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Sous la direction de Christine Dalbert Agrégée d’histoire Académie de Lille Catherine Barruel Agrégée d’histoire-géographie Professeur au lycée Albert Camus, Rillieux-la-Pape Christine Boularasse Certifiée d’histoire-géographie Professeur au lycée Albert Camus, Nîmes Philippe Cadet Agrégé d’histoire-géographie Professeur au lycée Léonard de Vinci, Calais Bruno Cinq Agrégé d’histoire-géographie Professeur au lycée de Saint-Just, Lyon Laurence Degunst Agrégée d’histoire-géographie Professeur au lycée Jean Bart, Dunkerque Gérard Dumont Agrégé d’histoire Professeur au lycée Henri Wallon, Valenciennes Sandrine Gorez-Brienne Certifiée d’histoire-géographie Professeur au lycée Émile Zola, Wattrelos Rémi Martel Agrégé d’histoire-géographie Professeur au lycée européen Montebello, Lille Michel Montagne Agrégé d’histoire-géographie Philippe Prudent Agrégé d’histoire Professeur au lycée du Parc, Lyon Livre du professeur T le L/ES HISTOIRE Corinne Vezirian Lefeuvre Certifiée d’histoire-géographie Professeur au lycée Émile Zola, Wattrelos

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Sous la direction de

Christine DalbertAgrégée d’histoire Académie de Lille

Catherine BarruelAgrégée d’histoire-géographie

Professeur au lycée Albert Camus, Rillieux-la-Pape

Christine BoularasseCertifiée d’histoire-géographie

Professeur au lycée Albert Camus, Nîmes

Philippe CadetAgrégé d’histoire-géographie

Professeur au lycée Léonard de Vinci, Calais

Bruno CinqAgrégé d’histoire-géographie

Professeur au lycée de Saint-Just, Lyon

Laurence DegunstAgrégée d’histoire-géographie

Professeur au lycée Jean Bart, Dunkerque

Gérard DumontAgrégé d’histoire

Professeur au lycée Henri Wallon, Valenciennes

Sandrine Gorez-BrienneCertifiée d’histoire-géographie

Professeur au lycée Émile Zola, Wattrelos

Rémi MartelAgrégé d’histoire-géographie

Professeur au lycée européen Montebello, Lille

Michel MontagneAgrégé d’histoire-géographie

Philippe PrudentAgrégé d’histoire

Professeur au lycée du Parc, Lyon

Livre du professeur

Tle L/EShistoire

Corinne Vezirian LefeuvreCertifiée d’histoire-géographie

Professeur au lycée Émile Zola, Wattrelos

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© BORDAS/SEJER 2012ISBN 978-2-04-732948-1

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Programme de Tle L/ES – Bulletin officiel spécial n° 8 du 13 octobre 2011

Regards historiques sur le monde actuel

Le programme de Terminale des séries ES et L se situe dans la continuité de ceux de Seconde et de Première. Il en reprend l’organisation thématique déclinée en

questions, elles-mêmes abordées à partir d’études précises. Il permet d’acquérir des connaissances et d’approfondir des capacités et des méthodes acquises lors des deux années précédentes, en accordant une grande place à l’organisation du travail autonome et au travail critique sur les sources. Parmi ces dernières, les productions artistiques doivent faire l’objet d’une attention particulière, confor-mément aux objectifs de l’enseignement de l’histoire des arts.

Ce programme, qui offre l’opportunité de développer une réflexion historique et d’appréhender les démarches de la discipline, est ainsi de nature à préparer les élèves aux exigences de l’enseignement supérieur en leur permettant d’approfon-dir leur réflexion historique et d’appréhender les démarches de la discipline.

Le fil conducteur du programme

Le programme propose un éclairage des enjeux majeurs du monde actuel à par-tir du regard spécifique de l’historien. Afin de faire comprendre d’emblée ce qui caractérise ce regard, le premier thème est consacré à une réflexion sur la disci-pline, montrant ce qui différencie l’histoire d’autres rapports des sociétés à leur passé, le rapport patrimonial et le rapport mémoriel, et mettant en évidence la démarche critique de l’historien et ses outils. Les trois thèmes suivants (« Idéo-logies, opinions et croyances en Europe et aux États-Unis de la fin du xixe siècle à nos jours », « Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours », « Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours ») ont été choisis de façon à ce que soient abordés des sujets essentiels à la compréhension du monde actuel, en fai-sant appel à des temporalités différentes adaptées à chacun des thèmes.

Pour traiter le programme

Les quatre thèmes sont déclinés en dix questions dont la mise en œuvre se fait à partir d’études reliées aux problématiques des thèmes et des questions. Loin de constituer une juxtaposition d’objets singuliers, ces études, choisies en fonc-tion de leur pertinence pour faire comprendre une période et/ou un phénomène historique, doivent être sous-tendues par une problématique et impliquent une mise en perspective par rapport à la question traitée.

Le professeur exerce pleinement sa liberté et sa responsabilité pédagogiques. Il a la possibilité de construire son propre itinéraire en traitant les thèmes dans un ordre différent de celui de leur présentation, à l’exclusion du thème 1 qui doit ouvrir obligatoirement la mise en œuvre du programme. À l’intérieur de chaque thème, les questions peuvent être traitées dans un ordre différent.

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THÈME 1 Le rapport des sociétés à leur passé (9-10 heures)

Questions Mise en œuvre Chapitres du manuel

Le patrimoine : lecture historique

Une étude au choix parmi les trois suivantes :– le centre historique de Rome ;– la vieille ville de Jérusalem ;– le centre historique de Paris.

Chapitre 1L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris

Les mémoires : lecture historique

Une étude au choix parmi les deux suivantes :– l’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale

en France ;– l’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie.

Chapitre 2L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie

THÈME 2Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux États-Unis de la fin du xixe siècle à nos jours (15-17 heures)

Questions Mise en œuvre Chapitres du manuel

Socialisme et mouvement ouvrier

Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875.

Chapitre 3Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875

Médias et opinion publique

Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus.

Chapitre 4Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus

Religion et société Religion et société aux États-Unis depuis les années 1890. Chapitre 5Religion et société aux États-Unis depuis les années 1890

THÈME 3Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours (17-18 heures)

Questions Mise en œuvre Chapitres du manuel

Les chemins de la puissance

Les États-Unis et le monde depuis les « quatorze points » du président Wilson (1918).

Chapitre 6Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918)

La Chine et le monde depuis le « mouvement du 4 mai 1919 ». Chapitre 7Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919

Un foyer de conflits Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale.

Chapitre 8Un foyer de conflits : le proche et le Moyen-Orient depuis 1917

THÈME 4Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours (16-17 heures)

Questions Mise en œuvre Chapitres du manuel

L’échelle de l’État nation

Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement et administration. Héritages et évolutions.

Chapitre 9Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946

L’échelle continentale

Le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948).

Chapitre 10Gouverner à l’échelle continentale : le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948)

L’échelle mondiale La gouvernance économique mondiale depuis 1944. Chapitre 11Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944

En histoire, comme en géographie, le programme est conçu pour être traité dans un horaire annuel de 57 à 62 heures.

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Sommaire

THÈME 1 – Le rapport des sociétés à leur passé

Chapitre 1 L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris .............................................................. 7

Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie ....................................................................................................................... 16

THÈME 2 – Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux États-Unis de la fin du xixe siècle à nos jours

Chapitre 3 Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 ................................................ 27

Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus ........................................................................................................................ 38

Chapitre 5 Religion et société aux États-Unis depuis les années 1890 ...................................................... 52

THÈME 3 – Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours

Chapitre 6 Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918) .......................................... 63

Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 ...................................................... 74

Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 ............................................. 87

THÈME 4 – Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 ............................................................ 99

Chapitre 10 Gouverner à l’échelle continentale : le Projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948) ................................ 114

Chapitre 11 Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944 ...................... 127

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Chapitre

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III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 12-13

Les deux documents proposés en ouverture posent la question de la définition du patrimoine et des choix faits par les États de leur conservation ou reconversion pour les nouveaux besoins des sociétés. Ici, il s’agit du site des usines Citroën implanté depuis 1915 jusqu’à 1974, qui a été, pour des raisons économiques, totalement rasé et a laissé place en 1992 à un parc urbain bap-tisé André Citroën. C’est un nouvel espace acces-sible à l’ensemble de la population, qui conserve une dimension patrimoniale à travers son nom et répond aux exigences du présent : donner des espaces de loisirs aux Parisiens.

repères 1 pp. 14-15

RomeLe plan de la ville simplifié permet de mettre en évidence des éléments du patrimoine fondateurs de l’identité de la ville éternelle.

QUESTIONS

1. C’est durant l’Antiquité et la Renaissance que la ville de Rome se couvre de bâtiments et de monu-ments à destination soit religieuse (les temples), soit politique (le Capitole), soit civique (les forums et les places).

2. Le patrimoine le mieux préservé est le plus récent car il s’agit essentiellement du patrimoine chrétien de la ville, qui a été entretenu par l’Église catholique. Comme c’est le cas pour Saint-Pierre de Rome, il est toujours utilisé pour ses fonctions premières. En revanche, le patrimoine antique est très abîmé, d’abord parce qu’il est ancien, ensuite parce qu’il a été pillé pour les constructions pos-térieures, surtout pendant la Renaissance, avant d’être protégé, notamment par les papes.

I. Les choix du manuelCe chapitre totalement nouveau dans le pro-gramme de terminale s’appuie sur les instructions officielles, qui préconisent d’entrer par l’étude de la gestion du patrimoine d’une ville. Le profes-seur pourra choisir entre Paris, Rome et Jérusa-lem pour montrer comment le patrimoine s’est construit et comment les sociétés se le sont pro-gressivement réapproprié pour en faire un objet d’histoire et de mémoire. Le manuel propose trois dossiers consacrés à l’étude du patrimoine des trois villes du pro-gramme. La ville de Rome a été abordée sous l’angle de la difficulté de la préservation d’un patrimoine ancien et important. Pour Jérusalem, on a insisté sur la difficulté à partager un lieu où les cultures se sont superposées. Pour Paris, ville monde parmi les premières destinations touris-tiques, on a privilégié l’approche de la mise en valeur permanente. Deux cours permettent ensuite de contextualiser sur le temps long l’approche et l’usage du patrimoine par les historiens.

II. Les outils complémentaires– Frises interactives : « Rome », pp. 14-15 ; « Jérusalem », pp. 20-21 ; « Paris », pp. 26-27.– Vidéos : « La remise en état du Colisée de Rome, 1954, © Gaumont Pathé Archives », p. 16 ; « Une importante opération de réhabilitation urbaine : le quartier des Halles, 12 mars 1968, © INA Jalons », p. 28 ; « La restauration des châteaux délabrés, 3 août 1950, © INA Jalons », p. 32 ; « Les Jour-nées du patrimoine, TF1, 20 heures, 19 septembre 1998, © INA », p. 34.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 38 ; « Notions clés », p. 38 ; « Acteurs clés », p. 38.

Manuel, pp. 12-43

1L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris

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ral, cinématographique, etc. Elle est le berceau de la civilisation romaine et le cœur de la chré-tienté. Ce patrimoine doit donc être préservé car il représente, au-delà des enjeux historiques, une réelle source de revenus pour la ville et le pays. Ce sont également des enjeux mémoriaux et poli-tiques car la civilisation romaine est un des fon-dements de l’Europe.

7. Les architectes de Saint-Pierre du Vatican sont Bramante, Michel-Ange, Le Bernin, Sangallo, Raphaël, Peruzzi, Sangallo le jeune et Giacomo della Porta. Chacun à leur tour, ils ont apporté une pierre à l’édifice qui a commencé au début du xvie siècle et s’est achevé vers le milieu du xviie siècle.

PRÉPA BAC. Nous disposons de trois docu-ments : une photographie du Colisée aujourd’hui, un extrait du Journal des Arts de février 2011 sur la restauration du Colisée et une photographie de la sculpture la Pietà de Michel-Ange, qui est loca-lisée dans la basilique Saint-Pierre. Le patrimoine romain est à la fois antique, Renaissance et Baroque. Les artistes les plus célèbres ont travaillé sur les chantiers de la ville, comme Michel-Ange, en tant que sculpteur et peintre. Ce patrimoine témoigne de la grandeur de cette ville qui, avant d’être la capitale de l’Italie en 1870, est avant tout celle de l’Empire romain et le cœur du christianisme avec l’État du Vatican. Aujourd’hui, Rome est une ville qui doit vivre avec ses sites archéologiques, vestiges, églises et musées. Elle doit aussi vivre de cette activité éco-nomique qu’est le tourisme, ce qui est un avantage mais cause aussi de nombreux dégâts : dégrada-tion des sites, pollution, détériorations volontaires (comme la Pietà en 1972 ou plus récemment les statues d’une fontaine de la place Navone). Cela demande donc, au-delà d’une gestion de la conser-vation, une mise en œuvre économique afin de générer des bénéfices importants. L’État n’étant plus en mesure de financer l’entretien et les res-taurations, il fait alors appel à des partenaires pri-vés, des entreprises qui en assurent la prise en charge en échange d’une publicité soit directe, soit indirecte.

QUESTIONS (p. 19)

1. La place Navone a d’abord été un stade antique construit sous Domitien, ce qui explique sa forme ovale. Abandonné au ive siècle, ce stade ne sera

3. Rome est le cœur de l’Empire romain ; elle est la Ville modèle de cette période et, même si la plupart du patrimoine de l’Antiquité a disparu, elle reste un des principaux conservatoires de la période antique. Le patrimoine baroque est aussi très bien représenté. Il correspond à la période du renouveau de l’Église catholique, qui érige de nombreuses églises pour célébrer son faste retrouvé.

dOssier 1 pp. 16-19

Rome, un patrimoine inégalement préservé

QUESTIONS (p. 17)

1. Le patrimoine antique romain est très impor-tant dans la capitale italienne. Les constructions des bâtiments publics se sont étalées pendant plusieurs siècles. Puis ce patrimoine a été pillé, considéré comme des carrières de pierres, par les époques suivantes, ou recouvert. Aujourd’hui, il souffre d’une très grande fréquentation touris-tique et de la pollution. L’entretien et la restaura-tion d’un tel patrimoine est très onéreuse pour le seul État italien, qui dispose de 70 % des œuvres d’art du monde !

2. La restauration des monuments est confiée à des acteurs privés, à des entreprises, comme Tod’s pour le Colisée. Ils peuvent alors devenir des sup-ports ou des objets publicitaires pour assurer la promotion des entreprises qui financent leur res-tauration. Le palais des Doges à Venise fut ainsi recouvert de publicité pendant sa restauration.

3. Le patrimoine antique est instrumentalisé par le régime fasciste afin d’ancrer le régime dans la continuité étatique. Mussolini a fait ouvrir la voie des forums impériaux et parade avec, en arrière-plan, le Colisée, symbole de l’histoire italienne.

4. L’église Saint-Pierre du Vatican a été recons-truite à partir du début du xvie siècle par des archi-tectes, sculpteurs, artistes italiens (dont Bramante, Michel-Ange, Le Bernin, etc.) sur les ruines de l’ancienne basilique constantinienne. Elle est donc un monument relativement récent. Elle est aussi le siège de la papauté.

5. Un jubilé est une fête qui célèbre à intervalles réguliers l’anniversaire d’un événement qui se prolonge, comme le règne d’un roi ou d’un pape.

6. Rome est l’une des villes les plus visitées du monde pour son patrimoine architectural, pictu-

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Chapitre 1 L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris 9

empires de l’Antiquité, elle s’est dotée de nom-breux ensembles monumentaux qui ont été par la suite réutilisés, comme le stade de Domitien devenu la place Navone. Cette place a été lar-gement aménagée à partir du xvie siècle (bâti-ments, fontaines) pour en faire un espace de pres-tige et de détente. Aujourd’hui, la ville assure sa mise en valeur, en l’entretenant et en favori-sant le développement d’activités commerciales pour les Romains et les touristes. Pour le cinéma, les enjeux sont aussi économiques. Il permet de développer une activité au sein de la ville et uti-lise aussi l’histoire de Rome comme cadre, soit naturel, soit reconstitué.

repères 2 pp. 20-21

Jérusalem

QUESTIONS

1. Aux alentours du xie siècle av. J.-C., la commu-nauté juive est présente à Jérusalem, qui devient la capitale du royaume juif de David. Le quar-tier chrétien est d’abord le fruit des conversions des juifs après la destruction du temple par les Romains. Il est renforcé à l’époque des croisades. Les premiers Arméniens arrivent au ier siècle av. J.-C. et renforcent leur présence après la conquête romaine. La communauté musulmane s’installe progressivement au viie siècle, dès le début de l’expansion musulmane.

2. La ville de Jérusalem a connu de nombreuses dominations (Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Byzantins, musulmans, chrétiens, Ottomans et Britanniques), qui ont toutes laissé des traces, soit par des monuments (Dôme du Rocher, etc.), soit par des traditions (culinaires, etc.), soit par des pratiques (religieuses, etc.).

dOssier 2 pp. 22-25

Jérusalem, un patrimoine discuté et disputé

QUESTIONS (p. 23)

1. La porte de Jaffa s’ouvre à l’ouest de la vieille ville vers les anciennes routes de Jaffa et Hébron, en direction de la façade maritime du pays. C’est la seule ouverture sur le côté occidental. Elle a servi aux entrées officielles de Guillaume II en

reconverti qu’au xve siècle pour devenir un mar-ché. Aujourd’hui, c’est toujours plus ou moins sa fonction, une place qui accueille des forains, des touristes ou des Romains.

2. La valorisation de la place Navone est le fait d’historiens et d’archéologues du monde entier qui, dans le cadre de l’École française de Rome, ont entrepris des fouilles afin de mettre en évi-dence la valeur patrimoniale du site. Leur objectif est de montrer que l’on peut raconter une partie de l’histoire de Rome à travers la place Navone.

3. Pour les Romains et les touristes, la place Navone, au cœur du vieux Rome, est un lieu de pause, de détente, qui symbolise la dolce vita romaine.

4. Cinecittà a été créée pendant le régime fas-ciste dans l’objectif de fonder, sur le modèle hol-lywoodien, une grande cité du cinéma en Europe. Les studios ont été utilisés par des réalisateurs romains, italiens mais aussi du monde entier. Souvent, les films tournés à Cinecittà ont pris pour cadre la ville de Rome. Après une période de crise, les studios ont repris une activité avec les séries TV et sont désormais une destination touristique.

5. Les réalisateurs de films ont :– soit choisi la ville de Rome comme décor natu-rel, comme dans La Dolce Vita de Fellini en 1960 mais aussi dans de nombreux autres films du réalisateur ;– soit recréé des décors de l’ancienne Rome dans les studios, comme dans la série TV Roma.

6. Trois exemples de la filmographie de Fellini illustrent la façon dont ses films valorisent le patrimoine romain, en le montrant :– Les Nuits de Cabiria (1957) : Fellini filme les rues, les villas, la Via Veneto, la promenade archéologique, le Tibre, etc. ;– La Dolce Vita (1960) : Fellini montre le cœur de la ville de Rome, notamment avec la célèbre scène dans la baroque fontaine de Trevi ;– Fellini Roma (1972) : Fellini filme les transfor-mations de la ville, notamment la construction du métro (qui met à jour des vestiges archéolo-giques) ou de nouvelles artères routières ; il rap-pelle le passé des quartiers.

PRÉPA BAC. La ville de Rome dispose d’un immense patrimoine datant de l’Antiquité à nos jours. En tant que capitale d’un des plus vastes

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par les chrétiens (cf. doc. 5) dès l’Antiquité mais aussi durant les croisades au xie siècle.

2. Les différentes vagues d’occupation se sont succédé, ont parfois cohabité et se sont empilées, comme le montre l’exemple de l’esplanade des mosquées, qui était l’emplacement du premier et du second temple de Jérusalem. Le mur occiden-tal ou mur des Lamentations (expression utilisée seulement par les Français) est le seul vestige du temple de Salomon et l’un des murs de soutène-ment de l’esplanade des mosquées qui accueille le Dôme du Rocher, troisième lieu saint de l’Is-lam. Les lieux saints sont donc particulièrement imbriqués et leur gestion pose parfois problème.3. Les acteurs sont multiples. Il s’agit d’acteurs internationaux, comme l’UNESCO qui applique les lois de protection, mais également d’acteurs politiques qui veulent mettre en valeur un certain patrimoine (dans le document 4, le mur occiden-tal en 1967) et rechercher par l’archéologie des traces de l’antériorité du peuplement.

4. Le mur occidental ou mur des Lamentations est un soubassement de l’actuelle esplanade des mosquées. On est donc dans un lieu où les diffé-rentes communautés se côtoient de près, les juifs pour aller prier près du mur, les musulmans pour accéder à l’esplanade. Par ailleurs, avant 1967, il existait un quartier devant le mur, le quartier arabe – anciennement appelé quartier des Maghrébins –, qui ne laissait que quelques mètres pour accéder au mur. C’est ce quartier qui a été détruit lors de la conquête de Jérusalem-Est par l’armée israé-lienne en 1967, à l’issue de la guerre des Six Jours.

5. Aujourd’hui, les conflits pour le patrimoine à Jérusalem concernent essentiellement les fouilles archéologiques dans la vieille ville (près de la mosquée Al-Aqsa). Suscite également des ten-sions l’admission de la Palestine à l’UNESCO pour valoriser des sites touristiques au-delà de Jérusalem. Sont en effet à l’étude l’église de la nativité à Bethléem, ainsi qu’une vingtaine de sites dont Hébron (au sud de Jérusalem), Jéricho, etc. Le caveau des patriarches (à Hébron), partagé entre Israéliens et Palestiniens, crée des conflits d’usage. Actuellement, il est partagé en deux lieux de prière.

PRÉPA BAC. Il s’agit d’une déclaration du direc-teur général de l’UNESCO (Organisation des nations unies pour l’éducation, les sciences et la

1898 et de l’armée britannique en 1917. Elle est surmontée de la citadelle de David, élément défensif de la vieille ville, dont elle constitue aujourd’hui la principale porte d’entrée.

2. Pendant la Première Guerre mondiale, l’Em-pire ottoman était allié aux empires centraux euro-péens. Suite à leur défaite, l’Empire ottoman est dépecé par le traité de Sèvres. Ce qui reste de l’Empire ottoman devient la Turquie et les terri-toires arabes sont partagés entre les Français et les Britanniques qui les contrôlent sous mandat. La région de Jérusalem bénéficie d’un statut par-ticulier d’administration internationale. En 1917, les troupes anglaises font leur entrée dans Jérusa-lem par la porte de Jaffa car ils espèrent encore pouvoir obtenir le contrôle de cette zone, ce qui ne sera pas la décision finale de la SDN.

3. Construite au xvie siècle, la porte de Jaffa est un patrimoine consensuel car il n’y a pas d’en-jeux politiques ou territoriaux autour d’elle.

4. Le Saint-Sépulcre est l’église qui abrite le tom-beau de Jésus. C’est un patrimoine qui est partagé par tous les chrétiens du monde (catholiques, pro-testants, orthodoxes, Arméniens, etc.). Le bâtiment est occupé par trois communautés (Grecs ortho-doxes, Latins et Arméniens) qui assurent l’entre-tien du bâtiment et du culte. D’autres commu-nautés ont des chapelles comme les Coptes, les Éthiopiens orthodoxes et les Syriaques. Cela crée des conflits d’usages car les préséances ne sont pas toujours respectées et, malgré le statu quo de 1852, les moines et prêtres peuvent se bagar-rer pour l’occupation de l’espace. En effet, si les communautés ne remplissent pas leurs fonctions, elles peuvent être évincées !

5. Il s’agit aussi d’un patrimoine partagé entre les différents chrétiens de Jérusalem et du monde entier, qui viennent soit visiter soit en pèlerinage se recueillir sur le tombeau de Jésus.

6. Ces deux éléments du patrimoine demeurent relativement consensuels à Jérusalem par rapport à d’autres lieux. Ils ont été bâtis progressivement, retouchés, utilisés par différentes communautés, mais sont aujourd’hui ouverts à tous.

QUESTIONS (p. 25)

1. La ville de Jérusalem a été occupée par les juifs au temps du roi David (cf. doc. 1), par les musulmans à partir du viie siècle (cf. doc. 2), puis

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quée, alors que la rive gauche est traditionnelle-ment plus bohême et artistique.

dOssier 3 pp. 28-31

Le centre de Paris, un patrimoine entre conservation et valorisation

QUESTIONS (p. 29)

1. Les caractéristiques de l’architecture gothique de Notre-Dame de Paris sont les arcs boutants, bien visibles sur le document 1, qui renforcent le chœur. 2. Notre-Dame de Paris a accueilli, au-delà des célébrations religieuses, des événements symbo-liques de l’histoire de France, comme la libéra-tion de Paris, fêtée devant la cathédrale, ou les obsèques du président Mitterrand. C’est donc un lieu de célébration d’événements nationaux.3. Notre-Dame est un monument national car elle est située au cœur de la capitale et a accueilli des événements comme le sacre de Napoléon. La cathédrale a été également utilisée par Vic-tor Hugo dans son roman Notre-Dame de Paris. Notre-Dame est aussi un monument internatio-nal car elle est emblématique de l’art gothique, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO et visitée par plus de 13 millions de touristes par an.4. La place Louis XV célébrait la monarchie absolue avec une statue équestre du roi. Elle est rebaptisée au moment de la Révolution, qui ren-verse l’absolutisme, et utilisée pour installer une guillotine et un monument à la gloire de la liberté.5. Le terme « concorde » marque une volonté de réconciliation (après la chute de la monarchie absolue, la Révolution française et la révolution de 1830). La place réaménagée ne comporte aucun symbole politique récent ou passé. Le choix de l’obélisque de Louxor est neutre. La place célèbre la France, ses grandes villes et sa marine.6. La place de la Concorde peut raconter des phases de l’histoire de France. Actuellement, on ne voit que la phase finale. Mais, à l’aide de documents complémentaires (textes, gravures, peintures, récits, etc.), on peut faire l’histoire du lieu et raconter des périodes de l’histoire de France, comme la Révolution, ou de l’architecture (cf. Jacques Ange Gabriel qui a conçu la Place de la Concorde). Le patrimoine est donc un document pour l’historien au même titre que les archives.

culture) en 2007, dans laquelle il exprime l’in-quiétude de la communauté internationale face à la multiplication des fouilles, dans la vieille ville de Jérusalem, à l’origine de fortes tensions politiques. L’intérêt du document : il faut souligner la place que tient la communauté internationale dans le conflit qui oppose les Israéliens et les Palestiniens car le territoire de Jérusalem appartient au patri-moine mondial (berceau des trois monothéismes : juif, chrétien et musulman). L’UNESCO joue donc le rôle d’un arbitre et tente de préserver ce patrimoine mondial de l’humanité, mais égale-ment la tranquillité des populations riveraines des fouilles (pour éviter notamment que des maisons ne s’écroulent). Enfin, il s’agit d’éviter de don-ner de nouveaux arguments pour le conflit entre les deux communautés. Les limites du document : le pouvoir du direc-teur de l’UNESCO est bien faible et peut ne pas être entendu ou avoir une faible portée. La dimen-sion du conflit est bien supérieure à des enjeux patrimoniaux qui ne sont qu’une expression du conflit territorial et politique opposant Israéliens et Palestiniens.

repères 3 pp. 26-27

Paris

QUESTIONS

1. Les lieux les plus anciens se trouvent aux abords de la Seine, au cœur de Paris. Les plus récents s’éloignent peu à peu de la Seine pour atteindre les limites administratives de la ville, comme avec la TGB ou le nouveau parc urbain de la Villette.

2. Le Louvre et l’axe de la Concorde, des Champs-Élysées, de l’Arc de Triomphe et de l’arche de la Défense (non visible sur le plan) représentent le pouvoir. Deux monuments sont emblématiques de la religion : Notre-Dame – sur l’île de la Cité – et le Sacré-Cœur – qui domine Paris au nord, au sommet de la colline de Montmartre. Les grandes gares permettent de sortir de Paris par ses points cardinaux : gares du Nord, de l’Est, Montparnasse et Saint-Lazare (à l’ouest), de Lyon et d’Auster-litz (au sud). Les lieux de culture sont sur tout le territoire. La rive droite dispose d’un patri-moine plus monumental, elle est plus sophisti-

Chapitre 1 L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris 11

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jet a suscité de nombreuses controverses avant sa création.

6. Ce projet met en évidence un patrimoine vivant et en perpétuelle évolution, puisque la France continue d’accueillir des immigrés. À travers sa politique ou la politique européenne envers les immigrés, la CNHI place ce sujet au cœur des débats et l’intègre dans l’histoire de France.

7. Le projet du musée d’Orsay vise la mise en valeur du patrimoine culturel français. La CNHI est un projet participatif, à visée plus poli-tique.

PRÉPA BAC. Le document est une présentation du musée d’Orsay, qui propose l’espace de l’ac-crochage et un aperçu de ses collections, avec un autoportrait de Van Gogh, Les Tahitiennes de Gau-guin (ou Arearea), Le bal du moulin de la galette de Renoir et Olympia de Manet. Le musée a été constitué de collections natio-nales provenant essentiellement de trois établis-sements : le musée du Louvre pour les œuvres d’artistes nés à partir de 1820, le musée du Jeu de Paume consacré depuis 1947 à l’impression-nisme et le musée national d’Art moderne qui, lorsqu’il s’est installé en 1976 au Centre Georges Pompidou, n’a conservé que les œuvres d’artistes nés après 1870.  Le projet du musée d’Orsay consiste à mettre en valeur un patrimoine culturel européen (peintures, sculptures, etc.) qui était dispersé et à construire un musée thématique et chronologique allant de la seconde moitié du xixe siècle à la Première Guerre mondiale. Ici, l’usage du patrimoine peut prendre une dimension politique, en servant le gouvernement qui a décidé de la mise en œuvre du projet et celui qui organise l’inauguration. En 1986, c’est le président François Mitterrand et le maire de Paris Jacques Chirac qui assistent à l’ouverture. Cependant, ce projet avait été porté par le prédé-cesseur de Mitterrand, le président Valéry Giscard d’Estaing, pour continuer l’aménagement de Paris en ville d’art et de culture. Le musée d’Orsay est aussi un atout économique. Deuxième musée le plus visité après le Louvre, il est une source de revenus, tant par la vente des billets d’entrée que par celle des produits dérivés.

PRÉPA BAC. Il s’agit d’une photographie prise sur le parvis de Notre-Dame de Paris, le 25 août 1944, jour de la libération de Paris par les troupes alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce lieu emblématique est choisi pour célébrer ce jour de liesse. L’historien peut être triplement intéressé par ce cliché : pour faire l’histoire de l’art gothique à Paris, l’histoire de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou l’histoire de l’événement en lien avec la date de la photographie.

QUESTIONS (p. 31)

1. Le musée d’Orsay, installé dans une ancienne gare, en a conservé la structure extérieure, l’ar-chitecture de verre et d’acier de la verrière et les murs. Achevé pour l’Exposition universelle de 1900, il accueille une collection contemporaine à sa période de création. Il est apparu comme un choix judicieux au cœur de Paris, bien éclairé pour accueillir des collections d’art moderne.

2. Ce musée correspond à un choix de politique culturelle, amorcée dans les années 1960 par l’État français, qui valorise son patrimoine soit en res-taurant, soit en rénovant des quartiers (Beaubourg) ou des monuments. Ici, l’ancienne gare désaffec-tée aurait pu être détruite mais on choisit de la reconvertir en 1973, afin d’utiliser au mieux cet immense volume bien éclairé et bien situé dans Paris, sur les bords de la Seine, en face du Louvre.

3. Le musée d’Orsay révèle un usage économique, culturel et politique du patrimoine puisqu’il valo-rise un ancien bâtiment, des collections d’art et le gouvernement qui a pris l’initiative du projet.

4. Le palais de la porte Dorée est le seul ves-tige de l’Exposition coloniale de 1931, qui s’est tenue à Vincennes pour présenter les colonies aux Européens. Puis il a abrité le musée de la France d’Outre-mer et les arts africains et océaniens. Aujourd’hui, on le détourne de son passé colo-nial pour abriter la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. C’est une manière de mettre fin à l’histoire coloniale et de se placer dans l’his-toire de l’immigration en France, qui en découle en partie.

5. Le projet permet d’intégrer l’histoire des immi-grés et de l’immigration dans l’histoire de France et d’instaurer un dialogue entre les communautés d’immigrés et l’ensemble de la société. Ce pro-

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COurs 2 pp. 34-35

Le patrimoine, un enjeu pour l’historien

DocuMEnT 1

Les historiens sont contre les reconstructions hasardeuses. La destruction du château des Tuile-ries fait partie de l’histoire, le reconstruire condui-rait à reconstruire le passé. Or, un bâtiment détruit est aussi un élément du patrimoine national car il répond à un moment de son histoire, ici les consé-quences de la Révolution française et la dispari-tion de la monarchie absolue. Par ailleurs, apporter une transformation rétrograde au Louvre bouche-rait la perspective Louvre/Arche de la Défense qui fait désormais partie du patrimoine parisien.

DocuMEnT 2

Le Panthéon, œuvre de Jacques Germain Souf-flot, est construit dans le style néo-classique du xviiie siècle, qui reprend les codes de l’Antiquité (colonnades, etc.).

Après avoir été une église, le Panthéon est devenu le tombeau d’hommes qui ont permis la construction de l’identité française (Victor Hugo, Marie Curie – seule femme –, Jean Moulin, etc.). Avec ses 71 tombes, le Panthéon est un véritable temple républicain.

DocuMEnT 3

Le style néo-classique reprend les codes de l’An-tiquité avec les colonnades, les frontons, les por-tiques, qui ont été remis au goût du jour par les fouilles d’Herculanum et Pompéi au xixe siècle.

La restauration du Bolchoï est un projet financé par l’État russe. Le monument est un symbole de la culture russe et de Moscou dans le monde entier. Il abrite une salle dans laquelle on donne de prestigieux spectacles (danse, théâtre, opéras russes mais aussi du monde entier). Le Bolchoï est un monument national au même titre que le tout proche Kremlin.

arts & histoire pp. 36-37

Le Louvre, lieu d’histoire et de mémoire

Le Louvre est le nom d’une église construite au début du xiie siècle (Saint Thomas du Louvre). L’origine du mot « Louvre » est incertaine. Au xixe siècle est avancé le terme anglais lower,

COurs 1 pp. 32-33

Le(s) patrimoine(s), un matériau pour l’historien

DocuMEnT 1

À la Renaissance, les artistes redécouvrent l’Antiquité comme source d’inspiration. Pour les Italiens, il ne s’agit pas d’une réelle redécou-verte, mais d’un regain d’intérêt car ils ont tou-jours vécu au milieu des ruines et des héritages de l’Antiquité.

DocuMEnT 2

La structure du toit de la halle est caractéristique de l’architecture de fer de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle. Construite pour l’Exposi-tion internationale de Lyon en 1914, elle reprend en les améliorant les codes du xixe siècle. Les grandes dimensions de la halle, ainsi que sa

localisation dans la deuxième plus grande ville de France, expliquent qu’elle soit désormais utilisée comme salle de spectacles et d’expositions. Cet édifice bâti au tout début du xxe siècle n’a pas été détruit car c’est un témoin de l’œuvre d’un architecte, Tony Garnier, d’une activité indus-trielle et d’un type d’architecture qui s’inspire du xixe siècle. La reconversion du lieu marque la volonté des pouvoirs publics d’entrer résolu-ment dans une phase de conservation du patri-moine de toutes les époques afin de mettre l’his-toire au cœur des sociétés et de s’inscrire dans une continuité. Les Halles de Paris ont connu un sort différent, puisqu’elles ont été détruites au milieu des années 1970.

DocuMEnT 3

Le style architectural du palais de Westmins-ter, néogothique, est caractéristique de la seconde partie du xixe siècle, période durant laquelle il a été reconstruit. Ce choix architectural permet d’inscrire le bâti-

ment dans une certaine continuité historique, du Moyen Âge – période de construction de la monarchie anglaise – au xixe siècle – où celle-ci assoit son autorité à l’échelle du monde, à travers la conquête coloniale. C’est alors un monument emblématique du patrimoine, un manifeste de la puissance de la couronne britannique. Il permet à l’historien de montrer les enjeux politiques du patrimoine.

Chapitre 1 L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris 13

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fouilles archéologiques sur des sites importants comme Alésia et le Louvre. En 1866, les fonda-tions médiévales de ce dernier sont explorées. La forteresse présente un bel exemple de l’ar-chitecture militaire de l’époque médiévale, nour-rie des réflexions des théoriciens antiques et des apports de l’Orient. À partir du xie siècle, et sur-tout au xiie siècle, l’art de la fortification connaît des progrès significatifs (emploi de la pierre, tours rondes, etc.). La forteresse montre aussi, dès lors, l’importance historique et politique de Paris. Le Louvre, dans une ville devenue capitale, est alors le centre des possessions capétiennes à partir des-quelles se construit et s’organise le domaine royal bientôt territoire national. Cette question permet de mettre en valeur l’aspect historique du patri-moine ; le Louvre est un héritage de l’histoire.

3. Le projet du Grand Louvre répond à la néces-sité de moderniser le musée et de l’adapter à l’accueil d’un public plus nombreux et plus exi-geant. Le projet est confié à l’architecte améri-cain d’origine chinoise Ieoh Ming Pei, concep-teur de la nouvelle aile de la National Gallery de Washington.

Voici quelques sites à consulter.Sur les étapes du projet du Grand Louvre :www.culture.gouv.fr/culture/historique/travaux/lelouvre.htm

Sur Ieoh Ming Pei :www.academie-des-beaux-arts.fr/membres/ae/pei/fiche.htm

Sur la pyramide du Louvre :http://fr.structurae.de/structures/data/index.cfm?id=s0000295

Reprenant la tradition des monarques mécènes et constructeurs, les présidents de la Ve Répu-blique française ont voulu laisser leur marque dans le paysage de la capitale par des réalisa-tions prestigieuses. Ainsi, en 1981, le Président François Mitterrand poursuit deux programmes lancés par son prédécesseur (l’aménagement de la Villette et celui du musée d’Orsay) et en ajoute sept autres. Il crée alors une mission interminis-térielle des grands travaux et, après sa réélec-tion en 1988, un secrétariat d’État des grands travaux.

Site à consulter sur la politique des grands tra-vaux sous François Mitterrand :www.mitterrand.org/spip.php?article284

qui pourrait désigner la rive droite de la Seine sur laquelle était érigée une forteresse antique. Mais l’objectif de ce dossier n’est pas de retra-cer les huit siècles d’histoire du site. Celle-ci est bien relatée dans l’ouvrage de Geneviève Bresc, Mémoires du Louvre, coll. « Découvertes », Galli-mard, 1989 ou sur le site du Louvre (cf. rubrique « À consulter », p.37). Il s’agit d’analyser ce vaste ensemble architectural, dont le caractère patri-monial est fortement affirmé. Dans une optique d’histoire des arts, on s’interrogera sur les choix artistiques faits par les bâtisseurs du Louvre et leurs commanditaires et sur la manière dont ils font écho aujourd’hui encore.

QUESTIONS

1. Choisi par François Ier pour faire du Louvre un palais digne d’une royauté qui s’affirme et se veut différente du pouvoir féodal, Pierre Lescot, sur les fondations de l’ancienne forteresse ara-sée, conçoit un bâtiment à trois étages, au comble brisé. À l’image des palais italiens, la façade rythmée par les pilastres et les colonnes des avant-corps s’ouvre largement. L’architecte Jean Goujon réali-sera plus tard (sous Charles IX) les bas-reliefs de la façade glorifiant le roi et une monarchie deve-nue bientôt divine. L’agencement intérieur favo-rise la mise en scène du pouvoir royal (Salle des cariatides). Selon Pierre Nora, « Lescot a su défi-nir une nouvelle architecture royale par une ori-ginale synthèse des maîtres italiens, des inven-tions françaises récentes (Philibert de l’Orme) […]. On y a reconnu la première grande page du classicisme français sans souligner suffisamment, à [son] sens, le souffle maniériste qui l’anime… ». C’est l’aspect artistique du patrimoine qui est ici mis en lumière.

2. La forteresse voulue par Philippe Auguste fait partie de l’enceinte fortifiée qui protège Paris devenu centre politique. C’est un verrou défen-sif pour les ennemis qui remontent la Seine. Le donjon est aussi pour les Parisiens le symbole du pouvoir royal : il abrite le trésor du Roi et peut servir de prison. Même si elle peut à l’occasion servir de refuge, la forteresse n’est pas demeure royale ; jusqu’à Charles V, c’est le Palais de la Cité qui assure cette fonction. Au xixe siècle, l’in-térêt pour l’histoire, et particulièrement pour l’histoire nationale, se manifeste par de grandes

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Chapitre 1 L’historien et le patrimoine : Rome, Jérusalem et Paris 15

B. Lorsqu’il est restauré et transformé (sujet de débats : coût et excessive patrimonialisation).

vers le baC pp. 42-43

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE d’UN dOcUmENT

I. IntroductionIl s’agit d’un discours de Frédéric Mitterrand, ministre français de la Culture et de la Commu-nication (juin 2009-mai 2012), pour présenter les Journées européennes du patrimoine, mises en place par le conseil de l’Europe à partir de 1991, sur le modèle des Journées portes ouvertes des monuments historiques instaurées en France à partir de 1984.

II. Le rôle du pouvoir politique dans la mise en valeur du patrimoine européenCes journées ont été créées par les différents États afin de mettre en évidence le patrimoine com-mun de l’Europe. Ce projet est donc avant tout politique. Il est financé par l’Union européenne et les États. Tous les lieux historiques sont donc ouverts gratuitement au public pendant un week-end. Il peut aussi s’agir de lieux privés.

III. Le rôle du pouvoir politique dans la construction d’une identité européenneL’objectif est de montrer que l’Europe dispose d’un patrimoine commun qui s’est développé au cours des différentes dominations politiques (comme pendant l’Empire romain), ou qui s’est construit, depuis toujours, par la circulation des hommes et des idées (art gothique, Renaissance, différentes expressions de la révolution indus-trielle, etc.). Cela permet de montrer que l’Europe a toujours été un territoire où les populations ont été en contact les unes avec les autres et qu’elles ont bien une histoire et une identité communes : une identité européenne qui doit être au cœur du projet européen.

Du fait de sa valeur patrimoniale, le musée reste l’objet des attentions présidentielles et tout aménagement a une portée politique et sym-bolique. En 1996, le Président Jacques Chirac inaugure le Pavillon des sessions. En 2005, le Président Nicolas Sarkozy soutient le Projet du département des arts de l’Islam. La principale critique à l’égard du projet de la grande pyramide est de rompre l’harmonie d’un site qui, malgré une histoire architecturale longue et complexe, présentait une cohérence stylistique. Le Louvre n’étant plus résidence royale depuis Louis XIV, il a échappé à la destruction, à l’in-verse des Tuileries qui ont subi « les assauts du peuple » à plusieurs reprises. Ce n’est pas seulement l’irruption de la moder-nité dans un lieu d’histoire qui est l’objet de débats mais aussi la conception du rôle du musée, de ses usages sociaux et commerciaux, de sa place dans la ville. Les réticences concernent enfin le déplace-ment des bureaux du ministère des Finances. En effet, le décret du 26 mai 1791 attribuait au Trésor public les bâtiments du Louvre-Tuileries dépen-dants du domaine national.

Un dossier à télécharger sur les débats autour de la Pyramide : http://ecole.org/seminaires/FS6/IN_32/IN200300.pdf/view

vers le baC pp. 40-41

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Comment l’historien peut-il contribuer à la lecture du patrimoine d’une ville ?

I. L’historien répertorie le patrimoine.A. Par périodes (Antiquité, Renaissance, etc.).B. Par types de patrimoine (architecture, pein-ture, traditions, etc.).

II. L’historien supervise la mise en valeur du patrimoine.A. Lorsqu’il est conservé en l’état (atout écono-mique et culturel, importance des monuments his-toriques et du rôle joué par l’UNESCO).

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Chapitre

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guerre d’Algérie, rappelle que le cinéma est sou-vent révélateur des relations que les hommes entre-tiennent avec leur histoire.

repères 1 pp. 46-47

Chronique des mémoires de la Seconde Guerre mondiale (de 1945 à nos jours)La double-page Repères permet d’observer l’évo-lution des différentes mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Les documents de la page 47 constituent une véritable réflexion sur l’histoire, les mémoires et la mission de l’historien. « À quoi sert l’histoire ? » est la question qui guide la confrontation des trois textes.

QUESTIONS

1. L’évolution des mémoires de Vichy se fait prin-cipalement en trois temps. De 1945 à la fin des années 1960, c’est le mythe résistancialiste qui domine. À partir de 1973, suite à la publication de l’ouvrage de Robert O. Paxton, les mémoires se réveillent, les historiens multiplient leurs tra-vaux. Enfin, une accélération du travail de l’his-toire se fait dans les années 1990, avec les pro-cès pour crime contre l’humanité et une classe politique qui se décide à affronter le passé de la France. L’évolution de la mémoire du génocide juif est plus complexe. Jusqu’au procès d’Adolf Eichmann en 1961, le silence domine. Le travail de la justice permet la libération des paroles des victimes et facilite le renouvellement des tra-vaux des historiens, qui auront à faire face, dès les années 1970, aux théories négationnistes.

2. La confrontation des trois textes permet d’éclaircir la mission de l’historien et la diffé-rence entre l’histoire et la mémoire. L’histoire n’est ni la mémoire, ni la morale. C’est par l’ex-plication des faits, l’interrogation et la confron-tation des sources que la mise en histoire peut

Manuel, pp. 44-75

L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie2

I. Les choix du manuelCe chapitre est une réflexion menée sur les rap-ports qu’entretiennent les sociétés avec leur passé. Le rôle de l’historien est, à cet égard, fondamen-tal. Il doit confronter les mémoires et privilégier la démarche scientifique par un accès aux sources et aux archives. Néanmoins, son travail est par-fois contrarié par les politiques ou les juges qui, à leur façon, portent un regard sur le passé. Ce cha-pitre décrit l’évolution des liens entre le devoir de mémoire, le travail de mémoire et la mise en his-toire de deux périodes douloureuses et controver-sées de l’histoire de France : la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Algérie.

II. Les outils complémentaires– Vidéos : « Les historiens face au négationnisme, 26 octobre 1987, © INA Jalons », p. 48 ; « Dis-cours de Jacques Chirac sur la responsabilité de Vichy dans la déportation, 16 juillet 1995, © INA Jalons », p. 51 ; « Festival de Cannes : incidents lors de la projection de Hors-la-loi, France 2, 20 heures, 21 mai 2010, © INA », p. 71.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 58 ; « Ne pas confondre », p. 58 ; « Personnages clés », p. 58 ; « Dates clés », p. 72 ; « Notions clés », p. 72 ; « Personnages clés », p. 72.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 44-45

Les deux documents proposés symbolisent le rapport des hommes à leur passé. La manifesta-tion du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) évoque le besoin d’histoire et de vérité face à la négation de crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale. L’affiche de L’Ennemi intime, film de 2007 qui dénonce les aspects tabous et douloureux de la

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mal à dire l’indicible. Le procès Eichmann met-tra fin à ce « grand silence ».

5. Le procès Eichmann est un procès atypique pour deux raisons principales. La première réside dans la tenue d’un procès très attendu, qui se déroule dans des conditions exceptionnelles : l’accusé est dans une « cage de verre » afin d’être protégé. La deuxième demeure dans l’attitude d’A. Eichmann, qui livre sans retenue un témoi-gnage précis et détaché de son rôle dans la solu-tion finale.

6. Le procès Eichmann permet à l’histoire de s’écrire grâce à la multitude d’informations détail-lées, livrées et confrontées par l’accusé et les témoins. Les historiens y puiseront des sources essentielles pour leur travail. Ce procès déclenche le travail de mémoire et d’histoire en Israël, aux États-Unis et en Allemagne, avec la centralisation de toutes sortes d’archives et la mise en place de recherches historiques très importantes.

7. Ce dossier pose notamment le problème des relations parfois complexes entre l’histoire et la justice, l’une ne devant pas se substituer à l’autre. Les procès permettent l’accès de l’historien à de nouvelles sources et peuvent accélérer son tra-vail mais la justice ne doit pas dicter l’histoire.

8. Un spécialiste est un film réalisé en 1999 par Rony Brauman et Eyal Sivan sur le procès d’Adolf Eichmann. Il permet de comprendre la person-nalité de l’un des principaux organisateurs de la déportation des Juifs d’Europe. De 1945 à 1950, A. Eichmann se cache en Allemagne. Il s’enfuit ensuite en Argentine où il est arrêté en 1960 par des agents secrets israéliens. En 1961, il est jugé à Jérusalem, lors d’un procès exceptionnel, puis est condamné à mort et exécuté dans sa prison. Les images du procès révèlent un A. Eichmann à la fois banal et ridicule, qui participe activement au travail de justice, en livrant de façon détachée les détails de la logistique du génocide des Juifs.

dOssier 2 pp. 50-51

La France des « années noires », une page d’histoire controversée

QUESTIONS

1. Les trois documents (un extrait de discours et deux documents iconographiques) illustrent la

s’effectuer. Le devoir de mémoire peut même parfois contrarier le travail de l’historien. Ainsi, les lois mémorielles sont contestées par un grand nombre de chercheurs qui refusent que l’histoire soit dictée officiellement.

3. Les témoignages constituent une source impor-tante pour l’historien. C’est par leur confrontation et leur insertion dans les différentes mémoires que peut s’effectuer une première étape du travail de l’histoire.

dOssier 1 pp. 48-49

L’entrée du génocide des Juifs dans l’histoire

QUESTIONS

1. (cf. doc. 1 et 4) Il s’agit de documents icono-graphiques. Le document 1 est une photographie des accusés prise lors du procès de Nuremberg, qui débute en novembre 1945. Il y a assez peu de recul par rapport à l’événement ; c’est essentiel-lement un procès long, mais immédiat et néces-saire de la folie criminelle nazie. Le document 4 illustre le face-à-face, en 1961, entre Adolf Eich-mann et des victimes de l’univers concentra-tionnaire. Le procès se tient à Jérusalem et fait entrer la Shoah dans l’histoire puisqu’il permet de prendre conscience de l’ampleur et de la spécifi-cité du génocide des Juifs. A. Eichmann a active-ment participé à son procès en livrant les détails de la logistique de la solution finale.

2. Nuremberg demeure dans les mémoires, encore aujourd’hui, le symbole du procès des crimes com-mis par les nazis et la folie hitlérienne. Pourtant, il y a eu de nombreux autres procès. Les archives de l’ensemble de ces travaux de justice ont fourni à l’historien matière à recherche et réflexion.

3. Le travail de la justice et la tenue des procès ont permis aux différents acteurs de s’exprimer et de témoigner. L’ensemble constitue une base de tra-vail pour l’historien, qui doit cependant se garder de prendre position ou de se laisser gagner par l’émotion. Le devoir d’histoire n’est ni le devoir de justice, ni celui de mémoire.

4. C’est l’historienne Annette Wieviorka qui est à l’origine de cette expression. Le « grand silence » correspond à une période de près de quinze ans pendant laquelle les victimes ont eu beaucoup de

Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie 17

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son implication dans la politique de collabora-tion avec l’Allemagne du IIIe Reich.

6. Cette photographie illustre la mémoire hon-teuse de la France collaborationniste puisque René Bousquet, fonctionnaire de Vichy, apparaît par-ticulièrement proche et complice des dignitaires nazis, qu’il rencontre à ce moment précis. Cette photographie remet donc en question l’éventuelle théorie qui ferait de la France un pays obligé et soumis à l’Allemagne.

7. Les mémoires de la France de Vichy ont évo-lué au fil de l’appropriation des mémoires par les politiques et les contemporains. La mise en place des procès de justice et les travaux des historiens ont aussi contribué à cette évolution. On distingue une césure importante au début des années 1970, avec la publication de l’ouvrage de R. O. Paxton. Avant, c’est le mythe résistancialiste qui prévaut. Après, c’est la complexité et l’ambiguïté, réelles ou non, des comportements qui apparaissent clai-rement.

8. Lacombe Lucien est un film de Louis Malle tourné en 1974. Après un accueil enthousiaste et une très bonne critique du Monde, une polé-mique s’installe assez vite. En effet, le personnage principal, à la morale particulièrement ignoble, est jugé comme étant traité de façon trop com-plaisante par le réalisateur. Pourtant, l’objec-tif est bien de montrer la complexité de Lucien Lacombe. En réalité, Louis Malle explique que le film suscite une controverse parce qu’il vient contrarier le mythe résistancialiste d’une part, et qu’il dérange les communistes pour lesquels « il était inconcevable qu’un membre de la classe ouvrière ait collaboré » d’autre part. De fait, le film constitue une forme ou une approche origi-nale et inédite des « années noires », alors que la production cinématographique est essentielle-ment centrée sur le mythe du héros et du résis-tant (cf. L’Armée des ombres en 1969).

dOssier 3 pp. 52-53

Les hommes politiques et l’histoire de la France des « années noires »

QUESTIONS

1. (cf. doc. 5 et 6) Le document 5 est une inter-view de Jean-Marie Le Pen ; le document 6 est

vision résitancialiste qui domine largement en France de 1945 jusqu’au début des années 1970. Dès 1946, le cinéma, avec La Bataille du rail, glo-rifie l’image d’une France résistante. Mais c’est la figure du résistant Jean Moulin qui s’ancre dans les mémoires et marque l’apogée du résistancia-lisme lors du transfert de ses cendres au Panthéon, en 1964. Divers mémoriaux poursuivent la volonté de mettre en avant la figure tutélaire de la résis-tance. Le mémorial de Salon de Provence, érigé à proximité du lieu de parachutage de Jean Mou-lin, rappelle le début de la mise en place d’une résistance qu’il participera à organiser.

2. Ce discours est un hommage historique puisqu’il illustre le rôle de Jean Moulin dans la Seconde Guerre mondiale. Il représente surtout pour les historiens la marque de l’apogée du résis-tancialisme. De Gaulle veille à faire de la France une puissance respectable et respectée en mini-misant le bilan des « années noires » de la France et en glorifiant l’image d’une France résistante, qu’il symbolise lui-même. Le discours laudatif d’André Malraux entend faire passer le souffle de l’histoire.

3. Ces deux documents définissent de deux manières différentes le rapport des Français à leur passé proche. Le cinéma est un vecteur des mémoires qui permet l’exaltation des sentiments et une mise en image évidemment subjective. La Bataille du rail est un film commandé par la CGT cheminots et par le CNR, dont l’objectif avoué est de glorifier la résistance et de donner par-delà une image apaisée de l’occupation. L’inaugura-tion du mémorial de Salon de Provence, en 1968, permet de personnaliser le travail de mémoire et de poursuivre l’œuvre résistancialiste menée par de Gaulle.

4. Selon l’historien H. Rousso, il s’agit d’un regard partial sur le passé puisqu’il est question « d’une vision rassurante de l’occupation » et d’une « démonstration idéologique ». Ce discours d’A. Malraux est un habile mélange de mémoire, d’histoire et d’exaltation. L’objectif est de faire vibrer l’auditeur et non pas de faire œuvre d’his-torien.

5. R. O. Paxton est un historien américain qui a renouvelé la recherche historique grâce à un accès aux sources allemandes. Il a permis de mettre précisément en évidence le rôle de la France et

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Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie 19

à Londres. Deux historiens spécialistes de la ques-tion apportent un éclairage sur la complexité des choix politiques et personnels dans une période souvent réduite au clivage résistant-collabora-teur. Jean-Pierre Azéma développe la notion de vichysto-résistant. Henry Rousso est à l’origine de l’expression « Vichy, un passé qui ne passe pas ».

COurs 1 pp. 54-55

L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale

DocuMEnT 1

L’édification de ce mémorial montre la volonté de rendre hommage aux divers combattants fran-çais de la Seconde Guerre mondiale.

Le projet de Roland Castro vise à rassembler plusieurs mémoires qui ont, à des moments dif-férents, marqué douloureusement la France. Le risque de ce genre de mémorial est d’annihiler la spécificité de chacun de ces événements.

DocuMEnT 2

Cette caricature de Plantu utilise un « jeu visuel ». Au premier plan, Maurice Papon der-rière des barreaux. Au deuxième plan, un déporté juif dont les rayures du pyjama rappellent les bar-reaux autour de Maurice Papon. Au troisième plan, une métaphore de la mémoire des victimes du génocide et un ultime rappel des barres verticales.

À l’aide du jeu visuel et graphique, Plantu rend compte de la complexité des relations entre l’his-toire et la justice en mettant en avant les rôles du témoignage, de la mémoire et de la justice. L’en-semble constitue un objet de travail et de réflexion sur le thème des mémoires de la Seconde Guerre mondiale.

DocuMEnT 3

La télévision peut jouer un rôle éducatif dans la transmission de la mémoire. Des documentaires, des émissions spéciales font parfois œuvre péda-gogique. Néanmoins, la vulgarisation peut aussi mener à la confusion et à l’erreur.

Dans ce genre d’émission, l’historien doit s’adapter au public néophyte tout en faisant preuve de rigueur scientifique. Il doit donc se garder de toute simplification excessive, source de contre-sens éventuels.

une photographie de Jacques Chirac. Ils illustrent chacun les prises de position de ces deux hommes politiques, respectivement, face à la question du génocide des Juifs et face à la responsabilité de la France dans la politique de collaboration active. Le Pen nie un fait historique en 1987, tandis que Chirac permet enfin le travail de l’histoire en 1995.

2. En acceptant ces entretiens, F. Mitterrand contrôle son image et ce qu’il souhaite « lais-ser de lui » pour l’histoire. La fascination que le sens de la mémoire et de l’histoire exerce sur ce président explique cette volonté d’y prendre part activement. Néanmoins, se pose la question d’une éventuelle « manipulation » du passé. D’ail-leurs, les médias se montreront impitoyables sur les zones d’ombre qui demeureront à l’issue de cette série d’entretiens.

3. Le travail du journaliste Pierre Péan se rap-proche du travail d’historien puisqu’il a privilé-gié la recherche de documents d’archives sur les témoignages de personnages clés de la période, encore vivants.

4. L’attitude de ces deux hommes est en oppo-sition face au travail de l’histoire. L’un présente une attitude négationniste, l’autre permet à l’his-toire de s’écrire.

