livre et lire - n° 243 - juin 2009

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Pure laine Des deux côtés de l’Atlantique,certains s’inquiètent pour ma résidence d’écri- ture. Je les rassure. Ça se passe comme d’habitude : j’écris, donc je doute. C’est normal. C’est le métier. Mais dans la Belle Province, quelques- uns pensent que c’est le choc culturel qui me fait tant douter. Mais ce choc culturel, je ne l’ai pas vécu en arrivant à Lyon.Je suis née à Mostar,j’ai grandi à Genève. Genève, Lyon, ce n’est pas pareil, loin de là, mais j’aperçois, certains matins, cette même brume, épaisse et ambivalente, qui s’interpose entre moi et la feuille blanche. Et dans cette douce atmosphère lyonnaise, si propice au repli sur soi, surgissent de la brume, comme les fantômes dans la nuit, les constats qu’on m’impose de ce côté-ci de l’Atlantique.Jusqu’à me reprocher par- fois de ne pas être une « Québécoise pure laine… ». Mais le Québec, ce n’est pas seu- lement le sirop d’érable, les grands espaces, Les Tremblay et les Ducharme, la « culture du compromis » et le « féminisme réussi »… Le Québec, c’est aussi une merveilleuse génération d’écrivains dont les noms ont de curieuses résonances : Mouawad, Mavrikakis, Abdelmoumen, Kokis… Il y a chez certains ce besoin pathétique de classer l’inclassable. De quoi perdre le Nord. Pourtant, le Nord et moi, c’est une histoire d’amour, un tango merveilleux, qui m’a permis d’être multiple. Mais depuis que je suis en France, la ques- tion de l’identité ne s’était jamais autant posée. Naissance yougoslave, métamor- phose bosniaque, adolescence suisse, adop- tion cubaine, nationalité canadienne, et enfin identité québécoise. Le constat est chaque fois le même : de nulle part et de partout en même temps. Mais cela ne me dérange pas. Borgésienne inconditionnelle, chaque atome de mon être sait que la vérité se trouve dans les livres, notamment dans une littérature universelle, à laquelle on peut aspirer même quand on naît yougoslave, qu’on écrit en « québécois », tout en gardant un accent européen. Maya Ombasic n°243 - juin 2009 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en ++++++++++ Le 22 juin… il sera temps de faire le bilan annuel de la nouvelle politique régionale en faveur du livre, lancée par la Région Rhône- Alpes début 2008. Les professionnels sont conviés à discuter de l’ensemble du dispositif mis en place suite aux rencontres régionales pour le livre. En clôture, les Prix Rhône-Alpes du livre seront remis aux lauréats 2009 : Emmanuelle Pagano, Philippe Gasparini, Dominique Vittoz, Corinne Lovera Vitali et Loren Capelli. Rendez-vous au Rize, centre mémoires et société, à Villeurbanne. > www.arald.org les écrivains à leur place Trop bien ! Prenons juin, par exemple, et tous ces événements que nous n’avons pas oubliés : le 15 e Festival du livre jeunesse d’Annemasse (du 4 au 6), la Fête du livre de Roisey (6 et 7),À Vaulx livres les petits (du 8 au 13, à Vaulx-en-Velin), les Rencontres du livre-film (le 13, à Saint- Julien-Molin-Molette),le Festival de l’arpen- teur (à partir du 26, en Belledonne) ; sans parler de juillet et des bienfaits de la correspondance, qui s’annoncent à Grignan (du 1 er au 5), des hauteurs promises par les Rencontres européennes au Mont-Cenis (25-26), ni même des ciels d’été, en août, au Salon du livre de mon- tagne de Passy (du 7 au 9)… Et que dire de tous les livres des auteurs, des éditeurs, des traducteurs, auxquels nos douze pages des dix derniers mois n’ont pu suffire, des initiatives, ici et là, dans les librairies et les bibliothèques, de tout cela qui passe par les livres, les écritures et les lectures, et puis des prix, des rencontres, des allées et venues… Mille excuses ! Fin de saison pour Livre & Lire. L.B. zoom/p.5 La librairie en gestion… Entretien avec Michel Ollendorff, qui débute sa mission d’expertise en Rhône-Alpes auprès d’un certain nombre de librairies. Quelles difficultés spécifiques aujourd’hui dans la gestion des commerces du livre ? romans/p.6-9 Du fantastique à la jeunesse Hubert Mingarelli et Marc Pellacoeur, Jean-Philippe Jaworski et Marc Pautrel, Jean-Noël Blanc, Isabelle Collombat et Marc Pierret… Des romans pour l’été. !!!!!!!!!!! Foucault et l’infamie La bibliothèque de la Part-Dieu accueille jusqu’au 28 août Archives de l’infamie – Michel Foucault, une collection imaginaire, assemblage de photographies, de récits, de registres, de signalements, qui met en lumière « les histoires minuscules de tous ceux qui, un jour, ont été pris dans les rets du pouvoir ». www.bm-lyon.fr Et moi, émois… « Journaux et carnets de voyage », c’est le thème des Journées de l’autobiographie qui ont lieu cette année à Ambérieu-en-Bugey, du 3 au 5 juillet. Un très beau rendez- vous organisé par l’Association pour l’autobiographie et le patri- moine autobiographique (APA), qui permettra de retrouver Philippe Gasparini pour une lecture musicale, mais aussi Charles Juliet et Alexandre Bergamini, qui évoqueront l’art du journal et du récit de voyage. Souvenirs d’ici et d’ailleurs, journal d’un temps lointain et proche à la fois, les carnets déposés à l’APA constituent la matière essentielle de ces journées de réflexion, de témoignages et d’écriture. http://sitapa.org rendez-vous © Flao / Projet Bermuda 2 Un dessin de Flao, en couverture du Projet Bermuda 2, que fait paraître la librairie lyonnaise Expérience. Un pari sur les jeunes auteurs de bande dessinée et un enthousiasme fédérateur.Présentation du livre le 14 juin à Lyon.(lire p.3)

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L'Arald publie chaque début de mois "livre & lire", journal d'information sur la vie du livre en Rhône-Alpes. Ce mensuel de douze pages est un supplément aux revues professionnelles Livres-Hebdo et Livres de France, publiées par le Cercle de la librairie.

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Pure laineDes deux côtés de l’Atlantique, certainss’inquiètent pour ma résidence d’écri-ture. Je les rassure. Ça se passe commed’habitude : j’écris, donc je doute. C’estnormal. C’est le métier.Mais dans la Belle Province, quelques-uns pensent que c’est le choc culturelqui me fait tant douter. Mais ce chocculturel, je ne l’ai pas vécu en arrivantà Lyon. Je suis née à Mostar, j’ai grandià Genève. Genève, Lyon, ce n’est paspareil, loin de là,mais j’aperçois, certains

matins, cette même brume, épaisse etambivalente, qui s’interpose entre moi etla feuille blanche.Et dans cette douce atmosphère lyonnaise,si propice au repli sur soi, surgissent de labrume, comme les fantômes dans la nuit,les constats qu’on m’impose de ce côté-cide l’Atlantique. Jusqu’à me reprocher par-fois de ne pas être une « Québécoise purelaine… ». Mais le Québec, ce n’est pas seu-lement le sirop d’érable, les grands espaces,Les Tremblay et les Ducharme, la « culturedu compromis » et le « féminisme réussi »…Le Québec, c’est aussi une merveilleusegénération d’écrivains dont les noms ont decurieuses résonances : Mouawad,Mavrikakis,Abdelmoumen, Kokis… Il y a chez certains ce besoin pathétique declasser l’inclassable.De quoi perdre le Nord.Pourtant, le Nord et moi, c’est une histoired’amour, un tango merveilleux, qui m’apermis d’être multiple.Mais depuis que je suis en France, la ques-tion de l’identité ne s’était jamais autantposée. Naissance yougoslave, métamor-phose bosniaque, adolescence suisse, adop-tion cubaine, nationalité canadienne, etenfin identité québécoise. Le constat estchaque fois le même : de nulle part et departout en même temps.Mais cela ne me dérange pas. Borgésienneinconditionnelle, chaque atome de mon êtresait que la vérité se trouve dans les livres,notamment dans une littérature universelle,à laquelle on peut aspirer même quand onnaît yougoslave,qu’on écrit en « québécois »,tout en gardant un accent européen.

Maya Ombasic

n°243 - juin 2009le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + + +Le 22 juin… il sera temps de faire le bilanannuel de la nouvelle politique régionale enfaveur du livre, lancée par la Région Rhône-Alpes début 2008. Les professionnels sontconviés à discuter de l’ensemble du dispositifmis en place suite aux rencontres régionalespour le livre. En clôture, les Prix Rhône-Alpesdu livre seront remis aux lauréats 2009 :Emmanuelle Pagano, Philippe Gasparini,Dominique Vittoz, Corinne Lovera Vitali etLoren Capelli. Rendez-vous au Rize, centremémoires et société, à Villeurbanne.

> www.arald.org

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Prenons juin, par exemple, et tous cesévénements que nous n’avons pasoubliés : le 15e Festival du livre jeunessed’Annemasse (du 4 au 6), la Fête du livre de Roisey (6 et 7),À Vaulx livres les petits (du 8 au 13,à Vaulx-en-Velin), lesRencontres du livre-film (le 13, à Saint-Julien-Molin-Molette),le Festival de l’arpen-teur (à partir du 26, en Belledonne) ;sans parler de juillet et des bienfaits dela correspondance, qui s’annoncent à Grignan (du 1er au 5), des hauteurspromises par les Rencontres européennesau Mont-Cenis (25-26),ni même des cielsd’été,en août,au Salon du livre de mon-tagne de Passy (du 7 au 9)… Et que direde tous les livres des auteurs,des éditeurs,des traducteurs, auxquels nos douzepages des dix derniers mois n’ont pusuffire, des initiatives, ici et là, dans leslibrairies et les bibliothèques,de tout celaqui passe par les livres, les écritures et leslectures,et puis des prix,des rencontres,des allées et venues… Mille excuses !Fin de saison pour Livre & Lire. L.B.

zoom/p.5La librairie en gestion…Entretien avec Michel Ollendorff,qui débute sa missiond’expertise en Rhône-Alpesauprès d’un certain nombre delibrairies. Quelles difficultésspécifiques aujourd’hui dans lagestion des commerces du livre ?

romans/p.6-9Du fantastique à la jeunesseHubert Mingarelli et MarcPellacoeur, Jean-PhilippeJaworski et Marc Pautrel,Jean-Noël Blanc, IsabelleCollombat et Marc Pierret…Des romans pour l’été.

