conseil à la Commission dans le domaine des services postaux, le groupe doit faciliter la coopération entre les autorités réglementaires nationales indépendantes des Etats membres, ainsi qu’entre celles-ci et la Commission. Il a ainsi pour mission :

– d’apporter conseil et assistance à la Commission en vue de consolider le marché intérieur pour les servi-ces postaux ;

– d’apporter conseil et assistance à la Commission sur toute question liée aux services postaux relevant de sa compétence ;

– d’apporter conseil et assistance à la Commission en vue de favoriser le développement du marché intérieur pour les services postaux et l’application uniforme du cadre réglementaire applicable aux services postaux dans les Etats membres ;

– de consulter les acteurs du marché, les consom-mateurs et les utilisateurs finaux, en accord avec la Commission.

•  Le groupe, composé des autorités réglementaires nationales dans le domaine des services, comprend un membre par Etat membre. Il doit présenter un rapport annuel de ses activités à la Commission. Le groupe a pris ses fonctions le 11 août 2010, date de publication de ladite décision au Journal officiel de l’Union européenne.

(JOUE C 217 du 11 août 2010)

Avenir du commerce électronique dans le marché intérieur, Mise en œuvre de la directive commerce électroniqueConsultation publiqueLa Commission européenne a lancé, le 10 août 2010, une consultation publique sur l’avenir du commerce élec-tronique dans le marché intérieur et la mise en œuvre de la directive 2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, (ci-après « la directive »). La directive sur le commerce électronique vise à supprimer les obstacles à l’établissement des fournisseurs de services de la société de l’information et à la prestation transfrontalière de ser-vices en ligne dans le marché intérieur, offrant ainsi une sécurité juridique aux entreprises et aux citoyens.

Par cette consultation, la Commission souhaitait analyser les raisons du faible développement du commerce élec-tronique de détail, qui représente moins de 2 % du com-merce total européen, et évaluer l’application de cette directive. Pour ce faire, la Commission désirait recueillir les avis et expériences des parties intéressées sur les sujets suivants :

– l’état de développement, tant national que transfron-talier, des services de la société de l’information ;

– les questions relatives à la coopération administra-tive ;

– les restrictions contractuelles relatives aux ventes transfrontalières ;

– les communications commerciales transfrontalières, concernant notamment les professions réglemen-tées ;

– le développement de la presse sur Internet ;

– l’interprétation des dispositions relatives à la res-ponsabilité des prestataires intermédiaires de l’In-ternet ;

– le développement des services de pharmacie en ligne ;

– la résolution des litiges en ligne.

La consultation concernant notamment les communi-cations commerciales transfrontalières des professions réglementées, les avocats faisaient partie de « l’audience cible » dont l’avis était particulièrement souhaité. Les résultats de celle-ci seront pris en compte par la Commis-sion dans le cadre de sa réflexion en vue de l’adoption au premier semestre 2011 d’une Communication sur le commerce électronique.

(Les documents relatifs à cette consultation sont disponibles : http://ec.europa.eu/internal_market/

consultations/2010/e-commerce_fr.htm)

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Marchés publicsMarché public de travaux, Entrepreneur d’un autre Etat membre, Obligation d’enregistrement fiscal

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par la Cour de cassation (Belgique), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation des articles 49 et 50 CE (nouveaux arti-cles 56 et 57 TFUE) relatifs à la libre prestation de services et de l’article 24 de la directive 93/37/CEE portant coordi-nation des procédures de passation des marchés publics de travaux (ci-après « la directive »). Cette dernière dispo-sition prévoit les hypothèses d’exclusion de la participa-tion auxdits marchés d’un entrepreneur.

Le litige au principal opposait Bâtiments et Ponts Construction SA (ci-après « BPC »), société de droit belge, ainsi que WISAG Produktionsservice GmbH (ci-après « WIG »), société de droit allemand, à Berlaymont 2000 SA (ci-après « Berlaymont 2000 »), société de droit belge, au sujet de l’exclusion par cette dernière, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, de la participation à un marché public de travaux de l’association momentanée consti-tuée à cet effet par les deux premières sociétés.

En 1994, Berlaymont 2000 avait lancé un appel d’offres en vue de procéder à des travaux de rénovation et avait notamment prévu, dans le cahier spécial des charges publié le 23 décembre 1994, que « pour les travaux qui font l’objet du présent marché, l’entrepreneur doit être enregistré en Belgique ». Le 16 février 1995, elle avait publié un avis rectificatif au Journal officiel des Communautés euro-péennes, apportant les compléments d’information sui-vants : « Pour les travaux qui font l’objet du présent marché, l’entrepreneur doit apporter la preuve qu’il est considéré comme étant en règle aux points de vue de la sécurité sociale, des impôts et de la TVA ; cette preuve doit être matérialisée par un enregistrement. La demande d’enregistrement s’effec-tue conformément à l’arrêté royal du 3 octobre 1978. Pour la régularité de l’offre (au moment de son dépôt), il suffit qu’une copie de la demande d’enregistrement soit jointe à l’offre. Aucune décision d’attribution ne sera prise avant que l’ins-tance compétente ne se soit prononcée sur la demande. »

BPC et WIG avaient constitué une association momenta-née dénommée BPC-WIG (ci-après « BPC-WIG ») en vue de la participation au marché. WIG avait joint à l’offre présentée par BPC-WIG deux attestations de l’admi-nistration fiscale et sociale allemande, selon lesquelles « l’administration fiscale n’a aucune objection quant à la participation de WIG à un marché public » et « toutes les cotisations sociales ont toujours été payées ponctuellement par WIG ». Toutefois, ni WIG, ni BPC-WIG n’avaient joint à leur offre la preuve de leur enregistrement ou de leur demande d’enregistrement en Belgique, conformément

à ce qu’exigeait la réglementation belge. Une demande d’enregistrement avait été introduite par ces deux entités après la date limite pour l’envoi des offres et l’enregis-trement avait été obtenu après l’attribution du marché. De son côté, BPC était déjà enregistrée en Belgique. Le marché fut ensuite attribué à une autre association.

BPC et WIG avaient, d’une part, introduit un recours en annulation contre cette décision d’attribution devant le Conseil d’Etat belge, et d’autre part, elles avaient intro-duit une action en réparation du préjudice subi par suite de leur éviction du marché devant le tribunal de pre-mière instance de Bruxelles.

Saisie dans ce contexte, la Cour de cassation belge a interrogé la Cour afin de savoir si le principe de libre cir-culation au sein de l’Union européenne et l’article 24, deuxième alinéa, de la directive s’opposent :

– d’une part, à l’obligation d’être titulaire d’un enregis-trement pour se voir attribuer un marché public en Belgique, dans la mesure où elle permet au pouvoir adjudicateur d’exclure du marché le soumission-naire entrepreneur étranger qui n’est pas titulaire d’un enregistrement, mais a produit des attestations équivalentes de ses administrations nationales et,

– d’autre part, au pouvoir pour un adjudicateur belge d’imposer aux soumissionnaires étrangers de sou-mettre à une autorité belge l’examen de la validité des attestations qui leur ont été délivrées par les autorités fiscales et sociales de leur Etat, attestant qu’ils sont en ordre en ce qui concerne les obliga-tions fiscales et sociales.

•  Concernant la première question, la Cour consi-dère qu’une réglementation nationale ne saurait être regardée comme étant contraire aux règles de l’Union du seul fait qu’elle prévoit une obligation d’enregistrement aux fins de contrôler notamment les entrepreneurs établis dans un Etat membre autre que celui dans lequel se déroule le marché public. L’ob-jectif de cette obligation d’enregistrement est de vérifier les qualités professionnelles des entrepreneurs au sens de l’article 24 alinéa 1 de la directive, plus particulière-ment quant à leur situation en matière de paiement des cotisations de sécurité sociale, des impôts et des taxes. Or, l’entrepreneur doit être en règle avec ses obligations sociales et fiscales tant dans son Etat membre d’origine que dans l’Etat membre du pouvoir adjudicateur. En se référant aux certificats délivrés par l’autorité compétente de l’Etat membre concerné, la directive permet ainsi un contrôle distinct de l’entrepreneur dans l’Etat membre dans lequel se déroule le marché public en cause.

La Cour relève ensuite que la vérification en cause doit se limiter aux qualités professionnelles des entrepre-neurs, au sens de l’article 24 alinéa 1 de la directive, notamment en ce qui concerne l’accomplissement de leurs obligations en matière de sécurité sociale, d’im-

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pôts et de taxes. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si l’obligation d’enregistrement en cause au principal remplit ces critères.

La Cour conclut que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose à l’entre-preneur établi dans un autre Etat membre, aux fins de l’attribution d’un marché dans l’Etat membre du pouvoir adjudicateur, l’obligation d’être titulaire, dans ce dernier Etat membre, d’un enregistrement relatif à l’absence des causes d’exclusion énumérées à l’article 24 alinéa 1 de la directive, à condition qu’une telle obligation n’en-trave, ni ne retarde la participation de l’entrepreneur au marché public en cause, ni n’engendre de charges administratives excessives, et qu’elle ait uniquement pour objet la vérification des qualités professionnel-les de l’intéressé, au sens de cette disposition.

•  Concernant la seconde question, la Cour souligne que la directive ne s’oppose pas, par principe, à ce que le droit national confie la vérification de l’ab-sence de causes d’exclusion à une instance autre que le pouvoir adjudicateur.

La Cour examine toutefois si la composition et les compétences de l’instance à laquelle est confiée cette vérification sont conciliables avec l’objectif consistant à garantir le respect du droit de l’Union en matière de marchés publics. Or, la Cour relève, d’une part, que les commissions d’enregistrement en cause sont majo-ritairement composées de personnes représentant des intérêts privés et qu’aucun élément du dossier n’indi-que que la participation de ces personnes au sein de ladite instance a un caractère purement consultatif. Ces instances ne peuvent par conséquent être considérées comme impartiales et neutres. Elle relève, d’autre part, que la réglementation en cause au principal accorde à la commission d’enregistrement le pouvoir d’examiner la validité des certificats délivrés par l’autorité compétente de l’Etat membre concerné quant à l’accomplissement des obligations des entrepreneurs en matière sociale et fiscale. Or, la vérification au fond des conditions qui sous-tendent la délivrance des certificats est incompatible tant avec la directive qu’avec la jurisprudence de la Cour.

La Cour conclut que le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle la vérifica-tion des certificats délivrés à un entrepreneur d’un autre Etat membre par les autorités fiscales et sociales de ce dernier Etat membre est confiée à une instance autre que le pouvoir adjudicateur lorsque cette instance est compo-sée majoritairement de personnes nommées par les orga-nisations des employeurs et des travailleurs du secteur de la construction de la province dans laquelle se déroule le marché public en cause, et que ce pouvoir s’étend à un contrôle au fond de la validité desdits certificats.

(Arrêt du 15 juillet 2010, Bâtiments et Ponts Construction SA, WISAG Produktionsservice GmbH / Berlaymont 2000

SA, aff. C-74/09)

ProfessionFrance, Aide juridictionnelle, Taux réduit de TVA

Arrêt de la CourSaisie d’un recours en manquement introduit par la Com-mission européenne à l’encontre de la France, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’inter-prétation de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « direc-tive TVA »).

