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Jean-Jacques Barbot • Restaurateur

J'habitais St Lô. Mon père travaillait dans la haute métal-

lurgie et sur les plateformes ! La voie de cuisi-nier est donc issue d'une passion innée quand j'étais en 6e. Une vraie vocation survenue sans explication.

Avec mon ami Larsonneur qui la partageait, nous voulions entrer à Thonon. Notre provi-seur de CES ricanait, jurant qu'on ne serait jamais pris. Et pourtant nous avons réussi, et malgré une grève des trains qui nous a obligés à faire St-Lô-Thonon-St-Lô et passer l’exa-men en une seule journée et deux nuits !

Nous formions des classes d’une vingtaine d’élèves, sans fi lles, avec des cuisines qui étaient assez obsolètes, encore au charbon. Mais nous vivions dans une excellente ambiance, et aux côtés de quelques grandes " fi gures », comme le responsable de la buanderie qui nous amusait tant, avec son fort accent des pays de l’est.Et ce qui était formidable aussi, c’est que nous passions par tous les services. Nul ne pouvait renoncer à une voie sous prétexte de ne pas la

connaître : nous apprenions toutes les facettes du métier de l’hôtellerie et de la restauration et choisissions bien nos spécialités en connais-sance de cause !

J’ai ensuite eu la chance d’enchaîner quantité de grandes maisons : l’Oustau de Baumanière (où j’ai servi la Reine d’Angleterre, le Shah d’Iran, le président Pompidou…), le Grand Vé-four, Prunier et Taillevent, avant d’entrer à l’Élysée pour mon service militaire, et d’y res-ter ensuite en tant que cuisinier civil.Forcément une expérience à part, avec des réceptions hors normes et aussi des voyages où il nous fallait gérer la cuisine et les repas selon les pays, les invités, et leurs cultures.

Après quelques Relais & Châteaux, une chef pâtissière est devenue la femme de ma vie, et nous nous sommes mis à notre compte en 1989 en ouvrant l’Alambic à Vichy, où nous vivons heureux avec une douzaine de couverts midi et soir.

C’est ainsi que j’ai fait ma plus belle rencontre :

Sa Sainteté Jean-Paul //qui me fit même l’honneur d’un

échange personnel que je n’oublierai jamais.

1971-1973

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Gérard Barnier • Restaurateur

Petit-fi ls de restauratrice et fi ls de restaurateur, j’ai pris la suite parce que

j’ai baigné dedans…Mais j’étais content : c’était mon univers, et j’ai même du faire jouer les relations pour obtenir une dérogation car je n’avais que 15 ans quand il fallait en avoir 16, sans oublier l’année où je me suis cassé la jambe, et j’ai du redoubler !Ce redoublement m’a valu d’échapper aux brimades réservées aux 1e année : quand j’ai redoublé, j’étais en 1e année mais en même temps cela faisait 2 ans que j’étais là…

On avait choisi Thonon pour sa réputation et jamais je n’ai regretté. Je garde des souvenirs mémorables de M. Romanet, « Mimile », avec qui tout le monde fi lait doux mais qui en même temps était si gentil avec chacun, tout comme M. Pinget.

Et puis en 3e année nous étions « internes externés ». Je logeais en ville en colocation avec des camarades (Bonnaz, Viandoz, Gomez… on était 8 en tout !) et de temps en temps le SurGé de l’école venait nous voir. Un jour ce fut assez chaud, car on avait rapporté des bouteilles du dîner en l’honneur des hospices de Beaune… et il les a trouvées..

Après ce sont les Jeux Olympiques qui ont décidé pour moi. J’avais un poste tout désigné sur le paquebot Le France quant Grenoble a été désignée ville olympique.

Parmi les anecdotes, j’ai

celle de la lingerie, où j’étais de corvée régulièrement

: on faisait exprès d’allonger les maillots en les repassant, comme ça les "copains" se retrouvaient

avec des tricots d’ 1 m 50 de haut : ridicules !

Et comme mon père s’est tout de suite beaucoup impliqué dans le COJO, il fallait quelqu’un pour le remplacer à l’hôtel familial, alors je suis venu immédiatement. Par la suite on a fait des transformations, acquis des étoiles, creusé une piscine qu’on a ensuite couverte, etc. Mais cela n’a plus rien à voir avec l’école.

L’important pour moi est de dire à quel point je dois ma vie professionnelle à l’école hôtelière de thonon, car elle m’a enseigné toutes les valeurs, non seulement de ma vie mais que j’ai transmises à mes employés.

1960-1963

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Pierre Basille • Management de restauration

Toute ma famille baignait peu ou prou dans la restauration et je voulais être

steward. C’est pourquoi j’ai privilégié Thonon, hélas la section a été annulée. Je pensais opter pour la spécialité cuisine et j’ai obliqué vers la réception et toute ma carrière s’est faite dans le management.

Je débarquais de ma 3e et j’ai trouvé le bizu-tage un peu lourd parce que même si ce n’était pas méchant, ça durait des mois et des mois. Et même dehors : par exemple si on allait à La Pinte au lieu d’aller Chez Zinette, il fal-lait payer la tournée. Cela dit nous étions très solidaires dans notre promo et durant les trois années.

Parmi les profs j’ai de grands souvenirs aussi, bien sûr. Tel M. Ravinet, dit « Bambam », en anglais, qui pour l’orthographe avait des trucs mnémotechniques que je n’ai jamais oublié et m’ont beaucoup servi.Toujours en cuisine, le jour de l’examen je devais faire des choux à la Chantilly et on m’a passé la Maïzena au lieu de la farine ; évidemment la Chantilly ne montait pas mais le chef Charpin s’est aperçu de la mauvaise blague et m’a aidé à récupérer l’affaire…

Et puis M. Robert, notre prof de sport, à qui je dois d’avoir porté la fl amme olympique en 1968 ! Sur un petit parcours, certes : juste le sentier du Grand Corzent, mais ce fut quand même un grand honneur d’avoir été choisi pour cela !

M. Boisier aussi, surveillant général très craint mais qui en réalité avait très bon cœur et savait faire la part des choses et prendre la défense des élèves s’il le fallait.

Plus tard, que ce soit chez Mövenpick, Accor ou dans tous autres établisse-ments, j’ai recruté des stagiaires et employés de plusieurs écoles.Eh bien, sans chauvinisme et très honnêtement, je n’ai jamais été déçu par un ancien de Thonon !

Comment chasser de ma mémoire le jour où M. Romanet

a laissé deux doigts dans le hachoir à viande

parce que l’élève qui le manipulait n’allait pas

assez vite !

1966-1969

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Jean-Pierre Battin • Chef de cuisine puis formateur

J’avais choisi Thonon pour sa fi lière steward… qui fut supprimée, alors j’ai pris

cuisine.L’ambiance était excellente, avec une grande solidarité. On travaillait souvent en équipe de deux niveaux de classe, et les plus âgés fai-saient des blagues aux plus jeunes.Le cours de « cru des vins » à 8h du matin était un grand moment ! Après avoir dégusté, nous étions très mal pour l’éducation physique à 10h ! Je me souviens aussi de M. Romanet, pâtissier, qui prenait à mains nues des char-bons ardents pour travailler le sucre.Mais surtout, ces études m’ont apporté une rare polyvalence grâce à la variété des matières, qui rendait la formation très riche.Après un an à Ville d’Avray, je suis parti en Australie. Si j’ai pu avoir du travail là-bas, c’est en bonne partie grâce à Mme Rebet, qui nous avait donné d’excellentes bases en anglais…De retour après 5 ans, j’ai postulé chez la Mère Brazier, au Col de la Luère, et y suis allé en taxi ! Elle a vu ça d’un très mauvais œil, me disant que si à mon âge je commen-çais déjà à gaspiller mon argent… mais bon, comme j’avais une cravate et un beau cos-tume, elle m’a testé, observé, et gardé jusqu’à ce qu’elle décide de s’arrêter, un an plus tard, me laissant une belle expérience !

Recueilli à Feurs, j’ai répondu à une annonce originale : pour être cuisinier personnel d’un milliardaire américain. Le jour où je l’ai ren-contré (son avion et son hélicoptère privés m’avaient emmené dans sa résidence aux Bahamas), il avait Neil Armstrong comme invité ! Et j’ai vu passer des dizaines d’autres personnalités. Comme il avait des propriétés et des yachts partout, j’ai recruté plusieurs cuisi-niers et suis devenu son « conseiller culinaire » car il était diabétique et je devais veiller à tout ce qu’on lui préparait.Lorsqu’il est décédé, je suis devenu formateur au Touquet, où j’ai retrouvé M. Hetzel que j’avais eu à Thonon. Il m’a poussé à devenir professeur. Et à l’oral de l’examen, il y avait dans le jury le fi ls de M. Saulnier, mon ancien prof de cuisine !

...j’ai répondu à une annonce originale : pour

être cuisinier personnel d’un milliardaire américain.

Le jour où je l’ai rencontré (son avion et son hélicoptère

privés m’avaient emmené dans sa résidence aux Bahamas), il avait Neil Armstrong

comme invité !

1963-1966

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Alain Béchis • Restaurateur

Fils de cheminot, j’étais attiré par la restauration et l’école de Thonon était la

mieux cotée.J’ai un souvenir impérissable de Mme Robet, jeune professeur d’anglais. Ses cours étaient sûrement très bien… mais je n’ai jamais eu de bonnes notes car elle était si belle que je la regardais plus que ne l’écoutais ! Et puis M. Chevalier qui avait toujours une aiguille et piquait les fesses de ceux qui ne faisaient pas les choses correctement ; M. Romanet aussi, un véritable colosse, mais ultra-sensible. Enfi n il y eut cet événement incroyable du décès subit de M. Desgranges en cuisine en plein service : le temps qu’on fi nisse notre travail, on avait allongé son corps sur le marbre à pâtisserie !

L’ambiance était bonne mais les brimades envers les bizuths duraient toute l’année, au point que certains se décourageaient et quittaient l’école.

C’est à l’école que j’ai rencontré une jeune fi lle… que j’ai mise enceinte à 17 ans ! Le proviseur était furieux, nous reprochant de mettre en péril la réputation de l’établissement. Nous avons donc vite « régularisé la situation »… et venons de fêter nos 50 ans de mariage !Avec les anciens, nous nous rencontrons tousles deux ans depuis plus de 20 ans ! Il en vient de partout, même de Nouvelle-Calédonie comme André Glantenet qui y est aumônier de prison ! J’ai aussi connu Henri Tachdjian, plus connu sous son pseudonyme de chanteur Henri Tachan.

À dire vrai je ne tenais pas à être cuisinier : je voulais être en salle pour le costume, le contact… et les pourboires ! Et puis un jour j’ai dû remplacer quelqu’un en cuisine, et y suis resté.Après 7 ans au Casino de Divonne, j’ai ouvert Le Pirate à Ferney-Voltaire, d’abord dans un petit endroit puis dans un lieu où nous pouvions servir jusqu’à 200 couverts, avec 47 employés dont 20 en cuisine. Nous l’avons vendu en 2000, notre fi lle ne souhaitant pas prendre la suite.

1958-1961

souhaitant pas prend

J’ai un souvenir impérissable de Mme Robet, jeune professeur d’anglais.

Ses cours étaient sûrement très bien... mais je n’ai jamais eu de bonnes notes

car elle était si belle que je la regardais plus

que ne l’écoutais !

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Jean-Michel Bellemin • Pâtissier puis enseignant

Ce sont ma grand-mère et ma mère qui m’ont donné le goût de la cuisine, où elles excel-

laient. J’ai d’abord fait un CAP à Challes-les-Eaux, puis suis entré à Thonon pour aller jusqu’au BTH.

C’était un vrai dépaysement, avec des trajets en train interminables mais la beauté du Léman à l’arrivée, la vie en internat, les discussions sans fi n, le foyer où le Top 50 résonnait à chaque pause… et les fi lles. M. Marquis disait qu’elles agissaient sur notre motivation au printemps lorsqu’elles sortaient leurs mini-jupes !

Les cours généraux étaient excellents, avec des professeurs toujours présents pour aider, et j’en ai bien profi té puisqu’étant passé directe-ment du niveau de 3e (CAP) à la classe de 1e, j’avais du retard à rattraper !Les TP étaient également passionnants, avec la notion d’entraide en plus, que tout le monde pratiquait et qui soudait les équipes et promos. J’ai de grands souvenirs de Mme Joubert et M. Gardette qui offi ciaient en Réception, et de MM. Barenqui, Casassus, Cassani, Forneris, Hetzel, Masgonty et bien d’autres…

Mais c’est avec MM. Guillemard et Sueur que j’eus ma révélation : je serais pâtissier ! M. Sueur m’a poussé jusqu’à la fi nale Lycée du Championnat de France des Desserts. Et cela a achevé de me convaincre que j’avais trouvé ma voie. Alors après l’obtention de mon BTH je suis retourné à Challes-les-Eaux pour le CAP de pâtissier.

J’ai passé une dizaine d’années dans des pâ-tisseries savoyardes avant de me tourner vers l’enseignement, d’abord privé pour l’associa-tion Belle Étoile à l’Arlequin de Montmélian.Et j’étais en même temps – et depuis 1995 – jury pour les bac pro Cuisine et Pâtisserie.

De fi l en aiguille, après quelques remplace-ments ici et là, j’ai fi ni par passer le concours et suis entré dans l’enseignement public.J’exerce à Bellegarde, heureux d’avoir des jeunes autour de moi et de leur transmettre mon savoir, qui ne serait pas ce qu’il est si je n’avais pas bénéfi cié des innombrables talents de l’École de Thonon.

1985-1987

Mais c’est avec MM. Guillemard et Sueur que j’eus ma

révélation : je serai pâtissier !

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Antoine Berger • 5 ans chef de rang... puis gérant d’un JouéClub

J’étais en 3e quand un garçon m’a parlé de son école hôtelière et je me suis dit : « c’est

ce que je veux faire ! » Surpris car étrangers à ce milieu, mes parents m’ont envoyé faire la plonge dans un restau du coin. Comme je n’ai pas rechigné, ils ont enquêté et inscrit à Thonon, pour sa réputation.

Je n’avais pas d’ambition hormis que l’hôtellerie n’était pas touchée par le chômage et permettait de voyager. Sinon je me sentais plutôt fait pour la salle et non la cuisine.

La 1e année fut diffi cile à cause des brimades des anciens : on m’appelait « la forte tête » et j’ai subi un premier trimestre de folie furieuse. En même temps, les 3e année nous ont beaucoup protégés quand ils ont fait leur grève : ils nous mettaient au fond du préau pour qu’on ne soit pas les premiers punis. On a quand même tous été renvoyés et l’affaire fi t grand bruit jusque dans les médias nationaux.Sinon l’ambiance était excellente, solidaire entre tous, surtout les 1e et 2e années, et au sein de l’internat où nous organisions quelques nuits de fête assez mémorables !

Je donne un quitus total sur la qualité des profs pour une raison particulière : il y en a une qui dénotait dans le paysage, n’avait ni attention ni tolérance, n’acceptait aucune excuse et se fi chait qu’on soit en rade. Je ne dirai pas de nom mais serais étonné qu’elle soit restée longtemps car elle ne collait pas à l’image de Thonon !À part des profs il y avait de grandes fi gures, telles M. Boisier, le surveillant général, plutôt terrorisant en 1ère année, pour ensuite se montrer sympathique et attentif à chacun.

Je retiens de l’école d’avoir été opé-rationnel tout de suite, grâce à un stage qui m’avait beaucoup appris, et à notre prof d’anglais qui a placé plusieurs élèves dans des établisse-ments de très haut rang en Grande-Bretagne.Je n’ai fait que 5 ans d’hôtellerie avant de reprendre la boutique JouéClub de mes parents, mais même dans ce cadre j’ai utilisé ce que j’avais appris à Thonon : la rigueur, la tenue, le comportement, la discipline et la gestion.

1970-1973

À part des profs il y avait de grandes figures, telles M. Boisier,

le surveillant général, plutôt terrorisant en 1 ère année, pour ensuite se montrer

sympathique et attentif à chacun.

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Alexandre Blanc • Chef, Patron du restaurant L’Arbre Blanc à Chevagny-les-Chevrières

Très jeune, j’étais conditionné pour être dans la restauration : mon père, son

maître d’hôtel, avaient fait l’École, une des plus réputées de France : j’ai toujours voulu y aller, et j’ai eu la chance d’être accepté…En sortant de l’enseignement général, ça fait quelque chose : plus d’heures de travail, le port de la cravate imposé… Au début c’est un peu dur ! Mais rétrospectivement on se rend compte de tout ce que ça a apporté.

Je suis arrivé en 2de, en béquilles à cause d’un accident de ski ! Les premiers travaux pratiques, en béquilles, c’était pas évident… Je n’étais pas un élève très studieux au collège, mais à Thonon je me suis révélé !

Après mon BEP de cuisine, je voulais laisser tomber les études et continuer sur le tas. Et puis, pendant l’été, le boulot dans un restaurant m’a montré que ce n’était pas si évident que ça… Du coup je suis retourné vers l’École qui m’a réintégré dans le BEP restaurant, avant de repartir vers une 1e d’adaptation et le bac… Finalement ça m’a permis de toucher à tout.L’ambiance était super. On était insouciants ; pour la plupart d’entre nous c’était le début de la liberté. On se retrouvait après les cours, les week-ends, on faisait des repas chez les uns les autres, on allait réviser au bord du lac… C’était un cadre magnifi que !

Dans l’équipe d’été de l’École hôtelière, je me suis retrouvé pendant un mois valet de chambre ! C’était dur, ça tournait beaucoup, fallait pas traîner. Un des moments les plus durs de ma carrière, tout le monde fuyait ce boulot assez physique !On passait à tous les services, à la plonge, etc., c’était très formateur. Tous les week-ends une classe était bloquée pour faire tourner le restaurant de l’hôtel : c’est là qu’on apprenait le plus, on se rendait vraiment compte de ce qu’était la restauration.

La rigueur, l’intégrité de certains profs continuent de m’inspirer. Pour moi, un chef, c’est ça. L’École m’a transmis la passion pour le métier et la diversité de ses aspects. Je suis nostalgique de cette époque, les plus belles années de ma vie.

1992-1997

En sortant de l’enseignement général,

ça fait quelque chose : plus d’heures de travail, le port de

la cravate imposé... Au début c’est un peu dur !

Mais rétrospectivement on se rend compte de tout ce que

ça a apporté.

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Georges Blanc • Restaurateur

Ce centenaire revêt pour moi un intérêt tout particulier… car c’est aussi mon

cinquantenaire ! C’est en effet en 1962 que je suis sorti de l’École (Major de Promotion, ndlr).

À l’époque il y avait 6 ou 7 écoles mais choisir Thonon était évident. D’abord pour sa réputation, et la proximité avec l’établissement familial lancé à Vonnas par ma grand-mère.M’envoyer dans une école semblait saugrenu à beaucoup de restaurateurs. Pour eux, la cuisine s’apprenait sur le tas : en cuisine et nulle part ailleurs ! Et ils raillaient mes parents de cet argent pour eux « jeté par les fenêtres ».

Mais c’est faux, je peux assurer que j’ai appris énormément de choses, avec des professeurs passionnés et de qualité, même l’anglais grâce à l’excellent M. Ravinet. Mes stages (notamment à La Réserve à Beaulieu-sur-Mer, et à Divonne) furent aussi très enrichissants.Et je garde un souvenir très particulier des Accords d’Évian, que nous avons suivis de très près avec les ballets d’hélicoptères, les limousines et les centaines de CRS et motards.

Je rêvais d’aventure et de voyages, et en sortant j’ai donc tout fait pour être steward, mais les dépaysements furent plutôt décevants car la préoccupation majeure était de rapatrier les Français d’Algérie, donc je ne faisais quasiment que des « navettes »… mais en Caravelle, tout de même ! J’espérais obtenir une base aérienne pour mon service militaire et cela ne se fi t pas… mais beau lot de consolation : je fus affecté à la cuisine du porte-avions Clémenceau. J’ai d’ailleurs gardé des attaches privilégiées avec son amiral jusqu’à son décès.

Nous sommes une vingtaine de la promo 62 à être restés en contact, et nous réunissons tous les ans en décembre dans mon restaurant.

Après mon service, je suis revenu très vite dans la maison familiale : mes parents étaient âgés et mon père très occupé comme maire. J’ai repris l’affaire en 1968, à seulement 25 ans. Il y avait alors 7 employés… aujourd’hui plus de 250 ! Ma grand-mère avait acquis ses deux étoiles en 1929 et 1931, j’ai obtenu la troisième en 1981.

1959-1962

J’espérais obtenir une base aérienne pour mon service militaire et

cela ne se fit pas... mais beau lot de consolation :

je fus affecté à la cuisine du porte-avions

Clémenceau.

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Jean Blanc • Concessionnaire automobile

Nous habitions St-Claude dans le Jura et Thonon était l’évidence lorsque ma

mère m’orienta vers l’hôtellerie. Cette idée lui venait du fait que j’aidais assez souvent et avec grand plaisir mes tantes qui tenaient des cafés et restaurants. Et quand je suis venu en visite avec elle à Thonon et que j’ai vu le magnifi que bâtiment (il ne datait que de 10 ans auparavant) et le lac en contrebas, j’ai été totalement séduit.

Passer à l’internat ne m’a pas posé de diffi cultés, nous nous sommes vite liés selon les régions ou autres critères et l’intégration s’est bien passée.

Je préférais la réception et la salle à la cuisine, mais de tous les profs je ne me souviens d’aucun nom, à part Antonietti bien sûr. Je passais tous mes week-ends et vacances à faire des extras et des stages chez lui, ou au Casino d’Évian.En revanche tous appliquaient une discipline infaillible et étaient d’une grande disponibilité. Je ne mesurais pas leurs compétences, mais nul doute que leur enseignement était reconnu car lorsque l’on sortait de Thonon, on était pris quasiment n’importe où.Ensemble 24h/24 à cause de l’internat, nous constituions une grande famille où régnait une autorité parfaitement acceptée par les élèves. Car en même temps les profs nous témoignaient beaucoup de respect ; et nous qui étions pour la grande majorité issus de familles d’hôteliers, nous étions totalement à l’écoute et avides d’apprendre le métier de nos parents.

En sortant j’ai obtenu non sans mal un poste de chef de salle au Trocadero à Londres ; puis avec mon ami Perotton nous sommes allés à Fez, où nous nous occupions quasiment de tout dans les palaces Palais Jamaï et La Mamounia.

La formation de l’École était vraiment très complète, bien au-delà des métiers de la restauration. Et comme j’en ai fait très peu de temps pour m’orienter sur les concessions et stations-services, je peux témoigner que les cours de gestion, comptabilité et autres m’ont été bien utiles… et même dans mes fonctions de maire, pendant 24 ans.