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Foucault et l’infamie

La bibliothèque de la Part-Dieuaccueille jusqu’au 28 aoûtArchives de l’infamie –Michel Foucault,une collection

imaginaire, assemblage de photographies,de récits, de registres, de signalements, quimet en lumière « les histoires minuscules detous ceux qui, un jour, ont été pris dans lesrets du pouvoir ». www.bm-lyon.fr

Et moi, émois…« Journaux et carnets devoyage », c’est le thème desJournées de l’autobiographiequi ont lieu cette année àAmbérieu-en-Bugey, du 3 au5 juillet.Un très beau rendez-

vous organisé par l’Associationpour l’autobiographie et le patri-moine autobiographique (APA),qui permettra de retrouverPhilippe Gasparini pour une

lecture musicale, mais aussiCharles Juliet et AlexandreBergamini, qui évoqueront l’artdu journal et du récit de voyage.Souvenirs d’ici et d’ailleurs,journal d’un temps lointain etproche à la fois, les carnetsdéposés à l’APA constituent lamatière essentielle de cesjournées de réflexion, detémoignages et d’écriture.

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Un dessin de Flao, en couverture du Projet Bermuda 2, que fait paraître la librairielyonnaise Expérience. Un pari sur les jeunes auteurs de bande dessinée etun enthousiasme fédérateur. Présentation du livre le 14 juin à Lyon. (lire p.3)

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Car Mathieu Diez n’excluepas l’idée d’« organiser desévénements liés à la BDtoute l’année,pour créer deseffets de rémanence, endehors de la période du festival ». Après tout,l’objectif de l’association Lyon bande dessinéeorganisation (LBDO) n’est-il pas de promouvoirle genre auprès du plus large public… L. B.

www.lyonbd.org

Né en juin 2006 sur le plateau de la Croix-Rousse, le Festival de la bande dessinée de Lyona dévalé les pentes en 2008 pour s’installer aupalais du commerce. Un mouvement de recen-trage, d’expansion et de professionnalisationqui se confirme cette année.

Le Festival BD de Lyon a désormais son directeur.À mi-temps certes, pour l’instant, mais MathieuDiez, qui fait partie de la garde rapprochée desfondateurs – Alain Ravouna et le libraire spécia-lisé Patrice Boudier –,entend bien incarner la pro-fessionnalisation en marche d’un festival qui,créépar une bande de copains,ne cache plus ses ambi-tions : faire partie des cinq événements majeursdu genre en France. Mais le responsable sait quela route est encore longue et qu’elle passe nonseulement par la continuité, qu’il incarne désor-mais, mais aussi par l’ouverture de la manifesta-tion et la qualité de l’accueil réservé aux auteurs…Pour ce qui est de cette édition 2009,ces derniersseront environ quatre-vingts, sans doute soumisau feu nourri des demandes de dédicaces. MaisMathieu Diez insiste sur le fait que le festival aaussi pour objectif de « faire sortir la bande dessi-née de ses pages »,c’est-à-dire d’innover,d’emprun-ter des détours – par la lecture, par le spectaclevivant, par les conférences, par le cinéma –,d’essayer d’être « créatif dans la façon de montreret de faire découvrir le neuvième art ».Parmi les innovations, un espace consacré aunumérique, « où l’on souhaite montrer ce quiest en train de révolutionner un certain nombrede choses dans la bande dessinée, notammentdans les modes de diffusion des images, à tra-vers les écrans d’ordinateur, de téléphone… »Une nouveauté qui, pour le responsable dufestival, est également en phase avec la ville deLyon, où existe un pôle important de l’imagenumérique et notamment du jeu vidéo. Surce point, la manifestation souhaite clairementmontrer « les liens qui se développent à traversla convergence des supports et des médias entrela bande dessinée et ces nouveaux univers ». Unsouci de transversalité que l’on retrouve aussidans le thème de la journée professionnelle(lire ci-contre).Et sinon ? Le programme passe par des combatsde dédicaces sur internet d’un continent à l’autre, met la Belgique à l’honneur – c’estl’année de la BD en Wallonie… –, s’essaye aufestival off, qui s’installe du 1er au 14 juin dePerrache à la Croix-Rousse. Avec des auteurscomme Nicolas Keramidas, Pénélope Bagieu,Ben Lebègue, Jérôme et Olivier Jouvray, OlivierSchwartz,Berlion,Ciro Tota,Bastien Ives,PhilippeCaza, etc. En attendant la suite…

États généraux de la bande dessinée

Sortir de sa bulleDeuxième édition des rencontres profession-nelles, qui se tiennent le 5 juin, dans le cadredu Festival BD de Lyon. Au programme,concocté par Olivier Jouvray et les auteursde l’Épicerie séquentielle, les syndicatsd’auteurs et l’édition numérique.

Avant que le festival BD de Lyon ne s’ouvre aupublic, les auteurs et illustrateurs auront la paroledurant une journée pour aborder les sujets pro-fessionnels du moment. La matinée du vendredi5 juin sera réservée à une présentation des activi-tés du syndicat d’auteurs qu’est le Groupement desauteurs de bande dessinée.

événement /bande dessinée

Il s’agira notamment d’éclaircir un certain nombrede questions afférentes aux droits d’auteur et auxdroits sociaux des auteurs, en collaboration avecl’Agessa,qui devrait être représentée pour l’occasion.Mais le point crucial de cette journée d’échangesconcernera l’édition numérique et le livre électro-nique. Pour Olivier Jouvray, à l’origine de ces étatsgénéraux avec l’Épicerie séquentielle, associationlyonnaise d’auteurs et de professionnels de la bandedessinée, il s’agit d’aborder un thème qui « suscitebeaucoup de peurs et de fantasmes,à un moment oùla loi sur le piratage sur Internet continue à susciterdes débats ». Qu’est-ce qu’un livre électronique ?Quelles sont les expérimentations en cours ?Quelles nouvelles possibilités pour lire mais aussipour faire de la bande dessinée ? Ce seront quelques-unes des questions posées à l’occasion de ces ren-contres,avec la volonté de « faire un état des lieux del’utilisation du support numérique pour la bande des-sinée, de débattre de son avenir en envisageant laquestion du piratage, mais aussi la chance que peutconstituer l’édition numérique pour les auteurs ».Il s’agira,pour les auteurs,de parler entre eux,maisaussi d’écouter les autres représentants de la chaînedu livre – notamment les éditeurs (Glénat,Bambooet Warum), bien sûr, mais aussi les libraires et lesbibliothécaires – sur un sujet qui interroge toutesles professions : « il y a un questionnement évidentà tous les niveaux », explique Olivier Jouvray, « et ilconvient de faire le tri entre les idées reçues, lescraintes légitimes et les véritables opportunités dunumérique,qui peut permettre,pour les auteurs,undéveloppement à l’international que les éditeurs neprennent guère en charge, mais aussi de nouvellesformes de narration, de nouvelles façons de fairede la bande dessinée et donc de nouveaux métiers ».Une journée pour éveiller la curiosité des auteursde bande dessinée, trop souvent en retrait sur cesquestions professionnelles,pour susciter du débat,de l’intérêt et de la vigilance. L. B.

Programme : www.epiceriesequentielle.com/blog

4e Festival BD de LyonDu 5 au 7 juinPartenaires publics :Ville de Lyon, Grand

Lyon, Région Rhône-Alpes.Près de la moitié dufinancement vient dusecteur privé.Budget : 100 000 € Prix d’entrée : 2 €

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4e édition du Festival BD de Lyon

Salut les copains !

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Bande dessinée : l’Expérience en plus

Bermuda 2font la paireNombreux sont ceux qui ont encoreen tête le très beau volume duProjet Bermuda lancé en 2007 parla librairie lyonnaise Expérience. UnC.V. collectif pour de jeunes auteursde bande dessinée et une éditiontoute à l’énergie et à l’enthousiasme.La preuve par 2.

Il y a les curieux et les autres.Ceux qui cherchentet qui trouvent. Ceux qui continuent à chercher.L’idée était partie de ces désormais fameux noc-turnes organisés le troisième jeudi du mois àla librairie avec des auteurs et un éditeur debande dessinée. Échanger, prendre contact, pré-senter un travail et plus si affinités… Avec leProjet Bermuda, qui rassemblait unesélection d’histoires plus ou moinscourtes, Nicolas Courty et Jean-LouisMusy voulaient aller plus loin et per-mettre à de jeunes auteurs de publierun premier travail ou de donner unaperçu de leur talent,aux côtés d’autresplus confirmés. Appel à projets, petitcomité de sélection, avalanche depropositions graphiques, sélection etpublication – risques financiers compris.Le premier Projet Bermuda est aujour-d’hui épuisé.Alors les libraires recommencent…Démarche gratuite,constructive,on peutsans doute dire généreuse.Quelque partdans les rayons, Nicolas Courty montrela couverture d’un album qui reprend lapremière page d’une histoire courtepubliée dans ce premier opus. Un peude fierté.Quelques contrats ont été signésaprès la publication. La sortie du ProjetBermuda 2 est prévue pour le 14 juin.Le deuxième volume devrait être unpeu plus épais : pas si loin de quatrecents pages, une quarantaine d’his-toires sélectionnées (sur une petitecentaine), une quarantaine d’auteursde Lyon et de la région – illustrateurs,scénaristes, coloristes… avec leur bio-graphie et leurs coordonnées –, aucunecontrainte de forme. Du noir et blanc,de la couleur, de la science-fiction, del’humour, pour tous les âges. « Moinsde réalisme, un peu plus de gag, pasmal de jeunesse… », c’est le diagnosticque fait Nicolas Courty à propos dunouveau millésime en préparation.