5. Selon Philippe Séguin, le rôle de l’historien est d’expliquer et d’analyser l’histoire du peuple fran-çais, pas d’en tirer un jugement moral. Pour cet homme politique, l’historien n’a pas pour objec-tif de mettre en accusation le passé de la Répu-blique française, mais plutôt de s’interroger et de livrer ensuite le fruit de ses recherches, sans aucun parti pris.

6. L’itinéraire de François Mitterrand illustre la complexité de l’attitude des Français pendant la guerre. L’approche trop souvent manichéenne tend à mettre en avant les choix opérés « d’en-trer en résistance ou en collaboration ». L’histo-rien Jean-Pierre Azéma qualifie de vichysto-résis-tante l’attitude de ceux qui ont, d’une façon ou d’une autre, soutenu Vichy tout en combattant les Allemands. F. Mitterrand a été à la fois un acteur de Vichy et un résistant engagé.

7. Le téléfilm de France 2 Mitterrand à Vichy entremêle fiction et archives. Il raconte l’itiné-raire de François Mitterrand à Vichy, ou plus exactement celui d’un parcours unique de Vichy

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20

– le contexte international des années 1960-1970 n’est pas à négliger : rôle accru d’Israël, réveil de la mémoire juive de la guerre (procès Eichmann).

2. Le film fait un récit, de 1939 à 1944, de la vie de Français de tous bords, d’un extrême à l’autre, des résistants aux collaborateurs. Aujourd’hui, il permet de comprendre certains ressorts de la société des années 1970, en particulier le compor-tement de la génération née après la guerre, qui a produit et reçu ce film, et qui n’en a retenu que ce qui était nouveau et occulté auparavant. Le public le plus intéressé appartient à cette génération des « baby-boomers » nés après 1945, ayant bénéficié de la hausse du niveau de vie et de la démocrati-sation des enseignements secondaire et supérieur, en rupture avec « la France d’avant la guerre » et d’avant les Trente Glorieuses. De la guerre, ils avaient jusqu’alors la vision forgée par leurs parents, vision incomplète et déformée exaltant une France héroïque et combattante, vision gaul-liste aussi bien que communiste. Le film cristallise un sentiment de suspicion et de mise en accusa-tion de la génération qui a vécu l’occupation par la génération suivante. On nous a menti. On disait : « Tous des héros » ; on dira : « Tous des salauds ». C’est le « syndrome de Vichy » que décrit ainsi Henry Rousso : « Une légende est remplacée par une autre : à l’image d’une France unanime dans la résistance s’est substituée l’image d’une France tout aussi unanime dans la lâcheté ». Pendant une vingtaine d’années, les Français auront « l’obses-sion des années noires » et vont « cultiver leur cha-grin », selon les mots de Jean-Noël Jeanneney.

3. Filmographie de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France (cinéma français seu-lement).

On peut classer les films en trois époques :

a. 1944-1969

À la Libération et sous la IVe République, le cinéma est résistancialiste. Le mythe est tout de suite forgé par La Bataille du rail et Le Père tranquille, et à peine écorné par La Traversée de Paris, Claude Autan-Lara, 1956. Sous la prési-dence de De Gaulle, le résistancialisme est à son apogée, avec des films de tons variés : célébration funèbre (L’Armée des ombres, Jean-Pierre Mel-ville, 1969) ; glorieuse épopée officielle (Paris brûle-t-il ?, René Clément, 1966) ; comédie popu-laire (La Grande Vadrouille, Gérard Oury, 1966).

cinéma & histoire pp. 56-57

Le cinéma et la mémoire de la Seconde Guerre mondiale

Le Chagrin et la Pitié, Marcel Ophüls, 1971Les études sur la mémoire de la guerre s’accordent sur l’impact exceptionnel de ce film, qui inaugura un tournant radical dans l’histoire de la représenta-tion de la guerre. Il provoqua un remous énorme ; on parla de « mémoire revisitée », de « voile arra-ché », de « miroir brisé ».

QUESTIONS

1. Le Chagrin et la Pitié, sorti en France en 1971, est un film documentaire réalisé en 1968 par Mar-cel Ophüls – le fils du grand cinéaste Max Ophüls – et diffusé d’abord sur des chaînes de télévision en Suisse, en Allemagne et aux États-Unis. Le 14 avril 1971, la sortie du film dans une petite salle du quartier latin fait l’effet d’une bombe. La presse parle de révélation, le public afflue, le film est alors projeté dans une grande salle des Champs-Élysées, et le scandale enfle. Plusieurs éléments du contexte politico-cultu-rel de ces années-là sont à considérer :– Le Chagrin et la Pitié découle des recherches des historiens pendant 25 ans et de la vulgarisa-tion de leurs travaux, notamment ceux de Henri Michel sur la résistance puis la collaboration, et ceux de l’Américain Robert O. Paxton dont La France de Vichy confirme la vision de Mar-cel Ophüls ;– ce film est un produit de 1968 ; Marcel Ophüls et les journalistes André Harris et Alain de Sédouy, qui ont travaillé avec lui, sont très engagés dans le mouvement soixante-huitard – mouvement qui, par sa remise en cause de la geste gaullienne et sa méfiance à l’égard du PCF, affaiblit les deux forces politiques qui étaient les piliers du résis-tancialisme ;– l’ORTF, office de radio et de télévision unique d’État, parce qu’il était strictement contrôlé par le pouvoir gaulliste, a refusé en 1968 de pro-duire le documentaire, et par la suite de le diffu-ser. Georges Pompidou, dont la décision de gra-cier Paul Touvier a augmenté le scandale, craint qu’une large audience n’enflamme encore plus les esprits. Sous Valéry Giscard d’Estaing, on main-tiendra cette sorte de censure frileuse à l’égard de souvenirs gênants pour beaucoup de politiciens ;

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« grand silence » et révèle les nombreux aspects du processus de destruction des Juifs d’Europe.– Avant la vague des procès qui mettront en évi-dence la responsabilité de l’État français dans la Shoah, des théories négationnistes apparaissent en 1978 avec l’article de l’Express « À Auschwitz, on n’a gazé que les poux ».– Des procès sont médiatisés dans les années 1980, comme ceux de Barbie, Papon ou Bousquet.

III. Vers une mise en histoire de la ShoahUn travail rendu possible par les historiens, le cinéma et les politiques.– 1983 : Serge Klarsfeld publie Vichy-Auschwitz : la solution finale de la question juive en France.– 1985 : Claude Lanzmann réalise Shoah.– 1987 : « Le détail » de J.-M. Le Pen émeut classe politique et opinion publique.– 1993 : La Liste de Schindler sensibilise la France à l’existence des justes.– 1995 : reconnaissance par Jacques Chirac de la responsabilité de l’État français.– 1999 : Annette Wieviorka publie Auschwitz expliqué à ma fille.– 2005 : inauguration du mémorial de la Shoah à Paris.– 2010 : sortie du film La Rafle, qui donne lieu à de nombreuses émissions et débats télévisés, auxquels participent des historiens.

ConclusionDe nombreux historiens spécialistes de la Seconde Guerre mondiale se penchent encore aujourd’hui sur la Shoah et les modalités de son organisa-tion (cf. Annette Wieviorka et son ouvrage paru en 2012 sur le camp de Drancy, À l’intérieur du camp de Drancy).

repères 2 pp. 62-63

Mémoires de la guerre d’Algérie ou guerre des mémoiresQUESTIONS

1. Il existe quatre principaux groupes porteurs de mémoire. Chacun est lié et impliqué par son his-toire au conflit algérien. Leurs intérêts convergent ou divergent, leur mémoire du conflit n’est pas identique et chacun veille à ce que l’histoire de son groupe soit respectée et ne soit pas oubliée.2. L’expression « guerre des mémoires » corres-pond en fait à la difficulté de concilier l’ensemble

b. 1970-1990Le cinéma, relayé par la télévision (Les Dos-siers de l’écran), est obsédé par la collaboration (Lacombe Lucien, Louis Malle, 1974) et par la persécution des Juifs (Les Violons du bal, Michel Drach, 1974 ; Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976 ; Shoah, Claude Lanzmann, 1985).

c. Depuis les années 1990 La vision donnée est plus variée et plus distan-ciée. Dès 1985, le comique, même irrespectueux, est accepté (Papy fait de la résistance, Jean-Marie Poiré). Des films cherchent des points de vue nouveaux, montrent les nuances des situations et la complexité des choix (Un héros très discret, Jacques Audiard, 1996 ; Les Égarés, André Téchiné, 2003 ; Indigènes, Rachid Bouchareb, 2006).

vers le baC pp. 60-61

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

La mémoire de la Shoah en France depuis 1945.Introduction« Shoah » est un terme hébreu traduit par « catas-trophe », qui désigne spécifiquement le génocide des Juifs. La prise de conscience de sa logis-tique et de son ampleur demeure tardive. Il fau-dra attendre plusieurs années avant de libérer la parole des témoins et de nombreux procès pour qualifier ce gigantesque crime contre l’humanité.

I. La mémoire de l’indicible– Procès de Nuremberg en 1945-1946 (jugement de la folie criminelle nazie).– Primo Levi publie Si c’est un homme en 1947 (témoignage de la vie dans les camps).– Elie Wiesel publie La Nuit en 1955 (témoignage de son expérience dans les camps d’Auschwitz et de Buchenwald).– L’historienne Annette Wieviorka parle du « grand silence » pour qualifier cette période du déni de la mémoire du génocide.– En 1995, dans une édition spéciale d’un jour-nal télévisé de France 2, Simone Veil explique et résume la difficulté de témoigner par un laco-nique « on ennuyait ».

II. La contribution du travail de la justice au réveil des mémoires.– En 1961, le procès Eichmann met un terme au

Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie 21

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côté de l’armée française et du FLN sont néces-saires pour écrire l’histoire de la guerre d’Algé-rie. La vérité révélée sur les actes criminels com-mis permettra un travail plus objectif et une mise en histoire du conflit.

7. Le travail de l’historien s’effectue grâce à un accès aux sources, aux archives et aux témoi-gnages. Les témoignages doivent être nombreux et confrontés. Dans le cas de la guerre d’Algé-rie, la multiplicité et la complexité des différents groupes porteurs de mémoire rend le travail diffi-cile à l’historien. Chaque groupe relate sa propre vision du conflit et sa propre douleur ; charge à l’historien de rendre compte avec la distance scientifique de l’ensemble.

8. En novembre 2000, quelques mois après l’aveu des généraux sur l’usage de la torture, le Premier ministre déclare que la recherche de la vérité relève du travail de l’historien. En effet, ce ne sont ni les nécessités politiques, ni les nécessi-tés mémorielles qui doivent présider à l’écriture de l’histoire. Les mémoires servent à sauver de l’oubli ou réhabiliter des groupes et des indivi-dus, tandis que l’historien interroge les connais-sances, les archives, qui lui permettront de mieux comprendre, voire d’expliquer le passé. Le pas-sage des mémoires à l’écriture de l’histoire du conflit algérien demeure encore difficile.

dOssier 5 pp. 66-67

Les mémoires divergentes de l’indépendance

QUESTIONS

1. Les trois documents sont des textes qui illustrent différentes mémoires. Les textes 4 et 7 correspondent à des analyses d’historiens sur les conséquences du conflit, de part et d’autre de la Méditerranée. Mohammed Harbi observe les dif-ficultés pour l’Algérie, aujourd’hui, à trouver son équilibre identitaire. Benjamin Stora met en avant le rôle d’un des groupes porteurs de mémoire (les enfants et petits-enfants issus de l’immigra-tion algérienne) qui, dès les années 1980, a mis en accusation le système et le passé colonial de la France. Enfin, le dernier texte est un extrait des Mémoires d’espoir de De Gaulle, rédigées en 1970, huit ans après les accords d’Évian. Il s’agit d’une mémoire politique et volontariste.

des mémoires. La guerre d’Algérie est une affaire franco-française, franco-algérienne mais aussi algéro-algérienne. La mise en histoire de l’en-semble génère des contradictions et des conflits, que le travail des historiens doit pouvoir apaiser de part et d’autre de la Méditerranée.

dOssier 4 pp. 64-65

Les mémoires des combats et de la torture

QUESTIONS

1. Les trois documents sont relatifs aux mémoires de la torture. Deux sont des textes, le troisième est une caricature. Ils permettent d’aborder sous trois angles différents une mémoire douloureuse. Henri Alleg dénonce la torture dont il est vic-time durant le conflit, tandis que Yacef Saadi et le général Aussaresses la revendiquent et l’assu-ment, quarante ans après la guerre.2. La mémoire de la guerre d’Algérie est parti-culièrement douloureuse car la violence qui en a découlé a touché indifféremment civils et sol-dats. Le terrorisme, la guérilla urbaine, les com-bats et la torture ont constitué différentes étapes d’une guerre qui, pendant longtemps, n’a pas dit son nom.3. A. Harrar représente la mémoire des Euro-péens durant cette guerre d’Algérie : « Cela aurait pu être moi, parce que c’est pour tuer des Euro-péens comme moi que cette grenade a été jetée. » La famille d’A. Harrar est enracinée en Algérie depuis plusieurs générations ; il considère ainsi improbable l’indépendance de ce qu’il qualifie être son « seul horizon ».4. La guérilla urbaine, qui se met en place dès 1955, installe très vite un climat de terreur qui a pour objectif de déstabiliser les populations et d’amener plus vite les politiques à négocier, selon le camp qu’ils défendent, l’indépendance ou le maintien d’une Algérie française.5. Henri Alleg a publié son ouvrage en 1958, pen-dant le conflit, alors que la France peine à trou-ver une solution politique et militaire. Cela signi-fie donc que l’utilisation de la torture par l’armée française a été dénoncée durant la guerre. Les intellectuels relayent cette dénonciation, pour-tant la mémoire de la torture demeurera tabou jusqu’aux années 2000.6. Les aveux tardifs de la torture pratiquée du

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toire. Ce dernier y explique, en effet, que les dif-ficultés politiques et culturelles du pays sont liées à son incapacité à trouver un équilibre entre sa responsabilité actuelle, son passé colonial et son combat douloureux pour l’indépendance. Le tra-vail de l’histoire est un travail également néces-saire de l’autre côté de la Méditerranée.

7. La guerre d’Algérie et son indépendance sont des événements diversement vécus, tant du côté algérien que du côté français. L’historien, pour effectuer son travail, doit confronter l’ensemble des mémoires des deux côtés de la Méditerra-née. En France, les mémoires sont vives et mul-tiples, les groupes porteurs de mémoire révèlent aussi la tragédie franco-française. De la même façon, en Algérie, l’écriture de l’histoire passe par un regard nouveau sur les tensions algéro-algériennes. Depuis 1962, différentes étapes ont accompagné l’évolution des mémoires. De leur silence à leur apaisement, en passant par leur réveil, chaque phase est nécessaire pour effec-tuer le travail serein de l’histoire, un travail qui tient compte de la diversité des mémoires.

8. Suite à l’installation, par Hubert Falco (secré-taire d’État à la défense et aux anciens com-battants), de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, une énorme polémique éclate. Plu-sieurs historiens de renom, comme Benjamin Stora ou Jean-Pierre Rioux, boycottent le projet. Selon eux, il est difficile de permettre le travail de mémoire et de réconciliation dans la mesure où la réflexion n’intègre pas le point de vue des Algériens et où un certain nombre de dirigeants de la Fondation sont d’anciens généraux français, partisans de l’Algérie française. La réconciliation s’avère donc, dans ce cas, assez difficile.

dOssier 6 pp. 68-69

Vers une mise en histoire des mémoires de la guerre d’Algérie

QUESTIONS

1. Les documents 3 et 4 sont des documents ico-nographiques qui présentent une forme d’apaise-ment des mémoires. Le document 3 illustre l’inau-guration à Paris, en 2002 (quarante ans après la fin du conflit), d’un mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tuni-

De Gaulle donne sa propre vision pour l’histoire, une vision idéaliste qui occulte, à ce moment pré-cis, le travail de mémoire et celui des historiens.

2. Les mémoires des pieds noirs et des harkis offrent des similitudes. Chacun de ces groupes a été déraciné et a souffert lors de son arrivée en France. Les harkis ont dû affronter racisme et traitement déplorable (placés dans des camps aux conditions de vie très précaires). Les pieds noirs ont dû eux aussi se confronter à l’incompréhen-sion des Français, à l’intolérance et à l’humilia-tion.

3. Au moment où de Gaulle écrit ses mémoires, les blessures de la guerre d’Algérie ne sont pas pansées. La vision littéraire qu’il apporte ne cor-respond pas à la réalité. En effet, les différentes mémoires ne sont pas encore transmises et de nombreux aspects du conflit demeurent tabous. En parlant de fraternité, de destin et de passé communs, de Gaulle élude la dimension mémo-rielle et historique.

4. Benjamin Stora explique les différentes phases du réveil des mémoires de la guerre d’Algérie. En France, la phase de déni a dominé pendant près de vingt ans, période durant laquelle la mémoire des soldats et des pieds noirs est essentiellement valorisée. Puis, à partir des années 1980, d’autres acteurs apparaissent : les enfants et petits-enfants issus de l’immigration algérienne, qui mettent en accusation le passé colonial de la France. Dès lors, le réveil de l’ensemble des mémoires per-met à l’histoire de se mettre en marche et aux historiens de faire leur travail.

5. Le travail de mémoire en Algérie est également fait de déni, d’oubli et de construction politique officielle. En effet, dans les années 1970, des orga-nismes comme le Centre national d’études histo-riques ont eu pour mission d’écrire l’histoire offi-cielle de la révolution et de la guerre. En 1982, est inauguré le mémorial du Martyr à Alger. Ce monument, construit en mémoire des morts de la guerre d’indépendance, domine la ville et consti-tue un symbole emblématique pour les Algérois. Enfin, les études de Mohammed Harbi révèlent toute la difficulté pour l’Algérie, aujourd’hui, à regarder son passé en face.

6. L’interview de Mohammed Harbi permet de comprendre que l’Algérie est également confron-tée à la complexité du travail d’écriture de l’his-

Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie 23

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4. Il existe différents moyens d’honorer des mémoires. La réalisation de mémoriaux, l’inau-guration de places permettent, en rendant hom-mage aux victimes d’une guerre, de ne pas oublier et d’effectuer ainsi le travail de mémoire, préa-lable nécessaire à la mise en histoire d’un événe-ment. Quarante ans après la fin du conflit algérien, la France réalise un mémorial qui n’est pourtant pas spécifique à l’Algérie et qui regroupe l’en-semble des mémoires des combats d’Afrique du Nord. Il n’existe pas encore de musée qui traite véritablement de la question. L’inauguration de places, de rues, d’avenues, de lieux ou de bâti-ments qui portent le nom d’une victime ou d’une figure d’un conflit permet une entrée plus rapide dans l’histoire.

5. Maurice Audin est un jeune mathématicien, militant de la cause anticolonialiste, torturé et tué par les services français. La mémoire de ce jeune Français a longtemps été occultée en France, même si ouvrages et articles ont rapidement évo-qué le cas Audin. Il faudra attendre 2004 pour qu’une place porte son nom à Paris, quatre ans après que le tabou de la torture eut enfin été levé. Pourtant, à Alger, un quartier porte son nom et ceci rapidement après l’indépendance. Les deux pays abordent donc différemment la mémoire de Maurice Audin, qualifiée de double puisque, de part et d’autre de la Méditerranée, elle est hono-rée différemment.

6. L’ensemble des documents révèle la difficulté d’apaiser les mémoires, préalable nécessaire à la mise en histoire d’un événement. Cependant, l’inauguration de mémoriaux, de places et de rues permet de faire un premier pas dans ce tra-vail de l’histoire. Les historiens ont évidemment fait part de l’état de la recherche. C’est le tra-vail de Mohammed Harbi et Benjamin Stora qui joue, dès 2004, le rôle d’ouvrage de référence. Les historiens y font le point sur la problématique de l’histoire en construction de la guerre d’Algé-rie. C’est, dès lors, la « fin de l’amnésie ». Pour-tant, en 2010, lors de la sortie du film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi, des associations de pieds noirs protestent contre l’aspect « anti-français du film ». Les médias vont relayer cette polémique. Il apparaît ainsi que les mémoires sont encore brûlantes malgré le travail en cours de l’écriture du conflit par les historiens. Il est probable que seule la disparition de la génération qui a connu

sie. Le document 4 révèle la double mémoire de Maurice Audin, célébrée différemment à Alger et à Paris. En effet, sa mémoire est très vite honorée en Algérie (dès le début des années 1970) alors qu’il faudra attendre 2004 pour qu’une place porte son nom à Paris. Le travail de mémoire lié à la torture est donc complexe et souvent long à éta-blir.

2. L’article effectue un parallèle avec l’histoire de Vichy, puisqu’il aura fallu également attendre une quarantaine d’années avant que le voile soit levé sur presque tous les tabous, permettant ainsi la mise en histoire des mémoires. Il semble donc que le travail de l’historien soit étroitement lié au vieillissement d’une génération qui souhaite effectuer son travail « d’expiation » avant de dis-paraître, et ainsi livrer sa part de vérité par le biais du témoignage, et la facilitation de l’accès à cer-taines sources. L’objectif des deux historiens est donc de mener une « mission critique » en regar-dant le « passé en face, en cessant de le mythifier ou de s’en détourner, pour simplement le com-prendre ». L’ouvrage de Mohammed Harbi et Ben-jamin Stora, La Guerre d’Algérie, la fin de l’am-nésie, paru en 2004, est considéré comme l’un des plus aboutis sur la question.

3. L’histoire et le cinéma sont deux domaines très liés. Le cinéma peut refléter le rapport d’une société à son passé et à son histoire. De nombreux films sur la guerre d’Algérie ont été réalisés. Dès 1966, La Bataille d’Alger suscite la polémique. Dans les années 1970, un certain nombre de films dénonciateurs connaissent un succès public mais ne permettent pas une transmission des mémoires. En 2010, la sortie de Hors-la-loi tend à démon-trer que le cinéma relance parfois le débat et la réflexion. Il offre aussi l’ouverture d’une tribune à certains groupes de mémoires qui s’estiment mis en cause dans le film. Lors de la présentation du film au festival de Cannes en mai 2010, des asso-ciations de pieds noirs manifestent et qualifient le film d’anti-français. L’article du Point évoque notamment les difficultés auxquelles un cinéaste est confronté lorsqu’il aborde une période his-torique controversée. La liberté de l’artiste peut être en contradiction avec le devoir d’exactitude historique. Un film est une œuvre d’art, qui n’a pas nécessairement qualité de documentaire his-torique. Il peut avoir cependant le mérite de rou-vrir le livre de l’histoire.

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aussi ses problèmes socio-culturels actuels. La Marseillaise est sifflée et la fin du match gagné par la France tourne à l’émeute. Les petits-enfants de l’immigration algérienne manifestent ainsi la difficulté à trouver leur identité mais aussi leur attachement à la terre de leurs grands-parents qui ont, pour certains, combattu pour l’indépendance.

Cette rencontre amicale est symbolique, puisque près de quarante ans après l’indépendance, il s’agit du premier match entre les deux pays. Il se voulait, en quelque sorte, le symbole d’une ami-tié retrouvée entre les deux peuples, malgré un pan de leur histoire partagée difficile et tragique. Les émeutes démontrent la difficulté d’écrire alors paisiblement l’histoire du passé commun franco-algérien.

DocuMEnT 3

Cette caricature de Dilem présente les deux bords de la Méditerranée. Un Algérien s’adresse aux Français en leur demandant ironiquement, dans un premier temps, de revenir en Algérie (alors que cinquante ans auparavant, les Algé-riens leur demandaient de partir !). Puis, la deu-xième bulle explique la raison de cette demande. L’Algérie réclame à la France des excuses pour son comportement dans leur histoire commune passée. Le double effet des bulles provoque une réflexion sur l’histoire coloniale, sur l’histoire de la guerre d’indépendance et sur les mémoires que l’ensemble a générées.

Le caricaturiste brise, par l’humour, le tabou du déni de mémoire et d’histoire. La France n’a pas, selon lui, totalement achevé son travail mémoriel vis-à-vis du conflit et de la responsabilité de son passé colonial.

vers le baC pp. 74-75

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE dE dOcUmENT

Introduction et identificationCe dessin de Plantu, paru dans Le Monde en mars 2003, est une illustration des difficultés pour la France et l’Algérie à établir conjointement des mémoires apaisées. Plus de quarante ans après la fin du conflit, la question n’est pas réellement réglée. La caricature représente les deux côtés de la Méditerranée (drapeaux et monuments per-mettent de définir les lieux précisément). Accou-

le conflit pourra faciliter l’apaisement véritable et la mise en histoire.7. Cet article d’Ouest France, paru le 24 février 2012, aborde la difficile question de la com-mémoration du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie et de l’indépendance du pays. Le 19 mars correspond à l’arrêt des combats et satisfait la mémoire des anciens combattants. Le 1er juillet répond à la date commémorative de l’indépendance pour les Algériens. Cette double datation soulève la complexité de l’écriture de l’histoire de ce conflit, qui se caractérise par « l’épaisseur des silences » et « les douleurs enkys-tées ». Jean-Pierre Rioux appelle les acteurs de cette page de l’histoire à s’exprimer, à « ébrouer leurs mémoires disparates et conflictuelles » afin de parachever le devoir d’histoire.

COurs 2 pp. 70-71

L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie

DocuMEnT 1

La position consensuelle d’Albert Camus s’ex-plique par son attachement à sa terre natale. Sa connaissance personnelle et intime des réalités algériennes l’oriente intellectuellement vers la possibilité d’un règlement pacifique de la situa-tion, dont il ne mesure peut-être pas toute la com-plexité. C’est d’ailleurs ce qui lui sera reproché. Lors d’une conférence de presse, après l’obten-tion de son prix Nobel de littérature, il répond à un journaliste qui lui reproche son manque de courage et d’implication dans le conflit, qu’il « croit à la justice, mais qu’il défendrait sa mère avant la justice ». Ces deux intellectuels s’affrontent avec passion

sur la question algérienne en prenant des positions radicalement opposées. Jean-Paul Sartre reste dans la ligne de la prise de position officielle du Parti communiste, une position très anticolonia-liste qui lutte ouvertement pour l’indépendance de l’Algérie. Albert Camus présente une vision plus pacifiste de la situation, liée à sa passion pour l’Algérie et les Algériens.

DocuMEnT 2

Ce match France-Algérie, joué en 2001, révèle un durcissement des mémoires et une difficulté pour la France à regarder en face son passé, mais

Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie 25

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– Aveux des généraux du recours à la torture. – Déferlement mémoriel.

II. Une caricature qui résume l’aboutissement de cette histoireA. Plantu, caricaturiste, se saisit du problème poli-tique des relations franco-algériennes.Décryptage des différents symboles : colombe (vision et espoir pacifiste), soleil qui apparaît der-rière les nuages (espoir de l’amélioration des rela-tions), bateau (liaison entre les deux nations, sou-venir des rapatriés), « crâne rasé » (présence des idées extrémistes et racistes en France), « barbu » (symbole de l’intégrisme religieux, « anti-occi-dental »).

B. La caricature est l’expression d’une volonté récente d’apaiser la mémoire du conflit algérien. L’aveu des généraux a permis un dialogue entre histoire et mémoires.

C. La caricature de Plantu, réalisée en 2003, annonce une vague mémorielle.– Inauguration du mémorial du quai Branly (2004).– Des films qui relancent le débat (L’Ennemi intime en 2007).

ConclusionLa mise en histoire n’est pas encore terminée (cf. polémique en mars 2012 autour des commé-morations de l’indépendance). Faut-il attendre la disparition d’une génération pour espérer un véritable apaisement des mémoires et une écri-ture achevée de l’histoire du conflit ?

rant les uns vers les autres, de la tour Eiffel ou d’un minaret, les peuples français et algériens sont heureux de se retrouver dans un climat appa-rent d’amitié et de fraternité. Pourtant, la mémoire et l’histoire de ces deux nations sont encore dou-loureuses et controversées.

I. Une volonté récente mais complexe d’une mémoire apaisée du conflit algérienA. Une mémoire tout d’abord silencieuse (1962-années 1970)– De chaque côté de la Méditerranée, chacun sa mémoire (phase 1 de la caricature : avant que les monuments ne se courbent l’un vers l’autre).– Prise de position des intellectuels pendant le conflit. – Polémiques autour de La Bataille d’Alger.– Une France qui veut tourner la page de la Seconde Guerre mondiale, du conflit indochi-nois et de la guerre d’Algérie.

B. Un réveil des mémoires (années 1970-fin des années 1990)– Films anticolonialistes du début des années 1970. – Mémoires des harkis, pieds noirs et petits-enfants de l’immigration algérienne qui se dur-cissent. – Travail des historiens.

C. La difficulté d’apaiser les mémoires (fin des années 1990 à nos jours)– Reconnaissance de la guerre d’Algérie en 1999.

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Chapitre

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allemand, France Europe Express, FR3 /France 3, 7 décembre 2004, © INA », p. 97.– Diaporama : « Le SPD en campagne électo-rale », p. 92.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 104 ; « Ne pas confondre », p. 104 ; « Personnages clés », p. 104.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 78-79

Les deux documents symbolisent le passé et le pré-sent du socialisme allemand. Dans les deux cas, il s’agit d’une réunion publique où socialistes et/ou syndicalistes manifestent. Toutefois, la photo-graphie de gauche insiste plus sur le discours et le rôle actif des responsables socialistes persua-dés que construire un autre monde est possible. La photographie de droite montre des manifestants qui doivent s’accommoder de la réalité d’un monde qu’ils ne songent guère à renverser. Ces deux pho-tographies résument ainsi un siècle d’évolution du socialisme allemand : un discours révolutionnaire qui laisse place à une action réformiste. Toutefois, en 1907, Rosa Luxemburg, la révolutionnaire, est déjà isolée dans son parti, le SPD, qui s’inspire moins de Karl Marx que de Ferdinand Lassalle. Ce dernier, mort en 1864, prône un socialisme dans l’État bourgeois, sans révolution. En 2011, ce débat réformisme/révolution a perdu de son acuité dans une économie capitaliste et mondialisée mais la social-démocratie allemande est toujours vivante et les luttes sociales n’ont pas disparu.

repères pp. 80-81

Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne et en EuropeCette double-page présente le mouvement ouvrier allemand et le met en perspective pour montrer

I. Les choix du manuelLa première partie du thème 2 du programme, « Idéologies », invite à étudier « Socialisme, com-munisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875 ». Ce chapitre ne reprend pas exactement les termes de la mise en œuvre mais le sens géné-ral est parfaitement maintenu. Le manuel a fait le choix de mettre face à face l’idéologie socia-liste allemande et l’évolution du monde ouvrier. Par ses origines, ses particularités et ses divisions, le socialisme allemand est un modèle pour l’Eu-rope au xxe siècle. Si l’Allemagne de nos jours garde cette tradition syndicale dans un monde ouvrier encore présent, elle le doit en partie à la réussite d’un socialisme réformiste apparu vers 1875. L’évolution du cadre politique allemand nous permet de dégager quatre périodes que le cours 1 résume. Le dossier 1 montre l’évolution du mouvement ouvrier face au pouvoir impérial tandis que les dossiers 2 et 3 décrivent un socia-lisme divisé sous la République de Weimar et victime des nazis à partir de 1933. Les dossiers 4 et 5 montrent les deux voies socialistes explo-rées dans chacune des deux Allemagnes nées de la guerre froide. Enfin, le dossier 6 fait le point de la social-démocratie allemande dans une Alle-magne réunifiée et soumise à la mondialisation. Le manuel a aussi tenu à mettre en perspective le modèle socialiste allemand dans un cadre euro-péen plus large (cf. cours 2).

II. Les outils complémentaires– Frise interactive : « Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne et en Europe », pp. 80-81.– Vidéos : « Les spartakistes et la révolution à Berlin, 1919, © Gaumont Pathé Archives », p. 87 ; « Le marché automobile en Allemagne de l’Est, Soir 3, 30 mars 1986, © INA », p. 91 ; « Les syn-dicats en RFA, IT1, TF1, 20 heures, 4 avril 1976, © INA », p. 93 ; « La réforme du modèle social

Manuel, pp. 78-109

Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 18753

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3. Ces deux documents sont des extraits des pro-grammes politiques du parti socialiste allemand réuni en congrès. Le programme de Gotha (1875) voit la naissance du SPD issu de la fusion des deux courants socialistes : marxiste (A. Bebel, W. Liebknecht) et réformiste (les lassaliens). Le programme d’Erfurt (1891) est l’émanation d’un parti socialiste en plein essor (premier parti d’Al-lemagne avec 20 % des voix).4. L’objectif révolutionnaire du parti socialiste allemand en 1875 et 1891 est marqué par la pré-sence, dans les deux programmes, d’un préam-bule assez similaire qui insiste sur la lutte des classes. Ces passages introductifs contiennent d’autres expressions marxistes dont « la classe ouvrière », « la classe capitaliste », « le mode de production capitaliste ». Toutefois, cet objectif reste théorique, c’est un but ultime à atteindre mais, dans les faits et les articles de ces deux pro-grammes, la ligne réformiste, lassallienne, s’im-pose dès 1875.5. Les principales revendications communes aux deux programmes du SPD sont par consé-quent réformistes. Il s’agit d’améliorer la vie des ouvriers dans un cadre capitaliste. Trois princi-pales revendications communes se dégagent : l’extension des libertés politiques (suffrage uni-versel, libre expression d’opinion), une meilleure justice sociale (impôt sur le revenu, service mili-taire pour tous, éducation) et une amélioration des conditions de travail.6. Dans les années 1870 à 1890, le mouvement ouvrier allemand s’incarne dans le succès du parti socialiste allemand (et aussi des syndicats libres, non étudiés ici) né en 1875. Il représente une masse considérable d’ouvriers qui votent pour lui aux élections législatives. Ceux-ci appré-cient son positionnement réformiste, même si le ton est révolutionnaire. C’est donc un parti poli-tique puissant par son nombre d’adhérents et son audience auprès d’une classe ouvrière peu encline au désordre révolutionnaire.7. La pensée marxiste a fortement influencé le mouvement ouvrier allemand, comme partout en Europe. Toutefois, Ferdinand Lassalle, ancien dis-ciple de Karl Marx, s’en détache assez sensible-ment au début des années 1860 et crée l’Union générale des travailleurs allemands en 1863, qui considère que la lutte contre le capitalisme ne doit pas passer par la révolution mais par le suf-

qu’à chaque étape de son développement, il s’ins-crit au sein d’une dynamique européenne.

QUESTIONS

1. Le cas de l’Allemagne est particulièrement significatif dans la mesure où ce pays a été touché précocément par l’industrialisation (cf. doc. 1) et où le mouvement ouvrier s’y est structuré rapide-ment (cf. doc. 2). Ce dernier a donc constitué une référence pour l’ensemble du mouvement social européen. Dans le courant du xxe siècle, les deux principaux courants du socialisme se sont oppo-sés, sous une forme radicale (cf. doc. 3), notam-ment à l’époque où l’Allemagne était coupée en deux par la guerre froide (cf. doc. 4).

2. La voie révolutionnaire prônée par les spar-takistes s’inspirait de l’expérience de la révolu-tion bolchevique, tout comme le socialisme de la RDA s’inspirait de l’URSS. En RFA comme dans le reste de l’Europe occidentale, c’est plutôt le mouvement réformiste qui l’a emporté : c’est par la voie électorale que de nombreux partis socia-listes ont accédé au pouvoir dans la seconde moi-tié du xxe siècle.

dOssier 1 pp. 82-85

Le mouvement ouvrier allemand face au pouvoir impérial (1871-1891)Plusieurs facteurs expliquent l’essor du parti socia-liste allemand (SPD). Celui-ci crée un mouvement ouvrier capable, dès les années 1880, d’obtenir de la part de l’État et du patronat une législation sociale avancée.

QUESTIONS (p. 83)

1. Le mouvement ouvrier allemand se développe à l’intérieur du jeune Empire allemand (Second Reich) né en 1871. L’empereur Guillaume Ier a confié le gouvernement du Reich à un prussien : Bismarck. À cette époque, l’Empire est marqué par une industrialisation massive, fer de lance d’une économie en pleine croissance, comme la popula-tion qui passe de 41 à 49 millions de 1871 à 1891.

2. Les grandes régions socialistes telles que la Saxe, la Ruhr, la Sarre sont de grandes régions industrielles où le SPD recrute de nombreux adhérents. Ces régions ouvrières, terre socia-liste, s’identifient à la grande industrie localisée sur des gisements de matières premières (char-bon, minerai de fer).

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Chapitre 3 Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 29

« des individus sales et paresseux ». L’action et les idées socialistes sont considérées par ce grand patron comme néfastes au pays car elles remettent en cause la société allemande établie depuis des siècles. Alfred Krupp y voit donc une menace révolutionnaire et condamne indirectement les idées marxistes selon lesquelles sont rejetées « la propriété et l’héritage ». Quant au monde ouvrier, il le considère comme immature et ignorant, inca-pable d’avoir une vraie pensée politique. Résu-mant sa politique paternaliste, il incite les ouvriers à être sages et à vivre paisiblement, heureux de leur sort. Un certain mépris se dégage donc de la pensée d’Alfred Krupp envers le monde ouvrier et ses représentants.

5. La grève des ouvrières du textile de Crim-mitschau en 1904 montre que la politique sociale de l’État reste finalement insuffisante malgré la législation sociale accordée par Bismarck. Ces ouvrières réclament une baisse du temps de tra-vail et semblent déterminées dans leur lutte pour améliorer leurs conditions de travail. Cette action entreprise par une main d’œuvre féminine inter-pelle aussi une politique patronale à réviser.

6. On peut relever plusieurs conflits sociaux qui frappent les grandes régions industrielles alle-mandes :– 1889 : grande grève des mineurs en Ruhr et Silé-sie qui provoque l’intervention de Guillaume II et s’achève par un compromis et une améliora-tion de la législation sociale ;– 1905 et 1910-1911 : grèves dans les grandes régions industrielles, notamment en Ruhr où les syndicats d’ouvriers revendiquent des hausses de salaires, qui seront partiellement accordées grâce à l’intervention des responsables SPD.

7. Des années 1880 à 1914, les pouvoirs poli-tiques et économiques du Second Reich font face à un puissant mouvement ouvrier, organisé autour d’un parti socialiste capable de mobiliser les nombreux salariés de la grande industrie. Avec un programme d’apparence révolutionnaire mais construit autour de revendications concrètes, le SPD bénéficie d’une audience et d’une confiance massive des ouvriers. Après un temps d’interdic-tion, le pouvoir politique accorde une législation sociale avancée (lois sociales des années 1880) afin d’éloigner les ouvriers du socialisme mais l’effet est inverse : le mouvement ouvrier se ren-

frage universel, dans le cadre d’un État orga-nisé : c’est l’origine du réformisme social alle-mand. Par ailleurs, des socialistes allemands ne suivent pas Lassalle (W. Liebknecht, A. Bebel) et forment l’Union des associations des travailleurs allemands, de tendance marxiste. À Gotha, en 1875, ces deux tendances fusionnent pour former le Parti socialiste allemand, dont le programme réformiste est très critiqué par Marx. Ainsi, les révolutionnaires dans le SPD sont minoritaires mais leurs idées sont fréquemment discutées et affichées au sein du Parti (cf. Rosa Luxembourg au congrès de Stuttgart en 1907).

QUESTIONS (p. 85)

1. Ces deux documents sont des textes (extraits) qui témoignent de l’évolution du mouvement ouvrier sous le pouvoir impérial. Le texte d’Au-gust Bebel analyse a posteriori la répression du mouvement ouvrier décidée par la loi du 21 octobre 1878. Un an auparavant, la lettre d’Al-fred Krupp s’inscrit dans la sphère publique car elle est adressée à ses employés.

2. Face à l’essor du mouvement social, le pouvoir politique a deux réactions totalement opposées mais qui ont la même finalité. La loi du 21 octobre 1878 réprime le mouvement ouvrier devenu dan-gereux pour le pouvoir. C’est un échec car l’in-fluence des socialistes grandit sans cesse. Bis-marck décide donc une autre politique : il accorde une législation sociale, avancée pour l’époque, aux salariés des industries (lois sur l’assurance mala-die et les accidents du travail en 1883 et 1884, lois sur l’invalidité et la vieillesse en 1889). Ainsi, entre répression et générosité, le fossé est grand mais l’objectif du pouvoir est le même : éloigner les ouvriers de l’influence socialiste.

3. Face à cette répression politique et patronale, les ouvriers semblent passifs. Leur réaction per-sonnelle n’apparaît que sous le récit de Bebel, qui parle de « colère » et d’« amertume ». Toute-fois, les représentants syndicaux ou politiques, qui deviennent clandestins, peuvent compter sur le soutien de la population ouvrière. Le mouve-ment ouvrier devenu illégal se structure en « socié-tés secrètes locales » et les progrès électoraux du SPD dans cette période d’interdiction montrent la défiance ouvrière face au pouvoir.

4. Alfred Krupp a un jugement très sévère envers la social-démocratie allemande et ses dirigeants,

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d’où le « retour immédiat de l’ambassadeur russe à Berlin ».

4. Les spartakistes veulent imposer leur Répu-blique par l’instauration d’un programme révo-lutionnaire : le pouvoir à des Conseils d’ouvriers et de soldats et la nationalisation de l’économie. Ce projet échoue, les spartakistes restent minori-taires et les sociaux-démocrates prennent le pou-voir. En janvier 1919, les spartakistes prennent les armes et se soulèvent contre le gouvernement SPD.

5. Aux élections à la Constituante de janvier 1919, les sociaux-démocrates se définissent comme une force politique centriste, qui rassure une popula-tion victime du désordre né de l’échec du pou-voir impérial et de la révolution spartakiste. Ils dénoncent ainsi l’ancien régime qui a conduit l’Allemagne à la défaite, autour de quelques mots significatifs dont « monarchie, discipline militaire, 12 heures de travail ». Les idéaux des socialistes révolutionnaires, à l’opposé, sont aussi dénoncés : « Moscou, dictature, Armée rouge, travail forcé ».

6. Le nouveau régime, qu’incarnent les sociaux-démocrates et leurs alliés démocrates et centristes, se définit avant tout par une République démo-cratique, dont la meilleure expression est le suf-frage universel. Cet outil démocratique permet de désigner les représentants du peuple, dont le pré-sident de la République et le Reichstag. À l’éche-lon fédéral ou local (dans les länder), les pouvoirs sont séparés.

7. En 1919, la victoire des sociaux-démocrates du SPD est écrasante pour plusieurs raisons. Leur projet de république parlementaire a abouti et la constitution du nouveau régime en est la meilleure expression. Parti le plus influent par sa victoire électorale de janvier, le SPD a réussi à imposer ses idées aux deux autres partis de la coalition, le Zentrum et le Parti démocrate. Entre l’aile gauche socialiste et les tenants de l’ancien régime impé-rial, il semble que cette coalition, animée par les sociaux-démocrates, requiert la confiance du peuple allemand soucieux de retrouver un pays stable. En outre, le SPD s’est débarrassé des socia-listes révolutionnaires, écrasés après la Semaine sanglante. Il apparaît donc comme le garant d’un ordre rétabli et le pivot du nouveau système poli-tique allemand.

8. Fiches biographiques :

force. Toutefois, le SPD et les syndicats libres n’effrayent pas le patronat et un compromis social s’élabore sous Guillaume II, qui renforce la pro-tection sociale. Si des conflits sociaux persistent, ils se terminent souvent par l’amélioration de la condition ouvrière.

dOssier 2 pp. 86-87

La révolution allemandeEn quelques mois, de janvier à août 1919, l’Alle-magne passe d’une révolution sanglante à la nais-sance d’une République parlementaire. Les socia-listes allemands sortent de cette période troublée profondément divisés.

QUESTIONS

1. Les principales régions touchées par la révolu-tion sont, en premier lieu, les ports de la Baltique dont Kiel (la flotte s’y mutine le 3 novembre) puis les grandes villes de l’intérieur : Hanovre, Magde-bourg, Berlin. L’agitation se propage ensuite en Rhénanie (Cologne), puis en Bavière (Munich).

2. Ces deux projets républicains sont incom-patibles quant à la nature du régime proclamé. Pour les socialistes majoritaires (Scheidemann, Ebert), la République doit être parlementaire et s’appuyer sur des institutions que le peuple valide par des élections fédérales ou locales. Ces scru-tins reposent sur le suffrage universel. Le projet des socialistes révolutionnaires minoritaires, les spartakistes, est aussi une République mais qui émane des Conseils d’ouvriers et de soldats et non d’un gouvernement représentant le peuple. Pour Karl Liebknecht et ses amis, la représenta-tion parlementaire doit disparaître, tout comme le chancelier et son gouvernement. La constitution de la République de Weimar, proclamée en août 1919, ne contient aucune trace du projet sparta-kiste : si le pouvoir émane du peuple, c’est par le suffrage universel que s’exerce la république par-lementaire au niveau fédéral et dans les länder.

3. Le modèle de « la République des Conseils » est le pouvoir bolchevique né de la Révolution d’Oc-tobre. Les Conseils de soldats et d’ouvriers alle-mands sont directement inspirés des soviets (cf. points 13 et 14 du programme des spartakistes). « Les partis frères socialistes » sont ceux qui adhèrent aux thèses révolutionnaires de Lénine. Il faut se rapprocher du pouvoir bolchevique,

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gion juive, « la doctrine juive » dit-il. Selon lui, le marxisme est « la prédominance du nombre » et nie « la valeur individuelle de l’homme ». Il s’oppose à la doctrine marxiste car celle-ci transgresse sa religion, « la nature éternelle », qui repose sur la force et l’énergie. Ces qualités forment la valeur individuelle de l’homme. Toute la doctrine raciale d’Hitler est ainsi exposée, « contre le juif » donc contre le marxisme.

4. La création du Front du travail en mai 1933 élimine la tradition syndicale socialiste. Désor-mais, le parti nazi contrôle les relations salariés/patrons dans une structure modernisée où le temps des loisirs est aussi contrôlé. Cette photographie de propagande insiste sur l’ambiance nouvelle : on s’occupe des femmes dans la joie et par la musique. C’est donc un nouveau socialisme qui s’offre aux salariés, épanouissant et jovial. Sous le portrait d’Hitler, de nouveaux rapports sociaux s’établissent à l’usine.

5. La répression nazie est impitoyable envers le mouvement ouvrier à partir de mai 1933. Toutes les organisations, structures politiques et syn-dicales, particulièrement socialistes, sont inter-dites et remplacées par le « Front du travail ». Le nazisme s’insère dans la vie des ouvriers à l’usine et les responsables politiques et syndicaux sont arrêtés et internés à Dachau, le premier camp de concentration, ouvert dès le 22 mars 1933. Les prisonniers politiques – dont essentiellement des communistes et socialistes – le remplissent à moi-tié un an plus tard.

6. Face au nazisme, le mouvement ouvrier alle-mand est impuissant et incapable d’opposer la moindre résistance. Sa division explique en par-tie la facile victoire des nazis sur un socialisme affaibli. Depuis 1919, sociaux-démocrates et com-munistes se haïssaient : le SPD considérait le KPD comme un ennemi mortel de la démocra-tie tandis que le KPD comptait sur la crise des années 1930-1932 pour se débarrasser du SPD. Ainsi, cette rivalité a fait le jeu des nazis qui ont pu facilement prendre le pouvoir face à un bloc de gauche inexistant. Chacun leur tour, KPD puis SPD sont interdits et les syndicats remplacés par des organisations nazies. Résignés, les respon-sables socialistes ou communistes sont à la merci d’un régime totalitaire marqué par une profonde haine envers les idées socialistes.

– Rosa Luxemburg (1871-1919) : cette biogra-phie doit comporter plusieurs étapes dans son combat révolutionnaire – son engagement très jeune en faveur des idées marxistes, son exil de Pologne, son adhésion au SPD et à l’Internatio-nale ouvrière, sa détermination à faire entendre sa voie révolutionnaire face par exemple au révi-sionnisme de Bernstein, son refus de la guerre et son exclusion du SPD, son rôle dans le mouve-ment spartakiste, sa fin tragique ;– Karl Liebknecht (1871-1919) : fils du co-fonda-teur du SPD, il incarne aussi la gauche du parti. À partir de 1914, son engagement politique se calque sur celui de Rosa Luxemburg (qui crée la ligue spartakiste et le KPD).

dOssier 3 pp. 88-89

Le mouvement ouvrier allemand face au nazismeIncapables de faire face à la montée du nazisme, les socialistes allemands sociaux-démocrates et communistes entrent dans la clandestinité à par-tir de 1933.

QUESTIONS

1. Entre 1928 et 1933, les sociaux-démocrates du SPD s’effritent face à la montée des extrêmes de gauche (les communistes du KPD) ou de droite (les nazis du NSDAP). En effet, toutes les élec-tions au Reichstag leur sont défavorables et leur influence auprès des électeurs s’affaiblit, tandis que KPD et surtout NSDAP progressent. Ceux-ci apparaissent sur l’affiche électorale du SPD lors des élections de 1932, un danger mortel menace la démocratie et le SPD semble bien impuissant. Cette situation justifie le slogan défensif du SPD – « Ce sont les ennemis de la démocratie, chassez-les ! » –, qui ne fait pas le poids face aux affiches de ses concurrents, présentant un aigle pour les nazis et un ouvrier pour les communistes.

2. Ces affiches sont des illustrations colorées, édi-tées lors de la campagne électorale en 1932. Elles s’adressent aux électeurs allemands, qui doivent faire leur choix. Plus particulièrement, l’affiche du SPD interpelle les défenseurs de la démocra-tie, l’affiche du NSDAP vise le peuple tout entier et celle du KPD s’adresse aux ouvriers allemands victimes du système capitaliste.

3. Hitler semble assimiler le marxisme à la reli-

Chapitre 3 Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 31

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n’a pas été atteint : ni la modestie de ses perfor-mances, ni la longueur des listes d’attente ne per-mettent à la RDA de rivaliser avec l’Allemagne de l’Ouest, la RFA, où le pouvoir d’achat et le niveau de vie des ouvriers sont beaucoup plus élevés.

4. Selon le site du Centre virtuel de la connais-sance sur l’Europe (www.cvce.eu), un million de personnes ont manifesté sur l’Alexanderplatz le 4 novembre 1989. Elles ont conspué le nom des derniers dirigeants de la RDA qui venaient de succéder à Erich Honecker.

5. Le régime communiste prétend représenter le peuple et défendre « les intérêts de tous les tra-vailleurs » (cf. doc. 2). Il se qualifie lui-même de démocratie populaire. Les manifestants de l’Alexanderplatz lui dénient cette qualité et se posent comme le véritable peuple.

6. C’est cinq jours après cette manifestation que le mur de Berlin s’écroule : des milliers d’Alle-mands de l’Est le franchissent pour se rendre à Berlin-Ouest, tandis que d’autres en commencent la destruction symbolique. Un an plus tard, la RDA se fondra dans l’Allemagne réunifiée sur le modèle occidental.

7. Le discours officiel de la RDA (cf. doc. 2 et 4) se réclame du monde ouvrier et prétend réa-liser son émancipation et l’amélioration de son niveau de vie. La réalité est toute autre puisque le régime, né dans une atmosphère de terreur poli-tique (cf. doc. 1), pratique l’embrigadement de la population (cf. doc. 3) et se montre incapable de lui offrir un niveau de vie convenable (cf. doc. 4). Il apparaît dès lors logique que se développent à terme des mouvements de protestation (cf. doc. 6), quand le contexte international le permet.

dOssier 5 pp. 92-93

À l’Ouest, les socialistes et le pouvoir en économie de marché (1949-1989)

QUESTIONS

1. Entre 1950 et 1962, la production de richesses rapportée à un habitant passe de 2 831 à 4 771 DM, soit une augmentation de 68,5 %. Dans le même temps, le salaire d’un ouvrier mesuré en valeur constante passe de l’indice 100 à l’indice 187, soit une augmentation de 87 %. Durant cette période, le salaire ouvrier a donc augmenté plus vite que la création de richesses.

7. La résistance socialiste ou communiste sous la période nazie est difficile dans un pays où le sys-tème policier et de terreur est particulièrement efficace. Quelques réseaux subsistent mais leurs actions sont limitées. Quelques points communs se dégagent de cette période de clandestinité pour les deux partis et leurs tendances syndicales : une grande partie des cadres s’exilent dans les pays limitrophes ou sont internés dans les camps, les militants ou sympathisants se fondent dans la société nazie, les moyens de lutte sont très faibles, la gestapo est très bien renseignée, les cheminots et employés des transports sont les derniers bas-tions de résistance surtout communiste, les coups d’éclat sont rares (impression de tracts ou grève à Berlin pendant les Jeux de 1936). À partir de 1936, ces faibles faits de résistance s’amenuisent encore.

dOssier 4 pp. 90-91

À l’Est, le mouvement ouvrier face à un régime totalitaire (1949-1989)

QUESTIONS

1. Le régime est-allemand s’apparente par plu-sieurs aspects au totalitarisme stalinien qui l’a inspiré lors de sa création :– le SED est un parti unique. Son rôle est de définir les grandes organisations du régime (cf. doc. 2) ;– la terreur politique s’est abattue sur les oppo-sants au régime, notamment sur les socialistes réformistes (cf. doc. 1) ;– le régime procède à un embrigadement de la population, en particulier de la jeunesse (cf. doc. 3).

2. Le SED se réclame du marxisme-léninisme. Il fait ainsi explicitement référence à l’idéologie développée par Karl Marx, un socialisme quali-fié de « scientifique » (ligne 5). En affirmant que la validité de la doctrine marxiste a été « confir-mée par la pratique », il fait référence à l’expé-rience menée en URSS depuis la révolution bol-chevique et dans l’ensemble des démocraties populaires depuis les débuts de la guerre froide.

3. Dans la deuxième partie du document 4, le pré-ambule au code du travail explique que les gains de productivité doivent contribuer à l’élévation du niveau de vie de la population de la RDA. La voi-ture Trabant constitue la preuve que cet objectif

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lisme. Mais si, traditionnellement, le discours était marxiste, c’est le réformisme qui l’a emporté progressivement. Dans les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, c’est dans le cadre d’une économie de marché que le niveau de pro-tection sociale et de revenu des ouvriers allemands progresse spectaculairement. En 1959, lors du congrès de Bad-Godesberg, le SPD prend acte de cette réalité : il reconnaît l’efficacité de l’éco-nomie de marché tout en proposant de l’enca-drer étroitement pour en empêcher les dérives. Le SPD redevient alors un parti de gouvernement : Willy Brandt accède à la chancellerie en 1969 et réalise des réformes qui contribuent à parache-ver l’économie sociale de marché. Cependant, le SPD voit du même coup son identité évoluer : il cesse d’être un parti ouvrier ; certains de ses mili-tants traditionnels lui reprochent d’être trop sou-mis aux principes de l’économie libérale.

COurs 1 pp. 94-95

Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875

DocuMEnT 1

La une de Der Wahre Jacob du 21 février 1905 montre en arrière-plan une usine géante, sûre-ment un complexe sidérurgique, en pleine acti-vité puisque de nombreuses cheminées fument. Les bâtiments, dont de nombreuses fenêtres sont colorées en rouge (l’acier en fusion), renforcent cette idée de gigantisme et symbolisent une éco-nomie allemande en pleine croissance. Au pre-mier plan, l’illustration montre un monde ouvrier qui courbe l’échine, tirant le carrosse des impo-sants patrons. Est ici dénoncée l’exploitation des ouvriers, qui souffrent des conditions de travail dans une entreprise qui les asservit. La mort les guette (elle les fouette sur un cheval cabré) s’ils restent résignés.

DocuMEnT 2

Durant la première décennie du xxie siècle, l’économie allemande a retrouvé dynamisme et compétitivité. Mais ces bonnes performances ont été obtenues au prix de la remise en cause de plu-sieurs acquis sociaux datant de la période pré-cédente. Cette affiche de la DGB met en avant l’idée que ce sont les luttes sociales qui permet-

2. Durant cette période où la CDU/CSU est au pouvoir et où le niveau de vie ouvrier progresse, on assiste à une montée régulière des suffrages qui se portent sur le SPD : ils passent de moins de 30 % à près de 40 % des voix en 1965.

3. Pour l’idéologie marxiste, un système écono-mique capitaliste ne peut aboutir qu’à l’asservis-sement des ouvriers et à leur maintien dans un état de pauvreté extrême. Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’économie sociale de marché montre sa capacité à entretenir la crois-sance économique tout en assurant un haut niveau de vie à la population. Le SPD renonce donc au discours prônant l’émancipation des ouvriers par la grève générale et la révolution, pour pratiquer un socialisme réformiste.

4. La loi de 1972 constitue le sommet de la coges-tion : les salariés sont associés à la gestion des entreprises par l’intermédiaire de leurs élus au comité d’entreprise, notamment pour l’aména-gement du temps de travail et les modalités de rémunération.

5. Time Magazine est un hebdomadaire améri-cain habituellement peu complaisant à l’égard des partis socialistes. À ses yeux, Helmut Schmidt, chancelier issu du SPD, fait exception dans la mesure où il ne remet pas en cause les principes fondamentaux du capitalisme. L’hebdomadaire lui reconnaît même sa capacité de bon gestion-naire de l’économie allemande : « fierté et pros-périté ». La photographie est avantageuse, elle montre un homme dont le regard est tourné vers l’avenir. Le costume qu’il porte ne permet guère de l’identifier comme le représentant d’un parti ouvrier : le programme de Bad-Godesberg a fait du SPD « un parti du peuple tout entier ».

6. Jusqu’en 1987, le SPD a toujours reçu la majo-rité des voix des ouvriers lors des élections : 1972 a été un sommet historique avec près des deux tiers des voix, à l’époque où Willy Brandt était chancelier. 1990 est la pemière année depuis bien longtemps où la majorité des ouvriers n’a pas voté pour le SPD. À cette date, le parti d’Helmut Kohl, le chancelier de la réunification, fait pra-tiquement jeu égal avec lui. Le monde ouvrier a cessé de constituer la base de l’électorat du SPD.

7. Historiquement, le SPD était un parti ouvrier qui se proposait de renverser l’ordre social et de remettre en cause les fondements du capita-

Chapitre 3 Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 33

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34

crit en arrière-plan de la tribune : « Für eine neue soziale Idee ». Il s’agit pour ce parti d’occuper le champ laissé libre par le SPD, accusé d’avoir dérivé vers le centre de l’échiquier politique et d’avoir abandonné son rôle de parti des travail-leurs.