La Commission considérait en effet que, en appliquant un taux réduit de TVA aux prestations rendues par les avocats, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassa-tion et avoués, pour lesquelles ceux-ci sont indemnisés totalement ou partiellement par l’Etat dans le cadre de l’aide juridictionnelle, la France avait manqué aux obliga-tions qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 §2 de la directive TVA. Ainsi, dans le cadre de ce recours, la Cour est invitée à se prononcer sur la question de savoir si ces prestations constituent des prestations de services fournies par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les Etats membres et engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales, au sens de la directive TVA, de sorte que la France est autorisée à appli-quer un taux réduit de TVA à ces prestations, au sens de l’article 98 §2 de la directive TVA.

• La Cour constate, tout d’abord, que la directive TVA ne comprend pas de définition de la notion de « prestation de services par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les Etats membres et engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales ». A ce titre, elle rappelle qu’elle a constaté dans sa jurisprudence anté-rieure que si le terme « organisme » suggère l’existence d’une entité individualisée accomplissant une fonction particulière, rien n’empêche que ces conditions soient remplies par des personnes physiques et des entités privées, poursuivant un but lucratif. Ainsi, la Cour consi-dère que, dans le cadre de l’aide juridictionnelle, les avocats, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et avoués ne sont pas, a priori, exclus de la catégorie pouvant se voir appliquer un taux réduit de TVA, en raison du seul fait qu’il s’agit d’entités privées poursuivant un but lucratif.

•  La Cour rappelle, néanmoins, que pour relever de cette catégorie, les avocats et les avoués, doivent être reconnus par les Etats membres comme ayant un caractère social et étant engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales. Elle précise que les Etats membres disposent d’un pouvoir d’appréciation pour reconnaître un caractère social à certains organismes, dans le respect des limites consenties par la directive TVA. Elle constate que ces limites sont dépassées si

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un Etat membre reconnaît ce caractère à des organis-mes pour appliquer un taux réduit de TVA à certaines de leurs prestations de service en méconnaissance des termes du point 15 de l’annexe III de la directive TVA. Or, cette disposition autorise les Etats membres à appliquer un taux réduit de TVA non pas à toutes les prestations de services à caractère social, mais uniquement à celles fournies par des organismes qui répondent à la double exigence d’avoir eux-mêmes un caractère social et d’être engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales. La Cour considère que la volonté du législateur de l’Union serait contrecarrée si un Etat membre était libre de qualifier des entités privées poursuivant un but lucratif comme des organismes au sens du point 15 de l’annexe III de la directive TVA en raison du simple fait que ces entités fournissent éga-lement des services à caractère social. Ainsi, un Etat membre ne saurait appliquer un taux réduit de TVA à des prestations de services fournies par des entités privées poursuivant un but lucratif sur la base de la seule appréciation du caractère de ces services, sans tenir compte, notamment, des objectifs poursuivis par ces entités considérés dans leur globalité et de la stabilité de l’engagement social de celles-ci.

La Cour conclut que la catégorie professionnelle des avocats et avoués en sa généralité ne saurait être consi-dérée comme présentant un caractère social. Or, si les prestations rendues par les avocats et avoués dans le cadre de l’aide juridictionnelle revêtent un caractère social et peuvent être qualifiées d’« engagement dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales », cette circonstance n’est pas suffisante pour conclure qu’ils peuvent être qualifiés d’« organismes ayant un caractère social et étant engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales » au sens du point 15 de l’annexe III de la directive TVA. Par conséquent, la Cour considère que la France a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive TVA, en appliquant un taux réduit de TVA aux prestations rendues par les avocats, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et avoués dans le cadre de l’aide juri-dictionnelle.

(Arrêt du 17 juin 2010, Commission européenne / République française, C-492/08)

Avocats, Honoraires, Obligation de respect de tarifs maximaux

Conclusions de l’avocat généralL’avocat général Mazák a présenté ses conclusions dans une procédure en manquement engagée par la Commission européenne contre l’Italie, en ce qui concerne une réglementation qui prévoirait des tarifs maximaux obligatoires pour les activités des avocats.

Selon la Commission, la réglementation italienne contien-drait des dispositions imposant aux avocats l’obligation

de respecter des tarifs maximaux. Or, cette obligation constituerait une restriction à la liberté d’établissement prévue par l’article 43 CE (nouvel article 49 TFUE), ainsi qu’une restriction à la libre prestation des services prévue par l’article 49 CE (nouvel article 56 TFUE). La Commis-sion reproche précisément à l’Italie l’existence d’une obligation de respecter de tels tarifs dans un rapport entre avocat et client, considérant qu’elle limite la liberté de négociation de la rémunération des avocats, dans la mesure où la réglementation italienne interdirait à ces derniers d’y déroger par convention. De son côté, l’Italie conteste l’existence d’une telle obligation.

• L’avocat général examine, tout d’abord, si l’ordre juridi-que italien contient réellement l’obligation reprochée par la Commission. Il remarque, à ce titre, que le tarif italien pour les activités des avocats fixant pour chaque acte une limite maximale et une limite minimale, a déjà été examiné par la Cour à trois reprises (Arrêt du 19 février 2002, Arduino, affaire C-35/99 ; Arrêt du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., affaire. C-94/04 et C-202/04 ; Ordonnance du 5 mai 2008, Hospital Consulting, affaire C-386/07). A ce titre, l’avocat général constate que, au moment de ces arrêts, l’obligation de respecter des tarifs minimaux était explicitement prévue par la réglementation italienne, mais que le caractère obligatoire de ces tarifs minimaux a par la suite été supprimé par un décret-loi. L’avocat général en déduit, par conséquent, que l’existence de tarifs maximaux n’est pas contestable.

• L’avocat général examine, ensuite, le caractère obli-gatoire de ces tarifs maximaux. Il admet qu’un tel tarif peut jouer un rôle modérateur protégeant les justiciables contre la fixation d’honoraires excessifs et permettant de connaître à l’avance les frais liés aux services fournis par les avocats. Néanmoins, l’avocat général considère que la prémisse de la Commission relative à l’interdiction de déroger aux tarifs maximaux est inexacte. Il résulte en effet tant du code civil italien, que d’un décret-loi royal, que la convention entre un avocat et son client prime sur le tarif établi par le décret ministériel. Ce n’est qu’en l’absence de toute convention que le tarif est appliqué en vue de déterminer les honoraires d’un avocat dans le cas concret. Il en découle que l’avocat et son client disposent d’une possibilité de déterminer, par convention, les honoraires de l’avocat, par exemple, en fonction du temps passé, au forfait ou encore en fonc-tion du résultat. L’avocat général conclut que la Com-mission n’est pas parvenue à démontrer que lesdites limites sont obligatoires en ce sens qu’elles interdi-sent aux avocats d’y déroger par convention conclue avec leurs clients.

• Enfin, l’avocat général rejette l’argument selon lequel il résulterait de la jurisprudence de la Cour suprême italienne que l’interdiction de déroger au tarif profes-sionnel de l’avocat implique la nullité de tout accord contraire entre les parties intéressées. En effet, il affirme qu’il ressort de l’examen de l’un des arrêts évoqués par

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la Commission qu’il ne porte que sur la liquidation des dépens de justice et non sur la liberté contractuelle de fixer un honoraire dans le rapport entre le client et son avocat.

Ainsi, l’avocat général considère que la Commission n’a pas démontré que les juridictions nationales interprètent la réglementation en cause en ce sens que les tarifs maximaux constituent les limites de la liberté contractuelle des avocats et de leurs clients.

L’avocat général propose de rejeter le recours.(Conclusions de l’avocat général MAZÁK du 6 juillet 2010,

Commission / Italie, Aff. C-565/08)

Propriété intellectuelleBrevet unique européen, Régime de traduction

Proposition de règlementLa Commission européenne a présenté, le 30 juin 2010, une proposition de règlement sur les dispositions relati-ves à la traduction pour le futur brevet de l’Union euro-péenne. La présente proposition complète les mesures, présentées par la Commission en août 2000, relatives à la création d’un brevet unique et à l’institution d’un tribu-nal des brevets au sein de l’Union européenne.

Le système de brevet actuellement en vigueur dans l’Union européenne se caractérise par des coûts très élevés et une grande complexité, en particulier du fait des exigences de traduction. A l’heure actuelle, un brevet européen coûte jusqu’à dix fois plus cher qu’un brevet délivré aux Etats-Unis. Une consultation publique orga-nisée par la Commission, en janvier 2006, sur la future politique en matière de brevet en Europe, a révélé que les coûts élevés du brevet étaient le principal obstacle selon les parties intéressées. L’objectif poursuivi par cette proposition de règlement est, par conséquent, de résou-dre ces difficultés en mettant en place des dispositions pour la traduction offrant un bon rapport coût-efficacité et qui soient plus simples et juridiquement sûres.

• La proposition de règlement prévoit que les brevets de l’Union européenne seraient examinés et délivrés dans une des langues officielles de l’Office européen des brevets, à savoir l’allemand, l’anglais ou le fran-çais. Le brevet délivré serait publié dans cette même langue et constituerait le texte faisant foi. La publication comporterait une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l’Office.

•  Aucune traduction supplémentaire dans d’autres langues ne serait exigée du titulaire du brevet, sauf en cas de litige relatif au brevet de l’Union euro-

péenne. Dans cette dernière hypothèse, il pourrait être exigé du titulaire d’un brevet qu’il produise à ses frais une traduction complète du brevet dans une langue offi-cielle de l’Etat membre où la contrefaçon présumée a eu lieu ou de l’Etat membre où le contrefacteur présumé a son domicile, ainsi que dans la langue de procédure à la demande de la juridiction compétente.

(COM (2010) 350 final)

Brevet, Protection juridique des interventions biotechnologiques

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par le Rechtbank’s-Gravenhage (Pays-Bas), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation de l’article 9 de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (ci-après « la directive »).

Le litige au principal opposait Monsanto Technolology LLC (ci-après « Monsanto ») à, d’une part, Cefetra BV, Cefetra Feed Service BV, Cefetra Futures BV (ci-après, ensemble, « Cefetra ») et, d’autre part, à Vopak Agencies Rotterdam BV (ci-après « Vopak ») et Alfred C. Toepfer International GmbH (ci-après « Toepfer »), au sujet d’importations dans la Communauté européenne, au cours des années 2005 et 2006, de farine de soja en provenance d’Argentine.

Depuis 1996, Monsanto est titulaire d’un brevet euro-péen relatif à une séquence ADN, qui, introduite dans l’ADN d’une plante de soja, la rend résistante à l’herbi-cide glyphosate. Les plantes de soja contenant cette séquence ADN sont appelées « soja RR ». Ce dernier est cultivé à grande échelle en Argentine, où la séquence ADN, inventée par Monsanto, n’est pas protégée par un brevet.

En 2005 et 2006, Cefetra et Toepfer avaient importé d’Ar-gentine aux Pays-Bas de la farine de soja. Après saisie par les autorités douanières des cargaisons de Cefetra et Toepfer et remise d’échantillons à Monsanto, une analyse avait révélé la présence de traces de la séquence d’ADN protégée par cette dernière société. Monsanto avait, dès lors, introduit contre Cefetra, Vopak et Toepfer des deman-des d’interdiction fondées sur l’article 16 du règlement 1383/2003/CE concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandi-ses portant atteinte à certains droits de propriété intellec-tuelle, ainsi que des demandes d’interdiction d’atteintes à son brevet européen pour tous les pays où celui-ci était en vigueur. Saisi de ce litige, le Rechtbank’s-Gravenhage s’est demandé si la seule présence de la séquence ADN brevetée dans la farine de soja suffisait pour retenir une atteinte au brevet européen de Monsanto. La juridiction nationale a dès lors décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de questions préjudicielles.