1947-1950

Et quand je suis venu en visite avec elle à Thonon et que j’ai vu

le magnifique bâtiment (il ne datait que de 10 ans aupa-

ravant) et le lac en contrebas, j’ai été totalement séduit.

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Gilles Blandin • Professeur de cuisine à Thonon.MOF 2000. Savoyard.

Motivé par la cuisine et la pâtisserie depuis mon adolescence et grâce aux

efforts de mes parents issus d’un milieu mo-deste je rentre au LTH et obtient un Brevet de Technicien Hôtelier.Le LTH c’était un enseignement très diversifi é, exigeant qui m’a donné une vision globale de l’hôtellerie. Je me souviens de tout le monde, des proviseurs M. Bernard (1980 1981 ), Mme Grangé (1981-1983) ; du Chef des travaux, M. Lacroix ; des CPE M. Gaillard et M. Le Dilasser . Et biensûr de mes princi-paux professeurs : M. Robert, M. Chappuis, M. Saunier, Mme Joubert, M. Forneris, M. Lequeux, M. Marquis, M. Haas, M. Lau-gier, M. Guillemard, M. Sueur, M. Cassani, M. Furlan, M. Giusti, M. Gras, M. Garnier, Mme Bokhami, M. Perrot, M. Carrano , M. Prim, Mme Richard, Mme Colle…

Dans notre classe il y avait des élèves de toute la France, des Internationaux, peu de fi lles.M. Robert le prof de sport savait extirper de l’être humain le meilleur : le respect, l’esprit d’équipe, la motivation, le dépassement de soi…Les casse-croûtes à l’internat avec la chambrée (mon numéro d’interne était le 290). Chacun apportait des produits artisanaux que nous dégustions après le service du soir.Dans cette ambiance rude il y avait une grosse solidarité avec les copains. Mon ami Pascal Brunelli un des rares à vouloir œuvrer en binôme avec moi en TP, j’étais déjà un peu perfectionniste !La seule sortie du LTH : les hospices de Beaune. Mémorable !En TP cuisine je brulais souvent les roux, je les oubliais dans le four !Les cours de pâtisserie, nous essayions de dé-toquer le chef avec la grande pelle à four, sans succès !L’épreuve du second tour et le découpage du canard passé pour rien car j’avais déjà obtenu le nombre de points nécessaire à l’obtention du BTH mais la mauvaise case avait été entou-rée !

C’est le début de mon expérience profession-nelle de 20 ans en gastronomie auprès de Mr Billoux, Mr Lacombe, Mr Cressac, Mr Henri-Roux, Mr Pérardel, Mr Alain Du-casse.L’art culinaire avec sa part de créativité est ma grande passion.Sur les conseils de Mr C. Malhomme MOF ébéniste et MOF menuisier je m’inscris au concours du Meilleur Ouvrier de France cui-sine, je suis lauréat à la Sorbonne en 2000.En 2002, après l’obtention du CAPET, je reviens à Thonon avec beaucoup d’émotion pour ma deuxième passion la formation. Maintenant j’ai grand plaisir à enseigner et surtout poursuivre la transmission du savoir aux jeunes générations qui sont très réceptives aux conseils. Humainement ils m’apportent beaucoup.La qualité de l’enseignement d’un lycée se per-çoit aussi dans le devenir de ses étudiants. J’espère leur transmettre le meilleur, surtout la motivation, la passion et en voir revenir nous saluer avec le sacre.Dans ce monde de l’hôtellerie restauration en pleine évolution et mondialisation, je souhaite que notre école la plus ancienne de France trouve toujours les ressources matérielles et humaines pour poursuivre la qualité de sa formation auprès de nos jeunes encore de nombreuses années.

1980-1983

En 1982 M. Guy Lacroix chef des

travaux m’envoie en stage après de minutieuses recommandations dans le restaurant gastronomique où il a per-sonnellement fait son apprentissage.

E

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Thierry Boéro • Directeur & Propriétaire,Upstairs/Downstairs, North Yorkshire

Mon père possédait un bar-restaurant à Tarascon, et je lui donnais un coup

de main… Alors ça m’a pris, et j’aime toujours ce travail !Thonon, c’était surprenant, en venant d’une école standard ! Mais on s’y prend vite ; on se fait des camarades, et surtout on bossait !

Ainsi au resto d’application, on passait dans tous les départements : en 2de, comme com-mis ; ensuite en 1e on était chef de rang, en charge des 2des… Et en Tle on passait maître d’hôtel, directeur de la restauration ! On avait en charge la salle (bien sûr sous l’œil du prof), l’accueil, le service — on était notés là-dessus…

Pareil en cuisine : on était un jour chef de cuisine, un autre jour aboyeur ; à la réception, on était d’abord commis, puis chef de réception et alors, à nous de prendre en charge les plus jeunes. Ça forge des relations, ça établissait des liens entre les promos, des amitiés que j’ai toujours !

On apprenait tout là, même la découpe du jambon, du canard, etc. On apprenait les pro-cédures, et ça nous faisait 3 ans d’expérience très proche de la réalité. C’était des outils for-midables : en Angleterre où je vis, ils n’ont rien de tout ça. Et on voit tout de suite les jeunes d’une école d’application et les autres.Je n’étais pas l’élève modèle, ça non, mais en-suite on voit ce que ça a apporté. Ça m’a aidé plus tard en restaurant puis en hôtellerie de luxe, parce qu’on retrouve des situations qu’on a déjà vécues avec les profs.

Tous les profs étaient pour nous un exemple. On apprenait le respect et la discipline : si on arrivait en cours un peu négligé, ça ne se passait pas bien, il fallait être nickel.Ce que j’ai appris, c’est l’importance de la pré-sentation et de l’accueil. Quand les gens ont le choix entre plusieurs établissements de même standing, ils iront là où ils sont bien accueillis.

C’était une expérience exceptionnelle. Si je pouvais le refaire aujourd’hui, je le referais… Je serais juste un peu plus sérieux !

Les profs de pra-tique surtout m’ont marqué. Par

exemple, monsieur Gardette : il était à la réception et, quand on laissait notre

caisse ouverte, il "volait" l’argent ! Je peux vous dire que c’est formateur ...

et je le fais encore aujourd’hui avec mes employés !

1987-1992

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Bernard Brack • Manager de grands établissements

Rien ne me prédisposait à l’hôtellerie mis à part le goût des belles choses, des belles

tables… et un test psychologique (en première, j’en avais assez de l’enseignement général) a confi rmé que ce serait une bonne idée.J’ai présenté Paris, Strasbourg et Thonon, réussi les trois et choisi la dernière pour sa réputation. Cette vocation s’est tout de suite confi rmée être la bonne : j’étais ravi de découvrir de nouvelles choses concrètes, des professionnels passionnés ; toutes les matières m’intéressaient et j’avais des bonnes notes.

Même avec les promotions aînées, nous constituions véritablement une deuxième famille, qui se retrouvait en ville à La Pinte et Chez Zinette, deux endroits incontournables. Et il régnait une entente cordiale entre élèves et professeurs. Ils se sentaient investis d’une mission, parlaient de nous entre eux et étaient toujours attentif envers ceux en diffi culté.Les cours étaient sympas aussi, avec les profs qui avaient leurs petites manies, comme ce chef cuisinier qui craignait qu’on lui chaparde des pistaches quand on allait dans la chambre froide. Alors quand on y entrait, on devait siffl er quelque chose sans s’arrêter ; ainsi il était sûr que nous n’étions pas en train de manger quelque chose…

J’ai fait beaucoup d’extras, y compris les très longs week-ends puisque mes parents étant au Cameroun, je ne rentrais pas du tout chez moi. Je suis notamment allé aux Carroz d’Arraches chez Hubert Dabère (promo 49), et puis en stage au bord du lac d’Annecy. Là, j’étais censé être en cuisine mais la patronne m’appelait plusieurs fois par jour chaque fois qu’un client anglais ou américain lui demandait quelque chose car elle n’y comprenait rien. À la fi n du stage, elle me suggéra même de stopper mes études pour m’embaucher !

Et après l’école je suis effectivement devenu réceptionniste, dans des hôtels de plus en plus grands et réputés. J’ai gravi les échelons jusqu’à la direction générale de plusieurs Hilton à travers le monde, pour conclure au Royal Plaza à Montreux.

1958-1961

Les cours étaient sympas aussi, avec

les profs qui avaient leurs petites manies, comme ce chef cuisinier qui craignait qu’on lui chaparde des pistaches

quand on allait dans la chambre froide.

j

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Michel Brelière • Cuisinier dans le monde entier

J’étais Mâconnais et j’étais fasciné par des anciennes pâtissières qui n’avaient plus

de magasin mais conservaient leur atelier où elles fabriquaient des merveilles qui me réjouissaient.C’est cela qui ma donné le goût, il n’y a aucun doute. Car en fi n de troisième j’étais très bon élève et pouvais sans souci poursuivre en classe générale. Mais au conseil d’orientation j’ai dit que je voulais faire hôtellerie, et même si mes profs et mes parents étaient aussi abasourdis, ils m’ont écoutés et j’ai présenté les concours.Reçu à Thonon, j’ai pris pour la proximité mais surtout pour la notoriété.C’était quand même un truc de fou : j’avais 14ans ½, je n’avais jamais quitté les jupes de ma mère, et je fi lais pour trois mois sans vacances…

En plus il y a eu le bizutage… où j’ai été assez épargné parce que j’étais maigre et petit, alors on ne m’en rajoutait pas trop…Mais il y avait surtout un truc qui était mauvais signe : si un 3e année vous emmenait à La Pinte, c’était soit pour y faire le zèbre, soit pour payer la tournée ! On allait aussi beaucoup à l’Excelsior, un bar à jeu d’échecs : il y avait un damier sur chaque table, le patron était passionné et nous prodiguait ses conseils jusqu’à oublier ses clients au bar !

J’ai le souvenir à la fois mémorable et honteux d’un prof de gestion. Mémorable car c’était un type formidable, honteux car je ne me rappelle pas son nom.Et puis M. Robert et son satané cross du Corzent en plein hiver dans la neige et la gadoue… on vous a dit que certains empruntaient des raccourcis ? ah ben oh ben non… je ne suis pas au courant...

L’essentiel que j’ai retiré de Thonon est que les profs ne venaient pas pour « travailler » mais pour transmettre leur savoir. Il étaient passionnés, et plus encore d’adapter ce savoir à une spécialité, l’hôtellerie.Par la suite je n’ai jamais quitté les fourneaux, de par le monde, de palaces en hôtels moins gourmands. Et j’ai constaté une chose : il y a « un clan » entre les anciens de Thonon. Peu importe qu’on ait été bon où qu’on ait fait quoi que ce soit : on a été à Thonon et ça suffi t.

1976-1979

Et puis M. Robert et son satané cross du Corzent

en plein hiver dans la neige et la gadoue... on vous a dit

que certains empruntaient des raccourcis ? ah ben oh ben non...

je ne suis pas au courant...

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Sébastien Buet • Directeur & Propriétaire,Hôtel des Cygnes, Évian

J’habitais à 100m de l’École, et mes grands-parents étaient dans l’hôtellerie… Je voulais

faire ça depuis tout petit ! Mes parents n’étaient pas chauds, mais ils ont dû céder. Je suis arrivé à l’École très en-thousiaste et je n’ai pas été déçu !

Le message principal que je veux faire passer c’est que j’avais la chance d’avoir une passion et un rêve, et c’est grâce à l’École que j’ai réalisé ça, même sans le sou, grâce au côté technique et débrouillard que j’y ai acquis.Mais c’était une période un peu charnière, le lycée périclitait dans ses vieux locaux. Quand je suis arrivé il était même question de fusion-ner avec Glion… Ç’a été un tollé. Il y avait de gros problèmes de tenue (alcool, drogue)… Mais les nouveaux locaux ont donné un souffl e nouveau ; le conseil d’administration a pris des mesures drastiques, hésitant à adop-ter carrément l’uniforme, avant de se décider pour le costume. Je garde de bons souvenirs des manifestations extérieures ; de ma saison d’été au Savoie-Léman ; de la soirée et du voyage de promo.Une année, on avait présenté au théâtre une série d’imitations de nos profs sur le modèle des Exercices de style de Queneau. Mais on était en BTS1 et, comme j’étais un des prin-cipaux imitateurs, j’ai subi des représailles de certains profs durant toute l’année suivante !En réaction contre l’obligation de porter un costume, on avait fait un journal, L’Écho des Costards, vite censuré par le proviseur !

On était aussi à la charnière d’une ancienne génération de professeurs en fi n de carrière, aux méthodes un peu désuètes y compris en terme de discipline (les coups de pied au cul) !

Lors de l’inauguration du CERN, on servait le banquet des chefs d’État, nous en avions chacun deux : pour moi, le président Fran-çois Mitterrand, très malade déjà, et la reine d’Angleterre ! À la fi n du banquet, le pré-sident nous avait salués un par un, tous en rang d’oignons. J’étais le dernier du rang, juste avant Georges Blanc qui était chef… On avait à peu près cinquante-cinq heures de cours par semaine, auxquels s’ajoutaient les extras, les sorties, les DM ! Mes parents étaient épouvantés : on sortait tous les soirs de la semaine, puisque chacun rentrait chez soi le week-end…Je ne suis pas nostalgique parce que je suis très heureux aujourd’hui. Et je garde des liens assez étroits et des contacts fréquents avec l’École ! Et j’observe avec plaisir son dévelop-pement actuel. Elle a une bonne tournure.Cette École nous permet de faire ce qu’on a envie de faire. D’aller au bout de nos envies, de réaliser nos rêves.

1987-1992

Lors du banquet des Hospices de Beaune, on me mettait toujours au service de la table d’honneur, je me souviens de Jean-Claude Brialy, extrêmement sympa... Et de Carole Bouquet, parce qu’un jéroboam de champagne m’avait échappé, et je lui avais crêpi le dos ! Mais, très grande dame, elle n’avait même pas bronché, ne m’avait adressé aucun reproche, alors que sa robe était trempée...

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Yann Caillère • Cuisine puis management et direction

Nous habitions Agadir et j’étais en pension à Marrakech. Le goût de la cuisine

m’est venu par ma mère qui avait des doigts de fée ! Et puis j’ai vu Agadir détruit, et se reconstruire notamment via l’hôtellerie.Thonon fut un choix familial parce que ma mère avait des amis dans cette ville. J’ai passé les tests à Casablanca, fait un stage à La Baule et été pris.

J’avais déjà mon bac donc quand je suis arrivé. J’étais assez âgé (19 ans) pour loger en ville, à la MJC, et l’intégration s’est faite sans souci.

Le souvenir qui me fait encore rire est celui de M. Romanet, en cuisine, qui nous regardait éplucher des pommes de terre et nous demandait : « votre père est ministre » ? » parce que bien sûr nous pelions trop épais. Romanet avait toujours des petites phrases bien à lui, un grand humour pour un grand colosse, que nous respections et admirions.

M. Robert m’avait intégré dans son équipe de hand alors j’étais un peu privilégié ; et M. Plays, le prof d’anglais, nous a tous beaucoup marqués parce que parmi les élèves… il y avait sa fi lle ! Dans le même genre et juste après lui, j’ai eu Mme Rebet dont le profi l nous captivait plus que ses cours, même s’ils étaient excellents…

Et puis il y eut l’épisode du premier four à micro-ondes installé en 1974. M. Lacroix était à la fois impressionné et sidéré par le saut technologique, et effrayé par le côté dénaturant. Finalement il a été conquis.

Les week-ends je ne faisais pas trop d’extras, à part une semaine au Corbier dont je garde un bon souvenir ; c’est ensuite que j’ai vraiment fait mes classes pour de bon, dans des hôtels à Tanger et Agadir.

Quand je suis passé à Disneyland Paris, j’étais à la méthode américaine bien que je sois directeur général délégué ! : c’était comme ça, il fallait passer par tous les services ! Donc je me suis retrouvé quelque temps derrière les fourneaux, et c’est vrai que pour manager ensuite, c’est une bonne chose.

En qualité d’employeur, j’ai beaucoup recruté, et je dois dire que deux écoles sortaient toujours du lot : Thonon et Strasbourg.

1972-1974

Le souvenir qui me fait encore rire est celui de M.

Romanet, en cuisine, qui nous regardait éplucher des pommes

de terre et nous demandait : "votre père est ministre ? "

parce que bien sûr nous pelions trop épais.

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Pierre Caron • Cuisinier

En Secondaire, mes parents m’ont fait passer des tests qui me menaient vers l’horlogerie,

la bijouterie… Ce fut donc une surprise quand je dis que je voulais être cuisinier, d’autant que rien dans mon entourage ne m’avait infl uencé.

J’ai raté Thonon en 1959 et réussi l’année suivante. C’était le départ d’une nouvelle vie, diffi cile à cause de l’internat par trimestres : on ne rentrait qu’à Noël et Pâques !Nous avions un uniforme imposé, tant en cours que lors de nos sorties en ville. Sorties limitées aux jeudi et dimanche après-midi, et le dimanche sous condition de ne pas avoir eu une seule note en-dessous de 5 sur 20 durant la semaine. Et bien sûr notre tenue était vérifi ée au pli près avant que l’on sorte.Je me souviens du bizutage mais il ne m’a pas traumatisé ; c’était juste un peu pénible, surtout le racket de cigarettes. Mais il y a aussi eu des trucs drôles; comme le jour où les 3e année nous ont fait frotter les carreaux du restaurant avec nos brosses à dents.Et puis cette même année 1960 il y eût une grève de la faim car la nourriture était vraiment infecte (le comble pour un lycée hôtelier !).

Les 3e année avaient lancé le truc, et comme on suivait leur action, ils nous avaient à la bonne.

Les deux années suivantes, l’ambiance était bien meilleure, quand même ; avec beaucoup plus d’entraide et de solidarité entre les élèves. On se regroupait pour des TP… et on rigolait bien. Je me souviens de la nuit où M. Hautefeuille m’a descendu du dortoir par la peau du cou parce que je faisais du chahut, et j’en ai pris pour mon grade. Mais il avait raison : d’ailleurs les profs et cadres de l’École ne punissaient jamais pour rien.

Ma carrière s’est spécialisée dans la rôtisserie et les sauces, puis ce qu’on appelle « le garde-manger » (réceptionner et trier les produits, et les distribuer à chaque cuisinier selon sa tâche).

Cette école nous a appris la vie et surtout la réalité de l’hôtellerie. Les professeurs ne nous ont jamais laissé croire que c’était un métier facile, et leur exigence de rigueur était maximale.

1960-1963

Je me souviens de la nuit où M. Hautefeuille

m’a descendu du dortoir par la peau du cou parce que

je faisais du chahut,

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Daniel Carroué • Hôtelier - Restaurateur

Après 4 concours réussis pour intégrer une école de commerce ou une école

hôtelière à Paris et Thonon, j’ai choisi l’école qui jouissait de la plus grande notoriété : Thonon. Ce choix impliquait d’être en pension, ce qui répondait à un besoin mais je le redoutais malgré tout.Après un pré-stage à l’Hôtel du Midi à Annemasse où l’on m’a donné vraiment envie d’apprendre ce métier, malgré 14 heures de travail quotidien 6 jours sur 7 (par la suite cet établissement est devenu le siège de la CGT locale !), la rentrée fut particulièrement diffi cile. Dès le 3ème jour pour une broutille, j’étais sévèrement corrigé par Monsieur Hautefeuille, surveillant général. Profondément marqués par la forme violente que pouvait prendre son autorité, en 1968 nous sommes allés avec Yves Jeannot nous en expliquer et faire la paix avec lui alors qu’il terminait sa carrière à Ville d’Avray.

La blouse grise obligatoire n’était pas de nature non plus à égayer mes premiers jours de pensionnat ; aussi malgré des regards réprobateurs nous pratiquions joyeusement «la customisation». Rapidement une bonne ambiance de camaraderie s’est installée, les surnoms fl eurissaient au gré des qualités et défauts de chacun. Ainsi certains m’appellent encore Max aujourd’hui, surnom hérité des «Bien jeté, Max !» adressé à Max Meynier animateur d’une émission de radio pour ses répliques ironiques bien senties. Je confesse avoir effectivement contribué à une certaine bonne humeur, comme aux manifestations nocturnes de rigueur dans l’internat !

Rares sont les professeurs qui ne m’ont pas marqués et aujourd’hui encore je sais mettre un nom et des souvenirs sur 21 visages. En admiration devant les délicates roses façonnées sous les gros pouces de M. Romanet, fi er des blanquettes réussies

sous la pédagogie de M. Dargaignon, tout comme de mon cahier de crus des vins tenu avec autant de sérieux que M. Triolet en exigeait, attentif au pragmatisme de Mme Barthas pour nous enseigner une comptabilité rébarbative, je regrette de ne pas avoir été meilleur élève ! Et que dire de M. Robert qui nous a ouvert à presque tous les sports dans le respect d’une technique parfaite et d’une discipline assumée et surtout motivé pour que chacun conquière son propre Everest.

Si je devais dégager les temps forts de ces 3 années, je choisirais la fraternité qui rassemble encore 32 camarades le 27/09/2012 à Thonon ; le banquet de la vente des vins à Beaune ; l’émotion incommensurable ressentie dans le triste préau à l’annonce de l’assassinat de Kennedy le samedi 23 novembre 1963 ; nos premiers baisers ; la Bise qui alimentait nos bourdons l’hiver venu ; mais aussi les nuits où nous refaisions le monde…

En retraite je nourris plusieurs passions au gré de mes inspirations mais il n’y en a qu’une à laquelle je m’adonne 2 fois par jour : la cuisine. Elle a guidé mes pas une bonne partie de ma vie et si elle vagabonde un peu dans les idées d’aujourd’hui, je continue à faire mon fond de veau comme nos chefs me l’ont appris.

Merci !

1962-1965

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Michel Charpentier • Hôtelier et cuisinier

En fi n de 3e, j’ai passé trois concours très différents : Technique, Chimie et Hôtellerie.

J’ai réussi les trois, et choisi Thonon parce que j’y avais un ami, André Mazin, entré en 1966, qui m’en avait parlé. Cela avait été une révélation.

On a eu droit aux brimades mais nous étions 11 savoyards costauds, et cette coalition de poids a calmé un peu les ardeurs de nos « bourreaux »…Je me souviens de mai 68 car une délégation de 3e année est allée à Paris, mais surtout à cause d’une explosion de gaz qui a failli faire un mort à l’école. On n’a jamais su si c’était criminel ou accidentel mais il y avait un doute à cause des événements, et le proviseur a décidé de fermer l’école quelques jours.

Ceci et beaucoup d’autres choses nous ont tous beaucoup soudés et nous le sommes restés : en 2010, nous étions tout de même 19 réunis à Beaune pour fêter nos 40 ans !Et puis il y a le souvenir des profs, tous très compétents car dotés de bonnes expériences. Le plus étonnant était M. Sueur, pâtissier qui n’avait qu’une seule main, l’autre étant atrophiée ; et aussi M. Sylvestre, chef de cuisine que je n’ai eu qu’un an mais cela a suffi t pour m’enseigner l’exigence et la perfection.

