livre et lire - n°263 - juin 2011

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Quelle place pour l’auteur ? Fichue bonne question, qui mérite une fichue bonne réponse. Plurielle. L’auteur, je le vois… a) jamais très loin d’une cafetière. b) dans une boutique Corep. La scoliose penchée sur la photocopieuse (pas du tout comme une secrétaire lascive). La même position que quinze années plus tôt, lorsqu’il reproduisait en x exem- plaires son premier manuscrit. c) dans une salle des profs (énième ate- lier d’écriture à animer dans un bahut), lieu emblématique, pas forcément glauque mais où la non-beauté atteint sa forme d’expres- sion la plus achevée (des chaises aux clas- seurs). Où trône aussi une photocopieuse, celle-là même que l’auteur, selon toute logique, finira par épouser. Quelle place pour l’auteur ? Pas n’importe où. Le lieu compte, le microclimat joue en sa faveur ou en sa défaveur (on s’est beaucoup moqué de Nietzsche et de ses écrits météo- rologiques sur le sujet, on a eu tort). Après, on peut bien parler d’épreuves nécessaires, histoire de voir ce qui résiste à l’inconfort. On peut… On ne connaît pas toujours la place de l’auteur, mais on sait où il habite. Les huissiers finis- sent toujours par le trouver. Ce n’est pas le plus important. Quand bien même aurait-on réussi à cartogra- phier l’écriture et ses différents territoires, l’au- teur ne risquerait pas d’y trouver sa place mar- quée d’un gros point rouge « VOUS ÊTES ICI ». Quelle place pour l’auteur ? Question risible ou à pleurer ? À creuser, en tout cas… à la faveur d’une dispute avec un ami intermit- tent au sujet du fameux « statut », d’une cuite avec un libraire au dos précocement fragilisé, d’une amende à régler auprès d’une biblio- thécaire puisque « non, Monsieur, quand on emprunte un livre de la Pléiade, ce n’est pas pour le lire dans son bain et le faire tomber dans l’eau ». La place de l’auteur, dans tout cela ? La mienne ? Au sein d’une chaîne, indiscutable- ment. Celle du livre, à l’intérieur de laquelle on ne sait parfois plus, de l’éditeur, du libraire ou de l’auteur, qui est le boulet de qui. Frédérick Houdaer n°263 - juin 2011 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ Dedans / Dehors… Outil d’information et d’accompagnement pour la culture en milieu pénitentiaire dans la région Rhône-Alpes, la lettre d’information Dedans / Dehors est conçue par l’Arald à l’initiative de la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) et de la Drac Rhône-Alpes. Le numéro 4 de cette lettre bimestrielle est à paraître en juin, avec notamment un gros plan « Musique en pri- son », mais aussi de la danse, du théâtre, et des actions autour du livre. Abonnement ou téléchargement sur www.arald.org, rubrique “milieu pénitentiaire“. > www.arald.org les écrivains à leur place p.6/prix des lycéens Lauréats et fin du feuilleton Jean-Pierre Spilmont et Maximilien Le Roy sont les lauréats du troisième Prix littéraire des lycéens et apprentis rhônalpins remis le 19 mai à l’Espace Malraux à Chambéry. Fin (provisoire) de l’histoire à la Cité scolaire Élie Vignal de Caluire. p.7/bande dessinée Tian : retour à Phnom Pehn Une famille cambodgienne dans la tourmente des Khmers rouges : un roman graphique et autobiographique. p.11/poésie Poèmes au quotidien Joël Bastard, Michel Thion, L’Arpenteur, Arpentages & C ie Parutions et recueils. Bibliothèque et numérique Une journée d’information, intitulée « Le numérique, une nouvelle dimension pour les bibliothèques », est organisée le 17 juin par l’Arald en parte- nariat avec les Médiathèques des Pays de Romans, Médiat Rhône- Alpes et la Drac Rhône-Alpes. Cette journée d’information, qui se déroulera à la Bibliothèque municipale de Lyon Part-Dieu, a pour objectif de permettre aux bibliothécaires de mieux com- prendre et appréhender les enjeux du numérique et l’usage que les bibliothèques peuvent en faire. Elle apportera des pistes de réflexion et un éclairage concret en présen- tant des actions et des projets menés par des bibliothèques. Programme sur www.arald.org rendez-vous ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Écriture / Peinture Avec « Réalités flottantes, objets surnaturels », le poète Jean-Pierre Chambon s’est associé au peintre Marc Negri pour une exposition entre mots et couleurs, organisée à la bibliothèque Centre-Ville de Grenoble. Trois livres d’artiste et une sculpture présentent les jeux de variations de mots et de formes de l’auteur et du plasticien autour d’objets du quotidien. Du 26 mai au 30 juillet - www.bm-grenoble.fr 1994-2011 Après dix-sept ans de très bons et très loyaux services, Claude Burgelin, président de l’Arald, a décidé de passer la main (lire l’entretien p. 2-3). Si Livre & Lire est ce qu’il est aujour- d’hui, c’est beaucoup grâce à lui, qui a toujours redouté l’esprit borné du bulletin paroissial, menace persistante pour un journal tel que celui-ci. Tous ceux de l’Arald le remercient cha- leureusement et le saluent bien bas. La suite en septembre…L. B. © Marc Negri

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L'Arald publie chaque début de mois "livre&lire", journal d'information sur la vie du livre en Rhône Alpes. Ce mensuel de douze pages est un supplément aux revues professionnelles Livres-hebdo et Livres de France publiées par le Cercle de la Librairie

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Quelle placepour l’auteur ?Fichue bonne question, qui mérite unefichue bonne réponse. Plurielle.L’auteur, je le vois…a) jamais très loin d’une cafetière.b) dans une boutique Corep. La scoliosepenchée sur la photocopieuse (pas dutout comme une secrétaire lascive).La même position que quinze annéesplus tôt, lorsqu’il reproduisait en x exem-plaires son premier manuscrit.c) dans une salle des profs (énième ate-

lier d’écriture à animer dans un bahut), lieuemblématique, pas forcément glauque maisoù la non-beauté atteint sa forme d’expres-sion la plus achevée (des chaises aux clas-seurs). Où trône aussi une photocopieuse,celle-là même que l’auteur, selon toutelogique, finira par épouser.Quelle place pour l’auteur ? Pas n’importe où.Le lieu compte, le microclimat joue en safaveur ou en sa défaveur (on s’est beaucoupmoqué de Nietzsche et de ses écrits météo-rologiques sur le sujet, on a eu tort).Après, on peut bien parler d’épreuvesnécessaires, histoire de voir ce qui résisteà l’inconfort. On peut…On ne connaît pas toujours la place de l’auteur,mais on sait où il habite. Les huissiers finis-sent toujours par le trouver.Ce n’est pas le plus important.Quand bien même aurait-on réussi à cartogra-phier l’écriture et ses différents territoires, l’au-teur ne risquerait pas d’y trouver sa place mar-quée d’un gros point rouge « VOUS ÊTES ICI ».Quelle place pour l’auteur ? Question risibleou à pleurer ? À creuser, en tout cas… à lafaveur d’une dispute avec un ami intermit-tent au sujet du fameux « statut », d’une cuiteavec un libraire au dos précocement fragilisé,d’une amende à régler auprès d’une biblio-thécaire puisque « non, Monsieur, quand onemprunte un livre de la Pléiade, ce n’est paspour le lire dans son bain et le faire tomberdans l’eau ».La place de l’auteur, dans tout cela ? Lamienne ? Au sein d’une chaîne, indiscutable-ment. Celle du livre, à l’intérieur de laquelleon ne sait parfois plus, de l’éditeur, du libraireou de l’auteur, qui est le boulet de qui.

Frédérick Houdaer

n°263 - juin 2011le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + +Dedans / Dehors… Outil d’informationet d’accompagnement pour la cultureen milieu pénitentiaire dans la régionRhône-Alpes, la lettre d’informationDedans / Dehors est conçue par l’Arald àl’initiative de la Direction interrégionale desservices pénitentiaires (DISP) et de la DracRhône-Alpes. Le numéro 4 de cette lettrebimestrielle est à paraître en juin, avecnotamment un gros plan « Musique en pri-son », mais aussi de la danse, du théâtre, etdes actions autour du livre. Abonnementou téléchargement sur www.arald.org,rubrique “milieu pénitentiaire“.

> www.arald.org

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p.6/prix desl ycéensLauréats et fin du feuilletonJean-Pierre Spilmont etMaximilien Le Roy sont les lauréats du troisième Prix littéraire des lycéens etapprentis rhônalpins remis le 19 mai à l’Espace Malrauxà Chambéry. Fin (provisoire)de l’histoire à la Cité scolaireÉlie Vignal de Caluire.

p.7/bande dessinéeTian : retour à Phnom PehnUne famille cambodgienne dansla tourmente des Khmers rouges : un roman graphique et

autobiographique.

p.11/poésie Poèmes au quotidien

Joël Bastard, MichelThion, L’Arpenteur,Arpentages & Cie…Parutions et recueils.

Bibliothèque etnumérique �Une journée d’information,intitulée « Le numérique, unenouvelle dimension pour lesbibliothèques », est organiséele 17 juin par l’Arald en parte-

nariat avec les Médiathèques desPays de Romans, Médiat Rhône-Alpes et la Drac Rhône-Alpes.Cette journée d’information, qui

se déroulera à la Bibliothèquemunicipale de Lyon Part-Dieu, apour objectif de permettre auxbibliothécaires de mieux com-prendre et appréhender les enjeuxdu numérique et l’usage que lesbibliothèques peuvent en faire. Elleapportera des pistes de réflexionet un éclairage concret en présen-tant des actions et des projetsmenés par des bibliothèques.Programme sur www.arald.org

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1994-2011Après dix-sept ans de très bons ettrès loyaux services, Claude Burgelin,président de l’Arald, a décidé de passer la main (lire l’entretien p. 2-3).Si Livre & Lire est ce qu’il est aujour-d’hui, c’est beaucoup grâce à lui, quia toujours redouté l’esprit borné dubulletin paroissial, menace persistantepour un journal tel que celui-ci. Tousceux de l’Arald le remercient cha-leureusement et le saluent bien bas.La suite en septembre…L. B.

