Livret l'"Homme qui titubait dans la guerre"

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Dimanche 16 novembre 2008 Collégiale d’Avesnes-sur-Helpe 1918, L’Homme qui titubait dans la guerre Oratorio Isabelle Aboulker 1

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Livret et programme - concert du 16/11/08 - Avesnes-sur-Helpes

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Dimanche 16 novembre 2008Collégiale d’Avesnes-sur-Helpe

1918,L’Homme qui titubait dans la guerre

Oratorio

Isabelle Aboulker

Livret / programme

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Dimanche 16 novembre 2008Collégiale d’Avesnes-sur-Helpe

1918, l’Homme qui titubait dans la guerreoratorio

Musique : Isabelle AboulkerTextes de G.Apollinaire, B.Cendrars, R. Rolland, J. Cocteau…

Direction : Michèle Bourdiault

Présentation historique :Marie-Françoise Potier

Solistes :Alexandre Carrière, récitant

Florence Lecocq, mezzo-sopranoCyril Guilmot, baryton

Maîtrise BoréaleDirection : Michèle Bourdiault

Professeurs : François Grenier, Thierry Jolain, Monique Michat, Valérie Chouanière, Colette Delhaye-Blin, Florence Lecocq

Assistante administrative : Catherine Lequilbec

Orchestre des jeunes du Conservatoire de TourcoingDirection : Bruno Membrey

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1918,L’Homme

qui titubait dans la guerre.Isabelle Aboulker

Livret

Prologue

Chœur d’enfants français :Une deux, une deux, et tout ira bien !Chœur d’enfants allemands :Eins zwei eins zwei all’s wir der gut !Choeur d’enfants anglais :One two one two everything is fine !Baryton solo :Ils chantaient, un soldat battait la mesure avec sa béquille,Sous le bandeau son œilLe sourire du LuxembourgSous les fumées des usines de munitionsAu-dessus des frondaisons d’or pâleAutomne fin d’été.Chœur d’enfants allemands :Eins zwei eins zwei alles wird wieder gut !Chœur d’enfants français :Comme c’est beau un fusil !La Somme, VerdunChœur d’enfants anglais :My brothers off to DardanellesChœur d’enfants français :Il n’y a que les petits enfants qui jouent à la guerreChoeur d’enfants allemands :Eins zwei eins zwei alles wird wieder gut !Mezzo-soprano solo :Dans le bassin les flottilles s’entrecroisent.Le méridien de Paris est dans le jet d’eau

On applaudit le dirigeable qui passe du côté de la tour Eiffel.Puis on relève les mortsTout le monde veut en êtreCoupe le bras, coupe la têteChoeur d’enfants anglais :One two one two everything is fine !Baryton solo :Les infirmières ont six ans, leur cœur est plein d’émotionOn enlève les yeux des poupées pour réparer les aveuglesJ’y vois, j’y vois, j’y vois !Chœur d’enfants français :Ceux qui faisaient les boches sont maintenant brancardiersEt ceux qui faisaient les morts ressuscitentPour assister à la merveilleuse opérationChoeur d’enfants anglais :One two one two everything is fine !Chœur d’enfants français :On crie et on cogne mieux que GuignolEt au plus fort de la mêléeTout le monde se sauve pour manger des gaufresChoeur d’enfants anglais :To eat some pancakesChoeur d’enfants français :Elles sont prêtes, il est cinq heures les grilles ferment, on rentre,Il fait soir, on attend le zeppelin qui ne vient pas. Las !Les yeux aux fusées des étoilesTandis que les bonnes vous tirent par la mainEt que les mamans trébuchent sur les grandes automobiles d’ombreUne légion d’honneur vaut trois boutons d’uniforme !