6. Le mouvement socialiste allemand est confronté au même problème que ses homologues euro-péens : comment faut-il s’adapter aux contraintes de la mondialisation dans le cadre d’un système d’économie libérale ? La tendance incarnée par le SPD à l’époque de Gerhard Schröder a considéré que, pour améliorer la compétitivité de l’écono-mie allemande, il convenait de revenir en partie sur des mesures de protection sociale accordées lors des décennies précédentes. Pour Die Linke, au contraire, c’est la volonté politique qui doit l’emporter sur l’économie.

COurs 2 pp. 98-99

Socialisme et mouvement ouvrier en Europe depuis la fin du xixe siècle

DocuMEnT 1

Selon Karl Marx, se succèdent des sociétés marquées par la lutte des classes entre oppres-seurs et opprimés. Après une société féodale, une société bourgeoise s’est affirmée mais le proléta-riat engage la lutte. Dans le cadre de l’industria-lisation, la bourgeoisie dirige cette société que le prolétariat conteste : « deux vastes camps enne-mis [...] s’affrontent directement ».

Les communistes ont un double objectif. Dans un premier temps, il faut renverser « l’ordre social passé », c’est-à-dire la bourgeoisie, par un rap-port de force. La révolution violente est donc à l’ordre du jour et la grève générale ou l’insurrec-tion est sous-entendue. Dans un deuxième temps, un monde nouveau est à construire, celui du pro-létariat. Ces objectifs se réaliseront par l’unité du mouvement ouvrier européen : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

DocuMEnT 2

Les socialistes français parvenus au pouvoir en 1981, tout comme leurs homologues allemands du SPD, ont dû surmonter les contradictions entre leur volonté de réaliser des réformes sociales pro-fondes et les contraintes que leur imposait l’éco-

tront de repartir de l’avant. La dernière revendi-cation, celle d’« un État social fort », se situe clai-rement dans l’héritage de l’économie sociale de marché qui s’était mise en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui avait culminé avec l’arrivée au pouvoir du SPD, à l’époque de Willy Brandt.

dOssier 6 pp. 96-97

Les sociaux-démocrates face à la réunification et à la mondialisation

QUESTIONS

1. En 1990, les électeurs de l’est de l’Allemagne ont, comme le reste du pays, donné la majorité de leurs voix au parti du chancelier Helmut Kohl, la CDU-CSU. Ils lui savent gré du rôle qu’il vient de jouer dans la réunification du pays après la chute du mur. Par ailleurs, l’étiquette socialiste du SPD paraît peu attractive pour une population ayant vécu durant 40 ans dans un pays qui se pro-clamait lui-même du socialisme, la RDA, même si c’était une toute autre forme de socialisme.

2. En 1998, le SPD de Gerhard Schröder met en avant le slogan du « Nouveau Centre ». Si, tra-ditionnellement, le parti se situe à gauche de l’échiquier politique, son nouveau positionne-ment contribue à le déporter vers le centre. Sur sa propre gauche se développent en effet de nou-velles sensibilités, incarnées notamment par Les verts, puis par des mouvements regroupant des personnes déçues par son évolution (comme Die Linke).

3. Peter Harz, l’initiateur des lois qui portent son nom, était directeur de Volkswagen, une très grande entreprise emblématique du capitalisme germanique.

4. « Das Volk sind wir » : « Nous sommes le peuple ». La formule est inscrite sur la banderole étroite au centre de l’image, immédiatement sous le slogan qui condamne sans appel les réformes intro-duites par Gerhard Schröder : « A bas Harz IV ». Cette formule acide accuse les dirigeants du pays, notamment socialistes, d’avoir trahi la cause du peuple qu’ils prétendent défendre, un peu comme l’avaient fait les dirigeants de la RDA.

5. Die Linke reprend le vocabulaire traditionnel du SPD et cherche à mettre en avant son iden-tité socialiste. Elle se retrouve dans le slogan ins-

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illustrant ainsi la pensée de Marx : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » C’est l’image de la lutte des classes : seule l’unité fait la force du prolétariat. En ce sens, l’œuvre est embléma-tique des idéaux révolutionnaires du parti com-muniste. Otto Griebel s’est représenté au second rang, sur la droite du tableau, en veste bleue. Il pose la main sur l’épaule d’un mineur. Il incarne l’artiste engagé qui a la charge d’exprimer et de soutenir les aspirations du peuple. Les hommes, figés dans leur mouvement, sont statiques. Les détails sont étudiés : lampe du mineur, casquettes des prolétaires, sac de chanvre sur la tête du doc-ker. Ces caractéristiques illustrent les grandes ten-dances de la Nouvelle Objectivité : refus de la subjectivité et retour vers un certain classicisme (importance du dessin et retour à la réalité).

2. Otto Dix est né dans une famille d’ouvriers, en 1891, près de Dresde. Marqué par les œuvres de Van Gogh, il se confronte à l’expressionnisme et s’engage, après l’expérience de la guerre, dans le mouvement dadaïste. Au début des années 1920, Otto Dix évolue vers une représentation de la vie réelle, croquant des scènes qui choquent la bour-geoisie. Il représente peu la condition ouvrière (sauf dans le portrait de ses parents) mais dénonce les inégalités de la République de Weimar en pei-gnant les excès des élites tant sociales que cultu-relles (cf. triptyque Grande Ville, 1927-1928, gale-rie de la Ville, Stuttgart). Otto Dix appartient à la tendance qualifiée de vériste par Gustav Frie-drich Hartlaub. Ce portrait, par sa technique (peinture à l’huile, glacis), sa composition (disposition symétrique des deux personnages par rapport à la médiane) et son sujet (portrait), relève du genre classique. De plus, l’environnement (canapé, papier peint simple) permet de situer socialement les person-nages. La maîtrise du dessin et de la lumière (le modelé permet de rendre la texture du gilet en velours du père et le soyeux du corsage de la mère) rattache également le peintre à la grande tradition de la peinture. Le regard sans concession porté sur ses parents (les traits tirés de la mère, le regard inexpressif du père, la fatigue lisible sur ces visages, la dispro-portion des mains indiquant le statut de travail-leur manuel) et sur leur lieu de vie (papier peint simple, canapé défraîchi) montre chez le peintre une forte conscience sociale.

nomie de marché. Ainsi, malgré son slogan évo-quant en 1981 la volonté de mener « une autre politique », François Mitterrand a dû prendre en compte le contexte international et opérer en 1983 le tournant de la rigueur. Il a ainsi déçu une par-tie de ses électeurs qui lui reprochaient dès lors de mener une politique peu différente de celle de ses prédécesseurs conservateurs.

arts & histoire pp. 100-101

La nouvelle objectivitéEn Allemagne, la Nouvelle Objectivité s’affirme, en réaction contre l’expressionnisme, dans les années 1920, au moment où ce courant artistique n’est plus contesté et gagne les autres formes d’art. L’historien Franz Roh parle, en 1925, de « pos-texpressionnisme ». Cette tendance, qui ne prend pas la forme d’un mouvement organisé autour d’un manifeste, connaît des variantes régionales – qui s’estompent avec les échanges entre les artistes – et politiques. Le critique d’art et direc-teur de la Kunsthalle de Mannheim, Gustav Frie-drich Hartlaub, distingue une aile droite – dont les représentants s’inscrivent dans un conservatisme allant jusqu’au classicisme (Alexandre Kanoldt, Franz Lenk, etc.) – et une avant-garde – héritière des recherches formelles antérieures (Otto Dix, Georges Grosz, Max Beckmann, etc.). Dans la tra-dition réaliste, le groupe s’attache à décrire son environnement dans des œuvres à la composition étudiée et au dessin soigné. Ce dossier porte sur la représentation de la classe ouvrière. Le thème de prédilection du mouvement reste cependant l’ambiance de l’après-guerre dans les grandes villes et la crise morale qui sévit.

QUESTIONS

1. Otto Griebel, jeune artiste, fait ses études à l’école royale de Dresde, où il rencontre Otto Dix. Blessé à la fin de la guerre, il revient en Alle-magne, où il prend une part active aux mouve-ments révolutionnaires qui agitent l’Allemagne. En 1919-1920, la création artistique et le com-bat révolutionnaire forment le centre de sa vie : il entre au KPD et participe au groupe dadaïste de Dresde. Les prolétaires, nombreux, d’origine et d’âge différents, sont côte à côte. Bouches ouvertes, ils semblent chanter. Ils présentent un front uni,

Chapitre 3 Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 35

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cinéma & histoire pp. 102-103

Une vision de la lutte des classes en Allemagne à la veille du nazisme

Metropolis, Fritz Lang, 1927

QUESTIONS

1. Les légendes des documents 1 et 2 entament la réponse. Il convient d’insister sur le contraste architectural : une ville futuriste « super New York » au moment où, en Allemagne, les modes et les capitaux viennent des États-Unis ; des cata-combes, des ruelles, une cathédrale médiévales. L’inégalité sociale oppose le cadre de vie des riches (jardins, terrains de sport, automobiles, avions) à celui des pauvres (logements-casernes). Les gratte-ciel et la mécanisation suscitent à la fois fascination et répulsion. La machine moderne asservit et broie les hommes. Le film condamne les méthodes tayloriennes de production et de contrôle : bielles, horloges, cadrans, caméras de surveillance, comme le fera dix ans plus tard Charlie Chaplin dans Les Temps modernes.

2. Membre de l’intelligentzia autrichienne d’avant 1914, fils d’un architecte, Fritz Lang devient le maître du cinéma « expressionniste » allemand des années 1920. Au temps du muet, il réalise des films marqués par la magie médiévale, les légendes diaboliques et la mythologie germa-nique : Les Trois Lumières, Nosferatu, Le Dr Mabuse, Niebelungen. Metropolis lui apporte la célébrité et démontre la puissance des studios de la UFA à Berlin-Babelsberg. Son premier film parlant, M, est une métaphore de la société alle-mande de 1931. En 1933, à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Joseph Goebbels aurait proposé à Fritz Lang de diriger le cinéma. Mais celui-ci choisit l’exil et rejoint en 1934 la communauté d’intellectuels allemands installés aux États-Unis. Ses films sont interdits en Allemagne, où on s’avise qu’il était juif. Sa carrière hollywoodienne est proli-fique. Plusieurs films combattent violemment le nazisme : Chasse à l’homme (1941), Les Bour-reaux meurent aussi (1943), etc. Fritz Lang tourne ses derniers films en Alle-magne : Le Tigre du Bengale (1959) et Le Dia-bolique Dr Mabuse (1960).

3. L’analyse comparée du début et de la fin de Metropolis montre deux visions contraires, comme

3. Dans cette œuvre, Hans Baluschek rend compte de l’évolution urbaine. Avec l’arrivée du train, la ville (à l’exemple de ce quai de gare) devient un lieu de brassage des populations et de mixité sociale. C’est un monde où la modernité fait irruption : les paysages portent la marque des sil-houettes massives des industries, des hautes che-minées et des fumées (en arrière-plan).

4. Ces œuvres sont des témoignages dans le sens où les artistes se sont efforcés de représenter la réalité avec un souci du détail et une volonté d’ob-jectivité. Cependant, les sujets choisis laissent au spectateur matière à réflexion : la force du mou-vement ouvrier (cf. doc. 1), l’usure physique des ouvriers âgés qui ont travaillé toute leur vie (cf. doc. 2), la naissance d’un monde urbain nou-veau où se côtoient, dans une certaine indiffé-rence, de nombreux travailleurs. Le regard froid porté par les artistes peut susciter une réaction de rejet.

5. L’expression « art dégénéré » doit son nom à l’exposition Entartete Kunst, organisée à Munich en 1937 par les nazis. Dans le but de démontrer l’aspect malsain et impur de cet art moderne, des œuvres d’handicapés mentaux ainsi que des des-sins d’enfants sont exposés au milieu d’œuvres d’artistes connus : Chagall, Otto Dix, Grosz, Kandinsky, Paul Klee, Kokoschka. Le terme « dégénéré », emprunté à la biologie, sous-entend que l’œuvre n’obéit plus aux savoir-faire qui ont permis l’évolution de l’art, qu’elle n’exprime plus les valeurs de la communauté allemande. L’art dégénéré est donc l’art rejeté par le régime nazi car il n’est pas conforme à l’art officiel qui défend une idée de race allemande. Il peut y avoir plusieurs raisons pour qu’un artiste soit consi-déré comme « dégénéré » : l’appartenance reli-gieuse (judaïsme) ou la nationalité (non alle-mand), la couleur de peau (par exemple, toute la musique jazz, associée à la population noire, est jugée comme étant dégénérée) ou la modernité (dissonance). Cette exposition, qui regroupe les œuvres majeures des avant-gardes allemandes et étrangères depuis le début du siècle (expression-nisme, dadaïsme, Bauhaus, nouvelle objectivité, etc.), connaît un succès spectaculaire (plus de 2 millions de visiteurs). Ces œuvres sont par la suite vendues ou brûlées.

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Chapitre 3 Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 37

En Italie :– Les Camarades, Mario Monicelli, 1963 ;– La classe ouvrière va au paradis, Elio Petri, 1971.

Au Royaume-Uni :– Raining Stones, Kenn Loach, 1993 ;– Les Virtuoses, Marc Herman, 1997.

En Chine : 24 City, Jia Zhang ke, 2009. Les documentaires, souvent à vocation mili-tante, sont encore plus nombreux que les films de fiction. Le site « Syndicalisme, mouvement ouvrier et cinéma » du CNT en donne un riche catalogue. En 2012, sort Des mémoires d’ouvriers de Gilles Perret.

vers le baC pp. 106-107

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Socialistes révolutionnaires et socialistes réformistes en Allemagne depuis 1875.Ce sujet évolutif permet de confronter les deux tendances socialistes allemandes sur une longue durée. L’introduction servira à définir ces socia-lismes dans un cadre économique favorable, celui de l’essor industriel avant 1914. Un plan chro-nologique en deux parties avec une date char-nière (1945) s’impose.

I. Le temps de la division (1875 à 1945)A. Les origines : deux tendances socialistes dans l’Allemagne impérialeB. L’affrontement fratricide (1918-1919) : les réformistes au pouvoirC. L’impossible rapprochement sous la période nazie

II. De la séparation au triomphe des socialistes réformistes (1945 à nos jours)A. La voie révolutionnaire dans la RDA com-munisteB. La voie réformiste dans la RFA occidentaleC. La réunification socialiste : un nouveau réfor-mismeEn conclusion, on peut insister sur l’influence de longue durée des sociaux-démocrates réformistes sur la société allemande. En revanche, le socia-lisme révolutionnaire n’a jamais réellement pris dans un pays où la révolution sociale fait peur. On peut élargir le sujet en montrant que d’autres pays européens, dont la France, ont connu cette même division socialiste.

si l’auteur du film en avait changé progressive-ment le sens. Au début, c’est un film de lutte des classes, un film « socialiste » dans l’acception marxiste du mot (cf. réponse à la question 1). À la fin (cf. doc. 5), le capitalisme, teinté d’un fort pater-nalisme, triomphe. L’ordre établi a été restauré, avec sa hiérarchie patron/contre-maître/ouvriers. Au long du récit, preuve a été faite que toute ten-tative de révolution était vouée à l’échec, que le « luddisme » (destruction des machines) par les ouvriers était suicidaire, et que le peuple devait se méfier des prophètes promettant des changements impossibles. Si tout se termine dans la réconci-liation et la paix, c’est au prix de la liberté et de l’égalité. Certains, comme Siegfried Kracauer (De Cali-gari à Hitler), vont plus loin et donnent du film une interprétation proche de l’idéologie nazie. Les méthodes de séduction du peuple par les agitateurs politiques et le stratagème du patron pour mani-puler les ouvriers s’apparentent aux techniques de propagande définies par Goebbels. La révolu-tion « populaire » aboutit au rejet du socialisme et à l’acceptation d’un pouvoir autoritaire. Ce film de 1927 préfigure le nouvel ordre de 1933. Il fut qualifié de réactionnaire et accusé de donner les recettes du totalitarisme. Fritz Lang en renia plus tard la morale et rejeta toute la responsabilité du scénario sur sa femme, Théa von Harbou, qui adhéra au NSDAP. Hitler et Goebbels avaient la plus vive admiration pour le cinéma de Lang.

4. L’idée reçue que le monde ouvrier est peu pré-sent au cinéma est fausse. Le premier film est La sortie des ouvriers des usines Lumière (1895). Le cinéma de fiction offre un choix immense. On se borne ici à quelques suggestions sans souci d’exhaustivité.En France :– À nous la liberté, René Clair, 1931 ;– Toni, Jean Renoir, 1935 ;– La Vie est à nous, Jean Renoir, 1936 ;– Le jour se lève, Marcel Carné, 1939 ;– Germinal, Claude Berri, 1993 ;– Marius et Jeannette, Robert Guédiguian, 1997 ;– Ressources humaines, Laurent Cantet, 2001 (cf. manuel Bordas de première, p. 358).

Aux États-Unis :– Les Temps modernes, Charlie Chaplin, 1936 ;– Norma Rae, Martin Ritt, 1978.

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Chapitre

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et de la notion d’opinion publique rendue com-plexe ces dernières années). La césure entre les deux cours s’opère en 1939.

II. Les outils complémentaires– Frise interactive : « Médias et opinion publique (xixe-xxe siècles) », p.112.

– Vidéos : « Français vous avez la mémoire courte, Actualités françaises, 1er janvier 1943, © INA », p. 124 ; « De Gaulle présente la Constitution place de la République, Actualités françaises, 10 sep-tembre 1958, © INA », p. 128 ; « Le 13 mai 1958 et ses conséquences à Paris et Alger, 21 mai 1958, © INA Jalons », p. 128 ; « La France face à son drame, Actualités françaises, 29 mai 1968, © INA », p. 132.

– Diaporama : « “Les murs ont la parole” : une expérience de la contre-culture de mai 68 », p. 133.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 140 ; « Notions clés », p. 140 ; « Personnages clés », p. 140.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 110-111

La fin du xixe siècle connaît une explosion de la presse écrite, alors principale source d’informa-tion : on parle d’un véritable âge d’or du papier, illustré par la une du Cri de Paris en janvier 1898 (cf. doc. 1). La notion d’opinion publique s’enra-cine aussi depuis quasiment un siècle avec l’affir-mation d’un nouvel espace d’expression démo-cratique lié aux nouvelles libertés individuelles et collectives. Le champ médiatique s’élargit peu à peu et son influence dans l’espace public est par-ticulièrement forte lors des crises qui secouent la France : les médias sont alors tout autant acteurs et miroirs des atermoiements de l’opinion publique. Les hommes politiques ne s’y trompent pas et en font l’outil principal de leur communication. Le

Manuel, pp. 110-145

Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 4

I. Les choix du manuelCe chapitre propose aux élèves de Terminale de revenir sur des crises politiques françaises majeures qu’ils ont déjà été amenés à rencon-trer dans le programme de Première. Il s’agit ici d’aborder l’étude de chacune des crises par le filtre de deux composantes essentielles du xixe siècle finissant et du xxe siècle dans son ensemble : la montée en puissance des médias dans un contexte récent de libertés individuelles et démocratiques, et l’avènement d’une opinion publique dont l’influence gagne en puissance tout au long du xxe siècle.

Afin de ne pas buter sur l’écueil qu’aurait représenté une étude séquencée de l’histoire des médias, des crises et de la naissance de l’opinion publique, il a été privilégié une approche qui, en permanence, croise les trois notions clés du cha-pitre, à savoir « médias », « crises politiques » et « opinion publique ».

Cinq moments de crises politiques majeures ont été sélectionnés : l’affaire Dreyfus (borne chronologique de départ du thème), le 6 février 1934, l’effondrement politique de 1940, le retour au pouvoir de De Gaulle en 1958 et la vague contestataire de mai-juin 1968. Pour chacune de ces « crises », un dossier de quatre pages est pro-posé afin d’observer au plus près l’engagement des médias et l’évolution parfois rapide et radi-cale des opinons publiques dans les camps en pré-sence au cœur de ces moments de « fièvre hexa-gonale ». La préférence a été donnée aux textes d’historiens qui analysent, lors de ces crises, le double impact des médias et de l’opinion. Ce choix a pour but d’éviter de retrouver les docu-ments, davantage axés sur le seul aspect poli-tique des crises, qui ont pu être proposés dans les manuels de Première. Les deux cours propo-sés s’organisent en croisant études chronologique (de la fin du xixe siècle jusqu’aux années 2000) et thématique (l’évolution du paysage médiatique

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tiel de la presse dans la formation et l’évolution de l’opinion publique à l’occasion de l’Affaire, mais aussi d’analyser le véritable choc média-tique que représente le « J’accuse » de Zola et son impact sur une presse et une opinion en grande partie antidreyfusarde (et antisémite) entre 1894 et 1898. La crise atteint son paroxysme en 1898-1899 dans la presse, l’opinion et le monde poli-tique : des fractures profondes et durables se créent. Enfin, les séquelles de l’Affaire dans l’opi-nion mais aussi le paysage politique et culturel sont durables et c’est à l’occasion de cet affron-tement violent que naît en France la notion de nationalisme.

QUESTIONS (p. 115)

1. Les unes du Petit Journal et du Monde illus-tré mettent en avant l’affaire Dreyfus comme un véritable feuilleton, « une passion publique » qui enflamme l’intérêt et l’imagination de l’opi-nion. Le Petit Journal suit quasi quotidiennement les événements et nombreuses de ses unes mettent en scène le capitaine Dreyfus (au bagne, etc.).

2. La Libre Parole est une parution très populaire qui met en avant de façon récurrente et violente (caricatures) le nationalisme (« la France aux Fran-çais ») et l’antisémitisme (« Judas Dreyfus »). Son directeur est Edouard Drumont, leader influent de l’opinion publique à l’époque et auteur d’un livre ayant connu un très grand succès, La France juive.

3. La presse populaire connaît un véritable âge d’or à la charnière des xixe et xxe siècles. Le très bas prix des journaux permet une très large dif-fusion des parutions populaires (ici, 5 centimes pour Paris et tous les départements).

4. Émile Zola publie sa lettre au Président de la République dans le journal L’Aurore littéraire, artistique et sociale. C’est une publication ouver-tement républicaine et socialiste qui, dès sa créa-tion en 1897, prend le parti de Dreyfus.

5. Le large bandeau au titre choc, un véritable cri, « J’accuse… ! » est trouvé par Georges Clemen-ceau, qui fait partie de l’équipe de rédaction du journal. La notoriété de Zola est aussi très impor-tante à l’époque, puisqu’il est l’auteur de la saga à succès Les Rougon-Macquart.6. La presse populaire mais aussi politique s’em-pare très vite de l’affaire Dreyfus car elle pressent

document 2 présente ainsi le général de Gaulle dans « l’étrange lucarne », telle qu’il se plaît à nommer une télévision qui entre en force dans les foyers français durant les années 1960.

repères pp. 112-113

Médias et opinion publique (xixe-xxe siècles)La double-page Repères permet de revenir sur les croisements entre les trois notions clés de l’intitulé du chapitre. Ces croisements permettent de saisir, de façon thématique (Opinion publique et démo-cratie, … et médias, … et politique, … et histoire), chronologique (frise) et scientifique (Qu’est-ce que l’opinion publique ?, … les médias ?, … une crise politique ?), les trois notions qu’il faut avoir en permanence en tête, notamment lors de l’ap-proche des dossiers du chapitre.

QUESTIONS

1. La dernière bande de la frise permet de distin-guer quatre grandes phases :– développement de la presse écrite des années 1880 aux années 1920 ;– débuts de l’ère radiophonique des années 1920 à la Seconde Guerre mondiale ;– développement de la culture de masse par la radio puis la télévision à partir de 1945 ;– avènement d’Internet et explosion à la fin des années 1990 et au début du xxie siècle.

2. La naissance de l’idée d’opinion publique en France, comme en Europe, est indissociable de la fin du xviie siècle, avec l’émergence des idées des Lumières et la fin de l’Ancien Régime. Ce nouveau contexte politique est celui de la nais-sance puis de l’affirmation de la démocratie.

3. Les cinq crises (cinq dossiers dans le cha-pitre) présentées par l’historien Michel Winock ont comme point commun de correspondre à une remise en cause directe du gouvernement sous lequel elles se développent. Elles aboutissent ainsi à la remise en cause du pouvoir républicain en place et parfois même à la chute de celui-ci.

dOssier 1 pp. 114-117

Presse et opinion publique pendant l’affaire DreyfusLes élèves ont étudié l’affaire Dreyfus en Pre-mière. Il s’agit donc ici d’observer le rôle essen-

Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 39

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une séance – lors de laquelle Jaurès se fait frapper alors qu’il évoque l’Affaire – est restée célèbre.

4. Lors de l’affaire Dreyfus, un certain nombre d’universitaires et de normaliens de l’École nor-male supérieure de la rue d’Ulm s’engagent en faveur de Dreyfus. La droite nationaliste les affuble du nom « d’intellectuels » mais bientôt ces derniers forment un groupe qui revendique pleinement cette appartenance et en font un moyen d’action, notamment au travers de la Ligue des droits de l’homme, ouvertement dreyfusarde.

5. La fracture droite-gauche se renforce dans l’opinion à l’occasion de l’Affaire. À droite, le nationalisme (et l’antisémitisme) se renforce. À gauche, à la suite de l’engagement de Jaurès et d’un certain nombre d’intellectuels engagés à ses côtés dans la rédaction de L’Humanité, les dis-cours parfois emprunts de préjugés antisémites sont bannis.

6. La durée exceptionnelle de la « crise » que représente l’affaire Dreyfus mais aussi les champs différents qu’elle investit, les fractures profondes et pérennes qu’elle engendre dans l’opinion et de fait dans le monde médiatique et surtout politique, font se scinder assez nettement le paysage poli-tique français entre une droite nationaliste et une gauche plus ouvertement humaniste. C’est « un référent historique qui agit sur les consciences », comme le rappelle Michel Winock.

7. À travers les pages du site intitulées « La pos-térité de l’Affaire », il est possible de travailler sur ce moment clé de l’histoire française de l’opi-nion publique à travers la presse, mais surtout sur le fait que l’on passe de la mémoire à l’histoire, pour évoquer aussi plus largement l’engagement des intellectuels en politique et enfin les combats des droits de l’homme.

dOssier 2 pp. 118-121

Médias et opinion dans la crise du 6 février 1934La crise du 6 février 1934 éclate au cœur d’une presse des années trente qui s’est fortement poli-tisée. Le ton des publications se fait de plus en plus violent et l’antiparlementarisme est large-ment instrumentalisé par certains journaux. Le gouvernement radical est aussi très « attaqué » par tout un pan de la presse tandis que la radio,

bien qu’elle tient là un sujet qui passionne les foules mais qui exacerbe aussi un antisémi-tisme latent dans l’opinion publique à la fin du xixe siècle. L’Affaire y est traitée autant comme un sujet à scandale que comme un sujet capable d’attiser des haines qu’instrumentalisent les paru-tions nationalistes et antisémites.

7. À travers les pages du site nommées « Les Fran-çais et Dreyfus », il est possible, par une approche thématique (Les Juifs en France ; La formation de l’opinion et la presse), de cerner de façon plus précise un antisémitisme populaire mais aussi politique. Cet antisémitisme parcourt la société française en traversant parfois les clivages qui se feront plus tard entre droite et gauche.

QUESTIONS (p. 117)

1. La une du Pilori présente Zola de façon extrê-mement négative à l’issu des deux procès suite auxquels il doit s’exiler à Londres. L’opinion publique semble violemment dressée contre l’écri-vain. Désormais, c’est aussi lui le traître et le paria qu’il faut chasser ou emprisonner. Le tract de 1908, publié par la gauche dreyfusarde, rappelle que les haines sont encore tenaces, même après la mort (dans des conditions suspectes, jamais élucidées, d’incendie de son appartement pari-sien…) de l’écrivain, qui est honoré en 1908 par un transfert des ses cendres au Panthéon. L’écri-vain Maurice Barrès, figure de proue du nationa-lisme français, est ridiculisé ici par la gauche, qui évoque l’entrée de Zola au Panthéon comme une ultime victoire dans cette affaire où les opinions se sont affrontées, notamment dans la presse et les tracts.

2. Maurice Barrès (l’antidreyfusard) et Jean Jaurès (le dreyfusard) s’opposent violemment au sujet de l’Affaire. Chacun publie des écrits qui font date. C’est à partir d’une série d’articles rassemblés dans un ouvrage intitulé Les Preuves que Jaurès rejoint le camp dreyfusard. Son engagement lui donne une envergure nationale et, après cet épi-sode, les historiens observent qu’il ne sera plus possible de se revendiquer « de gauche » et tenir des propos antisémites… L’Affaire scinde aussi fortement l’engagement politique.

3. L’Affaire dépasse le simple fait divers ou même l’affaire judiciaire en 1898-1899. Elle s’invite dans les débats politiques de personnalités de premier plan, notamment à la Chambre des députés, où

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Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 41

7. En 1934 et tout particulièrement aux alentours de la crise du 6 février, les « médias papier » dans leur ensemble soufflent sur les braises d’un cli-mat social et politique prompt à l’embrasement. Journaux à scandales, presse d’opinion, tracts, affiches politiques, tous concourent à entretenir un climat de suspicion permanent et on évoque même la guerre civile sur le point d’exploser si le pays n’est pas très vite « repris en mains ».

8. L’utilisation du site Paris en images est très riche en clichés sur les événements du 6 février 1934. Ceux-ci permettent de retracer le parcours des différentes manifestations qui ont lieu à Paris ce jour-là, ainsi que les bords politiques très divers qui se retrouvent dans la rue face aux forces de l’ordre. L’affrontement est inévitable et les scènes d’émeutes vont affoler la capitale… mais aussi la province quelques jours plus tard.

QUESTIONS (p. 121)

1. La une de L’Action Française, au matin du 7 février 1934, met très clairement en cause les hommes politiques et plus explicitement encore le gouvernement en place, accusé d’avoir « cou-vert de sang » la capitale. Les propos sont très violents puisque les membres du gouvernement sont ici accusés d’être des voleurs mais aussi des assassins.

2. À l’inverse de la publication d’extrême-droite évoquée ci-dessus, Le Populaire, organe offi-ciel de la SFIO, dirigé par Léon Blum, qualifie les événements de la veille de tentative de coup de force fasciste. Les ligues sont très clairement désignées et c’est bien le Palais Bourbon, sym-bole de la République, qui est la cible privilégiée des attaques, d’où la défense et les tirs des gardes mobiles pour défendre ce lieu symbolique.

3. Quelques jours après les tragiques événements parisiens, la rumeur de l’agitation politique est relayée jusqu’en province par des parutions plus modestes mais très lues cependant. C’est un cli-mat d’insurrection et de patrie en danger que l’on donne à voir aux provinciaux… L’appel au peuple, dont on retranscrit une photographie sur les murs parisiens, donne un aspect dramatique, même a posteriori, aux événements du 6 février.

4. « La Patrie en danger » et « les énergumènes qui ont résolu de renverser la République » : voici deux craintes que l’on retrouve dans l’opinion de gauche de l’époque.

contrôlée par le pouvoir mais écoutée par de plus en plus de Français, ne parvient pas à contreba-lancer une presse écrite encore très puissante. L’image occupe une part grandissante : photogra-phies, affiches, tracts… La crise du 6 février 1934, amplement orchestrée par la presse, aboutit à la démission du gouvernement Daladier le 7 février.

QUESTIONS (p. 119)

1. Le numéro spécial de Détective met en évidence la montée en puissance d’une presse à sensation qui rencontre un succès grandissant. La une est très accrocheuse : photographie en gros plan de Stavisky et un seul titre alléchant qui invite le lec-teur à l’aventure – « L’homme aux doigts d’or ».

2. Le journal satirique souligne de façon très claire le caractère plus que suspect de la mort de Sta-visky. Il entretient ainsi un climat de suspicion et de défiance dans l’opinion face à une classe poli-tique dont beaucoup pensent qu’elle se retrouve trop étroitement liée aux scandales politico-finan-ciers.

3. Henri Béraud, libelliste célèbre de la parution d’extrême-droite Gringoire, exploite l’affaire Sta-visky à des fins clairement xénophobes et antisé-mites. La brutalité des propos et les vocables vio-lents utilisés pour désigner les protagonistes de ce scandale rivalisent avec ceux tenus dans une autre parution d’extrême-droite très populaire de l’époque, L’Action française de Charles Maurras.

4. L’opinion de droite et l’un de ses « porte-parole » les plus connus de l’époque, le colonel de La Rocque, accusent le cartel des gauches d’avoir mené la France à la guerre, à la faillite et à la guerre civile. C’est ici l’esprit « ancien com-battant » qui transparaît avec, en pleine crise éco-nomique et sociale des années 1930, la volonté acharnée de ne pas « brader » les sacrifices faits dans le sang lors de la Première Guerre mondiale.

5. L’esprit ancien combattant de la droite natio-naliste s’exprime par un rejet du parlementa-risme, ainsi que par l’appel à un « homme fort » et à une révision de la constitution. La crise est donc aussi politique.

6. La presse agite l’opinion le 6 février 1934 en relayant les appels à manifester et en insistant sur le caractère massif que doivent revêtir ces mani-festations, afin de faire peser tout le poids de l’opinion sur le gouvernement.

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tout à la fois. La problématique proposée est la suivante : « La presse écrite fait-elle l’opinion lors des crises politiques du premier xxe siècle ? » Il convient bien sûr de rappeler le contexte de la fin du xixe siècle, qui est marqué par l’impor-tance de la liberté d’expression et l’enracinement républicain. À cette époque, les évolutions tech-niques et la baisse du coût du papier permettent également l’émergence d’un lectorat plus nom-breux et, de fait, d’une opinion publique dont le contrôle devient un véritable enjeu économique et politique. La censure inhérente aux périodes de guerre est évoquée mais on insiste davantage sur la montée en puissance d’un climat assez brutal dans l’entre-deux-guerres, qui mène à un renforcement des liens entre médias et opinion. L’analyse médiatique permet de cerner l’appari-tion de notions comme le nationalisme et l’an-tiparlementarisme. Enfin, tout nouveau média fascine très vite le monde politique, qui tend à vouloir le contrôler.

DocuMEnT 1

Ces hommes lisent une nouvelle sorte de paru-tion pour l’époque : un magazine. Regards est créé en 1932 ; c’est donc un titre très récent quand est prise cette photographie, ainsi que le premier journal à se lancer dans le photojournalisme. Une place prédominante est donnée à l’image et au reportage.

Il y a donc ici une double fascination qui s’exerce : celle de la photographie et celle d’un nouveau genre de parution qui montre que le monde de la presse écrite innove afin de combler les attentes d’une opinion avide d’information.

DocuMEnT 2

L’affiche présentée ici est l’œuvre de Jean Carlu, célèbre dessinateur publicitaire et affichiste des années 1930. On observe ici qu’il s’agit d’une commande du ministère du Commerce et de l’Industrie à l’occasion de l’Exposition interna-tionale des arts et techniques, qui se déroule à Paris en 1937. Le monde politique a parfaitement saisi l’en-

jeu que représente toute forme de média. Les affiches, déjà anciennes, sont un marqueur inté-ressant pour prendre le pouls d’une époque mais aussi pour sentir « le goût de l’époque ». À l’ins-tar d’autres affiches de propagande plus célèbres,

5. Durant les quelques mois qui suivent cette grave crise du 6 février 1934, la presse de gauche n’aura de cesse de démontrer le danger fasciste qui menace la France en son cœur. La guerre civile est régulièrement évoquée pour désigner un climat politique conflictuel, surtout après le rassemble-ment de la gauche et des radicaux dans le cadre d’un front de lutte antifasciste, qui va évoluer en coalition du Front populaire. Ce dernier se pré-pare à affronter un autre front, national celui-là… L’opinion est déchirée et l’on évoque encore et toujours des combats de rue à venir.

6. Sur ce dessin de presse du très célèbre affichiste art déco Paul Colin, c’est une Marianne rongée de l’intérieur par un « cancer antiparlementaire » que l’on peut observer. Il y a, dans l’annonce de ce diagnostic, une radicalité qui traduit la situa-tion extrêmement difficile dans laquelle se trouve la France, avec bien peu d’espoirs à l’époque de tenter un traitement qui pourrait être efficace.

7. Les mois qui suivent la crise du 6 février 1934 voient se radicaliser une opinion publique dont les lignes se durcissent très nettement. Les médias en offrent un reflet saisissant mais ils continuent aussi d’attiser et de cristalliser ces fractures par un recours à un vocabulaire de plus en plus vio-lent, des caricatures et des photomontages qui laissent planer une atmosphère de guerre civile en France. Les nouvelles de l’extérieur du pays ne sont, elles-mêmes, guère rassurantes… mais parfois singulièrement ignorées par une France toute à ses drames intérieurs.

8. À travers les très nombreux dessins de presse et caricatures du site caricadoc, il est possible ici de retrouver toute une série de « dangers » qui menacent la République dans les années 1930 en France : scandales politico-financiers, antiparle-mentarisme virulent, défiance vis-à-vis de la jus-tice, etc. On insistera sur le caractère très violent de ces dessins de presse, qui reflètent particulière-ment bien l’atmosphère politique brutale de cette époque.

COurs 1 pp. 122-123

Opinion et crises politiques au temps du triomphe de la presseLe premier cours du chapitre permet d’envisager le thème de façon chronologique et thématique

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qui censure, renseigne l’occupant et propage une image rassurante de ce dernier auprès de l’opi-nion publique française.

5. Cette affiche, diffusée par l’État français en septembre 1940, montre très clairement la façon dont la propagande du maréchal Pétain veut ras-surer une France sous le choc, inquiète mais qui peut aspirer désormais à plus de calme et de sta-bilité grâce à son nouveau chef. C’est une « sortie de la nuit » qui est ici proposée et les « valeurs » de la France rurale de l’état vichyste y sont déjà présentes.

6. Le cliché présente un système de cache pour une imprimerie clandestine. L’imposante machine peut être rapidement découverte par une large caisse de bois qui se relève et permet d’agir rapi-dement. Dès 1940, on voit apparaître de nombreux feuillets clandestins qui appellent à résister et dif-fusent des idées tentant de contredire l’écrasante propagande officielle. Les utilisateurs de cette presse clandestine s’exposent à de graves repré-sailles s’ils sont découverts.

7. Dès l’annonce de la défaite, en juin 1940, une chape de silence s’abat sur les médias fran-çais. Censure, contrôle et propagande s’imposent immédiatement de la part de l’occupant, qui est très vite relayé par l’État français. On a souvent parlé d’une « presse écrite aux ordres » et de nom-breuses parutions vont perdre tout crédit aux yeux de l’opinion publique française. Cependant, après quelques semaines de flottement et d’incertitude, des messages clandestins arrivent en France par l’intermédiaire de tracts clandestins et la radio prend bientôt le relais avec le rôle majeur que jouera la BBC.

8. Deux éléments diffèrent entre la version radio-diffusée de l’allocution du maréchal Pétain, le 17 juin 1940, et sa retranscription dans la presse, le lendemain : – « Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous (« avec moi » dans la version radiodiffusée), entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »– « Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écou-ter que (« n’obéir qu’à » dans la version radiodif-fusée) leur foi dans le destin de la patrie. »

la France est ici représentée en surimpression, dominant un monde de drapeaux étrangers parmi lesquels on remarque d’ailleurs l’emblème nazi, en haut à droite.

dOssier 3 pp. 124-127

L’impact des médias sur l’opinion en 1940La rapidité et la brutalité de la défaite entraîne en France, en 1940, toute une série de réactions qui, de la sidération à la résignation, sont parti-culièrement palpables à l’observation du monde médiatique. Celui-ci occupe immédiatement une place centrale aux yeux des vainqueurs, du nou-veau pouvoir pétainiste, de ceux qui refusent la défaite mais aussi bien sûr pour des Français qui, dans une France un temps muette, sont avides d’information.

QUESTIONS (p. 125)

1. C’est par une allocution radiodiffusée sur Radio Bordeaux, le 17 juin 1940 à 12 h, que les Fran-çais apprennent la défaite. Mais c’est le lende-main, le 18 juin 1940, que la presse écrite dans son ensemble titre sur la défaite de la France (le jour même de l’appel du général de Gaulle ! cf. pp. 126-127).

2. Pétain attribue la défaite de la France à la supé-riorité en nombre et en armes de l’ennemi. Il insiste sur l’héroïsme de l’armée française défaite et enjoint la France à sortir d’une angoisse qui la paralyse. On perçoit déjà poindre la faute qui sera rejetée sur ce gouvernement de la IIIe Répu-blique, qui n’a pas su mener la France à la vic-toire. Pétain fait alors « don de sa personne » à la France.

3. Le ton général d’une grande partie de la presse écrite est à la résignation, parfois presque au soula-gement. Il y a aussi le sentiment d’un deuil natio-nal qui s’impose ce jour-là, après une si rapide et humiliante défaite pour une France qui faisait par-tie des vainqueurs en 1918. Des messes funèbres sont célébrées dans le pays, comme le rappelle la une de La Croix.

4. La première conséquence de la défaite pour la France est que ses émetteurs radio clandes-tins doivent se taire. La France est muette et ses médias contrôlés. L’occupant nazi va immédia-tement mettre en place la Propaganda-Ableitung

Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 43

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Paris ment, Radio Paris ment… Radio Paris est allemand », sur l’air de la cucaracha.

6. Très certainement conscients de l’arme qu’est devenue la radio, le gouvernement de Vichy tente de discréditer les nouvelles qui viennent de la BBC. Il reprend un très célèbre slogan publicitaire de l’époque (« Larousse, je sème à tout vent ») et l’image qui illustre ce slogan en les détournant afin d’accuser régulièrement la radio britannique « de mensonges et de boniments ».

7. La mise sous contrôle totale des émetteurs fran-çais, par l’occupant allemand au nord, et la pro-pagande organisée par Vichy en zone libre, par l’intermédiaires de la Radiodiffusion nationale – qui sera très vite remise en état de marche dès le 5 juillet 1940 –, permettent de couvrir largement le territoire et d’avoir une mainmise importante sur l’opinion. Cependant, cette dernière se scinde très vite entre les adeptes des radios de la colla-boration et les auditeurs clandestins de la BBC… Entre ces deux positions, une partie importante de l’opinion sait également que lorsqu’elle écoute une radio française, c’est une radio « aux ordres » et l’on fait la différence entre programmes diver-tissants et musicaux et propagande politique.

8. À travers l’analyse du témoignage de Jean-Louis Crémieux-Brilhac – chef du service de dif-fusion clandestine au commissariat national de l’intérieur à Londres de 1942 à 1944 –, on peut saisir l’importance de l’évolution des écoutes françaises des émissions de la BBC. Les premiers témoignages, arrivés par lettres Outre Manche, bouleversèrent les équipes françaises s’exprimant sur la BBC : « Ils nous écoutent », voilà l’excla-mation de joie d’un grand nombre d’entre eux quand ils reçurent les premières lettres d’audi-teurs français en France occupée.

dOssier 4 pp. 128-131

La crise de mai-juin 1958 dans les médias et l’opinionLa crise politique de mai-juin 1958 se déroule dans le contexte dramatique de la guerre d’Al-gérie et aboutit à l’effondrement de la IVe Répu-blique. La sphère médiatique s’est encore large-ment amplifiée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et elle va jouer un rôle crucial pendant ces journées agitées de mai-juin. Le retour du

QUESTIONS (p. 127)

1. Après en avoir obtenu l’accord du Premier ministre Winston Churchill le 17 juin 1940, le général de Gaulle se rend aux studios de la radio anglaise BBC pour y enregistrer son appel du 18 juin 1940. Le texte est rediffusé plusieurs fois pendant 24 heures. Le rôle de la radio est clair dès ce moment pour de Gaulle : ce sera une véri-table arme.2. Outre la radio BBC, l’appel du général de Gaulle est relayé par une série d’affiches com-mandées par lui-même, placardées dans les rues de Londres et sur lesquelles est apposée la célèbre phrase : « La France a perdu une bataille mais elle n’a pas perdu la guerre ». L’appel sera également publié dans The Times et dans le premier Jour-nal de la France libre.

3. En France, certains journaux relaient briève-ment cet appel, d’autres publient un communi-qué du ministère de l’Intérieur, qui rappelle que ces déclarations doivent être considérées comme nulles et non avenues. Cela témoigne du contrôle et de la censure sous le joug desquels sont désor-mais les médias français. Des affiches sont aussi placardées en France, représentant de Gaulle sous les traits du « Général Micro ». Très empreintes d’antisémitisme, ces affiches sont aussi le signe que le gouvernement de Vichy « craint » cepen-dant l’influence des discours et appels de ce géné-ral dont quasiment personne ne connaît le visage.

4. L’émission « Les Français parlent aux Fran-çais » est l’émission française la plus écoutée sur la BBC en 1940. Le ton léger et franc plaît beau-coup à l’opinion publique française, qui écoute clandestinement, et les lettres d’auditeurs, qui arrivent dès l’automne 1940 aux studios de la BBC, témoignent du succès et de l’influence de l’émission. Une émission plus politique, « Hon-neur et Patrie », passe également ; le général de Gaulle s’y exprime.

5. Sur le territoire français, les Allemands et le régime de Vichy contrôlent respectivement les radios de la zone nord occupée et de la zone libre. On tente de distraire les Français avec des pro-grammes divertissants et beaucoup d’émissions musicales. Mais une grande part de l’opinion n’est pas dupe des instruments de propagande que sont devenues ces stations radiophoniques, comme en atteste le célèbre petit refrain : « Radio

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dant des exceptions dans la presse écrite d’opi-nion à gauche, comme le montre la une de L’Hu-manité de la page 130 (cf. doc. 1).

8. On assiste à un traitement médiatique diver-gent de la crise du 13 mai 1958. Alors que les médias officiels nient tout d’abord la présence de De Gaulle dans le retour aux affaires, la presse écrite paraît en grande partie soutenir le général de Gaulle. C’est notamment le cas du Monde, parution qui entretiendra plus tard des relations complexes et peu empreintes de confiance avec de Gaulle. On observe d’ailleurs que les médias contrôlés par l’État, et surtout Les Actualités fran-çaises, adapteront leur discours aux évolutions du pouvoir en place, tenant compte de l’adhésion de plus en plus forte de l’opinion publique au retour du général de Gaulle.

QUESTIONS (p. 131)

1. et 2. L’opposition à de Gaulle s’exprime dans la presse d’opinion de gauche par des unes et des caricatures qui ont pour point commun de dénon-cer le danger d’une dictature gaulliste. L’Humanité et L’Express voient en de Gaulle un danger pour la République… Ce dernier est même comparé à Pétain dans la caricature de L’Express ! L’oppo-sition à de Gaulle passe aussi par d’impression-nantes manifestations de gauche dans les rues de la capitale, comme celle du 28 mai 1958, veille du jour où de Gaulle est appelé pour former un gouvernement.

3. C’est grâce à un marqueur original, la vente multipliée par quatre de transistors, que l’on observe l’attitude de l’opinion publique lors de cette crise de mai-juin 1958. Les Français ont conscience que cette crise leur échappe mais ils sont avides des multiples péripéties qui entourent le retour de De Gaulle.

4. C’est encore par la presse écrite et la radio que l’opinion s’est le plus informée en mai 1958. Cette crise sera la dernière à se développer hors du champ de la télévision dans la France du second xxe siècle.

5. (cf. doc. 4) Le 4 septembre 1958, le général de Gaulle présente son projet constitutionnel pour une Ve République. Place de la République, le jour anniversaire de la proclamation de la IIIe République, une gigantesque mise en scène est organisée pour cette présentation très solennelle

général de Gaulle dans le jeu politique est média-tisé à l’extrême et l’attitude des médias officiels à son égard permet de saisir la complexité des liens entre médias, opinion et pouvoir politique.

QUESTIONS (p. 129)

1. La situation insurrectionnelle à Alger, le cli-mat de tension extrême dans lequel se déroule l’investiture de Pierre Pflimlin et la création d’un comité de salut public à Alger sont trois aspects de la crise du 13 mai 1958 rappelés sur ces deux unes. On observe également que L’Écho d’Alger souligne le retour à Paris du général de Gaulle.

2. Le Figaro et Les Actualités françaises occultent totalement la présence de De Gaulle lors de cette semaine cruciale. Ils veulent donner le sentiment que le gouvernement est stable et qu’aucun risque de guerre civile ne peut menacer le pays. L’idée d’un retour de De Gaulle au pouvoir n’est pas même évoquée.

3. Les Actualités françaises reflètent fidèlement le point de vue gouvernemental. L’objectif est d’apaiser le climat en métropole et de rassurer, quitte à taire de façon flagrante certains événe-ments.

4. Le film des Actualités françaises permet de saisir pleinement l’analyse qui en est faite dans le document 2.

5. Maurice Duverger, journaliste au Monde, estime en mars 1958 que de Gaulle est le seul qui, par son prestige et la confiance que lui porte encore une part importante de l’opinion publique, soit en capacité de former un nouveau gouvernement. Le problème de la décolonisation est clairement pointé et, dans un tel contexte, c’est bien l’image de « l’homme providentiel » qui s’impose ici à tra-vers de Gaulle… le dernier recours. L’ombre de 1940 flotte aussi bien sûr.

6. Pour L’Écho d’Alger, de Gaulle est accueilli comme un libérateur. On voit très clairement le rôle que jouent les Français d’Algérie et des généraux comme Massu et Salan dans le retour vers le pouvoir du général de Gaulle. Il est pré-senté comme un recours indispensable, la figure du héros et du sauveur.

7. La presse écrite, avec laquelle de Gaulle entre-tiendra ensuite des relations complexes, persuadé qu’elle lui est hostile, se montre favorable au retour de De Gaulle en mai 1958. Il y a cepen-

Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 45

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qui facilite l’écoute individuelle – et télévision, qui fait une entrée en force dans les foyers fran-çais, entre le début et la fin de la décennie. Les médias audiovisuels sont, depuis 1964, rassem-blés dans un Office de la radiotélévision fran-çaise, l’ORTF, contrôlé par l’État.

2. Les médias, et particulièrement certaines radios, saisissent l’importance que revêt désormais la jeu-nesse. Les baby-boomers ont grandi et sont deve-nus une cible et un enjeu pour des médias qui se spécialisent en fonction de leurs envies. Le tran-sistor devient l’objet culte d’une génération qui peut pour la première fois écouter des émissions qui lui sont directement consacrées. Des maga-zines spécialisés s’engouffrent dans cette nouvelle brèche : l’émission culte d’Europe n° 1, Salut les copains, est doublée d’un magazine papier qui marque tout une génération et lance des chanteurs que l’on regroupera sous le nom des « yéyé ».

3. Le général de Gaulle utilise la télévision comme un instrument de son pouvoir. Celle-ci est de fait très contrôlée. Une partie de la presse écrite dénonce ce contrôle, dont l’opinion n’est d’ail-leurs pas dupe, même si certains journalistes disent qu’elle s’est assoupie, toute à son écoute des programmes distrayants qui lui sont propo-sés, entre les déclarations officielles et allocutions régulières du général de Gaulle – « Par le son et l’image, je suis proche de la Nation » déclare de Gaulle.

4. En mai 1968, les radios périphériques, qui ne dépendent donc pas du monopole d’État, les nou-veaux news magazines, proches de la gauche, et les affiches, qui font dire à l’époque que « les murs ont la parole », sont les médias qui diffusent la contestation.

5. Les reporters des news magazines n’hésitent pas, sur le terrain, à prendre des photos choc qui feront la une. Celles-ci ont un impact très fort sur l’opinion publique qui, suite à une série de clichés où elle découvre « ses enfants en sang », se met à les soutenir contre le pouvoir gaulliste. L’image mise en scène par les journalistes dramatise des événements qui, en définitive, ne feront aucune victime.

6. La liberté de ton de ces radios, dont les émet-teurs sont hors territoire français et échappent donc au contrôle d’État, plaît tout particulièrement à la jeunesse. Les radioreporters sont envoyés au cœur

et très médiatique, puisqu’elle est filmée et que l’on peut y entendre de Gaulle entonner une très solennelle Marseillaise, du haut de l’imposante tribune frappée d’un RF monumental. Les bras levés en signe de victoire resteront un symbole médiatique fort du Général.

6. (cf. doc. 5) On retrouve sur les affiches gaul-listes, pour le « oui » au référendum sur la consti-tution de la Ve République, la même posture du V victorieux des bras levés du Général. Le 28 sep-tembre 1958, le « oui » l’emporte à plus de 79 %. Cette large victoire signe l’adhésion de l’opinion publique au nouveau projet de constitution, mais surtout à la personne du général de Gaulle, dont la silhouette sur l’affiche se confond d’ailleurs avec celle de Marianne.

7. Malgré des manifestations assez imposantes, comme celle du 28 mai, organisées par la gauche, et une campagne de presse qui tente d’assimiler de Gaulle à un futur dictateur (de Gaulle s’est d’ail-leurs déjà moqué de ce reproche lors d’une célèbre répartie, le 19 mai !), l’opposition de gauche est peu entendue par une opinion qui souhaite sor-tir d’une situation politique bloquée. De plus, les accusations de « tentation fasciste » que l’on voit fleurir sur les banderoles dans ces manifestations n’ont que très peu d’impact sur une opinion qui a encore en tête le de Gaulle de 1940.

8. En visionnant les images tournées par Les Actualités françaises le 4 septembre 1958, on mesure le chemin parcouru depuis le mois de mai, où de Gaulle était totalement ignoré par la télédiffusion. De Gaulle sait donc se saisir de ce nouveau média et c’est une cérémonie sur mesure lors de laquelle chaque plan est maîtrisé et cali-bré qui est ici organisée, avec pour seul but le contrôle de l’image d’un de Gaulle qui ne doit faire qu’un avec la République.

dOssier 5 pp. 132-133

Le rôle des médias dans l’évolution de l’opinion en mai 1968

QUESTIONS

1. Les années 1960 sont celles de la diversifi-cation des médias : presse écrite toujours, mais aussi radios périphériques – dont le succès est garanti par l’acquisition en masse de transistors

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gagné d’autres grandes villes, de Gaulle tente une annonce à la télévision, dont celle d’un référen-dum et de la nécessité d’assurer l’ordre public. Le petit écran le dessert particulièrement ce jour-là. L’image est « cruelle » et c’est un homme âgé et fatigué qui s’exprime face à une France du baby-boom qui aspire au changement. La « magie » de Gaulle semble avoir perdu de sa puissance et la menace du « après moi le chaos » suscite l’hila-rité des auditeurs.

3. Les personnels de l’ORTF entrent à leur tour, mais plus tardivement (13 mai), dans la contesta-tion et c’est un acte fort de défiance face au pou-voir en place. Ils aspirent, eux aussi, à plus de libertés éditoriales ; la grève sera dure et se pour-suivra tardivement, jusqu’à la fin juin 1968. Des sanctions sévères vis-à-vis d’un certain nombre de personnels tomberont afin de montrer que le pouvoir reprend ses droits sur l’Office : en août 1968, on assiste à une vague de licenciements de journalistes contestataires.

4. Sous la IVe République, Charles de Gaulle est un temps interdit d’antenne, ce qui déclenche chez lui une véritable méfiance vis-à-vis de la radio. On comprend d’autant mieux qu’il ait cherché, après son retour au pouvoir en 1958, à contrôler les médias audiovisuels.

5. Après l’échec flagrant de son intervention télévisée du 24 mai, de Gaulle « dramatise » plus encore celle du 30 mai, qui a lieu après quelques heures lors desquelles il a « disparu » (il est à Baden Baden en Allemagne). C’est alors par l’unique canal radiodiffusé qu’il choisit sciem-ment de s’adresser aux Français. Il sait, depuis la Seconde Guerre mondiale et son appel du 18 juin, toute l’importance que revêt ce média, avec qui il entretient une relation particulière et qui est bien, selon lui, le « média des crises ». Enfin, la seule voix du Général et non son visage de vieil homme opère ce jour-là.

6. On observe que, dès le lendemain de l’in-tervention radiodiffusée de De Gaulle, le mou-vement de grève reflue tout de suite très forte-ment. C’est aussi l’occasion pour les gaullistes d’une gigantesque démonstration de force, sous la forme d’une manifestation qui rassemble une foule impressionnante à la Concorde. La droite gaulliste parle d’une manifestation spontanée de soutien à de Gaulle mais on sait désormais que

des barricades du Quartier latin, lors des nuits et journées d’émeutes, et ces reportages sur le vif et en direct font forte impression.

7. Les médias, de plus en plus nombreux en 1968 dans la société française, sont acteurs de la crise par la diversité des messages qu’ils envoient. Voix du pouvoir mais aussi échos de la rue et des manifestations, coup de projecteur sur de nou-veaux visages appelés à devenir célèbres, ils font parfois basculer brutalement l’opinion publique. C’est aussi « l’explosion » de nouvelles formes de communication qui transforment les murs de la capitale pendant quelques semaines ainsi que la naissance de nouveaux médias alternatifs au cœur de la contestation.

8. Ce site et l’analyse de certaines affiches des étudiants de l’École des beaux-arts permettent de retrouver toute une série de thèmes qui inspi-rèrent la contestation en mai 1968. Qu’ils soient politiques, culturels, économiques ou sociaux, ces messages doivent aussi permettre d’observer le parti pris esthétique évident de ces affiches, qui sont devenues, elles aussi, un « marqueur de génération » aujourd’hui. La contestation du pou-voir en place est bien présente mais c’est aussi un fossé entre générations, celle de l’après-guerre et celle de leurs parents, qui apparaît ici.

dOssier 6 pp. 134-135

QUESTIONS

1. Ces deux affiches, issues de toute une série produite par les étudiants de l’École des beaux-arts en pleine crise de mai-juin 1968, dénoncent la mainmise et le contrôle du pouvoir gaulliste sur les médias audiovisuels, notamment par l’inter-médiaire de l’ORTF. Les antennes de télévision symbolisées par des croix de Lorraine sont une dénonciation directe du pouvoir en place, qui est assimilé à un pouvoir policier et intrusif. Les his-toriens cependant, et Jean-François Sirinelli tout particulièrement, rappellent qu’il ne faut pas non plus assimiler ce contrôle à un musellement des médias, notamment de la télévision, qui évoquent tout de même les événements en cours.