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Votre présidence de l’Arald, depuis 1994,se confond avec l’existence même decette structure. Comment êtes-vousdevenu président ?Le premier président de l’Arald, née en 1993de la fusion entre l’Oral et l’Acord, a étéJacques Oudot. Mais, à cette époque, leConseil régional a souhaité que la présidencede ce type d’association ne soit plus exercéepar des politiques. On a donc cherché un

« laïc » – et je connaissais en effet le monde du livrecomme auteur et comme éditeur, puisque j’avais été unbref temps directeur des Presses universitaires de Lyon.

Quel était pour vous l’intérêt de cette mission ?C’est arrivé à un bon moment dans ma vie. J’avaisété jusque-là très investi dans mon métier d’univer-sitaire auquel je m’étais sans doute trop identifié. Laprésidence de l’Arald m’a permis de faire un pas decôté : une bonne part de mes activités ne relevait plusdésormais de l’Éducation nationale, mais de la Culture,au sens institutionnel de ce mot. Ce léger écart m’aété salutaire et j’en ai retiré beaucoup de stimula-tions. Cela m’a en particulier permis d’étoffer maconnaissance des médiateurs que sont éditeurs,libraires, bibliothécaires, et de l’ensemble de la chaînedu livre. J’ai appris à connaître la géologie et la géo-graphie de tout ce paysage. D’ailleurs on devrait ensei-gner à tout futur enseignant de lettres ou de scienceshumaines l’économie et la sociologie du livre, les règlesde circulation des ouvrages, les contraintes auxquellessont soumis éditeurs et libraires… 

Avec le recul, quel est, selon vous, l’élément princi-pal à mettre au crédit de ce centre régional du livre ?Une des réussites de l’Arald est d’avoir su créer une« société du livre » dans cette région. Ce n’était pasdans les objectifs institutionnels de l’Agence, mais defait c’est beaucoup grâce à elle que s’est créé peu àpeu cet espace ouvert où auteurs, libraires, éditeurs,médiateurs, grands lecteurs se connaissent, s’écou-tent, deviennent conscients des enjeux et difficultésde chacun. Ce « peuple du livre » ne peut vivre etéchanger qu’à un échelon local ou régional. Et sice peuple du livre n’existe pas humainement etintellectuellement, rien n’est possible.

C’est sans doute le caractère délibérément inter-professionnel de l’Agence qui a permis cela…Bien sûr. Tout part des lois de décentralisation de 1982et de ce qu’elles ont déverrouillé en permettant queles métropoles régionales deviennent des lieux de vie

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Claude Burgelin quitte la présidence de l’Arald

Pour une société du livreUniversitaire, enseignant passionné de littérature contemporaine, spécialiste de Pérec et desécritures du « je », Claude Burgelin est aussi un authentique gentleman des lettres et de la culture.Président de l’Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation depuis dix-sept ans, il évoqueici, à la veille de son départ, qui devrait être entériné à la fin du mois de juin, le sens de son parcoursà la tête de l’Agence, propose son regard singulier sur l’évolution du monde du livre et sur quelquesperspectives possibles pour l’action publique dans le domaine du livre et de la lecture. Un entretienvif et léger en forme de bilan avec celui à qui Livre & Lire doit beaucoup. Alors, merci pour tout,Monsieur Burgelin. L. B.

premier plan

considérable. Mais cela me consterne de voir quebeaucoup de jeunes ont de moins en moins de rap-port avec l’objet livre. Je pense que les politiquespubliques doivent aller à contre-courant de cettetendance. Il faut que persistent et rayonnent danschaque ville, dans chaque quartier, des librairies,des bibliothèques, ne serait-ce que parce qu’ellessont des lieux vivants (et non virtuels) de rencontreset de vie de l’intelligence.

Quels étaient les objectifs de l’Arald à ses débuts ?Fédérer les acteurs, promouvoir la production deRhône-Alpes, aider libraires et éditeurs à garder latête hors de l’eau et à mieux respirer. Toute la vieculturelle, éditoriale notamment, se passait à Paris. Ily avait donc, dans ces années de décentralisation,quelque chose à inventer en faveur des auteurs, deséditeurs et des médiateurs du livre en région. Ce pari,au fil des ans, a été tenu. Les autorités de la Régionet la Direction régionale des affaires culturelles ontcompris ces enjeux. Ainsi, par exemple, la Région asu subventionner les éditeurs de Rhône-Alpes à par-tir de vrais critères d’exigence. Toutes sortes de cou-rants nouveaux (en poésie, par exemple), de texteshors normes sont majoritairement édités loin de Paris.Faire vivre ce pôle polymorphe, ce bouillonnementcréatif dans une région comme Rhône-Alpes était unenjeu assez excitant… L’existence des prix Rhône-Alpes du Livre, une initiative de la Région, a joué làun rôle important.

Mais est-ce que les éditeurs, les libraires, les biblio-thèques renouvelées dans leur rôle, ont véritablementcontribué à l’émergence de ce pôle intellectuel ?Oui ! Quand je pense à ce qu’était la vie littéraire àLyon lorsque j’y suis arrivé, en 1966, venant de Parisoù j’avais été étudiant… Il y avait un retard culturelinouï. J’ai vu cette ville se métamorphoser, surtout àpartir des années 80, et l’oxygène intellectuel circulerde plus en plus. Ainsi les rencontres autour du livre,une multiplicité d’événements petits, moyens et grandsont fini par constituer une très riche mosaïque.

Qu’on voit aussi à travers l’existence des fêtes dulivre notamment, nées dans ces années-là…Et dans un bel esprit d’exigence… J’ai assisté à lamontée en puissance de la Villa Gillet et, depuisquelques années de la Bibliothèque de la Part-Dieu.Le Festival du premier roman de Chambéry, la Fêtedu livre de Bron, le Printemps du livre de Grenoblesont des réussites !

culturelle, sortant parfois de siècles d’assoupissement.Cela a été une chance historique de vivre ce moment-là. L’essor de bien des petits ou moyens éditeurs, lerenouveau de la librairie indépendante, la créationde la Villa Gillet, de la Fête du livre de Bron ou duFestival du premier roman de Chambéry – et biensûr le déploiement de l’Arald, tout cela s’est fait dansla dynamique de ces années marquées par ces réus-sites de la décentralisation et le prix unique du livre.

Comment voyez-vous l’évolution des choses dansle monde du livre ?Il faudrait des diagnostics tout en finesse, car c’estdiablement compliqué. J’aurais facilement un pointde vue un peu réactif – réactionnaire ? j’espère quenon… Je pense que l’on est obnubilé par les muta-tions liées au numérique. Oui, elles ont transformé letravail des bibliothécaires, sont en train de changerl’édition et la vente en librairie, autant de mutationsfondamentales. On a accru horizontalement lespossibilités à travers le numérique, le Net…, maisreste la question du vertical, des choix intellectuels,d’une politique du livre et de mise en valeur de lavie de la pensée. Les mutations de type technolo-gique ne peuvent en tenir lieu, même si elles lesinfléchissent notablement.

Mais comment défendre aujourd’hui une modernitédu livre face au monde des écrans, de la rapidité etde la communication ?Il n’y a pas plus moderne que cet objet qu’on metdans sa poche, qu’on peut lire dans le bus ou surla plage, où le savoir universel est disponible defaçon maniable, agréable, crayonnable… Avant quela lecture sur écran procure le même plaisir ouconfort que la lecture sous la couette, il coulera del’eau sous les ponts.

Pour vous, il n’y a pas de solution à attendre dunumérique, notamment par rapport à l’accès d’unplus grand nombre à la lecture ?Non, cela me paraît sonner faux. La banque de don-nées sur l’écran offre un gain de temps colossal,pour puiser des informations latérales, rapides,engager des dialogues. On y zappe, on y puise ouy relance de brèves informations. Y lit-on ? Deslecteurs se forment-ils ainsi ? J’en doute. Quandj’étais jeune professeur, on ne jurait que par l’au-diovisuel, qui devait révolutionner l’enseignement…Il n’a rien révolutionné du tout. Je vois passer cesmutations technologiques avec ce qu’il faut de scep-ticisme, sachant bien que celle-ci est un événement

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Auteur de vueUniversitaire. Au fond, le mot lui va bien– et d’ailleurs il le revendique. Mieux que

professeur, même s’il en a l’air, et la parole, etl’aplomb, et la voix, celle qui plane comme au-dessus des mers de textes qu’il a commentés,océans d’idées qu’il a brassées. Mieux qu’essayiste,ou écrivain, ou homme de lettres, même s’il nese méconnaît pas, il doit bien s’avouer qu’il estparfois celui-ci ou celui-là, la plume alerte, l’œilperçant, la pensée pétillante. Universitaire, du(re)nom de ceux qui savent qu’ils savent.Suffisamment pour ne pas être suffisant. Etavec cette pointe de généralisme qui manquetrop souvent au spécialiste. On se risquera à une drôle d’image : un aigle quipapillonne.C’est sans doute parce qu’on ne peut pas vrai-ment parler de la littérature sans mettre le doigtsur le sens à la fois pluriel et fuyant qui va avec.Cette « lueur du réel » chère à Barthes. Burgelinéclaire ainsi depuis des lustres la littérature, l’écri-ture, les écritures. N’hésite pas à aller voir jusquedans ses zones d’ombre, plonge hardiment dansses méandres, explore sans détour ses labyrinthesles plus complexes ; «  talmudiste  » ose-t-il.Beaucoup d’auteurs sont passés par son tamis cri-tique : Sartre, Doubrovsky, Leiris, Duras, Lucot,pour n’en citer que quelques-uns. Les meilleurs,à vrai dire. Est-ce un hasard ? Né en plein dedans, Burgelin aime tropl’Histoire pour ne pas aimer les histoires, lesvies racontées, à la première personne maispas exclusivement. L’autobiographie, toutcomme la littérature contemporaine, furentpendant longtemps exclues de l’université. Burgelin, avec quelques francs-tireurs (Lejeune,

Lecarme…), a contribué à la faire connaître, àl’aimer, la désirer, en des temps pas si lointains,les années soixante/soixante-dix, où l’on parlaitplus couramment le latin qu’on n’interrogeaitson quotidien alentour. Cela l’a-t-il conduit à Perec ? Perec l’a-t-il conduità cela ? Une chose est sûre : on ne peut plus sépa-rer désormais l’auteur de La Vie mode d’emploidu lecteur Burgelin, de ses modes et méthodesd’approche, lui qui vit et pense depuis toujoursavec dame psychanalyse, fredonne son Freudcomme une mélodie sans fin – et sans faussenote aucune. On en veut pour preuve cette fascinante Partiede dominos chez Monsieur Lefèvre (Circé, 1996),essai de très haute volée qui donne le tourniset l’intelligence qui va avec. Burgelin y révèlelittéralement Perec, le lit et le délie avec autantde finesse que de passion. Alliage rare.Le portrait de l’aigle ne serait pas tout à faitpapillon si l’on omettait de rappeler l’autreBurgelin, l’universitaire encore, le même, oui,mais qui prend l’air, « sort de son donjon »dit-il, l’homme public, modeste et fier del’être, l’observateur politique au bon et auvrai sens du terme (cf., s’il fallait s’enconvaincre, l’entretien ci-contre). C’est que Burgelin aime par dessus tout ce quel’on appelle la vie des idées. À moins qu’il nes’agisse de l’idée de la vie. Fuyante et plurielle.Ce qui revient encore et toujours à parler, aveclui, de littérature. Roger-Yves Roche

à la Quatrième République… Il y a un gouvernementavec un président du conseil, des ministres qui fontleur boulot, et puis un président de la République,qui parfois inaugure les chrysanthèmes, parfois inter-vient plus et mieux… Je crois ainsi avoir beaucoupinsisté pour que Livre & Lire se métamorphose et suistrès heureux des transformations qu’a connues cejournal. Enfin un président est là en cas de crise, choserare heureusement.

