LM220 Trois Derniers Courhj

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LM220 : ARITHM ´ ETIQUE par Alberto M´ ınguez December 13, 2010 1. Les entiers de Gauss 1.1. Somme de deux carr´ es. — La question qu’on se pose dans cette section est la suivante : quels sont les entiers relatifs qui peuvent s’´ ecrire comme somme de deux carr´ es (d’entiers)? C’est-` a-dire, pour quel entier a N, il existe x, y N tels que x 2 + y 2 = a. Par exemple, 0, 1, 2, 5, 8 et 9 peuvent s’´ ecrire comme somme de deux carr´ es (exercice : montrez-le) mais 3, 6 et 7 ne peuvent pas (exercice : montrez-le). Lemme 1.1.— Soit a N. Alors a s’´ ecrit comme somme de deux carr´ es si, et seule- ment si, a = b 2 c o` u b, c N et c s’´ ecrit comme somme de deux carr´ es c = s 2 + t 2 avec pgcd(s, t)=1. emonstration. — Si a = b 2 c o` u b, c N et c s’´ ecrit comme somme de deux carr´ es c = s 2 + t 2 , alors a =(bs) 2 +(bt) 2 . R´ eciproquement, si a s’´ ecrit comme somme de deux carr´ es x 2 + y 2 = a, on pose b = pgcd(x, y), s = x b , t = y b de sorte que a = b 2 c o` u c = s 2 + t 2 . Ce lemme nous permet de nous ramener au cas o` u x et y sont premiers entre eux. Proposition 1.2.— Si a s’´ ecrit comme somme de deux carr´ es d’entiers premiers entre eux, alors a n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p 3 mod 4. emonstration. — Soit p un diviseur premier positif de a. On a donc que x 2 + y 2 0 mod p. Puisqu’on a suppos´ e que x et y sont premiers entre eux, l’un d’eux n’est pas divisible par p et l’identit´ e pr´ ec´ edente implique que aucun de deux n’est a fortiori divisible par p. On a donc que x 2 ≡-y 2 mod p et donc, si on multiplie par l’inverse de y 2 dans Z/pZ, (xy -1 ) 2 ≡-1 mod p.

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LM220 : ARITHMETIQUE

par

Alberto Mınguez

December 13, 2010

1. Les entiers de Gauss

1.1. Somme de deux carres. — La question qu’on se pose dans cette section est lasuivante : quels sont les entiers relatifs qui peuvent s’ecrire comme somme de deux carres(d’entiers)? C’est-a-dire, pour quel entier a ∈ N, il existe x, y ∈ N tels que

x2 + y2 = a.

Par exemple, 0, 1, 2, 5, 8 et 9 peuvent s’ecrire comme somme de deux carres (exercice :montrez-le) mais 3, 6 et 7 ne peuvent pas (exercice : montrez-le).

Lemme 1.1. — Soit a ∈ N. Alors a s’ecrit comme somme de deux carres si, et seule-ment si, a = b2c ou b, c ∈ N et c s’ecrit comme somme de deux carres c = s2 + t2 avecpgcd(s, t) = 1.

Demonstration. — Si a = b2c ou b, c ∈ N et c s’ecrit comme somme de deux carresc = s2 + t2, alors a = (bs)2 + (bt)2. Reciproquement, si a s’ecrit comme somme de deuxcarres x2 + y2 = a, on pose b = pgcd(x, y), s = x

b, t = y

bde sorte que a = b2c ou

c = s2 + t2.

Ce lemme nous permet de nous ramener au cas ou x et y sont premiers entre eux.

Proposition 1.2. — Si a s’ecrit comme somme de deux carres d’entiers premiers entreeux, alors a n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p ≡ 3 mod 4.

Demonstration. — Soit p un diviseur premier positif de a. On a donc que x2 + y2 ≡ 0mod p. Puisqu’on a suppose que x et y sont premiers entre eux, l’un d’eux n’est pasdivisible par p et l’identite precedente implique que aucun de deux n’est a fortiori divisiblepar p. On a donc que x2 ≡ −y2 mod p et donc, si on multiplie par l’inverse de y2 dansZ/pZ,

(xy−1)2 ≡ −1 mod p.