« C’est un bon laboratoire », commente lelibraire, « l’équivalent du court-métrage aucinéma. Cela permet à certains de se lancer,à d’autres d’essayer de nouvelles techniques. »Le Projet Bermuda 2 sera à la hauteur destalents appelés à s’exprimer. Graphisme,impression, travail soigné. La réalisation de

événement /bande dessinée

Lancement duProjet Bermuda 214 juin, à laPlateforme (4, quai Augagneur,à Lyon)

Prochaine nocturne18 juin, à partir de 17h à la librairie : soirée ActesSud, en présence del’éditeur, avec CamilleJourdy, pour Rosalie Blum

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De gauche à droite et de bas en haut : Flao,dessin de couverture ; Corboz etPothier, Supraman ; B-Gnet et Courty, Spacefood ; Sylvestre et B-Gnet,Crossroad ; Kaze Dolemite,Chacun son morceau ; Pianina, le Rouge qui pique ;Lucie Albon, Game over ; Darshan Fernando,Héritage ; Jérôme Vignet,Vierge.

cette deuxième mouture – une douzaine d’auteursdéjà présents dans le premier volume, le reste,y comprisla couverture de Flao,à découvrir en exclusivité – est sou-tenue par la Région Rhône-Alpes. Il est vrai que,pour leslibraires spécialisés, le projet pèse lourd et met en jeu unlarge éventail de compétences.Mais l’énergie est à la hau-teur. Et l’amicale reconnaissance des auteurs fait aussison poids.En juin,Expérience portera une fois encore unmagnifique Bermuda. Laurent Bonzon

Librairie Expérience5, Place Antonin-Poncet - 69002 Lyonwww.librairie-experience.com

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auteurs-illustrateurs, un thème.Ajoutez à cela la gratuité, le jolitemps de juin et un public de plusen plus nombreux… Voici la recette

joyeuse du Festival des jeunesauteurs de Saint-Geoirs.Qu’onne s’y trompe pas, ici on saitconjuguer détente et qualité…Le principe, simple en appa-rence : provoquer une ren-contre entre public et jeunestalents, fait ses preuvesdepuis 2003. Mais sansaucune véritable librairie àmoins de 35 km du village,

Silence, on lit !Un petit village de l’Isère, une poi-gnée de bénévoles, trente jeunes

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actualités /édition

Villa Gillet,à Lyon.Elle permettra demieux saisir les enjeux de ce pro-gramme. À la rentrée, en collabo-ration avec l’Espace numériqueentreprise (www.ene.fr), une infor-mation sera proposée autour de laquestion des sites Internet et de

La question du livre numériquecommence à soulever des interro-gations et à générer des position-nements inédits chez certainesmaisons d’édition. Elle est aussirécemment devenue une prioritépour les politiques publiques, tantau niveau local que national.Dans ce contexte, l’ARALD, avec l’Étatet la Région, a déjà organisé deuxrencontres avec une dizaine de responsables de maisons d’éditionde Rhône-Alpes depuis février 2009.Diverses pistes de travail se sontdégagées.L’élaboration d’un lexiquedu numérique est notammentapparue nécessaire afin d’éclaircirle sujet et d’identifier les différentesexpressions qui s’y rattachent.D’autres rendez-vous sont déjà envi-sagés.En collaboration avec le CNL,la BNF et le SNE, une conférencede présentation de Gallica seraorganisée le 17 juin prochain à la

leur référencement et une autre trai-tera du projet « Google Recherche delivres ». Plus tard, des modules deformation seront mis en placeautour de la question des modèleséconomiques et des stratégies com-merciales, ainsi que du juridique.

Émilie Pélissier

Présentation de Gallica 17 juinVilla Gillet, LyonContact : Brigitte [email protected]él. 04 50 51 81 65

Écrire et écrireencore« Tout le monde peut écrire un pre-mier roman,c’est le deuxième qui faitde vous un écrivain ».À travers cettephrase de l’écrivain Dan Simmons,

les Rencontres du 2e titre énoncent clai-rement leur ligne.Pour la septième annéeconsécutive, la librairie Colophon, àGrignan,et le comité de lecture qu’elle amis sur pied ont lu puis sélectionné desdeuxièmes romans. À l’occasion dequatre cafés littéraires et d’une tableronde, animés par des lecteurs, cettemanifestation se propose d’explorer enquoi écrire et publier pour la deuxièmefois peut être une expérience singulière.Au cours de ce week-end, le tout nouveauPrix des Rencontres du 2e titre sera remispar un ancien invité,André Bucher.Dotéde 1 200 € par le groupe AREVA, il récom-pensera le coup de cœur du comité delecture. Ces rencontres sont soutenuespar la Région et la DRAC, au traversdes dispositifs d’aides à la librairieen Rhône-Alpes. M. B.

Rencontres du 2e titre6 & 7 juinLibrairie ColophonPlace St.-Louis, 26230 Grignanhttp://pagesperso-orange.fr/colophontél. 04 75 46 57 16

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Rendez-vous autour du livre numériqueLume à LyonAprès cinq ans d’existence à Tours,les Éditions Lume sont établies à Lyondepuis la fin de l’année 2008. Au

travers de livres soignés, au graphismeélégant, la volonté éditoriale est toujourscelle de faire connaître des textes oubliésd’auteurs classiques, mais aussi depermettre à des écrivains contempo-rains de s’exprimer librement. MarieCimaroli, responsable de cette maison,privilégie les écritures personnelles etinattendues, dans les domaines de lalittérature,de la poésie,et des scienceshumaines et sociales.Parmi les dix-neuftitres du catalogue, on peut notam-ment voyager dans le Paris de la BelleÉpoque, aux côtés de la figure dePolaire, grande étoile du music-hallparisien des années 1900 et héroïned’un roman de Jean-Baptiste Thiérrée,La Folie Polaire ; mais aussi traverserles potagers du passé avec une sériede livres sur l’histoire des fruits et des légumes ; ou encore partager lapensée de Félix Guattari, à travers sesRitournelles, ensemble de fragments,d’écrits légers, vibratos d’un instant,paru dans la Nouvelle Revue Française,et réédité par les Éditions Lume dansun format poche. E. P.

www.lume.fr

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créer cette manifestation autourdu livre était une gageure…Au programme de cette 7e édition,desrencontres et des dédicaces avec desauteurs de bandes dessinées et deromans (on citera notamment YaëlDelalandre, Pierre-Luc Granjon, ÉliseMansot ou encore Pierre Lecarme),mais aussi des expositions,des confé-rences et des ateliers, pour petits etgrands,articulés autour du thème decette année : le cinéma. M. B.

Festival des jeunes auteurs de Saint-Geoirs (38)6 & 7 juinÉcole de Saint-Geoirswww.festivaldesjeunesauteurs.net

Les auteurs invitésPatrice Salsa, La Signora Wilson (ActesSud), Barbara Constantine, À Mélie, sansmélo (Calmann Lévy), Jean-Pierre Ohl,Les Maîtres de Glenmarkie (Gallimard),Fabienne Swiatly, Une femme allemande(La Fosse aux ours)

Lettres duPortugalDepuis 1992, au cœur de l’efferves-cence du festival Jazz à Vienne,Lettres sur cour ménage des paren-thèses poétiques. Avec la biblio-thèque municipale et la librairieLucioles, ce rendez-vous (en parte-nariat avec Jazz à Vienne) entraîneles festivaliers dans les coursombragées de la ville, à la décou-

verte d’écrivains et de poètes.Temps de lectures et de rencontres,accompagnées parfois de musiqueimprovisée, comme un écho à lagrande scène du théâtre antique.Cette année,poursuivant un voyagedans les littératures étrangèresentamé il y a quatre ans, la mani-festation mettra le Portugal à l’hon-neur. Sur la scène de Cybèle, dansla Cour des Carmes, celles de Saint-Louis ou du Collège Ponsard, ou auMusée de Saint-Romain-en-Gal, on

pourra écouter et échanger avec,entre autres, les écrivains Nuno Judiceet Eduardo Lourenço,Patrick Quillier,traducteur de Pessoa, Tristan Macé,joueur de bandonéon, ou encoreMichel Chandeigne, qui publienotamment les récits des grands voya-geurs portugais dans sa collection“Magellane”. M. B.

Lettres sur courDu 30 juin au 5 juilletVienne (38)www.jazzavienne.com

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Entretien avec Michel Ollendorff

Questions de fondsSollicité par l’ARALD, dans le cadre

des nouvelles mesures de conseil en

gestion initiées par la Région et des-

tinées aux libraires,Michel Ollendorff,

ancien responsable des librairies La

Procure, aujourd’hui reconverti dans

l’expertise technique, se tient au

chevet des libraires qui connaissent

quelques soucis de santé. Quelles

difficultés spécifiques dans la gestion des com-

merces du livre ? Quelles évolutions économiques

plus globales dans la librairie indépendante ?

Entretien avec un spécialiste des bilans et des

prévisionnels, à l’occasion de ses premières

consultations en Rhône-Alpes.

Quelle est votre mission auprès des libraires ?Il s’agit essentiellement de répondre de manièretechnique à des questions que se posent les libraires.Je ne suis pas rentable, pourquoi ? Je n’ai pas la tré-sorerie suffisante,pourquoi ? Bref, toutes les questionsde gestion classiques de librairie auxquelles il estpossible d’apporter une réponse en analysant leschiffres et le bilan. Dans le même temps, j’apporteaussi aux libraires la possibilité de prendre un certainrecul et de sortir de la gestion quotidienne. À partirde cette expertise,que nous faisons ensemble,il convientde déterminer de nouveaux axes d’orientation ou deconfirmer ceux qui existent en les infléchissant.

Concrètement y a-t-il des constantes dans les dif-ficultés rencontrées par les libraires ?En fait, j’interviens soit auprès de libraires qui sonten train de créer leur librairie, soit auprès de librairiesexistantes, qui sont potentiellement en difficulté.Très souvent, ces commerces ont un manque de margequi s’explique, la plupart du temps, par des chiffresd’affaires importants réalisés avec des collectivités.