En fait, l’école était une véritable famille au sein de laquelle tout le monde travaillait en

bonne intelligence, sans jamais chercher à écraser qui que ce soit. Personne n’était laissé en rade, que ce soit par les enseignants ou les camarades.Le fait d’être 24h sur 24, en internat des trimestres entiers, joua bien sûr beaucoup sur cet « esprit de famille », mais pas seulement. Il y avait un état d’esprit très spécial, j’en suis convaincu.

D’ailleurs par la suite, en tant qu’employeur pendant 40 ans dans mon propre hôtel à La Féclaz, j’ai eu des élèves d’autres écoles. Et je ne leur ai jamais trouvé cet esprit, ni le même degré de motivation que celui qu’on nous avait inculqué, et qu’on ressent toujours chez les élèves de Thonon.C’est à Thonon que j’ai toujours versé ma taxe d’apprentissage, et je suis fi er de voir qu’elle continue d’être employée à bon escient.

1960-1963

En fait, l’école était une véritable famille au sein de

laquelle tout le monde travaillait en bonne intelligence, sans jamais

chercher à écraser qui que ce soit...

"Un esprit de famille ", mais pas seulement. Il y avait un état d’esprit très spécial,

j’en suis convaincu.

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Bruno Chartron • Restaurateur

Ma grand-tante et ma tante avaient une pension de famille et à les voir faire

j’ai immédiatement voulu être cuisinier, mais pas forcément dans le but de reprendre cette affaire.

Je n’ai présenté que Thonon et n’ai pas été dérouté par l’internat car je connaissais déjà, sauf par le fait qu’on rentrait moins souvent chez soi. Mais c’est aussi grâce à ces week-ends sur place que l’on faisait des extras et l’on gagnait de l’argent de poche dont on profi tait bien. Sauf bien sûr le week-end mensuel d’astreinte à l’hôtel-restaurant de l’école, qui faisait partie de notre enseignement pratique et concret.

La première année avait son côté pénible des brimades récurrentes. Ce n’était que rarement méchant ou humiliant, mais à la longue, ça devenait lourd… Cela n’a pas empêché – voire peut-être favorisé – une bonne camaraderie entre nous, qui a soudé la promo. Dans les dortoirs par exemple, on en a fait de belles : bien sûr on se virait les uns les autres, et parfois même on virait le surveillant ! Mais le plus beau et le plus drôle était lorsqu’on s’organisait des fondues savoyardes, et on laissait le caquelon sale pendant des jours dans un placard, cela devenait vite insupportable.

Le sport nous a beaucoup soudés, lui aussi, grâce à M. Robert qui était à la fois sévère mais juste, à la fois passionné par quelques disciplines et ouvert à tout. D’autres m’ont marqué, bien sûr, et quelques cadres tels que le proviseur M. Sénéchal et le surveillant général Le Dilasser.

En fait je n’ai jamais terminé ma dernière année car j’accumulais tellement de mauvaises notes que j’en ai eu marre et j’ai démissionné. J’ai aussitôt fait une saison à Vars chez un ancien, Rostalan (décédé dans une avalanche), puis juste après avoir intégré l’armée j’ai eu un très grave accident de la route qui m’a valu tellement de complications que j’ai passé quatre ans dans les hôpitaux militaires !

En sortant, j’ai racheté un fonds de commerce : l’établissement que ma grand-tante et ma tante avaient entre temps vendu. Je poursuis donc fi nalement leur histoire !

1975-1979

Mais le plus beau et le plus drôle était

lorsqu’on s’organisait des fondues savoyardes,

et on laissait le caquelon sale pendant des jours dans un placard, cela devenait vite

insupportable.

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René Cherbouquet • Restaurateur

J’ai toujours voulu être cuisinier et m’étais bien documenté : je savais que Thonon était

la meilleure et n’en ai pas présenté d’autre.

Au début, des clans se sont formés en fonction des régions d’origine et des niveaux d’études ; puis en 2e et 3e années nous étions plus réunis, plus proches.Près de 60 ans plus tard, je me souviens encore de la très belle Mme Rebet, qui m’a donné les seules heures de colle dont j’ai écopé en 3 ans ! C’était une excellente prof mais j’avais du mal à suivre et c’est d’ailleurs cette matière qui m’a fait rater le CAP de garçon de salle, malgré des cours particuliers.Bon, de toutes façons j’étais plus intéressé par la cuisine, un endroit indissociable dans ma mémoire de notre fameux « Mimile » Romanet, si grande gueule et en même temps si attentionné.J’ai aussi connu M. Saunier mais pas comme prof : comme chef de cuisine à Évian où il m’avait pris en stage. Un autre grand monsieur…

L’esprit d’école est resté, on le sent chez chaque ancien, et l’esprit de camaraderie aussi. Tous les deux ans nous nous réunissons, avec nos épouses qui s’entendent à merveille. C’est un vrai bonheur de reparler de Thonon, de nous raconter de vieilles histoires.Ma préférée est celle du jour où, alors que je traversais la salle de restaurant avec une pile

d’assiettes, un camarade en a lancé une sur le dessus. Je l’ai parfaitement rattrapée au vol… mais ça m’a fait lâcher toute la pile !On ne cesse de reparler de M. Quillot qui suivait à la loupe notre travail en salle, et de M. Triollet, surnommé « le Sioux » à cause de son visage buriné et son grand nez, et sa manie de toujours arriver sans qu’on l’attende ni ne l’entende.

À cette époque le proviseur était M. Chapert, très dur, sévère, et le surveillant général était… sa femme. Elle aussi très ferme mais avec moins de poigne et certainement plus de compréhension à l’égard de notre éloignement de nos familles.

J’ai mené ma carrière avec ma femme à travers deux établissements successifs, et jamais je n’ai eu besoin d’en apprendre plus que ce que Thonon m’avait enseigné.

1953-1956

Ma préférée est celle du jour où, alors que

je traversais la salle de restaurant avec une pile d’assiettes,

un camarade en a lancé une sur le dessus. Je l’ai parfaitement

rattrapée au vol... mais ça m’a fait lâcher toute la pile !

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Christophe Chalvidal • Directeur Hôtel Imperator, Nîmes

La vocation m’est venue par hasard : depuis l’âge de 6 ans je voulais être pâtissier !

À la rentrée j’étais heureux et stressé. Mais je rentrais à l’internat, et mes parents étaient plus stressés que moi ! On avait marqué le linge avec mon numéro, le 567 ; récupéré la mallette, les couteaux, les uniformes, les vestes de serveur… C’était loin de chez moi, je partais pour la semaine : j’ai aimé ça.

Il y avait un peu d’oppression de la part des 3e année sur nous, les 1e année : par exemple le premier week-end, je suis allé à la gare avec 5 sacs sur le dos ! L’ambiance dans le train était très intense, toute notre vie était là. Ç’a été fédérateur, comme on le dit au sujet du service militaire : mes camarades de promo sont comme mes « frères d’armes » !J’avais un copain fi ls de charcutier : on apportait des victuailles et on se faisait nos petits casse-croûte en salle d’étude, en jouant aux cartes… On montait au dortoir des fi lles : l’appartement du CPE était situé au bout du dortoir, et plus d’une fois on était planqué sous les lits quand il nous cherchait avec sa lampe de poche !

Finalement, j’ai moins de souvenirs avec les profs. Mais quand même, le premier cours de M. Barrenqui, prof de pratique : en guise de « préliminaire », il nous a fait vider les canards et les poissons, à 7h du matin ! C’était un homme pétri d’humanisme et de gentillesse.La présence du restaurant et de l’hôtel d’application était un véritable privilège.

Aujourd’hui, je donne des cours à Vatel, à Nîmes : il manque ce côté traditionnel, la base du métier. J’ai appris le goût du travail, la rigueur : les fondamentaux du savoir-vivre. L’École a pris le relais de l’éducation parentale, c’est le démarrage de ma vie : avec mon charisme et mon envie de réussir, tout cela a forgé mon tempérament.C’était dur, à tous points de vue ! Nous faisions 14 heures par jour, 6 jours par semaine... Nous vivions à contretemps des copains des autres lycées, etc.

Mais nous avions un fi l conducteur : l’amour du métier. Ç’a été les meilleurs moments de mon adolescence et ça m’a mis le pied à l’étrier dans ma vie professionnelle. Ça m’a fait comprendre que « si je te mène la vie dure, c’est pour ton bien. »

1988-1990

On montait au dortoir des filles :

l’appartement du CPE était situé au bout du dortoir, et plus d’une fois on était planqué sous les lits quand il nous cherchait

avec sa lampe de poche !

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Daniel Coccoli • Steward puis manager chaîne hôtelière

Aimer bien cuisiner est juste un virus familial : mes tantes faisaient sans cesse

de petits plats gourmands et mon père italien n’était pas en reste quand il rentrait, pour ajouter sa petite pincée d’origine. Mais cela en restait là, jusqu’à ce que je sois le premier à me décider à en faire un métier.

Originaire de Lyon, Thonon était le choix logique, la réputation en plus. J’ai tout de même fait un stage à l’hôtel Beau-Site avant d’intégrer l’École, où tout s’est bien passé. Avec mon mètre quatre-vingts, j’échappais aux brimades d’autant que M. Robert m’avait enrôlé dans son équipe de judo. Avec ce physique et cette activité martiale qui en impressionnait plus d’un, j’étais tranquille !

Nous étions une promo très soudée, avec Claude Aubineau qui menait un peu le groupe et en a gardé tous les trésors. C’est d’ailleurs lui qui a lancé l’idée de se retrouver en 1972 ; et depuis c’est même tous les deux ans.J’ai fait la section « steward » qui m’intéressait vraiment. D’autres y étaient plus attirés par l’habitacle d’avion entièrement reconstitué dans la rotonde en haut de l’école et qui était assez fascinant. Mais c’est peut-être parce que le décorum était trop beau que fi nalement la spécialité n’a pas perduré… ?

Nous sortions en ville sans devoir porter une tenue spéciale, juste être corrects. Et on allait draguer les Thononaises Chez Zinette, ouvert de 7h à 23h par une femme extraordinaire ; à La Pinte, avec son sous-sol où on pouvait danser ; ou aux Baladins, un restaurant sur l’esplanade.

Les deux premières années nous n’avions des vacances qu’à la Toussaint, Noël et Pâques, et un week-end d’astreinte chaque mois. Sinon, nous faisions des extras ; moi, j’allais beaucoup à La Zonette, à Chens-sur-Léman, car les clients y donnaient de généreux pourboires.

Et puis j’ai fait mes premiers stages à l’Albert 1er chez M. Antonietti, comme chef de rang. C’était dur, pas super bien logés ni bien payés ! En revanche j’y ai beaucoup appris.

Tout ce que je n’ai appris à l’école, je l’ai appris chez lui.

1958-1962

Et on allait draguer les Thononaises

Chez Zinette, ouvert de 7h à 23h

une femme extraordinaire ; à La Pinte,

avec son sous-sol où on pouvait danser...

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Aude Cochard • En Master 1 à Savignac

C’est sans m’en rendre compte que j’ai appris à aimer la cuisine ! Parce que ma

mère cuisine bien, alors chaque repas est un régal dominical.Cela dit je n’avais pas d’idée préconçue sur la cuisine : l’hôtellerie en général m’intéressait, et la première année j’étais plutôt tentée par la salle. Mais bon, je me donnais un an pour y réfl échir.

La journée d’intégration fut hyper-sympa et cool, rien d’humiliant ou gênant. Et ensuite nous avons connu une excellente année de promo, suivie de deux autres années mythiques.Il se peut que j’ai passé à Thonon les trois meilleures années de ma vie d’étudiante.

Ce qui m’a frappé, surtout, c’est qu’à une époque où on ne cessait de taper sur les profs, les nôtres s’investissaient totalement ! Non seulement très disponibles mais rassurants, parfois maternels.Étant en colocation externe je ne souffrais pas trop du spleen d’être partie de chez papa-maman ; n’empêche que de temps en temps le soutien moral et psychologique d’un prof était bienvenu. C’est simplement humain… mais pas si simplement automatique et je l’ai apprécié de la part de quelques-uns qui ont su m’épauler quand il fallait.

Mes grands souvenirs de l’école, ce sont d’abord MM. Schirman, Coudurier et Haas. De très grands professionnels qui m’ont appris beaucoup, pas forcément plus que leurs homologues mais avec un naturel qui forçait le respect et ne prêtait pas à contestation. Et puis ce formidable stage que nous avons fait en Californie à la Nappa Valley, grâce à M. Ferraud, un autre prof exceptionnel.

J’ai choisi de compléter ma formation à l’école de Savignac et me destine plutôt à la réception qu’à tout ce qui est cuisine et salle. C’est un choix à ambition personnelle et familiale : il est vrai qu’être en cuisine ou en salle au moment de coucher les enfants, ce n’est pas forcément compatible (pas du tout, en fait !). Dans l’hôtellerie c’est toujours tendu mais avec des horaires plus cadrés.

De toutes façons, Thonon m’a préparée aux deux !

2007-2010

Mes grands souvenirs de l’école,

ce sont d’abord MM. Schirman, Coudurier et Haas. De très grands

professionnels qui m’ont appris beaucoup, pas forcément plus que

leurs homologues mais avec un naturel qui forçait le respect

et ne prêtait pas à contestation.

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Damien Combet • Directeur d’hôtels Mercure et Kyriad

Président de la Compagnie hôtelière de Lyon

Je suis venu à Thonon à la suite d’un séjour dans une petite station de ski, à l’âge où

je commençais à m’orienter : on avait discuté avec le propriétaire de l’hôtel, qui avait fait l’École — je ne sais plus son nom, dommage ! — et c’est comme ça qu’on l’a connue…Mes parents, artisans pâtissiers, me poussaient à avoir un métier assez tôt, et je suis entré à l’École à 15 ans pour en sortir à 18.

J’ai plein de souvenirs de potache ! Un jour, à la pâtisserie de l’hôtel Savoie-Léman, après avoir rempli nos attributions, on s’est échappés par la fenêtre… Quand le chef, qui se demandait où on était passés, s’est mis à nous appeler, on s’est fait recevoir d’un bon coup de pied au cul !

À l’internat, les batailles de polochon étaient fréquentes : un jour c’est le CPE, M. Caillat, qui s’est pris l’oreiller sur la tête… Un autre jour on avait retiré tous les boulons du lit d’un camarade assez costaud et, quand il s’est jeté dessus, tout s’est cassé la fi gure !Enfi n bref, on a enchaîné les blagues de potache, c’est bête mais pour moi c’est aussi un marqueur de l’ambiance spéciale qu’il y avait dans cette école-là, par rapport à d’autres où je suis passé…

Dans les événements, on avait fait l’inauguration du CERN à Genève, avec François Mitterrand. On devait faire le cocktail et M. Marquis m’avait retenu pour le service du Président… Mais dans le car qui nous emmenait à Genève, j’ai dû faire une sottise, j’ai oublié laquelle, et j’ai été privé de ce service ! Une belle expérience que j’ai manquée, par ma faute…

Toutes ces blagues c’était une manière de témoigner notre affection, et pour moi cette jovialité c’est lié à notre métier, un métier de service et d’affabilité, au contact des gens…

Les relations avec le corps enseignant étaient des « relations hôtelières », une espèce de complicité hiérarchique, si particulière à ce métier, faite de respect et de convivialité…

Tout ça a créé un lien affectif, presque une relation amoureuse, avec l’École… J’étais rentré sans intention précise mais Thonon a été le révélateur de ma vocation !

1987-1990

Un jour, à la pâtisserie de l’hôtel

Savoie-Léman, après avoir rempli nos attributions,

on s’est échappés par la fenêtre...Quand le chef, qui se demandait

où on était passés, s’est mis à nous appeler, on s’est fait recevoir d’un bon coup de

pied au cul !

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Hubert Dabère • Hôtelier-restaurateur

Quand j’étais en première je voulais faire médecine, mais c’était une charge

fi nancière trop longue et lourde pour ma famille. Un ami m’a parlé de l’École Hôtelière et cela m’a tenté, d’autant qu’habitant Thonon, je pouvais même être externe.

Le bâtiment avait encore quelques séquelles de la guerre et nous avons d’abord du nous contenter de classes équipées sommairement. On devait même aller au collège de fi lles pour quelques cours, notamment de dactylo.Heureusement la cuisine n’avait pas souffert de la guerre et j’y ai passé de bien grands moments avec notre chef M. Desgranges, un aussi grand monsieur que son homologue Antonietti, qui nous dirigeait au restaurant.

L’ambiance générale était très bonne d’autant que nous sortions de la guerre et des privations, alors un rien nous réjouissait et nous faisait plaisir. Les profs avaient leur métier dans la peau et nos relations étaient excellentes sept jours sur sept, et en dehors de l’école que ce soit en ville ou lors de stages et d’extras les week-ends.Nous faisions aussi des échanges avec l’École de Lausanne : à tour de rôle plusieurs fois dans l’année les élèves de l’une ou l’autre prenaient le bateau pour venir découvrir et travailler dans un autre cadre, avec d’autres professeurs.

À la sortie de l’École, les chasseurs de tête étaient là ! Y compris le gouvernement canadien qui nous proposait des contrats de 5 ans. Mais je devais faire mon service militaire, dix-huit mois en Algérie. Après quoi je suis rentré dans le Chablais pour travailler avec M. Antonietti et au Royal d’Évian.

Puis j’ai pris une affaire en gérance aux Carroz d’Arraches. J’étais en cuisine et ma femme en salle, et en 1968 nous avons ouvert l’hôtel L’Arbaron.

De toute ma carrière de patron je n’ai toujours pris que des anciens de Thonon et n’ai jamais eu à m’en plaindre, d’ailleurs certains sont devenus de grandes fi gures.J’ai l’impression que c’est une école qui a su évoluer en gardant son âme, et un esprit de corps que l’on ne trouve pas forcément ailleurs.

1946-1949

J’ai l’impression que c’est une école qui a su évoluer en gardant son âme, et un esprit de

corps que l’on ne trouve pas forcément ailleurs.

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Fernand Deuss Frandi • Propriétaire et chef de cuisine, Restaurant Côté Lac, Thonon.

Dès l’âge de 13 ans, j’ai eu envie de cuisiner. Et à mon premier stage, je suis tombé

amoureux : ce n’est jamais pareil, tous les jours différent, à la fois manuel et mental ! On m’a dirigé sur Thonon : c’était très sélectif, et ce qui a joué en ma faveur, c’est que je parlais déjà couramment cinq langues : l’italien, l’espagnol, l’allemand, l’anglais, le français.

Dans ma génération, il y avait trois écoles, dont Thonon, qui étaient les meilleures. Arriver à Thonon, c’était rentrer dans un autre monde. L’internat, c’était la découverte du vivre avec les autres, une véritable coupure avec le monde de l’adolescence. On sortait du cocon « famille + école » pour entrer directement dans le monde professionnel. Il fallait apprendre à s’appuyer sur ceux avec qui on bosse. J’ai vite pris ma scolarité à Thonon comme partie intégrante du parcours professionnel.Aujourd’hui, entre anciens de Thonon, il y a un rapport spécial, l’impression que c’est « comme autrefois », une sorte d’attachement indélébile.

Le rapport avec les profs était très pro. Je me souviens que pour les stages d’été, alors qu’on voulait tous des palaces, on m’a mis, moi, dans un petit resto sur les hauteurs d’Évian. Au début je n’étais pas content, mais en fait ça m’a permis de toucher à tout ! Ceux qui avaient obtenu leur palace ont répété les mêmes choses pendant tout leur stage… En somme, ceux qui avaient vraiment envie, on les envoyait là où ils pouvaient se frotter à toutes les tâches.Au restaurant d’application, je me souviens d’avoir eu 200 truites à tuer et vider !

Toute la cuisine était organisée comme je l’ai retrouvée ensuite dans le métier ; on travaillait de beaux produits, des produits de luxe. Et c’était une époque spéciale, celle des premières cuissons sous vide, des premières cuissons à basse température : il y avait un beau mariage entre l’ancien et le moderne.

On nous apprenait plusieurs cuisines, par rapport à d’autres écoles où on enseignait « la » vérité — une aberration, en cuisine ! Ça a été des années agréables : elles m’ont donné les bonnes clés. Avec l’expérience du resto d’application, je sais ce qu’endure quelqu’un en salle. C’était très intelligent de nous faire faire les jobs les uns des autres. Nous avons appris à travailler ensemble et ainsi nous avons appris le respect.

Thonon, c’est une école qui donne des bases. Ceux qui sont sortis de cette formation n’ont pas la même rigueur, la même discipline que les autres. J’y ai appris le sérieux, le respect du client, le goût du travail bien fait. M. Lacroix, qui était chef, entrant un jour dans la cuisine, ne l’avait pas trouvée assez propre : il nous a tout fait nettoyer de A à Z !

C’était un cadre qui me correspondait, droit, franc, clair. On apprenait tellement de choses ! J’aimais ça. C’était travailler une passion que j’avais déjà : la cuisine ; c’était de l’or.

Et puis j’ai découvert le vin : je ne connaissais pas du tout, mais ils m’ont ouvert ces portes. J’ai appris à reconnaître un bon vin, à accorder un vin avec un plat : rien de plus précieux !Vers cette époque, Euro Disney allait ouvrir, et ils essayaient de nous recruter. On avait pris un bus pour y aller, 600 élèves d’écoles hôtelières étaient là, à qui on proposait un emploi ! Mais il n’y avait pas d’humain derrière, pas d’âme. D’ailleurs à l’époque, on était tout en bas de l’échelle sociale, pas comme aujourd’hui où on est des stars, grâce à des gens comme Bocuse.

En somme tout ça a été encore plus une révélation sur ma passion et ma motivation. D’ailleurs, aujourd’hui, mon resto est à 100 m de l’École, j’y suis attaché ! C’est une région incroyable et peu exploitée.

Mes souvenirs de l’École, c’est toutes les choses qu’on a su me transmettre. Ils ont fait leur boulot, ils ont fait exactement ce pourquoi ils étaient là. L’École a été pour moi une clé professionnelle.

1989-1991

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Régis Douysset • Propriétaire et chef, des restaurants"L’Escarbille", Meudon (une étoile au Michelin) ; "L’Angélique", Versailles (une étoile au Michelin)

J’ai un bon souvenir de l’entretien. Avec ma mère on avait fait 3 à 4 de route : je savais

depuis l’âge de 10 ans que je voulais devenir cuisinier. Et pourtant, juste avant l’entretien, j’ai eu un gros stress, je ne voulais plus y aller ! Ma mère m’a engueulé, alors j’y suis allé… Et ça a marché !Au début, le costume, la cravate, c’était un choc ! Puis, on était fi ers d’être reconnus dans Thonon. J’avais le sentiment d’avoir passé une étape. Et puis le premier cours de cuisine, on mettait la veste de cuisinier et le tablier… C’était comme avoir atteint un objectif. On a attaqué par le taillage des légumes : et j’ai tout de suite eu l’impression d’avoir appris quelque chose de concret, j’ai eu envie de me précipiter chez moi pour tailler des légumes !C’était ça, le rôle de l’École, enseigner les bases.