(La guerre au Luxembourg, Blaise Cendrars)

Récitant :C’est l’instinct de la bête,Es ist der Instinkt des Tieres,Il s’éveille en nous,Nous guide, Nous protège,Des in uns erwacht,Der uns leitet,Der uns beschützC’est le sang et rien d’autreC’est le sang réclamant sa fêteC’est le sang réclamant sa joieC’est le sang réclamant son culte

La nuit descend…La nuit descend,On y pressent un long destin de sang

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C’est le sang…Les trois chœurs :C’est le sangC’est le sang et rien d’autreC’est le sang réclamant sa fêteC’est le sang réclamant sa joie. Récitant :C’est le sang et rien d’autre

J’ai mal, j’ai si malOn m’a tué, mais j’étais déjà mortJe titubais dans la guerreCe grand mensongeA présent, je ne tuerai plusJe ne tituberai plusNous sommes tous de pauvres chiensJetés en pâture à la guerre,Comment avons-nous pu être ennemis ?

La douleur

Chœur d’enfants français :Maman ! J’ai malAidez-moiChœur d’enfants allemands :Mutter ! Helfet mir !Choeur d’enfants anglais :Mummy ! Help me !Récitant :Suis-je mort ? Suis-je déjà mort ?Je ne peux plus bouger, camarades, camarades, ne partez pas !Ne m’abandonnez pas ! Ne m’abandonnez pas !

Terre, ô Terre

Baryton solo :Terre, ô Terre, J’enfonce profondément en toi mon visage et mes membresTerre, ô TerreJe me presse longuement en toiTerre, ô TerreTu es mon unique amie, tu es mon frère, tu es ma mèreTerre, ô TerreAccueille mes cris accueille mes pleursO Terre des convulsions de l’horreurDu déferlement de la destructionDes hurlements de mort

Toi qui m’a soutenu quand je titubais dans la guerreAujourd’hui, aujourd’hui je meurs,Je sens ta force qui m’attireO Terre, inexorablement, inexorablement,Je voudrais fouiller tes entraillesJe voudrais te mordre à pleine lèvresComme Lou…O Lou… Mon amour…

Amour, vous ne savez pas…

Mezzo-soprano solo :Amour vous ne savez pas ce que c’est que l’absenceEt vous ne savez pas que l’on se sent mourirChaque heure infiniment augmente la souffranceEt quand le jour finit, on commence à souffrirEt quand la nuit revient, la peine recommenceEt viens-t-en donc puisque je t’aime,Je le chante sur tous les tons.Ciel nuageux, la nuit est blême,La lune chemine à tâtonsUne abeille sur la crèmePuisque je t’aime

Récitant :Ta voix, ta voix fleurit comme des tubéreusesElle enivre la voix, ô voix, ô voix chérieOrdonne , ordonne au temps de passer bien plus viteMezzo-soprano :Et viens-t-en donc puisque je t’aime,Je le chanterai sur tous les tons .Trajectoires de vie que mon cœur va suivantComme un obus lancé qui traverse le ventRécitant :La nuit est propice à celui qui soupireJ’ai goûté le meilleur, je vais goûter le pireMais je t’aime la Lou comme on n’a pas aiméEt quand tu seras vieille enfant, mon cœur et mon âmeSouviens-toi quelquefois de moiAdieu, mon Lou chéri je t’aime infinimentAdieu mon Lou chéri je baise tes cheveuxAdieu mon Lou Adieu

(« Poèmes à Lou » Guillaume Apollinaire)

Mezzo-soprano solo :AmourVous ne savez pas ce que c’est que l’absenceEt quand le jour finit, on commence à souffrirEt quand la nuit revient, la peine recommence

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Les horreurs de la guerre

Récitant Que les femmes soient cruelles, voilà ma peine ! Que tu aies pu comme toutes les autres me sourireQue tu aies pu jeter des roses en me livrant, voilà ma peine ! Que tu aies pu me livrer,Que tu aies pu m’envoyer à la mort,Parce que tu aurais été gênée de ne pas avoir ton héros !Voilà ma peine !Pas un de nous ne serait parti Si les femmes ne nous avaient pas fait empiler dans le trainPas un de nous ne serait parti si les femmes nous avaient criéQu’elles ne nous reverraient plus,Qu’elles ne coucheraient plus jamais avec nous si nous devenions meurtriers.Pas un ! Pas un ne serait parti, Lou, pas un !Que la guerre soit cruelle, je m’y attendais bien.La guerre est comme elle doit êtreEst-ce que cela va te surprendre qu’elle soit cruelle ?