En raison des rabais pratiqués ?Tout à fait. Le chiffre d’affaires avec les collectivités estintéressant, mais il ampute la marge de 15 % au maxi-mum,lorsque le libraire travaille avec une bibliothèque,alors que les libraires bénéficient eux-mêmes d’unemarge de 30 à 37 %, avec des structures de frais quicorrespondent plus ou moins à 17-19 % du chiffre d’affaires pour les salaires, 10-12 % pour les fraisextérieurs, 2 % pour l’amortissement… Si vous ajouteztout cela aux 15 % de rabais, vous arrivez à 44-45 %…

Ce qui est nettement plus que la marge !C’est évident.À chaque fois que les libraires vendentaux collectivités, ils font du chiffre, mais jamais derentabilité. Il ne faut donc pas que la part des col-lectivités soit trop importante, sinon on se retrouveavec un compte de résultats en perte. C’est une desconstantes sur lesquelles j’ai à me pencher.

Y en a-t-il d’autres ?Les problèmes liés à lagestion du stock.Les libraires se laissent souvent piégerpar le fonds et,quand on regarde les choses de plus près,on s’aperçoit parfois que le fonds ne tourne pas,qu’il pèse trop et qu’il faut impérativement négocierles retours.Très souvent, les libraires sont englués avecdu fonds,qui détériore leur trésorerie et leur pose desproblèmes bancaires.

Alors,d’un côté, les institutions encouragent financiè-rement les librairies à avoir du fonds,et de l’autre,c’estle fonds qui risque de couler les librairies…Bien sûr, avoir du fonds, c’est très bien, mais il faut dufonds qui se vende au moins un peu… Et « un peu »,c’est au moins une fois par an ! Il faut trouver unéquilibre astucieux et ne pas se trouver englué dansun fonds qui ne bouge pas. Certains libraires, aujour-d’hui, se posent d’ailleurs la question du change-ment de politique induit par la présence de publi-cations aussi nombreuses, qui pose justement desquestions sur le fonds…

Mais comment à la fois proposer une offre attractive,y compris pour des lecteurs exigeants, et ne passe laisser piéger par la pesanteur d’un fonds ?C’est un impératif, car le stock de fonds peut peser vitetrès lourd. Aujourd’hui, une librairie paye ses achatsd’ouvrages à 70 jours, si elle se débrouille bien. Or,beaucoup de libraires tournent à 2.4, c’est-à-dire qu’ilsrenouvellent leur stock en moyenne tous les 150jours. Cela veut dire que le libraire, qui paye sesachats de livres au distributeur en moyenne à 70jours,a besoin de 150 – 70 = 80 jours d’achats moyensjournaliers de stock en besoin de fonds de roulement.C’est beaucoup. Prenons l’exemple d’une librairiequi fait 200 000 € de CA et achète 135 000 € de livrespar an avec 35 % de remise. Elle achète donc tous lesjours 375 € en moyenne de livres. Si elle a besoinde 80 jours, on arrive à 30 000 € de fonds de roule-ment nécessaire au financement de ce stock. Vousvous rendez compte du fonds nécessaire pour unelibrairie qui fait 700 000 € de chiffre d’affaires et quitourne à 2.4… ! ?

Donc ce fonds de roulement doit être considérable…Tout à fait, et souvent il ne l’est pas. Il faut donc faireprendre conscience au librairie de la bonne adéquationentre son fonds de roulement et la rotation de son stock.

Et comment voyez-vous plus largement l’évolution dela librairie, sous l’angle de la gestion ?Je vois de jeunes générations qui ont bien compris lesenjeux de cet équilibre et sont bien plus rompues queleurs aînées aux problèmes de gestion. Cela vient de laformation, des études plus longues et des logiciels degestion plus performants dont les libraires bénéficient.Il y a une plus grande efficience.

Vous êtes donc plutôt optimiste pour l’avenir…Oui,par nature, je suis plutôt optimiste… Certes, la situa-tion générale se tend économiquement, mais noussommes dans un métier où les marges sont protégées.Donc nous n’avons pas à craindre fondamentalementla concurrence des grandes surfaces. Il suffit de fairemieux le métier que celles-ci pour réaliser unmeilleur chiffre d’affaires. Je constate d’ailleurs qu’ily a aujourd’hui plus de candidats à la reprise de librai-ries qu’il y a quelque temps.

Dans ce contexte, que pensez-vous du label LIR, misen place par le ministère de la Culture et des disposi-tifs destinés à venir en aide à la librairie indépendante ?Je n’en pense que du bien.

Mais après ce vous venez de nous dire, les aides à laconstitution d’un fonds peuvent-elles constituer uneaide véritable pour les librairies ?Oui, à condition que les libraires ne se contentent pasde créer des fonds pour créer des fonds, mais pour lesvendre. Si ce sont des fonds pour « faire bibliothèque »,ça ne servira à rien. Je dis souvent aux libraires que jecôtoie que chaque centimètre carré de leur librairie doitrapporter son avoine.S’ils ont des livres qui ne tournentpas, les autres doivent tourner plus vite pour rapporterplus d’avoine… Propos recueillis par L. B.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien sur www.arald.org

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zoom /librairie

entretien

La science à portée de main

Située en plein cœur du Vieux Lyon, la librairie Élec-tron livres a ouvert ses portes depuis l’été dernier.Derrière le comptoir, et plus volontiers devant pouréchanger avec les lecteurs, on trouve AdrienneTrillaud et Gatien Delavaud. Diplômés en sciences(« bio-anthropisation » et géologie), tous deux sontpassionnés par le partage des connaissances.La librairie propose 4 500 références sur 65 m2 :le rez-de-chaussée est dédié aux rayons habituels(littérature, poche, poésie, jeunesse, beaux-livres),le sous-sol est, quant à lui, consacré à un ensembled’ouvrages scientifiques de vulgarisation. On ydécouvre aussi cartes géologiques, globes terrestres,vivariums à fourmis, appeaux… Des aménagementsont été pensés pour la consultation des ouvrages etdes cartes. Cette belle offre est complétée par unpartenariat avec le planétarium de Vaulx-en-Velinet l’association 1 001 sciences. Un vrai voyage enterre scientifique, accessible à tous. M.B.

Librairie Électron livres1, rue Saint-Jean - 69005 LyonOuvert du mardi au dimanche de 10h à 19hwww.electron-livres.com

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livres & lectures/ roman

l’un à l’autre : leurs longues soiréesau bord de la baltique à fumer duhaschich en regardant la lune ; leursvirées chez les prostituées polo-naises de la ville ; leurs nuits sanssommeil, à veiller l’un sur l’autre ;leurs attentes, lors des permissions,comme autant de douloureusesséparations ; leur étrange et impli-cite promesse, enfin, de ne jamaiss’oublier, même si la vie et leursaffectations respectives les poussentà se séparer…On ne sait jamais trop ce qui, dansles romans d’Hubert Mingarelli,pro-voque une telle émotion. Est-ce lanaïveté poétique de son écriture,quis’immisce au plus près des senti-ments des personnages et de la pré-sence charnelle de la nature ? Sonregard, plein de délicatesse, sur les

Le dernier romand’Hubert Mingarelli

Au filde l’eauAvec La Promesse, HubertMingarelli poursuit sonœuvre romanesque encreusant toujours lesmêmes obsessions. Unlivre bref et émouvant,comme une confidencemurmurée à l’oreille dulecteur.

Le lecteur assidu d’HubertMingarelli ne sera pasdépaysé à la lecture de La Promesse.On y retrouve les thèmes caractéris-tiques de l’auteur de Quatre Soldatsou d’Hommes sans mère : l’eau, lasolitude, l’amitié, la relation filiale,le rapport à la nature, les blessuresdu passé, la reconstitution des sou-venirs, l’enfance… Ici, le héros,nommé Fedia, navigue sur un lacà la recherche d’un lieu où il pourravider la petite boîte qu’il a placée aufond de son embarcation.Dans cetteboîte, se trouvent les cendres deVassili,un jeune homme qu’il a ren-contré lorsqu’il faisait ses classes demécanicien de la marine. Au fil del’eau, des rencontres fugaces, descafés engloutis et des cigarettesgrillées, Fedia se souvient de lapuissante amitié (mais a-t-elle véri-tablement existé ?) qui les a liés

été amené à lire un manuscrit dontil est le héros ! Oui, un roman poli-cier où il se reconnaît sous les traitsd’un personnage peu recomman-dable… C’est du moins ce qu’il pré-tend.Et il va s’efforcer de le prouver,en réécrivant le polar en question,soulignant les passages qui n’ont étéécrits, selon lui, que pour l’accuserd’un crime. Ainsi avance le livre deMarc Pierret, polar dans le polar,passionnant ouvrage qui joue surdu velours entre parodie, satire du

monde de l’édi-tion et hommagesincère à la littéra-ture policière.N.B.

Marc PierretLe Lymphomed’HazelbeckURDLA272 p., 20 €ISBN 978-2-914839-31-0

En touteinnocenceGrâce soit rendue aux éditons del’Urdla, qui donnent à Marc Pierretune nouvelle visibilité ! Cet écrivainpour happy few montrait dans Sixmois après, livre où il revenait surson expérience de Mai 68, combienson écriture fluide et facétieuse seprêtait bien au récit vagabond.AvecLe Lymphome d’Hazelbeck, son stylebrille tout à fait différemment,puis-qu’il s’est servi de son expériencedans le monde des éditeurs pourdonner un ouvrage très étrange :une sorte de polar construit « enmiroir ».Le récit débute avec le cour-rier qu’un mystérieux narrateuradresse à son avocat. Dans cettelongue lettre, il explique comment,au sein du comité de lecture de lamaison d’édition qui l’emploie, il a

parcours, mais aussi la nature pro-fonde, l’humanité particulière.Comment,doté d’un esprit et d’uneintelligence exceptionnels, cethomme a mené une vie en appa-rence ordinaire, par modestie, par« patience devant la vie ». Dans cetexercice, la réussite de l’auteur estde trouver la distance juste,celle quipermet de créer l’émotion sansjamais la rechercher.Sans doute celatient-il à l’écriture de Marc Pautrelqui est d’une rare précision,capablede cerner en un minimum de motsles personnages et les situationsdéterminantes.Dans Je suis une surprise, autre opusde Marc Pautrel récemment paru,