Les cours de cuisine, c’était toujours sympa, avec une vraie envie d’apprendre. D’ailleurs j’ai généralement un bon souvenir de l’École hôtelière de Thonon, non seulement pour les copains, mais aussi pour l’apprentissage. Je me souviens de M. Sueur, le professeur de pâtisserie : c’était un prof incroyable, il avait une seule main par suite d’une malformation, mais il accomplissait un boulot incroyable.

Or, on apprenait la connaissance des produits, des découpes ; le management, la gestion des hommes. En T.P. de cuisine, on devait faire une entrée et un plat, chacun le sien : c’était très individuel.

Au resto d’application c’était différent : on était par équipes, 2 à 3 personnes par partie. On formait des brigades d’élèves : «entrée et plat», «dessert», «service», «élèves-clients». On y allait souvent avec ma bande de 4 amis. On ne se sentait pas à la cantine, il y avait une ambiance de famille, des moments de partage.Ce concept-là était très sympa.

1989-1992

Au Savoie-Léman aussi on travaillait en brigades, c’était super. On touchait le fi rmament, c’était presque une vraie cuisine. À l’époque, tout le travail était bien plus physique : on avait des fourneaux sans gaz, au charbon… Nos profs avaient appris et travaillé dans ces conditions, à l’ancienne !

Ce qui était intéressant c’est qu’on pouvait travailler à la fois le restaurant, la cuisine, et l’hébergement. Au restaurant de l’hôtel, on apprenait à gérer la main courante sur un énorme registre, à une petite table dans un coin du resto. C’était assez sympa de faire tous ces petits ateliers. Offi cier : le café, les bouteilles de vin, les bouteilles d’eau… Valet de chambre : faire les lits, les salles de bains… Plein d’activités, de choses différentes, toutes les facettes du métier. On avait tout vu et on savait tout faire. Je voulais toujours être entremétier parce que c’est là où il y avait le plus de boulot ! Ma hantise, c’était qu’il n’y ait pas assez de clients. Même pour la plonge on était accompagné par un pro : on y passait une journée ou une demi-journée. Ce n’était pas passionnant, mais ce n’est pas un mauvais souvenir !J’étais loin de mes parents, je me suis fait de supers amis, et je les ai toujours !

Aujourd’hui, le succès de ma carrière, en tant que propriétaire de deux restaurants étoilés, tout ça remonte à la formation de l’École !

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Laurent Duc • Propriétaire de l’hôtel Ariana, Villeurbanne

Président national de la fédération française de l’hôtellerie au sein de l’UMIH

La cuisine de ma mère et de ma grand-mère m’ont inspiré, dès l’âge de 7 ans,

l’envie d’être un grand cuisinier. Mais j’ai été plus intéressé par la gestion, l’exploitation, le contact avec les clients.

L’École était une Institution, une vieille dame aux grandes qualités. Et c’était aller loin de chez soi, un cadre exceptionnel : en plein centre-ville, la proximité du lac… Le port du costume, l’internat — 66 ados dans la même pièce, c’était délicat !

D’ailleurs la classe était très masculine : 4 fi lles et 28 garçons ! On insistait beaucoup sur le côté très physique du métier ; mais ces 4 fi lles vivaient à l’extérieur, c’était notre bouffée d’oxygène !

Ç’a été la découverte de l’excellence en cuisine, le meilleur du goût. Les brigades d’élèves cuisinant pour les autres élèves nous permettaient de manger « à la cantine » des choses inouïes : une éducation au goût…

Une chose remarquable, c’était l’hôtel-restaurant. Mon associé actuel est encore surnommé « groom » parce qu’il a été le premier à ce poste ! Ça donne une vision transversale du fonctionnement d’un hôtel.

Toute la formation, d’ailleurs, était orientée. Même les matières générales : à un cours de physique, la prof nous détaillait le temps nécessaire pour chauffer 500 litres d’eau en fonction des conditions. Je ne voyais pas du tout l’intérêt… Mais des années plus tard, quand j’ai dû changer l’alimentation de mon hôtel (12 000 litres !), j’ai repris mes anciens cours !

L’association des élèves et une coopérative hôtelière nous ont permis de fi nancer un foyer d’étudiant et le voyage de fi n d’année, en Italie ! On y reversait la rémunération des élèves sur les événements extérieurs, et les bénéfi ces des soirées à thème. C’était de grands événements, avec deux brigades cuisine, deux salles, et plus de deux cents convives !

J’étais et je reste très fi er que l’École soit publique. Ça me paraît très important que l’État soit en prise directe avec ce domaine.

« Vous êtes la base de l’organisation, mais vous êtes l’élite de demain », nous disait-on — et c’était vrai !

1980-1983

L’École était

une Institution,une vieille dame

aux grandes qualités.

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Franck Duclos • Chef et propriétaire de l’ Hôtel Restaurant Le Béfranc, **

Logis de France, à St-Bonnet-le-Château

Fils de pâtissier, la cuisine m’a toujours attiré, et c’est Thonon qui avait la meilleure

renommée.On était par groupes de six dans les dortoirs «cloisonnés» par des rideaux, je me souviens de nos têtes, on était un peu traumatisés ! Mais ça n’a pas duré, on était tous dans le même wagon, on avait tous fait le même choix, et on était avec des gens intéressants, on se comprenait, à la fois pour le boulot et l’amusement ! Les amitiés se sont formées très vite.

Dans mon petit groupe, on se retrouvait beaucoup hors du lycée, au bar, et on a participé à plusieurs concours. On s’est présenté au concours Évian-Badoit par exemple : on avait imaginé un restaurant des quatre saisons, c’était dans l’air du temps, on était même montés en fi nale à Paris, c’était génial ! Première fois que je montais à Paris, on est allé au théâtre, dîner au Procope… Et on a fi ni par être primé au concours, lors d’une grande réception dans un château… Ça reste un grand souvenir de mes années d’école !

Ce qui était remarquable à l’École c’était les grands services sur lesquels on était envoyés : Beaune en particulier, auquel j’ai servi deux fois, et puis le lancement de la Citroën XN, un événement gigantesque qui m’est bien resté en tête pour un détail : on avait servi des pigeons entiers et quand on a débarrassé, comme il fallait ramener douze carcasses en un seul voyage, plus d’une carcasse de pigeon a été ramenée au pied, faute de tenir dans l’assiette !

On était aussi chargés de tout pour la soirée de promo : on avait les locaux à disposition, on choisissait un thème, on élaborait un menu gastronomique, et on faisait le service pour nos invités : les parents et l’équipe enseignante, une centaine de couverts. On formait les parties (j’étais chef de la partie pâtisserie) en cuisine et en salle, tout le monde était concerné. Pour notre thème, le paquebot France, on avait carrément monté une passerelle à l’entrée, pour donner l’impression aux invités qu’ils montaient à bord, et on avait fait une grande pièce en nougatine qui représentait le bateau… Et tout ça devait être fi nancé par la vente des menus : il fallait qu’on rentre dans nos frais et même qu’on enregistre des bénéfi ces pour fi nancer le voyage de promo ! Un exercice

grandeur nature : on gérait une entreprise pendant une semaine, une vraie aventure. Et on pu se payer notre voyage, pour découvrir les caves du bordelais, cinq-six jours très festifs, c’était super.

De façon générale on passait à tous les postes, on faisait des semaines complètes : quand on était au bar, à la réception, à la plonge, etc., on y passait toute la semaine, week-end compris. Ça, c’était formateur, et ça nous apprenait à vivre : la cuisine gastronomique, c’est joli, c’est sympa, mais devoir faire la plonge, les petit-déj, les chambres, la cave, la main courante… C’était une vraie découverte du métier, surtout que l’hôtel était ouvert au public, donc on était dans les conditions réelles. C’était des grosses journées mais ça ne m’a jamais paru extraordinairement dur. Avec ce régime bien sûr certains fi nissaient par laisser tomber, mais du coup avec ceux qui restaient on partageait d’autant plus l’aventure et la conviction. Et on trouvait quand même le temps de regarder Roland-Garros ou d’organiser des tournois de ping-pong ou de foot !

Les profs étaient des personnalités, M. Carano qui était prof d’anglais mais qui avait un accent du Sud assez fort, M. Gardette qui était tout petit et qui se démenait pour occuper de la place… En général d’ailleurs, on était très proches des profs, on discutait avec eux, ce n’était pas seulement des relations profs-élèves.

J’étais entré à l’École avec l’idée de faire de la cuisine et c’est l’École qui m’a apporté tout le reste, la gestion, etc. C’est sans doute grâce à ça que j’ai pu ouvrir mon propre établissement aujourd’hui.

En résumé, c’était inoubliable. Tout ce qu’on a fait, les souvenirs, les copains que je vois toujours (Damien Combet, Romain Blachon, Laurent Durris)… Et on nous inculquait le travail, on nous apprenait que l’hôtellerie-restauration, c’était du boulot.

1987-1990

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Christophe Durdilly • Propriétaire et vigneron, Domaine Croix-Rousse, Puget-Ville

Issu de la région lyonnaise, c’est plutôt dans les gènes d’apprécier les bonnes choses !

Ma famille n’était pas du milieu mais j’étais naturellement attiré par la cuisine… Mes parents m’ont trouvé un stage à l’époque chez Jean Brouilly, à Tarare, une étoile au Michelin… Une telle passion, ça transpire, et j’ai été ému par tout ça. Mes parents ont cherché les meilleures écoles de la région et ça a été Thonon.

Arriver en pension c’était un changement radical : on se retrouvait tous à la gare avant de rentrer ensemble à l’internat… Le restaurant d’application était tout neuf et c’était un outil de travail et d’apprentissage extraordinaire. On savait les grands noms qui étaient issus de l’École, on sentait le poids de la tradition…Entré à l’École pour faire de la cuisine, j’étais plus intéressé par ça que par le restaurant ! Je me rappelle mon premier service, j’étais transi, surtout avec la présence des élèves des promos supérieures, qui ne se privaient pas de nous apprendre le respect… Sans brimades, mais il fallait respecter la hiérarchie des brigades, même entre élèves de l’École. Encore récemment j’ai croisé un de ces élèves plus âgés et à travers les années tout ça m’est revenu en mémoire, bien vivace !

La compétence exceptionnelle et les exigences des enseignants étaient une émulation forte, que ce soit l’expérience et le tutorat de monsieur Marquis ou l’exigence de monsieur Lacroix. Et la charge de travail était énorme, je crois que c’était quarante ou quarante-cinq heures la première année ! Ça aussi ça faisait une différence avec le lycée généraliste… Il fallait suivre, mais ça faisait partie du jeu, de ce qu’on avait choisi.

En même temps le but du jeu de l’École, explicitement, c’était d’ouvrir l’esprit sur l’ensemble des métiers, et d’être plus tard dans le haut du panier : à la tête des équipes, à la tête d’un établissement, etc. Quand on vous met cette perspective devant les yeux à l’adolescence, vous captez tout ce que vous pouvez, et pour ma part ce que j’ai vraiment découvert, c’est l’œnologie. Surtout on commençait ces cours à 17 ans, donc on n’avait pas le droit de boire du vin !… Mais il y a dans le vin tout un côté sensoriel et toute la culture du vin (géographie, ampélographie) qu’on a eu du coup bien le temps d’explorer et d’affi ner…

Pour moi il y a une vraie continuité avec la cuisine : j’applique dans mon chais, sur ce raisin qui pourrait presque être considéré comme un légume, un ingrédient, la même grande cuisine que j’ai apprise : la rigueur, l’hygiène, le goût du travail bien fait… Et quand je rencontre des sommeliers parmi les meilleurs et qu’ils apprécient mon travail, c’est un résultat auquel on ne peut pas arriver sans ce travail-là en amont. Cette rigueur du travail, le fait de ne pas être à quelques minutes près et de bosser cinquante à soixante-dix heures par semaine avec régularité, tout ça c’est l’héritage de mes années à Thonon et des stages que j’ai fait à ce moment-là. Le respect de la marchandise aussi, parce qu’on avait la chance de travailler des produits magnifi ques comme des foie gras, des langoustes, etc., c’était une chance qui ne s’est pas toujours reproduite par la suite dans la carrière professionnelle !La vente des hospices de Beaune reste comme un souvenir marquant — encore les vins ! Un endroit mythique, une atmosphère particulière avec des personnalités à fort potentiel (d’achat, personnel, etc.), et un programme serré et fatiguant mais si exaltant ! Extraordinaire, fastidieux sur le moment mais, fi nalement, grandiose de travailler dans un endroit pareil. Pour nous c’était à la fois très pro, très serré, et puis c’était en même temps des grands moments de déconnade. Ces années intenses ont forgé des amitiés exceptionnelles…

1987-1990

Par exemple, le coup classique en première année: quand notre

cuisine nous envoyait chercher du matériel et qu’on passait devant

les autres cuisines, celles-ci nous demandaient de leur rapporter

au passage l’échelle à monter les blancs, par exemple, ou un autre

objet fantastique... Et nous tout timorés en arrivant à

l’office : " Chef chef, ils ont besoin de la machine à friser le persil ! "

on avait l’air malins...

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Damien Facile • Demi-chef de partie" Les Flocons de sel ", Megève

Je baigne depuis tout petit dans l’ambiance de la cuisine : mes parents, mon oncle…

En troisième, mon stage chez un ami restaurateur m’a conforté. Mais quelles écoles ? Thonon se démarquait par sa réputation. Je n’ai donc postulé que là, et j’ai été admis, à 14 ou 15 ans.Nous avons eu un super accueil. Le proviseur était très présent, tous les matins à la porte du lycée. À l’époque, on trouvait ça pesant, mais par la suite, on s’aperçoit de ce que ça représente.L’internat me faisait peur au début, j’ai d’ailleurs été de la dernière promo dans l’ancien internat. Mais cela nous a appris plein de choses sur nous-mêmes. Ça me rappelle quand j’étais à l’armée, c’était une belle expérience. J’ai rencontré beaucoup de gens, j’avais un groupe de deux ou trois amis. Un ami surtout avec qui j’ai fait trois ans d’internat. Il n’y avait pas de tensions, très peu de bizutage, quelques conneries quand on dormait… En général, on a rencontré plein de gens, même en dehors de l’École, avec qui je suis toujours en contact. Et avec les anciens de Thonon, on se sent en famille, même si on ne s’est jamais rencontré.À l’École, j’ai acquis les bases techniques, professionnelles, personnelles. C’était l’apprentissage du savoir-être et du savoir-vivre propres à l’hôtellerie-restauration. Ça passait par le costume, la façon de parler, la ponctualité… Toutes ces bases me servent encore aujourd’hui avec mes stagiaires. C’est le respect des autres (chefs, clients, employés), répondre « oui chef » — certains élèves issus d’autres lycées ne le font pas. M. Coudurier surtout était très strict là-dessus. Pour mon premier T.P. avec lui, j’avais oublié un ingrédient dans mon sorbet : il m’a donné un coup dans la cheville !L’hôtel d’application était en restructuration Nous avons eu la chance de travailler avec des professeurs Meilleurs Ouvriers de France. C’est une expérience qu’on ne peut pas faire dans tous les lycées ! On peut leur parler de tout, ce sont des encyclopédies humaines… M. Féraud par exemple avait des méthodes de service, non pas à l’ancienne, mais dans une nouveauté permanente. En cuisine aussi, nous avons appris que ce qu’on nous apprend peut être modifi é. On faisait des expériences

de cuisine moléculaire en cours de physique !D’ailleurs en 2007, nous avons vécu la fi nale du concours des meilleurs ouvriers de France : c’est Féraud, notre prof, qui l’a eu en restauration…Les Hospices de Beaune furent une expérience magnifi que. Des salles énormes, un service millimétré, chronométré. D’ailleurs nous avions une répétition générale dans l’après-midi précédente. Il avait fallu nettoyer 10 000 verres ! Et le dernier soir, j’ai été sommelier, j’avais entre les mains des bouteilles exceptionnelles ! C’était un grand moment de plaisir ; et puis, dans ces événements hors de l’école, il n’y avait pas la même relation entre nous (d’ailleurs c’était bien plus dur qu’au lycée, on n’avait pas droit à l’erreur) : on avait des relations d’homme à homme plutôt que de prof à élève.

Les profs de restaurants avaient monté un club œnologie hors des horaires de cours. On était une quarantaine d’étudiants à suivre ce club, par petits groupes, c’était très intéressant. Plusieurs sorties de dégustation ont eu lieu au cours de l’année : dans le Val de Loire, les Côtes du Rhône, l’Italie, et jusqu’en Californie ! Deux semaines, au mois d’avril, à la rencontre des vignobles de la Napa Valley… Nous avons visité des caves, puis le pays : San Francisco, Los Angeles, Las Vegas… C’était presque des vacances ! Là encore, les relations avec les profs qui nous accompagnaient étaient différentes, on a vécu des moments très sympa dans les hôtels : boire un coup tous ensemble, les chambres partagées…

Ça a été les 5 plus belles années de ma vie.

2005-2009

Et avec les anciens de Thonon,

on se sent en famille, même si on ne s’est jamais rencontré.

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Benoît Fantone • PropriétaireRestaurant Le Lion d’Or, La Cluse et Mijoux

J’ai toujours voulu faire ça, depuis l’âge de huit ans, je ne sais pas vraiment pourquoi, et

je n’en ai jamais démordu. Ce n’est absolument pas dû au milieu familial en tout cas ! Je suis arrivé à Thonon pour le BTH : on est arrivé à deux, avec un condisciple du lycée hôtelier du Sud de la France où nous avions fait nos deux premières années. Du coup, on se soutenait.Heureusement, d’ailleurs, sinon ça aurait été beaucoup plus diffi cile. Pour nous qui venions du Midi, qui parlions facilement à tout le monde, c’était déstabilisant et pas évident au début…Mais enfi n, ça a été l’affaire d’un mois maximum.

L’internat était encore l’ancien internat, pas encore restauré : je n’ai tenu que deux mois et je suis parti ! J’ai donc pris un appartement en colocation avec un condisciple dès les vacances de la Toussaint, parce que je n’ai vraiment pas supporté, c’était un grand moment de solitude !

Avec les profs, j’ai eu un choc, parce que dans mon lycée hôtelier précédent, nous avions des relations très proches, nous nous voyions dehors, on se parlait de tout, c’était très ouvert. Il faut dire que nous étions dans un village de quatre cents habitants, et il y avait cent cinquante élèves : autant dire que tout le monde se connaissait, et que des liens se créent !

Quand je suis arrivé à Thonon, j’ai eu le choc des études, à fond : là, ça ne rigolait plus ! Il a fallu cravacher pour tenir le rythme. Je ne sais pas trop à quoi ça tenait, peut-être à la méthode d’enseignement, peut-être qu’en CAP c’était plus facile…Là, on était en BTH, ça commençait à devenir important, le niveau grimpait.

Le simple fait d’être en ville, peut-être,changeait aussi les choses : il y avait plus de distractions, plus de moyens de ne pas travailler ! Malgré le boulot intense, on avait aussi des bons moments. Cela aussi, peut-être,me donnait le sentiment de travailler plus.

Au niveau des cours et des profs, il n’y a jamais eu de problème :mais c’était beaucoup plus boulot-boulot que ce que j’avais connu précédemment. En tout cas, j’ai beaucoup plus appris à Thonon, j’ai appris beaucoup de choses, à force de travail ! Mais c’est plutôt du savoir, des compétences, et pas tellement les manières d’être, que j’avais déjà acquises auparavant.

Mon premier établissement était plutôt orienté moyenne gamme, alors que Thonon était clairement orienté haut de gamme. Le premier ne demandait pas d’uniformes à ses élèves, tandis qu’à Thonon on en parlait déjà à mon époque, et je crois que ça s’est fait un ou deux ans après mon départ.

De manière générale, quand on me parle de l’École, je pense avant tout à l’excellence : on cherchait le meilleur, on travaillait pour des clients qui avait des exigences élevées, et nous avions une exigence à la hauteur. C’était une manière particulièrement carrée de travailler.

Aujourd’hui, dans la gestion du personnel, en tant que propriétaire de l’établissement, je dois beaucoup à Thonon. J’ai appris là-bas la réalité du métier : bosser énormément.

1998-2000

Thonon c’était l’excellence,

l’exigence, et l’amour du travailbien fait.

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Jean-Pierre Fantoni • Directeur de restaurant 2 MacaronsFormateur restauration Ecole Hôtelière de Genève

Chargé d’accueil en Banque Privée

Souvenirs, souvenirs…Printemps 1972, concours d’entrée,

première grosse responsabilité et trouille pour quitter le monde de l’enfance. Mon père, chef des cuisines des restaurants de l’Aéroport de Genève m’accompagne et me présente Pierre Troigros avec lequel il avait collaboré et qui lui, escorte son fi ls Claude, frère de Michel et actuel patron de l’illustre maison de Roanne. Je me dis que cela ne va pas le faire…Résultat : admis en BEP avec le fi ls Troigros qui m’a appris ce que faire la bringue voulait dire !

Mes meilleurs copains furent Alain Poletto (ancien prof de cuisine EHT), Bernard Trincaz (Hôtel des Cornettes), Patrick Pégoraro (Inspecteur de l’éducation Nationale), et Jean-François Mermillod (Commercial en vins). Sacrée bande de copains qui savaient alterner comme il le fallait le sérieux et l’amusement. Les retours de l’Hôtel des Cornettes à la Chapelle d’Abondance ont toujours été très diffi ciles…

Je retiendrais tout particulièrement les rapports privilégiés que nous avons entretenus avec nos profs d’enseignement professionnel qui étaient jeunes à l’époque et qui sont devenus des copains à la fi n de notre scolarité (Mme Jeanine Joubert et MM. Marquis, Forneris, Hetzel, Masgonty, etc…) Pardonnez moi les oublis ! Certains étaient présents à mon cinquantième anniversaire organisé par mes enfants à l’EHT et orchestré par Frank Josserand himself et facilité par Didier Galopin.Juin 1976, jour de gloire, BTH réussi. Je fête l’évènement seul avec ma fi ancée et qui est toujours mon épouse, car les copains étaient déjà repartis vers d’autres horizons.

Mon parcours à Genève :Hotels Beau-Rivage, Penta, Hilton (2 macarons Michelin au Cygne), Ecole Hôtelière de Genève, Banque Privée à Genève. Après 20 années au service de la restauration à raison de 12 à 15 heures de présence journalière, j’ai choisi la banque privée pour la qualité de vie qu’elle m’offrait.