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•  La juridiction nationale interroge, en premier lieu, la Cour sur la question de savoir si l’article 9 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il confère une protec-tion des droits de brevet lorsque le produit breveté est contenu dans une matière, où il n’exerce pas la fonction pour laquelle il est breveté, mais a exercé celle-ci anté-rieurement. La Cour rappelle, premièrement, que cette disposition subordonne la protection à la condition que l’information génétique contenue dans le produit breveté ou le constituant « exerce » sa fonction dans la « matière dans laquelle » cette information est contenue, ce qui signifie que la fonction doit être exercée actuelle-ment et dans la matière même avec laquelle la séquence d’ADN contenant l’information génétique fait corps. La Cour considère, par conséquent, que la protection est exclue lorsque l’information génétique a cessé d’exer-cer la fonction qu’elle assurait dans la matière initiale dont est issue la matière litigieuse. Cette protection ne saurait être invoquée à l’égard de la matière liti-gieuse au seul motif que la séquence d’ADN, conte-nant l’information génétique, pourrait en être extraite et remplir sa fonction dans une cellule d’un organisme vivant, après y avoir été introduite. En effet, admettre une protection, au sens de cette disposi-tion, aux motifs que l’information génétique a exercé sa fonction antérieurement dans la matière la contenant ou pourrait éventuellement l’exercer à nouveau dans une autre matière, reviendrait à priver d’effet utile la dispo-sition interprétée. La Cour ajoute que, dans la mesure où la directive subordonne la brevetabilité d’une séquence d’ADN à l’indication de la fonction qu’elle assure, elle doit être considérée comme n’accordant aucune protection à une séquence d’ADN brevetée qui n’est pas susceptible d’exercer la fonction spécifique pour laquelle elle a été brevetée.

•  En second lieu, la Cour se prononce sur la question de savoir si l’article 9 de la directive procède à une har-monisation exhaustive de la protection qu’il confère, de sorte qu’il fait obstacle à ce qu’une législation nationale octroie une protection absolue du produit breveté, qu’il exerce ou non sa fonction dans la matière le contenant. Elle affirme, tout d’abord, qu’il ressort des considérants de la directive que le législateur communautaire a entendu procéder à une harmonisation limitée dans son étendue matérielle, mais propre à remédier aux diver-gences existantes ou futures entre les Etats membres dans le domaine de la protection des inventions bio-technologiques. Il en résulte que cette harmonisation doit être considérée comme exhaustive et dès lors, dans la mesure où elle n’accorde pas de protection à une séquence d’ADN brevetée qui n’est pas suscep-tible d’exercer sa fonction, elle s’oppose à ce que le législateur national octroie une protection absolue à une séquence d’ADN brevetée en tant que tel, qu’elle exerce ou non la fonction qui est la sienne dans la matière la contenant.

•  En troisième lieu, la juridiction de renvoi demande à la Cour si le titulaire d’un brevet délivré antérieurement à l’adoption de la directive peut invoquer la protection absolue du produit breveté qui lui aurait été accordée par la législation nationale alors applicable. La Cour rappelle qu’une règle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. En outre, la non-application de la directive aux brevets accordés antérieurement créerait, entre les Etats membres, des différences de protection faisant obstacle à l’harmonisation poursuivie.

•  En quatrième lieu, la Cour estime que l’accord ADPIC n’a pas d’incidence sur l’interprétation donnée de l’arti-cle 9 de la directive.

(Arrêt du 6 juillet 2010, Monsanto Technology LLC / Cefetra BV et autres, aff. C-428/08)

Marque communautaire antérieure, Certificat de renouvellement, Délai imparti par l’OHMI pour apporter des preuves

Arrêt de la CourSaisie d’un recours introduit par la société Anheuser-Busch Inc. (ci-après « Anheuser-Busch »), visant à obtenir l’annulation d’un arrêt du Tribunal de l’Union euro-péenne (affaire T-191/07), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la possibilité, pour l’Of-fice de l’harmonisation dans le marché intérieur (ci-après « OHMI »), d’exiger la preuve du certificat de renouvelle-ment d’une marque.

Anheuser-Busch avait demandé à l’OHMI l’enregistre-ment, en tant que marque communautaire, du signe verbal « budweiser », pour de la bière ainsi que pour des boissons maltées alcooliques et non alcooliques. La société Budvar avait formé une opposition à l’encontre de la marque demandée en invoquant, notamment, sa marque internationale verbale antérieure BUDWEISER, protégée notamment en Allemagne et en Autriche. Cette dernière avait fourni la preuve attestant de sa qualité de titulaire de la marque antérieure, néanmoins la protec-tion accordée à cette marque avait expiré pendant la période impartie par l’OHMI pour produire les éléments de preuve à l’appui de son opposition. L’OHMI n’ayant pas demandé à Budvar de fournir la preuve du renouvel-lement de sa marque antérieure pendant cette période, la société avait, de sa propre initiative, présenté cette preuve, mais à un stade ultérieur de la procédure d’oppo-sition. L’OHMI avait rejeté la demande d’enregistrement d’Anheuser-Busch, considérant que la marque deman-dée était identique à la marque antérieure de Budvar. Anheuser-Busch avait introduit un recours contre la décision de l’OHMI devant le Tribunal. Ce dernier avait confirmé la décision de l’OHMI, en constatant, notam-ment, que Budvar n’avait pas été obligée de produire

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d’office la preuve du renouvellement de sa marque anté-rieure pendant la période impartie par l’OHMI. Anheu-ser-Busch a dès lors formé un pourvoi devant la Cour en invoquant notamment l’argument selon lequel la protection accordée à la marque antérieure ayant expiré avant le terme du délai fixé pour produire les éléments de preuve, Budvar aurait dû présenter la preuve de son renouvellement dans ce délai.

•  La Cour rappelle que ni l’article 42 §3 du règlement 40/94/CE sur la marque communautaire, ni la règle 16 §1 et 3 et la règle 20 §2 du règlement 2868/95/CE portant modalités d’exécution du règlement 40/94/CE, applica-bles en l’espèce, ne précisent quels éléments doivent être apportés à l’appui de l’opposition dans le délai imparti par l’OHMI. En particulier, ils ne comportent aucune disposition indiquant que l’opposant doit fournir d’office et dans le délai imparti par l’OHMI la preuve du renouvellement de la marque antérieure invoquée dans le cas où ce renouvellement doit inter-venir après le dépôt de l’acte d’opposition.

•  La Cour ajoute que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne ressort ni de la jurisprudence, ni de la pra-tique de l’OHMI, que l’opposant a l’obligation de fournir d’office la preuve du renouvellement de la marque dans le délai imparti par l’OHMI.

•  Enfin, elle constate que, si les dispositions du règle-ment 1041/2005/CE modifiant le règlement 2868/95/CE, entré en vigueur postérieurement au cas d’espèce, prévoient désormais une obligation explicite pour l’op-posant de produire la preuve du renouvellement de la marque antérieure dans le délai imparti par l’OHMI, ces nouvelles règles ne sauraient néanmoins être appliquées de manière rétroactive dans le présent litige.

La Cour conclut que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que l’OHMI était en droit de demander la preuve du renouvellement de la marque antérieure lorsque celle-ci est arrivée à expiration après la date du dépôt de l’acte d’opposition, mais qu’en revanche, l’op-posant n’avait pas l’obligation de produire d’office une telle preuve.

(Arrêt de la Cour du 29 juillet 2010, Anheuser-Busch Inc. / Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI),

aff. C-214/09 P)

Recevabilité d’un recours devant la chambre de recours de l’OHMI, Irrégularité de l’acte de recours

Arrêt du TribunalSaisi par la société Axis AB (ci-après « AXIS ») d’un recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (ci-après « OHMI »), le Tribunal de l’Union européenne s’est prononcé sur l’interprétation de

la règle 49 §1 du règlement 2868/95/CE portant modali-tés d’application du règlement 40/94/CE sur la marque communautaire et sur l’article 59 du règlement 40/94/CE sur la marque communautaire, relatifs aux conditions de recevabilité d’un recours.

Le litige opposait les sociétés Axis et Etra Investiga-ción y Desarrollo, SA. La société Axis avait présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’OHMI. La Société Etra Investigacion y Desarrollo SA avait formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement 40/94/CE (devenu article 41 du règlement 207/2009/CE), à l’enregistrement de la marque demandée en raison du risque de confusion entre les marques antérieures et la marque demandée. La division d’opposition avait rejeté l’opposition dans son intégralité, estimant que les diffé-rences entre les signes étaient de nature à écarter l’exis-tence d’un risque de confusion entre les marques. Un recours de la Société Etra Investigacion y Desarrollo, SA, non daté, formé contre la décision de la division d’oppo-sition, était parvenu à l’OHMI. La deuxième chambre de recours de l’OHMI avait fait droit au recours, en annulant la décision de la division d’opposition et en rejetant la demande d’enregistrement dans son intégralité.

La société Axis a donc saisi le Tribunal afin d’obtenir l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI en raison notamment du fait que l’acte de recours non daté est parvenu à l’OHMI après l’expira-tion du délai de recours. En effet, la chambre de recours de l’OHMI avait admis la recevabilité de celui-ci, considé-rant que le paiement de la taxe de recours par virement bancaire avait rempli le rôle de l’acte de recours aux fins de recevabilité, étant donné qu’il avait été effectué à temps et qu’il contenait les informations détaillées requi-ses par la règle 48 §1 du règlement 2868/95/CE.

Le Tribunal rappelle qu’en vertu de la règle 49 §1 du règlement 2668/95/CE, la chambre de recours est tenue de rejeter comme irrecevable un recours, si ce dernier ne remplit pas les conditions posées par l’article 59 du règle-ment 40/94/CE et qu’il n’a pas été remédié aux irrégula-rités qu’il contient dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée. Or, si en vertu de l’article 59 du règlement 40/94/CE, le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours, le seul virement de la somme correspon-dante ne saurait être considéré comme équivalent à l’acte requis par ledit article. Le Tribunal considère que la chambre de recours de l’OHMI a, par conséquent, méconnu la condition relative à l’existence de l’acte de recours au sens de l’article 59 du règlement 40/94/CE et a ainsi méconnu la règle 49 §1 du règlement 2868/95/CE, en admettant la recevabilité du recours.

(Arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Axis AB / OHMI, aff. T-70/08)

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Sécurité socialeSoins hospitaliers nécessaires et inopinés effectués dans un autre Etat membre, Remboursement

Arrêt de la CourSaisie d’un recours en manquement introduit par la Commission européenne à l’encontre de l’Espagne, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la législation espagnole refusant aux bénéficiaires du système national de santé espagnol le remboursement des frais médicaux qu’ils ont exposés dans un autre Etat membre en cas de traitement hospitalier et ce, dans la mesure où le niveau de couverture applicable dans l’Etat membre où ce traitement est dispensé est inférieur à celui prévu par la réglementation espagnole.

La Commission relève en particulier qu’il s’agit de trai-tement hospitalier reçu conformément au règlement 1408/71/CEE relatif à l’application des régimes de sécu-rité sociale aux travailleurs salariés (ci-après « le règle-ment ») dont l’article 22 §1 a) couvre toute situation dans laquelle des soins deviennent nécessaires au cours d’un séjour temporaire dans un autre Etat membre en raison d’une dégradation de l’état de santé de l’affilié.

•  La Cour rappelle, à titre liminaire, que l’applicabilité de l’article 22 du règlement n’exclut pas l’applicabilité de l’article 49 CE (nouvel article 56 TFUE) relatif à la libre prestation de services. Le fait qu’une réglementation nationale soit conforme au règlement n’a pas pour effet de la faire échapper aux dispositions du traité CE.