À quoi, selon vous, devrait ressembler un futur bonprésident pour l’Arald ?Quelqu’un qui soit requis par les problèmes du livreet s’y soit frotté de différentes façons. Idéalement, ildevrait avoir aussi une connaissance des diversanneaux de la chaîne du livre, sans représenter uni-quement l’un de ces métiers. Par ailleurs, je penseque c’est une responsabilité que j’ai exercée bien troplonguement. Il faut qu’elle passe de main en mainde façon plus simple et plus rapide.

Propos recueillis par L. B.

Vous évoquez des événements visibles. Mais letravail de l’Arald, comment le rendre visible ? C’est évidemment compliqué : l’Arald doit promou-voir les acteurs du livre, donc s’effacer derrière eux,et, en même temps, laisser toute leur place aux finan-ceurs, l’État et la Région, qui demandent légitime-ment un bénéfice d’image pour les politiques qu’ilsimpulsent. Les structures régionales du livre doiventsouvent obéir à un double bind : montrez-vous etne vous montrez pas ! C’est une injonction contra-dictoire, qui impose donc un peu de subtilité, et jetrouve que l’Arald ne s’en est pas si mal tirée. Etfaut-il rappeler la somme de rapports et enquêtesapprofondies qu’elle a menés sur tous les aspectsde la vie actuelle du livre ?

Quelles sont les dangers que vous identifiez et quimenacent justement le livre ?Le danger immédiat est visible du côté de l’Éducationnationale. Dans les lycées, les classes littéraires sontde plus en plus désertées. La formation intellectuellepar la confrontation au livre, à la littérature et aux idéesest en train de s’effondrer. Une agence régionale dulivre ne peut s’en désintéresser. Une part de l’avenir dulivre se joue là. Comment renouveler et rendre attractifaujourd’hui l’enseignement de la lecture, de la culture– et de la langue ? Enjeu périlleux, passionnant.

Pensez-vous qu’un centre régional du livre commecelui-ci a encore de l’avenir ?La structure me semble bonne. Ce principe d’as-sociation des praticiens à l’administration de lastructure est quelque chose de précieux. Cela peuts’appeler démocratie participative…Peut-être l’éche-lon régional est-il le bon pour nouer des relationsplus serrées avec tel ou tel pays ou région francophone(ne serait-ce qu’avec notre voisine immédiate, sivivante, la Suisse  ; mais aussi avec le Maghreb,l’Afrique…). Et pour développer davantage d’ouver-tures du côté des sciences humaines, de la vie desidées et des savoirs. Il y aurait là beaucoup à inventer– et d’abord à inventorier.

Qu’a été votre travail de président ?À bien des égards, un travail de grand témoin. Il estutile pour la direction d’avoir quelqu’un auprès dequi rendre compte au quotidien de son travail et decelui de l’équipe. Un témoin, un observateur, qui disede temps à autre « gardez-vous à droite, gardez-vousà gauche ». Le président de l’Arald est aussi un porte-parole. Cette structure n’est pas sans me faire penser

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it Après des études à Paris (École normale supérieure),Claude Burgelin s’installe à Lyon en 1966 (assistant,puis professeur de littérature contemporaine à l’uni-versité Lyon 2). Auteur de livres sur Perec, Sartre,Duras, il a été président de l’Association françaisedes enseignants de français de 1975 à 1979 etprésident de l’Arald de 1994 à 2011.

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ce prix, qui s’insère dans le dispositifCulture Bleue animé par la BDPauprès de 56 établissements aux-quels on permet de bénéficier deprêts de documents de tous types maisaussi de nombreuses actions de for-mation, est incontestablement uneréussite. La prochaine édition devraitavoir lieu dans deux ans. « Toutes lesactivités de Culture Bleue ont pour prin-cipes directeurs une liberté de choix etune implication qui font des personnes

Dix beaux-livres retenus sur laqualité de l’image et l’originalité duthème, vingt-cinq établissements depersonnes âgées engagées dans ceprojet proposé par la Bibliothèquedépartementale de prêt, 285 votants,un élu... Et la remise du prix à Privas,devant une centaine de résidentsd’établissements pour personnesâgées du département, accompa-gnées de leurs directeurs et de leursanimateurs. La première édition de

programme, entre l’Ardèche et laHaute-Loire, avec les auteurs invités,mais également des lectures en plein-air des textes de Mariette Navarroou Ito Manga par Denis Lavant etDenis Podalydès. « À table avec »Mariette Navarro, Serge Airoldi ouAntoine Wauters permettra d’échan-ger avec un auteur au cours d’unrepas. Claude Burgelin est égalementinvité le temps d’une conférence,« Traverser les frontières avec ‘je’. Direet conter en 2011 », l’occasion pourlui d’évoquer son parcours dans lavie des idées. Enfin, les Éditions José

Corti viendront évo-quer leur travail autourdu livre. Une paren-thèse littéraire etbucolique construite,selon Jean-FrançoisManier, grâce à « l’es-sentiel : l’engagementde tous, de l’audace,sans doute. De laténacité sûrement  ».J. B.

Lectures sous l’arbredu 15 au 21 aoûtLe Chambon-sur-Lignon (43) et à Saint-Agrève (07)www.lectures-sous-larbre.com

Sur le plateau du Vivarais-Lignon,entre l’Auvergne et l’Ardèche,le festival Lectures sous l’arbreorganise du 15 au 21 août unesemaine de rencontres et de lec-tures en pleine nature autourde la poésie contemporaine.

En écoutant, en se promenant, audétour d’un chemin…,c’est ainsi que le festivalLectures sous l’arbre crée larencontre entre lecteurs etauteurs. Pour sa vingtièmeédition, cette singulièremanifestation littéraire, quel’on doit à Cheyne Éditeur,installé (sous un arbre) auChambon-sur-Lignon, pour-suit sa recherche de texteset de poètes audacieux.Ces journées estivales sontl’occasion de s’égarer surles chemins en compagniedes écrivains. Plusieursbalades littéraires sont au

Le retour de laScène poétiqueLa Scène poétique reprend ! Lessoirées dédiées à la poésie,organisées par l’écrivain PatrickDubost, ont trouvé un nouveaulieu d’accueil, à Lyon, après septannées passées à la bibliothèquede la Part-Dieu.

C’est désormais à l’École normalesupérieure que l’auteur accueille lespoètes et leur public, en collabora-tion avec le Centre d’études et derecherches comparées sur la création.La Scène poétique a donc inaugurésa nouvelle « saison » le 11 mai, avecAnas Alaili et Saleh Diab, deux poètespalestinien et syrien, accompagnésdu musicien Adel Salameh pour unesoirée de poésie arabe.Patrick Dubost se réjouit de poursuivrel’aventure : « L’endroit est accessibleet nous disposons d’un beau lieu pources soirées, la salle Kantor. L’ENS avoulu soutenir cette manifestation,dans l’intérêt des étudiants d’abord,mais également dans l’idée d’ouvrirl’école sur la ville et sa vie culturelle ».C’est à partir de l’automne que La Scène poétique continuera sontravail de diffusion de la poésiecontemporaine : « Nous organiserons

probablement trois soirées, en octobre,novembre et décembre, avec desthèmes sur la poésie numérique,la poésie anglaise…» Le terme de« poésie » effraie parfois le public, sedésole Patrick Dubost, or « il se passedes choses émouvantes, et parfoisspectaculaires, lors d’une rencontre. »La Scène poétique a d’ailleurs rassem-blé au fil des années un public d’ha-bitués, de curieux ou de passionnés.« Toutefois, la politique de la Ville deLyon en matière de poésie reste insuf-fisante, et nous manquons de soutien,notamment en matière de commu-nication », déplore l’organisateur,fervent défenseur de ces rendez-vous de poésie vivante. Julie Banos

La Scène poétique École normale supérieure15, Parvis René Descartes - 69007 Lyon�Tél. 06 21 11 22 54�

actualités /prix littéraires Le 1er Prix Culture Bleue de la Bibliothèque départementale de prêt de l’Ardèche

Le livre à tout âgeLe 9 mai, le président du Conseil général de l’Ardèche, Pascal Terrasse,a remis le premier Prix Culture Bleue du beau-livre au photographeAlain le Toquin pour son ouvrage intitulé Dans les jardins du monde(La Martinière). Un véritable événement et une initiative unique enFrance puisque ce livre a été sélectionné par un jury de 285 personnesâgées vivant en établissement dans le département.