• Maîtrise fédérale Suisse de Maître d’Hôtel 1985• Meilleur Ouvrier de France 1993 « Maître du service de la table » avec Didier Galopin• Maître d’Hôtel Suisse de l’année 1996

Je suis toujours resté très attaché à mon Ecole Hôtelière de Thonon en participant en tant que correcteur pendant de nombreuses années aux examens de service. C’était également l’occasion de sélectionner de nombreux candidats pour le Hilton de Genève, de poursuivre leur formation sur le terrain. Devenu formateur à l’Ecole Hôtelière de Genève, j’ai sollicité la présence de mes anciens profs de l’EHT pour nos propres examens pratiques de service.

Et pour vous prouver mon attachement à notre chère institution, suite à leur demande soutenue, mes deux enfants Stéphanie et Franck ont fait leurs études à l’EHT de 2000 à 2006 et 1998 à 2002.

L’EHT est aussi une école de la vie dans laquelle on acquiert des qualités essentielles telles que la rigueur et la discipline. Libre à chacun de les faire prospérer…

1972-1976

G è

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Adeline Frizot • Réceptionniste en résidence hôtelière

D’avoir perdu ma mère assez jeune et géré la maison – dont la cuisine – m’a poussé

dans cette voie, après mon bac général, d’un BTS hôtelier.

Pas de bizutage ni de brimades, et je n’ai pas participé à la journée d’intégration parce que c’était un week-end et je préférais rentrer dans ma famille ! Car contrairement à nos aînés, nous n’étions pas tenus de rester tous les week-ends. On le faisait de temps en temps pour gagner de l’argent grâce aux extras, mais ce fut surtout en année BTS quand nous avons du fi nancer notre voyage œnologique aux Etats-Unis.

L’ambiance était super dans toute la promo, avec une belle solidarité entre élèves, même de l’entraide. Nous étions très nombreux en coloc et nous retrouvions souvent le soir les uns chez les autres, plus souvent qu’au Sunset (ex-« La Pinte ») où nous profi tions de la cave aménagée en mini boîte de nuit.

Thonon est une petite ville et il était diffi cile de faire 300m sans croiser un prof. Du coup se nouaient des relations plus détendues et même chaleureuses, sans que cela vienne fausser nos relations prof/élève. D’ailleurs j’ai tout de suite été impressionnée par le côté très professionnel et passionné des profs de Thonon. Ils n’étaient pas là pour seulement enseigner mais pour transmettre leur savoir, leur culture, leur passion de la cuisine et de l’hôtellerie. C’est ce qui m’a le plus marqué par rapport aux profs que j’avais eu auparavant jusqu’en terminale.

Une anecdote ? Belle : j’ai failli mettre le feu à l’école ! J’avais mal égoutté mes pommes de terre et fait déborder la friteuse, l’huile mettant le feu au fourneau ! Je n’oublierai jamais notre prof M. Coudurier intervenant en pompier… sans pour autant me couvrir de noms d’oiseaux : j’avais eu ma leçon… inutile d’en ajouter. Merci.

La première année nous craignions M. Chotard, qui chaque fois qu’on faisait une erreur nous disait « t’es une bille ! » sur un ton très méchant. En décembre, l’expression devenait « t’es une boule de Noël ! ». Cela faisait encore plus grosse bille, mais il y avait un côté affectueux.

2007-2010

J’ai failli mettre le feu à l’école !

J’avais mal égoutté mes pommes de terre et fait

déborder la friteuse, l’huile mettant le feu

au fourneau ! Je n’oublierai jamais notre prof

M. Coudurier intervenant en pompier...sans pour autant

me couvrir de noms d’oiseaux : j’avais eu ma leçon... inutile d’en ajouter.

Merci.

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Odile Gainon • Cuisinière puis employée à la poste

En fi n de troisième mes parents s’arrachaient les cheveux : à force de redoubler, j’avais

déjà 17 ans ! J’avais envie de concret, d’apprendre un métier. Comme nous habitions Annemasse, l’École Hôtelière de Thonon présentait l’avantage de la proximité et donc de moindres coûts.

Nous n’avons pas eu de bizutage mais on se faisait souvent chambrer, surtout en cuisine (où je garde un grand souvenir de M. Deville). Les profs et camarades nous faisaient des blagues mais jamais méchantes. Et d’ailleurs l’ambiance générale était excellente, nous nous épaulions tous, aussi bien en TP qu’en épreuves générales. J’en profi te pour remercier encore Pierre Boretti, qui me faisait mes nœuds de cravate !!

Avec les autres promos c’était parfois un peu plus diffi cile mais en tout cas il n’y eut jamais de souci ou d’incident qui ridiculisa qui que ce soit.

Et puis je suis assez fi ère d’avoir marqué l’école en étant la première fi lle admise en cuisine, car cela ne se faisait pas ! Et il fallut une pétition de tous mes camarades ! J’ai vraiment été contente de leur rendre hommage en obtenant mon BTH.

La première année j’avais une chambre en ville, ensuite j’ai été en colocation, et alors là on a vraiment passé des soirées mémorables. Ce fut vraiment une grande période de ma vie, tant pour tout ce que j’ai appris, que pour la bande d’amis que nous formions.

En dehors de nos soirées, on allait à La Pinte, et à l’Excelsior où je me souviens qu’on ne buvait que des Picon-bière.

Le jour de l’examen en cuisine, je devais faire des Talmouses en Tricorne, un plat assez délicat et je n’en menais pas large. En fait j’ai surmonté mon trac et tellement bien réussi que M. Lacroix m’a personnellement félicitée.

En sortant j’ai eu l’opportunité de passer un an comme jeune fi lle au pair en Angleterre, où je suis ensuite restée un an commis de cuisine. Puis je suis rentrée et j’ai trouvé un poste à Genève, avant de devenir chef de production du Manora (au Placette).

Et après dix ans j’ai lâché le métier : j’avais envie d’une vie moins exigeante sur les horaires.

1978-1980

Le jour de l’examen en cuisine, je

devais faire des Talmouses en Tricorne, un plat assez

délicat et je n’en menais pas large. En fait j’ai surmonté mon trac et tellement bien réussi que M. Lacroix

m’a personnellement félicitée.

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Rien ne me prédestinait à entrer à l’Ecole Hôtelière, mon Père était Chef de bureau

à la SNCF et ma Mère institutrice. Par contre, la cuisine de ma grand-mère mater-nelle m’inspirait et je garde encore en mémoire les bonnes odeurs de ses mets mijotés dans la grande cheminée. Sans doute cela contribua au déclic. ..Je retiens de mes débuts à l’école la rigueur disciplinaire et vestimentaire imposée (dont la fameuse blouse grise), mais aussi la belle camaraderie de l’internat et ce sentiment de liberté que l’on peut avoir à l’âge de 16 ans, loin du cocon familial.La première année fut quelque peu diffi cile au travers du bizutage auquel personne n’échap-pait et qui durait au moins tout un trimestre. Compter le nombre d’allumettes contenu dans des buts de hand, pousser une carotte avec le nez sur le fourneau, nettoyer un carré de réfec-toire avec une brosse à dents , ou bien encore se faire taxer des cigarettes malgré nos petits moyens. La liste est longue et les anecdotes ne manquent pas.Un fait aussi important durant cette première année, fut la grève de la faim orchestrée par les élèves de 3ème année… Celle-ci ne dura que quelques jours, mais on pouvait lire à la une des quotidiens : grève de la faim dans la première école hôtelière de France !M. Hautefeuille, le surveillant général, géra cette situation assez calmement, au vu de ses colères mémorables et imprévisibles que cha-cun lui connaissait et dont les murs de l’inter-nat raisonnent encore ! Avant les petites vacances scolaires, chacun découvrait affi ché sous le préau les plannings de service. Ils étaient déterminants pour notre départ en vacances, les moins chanceux de-vaient rester !! Les séances de cinéma au sous sol, le fameux bulletin de sortie remis si notre tenue était convenable, les déjeuners au restaurant en tant qu’élève client, puis les banquets aux hospices de Beaune, à la Préfecture de Lyon, au casino d’Evian furent pour moi des évènements très marquants.

Il y avait aussi les professeurs qui nous don-naient des bases et des valeurs solides grâce à la richesse et la grande diversité de l’ensei-gnement mais aussi des règles inculquées.Mr Chevalier nous faisait rêver en nous contant son parcours professionnel (les pa-quebots , les palaces etc. …) , M.Triollet ( dit Le Sioux) me passionnait par l’enseignement de l’œnologie et des crus des vins, M. Lau-rent nous montrait l’excellence de la tranche . Il y avait également Mr Romanet (dit Mimile et ses grandes mains) en cuisine et M. Sueur en pâtisserie. Sans oublier les pro-fesseurs d’enseignement général, M. Ravi-net (dit Banban), M. et Mme Barthas et M. Robert. A ma sortie de l’école je suis parti quelques mois en Angleterre, jusqu’à mon appel pour le service militaire en Allemagne au service du Général Dulac en tant que cuisinier personnel. De retour à la vie civile et après quelques saisons dans le Chablais, j’eus la chance de rencontrer et de travailler avec trois grandes fi gures de la profession , M. Jean Delaveyne le célèbre Chef étoile du Camélia à Bougival, puis M. Gilbert Lejeune le Directeur Général de Chez Le doyen et enfi n M. Maurice Guil-mault directeur des Restaurants de la ville de Paris. Ce parcours me permis de terminer ma carrière comme Directeur de la Restauration à l’Assemblée Nationale.

Une vie professionnelle passionnante et enri-chissante, faite de rencontres exceptionnelles dans un environnement luxueux et cela je le dois en grande partie à notre Chère Ecole et à ses Professeurs.

Jean-Pierre Garnier • Directeur de la restauration de l’Assemblée Nationale

1962-1965

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Yves Gaspard • Fondateur "Valor Up Franchising Development" Franchisé Hippopotamus, Lyon Porte des Alpes

J’ai fait un bac général aux Chartreux à Lyon. Ce qui m’intéressait alors, c’était de

faire une carrière internationale : l’hôtellerie-restauration paraissaient indiquée. L’École hôtelière de Thonon, c’était la proximité de Lyon et de la Suisse, l’ancienneté et la réputation, et puis son association des anciens élèves. J’ai donc fait une première année de mise à niveau, suivie d’un BTS en deux ans.

J’ai été passionné par l’esprit d’équipe, la rigueur nécessaire, le professionnalisme, l’exigence de qualité dans la prestation de service. J’ai trouvé ça très constructif à titre personnel. Mais j’ai été surpris de découvrir à quel point ce travail était physique !Un jour, alors qu’on apprenait la découpe du poulet, j’avais laissé le sot-l’y-laisse ! Et le prof alors : « Monsieur Gaspard, c’est vraiment le sot qui l’y laisse… »

Je me souviens aussi d’une fois, au resto d’application, où j’ai dû procéder à la découpe d’une orange sous les yeux du client. Son suprême était plutôt sorti en jus d’orange ! Tous mes collègues me regardaient… Et en défi nitive, j’ai dû demander à la cuisine ! Je ne savais plus où me mettre…

Et puis, je me suis découvert une passion pour le vin, grâce à M. Bosredon. C’est lui qui nous a tout fait découvrir, et depuis, je suis devenu acheteur et collectionneur ! Il m’a beaucoup infl uencé. Il m’a fait comprendre plusieurs choses : qu’il faut être exigeant, qu’on ne peut rien faire seul.En 1e année aussi j’ai servi aux Hospices de Beaune. Je servais la table de l’invité d’honneur, Thierry Lhermitte. C’est là que j’ai découvert le Pommard et que j’en suis tombé amoureux ! C’était un moment fort : j’étais en 1e année, c’est-à-dire en mise à niveau, et on me confi ait déjà de grandes responsabilités !Les deux années de BTS étaient un peu moins opérationnelles, car les cours étaient très généralistes. J’avais présenté un dossier de création d’entreprise pour la bourse Évian-Badoit : et sur trois primés, j’ai été le troisième ! Un de mes camarades était premier, c’était la première fois que l’École était primée. M. Bois, notre prof de gestion, était très fi er.

J’ai remporté un week-end à l’hôtel Royal, et Danone m’a fi nancé le projet, près de Rouen, à hauteur de 20 000F alors ! En somme, ma scolarité, ça a été une 1e année de découverte complète, et en 3e année la récompense pour quelqu’un qui ne venait pas du milieu…

Je me souviens des soirées du Beaujolais Nouveau, où on était tous dans le centre-ville jusqu’à 4h du matin, et le lendemain à 8h en cours : ça aussi, ça m’a appris !Nos week-ends se passaient soit dans des extras (au Royal Évian, à Genève…), soit au ski ! Il y avait une ambiance généralement très agréable, une ambiance de proximité, marquée par le respect des professeurs, l’attention portée au travail ; et tout cela en même temps n’empêchait pas de s’amuser. J’ai même rencontré mon épouse à l’École !

Pour ma part, j’étais toujours content, en salle ou en cuisine. Mais je me suis vite aperçu que je préférais être en salle plutôt qu’en cuisine : j’avais le sentiment d’être au théâtre, du fait de la proximité du client, et de la peur de mal faire. Nous apprenions différents types de services, le service au guéridon, le service à la russe… Tout cela était très technique !

Ce que j’en retire, fi nalement, ce sont toutes les compétences techniques qui asseyent une crédibilité. C’est ma connaissance technique de la cuisine, qui me donne une crédibilité avec les opérateurs. C’est la connaissance du produit brut, les bases, les fondamentaux. C’est le sens de l’organisation d’une cuisine, d’un restaurant : sens basé sur l’expérience, plus que sur ma formation en gestion. C’est ma connaissance approfondie de tous les postes existants dans un hôtel ou un restaurant.

1996-1999

En 1e année aussi j’ai servi aux Hospices de Beaune. Je servais

la table de l’invité d’honneur, Thierry Lhermitte. C’est là que j’ai découvert le Pommard et que

j’en suis tombé amoureux !

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Nathalie Grève (Épouse Hennebert ) • GéranteHôtel-Restaurant Le Jabron, La Bégude de Mazenc

Alors que ma famille n’était pas du tout du milieu, j’ai toujours été attirée par la

restauration et, même à travers le Bac Général que j’ai fait d’abord, l’envie ne m’a pas quitté. Du coup je me suis présentée au concours d’entrée de Thonon, qui avait une excellente réputation et était très demandée.Rentrer en BTS cuisine après un bac général, c’est assez impressionnant parce qu’on se retrouve confronté à des gens qui ont trois à cinq ans de pratique derrière eux… Malgré l’année de mise à niveau, la différence est sensible ! Mais nous avions des profs très motivés, très motivants, très impliqués, et c’était une vraie force pour nous et pour l’École. C’est grâce à eux que j’ai géré les doutes que j’avais pu avoir la première année et que j’ai bel et bien réussi mon BTS !On avait des vraies personnalités, Hetzel en salle, et Lacroix surtout, très impressionnant à la fois par sa carrure et par son exigence de rigueur et de qualité… Il nous apprenait à quel point l’image qu’on donne, par nos vêtements, par notre attitude, etc., est importante dans nos métiers où on est tout le temps en contact avec le client. Tous les profs avaient vraiment le don de nous transmettre à la fois leur savoir et l’envie d’apprendre !La gestion à l’époque m’intéressait moins et j’ai mis le paquet sur l’option cuisine, ce qui en effet m’a beaucoup plus servi par la suite.Entre les élèves il y avait une petite guéguerre entre les BTH et les Mise-à-Niveau, puisque les premiers considéraient un peu qu’on venait piquer leurs places… Mais en gros, se retrouver en groupe comme ça, la première année où on quitte papa-maman et où on commence à faire la fête, ça contribuait plutôt à nous souder. En BTS ensuite on s’est un peu plus mélangés, mais curieusement la distinction persiste quand même un peu jusqu’à aujourd’hui, quand on fait des repas d’anciens !L’ambiance était généralement bonne, dans notre milieu où on est plutôt des bons vivants, et où peut-être on a besoin de pas mal décompresser, vu le boulot qu’on a par ailleurs. Et puis en BTS, entre les cours assez chargés, la pression qui montait, et puis l’obligation de faire des extras pour payer mon loyer, ça a été assez intense, un peu moins festif que l’année de MAN.

Par rapport à des copains qui faisaient la fac, on avait une vie étudiante complètement différente, et il me semble que la nôtre était beaucoup marquée par un sentiment de fraternité. Par exemple, on travaillait beaucoup en binôme, et il y avait un système de parrainage entre promos qui marchait pas mal… La solidarité était très grande, on cherchait à s’entraider et jamais à s’enfoncer les uns les autres. C’était cohérent d’ailleurs avec l’objectif du BTS, qui est le management, et je me souviens à quel point Hetzel nous notait vraiment là-dessus, par exemple quand on gérait des équipes de BEP ou de CAP pour le petit-déjeuner de l’hôtel d’application, des choses comme ça.De la même façon, l’épreuve de cuisine pour le BTS est en deux parties : une partie personnelle, avec une recette à inventer et exécuter à partir d’un panier donné comme sujet ; et en même temps on a un petit commis de CAP, à qui on doit faire réaliser lui-même une recette traditionnelle — les crêpes farcies au champignon, pour moi ! Et ensuite il s’agit de présenter au jury les diffi cultés qu’on a eues dans l’encadrement du commis et comment on a géré. Par exemple le commis d’un des autres candidats n’arrivait pas à faire sa pâte à crêpe, et le candidat l’a faite à sa place — mais il s’est fait descendre par le jury, parce que ce n’était pas l’objectif ! Il valait encore mieux, comme pour moi, que le commis ait un peu raté une étape, et qu’on puisse s’en expliquer devant le jury…L’École nous a envoyé parfois pour des occasions spéciales au Château de Ripaille, c’était des occasions de se tester dans un autre contexte que celui de l’hôtel d’application.Aujourd’hui ce qui me vient de Thonon dans mon travail, c’est avant tout la rigueur, la ponctualité, et le souci de faire toujours mieux. Et la petite phrase qu’une prof disait à nos copains : « Messieurs, la distinction n’est pas dans la cravate ! »C’est cette rigueur, qui est vraiment la marque de l’École, qui permet aux anciens d’être appréciés partout, même quand ils sortent de l’hôtellerie restauration. Quel est le métier où on n’a pas besoin de quelqu’un de rigoureux et qui ne compte pas ses heures ?

1994-1997

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Jean-Marc Grosfort • Réception puis management général

Personne de ma famille n’était dans l’hôtellerie, et les gens à qui j’en parlais me

déconseillaient de me lancer dans cette voie !Pour mes parents, cela signifi ait l’absence de vie sociale et de vie de famille, à cause des horaires décalés et tous les week-ends condamnés.

Mais je voulais être cuisinier ! Mon père m’a d’abord fait passer mon bac général, puis a cédé. Je suis donc entré en classe de Mise à Niveau à l’École Hôtelière, puis y ai passé mon BTH.

Je n’ai pas connu de bizutage ou brimades parce que j’étais dans les plus grands, déjà bachelier : ce bac et notre âge faisaient que nous n’étions pas vraiment considérés comme des nouveaux.L’ambiance était excellente, tant avec les camarades qu’avec les professeurs ; et je le dis sans hésiter : ce serait à refaire, je le referais tout de suite !... mais avec les mêmes profs et camarades car nous formions une famille.

À peine deux ou trois jours plus tard c’était la grève pour de bon, et je suis donc reparti, mais cette fois-ci en m’assurant bien que je n’étais pas le seul…

Les professeurs qui m’ont le plus marqué sont ceux que j’ai connus en cuisine, notamment MM. Sueur et Sylvestre. Ce n’était pas un hasard car c’était ce que je voulais faire.

En réalité, en sortant je n’ai fait que quatre ans de cuisine dans des établissements de Genève, Annecy et Morzine, puis me suis trouvé orienté vers la réception et assez rapidement le management.Sheraton, Ramada, Renaissance et enfi n Marriott International… ma carrière n’a pas du tout ressemblé à ce qui était prévu mais j’en suis tout de même pleinement satisfait.

Et pas une minute je n’oublie que si j’en suis arrivé là, c’est au départ grâce à l’enseignement de Thonon, et en particulier la discipline et la rigueur qui ont toujours été communs à tous les enseignants et les cadres.

1967-1969

En 1968, j’ai bien failli être

mis à la porte car j’ai cru trop tôt que l’école était fermée, alors j’ai sauté dans le premier train

pour rentrer chez moi. Mon père m’attendait de pied ferme :

le proviseur avait appelé et je devais revenir

illico.

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Gérard Haas • 10 ans de salle puis enseignant (dont à Thonon)

J’habitais Thonon et mes études étant assez moyennes, choisir la voie professionnelle

était préférable. Étant sur place, c’est naturellement que je me suis orienté sur le Lycée Hôtelier.

Les brimades des anciens étaient pesantes pour les 1e année, mais étant externe j’en ai peu souffert et retrouvais ma famille le soir. Du coup je garde un excellent souvenir de ces années où régnait une franche camaraderie. Dans ma classe, nous avions tous un surnom (Crésus, le Breton, le Curé, Nounours, Minet…) et nous nous soutenions beaucoup.

Je me souviens de tous mes professeurs car ils étaient tous formidables ! Nous trichions avec M. Robert, le prof de sport, qui nous faisait faire beaucoup de cross, avec le « petit Corzent » ou le « grand Corzent » : il n’était pas rare que l’on coupe à travers bois… Mais grâce à lui, nous avons eu des sorties de ski mémorables, et découvert beaucoup d’endroits où nous n’avions pas d’autre raison d’aller que pour y faire de l’éducation physique.Et j’entends encore la grosse voix de M. Boisier, le surveillant général, qui mettait tout de suite les 1e année à la discipline, puis se montrait plus proche, et parfois moins regardant sur nos petits écarts.Nous avons vécu mai 68, un peu de loin mais avec tout de même quelques grèves pour de nouveaux droits et « libertés ».

En 1969 j’ai décroché la 3e place du concours national de jeune barman, une belle fi erté ajoutée à mes diplômes de cuisine et restaurant.

J’ai travaillé dix ans en salle dans de nombreux établissements (et fait mon service militaire à l’hôtel du gouverneur de Lyon), puis j’ai trouvé que cette vie était trop incompatible avec la vie de famille, alors je suis passé au professorat.J’ai d’abord été maître-auxiliaire à Thonon, et après le concours j’ai été envoyé à Chamonix, Anthony, Bonneville… et suis revenu en 1995 à Thonon où j’ai exercé jusqu’à la fi n 2010 (professeur de restaurant).

Un changement sans regrets car à travers les banquets et autres dîners de gala, je ne quittais pas vraiment la restauration.

1966-1969

Dans ma classe, nous avions tous un surnom

(Crésus, le Breton, le Curé, Nounours, Minet...)

et nous nous soutenions beaucoup.