• La Cour vérifie, en premier lieu, si les services identi-fiés par la Commission dans son recours ont un carac-tère transfrontalier susceptible de les faire relever de l’application de l’article 49 CE. Elle précise, à cet égard, que la libre prestation de services englobe la liberté d’un affilié établi dans un Etat membre de se rendre, par exemple, en qualité de touriste ou d’étudiant, dans un autre Etat membre pour un séjour temporaire et d’y recevoir des soins hospitaliers de la part d’un prestataire établi dans cet autre Etat membre lorsque son état de santé vient à nécessiter de tels soins durant ce séjour.

• La Cour examine, en second lieu, si la réglementa-tion litigieuse constitue un manquement aux dis-positions relatives à la libre prestation de services. L’article 49 CE s’oppose en particulier à l’application de toute réglementation nationale qui a pour effet de rendre la prestation de services entre Etats membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un Etat membre. Or, bien que la régulation des systèmes de sécurité sociale relève de la compétence des Etats membres, ces derniers doivent, dans l’exercice de celle-ci, respecter le droit de l’Union.

- La Cour distingue, s’agissant des soins de santé de nature hospitalière, les « soins inopinés » des « soins programmés ». Ces derniers doivent résulter d’un constat objectif de l’absence de disponibilité, dans l’Etat membre d’affiliation, des soins en cause ou de soins présentant un même degré d’efficacité, dans un délai médicalement acceptable. L’Etat membre concerné doit garantir à l’affi-lié un niveau de couverture aussi avantageux que celui que la disponibilité desdits soins, dans un tel délai au sein de son propre système de santé, l’aurait conduit à accorder à l’intéressé et ce, sous peine de méconnaître les règles relatives à la libre prestation de services.

Dans cette hypothèse, le fait que la réglementation de ce dernier Etat membre ne garantisse pas à l’affilié le droit au remboursement, par l’institution compétente, de l’éventuelle différence positive entre le niveau de couver-ture applicable dans cet Etat membre et celui applicable dans l’Etat membre dans lequel les soins hospitaliers en cause sont programmés est de nature à inciter cet affilié à renoncer au traitement envisagé dans cet autre Etat membre, ce qui traduit une restriction à la libre presta-tion des services

- En revanche, la situation des soins inopinés recou-vre un nombre indéfini de cas dans lesquels l’Etat de santé de l’affilié vient à nécessiter, lors du séjour temporaire de ce dernier dans un autre Etat membre, des soins hospitaliers dans des circonstances liées, notamment, à l’urgence de la situation, à la gravité de l’affection ou de l’accident, ou encore à l’impossibilité médicale d’un rapatriement vers l’Etat membre d’af-filiation, qui ne laissent objectivement d’autre alter-native que la fourniture à l’intéressé d’un traitement hospitalier dans un établissement situé dans l’Etat membre de séjour. Dans tous ces cas, il est exclu que la réglementation litigieuse puisse se voir imputer un quelconque effet restrictif sur la fourniture de servi-ces de soins hospitaliers par des prestataires établis dans un autre Etat membre.

La Cour retient notamment que chaque Etat membre s’en remet en effet, en tant qu’Etat membre d’affiliation, à l’application de la réglementation de l’Etat membre de séjour en ce qui concerne le niveau de la couverture, à la charge finale de l’institution compétente, des soins hospitaliers qui viendraient à être nécessités par l’état de santé de l’affilié durant son séjour temporaire dans ce dernier Etat membre. L’application combinée de l’ar-ticle 22 §1 sous a) et de l’article 36 du règlement, relatif au mécanisme de remboursement entre les institutions concernées, repose ainsi sur une compensation globale des risques.

Dès lors, le fait d’imposer à un Etat membre l’obligation de garantir à ses propres affiliés un remboursement complémentaire par l’institution compétente chaque fois que le niveau de couverture applicable dans l’Etat membre de séjour pour les soins hospitaliers inopinés en

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cause s’avère inférieur à celui applicable en vertu de sa propre réglementation reviendrait à mettre à mal l’éco-nomie même du système voulu par le règlement. En effet, dans tout cas relatif à de tels soins, l’institution compétente de l’Etat membre d’affiliation se verrait systématiquement exposée à la charge financière la plus élevée, que ce soit par l’application, conformé-ment à l’article 22 §1 a) dudit règlement, de la régle-mentation de l’Etat membre de séjour qui prévoit un niveau de couverture supérieur à celui prévu par la réglementation de l’Etat membre d’affiliation ou par l’application de cette dernière réglementation dans l’hypothèse contraire.

La Cour conclut que la Commission n’a pas démontré que, dans sa généralité, la réglementation litigieuse est constitutive d’un manquement de l’Espagne aux obliga-tions qui incombent à cet Etat membre en vertu de l’ar-ticle 49 CE.

(Arrêt du 15 juin 2010, Commission / Espagne, aff. C-211/08)

SocialEgalité entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, Renforcement de la protection

DirectiveLa directive 2010/41/UE concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, abrogeant la directive 86/613/CEE, a été publiée, le 15 juillet 2010, au Journal officiel de l’Union européenne.

Ce texte instaure un cadre permettant l’application, dans les Etats membres, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépen-dante ou contribuant à l’exercice d’une telle activité.

Il s’adresse donc aux travailleurs indépendants, c’est-à-dire à toute personne exerçant une activité lucrative à son propre compte et aux conjoints de travailleurs indépendants ou aux partenaires de vie de travailleurs indépendants non salariés et non associés à l’entreprise, lorsque ceux-ci sont reconnus par le droit national.

Par conséquent, cette directive n’a pas vocation à s’appli-quer aux domaines déjà régis par d’autres textes, notam-ment la directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de trai-tement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

Les Etats membres devront veiller à ce que :

les conditions de constitution d’une société entre –conjoints ou entre partenaires de vie, lorsque ceux-ci

sont reconnus par le droit national, ne soient pas plus restrictives que les conditions de constitution d’une société entre d’autres personnes ;

les conjoints ou partenaires de vie aient droit à une –couverture sociale au même titre que les travailleurs exerçant une activité indépendante, à condition que l’Etat membre offre une telle protection à ces derniers ;

les femmes, exerçant une activité indépendante, ou –les conjointes ou partenaires de vie bénéficient d’une allocation maternité suffisante leur permet-tant d’interrompre leur activité professionnelle pen-dant au moins quatorze semaines ;

l’accès aux procédures judiciaires, administratives –ou de conciliation soit garanti à toute personne qui s’estimerait lésée par le non-respect de la directive ;

le préjudice subi par une personne lésée du fait –d’une discrimination fondée sur le sexe soit réelle-ment et effectivement réparé ou indemnisé.

La directive est entrée en vigueur le 5 août 2010 et devra être transposée par les Etats membres dans leurs ordres juridiques nationaux avant le 5 août 2012. En cas de diffi-cultés particulières, les Etats membres pourront disposer d’un délai supplémentaire de deux ans pour mettre en œuvre les dispositions relatives aux conjoints aidants.

(JOUE L 180/1, du 15 juillet 2010)

Retraites, Livre vert

Consultation publiqueLa Commission européenne a publié, le 7 juillet 2010, un Livre vert intitulé « Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs ». Ce texte, qui s’accompagne d’un document de travail de la Commission, lance une réflexion et une consultation publique au sein de l’Union européenne, sur la question de savoir si et comment le cadre européen pour les retraites devrait être ajusté afin de mieux soutenir les Etats membres dans la réalisation de leur objectif commun qui est d’assurer aux citoyens des pensions adéquates et viables.

Le Livre vert identifie deux objectifs primordiaux pour lesquels une réforme des systèmes de retraites est néces-saire :

la garantie d’un revenu de retraite adéquat, –

la garantie d’un système de retraite viable concou- –rant ainsi à la viabilité des finances publiques.

Ce document de consultation examine le cadre européen en matière de retraites d’une manière globale et intégrée, en s’intéressant aux synergies entre les politiques éco-nomiques et sociales et la réglementation des marchés financiers. Il aborde ainsi des thèmes aussi variés que la prolongation de la vie professionnelle, le marché inté-

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68 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

rieur des retraites, la mobilité des retraites dans l’Union européenne, les lacunes de la réglementation de l’Union européenne, le futur régime de solvabilité pour les fonds de pension, le risque d’insolvabilité de l’employeur et la prise de décision ainsi que la gouvernance éclairée au niveau de l’Union européenne.

La Commission formule plusieurs recommandations, telles que le rehaussement de l’âge légal de départ à la retraite, la mise en place de systèmes de pensions diver-sifiés ou encore une législation en matière de pension plus favorable à la mobilité en vue d’atteindre les objec-tifs fixés.

Le Livre vert pose une série de quatorze questions, notamment celles de savoir :

comment l’Union européenne peut aider les Etats –membres à rendre leurs systèmes de retraite plus adéquats ;

si l’Union européenne devrait mieux définir ce –qu’implique un revenu de retraite adéquat ;

si le cadre pour les retraites qui existe actuellement –au niveau de l’UE est suffisant pour garantir la viabi-lité des finances publiques.

A la date de la clôture de la consultation, le 15 novembre 2010, les réponses obtenues seront mises en ligne. La Commission analysera ensuite toutes les contributions et déterminera la meilleure manière d’agir pour traiter ces questions au niveau de l’Union européenne. La consulta-tion pourra donc aboutir à un Livre blanc plus sectoriel où des changements législatifs pourront être proposés.

(COM(2010)365 final)

Travail à temps partiel, Calcul des retraites, Non-discrimination

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par la Cour d’appel de Rome (Italie), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation de la directive 97/81/CE concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES.

Le litige au principal opposait des salariés relevant du per-sonnel navigant de cabine de la compagnie aérienne Ali-talia à l’Istituto nazionale della previdenza sociale (ci-après « INPS »), au sujet du caractère éventuellement discrimina-toire des modalités de calcul de l’ancienneté requise pour acquérir un droit à une pension de retraite, dans le cas d’un contrat de travail « à temps partiel vertical cyclique ».

Les salariés travaillaient à temps partiel, selon une formule dite du « temps partiel vertical cyclique » qui consistait en ce que le salarié ne travaillait que pendant certaines semaines ou certains mois de l’année, en effec-tuant un horaire plein ou réduit. Ils reprochaient à l’INPS de n’avoir pris en considération, au titre des périodes de

cotisation utiles pour l’acquisition de droits à pension, que les périodes travaillées, à l’exclusion des périodes non travaillées correspondant à leur réduction d’horaire par rapport aux travailleurs à temps plein comparables.

Ils avaient ainsi formé des recours devant le Tribunale di Roma pour contester les décomptes individuels des périodes de cotisation que l’INPS leur avait adressés. A l’appui de leurs recours, les salariés faisaient valoir que l’exclusion des périodes non travaillées revenait à instau-rer une différence de traitement entre eux et les salariés ayant choisi la formule dite « horizontale », c’est-à-dire ceux dont la réduction des heures de travail, comparées à un travail à temps plein, était déterminée par rapport aux heures de travail normales journalières. Ils considé-raient que cette différence de traitement était d’autant plus injuste que, en raison de la nature du travail du per-sonnel de cabine, le temps partiel vertical cyclique était la seule modalité de travail à temps partiel prévue par leur convention collective.