2. La grève générale s’est généralisée dans tout le pays et, après plusieurs nuits d’émeutes au Quartier latin et des manifestations qui ont

Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 47

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crises de la France du second xxe siècle et les évo-lutions sociétales de sa population. Enfin, c’est l’accélération fulgurante des nouvelles techno-logies de communication qui occupe la dernière partie de ce cours. On s’interroge sur la remise en cause de la notion même d’opinion publique et la défiance de celle-ci vis-à-vis d’un système médiatique qu’elle estime être trop en collusion avec le monde politique. Enfin, c’est l’explosion d’un paysage médiatique, longtemps très hexa-gonale, qui s’internationalise, avec l’avènement du réseau Internet, et fait exploser les anciennes limites de l’opinion publique.

DocuMEnT 1

L’appel du 18 juin 1940 symbolise le rôle clé et l’acte fondateur du lien qu’entretient de Gaulle avec les médias et particulièrement la radio.

DocuMEnT 2

La une de L’Express du 17 au 23 juin permet de prendre la « température » de l’opinion publique en France, quasiment un mois après les événe-ments de mai 1968.

Si L’Express fait partie des parutions qui ont soutenu le mouvement de contestation, sa cou-verture nous permet de saisir l’éclatement d’une opinion publique dont on a déjà pu observer l’ex-trême volatilité. Le mur, symbole de la contesta-tion de mai 68, porte ici un message qui exprime de vives oppositions politiques. On s’interroge sur la brutalité de cette poussée de fièvre et les symboles reproduits évoquent un paysage com-plexe entre faucille et marteau, croix de Lorraine et croix celtique (reprise par l’extrême-droite de Pierre Sidos). On observera aussi le bandeau vio-let exprimant la surprise de la vague gaulliste aux élections législatives de juin 1968, qui voient une très large victoire de ce pouvoir si sévèrement chahuté en mai.

DocuMEnT 3

Le document proposé est une capture d’écran d’une bande-annonce du débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle 2007 entre Nico-las Sarkozy et Ségolène Royal. Le débat – dont le premier a opposé en 1974 François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing – est désormais proposé comme un rendez-vous incontournable entre les deux finalistes et l’opinion publique.

l’appel avait été lancé quelques heures avant le discours de De Gaulle, qui n’est donc pas l’unique déclencheur de cette « contre-manifestation ».

7. Tout au long du mois de mai 1968, les médias (presse écrite mais aussi radios périphériques et médias audiovisuels dépendants de l’ORTF) contribuent, par la diversité des messages qu’ils transmettent, à jouer un rôle très actif dans la crise politique qui sévit. L’opinion publique est aussi très réactive et, pour la première fois en France, on assiste à des événements lors desquels l’opinion bascule parfois du jour au lendemain, suite à une intervention du pouvoir, à un cliché à la une d’un newsmagazine ou bien encore à un reportage en plein cœur des barricades du Quartier latin. Pour la première fois en France, la crise qui se déve-loppe s’accompagne de véritables basculements de l’opinion, dont la rapidité est entièrement liée à la « multimédiatisation » de cette crise.

8. Sur le lien proposé, chaque allocution télévi-sée du général de Gaulle est classée chronologi-quement de 1958 à 1969 et remise rapidement dans son contexte. La phrase clé de l’interven-tion est aussi rappelée. On peut ainsi observer, par exemple, la multiplication des interventions de De Gaulle en 1961 et en 1962, dans le contexte de tension extrême puis de dénouement de la guerre d’Algérie.

COurs 2 pp. 136-137

Diversification des médias et mutation des opinions publiquesLe deuxième cours reprend la même logique chronologique et thématique que le premier, à partir de 1939 cette fois-ci. La problématique choisie est la suivante : « Quel rôle la diversifi-cation des médias joue-t-elle dans l’éclatement de l’opinion depuis 1939 ? » C’est tout d’abord la rupture majeure de la Seconde Guerre mondiale et de la période d’occupation qui doit montrer sur quelles bases la presse écrite se reconstruit après une période intense de propagande (Col-laboration et Résistance). Très vite, c’est aussi la montée en puissance des médias de masse qui accompagne une opinion publique s’élargissant de façon spectaculaire. Les enjeux de la mobi-lisation de cette opinion évoluent, notamment dans le champ politique. La révolution du pay-sage médiatique accompagne toutes les étapes et

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2. (cf. doc. 2 à 5) « Charles de Gaulle est une aubaine pour les dessinateurs. Voici une grande figure, facilement identifiable par tous les Fran-çais, dotée d’une personnalité tranchée et d’un physique hors du commun : tout cela, explique Gauthier Battistella, spécialiste de De Gaulle dans la caricature, “prédestine de Gaulle à rece-voir les honneurs de la caricature” » (extrait du site de la Fondation de Gaulle).

Les caricaturistes insistent sur la stature du personnage (Charles de Gaule mesurait 1 m 92) et sur ses traits marquants : grand nez et oreilles détachées (cf. doc. 5). L’homme est le plus sou-vent présenté comme un militaire portant képi et vareuse (ce qui repose sur une réalité historique). Ces caractéristiques peuvent être lues différem-ment selon les sensibilités. L’habit militaire fait de Charles de Gaulle un soldat de la République (cf. doc. 2) ou un dictateur potentiel (cf. doc. 3) ; la grandeur peut être majestueuse (cf. doc. 2) ou hautaine (cf. doc. 4).

3. Les bras que lève le Général dans cette carica-ture sont une référence à la gestuelle de l’homme politique lors de ses discours. Ils peuvent être lus comme une référence au V de la victoire. Ce signe est aussi, pour le commun des mortels, un appel à l’aide (cf. Marianne qui se noie).

4. Le premier des textes (signé d’André Ribaud) des « chroniques de la Cour » du Canard enchaîné est une parodie des Mémoires du Duc de Saint-Simon (chroniqueur de la vie de la Cour sous Louis XIV et sous la Régence). Malgré son rang (duc et pair de France), ce grand noble est opposé à l’absolutisme. Pour harmoniser texte et dessin, Roland Moisan cherche son inspiration dans les portraits royaux des xviie et xviiie siècles (comme ceux du peintre Hyacinthe Rigaud). C’est une constante chez ce caricaturiste de s’emparer de l’histoire et de la détourner. Il parodie ainsi les représentations célèbres (tableaux de bataille ou portraits d’apparat).

5. L’expression « la voix de son maître » est une référence au slogan publicitaire de la société Pathé Marconi. (La marque est symbolisée depuis le début du siècle par le tableau du peintre Francis Barraud : un petit fox face au pavillon du gramo-phone.) C’est ici une critique violente de la main mise sur les médias (et la télévision en particu-lier) par le pouvoir en place. Les deux réformes

Le débat est théâtralisé à l’extrême par les codes médiatiques. Le nom du réalisateur – Jérôme Revon, qui réalisera également le débat Sarkozy-Hollande en mai 2012 – est mis en avant. La capture d’écran présente très habilement ce ren-dez-vous comme un feuilleton dont l’issue serait l’Elysée, illuminé de façon quasi mystique en arrière-plan des deux candidats.

arts & histoire pp. 138-139

De Gaulle par l’image

Ces dessins, parus dans la presse écrite ou affi-chés sur les murs en 1968, constituent un objet d’étude intéressant dans la mesure où ces formes d’expression sont moins contrôlées par le gouver-nement que les autres médias comme la radio ou la télévision. Elles expriment ainsi le point de vue des forces d’opposition. Cependant, tous ces des-sins ne présentent pas une image négative du géné-ral de Gaulle (cf. doc. 1 et 2). De plus, la quan-tité des productions témoigne à elle seule de la place centrale occupée par de Gaulle dans la vie politique française entre 1945 et 1970. L’image du général de Gaulle évolue au cours des décennies 1950 et 1960. Le document 2 nous présente le Général rebelle accueilli en triompha-teur à la Libération. Le document 3 illustre les craintes qu’a suscitées, dans les milieux parlemen-taires, son retour au pouvoir. Au moment de la réforme constitutionnelle, de Gaulle est accusé de bonapartisme par ses détracteurs. Les documents 4 et 5 nous livrent l’image d’un président souve-rain, contesté. Cette évolution est bien exprimée dans la biographie que Jean Lacouture consacre au Général – tome 1 : Le rebelle ; tome 2 : Le poli-tique ; tome 3 : Le souverain.

QUESTIONS

1. Cette allégorie de Jacques Faizant est célèbre car le dessinateur a su, avec une économie de moyens, exprimer la stupeur des Français à la mort d’un homme que l’on pensait éternel (le chêne), et leur chagrin devant la perte d’un homme qui avait fait partie de leur vie quotidienne et dirigé la République pendant plus de 12 ans (grandeur de l’arbre = ampleur de l’action de l’homme). L’absence du général de Gaulle dans la compo-sition fait plus lourdement ressentir la perte que connaît la France (Marianne) en novembre 1970.

Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 49

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évolutions. La multiplication des médias et l’écla-tement des opinions permettent aussi d’adopter un plan mixte avec l’évolution chronologique de ces rapports. Il faut bien évidemment ne pas oublier la troisième composante essentielle du chapitre que sont les crises politiques, même si le mot n’apparaît pas explicitement dans l’énoncé. Celles-ci serviront d’illustrations pour suivre le cheminement des relations entre médias et opi-nion. (Contrairement au sujet traité p. 142-143 du manuel, où il faut choisir une crise spécifique.)

I. La formation d’une opinion publique en France est fortement liée au contexte démo-cratique.(Fin xixe siècle/début xxe siècle : reconnaissance des libertés individuelles et naissance d’un nou-vel espace public.)

II. Les mutations de l’opinion publique sont très liées à l’évolution des médias et à leur multiplication.(Naissance de la culture de masse, nouvelles pra-tiques, nouveaux médias plus ciblés ou mondia-lisés, etc.)

III. Les médias ont une influence sur la for-mation et l’évolution de l’opinion publique en période de crise politique.(On choisira trois exemples de crises qui mettent en évidence l’influence des médias, par exemple : le choc médiatique fondateur dans l’histoire de l’opinion qu’est le « J’accuse » de l’Affaire Dreyfus / le rôle clé de la radio lors de la « guerre des ondes » en 1940 / le retournement brutal de l’opinion en faveur de De Gaulle après son allo-cution radiodiffusée du 30 mai 1968.)

vers le baC pp. 144-145

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE dE dOcUmENTS

Les deux documents (présentation classique à effectuer : nature, date, description rapide, etc.) prennent tout leur sens si l’on pense bien à insis-ter sur le contexte particulier de l’année 1898, certainement la plus aigüe de l’affaire Dreyfus. Il faut bien sûr revenir sur le choc médiatique que constitue le « J’accuse », le 13 janvier 1898, dans l’histoire des médias et de l’opinion. À partir de là, on assiste à la mise en place d’un vrai clivage au sein d’une opinion largement antidreyfusarde

administratives de la radio et de la télévision, qui ont lieu sous la présidence de De Gaulle, confirment le monopole d’État dans ce domaine (article 1er de la loi du 4 février 1959 relative à la radiodiffusion-télévision française et article 2 de la loi du 27 juin 1964 relative à l’Office de la radiodiffusion-télévision française). Même si la dernière réforme de 1964 la libère de certaines contraintes gouvernementales, la radiodiffusion-télévision française doit rester, selon Charles de Gaulle, un instrument de communication au ser-vice du gouvernement. Manquant d’argent, de temps et de moyens tech-niques, les étudiants des Beaux-Arts conçoivent des affiches simples à réaliser, basées sur l’em-ploi du pochoir (sérigraphie). C’est à l’École des beaux-arts et l’École des arts décoratifs – devenus Ateliers populaires nos 1 et 2 – que sont esquis-sées puis réalisées les célèbres affiches (sérigra-phies).

6. Le dessin de presse utilise volontiers la cari-cature, même si ce n’est pas toujours le cas (cf. doc. 1). La caricature s’appuie, en général, sur l’exagération des caractéristiques (physiques ou morales) risibles. C’est une charge qui vise à ridiculiser la personne ou la situation envisagée (cf. doc. 3 et 4). Cependant, la caricature peut n’être qu’une image pour rire ; elle est alors bouf-fonne et s’apparente plutôt au dessin d’humour, qui consiste à présenter la réalité avec un certain détachement (cf. doc. 2). Parfois, la caricature n’est pas comique : elle devient alors pamphlé-taire et contestataire. C’est un refus des valeurs en place et un combat pour une autre société. Ces caricatures ont alors pour but d’engager, dans l’opinion publique et pour l’opinion publique, un débat d’idées (cf. doc. 5).

vers le baC pp. 142-143

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Le rôle des médias dans la formation et les mutations de l’opinion publique en France depuis 1880.Le sujet est à traiter sur toute la période du cha-pitre, c‘est-à-dire de 1880 à nos jours. Il faut pri-vilégier une approche thématique des liens entre médias et opinion publique, en insistant sur la naissance de la notion d’opinion publique puis ses

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Chapitre 4 Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l’affaire Dreyfus 51

dant fortement celle-ci et en rappelant le poids immense de la presse écrite toute puissante à l’époque : c’est elle qui « fait l’opinion ».

III. L’affaire Dreyfus : un véritable enjeu poli-tiqueCes documents permettent de comprendre que l’affaire Dreyfus devient un véritable enjeu poli-tique. Ils mettent aussi en évidence un contexte très tendu en France. On voit naître, avec cette affaire très médiatique, la notion de nationalisme, dont Zola lui-même sera une des cibles. Il peut être intéressant de rappeler la mort de ce dernier en 1902, dans des conditions mystérieuses, après un retour d’exil à Londres, suite à deux condamna-tions pour son engagement aux côtés de Dreyfus.

jusqu’alors. Il faut aussi penser à mette en avant le rôle clé du personnage d’Émile Zola dans cette affaire. Il en devient l’un des acteurs principaux et cristallise également contre lui le déchaînement d’une presse nationaliste, xénophobe et antisé-mite violente. Zola est déjà un homme célèbre à l’époque et son engagement marque le bas-culement de l’Affaire dans la sphère politique, puisqu’il interpelle directement le Président de la République.

I. Présentation des documents et rappel du contexte particulier de l’année 1898

II. La presse divise l’opinion publiqueLe « J’accuse » de Zola fait entrer véritablement l’affaire Dreyfus dans l’opinion publique, en scin-

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Chapitre

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III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 146-147

Les deux documents choisis permettent d’évo-quer l’aspect diachronique (de l’essor du mou-vement évangélique au début du xxe siècle à la prestation de serment de Barack Obama en janvier 2009 – ce dernier document permettant d’aborder la notion complexe de « religion civile ») et l’un des aspects thématiques de l’étude (notamment l’originalité du cas américain, à savoir le fait que la religiosité s’exprime aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée).

repères pp. 148-149

Religion et société en Europe et aux États-Unis depuis les années 1890

QUESTIONS

1. Les sociétés occidentales sont marquées, depuis le xixe siècle, par un déclin progressif du rôle de la religion dans la sphère publique : cette sécu-larisation se traduit à la fois par un déclin des croyances religieuses (26 % de la population fran-çaise se déclarent sans religion en 2010) et par un déclin de la pratique religieuse (qui n’est régu-lière que pour 14 % de la population française en 2010 : selon une enquête menée récemment pour le journal La Croix, seuls 4,5 % des catholiques français se rendaient à la messe chaque semaine en 2006 contre 27 % en 1952). Ce déclin est lar-gement lié aux grandes mutations sociales (urba-nisation) et idéologiques (influence du socialisme en Europe continentale) des pays occidentaux au cours du xxe siècle.

2. L’un des fondements de la démocratie libérale est la séparation du politique et du religieux, un principe que l’on retrouve sous des formes diffé-rentes dans l’ensemble des pays occidentaux (en France, par exemple, il a donné lieu à la loi de

Manuel, pp. 146-173

Religion et société aux États-Unis depuis les années 18905

I. Les choix du manuelLe chapitre adopte à la fois une perspective chro-nologique (retraçant, par exemple, les grandes étapes de la diversification du paysage confes-sionnel aux États-Unis ou montrant l’évolution du protestantisme conservateur depuis la fin du xixe siècle) et une perspective thématique (s’inté-ressant, par exemple, au rôle des protestants dans la vie politique mais aussi aux nouvelles formes que prend la religiosité aux États-Unis, depuis les années 1970). Il s’agit de permettre aux élèves de mieux com-prendre la notion de sécularisation mais aussi en quoi la notion de laïcité peut prendre un sens dif-férent selon les pays (à cet égard, la conception américaine est très différente de la conception française – il conviendra sans doute, pour mettre l’étude en perspective, de réactiver les acquis du programme d’histoire de première sur ce thème – cf. la question sur « La République, les religions et la laïcité depuis les années 1880 » au sein du dernier thème).Bibliographie :– Camille Froidevaux-Metterie, Politique et Reli-gion aux États-Unis, coll. « Repères », La Décou-verte, 2009.– Isabelle Richet, La Religion aux États-Unis, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2001.

II. Les outils complémentaires

– Vidéos : « Les mormons fêtent leur cente-naire, 30 mai 1930, © Gaumont Pathé Archives », p. 157 ; « Les évangélistes dans l’entourage de Bush, 100 minutes pour convaincre, France 2, 10 mars 2003, © INA », p. 160 ; « Les télévan-gélistes aux États-Unis, TF1, 20 heures, 17 avril 2006, © INA », p. 163.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 168 ; « Notions clés », p. 168 ; « Personnages clés », p. 168.

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rant une appartenance religieuse. Mais ce n’est qu’en additionnant l’ensemble des dénominations protestantes que l’on obtient ce chiffre, alors que les catholiques représentent déjà la première com-munauté religieuse avec 36 % de la population déclarant une appartenance religieuse en 1926 (les Baptistes, principale dénomination protes-tante, ne représentent, quant à eux, que 16 % de cette population).

2. Le protestantisme est une religion caractéri-sée par un individualisme assez fort (l’accent est mis sur l’expérience spirituelle de l’individu) et une hiérarchie religieuse beaucoup moins pré-sente que dans le catholicisme (cf. « une révolte contre la médiation cléricale entre le croyant et Dieu »).

3. Les acteurs du renouveau protestant, au début du xxe siècle, sont aussi bien des individus (un pasteur comme William Joseph Seymour, par exemple) que des groupes de pression (cf. doc. 5 et 7). Si leur action vise à réaffirmer les valeurs protestantes au cœur de la société états-unienne, leurs objectifs et leurs méthodes divergent puisque le pasteur William J. Seymour se préoccupe sur-tout de répondre aux aspirations spirituelles de ses fidèles alors que les groupes de pression qui se multiplient dans les années 1920 cherchent clai-rement à résister à la sécularisation de la sphère publique (l’école, comme le rappelle le doc. 7, apparaît dès lors comme un enjeu essentiel).

4. Le fondamentalisme est un retour à une lec-ture littérale de la Bible (cf. doc. 3 : « fait de la Bible l’autorité suprême et finale de la foi et de la vie »). Il est porteur de valeurs réactionnaires et antimodernistes (d’où le rejet du darwinisme, par exemple, qui s’oppose au récit de la Genèse et est véritablement diabolisé par un groupe de pression comme les « Croisés de la Bible »).

5. Le fondamentalisme est particulièrement influent dans les États où la pratique religieuse est plus élevée que la moyenne (cf. doc. 6 : « dans la Bible Belt, au Sud, et dans le Middle West » où le taux d’urbanisation est, par ailleurs, moins élevé que dans les États du Nord-Est). Le fait que le « procès du Singe » ait eu lieu dans l’État du Tennessee, qui fait partie de la « Bible Belt », est révélateur de cette implantation géographique.

6. Les combats majeurs menés par les fondamen-talistes, au cours du premier tiers du xxe siècle,

séparation des Églises et de l’État en 1905). Ce principe est un héritage de la pensée des Lumières du xviiie siècle. On peut noter, cependant, que le Royaume-Uni représente un cas original de démocratie libérale dans la mesure où le chef de l’État (le souverain), qui ne possède, il est vrai, aucun pouvoir politique réel, est aussi le chef de l’Église anglicane depuis le xvie siècle.

3. Le christianisme, qu’il s’agisse du catholi-cisme (en Europe du Sud-Ouest) ou du protes-tantisme (en Europe du Nord et en Amérique du Nord), imprègne toujours la culture des sociétés occidentales, pourtant largement sécularisées : en témoignent les tabous qui structurent les rap-ports sociaux (laïcisation des « Dix Commande-ments »), le calendrier, le patrimoine architectu-ral, etc.

4. L’essor du pluralisme religieux, dans des socié-tés occidentales longtemps marquées par leur héritage chrétien, s’explique essentiellement par l’immigration de travail. La place de l’Islam, qui est aujourd’hui la deuxième religion de France (3 % des Français déclarant une appartenance religieuse, selon une enquête menée en 2007 par l’institut TNS-Sofres pour le quotidien La Voix du Nord), pose la question de l’acceptation de l’idée de sécularisation par certains musulmans : depuis la fin des années 1980, le port du voile par cer-taines jeunes filles ou certaines femmes suscite ainsi des débats récurrents en France, conduisant le gouvernement à faire adopter, en 2004, une loi interdisant le port ostensible de tout signe reli-gieux dans les établissements scolaires publics.

dOssier 1 pp. 150-151

Le protestantisme entre renouveau et réactionLe dossier porte sur une période allant de la fin du xixe siècle aux années 1920 et pose la ques-tion de l’attitude des protestants face à la sécu-larisation de la société états-unienne : c’est alors qu’émerge un fondamentalisme protestant qui entreprend de s’opposer au déclin des croyances et des références religieuses par l’action sociale.

QUESTIONS

1. Le protestantisme reste la religion dominante aux États-Unis dans les années 1920 puisqu’il représente encore 49 % de la population décla-

Chapitre 5 Religion et société aux États-Unis depuis les années 1890 53

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dOssier 2 pp. 152-153

Immigration et pluralisme religieuxLe dossier comporte deux doubles-pages qui portent sur deux périodes différentes : le pre-mier tiers du xxe siècle, d’abord, qui correspond à l’arrivée massive d’immigrants catholiques et juifs originaires d’Europe ; la deuxième moitié du xxe siècle, ensuite, qui correspond à l’immigra-tion latino-américaine et à l’essor de l’Islam aux États-Unis (en lien, notamment, avec le mouve-ment des Afro-Américains qui luttent pour leurs droits civiques).

QUESTIONS (p. 153)

1. Le nombre de catholiques (qui triple entre 1877 et 1926) et de Juifs (qui est multiplié par 84 au cours de la même période) augmente fortement sous l’effet de l’ouverture des États-Unis à l’im-migration européenne. Dès 1926, comme le rap-pelle le doc. 1 p. 150, les catholiques sont la pre-mière confession religieuse aux États-Unis.

2. Les Juifs qui émigrent aux États-Unis sont ori-ginaires d’Europe centrale (Galicie et Hongrie) et orientale (Roumanie, Russie), où ils ont fui les pogroms dont ils sont régulièrement victimes dès la fin du xixe siècle (cf. doc. 2 : l’Amérique « ne cesse d’abriter les communautés persécutées, en particulier en raison de leurs confessions »).

3. Les immigrants catholiques et juifs ont ten-dance à s’installer avant tout dans les grandes métropoles du nord-est des États-Unis, comme New York, où ils se regroupent dans des ghet-tos (le document 2 évoque la formation de « vil-lages ethniques » organisés autour des « lieux de culte » alors que le document 3 présente le cas du Lower East Side, au sud-est de Manhattan, où sont présents des immigrants originaires d’Italie mais aussi d’Europe centrale et orientale). Leurs conditions de vie sont souvent difficiles, comme en témoigne la densité très élevée (1 750 hab./km2) dans le Lower East Side au début du xxe siècle.

4. Les immigrants catholiques se heurtent à l’hos-tilité d’une partie de la société états-unienne en raison de leur nombre croissant et de ce qui est perçu comme une attitude communautariste : on les soupçonne, en effet, de rester soumis à l’au-torité du pape et de la hiérarchie catholique états-

sont des combats sociaux qui visent à moraliser la sphère publique (d’où le combat pour la tem-pérance qui aboutit, en 1919, au XVIIIe amende-ment de la Constitution prohibant la production, la vente et la consommation d’alcool sur l’en-semble du territoire des États-Unis) et à lutter contre la sécularisation de l’enseignement (d’où la volonté que le créationnisme, basé sur le récit de la Genèse, reste la seule explication de l’ori-gine du monde).

7. Au cours des trois premières décennies du xxe siècle, le protestantisme apparaît sur la défensive aux États-Unis, face à l’essor du pluralisme reli-gieux (lié aux vagues d’immigration successives) et à la sécularisation de la société (liée à l’indus-trialisation et à l’urbanisation qui en résulte). Les protestants cherchent alors à s’affirmer, de différentes manières, au sein de la société états-unienne : certains mouvements spirituels, comme celui d’Azusa Street à Los Angeles, ont pour but de répondre, en marge des Églises ins-titutionnelles, à l’individualisation des pratiques religieuses ; d’autres, comme les groupes de pres-sion qui luttent contre la consommation d’alcool ou l’enseignement des théories darwinistes, s’ins-crivent davantage dans une logique de combat contre le recul des valeurs religieuses au sein de la société. La Grande Dépression qui éclate en 1929 marque cependant un tournant dans la mesure où elle permet la promotion de nouvelles élites politiques imprégnées de « l’esprit de laïcité » dont parle Camille Froidevaux-Metterie (cf. Politique et religion aux États-Unis, La Découverte, 2009).

8. On peut distinguer trois grandes étapes dans le combat contre l’alcool aux États-Unis : – entre 1903 et 1918, des lois de prohibition sont adoptées à l’échelle des États fédérés ; – en 1919, un amendement à la Constitution est adopté (la prohibition s’impose donc à l’échelle fédérale) ; – en 1933, l’arrivée au pouvoir de Franklin D. Roosevelt conduit à la fin de la prohibition (par un nouvel amendement de la Constitution), suite au constat de l’échec de celle-ci (développement d’un marché noir autour de la fabrication, de la vente et de la distribution illégales d’alcool).

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du parti républicain, il a été élu par l’État de New York à la Chambre des Représentants de 1917 à 1919, puis de 1923 à 1933 ; il a été, par la suite, maire de New York de 1934 à 1945 (premier Italo-américain à se faire élire à la tête de la ville).

QUESTIONS (p. 155)

1. Le nombre de catholiques connaît une forte croissance (+ 50 % environ entre 1970-71 et 2011), à partir des années 1960, en raison d’une nouvelle vague d’immigration originaire d’Amé-rique latine (en 1965, une loi libéralise l’immi-gration, revenant sur le système restrictif adopté dans les années 1920).

2. Les catholiques hispaniques sont souvent déçus par l’Église américaine parce qu’elle leur apparaît décalée, dans son fonctionnement (clergé d’ori-gine irlandaise, donc anglophone ; célébrations religieuses qui apparaissent trop « froides » par rapport au catholicisme populaire qui caractérise l’Amérique centrale) et dans son action (se pré-occupant davantage de soulager la pauvreté, sous l’influence des idées libérales des années 1960, que de répondre aux aspirations spirituelles des fidèles, comme l’explique le document 3), par rap-port à leurs attentes. En conséquence, une partie des catholiques d’origine latino-américaine (cf. « Environ 17 % des Mexicains », selon le docu-ment 3) se convertit au protestantisme.

3. L’appartenance religieuse, dans les États-Unis de la deuxième moitié du xxe siècle, est partiel-lement liée à l’identité ethnique puisque les His-paniques sont le plus souvent catholiques alors que l’Islam se développe avant tout au sein de la communauté afro-américaine. Ceci dit, le protes-tantisme séduit certains Hispaniques (comme le rappelle le document 3) et reste une confession importante au sein de la communauté afro-amé-ricaine (comme le rappelle l’exemple du pasteur baptiste Martin Luther King) : selon une étude récente du Département d’État, les Afro-améri-cains ne représenteraient que 25 % des musulmans vivant aux États-Unis (en revanche, ils représen-teraient près des 2/3 des Américains convertis à l’Islam).

4. La présence de l’islam aux États-Unis se mani-feste, depuis les années 1960, à travers le mouve-ment des droits civiques (incarné par des figures charismatiques comme Malcolm X) puis par l’im-

unienne (cf. doc. 4 et 5, ce dernier document rap-pelant le soutien accordé par l’archevêque John Noll à Al Smith, premier candidat catholique à l’élection présidentielle en novembre 1928) plu-tôt qu’à leur nouvelle patrie.5. L’antipapisme et l’antisémitisme qui se mani-festent au début du xxe siècle s’expriment à la fois par l’émergence de mouvements extrémistes comme le Ku Klux Klan (surtout implanté dans le sud-est des États-Unis, où il est recréé au début de la Première Guerre mondiale) et par l’adoption de quotas, dans les années 1920, limitant forte-ment l’arrivée d’immigrants originaires d’Europe méridionale, centrale et orientale (le document 4 évoque clairement la volonté d’exclure les catho-liques, au besoin par le recours à la violence).

6. Les populations catholiques et juives, confron-tées à l’hostilité d’une partie de la société états-unienne, réagissent parfois par le repli communau-taire (cf. doc. 2 et 3) ou par un désir d’affirmation sur la scène politique (cf. doc. 5, qui évoque la candidature du catholique d’origine irlandaise Al Smith, sous les couleurs du parti démocrate, en 1928).

7. À partir des années 1890, la société états-unienne est marquée par l’essor d’un pluralisme religieux de plus en plus net, qui s’explique par les vagues d’immigration successives. Catholiques et Juifs sont de plus en plus nombreux (les catho-liques représentent 36 % de la population décla-rant une appartenance religieuse en 1926), ce qui inquiète une partie des WASP (White Anglo Saxon Protestants), qui redoutent une remise en cause de l’identité états-unienne « traditionnelle ». Dès lors, face à ce qui est perçu comme un com-munautarisme catholique et/ou juif (tendance au regroupement dans des « villages ethniques » au cœur des grandes villes du nord-est, attachement aux coutumes du pays d’origine, etc.), une frange de la société états-unienne manifeste une hostilité marquée à ces nouveaux-venus ; le nativisme, qui cherche à faire pression sur la classe politique afin qu’elle freine l’immigration en provenance d’Eu-rope méridionale, centrale et orientale (d’où les quotas adoptés dans les années 1920), peut aller jusqu’à la violence (Ku Klux Klan dans le sud-est des États-Unis).

8. Fiorello La Guardia (1882-1947) est né à New York d’une famille d’immigrés italiens. Membre

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rement manifestée à l’encontre des juifs et des musulmans), en particulier depuis le 11 septembre 2001.

8. À l’automne 2010, alors que les élections de mi-mandat approchent, une polémique éclate aux États-Unis autour du projet de construction d’un centre culturel islamique (nommé « Park 51 », le bâtiment de 13 étages inclut une salle de prière pouvant accueillir 1 000 à 2 000 personnes) à quelques rues de « Ground Zero ». Cette polé-mique conduit Barack Obama à intervenir pour rappeler le droit des musulmans à disposer d’un nouveau lieu de culte, quelle que soit sa localisa-tion. L’intervention dans le débat d’un président soupçonné, à tort, par une partie de la population d’être un « musulman caché » ne contribue pas à apaiser les esprits, d’autant que cette prise de posi-tion peut être interprétée comme une entorse au principe de neutralité de l’État fédéral en matière religieuse.

COurs 1 pp. 156-157

La construction d’un pluralisme religieux

DocuMEnT 1

Il s’agit d’un lieu de culte chrétien, comme le manifeste clairement la croix latine accrochée à la façade du bâtiment.

Cette photographie, qui suggère une assiduité assez importante et une ambiance assez festive dans les célébrations religieuses protestantes, permet de comprendre l’influence que conserve le protestantisme dans la société états-unienne (notamment dans l’Amérique « profonde », c’est-à-dire dans les États du sud et du centre du pays).

DocuMEnT 2

Woody Allen est un cinéaste qui revendique volontiers sa culture juive, y compris sur le mode de l’autodérision. C’est le ton qui domine dans la couverture de cet ouvrage, qui semble désacrali-ser la référence à Dieu en l’associant à un grand écrivain anglais du xvie siècle et à un cinéaste américain de renom.

DocuMEnT 3

La campagne présidentielle de 2008 a été mar-quée par une violence verbale importante à l’égard de Barack Obama au sein du « camp républi-

migration originaire du Moyen-Orient (1,3 million de personnes en 2008). Les débats passionnels sus-cités par la construction d’un lieu de culte musul-man à proximité d’un lieu de mémoire (Ground Zero, dans le sud de Manhattan) montrent que cette communauté est encore mal acceptée dans l’Amérique post-11 Septembre.

5. Ce discours a été prononcé par John F. Ken-nedy, candidat démocrate, lors de la campagne présidentielle de 1960. Ce catholique d’origine irlandaise s’exprime devant un public qui ne lui est pas acquis puisqu’il s’agit de pasteurs pro-testants rassemblés à Houston, dans le sud-est du pays. Il évoque une situation religieuse mar-quée par la méfiance qui persiste à l’encontre des catholiques américains, soupçonnés d’allé-geance vis-à-vis du Saint-Siège (ce qui suppose qu’ils sont moins patriotes que les protestants).

6. L’idéal de tolérance religieuse prôné par John F. Kennedy en 1960 ne s’est guère concrétisé au début du xxie siècle, comme en témoignent les manifestations d’antisémitisme (souvent au travers de manifestations hostiles à la politique étrangère d’Israël et/ou au soutien apporté par les États-Unis à l’État hébreu) et d’islamophobie (surtout depuis le 11-Septembre, comme le rappelle le document 6). Malgré le discours tenu par George W. Bush à la suite des attentats du 11-Septembre, visant à éviter la confusion entre islam et islamisme, il semble qu’une grande partie de la société états-unienne ne fasse pas la distinction entre ces deux termes.

7. Depuis les années 1960, le pluralisme religieux s’est accentué aux États-Unis. Cette évolution s’explique à la fois par la reprise de l’immigra-tion en provenance d’Amérique latine (d’où la croissance du nombre de catholiques) ou d’Asie (d’où la croissance du nombre de musulmans) et par le mouvement des droits civiques (une partie de la communauté afro-américaine, séduite par le discours de figures charismatiques comme Mal-colm X, voit l’Islam comme une religion éman-cipatrice).

Face au renforcement du pluralisme religieux, la société états-unienne réagit diversement, alter-nant entre ouverture (avec l’élection de John F. Kennedy, premier président catholique de l’his-toire des États-Unis, en novembre 1960) et fer-meture (comme en témoigne l’hostilité réguliè-

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3. La conception américaine de la laïcité est diffé-rente de la conception européenne dans la mesure où la pratique religieuse est beaucoup plus forte aux États-Unis qu’en Europe (cf. doc. 2) et où les élus du peuple n’hésitent pas à afficher publi-quement leur foi (cf. doc. 3), y compris à des fins électoralistes (cf. doc. 2 : « les politiciens (améri-cains) trouvent utile de flatter ce sentiment »).

4. La Cour Suprême, où dominent les juges « libé-raux » (donc progressistes sur le plan sociétal) comme Hugo Black (1886-1971) dans les années 1960, a contribué à renforcer « l’esprit de laïcité » par certaines de ses décisions, comme celle de 1962 (Engel v. Vitale), qui proscrit les prières publiques dans les écoles américaines, au pré-texte qu’elles contreviennent au principe de neu-tralité de l’État en matière religieuse. Il faut rap-peler que les décisions de la Cour Suprême des États-Unis ont force de loi et s’appliquent à l’en-semble des États fédérés.

5. L’œuvre laïque de la Cour Suprême dans les années 1960 (la décision Engel v. Vitale, en par-ticulier) suscite de nombreuses critiques de la part des conservateurs, et notamment des pro-testants fondamentalistes : elle serait en effet res-ponsable, selon eux, d’une déliquescence morale de la société américaine (cf. doc. 5 : « le début du déclin de l’Amérique »).

6. Pour les conservateurs américains, contrôler les nominations à la Cour Suprême (qui se font à l’initiative du Président en cas de vacance de l’un des sièges, mais avec l’approbation du Sénat) devient un enjeu politique dès les années 1960. C’est l’une des raisons qui explique le retour du conservatisme religieux dans le débat poli-tique : il faut en effet faire élire des présidents républicains, proches des idées de la droite reli-gieuse, dans le but de nommer des juges conser-vateurs à la Cour Suprême (la nomination du Juge John Roberts, en 2005, par le Président George W. Bush, a été interprétée, à cet égard, comme une victoire pour le camp conservateur, dans la mesure où John Roberts, qui n’a que 50 ans au moment de sa nomination, préside l’institution, ce qui lui permet éventuellement d’en infléchir les débats).

7. Le principe américain de laïcité a connu des périodes de renforcement et des périodes d’af-faiblissement au cours du xxe siècle. L’œuvre de

cain ». Le candidat démocrate était alors accusé de ne pas être suffisamment patriote et de mentir, en cachant sa « véritable » religion (l’association entre Obama et Oussama Ben Laden, sur les pan-cartes que tiennent les manifestants, est une allu-sion implicite à la rumeur selon laquelle Obama serait en réalité musulman et aurait des liens avec Bill Ayers, un ancien terroriste américain).

On peut, pour ce type de manifestation, par-ler de réaction islamophobe dans la mesure où le fait d’être musulman apparaît comme un élé-ment disqualifiant un candidat potentiel à la pré-sidence des États-Unis (alors que la Constitution dit clairement qu’aucun critère religieux ne sau-rait entrer en compte pour exercer une responsa-bilité publique).

dOssier 3 pp. 158-159

Un État laïqueLe dossier vise avant tout à faire comprendre quels sont les fondements idéologiques de « l’esprit de laïcité » aux États-Unis, mais aussi à démontrer que la conception américaine de la laïcité est très différente de la conception européenne et, en par-ticulier, de la conception française (la laïcité amé-ricaine postule en effet la neutralité de l’État en matière religieuse, mais elle ne tend pas forcé-ment à refouler les convictions religieuses dans la sphère privée).

QUESTIONS

1. Le principe de laïcité a été adopté dès les ori-gines de la démocratie américaine puisqu’il est mentionné dans le texte du premier amendement de la Constitution (les dix premiers amendements – ou Bill of Rights – adoptés en 1789 mais dont la ratification n’a été achevée qu’en 1791, précisent les libertés individuelles dont jouissent tous les citoyens américains). Ce principe est fondé, avant tout, sur la séparation des Églises et de l’État.

2. Les deux principes majeurs qui définissent la laïcité américaine sont la liberté de conscience et de culte (cf. doc. 1) ainsi que la non-interven-tion de l’État en faveur d’une religion particulière au détriment des autres (cf. doc. 4 : « elle repose sur la conviction qu’une union entre les autorités publiques et la religion nuit gravement au gou-vernement comme à la religion »).

Chapitre 5 Religion et société aux États-Unis depuis les années 1890 57

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oppose deux camps, les « pro-life » (cf. doc. 6), qui réclament la remise en cause de l’arrêt Roe v. Wade, et les « pro-choice », qui défendent le droit des femmes à bénéficier d’un libre accès à l’avortement.

3. La droite religieuse exerce son influence sur la société grâce au rôle joué par certains prédi-cateurs charismatiques tels que Billy Graham (cf. doc. 5) et Jerry Falwell (cf. doc. 1), et grâce à des groupes de pression que ces derniers peuvent fon-der, notamment la « Majorité morale » fondée par Jerry Falwell en 1979 (il s’agit, en particulier, de lutter contre le droit à l’avortement).

4. Bien que leur poids tende à régresser (ils perdent presque 10 points entre 1990 et 2008), au profit des catholiques, les protestants restent le groupe religieux dominant au sein de la société américaine (50,8 % des personnes déclarant une appartenance religieuse en 2008). Au sein de la nébuleuse protestante, les Baptistes restent de loin la dénomination principale (15,8 % en 2008) ; on voit également émerger des mouvements conser-vateurs d’obédience religieuse tels que la « Majo-rité morale » de Jerry Falwell (qui, comme le rap-pelle le doc. 2, compte « 5 millions de membres en 1984 », alors que Ronald Reagan achève son premier mandat).

5. Bien que les protestants évangéliques aient largement tendance à s’engager politiquement en faveur des candidats républicains (les meil-leurs représentants étant Ronald Reagan dans les années 1980 et George W. Bush dans les années 2000), il ne s’agit pas d’une mouvance monoli-thique sur le plan politique. Ils peuvent, en effet, soutenir des candidats démocrates à l’élection présidentielle (cf. doc. 3 : « Certes, ils sont très majoritairement favorables aux républicains, mais Jimmy Carter ou même Bill Clinton sont eux aussi évangéliques ») : il faut préciser que les candidats démocrates, lorsqu’ils bénéficient du soutien des protestants évangéliques, sont issus du sud-est des États-Unis (la Géorgie pour Jimmy Carter, l’Ar-kansas pour Bill Clinton), ce qui constitue sans doute pour eux un facteur de rapprochement avec le courant évangélique (qui, au départ, n’est pas particulièrement politisé).

6. Sarah Palin, candidate républicaine à la vice-présidence lors de l’élection de novembre 2008, est une protestante conservatrice, mais dont

la Cour Suprême, de la fin des années 1940 au début des années 1970, contribue à renforcer ce principe. En effet, la Cour Suprême rend des décisions qui visent notamment à réaffirmer le principe de neutralité de l’État en matière religieuse (elle remet en cause, en particulier, la tenue de prières publiques dans les écoles par la décision Engel v. Vitale en 1962). Cette œuvre laïque de la Cour Suprême ne manque pas de susciter la polémique au sein du camp conservateur, qui dénonce son rôle dans la décadence morale dont serait vic-time la société américaine (ce qui fait écho aux inquiétudes des fondamentalistes dans les années 1920). Le renforcement du principe de laïcité, qui s’inscrit plus largement dans un « cycle libéral » de la présidence Roosevelt (1933-1945) à la prési-dence Johnson (1963-1968), a contribué à inciter les conservateurs à réinvestir fortement le champ politique, notamment en cherchant à contrôler les nominations à la Cour Suprême (ces dernières deviennent, dès les années 1960, un enjeu majeur du combat politique aux États-Unis).

dOssier 4 pp. 160-161

Influence et dynamisme du protestantisme à partir des années 1980La fin du xxe siècle correspond à un regain de combativité de la part des protestants conserva-teurs qui se manifeste par un réinvestissement de la scène politique. Pour parvenir à leur objectif, qui est de lutter contre la sécularisation croissante de la société américaine, ils cherchent notam-ment à peser sur le combat électoral (pour faire élire des présidents conservateurs, par exemple).

QUESTIONS

1. Le premier président américain qui bénéficie clairement du soutien de la droite religieuse est le républicain Ronald Reagan, élu en 1980 puis réélu en 1984.

2. La droite religieuse américaine défend des valeurs très conservatrices, centrées autour du rôle de la famille comme cellule de base de la société américaine (cf. doc. 2). Elle s’oppose, en parti-culier, à la légalisation de l’avortement (décision Roe v. Wade, prise par la Cour Suprême des États-Unis en 1973) : dès lors, le débat sur l’avortement

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bénéficie pas forcément aux Églises officielles) et différente de celle des autres sociétés occiden-tales (la pratique religieuse y reste plus élevée que la moyenne et se manifeste sous des formes originales, notamment le phénomène des mega-churches).

QUESTIONS

1. Le document 1 montre que la pratique reli-gieuse est plus élevée que la moyenne (42 % de la population en 2006, d’après un sondage réalisé par Gallup) dans les États du sud-est des États-Unis que l’on surnomme la « Bible Belt » (elle y est souvent supérieure à 50 %) : l’Alabama, la Caroline du Sud, la Louisiane et le Mississippi apparaissent ainsi, avec un taux de pratique reli-gieuse de l’ordre de 57 à 58 %, comme des États où la religiosité résiste à la sécularisation de la société américaine.

2. Le document 2 rappelle que la spiritualité des Américains est souvent assez superficielle puisque la Bible est une référence incontournable (elle bénéficie d’une très large diffusion grâce à tous les médias de masse, écrits, audiovisuels ou vir-tuels), mais souvent mal connue et mal comprise (« Une enquête Gallup révèle que moins de la moitié des Américains peuvent nommer le pre-mier Livre de la Bible (la Genèse), […]» et qu’un quart ne savent pas ce que l’on célèbre à Pâques (la résurrection, événement fondateur pour les chrétiens). ») Ce document permet donc de rela-tiviser la profondeur du sentiment religieux amé-ricain.

3. Il est possible d’affirmer que la société amé-ricaine est marquée, à la fin du xxe siècle et au début du xxie siècle, par une spiritualité de masse qui se manifeste par :– une diffusion très large du message biblique dans sa version écrite (cf. doc. 2 : « plus de 100 millions d’exemplaires de la Bible sont vendus ou distribués chaque année ») ou virtuelle (cf. doc. 2 : « le site e-Bible vous donne la possibilité de discuter en ligne de passages de la Bible ») ; – un investissement des médias audiovisuels (cf. doc. 3 : « on recense environ 1 200 stations de radio et plus de 200 chaînes de télévision évan-gélistes ») par un nouveau type de prédicateur, les télévangélistes, dont les sermons se déroulent dans un cadre monumental (les megachurches) et sont retransmis à la télévision.

l’image et le discours tendent à rappeler que la mouvance évangélique a connu une évolution au cours des dernières années (en se rajeunis-sant, l’évangélisme a pris une dimension contes-tataire – vis-à-vis des Églises institutionnelles, par exemple – qui s’explique par le fond indivi-dualiste qui imprègne toujours le protestantisme américain). Le document 3 insiste sur le fait que ce « néo-évangélisme » se manifeste notamment au sein du courant pentecôtiste, qui représente 3,5 % des Américains déclarant une appartenance religieuse en 2008.

7. Depuis les années 1970, les États-Unis sont entrés dans un nouveau « cycle » idéologique : après le triomphe des idées libérales, des années 1930 au début des années 1970 (dont l’arrêt Roe v. Wade, autorisant l’avortement, en 1973, apparaît comme l’apogée), c’est au tour des idées conser-vatrices de dominer le champ politique à partir de l’élection du républicain Richard Nixon et, plus encore, de celle de Ronald Reagan (1981-1988). L’influence croissante de la droite religieuse protestante se manifeste par le rôle de certains prédicateurs comme Jerry Falwell (1933-2007) ou Billy Graham (né en 1918), mais aussi par celui de groupes de pression comme la « Majo-rité morale » de Jerry Falwell (fondée en 1979) ou la « Christian Coalition » de Pat Robertson (fon-dée en 1989). Le but de cette mouvance idéolo-gique est de lutter contre le déclin de « l’esprit de religion » dans la société américaine : le com-bat contre le droit à l’avortement (dont 51 % des Américains se sentiraient proches, selon un son-dage Gallup de mai 2009) est ainsi l’un des prin-cipaux chevaux de bataille de la droite religieuse. La droite religieuse ne s’exprime pas seule-ment sur le terrain social, mais aussi sur le ter-rain politique, soutenant les candidats dont elle estime qu’ils sont les plus proches de ses idées (le plus souvent des républicains, comme Ronald Reagan en 1980 ou George W. Bush en 2000).

dOssier 5 pp. 162-163

Une société religieuseLe dossier a pour but de montrer que la société américaine connaît une évolution à la fois proche (elle connaît en effet un regain de religiosité à la fin du xxe siècle, même si ce phénomène ne

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À l’échelle régionale, la pratique religieuse est particulièrement forte dans le sud-est des États-Unis, ce que confirme la présence de plu-sieurs megachurches (des lieux de culte pouvant rassembler des milliers de fidèles) dans certains États de la « Bible Belt » comme la Louisiane ou le Texas. Le phénomène des megachurches a d’ailleurs essaimé dans l’ensemble des États-Unis (plus de 1 300 à l’échelle nationale, la plus vaste étant celle de Lakewood Church, au Texas, qui est représentée dans le document 5 et peut rassembler jusqu’à 40 000 fidèles). D’une manière plus générale, le regain de spiritualité qui caractérise la société américaine (comme, d’une manière générale, les sociétés occidentales), à la fin du xxe siècle, ne bénéficie pas forcément aux Églises institutionnelles : on assiste, en effet, à la multiplication des mouve-ments sectaires (des mouvements religieux plus ou moins marginaux, qui se structurent autour d’un chef spirituel) comme celui des Davidiens.

COurs 2 pp. 164-165

L’impact de la religion dans la vie politique et sociale aux États-Unis

DocuMEnT 1

Le lieu représenté au verso de ce billet de 100 dollars est Independence Hall, à Philadelphie, où fut signée la Déclaration d’Indépendance des colonies américaines, le 4 juillet 1776.

Ce billet de 100 dollars rappelle que les réfé-rences religieuses sont intimement liées à l’his-toire des États-Unis puisque la devise officielle de l’État américain (« In God We Trust »), adop-tée en 1956, figure sur le revers. Il fait égale-ment figurer le portrait de Benjamin Franklin, l’un des rédacteurs de la Déclaration d’Indépen-dance, sur l’avers.

DocuMEnT 2

La couverture de ce numéro de Time donne, à dessein, une image apocalyptique de la fin de la secte des Davidiens en 1993. Non seulement David Koresh, son leader spirituel, est représenté comme une figure quasi christique, mais une cita-tion de la Bible figure au bas de la couverture afin d’illustrer l’événement et d’orienter son interpré-tation par le lecteur.

4. Les télévangélistes sont des prédicateurs d’un nouveau genre puisqu’ils s’adaptent à la société postindustrielle (qui se caractérise par une aspi-ration, au sein d’une partie de la population, à une réaffirmation des repères spirituels) et des mass médias (cf. doc. 3). Ils s’expriment dans un cadre privilégié, les megachurches (comme celle de Jimmy Swaggart en Louisiane ou celle de Joel Osteen au Texas, c’est-à-dire dans la « Bible Belt ») et profitent d’une large diffusion de leurs prêches sur les chaînes de télévision nationales ou câblées. Il s’agit bel et bien d’un mouvement de masse puisque les fidèles qui suivent, direc-tement ou indirectement, les prêches de ces télé-vangélistes se comptent en dizaines de millions (cf. doc. 3).5. L’auteure de l’article porte un regard critique sur la célébration du culte auquel elle assiste au sein d’une megachurch : elle semble, en effet, esti-mer que les prédicateurs comme Jimmy Swaggart profitent de la perte des repères d’une partie de la société américaine pour affirmer leur influence (cf. « ces shows télévisés mettant en scène le com-bat de Satan et de l’Esprit »).6. Le document 4 témoigne de l’essor du phéno-mène sectaire aux États-Unis. Une secte est une communauté religieuse, dirigée par un guide spi-rituel, qui se développe en marge des Églises ins-titutionnelles et dont les pratiques sont parfois en contravention avec la loi (le document évoque l’exemple de la secte des Davidiens, dirigée par David Koresh, dont le destin a été particulière-ment tragique). Les documents 2 et 5 permettent de comprendre l’essor de ce phénomène aux États-Unis, dans la mesure où ils montrent que la spiri-tualité américaine se nourrit souvent de références religieuses mal assimilées (cf. doc. 2) et que de nombreux croyants aspirent à un cadre rassurant dans lequel ils pourraient exercer leur culte (cf. doc. 5).7. Depuis les années 1970, en lien avec l’essor des mass médias, la pratique religieuse tend à se diversifier aux États-Unis. À l’échelle nationale, la pratique religieuse reste plus élevée que dans les autres pays occi-dentaux et se nourrit de la lecture de la Bible (un ouvrage qui bénéficie d’une très large diffusion grâce à la multiplication et à la diversification des médias), même si son contenu n’est pas for-cément bien assimilé ou bien compris.

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américaine » s’intéressent au monde rural des grandes plaines (cf. école régionaliste : doc. 2) ou au contraire au monde des grandes villes (cf. réalisme de l’Ashcan School). Grand Wood appa-raît comme le chef de file de l’école régionaliste et American Gothic devient l’emblème de ce mouve-ment qui refuse les innovations plastiques venues de l’étranger et glorifie les valeurs américaines. American Gothic est présenté pour la première fois en automne 1930, lors d’une exposition à l’Art Institute de Chicago. La réaction est diverse, allant de l’ironie à la colère. Les critiques de la côte est font preuve d’ironie. Le Boston Herald parle ainsi de « maillon manquant dans la chaîne humaine », tellement le tableau lui paraît horri-blement sinistre. Les habitants de l’Iowa, quant à eux, sont furieux de se voir peints de la sorte. Beaucoup se détourneront de Grant Wood car il aura donné de l’Iowa une terrifiante image. Ce portrait choque par l’ambiguïté du regard porté par le peintre. Ambiguïté que l’on retrouve dans le titre énigmatique de l’œuvre : American Gothic. Est-ce un hommage à un couple typique du Midwest posant devant sa ferme (en réalité, la femme était la fille du fermier et non son épouse mais tous les deux associés apparaissent comme un couple) ? Un hommage au sens du travail (fourche en main), à la grande rigueur morale (habillement simple, voire austère, visages fer-més) ? Ou est-ce une dénonciation, avec une cer-taine dérision, de l’étroitesse d’esprit de ces pay-sans représentatifs de la société très religieuse du xixe siècle (regard fixe et inexpressif, prédomi-nance des lignes verticales) ? Sur Grant Wood, peintre de la ruralité (par André Girod) : http://www.usa-decouverte.com/culture/magazine/grant_wood.html

3. Dans cette œuvre, l’artiste ne recherche ni le rendu réel des objets ni l’indication d’une profon-deur de champ. La fenêtre ne s’ouvre pas sur un paysage mais sert de cadre à un tableau naïf. Le peintre introduit ainsi une distance entre la scène représentée et le spectateur, qui n’y retrouve pas ses repères. Les objets, en papier collé ou en pein-ture acrylique, fonctionnent alors comme des réfé-rences symboliques de la société de consomma-tion (réfrigérateur rose, bouteilles de Seven’up, boîte de riz soufflé, etc.). Le peintre, qui est aussi un sculpteur et un graveur, travaille ses toiles en trois dimensions, collant sur la surface émail-

DocuMEnT 3

La tendance générale, au sein de la société américaine, est à un affaiblissement du sentiment religieux entre 1994 et 2007 (le pourcentage de personnes croyant en Dieu perd ainsi 13 points, passant de 95 % à 82 % au cours de la période).

Il faut cependant relativiser cette perception dans la mesure où le pourcentage de croyants est plus élevé que dans la moyenne des pays occiden-taux et où une large majorité d’Américains adhère toujours à un certain nombre de dogmes (l’exis-tence du Paradis – à laquelle adhèrent toujours les trois-quarts des Américains – et de l’Enfer, etc.).

arts & histoire pp. 166-167

Art et religion aux États-Unis

QUESTIONS

1. Les artistes américains, dès le xixe siècle, désirent se démarquer de l’influence de l’art européen jusqu’alors dominante. Ils trouvent dans les paysages du nouveau monde une source d’inspiration (cf. doc. 1). Cet art du paysage est considéré comme la première expression d’une tradition picturale proprement américaine. Le peintre, en représentant ces paysages majes-tueux, témoigne de la grandeur de la création divine. La présence de Dieu se ressent dans la lumière qui baigne l’œuvre. Devant la perfection de l’œuvre divine, l’homme se sent petit (cf. la taille des deux voyageurs au premier plan, sur le rocher, en aplomb). La leçon morale est celle de l’humilité. Le peintre, travaillant dans l’es-prit de la peinture flamande la perspective atmos-phérique, sait donner à son paysage une profon-deur de champ et traduire, par le fort contraste de lumière entre le premier plan et les suivants, l’éblouissement que ressentent les premiers Euro-péens lorsqu’ils découvrent l’Amérique du Nord. Cet émerveillement a été traduit, dans d’autres formes d’expression artistique, par des écrivains comme François-René de Chateaubriand (Voyage en Amérique, Atala, etc.) ou des musiciens comme Antonin Dvorák (Symphonie 9 ou symphonie du Nouveau Monde).

2. Dans l’entre-deux guerres, la tendance au repli sur soi qui se ressent dans la politique améri-caine se traduit dans l’art par la volonté d’affir-mer un art local. Ainsi, les artistes de la « scène

Chapitre 5 Religion et société aux États-Unis depuis les années 1890 61

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churches depuis les années 1970, etc. face à l’ou-verture sur le monde des grandes régions urbaines du nord-est et du sud-ouest).

III. La sécularisation de la société américaine se heurte à des résistances, notamment au sein de la mouvance du protestantisme conservateur (combat contre l’enseignement des idées darwi-nistes à l’école dans les années 1920, combat contre l’avortement depuis 1973, etc.).

En conclusion, on peut mettre le sujet en perspec-tive en évoquant l’échec relatif, jusqu’à présent, du protestantisme conservateur, qui n’est pas par-venu à freiner la sécularisation de la société amé-ricaine (déclin relatif des croyances religieuses).

vers le baC pp. 172-173

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE d’UN dOcUmENT

I. Une Amérique toujours très chrétienne ?– Exploitation du document : apparition d’une « Bible Belt », c’est-à-dire un groupe d’États carac-térisés par un taux de pratique religieuse nette-ment supérieur à la moyenne (de 50 à 63 %, le record étant détenu par l’État du Mississippi) dans le sud-est du pays.– Ajout de connaissances : c’est dans le sud-est du pays que le protestantisme conservateur est particulièrement bien implanté et que se trouvent certaines des plus vastes megachurches du pays, par exemple celle de Lakewood Church à Hous-ton, au Texas (un État où la pratique religieuse est nettement supérieure à la moyenne avec un taux de 50 %).

II. Une Amérique en voie de sécularisation– Exploitation du document : apparition de deux groupes d’États, au nord-est (moins de 25 % dans le Vermont, par exemple) et dans l’ouest du pays (25 à 29 % dans le Nevada, par exemple), mar-qués par un taux de pratique religieuse inférieur, voire nettement inférieur à la moyenne (« Unchur-ched Belt »).– Ajout de connaissances : l’Amérique en voie de sécularisation est souvent celle des grandes métropoles littorales, tournées vers l’extérieur et marquées par une plus grande diversité religieuse.

lée des objets de la vie quotidienne (bouteilles, porte du réfrigérateur) et des éléments de publi-cité. Il est un des représentants du mouvement du Pop Art (« Terme Inventé par Lawrence Allo-way à la fin des années cinquante pour indiquer que l’art prend appui sur la culture populaire de son temps, lui empruntant sa foi dans le pouvoir des images. Mais, si le Pop Art cite une culture propre à la société de consommation, c’est sur le mode de l’ironie », www.centre-pompidou.fr).