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Jean-Jacques Israel • Hôtellerie puis intendant de bord Air Canada

Aucun exemple dans ma famille et je n’avais qu’un rêve : voyager ! L’un des

moyens était de d’être personnel de bord en compagnie aérienne.Le lycée de Thonon offrait cette possibilité d’être steward donc je postulais je fus pris et première année… hélas lorsque j’atteins la troisième année, la spécialité fut supprimée !

Je n’avais aucune envie de travailler en cuisine. Le reste, pourquoi pas, du moment que je baroudais ! Je suis donc allé aux Bermudes, aux Bahamas, au Canada… chez Holiday Inn et Harbour Inn notamment.Puis je suis rentré chez Air Canada en 1972 et y ai vécu tous les changements jusqu’à ma retraite en 2008. Pas une carrière à plaindre, loin de là !

Pour en revenir à l’école, je me souviens d’un bizutage très dur (dans ma promo, il y en a même deux qui ont carrément quitté l’école parce qu’ils ne supportaient pas !) ; sinon il y avait de bonnes rigolades. Les lits étaient souvent mis en cathédrale, une fois par semaine, comme un rituel incontournable par lequel tout le monde devait obligatoirement passer plusieurs fois dans l’année, que ce soit avec ou sans raison valable.

Je me souviens de quelques profs comme M. Brandt qui est décédé en fi n de deuxième année et cela nous a beaucoup touchés. M. Caminade, le très sympathique prof de français, Mme Rebet, prof d’anglais aussi agréable à écouter qu’à regarder…, Mme Deléard, M et Mme Barthas.

Dans l’ensemble ce fut une période en or, et si c’était à refaire, je reviendrais car on a vraiment passé de bons moments, l’ambiance a toujours été super et je n’ai jamais eu d’échos de mauvais rapports avec les professeurs. Ils savaient que notre position d’internes ne rentrant que deux fois par an n’était pas facile à notre âge et savaient donc s’occuper de nous avec un côté légèrement paternel ou maternel qui atténuait notre dépit de ne plus voir nos familles.

Ce dernier point fut sans doute un élément de la réussite du lycée dans les cotations et les résultats : diffi cile de trouver quelqu’un pour critiquer ce qui s’y passait, nous étions presque comme des coqs en pâte…

1963-1965

Les lits étaient souvent mis en cathédrale, une fois par semaine, comme un rituel incontournable par lequel tout le monde devait

obligatoirement passer plusieurs fois dans l’année...

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Frank Josserand • 10 ans de salle puis enseignant (dont à Thonon)

J’ai vécu une aventure tout-à-fait rarissime et je dois énormément au proviseur et

au censeur de l’école, MM. Sénéchal et Le Dilasser, d’avoir eu mon diplôme en 1978 et non pas un an plus tard.Car quelques jours seulement avant l’examen fi nal, j’avais eu un accident de moto et été hospitalisé. Et ce sont eux qui ont fait des pieds et des mains pour que les examinateurs viennent m’interroger à l’hôpital ! Bien sûr pour l’épreuve de cuisine j’étais tout de même au lycée… mais assisté d’une infi rmière !

Pour le reste de ces trois années, je ne garde que de bons souvenirs de l’école, qu’il s’agisse de l’ambiance, des camarades, des professeurs…Il régnait une grande solidarité entre les élèves, et une grande unité en général.

J’ai fait mon service militaire au Carré des Offi ciers de Toulon, puis suis passé par les divers rangs en restaurant, jusqu’à directeur. En 1984, gros changement : je suis devenu responsable d’un chalet du Club Alpin Français. Quatre ans.

Et puis je suis passé à l’enseignement grâce à M. Sénéchal qui avait quitté Thonon pour ouvrir l’école de Blois et m’y a pris comme maître-auxiliaire. Après le concours je suis passé par plusieurs villes jusqu’à demander ma mutation à Thonon à cause de mes bons souvenirs.

J’y suis resté de 2001 à 2010 et j’ai été marqué par la démarche très volontaire des élèves, leur motivation tellement forte qu’on doit plutôt parler de vocation. L’implication des professeurs, aussi, leur passion de transmettre et leur rigueur. Ces deux aspects m’ont beaucoup frappé car je ne les ai pas rencontrés aussi fortement dans d’autres établissements.

Durant cette période j’ai été Meilleur Ouvrier de France en 2004, catégorie « Arts de la Table ».

Puis j’ai fait le choix de partir pour Tahiti où le cadre et l’état d’esprit sont bien différents, mais c’est une très grande expérience humaine, où l’écoute et l’accompagnement au cas par cas sont essentiels.

1975-1978

J’aimerais beaucouprevenir à Thonon

pour mes dernières années de prof,

la boucle serait bouclée, ce serait super !

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Claude Lacroix • Divers postes puis Chef de réception

Je ne suis pas arrivé là par hasard : ma mère était cuisinière et propriétaire d’une

pension de famille qui lui venait de sa mère, près d’Annecy.

L’internat fut pour moi un énorme changement car je n’avais que 15 ans et ma mère s’occupait beaucoup de moi. Là, je me retrouvais avec 5 autres dans un box au milieu d’un dortoir de 60 lits ! Sans parler des blagues à répétition, plus idiotes qu’humiliantes. Comme « l’éponge au cul » qui consistait à passer une éponge d’eau bien chaude et pas très propre sur les fesses d’un camarade quand on nettoyait la cuisine. Ces blagues dépassaient même le cadre de l’école : une fois les aînés avaient mis de la lessive dans la fontaine de la ville et nous devions marcher dedans pour faire un maximum de mousse. C’était surprenant que l’école laisse faire ça parce que nous étions très facilement repérables, avec nos tenues et nos cheveux très courts. Mais les Thononais nous aimaient bien. Une fois, la chanteuse Nicoletta (originaire de la ville) nous a même tous invités à boire un verre.

Nos profs étaient disponibles et attentifs. Moi qui détestait la gym, je me suis mis à l’aimer grâce à M. Robert ! Et Mme Rebet, toujours habillée en Courrèges, d’une très grande classe et d’une aussi grande effi cacité à nous enseigner l’anglais.

Entre nous s’est naturellement installé un travail très collégial, et même avec les 2e année. Une fois l’intégration passée, il régnait une grande solidarité entre tous, et personne ne cherchait à écraser l’autre.

Par la suite, nulle part et jamais je n’ai rencontré cette cohésion d’équipe propre à Thonon ; et je peux même dire que la mentalité et l’état d’esprit sont particuliers par rapport aux élèves d’autres écoles. Nous étions vraiment bien cadrés, c’était une véritable école de la vie, de grande rigueur et de respect des autres.Je suis allé en cuisine dans l’entreprise familiale et suis passé en restaurant, puis en réception.Sans à m’en plaindre : cela fait trente ans que j’offi cie à l’Auberge du Père Bise… Je n’en espérais pas tant !

1976-1979

Comme " l’éponge au cul " qui consistait à passer une éponge

d’eau bien chaude et pas très propre sur les fesses d’un camarade quand

on nettoyait la cuisine.

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Thierry Lefevre • Directeur InformatiqueHôtels Starwood, Paris

Je suis arrivé en BTS, après le BTH à Blois : je voulais découvrir la Savoie ! On

était trois BTH, et les autres étaient en « mise à niveau » après un bac général. On les aidait dans les matières pratiques (ils en bavaient !), ils nous aidaient dans les générales…

Par l’École, on avait souvent des extras : j’en avais besoin pour mon loyer, mais en plus c’était des soirées sympa tout en exerçant le métier. Il y avait une petite concurrence avec Lausanne mais, comme on était bons, on avait l’impression d’être une équipe de gagnants !

En première année, on a servi à l’Institut Mérieux, à Lyon. Le départ de l’École en car, l’événement lui-même, ça avait un côté « sport collectif » qui soudait le groupe : il y a eu un avant et un après.

À la rentrée suivante malheureusement on a appris la disparition d’un de nos condisciples, Rémi Pescarolo : ça a été un choc…On sortait pas mal avec les copains : fondue savoyarde le samedi chez « Mamie » (une copine qui avait tout le temps froid) ; soirées à la Canne à Sucre, une boîte afro-antillaise de Genève… On se donnait rendez-vous dans une boîte avec une école d’infi rmières… Et les mercredis après-midi, on mettait les skis dans ma 2CV et hop, sur les pistes !

Le restaurant d’application, très connu à l’extérieur, était un élément-phare de l’École. Servir des clients, des gens de l’extérieur, qui pouvaient être critiques, c’était très motivant : on avait le sentiment d’être en 1e division, et pas l’équipe de réserve, comme quand on cuisinait pour le self…

À la fi n de l’année, j’ai été major de promo et le proviseur, sidéré de ne pas connaître ce major qui sortait de chez lui, a voulu me rencontrer !Dans mon premier boulot, j’ai retrouvé un ancien de la promo du dessus ! Souvent, avec les anciens de Thonon, le contact est facile : on partage des souvenirs, le sentiment d’appartenance perdure…

La passion de la cuisine m’est venue de ma grand-mère paternelle, et quand j’étais petit, j’avais deux rêves : être cuisinier sur des bateaux de croisière, et dans l’hôtellerie de luxe. Le deuxième, je l’ai réalisé…

1986-1988

Souvent, avec les anciens

de Thonon, le contact est facile :

on partage des souvenirs, le sentiment

d’appartenanceperdure...

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Jean-Pierre Lesage • Enseignant

Personne ne m’a mis sur la voie : j’ai eu un intérêt inné et totalement naturel pour le

métier de restaurateur… par goût du travail bien fait !

Originaire de Normandie, j’avais fait le lycée de Granville en BEP restaurant et le proviseur m’a fortement conseillé de poursuivre dans cette voie. J’ai présenté Strasbourg (échoué), Paris (réussi mais j’ai refusé à cause de l’absence d’internat) et choisi Thonon pour la réputation… et malgré la distance !

De fait ce fut un choc de me retrouver si loin, même à 18 ans entrant en 1ère d’adaptation en vue de présenter le BTH.Ce furent les deux meilleures années de ma vie d’écolier et d’étudiant !L’accueil fut génial, on nous montrait tous les services et nous étions émerveillés par les installations dont on serait appelés à se servir. Les dortoirs en box de 6, c’était moins bien, mais bon, ce n’était pas le plus important.

Tous les profs m’ont marqué par leur excellence, leur passion et leur qualité.

C’est grâce à mon travail mais surtout à Mme Rebet que j’ai eu 18/20 en anglais !

En maths nous étions nombreux à être en rade, et la patience du prof était admirable.

Et Mme Joubert qui s’occupait de la réception, très dynamique, très conviviale et toujours prête à trouver les bons mots pour détendre l’atmosphère quand quelque chose n’allait pas.

Son homologue M. Midroit était tout l’inverse : très rigide. Il refusait de corriger les mains courantes si elles n’étaient pas écrites à l’encre. Cela signifi ait que l’on n’avait aucun droit à l’erreur dans nos colonnes et nos additions. Et parfois il entrait dans la classe et criait « cahiers à terre ! » ; cela voulait dire qu’on avait interro.M. Ferrand, lui, avait toujours un bon mot en cuisine, du genre : « c’est quoi, ton couteau ? Il ne couperait pas une m…. en deux ! ».

Dehors on allait à La Pinte, où la patronne nous recevait comme ses enfants. C’était un peu pareil avec l’infi rmière de l’école, Mme Bonzy : elle était là pour soigner les plaies du corps mais il lui arrivait aussi de soigner les plaies du cœur de ceux qui avaient le mal du pays.

1977-1979

Souvent, avec les anciens

de Thonon, le contact est facile :

on partage des souvenirs, le sentiment

d’appartenanceperdure...

L’accueil fut génial, on nous montrait tous les services

et nous étions émerveillés par

les installations dont on serait appelés à se servir.

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Robert Leyrit • Chef de cuisine au sein de collectivités

C’est ma mère, cuisinière dans un restaurant, qui m’a donné le goût du métier. J’ai

présenté plusieurs écoles et ma réussite à Thonon fut décisive : c’était la meilleure !

L’intégration fut un peu diffi cile à cause des brimades mais je n’en ai pas trop souffert car un aîné m’a pris comme adjoint pour s’occuper de la reprographie, du coup j’étais plutôt épargné.Il restait la corvée de lits (les 1e année devaient faire les lits des plus grands), pas méchante mais à la longue ça devenait lassant et sans intérêt.

Quant aux sorties dans Thonon, avec nos costumes ce n’était pas très drôle parce que les autres jeunes nous charriaient, nous cherchaient, et parfois ça pouvait presque mal tourner.

Je marchais assez bien en cuisine – avec M. Ferrand – et on m’a autorisé à faire des extras dès la fi n du premier trimestre ! Ferrand qui se chamaillait tout le temps avec son imposant homologue Romanet, mais en fait ils étaient aussi bons copains que Laurel & Hardy !Je me souviens d’autres profs et notamment de M. Gauthier (histoire-géo) parce qu’on l’avait choisi pour nous accompagner en voyage de fi n d’année et il avait été super. Et Mme Rebet qui bénéfi cia des premières cabines audiovisuelles pour enseigner l’anglais, car Thonon avait été choisie école-pilote pour tester ce matériel !

La grève de 1968, c’était plus pour rigoler et histoire de suivre le mouvement parisien. Parce que nos revendications étaient plutôt ridicules et inutiles. Mais bon, sur certaines on a quand même eu gain de cause !

L’objectif de ma vie était de devenir un chef étoilé. Et puis à 24 ans j’ai commencé à sentir un lumbago très douloureux, et qui s’amplifi a. Il devint vite évident que ce handicap était incompatible avec le métier de chef de cuisine, toujours debout. C’est pourquoi je me suis orienté vers les collectivités locales, d’abord un CHU puis une municipalité, où le travail de gestion est prédominant.

Je ne suis plus devant les fourneaux… mais en suis tout de même responsable donc il ne passe pas une journée sans que j’aille y faire un tour…

1967-1970

J’ai présenté plusieurs écoles et

ma réussite à Thonon fut décisive :

c’était la meilleure !

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Jacques Mathieu En recherche active de nouvelle affaire à reprendre !

Niçois d’origine du côté de mon père et Lyonnais du côté de ma mère, j’atterris

a Genas au Sud Est de Lyon, à l’âge de 1 an en 1961 et suis plongé dès ma plus tendre enfance dans le berceau de l’hôtellerie. En effet, mes parents affublés de leur «gone», vinrent s’installer dans ce petit village et reprendre le fond de commerce «Hôtel Restaurant Roibet» de la Mère Roibet (ma grand mère maternelle). Village ou il fait bon vivre et ou je fais mes études jusqu’a l’âge de 9 ans. Puis 8 années d’internat chez les curés à Dagneux qui m’inculquent la dure réalité de la vie. Brevet en poche, c’est tout naturellement que je me dirige vers l’Hôtellerie et passe l’entretien pour rentrer à Thonon-les-Bains.

S’en suivent 3 merveilleuses années inoubliables en compagnie d’élèves (TTH1) dont je remercie le ciel tous les jours de m’avoir permis de les rencontrer et avec lesquels je suis fi er d’avoir encore aujourd’hui des relations étroites et des contacts fréquents dès que l’occasion de présente(vive le net).

Nous avons organisé les retrouvailles de la promo 76/79 20 ans après être sorti de l’EH, soit en 1999 au Savoie Léman (mémorable) ; puis après 30 ans, soit en 2009 chez Jacky et Rosa Sancho en Suisse au bord du lac Léman a Port Gitana. (que du bonheur !)

A chaque fois de nombreux Anciens avaient fait le déplacement (même de très loin). C’est dire les attaches importantes qui nous lient encore malgré toutes ces années passées.Thonon, c’est s’installer dans des starting blocks, prêt à affronter tous les défi s qui vont se présenter à vous, c’est mordre à pleine dents dans ce gâteau en pâte feuilletée dont chaque tour réalisé vous apporte son lot de surprise et de bonheur une fois la cuisson réalisée.

Vous pouvez y incorporer ce que bon vous semble au gré de vos envies et de votre humeur afi n de confectionner votre propre Entremet, mais sachez que si votre Detrempe est bien préparée et que votre Pâton est bien réalisé, le reste n’est plus qu’une histoire de Tours.On est tous maître de notre destin à condition de s’en donner les moyens !

Après l’obtention du BTH en juin 1979, je suis parti travailler en Corse comme Grillardin a l’Hôtel Sofi tel d’ Ajaccio, puis l’armée a Baden-Baden en Octobre 1979 comme cuisinier du Général Brasart «5 étoiles» Commandanten Chef des Forces Françaises en Allemagne. En compagnie de nombreux anciens de Thonon (serveurs, chauffeurs, maître d’Hôtel) nous avions en charge la famille du Gégene ainsi que de toutes les réceptions à la Résidence. J’ai même eu l’honneur et le privilège de préparer le repas lors du 14 juillet 1980 du Président de la République de l’époque M. Valéry Giscard-d’Estaing.Puis la Suisse comme chef cuisinier a l’Hôtel Bellevue a Chexbres/Vevey et enfi n en janvier 1982, a l’âge de seulement 22 ans, je reprenais la suite de l’affaire familiale de mes parents a Genas.

J’ai vendu dernièrement et me repose un peu de toutes ces années où j’ai donné sans compter dans ce dur mais beau métier.

1976-1979

Thonon, c’est une formidable école,

c’est le début de la vie professionnelle, c’est le commencement

de votre histoire !

le école

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Lucien Mongelli • Restaurateur puis enseignant

Je suis né et habitais en Tunisie, où j’avais un ami dont les parents tenaient un palace.

C’est cet endroit magique qui m’a tracé la voie.

Après mon bac philo, j’ai tout de suite enchaîné sur Thonon. J’ai eu un bizutage plutôt rigolo : je devais mesurer la cour de récréation « en allumettes au carré » ! Cela m’a pris des heures et c’était idiot, mais rien d’humiliant.J’avais 18 ans et ne suis pas allé à l’internat mais dans une chambre en ville, chez Mme Lutz qui était aussi notre prof de compta et de philo. Et j’avais un grand-oncle qui tenait une parfumerie réputée.

Pour ceux qui logeaient en ville, la crainte était de se faire prendre par M. Hautefeuille, le surveillant général. Tous les soirs il prenait sa Taunus rouge et faisait le tour des chambres pour vérifi er que chacun était bien chez soi. Même si nous étions peu nombreux et s’ils ne toquaient pas à toutes les portes, ça lui prenait une partie de la nuit ! Mais gare à celui qui était absent car la punition était souvent lourde et on le craignait vraiment.

Nous avons eu notre année de mise à niveau puis la terminale BEH. L’ambiance était bonne entre ceux qui comme moi étaient bacheliers mais la cohabitation était plus diffi cile avec ceux issus de la 3e, d’autant que nous n’avions pas à subir certaines corvées.

Je me souviens de plusieurs très grands profs de Thonon, tels « Mimile » Romanet, les Quillot, les Barthas, M. Robert qui nous faisait aimer le sport même quand il faisait très froid. Et Mme Lutz, qui était adorable et gentille et nous traitait comme ses fi ls.

Le fait que – comme deux autres – je logeais chez elle ne changeait rien à son comportement envers nous trois en classe. En revanche, elle était très consciente que ce pouvait être diffi cile pour des jeunes d’être éloignés si longtemps de leurs parents, et savait nous remonter le moral.

En sortant je suis allé dans de multiples endroits, jusqu’à m’installer à Pornic en 1973.Avec ma femme nous rêvions de soleil, et quand en 1980 j’ai eu l’opportunité d’aller enseigner à La Réunion, nous n’avons pas hésité…

1961-1963

Je devais mesurer la cour

de récréation " en allumettes au carré " ! Cela m’a pris des heures

et c’était idiot, mais rien

d’humiliant.

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Benjamin Morin • Chargé de développement hôtelier, Best Western

Enfant, la passion de la cuisine m’est venue des voyages. Moi j’étais sûr, mais mes

parents n’étaient pas chauds… En 3e, après un stage au restaurant La Tour, à Thonon, j’ai passé les entretiens. Je n’ai pas été pris… Alors j’ai décidé de redoubler ma 3e, et c’est passé !

J’ai fait à l’École le BTH et le BTS, cinq années qui m’ont changé, ouvert à d’autres métiers. Plus tard j’ai voulu m’orienter vers des tâches plus fonctionnelles qu’opérationnelles, mais les connaissances acquises à l’École me servent tous les jours : j’ai l’expérience de ce que vit le personnel ; je peux parler avec le client, grâce à une vraie connaissance des produits ou des vins.Ma promo a été la seule à voir l’intégralité des travaux de rénovation. L’organisation était rocambolesque : certains cours avaient lieu dans mon ancien collège, c’était étrange ! Plus d’une fois on a été réquisitionnés pour tout déménager, l’ancienne argenterie, les vieilles photos… Toute l’histoire de l’École dans nos bras !

Nous faisions l’application en hôtellerie à l’Ibis de Thonon. C’était une vraie chance de pouvoir rentrer dans tous ces métiers, même les plus « ingrats ».Pour moi, c’était l’école de la vie. Ça s’apparente au service militaire que nous n’avons pas fait, par la rigueur et la discipline, et puis par tous les fous-rires !

Il y avait une forte cohésion. Certains jours on commençait à 7h et on fi nissait à 1h du matin ! Il n’y avait pas de chacun-pour-sa-peau, on se soutenait. C’était une symbiose.

J’ai le souvenir d’un voyage à Moscou, où on allait représenter la région Rhône-Alpes pour un dîner à l’Ambassade… Et en 2007, on a participé au concours du Meilleur Ouvrier de France : j’étais aux cuisines du Royal Évian pour le M.O.F. en Maître d’hôtel… Un des favoris était M. Fereaud, notre prof de restauration, et il a été élu ! Un grand moment, une chance.

2002-2007

Pour moi aujourd’hui c’est une fierté spéciale

d’en être, dans le rayonnement national et international

de l’École. Je tiens à y retourner

tous les ans, presque reprendre

du service !

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Sylvain Morin • S’est tourné vers la banque

Mes antécédents familiaux me destinaient à la restauration : ma mère et son

2e mari travaillaient dans un restaurant. En 1967 mes deux ans de retard ont motivé mon orientation en fi lière professionnelle… Thonon s’imposait !

L’internat était parfaitement bien encadré et j’ai peu de souvenirs où ce fut la foire… à titre de comparaison, au service militaire j’ai trouvé ça bien plus relax !Le surveillant général, Albert Boisier, était un personnage impressionnant. Il ressemblait au surveillant général de la BD Le Grand Duduche.Et puis deux profs m’ont bien marqué : M. Robert qui nous faisait découvrir tous les sports même ceux qu’il n’affectionnait pas forcément, et Mme Deléard en allemand, pour l’incroyable patience dont elle fi t preuve avec moi, tellement je peinais dans cette langue.