Les Prix du Conseilgénéral du Rhône• Histoire et Patrimoine : Jacques Rey,Lyon, Cité radieuse (Éditions Libel)• Belles lettres et récits : Philippe Fusaro,L’Italie si j’y suis (La Fosse aux ours)• Art et création : Claude Chalaguier,Une longue étreinte avec le théâtre(L’Harmattan)• Catégorie « manuscrit » : HenriettePommier, Jacques Fornazeris, dessina-teur, graveur et éditeur. Turin-Lyon vers1585-1619 (à paraître aux éditions Droz,Genève)

Les trois prix du livre sont dotés de1 524 € chacun. Le prix du manuscrit, quiest une aide directe à l’édition et récom-pense un auteur qui rend hommage auRhône, à travers ses hommes ou son ter-ritoire, est quant à lui doté de 4 575 €.

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âgées les premiers acteurs de leurvie culturelle ». Les ouvrages ont ainsicirculé dans les établissements pen-dant plus de six mois, suscitant deséchanges et de nombreuses anima-tions autour de la lecture. Le dénoue-ment du premier Prix Culture Bleuea donc eu lieu Dans les jardins dumonde, au cœur des images d’Alainle Toquin qui, depuis plus de trenteans, a photographié quelque troiscents jardins célèbres ou secrets. L. B.

Vingt ansde lectures

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En 1976, 30 m2, quelques bénévoles,«  l’effervescence et l’utopie del’époque » donnent naissance à lalibrairie Lucioles, à Vienne. Trente-cinqans plus tard, 200 m2 de superficie,des salariés professionnels et la recon-naissance du milieu du livre accom-pagnent le départ de Michel Bazin,le fondateur. Un passage de relaisentre Michel Bazin et ses successeurs,Renaud Junillon, actuellement res-ponsable du rayon polar et BD, etson associé Alain Belier, est organiséle 4 juin. Sont conviés des écrivainscomme Brigitte Giraud ou CharlesJuliet, des éditeurs comme Pierre-Jean Balzan et Liana Lévi, et tousles lecteurs amis de la librairie. J. B.

aussi pour la presse (XXI, Libération) etdessine principalement avec la tech-nique de la carte à gratter. Pour cettecréation, Emre Orhun a choisi des’appuyer sur l’improvisation. Sonprincipe : « J’avais la première et ladernière planche d’un chapitre, et unevague trame. Tous les jours, je dessi-nais la page suivante sans forcémentconnaître la suite, la seule contrainteétant de mener l’histoire pour finirpar la dernière planche, dessinée dèsle début ». Si cet album s’inventechaque jour, il a cependant déjàun nom, un conte initiatique etonirique intitulé Medley. J. B.

www.citebd.orgwww.emreorhun.com

C’est donc à Angoulême qu’EmreOrhun va poursuivre ses projets d’al-bums. Lauréat de la première boursede la Société des auteurs des artsvisuels et de l’image fixe (SAIF), il estinvité en résidence pour six mois àla Cité internationale de la bande des-sinée et de l’image, dans la ville pharede la bande dessinée. « Je suis ravide découvrir d’autres horizons, de voircomment les gens vivent sur la westcoast », s’amuse-t-il. Déjà installé àla Maison des auteurs, aux côtés decréateurs espagnols, coréens, ouarméniens, il se réjouit de pouvoirse consacrer uniquement à son tra-vail. Illustrateur de nombreux albumsjeunesse, le jeune Lyonnais travaille

actualités / librairie

et des semi-poches pour l’éditiondes textes littéraires, suivis d’unepostface établie par un spécialiste.Un essai et deux récits ont déjàparu, d’autres sont à venir pourl’automne. Marie-Hélène Boulanger

ParusAu Cœur du harem de Jehan D’Ivray,postface d’Élodie Gaden

Les Paysans noirs de RobertDelavignette, postface de János Riesz

Poétique du roman postcoloniald’Yves Clavaron (essai)

À paraîtreLa Famille des Pitite-Caillede Justin Lhérisson

La Fille de l’île rougede Charles Renel

Les Écritures rumorales au Congode Delphine Japhet (essai)

https://publications.univ-st-etienne.fr

Fin de partieL’aventure s’arrête pour la petitemaison d’édition jeunesse AnnaChanel qui a dû cesser son activitéce début de printemps. Créée en2007 et installée à Violay, dans laLoire, Anna Chanel n’a pas été épar-gnée par le contexte économiquedifficile que connaît l’édition indé-pendante. Nous saluons ici le tra-vail de Nathalie et Philippe Collonqui ont su être, à travers la quaran-taine d’albums qu’ils ont publiés,« cultivateurs d’émotion ».www.editionsannachanel.com

Au long coursIntitulée « Long-courriers », la nou-velle collection des Publications del’université de Saint-Étienne (PUSE)est consacrée à des textes inéditsen France ou épuisés de littératurescoloniales et postcoloniales, delangue française ou issus de tra-ductions. Ouverte à un largepublic, la collection se décline endeux formats : l’un pour les essais

Quel bilan tirez-vous de ceparcours de la librairie ?Lucioles s’est créée dans lemouvement des librairies dif-férentes, dans une optique mili-tante, avec la volonté de faire

des choix exigeants. Nous avonsconnu une professionnalisation pro-gressive et sommes de vrais librairesaujourd’hui. La librairie a suivi les évo-lutions du marché du livre en s’adap-tant à des lecteurs plus impatients,plus informés et plus connectés.

Quels sont les points forts de lalibrairie ?Lucioles est une librairie résolu-ment tournée vers l’offre. Noussommes en quête de trouvailles,de nouveaux auteurs, de nou-veaux éditeurs. En créant le prixLucioles, nous avons récompensédes auteurs qui n’avaient pasencore fait leurs preuves. C’estle cas, par exemple, de NancyHuston et Philippe Claudel, peuconnus lorsqu’ils ont été primés.

Le prix Lucioles des lecteurs estattribué cette année à Jean-PierreSpilmont pour son roman Sébastien.

Quels enjeux pour demain ?Les libraires doivent faire face à l’arri-vée du numérique, encore balbutiantet sans modèle économique. Je suisconvaincu que rien ne pourra rempla-cer le livre, mais le livre numérique vaprendre une place croissante. La pos-sibilité d’acheter des ouvrages surInternet force également les librairiesà s’adapter à cette concurrence. La miseen place du portail 1001libraires.comest une bonne initiative qui doit encorefaire ses preuves.

Michel Bazin quitte la librairieLucioles à Vienne

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Journées de l’autobiographieLe travail façonne-t-il notre iden-tité ? Comment construit-on sonparcours ? Qu’est-ce qui déter-mine les lignes de nos curriculum

vitae ? Comment le raconter, l’écrire ?Les « Trajectoires sociales »…, c’estautour de ce thème que vont se ras-sembler les amateurs de récits demémoires pour les Journées de l’auto-biographie organisées du 17 au 19 juinà Ambérieu-en-Bugey. Afin d’explorer les héritages et lesinfluences, Annie Ernaux évoquera satrajectoire et ses écrits, en dialogueavec le sociologue Vincent de Gaulejac.D’autres auteurs, Michel Vannet,Hubert Lesigne, Michèle Delorme ouMartine Sonnet participent à une tableronde en présentant leurs derniersouvrages autobiographiques. Enfin, desateliers d’écriture sont organisésautour du parcours atypique de RogerPlanchon, des histoires de familles,ou des textes d’Albert Camus. J. B.

Journées de l’autobiographiedu 17 au 19 juinAmbérieu-en-Bugey (01)www.sitapa.org

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/résidenceEmre Orhun invité d’Angoulême

Encres, crayonset pinceaux enrésidenceÀ Angoulême, la jeune créationen bande dessinée disposedésormais de ses propres récom-penses avec une bourse et unerésidence. C’est un illustrateurturc installé à Lyon qui remportecette première distinction.

+ + + + + + + + d’actualités sur www.arald.org

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de A à Z /prix des lycéens

Une journée de remise des prix à chambéry

Malraux, avec nous !C’est grand, une Scène nationale de Chambéry etde la Savoie, mais c’est presque petit pour accueillirplus de sept cents élèves des lycées de la région. Ilest à peine treize heures ce jeudi 19 mai lorsqu’ilscommencent à débarquer, par classes, mais surtoutpar groupes et par bandes, tous équipés de quoi affi-cher leurs travaux dans le hall d’accueil. Un peu plustard, au milieu d’une foule surexcitée, on décou-vrira de belles choses : des affiches, des couverturesde livres revisitées, des marque-pages, des dessins,des textes... Le résumé de quelques mois de travailsuscité par les quatre romans et les quatre bandesdessinées en lice pour ce troisième Prix littérairedes lycéens et apprentis rhônalpins.Une heure plus tard, tout le monde est en place pourl’après-midi de remise des prix. Il y a des applaudisse-ments, des sifflets, du bruit, non, de la ferveur. Celle-ciredouble à la fin de la première session des slameurslyonnais de La Tribut du verbe, qui, plutôt inspirés,ont travaillé à partir des ouvrages en compétition, deleurs titres, de leurs thèmes, de commentaires desélèves, de l’importance des mots et de la liberté qu’ilsapportent. S’ensuit un film de présentation des auteurset dessinateurs de la sélection, leur passage dansles lycées, le sens qu’ils donnent à leur présencedans le long cours de cette action pédagogique.Applaudissements et exclamations dans la salle ponc-tuent les commentaires des lycéens recueillis aucours des rencontres : on se jauge un peu, on s’écoutetout de même, on s’amuse pas mal. Farida Boudaoud,vice-présidente de la Région Rhône-Alpes déléguéeà la Culture et à la Lutte contre les discriminations,

remercie les organisateurs et surtout les lycéens etapprentis, pour qui « la lecture reste et restera unatout et un chemin de liberté ».Place aux travaux des élèves : deux films d’animationlibrement inspirés des œuvres, l’un, multilingue, réa-lisé par la Cité scolaire internationale de Grenoble,l’autre, autour de Zola Jackson, par le lycée Alain Bornede Montélimar ; des lectures avec mise en scène,notamment par les élèves du lycée hôtelier de Saint-Chamond, qui s’étaient déjà illustrés il y a peu avecun repas littéraire servi dans l’établissement ; des com-mentaires improvisés... Bref, une saison de lecture.Après une deuxième session de slam, Jean-Paul Angot,responsable de l’Espace Malraux, remet enfin les deuxprix tant attendus. Le premier élu est Maximilien LeRoy pour sa bande dessinée Hosni, qui raconte ledestin d’un SDF rencontré à Lyon. Applaudissements.Le timide auteur monte sur scène, accompagnéde Hosni en personne, venu en inspirateur et entémoin de cette belle aventure éditoriale. Lorsqu’ilprend la parole, il y a de l’émotion dans l’air et c’esttout à coup le silence, profond comme le respect.Puis c’est au tour de Jean-Pierre Spilmont d’êtreplébiscité. L’écrivain est touché au cœur. Il le sait, ille dit : « Vous m’avez fait du bien ! » Dans la salle,l’enthousiasme est grand. Des élèves brandissentun ensemble de pancartes avec les lettres formantson nom. L’espace d’un instant, Jean-Pierre Spilmontest une rock star devant son public en liesse. Il avaitbien raison d’avoir le trac. L. B.