4. Cette œuvre, qui se veut un regard froid posé sur la société des années 1960, laisse transpa-raître certaines valeurs puritaines : l’importance de la religion suggérée par le clocher visible par la fenêtre, la dénonciation des biens terrestres (l’accumulation des produits alimentaires sur la table invite le spectateur à une certaine distancia-tion) et peut-être la vacuité d’une vie basée uni-quement sur des valeurs matérielles (aucune pré-sence humaine, aucune chaleur).

vers le baC pp. 170-171

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

La société américaine au xxe siècle : une société sécularisée ?En introduction, il importe avant tout de définir la notion de sécularisation (le déclin progressif de l’influence de la religion au sein de la société) et d’insister sur son caractère irrégulier (l’esprit de laïcité progresse ou recule selon le contexte idéologique et politique au cours du xxe siècle).Ce sujet implique le recours préférentiel à un plan thématique.

I. La sécularisation de la société américaine connaît des périodes de progrès (des années 1930 aux années 1970, en particulier, à travers l’œuvre de la Cour Suprême) et des périodes de recul (depuis les années 1980, notamment, à tra-vers l’offensive politique de la droite religieuse) au cours du xxe siècle.

II. La sécularisation de la société américaine est inégale dans l’espace (opposition entre une « Unchurched Belt » et une « Bible Belt ») et ne concerne pas tous les aspects de la vie sociale (large diffusion de la Bible, essor des mega-

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Chapitre

63

– Exercices interactifs : « Personnages clés », p. 198.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 176-177

Les deux documents proposés se situent à des moments clés de l’exercice de la puissance des États-Unis. Ces images peuvent constituer un sup-port de travail de premier ordre dans le cadre de l’histoire des arts.

DocuMEnT 1

La Seconde Guerre mondiale a été un moment décisif dans la construction de cette puissance, notamment au plan géostratégique. L’image ins-pirée de la célèbre photographie de Joe Rosen-thal a une forte portée symbolique : la pyramide formée par les corps des soldats met en valeur le drapeau qui la surmonte ; elle laisse penser que la puissance est le résultat d’un effort collectif et de longue haleine, ce que souligne aussi le texte en bas de l’affiche. L’histoire de la photographie de Rosenthal a été largement reprise par le film de Clint Eastwood, Mémoire de nos pères, sorti en 2006. Au-delà de l’analyse symbolique, on pourra ajouter que la présence de troupes américaines en Extrême-Orient va se révéler durable, face à la menace soviétique d’abord, mais aujourd’hui encore face à la puissance émergente de la Chine dans la région.

DocuMEnT 2

Les photographies des attentats du 11 septembre sont particulièrement spectaculaires. Le très beau temps qui régnait ce jour-là sur New-York, le fait que l’attentat contre la première tour ait conduit les photographes à braquer leurs objectifs sur la seconde au moment où un avion est venu la per-cuter y ont singulièrement contribué. On préci-sera toutefois que cet événement a déclenché à l’échelle de la planète un réflexe d’identification,

I. Les choix du manuelLe fait que la question de la puissance américaine soit abordée dans le cadre du programme d’his-toire, et non de celui de géographie, nous per-met d’en analyser les origines, les formes mais aussi la remise en question. Le chapitre prend bien évidemment en compte la place actuelle des États-Unis dans la géopolitique mondiale, mais il propose avant tout d’analyser leur exer-cice de la puissance en replaçant celui-ci dans la longue durée. Le manuel aborde la question selon une trame chronologique : les trois dossiers proposés traitent des trois phases de la puissance, en utilisant comme charnières la Seconde Guerre mondiale et la fin de la guerre froide. Le chapitre peut cependant être lu selon une approche thématique, puisqu’à chaque stade il analyse les différentes formes de la puissance des États-Unis : sont ainsi abordées les notions de hard power, de soft power et examinées à chaque étape les limites de l’in-fluence américaine. De la même façon, le cha-pitre permet une approche régionale de la puis-sance des États-Unis en proposant, en particulier, les éléments utiles à une analyse de leurs rela-tions avec l’Europe.

II. Les outils complémentaires– Frise interactive : « Les États-Unis et le monde », pp. 178-179.– Vidéos : « La reddition du Japon, 28 sep-tembre 1945, © INA Jalons », p. 184 ; « La Hol-lande en proie au rock’n roll, Actualités fran-çaises, 5 novembre 1958, © INA », p. 186 ; « La fin d’un mythe : le dollar, JT 20 heures, ORTF, 14 décembre 1971, © INA », p. 192 ; « L’élec-tion de Barack Obama, 44e président des États-Unis, 5 novembre 2008, © Ina Jalons », p. 193.– Diaporamas : « 1941-1945, un immense effort de guerre », p. 188 ; « Le plan Marshall : un ins-trument de la puissance américaine », p. 188.

Manuel, pp. 176-203

6Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918)

Chapitre 6 Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918) 63

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1953. Il est diffusé en France, dès l’année sui-vante. La réputation de Marilyn, bien loin d’être cantonnée aux frontières des États-Unis, en fait donc une icône à l’échelle de la planète, parfai-tement représentative du soft power des États-Unis.

dOssier 1 pp. 180-183

« Ignorer le monde » : jusqu’en 1941, la tentation de l’isolationnisme

QUESTIONS (p. 181)

1. Le nom du général Pershing apparaît sous son portrait, sur la partie gauche du timbre. Ce timbre émis par les postes françaises commémore en 1987 le soixante-dizième anniversaire de l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale. On pourra rappeler au passage qu’ont été bap-tisés Pershing les missiles américains à moyenne portée, notamment ceux qui ont été déployés en Europe occidentale au début des années 1980. Il s’agissait alors d’assurer la défense de l’Europe occidentale dans le cadre de la crise des euro-missiles, durant la dernière phase de la guerre froide. Ce timbre commémoratif évoque l’exer-cice d’une puissance militaire, mais la perpétua-tion de cette mémoire traduit aussi une forme de gratitude à l’égard des États-Unis qui illustre la dimension du soft power.

2. La question de la liberté de navigation est reprise par le deuxième point du président Wilson. Parmi les « violations du droit », c’est particuliè-rement la guerre sous-marine à outrance lancée par l’Allemagne qui a touché l’opinion publique américaine. Le torpillage du paquebot Lusitania, le 7 mai 1915, a été un élément décisif : parmi les 1 200 passagers, il y avait 200 Américains.

3. Les mots « monde » ou « mondial » apparaissent trois fois dans le premier paragraphe. Le texte insiste sur l’appartenance des États-Unis à ce monde et sur la nécessité de mettre le pays à l’abri de ses convulsions : il conclut logiquement qu’il convient alors de construire un « programme pour la paix mondiale ».

4. Le 14e point fait référence à la Société des Nations, dont la création sera intégrée au Traité de Versailles. La réponse doit s’appuyer sur les acquis de la classe de Première (Thème 2 : Les

qui traduit l’attachement à une ville largement perçue comme la capitale du monde et à la civi-lisation qui s’incarne en elle. Ainsi, Jean-Marie Colombani ouvre son éditorial dans le journal Le Monde daté du 13 septembre 2001 par la formule « Nous sommes tous Américains ». Dans le même texte, l’auteur incite les dirigeants du monde à « se hisser à la hauteur des circonstances » : on se demandera si l’affaiblissement récent des États-Unis ne résulte pas plus de la réponse essentiel-lement militaire qu’ils ont apportée au terrorisme que des attentats eux-mêmes.

repères pp. 178-179

Les États-Unis et le mondeLes repères proposés aux pages 178-179 prennent en compte toutes les dimensions de la puissance des États-Unis. Ils mettent en valeur les princi-pales aires où elle s’exerce durant un siècle et lui donnent un caractère mondial. Si la dimension militaire de la puissance est évidente, les images proposées font aussi référence au soft power. La frise chronologique rappelle que cette puissance résulte d’une longue construction mais aussi que les limites de son exercice se manifestent depuis les origines.

QUESTIONS

1. La réponse doit s’appuyer sur la carte mais aussi sur les acquis de la classe de Première (Thème 2 : La guerre au xxe siècle). L’existence du bloc soviétique est le principal obstacle à la puissance des États-Unis à l’époque de la guerre froide. Le cas de Cuba pourra être mis en exergue. À la marge, on évoquera la tentative de non-ali-gnement esquissée par certains pays du tiers-monde. La fin de la guerre froide laisse envisa-ger une expansion de l’influence des États-Unis à l’échelle de toute la planète.

2. L’intervention militaire des États-Unis dans le cadre de la guerre de Corée et le stationnement de troupes destinées à endiguer la menace commu-niste appartiennent au domaine du hard power. Pourtant, la figure de Marilyn Monroe indique que la puissance américaine passe aussi par des éléments non coercitifs. Cette actrice et chanteuse accède au rang de star hollywoodienne au début des années 1950. Le film Les hommes préfèrent les blondes, réalisé par Howard Hawks, sort en

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Chapitre 6 Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918) 65

les 476 millions de dollars investis en 1929 à l’immensité du pays ; le Chili, pays de taille plus modeste mais dont le sous-sol est particulière-ment riche en cuivre, apparaît comme une desti-nation plus dynamique, même s’il n’arrive qu’au troisième rang.

PRÉPA BAC. Le contexte est celui des derniers mois de la Première Guerre mondiale où les États-Unis sont engagés depuis l’année précédente. Wil-son présente comme acquise l’impossibilité de s’isoler du reste du monde, même pour défendre les intérêts de son pays. Il remet en cause la supré-matie européenne en dénonçant le fait colonial : il pose le principe du droit des peuples à dispo-ser d’eux-mêmes. Pour la première fois, l’Amé-rique formule un projet à destination du monde entier : il repose sur une vision libérale des rela-tions internationales. Wilson exprime le souhait de voir mise en place « une association générale des nations » : elle prendra la forme de la SDN lors de la signature du traité de Versailles. Même si cet engagement dans les affaires du monde va se révéler éphémère, il préfigure ce qui se pas-sera lors de la Seconde Guerre mondiale où les États-Unis renonceront définitivement à l’isola-tionnisme.

QUESTIONS (p. 183)

1. « Pourquoi ne pouvez-vous pas donner un tra-vail à mon papa ? » La crise économique des années 1930 n’est toujours pas réglée en 1937, malgré le New Deal lancé par Roosevelt en 1933. À la fin de la décennie, il reste 9 millions de chô-meurs.2.

Le commerce extérieur des États-Unis durant la crise des années 1930 (volume en milliards de dollars)

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1

0

1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 1938 1939

ExportationsImportations

Dans la première partie de la décennie, le volume du commerce extérieur des États-Unis est divisé

espoirs d’un ordre mondial au lendemain des conflits : la SDN et l’ONU).

5. En Europe, on sait gré aux États-Unis de leur contribution à la victoire, d’autant plus qu’on a souffert durant quatre ans des effets d’une guerre totale. La reconnaissance est particulièrement mar-quée dans les régions qui ont été occupées par les armées allemandes, comme le montre le très grand nombre de rues rebaptisées du nom du Pré-sident des États-Unis. Mais l’Amérique se révèle très sensible au prix humain d’un conflit qui s’est déroulé loin du sol national. Publié en 1939 par Dalton Trumbo, le roman Johnny s’en va-t-en guerre (Johnny got his gun) traduit sur le long terme ce traumatisme : il met en scène le martyre d’un jeune soldat américain qui a perdu l’usage de tous ses membres et n’a plus pour lui que sa conscience. Ce livre dénonce la monstruosité de la guerre dans un contexte où les États-Unis répugnent à s’engager dans la Seconde Guerre mondiale. Dalton Trumbo en tirera un film sorti en 1971.

6. Pour la diplomatie comme pour les flux migra-toires, on peut parler d’un repli : les États-Unis pratiquent l’isolationnisme dans les domaines où c’est l’État qui agit, conformément aux vœux exprimés par l’opinion publique. Par contre, quand il s’agit d’initiative privée, notamment celle des entreprises, les États-Unis restent ouverts sur le monde : l’Amérique latine est une destination privilégiée des investissements des firmes nord-américaines.7. La croissance des investissements américains en Amérique du Sud dans les années 1920 (en millions de dollars)

0

100

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Argentine Bolivie Brésil Chili Colombie Pérou Uruguay Venezuela

200

300

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700

Dans tous les cas, la croissance des investisse-ments américains est exponentielle. Trois desti-nations se distinguent : l’Argentine, en plein essor économique depuis la fin du xixe siècle, est le partenaire privilégié ; le Brésil apparaît comme la deuxième destination, mais il faut rapporter

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prêt-bail de mars 1941). Il ne fait guère allusion à l’isolationnisme qu’il a pratiqué durant les années 1930 mais conclut qu’il est désormais impossible de s’y cantonner (cf. 3e paragraphe). En ce sens, l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale représente un tournant décisif dans l’his-toire du xxe siècle, puisqu’ils ne renonceront plus jamais à jouer un rôle de premier plan dans les relations internationales, durant la guerre froide comme après qu’ils en seront sortis victorieux.

dOssier 2 pp. 184-187

Les États-Unis à la tête du « monde libre » (1941-1991)

QUESTIONS (p. 185)

1. Cette photographie où le vieux continent accueille avec enthousiasme les soldats venus du nouveau monde rappelle la haie d’honneur faite au président Wilson à Versailles le 28 juin 1919 (cf. doc. 3 p. 180). La gratitude à l’égard des États-Unis paraît cette fois plus spontanée, mais dans les deux cas ce sont des jeunes femmes, incarnation de la France, qui se trouvent mises en scène.

2. De Gaulle évoque successivement trois élé-ments de puissance pour les États-Unis : la convic-tion d’être investis de la mission de prendre en main les destinées du monde libre ; une puissance économique d’autant plus grande que le territoire national a été épargné par les destructions qui ont frappé l’Europe ; la supériorité stratégique confor-tée par le monopole de l’arme nucléaire qui vient d’être utilisée à Hiroshima.

3. La cérémonie de capitulation japonaise met en scène la puissance américaine. Elle a lieu sur le pont de l’USS Missouri, un cuirassé plus moderne et plus puissant que ceux qui avaient été cou-lés à Pearl Harbor. Ses canons servent d’arrière-plan pour la photographie de la cérémonie. Tout autant que les plénipotentiaires japonais, la scène est destinée à impressionner les alliés des États-Unis, y compris l’Union soviétique avec qui l’en-tente n’est plus guère cordiale à cette date.

4. Les différentes alliances contractées par les États-Unis constituent une sorte de cordon pro-tecteur déployé autour du monde communiste accusé d’expansionnisme. C’est la concrétisa-tion géostratégique du containment (endigue-

par trois. À la veille de la Seconde Guerre mon-diale, les exportations américaines, facilitées par la dévaluation du dollar de janvier 1934, repartent à la hausse mais les importations restent à un niveau plus modeste.

3. L’unilatéralisme est l’attitude d’un État agis-sant seul sur la scène internationale, sans concer-tation avec la communauté internationale. Cette dernière est réunie en juin 1933 à la conférence de Londres mais le représentant des États-Unis en claque la porte : après avoir choisi de mener une politique de relance, Roosevelt dévaluera le dollar, intensifiant ainsi la guerre des monnaies.

4. Les images du 7 décembre 1941 sont parti-culièrement spectaculaires car le raid aérona-val japonais a touché plusieurs grands cuiras-sés. L’USS Arizona a explosé, entraînant dans sa perte près de 1 200 marins, l’USS Oklahoma a chaviré... La photographie représente le sauve-tage des hommes du cuirassé USS West Virginia environné de flammes. Le traumatisme est d’au-tant plus grand que l’opinion publique était iso-lationniste : elle bascule d’un seul coup dans la guerre. L’avenir montrera que la valeur militaire de ces vieux navires était modeste et que la puis-sance navale des États-Unis reposait d’abord sur ses porte-avions épargnés par l’attaque.

5. « Nous devons faire face à la grande tâche qui est devant nous en abandonnant immédiatement et pour toujours l’illusion que nous pourrions jamais nous isoler une nouvelle fois du reste de l’humanité. »

6. Les années 1930 (cf. doc. 1 à 3) constituaient le prolongement, étendu à la dimension écono-mique, du protectionnisme mené dans les années 1920 par les administrations républicaines. En décembre 1941, le retournement est complet puisque la présidence et l’opinion publique se retrouvent sur une position diamétralement oppo-sée, au lendemain de l’attaque japonaise (cf. doc. 3 et 4).

PRÉPA BAC. Ce discours est prononcé deux jours après l’attaque surprise des Japonais sur Pearl Harbor. Roosevelt laisse entendre que son pays s’est déjà engagé indirectement dans la Seconde Guerre mondiale en bâtissant une indus-trie d’armement et en fournissant à la Grande Bre-tagne puis à l’URSS les équipements dont elles ont besoin pour résister à l’Allemagne nazie (loi

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Cette situation contraste singulièrement avec l’opulence qui règne aux États-Unis, où tous les problèmes hérités de la crise des années 1930 ont été résolus. Au bilan humain et matériel, il faut ajouter le bilan psychologique. Le pessimisme foncier développé en Europe par l’existentia-lisme qu’elle défend auprès de Jean-Paul Sartre contraste singulièrement avec l’optimisme et la capacité des Américains à construire un monde nouveau, qu’elle évoque dans les dernières lignes de ce texte.

3. Le jeans inventé au xixe siècle par Levi Strauss à destination des chercheurs d’or du Nevada est devenu le signe de ralliement de la jeunesse occi-dentale à l’American way of life. Au-delà de la recherche de confort, on peut y voir un marqueur identitaire, signe de l’adhésion à une forme de culture populaire proposée par les États-Unis. La santiag correspond à un type de botte initialement porté par les cowboys du Far-West. L’étoile et les bandes font explicitement référence au drapeau des États-Unis.

4. L’image des États-Unis a été détériorée par les modalités de leur intervention dans le cadre de la guerre du Vietnam (1973-1974) : une large par-tie de l’opinion publique mondiale leur reproche d’avoir utilisé sans discernement un arsenal mili-taire (tapis de bombes, défoliants, napalm, etc.) dont les civils ont été les principales victimes. De plus, les États-Unis se sont révélés incapables d’at-teindre les objectifs stratégiques qu’ils s’étaient fixés puisque le Vietnam a été réunifié en 1975 au profit du Nord communiste.

5. La saisie du mot « Watergate » sur les princi-paux moteurs de recherche en ligne conduit à des pages qui détaillent les différentes implications de ce scandale. Cette affaire d’espionnage élec-toral conduit à la découverte de multiples pra-tiques illégales de la part de la Maison blanche au début des années 1970. L’image du pays se trouve d’autant plus affaiblie que les États-Unis ont violé les principes démocratiques au nom des-quels ils se battent dans le contexte de la guerre froide. Le président Richard Nixon est conduit à démissionner en 1974.

6. Cette caricature souligne la dépendance pétro-lière des États-Unis (Oil dependance). Un émir représente les pays arabes exportateurs de pétrole qui viennent de multiplier par quatre le prix de

ment) évoqué par Truman en 1947, aux origines de la guerre froide.5. La conquête de la Lune a une portée symbo-lique puisqu’elle est censée effacer l’humiliation ressentie en 1957, quand les Soviétiques avaient été, avec Spoutnik, les premiers à lancer un satel-lite artificiel dans l’espace. Mais la compétition spatiale a aussi un intérêt militaire : la maîtrise de la technologie des fusées est indispensable pour assurer le lancement des missiles à tête nucléaire construits en grand nombre par les deux super-puissances dans le cadre de la course aux arme-ments.6. L’USS Missouri a été utilisé dans le cadre de la guerre de Corée (1950-1953) puis pour des bom-bardements côtiers lors de la guerre du Vietnam (1964-1973). Un moment désarmé, il a été remis en service et équipé de missiles de croisière, pour partie équipés de charges nucléaires, durant la dernière période de tensions de la guerre froide. À la toute fin de celle-ci, il a été utilisé une der-nière fois lors de la guerre du Golfe (1991). Au terme de sa carrière de navire de combat au sein de l’US Navy, il a été transformé en musée flot-tant, aujourd’hui à l’ancre dans la rade de Pearl Harbor.

PRÉPA BAC. Cf. cahier BAC, p. XIX.

QUESTIONS (p. 187)

1. Cette série télévisée au ton léger a connu un immense succès dans l’ensemble du monde occi-dental. Même si elle est d’abord un spectacle plaisant, elle constitue aussi une vitrine pour des États-Unis quelque peu idéalisés. Samantha et Jean-Pierre Stephens forment un couple modèle vivant dans une maison typique des suburbs des grandes villes américaines. La petite famille est totalement dépourvue de soucis matériels puisque la société de consommation lui assure un niveau de vie confortable. Les problèmes de Jean-Pierre, simple mortel, se limitent donc à la complexité des relations qu’il entretient avec une belle-mère légèrement envahissante, Endora, par ailleurs douée de talents de sorcellerie, tout comme sa fille Samantha et sa petite-fille Tabatha.

2. Simone de Beauvoir a vécu la Seconde Guerre mondiale dans une Europe occupée et réduite à la misère. Dans les années qui suivent, le vieux continent peine à se relever de ses ruines : en France, le pain est rationné jusqu’en mars 1949.

Chapitre 6 Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918) 67

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68

COurs 1 pp. 188-189

L’affirmation des États-Unis comme superpuissance (1918-1991)

DocuMEnT 1

C’est à l’issue de la Première Guerre mondiale que les États-Unis sont devenus un pays crédi-teur qui place des capitaux dans le monde entier (cf. partie A).

C’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale que les accords de Bretton Woods (1944) font du dollar le pivot du Système monétaire internatio-nal (cf. partie B).

DocuMEnT 2

La dizaine de porte-avions géants à propulsion nucléaire dont disposent les États-Unis à la fin du xxe siècle leur permet de projeter une force aérienne considérable dans toutes les régions de la planète.

Au moment de la guerre du Golfe (1991), aucun pays n’est capable de déployer un arsenal compa-rable. L’URSS de Gorbatchev a renoncé à rivali-ser avec la puissance américaine et elle disparaî-tra à la fin de l’année.

dOssier 3 pp. 190-191

Depuis 1991, un autre rapport au monde

QUESTIONS (p. 191)

1. Au lendemain de l’invasion du Koweit par l’Irak de Saddam Hussein, les États-Unis ont pris la tête d’une vaste coalition internationale avec un mandat des Nations Unies. Leur large supériorité technologique leur a assuré une vic-toire militaire facile. Les combats ont pris fin le 27 février 1991. La caricature de Plantu, réalisée dans ce contexte, souligne le caractère écrasant de la victoire, mais en réalité aucun problème n’est durablement réglé. Le Koweit est libéré mais Saddam Hussein reste en place en Irak. La question israélo-palestinienne n’a pas trouvé de solution. Les États-Unis implantent durablement des troupes au Moyen-Orient mais cette présence entraîne des dépenses que le pays aura du mal à supporter à terme. De plus, elle fait naître des rancœurs qui contribueront au développement du terrorisme.

l’or noir lors du premier choc pétrolier. « Inflation élevée » (High inflation) désigne un des princi-paux dérèglements économiques dont souffre le pays dans les années 1970. « Un dollar faible » (a weak dollar) fait référence à la dépréciation de la monnaie américaine liée à la fin de sa convertibi-lité en or (1971) et de son rôle de pivot du Sys-tème monétaire international. Le « retard dans le domaine de la recherche » (research lag) fait probablement référence à l’avancée rapide dans ce domaine du Japon, qui est incarné par le petit personnage au premier plan. L’adversaire le plus facile à identifier est l’URSS (l’ours), face à laquelle les États-Unis seraient fragilisés par leur « désunion » (disunity).

7. À l’effacement américain des années 1970, il est facile pour Reagan d’opposer un volonta-risme affirmé. Cette affiche de propagande élec-torale s’appuie sur les valeurs quelque peu idéa-lisées de l’Amérique traditionnelle : les bandes rouges du drapeau se détachent sur un fond sépia, comme si elle avait toujours été un pays exerçant sa puissance à l’échelle de la planète.

PRÉPA BAC. La hantise du déclin est consubs-tantielle à l’exercice de la puissance par les États-Unis. Elle s’était déjà manifestée dans les années 1950, lorsque la satellisation du Spoutnik leur avait donné l’impression d’être dépassés par l’URSS au plan technologique. La couverture de cet hebdomadaire présente une caricature qui reflète le sentiment de l’opinion publique améri-caine à la fin des années 1970. Cette fois, c’est le Japon qui est réputé susceptible de dépasser les États-Unis dans le domaine des nouvelles tech-nologies. Les États-Unis semblent incapables de juguler les désordres économiques qui touchent leur monnaie avec la fin du système de Bretton Woods. La couverture de l’US News souligne la dépendance énergétique du pays, particulière-ment sensible après le premier choc pétrolier. Le document ne fait pas explicitement référence à la dégradation de l’image des États-Unis dans le monde consécutivement à la guerre du Vietnam ou au scandale du Watergate, mais il présente un ours en embuscade, l’URSS qui ne peut que pro-fiter de l’affaiblissement de l’oncle Sam. C’est sur ce sentiment que jouera Ronald Reagan lors des élections présidentielles de 1980 et 1984, en promettant un retour des États-Unis au devant de la scène mondiale.

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power montre ses limites dans la mesure où l’ar-mée américaine échoue à contrôler efficacement l’Irak mais aussi l’Afghanistan. Le soft power est profondément atteint dans la mesure où l’opinion publique mondiale prend ses distances par rap-port à l’Amérique de George Bush. Le capital de sympathie dont disposaient les États-Unis au len-demain des attentats du 11 septembre a ainsi été gaspillé.

PRÉPA BAC. Cet éditorial est publié au tour-nant du xxie siècle, au moment où il paraît pos-sible de dresser un bilan rétrospectif. Il reprend en titre, mais avec un point d’interrogation, la formule qu’avait pour la première fois employée un journaliste américain, Henry Luce, en 1941. Il insiste surtout sur la capacité d’innovation sans cesse réaffirmée des États-Unis. Le premier élé-ment de supériorité réside dans leur puissance technologique et économique. Les années Reagan ont affirmé leur puissance géostratégique puisque les États-Unis sont sortis victorieux de la confron-tation avec l’URSS. La capacité de séduction de leur modèle de société et de leurs valeurs consti-tue une forme de puissance non contraignante, le soft power. Au premier janvier de l’an 2000, ces éléments constitutifs de l’hyperpuissance, selon le terme popularisé par Hubert Védrine, semblent ouvrir la voie à un nouveau « siècle américain ». Moins que les attentats du 11 septembre par eux-mêmes, c’est l’inadéquation de la réponse que les États-Unis apporteront au terrorisme qui contri-buera à leur affaiblissement au sein d’un monde devenu multipolaire.

QUESTIONS (p. 193)

1. Depuis l’époque de Ronald Reagan, la dette publique des États-Unis a augmenté en raison de la croissance des dépenses militaires, des baisses d’impôt décrétées par les différentes administra-tions républicaines, de la montée des intérêts pro-portionnellement au volume de l’endettement et, plus récemment, en raison de la crise financière de 2008.

2. À titre de référence, le 17 avril 2012, le volume de la dette publique était de 15 665 635 418 525 dol-lars, celui de la dette totale de 57 322 212 600 276 dollars (cf. capture d’écran page 70).

3. Dominique Seux distingue deux aspects de la responsabilité américaine : l’obsession du profit à

2. Windows 95 (Windows 4.0) marque une étape décisive par rapport aux versions précédentes de ce système d’exploitation. L’amélioration spec-taculaire de son environnement graphique en fait un produit facilement accessible aux particuliers : en quelques mois, il devient le plus populaire des systèmes d’exploitation. Comme Microsoft a passé des contrats d’exclusivité avec les prin-cipaux fabricants d’ordinateurs, Windows 95 a été préinstallé sur l’immense majorité des PC construits entre 1995 et 1998, ce qui lui assure un quasi-monopole.

3. Cet éditorial évoque trois éléments de supé-riorité. La puissance géostratégique est illus-trée par la victoire sur l’URSS (ligne 10) à l’is-sue de la guerre froide. La capacité d’innovation se retrouve dans la mise au point des « armes du futur », la maîtrise d’Internet (ligne 7) et plus géné-ralement dans le domaine de la recherche (60 % des Nobel). Le rayonnement culturel facilite le brain drain (ligne 13) et constitue l’élément clé du soft power. Les États-Unis apparaissent alors comme la seule puissance complète.

4. Les éléments de la puissance militaire appar-tiennent au domaine du hard power. Celui-ci donne en principe à un pays les moyens d’im-poser sa décision par la menace ou par la force.

5. Les macarons brandis par cette jeune Philip-pine mettent en avant la « stupidité » du recours à la force militaire et dénoncent George Bush comme le « terroriste numéro un ». Est ainsi sou-ligné le fait qu’en 2003 les États-Unis accusent sans preuve Saddam Hussein d’avoir aidé Ben Laden à perpétrer les attentats du 11 septembre 2001, envahissent l’Irak sans avoir obtenu de mandat des Nations Unies et favorisent ainsi le renforcement d’un terrorisme qu’ils prétendent combattre.

6. Le Patriot Act a ouvert la voie à des pratiques de détention arbitraire hors de tout cadre légal : ni la loi des États-Unis ni les lois internationales ne sont alors respectées. Il a débouché sur l’em-ploi de la torture, morale et physique, à l’égard des détenus. À titre d’exemple, la prison d’Abou Ghraib, à Bagdad, a été entre 2003 et 2006 un des théâtres les plus sinistres de ces pratiques.

7. Dans les années 1990, la combinaison du hard et du soft power assure l’apparente hyperpuissance des États-Unis. Au début des années 2000, le hard

Chapitre 6 Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les 14 points de Wilson (1918) 69

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6. Le « nouveau départ » de la politique étrangère proclamé par Obama ne conduit pas à renoncer à la force militaire mais à l’exercer dans le cadre du multilatéralisme, en accord avec la commu-nauté internationale.

7. Les discours du président et de sa secrétaire d’État montrent que les États-Unis fondent tou-jours leur action sur les mêmes outils : « un éven-tail de moyens politiques, économiques, militaires, légaux et culturels ». Le smart power consiste à combiner de façon harmonieuse les éléments du hard et du soft power.

PRÉPA BAC. Ce graphique présente l’évolution sur trente ans de la dette publique des États-Unis, essentiellement des bons du trésor qui ont été pla-cés contre intérêt auprès d’investisseurs américains ou étrangers. Sur la période, la dette publique passe d’un niveau proche de zéro à 15 000 mil-liards de dollars en 1911. Alors que les adminis-trations républicaines de Ronald Reagan ou de George W. Bush mettaient en œuvre un vaste pro-gramme de diminution de la fiscalité conforme à leurs options idéologiques, ils n’ont pas hésité à développer les dépenses militaires. Dans les années 1980, il a fallu financer la dernière phase

court terme de la part de Wall Street (cf. 4e para-graphe) et le refus par l’administration Bush de sauver de la faillite la banque Lehman Brothers en 2008 (cf. 1er paragraphe).4. Dans le cadre du rêve américain, les classes moyennes tiennent une place centrale. Depuis le début du xxe siècle, l’american way of life, popu-larisé par le cinéma ou la télévision (cf. doc. 1 p. 186), est un élément essentiel de la fascina-tion exercée par les États-Unis. Qu’une bonne part des Américains moyens soient menacés de déclassement affaiblit considérablement l’image du pays.

5. L’adresse électronique qui figure au-dessus de la porte de cette boutique est celle d’un site de vente en ligne de t-shirts. On comprend mieux alors la présence d’un Obama en costume de Superman. Le contexte de son élection, la fin de l’année 2008, est marqué à la fois par la crise financière qui touche de plein fouet le pays et le discrédit international résultant de la politique étrangère menée par George W. Bush durant ses deux mandats. Cette représentation illustre l’am-pleur de la tâche à laquelle se trouve confronté le nouveau président.

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breux soldats américains ont été victimes d’at-tentats ou d’embuscades. L’administration Bush a alors proscrit les images de cadavres ou d’ob-sèques des soldats tués en opération pour éviter ce qui s’était déjà produit lors de la guerre du Vietnam, une démotivation ou un retournement de l’opinion publique américaine.

La présidence Obama est en charge d’une dette publique qui dépasse 15 000 milliards de dol-lars, et l’armée des États-Unis se trouve engagée dans deux conflits (Afghanistan et Irak). L’ina-déquation des moyens qu’elle met en œuvre lui interdit d’atteindre les objectifs fixés par George Bush dans le cadre de la guerre qu’il avait décla-rée au terrorisme.

cinéma & histoire pp. 196-197

Le cinéma, agent du soft power américain dans le monde

E.T. l’extra-terrestre, Steven Spielberg, 1982

QUESTIONS

1. Les photographies du dossier (cf. doc. 2 à 5) et leurs légendes permettent d’amorcer l’analyse du film comme révélateur des valeurs et du mode de vie américains. E.T. cible les adolescents du monde entier et leur offre un modèle de vie. De l’American dream le film exprime l’idéal de la famille traditionnelle unie, les droits à la liberté et l’égalité, les principes de tolérance, d’accueil de l’étranger et d’acception des différences. Les métaphores religieuses sont voyantes du début à la fin, jusqu’au message de paix et d’espoir déli-vré par E.T. avant son « ascension ». Le mode de vie et le standing de la classe moyenne sont présentés comme un modèle enviable : habitat en maisons individuelles confor-tables dans les suburbs, importance du garage et des voitures, types de loisirs, mode de consom-mation alimentaire (métaphore du réfrigérateur abondamment rempli).

2. Le cinéma de Spielberg, comme une grande partie du cinéma hollywoodien, donne de l’Amé-rique une image ambigüe. Il prône un modèle tout en portant sur lui un regard critique, confrontant rêve et réalité, idéal et pratique. À la fois miroir et vitrine de l’american way of life, son œuvre

de la course aux armements, notamment l’Initia-tive de défense stratégique, plus connue sous le nom de « guerre des étoiles ». La guerre du Golfe a été un triomphe militaire pour les États-Unis, mais ils se sont aperçus à cette occasion que la guerre high tech coûte très cher. Les interven-tions en Afghanistan (2001) puis en Irak (2003) ont été d’autant plus coûteuses que les troupes américaines s’y sont enlisées durablement, met-tant en œuvre des armes sophistiquées mais glo-balement inefficaces dans le cadre de conflits asymétriques. La croissance de cet endettement s’est auto-entretenue en raison du poids gran-dissant des intérêts à verser. La crise financière de 2008 l’a porté à des niveaux astronomiques. Paradoxalement, l’exercice de l’hyperpuissance a contribué à un affaiblissement des États-Unis, notamment en les plongeant dans une forme de dépendance à l’égard de leurs créanciers étran-gers, chinois en particulier. Ceci sans compter la dette privée, presque trois fois plus importante.

COurs 2 pp. 194-195

Les États-Unis au sein d’un monde multipolaire : la puissance mise au défi

DocuMEnT 1

L’iPhone d’Apple révèle d’abord la persistance de la capacité d’innovation des États-Unis, notam-ment dans le domaine des NTIC. La frénésie qu’il y a à remplacer au bout de quelques mois un appareil que la communication d’Apple veut faire passer pour obsolète révèle que le modèle américain de la société de consommation reste plus vivace que jamais. La localisation en Chine de cette photographie indique que, pour certains aspects, la mondialisation ressemble encore à une américanisation. Internet reste globalement dominé par les États-

Unis : ce sont des instances américaines qui dis-tribuent les noms de domaine, les adresses IP et déterminent les évolutions techniques du réseau. Le système de géolocalisation GPS a été déve-loppé par le département américain de la défense : son principal centre de contrôle est situé à Colo-rado Springs.

DocuMEnT 2

Après que les États-Unis eurent pris pied en Afghanistan (2001) et en Irak (2003), de nom-

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un instrument de l’américanisation de l’Europe, à l’heure du Plan Marshall ;– Les Dix Commandements, Cecil B. de Mille (1956). Tiré de la Bible, le film est la mise en images du récit de l’Exode et l’illustration par excellence de la dimension religieuse de l’ame-rican dream (In God we trust ; mythe de la terre promise et du peuple élu par Dieu). L’allégorie de la lutte de la liberté contre l’oppression, en l’occu-rence le totalitarisme, en fait un film de la guerre froide. Le gigantisme des moyens utilisés (figu-rants, décors, trucages comme l’ouverture de la Mer Rouge) donna aux spectateurs la mesure de la puissance inégalable de l’industrie cinémato-graphique, et de l’économie américaine en géné-ral, au cœur des Trente Glorieuses ;– 2012, Roland Emmerich (2009). Comme Inde-pendence day (1996), du même réalisateur, ce film-catastrophe exprime, avec une distance qu’il revient au spectateur d’évaluer, la « destinée mani-feste » des États-Unis qui, par leur puissance technologique et leurs valeurs (famille, melting pot, religion), sauvent in extremis l’humanité de l’apocalypse : une vision du rôle revendiqué par les États-Unis dans la mondialisation au début du xxie siècle face au défi des pays émergents (Chine, etc.).

vers le baC pp. 200-201

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Les États-Unis et le monde de 1941 à 1991Cf. Cahier BAC, p. VIII.

Les États-Unis et l’Europe : 1918-1991Le sujet invite avant tout à trier parmi les connais-sances disponibles. On peut envisager un plan mixte mêlant approches chronologique et thématique.

I. Dans la première moitié du xxe siècle, les États-Unis hésitent à intervenir durablement en Europe.A. Leur intervention militaire sur le sol européen durant la Première Guerre mondiale permet à Wil-son de s’impliquer pour l’établissement de la paix.B. Mais dans les années 1920 et 1930, les États-Unis tournent le dos à l’Europe.

II. La Seconde Guerre mondiale leur donne l’occasion d’établir un lien géopolitique solide avec l’Europe occidentale.

en expose les attraits et les disfonctionnements. Dans E.T., l’aventure du jeune garçon est d’au-tant plus merveilleuse qu’elle lui fait échapper à la monotonie d’une vie banlieusarde routinière et anesthésiante et aux comportements négatifs des adultes montrés au mieux comme confor-mistes, au pire comme peureux, xénophobes ou violents. Le père a quitté le foyer ; les policiers et les scientifiques abusent de leurs pouvoirs. La filmographie de Spielberg est exception-nellemnt abondante – une quarantaine de films comme réalisateur ; une soixantaine comme pro-ducteur. Elle peut se diviser en périodes, l’évolu-tion de son œuvre n’étant pas sans rapport avec celle de la conjoncture géopolitique :– les années 1960-1970, celles de la remise en cause du modèle à l’extérieur comme à l’inté-rieur ; les premiers films de Spielberg sont lourds de fantasmes et de peurs : Duel (1971), Les Dents de la mer (1975) ;– les années 1980-1990, America is back, la puis-sance réaffirmée sous Reagan ; pour Spielberg, c’est la mise en place d’un empire de l’enter-tainment, américain et mondial, et de ses plus grands succès : la série des Indiana Jones (à par-tir de 1981), E.T. (1982), Jurassik Park (1993), Il faut sauver le soldat Ryan (1998) ;– depuis 2001, les États-Unis affaiblis après le 11 septembre ; le pessimisme de Spielberg devient plus net : La Guerre des mondes (2005) a été ana-lysé par Antoine Debaecque comme « le premier film défaitiste d’un cinéma habitué aux triomphes [...], un tombeau pour l’Amérique contemporaine » (L’Histoire-caméra, Gallimard, 2008).

3. Dans le déclenchement du phénomène de dif-fusion mondiale du cinéma hollywoodien, le rôle majeur revient à Charlie Chaplin (dès 1917-1918) et à Walt Disney (Blanche-Neige, 1937). Les films américains restés célèbres par le nombre de spectateurs qu’ils ont eus dans le monde et par leur impact culturel, voire politique (soft power), sont légion.Quelques exemples :– Autant en emporte le vent, Victor Fleming (1939). Réalisé avant la guerre et acclamé aux États-Unis, il connut une seconde carrière à la Libération auprès du public européen, sevré de films américains pendant quatre ans et subju-gué par l’ampleur, la couleur, l’histoire de cette œuvre essentielle de la culture américaine. Il fut

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C. La culture populaire américaine devient la référence du monde occidental.

III. À la fin du xxe siècle, les États-Unis font figure d’hyperpuissance.A. Ils sortent vainqueurs de la guerre froide.B. Leur puissance géostratégique ne semble plus avoir de limites.C. La mondialisation ressemble à une américa-nisation.

vers le baC pp. 202-203

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE dE dOcUmENT

I. Présentation du documentA. Le début des années 1960 constitue le cœur de la guerre froide, durant laquelle les États-Unis sont le chef de file du monde occidental.B. Cette carte est la traduction géostratégique de la politique de containment initiée par Truman.

II. L’Europe est au cœur du système géostra-tégique développé par les États-Unis.A. L’OTAN revêt un caractère transatlantique.B. Des bases militaires sont implantées en Europe et dans sa périphérie.C. Les États-Unis y sont directement au contact du bloc soviétique.

III. L’influence américaine est étendue à l’échelle de la planète.A. Le réseau d’alliances traduit une stratégie d’en-veloppement du monde communiste.B. Des flottes stratégiques sont disposées sur tous les océans de la planète.C. Les États-Unis mènent une politique d’implan-tation dans le tiers-monde.

A. Les États-Unis prennent une part active dans la libération de l’Europe.B. Une partie de l’Europe est intégrée au bloc occidental.III. Dans la seconde moitié du xxe siècle, leur capacité de séduction leur permet de renfor-cer le lien qu’ils entretiennent avec l’Europe.A. Au lendemain de la Seconde Guerre mon-diale, l’Europe est économiquement dépendante des États-Unis.B. La culture populaire européenne est progres-sivement imprégnée des valeurs américaines.

Peut-on dire du xxe siècle qu’il a été le siècle américain ?La connaissance et la citation du texte d’Henry Luce ne sont pas indispensables pour traiter ce sujet. Le cadre chronologique dispense d’aborder avant la conclusion les attentats du 11 septembre et la remise en cause de l’hyperpuissance. Un plan chronologique s’impose de toute évidence.I. Dans la première moitié du siècle, les États-Unis hésitent à assumer les responsabilités que leur confère leur puissance.A. Ils rompent provisoirement avec l’isolation-nisme durant la Première Guerre mondiale.B. Ils retournent à l’isolationnisme durant les années 1920 et 1930.C. La Seconde Guerre mondiale les fait entrer définitivement dans les affaires du monde.II. À l’époque de la guerre froide, ils se pla-cent à la tête du monde libre.A. Face à l’URSS, ils construisent le bloc occi-dental.B. Leur modèle économique sert de référence à l’Ouest.

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Chapitre

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reconquête de sa puissance (1949 à nos jours) », pp. 208-209.– Cartes interactives : « La mainmise étrangère sur la Chine au début du xxe siècle », p. 207 ; « Le contexte géopolitique régional de la Chine aujourd’hui », p. 209.– Vidéos : « Les manifestations sur la place Tie-nanmen, 17 mai 1989, © INA Jalons », p. 211 ; « La présence chinoise en Afrique, Midi 2, Antenne 2, 22 décembre 1982, © INA », p. 214 ; « Le match Pékin-Washington, 1er avril 1971, © Gaumont Pathé Archives », p. 215 ; « Le conflit sino-japonais, 10 février 1932, © Gaumont Pathé Archives », p. 216.– Diaporamas : « Mao Zedong : quand la propa-gande sert le culte de la personnalité », p. 216 ; « Lutter contre les Japonais, unis ou divisés », p. 216 ; « La naissance du nationalisme chinois : les Chinois contre l’occupation européenne », p. 216 ; « Quand les dirigeants chinois s’affichent avec l’ancien ennemi américain », p. 217.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 230 ; « Notions clés », p. 230 ; « Personnages clés », p. 230.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 204-205

Les deux documents proposés encadrent la période et peuvent être utilisés pour montrer que la Chine passe du statut de puissance dominée et humi-liée à la fin du xixe siècle (le mandarin impuis-sant face au découpage du « gâteau chinois ») à celui de puissance mondiale (avec le succès de l’Exposition universelle de Shanghai de 2010). Sur la caricature du Petit Journal illustré, on peut faire identifier les principaux personnages par les élèves (de gauche à droite : la reine Victo-ria, Guillaume II, Nicolas II, Marianne et un Japo-nais représentant la dynastie Meiji). La scène et la légende permettent de rappeler dans quel contexte

Manuel, pp. 204-235

Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 19197

I. Les choix du manuelLe chapitre s’intègre dans le troisième thème du programme : « Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours ». Dans la question « Les chemins de la puissance », après avoir étudié la puissance du xxe siècle – les États-Unis –, le programme invite à se pencher sur le cas de la puissance la plus dynamique du début du xxie siècle – la Chine. Comme pour les États-Unis, il s’agit d’étudier les rapports entre la Chine et le reste du monde depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Les profondes mutations qui touchent « la politique intérieure » de la Chine (guerres civiles, grand Bond en avant, révolution culturelle, etc.) appa-raissent en filigrane tout au long du chapitre, dans la mesure où elles influencent la politique étran-gère chinoise, mais leur étude n’est pas au pro-gramme. L’objectif de ce chapitre est de mettre en évi-dence la reconquête progressive de sa puissance par la Chine tout au long du xxe siècle. Nous avons, pour cela, insisté sur ses rapports avec les autres grandes puissances :– européennes et japonaise, dans la première moi-tié du xxe siècle ;– soviétique et américaine, pendant la guerre froide. Nous avons aussi insisté sur les choix de la Chine en matière de politique étrangère, notam-ment sur ses rapports avec les pays du tiers-monde. L’étude de la puissance chinoise aujourd’hui permet de mettre en lumière la fascination qu’elle exerce dans le monde mais aussi les peurs qu’elle génère chez ses voisins et dans les pays « occi-dentaux ».

II. Les outils complémentaires– Frises interactives : « Une Chine divisée et affaiblie (début xxe siècle-1949) », pp. 206-207 ; « Une Chine politiquement réunifiée à la

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grandes puissances démographiques ou écono-miques y cohabitent : Chine, Russie, Inde et Japon. Les États-Unis sont très présents de part leurs alliés et leurs bases militaires. La Chine, l’Inde, le Pakistan, la Russie, la Corée du Nord sont des puissances nucléaires.

2. L’espace himalayen est une région convoitée : Tibet, problème frontalier avec l’Inde, etc. En mer de Chine méridionale, les conflits sont nom-breux : problème de zone économique exclusive (ZEE), rivalités entre les États pour le contrôle des ressources gazières et pétrolières. Le pro-blème de Taiwan demeure entier aujourd’hui et peut faire craindre, à court ou moyen terme, un conflit entre « les deux Chines ». Enfin, la Corée du nord, toujours en conflit avec son voisin du sud, est une autre source potentielle de très fortes tensions aux frontières de la Chine. En revanche, les conflits frontaliers avec la Russie semblent être aujourd’hui apaisés.

3. L’Organisation de coopération de Shanghai a été créée en 2001, notamment pour régler les conflits frontaliers potentiels après l’éclatement de l’URSS et l’apparition de nouveaux pays en Asie centrale. Cette organisation prend de l’am-pleur (de nombreux pays sont aussi observateurs comme l’Inde ou le Pakistan) et encourage égale-ment la coopération économique dans la région. Elle est aussi conçue par la Chine et la Russie pour être un contrepoids à l’influence militaire américaine dans la région avec, par exemple, l’or-ganisation de manœuvres militaires communes.

dOssier 1 pp. 210-211

Le 4 mai 1919 : un événement dans l’histoire chinoiseL’objectif de ce dossier est d’apporter un éclai-rage sur cette date mal connue en France mais qui correspond pour les historiens chinois au réveil du nationalisme chinois et au début du xxe siècle. Cette étude de documents est ainsi conçue de façon à appréhender la notion d’événement, fondamentale pour l’historien, qui caractérise une rupture. Aujourd’hui encore, le 4 mai est la fête de la jeunesse en Chine.

QUESTIONS

1. En 1919, la jeune république chinoise est un régime fragile. Confrontée aux rivalités de pou-

la Chine perd sa souveraineté sur de nombreux ter-ritoires au xixe siècle, lors des « traités inégaux ». La photographie du pavillon chinois de l’Ex-position universelle permet de mettre en avant la puissance de la Chine au début du xxie siècle, dans toute sa complexité : à la fois dernière grande puissance communiste (drapeau rouge) et pays moderne (originalité de l’architecture du pavillon).

repères pp. 206-207

Une Chine divisée et affaiblie (début xxe siècle-1949)QUESTIONS

1. Cette question permet de montrer l’importance des zones d’influence aux mains des grandes puis-sances industrielles européennes et des Japonais au début du xxe siècle. Il ne s’agit pas d’occu-pation militaire à proprement parler mais plus de privilèges fiscaux et commerciaux accordés après les guerres de l’Opium. Au nord comme au sud, ces puissances cohabitent souvent pacifiquement, comme c’est le cas à Shanghai par exemple. Il existe toutefois des rivalités économiques pour le contrôle de l’énorme marché chinois mais aussi des rivalités politiques, notamment au moment de la Première Guerre mondiale entre les terri-toires sous contrôle allemand et les autres puis-sances, toutes engagées avec la Triple Entente.

2. Les manifestants de 1919 réclament la rétro-cession de tous les anciens territoires allemands à la jeune république chinoise, en vertu de l’aide apportée par la Chine à la Triple Entente pendant la guerre. Or le projet du traité de Versailles connu à Pékin au début du mois de mai 1919 accorde au Japon une grande partie de la zone d’influence allemande, ce qui provoque la colère des étu-diants et des intellectuels chinois. Plus généra-lement, les manifestants protestent contre « l’im-périalisme » des grandes puissances étrangères.

repères (suite) pp. 208-209

Une Chine politiquement réunifiée à la reconquête de sa puissance (1949 à nos jours)QUESTIONS

1. On se rend bien compte de l’importance stra-tégique de la région avec cette carte. Plusieurs

Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 75

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létariat chinois « conscient de sa force politique et indépendant ». À ce titre, le 4 mai est choisi dès 1949 par la Chine populaire comme la date de la fête de la jeunesse et célébré chaque année, comme le montrent le timbre (doc. 5) ou le monu-ment aux héros du peuple, place Tienanmen (cf. photographie p. 206). Le document 6 nous montre que cette date sonne aussi pour les milieux étudiants et intel-lectuels comme la date de l’émancipation du peuple chinois. Le 4 mai, les slogans favorables à la démocratie côtoient les slogans anti-impéria-listes. Les opposants chinois au régime actuelle-ment en place se réclament les héritiers de ces manifestations du 4 mai.

5. Ces documents permettent d’aborder la notion d’événement en montrant que le 4 mai 1919 est bien une rupture dans l’histoire chinoise, dans la mesure où il correspond à une importante mani-festation du nationalisme chinois. Pour les his-toriens chinois, le xxe siècle commence le 4 mai 1919. Il constitue aussi un événement dans le sens où il est repris et revendiqué par des groupes et des mémoires parfois concurrents : le parti com-muniste, qui y voit une émancipation des classes populaires (« le prolétariat » contre « la bourgeoi-sie ») mais aussi les opposants aux communistes, qui y voient un mouvement de révolte contre l’ordre établi.

6. Différents événements étudiés dans ce cha-pitre permettent de montrer l’importance de la place Tienanmen dans les mouvements populaires chinois du xxe siècle. Ils sont un bon résumé de la période :– manifestations étudiantes de 1919 ;– proclamation de la République populaire de Chine en 1949 ;– manifestations étudiantes de 1979 réclamant la cinquième modernisation ;– manifestations de 1989 durement réprimées par le pouvoir en place.

dOssier 2 pp. 212-213

La Chine à la tête de la révolution tiers-mondisteIl s’agit de montrer dans ce dossier que la jeune république populaire de Chine cherche à trouver sa place dans le monde, dans un contexte de décolo-

voir en interne et à l’occupation des puissances étrangères, elle est contrainte de s’engager dans la Première Guerre mondiale aux cotés de la France et de l’Angleterre. Elle livre plusieurs dizaines de milliers de travailleurs à ses alliés. Elle fait donc partie des vainqueurs en 1919 et ses représentants siègent à la conférence de paix de Paris, qui pré-pare le traité de Versailles.

2. L’article 130 du traité de Versailles stipule que les concessions allemandes doivent revenir à la Chine pour service rendu à la Triple Entente mais l’article 156 octroie la ville de Kiao-Tchéou, dans le Shandong, aux Japonais, qui font eux aussi partie des vainqueurs. Par ailleurs, la France et le Royaume-Uni conservent leurs privilèges dans leurs concessions. Pour les étudiants chinois et certains intellectuels, il s’agit d’une trahison des Occidentaux, ce qui entraîne les manifestations et le refus de la Chine de signer le traité de Ver-sailles. En 1921, le traité de Washington donnera gain de cause à la Chine et le Japon rendra ses possessions chinoises (pour un temps seulement).

3. Ce journal paraît dans la concession française de Shanghai, d’où le sous-titre en français. Cette revue est très importante dans le milieu intellec-tuel chinois de la fin des années 1910. Elle dif-fuse largement les idées « occidentalistes », non seulement libérales mais aussi marxistes. À partir de 1923, La Jeunesse deviendra la revue du parti communiste chinois. En effet, le mouvement du 4 mai dépasse largement le cadre d’une protesta-tion contre le traité de Versailles. Certains intel-lectuels, comme Chen Duxiu, qui ont étudié et vécu à l’étranger, veulent moderniser la Chine en prenant modèle sur l’Occident (comme c’est déjà le cas au Japon). Ils rejettent les valeurs tradition-nelles chinoises, comme le confucianisme, pour prôner le libéralisme. Ces positions « occidenta-listes » n’empêchent pas ces mêmes intellectuels de réclamer le départ des puissances étrangères de Chine.

4. Soucieux de rapprocher les luttes nationalistes de 1919 et la naissance du parti communiste en Chine, Mao Zedong s’emploie à démontrer les liens entre « la révolution mondiale » et le Mou-vement du 4 mai, qu’il situe dans la dynamique de la révolution d’Octobre de Russie. Pour lui, les manifestations du 4 mai consacrent le proléta-riat comme « dirigeant politique de la révolution démocratique ». C’est le déclic qui rend le pro-

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Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 77

7. Dans le contexte de la guerre froide, la jeune République populaire de Chine à la reconquête de sa puissance cherche à s’affirmer dans les rela-tions internationales. Elle se présente comme un exemple pour les pays dominés qui souhaitent s’émanciper de la tutelle européenne mais aussi américaine.

8. L’affiche est un des principaux vecteurs de l’idéologie et de la propagande chinoise car elle s’adresse, dans les années 1950 et 1960, à une population souvent illettrée. Pour l’historien, c’est un document intéres-sant : à la fois œuvre d’art et témoignage d’une idéologie à une époque donnée, l’affiche permet d’appréhender les idéologies du moment mais aussi leurs évolutions au travers d’une période plus longue.

dOssier 3 pp. 214-215

La Chine et l’affirmation d’une voie originaleDans les années 1960, la Chine à la recherche de sa puissance s’éloigne de l’URSS et propose un modèle de développement original aux pays du tiers-monde et aux autres pays socialistes. C’est la théorie du « troisième monde », symbo-lisée par l’action du ministre des Affaires étran-gères Zhou Enlai.

QUESTIONS

1. Cette question permet de faire l’analogie avec la notion de « tiers-monde », développée dans les années 1950, et de montrer que les pays nouvelle-ment émancipés sont au centre des enjeux et des rivalités entre les grandes puissances au cours des années 1960.

2. À partir de 1960, mais surtout après la rupture sino-soviétique de 1963, l’URSS est présentée dans tous les documents officiels chinois comme une menace, au même titre que les États-Unis. Les Chinois fustigent l’attitude russe en Europe de l’Est et dans les pays du tiers-monde et consi-dèrent la coexistence pacifique puis la détente comme un renoncement de l’URSS, une trahi-son. Les dirigeants chinois ont en fait peur d’un rapprochement américano-soviétique qui nuirait à la Chine en l’isolant encore plus sur la scène internationale.

nisation et de guerre froide. La Chine se présente comme un ancien pays dominé et humilié s’étant libéré et voulant servir de modèle aux pays qui cherchent à s’émanciper des tutelles étrangères.

QUESTIONS

1. La Chine populaire est un des pays qui a le plus utilisé l’affiche comme vecteur de sa pro-pagande. Celle-ci dépasse d’ailleurs parfois le cadre du peuple chinois, comme nous le prouve l’affiche traduite en plusieurs langues (cf. doc. 3).

2. Pour Zhou Enlai, la conférence de Bandung marque l’émergence d’un monde nouveau, capable grâce à son unité de « s’opposer au colonialisme » et allant s’engager dans une coopération multi-forme qui fera de lui un troisième monde (tiers-monde). Pour lui, la Chine a un rôle à jouer dans l’émergence et l’émancipation de ce tiers-monde.

3. Dans ces documents, la Chine s’oppose au colonialisme et donc principalement aux puis-sances européennes.

4. Pour Zhou Enlai, qui reprend l’argumentaire de Mao Zedong, la Chine est un pays du tiers-monde, qui a réussi à se libérer du « joug des impéria-listes » et qui doit, à ce titre, servir de modèle aux autres pays du tiers-monde. Elle doit pour cela les aider à se libérer de la tutelle des pays colo-nisateurs « partout en Asie et en Afrique ».

5. À la fin des années 1950, la Chine lance une importante campagne diplomatique et médiatique pour encourager les indépendances des pays afri-cains et asiatiques. Elle soutient financièrement, par exemple, le FLN en Algérie. Sa participation entraîne aussi un soutien militaire sous la forme de livraisons d’armes, d’experts militaires, voire de soldats comme notamment en Indochine.

6. En pleine guerre froide, les États-Unis consti-tuent l’autre ennemi : « le tigre de papier », pour reprendre l’expression de Mao Zedong en 1956. Cela se concrétise, par exemple, par le soutien actif des Chinois lors de la guerre de Corée (envoi d’une armée de volontaires chinois) et un soutien financier et militaire aux communistes pendant la guerre du Vietnam. L’affiche du document 1 p. 212 est très virulente à l’égard des Américains : on le devine avec la croix, le casque et le drapeau amé-ricain en lambeaux. Il est écrit : « Depuis octobre 1950, nous avons tué 570 000 ennemis dont plus de 250 000 Américains. »

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COurs 1 pp. 216-217

La Chine à la reconquête de sa puissance

DocuMEnT 1

Depuis 1928, Nankin est la capitale officielle de la Chine.

Aujourd’hui encore, certaines personnalités politiques et militaires japonaises minimisent les massacres de Nankin (notamment le nombre des victimes). Plusieurs déclarations japonaises néga-tionnistes ont entrainé des manifestions en Chine ces dernières années. Encore en 2005, certains manuels scolaires japonais minimisaient l’am-pleur du massacre.