Avec les camarades, c’était vraiment bon enfant. L’un de nous avait fait un croquis de caricatures où il avait mis le surnom de chacun. Car nous en avions tous un : moi on m’appelait « Le Nègre » parce que j’avais le nez un peu épaté, les cheveux frisés et les lèvres charnues. Cela ne m’a jamais blessé, surtout que d’autres avaient hérité de sobriquets bien pires que cela !

J’ai adoré l’école, l’enseignement, les profs, la multiplicité et la variété des matières, l’ambiance et la proximité entre tous, les passages en extras et en stages… Et pourtant lorsque je suis sorti et me suis lancé, j’ai été déçu par ce que je trouvais dans « la vraie vie hôtelière ».On nous avait bien préparé et élevés à la dure, et pourtant je ne m’attendais pas à ce que ce soit si diffi cile, à la longue cinq jours sur sept.

J’ai donc compris que je n’étais pas fait pour cela et suis rentré dans la banque, où je suis resté 37 ans.Il n’empêche que l’École Hôtelière m’a beaucoup servi car j’y avais pratiqué la gestion humaine et comptable, les maths, les langues et d’autres matières qui me furent profi tables.

Sans oublier la rigueur, un élément majeur de Thonon au point que, par la suite (et aujourd’hui encore !), tout ce qui était de travers me gênait.

1967-1970

Moi on m’appelait " Le Nègre " parce que

j’avais le nez un peu épaté, les cheveux frisés et les lèvres charnues.

Cela ne m’a jamais blessé, surtout que d’autres

avaient hérité de sobriquets bien pires que cela !

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David Morizet • Chercheur en neuro-sciences cognitives sur les comportements alimentaires

Les débuts à Thonon étaient délicats, on commençait tous une nouvelle vie ; mais

on se retrouvait tous pour les trajets dans les mêmes trains, les mêmes gares : on avait des rituels, une ambiance qui favorisait l’intégration.

On aimait nos vieux locaux, chargés d’histoire, lourds de signifi cation. On se transmettait de promo en promo, depuis trente ans, la légende de la réfection prochaine… qui n’a pas non plus eu lieu de mon temps !

J’ai d’abord été à l’internat. Quand on faisait le mur, on se méfi ait du CPE insomniaque, M. Caillat : les portes étaient très bruyantes !Puis j’ai fait des extras pour payer mon appartement. On se transmettait les jobs de promo en promo, à Genève, à Anthy, chez Pierre&Vacances… Et je suis retourné à l’internat comme pion !

Pour le trophée Malongo, l’épreuve était à l’École et j’ai été sélectionné pour la fi nale nationale : Chef Chichi (M. Schirmann) était très ému. C’était ça l’École, une ambiance professionnelle mais aussi familiale, on vivait des choses.

À part les Hospices de Beaune, attendues comme le clou de notre scolarité à l’École, j’ai eu la chance d’être maître d’hôtel pour les Présidents lors du G8 d’Évian ! On a fait un service classique « à la française » : un plat en argent dans chaque main avec la viande et les légumes, et la saucière calée avec les doigts. Un rituel, presque une danse : on doit avancer tel pied en premier, etc., être silencieux, ne pas interagir avec le client. Ce service remontant à la Renaissance n’est presque plus pratiqué qu’au palais de l’Élysée, avec qui on a eu un mois de formation : passionnant !

Thonon, c’est un lieu de vie, où on apprend à vivre ensemble. C’est à la fois le savoir-faire, le savoir-être, et le savoir : j’ai appris énormément, un savoir culturel qu’on n’a pas dans les écoles classiques. L’alimentation, au cœur de la vie des humains, nous apprend beaucoup sur les pays, les cultures ; on croise des gens de tous âges et de tous horizons, à la fois ceux avec qui on travaille et ceux qu’on sert…

Pour moi c’était vraiment une École et non pas un lycée.

1998-2003

Un rituel, presque une danse : on

doit avancer tel pied en premier, etc., être silencieux, ne pas interagir

avec le client. Ce service remontant à la Renaissance

n’est presque plus pratiqué qu’au palais de l’Élysée

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François Morvan • Directeur des opérations, Marriott Moscow Royal Aurora à Moscou

Depuis tout petit j’ai souhaité travailler dans la restauration. Je pensais plutôt

à la cuisine, à cette époque. La renommée de l’École de Thonon a beaucoup compté dans le choix, pour mes parents.J’avais 14 ans, je quittais mes parents, les autres élèves de la classe avaient entre 1 et 4 ans de plus que moi… Je découvrais beaucoup de choses à la fois !

Les cours étaient très intéressants, tout était orienté dans la perspective de l’avenir professionnel, c’était très formateur.Je connais très bien l’hôtel. Le changement de public entre l’été et l’hiver était très frappant : l’été, il y avait un côté luxe, palace.

On avait de très bons contacts avec les profs, et moi surtout avec M. Laugier, mon maître de stage à l’hôtel Savoie-Léman, avec qui je m’étais très bien entendu. Plus tard, il me mettra le pied à l’étrier pour entrer dans le groupe Hilton à Londres, aujourd’hui nous sommes amis.

Il y a eu le cedus (concours du sucre) avec Mr Mallet et le support du pâtissier de Thonon, Mr Deville. Arrivé fi naliste à Thonon pour la région, je suis parti en fi nale Nationale à Blois. Quelle belle expérience !

On nous apprenait à la fois les bases du travail, et à ne pas être limité par ça, à savoir dépasser le cadre scolaire. L’École m’a aussi appris à ne jamais oublier le terrain, même dans des tâches de gestion.

Une chose par exemple qui m’a beaucoup marqué, c’est M. Chotard qui nous a appris à ouvrir la porte : et c’est vrai qu’il faut commencer par savoir comment accueillir la personne, la faire entrer dans l’hôtel ou le restaurant.François Cantin était un très jeune prof qui débutait : il nous enseignait la gestion, et dans le même temps il voulait découvrir le boulot de serveur afi n de comprendre ce que signifi ait gerer une equipe !

Apres le BTS, avant de commencer ma carrière, j’avais repris pour la saison d été avec Yves Laugier en gérance l’ hôtel La Renardière a St Paul en Chablais. Ensuite parti sur Londres chez Hilton puis en Roumanie et en Turquie, j’ai rejoins Marriott / Intertstate Management a Moscow en 2009.

1994-2000

On nous apprenait à la fois les bases du travail, et à ne pas être limité par ça,

à savoir dépasser le cadre scolaire.

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Philippe Pélican • Hôtelier

Rêvant de voyages j’étais convaincu que l’hôtellerie était un moyen de courir le

monde. Le choix de Thonon s’est imposé par sa réputation, mais sans idée de la spécialité que je choisirais, même si je pensais que ce ne serait pas cuisine.

La 1e année fut diffi cile à cause des brimades des plus âgés, mais cela a aussi soudé notre promotion qui a fait bloc contre ces pratiques… et les a supprimées l’année suivante.Cette première année, il y eût aussi la grève du lycée, qui fi t grand bruit dans les médias.En 2e année nous nous entraidions surtout en TP de cuisine, où il y avait toujours un élève pour rattraper la bêtise d’un autre.En 3e année je suis passé en externat. J’avais une chambre dans un hôtel ! Hors-saison il manquait de clients, donc louait à tarif réduit aux élèves de l’école. Chacun y trouvait son compte et je prenais quand même tous mes repas à l’école.Nos professeurs étaient tous de très grande qualité, très rigoureux, exigeants et c’était bien normal. Et on pouvait les solliciter à tout moment et sur toute question, ils étaient là.M. Duborgel, par exemple, très rigide au point d’être cassant, parfois : mais en fait très attentif et à l’écoute des moindres soucis personnels.M. Lacroix : qui n’aimait pas notre équipe de foot car à chacun de ses cours le lundi matin il y en avait toujours un qui s’était blessé la veille !M. Romanet, l’inénarrable « Mimile » : je

ne l’ai eu qu’un an mais c’est gravé dans ma mémoire !Et puis MM. Marquis et Triollet, Mme Baguet… de grandes fi gures avec chacune leur personnalité mais toutes le même état d’esprit, et le même esprit de corps autour de l’école.Un esprit qu’ils ont su nous transmettre à tous.

En fait de voyages, je suis allé aux Etats-Unis dès ma sortie de l’école et j’en ai vite été expulsé faute de carte verte, puis je suis allé en Afrique et en Allemagne.

En 1992 j’ai acheté un hôtel qui fonctionne à plein régime en saisons, et me laisse de grandes vacances… pour voyager.

La suite sera écrite par mon fi ls Martin, qui vient d’entrer à Thonon avec le BTS en point de mire !

1970-1973

j

Télégramme envoyé à tous les parents suite à la grève des élèves

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Paulo Pérès • Responsable Restauration chez Newrest, Le Gosier, Guadeloupe

J’ai toujours baigné dans cette ambiance : mes deux grands frères avaient un restaurant

et j’aimais faire la petite main là-bas, ça m’a inspiré ! Dès le collège j’étais sûr de mon orientation. Et comme Haut-Savoyard, Thonon était le lycée le plus proche !

Ce que j’ai aimé c’est de passer trois ans avec les mêmes personnes : ça fait des amis pour la vie. À l’internat par exemple, on était mis six par chambre au hasard, et puis après quelques jours tout le monde déménageait pour se mettre avec des amis. On avait un couvre-feu, mais on a quand même passé plusieurs nuits blanches à jouer aux cartes et discuter à la lampe de poche sous la couette. On bloquait les portes avec des bouchons pour sortir et rejoindre les amis, en particulier les fi lles qui vivaient à un autre étage.

Deux profs m’ont particulièrement marqué : M. Poletto, qui était vraiment en avance sur son époque : à l’époque on étudiait encore une cuisine assez traditionnelle, mais lui avait une façon assez différente. Et M. Barrucand, prof de restaurant, qui m’a vraiment fait découvrir cette partie et m’a permis de me réorienter plus vers la partie service que préparation. J’avais été assez impressionné entre autres parce que lui-même était gaucher, mais il nous apprenait à travailler comme un droitier. Avec lui et M. Chotard, on avait des profs qui donnaient envie. Et puis ils nous « sortaient », c’est avec eux qu’on a fait les Hospices de Beaune, un événement en soi assez impressionnant, on n’a pas souvent l’occasion d’assister à une vente de vin à la bougie, dans un pareil cadre… Ils avaient aussi organisé un échange scolaire avec l’école hôtelière de Gérone, en Espagne. Ils étaient venus chez nous, chez l’habitant, faire un service, et puis ensuite on était allés une semaine chez eux. C’était une découverte, une aventure. Et on avait enchaîné avec un stage pratique de trois jours. Donc c’était très complet et très intéressant… à tel point que j’y suis retourné l’année suivante, en tant que salarié !Je suis arrivé sans savoir vraiment ce que je voulais faire et c’est les profs qui m’ont vraiment révélé la restauration, à tel point que j’avais présenté le BEP Restauration en candidat libre.

En tout cas, les profs qu’on avait, c’était vraiment les meilleurs, triés sur le volet. Que ce soit en cuisine au restaurant, c’était des gens qui avaient de l’expérience. On avait de belles salles de cuisine, toutes neuves, magnifi ques.Après mon bac je me suis acquitté de mes obligations militaires, et puis, un peu comme tout le monde, j’ai fait quelques saisons, à droite à gauche, en Espagne, à Val-d’Isère, en Suisse,et j’ai fi ni à Troyes, dans l’Aube… J’ai été chef de rang, j’ai travaillé dans une discothèque, et puis je suis rentré dans la chaîne Accor, qui m’a envoyé sur

Strasbourg où j’ai travaillé six ou sept ans, et puis fi nalement la Guadeloupe, d’où je repars d’ailleurs bientôt ! Les voyages, la bougeotte, c’est vraiment ce qui m’a motivé pour le travail de restauration.Petit, je me disais : « S’il y a un métier qui permet de bouger et de trouver toujours du travail partout, c’est bien celui-là. »

Aujourd’hui, nous avons une brigade exactement comme à l’École, avec un chef, etc., on travaille toujours comme dans un restaurant, c’est géré de la même façon. Et ça, c’est des choses que l’École hôtelière m’a apportées. C’est la rigueur, les techniques culinaires, l’hygiène. On ne cuisine pas n’importe comment. Au niveau professionnel, c’était vraiment les bases, on m’a appris les bases.Ensuite, il reste à mettre en pratique ce qu’on a appris, tout en évoluant. C’est vrai que ce que l’École ne donne pas, c’est l’expérience : je ne pense pas que quelqu’un qui sorte de l’École puisse immédiatement gérer une équipe…

Parmi les choses qui étaient vraiment bien, il y avait aussi les week-ends qu’on passait au restaurant et à l’hôtel d’application : on sortait vraiment du cadre de l’École, et on passait partout, que ce soit en cuisine, au garde-manger, en salle, dans les chambres, comme saucier, comme sommelier… C’est quelque chose qui me plaisait beaucoup, qui n’était vraiment pas une punition, ce n’était presque pas assez fréquent ! On aurait pu m’y mettre deux fois dans le mois, je l’aurais fait avec plaisir. Ce qui était passionnant, c’était d’être déjà dans la vie active : on n’était plus à l’École, on avait des contacts avec des vrais clients, on n’était pas notés, il n’y avait pas de pression de type scolaire, c’était vraiment comme dans la vie active.

Il y a deux ans, avec tous les anciens de la terminale, on a fait une grande fête à Thonon, c’était marrant ! Ça faisait quinze ans qu’on s’était pas vus, et se retrouver là, au restaurant de l’École, avec les profs qui nous ont fait l’honneur de venir déjeuner avec nous, c’était vraiment extra…

1992-1994

Ils avaient aussi organisé un échange scolaire

avec l’école hôtelière de Gérone, en Espagne.

Ils étaient venus chez nous, chez l’habitant, faire un service, et puis ensuite on

était allés une semaine chez eux. C’était une découverte,

une aventure.

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Il ne supportait pas les gros mots : si quelqu’un

disait " oh m.... ! " en faisant tomber sa règle, le professeur corrigeait : il faut dire " Oh

mon Dieu ! Ma règle a chu ! ".

Didier Petit • Restaurateur

L’origine de ma vocation est originale : mes parents fabriquaient du linge, des nappes,

des rideaux, notamment aux hôtels. Pour honorer ses clients, le dimanche mon père nous emmenait déjeuner chez eux, où l’on pouvait admirer le travail familial, installé dans toute sa splendeur.C’est ainsi que j’ai découvert cet univers qui m’a immédiatement fasciné, et demandé à y faire des stages. J’en ai fait des années durant les vacances scolaires. On ne me ménageait pas, c’était dur, mais ça me plaisait et me confortait.Aussi, en fi n de 3e ma décision était prise de faire hôtellerie, et par la meilleure école, Thonon.

Devenir interne fut un peu diffi cile mais ma détermination était plus forte que tout. On a parfois rigolé dans le dortoir (comme la nuit où on a savonné tout le plancher) mais la plupart du temps on jouait aux cartes ou discutait. J’ai vite trouvé mon groupe de copains et l’école tout entière est devenue ma seconde famille, sans oublier les deux adorables dames du café « La Pinte » qui savaient nous remonter le moral quand ion avait un coup de blues…

L’ambiance était vraiment excellente, entre nous et avec de nombreux profs, que l’on voyait aussi en dehors quand on faisait quelques extras les week-ends. J’ai ainsi travaillé avec M. Hetzel à l’Albert 1er à Évian, et puis au Casino bien sûr, et à Morzine avec un de nos profs de cuisine.

D’anecdotes, j’en ai deux avec un professeur de réception dont hélas je ne me rappelle plus le nom. D’abord, ce monsieur avait de l’embonpoint alors le grand jeu était de mettre le bureau très près du tableau noir avant qu’il arrive, afi n qu’il soit obligé de le repousser. Et puis il ne supportait pas les gros mots : si quelqu’un disait « oh m…. ! » en faisant tomber sa règle, le professeur corrigeait : il faut dire « Oh mon Dieu ! Ma règle a chu ! ». Et cela marchait ! La fois suivante, l’élève répétait bien cette phrase…

Thonon, c’est plus qu’une École, c’est un « clan », qui laisse un état d’esprit et même une marque particulière à ceux qui y sont passés… et sont nombreux à avoir gardé le contact.

1970-1973

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...discuter en nous cachant de M. Caillat,

le conseiller d’éducation : une nuit, il nous a poursuivis

dans le labyrinthe des escaliers, sans parvenir

à nous rattraper !

Laurent Poulet • Propriétaire, chef de CuisineLa Table du Cap *

C’est le talent de ma mère aux fourneauxqui m’a donné l’envie d’étudier à Thonon

: j’ai même gardé sa recette de mousse au chocolat !

Durant ma 3e année, j’ai préparé le CAP de pâtissier-chocolatier-confi seur-glacier en plus du BTH, en candidat libre. M. Lacroix, chef des travaux, n’y croyait pas mais tous les profs m’ont donné de leur temps, et j’ai réussi ! Alors M. Lacroix m’a choisi pour l’accompagner à la réception des chefs de cuisine de chefs d’état. Cela a créé un lien que nous avons conservé.

Parmi les profs, nous avions M. Barrenqui. et sa fi lle. Lui très sévère mais attentif, et elle tout aussi compétente que jolie. M. Laugier, prof de salle, était très dur… et parfois drôle, mais quand il nous pinçait le bras et nous écrasait le pied faisions mal notre service, c’était un vrai supplice… En réalité, tous nos profs étaient très proches de nous, très investis dans leur travail, et attachés à un souci de rigueur et de discipline qui, je pense, a largement contribué à la réputation de l’École.

Rigueur et méthode, deux maîtres-mots qui sont devenus les miens. La variété des disciplines était très approfondie, sans doute plus qu’ailleurs parce que nos profs étaient tous passionnés et très disponibles. Mon seul regret concerne les langues étrangères, mais je sais que cela a beaucoup évolué depuis.

L’ambiance entre élèves était excellente aussi, sans tirage entre promotions, et avec une belle solidarité : surtout en TP où chacun aidait son voisin en diffi culté.

À l’internat on rigolait bien, les fi lles au 4e étage et nous au 3e, nous retrouvant le soir pour discuter en nous cachant de M. Caillat, le conseiller d’éducation : une nuit, il nous a poursuivis dans le labyrinthe des escaliers, sans parvenir à nous rattraper !

En sortant, le patron de La Verniaz (Évian) me fi t passer par tous les postes avec une grande confi ance. Cela m’a permis d’intéresser Pierre Gagnaire avec qui je voulais travailler pour son côté pionnier et son grand naturel.Avec tout ça, ma carrière était bien lancée !

1990-1993

d t h t

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Les premiers services en salle étaient un peu

tremblants, on nous disait : " Ne regardez pas ce que vous avez

à la main, regardez la salle ! "

Franck Pruvost • Directeur général France, Hôtel F1 et Étap Hôtel

J’ai eu très tôt une vocation de chef de cuisine. J’ai entendu parler de l’École hôtelière de

Thonon par le bouche à oreille. Les parents d’un copain, restaurateurs, nous ont emmenés, lui et moi : j’ai été pris, mais lui non… J’ai fait un BTH et un CAP. Au fur et à mesure, c’est plutôt la gestion que la cuisine qui me motivait.

À mon arrivée, j’ai eu un choc. J’étais jeune, je rentrais au pensionnat, c’était la première fois que je partais tout seul, je ne rentrais chez moi que tous les trois mois… Mais d’une certaine façon, j’étais bien loti : la cantine était excessivement bonne ! Et j’ai découvert parmi les pensionnaires de long séjour, avec qui je vivais 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, des gens venant d’horizons très différents. On faisait souvent des extras, on sortait, au bar Excelsior, parfois au Macumba…

On fi nissait les cours le samedi à midi, on fi lait sur un mariage, on passait la nuit en boîte, puis la journée à bosser à Yvoire, et on se faisait une fondue en rentrant au lycée le dimanche soir ! En hiver, on faisait des sorties de ski le mercredi après-midi, à Morzine où à Chapelle d’Abondance… Et l’été au contraire on descendait se baigner au lac !Mme Joubert, professeur de réception, nous faisait travailler de longues heures comme main courantiers : à la main courante ! En fi n de journée, il fallait dresser les totaux horizontaux et verticaux pour calculer le CA. Comme on était doublés par une machine (mécanique), il fallait être exact et coïncider avec elle : on pouvait faire des heures de vérifi cation, pour 20 centimes qui manquaient !

Quand on était en service au restaurant, un prof était à la porte des cuisines : chaque fois qu’on la passait les mains vides, il nous enlevait un point sur notre note : il fallait s’organiser !

Des profs comme M. Lacroix, M. Hetzel, M. Bosredon, etc., étaient à la fois professionnels et avaient le goût du métier, la passion. Ils donnaient l’exemple de l’engagement et de ce que c’est que ce métier. À notre époque, l’École fonctionnait toute l’année, y compris les week-ends et l’été, où on pouvait faire des stages en juillet et août. Évidemment, les profs étaient donc aussi astreints que nous… Ils étaient des hôteliers-restaurateurs pédagogues plutôt que des profs !

Pour les Hospices de Beaune, ils nous accompagnaient tout le week-end. On exécutait presque un ballet : on entrait tous les uns derrière les autres, face à la table d’honneur, par ordre de taille, puis on se divisait pour se répartir les tables. Comme j’étais le plus grand, j’étais à la table d’honneur. Il fallait représenter l’École dans ce cadre magnifi que, auprès d’invités prestigieux, avec un service exceptionnel. Et en même temps c’était sympa, le voyage aller-retour, l’hébergement : c’était le boulot, la concentration, mais aussi la proximité, les élèves présents non-stop à l’École en retiraient une plus grande complicité.

J’ai aussi participé au concours Moët Hennessy. D’abord au niveau régional, puis j’ai représenté la région à la fi nale nationale, à Cognac. Un prof de l’École m’a accompagné spécialement, un week-end entier ! On était interrogés sur notre connaissance théorique du cognac, puis sur la pratique : des cocktails, des recettes au cognac… Nous avons été reçus royalement, et ce fut l’occasion de beaucoup de rencontres.

Je savais ce que je voulais en arrivant, et j’ai été confi rmé dans ma passion. L’École m’a permis de faire ce que je voulais. Mais c’était aussi une école de vie. Par exemple, ce dont j’étais certain, c’est que je voulais voyager : et on peut dire que ça n’a pas manqué dans ma carrière : les États-Unis, le Portugal, le Brésil !

1979-1982

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Pierre Rostain • Restaurateur

Né en 1919, je ne suis guère loin du centenaire, moi aussi ! Mon ancienneté

m’a valu de connaître les locaux d’origine de l’école, alors simple département d’une dizaine d’élèves au lycée local (devenu Jean-Jacques Rousseau). C’est à ma troisième année que nous avons inauguré le bâtiment actuel, bâti sur le terrain d’une prison désaffectée.