Cinquième et dernier épisode : il était une fois deux lauréats

Tu t’es vu quand t’as lu ?Les élèves de seconde de la Cité scolaire Élie Vignal, à Caluire, ontvoté « juste »… Sur dix-huit votants, Sébastien, de Jean-Pierre Spilmont,a recueilli douze voix. Maximilien Le Roy et son Hosni, dix. Primeaux visiteurs ? Pas tout à fait. Prime à l’émotion et au contenu.

RomanJean-Pierre SpilmontSébastien (La Fosse aux ours)

Bande dessinéeMaximilien Le Roy Hosni (La Boîte à bulles)

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Un grand merci à tous les élèves de la classe de Secondede la Cité scolaire Élie Vignal, lectrices et lecteurs degrande classe, ainsi qu’aux enseignants, Blandine Ray,Laurence Bossy, Ronald Abribacht, au documentalisteJean-Pierre Ducher et au chef d’établissement Éric Subtil.

Dernière visite à la Cité scolaire Élie Vignal pourdes entretiens avec les élèves. Sept se sont portésvolontaires : Ambre, Jean-Brice, Léa, Maelle, Nour,Sylvain et Yannick. On parle des livres, de leurs lec-tures, de la sélection, du prix. Ils vont voter le jourmême et Maelle est impressionnée parce qu’elle a« peur de ne pas faire le bon choix, de se tromper,car ça peut être à une voix près… »À Élie Vignal, le prix des lycéens, c’est du sérieux.Un peu trop, justement. Sylvain aurait d’ailleursaimé une sélection avec « des livres plus drôles »(avis au comité de lecture !) et pourquoi pas dela science-fiction, du théâtre ou même du polar ?Léa, elle, est une grande amatrice de polar. Oui,mais le but du prix, tous le savent et le disent,Ambre notamment, c’est de « pouvoir découvrirdes choses qu’on ne lirait pas forcément commeça ». Sortir un peu de ses habitudes, se laisseraller à l’inattendu, même quand on n’est pasun grand lecteur, surtout quand on n’est pasun grand lecteur… « C’est une manière de nousbooster un peu », commente Maelle, philosophe.L’énergie, en tout cas, est venue principalementdes rencontres. Là, il y a unanimité. « Quand onlit un livre », explique Nour, l’auteur nous paraîtloin. C’est le narrateur qui parle et on ne sait pastrop où se situe l’écrivain. Les histoires que racon-tent Maximilien Le Roy et Jean-Pierre Spilmontsont touchantes, mais quand ils sont venus, ça arajouté quelque chose. Quelque chose de plusvrai. » Même sentiment de nécessité chez Léa,pour qui « la rencontre permet de savoir ce queles auteurs ont ressenti en écrivant, pourquoi ilsont écrit ce qu’ils ont écrit. On apprend des chosesimportantes sur le livre, car une fois qu’on le lit,on est dans l’histoire… » Jean-Brice, lui, voit leschoses avec un peu plus de distance : « Dans larencontre, il y a un côté désacralisation des auteurset c’est plutôt bien car un auteur que j’aime, j’au-rais tendance à le voir comme une idole...  »Yannick reconnaît aussi la simplicité et le béné-fice de ces rencontres : « Ça m’a intéressé, parceque je ne les connaissais pas, ces auteurs. On n’enverra sûrement jamais d’autres et j’ai bien aimésavoir comment ils travaillent ».« Apprendre des choses, mais différemment », c’estça le prix des lycéens selon Nour. Comme sescamarades, elle a apprécié que les romans soienthabités par un contexte historique. Autrementdit, pour Jean-Brice, « il faut qu’il y ait une viséederrière. Si c’est juste un roman pour un roman,ça ne m’intéresse pas... » Qui a dit que les jeunes

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slecteurs ne veulent que la facilité ? Sûrement pasMaelle, qui conclut l’entretien sur l’intérêt pur duvoyage en littérature : « Le roman, ça nous permetde voir de l’autre côté de la caméra. On est dans leurmonde à eux, au lieu de regarder de notre côté à nous.On va vivre avec l’ouragan, on va vivre avec Velibor lamort de Tito… On va vivre tout ça. On est plongé dedans. »Laurent Bonzon

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Avec Au revoir Phnom Penh,premier volume d’une trilo-gie annoncée – L’Année dulièvre –, Tian se plonge dansl’histoire de sa propre familleet du peuple cambodgien,avec une bande dessinée quiretrace la prise de pouvoir durégime khmer rouge et lafuite de ses parents à traversun pays repris en main parles communistes en chemisenoire. Tout commence le 17avril 1975 par un jour « glo-rieux », avec la victoire destroupes révolutionnaires contrele pouvoir en place, suppôt de l’Amérique impérialiste et

dominatrice. Un espoir de courtedurée, puisque le nouveau régimekhmer rouge met immédiatementen place un système de recensement,de déplacement et d’exécution detous les individus potentiellementgênants pour le pouvoir : les intel-lectuels, les médecins, les bourgeois…Parmi ces indésirables, les parentsde Tian qui, de Phnom Penh àBattambang, tentent d’échapperà la folie meurtrière des khmersrouges et qui, au cœur de cet enfer,donnent naissance à un petit gar-çon… 35 ans plus tard, ce mêmegarçon – devenu grand – leur rendhommage avec un album magni-fique, aux frontières de la BD docu-mentaire et du roman (autobio)gra-phique, qui dit autant le destinfamilial que la tragédie historiquecollective. Soutenu par une bourse

de création de la Région Rhône-Alpes,Tian entame avec L’Année du lièvreun projet passionnant et sensible, quesalue d’ailleurs, dans sa préface, lecinéaste Rithy Panh, auteur notam-ment de S21, la machine de mortkhmère rouge. Y. N.

Au cœur du videLarry rêve d’espace. D’ailleurs etde planètes nouvelles, de voyageintersidéral et de tout ce qui ne leramène pas à la petite vie qui estla sienne, dans une ville américaineinsignifiante, alors qu’il espéraittellement autre chose. Récentalbum paru aux éditions lyonnaisesTanibis et premier d’Aurélien Maury,Le Dernier Cosmonaute, dont ledessin n’est pas sans rappeler lasimplicité habitée de celui de ChrisWare, raconte l’histoire d’un vieiladolescent qui hésite à devenir unjeune homme, d’un être solitairequi peine à délaisser sa fantaisiepour s’approcher des autres.Alternant les scènes dessinéesd’une réalité morne et mélanco-lique avec celles, toutes en explo-sions et en couleurs, d’un mondede rêves et de fantasmes, Le DernierCosmonaute, dans son beau formatà l’italienne, est une méditationtrès personnelle sur l’ambition etle renoncement, la perte de l’in-nocence et l’entrée dans la vied’adulte. Une réussite. L. B.

Aurélien MauryLe Dernier CosmonauteÉditions Tanibis96 p., 17 €ISBN 978-2-84841-016-6

bande dessinée

TianL’Année du lièvre 1. Au revoir Phnom PenhGallimard, collection « Bayou »120 p., 17 €ISBN 978-2-07-062957-2

A-t-il été difficile de se lancerdans ce projet, avec les enjeuxpersonnels et historiques quecela comportait ?L’envie de comprendre les événe-ments passés et de trouver desréponses sur la vie de ma familleet mon enfance m’ont amené àexplorer différents supports artis-

tiques. De ce fait, on peut dire que L’Annéedu lièvre a suivi plusieurs chemins avantde prendre vie sous la forme d’une bandedessinée. L’histoire de mes parents pen-dant la période des Khmers rouges estrestée longtemps sous silence. De temps en temps,on me racontait quelques anecdotes qui concer-naient mon enfance. Lorsque j’ai décidé de racon-ter cette histoire, j’ai découvert la tragédie de monpays et le récit de mes parents. De la conception àla réalisation du projet, il s’est écoulé plusieursannées, un temps qui m’a permis de recueillir lestémoignages et de comprendre ces événements.

Outre les témoignages, comment s’est déroulé letravail de documentation ?J’ai commencé par interviewer mon père, puis d’autresmembres de la famille. Certains s’en souviennent,d’autres évitent d’en parler. Il a fallu beaucoup detemps pour rassembler, recueillir, sélectionner les infor-mations et écrire le scénario. La plus grande diffi-culté a été de rester fidèle à leur histoire sans tom-ber dans un style trop journalistique. Au-delà destémoignages, il y a eu beaucoup de recherches et dedocumentation pour obtenir un résultat proche dela réalité : les lieux, les habits, les événements poli-tiques… Sur le plan graphique, j’ai toujours pensé qu’unstyle simple au trait pouvait donner plus d’expression

et de liberté à mon travail. C’estpourquoi j’ai un style qui peutparaître parfois naïf, mais il mesemble que ce décalage, par rapportà un dessin réaliste, est plus adaptéà l’histoire que je raconte.

Ce dessin se caractérise par unjeu constant sur les gammes decouleurs, les contrastes, qui disentbeaucoup des lieux, des atmo-sphères, mais aussi des enjeuxhumains de cet exode…Au départ L’Année du lièvre était

conçu en noir et blanc, mais la collection « Bayou »exigeait de la couleur, alors j’ai dû trouver un sys-tème de mise en couleur simple qui n’alourdiraitpas le dessin. J’ai cherché des gammes de couleurdouces qui évoquent un temps passé mais rappel-lent aussi les saisons typiques de l’Asie.

Le livre, à l’image notamment des pages de gardedes chapitres, est à la fois pédagogique et intime.Pourquoi cette alternance de registres ?Chaque page d’entrée de chapitre permet de situerl’histoire. J’ai essayé d’offrir une vision objective, don-née par les pages d’entrée, et une vision subjective,donnée par le récit de l’histoire de ma famille.