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2 ALBERTO MINGUEZ

C’est-a-dire, il existe k ∈ Z/pZ tel que k2 ≡ −1 mod p. La proposition decoule alors dutheoreme suivant.

Theoreme 1.3. — Si p est un nombre premier positif, il existe k ∈ Z/pZ tel que

k2 ≡ −1 mod p

si, et seulement si p = 2 ou p ≡ 1 mod 4.

Demonstration. — Si p = 2 alors −1 = 1 et donc 12 = 1 = −1 mod 2. Supposons doncp de la forme p = 2b + 1, avec b ∈ N. Supposons que p ≡ 1 mod 4, c’est-a-dire, b estpair. Alors, d’apres le theoreme de Wilson on a que

(p− 1)! ≡ −1 mod p

et donc

2b(2b− 1) · · · (b+ 1)b · · · 2 · 1 ≡ −1 mod p

On remarque que, pour tout 0 ≤ i ≤ b − 1, 2b − i ≡ −(i + i) mod p et donc on trouveque

b2 · · · 22 · 12 · (−1)b ≡ −1 mod p

Comme on a suppose b pair on a que

(b!)2 = b2 · · · 22 · 12 ≡ −1 mod p

d’ou le resultat.Reciproquement, supposons qu’il existe k ∈ Z/pZ tel que k2 ≡ −1 mod p avec p

impair. On a donc que k est d’ordre 4 dans (Z/pZ)×. D’apres le petit theoreme deFermat, on a que kp−1 ≡ 1 mod p, donc p− 1 est divisible par l’ordre de k, c’est-a-dire,p ≡ 1 mod 4.

A la fin du chapitre on montrera la reciproque de la proposition 1.2, dont on avancel’enonce :

Theoreme 1.4. — Un entier a s’ecrit comme somme de deux carres si, et seulement sia = b2 · c avec b, c ∈ Z et b n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p ≡ 3mod 4.

Un autre facon d’ecrire ce theoreme est sous la forme suivante (exo : montrez que lesdeux theoremes sont equivalents) :

Theoreme 1.5. — Un entier a s’ecrit comme somme de deux carres si, la valuationp-adique de a est paire pour tout nombre premier positif p ≡ 3 mod 4.

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1.2. Les entiers de Gauss. — Pour montrer une reciproque a la proposition 1.2, onva introduire une notion qui apparaıt naturellement dans ce contexte.

Definition 1.6. — Un nombre de Gauss est un nombre complexe de la forme x + yiavec x, y ∈ Q. Un entier de Gauss est un nombre complexe de la forme x + yi avecx, y ∈ Z. On notera l’ensemble des entiers de Gauss Z[i].

Lemme 1.7. — L’ensemble Z[i] des entiers de Gauss, muni de la somme et la multiplica-tion des nombres complexes est un anneau commutatif integre et Z[i] est une sous-anneaude C..

Demonstration. — Il suffit juste de verifier que la somme, la difference et le produit dedeux entiers de Gauss est encore un entier de Gauss. Tout sous-anneau d’un anneauintegre est integre.

Definition 1.8. — Si α = x+ yi est un nombre de Gauss, on definit la norme de α, par

N(α) = x2 + y2.

Avec cette definition, un entier a est une somme de deux carres si, et seulement si, ilexiste un entier de Gauss α ∈ Z[i] tel que a = N(α), ce qui nous montre l’interet d’unetelle definition dans notre contexte.

Vous pouvez verifier facilement la proposition suivante

Proposition 1.9. — Si a, b sont deux nombres de Gauss, alors

N(αβ) = N(α)N(β).

Corollaire 1.10. — Si a et b sont des sommes de deux carres, alors leur produit ab estaussi une somme de deux carres.

