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Situation d’évaluation Deuxième cycle Troisième secondaire R R e e c c u u e e i i l l d d e e t t e e x x t t e e s s

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Situation d’évaluation

Deuxième cycleTroisième secondaire

RReeccuueeiill ddee tteexxtteess

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À la découverte de créatures mythiques

Présentation ............................................................................................................. 1 Légendes, contes et rêveries sacrées en Amérique française ................................................... 2 Des créatures mythiques et fantastiques ........................................................................... 3 Les lutins ................................................................................................................ 6 Poléon et les lutins ..................................................................................................... 7 Le monstre du lac Memphrémagog .................................................................................. 9 Le secret du lac Pohénégamook — Le canot de Joe Laflamme ............................................... 10 Carib et Silla .......................................................................................................... 14 Témoignage d’un pêcheur .......................................................................................... 16 Le loup-garou ......................................................................................................... 17 La disparition du futur marié ....................................................................................... 20 Outikou ou l’ogre des îlets Méchins ............................................................................... 24 La légende du « Géant des Méchins », Outikou ................................................................. 25 Chasseur de bigfoot .................................................................................................. 27 Le sasquatch des monts Valin ...................................................................................... 32 Notes de lecture ...................................................................................................... 34 Les textes portant la mention Copibec ont été reproduits aux termes d’un projet pilote de licence accordée par Copibec et peuvent être reproduits sur support papier si vous avez signé une licence de reproduction avec Copibec.

La reproduction numérique et la vente de ce document sont strictement interdites.

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Depuis des siècles, les créaturesmythiques prennent une grande placedans l’imaginaire des gens. Toutes ces créatures, ces étrangesbêtes, ces mystérieux personnages, quifont partie d’un passé lointain, ont-ils vraiment existé? Sont-ils le fruit d’uneimagination fertile des Anciens? Difficiled’y répondre, puisque nous savons pertinemment que les légendes peuventêtre basées sur des fonds de vérité,toutefois jusqu’à quel point? Nul ne le sait vraiment.

À vous de vous forger une opinion à ce sujet, en lisant les textes qui vontsuivre. Pour vous aider dans votre lecture, vous pouvez annoter les textesselon la façon apprise en classe ou encore remplir au fur et à mesure la feuillede notes de lecture (pages 34 et 35).

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LLééggeennddeess,, ccoonntteess eett rrêêvveerriieess ssaaccrrééeess eenn AAmméérriiqquuee ffrraannççaaiissee Préface à l’exposition des œuvres de Jean-Claude Dupont

Benoît Lacroix, o.p.

Qui ne désire pas un jour ou l’autre en apprendre un peu plus sur les mystères de la vie, de la souffrance, de la mort en lien avec l’au-delà? Qui n’éprouve pas en même temps le besoin de fraterniser avec l’invisible, ou encore d’admirer, voire de se raconter des histoires pour tenir tête à la vie? Qui en ces jours de conflits à l’échelle mondiale ne souhaite pas que les forces du bien l’emportent sur celles du mal? Chercheur incorrigible en quête de vérité et de beauté, l’être humain éprouve souvent le besoin d’apprivoiser l’inconnu, voire ses peurs, ses échecs, sa mort? D’où tant de légendes, de contes et de récits apocalyptiques dans toutes les grandes traditions religieuses. Pour sa part, la légende garde toujours en elle un brin de vérité. Le conte invente, mais pour mieux moraliser. Un pays sans légendes et sans contes est comme un arbre sans ses feuilles. Que de légendes, que de contes, que d’histoires à croire de la Genèse à l’Apocalypse! Il s’y trouve des multitudes d’anges et de démons en lien avec des évènements de toutes sortes. Le Christ, divin guérisseur thaumaturge, n’hésite pas pour sa part à raconter des histoires, des paraboles. Il mélange au besoin l’histoire à la fiction, cite à l’occasion des proverbes courants, toujours guidé par le suprême désir d’instruire le peuple des voies du salut. L’on sait aussi que dans les pays nordiques et dans les pays à proximité de la mer et des forêts ou encore dans les pays aux larges espaces, les légendes, les récits fabuleux, bénéfiques ou maléfiques selon les cas, se multiplient. Il fallait s’y attendre : ici, en nos terres nouvellement exploitées, la proximité de la mer, de la forêt, l’inédit, voire la présence des amérindiens longtemps tenus à distance, ont fait du pays d’ici une terre « biblique » magnifique de légendes et récits de toutes sortes.

Non seulement l’historien ethnologue et peintre Jean-Claude Dupont mais aussi Anselme Chiasson, Pierre Boglioni et Pierre Charland excellent à créer sinon à imaginer des liens entre le monde visible et le monde invisible. Les anges, les démons, les lutins, les loups-garous, sont à leur manière des complices habilement choisis pour évoquer avec tendresse et bonne humeur les rapports plus ou moins subtils selon les cas entre le ciel et la terre, entre le divin et l’humain, entre le visible et l’invisible […]. L’on comprend qu’une population locale nourrie d’histoire sainte dans un contexte de salut à mériter ou d’un enfer à éviter, se sente interpellée par les forces actives du bien et du mal. D’où tant d’épisodes ici rappelés, adaptés, transposés. Des bateaux fantômes qui nous invitent à triompher des distances, des chasse-galeries, des héros volants, des diables transfuges, des saints, des saintes, des âmes du Purgatoire qui ont besoin de prières. Quel pêcheur gaspésien n’a pas rêvé un jour ou l’autre d’une pêche miraculeuse, ou n’a pas imaginé Jonas dans la baleine? Quelle jeune femme en quête d’amour n’a pas désiré un beau danseur? C’est ainsi que se déroulent avec un grand bonheur ces titres généreusement appropriés à l’histoire du sentiment religieux en Amérique française. Une fois de plus, visuel oblige!

Benoît Lacroix, o.p., 22 avril 2004 http://www.interbible.org/sebq/petites_expos/legendes_amerique/lacroix.pdf

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L’engouement pour les mythes, les légendes, les fables, les contes et le folklore populaire, y compris les créatures fantastiques, est sans aucun doute un domaine qui attire de plus en plus d’adeptes de l’étrange et du fabuleux. Les croyances et le scepticisme se livrent un combat depuis la nuit des temps à propos de tout ce qui concerne l’univers fantastique qui vient d’un lointain passé et que l’esprit conçoit un peu comme dans un rêve. Les créatures mythiques prennent une grande place dans l’univers fantastique. Je n’ai pas pu répertorier toutes les créatures fabuleuses qui hantent les pages de la littérature et l’imaginaire, mais j’ai recensé les espèces les plus connues.

Le dragon semble voler la vedette à ses incroyables compagnons : puissant, majestueux avec ses ailes et ses griffes, sans oublier sa longue queue pointue, lançant feu et flammes. Pégase, qui signifie « des puits », est le cheval ailé de la mythologie grecque. Il fit jaillir une source qui est devenue depuis une source d’inspiration poétique.

Les centaures sont un peuple d’êtres mi-hommes, mi-chevaux. Un des centaures les plus connus est Chiron, qui est présent dans le ciel sous la forme de la constellation du Sagittaire. Le griffon, créature mi-lion, mi-aigle, est un animal d’une extraordinaire puissance. Il est également un des attributs du dieu Apollon. Les gorgones sont des créatures féminines ailées dont les cheveux sont des serpents. Dans la mythologie grecque, on en compte trois : Euryale, Sthéno et Méduse. Cette dernière est la plus célèbre, car elle est la seule à être mortelle. Elle est aussi rapide qu’un cerf et d’une grande sauvagerie.

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Minotaure, Astérios de son vrai nom, est un monstre à tête de taureau. Ce féroce taureau blanc appartient au dieu Poséidon. Les harpies sont au nombre de quatre : Aellô, Ocypétès, Célaeno et Podargé. Homère les considère comme les déesses des tempêtes. Les Romains les associent aux furies, gardiennes du sombre et sinistre Tartare. L’hydre est un serpent monstrueux possédant plusieurs têtes et vivant dans des marais. Si l’on coupe une de ses têtes, plusieurs autres repoussent à l’endroit de la blessure, sauf si l’on brûle la plaie. Le phénix est un oiseau ayant l’apparence et l’envergure d’un aigle. Son plumage est rouge et doré. Il est le symbole de la renaissance. Le cerbère est un chien à trois têtes avec une queue de dragon et des têtes de serpents sur le dos. Il est le gardien des enfers, pour empêcher les vivants d’y entrer et les morts d’en sortir.

La chimère a la tête d’un lion et la queue d’un dragon. Elle crache des flammes et dévore tous les humains qui ont la malchance de se trouver sur son chemin. La licorne est un cheval blanc portant une longue corne en spirale au milieu du front (souvent en or). Elle est un symbole de pureté et sa corne possède certaines propriétés magiques, par exemple elle sert d’antidote aux poisons.

Le cyclope est un géant. Dans la mythologie, on en dénombre trois : Stéropès, Argès et Brontès. Ces créatures ne possèdent qu’un seul œil, situé au milieu du front. On connaît leur penchant pour le travail des métaux. Pour cette raison, les spécialistes pensent que la légende des cyclopes provient de forgerons, qui portaient réellement une protection sur un œil, de peur d’être aveuglés en cas de projection d’étincelles brûlantes. Le loup-garou est une créature effrayante et sanguinaire, par surcroît très mystérieuse, hantée par l’influence de la lune et sortie tout droit du folklore des anciens pays. On associe souvent les loups-garous aux vampires, princes de la nuit aux crocs acérés, dont le baiser est des plus mortels.

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Le yéti, mystérieux et insaisissable, serait une créature hybride, entre l’homme et l’animal. Elle aurait été observée dans les hautes forêts de l’Himalaya. C’est une figure traditionnelle tibétaine popularisée sous le nom « d’abominable homme des neiges », que l’on appelle aussi le « bigfoot » (nord des États-Unis), ou encore le « sasquatch » (Canada, Indiens Salish), homme sauvage légendaire des montagnes.

La sirène, d’après les légendes, chante d’une voix si belle qu’elle ensorcelle les hommes et leur fait perdre conscience. Lorsqu’ils sont endormis, elle les tue. On pense aujourd’hui que les voyageurs confondaient certains mammifères marins avec ces êtres mi-femmes, mi-poissons.

D’autres créatures mystérieuses et moins connues se côtoient dans l’imaginaire des fables et des contes, mais sans qu’aucune d’elles soit définie de façon spécifique.

Il ne faudrait sans doute pas oublier les créatures féériques qui nous ont fait rêvasser tout au long de notre enfance d’une façon parfois romantique et parfois un peu cauchemardesque. Anges, fées, ondines, génies, elfes, mages, ogres, trolls, géants, farfadets, gnomes, sorcières, lutins font encore la ronde dans notre mémoire.