Un mot de la suite, à paraître très prochainement…L’Année du lièvre comportera trois tomes. La suite esten cours de réalisation, j’espère terminer avant janvier2012. C’est une partie très intense et émouvante del’histoire, qui demandera certainement encore plus d’im-plication car elle abordera la survie au cœur du régimekhmer rouge et surtout le rôle des femmes, qui est restéjusque-là discret. Propos recueillis par Yann Nicol

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nTian : entre roman (autobio)graphique et documentaire

Une histoire dans l’Histoire

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oubliée marquée par sa relationmouvementée et violente avec sonjazzman d’amant. Enzo Cormanninverse ici les points de vue, en fai-sant de ce jazzman le personnagecentral – et le narrateur – de VitaNova Jazz, à travers la lettre quece saxophoniste irlandais adresseà Babette, dix ans après qu’il s’estrendu coupable de violence conju-gale. Une lettre, aux allures deconfession, dans lequel Jim Errisrevient autant sur sa trajectoireintime que sur son parcours musi-cal, marqué par la création et ladissolution de son groupe, le VitaNova Jazz Ensemble, et leur dernierrendez-vous manqué, à l’occasiond’un come-back qui s’annonçaitretentissant.Au fil des pages se dessine le por-trait d’un homme en quête de sens,hanté par la culpabilité – « Est-ce que je me sais pour de bon l’auteurde cette folie ? de cette saloperie ?

Enzo Cormann : portrait de l’hommeen « artisan chaosmique »

Opus n°3Avec Vita Nova Jazz, EnzoCormann clôt en beauté – et enmusique – son triptyque roma-nesque autour de l’art et desartistes, entamé en 2006 avec LeTestament de Vénus, poursuivieen 2007 par Surfaces sensibles.

En trois romans, Enzo Cormann abâti une sorte de comédie humaine,peuplée de personnages récurrents,d’artistes en tous genres qu’ilnomme, dans la lignée de Deleuzeet Guattari, des « artisans chaos-miques ». Son nouvel opus peut êtreconsidéré comme la déclinaisond’une des histoires qui traversait enfiligrane son roman précédent,Surfaces sensibles, dans lequel onsuivait Babette, une chanteuse

de cette fiction sordide et obscène ?de cette faute, enfin ? Est-ce que jelis en moi ? Est-ce que je me sou-viens ? Est-ce que j’assume ? » –,qui aura donné sa vie à lamusique sans véritable-ment savoir pourquoi : « Etc’est encore plus difficile dedire ce que représente lamusique dans ta vie, etcomment tu en es venu àlui consacrer l’essentiel deton temps de veille ».

Avec ce nouveau por-trait de l’homme en« artisan chaosmique »,Enzo Cormann prolongesa réflexion sur la créa-tion et la figure de l’ar-tiste à travers un mondequ’il connaît bien, celuide la musique, du jazz enparticulier. Il boucle ainsisa trilogie avec uneimpressionnante maî-

trise formelle (où l’on voit resurgirVénus, personnage de son premierroman) et une grande inventivitédans la langue. Un très bon stan-

dard, donc, traversé dequelques solos virtuoses.Yann Nicol

Enzo CormannVita Nova JazzGallimard236 p., 19.90 €ISBN 978-2-07013-185-3

C’est un court récit dans le plus purgenre fantastique que ce Joueur deThéorbe de Patrice Salsa, qui nousentraîne avec dextérité sur les rivesde la passion, du désir et del’image. Les trois n’allant de pairque lorsqu’il ne se rencontrent pas.Ce qui arrive au malheureux hérosqui tombe amoureux d’une idolecomme on s’émerveille d’uneluciole, et se voit pris dans le pièged’une photographie dans laquellen’apparaît rien ni personne d’autrequ’une apparence. Le beau joueur de Théorbe n’étaitqu’un songe échappé d’un tableaude Bronzino, et dans son tableaus’en est sans doute retourné.Reste la lumière, forme avérée du temps, qui se voit comme seulese voit… une ombre au tableau.Triste et belle à la fois. L’auteur a cru bon de devoir ajou-ter une petite note de vraisem-

blance, comme pour nousfaire croire que tout celan’avait jamais existé. Tant pispour lui. Et tant mieux pourle lecteur ! R.-Y. R.

Patrice SalsaLe Joueur de ThéorbeURDLACollection « La Source d’Urd »38 p., 10 €ISBN 978-2-914839-42-6

Beau joueurUn zeste de James pour le mystèrefaçon Les Papiers de Jeffrey Aspern,une pincée de Balzac pour une pré-sence en forme de peau de chagrin,deux ou trois brins de Villiers de L’Isle-Adam pour l’insolite mâtiné d’arti-fice. Disposez et mélangez le toutsur un papier noble, caché sous unecouverture du meilleur aloi et vousobtenez un livre d’un autre temps,un livre qui parle du tempsd’une autre manière. Lapremière phrase ne ditd’ailleurs pas autre chose :« Un soir de brouillardcomme il n’y en a presqueplus dans la belle ville de L.,sauf en novembre, je metrouvais à dîner chez A.,avec quelques amis… »

Aristide Sainte-Rose, inventeurDans les terres de Guadeloupe, leshéros sont foison, modestes maissûrs de leur destin. Ainsi AristideSainte-Rose, lointain descendant ducapitaine Bonaventure Santa-Rosa,esclave aux yeux vairons devenupirate, qui a « toujours su qu’un jouril ferait fortune ». C’est la fabrica-tion de l’or brun, le Rhum Caraïbes,qui, après de multiples tentativesinfructueuses, finira par lui donnerraison. Confection de sucreriemagique permettant de lirel’avenir, création d’une fermeaux papillons, activités depêcheur puis de planteur decafé, ce personnage simpleet enthousiaste est marquépar une malédiction qui letient longtemps éloigné dela réussite. Jusqu’au jour oùAristide se lance sur les traces

de son aïeul, qui s’en est allé avec lesecret de son trésor, soi-disant enfouiquelque part dans la jungle de l’île…Roman léger de l’exotisme, Rhum

Caraïbes raconte lespaysages d’un autretemps et, à samanière, rend hom-mage au récit d’aven-tures. L. B.

Maxence FermineRhum CaraïbesAlbin Michel256 p., 17,50 €ISBN 978-2-226-22136-0

livres & lectures /roman

Perec moded’emploiHommage de deux auteurs,Fabrice Vigne et Hervé Bougel,et de deux petits éditeurs, Le

Fond du tiroir et Pré # carré à GeorgesPerec, à travers la réédition du texted’une conférence prononcée par l’écri-vain à Grenoble en 1981. Ce qui stimulema racontouze…, ou ce qui nourritmon écriture, est une plongée dialo-guée dans les arcanes du grand romande Perec qu’est La Vie mode d’emploi.L’occasion de redécouvrir ce magnifiquevertige de la contrainte et de la liberté.L. B.

Georges PerecCe qui stimule ma racontouze…Le Fond du tiroir / Pré # carré44 p., 8 €ISBN 978-2-9531876-5-6

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ATELIER DE CRÉATIONLIBERTAIRE

Libres ! Toujours…Anthologie de la chansonet de la poésie anarchistesdu XIXe sièclede Gaetano ManfredoniaTout au long des XIXe et XXe

siècles, la chanson joue unrôle majeur dans lesaffrontements politiques et les luttes qui émaillentl’émergence puisl’affirmation desmouvements socialistes etouvriers. Cette anthologiereproduit les chansons lesplus représentatives durépertoire anarchiste,

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Dans son premier roman pour lajeunesse, Myriam Gallot se glisse trèssubtilement dans la peau d’uneenfant de dix ans, avec des mots pré-cis, des situations réalistes et des inter-rogations justes. C’est le dernier étéde la fillette avant son entrée enSixième, et beaucoup de choses sejouent. Dans un décor de petit village,l’auteur crée autour d’Élise despersonnages attachants : une mèrerâleuse, une nounou attentionnée,Angèle et ses chats, énigmatiques,mais aussi Basile et sa nouvelle bandede copains entraînent avec naturelle lecteur dans leurs aventures.Pourquoi le jardin de la vieille dame,surnommée « Mamie Rasta » est-ilrempli de cannabis ? Les deux enfantsvont-ils se réconcilier ? Élise va-t-ellerésoudre les secrets de famille ? Dususpense, de l’humour et beaucoupde délicatesse, L’Heure des chats deMyriam Gallot est un roman touchantet réussi. J. B.

MyriamGallotL’Heuredes chatsSyros156 p., 5,95 €ISBN 978-2-74-850977-9

Myriam Gallotcollaborerégulièrementà Livre & Lire.

Myriam Gallot : un premier romanpour la jeunesse

Chagrinsd’amour etmobylettesUn été dans le Sud de la France.Les enfants qui grandissent, sequestionnent et se disputent.Myriam Gallot publie une histoireattachante et sensible.

Ils sont bizarres ces jeunes qui s’ex-priment dans leur langage et tour-nent en rond en faisant pétaraderleurs mobylettes. Élise les observeavec Basile. Méfiants, mais curieux.Entre l’enfance et l’adolescence, lafrontière est, en effet, presque invi-sible. Lorsque Basile, l’amoureuxd’Élise depuis toujours, la franchit,la petite fille se retrouveseule. Avec un chat aban-donné, une vieille dameun peu sorcière qui cultivedes plantes « magiques »et beaucoup d’inquié-tudes : « Avec Basile, jus-qu’à peu on ne s’occupaitpas vraiment des histoiresd’adultes. On avait encorenos jeux d’enfants et oninventait nos propres his-toires. »

dans lesquelles onretrouve la même volontéd’un changement socialradical pour un monde de justice et de liberté.

184 p., 18 €ISBN 978-2-35104-043-0

LE COUDRIER

Gouvernance de lasanté, les acteursinstitutionnelsde Patricia SiwekDe nombreux organismesaux sigles quelque peubarbares contribuent à lapolitique de santé publique.Cet ouvrage de référencedécrit le dispositifinstitutionnel concourant à l’élaboration, à la mise enœuvre et au contrôle despolitiques sanitaires, etrevient sur l’application de la loi « Hôpital, patients,santé et territoires ».