Guerre ! Guerre ! Guerre !Baryton/ Les trois choeursDes poings dressés…Furie rage vocifèreDes poings dressés…Furie rage vocifèreUn seul cri, un seul mot dans l’air passe et repasseUn cri qui fouaille en plein cœurGuerre, guerre, guerre !RécitantOh ! Ma Lou, si tu savais… La première fois que j’ai vu les tranchées, le cœur sur la main, Lou, ce que mes yeux voyaient au sommet de la butte de boue où j’étais accroupi ne valait pas le dérangement. On se canardait. A mes pieds. D’une tranchée à l’autre.Et quand la complicité de la nuit ne trompait plus avec ses fusées éclairantes et la profondeur des coulisses pleines de résonances et d’éclats, tout ce que je mesurais de mon œil était petit, mesquin dans la

grisaille, plaqué dans la boue et malgré le kilométrage et le kilométrage des lignes de tranchées et des réseaux de barbelés, tout était sans grandeur comme s’il se fût agi d’un litige entre voisins au sujet d’une corde de linge sale et non pas de la conquête du monde.(d’après « la main coupée » Blaise Cendrars)

Les tranchées

RécitantLes tranchées faisaient de la guerre un travail de manœuvres, des guerriers les journaliers de la mort, usés jusqu’au coude par un quotidien sanglant

Pour la méditation lyrique, pour le respect de sa propre grandeur, la tranchée n’a point de place. Rien de fin qui ne fut moulu et pilé, rien de délicat qui ne fut happé par les flammes crues d’un processus brut.Jour après jour la tranchée pesait de plus en plus belle sur ses occupants qui ployaient. Elle se gorgeait avec voracité de sang, de silence, de force virile, afin d’entretenir son pesant mécanisme. Il y avait des temps où le travail urgeait, sans relâche, à longueur de jours et de nuits. Si la pluie avait noyé des tranchées, si un tourbillon de fer les avait retournées, c’était le moment de s’enfuir en terre et limon, telles des bêtes qu’on a tirées de leur trou, et qui courent se renfoncer dans le sol.

(« La guerre comme expérience intérieure » Ernst Jünger)

Il pleut, the rain, regenEnfant soliste anglaisThese are the very shortest’days of the yearWe now had for two months uninterruptedly the rain,the rain, the rain…Enfant soliste allemandEs sind die kürzesten Tage des JahresSeit mehr als Zwei monaten fällt immer regen, regen, regen, regen !Enfant soliste françaisCe sont les plus courtes journées de l’annéeDepuis plus de deux mois, indiscontinument , il pleut, il pleut, il pleut…RécitantOui, ma Lou, hier encore, tel un paquet de nerf pétrifié, j’ai fixé pendant des heures, la paroi de glaise des tranchées en train de s’ébouler en face de moi. Je l’ai encore très précisément devant les yeux, cette paroi brune, parsemée de silex noirs et de blocs dec craies, dont le bas tournait en bouillie et d’où émergeaient des douilles de têtes rouillées de grenades à manche. Il y

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avait aussi un mort dont on ne voyait qu’une jambe. Il devait être couché là depuis longtemps. Le pied n’avait pu soutenir la lourde botte et s’était détaché à hauteur de la cheville. On voyait directement l’os dégagé de sa gangue de chair brune gangrenée. Puis venait le caleçon de grossier tricot et le pantalon gris que la pluie avait déjà lavé de sa glaise.