Nos professeurs étaient exceptionnels : Armand Antonietti, maître d’hôtel de grande classe ; le chef Perret, le directeur Peguet... Et tous complétaient leurs cours en nous donnant la possibilité de servir à des banquets. Le plus extraordinaire fut organisé par la loge franc-maçonnique de Thonon et Genève, présidé par Maxime Litvinov, haut-commissaire représentant Staline à la SDN ! Mais rien ne fi ltrait de leurs discussions : dès que nous avions fait le tour des tables, nous devions sortir et les portes étaient verrouillées.

Quant aux camarades de l’école, nous sommes restés un bon groupe, nous organisant un voyage par an : plus de 50 depuis la guerre… !

Sorti en 1936 avec un diplôme que j’ai complété par deux ans à l’école supérieure de commerce à Clermont-Ferrand, j’ai effectué quelques stages dans des palaces pour aboutir au Savoy à Londres ! J’y ai servi Sir Winston Churchill et bien d’autres personnalités de tous les domaines dans leurs salons particuliers. L’Aga Khan par exemple était un grand gourmet très exigeant mais aussi humain et généreux. Et au Savoy, tous les soirs après le service nous avions ce rituel à 1h du matin : chacun se mettait au garde-à-vous et chantait « God Save the King ».

En 1939 j’ai du rentrer par ordre de mobilisation mais, réformé, j’ai passé la guerre comme chauffeur pour mon père, commerçant en vins et céréales.

Puis en 1945 j’ai épousé la fi lle d’un hôtelier de Carré-les-Tombes et suis ainsi revenu à ma vocation initiale. Je me suis longtemps occupé du restaurant tandis que ma belle-mère faisait la cuisine, et j’ai pris sa suite quand elle a disparu.

Puis à 75 ans, j’ai arrêté et vendu. Mais l’Hôtel du Nord et de la Poste existe toujours.

1934-1936

J’y ai servi Sir Winston Churchill et bien d’autres

personnalités ...

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Frédéric Sarassat • Multiples postes en hôtellerie genevoise

Étant jeune, je souhaitais être journaliste, et je ne sais plus pour quel motif le conseiller

d’orientation m’a forcément déconseillé cette voie. Il m’a recommandé d’examiner de plus près celle de l’hôtellerie puisque mes parents avaient des amis dans cette partie. J’y ai fait quelques visites de « découverte » et cela m’a plu.

Mon intégration à Thonon se fi t sans douleur car j’y étais externe, mes parents ayant choisi de profi ter de l’occasion pour investir : ils avaient acheté un petit appartement en ville, et je logeais là en attendant que, plus tard, ils le louent à d’autres étudiants. J’étais donc très libre ; il n’en demeure pas moins que je partageais volontiers la vie de l’école, qui était assez « machiste » (dans ma promo nous étions 22 ou 24 garçons pour seulement 4 fi lles !).

J’y conserve de grands souvenirs sur des sujets très variés : M. Cassani, chef de cuisine d’une ponctualité redoutable, fort en gueule et ne laissant passer la moindre erreur. La machine à pain dans laquelle l’un des élèves y avait laissé quelques doigts, le bar Excelsior qui nous faisait de la petite restauration, et le Café des Amis juste en face ; et puis La Pinte, bien sûr, en quelque sorte véritable « siège » des étudiants de l’école. Nous allions aussi assez souvent sur le Major Davel, un bateau qui ne navigue plus.

Tout au long de nos années j’ai le souvenir de professeurs très investis et très attachants, qui faisaient tout pour que l’on soit à l’aise et travaille dans une franche camaraderie, avec du soutien mutuel. Je n’ai pas à en citer en particulier car c’était un état d’esprit, et certainement, ce qui faisait la réussite de Thonon, sa notoriété partout en France et même bien au delà de nos frontières.

En sortant, j’ai privilégié le monde de la nuit en travaillant comme serveur ou barman dans de multiples établissements. Puis je suis revenu sur le cadre hôtelier, plus vaste et plus riche dans ses multiples disciplines et tâches à couvrir. J’ai même fait de l’événementiel et me suis occupé du Baroque Genève.

Depuis 2007, je suis conseiller pour la société HotelPro, une agence de placement de personnel hôtelier : sans aucun doute la variété de mes activités me permet de savoir recommander les meilleures places aux uns et aux autres ; sans aucune doute non plus,

Thonon fut la base essentielle de ma vie professionnelle.

1979-1982

La machine à pain danslaquelle l’un des élèves

y avait laissé quelques doigts, le bar Excelsior qui nous faisait

de la petite restauration, et le Café des Amis

juste en face...

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Jean-François Sautereau • Management, Président du Directoire de Buffalo Grill

C’est parce que mes grands-parents et parents étaient éleveurs-bouchers-

charcutiers (dans le Loir-et-Cher) que je me suis intéressé aux métiers de bouche. Mais je ne voulais pas être sédentaire dans une boutique, et me suis dit que l’hôtellerie me ferait voyager.

Ayant déjà été interne en 4e et 3e à Blois, je n’ai pas eu de souci à m’intégrer à l’internat de Thonon, à part l’éloignement et les vacances rares. Cela nous mettait un peu le blues et l’infi rmière nous était d’un grand secours : on venait pour un soi-disant bobo mais son esprit très maternel n’était pas dupe et elle avait tôt fait de nous remettre en selle.

L’ambiance fut différente selon les années et les affi nités, et il y avait les à-côtés : les extras que l’on pouvait faire ici et là – surtout au Casino d’Évian – et en 3e année notre petit rôle de pion pour lequel l’école nous rémunérait. C’était important, cet argent de poche glané ici et là, ça nous permettait de sortir, de nous retrouver à La Pinte qui était le véritable QG des élèves de l’École. Il faut dire qu’on était assez repérables… et adorés par la patronne.

Côté profs aussi je n’ai que de bons souvenirs, de petits « trucs » aussi, comme M. Triollet qui insistait pour qu’on mette du molleton sous les nappes du restaurant alors que d’autres nous disaient l’inverse. Et le couple Barthas, tous deux très sympas, et MM. Lacroix et Chapuis qui ont monté la première classe de BTS cuisine et ainsi énormément apporté à l’avenir de l’école.

La troisième année j’ai pris une chambre en ville, mais cela n’a pas changé ma relation avec l’école et les autres. Car vraiment l’esprit était soudé et très familial. Le cadre (les montagnes, le lac, la ville à taille humaine) ont beaucoup facilité notre équilibre et notre bien-être, donc notre réussite.

Mais pour avoir ensuite travaillé et recruté dans plusieurs établissements et grands groupes (Accor, Sodexo, Alliance… et à présent Buffalo Grill), je peux garantir que les élèves de Thonon ont un état d’esprit de rigueur et de respect des autres qui est tout à fait particulier.

1970-1975

Côté profs aussi je n’ai que de bons souvenirs,

de petits " trucs " aussi, comme M. Triollet qui

insistait pour qu’on mette du molleton sous les nappes

du restaurant ...

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François Selschotter • Cuisinier en R&D chez Marie - groupe LDC.

Le premier souvenir qui remonte à la surface c’était l’ambiance générale, à la

fois à l’intérieur de l’École et dans ma promo. On avait vraiment une très bonne ambiance, une très bonne entente :on était soudés, et c’est vrai que ce n’est pas le cas dans toutes les écoles. J’ai gardé des liens avec un certain nombre de mes camarades de promo.C’est depuis tout petit que j’ai eu envie de faire la cuisine, et je n’ai jamais eu envie de faire autre chose. Pourtant, il n’y avait pas du tout de tradition d’hôtellerie-restauration dans ma famille… Mais pour moi c’était tout vu. Mes parents habitaient dans l’Yonne, et quitte à devoir quitter ma région, j’étais content d’être admis dans l’École la plus réputée…C’est surtout la cuisine qui m’a attiré, non pas que le restaurant ne m’intéresse pas, mais c’est vraiment la cuisine qui me motivait. L’École m’a confi rmé que je voulais faire ça, et ce goût n’a pas varié jusqu’à aujourd’hui !

Avec les enseignants, l’ambiance était aussi très agréable, très sympathique. Par exemple, les professeurs venaient souvent aux sorties de la promo, et ça entretenait de bonnes relations et une bonne entente avec les professeurs — sans être non plus des relations de copinage, ça restait quand même des relations professeurs-élèves.

Pour ma part, je n’ai pas pu participer aux Hospices de Beaune, parce que j’étais de garde à l’hôtel d’application ! C’est vrai que c’est un peu un regret, mais bon, d’une certaine façon, c’était aussi l’apprentissage des exigences du métier de la restauration ! Et puis j’ai participé à d’autres choses, par exemple aux portes ouvertes de La Mère Gaud, une importante entreprise locale de produits à base de canard : tous les ans, ils faisaient des portes ouvertes, et nous étions recrutés pour organiser des repas assez importants, 700 à 800 couverts… Nous avions un groupe en salle, un en cuisine, et un groupe pelouses et nettoyage ! Ça durait du vendredi soir jusqu’au dimanche midi, on tournait donc aux différents postes, c’était assez intense : on était vraiment dans le bain !

Et ce qui est sympa dans ce genre d’événement, c’est qu’à la fois c’est un peu « le nez dans le guidon » pendant trois jours, et en même temps on est avec les amis, les camarades de promo, et on se paye des bonnes rigolades.

Dans un autre genre, on est aussi allés une fois faire un grand voyage économique à Disneyland Paris ! On était là en binômes ou trinômes, pour interroger les employés sur des sujets économiques en lien avec la gestion du site, dans l’objectif de réaliser un exposé…

Pendant l’année, on était aussi chargés par groupes de réaliser des soirées à thème, ouvertes au public, à peu près une fois par mois, et là, il fallait tout monter : à la fois le menu, le service, et l’animation de la soirée. Avec mon groupe par exemple, on avait organisé une petite loterie, ce qui avait impliqué de démarcher un peu tous les commerçants de Thonon, de façon à offrir des petits lots aux gagnants de la loterie, des bons de réduction, des choses comme ça.On avait choisi le thème du Périgord. Mais en préparant notre soirée, je ne sais pas comment on s’est débrouillés, on avait bien prévu des amuse-bouche, mais complètement oublié l’apéritif ! Heureusement, le prof s’en était aperçu et avait tout préparé dans notre dos… Et quand on s’en est aperçu à la dernière minute, et qu’on a vraiment commencé à paniquer, il nous a sauvé la mise. Ça nous a servi de leçon ! On a plus appris par ce bon coup de stress à la dernière minute que s’il nous l’avait dit avant…Ce qui me reste de Thonon, c’est avant tout les connaissances de base. On avait une formation de qualité : par rapport à d’autres gens du métier qui ont pu faire d’autres établissements, je vois bien la différence de formation. On ressortait de l’école avec vraiment un très bon niveau.

2001-2003

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Frédéric Simon • 15 ans de service en salle puisProfesseur de restaurant et sommellerie à Guebwiller en Alsace

Originaire de Roanne, je suis entré à Thonon-les-Bains en 1980 pour faire de

la cuisine et de la pâtisserie. Ma grand-mère maternelle tenait autrefois un bar casse-croûte et j’adorais cette ambiance commerçante. Mon grand-père paternel avait une vigne et faisait son vin. Tout se déroulait dans une ambiance festive et pour notre famille, le vin c’est la fête. J’avais envie de concilier ces métiers et apprendre à réaliser des desserts car tous les dimanches, à la maison, nous mettions la main à pâte pour élaborer quelques bons desserts avec le livre de pâtisserie de notre maman.

Je suis rentré dans ce métier sans vraiment le connaître mais dès le début de l’internat, j’ai rencontré des camarades qui sont devenus des amis pour la vie. Trois ans passés ensemble à partager notre temps entre les cours, les soirées tardives à l’internat et des sorties durant les week-ends. Gilles Blandin, Pascal Brunelli, Thierry Kempf, Philippe Musset et Gilles Cretallaz, les amis de BTH avec qui j’ai partagé la chambrée de l’internat. Que de bons souvenirs à déguster le soir du pain, du saucisson et quelques boissons revigorantes entre deux parties de cartes.De mes trois années de formation au lycée hôtelier, je garderai en souvenir la passion de mes professeurs pour le travail bien fait, la précision en Cuisine comme en Restaurant.Monsieur Forneris, mon premier professeur de restaurant exigeant et juste. C’est à lui que je dois ma passion du métier. Il a su m’inculquer la rigueur et l’envie de me dépasser dans le service. Un souvenir avec Messieurs Marquis et Hetzel qui un jour lors du service du restaurant m’ont demandé d’ouvrir une bouteille de vin effervescent qui avait été bien secoué avec de la glace et du gros sel dans le seau. Ce qui avait provoqué un grand bruit dans la salle de restaurant lors de l’ouverture mais aussi un puissant jet que j’avais pris en plein visage. Une pensée aussi à Gérard Haas que j’ai eu comme professeur et qui débutait sa carrière.Je me souviens aussi des professeurs de cuisine, durs et sévères et qui ne nous laissaient rien passer notamment Messieurs Chapuis et Cassani.

Ces deux costauds nous faisaient peur avec leur grosse voix et leur air un peu bourru ! Un souvenir marquant avec mes professeurs et les camarades : la vente des vins à Beaune avec le service dans les Hospices dont l’invité d’honneur était Peter Ustinov, restera un moment inoubliable… Les grands crus servis lors du repas de gala me fascinaient déjà !!!Ce sont pour moi, trois années charnières de ma vie. Grâce à ces professeurs, j’ai grandi et appris les bases des métiers de la restauration.Après mon BTH, je suis parti à Blois pour préparer un BTS option B. Puis après une année de service militaire en Allemagne, je suis embauché chez les Frères Troisgros à ROANNE en salle. Je travaille ensuite à Coppet dans un relais et Châteaux en Suisse au bord du Lac Léman.

En 1989, je m’installe proche de Colmar en Alsace pour prendre le poste de directeur de restaurant pendant 10 ans d’un établissement hôtelier. La vie de famille devenant un peu diffi cile, je change de cap et je rentre à l’école hôtelière de Guebwiller en 1999 comme contractuel au CFA. En 2000, je décroche le concours de PLP service et commercialisation et plus tard je suis titularisé sur mon poste au CFA Storck de Guebwiller.J’ai la chance d’enseigner à des apprentis CAP, BAC PRO, BTS, Mention Sommellerie et de leur transmettre ma passion du métier et des vins en formant des apprentis aux métiers de Service et Sommellerie.

1980-1983

Ma devise que je dois à l’ensemble de mes professeurs

et que je transmets aujourd’hui à mes apprentis pour leur faire

aimer les métiers de la salle "Partage, Passion, Plaisir..."

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Brigitte Szucs, Épouse Gouzou • Gestion de société, TV Retail

L’hôtellerie, ça m’est venu en 3e. J’ai fait une semaine de stage, pour voir. Je n’étais

pas payée, je dormais sur le sol des toilettes — très propres : c’est moi qui les nettoyais ! Mais j’ai été séduite.

Du coup, je me suis dirigée vers le BEP de l’École de Thonon, en salle, puis en cuisine. Et ça m’a fait du bien au moral ! La formation était béton, les professeurs nous enseignaient la réalité des choses. C’était dur mais, une fois sorti, on n’est jamais perdu.

Avec les profs, on avait une vraie complicité. Ils nous appelaient par nos prénoms… Mais monsieur Masgonty était incapable de les retenir et il appelait toutes les fi lles « Caroline » !Monsieur Chotard, prof d’œnologie, né à la Saint-Parfait, disait toujours qu’il était parfait ! Pour son anniversaire, on lui a offert une bouteille de piquette… Mais il nous l’a fait déguster !Le prof de gym était impliqué à fond, toujours à organiser des choses, des activités, des sports collectifs, les photos de classe, les voyages de promo…

L’École nous envoyait aussi sur des événements : aux Hospices de Beaune chaque année, un service toujours à quatre épingles… Et puis aux J.O. de Barcelone ! C’était très intense, 8 à 9h de service par jour, à très grande échelle, et nous dormions à huit sous les tentes…

Et puis cette École, c’était prestigieux ! Dans Thonon, on nous surnommait « les costards », parce qu’on était toujours bien habillés. Ça nous rapprochait, ça et des choses que les autres lycéens ne pouvaient pas comprendre : se lever à 6h pour vider les poulets et les poissons, par exemple...

L’ambiance était très bonne, agrémentée de petits bizutages rigolos, comme faire le tour de la cour enneigée en tenue de service !

D’ailleurs on avait monté un journal lycéen qui s’appelait l’Écho des Costards. Entre ça, les cours, et la préparation de la Soirée de Promo, on n’avait pas le temps de chômer !

L’École a renforcé mon goût d’être très impliquée, très organisée... Les choses ont fait que je me suis éloignée de l’hôtellerie, mais la passion est toujours là !

1987-1992

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Gaëtan Tiret • Co-directeur général " La Croix de Savoie ", Bioclimatique Hôtel & Restaurant gastronomique, Les Carroz (France)

Ce n’est pas un lycée comme les autres : quand on y rentre, tout le monde vous dit

bonjour ; notre proviseur était tous les matins à la porte et saluait chaque étudiant.

La première rentrée était stressante ; la cravate, la chemise, le costume… C’était brouillon ! Au début, on se rebelle, on ne met pas sa chemise dans son pantalon… Et après quelque temps c’était à celui qui aurait le plus beau costume !

C’est une grande famille. On travaillait main dans la main avec les profs sur des projets comme le bal masqué : ils nous laissaient faire et rectifi aient juste ici et là ; après l’événement, nous avons transmis notre expérience à la génération suivante, qui en a sans doute bénéfi cié puisque leur bal a mieux marché !

J’aimais beaucoup les heures passées à la connaissance des produits, et le club œnologie : c’était le soir, plus tranquille que les cours, un moment de partage où le prof n’était plus un prof.Avec les étudiants, c’était des amitiés fortes, encore vives aujourd’hui. Je me rappelle un jour où on m’a demandé de l’aide en gestion le matin même de l’examen ! Les journées pouvaient aussi se prolonger assez tard le soir…

Après la dernière épreuve de BTS, on a eu du mal à partir chacun de notre côté. Même le prof était nostalgique, nous disait de revenir. D’ailleurs j’y retourne régulièrement, je travaille avec eux sur divers projets.

Dès l’école primaire, j’avais le projet de racheter un restaurant, d’avoir ma structure. Je pensais surtout à la cuisine… À l’École, j’ai découvert la foi qu’il fallait, et ça m’intéressait moins que la gestion et le management. Mais cet apprentissage des bases de la cuisine est précieux : ça permet de comprendre les nécessités pratiques de la cuisine quand on réfl échit au management d’une structure, ça donne une légitimité pour parler avec le client ou en cuisine.

Pour moi l’École faisait partie du parcours professionnel ! C’était une expérience, un moment unique.

2004-2009

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Thomas Vivant • Professeur certifié, Lycée hôtelier de Chamalières

Comment je suis venu à l’hôtellerie restauration ? Tout simplement par la

gourmandise : j’aimais bien faire la popote à la maison ! Pendant toutes les petites vacances entre la 5e et la 3e j’ai bossé dans des restos, entre autres chez un ancien de Thonon, Pierre Michaud… À Thonon j’ai fait un BTH de restauration en 91, puis un BTH d’hôtellerie en 92 : j’ai subi une hospitalisation en fi n de 1e, et j’ai dû redoubler ma terminale avant de commencer le BTS.J’ai été interne jusqu’au BTH de 91. L’internat, ça a été de mieux en mieux, à tel point que le départ a été diffi cile ! Les fi lles avaient un étage, tout en haut, et les garçons trois. En 1e année on était juste en dessous des fi lles, mais plus on grandissait, plus on descendait !En fait, en terminale, nous n’occupions plus qu’un demi étage, parce qu’une bonne partie d’entre nous, majeurs, avaient dû s’en aller. On était plus à l’aise ; on avait aménagé une petite cuisine, avec un réchaud, une radio, une télé… et on se faisait nos petits gueuletons ! On a passé comme ça des nuits blanches : à la chute du mur de Berlin, lors de l’invasion de l’Irak pendant la guerre du Golfe…Plus tard j’ai pris une chambre chez l’habitant, puis un appartement. C’était plus festif ! Ça permettait de tisser des liens dans Thonon hors du lycée. J’ai aussi eu des jobs d’été sur place, des extras en Suisse : on partait le soir, après les cours, sur Genève, Montreux… Il fallait se débrouiller pour être à l’heure en cours le matin, et nous n’avions pas forcément le temps de nous changer !

M. Tordjmann, prof de français, avait monté avec nous une petite troupe de théâtre, et on a fait une mini tournée dans les établissements scolaires de la région, puis participé au festival de théâtre lycéen à Thonon : c’était un projet assez intense !Évidemment, parmi les profs, il y a des fi gures : Pierre Marquis, Pierre Barrucand, Pierre Hetzel (les trois Pierre !), ou encore Antoine Kachrou, le seul prof de sport, qui avait donc toutes les classes tous les ans ! Il dynamisait beaucoup la vie extrascolaire, organisait par exemple des sorties de patinoire à Genève…Le TP extérieur aux Hospices de Beaune était

exceptionnel. J’ai le sentiment aujourd’hui de n’en avoir pas profi té pleinement, de ne pas m’être vraiment imprégné de ce qui se passait, faute d’avoir su prendre la mesure de l’événement. C’était trois ou quatre jours intenses, marquants par ce qu’il y avait à faire, par ce qu’on y a vu, et aussi par la java qu’on y a faite ! Les relations avec les profs s’en sont trouvées changées.À Lyon, en 88, on a aussi servi au lancement de la Citroën XN. Toute l’École était déplacée à Lyon, avec d’autres écoles, car il y avait 13 000 couverts ! C’était imposant ; j’ai gardé les documents d’organisation et je m’en inspire encore aujourd’hui lorsque j’ai de grands événements à organiser…Je me souviens aussi d’avoir servi au congrès des maires de Haute-Savoie à Thonon : l’alcool avait coulé à fl ots, pour les participants comme pour les élèves !

Mon passage à Thonon pour moi, c’est de bons souvenirs qui marquent mon passage à l’âge adulte. J’y ai appris un métier, j’en suis ressorti armé pour la vie. D’ailleurs, si aujourd’hui j’enseigne, c’est aussi pour cela. À la fi n du BTS, avec quelques camarades, on s’était dit que ce serait pas mal : on avait pris l’envie de transmettre. Et encore aujourd’hui, je dois sans doute reprendre, inconsciemment, certaines pratiques pédagogiques dont j’ai éprouvé l’effi cacité lorsque j’étais moi-même étudiant à l’École…

1988-1994

Et pour un gala du conseil régional de Lyon,

à Charbonnières, nous avions fait non seulement le service, mais aussi la production : c’était terrible, le

camion frigo est tombé en panne, et arrivé avec 3h de retard ! Il n’y avait pas de cuisine

sur place, on a dû tout cuisiner sur un camping gaz...

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