Toutes ces créatures, ces étranges bêtes, tous ces mystérieux personnages qui font partie d’un passé lointain ont-ils vraiment existé? Sont-ils le fruit d’une imagination fertile des Anciens? Difficile d’y répondre, me direz-vous, et vous avez raison; d’autant plus que nous savons pertinemment que fables, mythes, contes et légendes peuvent être basés sur des fonds de vérité, mais jusqu’à quel point? Nul ne le sait vraiment. Muguette Beaurivage Adaptation du texte provenant de : www.norja.net/lavie/html/les_creatures_mythiques_et_fan.html avec la permission de l’auteure.

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On trouve les lutins dans la plupart des communautés agricoles de la vallée du Saint-Laurent. Ces petits êtres de la taille d’un enfant de deux ans sont facilement reconnaissables à leur

œil unique situé, comme les cyclopes, en plein centre du front. Ils ont un ventre bombé à l’allure d’une tomate bien mûre, des pattes de grenouille palmées et sont coiffés d’un grossier bonnet rouge surmonté d’un grelot qu’ils portent hiver

comme été. Il est à noter qu’ils ont la capacité de se déplacer facilement dans les ténèbres en utilisant un faisceau lumineux qui émane, telle une lampe de

poche, de leur gros œil rond. Ces petites créatures nocturnes adorent les chevaux. On raconte qu’à la tombée

du jour les lutins entrent dans les granges des cultivateurs qui possèdent les plus belles bêtes. Ils choisissent alors un cheval et lui tressent la queue pour pouvoir lui grimper dessus, puis en font de même avec la crinière de l’animal et s’y accrochent solidement avant de partir en balade dans la nuit. À l’aube, quand les lutins reviennent, ils remercient le cheval en le brossant soigneusement et disparaissent avant les premiers rayons du jour. Pour se débarrasser de ces petits êtres envahissants, il suffit de placer un bol plein de riz dur ou d’avoine non cuite tout près des stalles, dans l’écurie. Inévitablement, les lutins le renverseront et, par souci de ne pas laisser la moindre trace de leur passage, ils s’attelleront à la tâche de remplir le bol grain par grain. Cette corvée les occupera toute la nuit et les empêchera de partir au galop, si bien qu’après trois nuits d’un tel traitement, les lutins frustrés iront s’établir dans la grange du voisin pour y assouvir leur passion. Il est aussi possible d’éviter leur présence indésirable en plaçant sur le toit de la grange une girouette en forme de cheval qui fait office de talisman. L’infaillibilité de cet instrument protégera alors toute la propriété du cultivateur de ces détestables petits intrus. Les plus récents témoignages d’apparition de lutins proviennent de la Montérégie. Il semble que les nouveaux développements immobiliers dans cette région aient forcé ces petites créatures à migrer vers le sud et l’est du Québec, abandonnant ainsi aux marmottes et aux mouffettes leurs demeures autour des villages existants. PERRO, Bryan et Alexandre GIRARD. Créatures fantastiques du Québec, Du Trécarré, Montréal, 2007, 153 pages, p. 129 à 131

ISBN : 978-2-89568-365-0 (Copibec)

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Près du village de l’Anse-Pleureuse, en Gaspésie, vivait un certain Poléon Vallée, un tranquille fermier

qui possédait plusieurs chevaux. Pour d’obscures raisons, Poléon était visité par des lutins.

Apparemment, les lutins seraient des petits êtres aux oreilles pointues et à l’air malin, généralement vêtus d’un habit vert. Ces êtres joueurs de tours auraient été importés au XVIe siècle, alors que le Lady B, un navire battant pavillon anglais, fit naufrage en Gaspésie — en conséquence, prétend-on, de quelque manigance des lutins dissimulés dans la cale.

Les lutins n’étaient pas des tortionnaires ni des assassins. Ils étaient surtout très agaçants. Ils adoraient jouer des tours mais toujours sans méchanceté. Et si d’aventure un tour entraînait une situation désastreuse, comme ce fut peut-être le cas du Lady B, les lutins n’en étaient certainement pas conscients.

Toujours est-il que Poléon eut affaire à ces lutins malins.

Crinoline, la jument préférée de Poléon, était douce, obéissante et affectueuse. Évidemment, c’était avec elle que les lutins voulaient s’amuser. La nuit, ils grimpaient sur un seau et tressaient minutieusement la crinière dorée de la jument. Puis, avec plusieurs tresses, ils se fabriquaient des étriers à leur mesure pour pouvoir chevaucher le cheval. Les lutins adoraient galoper et c’est précisément ce qu’ils faisaient à tour de rôle toute la nuit.

Aux petites heures du matin, avant de disparaître, ils ne manquaient jamais d’offrir une portion d’avoine à la jument pour la remercier de ses services. Et quand ils ne trouvaient pas d’avoine dans la grange de Poléon, ils en chapardaient impunément chez le voisin.

Tous les matins, Poléon arrivait à l’étable peu avant l’aube et y trouvait Crinoline, la crinière toute tressée, épuisée, mais le ventre plein. Les tresses étaient tellement fines et serrées que Poléon consacrait des heures à les dénouer, en vociférant et en maudissant les ignobles individus qui lui faisaient perdre un temps précieux chaque jour.

Certes, Crinoline était grassement nourrie et fort jolie avec ses tresses de crinière blonde qui lui donnaient un petit air féminin. Toutefois, Poléon ne tolérait pas que des étrangers pénètrent dans son étable et touchent à ses animaux, surtout à sa belle Crinoline, sans permission.

Poléon se doutait que ces mauvais coups étaient d’origine lutinesque, car il avait déjà entendu parler de ces êtres mystérieux par un marin irlandais de passage dans la région. À l’époque, il avait écouté le marin d’une oreille distraite, car il n’était pas le genre d’homme à croire aux contes de fées et encore moins aux contes de lutins.

Le marin était reparti et Poléon attendait son retour avec impatience pour en savoir davantage sur le fléau qui s’était abattu sur sa ferme. En attendant, les lutins continuaient à tresser la crinière de Crinoline et Poléon, à la détresser.

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Au retour du marin, Poléon apprit que, pour que cesse cette histoire, il fallait qu’une femme enceinte défasse les tresses. En ce temps-là, les femmes en gestation étaient souvent mandatées pour accomplir des rituels contre le mal. La grossesse d’Arthémise Languenaude était si avancée qu’elle avait peine à marcher. C’est donc à elle que l’on demanda, ce matin-là, de dénouer les cent mille tresses de Crinoline. Malgré ce stratagème, les petits lutins réussirent tout de même à tresser de nouveau la crinière de Crinoline, mais ils ne purent la chevaucher toute la nuit. Poléon demanda alors à l’Irlandais de venir à sa rescousse. Celui-ci suggéra que l’on place un plat d’avoine ou de cendres en face de la porte de l’étable. Étant des êtres très méticuleux, les lutins passeraient la nuit à ramasser les grains un à un s’ils renversaient le plat et manqueraient de temps pour embêter les animaux. En outre, comme ils détestaient que l’on se joue d’eux, ils ne retourneraient pas là où ils auraient essuyé un affront. Poléon mit toutes les chances de son côté. Il plaça plusieurs plats d’avoine et de cendres à l’intérieur de l’étable et aligna trois autres plats devant la porte. Il retourna chez lui en sifflotant et en se frottant les mains comme un garnement qui vient de réussir un bon coup. La nuit venue, Poléon laissa la fenêtre de sa chambre ouverte pour épier les bruits du dehors. Étendu dans son lit, il murmura : « Petits lutins malins, qu’attendez-vous pour entrer. Entrez, mais entrez donc. » C’est alors qu’il entendit tout un vacarme dans l’étable. Imaginant les lutins en train de ramasser les grains d’avoine un à un, il pouffa de rire et cria cette fois : « Tel est pris qui croyait prendre. » Puis il ajouta : « Rira bien qui rira le dernier. » Sur ces paroles victorieuses, il s’endormit l’esprit enfin en paix. Au matin, Crinoline n’avait pas de tresses et souriait de toutes ses dents de jument. Dès lors, on prit l’habitude de disposer des plats d’avoine toujours pleins devant les portes des étables de l’Anse-Pleureuse. Curieusement, les coqs et les poules ne touchaient pas à cette nourriture. Sur le toit des granges, certains habitants installèrent un pic surmonté d’un petit cheval de bois que les lutins se contentaient de chevaucher. Certains prétendent que, si vous capturez une lutine, le conjoint lutin vous versera un baril d’or pour récupérer sa « titine ». Mais cela n’est jamais arrivé, même au terme de grandes chasses aux lutines. L’apparence des lutins découle de racontars de personnes qui affirmaient connaître quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui avait déjà entendu parler de quelqu’un qui aurait eu ouï-dire… Mais personne n’a jamais vu un lutin de ses propres yeux, sauf l’homme qui a vu l’homme qui a vu le lutin. SAVAGE, Michel et Germaine Adolphe. Le Québec en contes et légendes, Éditions Modus Vivendi, 228 pages, p. 96 à 98. ISBN : 13 : 978-2-89523-405-0 (Copibec)

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LLEE MMOONNSSTTRREE DDUU LLAACC MMEEMMPPHHRRÉÉMMAAGGOOGG Même si sa dernière apparition remonte à une cinquantaine d’années, le monstre qui sillonne les eaux du lac Memphrémagog, en Estrie, demeure très présent dans l’esprit des riverains. Bien cachée dans les grottes sous-marines de cette étendue d’eau que l’on dit sans fond, la bête aurait l’aspect d’un grand serpent de mer. Depuis de nombreuses générations, on prétend que les Amérindiens vivant sur les rives du lac ne s’y baignaient jamais par crainte d’être dévorés tout rond. Un récit de l’écrivain et poète Norman Bingham fondé sur une légende amérindienne raconte l’histoire d’une jeune squaw qui fut tuée par son époux peu avant que ce dernier fût dévoré par un grand serpent. La bête, excitée par le goût de la chair humaine, aurait d’abord bu le sang de la défunte, puis aurait nagé sous la surface de l’eau à la recherche d’autres humains pour se sustenter. C’est alors que le monstre aurait aperçu le meurtrier dans son canot et qu’il l’aurait avalé devant des dizaines de témoins. Depuis 1890, les apparitions du monstre du lac Memphrémagog se sont multipliées. Chaque année, des observateurs témoignent du mouvement anormal des vagues se formant en une large ondulation qui évoque le déplacement d’un gigantesque serpent sous-marin.