Demonstration. — Les entiers a et b sont des sommes de deux carres si, et seulement si,il existe respectivement des entiers de Gauss α, β ∈ Z[i] tels que a = N(α) et b = N(β).Alors ab = N(αβ) donc ab est une somme de deux carres.

En fait, pour pouvoir repondre a la question pose au debut de ce chapitre, il va falloirbien comprendre l’anneau Z[i]. On va etudier, comme pour Z et l’anneau des polynomes,ses elements inversibles, definir ses elements premiers et on essaiera de trouver un theoremefondamental de l’arithmetique pour les entiers de Gauss.

Je vous rappelle qu’un entier a ∈ Z etait inversible si, et seulement si, il etait de valeurabsolue 1. Un polynome etait inversible si, et seulement si, il est de degre 0. La norme,pour les entiers de Gauss, va jouer le meme role que la valeur absolue pour Z et le degrepour les polynomes.

Proposition 1.11. — Un entier de Gauss α est inversible si, et seulement si N(α) = 1.Ce qui arrive exactement quand α = 1,−1, i ou −i.

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4 ALBERTO MINGUEZ

Demonstration. — Si α est inversible, alors il existe β tel que αβ = 1, d’ou, par laproposition 1.9, N(α)N(β) = N(αβ) = N(1) = 1. Comme N(a) est un entier naturel, ondeduit que N(α) = 1.

Si α = x + iy est un entier de Gauss tel que N(α) = 1. On a que x2 + y2 = 1. Maiscette equation n’a des solutions que si x = ±1 et y = 0 ou bien si y = ±1 et x = 0,c’est-a-dire, quand α = 1,−1, i ou −i. Dans ces cas α est clairement inversible.

On definit les entiers de Gauss premiers de maniere similaire au cas des entiers relatifs.

Definition 1.12. — Soit γ un entier de Gauss. On dit que γ est premier si γ n’est pasinversible et si, pour toute decomposition γ = αβ avec α, β ∈ Z[i], on a que α ou β sontinversibles.

Proposition 1.13. — Tout entier de Gauss γ est inversible ou premier ou un produitd’entiers de Gauss premiers

Demonstration. — La preuve est similaire au cas des entiers relatifs. Par recurrence surn = N(γ). Notons P (n) la propriete : tout entier de Gauss γ tel que N(γ) = n est estinversible ou premier ou un produit d’entiers de Gauss premiers. P (1) est vraie, d’apresla proposition precedente. Soit n ≥ 2 un entier quelconque et supposons P (k) vraie pourk < n.

Si γ n’est pas premier, alors γ = αβ avec α, β ∈ Z[i], on et α et β ne sont pas inversibles.2 ≥ N(α), N(β) < n. Par hypothese de recurrence, P (N(α)) et P (N(β)) sont vraies doncP (n) est vraie.

On a de meme une division euclidienne pour les entiers de Gauss.

Theoreme 1.14 (Division euclidienne). — Soient α, β ∈ Z[i] avec β 6= 0. Il existeun couple (γ, ρ) ∈ Z[i]× Z[i] tel que α = βγ + ρ et 0 ≤ N(ρ) < N(β).

On dit que γ est le quotient et que ρ est le reste de la division euclidienne de α par β.

Demonstration. — Soient x, y ∈ Q tels que α/β = x+ yi. On choisit des entiers s, t ∈ Ztels que |x− s| ≤ 1/2 et |y − t| ≤ 1/2. On pose γ = s+ ti et ρ = α− βγ. Alors

N(ρ) = N

β− γ))

= N(β)N

β− γ)

= N(β)N ((x− s) + i(y − t)) ≤ N(β)(1/4+1/4) < N(β)

ce qui montre le theoreme

Remarque 1.15. — Voyez que cette fois-ci, les nombres γ et ρ ne sont pas uniques (exo :trouvez un contre-exemple).