A la suite de la décision du tribunal de Rome qui donna raison à ces salariés, l’INPS a saisi la Cour d’appel de Rome qui a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de questions préjudicielles, afin de savoir si :

la clause 4 de l’accord-cadre, relative au principe de –non-discrimination, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale lorsque celle-ci, s’agissant du travail à temps partiel cycli-que, a pour effet d’exclure les périodes non tra-vaillées du calcul de l’ancienneté requise pour acquérir un droit à une pension de retraite ;

les clauses 1 et 5 §1 de l’accord-cadre doivent être –interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui constitue, pour les travailleurs, un obstacle important au choix d’un tra-vail à temps partiel vertical cyclique.

• Concernant la première question, la Cour constate, tout d’abord, qu’un travailleur à temps plein bénéficie, pour une période d’emploi de douze mois consécutifs, d’un an d’ancienneté aux fins de la détermination de la date à laquelle il peut prétendre à un droit à pension. En revan-che, un travailleur dans une situation comparable ayant opté, selon la formule du temps partiel vertical cyclique, sera crédité, pour la même période, d’une ancienneté égale à 75 % seulement de celle de son collègue travaillant à temps plein et ce, au seul motif qu’il travaille à temps partiel. Ainsi, alors que leurs contrats de travail ont une durée effective équivalente, le travailleur à temps partiel acquiert l’ancienneté ouvrant droit à pension de retraite à un rythme plus lent que le travailleur à temps plein. La Cour estime qu’il s’agit d’une différence de traitement fondée sur le seul motif du travail à temps partiel.

La Cour rappelle, ensuite, que l’égalité de traitement entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein s’impose, sous réserve de l’application du

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principe du pro rata temporis énoncé à la clause 4.2 de l’accord-cadre. Néanmoins, ce principe du pro rata tem-poris n’est pas applicable à la détermination de la date d’acquisition d’un droit à pension, dans la mesure où celle-ci dépend exclusivement de la durée de l’ancien-neté acquise par le travailleur. Cette ancienneté corres-pond, en effet, à la durée effective de la relation d’emploi et non pas à la quantité de travail fournie au cours de cel-le-ci. Par conséquent, le principe de non-discrimina-tion implique que la durée de l’ancienneté doive être calculée pour le travailleur à temps partiel comme s’il avait occupé un poste à temps plein, les périodes non travaillées étant intégralement prises en compte.

La Cour précise enfin qu’une telle différence de traite-ment peut être considérée comme conforme au principe de non-discrimination si elle est justifiée par des raisons objectives. Or, l’argumentation selon laquelle la diffé-rence de traitement en cause au principal est justifiée par le fait que les périodes correspondant à la réduction d’horaires d’un contrat de travail à temps partiel ont pour effet de suspendre l’exécution de celui-ci, se heurte à la définition du temps partiel figurant à la clause 3 de l’accord-cadre et revient à priver d’effet utile le principe énoncé à la clause 4.1 de cet accord-cadre, interdisant, pour ce qui concerne les conditions d’emploi, que les travailleurs à temps partiel soient traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein com-parables, au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel.

La Cour conclut que, s’agissant de pensions de retraite, la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation natio-nale qui, pour les travailleurs à temps partiel vertical cyclique, exclut les périodes non travaillées du calcul de l’ancienneté requise pour acquérir un droit à une telle pension, à moins qu’une telle différence de trai-tement ne soit justifiée par des raisons objectives.

•  Concernant la seconde question, la Cour constate que la réglementation en cause, en excluant du calcul de l’ancienneté requise pour acquérir un droit à pension les périodes non travaillées, instaure une différence de traitement entre travailleurs à temps partiel vertical cyclique et travailleurs à temps plein et, partant, méconnaît le principe de non-discrimi-nation. En conséquence, elle tend à rendre moins attractif le recours au travail à temps partiel voire les en dissuade, dans la mesure où un tel choix conduit à repousser dans le temps la date de l’acquisition de leur droit à pension. Ainsi, la Cour affirme que, dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion que la réglementation nationale est incom-patible avec la clause 4 de l’accord-cadre, il y aurait lieu d’interpréter les clauses 1 et 5 §1 en ce sens qu’elles s’op-posent également à une telle réglementation.

(Arrêt du 10 juin 2010, Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS) / Tiziana Bruno, Massimo Pettini et / Daniela

Lotti, Clara Matteucci, aff. jointes C-395/08 et C-396/08)

Travailleuses enceintes, Dispense ou affectation à un autre poste, Maintien des primes et indemnitésArrêts de la CourSaisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union euro-péenne s’est prononcée dans deux affaires distinctes, sur l’interprétation de l’article 11 de la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à pro-mouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (ci-après « la directive »).

Les deux litiges au principal opposaient deux requéran-tes à leurs employeurs respectifs, en raison de la diminu-tion de leur rémunération au cours de leur grossesse ou de leur congé de maternité.

Le premier litige opposait Madame Sanna Maria Parviainen, hôtesse de l’air, à son employeur, la compagnie aérienne Finnair Oyj. Madame Parviainen, employée comme chef de cabine, avait été affectée, dès le début de sa grossesse, à un poste au sol compatible avec son état. Lorsque l’hô-tesse exerçait comme chef de cabine, elle bénéficiait de primes substantielles, qui représentaient environ 40 % de sa rémunération totale. Or, lors du changement provisoire de poste, l’employeur avait refusé d’intégrer ces com-pléments dans la rémunération de l’hôtesse, ce qui avait entraîné une diminution significative de celle-ci.

Le second litige opposait Madame Susanne Gassmayr, médecin salarié dans une clinique, au Bundesminister für Wissenschaft und Forschung. Avant sa grossesse, Madame Gassmayr cumulait son salaire de base avec une indemnité pour astreinte sur le lieu de travail pour des heures supplémentaires qu’elle effectuait en sus des heures normales. Elle s’était arrêtée de travailler en raison du fait que la poursuite de son activité professionnelle était susceptible de menacer sa vie ou sa santé ou celles de l’enfant. Madame Gassmayr revendiquait un droit au paiement d’une indemnité correspondant à la moyenne des astreintes antérieures.

Les juridictions de renvoi interrogent donc la Cour sur le point de savoir si l’article 11 §1 de la directive doit être interprété en ce sens qu’une travailleuse enceinte ou en congé de maternité, ayant été affectée à un autre poste ou ayant été arrêtée de travailler du fait de sa grossesse, a droit à une rémunération équivalente à celle qu’elle percevait antérieurement, notamment au maintien des primes ou indemnités qu’elle percevait.

• La Cour considère que les salariées en congé de mater-nité sont dans une situation spécifique qui exige qu’une protection spéciale leur soit accordée, mais qui ne peut être assimilée à celle d’une femme qui occupe effective-ment son poste de travail.

En conséquence, la Cour affirme que la salariée réaf-fectée conserve le droit aux éléments de la rémuné-

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ration ou aux primes qui se rattachent à son statut professionnel tels que, notamment, les primes liées à sa qualité de supérieur hiérarchique, à son ancienneté et à ses qualifications professionnelles tout comme la salariée qui a cessé de travailler. En revanche, lors de l’affectation provisoire ou si le reclassement s’avère impossible, les Etats membres ne sont pas dans l’obli-gation de maintenir les éléments de la rémunération, les primes ou les indemnités qui dépendent de l’exer-cice de fonctions spécifiques dans des conditions particulières et qui visent essentiellement à compen-ser les inconvénients liés à l’exercice.

• Quant au calcul de leur rémunération, les salariées en congé de maternité ne peuvent pas invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 141 CE (nouvel article 157 TFUE) ou de l’article 11 de la directive 92/85/CEE pour revendiquer le maintien de leur rémunération intégrale comme si elles occupaient effectivement leur poste de travail.

• En revanche, la Cour rappelle, dans ses deux arrêts, qu’aucune disposition de la directive 92/85/CEE n’empêche les Etats ou, le cas échéant, les partenaires sociaux, d’aménager une protection renforcée, c’est-à-dire de prévoir le maintien de tous les éléments de la rémunération et de toutes les primes, auxquels la travailleuse enceinte avait droit avant sa grossesse.

(Arrêts de la Cour, du 1er juillet 2010, Sanna Maria Parviai-nen / Finnair Oyj, aff. C-471/08 et Susanne

Gassmayr / Bundesminister für Wissenschaft und Forschung, aff. C-194/08)

SociétésTransfert d’entreprise, Autonomie de l’entité transférée, Représentants des travailleurs

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par le Juzgado de lo Social Unico (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation de l’article 6 §1 de la directive 2001/23/CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établis-sements (ci-après « la directive »).

Le litige au principal opposait la Federacion de Servicios Publicos de la UGT (ci-après « UGT-FSP ») à la commune de La Linea de la Conception, Madame del Rosario vecino Urbe et dix-neuf autres défendeurs ainsi que le Ministe-rio Fiscal à propos du refus de la commune de La Linea de la Conception de reconnaître la qualité de représentants légaux des travailleurs aux personnes élues pour exercer

cette fonction dans plusieurs entreprises en charge de concessions de services publics transférées à cette muni-cipalité.

Le maire de la commune de La linea de la Conception avait, par arrêté municipal, décidé le rachat de plusieurs concessions de services publics dont la prestation était confiée à quatre entreprises concessionnaires privées. Les salariés faisant partie des concessions rachetées par l’administration municipale avaient été intégrés à son personnel et continuaient d’occuper les mêmes fonc-tions sous les ordres des mêmes responsables directs, sans modification substantielle de leurs conditions de travail, à la seule différence que leurs supérieurs hiérar-chiques les plus élevés étaient désormais les élus compé-tents. Les représentants légaux des salariés de chacune des entreprises avaient sollicité auprès de la municipalité la possibilité d’effectuer des heures de délégations. Ces demandes avaient été rejetées, au motif que les salariés concernés n’assumaient plus, du fait de leur intégration au personnel municipal, leurs fonctions de représentants légaux.

Saisie dans ce contexte, la juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour sur le point de savoir si une entité économique transférée conserve son autonomie, au sens de l’article 6 §1 de la directive, dans une situation telle que celle en cause au principal.

• La Cour examine, en premier lieu, si un transfert, tel que celui en cause au principal, relève de l’article 1 §1 b) de la directive. Elle rappelle que le critère décisif pour établir l’existence d’un transfert est de savoir si l’entité en question garde son identité, ce qui résulte notamment de la poursuite effective de l’exploitation ou de sa reprise. Or, le simple fait que le concessionnaire soit une personne morale de droit public ne permet pas d’exclure l’existence d’un transfert relevant de la direc-tive. La Cour ajoute que ce transfert doit porter sur une entité économique organisée de manière stable, dont l’activité ne se borne pas à l’exécution d’un ouvrage déterminé.

Pour déterminer si les conditions d’un transfert d’une entité économique organisée de manière stable sont remplies, la Cour précise qu’il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause, tels que notamment le type d’entreprise ou d’établissement, le transfert ou non d’éléments corporels, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l’essentiel des effectifs par le nouveau chef d’entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d’une éventuelle suspension de ces activités.

•  La Cour examine, en second lieu, si la condition d’autonomie est remplie. Elle précise que la question de l’autonomie ne s’apprécie qu’à partir du moment où l’existence du transfert a été constaté.

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- Elle précise, tout d’abord, qu’une entité économi-que transférée conserve son autonomie, au sens de l’article 6 §1, de la directive, dès lors que les pouvoirs accordés aux responsables de cette entité, au sein des structures d’organisation du cédant, à savoir le pouvoir d’organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail au sein de ladite entité dans la poursuite de l’activité économique qui lui est propre et, plus particulièrement, les pouvoirs de donner des ordres et des instructions, de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés relevant de l’entité en cause ainsi que de décider de l’emploi des moyens matériels mis à sa disposition, ceci sans intervention directe de la part d’autres structures d’organisation de l’employeur, demeurent, au sein des structures d’organisation du cessionnaire, en substance, inchangés.