« Je ne croyais pas à ça… Mon beau-frère me disait que çaflottait tous les matins à 9 heures et que ça s’en allait àmidi… Il se laissait flotter au soleil, à 300 pieds (100 m)du bord, sur le lac bien calme. Un bon matin, j’ai apportéma carabine 30. Mon beau-frère, lui, ramait à 300 piedsdu bord. Ça avait l’air d’une couleuvre grosse et longue,de 150 pieds (45 m) de long, grosse d’un pied (30 cm)… Çaavait la peau unie comme une barbotte, brun ou noir. Çaluisait au soleil… Je l’ai visé, mais avant qu’on puisses’approcher à quelques pieds, ça s’est arrondi comme unecouleuvre, c’est sorti à trois pieds de la surface de l’eau.Je n’ai pas vu le ventre. C’était arrondi dans le milieu.J’ai tiré un coup. Trop loin. Ça a fait une grosse houle,comme un bateau qu’aurait coulé : une grosse vague… Onne l’a jamais revu. J’aurais dû tirer quand il s’est arrondidans le milieu, comme une couleuvre… ».

(Tiré de Monstres des lacs du Québec, de Michel Meurger et Claude Gagnon, Stanké, 1982)

« Memphré » est perçu soit comme un serpent de mer, soit comme un très ancien

mammifère marin, à l’image de Nessy, le

monstre du Loch Ness.

PERRO, Bryan et Alexandre GIRARD. Créatures fantastiques du Québec, Du Trécarré, Montréal, 2007, 153 pages, p. 91 à 93

ISBN : 978-2-89568-365-0 (Copibec)

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LLEE SSEECCRREETT DDUU LLAACC PPOOHHÉÉNNÉÉGGAAMMOOOOKK

LLEE CCAANNOOTT DDEE JJOOEE LLAAFFLLAAMMMMEE Jamais il n’a fait si chaud en octobre. La vaste vallée du Témiscouata, depuis le fleuve jusqu’à la baie des Chaleurs, a rarement été aussi flamboyante. Les montagnes qui bordent le lac Pohénégamook ont des couleurs ardentes. Coiffés de leur feuillage d’automne, les arbres sont lumineux. La surface de l’eau, lisse comme un miroir, brûle de leur reflet. Au village, les habitants [affirment] que c’est l’ « été des Indiens ». C’est aussi le lundi de l’Action de grâces, jour de congé pour bien des gens.

Assis devant le magasin général, deux garçons de quatorze ans sirotent des boissons devenues tièdes en s’adonnant à leur activité préférée : l’observation des passants. Ils inventent des histoires à tous les gens qui déambulent sur la rue principale. Mais le village de Pohénégamook est très tranquille aujourd’hui. L’été et les derniers touristes sont partis depuis longtemps. En ce jour de congé, les gens de la place s’affairent à se préparer pour l’hiver, en cordant du bois, en faisant des conserves ou en ratissant les feuilles sur les pelouses. La rue principale est aussi intéressante qu’un long documentaire sur le mode de vie des escargots.

Les deux scénaristes poussent un long soupir à l’unisson.

— Nous pourrions aller faire un tour de vélo, suggère Antoine.

Damien secoue la tête.

— Il fait trop chaud…

— Est-ce que tu préfères aller à la plage?

— Ma mère a rangé mes maillots jusqu’à l’été prochain. Il n’y a que des pantalons et des chandails à manches longues dans mes tiroirs. Si je me baigne habillé comme ça, je vais couler au fond du lac.

— Je pourrais te prêter un maillot de bain…

— Là, c’est ton maillot qui va m’entraîner au fond du lac, lance Damien à la blague.

Antoine, un peu vexé par cette allusion à son embonpoint, se lève et fait mine de partir. Il ne va tout de même pas laisser son ami gâcher cette belle journée de congé.

Damien regrette sa mauvaise blague. Il doit à tout prix trouver quelque chose pour retenir son ami.

— J’ai peut-être une idée.

— Tant mieux pour toi. Moi, je rentre à la maison.

— Dommage… Nous aurions pu aller à la pêche.

Antoine s’arrête. Lentement, il tourne la tête vers son copain.

— Est-ce que j’ai bien compris? Toi, Damien Pilon, tu veux aller à la pêche? Tu n’as pas peur de chavirer?

— Tu poses trop de questions. Je crois que le meilleur endroit pour ne pas avoir trop chaud, c’est sur le lac. Nous pourrions emprunter le canot de Joe Laflamme… Le vieux est parti à Rivière-du-Loup jusqu’à demain. Il n’en saura rien.

Antoine n’a pas très envie d’emprunter le canot de M. Laflamme, surtout sans sa permission! Cet homme peut être vraiment détestable. Dernièrement, il a fait circuler une pétition dans le village. Il voulait imposer un couvre-feu à tous les jeunes du village. Il a presque réussi à convaincre monsieur le maire. Un peu plus et un règlement aurait été voté pour interdire aux moins de dix-huit ans de sortir de la maison après vingt et une heures. En 1976, on ne traite plus les jeunes de cette façon!

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Antoine est bien embarrassé. Il adore aller à la pêche. Il serait bien bête de refuser. De plus, c’est la première fois que Damien lui fait une telle proposition. Son meilleur ami n’est pas amateur de pêche. Il ne pratique aucune activité nautique ou aquatique. Mais s’il aime cette excursion, peut-être voudra-t-il recommencer… De toute façon, Damien a raison. Personne ne saura qu’ils ont emprunté le canot pour quelques heures. Les voisins de M. Laflamme ont tous quitté leur chalet jusqu’à l’été prochain.

— Bon, d’accord!

Après être allés chercher des cannes à pêche et des appâts chez Antoine, ils se mettent en route vers la plage de la Tête-du-Lac. Au bout d’une demi-heure de marche, ils arrivent devant la cabane de Joe Laflamme.

Cet homme vit vraiment comme un colon du 18e siècle! Chez lui, tout est fait de bois brut taillé à la main. Dans un bâtiment qui sert d’écurie, son mustang mange du foin. Il ne s’agit pas d’une voiture sport décapotable, mais d’un vieux cheval auquel Joe Laflamme attelle parfois une calèche déglinguée. Avec son tout-terrain, il se promène dans le village en laissant partout des traces odorantes de son passage.

— Quel moyen de transport a-t-il pris pour aller à Rivière-du-Loup? Quarante-cinq kilomètres, ça ne se fait pas à pied!

Damien hausse les épaules et ricane.

— L’important est qu’il n’y soit pas allé en canot, comme dans la légende québécoise de la chasse-galerie.

Antoine frissonne malgré lui. L’allusion à cette histoire d’hommes qui vendent leur âme au diable lui fait un peu froid dans le dos. Et si le canot du bonhomme était possédé?

— En attendant, c’est nous qui allons chasser le canot sous la galerie, poursuit Damien. Allez, viens m’aider!

— Tu es sûr que le vieux est parti?

— Mais oui… De toute façon, si Laflamme était là, il nous aurait déjà troué les fesses avec sa carabine à plombs.

Les deux garçons tirent le canot de son abri. Il apparaît, vert et brillant comme un éblouissement après de longues heures de noirceur.

Antoine siffle d’admiration.

— Son canot est mieux entretenu que tout le reste!

— Tant mieux, nous ne risquons pas de couler.

Les braconniers de canot n’ont pas un long portage à faire. Une dizaine de mètres séparent la maison du lac.

Le canot glisse sur l’eau. Comme la pointe d’une lame, le devant de l’embarcation perce la surface calme du lac. Pour ne pas être repérés trop facilement des riverains, les garçons s’aventurent plus au large. Antoine est ici dans son élément. Il dépose son aviron au fond du canot et prépare minutieusement les deux cannes à pêche. Avec un peu de chance, ils attraperont de belles truites grises. S’ils sont très chanceux, ils verront le dos d’un esturgeon.

Pendant que son ami entortille des vers de terre au bout des hameçons, Damien s’assoit confortablement au fond du canot. Il rêve en regardant vers le large. Le lac Pohénégamook porte vraiment bien son nom amérindien. Le « lac de l’homme qui se repose » semble dormir sous le soleil. Damien est intrigué par toutes les légendes qui entourent cette étendue d’eau immense et mystérieuse. On dit que c’est un lac sans fond où vit un énorme monstre marin.

— Tu l’as déjà vu, le monstre du lac? demande-t-il à Antoine.

— Ponik? Bien… oui, comme tout le monde ici.

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— Tous les Pohénégamookois ont une bonne histoire à conter à propos de Ponik. Mais je veux dire : es-tu sûr d’avoir vu le monstre ou est-ce que ça pouvait être autre chose?

— C’était un peu loin… J’étais sur la galerie, chez mon oncle Alcide. Nous sommes plusieurs à avoir vu une forme sombre de trois mètres se déplacer en faisant des vagues. C’était une journée très chaude, comme aujourd’hui. Il paraît que, lorsqu’il fait très chaud, le monstre remonte à la surface.

Damien habite la région depuis trois ans et il n’a jamais vu de monstre marin ni rien de semblable. Il croit que cette créature marine est une invention des Pohénégamookois pour qu’on parle de leur village. Mais peu à peu, pendant qu’Antoine parle de Ponik, la « bête du lac », il perd la belle assurance qu’il avait sur la terre ferme. Plus que la peur de rencontrer ce monstre fabuleux, c’est surtout le fait d’être éloigné de la rive qui l’angoisse.

— J’ai chaud! se plaint-il.

— Plonge dans le lac, réplique Antoine, sans lever les yeux de son appât.

Le regard de Damien est attiré par une forme sombre, à un demi-kilomètre de leur embarcation. On dirait l’ombre d’un nuage sur l’eau… Le garçon plisse les yeux pour mieux voir. Soudain, une créature gigantesque se dresse hors de l’eau et replonge aussitôt.

— Je l’ai vu! hurle Damien.

— Qu’est-ce que tu as vu?

— Le monstre du lac, Ponik! Juste là, devant nous, je te jure que c’est vrai.

— Voyons, Damien. Je regardais dans la même direction que toi et je n’ai rien vu.

— Tu ne regardais même pas. Tu avais les yeux fixés sur ton ver de terre.

— Mon ver de terre n’est pas assez gros pour cacher un monstre de trois mètres!

— Dix mètres, Antoine. Il devait mesurer au moins dix mètres.

Les garçons arrêtent leur discussion, car leur canot s’est mis à dériver. Un courant très fort l’entraîne vers le large. Ce mouvement de l’eau est encore plus surprenant que la vision de Damien. Depuis leur départ, l’eau du lac était aussi lisse qu’une nappe d’huile. De plus, il n’y avait pas un souffle de vent. Mais voilà que des vagues très hautes menacent de les faire chavirer. Antoine laisse tomber sa canne à pêche et s’empare de son aviron. Mais il a beau ramer de toutes ses forces, le canot gîte dangereusement et dérive de plus belle.

— Qu’est-ce que tu attends pour ramer?