(« La main coupée » Blaise Cendrars )

L’histoire s’enrichit…BarytonLa ruées sauvage eut lieuLes cadavres trop nombreux pour être comptés se coudoientAu dire des chefs, le résultat est heureux !Quelques mètres de terrain ont été conquisC’est un peu de la grande victoire espéréeC’est aussi une page de gloireL’histoire s’enrichit, L’histoire s’enrichit !

Le sol n’a plus soif

Choeurs d’enfants français Le sol, le sol n’a plus soif, on l’a saoulé de sang, on l’a saoulé de sangChœur d’enfants anglaisWith blood, Choeur d’enfants allemandsMit Blut

Récitant :Dans les villages détruits on faisait queue pour aller crever… Le général même ne trouvait plus de campement sans soldats. Nous finîmes par coucher tous en plein champ, général ou pas. Ceux qui avaient encore un peu de cœur l’ont perdu. C’est à partir de ce mois là qu’on a commencé à fusiller des troupiers pour leur remonter le moral, par escouades, et que le

gendarme s’est mis à être cité à ‘ordre du jour pour la manière dont il faisait sa petite guerre à lui, la vraie de vraie.

Dans ce métier d’être tué, faut pas être difficile, faut faire comme si la vie continuait, c’est çà le plus dur, ce mensonge.

(« Voyage au bout de la nuit » Louis-Ferdinand Céline)

J’ai emporté le capitaineUn enfant soliste, Chœur d’enfants français, les trois chœurs

J’ai emporté le capitaine

La voiture bascule sur la route défoncée par des marmitesJe lui tenais le bras et je ne m’apercevais pas qu’il était mort parce que son bracelet montre continuait de vivre dans sa main.

La valse de l’arrière

Récitant :

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A l’arrière, tout ce qu’on trouvait était truqué, les sucre, les avions, le sandales, les confitures, les photos : tout ce qu’on lisait, avalait, suçait, admirait, proclamait, réfutait, défendait, tout cela n’était que fantômes haineux, trucages et mascarades. Les traîtres eux-mêmes étaient faux. On mentait avec rage au-delà de l’imaginaire, bien au-delà du ridicule et de l’absurde, dans les journaux, sur les affiches, à pieds, à cheval, en voitureTout le monde s’y était mis.C’est à qui mentirait plus énormément que l’autre.Bientôt il n’y aurait plus de vérité dans la ville.Le délire de mentir et de croire s’attrape comme la gale. On héritait des combattants, on avait vite appris la gloire et les bonnes façons de les supporter courageusement et sans douleur.Les mères, tantôt infirmières, tantôt martyres, ne quittaient plus leurs longs voiles sombres, non plus que le petit diplôme que le ministre leur faisait remettre à temps par l’employé de la Mairies.En somme, les choses s’organisaient…

(« Voyage au bout de la nuit » Louis Ferdinand Céline)

Petite chanson des mutilésLes trois chœursPrête moi ton bras pour remplacer ma jambeLes rats l’ont mangée à Verdun, à Verdun.A Verdun, j’ai mangé beaucoup de ratsMais ils ne m’ont pas rendu ma jambeC’est pour cela qu’on m’a donné la croix de guerre.Et une jambe de bois.

Lettre au gentil militaire

RécitantLa France, mes amis, vous a fait confiance,C’est une femme, la plus belle des femmes la France !Elle compte sur votre héroïsme !Victime de la plus lâche des agressions, la France !Elle a le droit d’exiger de ses fils d’être vengée !D’être rétablie dans l’intégrité de son territoire,Même au prix du sacrifice le plus haut !Nous ferons tous ici, nous médecins et infirmières,Nous ferons notre devoir, mes amis, faîtes le vôtre !Notre science vous appartient ! Notre science est vôtre !Toutes ces ressources sont au service de votre guérison !Aidez-nous à votre tour par votre bonne volonté !Et que bientôt vous puissiez tous reprendre votre placeA côté de de vos chers camarades des tranchées !Votre place sacrée ! Pour la défense de votre sol chéri.Vive la France ! En avant !