192 p., 29 €ISBN 978-2-919374-01-4

CRÉAPHIS

Vide-greniersphotographies de Philippe Gabeltextes d’Octave Debaryet Howard S. BeckerCet ouvrage réunit desportraits de chineurs prisdans les vide-greniers de Paris ou du Morvan

DOLMAZON

Bertille,ma grand-mèrede Guy DürrenmattAprès Casimir l’Ardéchoiset Croque-vie, l’auteur livre le troisième volet de sonhistoire familiale à travers la figure de sa grand-mère,épicière. Puisant dans ses souvenirs d’enfance, il raconte cette femme, sesengagements et ses valeurs,avec en toile de fond lesluttes politiques et les partis-pris religieux au sortir de laPremière Guerre mondiale.

128 p., 20 €

ISBN 978-2-91158-435-0

FrissonsandinsNouvel épisode des aventuresd’Agathe, cette jeune étudiante chi-noise que Sylvie Deshors entraîne delivre en livre, entre Lyon, Le Havre etici Quito, au cœur des Andes. À nou-veau, le lecteur découvre sur ses pasles dessous violents d’une ville et l’obs-cur des passions humaines, ici l’or desIncas. À peine arrivée avec deux amiséquatoriens, Lucia et Luis, la jeune fillese trouve nouée dans les fils ténusd’une disparition : celle d’une très bellefemme aux yeux verts qui a juste letemps de lui offrir un bracelet avantde s’évanouir. Un passeport à moitiécalciné, une foi dans ses intuitionsamènent Agathe à se lancer, avecl’aide lointaine mais solide de Lucas,le flic lyonnais déjà croisé dans lesépisodes précédents, sur les tracesde l’inconnue. L’enquête manque

de finir très mal,au fin fond d’unquartier louchede Quito, et lerécit scande avecprécision et sensdu rythme unequête qui senoue de manièresurprenante, voiredérangeante, avecl’histoire de la dic-tature argentine.

“Monstrueux”festival dejeunes auteurs Une fois par an, à Saint-Geoirs,village isérois de 500 habitants,

le livre est au cœur de la cité. Réalisanten 2003 que la librairie la plus procheétait encore trop loin, les organisateursdu Festival des jeunes auteurs ontdécidé alors de rassembler dans leurcommune livres, écrivains et lecteurs.Une manifestation de proximité quiprivilégie les jeunes écrivains et per-met au public de découvrir de nou-veaux talents. L’édition de cette année,organisée les 18 et 19 juin autour duthème « Monstres et compagnie », pré-sente des auteurs de bandes dessinées,de littérature jeunesse et de romans.On peut notamment citer les auteurset illustrateurs Tian, Johan Troïanowski,ou encore Chloé Cruchaudet, SéverinMillet, Audrey Calleja. Ateliers, contes,apéros concerts, rencontres scolaireset expositions sont également au pro-gramme. J. B.

Festival des jeunes auteurs de Saint-Geoirs (38)18 & 19 juinhttp://festivaldesjeunesauteurs.jimdo.comTél. 04 76 65 52 24

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livres & lectures / jeunesse

Heureusement, on savoure les pay-sages somptueux et une douceincursion dans le cocon de l’amitiéet de l’amour. Danielle Maurel

Sylvie DeshorsL’Inconnue des AndesÉditions du RouergueCollection « DoAdoNoir »186 p., 12 €ISBN 978-2-8126-0233-7

nouveautés des éditeurs

avec l’objet tout juste acquis.Un texte de l’anthropologueOctave Debary accompagneles clichés retraçant l’histoiredes vide-greniers : « cesmusées de plein air où se bricolent les mémoires ».

104 p., 19 €ISBN 978-2-354-28044-4

Sélection des nouveautés deséditeurs de Rhône-Alpes réalisée par Marie-Hélène Boulanger

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Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image, pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent sur l'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailLa voie du videJe m’arrête parfois de lire pendant des semaines.Les mots et les idées des autres m’encombrent. Je préfère marcher dans la forêt, regarder les arbres etécouter le bruit du vent dans les feuilles. J’aime prendredu recul.Samouraï invaincu, auteur, calligraphe et peintre reconnu auXVIe siècle, Miyamoto Musashi se retire à 60 ans dans une grotte, et rédigeun classique de la littérature japonaise : Le Traité des cinq roues.Ce livre est divisé en cinq parties, la dernière s’intitule « Vide ».Musashi se demande où le vide commence et où il finit. Il penseque lorsqu’on possède complètement une théorie, alors il fautsavoir s’en détacher, et tout naturellement, on acquiert unrythme selon l’instant, et tout naturellement on fait face. C’estce qu’il appelle la « Voie du vide ».Miyamoto Musashi a aussi des principes, parmi lesquels : éviter toutespensées perverses ; embrasser tous les arts, et non se borner à unseul ; savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaquechose ; en toutes choses, s’habituer au jugement intuitif ; connaîtred’instinct ce que l’on ne voit pas ; prêter attention au moindre détail ;ne rien faire d’inutile.

Et lorsque vous aurezcompris tout ça et quevous aurez atteint la« Voie de la stratégie »,vous comprendrez toutsans exception. Vousconnaîtrez la « Voie entout ».

Miyamoto MusashiLe Traité des cinq rouesAlbin Michel

PRESSES DE L’ENSSIB

Lire dans un mondenumériquesous la direction de Claire Bélisle Que devient la lecture dansun monde numérique ? Cet ouvrage propose uneréflexion sur les processuscomplexes de lecture en ligne, sur e-book, surécran d’ordinateur ou detéléphone mobile. Héritièrede la culture du livre papier,la lecture numériquequestionne tout autantqu’elle met en œuvre de nouvelles ouvertures sur l’imaginaire.

295 p., 39 €ISBN 978-2-910227-85-2

LA FONTAINE DE SILOÉ

Dictionnaire des nomsde famille de Savoiede Robert GabionL’administration définit le nom comme un bienimprescriptible « attaché à la personne ». Considérésdans leur ensemble, ces patronymes, nombreuxou rares, qui sont depuistoujours le miroir de lasociété savoyarde,constituent un patrimoinecollectif que restitue cet ouvrage.

1 040 p., 30 €ISBN 978-2-84206-467-9

NÉVA ÉDITIONS

Savoie : Terroirs et patrimoinede François IslerL’auteur met en avant ladiversité des terroirs dudépartement de la Savoie. Ce territoire rural aux visagesmultiples témoigne aujourd’huid’un patrimoine remarquable.

160 p., 28 €ISBN 978-2-35055-164-7

LA PASSE DU VENT

Ligne de partage des eauxde Fabienne SwiatlyCe recueil poétique s’articuleautour d’une suite de rendez-vous chez legynécologue portant une vérité fatale.

ÉDITIONS GOPE

Le Monde de SuzieWong de Richard MasonCette réédition du romande l’écrivain britanniqueRichard Mason, qui futadapté au cinéma en 1960,permet de redécouvrir lepersonnage de Suzie Wong

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regard

chronique Géraldine Kosiak 22 /

et son histoire : celle duchemin de la pauvreté versla richesse dans la Chine desannées 50, de la fascinationexercée par l’Orient surl’Occident ainsi que celled’une identité hongkongaiseen devenir.

468 p., 24 € ISBN 978-2-9535538-2-6

LES MOUTONSÉLECTRIQUES

La Cité des Ténèbreset autres voyagesexcentriquesde Léon GrocCe volume réunit troisromans de Léon Groc(1882-1956), grandromancier françaispopulaire trèsinjustement négligé : La Cité des Ténèbres(1926), Une invasion deSélénites (1941) et LaPlanète de cristal (1944).L’aventure scientifiqueest de retour avec tout lecharme de l’anticipationtelle qu’elle s’écrivait au début du XXe siècle.

416 p., 26 €ISBN 978-2-36183-042-7

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Voir, c’est vivre. Telle pourraitêtre la devise de Joël Bastard,écrivain de mots précis etprécieux, qui nous entraîne,enchaîne presque, au bord du fleuve Niger à SégouKoura au Mali, un « fleuve mauve comme cassis ».C’est un journal (de bord, du bord) et c’est plus qu’unjournal. Une prière au quotidien. Une longue suitede petits poèmes en prose que l’on lit comme onregarde des tableaux vivants. Les personnages (maisce mot a-t-il ici un sens ?) y apparaissent plus vraisque nature, la nature plus forte que la culture et laculture, en fin de compte, plus élémentaire que tousles éléments vus auparavant : « Régulièrement leslavandières s’accroupissent à fleur d’eau pour pisser,les yeux dans le vague. »On aimerait citer le texte entier, pour ne pas avoirà trancher dans le vif des associations, la lumièredes blancs qui séparent les blocs de textes. JoëlBastard est un écrivain-poète, un vrai, qui sait allerdans la profondeur des êtres et des choses par leplus court chemin qui soit : la surface des mots,leur porosité magique aussi et puis l’élégance d’unephrase ni trop longue, ni trop courte. Lisez, fermezles yeux, voyez : « Parfois un militaire décoré commeun vieux paon déambule, un poste de radio collécontre son oreille, une casquette presque blanchede travers sur la tête. Il traverse la paix d’une fin despectacle ». R.-Y. R.

Fabienne Swiatly faitentendre dans une languedépouillée la petite voix des disparus de naissance.

54 p., 10 €ISBN 978-2-84562-168-8

TANIBIS

Les Monstres aux pieds d’argiled’Alexandre KhaPour son retour à la bandedessinée, Alexandre Khaévoque dans ce recueil de courts récits les universfantastiques d’Adelbert von Chamisso, Franz Kafkaou Jorge Luis Borges. Six destins de spécimens – un singe savant, un homme sans reflet, un minotaure, un homme-

livres & lectures /poésie

Château de cartes (La Passe du vent), recueil de textessigné La Tribut du verbe, collectif de quatre slameursqui parlent « la bouche pleine… de mots ». La viva-cité du verbe qui charrie son lot de sons mais ausside sens, et une prose vivante à faire résonner les murs.

À la rencontre du matin / Dem Morgen entgegen(Atelier du hanneton) est un très beau recueil bilinguefrançais-allemand de Kay Borowsky, traduit par Marie-Paule Richard, agrémenté de deux tryptiques de RenéSchlosser. « Le poète frappe / à la coque de son cœur. /L’écho lui répond / de l’infini. »

Dernier Fagot (Rougerie), c’est le dernier ouvrage deJean-Vincent Verdonnet. « Ces mots qui neigent surla page / viennent d’un monde disparu / ils ont la saveurd’un autre âge », écrit le poète qui vit en Haute-Savoieet excelle à regarder le paysage des plaines et des« herbages odorants ».