— Je… J’ai échappé mon aviron.

Antoine se retourne juste à temps pour voir une grosse vague emporter au loin l’aviron de Damien. Il tente désespérément de garder la maîtrise du canot en donnant de grands coups de rame dans l’eau. Soudain, celle-ci heurte quelque chose d’aussi dur qu’un rocher. La frêle embarcation est soulevée hors de l’eau par une force mystérieuse. Lorsque le canot retombe sur l’eau, le choc est si grand qu’il se brise comme une coquille d’œuf. Les deux garçons sont entraînés dans un tourbillon d’eau glacée.

Le lac se referme au-dessus des garçons. Des mètres d’eau les séparent maintenant de la surface. Antoine agrippe le chandail de Damien. Celui-ci semble perdre conscience. Sa tête ballotte au gré du mouvement de l’eau et ses réserves d’oxygène se vident en bulles précieuses au-dessus de lui.

« Je dois prendre appui quelque part, ne cesse de se répéter Antoine. Ensuite, je pourrai me donner un élan pour nous remonter à la surface. »

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Ce qui l’inquiète le plus, c’est l’état de nonchalance de Damien.

Il tente de scruter le fond de l’eau où ils s’enfoncent. Il s’aperçoit qu’ils sont dans le sillage d’une forme noire, gigantesque et ondulante, un genre de cétacé à bosses. Il voit aussi que la bête se dirige vers ce qui semble être des cavernes. Des tunnels s’ouvrent de chaque côté du fond de l’eau. D’étranges lueurs en émanent.

Les ondulations du monstre marin forment un siphon qui entraîne les garçons derrière lui. En approchant de l’un des tunnels, la créature ralentit soudainement. Antoine voit le dos énorme se rapprocher d’eux. Il serre le corps de Damien contre le sien, plie les genoux et se prépare à l’impact.

Ses pieds heurtent une surface caoutchouteuse. Sans attendre, il prend son élan en dépliant vigoureusement les genoux. Heureusement, Damien épouse ses mouvements comme une poupée de chiffon. Avec toute l’énergie que lui donnent le danger et la peur de mourir, Antoine se propulse vers la surface. Il n’ose pas regarder derrière, de crainte d’apercevoir l’horrible monstre lancé à leur poursuite. Il fixe la lumière à la surface de l’eau. Tout en tenant fermement son ami, il remonte en faisant des mouvements de grenouille avec ses jambes et son bras libre. Plus que quelques mètres les séparent de la vie, pourvu que Damien…

VILLENEUVE, Mireille. Le secret du lac Pohénégamook, Éditions Grand Duc-HRW, 2005, 167 p. Collection : (L’heure évasion; 6). p. 1 à 9

ISBN : 2-7655-0012-6 (Copibec)

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CCAARRIIBB EETT SSIILLLLAA CCAARRIIBB EETT SSIILLLLAA Inspiré de Les sirènes de mer Anselme Chiasson, 1969 La légende des sirènes remonte à l’Antiquité grecque, il y a de cela plus de quatre mille ans,

alors qu’Ulysse était engagé dans sa fabuleuse odyssée en mer Méditerranée. Ces êtres à corps de femme et à queue de poisson avaient la réputation d’attirer

sur les récifs les marins qui écoutaient leur chant envoûtant. Pour éviter d’être charmé par leur voix mélodieuse, on devait se boucher les oreilles avec de la cire et poursuivre sa route, sinon c’était la mort par naufrage. On n’avait encore jamais entendu parler de sirènes dans le fleuve Saint-

Laurent jusqu’au jour où deux Gaspésiens, Silla Fallu et Carib Oitreault, devenus vieux et incapables de prendre la mer,

racontèrent leur histoire. Ils avaient décidé qu’il ne leur restait plus grand temps à vivre et qu’ils devaient dévoiler ce

qu’ils savaient.

Quarante ans plus tôt, Carib et Silla étaient partis un beau matin sur leur barque pour pêcher la morue au large de Marsoui, sur la péninsule de la Gaspésie.

C’était une journée parfaite : temps clair, mer calme, ciel sans nuages. Ils firent voile jusqu’aux grands fonds et là, ils appâtèrent leurs lignes et attendirent. Il n’y avait pas grand-chose à faire pendant ces longues journées : fumer une bonne pipe, remonter les lignes, dégager les prises, réappâter les hameçons, puis attendre. Leur journée n’ayant pas été fructueuse, Carib et Silla décidèrent de continuer à pêcher jusque dans la nuit, même si celle-ci s’annonçait fraîche. Le soleil se coucha et les étoiles apparurent. Silla eut alors des sifflements dans les oreilles. — C’est bizarre, mes oreilles bourdonnent. T’entends rien, toi? demanda-t-il. Carib entendait, lui aussi, un souffle dans ses oreilles. — Dis donc, Carib, ce n’est plus juste le vent que j’entends, c’est… comme une fille qui chante, fit Silla. Pour toute réponse, Carib lui tendit une bouteille de rhum que l’on apportait toujours à la pêche pour se réchauffer. Ils burent de grandes lampées. Puis, instinctivement, Silla toucha à la croix qu’il portait sur sa poitrine, juste au cas.

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Soudain, un grondement sourd se fit entendre dans la barque, brisant la féérie du moment. — Ça, c’est moi qui viens de péter, dit Silla. Ils éclatèrent de rire et décidèrent alors de retourner chez eux. Il n’y avait pas la moindre brise et ils durent mettre les rames à la mer. Le courant les avait fait dériver de quelques milles en aval, et le chemin de retour serait long. Ils pointèrent la proue vers le rivage, qui n’était plus qu’une ligne droite à l’horizon. Carib cessa de ramer et dit : — Écoute, mon vieux, j’entends la mer qui se brise contre des récifs. — Mais il n’y a aucun récif par ici! s’exclama Silla. — Tourne-toi, dit Carib. Devant la proue du bateau, à une centaine de mètres, la mer était agitée comme si les courants marins rencontraient des obstacles sur leur passage. Il y avait des tourbillons, des bulles, même un peu d’écume de brisants. Cette fois, les deux pêcheurs furent saisis de peur. Ils entendirent la délicate mélodie d’un chant des plus gracieux. Tout autour d’eux, la mer chantait comme au rythme des aurores boréales. Des chansons diaphanes, mystérieuses, dans lesquelles on pouvait distinguer des mots précis, répétés par un écho mystique.

— Toi, toi, toi, viens, viens, viens, homme, homme, homme, mer, mer, mer… Ne sachant quoi faire d’autre, les pêcheurs burent tout le rhum qu’ils avaient à bord. La musique était devenue forte, envoûtante,

lancinante et le bateau était bercé au gré des flots. Les deux hommes finirent par se coucher dans le fond de la barque, stupéfaits, abrutis par le rhum, à la dérive sur le fleuve. Dans leur rêve éthylique, ils virent les visages des sirènes, leurs grands cheveux noirs reposant sur leurs épaules et tombant sur leur poitrine nue. Ils virent les sourires, les mains qui les invitaient à venir les rejoindre dans la mer. Elles étaient nombreuses et elles étaient belles, si belles, si belles… Ce fut Silla qui ouvrit les yeux en premier. Un soleil de plomb l’aveuglait. Il se souvint de cette nuit étrange, de l’alcool, des sirènes, de la musique, des tourbillons dans l’eau. Il réveilla son ami, qui se plaignit aussitôt d’un extraordinaire mal de crâne. Ils avaient dérivé jusqu’à Manche-d’Épée et décidèrent de ramer jusqu’à Rivière-la-Madeleine. Au port, ils vendirent les quelques morues de leur vivier et ne dirent jamais mot de ce qui s’était passé cette nuit-là. SAVAGE, Michel et Germaine Adolphe. Le Québec en contes et légendes, Éditions Modus Vivendi, 228 pages, p. 146-147. ISBN : 13 : 978-2-89523-405-0 (Copibec)

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TTÉÉMMOOIIGGNNAAGGEE DD’’UUNN PPÊÊCCHHEEUURR

« Elle était si belle qu’on aurait dit un rêve qui prenaitforme devant mes yeux. Mon cœur a fait deux tours, puisj’ai commencé à suer comme un gars qui court lemarathon. Elle me faisait signe de l’aider – de me jeter àl’eau pour aller la chercher! Moi, je voyais bien qu’elleétait prise dans mon filet, mais je pouvais juste laregarder – j’étais émerveillé… figé… Puis tout à coup,on dirait qu’elle s’est fatiguée de me voir la face longuepuis la bouche ouverte à rien faire, qu’elle a donné unbon coup de queue pour déchirer mon filet. Après ça, jel’ai vue disparaître dans les profondeurs. » Marcel Breton, pêcheur, Marsoui, en Gaspésie, 1986

PERRO, Bryan et Alexandre GIRARD. Créatures fantastiques du Québec, Du Trécarré, Montréal, 2007, 153 pages, p. 135

ISBN : 978-2-89568-365-0 (Copibec)

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LLEE LLOOUUPP--GGAARROOUU Le loup-garou du Québec, issu de l’imaginaire populaire, est un mythe qui s’enracine profondément dans la religion. Typiquement judéo-chrétien, ce mythe prend place dans la grande doctrine de l’Église qui oppose les forces du bien à celles du mal. Les histoires de garous servent le pouvoir religieux en traçant une ligne claire entre les bons comportements à adopter et les mauvais actes qui portent à conséquence. Ainsi, dans la tradition populaire du Québec, plus de la moitié des récits évoquent des individus se transformant en loup-garou après avoir omis de se confesser ou de faire leurs Pâques pendant sept ans. D’autres récits font également mention de gens ayant vendu leur âme au diable ou menant une « mauvaise vie », c’est-à-dire ayant une conduite hors des préceptes de l’Église. Contrairement au mythe américain et européen, où le prolongement de la malédiction se transmet à l’image du vampire, par la morsure de l’animal, il n’y a rien dans le personnage du loup-garou québécois qui rappelle ce principe. Le chiffre sept revêt un statut particulier dans les témoignages étudiés. Tous les récits rapportent le sept comme base de la transformation en bête. Avant de devenir un loup-garou, un homme a sept ans pour se remettre dans le chemin de l’Église, ou la damnation le frappera de plein fouet. Le chiffre sept est une piste certaine qui semble relier le loup-garou du Québec à son origine catholique puisque la Bible nous présente une abondance de principes ou d’événements liés au sept. […] Le message porté par le loup-garou est clair : les hommes qui s’éloignent de l’Église deviennent des bêtes. Caractéristiques physiques du loup-garou québécois Bien que le garou fasse référence au loup comme l’animal hôte de la transformation humaine, généralement la créature au Québec n’est pas un loup, mais un gros chien noir. […] Au Québec, la majorité des récits sur le loup-garou décrivent la bête comme un chien dont les caractéristiques de taille et de couleur varient. La bête est noire, grosse (souvent de la dimension d’un jeune veau) et couverte de longs poils. En outre, plusieurs histoires la décrivent comme « une espèce de chien » à l’apparence difficile à cerner et qui pousse des hurlements. D’autres l’apparentent à un ours ou lui attribuent la faculté de parler. […]