(« Voyage au bout de la nuit » Louis-Ferdinand Céline)

Mezzo-sopranoTu vas crever, gentil militaire,C’est la guerre, gentil militaire

Chacun sa vie, chacun son rôle,C’est la guerre, gentil militaire,Chacun sa mortNous avions l’air de partager ta détresseMais on ne partage la mort de personneTu seras vite oublié, gentil militaireSois bien gentil : crève bien vite…Et que la guerre finisseEt qu’on se marie avec un de tes aimables officiersTu pourras cirer ses jolies bottesLe beau jour de notre mariageSi tu existes encore à ce moment là,Toi gentil militaire, toi petit soldatNe seras-tu pas alors heureux petit soldat ?

(« Voyage au bout de la nuit » Louis-Ferdinand Céline)

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C’est le sangRécitantOh Lou, mon amour…L’espace se dissout dans le néant d’une infinité nueJe suis un atome minusculeQue de sournoises puissances font tourbillonner sans trêvesJe suis fatigué, Lou, si fatigué, que je voudrais être mortDerrière toutes ces horreurs une signification terrible est à l’affût…Mais laquelle ?...Qui suis-je ,Qui es-tu, toi, que j’entends rire dans ma poitrine ?Ton rire me fait mal, qui es-tu ?Les trois chœurs :C’est le sangC’est le sang et rien d’autreC’est le sangC’est le sang réclamant sa fêteC’est le sangC’est le sang réclamant sa joie !Récitant :Je suis le grand relent de férocitéJe suis tapi dans ta nature humaneJe suis la bête humaineJe suis le grand instinct, l’instinct de guerreJe suis la force aveugle sortie du fond fumant de l’humanitéJe suis le vertige de détruire les autresJe suis le vertige de te détruire toi-mêmeJe suis l’érection mystiqueJe suis l’âme ivre de l’infinie souffranceJe suis l’assouvissement maladif de la souffranceJe suis ta propre souffranceJe suis la souffrance de l’autreJe suis le mauvais instinct de l’humanitéJe suis l’instinct de son ambitionBaryton :Je suis l’orgueil de l’humanitéJe suis le voleur de vieJe suis en toi-mêmeRécitant :Tu es l’orgueil de l’humanitéTu es le voleur de vieTu es en moi-même

Le grand troupeauRécitant :Regarde-moi en faceVous m’avez éveilléJe règne sur le mondeIgnorance et colère sont mes servantesTu es comme les autresVous êtes le grand troupeau.Les trois chœurs :Donnez-nous notre pain quotidien A nous pauvres humainsDonnez-nous l’appui de la multitudeNous sommes le troupeau des imbéciles

Java des profiteursRécitant :Vois Plutus et sa bande ! cachés dans les coulisses, entourés d’une nuée de parasites, les profiteurs de guerre !Quelques milliers de profiteurs privilégiés de toutes castes, grand seigneur, parvenus, junkers,

métallurgistes, trusts de spéculateurs, fournisseurs des armées, autocrates de la finance, de l’industrie…

Baryton / les trois choeurs :Chaque obus devient une pièce d’orBeau métal doré et brillantTout ce que nous touchons devient métalBeau métal doré et brillant.Monnaie sonnante et trébuchanteAmasser au plus vite, amasser au plus gros.Monnaie sonnante et trébuchante profitons de la guerre !Peuple bats-toi, défends nos intérêtsPaix ou guerre, guerre ou paix qu’importe !Tuons, tuons, gagnons ici ou là,Paix ou guerre, guerre ou paix qu’importe !La guerre est là qu’on s’y installe, Qu’elle dure longtempsMonnaie sonnante et trébuchanteProfitons de la guerre ! Récitant :Ignorance des moutonsStupidité des peuplesFatalisme hébétéSoumission fatalisteLivrez-vous sans défense au vent de la folie et du mensongeEntretuez vous !Eternellement dupesEternellement martyresJe vous tiens par la servitude et la haineJe suis le mauvais instinct de l’humanitéJe suis l’instinct de votre ambitionJe suis l’instinct de votre orgueilJe suis l’instinct de votre soiif de sacrificeLe Grand Troupeau ne croit pas au divin dans l’HommeIl ne croit qu’en moi !Le réservoir humain n’est point tari !Guerre ! Guerre !