Portraits del’artiste avecson oncleDe la lecture des deux derniers livresde Marc Pautrel, on peut concluresans risque d’être démenti qu’il maî-trise parfaitement l’art du portraitlittéraire. Dans L’Homme pacifique,l’écrivain redonne vie à un hommequi, au moment où il prend laplume,vient de la perdre.Son oncle,son parrain. Un être dont, enquelques dizaines de pages, il par-vient à restituer non seulement le

on retrouve ce style aigu,cette « écri-ture à l’os ». Mais cette fois, l’écri-vain parle de lui-même,ou plutôt decet autre « je » qui lui est à la foisétranger et familier puisqu’ilretrouve des souvenirs enfouis, évo-cateurs de l’enfant qu’il fut (décou-vrant un crâne dans un jardin) et

l’adulte qu’il est devenu (ne recon-naissant plus certaines de ses tenta-tives littéraires).Cette chronique dessouvenirs perdus puis resurgis sedouble d’une réflexion sur lamémoire et sur l’identité, ce qui larend d’autant plus intéressante.Nicolas Blondeau

Marc PautrelL’Homme pacifiqueGallimard80 p., 10,50 €ISBN 978-2-07-012487-9

Je suis une surpriseÉditions Alter Ego128 p., 12 €ISBN 978-2-916159-69-0

MercureliquidationtotaleLa revue littéraire et graphique

Mercure liquide fêtera le lancement deson dixième et dernier numéro le 11 juinà la MJC Monplaisir, à Lyon. Lecturesinsolites, projections, danse, musiqueet expositions sont au programme,dansun esprit mêlant rétrospective et décou-verte. Un cabaret un brin déjanté pourun enterrement joyeux.

MJC Monplaisir25, avenue des Frères Lumière 69008 Lyonwww.mercureliquide.com

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usfêlures de l’âme et les blessures du

passé ? La beauté lumineuse de sonrapport sensible au monde ? Toujoursest-il que l’alchimie a lieu, presquesubrepticement, sans tambour nitrompette, mais avec l’intensité etl’acuité d’une écriture qui, sousson apparente simplicité, révèledes trésors de sensibilité etd’humanité. Yann Nicol

Hubert MingarelliLa PromesseSeuil138 p., 16,50 €ISBN 978-2-02099388-3

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livres & lectures/ roman

Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image,pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent sur l'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailLe bon rythmeL’emploi du temps est une chose complexe lorsque l’on estseul maître de son organisation. Les moments de temps librepeuvent vite paraître des pièges à dépression. Rester des heuresdans un atelier et tout essayer, lecture, dessin, écriture, sans querien n’aboutisse. J’appelle cela mes journées sans. Journée sansidée, sans la main pour dessiner, sans envies… Chercher quelquechose à faire quand personne ne vous demande rien s’avère parfoisun casse-tête, il faut réactiver le corps. Je sors.À l’âge de trente ans,Haruki Murakami,allongé paisiblement sur l’herbedu stade Ginju, eut la conviction qu’il pouvait désormais écrire unroman. Il tenait alors un club de jazz. Il se rendit dans une papeterieet fit l’acquisition d’une rame de papier et d’un stylo convenable.Quelque temps plus tard, après avoir mûrement réfléchi, il décida defermer son bar et de le vendre, ceci afin de se consacrer uniquementà l’écriture.« Je suis de ceux qui s’engagent à fond dans n’importe quelleactivité », dit-il avec un rien de bravade.Mais l’écrivain, la plupart du temps, est seul et, on le sait, l’isolementest une chose étrange. Pour Murakami, cette solitude protège, maisen même temps le meurtrit sans cesse de l’intérieur. « Je pense qu’àma manière (sans doute grâce à l’expérience) je suis conscient de cedanger. C’est pourquoi je dois sans cesse maintenir mon corps enmouvement et quelquefois le pousser jusqu’à ses limites, afin de guérir

la solitude que je ressens au fond de moi, ou au moins de la relativiser.Tout ceci est chez moi plus intuitif que délibéré. »Avec plus de trente marathons à son actif et son jogging quotidien,Murakami l’intuitif a trouvé la solution : courir comme il écrit, jusqu’àce que l’un et l’autre finissent par se confondre. Parfois jusqu’à l’épui-sement, courir seul, même au milieu des autres.

Haruki MurakamiAutoportrait de l’auteur en coureur de fondBelfond

chronique Géraldine Kosiak 5 /

dans les arcanes les plus secrets del’épreuve,au cœur des tactiques com-plexes qui se mettent en place etdécrit parfaitement la douleur quiprend possession des organismes.Mais le tour de force de Jean-NoëlBlanc est d’entrecouper cette passion-nante évocation d’un autre récit toutaussi captivant,qui retrace l’enfance,l’adolescence et la jeunesse du héros.Comment, orphelin de père, d’unmilieu peu aisé, il s’est replié sur lesport pour oublier ou affronter sesdifficultés.Le roman oscille ainsi entre

le présent de la course etle passé du coureur quel’on voit souffrir sur sonvélo. Une remarquableréussite. N. B.

Jean-Noël BlancLe Nez à la fenêtreÉditions Joëlle Losfeld150 p., 14 €ISBN 978-2-07-078772-2

L’échappée belleLe dernier livre de Jean-Noël Blanc,Le Nez à la fenêtre, mérite que l’on« colle à sa roue ». Il nous place, eneffet,au cœur des pensées d’un cou-reur cycliste durant une titanesqueétape de montagne dans le Tourde France – une de ces coursesmythiques,où le sportif devient unesorte de torturé volontaire tant l’effortfourni paraît inhumain. D’autantplus que celui qui souffre le martyrest l’un de ces sans-grades, de cesporteurs d’eau chargésdes basses besognes enfaveur du leader del’équipe. Mais ce jour-là,ce coureur a décidé demontrer tout ce dont ilétait capable, espérants’attirer quelque gloire.Le récit est très vite hale-tant. Il nous fait pénétrer

On dit : c’est l’âge, c’est certain,c’est là que ça arrive.L’adolescenceest un état de déséquilibre et lesentiment amoureux vient brus-quement tout bousculer.Plus rien,alors, ne tient dans rien. Avec lesgarçons, c’est un court texte deBrigitte Giraud, une série de frag-ments écrits pour un projet édito-rial singulier, mêlant écriture, lec-ture,musique,performance.Le livreest accompagné d’un DVD,qui ras-semble les partitions – texte etmusique – dans la lecture et donnela parole aux deux créateurs.FabioViscogliosi, guitare et claviers.Brigitte Giraud, texte et voix. Onlit, on entend, on écoute. Chacun suit savoie/voix et parle de l’autre.L’adolescence se tient dans un regard, là où« Tout est à refaire. Tout est à improviser. »Ou dans une note lancinante, qui donnele rythme de l’attente, de l’espoir, de larépétition. Une jeune narratrice, lesvacances estivales, parents et petit frère,

la rencontre d’un gar-çon, après quoi plusrien ne sera jamaispareil.La tête, le corps,le regard sur tout cela.L’écriture permet detoucher à la volup-tueuse et angoissanteliberté entrevue danscet amour naissant oùl’on se tient enfermé.Délice du bonheur àpeine né et souf-frances rappliquantaussitôt. On devraitsavoir la violencemagnifique de cestemps incertains oùla moindre étincelled’amour met le feu

aux poudres. L’écrivain et le musicienracontent avec finesse cette incroyableexplosion. L. B.

Brigitte GiraudMusique de Fabio ViscogliosiAvec les garçonsÉditions Alphabet de l’espace104 p., 26 € - ISBN 978-2-917145-00-5

Le feu aux poudres

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Il était une fois un genrelittéraire aussi mésestiméen France que l’HéroïcFantasy.Dans ce domaine(comme dans celui de laS-F), on pouvait comptersur Les Moutons élec-triques Éditeur pour nousfaire rattraper le tempsperdu. Gageons qu’avecGagner la guerre, premierroman de Jean-PhilippeJaworski, la barre a étéplacée très haut.Soit Benvenuto Gesufal,assassin émérite de laGuilde des Chuchoteursde son état,maître espionde son Excellence lePodestat de la République

Héroïc Fantasy : Jaworski donne le ton

Bardamu chez les elfesSans débauche de magie et sans effet de manches, Gagner la guerrefait honneur à l’Héroïc Fantasy. Un premier roman de Jean-PhilippeJaworski, paru aux Moutons électriques Éditeur, qui vient d’obtenirle prix Imaginales 2009.

de Ciudalia en sus. Voilà notre anti-héros qui ne trouve rien de mieux àfaire que de… vomir,dès la premièrepage. La navigation maritime ne luiprofite pas : « Beauté des horizonschangeant et souffle du grandlarge ? Foutaises ! La mer, c’est votrecuite la plus calamiteuse, en pire etsans l’ivresse. »Une pareille entrée en matière estpour le moins inusitée en HéroïcFantasy. Jaworski sait donner le ton.Son style à la crudité très travailléene tombe jamais dans l’exercice destyle médiéval. Et pour les besoinsde l’ouvrage, Jaworski n’a pas hésitéà élaborer un argot original.Pour résumer, le personnage deBenvenuto Gesufal est une sorte deFerdinand Bardamu plongé en pleine« Tolkiennerie » (on songe aussi auCapitaine Alatriste, la plume deJaworski égalant largement celle dePérez-Reverte). Les complots poli-tiques sont de règle,dans un monde« imaginé » extrêmement crédible.La République de Ciudalia ? Onsonge autant à Florence qu’à Venise.

livres & lectures/ roman

Romans entous genresLes éditions Gaspard nocturnenous proposent trois récits de Jean

Vigna, sous le titre Les Élémentairespetites histoires douloureuses d’untemps si lointain du nôtre, de familleset d’années 30… Un peu plus loin encoreremonte Philippe Puigserver dansLa Malicorne (Éditions du Pierregord),oùla Première Guerre mondiale déjoueles destins et les identités des person-nages, mais suscite une plongée sanscomplexe dans le romanesque. Côtéromans du terroir, Suzanne de Arribapoursuit son exploration des terresrurales et de leurs mystères avec LeMas Serpolet (Éditions Lucien Souny)et Les Princes de Taillevent (Éditionsmon village), alors que Frédérickd’Onaglia publie Le Faux pas(Belfond), roman social sur fond depaysages cévenols. Quant à NicoleProvence, elle pratique le polar ruraldans La Dernière Cuvée de Marianne(L’Écir), pendant que SébastienFritsch, dans son dernier roman noir,cherche Derrière toute chose exquise(Éditions du Pierregord) des senti-ments qui ne le sont décidément pas.André Fanet, dans La Faute àRousseau, entrevoie le drame mon-tagnard dans la cheminée du Nivolet(La Fontaine de Siloé) et RogerMoiroud propose Le Revard pour lin-ceul (Éditions Thot). Plus proche dela méditation épistolaire sur l’appar-tenance, la transmission et le fémi-nin, Geneviève Cornu s’essaie auroman d’anticipation dans La Semenced’Eva (Jacques André Éditeur). L. B.