Exemple 1.16. — Soit α = 2+5i et β = 1−2i. Alors 2+5i1−2i

= −85

+ 95i. Soit γ = s+ ti ∈

Z[i] tel que |s+ 85| ≤ 1

2et |t− 9

5| ≤ 1

2. Prenons γ = −2+2i. Donc 2+5i = (1−2i)(−2+2i)−i.

Comme dans le cas des entiers relatifs et l’anneau des polynome ce resultat entraıneque tout ideal dans Z[i] est principal.

Proposition 1.17. — Tout ideal dans Z[i] est principal.

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LM220 : ARITHMETIQUE 5

Demonstration. — Soit I 6= {0} un ideal. Soit β ∈ I un element de norme minimalenon nulle. Montrons que I = {βγ : γ ∈ Z[i]}. Par definition d’ideal, tout multiple deβ est bien dans I. Reciproquement, soit α ∈ I et effectuons la division euclidienne deα par β. On a que α = βγ + ρ et 0 ≤ N(ρ) < N(β). Si ρ 6= 0, alors ρ = α − βγ ∈ Icontradiction.

On montrera dans le TD que cette proposition, a nouveau, implique l’existence d’un“theoreme fondamental de l’arithmetique pour Z[i]”. On se contentera ici de montrer demontrer un “lemme d’Euclide pour Z[i]”.

Proposition 1.18. — Si π est un entier de Gauss premier et π divise αβ avec α, β ∈Z[i], alors π divise α ou π divise β.

Demonstration. — La preuve est similaire a celle des entiers.Supposons que π ne divise pas α. Considerons l’ideal de Z[i]

I = {γα + ρπ : γ, ρ ∈ Z[i]}.D’apres la proposition precedente il existe δ ∈ Z[i] tel que I est de la forme {δγ : γ ∈ Z[i]}.En particulier α et π sont des multiples de δ donc, comme ils sont premiers entre eux,on a que δ est inversible et I = Z[i]. Il existe donc γ, ρ ∈ Z[i] tels que 1 = γα + ρπ. Enmultipliant cette identite par β on trouve que β = γαβ + ρπβ. Or π divise γαβ et ρπβdonc π divise β.

1.3. Les entiers de Gauss premiers. — Dans cette section on se pose la questionsuivante. Comment caracteriser les entiers de Gauss qui sont premiers? Par exemple2 = (1 + i)(1 − i) donc 2 n’est pas premier. Par contre 3 ne peut pas s’ecrire commeproduit de deux entiers de Gauss de norme inferieure a la norme de 3 (exercice!).

Theoreme 1.19. — Soit p un nombre premier positif. Les conditions suivantes sontequivalentes :

(1) p ≡ 3 mod 4.(2) p ne peut pas s’ecrire comme somme de deux carres.(3) p est un entier de Gauss premier.

Demonstration. — Si p ≡ 3 mod 4, alors p ne peut pas s’ecrire comme somme de deuxcarres car le carre d’un entier est toujours congru a 1 ou 0 modulo 4.

Supposons que p ne peut pas s’ecrire comme somme de deux carres et montrons que p estun entier de Gauss premier. Soient a, b, c, d ∈ Z tels que p = (a+bi)(c+di). On a donc quep2 = N(p) = N ((a+ bi)(c+ di)) = N (a+ bi)N (c+ di). Si N (a+ bi) = N (c+ di) = p,alors p est somme de deux carres. On a donc que ou N (a+ bi) = 1 ou N (c+ di) = 1,c’est-a-dire, p est premier.

Finalement, supposons que p est un entier de Gauss premier. Si, p ≡ 1 mod 4, alorspar le theoreme 1.3, il existe x ∈ Z tel que x2 ≡ −1 mod p, c’est-a-dire, p divise x2 + 1 =(x+i)(x−i). D’apres le lemme d’Euclide (pour les entiers de Gauss), comme on a supposep premier, on que p divise (x+ i) ou(x− 1), ce qui est impossible.