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Oui ! Guerre !

InstrumentalRécitant :Oh, Lou, oh, mon amourLe feu a dévoré le décor…Le feu l’a dépouillé de tout clinquant…Dépouillé de tout mensonge, délivré de tout mirage,Je suis seul et nu ;Devant moi, le No Man’s Land,Ce pays où nul homme n’existe,J’ai peine à regarder mes mainsOn dirait de la cire, d’un noir bleuâtreComme du poissonJe songe à mes ongles qui continueront de pousserComme une végétation souterraine et fantastique,Lorsque depuis longtemps je ne sentirai plus rien,Lorsque depuis longtemps je ne respirerai plus,Je les voisMes ongles se tordent en tire-bouchonMes ongles croissent toujoursEn même temps que mes cheveux sur mon crâneMon crâne qui se décomposeraMes cheveux sur mon crâneComme de l’herbe sur un sol fertileExactement comme de l’herbeComment cela peut-il se faire ?Oh, Lou, je pense à toi,A toi et à Paul, Paul, mon enfant, mon fils…

La lettre de Paul

Mon cher Papa,

Comme je serais heureux de t’embrasser ce matin à mon réveil. Mais tu es loin de moi. Par le froid, par la neige, tu défends la patrie contre les barbares ennemis.

Reçois de bons baisers de ton brave Paul qui t ‘aime de tout son cœur.

Je te promets mon cher Papa d’être un courageux garçon bien obéissant et bien sage à la maison ; un écolier laborieux et appliqué en classe. Je songe tous les jours à toi et comme toi je veux être courageux et vaillant pour te prouver toute ma tendresse et faire plaisir à Maman.

Bonne santé mon cher Papa, que mes ardents souhaits te gardent contre les dangers qui nous font trembler et te ramènent bientôt près de nous

Ton fils Paul

Récitant :O Paul, mon fils, mon enfant…J’ai pris place à la communion sacrilège du sangDe profundis clamens, de l’abîme des haines,J’élèves ma voix pour que ma mort ne soit pas vaine.Défends la paix et ne défends qu’elleSois celui qui engendrera l’instinct de paixL’humanité même doit être la base de toutes tes croyancesLa communauté des hommes est le divin sur terreLa paix est l’action, l’action de toutes les actions.Jour après jour, tu dois l’arracher de la gueule des menteursEt du cœur de la foule. Tu dois rester seul contre tous…Ceux qui veulent la paix sont dans un éternel combat…Adieu Paul, Lou…

CimetièresLes enfants des trois chœurs :Enumération de soldats disparusRécitant :

12 décembre 1918

à Gérard LonguetContre le bismarkisme vainqueur

Sans un puissant coup de barre, je vois à l’horizon un siècle de haines, de nouvelles guerres de revanche et de destruction de la civilisation européenne. J’ajoute que pour celle-ci je n’aurai pas un regret, si les peuples vainqueurs se montrent incapables de diriger leurs destinées.Les alliés se croiront victorieux et ils seront vaincus, conquis par la défaite.Puissent-ils au milieu des triomphes enivrants mais trompeurs, du présent, reprendre conscience de leurs écrasantes responsabilités envers l’avenir !Qu’ils songent que chacune de leurs erreurs ou de leurs abdications sera payée par leurs enfants et leurs petits-enfants.

Romain Rolland

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Les illustrations de ce livret sont extraites du carnet de chansons de Michel Gabriel Bourdiault,(Mars-sur-Allier 18 - Verdun1917)Le devoir de morale reproduit, extrait de son cahier d’écolier - cours moyen de Mars-sur-Allier (novembre 1885) Collection privée.

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