Dans de telles circonstances, le droit des travailleurs d’être représentés doit, en principe, s’exercer selon les mêmes modalités et suivant les mêmes conditions qu’avant le transfert. En revanche, dans une situation dans laquelle les travailleurs relèvent, à la suite du trans-fert, de responsables dont les pouvoirs organisationnels ont été réduits et ne peuvent plus être qualifiés d’auto-nomes, les intérêts de ces travailleurs ne sont dès lors plus les mêmes et, par conséquent, les modalités et les conditions de leur représentation doivent s’adapter aux changements survenus.

- La Cour constate, ensuite, que le simple change-ment des supérieurs hiérarchiques les plus élevés ne saurait être en soi préjudiciable à l’autonomie de l’en-tité transférée, à moins que les nouveaux supérieurs hiérarchiques les plus élevés disposent de pouvoirs leur permettant d’organiser directement l’activité des travailleurs de cette entité et de se substituer ainsi aux supérieurs immédiats dans la prise de déci-sion à l’intérieur de l’entité.

(Arrêt du 29 juillet 2010, UGT-FSP, aff. C-151/09)

TélécommunicationsPortabilité des numéros de téléphone, Autorités réglementaires nationales, Redevance à caractère dissuasif, Prise en considération des coûts

Arrêt de la CourSaisie à titre préjudiciel par le Sad Najwyzszy (Pologne), la Cour de justice de l’Union européenne s’est pronon-cée sur l’interprétation de l’article 30 §2 de la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits

des utilisateurs au regard des réseaux et services de com-munications électroniques (ci-après « la directive »).

Le litige au principal opposait Polska Telefonia Cyfrowa (ci-après « PTC ») au président de l’autorité des communi-cations électroniques (ci-après « le président de l’UKE »), au sujet d’une décision par laquelle ce dernier avait infligé à PTC une amende, considérant que la redevance que fac-turait PTC, en cas de changement d’opérateur, constituait une violation de la loi sur les télécommunications, dans la mesure où un tel montant dissuadait les abonnés de PTC de faire usage de leur droit à la portabilité du numéro. Le tribunal régional de Varsovie avait rejeté le recours formé par PTC contre cette décision. La Cour d’appel de Varso-vie ayant ensuite annulé la décision contestée, le prési-dent de l’UKE avait formé un pourvoi contre cet arrêt.

Saisie de ce litige, la Cour suprême a décidé d’interroger la Cour sur la question de savoir si l’article 30 §2 de la direc-tive doit être interprété en ce sens que l’autorité régle-mentaire nationale (ci-après « ARN ») doit tenir compte des coûts supportés par les opérateurs de réseaux de téléphonie mobile pour la mise en œuvre du service de la portabilité du numéro lorsqu’elle apprécie le caractère dissuasif de la redevance à payer par les consommateurs pour l’utilisation dudit service.

•  La Cour rappelle que la portabilité des numéros a pour objet de supprimer les entraves au libre choix des consommateurs, notamment entre les opérateurs de téléphonie mobile, et de garantir ainsi le dévelop-pement d’une concurrence effective sur le marché des services téléphoniques. En vue d’atteindre ces objectifs, l’article 30 §2 de la directive prévoit que les ARN veillent à ce que la tarification de l’interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros soit fonction du coût et que, le cas échéant, les redevances à payer par le consommateur ne jouent pas un rôle dissuasif à l’égard de ces compléments de services. Les ARN se voient ainsi conférer une certaine marge d’appréciation pour évaluer la situation et définir la méthode qui leur semble la plus appropriée pour réaliser la pleine efficacité de la porta-bilité, de telle manière que les consommateurs ne soient pas dissuadés de faire usage de cette facilité. La Cour estime que l’article 30 §2 de la directive ne s’oppose pas à ce que les ARN fixent à l’avance les prix maxi-maux pouvant être réclamés par l’opérateur donneur à l’opérateur receveur, au titre des coûts d’établis-sement, dès lors que les tarifs sont fixés en fonction des coûts de telle manière que les consommateurs ne soient pas dissuadés de faire usage de la portabilité. L’ARN doit dès lors assurer un compromis entre les intérêts des consommateurs et ceux des opérateurs, tout en assurant une transparence adéquate de la tarification dans le cadre de la mise en œuvre de la portabilité des numéros.

• La Cour ajoute que la méthode choisie par l’ARN pour apprécier l’effet dissuasif de la redevance doit être cohé-

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rente avec les principes de tarification de l’interconnexion en permettant d’assurer l’objectivité, la pleine efficacité et la transparence de cette tarification. Il appartient à l’ARN de déterminer, en utilisant une méthode objec-tive et fiable, tant les coûts supportés par les opéra-teurs pour la fourniture du service de la portabilité du numéro que le seuil de redevance au-delà duquel les consommateurs sont susceptibles de renoncer audit service.

La Cour conclut que l’article 30 §2 de la directive doit être interprété en ce sens que l’ARN doit tenir compte des coûts supportés par les opérateurs de réseaux de

téléphonie mobile pour la mise en œuvre du service de la portabilité du numéro lorsqu’elle apprécie le carac-tère dissuasif de la redevance à payer par les consom-mateurs pour l’utilisation dudit service. Toutefois, elle conserve la faculté d’arrêter le montant maximal de cette redevance exigible par les opérateurs à un niveau inférieur aux coûts supportés par ces derniers, lorsqu’une redevance calculée sur la base de ces seuls coûts est susceptible de dissuader les utilisateurs de faire usage de la facilité de la portablité.

(Arrêt du 1er juillet 2010, Polska Telefonia Cyfrowa sp. z o.o. /Prezes Urzedu Komunikacji Elektronicznej, aff. C-99/09)

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Bibliothèque

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AUTRES PUBLICATIONS

Droits fondamentaux

« La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne après le traité de Lisbonne »Cette étude, issue d’un colloque organisé en 2008, par l’Institut des droits de l’homme des avocats européens (IDHAE), à la Cour de justice de l’Union européenne, exa-mine le nouvel impact de la charte des droits fondamen-taux dans l’Union européenne, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Les auteurs s’attachent à préciser les conséquences pratiques de la nouvelle valeur juridi-que de ce texte pour le juge européen et les juridictions nationales.

Sous la direction de Bertrand Favreau, Avocat, Bruylant, Collection Institut des droits de l’homme des avocats euro-péens, 2010

Droit général de l’UE

« Contentieux européen »Ce manuel décrit le système juridictionnel de l’Union européenne. Il étudie les différents recours pouvant être introduits devant la Cour de justice de l’Union euro-péenne, le Tribunal de l’Union européenne et le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne. Il intègre les dernières modifications introduites par le traité de Lisbonne et issues de la jurisprudence récente des juri-dictions de l’Union européenne.

Par Melchior Wathelet, Ministre d’Etat et Professeur de droit européen aux universités de Louvain et de Liège, Avo-cat et Ancien Juge à la Cour de justice de l’Union européenne, avec la collaboration de Jonathan Wildemeersch, Maître de conférences et assistant à la faculté de droit de l’Univer-sité de Liège, Avocat au barreau de Liège, Larcier, Collection de la faculté de droit de l’Université de Liège, 2010.

« Le renvoi préjudiciel en droit européen »Cet ouvrage est conçu comme un guide pratique de la procédure de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne. Il apporte un regard nouveau sur l’ensemble de la procédure devant la Cour grâce à une analyse approfondie de la jurisprudence et des pratiques.

Par Caroline Naômé, Référendaire à la Cour de justice de l’Union européenne, 2e édition, Larcier, Collection JLMB OPUS, 2010

« Institutions européennes 2010-2011 — L’Union européenne, le Conseil de l’Europe, les institutions spécialisées »Cet ouvrage présente toutes les institutions et organes de l’Union européenne, ainsi que le Conseil de l’Europe et les institutions spécialisées. Il fait état des actions récentes menées par ces institutions, notamment depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et suite à la crise financière internationale.Par Christophe Lescot, Maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, 13e édition, Paradigme publica-tions universitaires, Collection Manuel, 2010

Justice

« Quelles perspectives pour le ministère public européen ? »Cette étude, établie suite à une conférence organisée par la Cour de cassation avec le soutien de la Commis-sion européenne et de l’Ecole nationale de la magistra-ture, dessine les perspectives d’un futur ministère public européen, dont les jalons ont été posés par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Elle aborde les perspecti-ves de développements institutionnels du futur parquet européen, évoque les raisons et les justifications de sa création et se penche sur les caractéristiques de ce nou-veau ministère public.Sous l’égide de la Cour de cassation, avec la contribution entre autres de Michèle Alliot-Marie et Robert Badinter, Dalloz, Collection Thèmes & commentaires, 2010

Profession

« Le secret professionnel de l’avocat et la jurispru-dence européenne / Legal professional privilege and european case law »Réunissant la contribution de plusieurs hauts magistrats, cet ouvrage dresse un bilan du rapport Edward de 1976, mis à jour en 2003, sur le secret professionnel de l’avo-cat en Europe. Il apporte une réflexion approfondie sur la question du secret professionnel au regard des droits des différents Etats membres. L’implication du secret

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professionnel en matière pénale, fiscale et en droit de la concurrence y est notamment étudié et ce, à la lumière de la jurisprudence des Hautes Cours européennes.Sous la direction scientifique de Georges-Albert Dal, Avocat au barreau de Bruxelles et Professeur à l’Univer-sité catholique de Louvain et avec la contribution de Paul Martens, Président de la Cour constitutionnelle belge, Richard Plender, Juge à la High Court de Londres, Dean Spielmann, Juge à la Cour européenne des droits de l’homme et de Nicholas Forwood, Juge au Tribunal de l’Union européenne, Larcier, 2010.

Social« Droit européen du travail »Sensible à l’apparition d’un droit européen du travail à travers l’adoption de textes européens et d’une juris-prudence accrue de la Cour de justice de l’Union euro-péenne, l’auteur analyse la liberté de circulation des tra-vailleurs, ainsi que les règles applicables au contrat de travail, le mouvement syndical européen, la représenta-tion du personnel et les conflits collectifs du travail.Par Bernard Teyssié, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris-II), Président honoraire de l’Université, 4e édi-tion, Litec, Collection Manuel, 2010

AU SOMMAIRE DES REVUESArbitrage

« Chronique de jurisprudence : droit de l’arbitrage ■

(janvier-juin 2010) »Par Denis Bensaude, Avocat aux Barreaux de Paris et de New York, avec l’assistance d’Annaïg Combe, élève-avocat, in La Gazette du Palais, n° 206 à 208, 25-27 juillet 2010, p. 13-22.

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sur l’obligation pour le juge national de procéder à la récupération des aides illégales (CJUE, 11 mars 2010) »Par Jérémie Vialens, Membre du Centre de recherche sur le droit public de l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense, in La Gazette du Palais, n° 122, 21 juin 2010, p. 16-22.« Activité des juridictions communautaires en droit ■

de la concurrence (Février à mars 2010) »Par Pierre Arhel, Docteur en droit, Chargé d’enseigne-ment à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), in Les Petites affiches, n° 118, 15 juin 2010, p. 6-14.