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misère semi-rurale à la française.Car au-delà du tableau d’un paystiraillé par son milieu et par sonHistoire, au-delà des personnageshauts en couleurs qui peuplent cettefresque berrichone, il y a bel et bieneu meurtre. Et l’on accompagneMax Hellacoeur, une brave petite

Marc Pellacoeur : unroman noir “prolo-rural”

Black BerryBienvenue en Berry saint-amandois ! « Pays au cœurd’or », au cœur de la France– odeur de beurre rancegarantie… Son clocher dingdong et ses querelles de douxdingues, ses fiers blancs-becscouperosés et ses deux outrois « bronzés », son ancienmaire Maurice Crapon et sesdeux clubs de foot ennemis,son dernier authentique« anar » et ses vieux « cocos »cuits au comptoir,son cinémadéserté et sa discothèque« blindée »,sa salle de poker clandes-tine et ses concours de danse, sansoublier la nymphomane et lescondés à l’affût… Entre petits com-merces et gros potins, poujadismeet racisme « ordinaires », Auxvents !, de Marc Pellacoeur, est unroman noir bien affûté sur la

frappe qui, jusque-là, faisaittranquillement dans l’arnaqueaux voitures d’occasion,avant de se retrouver, vieilleamitié « aidant »,mêlé à l’ho-micide de son Kabyle demécano. Héros ventre moud’un polar prolo-rural, Maxréussit un moment, de petitboulot en petite amie, àéteindre les soupçons et àfaire son trou à Montrond…jusqu’à ce que le cadavrede Mustapha refasse surface.Tour à tour chroniqueur etpoète d’un monde évoquantcelui de Céline et de Calaferte,Marc Pellacoeur,qui sait allè-grement changer de registrede langue comme de vitesse

de narration, signe ici un premierroman étonnant par l’étendue deses contrastes. Marc-Henri Jéru

Marc PellacoeurAux Vents !À plus d’un titre Éditions452 p., 19 €ISBN 978-2-91748-607-8

Le livre s’ouvre d’ailleurs sur unextrait du Prince, de Machiavel !Gagner la guerre,grâce à son universriche et cohérent – ni débauche demagie ni anachronisme facile,et unegouaille qui fait mouche entre deuxadresses au lecteur –, convaincra lesréfractaires au genre Héroïc Fantasyet surprendra les aficionados deTolkien – ou mieux,de Gene Wolfe…Frédérick Houdaer

Jean-PhilippeJaworskiGagner laguerreLes MoutonsélectriquesÉditeur688 p., 28 €ISBN 978-2915793-64-2

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La tache attaque !de Jean Gourounas

Grave erreur que d’ignorer une tache !Snobez-la et elle étendra aussitôtle domaine de la lutte à tout votrecorps… De taches en indices, oncomprend petit à petit que le dramese joue à la campagne,et que dans lapropagation de cette maladie rare(tache folle ?), les animaux sontmoins à incriminer que les machines.Bien malin qui peut prédire le thèmeque Jean Gourounas adoptera pourson prochain album. On attendchaque sortie avec une impatiencecontenue (l’avant-dernier album,Wadaï, remonte à 2006),et on se faittoujours surprendre. Un seul filconducteur : l’humour et le plaisir,à nul autre pareil, de faire avancerune histoire par le jeu des situationset du langage, jusqu’à la chutefinale. Sourire à la clé… A.-L. C.

Le Rouergue, 26 p., 11 €ISBN 978-2-8415-6999-1

Les Égarements de Lilyde Véronique M. Le NormandOu comment retrouver, dans unquatrième et dernier volet, le per-sonnage attachant de Lily Blachon,jeune femme de 24 ans qui continued’écrire,dans ses petits carnets noirs,

du frère,bien sûr,ange rêveur à l’uni-vers inaccessible, et en creux, celuide Lia, qui s’interroge sur la naturede leurs personnalités respectives etle sens de la fratrie : « Un lien invi-sible nous unissait, Phil et moi, dansl’enfance, plus fort que les mots. Parla suite, bien avant qu’il ne parte,quelque chose avait dû pourtantnous séparer, et peu à peu, notreembarcation frère et sœur s’étaitfêlée. Nos chemins s’étaient désoli-darisés comme ça, naturellement,une loi du genre humain sans doute,inéluctable.Pour grandir,nous avionsdû nous dessouder,nous décrocher.»Devant cette soudaine solitude,c’estelle qui doit se trouver et s’affirmer,avec ou sans les autres.Dans ce che-minement, et alors que la fratrie etla fugue sont deux thèmes conve-nus des romans pour adolescents,Isabelle Collombat réussit à posersur ces personnages une écritureattachante. Anne-Laure Cognet

IsabelleCollombatQuand monfrèrereviendraLe Rouergue254 p., 11,50 €ISBN 978-2-8126-0019-7

L’ACT MEM

Moi, éternel enfant(Ich ewiges Kind)d’Egon Schiele ; NathalieMiolon, trad.Cette troisième édition des poèmes d’Egon Schiele,célèbre peintre viennois dutournant du siècle dernier,permet de pénétrer ununivers littéraire proche deses tableaux. Comme jetéssur le papier par petitestouches presqueimpressionnistes, ses motsdécrivent une naturecolorée et mouvante.

84 p., 16 € ISBN 978-2-35513-041-0

BALIVERNES

Le Chat Rabiade Stéphanie Dunand-Pallaz ; Sophie Turrel, ill.Dans cette nouvelle série,chaque personnage vadevoir vaincre demauvaises habitudes pourparvenir à être plusheureux. Ici, il laisseratomber son « charabia » etapprendra à mieuxs’exprimer pour charmer saminette…

collection Les Petits Chats

38 p., 8 €

ISBN 978-2-35067-035-5

CHAMP VALLON

Le Mot qui tueVincent Azoulay et PatrickBoucheron, dir.Les contributions réunies ici interrogent la notion de violence intellectuelle.Elles forment une analysehistoriques de laresponsabilité de cesprofessionnels de la paroleque sont les intellectuels :de l’attaque ad personamdans la rhétorique romaineà l’imaginaire guerrier desintellectuels contemporains,en passant par les formesde la dispute médiévale ou de la controverse savanteà l’époque moderne.

378 p., 27 €

ISBN 978-2-87673-504-0

LA FONTAINE DE SILOÉ

Les Chemins du sacré :L’Art en Savoie -Pèlerinagearchitecturalde Raymond OurselCe coffret en deux volumesconstitue une sommerédigée par un spécialiste de l’art roman qui est aussil’« inventeur » du baroquepopulaire et paysan enSavoie.

393 et 266 p., 75 €

ISBN 978-2-84206-350-4

ÉDITIONS GUÉRIN

Eiger Obsessionde John Harlin ; MathieuJacquet, trad.Comment réussir sa viequand on partage la mêmepassion – fatale – que sonpère ? John Harlin, grandalpiniste américain, tôtinstallé dans les Alpes, neterminera pas son ascensionde l’Eiger : il se tue le 26mars 1966. Son fils n’aura de cesse de faire à son tourl’ascension.

302 p., 25 €

ISBN 978-2-3522-1030-6

livres & lectures / jeunesse

nouveautés des éditeurs

Isabelle Collombat : le romanen fugue

L’embarcationfrère et sœurAprès Bienvenue à Goma,un romanengagé sur le génocide rwandais etle rôle ambigu de la France, IsabelleCollombat entre,pour son troisièmeroman, dans le huis-clos d’unefamille française ordinaire.

Quand mon frère reviendra reposesur un argument aussi mince quebouleversant : la fugue d’un adoles-cent, racontée par sa sœur. Si lessituations psychologiques sontdécrites avec beaucoup de nuances,c’est certainement la constructiondu livre qui donne toute sa dimen-sion aux personnages.Une premièrepartie déroule au ralenti ce quidevrait terminer l’histoire : l’adoles-cent a été retrouvé dans un squatd’une petite ville du sud-ouest. Ladeuxième partie plonge dans l’an-goisse et les doutes des 184 joursqu’a duré la fugue. La fin reprend lefil des retrouvailles tant attendueset l’impossible retour à une vie nor-male.Ces différences de temps et detempo permettent une explorationimplacable de l’histoire familiale,par petites touches.Mais elles livrentaussi de très beaux portraits : celui

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Émilie Pélissier

ses états d’âme et ses questionne-ments. Une banale chute dans l’esca-lier,une dent cassée,des médicamentsqui déclenchent une allergie condui-sent Lily à se réfugier chez sa tante.La convalescence lui donne l’occa-sion de faire le point sur le cheminqu’elle veut suivre… Les souvenirs,les désirs de Lily sont racontés aveclégèreté.Une adolescence particulière,très réfléchie, littéraire, artistique, quisemble couler de source sous laplume fluide, élégante, de l’auteur.A.-L.C.

Éditions Thierry Magnier, 144 p., 8,50 €ISBN 978-2-84420-747-0

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ÉDITIONS DULAMPION

Poil de carottede Jules Renard,illustrations d’AnneDouilletAu plus près de l’enfancemalheureuse, ce romanparle à la fois del’expérience difficile del’auteur, de sa rancunecontre sa mère, mais aussid’une tendresse qu’il a voulurefouler. Quelques dessinsaquarellés permettent auxlecteurs de plonger danscette histoire à la foisdramatique et féérique.