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Caractéristiques psychologiques du loup-garou québécois

Sauf exception, la bête, quel que soit son aspect, se montre rarement agressive. Sa soudaine apparition fait peur, mais les témoins disent être toujours demeurés en contrôle de la situation. Certes, le loup-garou surprend par ses curiosités physiques, ses attitudes étranges et sa propension à aller directement à la rencontre de l’humain. Ce qu’il désire par-dessus tout, c’est attirer l’attention pour se faire délivrer de sa malédiction. Effectivement, la bête adopte une attitude inoffensive, démontrant ainsi qu’elle n’est pas véritablement malintentionnée. Condamnée à l’errance dans un corps d’animal, la victime comprend mal ce qui lui arrive et ne cherche qu’à retrouver son apparence antérieure. Il est dit aussi que le loup-garou demeure avant tout un homme et que toute action pour le tuer est considérée comme une tentative de meurtre, donc sévèrement punissable par les autorités religieuses et civiles : la tâche d’un bon chrétien n’est pas d’assassiner l’animal, elle est plutôt de le délivrer de la malédiction. Sous sa forme humaine, le loup-garou est presque toujours défini comme un homme aux allures suspectes. Il a des comportements anormaux qui n’inspirent pas confiance. S’il est découvert avant d’être délivré de sa malédiction, il peut se montrer menaçant et parfois même violent. L’individu condamné à se muter en bête recèle déjà en lui les attributs sauvages de l’animal. L’homme se fait menaçant, mais en général la bête demeure docile. L’homme fuit la compagnie de ses semblables, alors que la bête tente de s’en rapprocher. Dans les cas rapportés à la campagne, la plupart des loups-garous sont délivrés par des voisins immédiats. Cette perception du « voisin » sous-entend une notion de méfiance envers l’autre. Le message est clair : la bête peut surgir n’importe où et il faut se méfier de tout le monde. Le Livre des Proverbes de la Bible dit bien : « Possédez la sagesse, parce qu’elle est meilleure que l’or : et acquérez la prudence parce qu’elle est plus précieuse que l’argent. » Les véritables chrétiens doivent avoir l’œil ouvert pour éviter de tomber dans les pièges du démon, car c’est par manque de vigilance envers sa pratique religieuse que l’on devient loup-garou. Où le rencontrer?

[…] Dans la culture française nord-américaine, le loup-garou partage le quotidien des humains. On le rencontre majoritairement le long des routes, autour des bâtiments agricoles, dans les champs et parfois près d’un four à pain. Il pénètre dans les granges pour y ronger des os, entre dans les maisons et passe devant les fenêtres et sur les balcons. On l’aperçoit à la lisière de la forêt, près des clôtures et rôdant tout près des villes et des villages.

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[…] Le loup-garou, en effet, est un mythe terrien. Rôder dans les endroits familiers des campagnes et des villages est une autre façon pour la bête de garder contact avec son humanité perdue. […]

Le champ d’action du loup-garou est tributaire d’une géographie fermée. Il se déplace entre la maison, les clôtures des champs, la grange et la route. Dans les chantiers, il est toujours aux abords du camp de bûcherons. Loin des villes, il fréquente les petits villages et les campagnes environnantes. C’est un sédentaire, un habitant de l’endroit qui cherche désespérément de l’aide.

La lune

Contrairement au mythe européen et anglo-saxon du loup-garou, la lune n’a aucune incidence sur la transformation de l’homme en bête. Les garous du Québec se transforment généralement après l’heure du souper. L’homme n’attend pas la lune ou un autre signe pour se muter en bête. Il quitte la maison ou le camp pour disparaître jusque tard dans la nuit et, curieusement, son départ coïncide avec l’arrivée d’un gros chien noir ou d’un autre animal. Lorsqu’il est possédé, il se transforme de façon répétitive, tous les soirs, jusqu’à sa libération. Comme il se change en chien qui se nourrit en rongeant des ossements ou des carcasses d’animaux, sous sa forme humaine le loup-garou saute le repas du soir et prend rarement le petit-déjeuner du lendemain.

En outre, il semble que la bête ne se montre jamais l’hiver. Quoi qu’il en soit, aucun récit étudié s’y rapportant ne fait allusion à la saison froide. Les loups-garous se manifestent au printemps, période à laquelle les cultivateurs engageaient des étrangers pour les tâches agricoles. On les aperçoit aussi pendant l’été sur le bord des routes, ce qui a pour effet d’effrayer les conducteurs de carrioles. Enfin, on les voit à l’automne, lorsque les fermiers ont besoin d’aide pour les foins ou que les hommes montent au camp, dans les chantiers. Quant à l’hiver, cette période semble être un temps de dormance pour la bête, à l’instar de la nature. […]

Pour conclure…

Le mythe du loup-garou dans la tradition orale du Québec représente de façon symbolique la cruelle punition qui attend ceux qui s’éloignent des voies de l’Église. C’est un châtiment divin. Un loup-garou se promenant dans la contrée québécoise sous son aspect humain ne se remarque pas. Seule son attitude taciturne et bourrue peut faire surgir des doutes. Par contre, il en est tout autrement sur le vieux continent, où il semble être facilement reconnaissable par ses sourcils qui se rejoignent au-dessus du nez, ses ongles légèrement rouges, ses mains et ses pieds velus et un majeur particulièrement long. […] PERRO, Bryan et Alexandre GIRARD. Créatures fantastiques du Québec, Du Trécarré, Montréal, 2007, 153 pages, p. 73 à 82

ISBN : 978-2-89568-365-0 (Copibec)

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LLAA DDIISSPPAARRIITTIIOONN DDUU FFUUTTUURR MMAARRIIÉÉ

Adapté de contes populaires transmis par Wenceslas-Eugène Dick (1848-1919) et Pamphile Lemay (1837-1918).

Dans le village et les alentours, tout le monde savait ce qu’était un loup-garou, même si la plupart des paroissiens n’en avaient jamais vu. Les farauds avaient beau crâner parfois quand ils avaient bien bu, et rire de ces « histoires de peur » racontées par les vieilles, quand il s’agissait du loup-garou, un petit frisson leur parcourait l’échine. Et sans le dire, des hommes et des jeunes gens, rentrant la nuit d’une veillée dans un village voisin, évitaient les fermes où veillaient des chiens noirs. On n’était jamais trop sûr... Aussi les parents surveillaient les jeunes qui dansaient dans les veillées, les filles surtout, de crainte qu’elles ne s’amourachent d’un « bambocheur », d’un garçon qui risquait sa vie éternelle en blasphémant, et pire : en négligeant de faire ses Pâques!

Le Loup-garou, illustration de Lucas Cranach l'Ancien vers 1512.http://fr.wikipedia.org/wiki/Loup-garou

Les pratiques religieuses tenaient une grande place dans la vie des gens, et les curés ne se gênaient pas pour promettre l’enfer aux hommes et aux femmes qui négligeaient leurs devoirs de religion. Et pourtant, un jour, Firmin Jambette eut l’occasion de voir de près un loup-garou. Ce fut à l’occasion d’un mariage. Dans le village, une jeune fille nommée Catherine Miquelon était arrivée à l’âge de se marier. Les prétendants ne manquaient pas. Et voici que, pendant le carnaval, elle assista avec ses parents à une fête de famille chez des parents, de l’autre côté du fleuve. Et là, elle reçut les attentions d’un jeune homme de Cap-Santé, un garçon du nom de Misael, qui la fit danser dix fois plutôt qu’une. Lors du réveillon, assis en face d’elle, il lui proposa : — Après la fête, si vous le voulez bien, je vous raccompagnerai chez vous. J’ai un beau petit cheval bai et ma carriole fraîchement repeinte.

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Catherine donna son accord en ajoutant : — Si mes parents le veulent bien, je viendrai avec vous. Et la fête finie, la carriole blanche attelée au beau petit cheval bai suivit les autres qui traversaient le fleuve sur le pont de glace. La route était balisée d’épinettes et la glace était épaisse. Et le cheval connaissait son chemin si bien que Misael avait tout le loisir de courtiser la belle Catherine et de la protéger du vent avec la grosse peau d’ours. Il fallait entendre, en plus du son des grelots de cuivre de l’attelage, le trot rapide des chevaux et le chant des lisses d’acier sur la route sonore. Le voyage sur le fleuve ne parut pas long et comme l’époque était aux réjouissances au milieu du carême, Misael resta à la ferme pour enterrer le mardi gras avec sa nouvelle amie. C’est à la veillée que Firmin Jambette rencontra le « nouveau » et devint son ami. Et au bout d’un an, ne soyons pas surpris, on annonça les fiançailles de Catherine et de Misael. Nous étions donc arrivés à la veille du mariage. Le troisième ban avait été publié du haut de la chaire. Le promis était arrivé chez sa future avec son garçon d’honneur, son père et plusieurs de ses amis. Chacun se disputait le plaisir de les héberger. Ils commencèrent par célébrer la mariée et se rendirent donc, le violoneux en tête, chez le père Miquelon. Ils venaient dire un tendre adieu à la jeune fille et lui faire des souhaits qui jetteraient un peu de trouble dans son cœur! Les noces allaient être joyeuses : elles commençaient si bien! Les violons vibraient sous le crin rude des archets. Les danses faisaient entendre au loin leurs mouvements rythmés, comme si les pieds retombant en mesure sonnaient comme les fléaux des batteurs de grain. Or, pendant que le rire s’épanouissait comme un rayonnement sur les figures animées et que les refrains allègres se croisaient comme des fusées dans l’atmosphère chaude, le premier coup de minuit sonna. Le « marié » s’esquiva sournoisement. Il sortit de la maison. Minuit! C’était l’heure du départ. Les violons se turent. Le garçon d’honneur s’avança alors dans la foule et demanda : — Le marié est-il ici? Il faut qu’il me suive : il est encore mon prisonnier. Demain une jolie fille le délivrera. Ce fut alors un éclat de rire. Puis, après un moment, l’un des convives dit qu’il l’avait vu sortir, tête nue, au coup de minuit, par la porte de derrière. On attendit quelques instants, puis le garçon d’honneur entrouvrit la porte et jeta un coup d’œil au dehors. Il ne vit personne. Il sortit. Au bout d’un quart d’heure, il revint, seul. — C’est singulier, remarqua-t-il. — L’avez-vous appelé ? demanda Firmin. — Oui, mais sans succès, comme vous le voyez.