« Réforme des restrictions verticales » ■

Par Pierre Arhel, Docteur en droit, Chargé d’enseigne-ment à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), in Les Petites affiches, n° 135, 8 juillet 2010, p. 4-11.

« Activité des juridictions communautaires en droit ■

de la concurrence (Avril à mai 2010) »Par Pierre Arhel, Docteur en droit, Chargé d’enseigne-ment à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), in Les Petites affiches, n° 142, 19 juillet 2010, p. 8-20.

« Comportements anticoncurrentiels dans le cadre ■

de la normalisation »Par Pierre Arhel, Docteur en droit, Chargé d’enseigne-ment à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), in Les Petites affiches, n° 147, 26 juillet 2010, p. 5-7.

Consommation

« Arrêt « Heine » : les frais de livraison en cas de ■

rétractation par un consommateur dans un contrat à distance »Par Guillaume Busseuil, Maître de conférences à l’Uni-versité de Bourgogne, Membre du Credimi, in Journal de Droit Européen, n° 170, juin 2010, p. 174-175.

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nes, le droit de la consommation et les principes généraux du droit »Par Malo Depincé, Avocat au Barreau de Montpellier, in Les Petites affiches, n° 115, 10 juin 2010, p. 1.

« La réforme du crédit à la consommation » ■

Par Nathalie Rzepecki, Maître de conférences à l’Uni-versité de Strasbourg, in Les Petites affiches, n° 146, 23 juillet 2010, p. 7-14.

« Droit de rétractation : la recherche d’un juste ■

équilibre entre protection du consommateur et intérêt professionnel »Par Céline Avignon, Avocat à la Cour, Cabinet Alain Bensoussan-Avocats, Paris et Laure Landes-Gronowski, Avocat à la Cour, Cabinet Alain Bensoussan-Avocats, Paris, in La Gazette du Palais, n° 204 à 205, 23-24 juillet 2010, p. 46-47.

« Présentation de la loi du 1 ■ er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation »Par Ghislain Poissonnier, Magistrat et Nathalie Rze-pecki, Maître de conférences à l’Université de Stras-bourg, in La Gazette du Palais, n° 209 à 210, 28-29 juillet 2010, p. 6-10.

Droits fondamentaux

« Système d’information Schengen et sûreté de ■

l’Etat devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 2 février 2010) »

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Par Philippe Mouron, ATER, Université Paul Cézanne-Aix Marseille III, in Les Petites affiches, n° 124, 23 juin 2010, p. 10-17.

« Mariage homosexuel » ■

Brève, Cour européenne des droits de l’homme, arrêt de chambre du 24 juin 2010, requête n° 30141/04, Schalk et Kopf / Autriche, in Les Annonces de la Seine, n° 35, 1er juillet 2010, p. 12.

« Le Protocole n° 14 amendant le système de ■

contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme »Par Jean-François Renucci, Professeur à l’Université Nice Sophia-Antipolis, in La Gazette du Palais, n° 192 à 194, 11-13 juillet 2010, p. 15-17.

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le système de contrôle de la Convention euro-péenne des droits de l’homme : une réforme déjà dépassée ? »Par Valérie Boré Eveno, Maître de conférences à l’Université de Nantes, in Les Petites affiches, n° 143, 20 juillet 2010, p. 18-21.

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Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, 15 juillet 2010, requête n° 34875/07, in Les Annonces de la Seine, n° 40, 5 août 2010, p. 7-8.

« Cour européenne des droits de l’homme : Rapport ■

annuel 2009 »In Les Annonces de la Seine, n° 42, 19 août 2010, p. 1-7.

Droit européen général

« Chronique de jurisprudence (janvier 2009-avril ■

2010) »Par Mario Nicolella, Avocat aux Barreaux de Paris et de Rome, in La Gazette du Palais, n° 188 à 189, 7-8 juillet 2010, p. 19-48.

Élargissement

« Où en est l’élargissement de l’Union euro- ■

péenne ? »Par Annie Gruber, Agrégée de droit public, Licenciée es-lettres, Diplômée de l’Université d’Urbino, Centre de recherches Maurice Hauriou, in Les Petites affiches, n° 106, 28 mai 2010, p. 6-14.

Fiscalité

« Droit fiscal européen » ■

Par Edoardo Traversa, Avocat, Professeur à l’Université Catholique de Louvain et Edouard-Jean Navez, Docto-

rant à l’Université Catholique de Louvain, Chercheur attaché à la chaire PricewaterhouseCoopers, in Jour-nal de Droit Européen, n° 170, juin 2010, p. 180-184.

« L’entrée en vigueur du paquet TVA » ■

Par Mirko Hayat, Professeur affilié, HEC Paris, in La Gazette du Palais, n° 188 à 189, 7-8 juillet 2010, p. 8-13.

« Faites des succursales, pas des filiales » ■

Par Jean-Florent Mandelbaum, Avocat à la Cour, in La Gazette du Palais, n° 188 à 189, 7-8 juillet 2010, p. 14-18.

« TVA immobilière : la fin de l’exception française » ■

Par Betty Toulemont, Avocat associé, Société d’avocats PDGB et Hervé Zapf, Avocat associé, Société d’avocats PDGB, in La Gazette du Palais, n° 213 à 215, 1er-3 août 2010, p. 14-20.

« Evolution de la fiscalité dans l’Union euro- ■

péenne »Par Frédérique Perrotin, in Les Petites affiches, n° 155-156, 5-6 août 2010, p. 4-6.

« Retenue à la source : la position de la Cour de ■

justice de l’Union européenne »Par Frédérique Perrotin, in Les Petites affiches, n° 177, 6 septembre 2010, p. 3-5.

Finances« Les fonds de dotation : nouvel outil de finance- ■

ment privé pour des opérations d’intérêt général »Par Martine Blanck-Dap, Avocat, Associé Lefèvre Pelle-tier et Associés, in La Gazette du Palais, n° 211 à 212, 30-31 juillet 2010, p. 16-19.

France« Le juge administratif se reconnaît pleinement ■

juge de droit commun du droit européen »Par Florence Chaltiel, Professeur de droit public à l’IEP de Grenoble, Responsable de la filière carrières publiques, in Les Petites affiches, n° 119, 16 juin 2010, p. 7-15.

« La question prioritaire de constitutionnalité » ■

Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, Grande Chambre, 22 juin 2010, affaires jointes Aziz Melki (C-188/10), Sélim Abdeli (C-189/10), in Les Annonces de la Seine, n° 33, 24 juin 2010, p. 11-14.

« La QPC, évidemment eurocompatible, évidem- ■

ment utile »Par Dominique Rousseau, Professeur à l’Université de Montpellier 1, Membre de l’Institut universitaire de France, in La Gazette du Palais, n° 178 à 180, 27-29 juin 2010, p. 19-21.

B I B L I O T H È Q U E • A U T R E S P U B L I C A T I O N S - A U S O M M A I R E D E S R E V U E S

Page 77: L'Observateur de Bruxelles - n°82

76

« La Cour de justice de l’Union européenne pour- ■

suit le dialogue sur les rapports entre conventio-nalité et constitutionnalité »Par Florence Chaltiel, Professeur de droit public à l’IEP de Grenoble, Responsable de la Filière carrières publi-ques, in Les Petites affiches, n° 153-154, 3-4 août 2010, p. 6-13.« La Cour de cassation persiste et signe sur la ques- ■

tion prioritaire de constitutionnalité »Par Florence Chaltiel, Professeur de droit public à l’IEP de Grenoble, Responsable de la Filière carrières publi-ques, in Les Petites affiches, n° 165-166, 19-20 août 2010, p. 3-9.« La loi pour le développement des sociétés publi- ■

ques locales : le « in house » à la française »Par Jean-Mathieu Glatt, Avocat à la Cour, SCP Sartorio Lonqueue Sagalovitsch et Associé, Chargé d’ensei-gnement à l’Université Paris X, in Les Petites affiches, n° 172, 30 août 2010, p. 5-8.« La CJUE et la question prioritaire de constitution- ■

nalité : entre primauté et priorité »Par Jean-Baptiste Perrier, ATER à l’Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Centre de recherche en matière pénale Fernand Boulan, in Les Petites affiches, n° 172, 30 août 2010, p. 9-14.

Institutions« Le processus décisionnel européen sous le régime ■

du Traité de Lisbonne »Par Florence Chaltiel, Professeur de droit public à l’IEP de Grenoble, Responsable de la filière carrières publiques, in Les Petites affiches, n° 117, 14 juin 2010, p. 22-32.

Justice, liberté et sécurité« Espace judiciaire civil européen (15 juillet ■

2009-15 mai 2010) »Par Mélina Douchy-Oudot, Professeur à l’Université du Sud Toulon-Var, Centre de droit et de politique com-parés Jean-Claude Escarras et Emmanuel Guinchard, Senior Lecturer, Northumbria Law School, in La Revue trimestrielle de droit européen, n° 2, avril-juin 2010, p. 421-432.« Le traité de Lisbonne, le programme de Stoc- ■

kholm et le droit international privé — Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse »Par Fabienne Jault-Seseke, Professeur à l’Université de Rouen (CREDHO-DI), in Les Petites affiches, n° 147, 26 juillet 2010, p. 8-14.« Vers de profonds bouleversements en matière de ■

successions »Par Carine Brière, Maître de conférences, HDR à l’Uni-versité de Rouen (CREDHO-DI), in Les Petites affiches, n° 147, 26 juillet 2010, p. 14-20.

« Commentaire de l’article 515-7-1 du Code civil » ■

Par Johanna Guillaumé, Docteur en droit, ATER à l’Uni-versité de Rouen (CREDO-DI), in Les Petites affiches, n° 148, 27 juillet 2010, p. 7-10.

« Renforcement de l’office du juge en matière de loi ■

de police étrangère »Par Cécile Legros, Maître de conférences (CRIJE), in Les Petites affiches, n° 148, 27 juillet 2010, p. 10-14.

« Le recul de l’article 14 du Code civil : compétence ■

indirecte du juge étranger et conflit de procédu-res »Par Valérie Parisot, Docteur en droit, ATER à l’Univer-sité de Rouen, in Les Petites affiches, n° 148, 27 juillet 2010, p. 17-20.

« Un nouveau régime matrimonial à la disposition ■

de tous les couples : le régime commun franco-al-lemand »Par Hugues Letellier, Avocat à la Cour, DESS droit nota-rial, Membre extraordinaire du Deutscher Anwaltve-rein Hohl, Paris, in La Gazette du Palais, n° 211 à 212, 30-31 juillet 2010, p. 24-31.

Libertés de circulation

« Dessine-moi une discrimination… » ■

Par Marc Fallon, Professeur à l’Université Catholique de Louvain et Denis Martin, Membre du service juridi-que de la Commission européenne, chargé de cours à l’Université Catholique de Louvain, in Journal de Droit Européen, n° 170, juin 2010, p. 165-173.

« De l’utilisation du statut de citoyen européen ■

comme rempart aux législations nationales res-treignant la liberté de circulation »Par Géraud Boudou, Avocat à la Cour, Master 2 en ges-tion du patrimoine Hohl, Paris, in La Gazette du Palais, n° 211 à 212, 30-31 juillet 2010, p. 32-34.

Marché public

« Initiatives de la Commission européenne dans le ■

domaine des partenariats public-privé au regard du droit des marchés publics et des concessions »Par Gauthier Pierens, Direction de la politique des mar-chés publics, Direction générale « Marché intérieur et services », Commission européenne, in Les Petites affi-ches, n° 170-171, 26-27 juillet 2010, p. 6-8.