DocuMEnT 2

Jusqu’en 1972, aucun président américain ne s’était rendu en République populaire de Chine (RPC). Entre 1949 et 1971, seul un nombre minime (environ dix personnes) de citoyens amé-ricains avaient eu l’autorisation de se rendre en RPC ! En se rapprochant des États-Unis, sans toute-

fois faire de concession idéologique, Mao Zedong espère une aide économique américaine pour le développement chinois. Mais le calcul est aussi politique : il s’agit de montrer à l’URSS que la Chine est une puissance qui compte, et par-là même tenter de briser le rapprochement améri-cano-soviétique.

dOssier 4 pp. 218-221

La Chine, deuxième puissance économique mondiale Au début du xxie siècle, la Chine apparaît comme la seule puissance capable de rivaliser avec les États-Unis. Cette puissance retrouvée s’explique par une croissance économique exceptionnelle depuis trois décennies. Elle fascine mais inquiète aussi en Asie et en « Occident ». Les défis qui se présentent à la Chine sont nombreux…

QUESTIONS (p. 219)

1. Cette question permet d’insister sur l’ouver-ture progressive de la Chine à la mondialisation. Au début des années 1980, les autorités chinoises sont méfiantes vis-à-vis d’une ouverture aux entre-prises étrangères.

3. L’aide militaire et économique de la Chine à l’Afrique a une origine idéologique : faire progres-ser la révolution communiste mondiale. Mais il s’agit aussi d’un affrontement par pays interpo-sés (une autre guerre froide) avec l’URSS. Cha-cune des grandes puissances communistes sou-tient des mouvements révolutionnaires concurrents dans le but d’attirer les nouveaux pays indépen-dants, comme l’Angola pour la Chine, dans sa sphère d’influence.

4. La Chine et l’URSS ont soutenu les mouve-ments communistes du Viêt-Cong pendant la guerre du Vietnam. Après la victoire contre les Américains, le régime communiste vietnamien se rapproche de l’URSS. Dans le contexte de conflit sino-soviétique, l’attaque du Vietnam par la Chine, suite à l’invasion du Cambodge, est une volonté de la Chine de s’imposer comme la puis-sance dominante en Asie du Sud et de réduire l’in-fluence soviétique dans cette partie du monde.

5. La Chine cherche à se rapprocher des États-Unis pour des raisons de développement écono-mique mais aussi pour briser le rapprochement américano-soviétique. La Chine cherche alors des actions symboliques pour montrer sa volonté de dialogue et d’ouverture. L’invitation des autori-tés chinoises à l’encontre de l’équipe nationale de tennis de table des États-Unis, pour disputer un match en Chine en avril 1971, est un des princi-paux symboles de cette diplomatie du sport. On peut citer d’autres exemples, comme le boycott par les Américains des JO de Moscou en 1980. En 1984, la Chine ne boycotte pas les JO de Los Angeles, contrairement à l’URSS.

6. À partir de la rupture sino-soviétique, la Chine veut montrer son émancipation par tous les moyens. Elle se présente comme le seul véri-table leader communiste en prônant la révolution mondiale. Elle cherche à créer sa propre sphère d’influence en Afrique et en Asie, en soutenant des mouvements révolutionnaires et en engageant une politique ambitieuse de développement éco-nomique en direction des pays du tiers-monde. Sa rivalité avec l’URSS la pousse à se rappro-cher des États-Unis au début des années 1970 pour briser son isolement diplomatique.

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signifie l’ouverture générale du marché chinois aux entreprises étrangères mais aussi l’ouverture du marché mondial aux produits chinois. Ceci doit permettre au géant économique chinois de conquérir de nouveaux marchés et donc d’ali-menter la spectaculaire croissance économique du pays. Cette ouverture pousse aussi les entre-prises chinoises à s’adapter et se moderniser pour être concurrentielles dans le contexte de la mon-dialisation.

5. Les documents statistiques permettent de mettre en évidence l’ascension de l’économie chinoise au deuxième rang mondial. Le document 5 montre que l’économie chinoise est extravertie, basée essentiellement sur les exportations de produits manufacturés qui font d’elle le premier exporta-teur mondial loin devant les États-Unis. Le docu-ment 5 permet aussi de mettre en évidence la balance commerciale positive de la Chine qui, au même titre que l’Allemagne, exporte plus qu’elle n’importe.

6. Cette question permet de retracer les différentes étapes de la croissance économique chinoise :– retard économique chinois à la fin des années 1970 ;– ouverture partielle et sélective de 1980 à 2001 ;– intégration à la mondialisation au début du xxie siècle ;– statut de grande puissance économique mon-diale basée sur un modèle extraverti aujourd’hui. Cette question permet aussi de s’interroger sur les défis – économique, technologique, politique et social – qui se présentent à la Chine.

7. Ce graphique doit permettre de mettre en évidence le caractère extraverti de l’économie chinoise mais surtout les excédents considérables qu’elle dégage et qui lui permettent d’investir dans le monde entier.

QUESTIONS (p. 221)

1. Cette question permet de mettre en lumière la réponse à la question 6 de la page 219. On observe notamment l’augmentation très spectaculaire des années 2000 à mettre en lien avec l’entrée de la Chine à l’OMC et le boom des exportations chinoises de produits manufacturés (textiles, élec-troniques, jouets, informatiques, etc.).

2. Ce (long) document permet d’appréhender une des conséquences notables du boom écono-

Elles n’ouvrent que quelques quartiers, sou-vent isolés du reste de la ville : les zones écono-miques spéciales (ZES), dans lesquels les FMN américaines ou japonaises bénéficient d’avan-tages fiscaux importants et d’un accès à une main d’œuvre chinoise bon marché. La plus importante est Shenzhen, près de Hongkong. À partir de 1984, devant le succès de ces pro-grammes, le gouvernement décide d’étendre l’ou-verture d’une deuxième série de zones franches littorales : les « villes ouvertes », dont Shanghai fait partie. À Shanghai, le quartier de Pudong symbolise cette (ré)ouverture de la ville. À partir du milieu des années 1980, ce sont des régions entières, sur le littoral, qui sont « ouvertes » aux FMN du monde entier. Le gouvernement chinois encourage les Joint venture avec les entre-prises chinoises. Aujourd’hui, le gouvernement chinois souhaite l’ouverture de la « Chine de l’intérieur », en déve-loppant des projets loin des littoraux, en suivant les axes de communication et les grands fleuves chinois, comme à Chongqing par exemple.

2. Pendant ses trente premières années d’exis-tence, la RPC demeure un pays largement fermé au commerce international et dans un état de sous-développement avancé. Les divers grands pro-jets de développement de l’industrie et de l’agri-culture lancés par Mao Zedong (Grand bond en avant, par exemple) sont des échecs retentissants. La phrase soulignée montre que, malgré le poids démographique de la Chine à l’époque, elle n’est pas une puissance économique mondiale (1,6 % du PMB contre 7 % aujourd’hui).

3. Les faits sont mal connus mais en 1979, en lien direct avec les espoirs suscités par l’ouver-ture économique et la relative libéralisation poli-tique après la mort de Mao Zedong, des manifes-tations importantes ont lieu en Chine, notamment à Pékin. Cet événement est connu en Chine sous le nom de « Printemps de Pékin ». Reprenant le slogan des quatre modernisations de Deng Xiaoping, les manifestants en ajoutent une cinquième : la démo-cratie. Ils occupent pendant un mois la place Tien-anmen mais sont écrasés dans le sang avec, dix ans auparavant, un scénario identique aux autres manifestations réprimées du printemps 1989.

4. L’ouverture de la Chine a été très sélective entre 1978 et 2001. L’entrée de la Chine à l’OMC

Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 79

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niquement difficile à appréhender (une monnaie faible accroît aussi le coût des importations et la Chine est le deuxième importateur mondial !), elle révèle la guerre économique que se livrent aujourd’hui la Chine et les autres grandes puis-sances économiques du monde, inquiètes de la croissance chinoise.

5. Depuis dix ans, les autorités chinoises ont pris conscience de la fragilité du modèle économique extraverti, d’autant plus que le Yuan est sous-éva-lué. C’est pourquoi elles misent aujourd’hui sur le développement du marché intérieur chinois « afin de diversifier les débouchés des entreprises ».

6. Le concept de « Chinafrique », à l’instar de celui de « Françafrique », est né du fait que la Chine investit énormément aujourd’hui en Afrique. En dix ans (1998-2008), les échanges entre les deux régions ont décuplé. Cet intérêt pour l’Afrique remonte aux années 1960 (cf. dossier 3 pp. 214-215) et prend en compte un triple constat :– l’Afrique est un vaste marché pour les entre-prises chinoises de BTP, pour les produits manu-facturés chinois à bas coût. Depuis 2006, il existe un forum de coopération Chine-Afrique pour encourager les accords entre les deux régions ;– l’Afrique est un espace riche en matières pre-mières (pétrole, minerais, bois, etc.) dont la Chine a besoin pour « nourrir » sa spectaculaire crois-sance économique ;– l’Afrique peut constituer pour la Chine une zone d’influence politique non négligeable, notamment l’Afrique francophone. La Chine peut ainsi avoir le soutien de certains pays africains lors des votes à l’ONU (par exemple, à propos du Tibet). Les IDE chinois sont donc massifs et ne manquent pas de susciter des critiques de la part des Africains eux-mêmes et des Occidentaux. Le soutien à des régimes non démocratiques – illustré par le document 4 –, comme le Soudan par exemple, en échange de l’accès aux marchés africains, est une pratique courante, mais ne fait que reprendre les pratiques des Occidentaux eux-mêmes…

7. Le principal défi social que la nouvelle puis-sance chinoise doit relever est celui de la redis-tribution des richesses et ceci à de nombreuses échelles. Le document 6 illustre une pratique de plus en plus courante en Chine : la grève. Les salariés, des entreprises étrangères notamment,

mique chinois : la peur qu’il engendre dans les pays occidentaux. Au travers de cet article, les journalistes français laissent transparaître l’in-quiétude que procure la croissance chinoise :– il est intéressant de s’attarder sur les termes uti-lisés pour qualifier le développement économique chinois. On retrouve des mots relatifs au champ lexical de l’excès (« boulimie », « richissimes », « sans limites », « sans complexes », « rien ne lui résiste », « à marche forcée », etc.) ;– à l’inverse, l’Occident ou l’Afrique sont pré-sentés comme désemparés (« anémie des écono-mies », « faiblesse des valorisations », etc.). L’article donne ainsi une vision d’une Chine prédatrice – idée renforcée par une avalanche de chiffres tous plus importants les uns que les autres – de terres en Afrique, de parts de mar-chés, d’entreprises occidentales aux noms pres-tigieux (IBM), de banques, etc. On peut faire l’analogie avec le « péril jaune » des années 1970 concernant l’irrésistible ascen-sion de l’économie japonaise de l’époque.

3. Les documents 1 à 3 permettent de mettre en avant les différents marqueurs de la puissance chinoise en ce début de xxie siècle :– la balance commerciale excédentaire, grâce notamment à l’augmentation des exportations (cf. question 1) ;– la puissance financière, issue de ces excédents commerciaux, qui permet à la Chine d’investir dans le monde entier sous la forme de bons du Trésor américain ou encore d’achats de terres agricoles en Afrique, d’infrastructures (le port de Pirée) ou d’entreprises étrangères ;– l’émergence de la puissance économique chinoise dans les domaines de l’informatique et des biotechnologies, ou encore dans le domaine spatial. Les fusées chinoises longue marche mettent en orbite des satellites, des sondes spa-tiales mais aussi des taïkonautes. Le premier Chinois dans l’espace, Yang Liwei, a été célé-bré en 2003 comme un héros par les médias et le gouvernement chinois.

4. Les grandes puissances économiques de la triade et les pays émergents reprochent à la Chine la sous-évaluation de sa monnaie : le Yuan. Les Américains, notamment, accusent les autorités chinoises de maintenir une valeur de leur monnaie délibérément basse, afin de « doper » les exporta-tions chinoises. Même si cette question est tech-

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Deux zones géographiques se détachent concer-nant les émetteurs d’IDE vers la Chine :– l’Asie est la première zone émettrice. Bien que rattaché à la Chine, Hongkong apparaît souvent dans les statistiques comme un acteur indépen-dant de la Chine. Les autres grandes puissances économiques asiatiques sont également très pré-sentes sur le marché chinois : Japon, Corée du Sud, Singapour, Taiwan ;– l’Amérique du Nord et les Caraïbes sont le deuxième espace majeur pour les IDE en Chine. Notons que les États-Unis sont loin d’être les premiers investisseurs en Chine. Il est intéressant également d’interroger les élèves sur la place des Caraïbes, notamment les Îles vierges britanniques que l’on peut qualifier de paradis fiscal (fonds de pension américains) et qui sont le deuxième investisseur au monde pour la Chine ! Peut aussi être mise en évidence la position de retrait de l’Union européenne par rapport aux deux précédents espaces géographiques.

DocuMEnT 3

Depuis la création de la RPC en 1949, les auto-rités chinoises n’ont jamais reconnu l’existence de la République de Taiwan, jugeant la « sépa-ration » provisoire et contraire aux « intérêts du peuple chinois ». Suite à leur rapprochement avec la Chine au début des années 1970, les États-Unis ont progressivement abandonné leur sou-tien inconditionnel à Taiwan, laissant libre cours aux revendications chinoises sur l’île. La question de Taiwan est complexe. En 2007,

l’ONU a refusé de reconnaître son adhésion. Très peu de pays entretiennent des relations diploma-tiques officielles avec l’île mais beaucoup entre-tiennent des relations officieuses car Taiwan est un pays riche. Et, comme la Chine est encore plus riche, les États occidentaux ont souvent une atti-tude ambigüe envers Taiwan (vente d’armes par la France mais pas de reconnaissance officielle !). La dernière phrase du texte laisse néanmoins entre-voir l’inquiétude de la Chine envers « des forces » qui pourraient « entraver » la réunification.

arts & histoire pp. 224-225

Les représentations de Mao ZedongEn Chine, les arts visuels qui relèvent de la « com-munication imagée » (un des cinq canaux de

acceptent de plus en plus mal les cadences, la pression, les salaires faibles dans un pays où l’inflation est galopante. On retrouve ce souci de redistribution à l’échelle du pays, entre les régions littorales et l’intérieur de la Chine encore large-ment sous-développé. L’autre défi est celui de la démocratie. L’émer-gence d’une classe moyenne instruite, qui voyage et étudie à l’étranger, va nécessairement poser le problème de la démocratie et de la nature du régime. L’attitude des autorités chinoises envers le prix Nobel de la Paix Liu Xiaobo – résidence surveillée, interdiction de sortie du territoire pour recevoir son prix – montre que le chemin à par-courir est encore long…

COurs 2 pp. 222-223

L’affirmation de la puissance chinoise

DocuMEnT 1

Ce dessin est paru quelques mois avant l’ouver-ture des Jeux olympiques de Pékin en 2008. Les manifestations furent nombreuses, notamment en Grande Bretagne et en France, pour protester contre la répression qui touchait en mars 2008 des moines tibétains opposés au gouvernement cen-tral chinois. À Paris, en avril 2008, lors du pas-sage de la flamme olympique, des manifestants pro-tibétains perturbèrent le défilé. Les JO de Pékin en 2008, comme l’Exposition

universelle de Shanghai en 2010, étaient cen-sés montrer le développement harmonieux de la société chinoise. Les événements du Tibet en 2008 – manifestations de moines contre le pou-voir chinois qui dégénèrent en émeutes durement réprimées –, comme ceux du Xinjiang en 2009 – émeute de la population ouighoure contre le pouvoir central de Pékin –, ont mis en lumière des aspects du profond malaise de la société chinoise. Leur écho médiatique en Occident a été jugé contre-productif par la Chine, qui ambition-nait alors de rassurer l’Occident sur le respect des droits de l’homme et de la démocratie en Chine.

DocuMEnT 2

Ces deux cartes permettent tout d’abord de mettre en évidence l’augmentation des IDE en direction de la Chine en 15 ans. Elles illustrent ainsi l’ouverture économique chinoise aux capi-taux étrangers.

Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 81

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gande : en avril 1966, à 73 ans, il donne l’image d’un leader surhumain en traversant le Yangzi à la nage.

2. Cette œuvre doit s’analyser en tenant compte de son contexte : en 1951, la République popu-laire de Chine est alliée à l’Union soviétique (pacte sino-soviétique signé en février 1950). Sur le mur, derrière Mao, les portraits de Lénine et Karl Marx montrent que les idées et l’action de Mao s’alignent, à l’époque, sur le modèle du grand frère communiste. Le style de l’œuvre se rattache au réalisme social adopté par Mao lors des « Discours de Yan’an sur la littérature et l’art » qu’il prononce en 1942. Ainsi, Mao déclare : « Il n’existe pas, dans la réalité, d’art pour l’art, d’art au-dessus des classes, ni d’art qui se développe en dehors de la politique ou indépendamment d’elle. La littérature et l’art prolétariens font partie de l’ensemble de la cause révolutionnaire du prolé-tariat ; ils sont, comme disait Lénine, “une petite roue et une petite vis” du mécanisme général de la révolution » (« Interventions aux causeries sur la littérature et l’art à Yenan » (mai 1942), Œuvres choisies de Mao Zedong, tome III). Yan’an, ville de la province du Shaanxi en Chine, participe au mythe fondateur du communisme chinois. C’est l’aboutissement de la Longue Marche – retrait des troupes communistes devant les forces nationa-listes de Tchang Kaï-chek (oct. 1934-oct. 1935) – : Mao Zedong prend alors la présidence du Comité central et rénove le Parti communiste. Elle sert de base politique et militaire au parti communiste chinois lors de sa résistance à l’occupation japo-naise.

3. Cette œuvre illustre le virage idéologique amorcé au début des années 1960 sous la férule de Mao. Pour des raisons de politique aussi bien intérieure qu’extérieure, la volonté de construire un modèle chinois s’affirme : il fallait « marcher sur ses deux jambes », c’est-à-dire baser le déve-loppement à la fois sur l’industrie et sur l’agricul-ture, ce qui était une façon d’affirmer une spéci-ficité nationale. Ce tournant idéologique se traduit, dans le domaine artistique, par la diffusion de nombreuses représentations de Mao proche du peuple, traitées de façon à la fois réaliste (scènes de la vie quo-tidienne, paysans, tracteurs, etc.) et naïve (styli-sation et aplats de couleurs). Ces représentations sont accompagnées de citations de Mao.

communication politique définis par le manuel du parti communiste) sont particulièrement sol-licités pour mobiliser une société encore large-ment analphabète.

QUESTIONS

1. Cette affiche met en valeur les trois idées sui-vantes : – Mao est le guide suprême capable d’édifier une société socialiste nouvelle ;– il existe une voie communiste chinoise ;– les classes populaires solidaires sous la direction de Mao sont les forces révolutionnaires. La propagande maoïste définit aussi trois prin-cipes qu’elle nomme « les trois loyautés » : loyauté sans borne envers la personne du président Mao, loyauté envers sa pensée et loyauté envers sa ligne révolutionnaire. Cette affiche rappelle la venue à Pékin, à l’ap-pel de Mao, de milliers de Chinois, organisés en gardes rouges, en août 1966. Elle est représenta-tive de l’iconographie de la révolution culturelle. Mao, de profil, se dégage des masses populaires. Il est le grand timonier qui dirige la Chine (sou-vent assimilée à un bateau). Venant de la droite, des étudiants, des travailleurs et des militaires incarnent les nouvelles forces révolutionnaires. Ils brandissent les citations du président Mao (Petit livre rouge diffusé en 1964). Au cours des années 1960, l’armée populaire a joué un rôle majeur dans la popularisation des citations. Selon le ministre de la Guerre Lin Piao, « tout ce que Mao Zedong dit est la vérité ; chaque déclaration qu’il profère vaut 10 000 phrases ».Le sens de la marche, de la droite vers la gauche, peut choquer un occidental habitué à un autre sens de lecture (de la gauche vers la droite). En Chine, l’occidentalisation de l’écriture date de 1956 mais l’ancien système (lecture de haut en bas et de droite à gauche) marque encore les repré-sentations en 1967. Paradoxalement, la révolu-tion culturelle qui veut éradiquer la culture tra-ditionnelle reprend l’ancien schéma de lecture.Les couleurs obéissent à un code précis : emploi du rouge, dont la signification est double pour les Chinois ; tons chauds pour la tête de Mao, dont le modelé est marqué par des orangés. La couleur noire associée à la contre-révolution est proscrite.Le visage idéalisé porte cependant les stigmates du temps. Mao fait de son âge un objet de propa-

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tographique mondial, particulièrement améri-cain et européen, ce qui influence fortement les jeunes réalisateurs. Aux États-Unis et en Europe, le public est séduit par les films chinois qui lui donnent le spectacle exotique d’une histoire vio-lente et d’une tradition raffinée, et fixent un por-trait fascinant de la Chine. L’intérêt porté à ce cinéma en Occident à la fin de la guerre froide s’explique aussi par sa capacité inattendue de cri-tique sociale et politique. D’où une situation para-doxale, comparable à celle de l’URSS à l’époque Brejnev : la Chine obtient les plus hautes récom-penses dans la compétition mondiale des grands festivals pour des films interdits dans leur pays.

QUESTIONS

1. À côté des quatre films présentés dans le dos-sier, d’autres exemples méritent d’être connus, voire analysés. On peut puiser dans la filmographie de Zhang Yimou, réalisateur né en 1951, dont la carrière est la plus significative de l’évolution du cinéma chinois, avec celle de Gong Li, son inter-prète et son épouse jusqu’en 1995, première star chinoise de rang mondial. On retiendra :– Le Sorgho rouge (1987), chronique de la résis-tance paysanne contre l’envahisseur japonais dans les années 1930 et célébration, en rouge, de la culture rurale ancestrale ;– Épouses et concubines (1991), remarqué pour sa perfection esthétique et pour son sujet – la condamnation de la polygamie traditionnelle et de l’infériorisation des femmes ;– Vivre ! (1994), l’un des plus beaux récits de l’histoire de la Chine entre 1940 et 1970 à tra-vers celle d’une famille prise dans les remous de l’ère maoïste ;– Hero (2002), qui appartient au genre wu xia pian – films de sabre et de chevalerie, comme Tigre et dragon. Étape notoire dans l’œuvre de son auteur et dans l’histoire du cinéma chinois, c’est du très grand spectacle historique, à budget faramineux et à recettes gigantesques, qui hisse la Chine au niveau des plus célèbres superpro-ductions hollywoodiennes. On complètera la démarche en explorant le cinéma hors de la RPC. De Hongkong, on retien-dra la vogue du kung fu des années 1970 et la courte trajectoire de Bruce Lee, plus américain que chinois. Ainsi que les autres films de Won Kar Waï.

Ces affiches, largement diffusées, entrent alors dans tous les foyers. Posées souvent sur l’autel familial, elles doivent s’intégrer dans le culte familial des ancêtres.

4. Deux types de documents se dégagent : les documents de propagande commandés par le parti (1, 2 et 3), à la gloire du dirigeant et de sa ligne politique ; ceux plus tardifs (comme le docu-ment 1) nés dans le contexte d’ouverture écono-mique et d’une très relative liberté créatrice. Le culte de Mao se maintient, même si le regard des artistes contemporains n’est exempt ni d’ironie ni de dérision.Mao est le seul personnage historique à se retrou-ver si massivement dans la peinture contempo-raine. Comment expliquer cela, trente ans après la mort du grand timonier ? Erró est le premier artiste non chinois à s’emparer du thème de Mao, suivi d’Andy Warhol, de Jean-Luc Godard et de Gérard Fromanger. Au début des années 1990, les artistes chinois – comme Yu Youhan, Luo brothers ou encore Yan Pei-Ming – osent à leur tour s’attaquer à l’image de Mao. Comment comprendre la démarche de ces artistes chinois qui font revivre sous des couleurs chatoyantes le mythe maoïste ? Attirés par le gain, oublient-ils les dizaines de millions de morts chinois sous le régime de Mao ? Ou marqués par les images de propagande des années Mao, reprennent-ils invo-lontairement leurs codes ? C’est toute la com-plexité et l’ambiguïté de leurs œuvres.

cinéma & histoire pp. 226-227

Le cinéma, témoin de la puissance chinoise

L’émergence mondiale des cinémas chinois (1980-2000)

Le succès grandissant du cinéma chinois dans le monde à partir des années 1980 accompagne la montée en puissance de la Chine et l’augmenta-tion de son rôle dans la mondialisation. La cir-culation des marchandises et des capitaux qu’in-duit l’ouverture commerciale et financière de la Chine inclut celle des films. Le mouvement est double : importation de films étrangers en Chine et exportation de films chinois dans le monde. Après la période maoïste, sont ouvertes en Chine plu-sieurs grandes écoles de cinéma qui basent leur enseignement sur l’étude du patrimoine cinéma-

Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 83

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QUESTIONS

1. La Cité interdite recèle les caractères et les ambigüités d’un certain cinéma officiel chinois.Son réalisateur, Zhang Yimou, ayant acquis dans les années 1980-1990 la célébrité avec des films d’auteur qui analysaient finement la société chinoise contemporaine et portaient un regard dénonciateur sur le régime maoïste, réalise depuis Hero (2002) des films aux budgets énormes, accor-dés à la ligne du Parti communiste, dans lesquels la réalité historique cède le pas à une propagande appuyée sur le grand spectacle. Ce « cinéaste offi-ciel » a été choisi pour mettre en scène l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin en 2008. Le budget de 45 millions de dollars (le plus élevé de l’histoire du cinéma chinois en 2006) sert à relater avec faste la lutte impitoyable pour le pouvoir que se livrent dans l’enceinte du palais impérial les membres de la famille régnante, au xe siècle. Par son contenu et par sa forme, La Cité interdite affiche ses objectifs :– dépeindre une histoire millénaire somptueuse, de laquelle la Chine d’aujourd’hui tire sa force (confucianisme, organisation hiérarchique, conscience collective, ardeur au travail, etc.). Voilà ce qu’était déjà la Chine il y a 1000 ans ! L’hyper-réalisme des décors, costumes et objets ne va pas sans anachronisme, à commencer par la célèbre Cité elle-même qui date du xve siècle !... Une image stéréotypée d’une Chine du passé, qua-siment intemporelle, et constitutive d’une iden-tité chinoise fantasmée que le cinéma contribue à fabriquer ;– exalter un pouvoir politique absolu et centralisé, s’imposant par la force, par une armée d’acrobates manieurs de sabres, par la liturgie de la cour, par le spectacle (le rouge et l’or sont constamment à l’écran), pouvoir inhérent à l’identité chinoise, nécessaire à l’unité, et inexorable. À la suite de celle des empereurs, l’autorité du PCC est en quelque sorte légitimée dans la longue durée. Une ambigüité toutefois : le pouvoir est inhu-main et le film pose la question de la tyrannie. La scène du massacre des Chrysanthèmes fait pen-ser à celui de la place Tienanmen en 1989. Est-il vain de résister ?– se confronter au cinéma étranger et à la culture occidentale. Rivaliser avec les États-Unis, qui eux n’ont pas d’histoire millénaire : désormais, le cinéma chinois combat avec Hollywood dans

Les films de Ang Lee, Taïwanais travaillant surtout à Hollywood, constituent les meilleurs exemples du cinéma de la diaspora, et d’un cinéma de coproduction transpacifique.

2. La perspective d’ensemble du cinéma chinois est toute faite dans le petit livre cité de Jean-Michel Frodon. Il propose une périodisation claire en relation avec les grandes phases de l’histoire du pays tout en prenant en compte la différencia-tion géographique des cinémas chinois. Pour le cinéma de la Chine continentale, on distingue des générations de réalisateurs. Les deux premières sont celles du muet et d’un âge d’or de Shanghai. La 3e est celle de la révolution maoïste, réalisant sur le modèle soviétique des films de propagande voués à la gloire du parti communiste et à la mobilisation du peuple. La 4e génération a commencé à reconstruire un cinéma que la Révolution culturelle avait tué ; elle a rouvert des écoles et permis l’éclosion de la suivante. La 5e génération, celle des années 1980-2000 et de l’après-Mao, a pour chefs de file Zhang Yimou, Chen Kaige et Tian Zhuang-zhuang. Très cinéphiles, ces derniers admirent le cinéma français de la Nouvelle vague. Très raffinés, ils font preuve d’une virtuosité visuelle éblouissante qui emporte l’adhésion et leur vaut palmes et oscars. Ils font entrer le cinéma chinois dans la mondialisation, mais ils doivent compo-ser chez eux avec la censure qui fixe des limites, changeantes, à leur liberté d’expression et à leur critique du régime. C’est l’étape décisive avant celle, ambitionnée au xxie siècle, d’une rivalité avec l’Amérique.

cinéma & histoire pp. 228-229

Le cinéma, témoin de la puissance chinoise

Le cinéma en Chine au début du xxie siècle

Dans son ambition d’égaler, voire de dépasser, les États-Unis, modèle admiré, imité et honni, la Chine veut faire de son industrie cinémato-graphique un instrument de son soft power. Si le xxe siècle a été celui du cinéma américain, le xxie sera-t-il celui du cinéma chinois ?

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souvent des films historiques au contenu idéolo-gique à peine masqué. Expression du nationa-lisme chinois, ils sont chargés de diffuser une vision valorisante de la civilisation chinoise par le moyen d’un spectacle violent et chatoyant, celui des cours et des batailles, des bannières et des sabres. Ces films, voulus par le régime qui les finance, avec la collaboration croissante de capitaux privés, chinois et étrangers, bénéfi-cient d’une promotion médiatique efficace. Les risques sont, pour le fond, une simplification et un appauvrissement propres à un certain cinéma de divertissement et, pour la forme, la banalisa-tion du mainstream international. Pour ces films détournant le spectateur de la vie réelle, des intel-lectuels chinois osent parler d’un « nouvel opium du peuple ». On peut faire la différence entre un cinéma devenu « académique » mais de qua-lité – Le Secret des poignards volants de Zhang Yimou (2004) ou Les Trois Royaumes de John Woo (2009) – et de grandes machines de pure propagande politique comme The Founding of a Republic (2009), récit officiel, revu et corrigé de l’épopée maoïste ;– les films « indépendants » de réalisateurs plus jeunes, ayant accédé au cinéma après la répression de la place Tienanmen. Ils saisissent la vie réelle, au présent, tournent en milieu urbain, parfois clan-destinement, avec du matériel léger, montrent l’envers du décor, participent d’un relatif débat démocratique. Dans le monde, leur réputation se fait par les festivals, avec ou sans l’approbation du gouvernement chinois (un grand prix obtenu fait parfois lever la censure). En Chine, interdits en salles, leurs films circulent sur Internet et en DVD. Cette 6e génération a deux chefs de file, deux peintres de la jeunesse chinoise : Jia Zhan-gke – The World (2004), Still Life (2006), 24 City (2008) – et Lou Ye – Purple Butterfly (2003), Une jeunesse chinoise (2006), Nuit d’ivresse printa-nière (2009), Love and Bruises (2011).

vers le baC pp. 232-233

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

La Chine depuis 1949 : vers la reconquête de la puissance ?

I. 1949-1979 : une Chine qui cherche sa voieA. La Chine, un allié essentiel du bloc soviétique

la même catégorie, celle des poids lourds. Rivali-ser avec l’Europe : intrigues de palais, complots, crimes et incestes n’ont rien à envier à la mytho-logie grecque (les Atrides) et au théâtre de Shake-speare (Hamlet, Mac Beth). C’est le Pékin de 2001 que montre Wang Xiaos-huai dans Beijing bicycle, film influencé par le « néo-réalisme » italien. Le sujet est le même que celui du Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica : un coursier se voit dérober son outil de travail, son vélo. Le style est proche de ce cinéma italien de l’après-guerre : c’est une fiction à valeur documen-taire relevant sur le vif les détails concrets de la vie à Pékin, jungle urbaine aux forts contrastes où rivalisent vélos et autos, vieux hutongs et gratte-ciels écrasants, jeune rural fraîchement débarqué et étudiant citadin incarnant l’étape suivante d’une ascension sociale dure, dans le contexte impi-toyable du capitalisme chinois. Beijing bicycle brosse le portrait d’un Pékin aux facettes contra-dictoires dont la modernisation s’accompagne de l’exploitation des migrants aliénés par le travail, de la démolition de vieux quartiers et de l’expul-sion de leurs occupants pauvres. Still life (2006) parle aussi de démolition. Celle des villes et des villages de la vallée du Yangzi, submergés par les eaux du barrage des Trois Gorges, le plus grand aménagement hydro-élec-trique du monde, symbole même des ambitions chinoises à la fin du xxe siècle. En contrepoint du discours officiel sur la modernisation enivrante et la croissance vertigineuse, le film offre une vision nostalgique mais non désespérée. Avec un aspect documentaire hyper-réaliste (machines, ferrailles, béton, etc.), il dégage une poésie contemplative à la hauteur de la grande peinture chinoise. Il fait vivre et met à l’honneur les millions d’indi-vidus que le système sacrifie : personnes dépla-cées sans indemnités, ouvriers exploités acciden-tés. Comme se font face les deux rives du fleuve, s’opposent les quartiers en démolition, villes-fan-tômes attendant leur engloutissement, et les quar-tiers neufs de barres accrochées en haut et colo-nisant le plateau, rendant palpables les violentes mutations de la Chine.

2. Les films produits par la RPC au début du xxie siècle se classent en deux catégories :– les blockbusters, que la Chine est fière de réa-liser avec des moyens techniques et financiers comparables à la production américaine. Ce sont

Chapitre 7 Les chemins de la puissance : la Chine et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919 85

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86

vers le baC pp. 234-235

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE dE dOcUmENTS

I. L’anti-impérialisme : fondement de la poli-tique extérieure chinoiseA. La Chine, un pays du tiers-monde : un modèle pour les autres pays dominésB. La Chine contre le colonialisme : aider les pays dominés à se libérer

II. La Chine, un leader du tiers-mondeA. L’aide chinoise à l’émancipation et au déve-loppement des pays du tiers-mondeB. Le tiers-monde : un levier pour l’affirmation de la puissance chinoise

B. La Chine, leader du tiers-monde : à la recherche de la troisième voieC. Le rapprochement avec les États-Unis

II. 1979-2001 : l’ouverture économique d’une puissance émergenteA. L’ouverture économique et les quatre moder-nisationsB. Une puissance économique émergenteC. La démocratie : une cinquième modernisation ?

III. Depuis 2001 : les défis d’une grande puis-sanceA. La Chine, la deuxième puissance économique mondialeB. La puissance régionale asiatiqueC. Une puissance fragile ?

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8Chapitre

87

– Diaporama : « Jérusalem subit les violences arabes, 1948 », p. 245.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 260 ; « Ne pas confondre », p. 260 ; « Personnages clés », p. 260.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 236-237

Les deux documents proposés symbolisent les deux principales sources de conflits qui créent au Proche et au Moyen-Orient les vives tensions actuelles. Si, dans les deux cas, la foule s’ex-prime et brandit un drapeau, les situations sont néanmoins radicalement opposées. La joie de la communauté juive de Tel-Aviv à l’annonce de la création de l’État d’Israël, le 14 mai 1948, achève un lent processus entamé au début du siècle et légitimé par l’ONU en novembre 1947. Cet évé-nement marque aussi le début de l’affrontement israélo-arabe. Les gardiens de la Révolution isla-mique, qui crient leur colère et brûlent le drapeau américain, incarnent quant à eux  l’irruption de l’Iran des ayatollahs sur la scène internationale. Depuis 1979, l’Iran chiite remet en cause l’équi-libre géopolitique du Proche et du Moyen-Orient et conteste l’influence américaine sur la région.

repères pp. 238-239

Géopolitique du Proche et du Moyen-Orient depuis 1917Page de gauche : il s’agit de présenter les diffé-rents conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours et d’identifier les diffé-rents combattants, ce qui permet de visualiser les différents types d’affrontements et leur évolution.Page de droite : les deux cartes permettent de localiser les multiples acteurs, enjeux et conflits du Proche et du Moyen-Orient à deux moments

I. Les choix du manuelLe chapitre illustre parfaitement le sens général du programme d’histoire « Regards historiques sur le monde actuel ». En effet, une partie du monde, ici le Proche et le Moyen-Orient, reste marquée de nos jours par des tensions sans que de réelles solutions ne s’esquissent. Le manuel insiste donc, dans un premier temps, sur les enjeux majeurs de cette région dans l’entre-deux-guerres (cf. dos-sier 1 et cours 1). Ces origines conflictuelles ainsi identifiées permettent de cerner, dans un deu-xième temps, les différentes étapes de l’affronte-ment israélo-arabe après 1945 (cf. dossiers 2 à 4 et cours 2). La Palestine et les États arabes péri-phériques permettent ainsi de définir un Proche-Orient instable. Les dossiers 5 et 6 et le cours 3 distinguent enfin une région plus à l’est, le Moyen-Orient, cœur de l’Arc des crises tout aussi conflic-tuel, où les enjeux géopolitiques traditionnels (la répartition des richesses naturelles) s’ajoutent aux interrogations récentes (l’attitude des États-Unis, l’ambition iranienne, etc.).

II. Les outils complémentaires– Frise interactive : « Géopolitique du Proche et du Moyen-Orient depuis 1917 », p. 238.– Cartes interactives : « Le Proche et le Moyen-Orient à la fin de la Première Guerre mondiale », p. 239 ; « L’arc des crises depuis les années 1970 », p. 239 ; « Les opérations militaires des guerres des Six Jours et du Kippour », p. 248 ; « Pétrole et gaz naturel autour du golfe Persique », p. 252.

– Vidéos : « La guerre des Six Jours, 13 juin 1967, © INA Jalons », p. 248 ; « Signature des accords israélo-palestiniens, 13 septembre 1993, © INA Jalons », p. 249 ; « Les conséquences de la construction du mur de sécurité à Jéru-salem, 1er novembre 2002, © INA Jalons », p. 251 ; « Intervention américaine en Afghanis-tan, 8 octobre 2001, © INA Jalons », p. 256.

Manuel, pp. 236-265

Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917

Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 87

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2. La Palestine est un petit territoire de l’extrême Méditerranée orientale, bordé au nord par le Liban et la Syrie (sous mandat français), à l’est par la Jordanie et au sud par l’Égypte (autres posses-sions britanniques). La puissance britannique administre, selon le mandat délivré par la SDN, cette terre peuplée majoritairement par une popu-lation arabe musulmane. D’autres minorités reli-gieuses y cohabitent, dont des populations juives renforcées par un fort courant migratoire (sio-nisme) que la déclaration Balfour encourage.

3. Depuis 1917, le Moyen-Orient est sous l’in-fluence des deux grandes puissances européennes, qui deviennent mandataires en 1922 : la France et la Grande-Bretagne. Cette dernière s’est vue attribuer une zone d’influence majeure et sa zone mandataire s’étend dans la limite d’un hypothé-tique royaume arabe espéré après la défaite des Ottomans. Ainsi, la nation arabe est doublement oubliée : elle doit accepter l’établissement d’une autorité étrangère (les mandats européens) et voit l’immigration juive se renforcer en Palestine.

4. L’objectif prioritaire de la puissance manda-taire britannique en Palestine est la réalisation de la déclaration Balfour, c’est-à-dire l’établissement « d’un foyer national pour le peuple juif ». Ainsi, l’installation des immigrants juifs est de la res-ponsabilité britannique et cette tâche semble par-faitement réalisée. En effet, la population juive en Palestine double à chaque décennie de l’entre-deux-guerres.

5. Dès janvier 1919, les représentants palesti-niens ont refusé l’établissement de ce foyer natio-nal juif, craignant une colonisation au détriment des populations musulmanes et chrétiennes qui seraient évincées de leur terre. La constitution d’une « patrie nationale » juive est donc la han-tise des responsables arabes, que l’afflux sioniste renforce. L’attitude conciliante des Britanniques, l’augmentation des implantations juives mènent à la révolte, généralisée entre 1936 et 1939. Les deux communautés s’affrontent dans une vio-lence grandissante.

6. Face à la Grande Révolte arabe, les Britan-niques changent de politique envers les deux communautés. Le Livre blanc de 1939 altère la déclaration Balfour de 1917 en limitant l’immi-gration juive. Il est donc pris acte d’une partie des revendications arabes et c’est donc la fin d’une

clés. À chaque fois, la diversité et la proximité des acteurs est source de conflits.

QUESTIONS

1. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, trois principales étapes rythment le conflit israélo-arabe : la Palestine sous mandat britannique, les guerres israélo-arabes et le conflit israélo-pales-tinien. Pour chaque période, un ou deux repères chronologiques s’imposent : « 1917 : déclaration Balfour » et « 1936 : Grande révolte arabe » pour la première, « 1948 : naissance de l’État d’Israël » et « 1967 : guerre des Six Jours » pour la deuxième, « 1993 : accords d’Oslo » pour la troisième.

2. Depuis les années 1970, plusieurs conflits armés persistent au Proche et au Moyen-Orient. Avant tout, le conflit israélo-palestinien reste ouvert et figé, ce qui fragilise les frontières des États voisins (Liban, Égypte, Jordanie). En Irak, la guerre de 2003 et l’occupation américaine ont laissé des traces. L’Afghanistan est aussi en proie, depuis 2001, à un conflit larvé entre les talibans et les forces de l’ONU. Le peuple kurde, dont la partie irakienne du territoire est devenue auto-nome, revendique un État indépendant à cheval entre la Turquie, la Syrie et l’Irak. Des tensions existent aussi avec des États susceptibles de maî-triser l’arme nucléaire. C’est le cas de l’Iran, ce qui inquiète Israël.

dOssier 1 pp. 240-241

Le mandat britannique sur la PalestineDans l’entre-deux-guerres, le mandat britan-nique sur la Palestine est marqué par l’impos-sible cohabitation entre les Juifs et les Arabes. Les seconds refusent l’immigration juive légiti-mée par la déclaration Balfour de 1917.

QUESTIONS

1. Ces deux documents sont des textes (extraits) officiels dont la portée diplomatique organise l’administration de la future Palestine manda-taire. « La déclaration Balfour », qui émane du ministre britannique du même nom, est un extrait d’une lettre adressée aux représentants des Juifs britanniques, le 2 novembre 1917. Près de cinq ans plus tard, la Société des Nations, créée en 1920 par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, officialise la naissance de la Palestine mandataire confiée aux Britanniques.

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Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 89

pavoisement aux couleurs du Royaume-Uni. Les drapeaux britanniques flottent sur une artère de la ville, où quelques véhiculent circulent. On peut aussi apercevoir, au premier plan, quelques per-sonnes en uniforme, sans doute des soldats bri-tanniques.

DocuMEnT 2

Cette carte montre la diversité et l’évolution poli-tique des territoires qui composent le Proche et le Moyen-Orient dans l’entre-deux-guerres. La situation initiale, au sortir de la Première Guerre mondiale, est montrée par la carte 1 page 239.

Les deux puissances mandataires sont la France et le Royaume-Uni.

La France, sous mandat de la SDN, exerce ce pouvoir sur le Liban et la Syrie, tandis que les Britanniques ont mandat sur la Palestine, la Trans-jordanie et l’Irak.

DocuMEnT 3

Cette photographie est destinée à préciser la défi-nition du kibboutz, élément majeur de la coloni-sation juive en Palestine.

Cette photographie montre une partie d’un kib-boutz (cf. définition page 242) composé de quatre ou cinq bâtiments assez similaires. Leur construc-tion en bois semble assez sommaire et destinée à l’usage d’habitation (des volets sont visibles). Ces ouvrages semblent à peine achevés, des tentes sont visibles et la disposition de ces locaux laisse apparaître une organisation communautaire dans un camp structuré. Cette implantation récente, iso-lée, occupe un espace rocailleux avec une maigre végétation. Des citernes et des fûts entourent le bâtiment du premier plan, ce qui laisse supposer une activité économique.

Le kibboutz est délimité par une clôture assez haute, apparemment une palissade en bois, sur-montée de barbelés. Un haut mirador surplombe le village et permet de surveiller les alentours, dont la route qui serpente dans la colline. Ce dis-positif défensif et d’observation est une réponse aux différentes menaces susceptibles de viser la population du kibboutz. En 1938, nous sommes au cœur de la Grande Révolte arabe et les colons juifs veulent se protéger des attaques dont ils peuvent faire l’objet.

politique longtemps favorable aux Juifs. Le sio-nisme s’en trouve nettement freiné. Une vision plus égalitaire des droits des deux communautés semble se dessiner. Dans le cadre d’un futur État palestinien, les Britanniques souhaitent une cores-ponsabilité, juive et arabe, égalitaire. Mais cette politique de partenariat équitable semble compro-mise face aux violences et aux haines accumu-lées depuis 1917 chez les deux peuples. Le Livre blanc de 1939, pacificateur et égalitaire, semble arriver trop tard pour réconcilier Juifs et Arabes.

7. Trois temps dans la politique mandataire bri-tannique en Palestine semblent se dégager entre 1917 et 1939 :– 1917 : la déclaration Balfour, généreuse envers les Juifs et fondatrice de l’établissement du man-dat britannique en Palestine. Le sionisme et un « foyer national » juif sont encouragés ;– 1922 à 1936 : une politique mandataire effec-tive dans la construction de ce « foyer national », qui favorise une immigration juive importante. Le sionisme se réalise, un État juif palestinien est redouté par la communauté arabe ;– 1936 à 1939 : la Grande Révolte arabe fait réfléchir les Britanniques, qui rédigent un nou-veau Livre blanc beaucoup moins favorable aux Juifs. C’est la prise en compte d’une partie des revendications arabes : il faut créer un futur État palestinien, où les deux peuples pourront coha-biter dans le partage des responsabilités.

8. Évolution des populations juive et arabe en milliers (1922-1947)

1400

1200

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01922 1931 1937 1945 1947

ArabesJuifs

COurs 1 pp. 242-243

Le Proche et le Moyen-Orient pendant l’entre-deux-guerres

DocuMEnT 1

Sur cette photographie d’une rue principale de Bagdad, la présence anglaise se manifeste par le

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dèrent leurs droits injustement bafoués. La Com-munauté internationale, sous l’égide de l’ONU, prête attention aux revendications sionistes et semble abandonner le sort des populations arabes de Palestine. Le découpage de 1947 tend à confir-mer cette préférence puisque l’État juif, qui ne représente qu’un tiers de la population de la Pales-tine, se voit attribuer 55 % des terres. En outre, l’immigration juive, encouragée par l’ONU, risque d’accentuer ce déséquilibre par une nouvelle colo-nisation agricole.

5. La première guerre israélo-arabe, gagnée par l’État hébreu, améliore sensiblement son terri-toire, qui s’étend en Galilée (région de Naza-reth), en Cisjordanie (avec l’occupation de Jéru-salem-Est) et dans le désert de Néguev (réduction de la bande de Gaza). L’État palestinien dispa-raît dans cette guerre que les État arabes voisins ont perdue. Ceux-ci deviennent des foyers d’ac-cueil pour des milliers de Palestiniens désormais considérés comme réfugiés.

6. La création de l’État d’Israël ouvre une période d’incertitudes, de tensions et de conflits au Proche-Orient. Elle est inacceptable pour les États arabes solidaires du sort de leurs frères palestiniens. La guerre s’interrompt en mars 1949 (après une série d’accords de cessez-le-feu), avec la défaite provi-soire des Arabes désunis, et aucune négociation n’est ouverte. Du côté israélien, la colonisation reprend, en conséquence d’une forte immigra-tion. Pour les États arabes, une nouvelle guerre semble inévitable et la question des réfugiés se pose.

7. Deux principales conséquences humaines sont liées à la création de l’État d’Israël et à la pre-mière guerre israélo-arabe :– l’accélération de l’immigration juive : de 1948 à 1952, près de 700 000 Juifs débarquent et la population d’Israël double ;– le départ d’une partie de la population pales-tinienne : ce sont les premiers réfugiés estimés à 800 000. Cet exode mobilise l’ONU qui crée, par la résolution 302, une agence spécialisée pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). La première action de cette agence est de construire dans l’urgence des structures d’accueil dans les pays arabes voisins.

dOssier 2 pp. 244-245

La naissance de l’État d’Israël : un tournant majeur

QUESTIONS

1. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies partage la Palestine en deux États indépendants, l’un juif, l’autre arabe, tandis qu’elle met la ville de Jérusalem sous contrôle international. Les frontières de chaque État y sont aussi fixées. C’est la décision majeure de cette résolution 181 à laquelle l’extrait présenté dans ce document fait indirectement référence. Par conséquent, est décidée la fin de la puissance mandataire britannique, le 1er août 1948 au plus tard. Toutefois, la Grande-Bretagne, avant de par-tir, doit préparer rapidement (pour le 1er février 1948) les conditions d’accueil « d’une immigra-tion importante », celle des réfugiés juifs.

2. Dès le 7 octobre 1944, le Comité de la Ligue arabe rappelle les « droits des Arabes de la Pales-tine » et craint une accélération du sionisme qui déstabiliserait la région. La Ligue arabe, consciente que le contexte international est favo-rable au peuple juif, redoute la création d’un État hébreu au détriment de la population arabe de Palestine. En outre, la disparition de la puissance mandataire britannique rend caduc les accords de 1939, qui limitaient l’immigration juive. La pro-clamation de l’État d’Israël, le 14 mai 1948, est l’aboutissement d’un processus inconcevable pour les représentants arabes, dont les craintes expri-mées dès 1944 se sont bien vérifiées.

3. Derrière David Ben Gourion, sur le mur, appa-raissent l’Étoile de David, symbole du judaïsme, et le portrait de Théodore Herzl, père du sionisme. C’est donc l’histoire lointaine et proche du peuple juif qui est rappelée lors de la proclamation de la naissance de l’État d’Israël, le 14 mai 1948. Ces symboles qui rattachent la Palestine au peuple juif s’expriment dans le discours de David Ben Gou-rion. L’État d’Israël trouve ses racines dans un passé lointain et est devenu une réalité contempo-raine depuis que le projet d’Herzl a été amplifié par les séquelles de la Seconde Guerre mondiale. « Le rétablissement de l’État juif en Palestine » est donc légitime.

4. Le partage de la Palestine réalisé par l’ONU en 1947 est refusé par les Arabes car ceux-ci consi-

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deux grands, sans directement intervenir, prennent parti pour le pays agressé. Les États-Unis recon-naissent « une erreur » de la part des Franco-bri-tanniques tandis que les Soviétiques voient en eux des « agresseurs ». Une « majorité écrasante des États de l’ONU » se rangent aussi du côté de l’Égypte attaquée par des « troupes étrangères ». La France, la Grande-Bretagne et Israël agissent contre l’Égypte de Nasser, qui représente pour eux une réelle menace. Israël veut renverser le régime égyptien et son chef, qui entend conduire une nouvelle coalition arabe contre l’existence de l’État hébreu. Les deux puissances européennes, quant à elles, n’ont pas accepté la nationalisation du canal de Suez, qui est un précédent dangereux dans la remise en cause de leurs intérêts écono-miques et financiers.

5. Les attitudes américaine et soviétique face à cette crise sont assez similaires dans la condam-nation de l’intervention contre l’Égypte de Nas-ser. Les deux grands insistent sur le risque de dés-tabilisation de la région et la mise en péril d’une paix précaire. Dans une période de répit de la guerre froide, Américains et Soviétiques prônent la paix dans les relations internationales et jouent un rôle d’arbitre. Toutefois, le ton de Boulganine est beaucoup plus sévère et menaçant que celui d’Eisenhower. Ce dernier s’étonne et récuse l’ac-tion militaire de la coalition sans évoquer les réac-tions de son administration. Il en est tout autre-ment chez le Soviétique, qui insiste sur l’agression que subit l’Égypte avec toutes les conséquences humaines provoquées par des « bombardements barbares ». L’URSS promet une intervention mili-taire directe contre les trois pays coalisés et sa menace semble crédible.

6. Les grands perdants de cette crise sont indénia-blement les deux pays européens, la France et la Grande-Bretagne, qui on dû piteusement réembar-quer leurs forces armées à partir du 22 décembre 1956. Les pressions diplomatiques mais aussi le risque d’intervention soviétique ont eu raison de l’action conjuguée des Français et des Britan-niques. Ce coup de force pour reprendre le canal a été perçu comme un acte colonialiste. Si Israël a réussi à détruire le potentiel militaire de l’ar-mée égyptienne, il n’a pas réussi à renverser Nas-ser et sa situation au Proche-Orient s’est fragili-sée. États-Unis et URSS sortent renforcés de cette crise ; ils prennent pied dans cette région et cour-

dOssier 3 pp. 246-247

La crise de Suez et ses implications : une nouvelle donne mondialeEn 1956, le conflit israélo-arabe prend une nou-velle dimension consécutive à la nationalisation du canal de Suez par Nasser. Face à l’interven-tion franco-britannique soutenue par les Israé-liens contre l’Égypte, les deux grands (États-Unis et URSS) s’insinuent dans les affaires du Proche-Orient.

QUESTIONS

1. Pour le président égyptien Nasser, la natio-nalisation de la Compagnie du canal de Suez se justifie doublement. D’une part, il s’agit pour l’Égypte de faire valoir ses droits de propriété sur cet ouvrage. Ceux-ci serviront à financer le déve-loppement économique du pays, dont la construc-tion du barrage d’Assouan. D’autre part, cette récupération est légitime puisque c’est le peuple égyptien qui s’est sacrifié pour le creusement du canal.

2. Nasser veut rassembler l’Égypte et le monde arabe avant tout autour de sa personne et de ses prises de décisions. Sa personnalité charisma-tique plaît aux foules du Caire et de Damas. Nas-ser espère réveiller le nationalisme arabe que la première guerre israélo-arabe de 1948-1949 a mis à mal. Ainsi, l’unité des États arabes est l’un de ses projets, que concrétise en 1958 la République arabe unie, composée de l’Égypte, de la Syrie et du Yémen, en attendant l’adhésion d’autres pays arabes.

3. Sur cette carte, trois phases peuvent se distin-guer dans les opérations militaires liées à la crise de Suez :– l’offensive de la coalition anti-égyptienne, qui débute le 29 octobre par l’invasion du Sinaï par Israël et se poursuit le 5 novembre par le débar-quement franco-britannique à Port-Saïd ;– l’arrivée des forces d’intercession onusiennes le 7 novembre, qui se portent sur le canal de Suez ;– le départ des Franco-britanniques le 22 décembre.

4. Les deux camps en présence semblent dans un premier temps déséquilibrés : l’armée égyp-tienne est face à Israël, soutenue par la France et la Grande-Bretagne qui disposent de forces militaires complètes et modernes. Toutefois, les

Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 91

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par les armes lors de la guerre des Six Jours. Assurées de leur légitime action, l’Égypte et la Syrie, face à l’impuissance du Conseil de sécu-rité, veulent reprendre à Israël leurs territoires respectifs. La 4e guerre israélo-arabe est bien consécutive à la 3e et se solde par une nouvelle défaite des États arabes. C’est le statu quo qu’en-térine une nouvelle résolution, la 338, qui réitère la demande d’évacuation des territoires occupés par Israël.

3. En raison d’un conflit israélo-arabe qui dure depuis des décennies, où chaque épisode militaire confirme la conquête progressive par l’État hébreu de la totalité de la Palestine, les réfugiés palesti-niens sont de plus en plus nombreux. Parmi les États arabes voisins, la Jordanie est de loin la plus accueillante : une forte minorité palestinienne s’y est installée. Est également remarquable la très forte concentration des camps de réfugiés dans les territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie, et dans une moindre mesure au Liban et en Syrie. L’étroite bande de Gaza est la première région d’accueil. La présence d’une importante popu-lation palestinienne y favorise donc l’accueil de congénères déplacés par la guerre.

4. Les accords d’Oslo de septembre 1993 laissent entrevoir un début de négociation entre les deux parties. On parle alors de paix au Proche-Orient et on se serre la main entre Israéliens et Palestiniens. En outre, Yitzhak Rabin accepte une solution fon-dée sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, c’est-à-dire l’évacuation des territoires occupés depuis 1967, chose qu’Israël a toujours refusée. La création de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et à Gaza est aussi une avancée réelle. Sans préciser de délais, cette autonomie peut conduire à la création d’un État palestinien. Toutefois, ces efforts de paix sont soumis à la vive critique des éléments radicalisés de chaque camp, qui refusent une solution de compromis. Ceux-ci attisent les tensions après 1995 (cf. cours 2).5. Cette première Intifada (1987-1993) marque un tournant dans le conflit israélo-arabe. Désor-mais, il n’oppose plus deux armées, Israël face aux États arabes solidaires des Palestiniens, mais évolue vers des affrontements plus sporadiques, concentrés dans les territoires occupés (essen-tiellement en Cisjordanie et à Gaza). Ce sont de jeunes Palestiniens issus de la 2e génération qui harcèlent, avec des moyens rudimentaires, sou-

tisent désormais ces jeunes États au nom d’une paix à préserver. La vigoureuse réaction sovié-tique a été très appréciée et l’influence de l’URSS a grandi en Égypte comme en Syrie. Toutefois, le grand vainqueur de cette crise est Nasser, qui obtient une reconnaissance internationale. Il a fait reculer Français et Britanniques, tel un nouveau pharaon, et son prestige est immense auprès du monde arabe, dont il prend la tête afin de com-battre l’ennemi juré : Israël.

7. En France, pendant le déroulement de cette crise, presque toute la classe politique soutient le gouvernement Guy Mollet (à la différence de la Grande-Bretagne). Celui-ci obtient un vote de confiance quasi unanime à l’Assemblée natio-nale (seuls les communistes et poujadistes votent contre). Engluée en Algérie, la France vise avant tout Nasser, qui soutient activement le FLN. Tou-tefois, l’échec de l’opération est mal vécu par l’opinion publique et les partis de droite, qui cri-tiquent l’incapacité du Front républicain de Guy Mollet. Cet échec extérieur accélère donc le dis-crédit de la IVe République.

dOssier 4 pp. 248-249

La quasi-permanence du conflit israélo-arabe (1948-1995)Depuis 1948, le Proche-Orient se définit par le conflit israélo-arabe, sans réel espoir de paix mal-gré la reprise du dialogue avec quelques avan-cées en 1993 – qui se sont révélées insuffisantes (cf. cours 2).