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Catherine, la future, devenait inquiète. — Il va rentrer, disait-on. Il ne peut rien lui arriver de fâcheux la veille de ses noces! Et en plus, il est sorti sans chapeau! — Qui sait? un étourdissement ... une chute... Tous les hommes se mirent à chercher. Ils cherchèrent dans la grange, sur le foin, dans la tasserie, dans les crèches, partout. Une heure sonna et Misael n’était pas revenu. Des femmes se mirent à pleurer. Catherine était pâle et une horrible angoisse lui serrait le cœur. Firmin, qui cherchait son ami dans une remise, pensa soudain qu’il était peut-être allé à l’écurie, où se trouvait le jeune cheval bai dont il était si fier. Il s’y rendit et, comme il levait le crochet de fer qui tenait la porte fermée, il entendit marcher derrière lui sur la neige. Il crut d’abord que c’était quelqu’un de la noce. Il se retourna pour l’interpeller. Et dans la noirceur que le sol couvert de neige éclairait un peu, il vit venir vers lui une bête de la taille d’un gros chien. Elle était noire avec des yeux rouges flamboyants qui éclairaient comme des lanternes. Il resta là, figé de peur, incapable de bouger. L’animal s’avançait vers lui et le regardait. Puis, il ouvrit sa gueule et montra des crocs menaçants. Firmin ressentait une peur épouvantable; il se dit qu’il allait être dévoré par ce loup affamé et que c’en était fait de sa vie. Mais l’instinct de conservation lui revint tout à coup; il fit sauter le crochet de fer et entra dans l’écurie. Le loup entra à sa suite. Firmin fit le signe de la croix et, malgré sa peur, il sortit son couteau de sa poche et s’apprêta à défendre sa vie, coûte que coûte. L’animal se dressa et lui mit ses pattes velues sur les épaules tandis qu’il allongeait, comme pour le mordre, son museau pointu, d’où s’exhalait un souffle brûlant. Firmin frappa. Le couteau atteignit l’épaule du loup et fit couler le sang. Aussitôt la bête disparut et un homme blessé à l’épaule surgit on ne sait d’où. — Vous m’avez délivré, fit l’homme. Et à ce moment, Firmin reconnut Misael! — Comment, Misael, c’est vous? — Oh! n’en dites rien, s’il vous plaît! — Vous courez le loup-garou? Qui aurait pensé cela! s’écria Firmin. Et, reprenant ses esprits, il pensa à la noce, à Catherine. Allait-elle donc épouser un mécréant qui n’avait pas fait ses Pâques depuis plus de sept ans? Il ne savait plus quoi faire et que penser quand Misael dit à voix basse :

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— Je vais aller à confesse demain, je le jure. Ne dites rien, je promets de changer de vie. Je serai un bon chrétien à l’avenir. — Le jurez-vous? fit Firmin. — Je le jure! — Si vous ne tenez point votre parole, je dirai tout! dit Firmin. Et le mariage n’aura pas lieu. — C’est promis. Pendant ce temps, dans la maison du père Miquelon, la plupart des hommes étaient rentrés. Ils causaient à voix basse comme auprès d’un mourant. Tout à coup, la porte s’ouvrit et le « marié » parut. Il était livide. Du sang coulait le long de son bras et tombait goutte à goutte du bout de ses doigts glacés. Firmin le suivait sans dire un mot avec un visage blême et l’air hébété d’un homme qui ne sait pas s’il dort ou s’il veille. — D’où viens-tu, Misael? Que t’est-il donc arrivé? demanda le garçon d’honneur. Assez gauchement, il dit : — J’avais senti un malaise et je suis sorti pensant que l’air froid me ferait du bien. Je suis tombé sur la glace et me suis blessé à l’épaule. J’ai dû perdre connaissance... Firmin le regardait avec des yeux animés. Il laissait voir, par des signes de tête et des haussements d’épaules, qu’il en connaissait long. Mais il ne dit rien. On pansa la blessure. On aurait dit un coup de couteau. Il y a des glaçons qui tranchent comme un poignard. On but une dernière rasade et chacun alla se coucher. Le lendemain les cloches carillonnèrent pour le mariage de Catherine et Misael. Avant de se présenter à l’autel, Misael passa par le confessionnal sous l’escorte de Firmin. Il y resta longtemps. Ce fut une belle noce. Tout le monde dansa à la santé des nouveaux époux. Et Firmin Jambette garda son secret pour lui tout au long de sa vie. Ce n’est que sur son lit de mort qu’il raconta cette histoire de loup-garou. Auteure : Cécile Gagnon

Adapté de contes populaires transmis par Wenceslas-Eugène Dick (1848-1919) et Pamphile Lemay (1837-1918).

Référence : Mille ans de contes http://www.dark-stories.com/le_loup_garou.htm

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OOUUTTIIKKOOUU OOUU LL’’OOGGRREE DDEESS ÎÎLLEETTSS MMÉÉCCHHIINNSS

Les Îlets Méchins, deux petits rochers situés à faible distance de la côte et séparés par un étroit chenal, seraient le repaire d’un ogre que les Malécites appelaient Outikou.

Le mot « Méchin » n’est que la corruption populaire du mot sauvage « Matsi » ou du nom

français « méchant » qui sont, du reste, la traduction

l’un de l’autre.

Lors de leur passage sur ces îlets, plusieurs voyageurs relevèrent de grandes traces de pas sur la place. Réputé pour la puissance de son cri capable de tuer sur place le plus solide des hommes, l’ogre est apparemment bien réel et il est recommandé d’éviter ces lieux. On dit que l’effroyable créature s’appuie dans ses déplacements sur un gigantesque tronc d’arbre en guise de canne. Un prêtre courageux qui aurait réussi à repousser les attaques du monstre a fabriqué jadis, dans l’un des gigantesques bâtons de marche du monstre, la croix chrétienne qui est toujours présente sur l’une des îles.

PERRO, Bryan et Alexandre GIRARD. Créatures fantastiques du Québec, Du Trécarré, Montréal, 2007, 153 pages, p. 151-152

ISBN : 978-2-89568-365-0 (Copibec)

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LLaa llééggeennddee dduu «« GGééaanntt ddeess MMéécchhiinnss »»,, OOuuttiikkoouu

Les Iroquois avaient fui devant les cohortes de la France, puis avaient demandé la paix, le baptême. Profitant de ces jours heureux de victoire et de paix, les missionnaires se multipliaient pour aller évangéliser. Deux de ces ouvriers de Dieu étaient partis de Québec pour Tadoussac; l’un était destiné aux missions montagnaises de la côte nord; l’autre devait, traversant le fleuve, aller reconstituer les missions de la Gaspésie. Sans suivre jusqu’au bout ce dernier dans son voyage, accompagnons-le jusqu’à cet endroit célèbre qui s’appelle encore aujourd’hui Les Îlets Méchins. Ce mot de Méchin n’est que la corruption populaire du mot sauvage « Matsi » ou du nom français « Méchant » qui sont, du reste, la traduction l’un de l’autre. Le missionnaire, accompagné d’un autre voyageur, s’était fait conduire à Cacouna, sur la rive sud, par les Montagnais de Tadoussac. Là, il prit un canot malécite qui devait le mener à Gaspé. Des deux Malécites qui guidaient l’embarcation, l’un était chrétien, et l’autre, infidèle; ce dernier remettant toujours le moment de sa conversion. On était en route depuis cinq jours d’un temps magnifique lorsqu’au soir le ciel se chargea de nuages. Les voyageurs atteignaient à ce moment Les Îlets Méchins, qui sont deux petits rochers situés à faible distance du rivage dont ils sont séparés par un étroit chenal, assez profond pour servir de havre aux petites embarcations. La plage en face forme une anse sablonneuse qui s’élève graduellement jusqu’au sommet d’une montagne. Nos voyageurs s’arrêtèrent en cet endroit. Malgré l’aspect invitant du local, le sauvage infidèle ne s’était arrêté là qu’à son corps défendant.

- Qu’a-t-il, demanda le missionnaire au sauvage chrétien?

- Il a peur d’Outikou!

Pauvre malheureux, se dit le missionnaire, il craint ce géant fantastique et n’a point peur du véritable géant de l’abîme.

- Mais pourquoi a-t-il plus peur ici d’Outikou que partout ailleurs?

- Outikou reste là, dans la montagne.

Ils renversèrent le canot sur ses pinces, firent un bon feu et causèrent en prenant le repas du soir. Le vent commençant à faire rage éteignit le feu, les laissant dans l’obscurité totale, ce qui vint augmenter les terreurs du sauvage infidèle. On fit la prière et chacun s’étendit sur le sable à l’abri du canot. On dormait sur le rivage, le vent et la pluie ayant cessé, quand, tout à coup, un cri de terreur vint tirer les voyageurs de leur sommeil. C’était le sauvage rebelle à sa conscience qui, se jetant aux pieds du missionnaire, criait de toutes ses forces.

- Le baptême, Patriarche, le baptême!

- Mais qu’as-tu donc, demanda le père avec inquiétude?

- J’ai entendu le cri d’Outikou, et ce cri fait mourir!... Je l’ai vu descendre de la montagne; grand, grand comme les Chickchâks... J’ai vu le bâton qui lui sert de soutien, c’est un grand pin sec arraché de sa propre main...

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- Calme-toi, dit le père rassuré; car le malheureux infidèle étouffait.

- Il avait senti le sauvage non baptisé... il est venu rôder autour du campement... il se penchait vers moi pour me saisir; mais j’avais placé ton crucifix sur ma poitrine... En voyant cette image, il a poussé un nouveau cri qui semble encore m’ouvrir la tête; puis, il s’est enfui dans la montagne en laissant tomber son bâton à quelques pas d’ici! Il écrasait sous ses pieds les sapins et faisait rouler les rochers sous ses pas en se sauvant. Mais j’en mourrai, ajoutait le sauvage en s’attachant avec frénésie à la soutane du missionnaire, et je ne veux pas mourir sans baptême!

- Ne crains rien, dit le père, tu ne mourras pas sans être baptisé. Dieu ne le permettra point; mais en ce moment, tu n’es pas disposé à recevoir ce sacrement. Prions en attendant et repens-toi... Quand le jour parut, le sauvage un peu calmé entraîna le missionnaire à l’entrée du bois, où, montrant un pin sec sur le sol, il lui dit :

- Vois-tu le bâton d’Outikou?

- De ce bâton, dit le père, nous allons, avant de quitter Les Méchins, construire une croix que nous élèverons dans ce lieu en signe de la rédemption du monde, afin qu’Outikou ne revienne plus! Le bâton transformé en croix s’éleva à la pointe de l’Anse de Méchins. De ce moment, on n’a jamais revu le géant aux Îlets.