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Corollaire 1.20. — Un entier a s’ecrit comme somme de deux carres si, et seulementsi a = b2 · c avec b, c ∈ Z et b n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel quep ≡ 3 mod 4.

Demonstration. — D’apres la proposition 1.2, il ne nous reste a montrer que, si a = b2 · cavec b, c ∈ Z et b n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p ≡ 3 mod 4,alors a est la somme de deux carres. Or, dans ce cas, c est le produit de nombres premiersqui sont, d’apres le theoreme precedent, des sommes de deux carres. D’apres le corollaire1.10, on a que c est la somme de deux carres et donc, d’apres le lemme 1.1, a est aussi lasomme de deux carres.

On finit la section par une caracterisation des entiers de Gauss premiers :

Theoreme 1.21. — Soit α ∈ Z[i]. Alors α est un entier de Gauss premier si, et seule-ment si, l’une des conditions suivantes est satisfaite :

(1) N(α) est un entier premier.(2) α = ±p ou α = ±ip avec p un entier premier positif avec p ≡ 3 mod 4.

Demonstration. — Si l’une des deux conditions est satisfaite, α est clairement un entierde Gauss premier (en effet, si α = βγ alors N(α) = N(β)N(γ)). Reciproquement, soitα = a+ bi un entier de Gauss premier. Si b = 0 (resp. a = 0) alors, par le theoreme 1.19,α satisfait a la condition 2. Si ab 6= 0, montrons que N(α) est premier. Sinon, supposonsN(α) = cd avec c, d ≥ 2, c’est-a-dire, α(a− bi) = cd. Alors α divise c ou d. Supposons αdivise c. Alors, c = αγ, avec γ ∈ Z[i]. On multiplie cette egalite par a − bi et on trouveque (a− bi)c = cdγ, c’est-a-dire d divise a− bi. Comme a− bi est premier, on a que d = 1contradiction.

2. La loi de reciprocite quadratique

Le probleme qu’on va essayer de resoudre dans cette section est le suivant. Soient a, ndes entiers. L’equation

x2 ≡ a mod n

a-t-elle des solutions?Par exemple, si n = 7 on sait que les carres modulo 7 des entiers 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6 sont

0, 1, 4, 2, 2, 4, 1. Ainsi l’equationx2 ≡ a mod 7

aura une solution si, et seulement si, a ≡ 0, 1, 2, 4 mod 7.On a aussi vu dans la section precedente (Theoreme 1.3) que, si n = p est un nombre

premier positif, et a = −1, alors l’equation

x2 ≡ −1 mod p

a une solution si, et seulement si, p n’est pas congru a 3 modulo 4.Ici on va resoudre le cas ou n = p est un entier premier positif : c’est le cas le plus

interessant, le cas general se deduit de celui-ci sans beaucoup plus d’effort, en utilisant,

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LM220 : ARITHMETIQUE 7

grosso modo, le theoreme chinois. Puisque le cas ou p = 2 est aussi trivial (tout le mondeest un carre modulo 2), on va considerer dorenavant que p est un nombre premier positifimpair.

On a une solution tres facile a notre probleme.

Proposition 2.1. — Soit a un entier non divisible par p. Alors a est un carre (c’est-a-dire l’equation x2 ≡ a mod p a une solution) si, et seulement si,

ap−12 ≡ 1 mod p.

Demonstration. — Si a = b2 alors ap−12 ≡ bp−1 ≡ 1 mod p, par le theoreme de Fermat.

Prouvons la reciproque. Considerons le morphisme de groupes abeliens multiplicatifs

φ : (Z/pZ)× −→ (Z/pZ)×

x 7→ x2

L’image de φ est l’ensemble de carres non nuls modulo p et son noyau est {±1}. Ona donc que l’ensemble de carres non nuls modulo p est en bijection avec le quotient(Z/pZ)× /{±1}. C’est-a-dire, on a exactement p−1

2carres non nuls modulo p. Or chaque

carre non nul modulo p est, d’apres la premiere implication, une solution a l’equation

Xp−12 − 1 = 0. Cette equation a p−1

2solutions et on a p−1

2carres donc a est un carre si, et

seulement si ap−12 ≡ 1 mod p.