146 p., 19,15 €

ISBN 978-2-917976-04-3

LIEUX DITS

L’Humanité en guerretexte de CarolineMoorehead ; JamesNachtwey, préf.À l’occasion du 150e

anniversaire du Comitéinternational de la Croix-Rouge, plus de 200

par des documents rares,comprend une biographie dupersonnage comme s’il avaitexisté et une étude détailléede toutes ses enquêtes.

160 p., 19 €ISBN 9787-2-915793-66-6

PUG (PRESSES UNIVERSITAIRES

DE GRENOBLE)

Spectacle vivant etculture d’aujourd’huiUne filière artistique à reconfigurerde Philippe HenryCet ouvrage met en évidencela nécessité actuelle d’unereconfiguration plusmutualiste du spectaclevivant. Le développement dulien entre projets artistiqueset dynamiques culturelles de

photographies provenantde ses archives retracentson action face aux criseshumanitaires provoquéespar la guerre. Un recueildans lequel la qualité desreproductions parvient àrendre compte desémotions à jamais figéespar l’objectif.

248 p., 36 €

ISBN 978-2-914528-67-2 ?

MOSQUITO

Carnets de Syldaviede Jacques HironLa Syldavie, pays imaginépar Hergé, n’avait encorejamais été mis en vedette

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« devenir du souvenir » ? Quelles expé-riences de la présence comme duhors-temps suscite-t-elle ? Que nousfait-elle palper du temps par ses seulesvibrations ?Autre ligne de crête du livre, la médi-tation sur le narcissisme dont délogel’écoute vraie. S’ouvrir au « miraclesonore », à l’éclosion musicale,implique de se dessaisir de soi.« Longer le lit de la musique » commeon suit celui d’une rivière, c’est « bri-ser le miroir ».Et se rendre disponibleà quelque chose qui relève d’unamour qui ne saurait se déclarer quehors de toute langue.« L’expérience sonore vibrerait à la foisd’un manque et d’un appel, d’où sontissu paradoxal de nostalgie et de désir.»Au fil des pages, l’essai fourmille de

Thierry Martin-Scherrer :figures du poète en musicien

Au miroirdes sonsDans cet essai profond,ThierryMartin-Scherrer s’attache àdécrypter le miracle de l’expé-rience sonore : L’Exil musicalcomme patrie.

Voici un livre de haute volée etde haute tenue. Un ouvrage oùun poète (Thierry Martin-Scherrera à son actif des recueils d’unegrande intensité) médite sur lamusique, le plus métaphysique deslangages dont le sortilège est d’échap-per aux mots et aux concepts. Il ensonde la nature et les pouvoirs en selaissant porter par des aphorismescueillis chez toutes sortes d’écrivains,philosophes ou musiciens,à partir des-quels il lance ses forages, tisse satrame, donne forme à sa rêverie.Qu’est-ce que la musique vient émou-voir, frôler, attaquer, délabyrinther,désenfouir ? Quel asile vient-elledemander,quelles porosités envahir ?Où vient-elle cerner ou donner voixà mon intimité ?Une des lignes de force du livre est laréflexion sur le temps qu’instillenécessairement l’écoute musicale.À quelle mémoire « absolumentmémoire » en appelle-t-elle ? À quel

formules comme celle-ci, admirable-ment posées. La noblesse du propos,sa gravité attentive,donnent à ce livreau phrasé ample, confiant dans lespouvoirs du verbe,son élégance et saprofondeur.Bien sûr la musique exile. Loin descontingences et des lourdeurs. Loindes mots de la tribu. Mais on sentcombien pour Thierry Martin-Scherrercet exil est patrie. C’est bien en elle,dans ses abîmes comme dans sesenchantements, que s’enracine sadouble vocation de musicien et depoète. Claude Burgelin

Thierry Martin-ScherrerL’Exil musicalEncre Marine278 p., 35 €ISBN 978-2-35088-008-2

Souvenirs-écransLa prédilection de notre société pourune certaine surenchère spectaculairesemble souvent, par contraste,condamner les mots à l’impuissanceet à la faiblesse de la représentation.Ces différentes façons de susciter lemonde naissent pourtant d’un mêmedésir, celui de voir et de faire voir, derendre le réel présent à soi et auxautres. Les cinq auteurs qu’évoquel’ouvrage de Roger-Yves Roche ontainsi utilisé l’image photographiquecomme contrepoint de l’écriture,tan-tôt guide et soutien, tantôt rivale oupoint aveugle.Dans ces récits de Perec,

Modiano, Duras, Goldschmidt etBarthes,désignés du beau néologismede « photofictions », l’écriture entre-tient avec l’image un rapport problé-matique : le narrateur de Rue des bou-tiques obscures,de Modiano,enquêtesur son propre passé muni d’unephoto où il croit se reconnaître ; lecœur narratif de L’Amant, de Duras,réside tout entier dans une « photoabsolue » qui n’a jamais existé.Clichéde sa propre vie, trace durable d’unpassé disparu, mystère de l’imagemuette qui s’impose sans délivrer desens : la force de cet essai pointuréside dans le choix de ses objetsd’étude, qui permet une explorationexplicitement teintée de lacanisme dugenre de « l’autofiction ».La quête dela scène originelle et de l’identité dusujet est en effet au centre de cestextes, liés par une commune diffi-culté à déterminer leur terrain de Je.Le livre de Roger-Yves Roche nousimmerge avec empathie au cœur deces écritures contemporaines oùl’image le dispute aux mots dans latentative d’une construction littérairede soi, mues par le doute fondateurselon lequel « une photographie neserait rien d’autre qu’un îlot de fortunesur lequel le langage échoue.» Sophie

Bogaert

Roger-Yves Roche collabore régulièrement à Livre & Lire

Roger-Yves RochePhotofictions. Perec, Modiano, Duras,Goldschmidt, BarthesPresses universitaires du Septentrion,316 p., 22 € - ISBN 978-2-7574-0084-5

livres & lectures/ essais

à part entière. JacquesHiron, grand tintinophile,comble cette lacune etpermet aux lecteurs d’endécouvrir de nouvellesfacettes. Il renforce ainsi lacrédibilité de l’existence dece pays.

143 p., 15 €

ISBN 978-2-35283-022-1

LES MOUTONSÉLECTRIQUES

Les Nombreuses Vies de Miss Marplede Jacques BaudouMiss Jane Marple représentela quintessence de l’œuvred’Agatha Christie : figure dudétective amateur et vieilledame sans merci. Cetouvrage, largement illustré

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les oiseaux,pauvrespetits oiseaux, pauvres petits cons. » Un

dessin, une légende. Les deux jouent de la répétition, sejouent d’elle, comme on chercherait à épuiser le sens d’unmot – cet oiseau, ce con… –, comme on tenterait de ne pasépuiser le sens de la vie, afin d’ouvrir un ailleurs de rêveriepourtant sans horizon.Car à la question « Les oiseaux seront-ils toujours des cons ? », Chaval répond : « Oui, les oiseauxseront toujours des cons.Éternellement ? Oui,éternellement. »L’éternité étant pour bientôt,mieux vaut donc apprendre toutde suite à en rire. L. B.

Un album photographique de la vie en montagne

Hors du tempsThérèse et ses deux frères, c’est avant tout l’histoire pho-tographique d’une rencontre. Entre Thérèse et Teresa, lapaysanne et la photographe,entre deux mondes, celui desêtres, des objets, et celui des images. La Clef des champsest un hymne à l’authenticité, à la vérité des caractères etdes vies. De la vallée de Combafou, où se trouve la ferme,à l’alpage du Foron (plus de 1 300 m d’altitude), où l’on« emmontagne » au mois de juin, la vie des frères Tissot etde Thérèse s’organise au rythme des saisons et des tâchesque dictent les récoltes et la nature. Les lieux de vie, lesvisages marqués,quelques mots de commentaires ici et là,la photographie en noir et blanc de Teresa Kaufman se metà hauteur d’homme.De femme.Et aide le lecteur,page à page,à retenir le temps. L. B.

Réédition, chez Cent pages,d’un album conçu par Chavalà partir d’un court-métrageréalisé par le dessinateur dansles années 60. Où l’on apprendque Les Oiseaux sont des cons.Et pas qu’eux…

Les oiseaux, c’est nous… Il ya l’oiseau militaire, l’oiseaucuré, l’oiseau sandwich, l’oi-seau conquérant, l’oiseau sûrde lui, l’oiseau fourbe, l’oi-seau bagarreur, l’oiseaudévoué, le groupe d’oiseaux, labande d’oiseaux, le troupeaud’oiseaux, le prétentieux et le

pressé, l’obséquieux et l’imbécile,et puis tous les autresqui constituent une société qui ressemble si fidèlementà la nôtre. Bref, une effroyable bande de cons, selonChaval, dessinateur de la dérision triste et méchante,caricaturiste de l’éclat de rire vite réprimé… Il vrai quel’on ne s’amuse pas aussi facilement de soi-même.Né en 1915, à Bordeaux, farouche misanthropereconnu comme l’un des plus grands dessinateursde presse des années 50-60, l’homme est allé au boutdu désespoir qui l’habitait, comme il habite sesœuvres, en mettant fin à ses jours, en 1968.Pratiquant magistralement l’autodérision (« Quel estl’oiseau qui a pondu cette connerie ? C’est un con.»),Chaval glisse de manière mélancolique sur un traitsombre qui trace les portraits d’hommes à têtes d’oi-seaux et d’oiseaux à têtes de cons : « Ils sont tendres

Viallat,toujoursintempestifClaude Viallat inaugure une nouvellecollection de livres d’artistes auxÉditions des Cahiers intempestifs.Depuis plus de dix ans, les Éditions

des Cahiers intempestifs se définissentcomme un lieu de rencontre où s’ex-pose la diversité de l’art d’aujourd’hui.La variété des collections témoigne dece désir. Aux monographies viennentaujourd’hui s’ajouter les livres d’artistes.Invités à travailler sur la géographie dulivre, les artistes investiront le volume deces livres-objets et y réaliseront des créa-tions spécifiques, les transformant ainsien œuvres d’art à part entière.Comme la revue qui paraît depuis 1993,cette nouvelle collection se présente sousla forme de feuillets non reliés et regrou-pés sous plexiglas. Mais ici, la boîte estde format plus petit et carré, et soncontenu répond à une volonté plus radi-cale quant à l’élimination du texte.Toutela place est laissée au geste artistique quine sera surchargé d’aucun commentaire.Dans ce premier numéro,Claude Viallata apposé sa forme emblématique (mi-éponge,mi-haricot) sur les deux faces dedix-huit feuillets. Cet artiste phare dugroupe Support-Surface, à la fin desannées 60, poursuit ainsi son question-nement de la matérialité de la peintureet sa remise en cause de la nécessité dutableau traditionnel. Comme toujoursdans sa démarche, les caractéristiquesdu support,ses dimensions et ses pliures,ont induit la composition. Grâce à sontalent de coloriste,ainsi qu’au minutieuxtravail technique par lequel les fac-simi-lés sont obtenus, l’amateur d’art appré-ciera de multiples nuances chromatiquesparsemées d’effets de relief. Chacunpourra enfin s’approprier cette œuvred’art, ce livre évolutif, en modulant àl’envi sa pagination et donc son appa-rence visuelle. E. P.