* La municipalité nommée Les Méchins est située à égale distance entre Matane et Sainte-Anne-des-Monts

(45 km), sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. http://cacouna.net/legendeoutikou.htm

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Yvon Leclerc

epuis 1990, Yvon Leclerc s’intéresse véritablement aux bigfoots. Il se décrit lui-même comme un généraliste dans le monde de la science, mais qui possède toutefois un œil de

spécialiste pour les empreintes fossilisées. C’est lors d’un voyage à Magog, à l’invitation de son ami Jacques Boisvert, dracontologue, qu’il a vu pour la première fois des photos des traces de la mystérieuse créature. Sceptique, mais considérant que le devoir d’un scientifique est d’abord d’aller voir avant de conclure à l’imposture, il fut secoué par le nombre d’éléments positifs (des preuves mécaniques et des traces ostéologiques évidentes sur les photos) qui démontrent bien que la « chose » qui a laissé ces empreintes lui semblait bel et bien vivante. Partant de Magog avec les dossiers, Yvon a essayé de démontrer la supercherie, mais en vain. Obligé de conclure que le dossier était très sérieux, Yvon Leclerc a décidé de prendre contact avec l’anthropologue Groves Krantz, Ph. D., de l’Université de Washington, et de comparer son travail avec les empreintes de Bossburg de 1969. Les empreintes étaient de même dimension (18 pouces), la seule différence étant que le spécimen de Bossburg avait un pied infirme. Il n’en fallait pas plus pour convaincre Yvon Leclerc de devenir chasseur de bigfoot.

D

Nous vous offrons ici une entrevue exclusive d’Yvon Leclerc effectuée par nul autre que Bryan Perro.

Bryan — Yéti ou bigfoot, Yvon? Yvon — Le bigfoot est typique de l’Amérique du Nord. On parle aussi de sasquatch, mais en fait c’est la même chose. Quant au yéti, il se situerait davantage vers l’Asie, c’est-à-dire au Népal, dans les montagnes de l’Himalaya. J’ai travaillé aussi sur un dossier de créatures similaires en Indonésie avec l’anthropologue Collins Grove, Ph. D., et chaque région du monde le désigne par une appellation différente, mais est-ce la même espèce? Nous n’en savons rien. Logiquement, si une espèce a survécu jusqu’à aujourd’hui, pourquoi pas deux ou trois autres! Bryan — Et le yéti de l’Himalaya, vous y croyez? Yvon — La science n’est pas basée sur des croyances, plutôt sur des faits. Toi, te promènerais-tu dans la neige, pieds nus, à trois mille mètres d’altitude? Il n’y a pas beaucoup d’hommes qui feraient ça non plus, alors pourquoi je trouverais leurs empreintes? Il y a des phénomènes comme ça qui existent… c’est facile de dire que c’est un humain qui laisse des empreintes en espérant que quelqu’un passe par là et les découvre. Lorsque l’on fait de fausses empreintes, c’est pour que les gens les trouvent… non?

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Concernant ces fameuses empreintes dans la neige, l’anatomiste Wladimir Tschernezky, Ph, D. a rencontré Shipton, qui avait des photos et il a fabriqué une réplique en plâtre de ce qu’il a pu observer. Ces travaux ont été publiés par la plus prestigieuse revue de science, Nature. J’en ai obtenu une copie et j’ai pu refaire le travail que l’anatomiste avait effectué dans les années 1950. Ce qui est intéressant dans ces études, c’est que l’anatomiste est un scientifique sérieux et reconnu par ses pairs, et s’il s’agissait d’empreintes humaines, il l’aurait vu immédiatement, puisque cette espèce semble assez courante, je pense… Bryan — Mais les traces ne constituent-elles pas une preuve pour la science? Yvon — Oui, pensons aux policiers qui arrêtent et condamnent des criminels avec une simple empreinte de pouce ou de semelle. Pourquoi? Ils ont des catalogues et une méthodologie qui a fait ses preuves. La cryptozoologie n’en est pas là. Cette nouvelle discipline doit se structurer comme toutes les sciences. D’abord, établir un inventaire des faits et des preuves disponibles, fabriquer un catalogue, comme les corps policiers. Se mettre d’accord sur la méthodologie qui a fait ses preuves dans les sciences dites « reconnues », telle que l’étude des empreintes fossiles en paléontologie. Il faut établir des normes de qualité des empreintes recueillies afin de valider ou d’invalider (sic) hors de tout doute. C’est à ces conditions que le domaine de la science, plus conservateur, commencera à s’y intéresser. Il va sans dire que l’authenticité d’une empreinte qui possède des traces de peau du spécimen devrait être plus facile à établir, car les scientifiques consentiront à étudier ces traces. Je travaille présentement à mettre au point une méthode scientifique pour différencier le vrai du faux. Tu vois, j’ai vu exactement la même chose en paléontologie. Dans les études d’empreintes fossiles, il n’y avait aucune méthode jusqu’en 1989. C’est Bill Sarjeant, Ph. D. de l’Université de Saskatoon, avec qui j’ai travaillé, qui a proposé une première approche unifiée pour l’étude des empreintes fossiles. Tout le monde avait sa propre méthode. À cette première approche du Dr Sarjeant, j’ai ajouté une méthode d’étude en trois dimensions et une méthode de frottis scientifiques qui permettent de voir l’équivalent d’une radiographie dans certains cas de moulages d’empreinte, en plus de faire comprendre la démarche de la créature qui a laissé ces empreintes. Bryan — Existe-il des récits de rencontre avec le bigfoot au Québec? Yvon — Oui, une trentaine. En réalité, il y en a eu plus que ça, mais seulement une trentaine sont intéressantes, avec des informations qui se recoupent. Lorsque j’ai entrepris ma chasse au bigfoot et commencé à recueillir des éléments de preuves et des récits, il n’y avait à peu près personne qui voulait parler, de peur de faire rire de soi. Après plusieurs conférences et entrevues dans les médias, les gens ont pris confiance, et ils m’ont raconté des choses presque incroyables dans certains cas. Entre ce qu’ils ont vu et la réalité, il y a parfois beaucoup de marge (sic). À la suite d’une conférence au Saguenay, il y a eu deux couples, plus une cinquième personne de Saint-Félix-d’Otis : ils ne se connaissent pas, ils ne connaissent pas le bigfoot, mais tous me donnent les mêmes descriptions, les mêmes informations sur leur rencontre avec la créature. Cette dernière était assise au bord de la route, leur faisant dos, et elle s’est retournée vers eux, la tête et les épaules en un seul bloc. Lorsque tu connais un peu le sujet, ce sont des détails trop précis et il faut prendre ça au sérieux.

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Bryan — En quoi est-ce un détail important? Yvon — Chaque animal a sa façon de se mouvoir et de se déplacer, il est dépendant de son anatomie. Prenons le gorille, il ne se déplace pas comme un homme et pourtant il a un squelette similaire. Mais il est différent, ce qui fait qu’il a de la difficulté à marcher debout. Quand des descriptions ont des concordances aussi marquées, il faut les noter et essayer de trouver des empreintes ou d’autres faits qui prouvent les dires, ou du moins s’en rapprochent. La collecte de récits doit aussi être comparée avec des récits compilés aux États-Unis ou ailleurs, ce qui leur donne une meilleure crédibilité, Bryan — Existe-t-il d’autres témoignages crédibles? Yvon — Oui, à Gracefied, en Outaouais, un homme l’a vu vers les onze heures du soir. J’ai parlé à sa femme, qui m’a dit qu’il était rentré à la maison blanc comme un drap. C’est elle qui m’a téléphoné afin que je parle à son mari : il m’a accordé une entrevue. Il était en automobile, puis il a aperçu quelqu’un marcher au bord de la route. Comme il y avait une petite neige qui tombait, il a ralenti son véhicule en se disant que c’était peut-être une personne qui avait besoin d’aide. À environ cent cinquante pieds avant de l’atteindre, il s’est aperçu qu’il s’agissait d’un animal au moment où ce dernier a fait un bond dans les airs pour se mettre dos à lui. Le lendemain, l’homme est retourné au même endroit et il a vu dans la neige des traces de pieds d’environ vingt-deux pouces de long. Bryan — Y a-t-il des gens qui ont pu voir le bigfoot de face, dans le blanc des yeux? Yvon — Oui, à Saint-Fulgence! Mais je te dis ça sous toute réserve. Il faudrait que je vérifie le lieu exact. Peu importe, c’est un couple qui séjourne à son chalet. Comme ils sont à regarder dehors, ils aperçoivent une espèce de gorille qui les fixe avec des yeux rouges, rouges, rouges… Eh bien, il existe beaucoup de récits allant exactement dans le même sens, et pas juste au Québec, aux États-Unis aussi. Écoute, ça va même jusqu’à l’explorateur Pierre-Esprit Radisson, qui raconte en 1665 […] qu’il a vu un animal, environ de la grosseur d’un ours, qui lui tirait des pierres. On m’a dit que dans les écrits des jésuites on trouvait des récits semblables. Tu le sais comme moi, un ours n’est pas arrangé pour jeter des pierres. On a également des récits amérindiens qui racontent exactement la même chose! Donc, tu vois, il y a des comportements similaires, des descriptions similaires, et à différentes époques. Ici, au Québec, on a peur de faire rire de nous! À Shawinigan, un gars aurait vu quelque chose, mais il refuse de me rencontrer. Il a peur qu’on se moque de lui. Quand l’affaire des monts Valin s’est produite (un inspecteur de coupes qui a vu des traces), les journaux en ont parlé, et là, les gens ont commencé à me téléphoner. Il y avait enfin quelqu’un à qui ils pouvaient s’adresser en toute confiance! Bryan — Moi, je me promène beaucoup dans le bois et je n’en ai jamais vu…