Remarque 2.2. — Dans le cas particulier ou a = −1 cette proposition nous fournit unenouvelle preuve du Theoreme 1.3.

Comme, d’apres le theoreme de Fermat, ap−1 ≡ 1 mod p, on que (ap−12 −1)(a

p−12 +1) ≡

0 mod p, et donc ap−12 ∈ {±1}.

Definition 2.3. — Soient a un entier et p un nombre premier impair tels que p ne divise

pas a. On definit le symbole de Legendre(ap

)= a

p−12 = ±1 mod p, c’est-a-dire(

a

p

)=

{1 si a est un carre modulo p

−1 si a n’est pas un carre modulo p

Exemple 2.4. — (1)(

1p

)= 1 (1 est toujours un carre, 1 = 12).

(2)(−1p

)= (−1)

p−12 . (C’est une autre facon d’ecrire que (−1) est un carre modulo p

si, et seulement si, p n’est pas congru a 3 modulo 4.)

Remarque 2.5. — Par definition de(ap

), on a directement que

(abp

)=(ap

)(bp

).

On a maintenant deux problemes :

(1) Imaginez qu’on veut savoir si 29 est un carre modulo 43. Comment calculer defacon simple (sans calculette!)

(2943

)? 2921 modulo 43 est complique a faire a la main...

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8 ALBERTO MINGUEZ

(2) Etant donne p fixe, on connaıt maintenant les a tels que x2 ≡ a mod p a unesolution. Mais si on fixe a comment calculer l’ensemble des nombres premiers p tels quex2 ≡ a mod p a une solution?

C’est pour repondre a ces deux problemes que Gauss a trouve la loi de reciprocitequadratique. Il etait tres fier de son resultat, il l’a appele le Theorema Aureum, le theoremed’or. Il trouva six preuves differentes de son theoreme. Aujourd’hui on en connaıt plusde 200! Celle qu’on va expliquer ici, particulierement simple, est due a G. Einsenstein.Pour plus de details vous pouvez consulter le Cours d’Arithmetique de J.P. Serre.

Soit p un nombre premier positif et S un sous-ensemble de (Z/pZ)× tel que

(Z/pZ)× = S t −S

On va prendre S = {1, 2, . . . , p−12}. Si s ∈ S et a ∈ (Z/pZ)× alors sa = εs(a)sa avec

εs(a) = ±1 et sa ∈ S.

Lemme 2.6 (Gauss). — (a

p

)=∏s∈S

εs(a).

Demonstration. — Remarquons d’abord que si s, s′ ∈ S, s 6= s′ alors sa 6= s′a. En effet,si sa = s′a, on aurait que s = ±s′ et donc, puisque s, s′ ∈ S, on aurait s = s′. Doncl’application

S → S

s 7→ sa

est injective et, puisque S est un ensemble fini, elle est une bijection de S sur lui-meme.On a : ∏

s∈S

as =∏s∈S

εs(a)sa

d’ou

ap−12

∏s∈S

s =∏s∈S

εs(a)∏s∈S

sa

donc (a

p

)=∏s∈S

εs(a).

Exemple 2.7. — Calculons(

2p

). Alors εs(2) = 1 si 2s ≤ p−1

2et εs(2) = −1 si 2s > p−1

2,

c’est-a-dire, (2

p

)= (−1)np

ou np est le cardinal de l’ensemble {s ∈ Z : p−14< s ≤ p−1

2}.

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LM220 : ARITHMETIQUE 9

Si p = 4k + 1, alors np = k et si p = 4k + 3, alors np = k + 1. Donc np est pair si, etseulement si p = 4k + 1 avec k pair ou p = 4k + 3 avec k impair, c’est-a-dire, p ≡ ±1mod 8. On trouve finalement(

2

p

)=

{1 si p ≡ ±1 mod 8

−1 si p ≡ ±3 mod 8.