QUESTIONS

1. La guerre des Six Jours (du 5 au 10 juin 1967) est une fulgurante attaque d’Israël sur une coali-tion d’États arabes menée par l’Égypte, la Syrie et la Jordanie. Ces trois pays subissent une inva-sion terrestre appuyée par l’aviation. L’écrasante victoire d’Israël se traduit par la conquête du Sinaï avec Gaza, de la Cisjordanie avec la tota-lité de Jérusalem, et du plateau du Golan pris aux Syriens. La Guerre du Kippour (en octobre 1973) confirme cette occupation : après avoir subi une offensive menée par l’Égypte et la Syrie, Israël contre-attaque vigoureusement et confirme ses possessions, acquises en 1967.

2. La résolution 242 de l’ONU du 22 novembre 1967 oblige Israël à évacuer les territoires conquis

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une puissance occupante par l’OLP, qui réfute son existence.

« La lutte armée est la seule voie pour la libé-ration de la Palestine […]. » Cette affirmation est radicale, l’OLP compte mener « une guerre populaire palestinienne de libération » contre Israël. L’affrontement s’annonce dissymétrique ; des « commandos » (des petits groupes de Pales-tiniens) mènent en effet des actions ponctuelles contre une armée israélienne entraînée et suré-quipée. Celle-ci considère donc l’OLP comme une organisation terroriste agissant par des atten-tats ciblés.

DocuMEnT 2

Depuis 1967, Israël occupe la Cisjordanie et les accords d’Oslo (1993 et 1995) entérinent la colo-nisation juive sur environ la moitié du territoire. Cette emprise n’est pas contigüe mais s’étend sur trois « régions » : les pourtours de Jérusalem, l’est de la Cisjordanie, (présence des ressources en eau avec le Jourdain) et des enclaves à proxi-mité d’Israël.

Le territoire palestinien est tout d’abord divisé en deux entités : l’étroite bande de Gaza et l’ouest de la Cisjordanie, autour des principales agglo-mérations (Jénine, Naplouse, Ramallah, Hébron, etc.). C’est donc un territoire éclaté, exigu et dif-ficile à administrer. La bande de Gaza est une enclave cernée par la mer et le désert du Néguev tandis que la Cisjordanie palestinienne est per-forée de colonies juive et cadenassée par un mur de séparation.

DocuMEnT 3

Ce mur de sécurité serpente le long des terri-toires juifs et arabes de Cisjordanie qu’il sépare. On devine des plaques de béton accolées les unes aux autres d’une hauteur d’au moins cinq mètres. Ce mur semble donc infranchissable. Au premier plan, un mirador complète cet édifice.

À gauche du mur, un espace désertique avec un chemin de terre se découvre tandis que l’espace à droite est aménagé. Le mur divise donc deux ter-ritoires très inégalement occupés. Il protège une route goudronnée et des habitations dont certaines semblent encore en travaux. On peut ainsi suppo-ser la présence d’une colonie juive qui se déve-loppe à l’abri de cet ouvrage défensif.

vent des pierres, l’armée israélienne considérée comme une force d’occupation.

6. Depuis 1948, le Proche et le Moyen-Orient sont plongés dans un conflit israélo-arabe qui semble insoluble malgré les accords d’Oslo de 1993, insuffisants et largement remis en cause. Même si les États arabes voisins d’Israël ont cessé tout affrontement direct depuis 1973 (seule l’Égypte a signé un traité de paix avec l’État hébreu en 1978), certains dont la Syrie ne reconnaissent toujours pas l’État hébreu. La question des ter-ritoires occupés depuis 1967 reste cruciale et conditionne une paix réelle. Depuis 1987, Israël doit y affronter une population arabe hostile et attisée par des islamistes radicalisés que l’Auto-rité palestinienne, créée en 1995, n’a pas réussi à rassembler malgré les efforts de Yasser Arafat. Côté israélien, la voie tracée par Yitzhak Rabin n’a pas non plus résisté aux tenants d’une poli-tique dure envers les Palestiniens.

7. En 1995, les accords d’Oslo, signés en 1993, sont complétés (Oslo II). Les négociations sont difficiles dans un contexte de colonisation qu’Is-raël a autorisé en Cisjordanie. Celle-ci est divisée en trois zones dont une Zone A, celle des agglo-mérations palestiniennes (sauf Hébron, évacuée plus tard) qui sont confiées à l’Autorité palesti-nienne et libérées par l’armée israélienne. Est aussi décidée l’élection d’un conseil législatif palesti-nien. Les accords de 1993 sont également confir-més par la coopération économique et le partage de l’eau. Ils devaient déboucher sur la naissance d’un État palestinien mais tout est remis en cause avec le meurtre de Rabin en novembre 1995. Le refus de ce processus par la droite israélienne et la radicalité des islamistes palestiniens (surtout présents à Gaza) font le reste.

COurs 2 pp. 250-251

L’impasse au Proche-Orient des années 1970 à nos jours

DocuMEnT 1

L’Organisation de libération de la Palestine estime que les Palestiniens ont des droits souve-rains et que la création d’Israël et l’immigration qui s’en est suivie (« invasion sioniste ») sont illé-gitimes. L’État hébreu est donc considéré comme

Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 93

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manence à établir un front arabe contre l’Iran »). C’est ainsi que le roi Abdallah peut parler d’égal à égal avec le président Obama. Sur la scène inter-nationale, les membres de l’OPEP influencent de nombreuses décisions, notamment dans le domaine financier. L’Occident a aussi tout inté-rêt à pacifier le Moyen-Orient afin d’assurer son approvisionnement énergétique.

5. Les États-Unis protègent leurs intérêts pétroliers par une diplomatie très conciliante envers le prin-cipal exportateur de pétrole : l’Arabie Saoudite. Cette protection, déjà ancienne, s’est accentuée depuis la guerre du Golfe en 1991. Si le danger irakien a été maîtrisé, c’est désormais l’Iran qui inquiète les grands exportateurs de pétrole dont les Saoudiens, et l’administration américaine est soucieuse de rassurer ses alliés arabes. Ainsi, les exportations d’hydrocarbures qui empruntent le Golfe Persique vers le canal de Suez via le détroit d’Ormuz sont étroitement surveillées par les forces armées des États-Unis.

6. Ces nouveaux oléoducs/gazoducs, récemment construits ou en projet, permettent à certains pays exportateurs (Iran, Azerbaïdjan) ou importateurs (Turquie, Pakistan) d’échapper aux contraintes (autorisations de transport) et tensions susceptibles de perturber les livraisons. Ainsi, l’Iran pourrait exporter son pétrole sans passer par le Golfe Per-sique et trouver de nouveaux clients (dont le Pakis-tan et l’Inde). L’Azerbaïdjan, ancienne république soviétique, peut aussi livrer son pétrole, depuis 2005, en évitant le territoire russe, via la Géor-gie ou la Turquie. Cette liberté stratégique évite aussi de dépendre de la protection d’une puis-sance étrangère comme les États-Unis.

7. La question des hydrocarbures au Moyen-Orient est cruciale et de nombreux intérêts stra-tégiques sont en jeu. Les puissances occidentales, dont les États-Unis, doivent limiter les tensions afin d’assurer leur approvisionnement. Anticiper ou désamorcer un conflit permet d’éviter un choc pétrolier néfaste aux économies importatrices. Les puissances régionales du Moyen-Orient, telles l’Arabie Saoudite ou l’Iran, comptent sur la rente pétrolière pour imposer leur influence locale. Ainsi, si un conflit éclate dans le Golfe Persique, c’est toute l’économie mondiale qui est frappée et les routes du pétrole perturbées. Une telle situa-tion devient alors prioritaire à l’ONU et les rela-

dOssier 5 pp. 252-253

Les hydrocarbures : un enjeu majeur au Moyen-OrientAu-delà des conflits politiques, la question de la répartition et de l’exploitation des ressources naturelles est source de tensions géopolitiques. Comme l’eau, le pétrole attise les convoitises.

QUESTIONS

1. L’exploitation des hydrocarbures organise l’es-pace du Moyen-Orient. À partir de la zone d’ex-traction, qui correspond à l’arrière-pays du Golfe Persique, un réseau complexe de conduites (oléo-ducs et gazoducs) maille inégalement le Moyen-Orient. Certaines débouchent sur des terminaux portuaires ; d’autres, plus longues, traversent des territoires et forment des axes majeurs, surtout orientés Est-Ouest. La Méditerranée orientale est l’exutoire principal de ces flux terrestres tout comme de la route maritime qui passe par Suez. La péninsule arabique est ainsi contournée par les pétroliers ou méthaniers qui chargent dans le Golfe Persique, route stratégique très sensible.

2. Les principaux pays pétroliers du Moyen-Orient sont les pays arabes riverains du Golfe Persique : l’Arabie Saoudite, le Koweït, l’Irak, l’Iran et les Émirats-arabes-unis.

3. Les deux chocs pétroliers des années 1970 sont dus à la guerre du Kippour (octobre 1973) et à la révolution iranienne (février 1979). L’in-vasion du Koweït, en août 1990, ne provoque qu’une hausse passagère et limitée du pétrole, dont le prix est inférieur à 40 dollars le baril sur une longue période (années 1980 et 1990). En revanche, l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003, telle la guerre du Kippour, ouvre une période haussière brutale.

4. Au Moyen-Orient, les pays producteurs d’hy-drocarbures deviennent des partenaires très influents dans l’équilibre géopolitique de la région. Leur puissance financière pèse dans les liens diplomatiques qu’ils peuvent tisser avec leurs voisins. Des alliances, des intercessions se nouent et contribuent à apaiser ou attiser les tensions. Ces rentiers du pétrole doivent aussi préserver leurs intérêts et une paix relative afin d’assurer leurs exportations. À ce titre, le rôle diplomatique de l’Arabie Saoudite est déterminant et son poids dans la région pèse lourd (elle « travaille en per-

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aussi une cible pour Téhéran. L’Arabie Saoudite sunnite mène cette coalition contre l’Iran chiite. Autre ennemi, plus récent : la communauté inter-nationale, l’ONU, qui s’oppose au programme nucléaire développé en Iran.

4. Les discours de Khomeiny et d’Ahmadine-jad sont assez similaires quant à leur opposition radicale à Israël. Si le discours de 2005 semble être la suite de celui de 1987, le choix des mots est encore plus fort chez Ahmadinejad : « Israël doit être rayé de la carte », dit-il. Les deux diri-geants iraniens insistent sur la nation islamique (Khomeiny) ou musulmane (Ahmadinejad) en lutte contre Israël. Le discours de l’actuel prési-dent de la République islamique d’Iran semble plus centré sur le Moyen-Orient et le problème palestinien alors que Khomeiny, en 1987, situe l’Iran dans un contexte international.

5. Le développement du programme nucléaire iranien entraîne de nombreux risques qui pèsent sur la paix au Moyen-Orient. Si l’Iran développe un programme nucléaire, de surcroît militaire, Israël et son allié américain ne peuvent que réa-gir. Une intervention aérienne sur les sites ira-niens entraînerait inévitablement un conflit aux conséquences désastreuses. En effet, cette esca-lade isolerait l’Iran qui, au-delà d’une réponse militaire, agirait contre les intérêts des Occiden-taux, en interdisant, par exemple, la navigation maritime dans le détroit d’Ormuz. Des groupes islamistes pourraient aussi répliquer par des atten-tats au Moyen-Orient et dans le monde entier. Le risque de déstabilisation est donc bien réel mais, avant d’envisager ce scénario catastrophe, la diplomatie internationale n’a pas abandonné tout espoir de négociation avec l’Iran.

6. La République islamique iranienne est donc bien devenue une puissance régionale au Moyen-Orient. Sa situation géostratégique, son influence religieuse chiite, son peuple nombreux, sa richesse en hydrocarbures, son programme nucléaire en font un pays incontournable dans cette région du monde. Avec l’effacement de l’Égypte ou de l’Irak, elle désire rassembler une partie du monde musulman derrière un islamisme intran-sigeant face au monde occidental. Son position-nement hostile envers Israël inquiète et interroge la communauté internationale. Pour de nombreux pays arabes modérés, son rôle est déstabilisant.

tions internationales se focalisent sur cette région du monde.

8. Plusieurs conflits contemporains ont montré le rôle déterminant du pétrole. Un de ces trois exemples significatifs peut être choisi :– la guerre du Kippour (octobre 1973) : en réaction au soutien américain à Israël, les pays arabes déci-dent un embargo sur le pétrole livré aux pays occi-dentaux, ce qui conduit au premier choc pétrolier ;– la guerre Iran-Irak (1980-1988) : pendant ce conflit, l’Iran perturbe la navigation dans le Golfe Persique et les Occidentaux protègent les pétro-liers menacés ;– la guerre du Golfe (1990-1991) : Saddam Hus-sein lorgne sur les réserves du Koweït, qu’il enva-hit. Chassé par la coalition internationale, il incen-die les puits de pétrole.

dOssier 6 pp. 254-255

L’Iran : la montée en puissance d’un nouvel acteur régional

QUESTIONS

1. Ce document 1 est un extrait du message de Khomeiny destiné aux pèlerins de la Mecque et plus largement à tous les musulmans islamistes. Ce discours est empreint d’une certaine solennité puisqu’il tient lieu de fondement de la Révolu-tion islamique. En 1987, le contexte international reste marqué par l’affrontement Est-Ouest auquel fait allusion l’auteur, tandis qu’au Proche-Orient débute l’Intifada déclenchée par de jeunes Pales-tiniens contre Tsahal à Gaza et en Cisjordanie. Ce conflit motive aussi l’intervention de Khomeiny.

2. La révolution islamique prônée par Khomeiny se veut avant tout indépendante (« Ni Est, ni Ouest ») et populaire. Il s’agit de créer une société islamique protectrice des « affamés et des oppri-més ». Cette pensée globale se définit aussi contre la présence d’Israël et l’influence américaine au Moyen-Orient, qu’il faut libérer. L’expansion islamiste est ainsi inhérente à cette Révolution, qui doit combattre tous ceux qui la remettent en cause : l’Irak, les États-Unis, Israël.

3. Les ennemis principaux de la République isla-mique iranienne sont Israël et les États-Unis, qui font obstacle à l’expansion de l’islamisme. Les États arabes voisins, qui considèrent l’Iran comme un réel danger au Moyen-Orient, sont

Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 95

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et suréquipés, disposant d’un armement moderne et d’une logistique sophistiquée, ici mécanisée. Les moudjahidines afghans ne peuvent donc que pratiquer une guerre de harcèlement et de coups furtifs mais dans un environnement connu. À l’opposé, les soldats américains en Irak, et cer-tains aussi en Afghanistan, mènent des opérations préparées et coordonnées mais le terrain leur est souvent défavorable : il s’agit d’un espace urbain non sécurisé propice à des attentats, d’où une grande méfiance.

cinéma & histoire pp. 258-259

Le cinéma, témoin du conflit israélo-palestinien et miroir critique de la société

Le cinéma israélien

QUESTIONS

1. Valse avec Bachir évoque la première guerre du Liban en 1982.En juin 1982, l’armée israélienne, sur ordre d’Ariel Sharon, ministre de la Défense, envahit le sud du Liban pour y neutraliser les combat-tants de l’OLP. C’est l’opération « Paix en Gali-lée ». Le 17 septembre, en représailles de l’assas-sinat du président libanais Bachir Gemayel, les milices chrétiennes phalangistes tuent près d’un millier de civils palestiniens des camps de Sabra et Chatila, au sud de Beyrouth. L’armée israé-lienne, arrivée à Beyrouth, couvre alors ce mas-sacre. Le titre « Valse avec Bachir » désigne cette alliance objective entre Tsahal et les milices de Gemayel.Ari, le héros du film qui est le réalisateur lui-même, avait 20 ans et était enrôlé dans Tsahal. 25 ans après, il fouille ses souvenirs, incomplets et cauchemardesques, hanté par l’idée qu’il a peut-être assisté au massacre. Le film fonctionne comme une autopsychanalyse. C’est aussi une exploration de la mémoire d’Israël et des refou-lements de sa mauvaise conscience.En brassant des images appartenant à une triple temporalité – le présent de la réalisation du film sorti en 2009 (en 2006, s’est produite la deuxième guerre du Liban) ; les évènements de 1982 ; la Shoah (qui est en filigrane par de nombreuses réminiscences) –, Folman soulève plusieurs ques-tions taboues : les soldats israéliens étaient-ils spectateurs ou partie prenante du massacre ? quel

L’islam chiite qu’incarne l’Iran remet en cause les sociétés sunnites du Moyen-Orient, ouvertes à l’Occident. Défenseur des Palestiniens, l’Iran soutient des milices radicales dont le Hezbollah au Liban ou le Hamas à Gaza.

7. Dans ce diaporama, il faut sélectionner des images qui correspondent à l’affirmation pro-gressive de la République islamique d’Iran depuis 1979. Par exemple :– 1979 : les gardiens de la Révolution face à l’am-bassade des États-Unis, prise en otage ;– 1980-1988 : les soldats iraniens dans les tran-chées face à l’armée irakienne ;– 1989 : après la mort de Khomeiny, la succes-sion est assurée avec le choix de l’Ayatollah Kha-meini comme nouveau guide suprême ;– 2005 : l’élection à la présidence de la Répu-blique d’Ahmadinejad ;– 2009 : le défilé militaire, célébrant les trente ans de la Révolution islamique iranienne.

COurs 3 pp. 256-257

Le Moyen-Orient : une région toujours incertaine

DocuMEnT 1

Les pays en amont des chaînes de montagnes sont privilégiés dans l’exploitation des ressources en eau. En effet, les principaux fleuves du Moyen-Orient, le Tigre et l’Euphrate, prennent leur source en Turquie, pays qui maîtrise donc les débits les plus abondants.

Ces trois pays – Turquie, Syrie et Irak – ont développé des programmes hydrauliques, avec construction de barrages, afin de créer des zones agricoles irriguées ou d’alimenter en eau une population de plus en plus urbaine. La réparti-tion de cette eau fluviale est donc très inégale, puisqu’elle est favorable à la Turquie, premier pays servi. La Syrie et surtout l’Irak, plus peu-plé et situé en aval des fleuves, veulent un par-tage plus équitable, que refuse la Turquie. L’eau est donc source de tensions.

DocuMEnTs 2 ET 3

Tout oppose les soldats talibans et ceux apparte-nant à l’armée américaine. D’un côté, des hommes sans uniforme, armés de lance-roquettes et de mitraillettes ; de l’autre, des militaires entraînés

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analyse les racines du conflit dans La Maison. Premier à s’attaquer à des sujets tabous, il doit s’exiler dix ans en France. « Le meilleur service que l’on puisse rendre à sa patrie, dit-il, c’est de faire un cinéma fort et critique. » Il est suivi, dans les années 2000, par une géné-ration de cinéastes appartenant au « camp de la paix », traitant du conflit frontalement, mettant en cause l’idéal sioniste, dénonçant les injustices et les pesanteurs culturelles.

Filmographie sélective :– Kadosh, Amos Gitaï, 1999 (sur le mariage) ;– Une jeunesse comme une autre, Dalia Hager, 2005 (sur le service militaire féminin) ;– My Father, my Lord, David Volach, 2007 (sur le pouvoir patriarcal) ;– La visite de la fanfare, Eran Kolirin, 2007 (sur des musiciens égyptiens dans un village israélien) ;– Les Sept Jours, Roni et Schlomi Elkabetz, 2008 (sur les rites funéraires et les tensions familiales) ;– Tu n’aimeras point, Haim Tabakman, 2008 (sur l’homosexualité et l’orthodoxie) ;– Beaufort, Joseph Cedar, 2008 (sur l’occupa-tion du Liban) ;– Désengagement, Amos Gitaï, 2008 (sur le retrait des colons de Gaza).

3. Le cinéma palestinien n’a pas les moyens et la reconnaissance du cinéma israélien, qui béné-ficie de structures de production et de diffusion lui assurant une grande audience mondiale. Une présentation très développée du cinéma palesti-nien est donnée par le site suivant : www.urgence-palestine.ch/Activites/cinemaPalestinien.html. Dans les années 1960-1980, c’est un cinéma militant, initié par l’OLP, faisant des documen-taires engagés directement dans le conflit. Le cinéma de fiction apparaît avec Michel Khleifi, palestinien de la diaspora (Bruxelles), dont le film Noces en galilée (1987) fut primé à Cannes : pour permettre un mariage dans un vil-lage arabe, le gouverneur israélien accepte de lever le couvre-feu à condition d’être invité à la noce. L’autre grand réalisateur palestinien est Elia Souleiman, dont les films autobiographiques sont marqués par un humour acide : Chronique d’une disparition (1996) ; Intervention divine (2002). En 2005, la sortie de Paradise now de Hany Abu Assad fait grand bruit. Deux Palestiniens recrutés pour commettre un attentat-suicide ne peuvent et

Chapitre 8 Un foyer de conflits : le Proche et le Moyen-Orient depuis 1917 97

est le degré de responsabilité des autorités israé-liennes ? Plus généralement, il fait s’interroger une génération dont les parents furent victimes du nazisme : les soldats israéliens ne sont-ils pas à leur tour du côté des bourreaux ? Les Citronniers, dont l’affiche montre un mira-dor, pose la même question. Le film ne fait pas référence à des évènements historiques précis ; il plonge cependant au cœur du conflit israélo-palestinien dans sa dimension la plus concrète, le partage de la terre. Mêlant le tragique et le comique, il décrit une réalité quo-tidienne : la coexistence forcée de deux peuples antagonistes sur un territoire minuscule ; l’absur-dité des contraintes de l’occupation militaire ; l’implacabilité inhumaine du mur de béton qu’Is-raël édifie depuis 2002. Ce film de frontière se classe parmi les « films de réconciliation » par sa morale positive de conte pacifiste. La culture méditerranéenne est don-née comme un terreau commun aux Juifs et aux Arabes. « Bons » et « méchants » sont distribués dans les deux camps : militaires israéliens obtus et hypocrites, palestiniens bigots et égoïstes. Le machisme sévit des deux côtés et suscite la soli-darité entre l’épouse du ministre hébreu et la veuve arabe. Ajami est un film « choral » dont les nombreux personnages composent un panel assez complet de la société d’un quartier, à majorité arabe, d’une ville israélienne. Loin d’un tableau binaire qui opposerait Juifs et Arabes de façon simpliste, ce polar montre certes la ségrégation et les vexations imposées à la population arabe par les autorités israéliennes, mais aussi les exactions de la mafia palestinienne, et les tensions entre Arabes israé-liens et Arabes des territoires occupés, ou encore entre Israéliens chrétiens et Israéliens musulmans. Réalisé par deux amis, un Juif et un Arabe, le film, par son existence même, est un déni de la fatalité qui semble peser sur le quartier d’Ajami, et un exemple remarquable du rôle politique que doit jouer le cinéma pour faire avancer la société israélienne.

2. Jusqu’aux années 1970, le cinéma israélien est peu visible, la production est faible. Au début, elle se cantonne à des films de propagande sio-niste héroïque. Ensuite, elle se partage entre films d’auteurs, peu diffusés, et comédies populaires. Tout change avec Amos Gitaï qui, en 1980,

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1918, bien qu’elle se soit accentuée depuis 1991. On notera que cette influence récente n’a pas permis d’imposer une pax americana solide, puisqu’elle s’est même dégradée après 2001.

vers le baC pp. 264-265

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE dE dOcUmENT

Au préalable, la réussite de cet exercice passe par l’analyse de la consigne. Deux étapes : « identi-fiez » et « montrez ». La deuxième étape s’arti-cule autour de l’expression « rôle majeur », qui sous-entend d’expliquer les propositions de Yas-ser Arafat, favorables à une « stratégie de paix ». Ce qui oblige à penser à une troisième étape : la portée du document. Cette partie fait appel à des connaissances précises sur les relations israélo-palestiniennes après 1988.

I. L’identification du document– La nature du document : un extrait du journal Le Monde du 16 décembre 1988, qui retranscrit les passages importants du discours de Yasser Arafat du 14 décembre 1988.– Le contexte du document (cf. introduction du texte).– L’intérêt du document : les propositions du lea-der palestinien constituent un tournant dans le conflit israélo-arabe en Palestine et le début d’un lent processus de négociations.

II. Trois propositions « historiques »– La reconnaissance d’Israël, selon les résolu-tions de l’ONU, dans le cadre d’un partage de la Palestine entre deux États : Israël et un État palestinien arabe.– La renonciation par l’OLP au terrorisme.– L’enclenchement de négociations entre les deux parties.

III. La portée du document– Des propositions historiques : l’OLP renie sa charte de fondation.– Une nouvelle période commence, celle des négociations OLP/Israël.– À moyen terme, cette « stratégie de paix » débouche sur les accords d’Oslo de 1993 : une autonomie palestinienne dans une partie des ter-ritoires occupés depuis 1967 et la création d’une entité politique (l’Autorité palestinienne).

ne veulent plus passer à l’acte ; pourchassés par leurs commanditaires intégristes comme par les autorités israéliennes, ils sont en proie à la folie des deux côtés. Les récompenses internationales, l’ouverture de salles à Ramallah ou Naplouse constituent des signes de dynamisme, ainsi que la participation à des rencontres cinématographiques où s’amorce parfois un rapprochement entre jeunes cinéastes des deux camps. Le cinéma, instrument possible d’une compréhension ?

vers le baC pp. 262-263

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Les États-Unis et le Moyen-Orient depuis la fin de la Première Guerre Mondiale.Ce sujet de synthèse permet d’étudier l’ensemble des tensions et conflits selon les intérêts de la première puissance occidentale. L’introduction doit servir à définir les termes du sujet. Il s’agit de comprendre dans ce libellé l’importance du « et ». La problématique doit s’appuyer sur cette mise en relation : Comment l’influence des États-Unis s’impose-t-elle après 1945 dans cette région du monde très conflictuelle ?

I. Les États-Unis au Moyen-Orient : la perma-nence de quelques prioritésA. Une réelle influence après 1945B. Protéger Israël et maintenir un équilibre géo-politiqueC. Assurer son approvisionnement pétrolier

II. Une influence feutrée sous la guerre froideA. Favoriser la naissance de l’État d’IsraëlB. Contrer l’influence soviétique (depuis la crise de Suez)C. Contenir la Révolution islamique iranienne

III. Une influence renforcée depuis 1991A. Trouver un compromis dans le conflit israélo-arabe : les tentatives de paixB. Contrôler les États exportateurs de pétrole et maintenir l’alliance avec l’Arabie SaouditeC. Lutter sans retenue contre l’islamisme après le 11 septembre 2001

En conclusion, on insistera sur l’influence incons-tante des États-Unis au Moyen-Orient depuis

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Chapitre

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du pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif. Deux configurations institutionnelles peuvent ainsi être distinguées. La IVe République donne un rôle central à l’Assemblée nationale alors que la Ve République renforce le pouvoir exécutif. Le dossier 2 et le cours 1 permettent de distinguer une lecture et une pratique parlementaire et pré-sidentielle de la constitution de la Ve République. Les deux dossiers permettent également d’éta-blir des liens avec l’histoire de l’État et de l’ad-ministration. Ainsi, les documents 4 et 5 du dos-sier 1 permettent de décrire le fonctionnement des ministères, ainsi que le rôle des cabinets et des administrations centrales sous la IVe Répu-blique. Les documents 4 et 5 du dossier 2 visent à souligner la nouvelle légitimité politique des technocrates sous la Ve République1.

L’État depuis 1946L’État a été défini par Max Weber comme « une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques –, revendique avec succès pour son propre compte « le monopole de la violence physique légitime »2. Fortement inspiré par ces travaux et par la « sociogenèse de l’État » proposée par Norbert Elias3, le Nouveau Manuel de science politique rappelle que l’his-toire de l’État se caractérise par une « stabilisa-tion d’un monopole de domination (militaire, financier, symbolique) au profit d’un “centre” qui entend exercer le pouvoir sur une population et sur un territoire »4. Pierre Rosanvallon sou-ligne l’émergence de quatre principales fonctions

1. Pour approfondir cette dimension : chapitre 1 – « L’ère des technocrates » – in Bastien François, Le Régime de la Ve Répu-blique, La Découverte, Paris, 2008.2. Max Weber, Le Savant et le Politique (1919), « coll. 10/18 », Plon, 1995.3. Norbert Elias, La Dynamique de l’Occident, Presse Poc-ket, Calmann-Lévy, Paris, 1975 (1re édition en 1939).4. Antonin Cohen, Bernard Lacroix et Philippe Riutort, Nou-veau Manuel de science politique, La Découverte, Paris, 2009.

I. Les choix du manuelLe chapitre aborde la manière de gouverner la France depuis 1946. Il s’inscrit dans une réflexion sur les échelles de gouvernement dans le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il invite notamment à s’interroger sur l’évolution de la place de l’État nation en France, au moment où la construction européenne et la recherche d’une gouvernance économique mondiale trans-forment profondément la nature et les préroga-tives de l’État et de l’administration. Le texte officiel stipule que cette question doit être abordée à travers une étude du gouvernement, de l’État et de l’administration, qui font chacun l’objet d’un cours, précédé de deux dossiers. Il invite également à souligner les héritages et les évolutions. Afin d’identifier les éléments de conti-nuité et de rupture dans les principales évolutions depuis 1946, le manuel propose un double dispo-sitif. Tout d’abord, à l’aide des pages « Repères », une histoire de l’État nation et de l’administra-tion depuis l’Ancien Régime est esquissée ; elle permet de dessiner un État centralisé – qui s’est progressivement démocratisé et républicanisé au cours du xixe siècle –, au service duquel une administration s’est constituée depuis la Révo-lution française. Ensuite, les premières parties des cours 2 et 3 inscrivent les histoires de l’État et de l’administration depuis 1946 dans une his-toire plus ancienne.

Le gouvernement de la France depuis 1946Le gouvernement peut désigner l’ensemble des personnes concentrant l’essentiel des pouvoirs dans un État (chef de l’État, chef du gouverne-ment, ministres, parlementaires, hauts fonction-naires des ministères, etc.), ainsi que leurs moda-lités d’exercice du pouvoir. Dans une acception plus restreinte, le gouvernement ne concerne que le pouvoir exécutif. Dans les deux premiers dos-siers et dans le cours 1, le manuel vise à combi-ner les deux définitions en analysant les relations

Manuel, pp. 268-299

Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 19469

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 99

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met de décrire une administration centrale et les services déconcentrés d’un ministère depuis les années 1960 et de mesurer l’impact de la décen-tralisation sur ses missions et ses actions.

II. Les outils complémentaires– Frise interactive : « Gouverner à l’échelle natio-nale : la France depuis 1946 », pp. 270-271.– Schémas interactifs : « Les institutions de la IVe République », p. 272 ; « Les institutions de la Ve République, à partir d’octobre 1962 », p. 274 ; « Les institutions régionales », p. 287.– Vidéos : « Inauguration du Théâtre de l’Odéon par André Malraux et Charles de Gaulle, 31 octobre 1959, © INA Jalons », p. 280 ; « Trans-fert des pouvoirs du préfet de région au Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, 15 avril 1982, © INA Jalons », p. 287 ; « Interview de Jack Lang sur la décentralisation et le 1 %, 19 juillet 1982, © INA Jalons », p. 289.– Diaporama : « Le choix du référendum pour gouverner et réformer l’État et l’administration de 1958 à 1972 », p. 274.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 294 ; « Ne pas confondre », p. 294 ; « Personnages clés », p. 294.

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 268-269

Les deux photographies renvoient à deux périodes et deux pratiques du pouvoir sous la Ve Répu-blique. Le document 1 souligne le rôle central du chef de l’État dans les institutions de la Ve République. Celui-ci est photographié, entouré de maires qui l’écoutent attentivement, lors d’un déplacement en province, dans le Doubs, en 1962. Ces dépla-cements en province permettaient à de Gaulle de rencontrer les élus locaux dans le cadre de réu-nions de travail et de multiplier les bains de foule. Le chef de l’État semble être le seul acteur de la vie politique, celui qui porte la parole de l’État et incarne son action. Le document 2 est une photographie d’une séance du conseil général du département du Doubs en 2011. Cinquante ans plus tard, le dépar-tement est géré par un conseil général élu dans le cadre d’une France décentralisée depuis les lois de

de l’État depuis 17895. La première est celle de « l’État régalien, organisateur de la violence légi-time », qui « tire sa puissance et son droit du fait qu’il organise la paix sur le territoire, en mettant sur pied la défense extérieure et en empêchant la guerre civile intérieure ». La deuxième est celle de « l’État instituteur du social », qui doit assurer la cohésion sociale et faire vivre la nation fran-çaise. Les deux dernières missions de l’État sont celles de l’État providence et de l’État régulateur de l’économie. Le dossier 4 permet d’aborder les deux der-nières missions de l’État, qui se développent en France surtout après 1945. Les documents 1 à 3 permettent de bâtir une définition de l’État pro-vidence et de l’État keynésien. Les documents 4 et 5 tendent à montrer que ces deux nouvelles missions sont plus difficiles à remplir à partir des années 1980 du fait du tournant néolibéral et des difficultés de financement de la protection sociale. Le dossier 3, qui est consacré au ministère de la Culture, permet de comprendre comment peut naître un domaine d’intervention de l’État et comment peut évoluer une politique publique. Croisé avec le dossier 6, consacré à l’administra-tion de ce ministère, il permet de bâtir une étude permettant de comprendre comment se définit et évolue la mission d’un ministère, comment il s’administre et comment il participe à la décon-centration et à la décentralisation de l’État6.

L’administration depuis 1946L’administration désigne l’ensemble des services qui permettent au gouvernement de mettre en œuvre ses décisions pour répondre aux besoins de la population. Le tournant majeur de l’his-toire de l’administration réside dans les lois de décentralisation de 1982 et 1983. Le dossier 5 permet d’en décrire les étapes et les enjeux, tout en soulignant l’émergence d’une nouvelle col-lectivité territoriale, la région. Le dossier 6 per-

5. Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Seuil, Paris, 1990.6. Deux livres et un article pour approfondir ces points :– Vincent Dubois, La politique culturelle : genèse d’une caté-gorie d’intervention publique, Belin, Paris, 1999.– Philippe Poirrier, L’État et la culture en France au XXe siècle, LGF, Paris, 2006.– Philippe Poirier, « Ministère de la Culture », in Christian Delporte, Jean-Yves Mollier et Jean-François Sirinelli, Dic-tionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, PUF, Paris, 2010.

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Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 101

3. Avec les lois de décentralisation de 1982, la région devient une nouvelle collectivité territo-riale. Les pouvoirs du préfet sont alors modifiés. Celui-ci n’intervient plus dans le choix des déci-sions mises en délibération et votées par les col-lectivités territoriales (conseil municipal, conseil général et conseil régional).

dOssier 1 pp. 272-273

Gouverner sous la IVe RépubliqueObjectifs du dossier :– décrire le fonctionnement des institutions sous la IVe République ;– comprendre le rôle central de l’Assemblée natio-nale dans la constitution et le contrôle des gou-vernements ;– comprendre comment la stabilité du person-nel politique et administratif tempère l’instabi-lité ministérielle.

QUESTIONS

1. Sous la IVe République (cf. doc. 1), le pré-sident de la République nomme le président du Conseil. Le témoignage de Vincent Auriol (cf. doc. 2) montre que le choix du chef de l’État dépend avant tout de la capacité du futur prési-dent du Conseil à être investi par l’Assemblée nationale.2. Une fois nommé, le président du Conseil doit consulter les responsables des principaux partis politiques afin de s’assurer de leur soutien et de sa capacité à constituer un gouvernement. C’est ce que Vincent Auriol invite Antoine Pinay à faire en 1952. Le document 3 montre qu’en 1957 Guy Mollet, nommé par le président de la République René Coty, demande l’investiture pour lui-même et pour son gouvernement. Les députés peuvent la refuser.3. Les institutions de la IVe République sont par-lementaires car le pouvoir exécutif est responsable devant le pouvoir législatif. En effet, l’Assemblée nationale peut renverser le gouvernement.4. L’instabilité ministérielle s’explique par la dif-ficulté du gouvernement à être toujours en accord avec la majorité qui l’a investi à l’Assemblée nationale. Elle est également due aux pouvoirs et à la légitimité que l’Assemblée nationale détient, lui permettant de penser le gouvernement comme « une commission exécutive » de l’Assemblée.

1982/1983. Une vie politique et une démocratie locale se sont développées dans les collectivités territoriales. Les drapeaux rappellent également que la France est membre de l’Union européenne.

repères pp. 270-271

L’État nation en France : les héritages

L’administration : les héritages

QUESTIONS

1. La Révolution française a renforcé le rôle de l’État et a changé sa nature. Elle a instauré son monopole fiscal et judiciaire au détriment de l’Église et de la noblesse. Elle a également inventé la souveraineté nationale, faisant de l’État l’ex-pression du pouvoir de la nation. Une adminis-tration centralisée a été mise en place, essentiel-lement sous le Consulat et sous l’Empire, grâce à la création des administrations centrales des ministères créés dès le début de la Révolution française.Jean-Philippe Genet définit l’État comme « une forme d’organisation sociale qui, au nom de sa propre légitimité, garantit sa propre sécurité et celle de ses membres/sujets, disposant au moins à cette fin d’un contrôle, sinon d’un monopole de la justice et d’une force militaire spécifique ». Il précise toutefois qu’un État moderne ne peut pas se définir par ces deux seuls monopoles. Il doit de surcroît posséder « la base matérielle repos[ant] sur une fiscalité publique acceptée par la société politique (et ce dans une dimen-sion territoriale supérieure à celle de la cité), et dont tous les sujets sont concernés ». D’après cet historien, l’État moderne serait né entre 1250 et 1350 dans les principales monarchies occiden-tales d’Europe.

2. Pendant une partie du xixe siècle, l’État n’est pas un État républicain et démocratique. En effet, la forme républicaine des institutions ne s’impose durablement qu’avec la IIIe République, en 1870, et l’enracinement de la culture républicaine, dans les années 1880 et 1890. L’instauration progres-sive du suffrage universel pendant la seconde moi-tié du xixe siècle permet de démocratiser l’État en instaurant peu à peu une souveraineté popu-laire, même si le suffrage reste encore masculin à la fin du xixe siècle.

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– ministre d’État sans portefeuille dans le gou-vernement d’Edgar Faure ;– ministre d’État chargé du Conseil de l’Europe dans le gouvernement de Jean Laniel ;– ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Pierre Mendès France ;– ministre d’État et garde des Sceaux chargé de la Justice dans le gouvernement de Guy Mollet.

dOssier 2 pp. 274-277

Gouverner sous la Ve République

Objectifs du dossier :– décrire les institutions de la Ve République ;– comprendre le rôle central joué par le prési-dent de la République ;– comprendre en quoi la Ve République inaugure « l’ère des technocrates » (Bastien François) ;– identifier les différentes réformes institution-nelles et comprendre en quoi elles ont modifié l’esprit et la pratique des institutions ;– comprendre en quoi les expériences de cohabi-tation ont introduit une nouvelle lecture et pra-tique de la Constitution.

QUESTIONS (p. 275)

1. Sous la Ve République, le pouvoir exécutif détient des pouvoirs plus étendus que sous la IVe République. Le chef de l’État peut dissoudre plus facilement l’Assemblée nationale. Il peut soumettre à référendum certaines questions. Il nomme trois membres du Conseil constitution-nel, ainsi que le Premier ministre. Il peut prendre les pleins pouvoirs d’après l’article 16, lorsque la République est en danger. Le gouvernement peut légiférer par ordonnance après l’accord du Parle-ment ou faire adopter un texte sans débat grâce à l’article 49.3.

2. Dans les institutions de la Ve République, l’As-semblée nationale est contrôlée par le pouvoir exé-cutif. Tout d’abord, le gouvernement partage l’ini-tiative des lois avec le Parlement. L’ordre du jour de l’Assemblée étant fixé par le gouvernement, les projets de lois, d’origine gouvernementale, sont donc plus nombreux que les propositions de lois, d’origine parlementaire. Le gouvernement peut également contourner le processus législatif tra-ditionnel en recourant aux ordonnances et à l’ar-

5. Sous la IVe République, malgré une instabi-lité ministérielle, la vie politique se caractérise par une stabilité du personnel politique. En effet, un homme politique peut occuper des fonctions ministérielles dans plusieurs gouvernements successifs. François Mitterrand a ainsi été suc-cessivement, entre 1948 et 1957, ministre des Anciens combattants et victimes de guerre, secré-taire d’État à l’information, secrétaire d’État à la présidence du Conseil, ministre de la France d’outre-mer, ministre d’État sans portefeuille, ministre d’État chargé du Conseil de l’Europe, ministre de l’Intérieur, ministre d’État et garde des Sceaux chargé de la Justice. Ainsi, si les gouver-nements changeaient fréquemment, les hommes politiques qui les constituaient étaient souvent les mêmes. Par ailleurs, André Siegfried rap-pelle que, lorsqu’un ministre change, « le dépar-tement ministériel continue, son personnel deve-nant même d’autant plus puissant par sa stabilité que le titulaire politique change plus souvent ». Il y a donc une stabilité du personnel administratif qui assure ainsi la cohérence et le suivi des poli-tiques mises en œuvre sous la IVe République par les différents ministères.

6. Sous la IVe République, l’Assemblée natio-nale joue un rôle prépondérant :– elle domine le Parlement car le conseil de la République n’y tient qu’un rôle consultatif ;– elle investit le président du Conseil et le gou-vernement. Le président de la République est donc obligé de désigner un président du Conseil susceptible d’être investi par la majorité abso-lue des députés ;– l’Assemblée nationale peut renverser un gou-vernement en votant une motion de censure ou en lui refusant la confiance.

7. François Mitterrand a été successivement :– ministre des Anciens combattants et victimes de guerre dans le gouvernement de Paul Ramadier ;– ministre des Anciens combattants et victimes de guerre dans le gouvernement de Robert Schuman ;– secrétaire d’État à l’information dans le gou-vernement de Robert Schuman ;– secrétaire d’État à la présidence dans le gou-vernement d’Henri Queuille ;– ministre de la France d’outre-mer dans le gou-vernement de René Pleven ;– ministre de la France d’outre-mer dans le gou-vernement d’Henri Queuille ;

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voir législatif et donne aux technocrates un rôle de plus en plus important. Le pouvoir exécutif est détenu par le chef de l’État et par le Gouvernement. Le chef de l’État a plus de pouvoirs que sous la IVe République. Il peut dissoudre plus facilement l’Assemblée natio-nale. Il peut soumettre à référendum certaines questions. Il nomme trois membres du Conseil constitutionnel. Il peut prendre les pleins pouvoirs d’après l’article 16, lorsque la République est en danger. Il désigne également le Premier ministre et les ministres sur proposition de ce dernier. Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, détermine et conduit la politique de la Nation. Le pouvoir exécutif contrôle le pouvoir légis-latif. Tout d’abord, le gouvernement partage l’ini-tiative des lois avec le Parlement. L’ordre du jour de l’Assemblée étant fixé par le gouvernement, les projets de lois, d’origine gouvernementale, sont donc plus nombreux que les propositions de lois, d’origine parlementaire. Le gouvernement peut également contourner le processus législa-tif traditionnel en recourant aux ordonnances et à l’article 49-3. Le pouvoir exécutif donne un rôle croissant aux technocrates. Ainsi, la nomination d’un ministre tient de plus en plus compte de la maîtrise d’un savoir et de compétences nécessaires pour diriger un ministère. De même, le parcours politique de Valéry Giscard d’Estaing sous la Ve République a largement reposé sur sa capacité d’expertise et sa maîtrise des questions économiques, qui fondaient la légitimité de son action et lui permettaient d’in-carner une forme de modernité politique.

8. Chaque fiche biographique devra comprendre : – les origines familiales ;– le parcours scolaire ;– la carrière politique ;– les grandes réformes mises en œuvre par le président ;– la fin et le bilan de son exercice du pouvoir.

QUESTIONS (p. 277)

1. La réforme constitutionnelle de 1974 permet à 60 députés ou sénateurs de pouvoir saisir le Conseil constitutionnel. Cette saisine n’est donc plus réservée au président de la République, au Premier ministre ou aux présidents des deux assemblées. Elle permet ainsi à l’opposition parle-mentaire d’imposer une vérification de la consti-

ticle 49-3. Par ailleurs, le président de la Répu-blique peut proposer aux Français un référendum, retirant ainsi au Parlement la possibilité de rati-fier certains textes. Enfin, l’Assemblée nationale peut être facilement dissoute par le chef de l’État.

3. Le 30 mai 1968, le président de la République Charles de Gaulle dissout l’Assemblée nationale afin de dénouer la crise de mai 1968, marquée par des manifestations massives.

4. Escaro présente le général de Gaulle paré de tous les attributs de la monarchie (couronne, sceptre, globe de Charlemagne) et prononçant une des phrases de son allocution du 30 mai 1968. Il souligne ici le caractère monarchiste des institu-tions de la Ve République, dénoncé par les mani-festants de mai 1968. Par ce dessin, il rappelle que les principales décisions sont prises par le chef de l’État sous la Ve République.

5. Valery Giscard d’Estaing n’a pas bâti sa carrière politique de la même manière sous la IVe Répu-blique et sous la Ve République. Avant 1958, il se forge une image de notable enraciné localement. Lorsqu’il se présente aux élections législatives de 1956, il ne met en avant ni ses titres univer-sitaires, ni son parcours professionnel, préférant insister sur son héritage politique familial. Devenu ministre sous la Ve République, il modifie radica-lement son discours, insistant sur ses diplômes, sa capacité d’expertise et son expérience de tech-nocrate. Cette modification du discours atteste du poids croissant des technocrates dans le gouver-nement et dans les cabinets ministériels depuis la mise en place de la Ve République.

6. Trois principes sont retenus par François Mitterrand et Pierre Mauroy pour désigner les ministres. Les ministères doivent être attribués aux femmes et aux hommes qui étaient les spé-cialistes au sein du parti socialiste des questions relevant des compétences du ministère. Ainsi, Charles Hernu devient ministre de la Défense après s’être occupé des questions militaires et nucléaires au parti socialiste. Ensuite, le chef de l’État et du gouvernement veillent à attribuer des ministères à toutes les sensibilités du parti. Enfin, ils choisissent des ministres venant de différentes régions de France où ils ont déjà exercé des man-dats électifs.

7. Sous la Ve République, le pouvoir exécutif, qui est véritablement bicéphale, contrôle le pou-

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 103

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d’un vote de confiance. Par ailleurs, les projets de lois qu’il propose dépendent étroitement du pro-gramme de la majorité pour les élections législa-tives. Avant 1986, le chef de l’État choisissait le Premier ministre qui lui semblait le plus apte à mettre en œuvre le programme qui lui avait per-mis de gagner l’élection présidentielle.

7. Les cohabitations et les réformes institution-nelles ont modifié la lecture et la pratique des institutions. Les cohabitations ont permis d’imposer une lecture et une pratique parlementaires des insti-tutions. En effet, au cours de ces expériences, le Premier ministre décide seul de la politique de la Nation et il ne doit rendre des comptes qu’au Parlement. Cette pratique rompt avec une lec-ture et une pratique présidentielles des institu-tions qui se sont imposées dès le début de la Ve République. Le chef du gouvernement, choisi par le chef de l’État et soutenu par la majorité pré-sidentielle à l’Assemblée nationale, devait alors mettre en œuvre le programme électoral qui avait permis au chef de l’État d’être élu. Il était donc sous l’autorité directe du président et devait régu-lièrement lui rendre des comptes. Les réformes institutionnelles ont permis de modifier l’équilibre des pouvoirs. Certaines réformes visaient à renforcer le rôle de l’As-semblée nationale. La réforme de la saisine du conseil constitutionnel en 1974 a renforcé le rôle des députés et notamment ceux de l’opposition. La réforme de 2008 a également accordé de nou-veaux droits à l’Assemblée nationale : elle peut désormais fixer la moitié de son ordre du jour et le Parlement doit donner son autorisation pour la prolongation d’une intervention militaire exté-rieure au-delà de six mois. La réforme de l’ar-ticle 49.3 rend son usage moins fréquent et plus restrictif qu’auparavant. Certaines réformes ont également permis de renforcer l’exécutif. La mise en place du quinquennat, avec l’alignement de la durée du mandat du chef de l’État sur celui des députés, permet de diminuer les risques de cohabitation et de lecture parlementaire des ins-titutions. Pendant cinq ans, le chef de l’État est également le chef de la majorité parlementaire, élue après le président et sur un programme très proche de celui de ce dernier. Il choisit donc un Premier ministre soumis à son autorité et chargé de mettre en œuvre son programme.

tutionnalité des lois votées par la majorité. À par-tir de 1974, le nombre de décisions du Conseil constitutionnel a fortement augmenté.

2. La réforme de 2008 permet de rééquilibrer les institutions de la Ve République au profit de l’Assemblée nationale. Tout d’abord, celle-ci peut désormais fixer la moitié de son ordre du jour avec une journée par mois consacrée aux propositions de lois de l’opposition. L’usage de l’article 49.3 devient plus difficile et plus restrictif pour le gou-vernement. Le Parlement doit également donner son autorisation pour prolonger une intervention militaire extérieure au-delà de six mois.

3. Lionel Jospin et Jacques Chirac sont favorables à l’instauration du quinquennat en 2000. Jacques Chirac est alors président de la République. Il souhaite se représenter et il pense qu’un mandat de 5 ans facilitera sa réélection. Lionel Jospin, alors favori des sondages, pense alors remporter les élections et préfère éviter une nouvelle coha-bitation en alignant la durée du mandat du pré-sident sur celui des députés.

4. La cohabitation est une configuration institu-tionnelle dans laquelle le chef de l’État n’appar-tient pas à la même famille politique que la majo-rité de l’Assemblée nationale. Il est donc tenu de choisir un Premier ministre issu de cette majorité.

5. Le chef de l’État continue à exercer les fonc-tions que lui donne la Constitution. Il doit veil-ler au « fonctionnement régulier des pouvoirs publics, continuité de l’État, [à l’]intégrité du territoire, [au] respect des traités […] ». Fran-çois Mitterrand rappelle qu’il doit « garantir l’in-dépendance de la justice et veiller aux droits et libertés […] ». Le gouvernement est chargé de « déterminer et conduire la politique de la nation », comme le stipule l’article 20 de la constitution. La défense et la politique extérieure deviennent deux domaines partagés entre le chef de l’État et le Premier ministre. Ainsi, les deux membres de l’exécutif participent ensemble aux grands som-mets internationaux.

6. La caricature de Plantu permet d’identifier l’ori-gine de la légitimité du chef du gouvernement en période de cohabitation. Bien qu’il soit choisi par le chef de l’État, il ne tire sa légitimité et son maintien au pouvoir que du soutien de l’Assem-blée nationale. Seule cette assemblée peut le ren-verser par une motion de censure ou par le refus

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dOssier 3 pp. 280-281

L’invention d’un domaine d’intervention de l’État : la culture Objectifs du dossier :– comprendre comment un nouveau domaine d’in-tervention de l’État est créé ;– comprendre en quoi la naissance du minis-tère des Affaires culturelles est étroitement liée à la relation entre Charles de Gaulle et André Malraux ;– identifier les évolutions des missions du minis-tère de la Culture.

QUESTIONS

1. En 1959, pendant la première année du premier gouvernement de la Ve République, le général de Gaulle, élu chef de l’État en décembre 1958, crée le ministère des Affaires culturelles pour André Malraux. L’article 1 du décret du 26 juillet 1959 fixe les missions de ce nouveau ministère : déve-lopper et démocratiser l’accès à la culture, assurer le rayonnement mondial de la culture française et favoriser la production artistique et intellectuelle en France.

2. Lorsque Charles de Gaulle demande à son Pre-mier ministre, en 1967, que « dès le budget de l’année prochaine, il soit ménagé à ce départe-ment ministériel une part plus notable des moyens financiers de l’État, tant pour le renforcement de son appareil administratif que pour l’accomplis-sement des objectifs du Plan », il manifeste sa volonté de doter le ministère des Affaires cultu-relles des moyens financiers lui permettant de mener une politique culturelle. Grâce à l’aug-mentation du budget, le ministère peut financer une administration et mener à bien des objectifs définis par le Plan, comme la construction d’in-frastructures culturelles.

3. Dans les années 1960, le ministère des Affaires culturelles crée notamment des maisons de la culture. Il finance également des théâtres natio-naux.

4. En 1959, le ministère créé par Charles de Gaulle et dirigé par André Malraux porte le nom de « ministère des Affaires culturelles ». En 1982, il se dénomme « ministère de la Culture ». Le décret de 1982, qui définit les missions de ce ministère, propose des objectifs communs à celui

8. Chaque fiche biographique devra comprendre :– les origines familiales ;– le parcours scolaire ;– la carrière politique ;– les grandes réformes mises en œuvre par le président ;– la fin et le bilan de son exercice du pouvoir.

COurs 1 pp. 278-279

Le gouvernement de la France depuis 1946

DocuMEnT 1

La réforme constitutionnelle de 1962 accroît la légitimité du président de la République car, en démocratie, la légitimité repose sur la souverai-neté nationale. En étant élu au suffrage univer-sel direct, le chef de l’État devient, à l’instar des députés, l’élu du peuple. Il est alors celui qui peut incarner la volonté des Français. Par ailleurs, élu sur un programme électoral, il peut pleinement se considérer comme le chef de l’exécutif, chargé de surveiller la mise en œuvre de son programme par le gouvernement.

DocuMEnT 2

En 1991, François Mitterrand nomme Édith Cresson Premier ministre et, pour la première fois dans l’histoire de la République, permet à une femme d’accéder à la tête d’un gouverne-ment. Il entend par cette mesure marquer son attachement à la promotion des femmes en poli-tique. Il espère également ainsi assurer la popu-larité du nouveau gouvernement.

DocuMEnT 3

L’attitude posée du président de la République et de son Premier ministre contraste avec celle des ministres qui sont dans l’action et dans le combat politique.

En période de cohabitation, le Premier ministre gouverne et le chef de l’État préside sans gouver-ner. Sur ce dessin, les préoccupations des deux chefs de l’exécutif sont antinomiques. Le prési-dent, assimilé au sphinx, semble préparer l’avenir et cultive son image de chef de l’État au-dessus de la mêlée. Le Premier ministre est davantage dans la stratégie à court terme et dans la gestion quo-tidienne des affaires de l’État. Les deux espèrent obtenir, par ces deux postures, l’assentiment des Français nécessaire à une nouvelle réélection.

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 105

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et invente, avec son ministre André Malraux, un nouveau domaine d’intervention de l’État : la culture. La démocratisation de l’accès « aux œuvres capitales de l’humanité », le rayonnement mondial de la culture française et le développe-ment de la production artistique et intellectuelle en France sont alors les trois principaux objec-tifs de ce nouveau ministère. Afin de mener à bien sa mission, le ministre de la Culture André Malraux bénéficie du soutien inconditionnel du président de la République Charles de Gaulle, qui lui procure le budget nécessaire pour faire fonc-tionner son administration et fait inscrire au Plan les investissements indispensables pour créer des infrastructures culturelles comme les maisons de la Culture. En 1982, le gouvernement de Pierre Mauroy, nommé après la victoire électorale de François Mitterrand de 1981, modifie partiellement les objectifs du ministère de la Culture. La démo-cratisation de la création artistique permet de promouvoir une définition de la culture qui ne se résume plus « aux œuvres capitales de l’hu-manité » du décret de 1959. La préservation du patrimoine culturel national et régional ou de « divers groupes sociaux » devient également une mission du ministère. L’État encourage les pra-tiques artistiques populaires avec des initiatives comme la Fête de la musique, créée en 1982. Depuis quelques années, les restrictions budgé-taires et le fait que la participation financière de l’État et des collectivités territoriales soit de plus en plus dépendante de la popularité et de la fré-quentation des lieux de culture modifient peu à peu les modalités et la finalité de l’intervention de l’État.

dOssier 4 pp. 282-283

L’État providence : apogée et remise en cause

Objectifs du dossier :– identifier les différentes fonctions de l’État ;– définir l’État providence et l’État keynésien et identifier leurs modalités précises d’intervention de 1945 aux années 1980 ;– comprendre la remise en cause de l’État key-nésien et la crise de l’État providence depuis les années 1980.

de 1959 : contribuer au rayonnement de la culture française et favoriser la production artistique en France. Toutefois, de nouvelles missions sont défi-nies. La volonté de développer et de démocrati-ser la création artistique permet de promouvoir une définition de la culture qui ne se résume plus « aux œuvres capitales de l’humanité » du décret de 1959. La préservation du patrimoine cultu-rel national et régional ou de « divers groupes sociaux » est également une nouvelle mission du ministère. Enfin, le décret de 1982 invite à une ouverture culturelle en rappelant que le rayon-nement de la culture française doit se faire dans « le libre dialogue des cultures du monde ».

5. La Fête de la musique a été créée par le minis-tère de la Culture en 1982. Le document 7 atteste de la pérennité de cette fête, due à son succès. Cette fête est conforme au décret de 1982 à double titre. Tout d’abord, elle relève de la volonté de développer et de démocratiser une pratique cultu-relle. Ensuite, elle vise à mettre en valeur et à pré-server les musiques des régions ultra-marines de la France.

6. Le journaliste adresse deux critiques à la poli-tique culturelle du président Nicolas Sarkozy. Tout d’abord, le discours sur l’art et la culture a été sen-siblement modifié. Le chef de l’État « évacue le lyrisme » et propose une analyse qui se veut ration-nelle et statistique sur les pratiques artistiques des Français. Ensuite, il privilégie une approche comptable des questions artistiques, condition-nant les dépenses publiques à la fréquentation des lieux culturels, rompant ainsi avec une poli-tique cherchant à développer l’offre artistique.

7. Les missions actuelles du ministère de la Culture semblent avoir changé depuis 1959. La volonté de démocratiser l’accès à des œuvres d’art et des pratiques culturelles qui relèvent du patrimoine culturel mondial semble aujourd’hui moins centrale. Au cours des dernières années, les critiques contre la culture des élites, le souci de réserver les fonds publics aux manifestations culturelles ayant l’assurance de trouver un large public et les restrictions budgétaires semblent avoir amoindri le rôle de l’État dans la diversi-fication de l’offre artistique et la promotion de formes artistiques confidentielles et novatrices.