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Yvon — À ton chalet, pourrais-tu me dire si le fond du ruisseau est en sable, en galets ou en pierres? De chaque côté du ruisseau, on y voit du sable, de la pierre, des herbes? (Hésitation de la part de Bryan) Tu vois, il faut que tu y penses comme il faut, et encore tu n’en es pas sûr… Nous ne sommes pas habitués à observer correctement les choses autour de nous. Combien de fois as-tu vu un ours, un chevreuil ou un orignal? Selon les statistiques du Québec de 1999, il y avait 60 000 ours, 325 000 chevreuils et 80 000 orignaux. Essaie de penser au nombre de fois que tu as vu un de ces animaux, c’est rare que tu en voies un, et pourtant on parle de presque 500 000 bêtes qui se promènent dans nos forêts. Si tu réfléchis à l’espèce que tu as vue le plus souvent, c’est probablement le chevreuil, et pour cause. Maintenant, si tu vas te promener la nuit dans le bois, tu en verras encore moins. De ces animaux, on connaît le comportement et le milieu; comment tu expliques que de bons chasseurs reviennent bredouilles malgré leur savoir? Combien de fois as-tu trouvé un panache de cervidé ou un crâne d’animal? Savais-tu que le groupe de scientifiques qui a reçu des milliers de récits de tout genre en a catalogué presque 3000 en Amérique du Nord? Fait intéressant, les endroits où des universités ont un projet de recherche en cryptozoologie concernant le bigfoot sont les régions où l’on dénombre le plus de récits. Californie : 343; Washington : 286; Oregon : 176; Idaho : 32. Et dans les régions où le sujet est encore tabou, les récits sont très peu nombreux. Le Québec en compte 26, l’Ontario, 25 et les Maritimes, 0. Les gens ne sont pas en confiance et ne veulent pas faire rire d’eux. On pourrait doubler facilement les chiffres si le public pouvait s’exprimer sans avoir peur du ridicule. Ces animaux sortent surtout la nuit et sont très peu nombreux, peut-être cent dans tout le Québec. Les rencontres ou les traces sont généralement dans des endroits éloignés des villes, ça se comprend. S’il a survécu jusqu’à aujourd’hui, c’est que le bigfoot a appris à se cacher et à se tenir loin de la civilisation. Souvent, dans les forêts qui n’ont jamais été coupées, et qui de nos jours reculent de plus en plus vers le nord, le bigfoot ne se déplace pas à l’intérieur du bois : les ruisseaux sont des autoroutes pour lui. Pourquoi un animal qui fait six, sept, dix pieds passerait à travers les branches? C’est pour ça que les empreintes que l’on découvre sont souvent au bord des ruisseaux et sont peu nombreuses. À l’occasion, on trouve des pistes là où sont passées les débusqueuses, qui leur ont fait de beaux grands chemins à travers la forêt? Plus de 3000 récits ont été rapportés depuis cent ans en Amérique du Nord et sont considérés comme concordants. Ces histoires continuent à être mises en doute par la communauté scientifique conservatrice, qui fait bien attention de ne pas se déplacer pour étudier les phénomènes rapportés. Bryan — On n’a jamais trouvé de restes de l’animal?

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Yvon — Oui, on a trouvé une mâchoire inférieure en Chine. Les anthropologues sérieux reconnaissent l’existence du Gigantopithecus. Le bigfoot serait simplement le survivant de cette race de primates supérieurs, selon certaines théories avancées par des anthropologues tels que Groves Krantz, Ph. D. Pour la majorité des scientifiques, c’est difficile à accepter parce que ça dérange beaucoup de théories de l’évolution des espèces. Bryan — Personnellement, avez-vous souvent vu des empreintes de bigfoot? Yvon — Après le cas des monts Valin, je suis retourné sur les lieux trois ans de suite. Et on a trouvé d’autres traces de ce que je pense être la femelle. La bête marchait dans la mousse et elle a emprunté un chemin de débusqueuse pour éviter un obstacle. Dans ce secteur déterminé, on a six sites d’empreintes et j’ai déterminé qu’il y aurait probablement une famille vivant sur le territoire. Ce que l’on croit être la femelle a laissé des marques de pieds dont l’un a une protubérance près du gros orteil. Bryan — Dites-moi, qu’est-ce qui nourrit votre intérêt pour le sujet? Yvon — C’est que je veux savoir! S’il y a de la fraude, je veux essayer de le prouver. Si c’est vrai, je veux aussi le prouver! J’ai été amené au bigfoot grâce aux empreintes fossilisées, car c’est un peu la même démarche dans l’analyse des preuves. On se pose la question suivante : à quoi ressemble l’empreinte d’un animal que l’on n’a jamais vu? Parce que c’est ça, la question! De toute façon, les gens au Québec sont tellement sceptiques que si j’arrivais avec le corps complet d’un bigfoot, on ne me croirait quand même pas! Une découverte bouleverse toujours les choses établies. Si nous ne faisons pas de recherche, nous risquons de passer à côté d’une découverte. Le fantastique a toujours fasciné l’homme, c’est probablement le côté enfant qui nous reste. En l’an 2000, les scientifiques du monde entier ont décidé de faire l’inventaire des océans. Depuis, ils ont découvert en moyenne trois mille nouvelles espèces par année. Quand on écoute les grands prêtres de la connaissance, ils essaient de nous faire croire que tout a été trouvé. Un récit intéressant : un jeune spécialiste des poissons ne trouvant pas de fonds de recherche décide d’aller en Amazonie passer quelques années. Son travail de recherche consistait à se lever à 4 heures du matin pour aller au marché aux poissons, et il a acheté tous ceux qu’il ne connaissait pas. En deux ans, il a inventorié plus de deux cents nouveaux poissons que la communauté scientifique ne connaissait pas, mais tous les gens sur place les mangeaient depuis des générations, donc ils portaient déjà un nom. Mais ce n’était pas du latin probablement… Ah! PERRO, Bryan et Alexandre GIRARD. Créatures fantastiques du Québec, Du Trécarré, Montréal, 2007, 153 pages, p. 114, 116 à 123

ISBN : 978-2-89568-365-0 (Copibec)

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LLEE SSAASSQQUUAATTCCHH DDEESS MMOONNTTSS VVAALLIINN

Par Odette Bourdon

Wikimedia Commons

À 12 ans, Matthew Larouche avait reçu de son parrain son premier appareil photo, un Pentax 35 mm. Ce cadeau inespéré allait changer la vie du jeune garçon.

Depuis des années, l’oncle Albert, un amateur du grand air, avait initié son neveu à la beauté et à la grandeur de la nature. Il lui avait appris les plaisirs de marcher en forêt, d’être à l’affût du moindre bruit ou mouvement des arbres, de guetter les animaux, d’observer les oiseaux, de reconnaître les signes avant-coureurs des saisons. Il l’avait sensibilisé aux couleurs et aux sons de cet immense parc naturel des monts Valin, à deux pas de leur village de Saint-Fulgence. Il l’avait même amené pourchasser le sasquatch, qu’il était persuadé avoir aperçu, un jour qu’il se promenait en solitaire.

Maintenant que sa santé ne lui permettait plus de grandes excursions, l’oncle se contentait d’écouter les récits de Matthew, devenu son héritier spirituel. Et sa croyance au personnage légendaire, ce fameux yéti des Tibétains ou bigfoot des Américains et des Canadiens de l’Ouest, celui aussi que d’autres nomment l’abominable homme des neiges, n’avait pas disparu. Au contraire, il avait maintenant le temps de colliger tous les articles s’y rapportant.

Dès qu’il le pouvait, Matthew s’aventurait avec des amis dans ces incomparables montagnes. Il connaissait presque tous les recoins de ce territoire habité par d’innombrables animaux dont les caribous, les ours, les loups, les renards. Il apprivoisait aussi cette flore généreuse offrant plus de 400 espèces différentes dont des plantes carnivores comme la sarracénie pourpre et l’utriculaire. Et c’est avec un plaisir non dissimulé qu’il immortalisait ses découvertes grâce à ses photos. Ce qu’il ferait plus tard, il le savait déjà : photographe animalier. Il feuilletait passionnément tous les National Geographic qui lui tombaient sous la main. À Chicoutimi, la libraire de la rue Racine connaissait sa passion et lui vendait à prix d’ami des anciens numéros du magazine.

Un jour de 1963, plus précisément le samedi 5 octobre, jour où Matthew Larouche fête ses 17 ans, il décide d’aller explorer de nouveau la vallée des Fantômes. Cette vallée tient son nom du fait que, l’hiver, des amoncellements de neige s’installent sur les branches des conifères, puis les camouflent pour les transformer en véritables fantômes.

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Muni de son appareil photo devenu un véritable appendice de sa personne, il est prêt pour une autre expédition. Il marche depuis près de deux heures quand il décide de faire une halte. Il déballe son casse-croûte quand une étrange odeur lui chatouille les narines. Il ne peut s’empêcher de se rappeler le récit mythique de son oncle Albert lorsqu’il évoquait la senteur du sasquatch. Rapidement, il remet son sandwich dans son sac à dos et se met aux aguets, comme le lui a appris son parrain. Pas un bruit. Il doit se fondre dans la nature. Avec précaution, il réussit à remettre son appareil en bandoulière et il attend…

Puis soudain, sortant de nulle part, une bête géante surgit pour se retrouver à quelques pas devant lui! Matthew n’en croit pas ses yeux. L’espèce d’humanoïde poilu mesure au moins deux bons mètres. Sa fourrure est brune et de très longs poils lui font une longue chevelure. Et l’odeur persistante est bien là. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, Matthew, fébrile et incrédule, a pris des dizaines de clichés avant que la bête ne disparaisse, sans doute indisposée par les cliquetis de l’appareil.

Abasourdi par ce qui vient de se passer, Matthew a juste le goût de crier. Il l’a vu, le sasquatch, il l’a vu et a des preuves. Il ramasse son matériel et en fin d’après-midi se retrouve dans le bureau du rédacteur en chef du Progrès-Dimanche, à Chicoutimi.

Le lendemain, Matthew et quelques-unes de ses photos se trouvent à la page frontispice du journal. Les radios locales l’accaparent. Il est la vedette du jour! Le mardi, Radio-Canada envoie une équipe de reporters. La nouvelle est reprise par plusieurs médias. Mais si beaucoup de gens croient en l’existence du sasquatch des monts Valin, d’autres la refusent carrément. On parle de canular, de trucage, comme on l’avait fait pour l’oncle Albert.

Ayant eu vent de l’affaire, des scientifiques s’intéressent à la découverte. Un spécialiste vient de la Californie et un autre d’Oliver, en Colombie-Britannique. Malheureusement, les photos en noir et blanc ne suffisent pas à avaliser la véracité de cette rencontre.

Quelques jours après son exploit, Matthew retourne sur les lieux à l’affût de preuves supplémentaires. Au pied d’un sapin, la terre semble légèrement affaissée. En s’approchant, il ne peut contenir sa joie. Enfin une preuve tangible, une empreinte gigantesque de pied qui doit bien faire 50 cm. Vite, il retourne chez lui chercher du plâtre pour faire un moulage, comme il le fait souvent quand il découvre des traces d’animaux. Heureusement qu’il lui en reste et qu’il peut très rapidement retourner sur place. Le lendemain il envoie l’artéfact à Willow Creek, en Californie, où une association s’intéresse à la cryptozoologie.

Aujourd’hui, si vous êtes un lecteur du National Geographic, vous verrez à l’occasion des photos signées Matthew Larouche. Vous saurez désormais que c’est lui, le Saguenéen qui, en 1963, a photographié le sasquatch des monts Valin et qu’il a fait des pieds et des mains pour persuader les gens. Mais en vain!

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