Claude ViallatÉditions des Cahiers intempestifs53 € - ISBN 978-2-91 1698-53-8

livres & lectures/ beaux-livres

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Un album de Chaval aux éditions Cent pages

Si les consvolaient…

ChavalLes Oiseauxsont desconsCent pages,80 p., 26 €ISBN 978-2-9163-9006-2

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construction identitaire despersonnes et des groupesest notamment pointé.

collection Art culture publics199 p., 20 €ISBN 978-2-7061-1515-8

LA RUMEUR LIBRE

Grammaire du retourde Véronique LaupinL’auteur, qui fut à la tête deséditions du Bel Aujourd’hui,à Lyon, de 1996 à 2002,présente avec cet ouvrage sa première publication de poésie. Elle racontel’expérience vécue d’undépart qui a eu « tous lesaspects d’un retour ».

collection Plupart du temps

94 p., 12 €

ISBN 978-2-35577-007-4

SYMÉTRIE

Aspects de l’opérafrançais de Meyerbeerà Honeggersous la direction de Jean-Christophe Brangeret Vincent GiroudDans la série d’ouvragesen collaboration avec le Palazzetto Bru Zane,Centre de musiqueromantique française,l’éditeur propose les actesd’un colloque qui s’esttenu à l’université de Yale au printemps 2004.Ce volume présentedifférentes approches de l’opéra français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

259 p., 32 €ISBN 978-2-914373-46-3

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Teresa KaufmanLa Clef des champsThérèse et ses deux frèresLa Fontaine de Siloé154 p., 29 €ISBN 978-2-84206-349-8

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La couleur de l’anthraciteLes mines de La Mure ont ferméen 1997. Qui s’en souvient ?Louis Mauberret, né en 1906,arrivé sur le plateau de laMatheysine trois ans plustard. « Dans les collines de LaMotte, entends-tu les coups demine… ? », chante-t-il de savoix chevrotante, tant d’années

plus tard.Son récit à la fois simple etépique sur la vie dans les sous-sols

fait l’objet de ce livre,Debout dans cesiècle anthracite, qu’accompagne unDVD,proposé par Christiane Rorato.Embauché à quinze ans, le jeunehomme est tout d’abord porteur decaissons, puis employé au versage,rouleur, chef de brigade… Mais avant tout, Louis a des idées.Politiques,pour la plupart. Il s’engagedans la lutte syndicale,participe auxgrèves de 1936, aura des responsa-bilités politiques après la guerre,durant laquelle il est fait prisonnieret envoyé… dans les mines alle-mandes.Son combat ne cessera pas.

Pour Louis Mauberret, la vie est unebagarre autour de l’anthracite.Ce livre et ce film documentaire sansprétention rappellent la fierté deshommes et des métiers, la dureté destemps traversés, les vies engloutiesdans les puits, et tout au fond, lalumière vacillante de la liberté. Tantde Louis Mauberret font partie denotre paysage. L.B.

Louis Mauberret, Debout dans ce siècleanthracite, 1909-2000, Aum Éditions, 2007.su

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Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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Dans sa bulleOn peut aimer le dessin et détester les caricatures,travailler en solitaire et carburer à la chaleur desproches, être un créateur tout en restant attentifaux autres. En conséquence de quoi, on n’a pasbesoin de s’intéresser à la bande dessinée pouraimer Efix…

Dessinateur lyonnais d’origine grenobloise né dans lenord,Efix est un adolescent de quarante ans aux alluresde sage ou/et de révolté,qui promène doucement dansles rues de la ville sa silhouette tranquille et son regardincertain. Un mélange plein de saveurs, fait de discré-tion et de lucidité, de profondeur et d’exigence, derigueur et d’humanité.On le sent immédiatement par-tageur et ouvert,on le devine fidèle et respectueux.Sondessin est quelque part entre la blancheur du jour et lenoir des idées.Cela remonte peut-être à ses quatre ans. De son père,qui n’a pas eu le droit d’aimer la bande dessinée lors-qu’il était enfant, le gamin reçoit L’Affaire Tournesol.Aujourd’hui, il serait prêt à croire qu’il savait déjà liretant, dans sa mémoire, l’album est un choc. Efix serafidèle au dessin comme Milou à Tintin.De quoi le main-tenir à flot alors qu’il traverse pas mal de galères aprèsavoir quitté l’école et Grenoble à dix-sept ans, dégoûtépar toute forme de pédagogie. La famille – fonction-naires et professeurs – ronge son frein.Lui s’envole pourParis plein d’espoirs et de dessins dans son carton.Maisla douche est froide, prodiguée par Dionnet etManœuvre, à la tête de Métal hurlant dans ces années80 sans pitié pour les rêveurs. Efix se souvient de cette« énorme claque », qui l’a convaincu que « la bande des-sinée n’était pas pour moi ». Que les amateurs se ras-surent, n’est pas nouvelle star qui croit…Alors,puisqu’il faut bien revenir sur terre – et à Grenoble –,le jeune homme opte pour une formation de dessi-nateur retoucheur puis s’engage dans l’illustrationpublicitaire en créant un studio de graphisme avecl’ami d’enfance Philippe Napoletano – qui optera plustard pour le roman. Dix ans de boîte et la confiancequi revient à force de tâter du dessin animé et de la

sa dose journalière de littératureou de cinéma –, mais il préfèreratoujours raconter l’enfer de la condi-tion ouvrière à l’aventure des étoiles.Putain d’usine*… Après avoir vécu naïvement les joiesde l’autoédition et reçu le soutienchaleureux d’un certain nombrede libraires et de festivals, Efix ren-contre un éditeur à sa mesure :Petit à petit… Là encore,une histoirede fidélité – qui dure. De Lyon, où legrenoblois s’est installé en 2000, il afinalement fabriqué une douzained’albums qui parlent de lui en suivantdes chemins détournés. Déjà unelongue route, au bout de laquelle il agagné un peu de paix.Surtout pas desérénité. Le dessinateur a encorebeaucoup trop à dire.Et la volonté decontinuer à déjouer la caricature,quiguette en permanence la bande des-sinée tout autant que ses passionnés.Efix se tient là, de l’autre côté dutrait, dans sa bulle, les pieds dansla littérature et la tête dans lesimages. L. B.

BD de communication.Des classes d’un genre particulier.Mais après avoir vécu l’école comme la prison, on ne selaisse pas enfermer aussi facilement.

Noirceur, tendresse et dénuement

Sentant derrière lui une porte claquer, Efix ouvre enfinen grand celle qui lui fait face depuis L’Affaire Tournesolet choisit de retourner à la précarité en abandonnant sesclients et en autoéditant son premier album : Mon amiela poof. Un titre choisi sans malice et qu’il sait aujour-d’hui hasardeux – autant que peu en phase avec cettesombre histoire de polar et d’amitié. Tant pis. Le para-doxe sied de toute façon à l’homme, à son dessin rond,venu de Spirou et de Franquin, qui fuit l’univers dugag pour s’inviter dans le noir des rapports humains :« Le désespoir m’intéresse »,dit-il, « à condition toutefoisqu’il ne sombre pas en lui-même et permette de découvrird’autres horizons et d’autres sentiments ».C’est noté. Cette noirceur-là ne dissimule rien de la ten-dresse nécessaire, des amis et de l’amour, de tout celaqui rame à contre-courant d’une existence hantée par lamort et le dénuement. À part deux petits livres en cou-leurs, les albums d’Efix sont « des pavés en noir et blanc,qui parlent de la vie… » Et surtout pas des Elfes ! Nonpas que le dessinateur méprise la fiction – au contraire,il lui faut, en bon autodidacte constamment en quête,

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marion Blangenois

Ont participé à ce numéro : Nicolas Blondeau, SophieBogaert, Claude Burgelin,Anne-Laure Cognet,Frédérick Houdaer,Marc-Henri Jéru, GéraldineKosiak, Yann Nicol, MayaOmbasic, Émilie Pélissier.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : ImprimerieFerréol (Imprim'Vert).Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1331

** PPuuttaaiinn dd’’uussiinnee ((PPeettiitt àà ppeettiitt,, 22000077)),, aaddaappttaa--ttiioonn dduu rroommaann ddee JJeeaann--PPiieerrrree LLeevvaarraayy,, eesstt lleepprreemmiieerr vvoolluummee dd’’uunnee ttrriillooggiiee dduu ttrraavvaaiill,, ddoonnttllee ddeeuuxxiièèmmee ttoommee ss’’iinnttiittuullee LLeess FFaannttôômmeess dduuvviieeuuxx bboouurrgg ((PPeettiitt àà ppeettiitt,, 22000088)).. ÀÀ ppaarraaîîttrree,,eenn jjuuiilllleett 22000099,, cchheezz llee mmêêmmee ééddiitteeuurr,, AAuuttoouurrddee KKaattee,, eenn ccoollllaabboorraattiioonn aavveecc CChhrriicc..

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Remerciements à NicolasCourty et à Jean-Louis Musypour les planches du ProjetBermuda 2 et à Flao pour le dessin de la une.

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