Profession

« AJ et TVA : la CJUE condamne la France » ■

Brève, CJUE, 17 juin 2010, C-492/08, in La Gazette du Palais, n° 171 à 173, 20-22 juin 2010, p. 5.

L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

Page 78: L'Observateur de Bruxelles - n°82

77

« L’accessoire et le principal : l’incidence de la Direc- ■

tive Services sur le périmètre du droit »Par Jean-Sylvestre Bergé, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense, Christian Bessy, Chargé de recherches au CNRS, Olivier Favereau, Agrégé de sciences économi-ques, Professeur à l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense et Sophie Harnay, Maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense, interrogés par le Conseil natio-nal des barreaux, in La Gazette du Palais, n° 171 à 173, 20-22 juin 2010, p. 9-18.

« La responsabilité professionnelle des conseils en ■

gestion de patrimoine »Par Silvestre Tandeau de Marsac, Avocat au Barreau de Paris, Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et Associés, in La Gazette du Palais, n° 211 à 212, 30-31 juillet 2010, p. 20-23.

Propriété Intellectuelle

« Chronique de jurisprudence : Propriété littéraire et ■

artistique »Par Laure Marino, Professeur à l’Université Nancy 2, in La Gazette du Palais, n° 181 à 182, 30 juin-1er juillet 2010, p. 15-25.

« Le régime de dévolution des attributs du droit ■

d’auteur relève de la compétence de chaque Etat membre »Par Emmanuel Emile-Zola-Place, Docteur en droit, Avo-cat à la Cour, Cabinet NomoS, Membre d’Art et droit, in Les Petites affiches, n° 152, 2 août 2010, p. 13-14.

Santé

« L’inopposabilité aux caisses d’assurance-maladie ■

des règles sur la publicité des médicaments : une position moins juridique que politique »Par Anne-Catherine Maillos-Perroy, Docteur en droit et en pharmacie, Professeur à l’Université de Lille 2, Avocat, Cabinet Intuity et Corinne Schertzinger, Doc-torante, Centre de recherche Droits et perspectives du droit, Université de Lille 2, in Les Petites affiches, n° 155-156, 5-6 août 2010, p. 11-21.

Social

« Droit social de l’Union européenne » ■

Par Mélanie Schmitt, Maître de conférences à l’Uni-versité de Strasbourg, in Journal de Droit Européen, n° 170, juin 2010, p. 185-190.

« Multinationales : rôle des sociétés étrangères ■

dans la réalisation du plan de sauvegarde de l’em-ploi de la filiale française »Par Amandine Lapart, Allocataire-moniteur à l’Uni-versité de Rouen (CREDO-DI), in Les Petites affiches, n° 148, 27 juillet 2010, p. 14-16.

« L’Europe et le social, ou la carpe et le lapin » ■

Par Alain Clavier, Avocat au Barreau de Versailles, in La Gazette du Palais, n° 239 à 243, 27-31 août 2010, p. 14-15.

Sociétés

« Réflexion sur le projet d’ordonnance portant ■

transposition de la directive relative au droit de vote des actionnaires »Par Hassna Moubsit, Docteur en droit, ATER à l’Univer-sité de Lille 2, in Les Petites affiches, n° 150, 29 juillet 2010, p. 10-14.

Société de l’information

« Communauté des internautes et protection des ■

libertés individuelles dans l’Union européenne »Par Jean-Paul Jacqué, Professeur à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, in La Revue trimestrielle de droit européen, n° 2, avril-juin 2010, p. 271-275.

« Arrêt « Google » : exonération de responsabilité ■

en droit de la marque pour le système de référen-cement « AdWords » ? »Par Jean-Jo Evrard, Avocat aux Barreaux de Bruxelles et de Paris, Chargé de cours à la Faculté de droit de Liège, in Journal de Droit Européen, n° 170, juin 2010, p. 176-177.

« Arrêt « Telekomunikacja Polska » : l’interdiction ■

des offres conjointes dans le secteur des télécom-munications »Par Catherine Smits, Avocate au Barreau de Bruxel-les et assistante à l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles et Axel Lefebvre, Avocat au Barreau de Bruxelles, in Journal de Droit Européen, n° 170, juin 2010, p. 177-179.

« La propriété littéraire et artistique devant le juge ■

européen »Par Laure Marino, Professeur à l’Université de Nancy 2, in La Gazette du Palais, n° 181 à 182, 30 juin-1er juillet 2010, p. 22-25.

B I B L I O T H È Q U E • A U T R E S P U B L I C A T I O N S - A U S O M M A I R E D E S R E V U E S

Page 79: L'Observateur de Bruxelles - n°82

78 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

Page 80: L'Observateur de Bruxelles - n°82

Informations généralesInformations générales

79I N F O R M AT I O N S G É N É R A L E S

Nos formations ................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 80

Les Entretiens Européens .............................................................................................................................................................................................................................................................................. 80

Autres manifestations ...................................................................................................................................................................................................................................................................................... 81

Nos partenaires .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 82

Page 81: L'Observateur de Bruxelles - n°82

80 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

NOs fOrmatIONs

Informations généralesInformations générales

Les Entretiens EuropéensLa Délégation des Barreaux de France organise, chaque année, quatre Entretiens Européens qui se déroulent sur une journée et traitent de façon concrète des thèmes d’actualité juridique européenne.

Programme 201026 NovEmbrE 2010Les derniers développements du droit européen de la concur-rence

INformAtIoNs PrAtIquEsLieu ■

Les Entretiens Européens se déroulent dans les locaux de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles, au cœur du quartier des Institutions européennes.

Durée ■Une journée

Transports ■

La réservation des transports est à la charge des participants.

Frais d’inscription ■

175 euros ; 135 euros pour les avocats de moins de trois ans d’exercice ; 115 euros pour les élèves-avocats.

Possibilité de paiement en ligne sur notre site : www.dbfbruxelles.eu

Nos formations sont validées au titre de la formation continue et de la formation du Stage.

Page 82: L'Observateur de Bruxelles - n°82

Informations généralesInformations générales

81I N F O R M AT I O N S G É N É R A L E S • a u t r e s m a N I f e s t a t I O N s

autres maNIfestatIONs

Programme ErA

22 – 23 NovEmbrE 2010Les directives anti-discrimination 2000/43/CE et 2000/78/CE dans la pratique, Séminaire pour juristes praticiens, Trèves

24 – 25 NovEmbrE 2010Conférence annuelle 2010 sur la fiscalité directe européenne, Trèves

24 – 26 NovEmbrE 2010Conférence annuelle 2010 sur la fiscalité directe européenne et Conférence annuelle 2010 sur le droit européen de la TVA, Trèves

25 – 26 NovEmbrE 2010Conférence annuelle 2010 sur le droit européen de la TVA, Trèves

26 NovEmbrE 2010L’aide juridique : un droit fondamental des citoyens – L’accès effectif à la justice dans l’Union européenne, Conférence orga-nisée à l’occasion du 50e anniversaire du CCBE, Bruxelles

2 – 3 décEmbrE 2010Droit européen de la propriété intellectuelle, Trèves

6 – 7 décEmbrE 2010Le droit de l’UE sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la pratique, Séminaire pour membres de la magistrature, Trèves

7 – 8 décEmbrE 2010La jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme en matière pénale, Strasbourg

9 – 10 décEmbrE 2010Droits des passagers dans l’UE – Renforcer le rôle des utilisa-teurs des transports, Trèves

9 – 10 décEmbrE 2010La réforme de la surveillance financière de l’Union – Conférence annuelle 2010 sur le droit européen bancaire et des services financiers, Bruxelles

14 – 15 décEmbrE 2010La décision d’instruction européenne en matière pénale – Un pas de plus vers l’obtention de preuves dans les affaires trans-frontalières en UE, Conférence dans le cadre de la Présidence belge de l’Union européenne, Bruxelles

17 – 28 jANvIEr 2011Académie pour jeunes juges et procureurs – La justice pénale européenne, Trèves

31 jANvIEr – 11 févrIEr 2011Académie pour jeunes juges et procureurs – La justice pénale européenne, Trèves

ErAMetzer Allee 4D-54295 TrèvesAllemagne

Tél. : +49(0)651 93737-0Fax : +49 (0)651 93737-90

E-mail : [email protected] – Site internet : www.era.int

Page 83: L'Observateur de Bruxelles - n°82

82 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

Informations généralesInformations générales

NOs parteNaIres

Page 84: L'Observateur de Bruxelles - n°82

84 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 8 2 - O c t o b r e 2 0 1 0

C o m i t é d e r é d a c t i o ndominique voillemotPrésident

Hélène biaismathieu rouillardcharlotte varinAvocats

Anne-Gabrielle HaieEmmanuel KatrakisJuristes

ont également contribué à ce numéro,

Aurélie da silvaElodie rosenzweigÉlèves avocats

L’Observateur de Bruxelles

L’Observateur de Bruxelles est une publication tri-mestrielle de la Délégation des Barreaux de France.

Avenue de la Joyeuse Entrée n° 11040 – Bruxelles

Tél. : (32-2) 230.83.31Fax. : (32-2) 230.62.77

[email protected]

Bruxelles

Délégation des Barreaux de France

La Délégation des Barreaux de France représente à Bruxelles le Conseil National des Barreaux,

le Barreau de Paris et la Conférence des Bâtonniers.

Page 85: L'Observateur de Bruxelles - n°82

VOS OUVRAGES DE RÉFÉRENCE EN DROIT EUROPÉEN

ISBN 978-2-8044-4522-5

CONTENTIEUX EUROPÉENMelchior WATHELET Avec la collaboration de Jonathan Wildemeersch

L’ouvrage, qui tient compte de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, décrit l’architecture juridictionnelle de l’Union européenne et analyse en profondeur tous les types de recours pouvant être introduits devant les juridictions européennes.

Collection de la Faculté de droit de l'Université de Liège�

Informations et commandes : Larcier c/o De Boeck Diffusion2ter rue des Chantiers75005 Paris • FRANCE

+33 (0)1 72 36 41 75 • +33 (0)1 72 36 41 [email protected]

Larcier c/o De Boeck Services sprl Fond Jean-Pâques 4 1348 Louvain-la-Neuve • BELGIQUE

0800/99 613 • 0800/99 614 [email protected]

LE HARCÈLEMENTDroits européen, belge, français et luxembourgeoisGerassimos ZORBAS

Avec la collaboration d’Alexis ZorbasPréface d’Antoine Lyon-Caen

Cet ouvrage traite du harcèlement (moral et sexuel) dans son intégralité en droits français, luxembourgeois et belge, sans oublier la fonction publique européenne. Un index performant vient le parfaire.

Collection Droit social �

Version électronique de ces

ouvrages disponible sur www.stradalex.com

LE SECRET PROFESSIONNEL DE L'AVOCAT DANS LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE/LEGAL PROFES-SIONAL PRIVILEGE AND EUROPEAN CASE LAW Sous la direction scientifique de Georges-Albert DAL

Une réflexion approfondie sur la question du secret professionnel de l’avocat, au regard des différents droits nationaux européens et à la lumière des jurisprudences des hautes cours européennes.

L'UNION EUROPÉENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISMEÉtat des lieux et perspectivesSous la direction de Josiane AUVRET-FINCK

Une vision d'ensemble de la lutte contre le terrorisme menée par l'Union européenne, qui porte sur les fondements et axes stratégiques, le respect de la légalité, le volet sécuritaire, la gouvernance ainsi que la dimension sociale et culturelle.

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Page 86: L'Observateur de Bruxelles - n°82

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