Le lemme suivant, un exercice elementaire d’analyse, je le laisse comme exercice.

Lemme 2.8. — Soit m un entier positif impair. On a l’egalite suivante :

sin(mx)

sin(x)= (−4)

m−12

∏1≤t≤m−1

2

(sin2(x)− sin2

(2πt

m

)).

Il suffit de voir que le terme de droite est un polynome de degre m−12

en sin2(x). Ensuite

on prouve que les sin2(

2πtm

), 1 ≤ t ≤ m−1

2sont les racines de ce polynome. Le facteur

(−4)m−1

2 on l’obtient en comparant les coefficients des deux polynomes.

Theoreme 2.9 (Loi de reciprocite quadratique). — Soient p, q deux nombres pre-miers impairs distincts. Alors (

q

p

)(p

q

)= (−1)

(q−1)(p−1)4 .

Demonstration. — On rappelle que, d’apres le lemme(q

p

)=∏s∈S

εs(q).

L’egalite qs = εs(q)sq implique que

sin

(2πs

pq

)= εs(q) sin

(2π

psq

),

d’ou ∏s∈S

εs(q) =

∏s∈S

sin(

2πspq)

∏s∈S

sin(

2πpsq

) ,et comme les sq ↔ s est une bijection on trouve

∏s∈S

εs(q) =∏s∈S

sin(

2πspq)

sin(

2πps)

On applique le lemme avec m = q et x = 2πsp

et on trouve que(q

p

)=∏s∈S

(−4)q−12

∏1≤t≤m−1

2

(sin2

(2πs

p

)− sin2

(2πt

q

)).

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10 ALBERTO MINGUEZ

Si on note T = {1, 2, . . . , q−12}, on a que(

q

p

)= (−4)

(q−1)(p−1)4

∏s∈S

·∏t∈T

(sin2

(2πs

p

)− sin2

(2πt

q

)).

En echangeant les roles de p et q on a que(p

q

)= (−4)

(q−1)(p−1)4

∏s∈S

·∏t∈T

(sin2

(2πt

q

)− sin2

(2πs

p

))= (−4)

(q−1)(p−1)4

∏s∈S

·∏t∈T

(−1)

(sin2

(2πs

p

)− sin2

(2πt

q

))= (−4)

(q−1)(p−1)4 (−1)|S|×|T |

∏s∈S

·∏t∈T

(sin2

(2πs

p

)− sin2

(2πt

q

))= (−1)|S|×|T |

(q

p

)donc

(qp

)et(pq

)different d’un signe qui est le cardinal de S×T , c’est-a-dire, (−1)

(q−1)(p−1)4 ,

d’ou la formule (q

p

)(p

q

)= (−1)

(q−1)(p−1)4 .

Remarque 2.10. — On a donc montre que(q

p

)=

(p

q

)sauf si p et q sont tous les deux congrus a 3 modulo 4, cas ou(

q

p

)= −

(p

q

)Exemple 2.11. —

(2943

)=(

4329

)=(

1429

)=(

229

) (729

)= −

(729

)= −

(297

)= −

(17

)= −1.

Donc l’equitation

x2 ≡ 29 mod 43

n’a pas de solution.

Conclusion : avec les formules

(1)(−1p

)= (−1)

p−12 ;

(2)(

2p

)= (−1)

p2−18 =

{1 si p ≡ ±1 mod 8

−1 si p ≡ ±3 mod 8;

(3)(qp

)(pq

)= (−1)

(q−1)(p−1)4 ;

Page 11: LM220 Trois Derniers Courhj

LM220 : ARITHMETIQUE 11

on peut calculer(qp

)pour tous nombres premiers p et q.

Alberto Mınguez, Institut de Mathematiques de Jussieu, Universite Paris 6. 175, rue de Chevaleret.75013 Paris, France. URL: http://www.institut.math.jussieu.fr/∼minguez/E-mail : [email protected]