Aux Éditions Sang d’encre paraissent les Lumièrespassagères de Martin Laquet, avec une préface deJacques Ancet, un « petit livre d’instantanés qui durent » :« Je cherche à dire / ce que je vois sans voir / et donnede l’épaisseur / au poème incertain… ».

Arpentages et Arpenteur« Théâtre pentu et parole avalan-cheuse depuis 1996 ». C’est ainsique se présente le Festival del’Arpenteur organisé cette année

du 1er au 9 juillet aux Adrets, dans lemassif de Belledonne. Pour ce rendez-vous éclectique, littérature, arts vivantset musique se mêlent dans un belesprit de recherche et de fantaisie. Côtélivre, un espace de troc est organisépour cette édition. Chaque lecteur estinvité à amener un livre pour permettredes échanges. L’Arpenteur dispose aussid’un stand librairie en partenariat avecla librairie La Dérive à Grenoble. Les créateurs du Festival, l’associationScènes Obliques, présidée par AntoineChoplin, éditent également une revue,Arpentages. Le huitième numéro, paruce printemps, se propose « […] d’oublierles corridors, les disciplines. [Ces pages]invitent à penser nuage, nébuleusesinformes et en mouvement ». Avec destextes de Max Alexandre, MohamedCharmshir, Yves de la Croix, Jean-PierreGirard, France Mongeau, Jean-MarcPorte, Mohammad Rezai Rad, PascalRueff et Mohsen Yalfani.

Festival de l’Arpenteurdu 1er au 9 juilletLes Adrets en Belledonnehttp://scenes.obliques.free.fr

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La prière poétique au quotidien de Joël Bastard

Derrière le fleuve,l’écritureAvec Derrière le fleuve, JoëlBastard signe un livre debord tout en finesse, où levivre croise sans cesse le voir.

Miroir de motsRéflexion : reflection. Sur le beau miroir doux de pagescarrées comme des mouchoirs de poche, Michel Thionpose un peu de ses mots qui forment autant de micro-poèmes à penser. À lever les yeux au ciel. À rêver. Unestrophe de trois vers, une strophe de deux vers, sans ponc-tuation aucune, cela s’appelle un tanka, l’ancêtre du haïku.Avec cette même idée d’un poème qui fonctionneraitcomme un miroir à la fois réflexif et réfléchissant (Origamisignifie en japonais l’art du pliage de papier). Le lecteurest vite pris au piège des images qui l’absorbent, dès l’en-trée en matière : « l’absence / une injonction / au regard /silence / souriant ». La musique, la rage, le nuage, la pierre,le chemin, tant d’autres images se suivent. À la fin, l’im-

pression persistante d’unmonde d’idées qui sortd’une toute petite bou-teille d’encre. R.-Y. R.

Michel ThionOrigami Poèmes à déplierColor GangCollection « Luminaires »Non paginé, 14 €ISBN 978-2-915107-56-2

Joël BastardDerrière le fleuveÉditions Al Manar96 p., 18 €ISBN 978-2-913896-87-1

arbre, un être électrique, un jeûneur – révèlent nos monstruosités, mettantau jour le conformisme denotre espèce, toujours prêteà rejeter les différences. �

72 p., 16 €ISBN 978-2-848410-17-3 �

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On retrouve l’esprit et les mots de Joël Bastard dansune petite plaquette, De l’air en plus, qui accompagneBomonstre, un coffret de 3 cd charmeurs issu decaptations sonores et de musiques diverses dans leParc naturel régional du Haut-Jura. Édition Arfi, 2010.

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sur place

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

Avis de tempêtePrès de cinq cents libraires étaient réunis à Lyonles 15 et 16 mai pour les Rencontres nationales dela librairie. Une mobilisation à la hauteur du défiqui pèse sur la librairie indépendante, maillon dela chaîne du livre le plus exposé à l’évolution despratiques culturelles des Français et à la révolutionnumérique en cours. Après une première journée cen-trée sur le rôle culturel de la librairie dans la cité,l’heure était à la réalité des chiffres. Inquiétante.

Frédéric Mitterrand n’a pas fait le déplacement pourrien. « J’aime la librairie, j’aime les libraires », a déclaréle Ministre de la culture lors de la seconde journée desRencontres nationales de la librairie, quelques motsde soutien dans un discours d’envergure adressé à celleset ceux qui se sentent économiquement de plus enplus menacés. Appelant de ses vœux « un plan d’ac-tion en faveur de la diffusion du livre mobilisant tous lesacteurs », le Ministre n’a pas caché la réalité du dangernumérique, précisant que « c’est un rouleau compres-seur doublé d’un tsunami qui s’approche… » Mais aprèsla matinée consacrée à la situation économique et finan-cières des librairies – peu enviable, c’est le moins qu’onpuisse dire à la lecture de l’étude Xerfi réalisée sur lapériode 2002-2010 –, les professionnels ont visiblementapprécié l’attitude combative du Ministre. Celui-ci s’estnotamment engagé à favoriser la réponse des librairesindépendants aux appels d’offres et l’accompagnementdes exonérations de la contribution économique terri-toriale ; à soutenir les initiatives de mutualisation, et toutparticulièrement le portail Internet 1001libraires.com ;à élargir le dispositif du label LIR ; à signer avec lesRégions des contrats de progrès afin d’aider les librai-ries des petites villes ; à nommer un médiateur du livresusceptible de jouer un rôle dans les discussions entreéditeurs et libraires. « Un signal fort », a souligné BenoîtBougerol, président du Syndicat de la librairie française,dans son allocution de clôture.

La librairie va mal !

À vrai dire, il fallait bien cela pour redonner des cou-leurs à l’humeur des professionnels, passablementassombrie par la présentation de l’étude Xerfi, latable ronde sur le thème « Des librairies demain, àquel prix ? » et l’intervention de Philippe Moati (Credoc)sur les « perspectives pour les librairies indépendantesà l’heure du numérique ». Il est vrai que le bilan éco-nomique et financier des librairies pour la période2003-2010 est tout sauf encourageant.En effet, malgré une belle résistance du marché du livredans un contexte de crise économique généralisée,le déclin des librairies se poursuit, avec une baisse duchiffre d’affaires de 5,4 %, un taux d’excédent brut

remises. La réaction des libraires, parla voix de Maya Flandin (LibrairieVivement Dimanche, Lyon), a étéextrêmement vive, largement soute-nue par la salle qui sait que « beau-coup de libraires sont au bord de larupture ». Matthieu de Montchalinredit ce que chacun pense, mais ceque chacun oublie aussitôt en vou-lant préserver à court terme sespropres intérêts : «  La résistanced’une chaîne, c’est celle du maillonle plus faible. Si celui-ci craque, lereste suivra… »À suivre ces débats, on aura comprisque l’aggravation de plus en plusrapide des problèmes structurels dela librairie devra conduire à réinven-ter un modèle culturel et économique.Ni plus ni moins. Benoît Bougerol, quia depuis longtemps le sentiment dese trouver « face à un mur », l’a dit sansambages : « L’urgence est là ! L’éditiondoit à tout prix cesser d’être autiste ».Nul doute que la mobilisation deslibraires à l’occasion de ces Rencontresnationales aura contribué à une prisede conscience des différents acteurs.Reste à rediscuter du quantitatif et duqualitatif, à négocier des points demarge commerciale, c’est-à-dire, enquelque sorte, à partager. Une valeurque le capitalisme contemporain aappris à redouter. Il faudra donc quela chaîne du livre soit particulière-ment solide. Laurent Bonzon

Les rencontres nationales de la librairie ont étéorganisées par le Syndicat de la librairie française,la Fédération Libraires en région et l’associationLibraires en Rhône-Alpes. Les contributions etles vidéos des interventions sont à retrouver surle site Internet : www.lesrencontresnationalesdelalibrairie.fr

d’exploitation et un résultat net divisés par trois ensept ans, une baisse globale des performances finan-cières alimentant « une problématique de trésorerie deplus en plus aiguë » et une difficulté toujours plus grandeà faire face à l’inflation des dépenses d’exploitation.Les chiffres sont clairs : ce secteur est l’un des moinsrentables du commerce de détail et la situation parti-culièrement préoccupante pour les petites librairies.L’érosion grandissante du tissu de la librairie – baissede 15 % du nombre d’établissements entre 1999 et 2009 –constitue un symptôme d’autant plus alarmant que lalibrairie en ligne s’installe désormais pleinement surle marché (11 % du marché du livre en 2010) et quele livre numérique pourrait constituer une nouvellemenace pour des détaillants du livre qui, pour l’ins-tant, restent à distance de cette révolution.Pour Philippe Moati, qui a proposé son regard icono-claste de spécialiste de la consommation et du com-merce, la révolution numérique s’accompagne d’unerévolution commerciale, qui verra passer « la distribu-tion de masse centrée sur le produit à un commerceorienté vers le client », dans un contexte global où lecommerce électronique pourrait représenter près de25 % des parts de marché à l’horizon 2020. Une pers-pective qui, selon le directeur de recherche du Credoc,devrait inciter les libraires à « refonder le métier surune base servicielle », grâce à une meilleure connais-sance du client et du marché, mais aussi à développerla mutualisation et la diversification de l’offre.

Faire bouger les lignes

Après les bilans, la discussion entre libraires et dif-fuseurs. Si tout le monde s’accorde sur le fait que« la situation devient critique » (Matthieu de Montchalin,Librairie L’Armitière, Rouen) et que « la librairie va mal »(Georges-Marc Habib, Librairie L’Atelier, Paris), les res-ponsables de la diffusion de Hachette, Flammarion etGallimard, même s’ils proposent d’ores et déjà quelquesavancées significatives, hésitent encore à accepter la dis-cussion autour du nœud commercial que constituent les

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Julie Banos

Ont participé à ce numéro : Marie-Hélène Boulanger,Frédérick Houdaer, Géraldine Kosiak, DanielleMaurel, Yann Nicol, Roger-Yves Roche.Remerciements à la Fêtedu livre de Bron pour les photos de Claude Burgelin.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

Conception : Perluette & Albane DerenneImpression : ImprimerieFerréol (Imprim'Vert). Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1321

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