8. En 1959, le président de la République Charles de Gaulle crée le ministère des Affaires culturelles

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toujours vers l’État que s’est tourné le citoyen pour demander idées et subsides ». Il identifie les deux défauts majeurs de l’État keynésien et modernisateur : « il se détruit par lui-même, par obésité » et « il menace d’amoindrir les libertés individuelles ». Il lui reproche un coût et une inef-ficacité dus à la lourdeur des procédures et des structures administratives qu’il génère. De plus, l’intervention de l’État brimerait l’initiative indi-viduelle.5. Jacques Chirac définit un programme éco-nomique visant à réduire le rôle de l’État. Tout d’abord, des mesures doivent permettre de « libé-raliser la marche de l’économie ». Il entend par là supprimer ou atténuer toutes les mesures qui visent à encadrer le marché afin de fixer les prix et les salaires. Ensuite, il propose un programme de privatisation d’entreprises nationalisées.6. Jacques Chirac identifie dans son discours les difficultés de la protection sociale en France. Elles sont dues à une augmentation des dépenses (pen-sions de retraite, chômage et dépenses de santé) et une diminution des recettes (difficultés écono-miques et situation démographique). Par ailleurs, le document 4 rappelle que les Restos du Cœur ont été fondés par Coluche pour répondre à l’aug-mentation du nombre de pauvres dans les années 1980. Cette organisation est une association loi 1901, dont le but est « d’aider et d’apporter une assistance bénévole aux personnes démunies par l’accès à des repas gratuits et par la participation à leur insertion sociale et économique, ainsi qu’à toute action contre la pauvreté sous toutes ses formes. » Les Restos du Cœur remplissent donc des missions qui auraient pu être celles d’un État providence. Le recours sans cesse croissant à cette organisation traduit un besoin qui n’a pas été pris en charge par l’État.7. L’État keynésien et modernisateur est remis en cause dans les années 1980. La droite remporte les élections législatives de 1986 sur un programme d’inspiration néolibérale mis en œuvre par le gou-vernement de Jacques Chirac. Ce dernier refuse le « dirigisme étatique », présenté comme un frein à l’initiative individuelle. Il met en place un pro-gramme visant à privatiser des entreprises natio-nalisées et à libéraliser l’économie par la déré-glementation. L’État providence est également en crise dans les années 1980. Tout d’abord, il doit surmonter

QUESTIONS

1. L’État providence peut être défini comme un État « protecteur » qui réduit les incertitudes de la vie. Il s’agit donc d’un État dont l’action vise à protéger les individus des aléas de la vie. L’or-donnance du 19 octobre 1945 stipule qu’« il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de familles qu’ils supportent ». La Sécurité sociale sert donc à protéger les Français des conséquences des accidents du travail, du chômage et les aide à faire vivre des familles nombreuses.

2. Les politiques keynésiennes sont des politiques qui visent à réguler l’économie. D’après Pierre Rosanvallon, l’État met en place une politique d’inspiration keynésienne après 1945 en natio-nalisant des grandes entreprises, en instaurant une planification, en mettant en place la compta-bilité nationale et en coordonnant des politiques de modernisation industrielle. Le document 2 montre comment des entreprises nationalisées peuvent lancer des emprunts garantis par l’État afin de financer des investissements productifs.

3. L’État joue un rôle majeur dans la moder-nisation économique du pays après 1945. Tout d’abord, il participe à la reconstruction et à la définition d’une politique économique grâce aux entreprises nationalisées et à la planification. Il peut ainsi accélérer la reconstruction, impulser une politique industrielle et soutenir la crois-sance économique grâce à la comptabilité natio-nale. Ensuite, il favorise l’investissement productif grâce au Plan, à certaines entreprises nationalisées et à la garantie qu’il apporte à certains emprunts. Enfin, l’État participe à la modernisation du pays en instaurant la Sécurité sociale, qui permet d’éta-blir un climat favorable à la production. Les tra-vailleurs se sentent protégés et les ménages conti-nuent à consommer, quelle que soit leur situation professionnelle ou familiale.

4. Depuis les années 1980, le rôle de l’État semble en recul du fait de la remise en cause des politiques keynésiennes. On s’interroge sur le rôle de l’État et sur son efficacité. Le Premier ministre Jacques Chirac dénonce, en 1986, le « dirigisme d’État », regrettant que pour de nombreux domaines « c’est

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 107

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deuxième tour de l’élection présidentielle du 10 mai 1981. Plantu veut rappeler par ce dessin que le pro-

gramme économique et sociétal de François Mit-terrand inquiétait une partie de l’électorat de droite car il comportait des réformes perçues comme révolutionnaires et dangereuses pour l’économie française (nationalisations, semaine de travail à 39 heures, retraite à 60 ans, etc.).

DocuMEnT 3

Cette affiche, qui émane d’un syndicat patro-nal, dénonce les maux qui menacent l’économie française en 1983, alors que la France est dirigée par un gouvernement et une majorité socialiste et communiste. « Les impôts, la violence et l’insé-curité, les surtaxes, les charges sociales, la TVA et la taxe professionnelle » sont perçues comme les principales difficultés que doivent affronter les « industriels, commerçants, artisans, profes-sions libérales, agriculteurs et cadres ». Sur cette affiche, les États-Unis – où Ronald

Reagan met en œuvre une politique néolibérale reposant sur une diminution de l’impôt, du nombre de fonctionnaires et du rôle de l’État – sont pré-sentés comme un modèle, via la présence de la statue de la liberté.

dOssier 5 pp. 286-287

Une révolution administrative : la décentralisationObjectifs du dossier :– définir la décentralisation ;– identifier les grandes étapes de la décentra-lisation ;– comprendre le nouveau rôle des collectivités territoriales.

QUESTIONS

1. La décentralisation est un transfert des compé-tences et des ressources de l’État central vers les collectivités territoriales. Il permet aux collectivités territoriales de « concourir avec l’État à l’adminis-tration et à l’aménagement du territoire, au déve-loppement économique, social, sanitaire, culturel, scientifique, ainsi qu’à la protection de l’environ-nement et à l’amélioration du cadre de vie ».

2. Une collectivité territoriale est une structure qui administre un territoire précis et prend en

des difficultés financières. La hausse des pensions de retraite à payer, des indemnités chômage et des remboursements de frais médicaux explique les déficits des comptes sociaux, à un moment où les cotisations sociales entrent moins facilement du fait d’un contexte économique et démographique moins favorable. Ensuite, l’État providence ne parvient que partiellement à relever le défi de la grande pauvreté. L’essor des associations et des réseaux d’entraide, comme les Restos du cœur, visant à aider les plus démunis, montrent les limites de l’intervention de l’État dans ce domaine.

8. Le Commissariat général au Plan ou Commis-sariat général du Plan est mis en place en 1946 et disparaît en 2006. Créé le 3 janvier 1946 par le GPRF, il met en œuvre une planification indi-cative, définissant les priorités économiques du pays et les investissements nécessaires. Il s’agit d’une organisation souple et modeste dirigée par un Commissaire général au Plan, animée par des fonctionnaires (20 %) et des chargés de missions (80 %), et placée sous l’autorité directe du chef du gouvernement. La première remise en cause sérieuse date de 1986 et s’inscrit dans le tour-nant néo-libéral, avec la proposition du ministre de la Fonction publique, du Plan, et de l’Écono-mie sociale, Hervé de Charette, de substituer un commissariat de la stratégie au Commissariat au Plan. Face aux nombreuses oppositions, le projet est abandonné, mais l’idée demeure. En 1993, les plans quinquennaux sont supprimés. En 2006, le Premier ministre, Dominique de Villepin, met fin au Commissariat général au Plan et le remplace par un Centre d’analyse stratégique, également sous la tutelle directe du Premier ministre.

COurs 2 pp. 284-285

L’État en France de 1946 à nos jours

DocuMEnT 1

L’État continue à intervenir dans l’économie après la Première Guerre mondiale. En 1914-1918, il a déjà lancé des emprunts nationaux afin de soutenir l’effort de guerre de la France. Il use du même moyen au lendemain du conflit pour financer la reconstruction de l’économie française.

DocuMEnT 2

Ce dessin a été réalisé après la victoire de François Mitterrand, candidat de la gauche au

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pétences ne s’accompagnant pas d’un transfert systématique des financements, les élus locaux craignent « devoir, à terme, augmenter les impôts locaux pour répondre aux attentes de leurs admi-nistrés ».

7. Avec les lois de décentralisation, les régions deviennent des collectivités territoriales à part entière. Elles se dotent d’une assemblée élue au suffrage universel – le Conseil régional –, qui désigne un Exécutif dirigé par le président du Conseil régional et vote les propositions faites par l’Exécutif. Des hôtels de région ont été construits pour abriter les institutions de ces collectivités territoriales. Celui de Montpellier, construit par Ricardo Bofill dans les années 1980, inscrit dans le paysage urbain la toute puissance du Conseil régional. Par ailleurs, la région étant composée de départements et de communes, elle est donc la collectivité territoriale qui peut le plus facilement impulser une coopération entre les différentes col-lectivités, qui sont par définition concernées par toutes les décisions prises par la région dans ses domaines de compétences.

8. Différents acteurs peuvent être identifiés dans la séquence : le président du Conseil régional, les vice-présidents et les conseillers généraux réunis en séance plénière.

dOssier 6 pp. 288-289

Les mutations de l’administration : l’exemple du ministère de la CultureObjectifs du dossier :– décrire une administration centrale ;– expliquer l’évolution d’une administration cen-trale par l’évolution des missions du ministère ;– distinguer la déconcentration et la décentra-lisation ;– comprendre l’évolution des interventions de l’État dans le cadre de la décentralisation.

QUESTIONS

1. L’organigramme du ministère des Affaires culturelles en 1960 définit quatre principaux domaines d’intervention du ministère : les arts et les lettres, l’architecture, le cinéma, les archives de France. Le document 2 permet d’en identifier trois autres : le soutien régional à l’art contem-porain, la création de médiathèques, les musées.

charge les intérêts de la population qui y réside. Elle est administrée « librement » par un conseil élu. Les trois collectivités territoriales identifiées par la loi de 1983 sont les communes, les dépar-tements et les régions.

3. Entre 1992 et 2002, plusieurs structures sont mises en place afin de faciliter la coopération entre les collectivités territoriales. La loi de 1992 instaure l’intercommunalité qui permet aux com-munes de se regrouper au sein d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Les lois de 1995 et 1999 officialisent l’existence des « pays », des « communautés d’intérêts éco-nomiques, sociaux, culturels pouvant déboucher sur la gestion de véritables missions de service publique ». Toutefois, l’intercommunalité et les pays ne constituent pas des structures délibérantes et élues comme les collectivités territoriales.

4. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 rappellent que les communes, les départements et les régions « s’administrent librement par des conseils élus ». Par ailleurs, les « communes, les départements et les régions constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la vie locale ». En donnant aux collectivités ter-ritoriales des conseils élus délibérants, les lois de 1982 et 1983 inventent une vie politique locale permettant aux citoyens de participer à la gestion des territoires.

5. Les lois de 2004 sont une nouvelle étape dans l’histoire de la décentralisation. Elles instaurent de nouveaux transferts de compétences au pro-fit des collectivités territoriales et de leurs grou-pements. Comme ces transferts concernent les mêmes domaines que ceux définis par la loi de 1983 (développement économique, transport, action sociale, logement, santé et éducation), on peut en déduire qu’ils constituent une extension des prérogatives des collectivités territoriales au détriment de celles de l’État.

6. La nouvelle étape de la décentralisation en 2004, qui poursuit les transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales, pose le problème du financement de ces compétences. La caricature souligne la méfiance d’un admi-nistré à l’égard du conseil régional, qui s’im-pose comme un acteur majeur influant de plus en plus sur la vie professionnelle et quotidienne des habitants de la région. Le transfert de com-

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 109

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à accepter l’intervention croissante de ces der-nières. Ensuite, les collectivités territoriales ont défini et financé des politiques culturelles locales se traduisant notamment par l’augmentation des effectifs de leur filière culturelle.

6. Les collectivités territoriales sont devenues des acteurs majeurs de la politique culturelle de la France. Avec l’aide du ministère de la Culture, elles organisent des manifestations culturelles, comme les festivals dont le nombre augmente régulièrement. Elles recrutent et financent de plus en plus d’employés dans la filière culturelle.

7. Depuis les années 1980, l’administration cen-trale du ministère de la Culture s’est spéciali-sée et déconcentrée dans un contexte général de décentralisation. Les directions du ministère se sont multipliées par rapport au début des années 1960 et inter-viennent dans des domaines de plus en plus pré-cis. Cette spécialisation traduit autant l’exten-sion des domaines d’intervention du ministère que la professionnalisation de son intervention. Le ministre de la Culture Jack Lang a largement contribué à cette évolution. Il a souhaité doter le ministère d’une administration étoffée qui puisse suivre et soutenir la production artistique dans de nombreux domaines. Grâce à un budget en pro-gression, l’administration centrale du ministère s’est dotée de nombreuses directions et de nom-breux fonctionnaires chargés de mettre en œuvre la politique culturelle du ministre. Au même moment, le ministère de la Culture a largement contribué à la déconcentration de ses services. Ainsi, les effectifs des directions régio-nales du ministère ont augmenté de 1988 à 1999, alors que ceux de l’administration centrale ont stagné, voire diminué. Les services déconcentrés du ministère de la Culture ont été amenés à coopérer avec les col-lectivités territoriales, qui jouent un rôle crois-sant dans la définition des politiques culturelles, dans leurs territoires, depuis les lois de décentra-lisation de 1982 et 1983. L’emploi des collecti-vités territoriales dans la filière culturelle est en croissance régulière depuis 2003, ce qui témoigne de la volonté de ces dernières de développer des activités et des infrastructures culturelles.

8. Il faut souligner l’effort de rationalisation, mar-qué par un regroupement des directions. Cette

Enfin, l’organigramme du ministère en 2006 permet de préciser des domaines d’intervention anciens et de distinguer ceux qui ont été inven-tés depuis 1960 : le livre et la lecture, la franco-phonie, la musique, la danse, le théâtre, les spec-tacles, le patrimoine, les arts plastiques.

2. Afin de faire face à de nouvelles missions, l’administration centrale du ministère s’est étof-fée et s’est spécialisée. En 2006, l’administration centrale comptait 10 directions ou délégations alors qu’elle n’en avait que 4 en 1960. Le cabi-net et les services directement liés à l’activité du ministre se sont également multipliés, passant de 4 à 6. La spécialisation se mesure à l’intitulé des directions. Chaque direction intervient sur des domaines de plus en plus précis, ce qui répond autant aux besoins et aux attentes des acteurs de la vie culturelle qu’à la volonté de l’État d’in-tervenir en offrant une expertise et une capacité d’intervention de qualité.

3. Jack Lang, le nouveau ministre de la Culture en 1981, déclarait : « Vingt-deux ans après sa naissance, ce ministère doit enfin accéder à l’âge adulte, être un ministère à part entière, doté d’un vrai budget, d’une vraie administration. » Le bud-get du ministère augmente de 74 % entre 1981 et 1982. Le ministère peut alors se doter d’une administration plus importante et multiplier les équipements culturels (médiathèques, musées). Les effectifs cumulés des DRAC et de l’admi-nistration centrale ont continué à augmenter de 1988 à 1999.

4. L’emploi culturel dans les services déconcentrés de l’État en région et ceux des collectivités terri-toriales augmente depuis 1988. Les effectifs des directions régionales des DRAC passent de 1 378 personnes en 1988 à 1 805 en 1999. De même, les effectifs de la filière culturelle des collectivi-tés territoriales ne cessent de croître, passant de 68 703 employés en 2003 à 78 786 en 2008.

5. La décentralisation de la politique culturelle passe par trois principales modalités. Tout d’abord, l’État a mis en place des services déconcentrés dans les régions (les DRAC) dont les effectifs ont régulièrement augmenté. Ensuite, l’État a petit à petit abandonné son rôle de prescripteur et de concepteur de politique culturelle en région, du fait des coopérations logistiques et financières avec les collectivités territoriales, le conduisant

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5. Les grandes institutions culturelles sont désor-mais accessibles aux provinciaux. Les trois grands musées insistent sur leur volonté de s’intégrer au contexte local.« Le Louvre-Lens sera attentif à son terrain – géo-graphique, culturel, sociologique – et soucieux de s’insérer harmonieusement dans le contexte. » (www.louvrelens.fr)« Un travail de partenariat est d’ores et déjà enclenché auprès de différents acteurs du ter-ritoire : associations, centres sociaux, écoles, représentants du handicap, institutions cultu-relles, acteurs du tourisme. » (www.mucem.org) De plus, ces grandes institutions développent des programmes adaptés à des publics spécifiques, souvent peu habitués à fréquenter les lieux de culture.« […] diversifier les publics en s’intéressant à toutes les catégories socio-professionnelles (public individuel, familial, scolaire, touristique, senior, groupes, personnes handicapées, publics défavo-risés, réseaux associatifs, entreprises...). » (www.centrepompidou-metz.fr) Enfin, les tarifs pratiqués sont inférieurs à ceux de la capitale. Ainsi, l’accès aux collections per-manentes est de 7 € pour le centre Pompidou-Metz et de 11 à 13 € pour celui de Paris. Comme dans la plupart des musées de France, une poli-tique tarifaire favorable aux personnes de condi-tion modeste est mise en place. Pendant la première année, l’accès aux collec-tions permanentes du musée du Louvre-Lens sera gratuit. Il s’agit de « favoriser ainsi l’appropria-tion du musée du Louvre-Lens par tous, et notam-ment le public régional » (www.louvrelens.fr). On peut interpréter la volonté de rendre le musée accessible à tous comme une démocrati-sation de la culture.

vers le baC pp. 296-297

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

L’État en France de 1946 à nos jours.

I. Un État keynésien, modernisateur et pro-vidence se met en place au lendemain de la guerre.A. L’État républicain est restauré en 1946.B. La création de la Sécurité sociale fonde un État providence.

évolution vise à atteindre un des objectifs de la révision générale des politiques publiques, la réduction des effectifs des ministères.

COurs 3 pp. 290-291

L’administration de la France depuis 1946

DocuMEnT 1

Ce timbre est édité en 1995 pour célébrer le cin-quantième anniversaire de la création de l’ENA.

Le drapeau et la mention « République fran-çaise » rappellent que la mission de l’ENA était de recruter et de former des fonctionnaires répu-blicains. La mention « 50 ans au service de la nation » renvoie à la double finalité de l’adminis-tration en générale et de la haute fonction publique en particulier : mettre en œuvre les décisions du gouvernement grâce aux administrations centrales des ministères et aux services des préfectures tout en répondant ainsi aux besoins de la population.

DocuMEnT 2

Le caricaturiste reproche à la réforme de l’État la disparition des services publics en milieu rural.

Il associe cette politique au néo-libéralisme.

arts & histoire pp. 292-293

La décentralisation artistique

QUESTIONS

1 à 4. On peut répondre à l’ensemble de ces ques-tions sous la forme d’un tableau (cf. page 112). Cette solution permet de mettre en évidence les points communs, même si les projets réalisés ou en cours tiennent compte des spécificités de chaque lieu :– le centre Pompidou-Metz : une situation géo-graphique stratégique au cœur de l’Europe ; une ville desservie par le TGV ;– le Louvre-Lens : un territoire plusieurs fois meurtri, tant par la guerre que par l’exploitation minière, puis par la fermeture du dernier puits lensois en 1986 ;– le MuCEM (Marseille) : la cité phocéenne est une ville-monde emblématique. C’est un port de départ idéal pour partir à la rencontre des civi-lisations et des peuples méditerranéens.

Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 111

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112

Tous les éléments de réponse ont été prélevés dans la présentation en ligne des musées.

Centre Pompidou-Metz Louvre-Lens MuCEM (Marseille)

Acteurs – Le centre Pompidou. – L’État.– Les collectivités locales, dont la Communauté d’agglomération de Metz Métropole, maître d’ou-vrage du projet.– L’Union européenne (FEDER : Fonds européen de développe-ment régional).– Des acteurs individuels issus du monde politique et/ou cultu-rel : Madame Georges Pompidou, Jean-Jacques Aillagon (ancien ministre de la Culture), Jean-Marie Rausch (ancien maire de Metz).

– Le Louvre.– L’État.– Les collectivités locales : la région Nord-Pas de Calais, le département du Pas-de-Calais, la communauté d’agglomération Lens-Liévin et la ville de Lens.– L’Union européenne (FEDER : Fonds européen de développe-ment régional).

– L’État, dont le ministère de la Culture et de la Communication est le maître d’ouvrage.– Les collectivités locales : le Conseil régional Provence-Alpes-Côte-d’Azur, la Commu-nauté ur baine Marseille-Provence Métropole et la ville de Marseille.– L’Union européenne (FEDER : Fonds européen de développe-ment régional).

Objectifs – L’ambition culturelle du Centre Pompidou est de « pour-suivre sa vocation de plateforme d’échanges entre la société et la création, de conquérir de nou-veaux publics […] ».– L’ambition des collectivités locales est de développer la ville en valorisant son image cultu-relle.– Pour la ville : il s’agit d’urba-niser un nouveau quartier, celui de l’Amphithéâtre, intégrant le centre Pompidou-Metz.

– Ce projet inédit est l’occasion, pour le Louvre : – de reconsidérer ses missions et d’interroger ses collections ;

– d’éprouver, sur un terrain neuf, la vocation sociale et éducative du musée.

– Le Louvre-Lens entend partici-per au renouveau du territoire et à son changement d’image. Il col-labore au projet, initié par les col-lectivités locales, de développe-ment économique et urbain dans cette région fortement touchée par le chômage (de l’ordre de 15%).

– Le MuCEM développe un pro-jet culturel complet : conservatoire des cultures de la Méditerranée, il est ouvert aux problématiques du monde contemporain. – Le Mucem contribue au rayon-nement de la métropole et pour-suit deux objectifs : – convertir cette zone en un nou-

veau centre économique et cultu-rel hissant Marseille au niveau des plus grandes métropoles européennes ;

– redynamiser le centre-ville et le port en créant des connec-tions entre eux.

Échelles d’intervention

Les acteurs travaillent sur les trois échelles :– locale : retombées locales en termes d’emploi et d’image de marque ;– nationale : politique de décentralisation culturelle initiée par l’État ;– régionale : la dimension européenne est essentielle dans les trois projets (le MuCEM dépasse ce cadre et prend pour territoire le bassin méditerranéen).

Architectes Le Japonais Shigeru Ban, le Français Jean de Gastines et l’Anglais Philip Gumuchdjian.

Trois sites, trois ambiances pour des propositions riches et surpre-nantes à découvrir sur 40 000 m2 :– le J4 (15 000 m2) ; le nouveau musée, bâti sur l’ancien môle por-tuaire J4 par l’architecte Rudy Ricciotti, constituera le cœur pal-pitant du MuCEM, – le Centre de conservation et de ressources (10 000 m2) conçu par l’architecte Corinne Vezzoni,– le Fort Saint-Jean (15 000 m2), actuellement en cours de restau-ration sous la direction de Fran-çois Botton, architecte en chef des monuments historiques.

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Chapitre 9 Gouverner à l’échelle nationale : la France depuis 1946 113

I. Jusqu’en 1982, sous la Ve République, le pouvoir exécutif met en place et infléchit les politiques publiques.A. Le chef de l’État définit les politiques publiques.B. Le Premier ministre met en œuvre les poli-tiques publiques.C. Les ministres sont également des acteurs de la mise en œuvre des politiques publiques.

II. Jusqu’en 1982, sous la Ve République, le pouvoir exécutif s’appuie sur une administra-tion centrale et déconcentrée afin de mettre en œuvre les politiques publiques.A. Une administration centrale permet au gouver-nement de mettre en œuvre une politique publique.B. Les services déconcentrés se multiplient afin de mettre en œuvre les politiques publiques en province.

III. Jusqu’en 1982, sous la Ve République, les politiques publiques doivent être financées par l’État.A. Le budget d’un ministère permet de financer son administration et les équipements nécessaires à la mise en œuvre d’une politique publique.B. Les investissements lourds de chaque ministère sont inscrits au Plan et font l’objet d’un finance-ment sur plusieurs années.

C. L’État keynésien et modernisateur joue un rôle important dans la reconstruction.

II. Jusqu’aux années 1980, l’État continue à jouer un rôle central dans la modernisation et la démocratisation de la France.A. Le changement de constitution ne modifie pas radicalement le rôle de l’État.B. L’État continue à encadrer et à stimuler la croissance économique.C. L’État poursuit la démocratisation du pays.

III. À partir du milieu des années 1980, le rôle de l’État est redéfini.A. Plusieurs facteurs expliquent le recul du rôle de l’État.B. La disparation de l’État keynésien et les dif-ficultés de l’État providence sont les principales manifestations de la redéfinition du rôle de l’État.C. L’État continue toutefois à renforcer l’égalité entre les citoyens.

vers le baC pp. 298-299

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE dE dOcUmENTS

Sujet commun aux deux documents : le rôle du chef de l’État, du Premier ministre, des ministres et de l’administration dans la mise en place et l’évolution d’une politique publique, la poli-tique culturelle.

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Chapitre

114

III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 300-301

Les deux documents proposés mettent en valeur une réalisation économique concrète (cf. doc. 1) et un projet – aller plus loin dans la construction européenne (cf. doc.2). Le document 1 immortalise un moment clé de la construction européenne : la signature des traités de Rome. Au premier rang se trouvent des négociateurs des traités, des chefs de gouverne-ment des États signataires, des ministres. Le pre-mier personnage, à gauche, est Paul-Henri Spaak (Belge). Il présidait la conférence intergouverne-mentale qui a donné naissance aux traités. À ce titre, il est considéré comme l’un des pères de l’Europe. Les troisième et quatrième personnages sont Christian Pineau (ministre des Affaires étran-gères français) et Maurice Faure (qui dirigeait la délégation française lors des négociations). À la gauche de Maurice Faure sont assis Konrad Ade-nauer (chancelier allemand) et Walter Hallstein (son ministre des Affaires étrangères), qui ont négocié les traités pour la République fédérale allemande.La cérémonie de signature est organisée de manière solennelle par les autorités italiennes, à Rome. L’événement se déroule au Capitole, dans la salle des Horaces et des Curiaces, héros de l’histoire antique qui s’étaient entre-tués au cours d’un sanglant combat : le lieu a été choisi soigneusement, pour la conclusion d’un acte qui scelle la réconciliation définitive entre les enne-mis d’hier. Le document 2 est une affiche destinée à faire la promotion du projet politique européen. Lors d’un sommet européen organisé à Milan en 1985, le 9 mai est choisi pour devenir la « Journée de l’Eu-rope ». En 1999, le Mémorial de Caen et le Jour-nal Ouest France ont lancé un concours auquel 80 000 jeunes Européens ont participé, pour don-

Manuel, pp. 300-327

Gouverner a l’échelle continentale : le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948)10

I. Les choix du manuelLe chapitre est organisé autour de deux cours : l’un concernant la naissance de l’Europe et les débats sur la forme qu’elle devait prendre ; l’autre sur les évolutions du projet européen. Quatre dos-siers permettent de travailler, avec les élèves, sur les grands enjeux de la construction européenne. Après la Seconde Guerre mondiale, si l’idée euro-péenne fait l’objet d’un consensus, différentes conceptions de l’Europe s’affrontent (cf. dos-sier 1). Les premiers pas et les premiers échecs de l’Europe politique conduisent les pères de l’Eu-rope à faire preuve de pragmatisme et à avancer sur le projet d’union économique (cf. dossier 2). Une première vague d’élargissement oblige la CEE à évoluer sur le plan institutionnel : c’est la naissance de l’Union européenne, avec le traité de Maastricht (cf. dossier 3). Enfin, la question de la construction d’une Europe politique revient en force après la fin de la guerre froide, dans le contexte économique de la mondialisation et dans celui, géopolitique, de relations internationales tendues et de l’apparition de nouvelles menaces (cf. dossier 4).

II. Les outils complémentaires– Schéma interactif : « Les institutions euro-péennes depuis le traité de Lisbonne (2007) », p. 304.– Carte interactive : « De l’Europe des 6 à l’Eu-rope des 27 : cinquante ans d’élargissement », p. 305.– Vidéos : « Le Marché Commun, 160 millions de clients, 23 janvier 1957, © INA Jalons », p. 310 ; « Conférence de presse du général de Gaulle du 15 mai 1962, © Ina Jalons », p. 311 ; « L’acte unique européen, 19 novembre 1986, © INA Jalons », p. 318.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 322 ; « Ne pas confondre », p. 322 ; « Personnages clés », p. 322.

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La Haye, les gouvernements européens créent le Conseil de l’Europe, à l’origine, un an plus tard, de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Cour du même nom. Basé à Strasbourg, le Conseil de l’Europe est responsable d’une œuvre juridique considérable, notamment sur le plan des droits de l’homme. Mais il joue un rôle modeste dans l’unification du continent : son mode de fonctionnement, qui exige l’una-nimité de ses membres, est source de blocages.

QUESTIONS

1. Le projet d’union de l’Europe est motivé par deux raisons majeures : établir une paix définitive sur un continent qui a connu deux guerres mon-diales en 35 ans ; reconstruire l’Europe, après une Seconde Guerre mondiale particulièrement des-tructrice (bombardements massifs, sabotage des infrastructures, etc.).

Les premiers pas vers une organisation concrète ont lieu avec la création du Conseil de l’Eu-rope, instance de travail et de propositions. Deux organes y naissent : un comité de représentants de gouvernements (c’est-à-dire un représentant de l’exécutif de chaque État) ; une assemblée consul-tative (l’assemblée relevant du pouvoir législatif).

2. Winston Churchill, héros de la Seconde Guerre mondiale, est l’invité d’honneur du congrès de La Haye, compte tenu de son vibrant appel à l’union des États d’Europe (dès septembre 1945). Chur-chill possède une aura importante, il est un obser-vateur attentif de la vie politique internationale. Son discours à l’université américaine de Fulton est à l’origine de la doctrine Truman et du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe.

3. (cf. doc. 5) Il s’agit du point 3.

4. Ce sont la première phrase du document 1, le document 4 et le point 1 du document 5 qui permettent de répondre à la question : l’objectif de ces projets est d’assurer la paix et le progrès social des peuples européens. Ce sont des objec-tifs à court terme (expansion du communisme en Europe ; reconstruction) mais aussi à moyen et long termes (assurer définitivement la sécurité sur un continent qui a été le théâtre principal de deux guerres mondiales ; permettre une croissance économique durable ; assurer le progrès social des Européens). Dans l’esprit des congressistes de La Haye, ces objectifs ne peuvent être atteints qu’à

ner une devise à l’Europe. Le jury européen, com-posé d’une personnalité de chaque État membre de l’Union européenne, a retenu, en mai 2000, la devise suivante : « Unité dans la diversité ». En juin 2004, les chefs d’État et de gouvernement ont reconnu officiellement cette devise, un peu modifiée, en l’intégrant dans l’article 1-6 bis du traité constitutionnel, « Unie dans la diversité ». L’affiche présentée ici date de 2005. La palette du peintre compte 25 étoiles, symbolisant les 25 États que comprend l’UE à cette date. Les 12 étoiles du drapeau européen entourent cette palette. Le mes-sage est clair : la diversité ne nuit pas à l’unité. Néanmoins, si l’UE éprouve la nécessité de faire la promotion de cette devise, c’est bien que les peuples européens n’ont pas la conscience d’ap-partenir à un même ensemble : en 2005, la citoyen-neté européenne est encore à construire.

repères pp. 302-305

Les pages « Repères » ont pour objectif de situer le projet européen dans une perspective longue (cf. p. 303) et de contextualiser la question dans le contexte géopolitique et économique de la deu-xième moitié du xxe siècle (cf. p. 302).

QUESTIONS

1. Depuis la fin du xviiie siècle, les mêmes valeurs sont mises en avant par les promoteurs de l’idée européenne : paix en Europe, respect du droit des peuples, fraternité et solidarité.

2. Les principaux objectifs des Unions régionales après 1945 sont : la création de zones de libre-échange, la coopération économique, le dévelop-pement, la lutte contre l’expansion du commu-nisme.

3. La spécificité du projet européen est d’être un projet politique.

dOssier 1 pp. 306-307

La naissance d’un projet politique européen (1945-1950)Animés par la volonté de promouvoir l’unifica-tion du continent, différents mouvements d’opi-nion pro-européens se réunissent à La Haye du 7 au 10 mai 1948, en présence de personnali-tés politiques et sous la présidence d’honneur de Winston Churchill. Dans la foulée du congrès de

Chapitre 10 Gouverner a l’échelle continentale : le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948) 115

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fédération d’États (W. Churchill, cf. doc. 1 ; com-mission politique du congrès de l’Europe à La Haye, cf. doc. 5) ; confédération d’États (Ade-nauer, cf. doc. 6) ; union économique (cf. doc. 4).

dOssier 2 pp. 308-311

Le projet européen entre débats idéologiques et intégration économiqueEn 1950, les pays européens peinent encore à effa-cer les ravages de la Seconde Guerre mondiale, qui a pris fin cinq ans plus tôt. Résolus à empê-cher un autre conflit aussi dévastateur, les gou-vernements font le pari qu’avec la mise en com-mun des productions de charbon et d’acier, toute guerre entre la France et l’Allemagne, historique-ment rivales, deviendra – pour citer Robert Schu-man – « non seulement impensable, mais maté-riellement impossible ». La réunion des intérêts économiques contribuera à relever les niveaux de vie et sera un premier pas vers une Europe plus unie. C’est ainsi que naît la Communauté euro-péenne du charbon et de l’acier (CECA). La Communauté européenne de défense (CED) est sans doute l’un des plus ambitieux projets lan-cés par les promoteurs de l’unité européenne. Le fait de constituer une armée européenne, cinq ans à peine après la fin de la guerre, est en effet hau-tement symbolique. La défense nationale est par ailleurs considérée comme un attribut de souve-raineté fondamental que peu de nations se décla-rent prêtes à abandonner. C’est ce qui explique l’échec du projet. Ces deux projets, dont l’un voit le jour et l’autre échoue, illustrent les débats autour de la nature de la construction européenne au tout début des années 1950. Après l’échec de la CED, les pères de l’Europe, pragmatiques, proposent de don-ner une orientation économique au projet euro-péen. Les traités de Rome voient le jour en 1957 et permettent la relance du débat sur la construc-tion européenne. Lorsqu’il arrive au pouvoir en France en 1958, de Gaulle n’est pas un Européen convaincu (« Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe »). Mais il ne revient pas sur la signature des trai-tés de Rome : l’abaissement des tarifs douaniers doit permettre aux produits français de trouver des débouchés en Europe, dans le contexte de la

la condition que les États abandonnent une partie de leur souveraineté, pour gérer leurs ressources en commun (afin de les optimiser) et pour éviter toute concurrence susceptible de déclencher de nouvelles tensions en Europe.

Le document 4 représente le « Navire Europe », voguant vers l’avenir. À son mât sont accrochés les drapeaux des États ayant accepté le plan Mars-hall. Le slogan signifie « Hissons ensemble nos couleurs ». Afin de gagner le soutien des popu-lations civiles, l’Organisation européenne pour la coopération économique (OECE) initia un concours d’affiches sur le thème de la « coopé-ration inter-européenne pour l’amélioration des conditions de vie ». C’est l’affiche de l’artiste néer-landais Reyn Dirksen qui fut déclarée gagnante.

5. Entre Adenauer et Churchill, il y a accord sur la nécessité de constituer une « communauté des peuples européens » et sur le fait que celle-ci passe par une réconciliation franco-allemande, dans le respect du peuple allemand : Adenauer, comme Churchill, évoque « l’esprit allemand » qui a vocation à rayonner de nouveau en Europe, passée la tutelle américaine, britannique et fran-çaise de l’après-guerre. Tous deux suggèrent éga-lement qu’il est impératif d’éviter une nouvelle humiliation à l’Allemagne, comme celle qu’avait constitué le traité de Versailles (« Allemagne spi-rituellement grande aussi » pour Churchill ; « sur un pied d’égalité » pour Adenauer).

6. Les « bâtisseurs de l’Europe », aussi appelés « Pères de l’Europe », sont les hommes qui ont lancé le processus de construction européenne avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1950 et de la Communauté économique européenne (CEE) en 1957. Ce sont en majorité des hommes âgés qui ont connu les deux guerres mondiales, et des hommes de frontières qui ont été en contact avec plusieurs cultures européennes. Ils sont au nombre de cinq : un Allemand, Konrad Adenauer (1876-1967) ; un Italien, Alcide de Gasperi (1881-1954) ; deux Français, Jean Monnet (1888-1979) et Robert Schuman (1886-1963) ; un Belge, Paul-Henri Spaak (1899-1972).

7. Il existe un consensus sur le fait que l’Europe doit être unie pour préserver la paix et assurer sa prospérité. Néanmoins, les points de vue sur la forme que doit prendre cette union divergent :

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Chapitre 10 Gouverner a l’échelle continentale : le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948) 117

dant sept ans. Mais cet échec conduit aussi à une intensification des relations franco-allemandes.

QUESTIONS (p. 309)

1. CECA signifie « Communauté européenne du charbon et de l’acier ». CED signifie « Commu-nauté européenne de défense ».

2. La CECA a pour objet de placer la production de charbon et d’acier, en France et en Allemagne, sous la responsabilité d’une même structure. Ces deux matières premières sont stratégiques : l’acier sert, entre autres, à fabriquer des armes. La CED prévoit de mutualiser soldats et arme-ment en Europe occidentale, afin de faire face, éventuellement, à l’expansion du communisme en Europe de l’Ouest. Ces deux institutions ont donc des objectifs communs : impulser une dynamique de construc-tion politique de l’Europe, afin de la rendre plus forte sur le plan économique et sur le plan géo-politique. Les objectifs communs à ces deux projets sont les suivants : sceller la réconciliation entre la France et l’Allemagne ; placer des productions, des hommes, des armements sous une autorité commune, supranationale, et ainsi préparer l’in-tégration politique de l’Europe.

3. Paul-Henri Spaak, homme politique belge, plaide pour une alliance de l’Europe occidentale à la fin de la guerre, alors qu’il est membre du gouvernement belge en exil à Londres. Il préside l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe de 1949 à 1951. Il en démissionne, après le refus de la Grande-Bretagne d’accepter le plan Schu-man. Il défend l’approbation de la Communauté européenne de défense (CED) devant la Chambre des représentants de Belgique, le 19 novembre 1953. Estimant que la création de liens contrac-tuels contraignants entre les pays est le moyen le plus efficace de garantir la paix et la stabi-lité, il s’engage activement dans la construction de l’Europe des Six et devient président de l’As-semblée parlementaire de la Communauté euro-péenne du charbon et de l’acier (CECA) de 1952 à 1954. Il est considéré comme un père fonda-teur de l’Europe.La déclaration Schuman du 9 mai 1950 répond au vœu que Paul-Henri Spaak formule pendant la Seconde Guerre mondiale. Les termes qu’il emploie dans cet article témoignent de l’ampleur

perte de l’empire colonial. Au début des années 1960, il soumet à Adenauer ses réflexions en matière d’union politique européenne. Sa vison de l’Europe est confédérale : l’objectif du Géné-ral est d’opérer une réforme des communautés européennes dans le sens d’une Europe des États. Pour ce faire, il propose notamment la tenue de rencontres régulières entre ministres, chefs d’État ou de gouvernement des Six et hauts fonction-naires pour discuter de certaines questions poli-tiques, économiques, culturelles et de défense.

De Gaulle compte sur la force d’entraîne-ment du couple franco-allemand pour empor-ter l’adhésion des autres partenaires européens. S’ensuivent les premières négociations commu-nautaires, malgré l’accueil réservé du chance-lier et les divergences de vue des Six au sujet de l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE. Le 19 octobre 1961, le diplomate Christian Fouchet présente à la Commission d’études un premier projet de traité (Plan Fouchet I) établissant une union d’États indissoluble, fondée sur la coopé-ration intergouvernementale. Les partenaires de la France s’opposent à cette version du plan car certains craignent une domination française dans les relations extérieures des Six. Ils refusent aussi d’accentuer le caractère intergouvernemental des institutions, y voyant une menace pour l’indépen-dance et le caractère supranational des organes communautaires.

En 1962, Christian Fouchet présente une nou-velle version du plan (Plan Fouchet II). Il est à nouveau rejeté par les partenaires de la France. Ces derniers formulent des contre-propositions dans un sens plus fédéraliste, qui sont à leur tour rejetées par le gouvernement français. Le 17 avril 1962, les ministres des Affaires étrangères réunis à Luxembourg ne peuvent que constater leur désac-cord. Le 15 mai, le général de Gaulle consomme la rupture des tentatives d’Europe politique. Au cours d’une conférence de presse retentissante, il stigmatise en effet les thèses fédéralistes euro-péennes.

L’échec des Plans Fouchet entraîne une série de crises marquées par le désaccord portant sur la nature même du processus d’unification euro-péenne, le pouvoir des institutions communau-taires, l’indépendance de l’Europe ainsi que la solidarité atlantique. Les chefs d’État et de gou-vernement vont d’ailleurs cesser de se réunir pen-

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(par 319 voix contre 264) met fin à l’une des plus violentes crises politiques de la IVe République.

8. La guerre froide favorise l’intégration euro-péenne : c’est ce que souligne le document 1. Robert Schuman plaide pour l’union de l’Eu-rope de l’Ouest, face aux ambitions soviétiques. La création de la CECA répond à ce vœu.

Mais la guerre froide freine également l’intégra-tion politique de l’Europe : les partis communistes sont très forts, en France et en Italie, au début des années 1950. Ils comptent un très grand nombre d’adhérents et font d’excellents scores électoraux (le PCF est la première force politique en France, de la fin de la guerre jusqu’au milieu des années 1950). Leur action est dictée par le Kominform, dont l’intérêt n’est évidemment pas l’intégration politique de l’Europe de l’Ouest.

À noter : les oppositions à la CED (qui éma-nent des gaullistes et des communistes, pour l’es-sentiel) transgressent le clivage traditionnel entre gauche et droite.

QUESTIONS (p. 311)

1. Le document 1 page 310 est à mettre en relation avec le document 2 page 308 : tous deux évoquent la paix en Europe et le développement économique des États signataires. Tous deux appellent égale-ment à une union européenne plus large, comp-tant davantage de membres.

Le document 4 page 310 (Les traités de Rome, projet intergouvernemental, vus par la presse écrite) mentionne les divergences de vue sur la nature de la construction politique. Il y est ques-tion de « renoncer partout où il était possible à faire fonctionner la mécanique supranationale », c’est-à-dire la « mécanique » qui a fait échouer la CED.

2. Les traités de Rome créent une zone de libre-échange entre les États signataires, par « la sup-pression progressive des restrictions aux échanges internationaux », c’est-à-dire par l’abaissement progressif des tarifs douaniers. Ils jettent égale-ment les bases d’une industrie nucléaire civile européenne, afin de répondre aux besoins éner-gétiques de la CEE. Dans le contexte économique des Trente Glorieuses, la consommation énergé-tique augmente en Europe. Les Six cherchent ainsi à réduire leur dépendance vis-à-vis des énergies fossiles.

de son enthousiasme : « spectaculairement », « date d’une importance capitale », « audace ». D’après lui, cette déclaration peut, si elle est acceptée, permettre l’établissement d’une paix durable en Europe.

4. En avril 1951, évoquant la signature à Paris du traité instituant la CECA, le caricaturiste français Pinatel dénonce les dangers du pool charbon-acier (plan Schuman) pour la France. Sous les yeux de Robert Schuman, en mineur, Marianne traîne un lourd fardeau, un boulet d’acier, attribut des bagnards. La crainte exprimée ici est donc la perte de souveraineté de la France, diluée dans la CECA.

5. Sur fond tricolore, l’affiche présente une jambe bottée. Un manche de poignard, sur lequel figure la svastika, dépasse de la botte. Le parti commu-niste français dénonce ici l’institution d’une Com-munauté européenne de défense, en utilisant la dramatisation. Le projet, d’après le PCF, implique en effet la reconstitution d’une armée allemande. Or, il n’en est rien. La CED prévoit uniquement qu’une armée européenne soit placée sous une autorité supranationale. L’armée européenne, dirigée par un ministre européen de la Défense et dotée d’un budget commun, serait, de plus, pla-cée sous le commandement suprême de l’Organi-sation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). La véritable raison de l’opposition du PCF à la créa-tion de la CED tient à la guerre froide : une ins-titution supranationale européenne serait davan-tage en mesure de s’opposer à une expansion du communisme en Europe de l’Ouest.

6. De Gaulle est également opposé à la CED, pour des raisons différentes des communistes : il ne veut pas d’une perte de souveraineté de la France dans le domaine stratégique de la défense ; il ne souhaite pas que des forces armées fran-çaises soient placées sous commandement amé-ricain (c’est pourquoi la France se retire du com-mandement intégré de l’OTAN, en 1966, alors que de Gaulle préside le pays). Les arguments qu’il utilise relèvent du registre patriotique : « la France doit verser ses hommes, ses armes, son argent, dans un mélange apatride », « la France entre toutes les grandes nations ».

7. Le refus de la CED est fondé sur la crainte d’une perte de souveraineté militaire et politique de la France. Le rejet d’une « question préalable »

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À partir de 1962, de Gaulle favorise le rap-prochement franco-allemand : si, sur le plan éco-nomique, l’Allemagne est plus puissante que la France, sur le plan géostratégique, la France est bien plus influente. De plus, elle a battu l’Alle-magne lors des deux conflits mondiaux. Le rap-prochement franco-allemand ne peut donc faire d’ombre à la France (« grande nation », cf. doc. 6 p. 309). Et la France se montre magnanime en privilégiant le dialogue avec l’Allemagne.

6. Le document représente de Gaulle en tenue impériale, devant une forêt de micros, tenant une ogive nucléaire dans sa main droite (la force nucléaire française est opérationnelle depuis 1964). Sur le mur, un fond de carte représentant l’Europe des Six : la France y occupe une très grande place (« Empire français »), telle que la ver-rait de Gaulle d’après le caricaturiste. La super-ficie des États voisins est réduite, en revanche : « Petits Britanniques », « Petite Allemagne de l’Ouest », « Petits Italiens ». Le titre de la carte, en français, est explicite : l’auteur attribue à de Gaulle la formule de Louis XIV, « L’État, c’est moi ». De Gaulle est représenté tel Charlemagne (Charles le grand). Le document montre que le projet gaullien est mal reçu en Europe (voir l’échec des plans Fou-chet). De Gaulle avait tenté de réformer l’OTAN en 1959 et 1960, mais s’était vu opposer une fin de non-recevoir de la part des États-Unis et de la Grande-Bretagne. C’est alors qu’il réfléchit à son projet politique pour l’Europe. La caricature montre que les Européens craignent une domina-tion française dans les relations extérieures des Six (d’où la mention de la bombe A : la France est le seul État de la CEE à posséder l’arme nucléaire).

7. En 1958, de Gaulle semble se rallier à quelque chose qu’il avait combattu. Parlant de Jean Mon-net, un des pères fondateurs de l’Europe, il décla-rait, en 1962 : « C’était un apatride, je ne dis pas ça en mauvaise part, je constate simplement un fait. » Mais de Gaulle estime qu’il faut un pôle de puissance, dans le monde occidental, distinct des États-Unis. Ce pôle doit être la CEE et le couple franco-allemand en particulier. C’est le sens qu’il faut donner à son voyage en Allemagne, en 1962. Il le fait afin d’ancrer la réconciliation franco-allemande en France : si les politiques étaient convaincus de son bien-fondé, il n’en était pas de même dans la population.

3. L’affiche, en italien, est destinée à promouvoir la journée du 25 mars 1957, date de la signature des traités de Rome, à Rome. Elle montre six jeunes filles, s’apprêtant à danser une farandole, sur fond de carte de l’Europe. Les États signa-taires y sont représentés en couleur. Les jeunes filles sont vêtues de la même manière : corsage et jupe. La différence réside dans la couleur des jupes, comme taillées dans leur drapeau natio-nal respectif. Un ruban annonçant le nom des États signataires est disposé à leurs pieds. Les jeunes filles placées aux extrémités de la faran-dole lèvent leur bras libre, comme pour appeler d’autres jeunes filles (représentant d’autres États) à les rejoindre : dès son origine, la CEE se place dans une perspective d’élargissement. Le slogan en haut de l’affiche annonce les objectifs des traités : construire une Europe de paix et de progrès social.

4. Force ouvrière est une organisation syndicale : elle regroupe donc des salariés, et a pour objectif d’améliorer leurs conditions de travail et de vie par la revendication. Le dessin de presse qu’elle utilise dans son journal montre une louve, aux mamelles de laquelle s’accrochent six enfants. La louve symbolise les traités de Rome ; les enfants représentent les États signataires. Pour le syndi-cat Force ouvrière, les traités sont donc l’espoir d’une autosuffisance alimentaire en Europe, per-due depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : c’est l’aspect nourricier de la louve. Les traités sont également l’espoir d’un progrès social, de meilleures conditions de vie et de travail pour les Européens : c’est l’aspect protecteur de la louve. Le Monde, lui, est plus réservé : l’éditorial sou-ligne, déjà, la grande complexité des traités et s’interroge sur la faisabilité de leur application.

5. De Gaulle défend l’idée d’une Europe « par le haut », d’une Europe gouvernée conjointement par les chefs d’États et de gouvernement des pays signataires. C’est pour lui la garantie que la spé-cificité de chaque État sera respectée et que cha-cun conservera sa souveraineté sur les questions stratégiques. Tout organisme supranational ne peut être qu’un exécutif, sans pouvoir de décision (« Ces organismes ont leur valeur technique mais ils n’ont pas, ils ne peuvent pas avoir d’autorité et, par conséquent, d’efficacité politique »). Il a donc une vision confédérale de l’Europe.

Chapitre 10 Gouverner a l’échelle continentale : le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948) 119

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DocuMEnT 3

Le document relate le second refus de De Gaulle à la demande d’adhésion du Royaume-Uni à la CEE, en 1967.

Harold Wilson (Premier ministre britannique de 1964 à 1970) joue à saute-mouton et passe sans peine les obstacles belge, néerlandais et luxem-bourgeois. L’obstacle le plus considérable est l’obstacle français, représenté par un de Gaulle immense, mal rasé, mal habillé et qui ne joue pas le jeu (il ne fléchit pas les genoux). À travers cette caricature, c’est la politique gaullienne qui est visée : de Gaulle est en effet, outre Wilson, le seul personnage reconnaissable, par ses traits et par son attitude (il « triche »).

dOssier 3 pp. 314-315

De Maastricht à la Constitution : le projet européen en questionLa volonté d’approfondir la construction euro-péenne a engendré une série de défis auxquels les États membres tentent toujours de répondre. La conclusion de nouveaux traités, de Maas-tricht à Lisbonne, devait notamment permettre de créer l’Union puis de la préparer à fonction-ner dans un cadre élargi, à ce jour à vingt-sept États membres. L’échec de la Constitution euro-péenne et le rejet du traité de Lisbonne en Irlande (juin 2008) font écho aux difficultés rencontrées lors de la ratification des traités de Maastricht et de Nice. Enfin, les échecs réguliers des référen-dums dans différents pays d’Europe rappellent que l’Union connaît un problème de légitimité démocratique, se traduisant par un éloignement entre les institutions européennes et les peuples.

QUESTIONS

1. Le traité de Maastricht comporte un volet poli-tique : la volonté de mettre en œuvre une politique de sécurité et de défense commune et d’instaurer une citoyenneté européenne.

2. La mesure phare du traité de Maastricht est le projet de monnaie commune. Cette monnaie, l’euro, a été mise en circulation le 1er janvier 2002. Elle est actuellement la monnaie de 17 des 27 États que compte l’UE.

3. Gouverner à l’échelle européenne est diffi-cile sans intégration politique. Les règles de vote

De Gaulle n’aime cependant pas le traité de Rome, qu’il considère comme un simple traité commercial, destiné à favoriser les échanges dans la CEE et ainsi obliger l’industrie française à se moderniser. Il a une vision politique de l’Europe, une vision confédérale, qu’il défend en proposant les plans « Fouchet », qui n’obtiennent pas l’ad-hésion des Six. Il n’a pas non plus en haute estime les institu-tions européennes : « la Commission de Bruxelles accomplit un travail technique de la plus haute valeur, qui contribue très efficacement à éclairer les six gouvernements (...) Dans ce domaine, pour-quoi et au nom de quoi érigerions-nous en insti-tution le fait que les conceptions d’un aréopage de quelques personnes sans doute valables... ». Cet extrait d’une conférence de presse, en 1964, en est une preuve.

8. Les traités de Rome ont donné naissance à une union économique entre les Six (Commu-nauté économique européenne). L’échec de la CED a laissé des traces. L’arrivée au pouvoir de De Gaulle, en France, n’a pas permis une relance de l’intégration politique : sa personnalité « flam-boyante » et sa vision de l’Europe (confédérale et sans la Grande-Bretagne, trop atlantiste) ont constitué de sérieux handicaps.

COurs 1 pp. 312-313

Le projet politique européen jusqu’au début des années 1970

DocuMEnT 1

La CED, d’après cette affiche, a pour objet de préserver la paix en Europe.

Après la lutte victorieuse contre le nazisme (représenté par l’oiseau au bec courbé, avec svas-tika et casque à pointe), l’ennemi désigné est le communisme (l’oiseau, agressif, portant faucille et marteau, pointe son bec sur le bouclier).

DocuMEnT 2

Le document est la couverture d’un célèbre heb-domadaire américain, Time Magazine.

L’artiste a peint Jean Monnet en homme jovial, décontracté (chemise ouverte et foulard). Der-rière lui flottent des drapeaux européens : Bernard Safran a voulu représenter l’œuvre européenne de Jean Monnet, saluer un des pères de l’Europe.

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tions de vie et d’emploi se dégradent régulière-ment. Le Traité constitutionnel européen (TCE) n’a pas rassuré les Européens qui lui ont repro-ché de ne pas prendre en compte leurs préoccu-pations sociales.

6. (cf. doc. 6 et 7) Philippe de Villiers est à droite de l’échiquier politique. En tant que souverai-niste, comme tous les souverainistes, il dénonce l’intégration politique de l’Union européenne : il s’oppose à toute perte de pouvoir de décision des États dans des institutions supranationales. Les manifestants du document 7 s’opposent au projet de constitution européenne : ils reprochent à l’Europe de se construire loin des citoyens et de leurs préoccupations quotidiennes. Ils ne refusent pas l’intégration européenne : ils souhaitent voir naître une Europe sociale, à l’opposé de l’Europe des « puissants » qu’ils vilipendent. Ces manifes-tants se situent à gauche et à l’extrême-gauche de l’échiquier politique. Ce sont ces deux catégories qui ont permis, par leur vote, le rejet du TCE en France.

7. Le projet européen est remis en cause car les institutions européennes sont très complexes, le fonctionnement de l’UE peu démocratique et les domaines d’intervention éloignés des préoccupa-tions quotidiennes des citoyens européens. Le projet européen est remis en cause par le rejet du projet de TCE, du fait de la mobilisation citoyenne et de l’action de certains partis poli-tiques, hommes politiques ou intellectuels.

dOssier 4 pp. 316-317

Un enjeu fondamental : la politique étrangère de l’Union européennePar son poids économique, commercial et finan-cier, l’UE des 27 est un acteur majeur sur la scène internationale : c’est la première puissance com-merciale au monde et elle est dotée de la deu-xième devise mondiale. Mais l’UE a une autre ambition : devenir un acteur politique majeur. De plus, l’élargissement de l’Union a suscité des interrogations sur ses frontières et sa capacité à se doter d’une politique étrangère et de sécurité commune pour faire face aux crises extérieures (Balkans, Irak, Géorgie). Pour que l’UE pèse sur le plan géostratégique, les États membres doivent prendre des décisions de

sont complexes : aujourd’hui, le plus souvent, une décision est prise à la majorité qualifiée. Mais, dans certains domaines sensibles (politique étran-gère et de sécurité commune, coopération poli-cière et judiciaire), c’est l’unanimité qui prévaut. Ceci s’explique par le fait que certains États euro-péens ne sont pas prêts à abandonner une par-tie de leur souveraineté. C’est ce qu’évoque le document 2. Le document 3 met l’accent sur le manque de démocratie dans le fonctionnement de l’Union européenne. Les décisions sont prises par le Conseil européen ou le Conseil des ministres : le Parlement, seule instance élue au suffrage uni-versel direct (depuis 1979), n’a que peu de pou-voir. Si l’on observe le schéma institutionnel de la page 304, on comprend bien que le domaine légis-latif relève de l’exécutif de chaque État membre et que le Parlement n’en est que l’exécutant : situa-tion paradoxale en démocratie, paradoxe accen-tué par la présence de très nombreux lobbies à Bruxelles.

4. La citoyenneté européenne a été instituée par le traité de Maastricht : elle a donc tout juste vingt ans. C’est court pour donner aux citoyens de l’Union européenne le sentiment d’apparte-nir à un même ensemble. Surtout, les domaines d’intervention sont assez éloignés des préoccu-pations quotidiennes des Européens. Dans la construction européenne, l’accent a été mis sur le domaine économique, puis politique. Les citoyens ont le sentiment que la question sociale, sujet ô combien sensible, est peu abordée par l’UE. De plus, lorsqu’un État européen adopte une mesure impopulaire, la mesure est souvent justifiée par une directive ou une règle européenne. Ceci est peu propice à l’émergence d’une citoyenneté européenne et à l’exercice de cette citoyenneté. Et cela renforce le sentiment que l’Union euro-péenne est peu démocratique.

5. Le projet européen avait pour premier objec-tif de préserver l’Europe d’un nouveau conflit : les années 1990 ont pourtant été marquées par les guerres des Balkans et ont montré l’incapa-cité de l’Union européenne à s’exprimer d’une même voix à ce propos. Le projet européen prévoyait également une « amélioration constante des conditions de vie et d’emploi des Européens » (préambule du traité de Rome). Si tel a été le cas durant les Trente Glorieuses, depuis les années 1980, ces condi-

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5. (cf. doc. 6) D’après Christian Lequesne, la condition nécessaire à l’existence d’une vraie diplomatie européenne est l’intégration politique de l’Europe, la construction d’une Europe fédé-rale. Pour l’heure, cette condition est loin d’être réalisée. Dans le domaine de la politique étrangère, la règle de l’unanimité est souvent de mise. Or, il est difficile de se mettre d’accord à 12, puis 15, puis 25, puis 27 États : chaque État membre a son histoire et des intérêts stratégiques ou/et écono-miques à préserver (voir l’exemple donné par le document 6). Il n’y a pas d’armée européenne en tant que telle : les forces européennes regroupent des sol-dats mis à disposition par les armées des États membres.

6. En 1950, le début de la guerre froide en Europe pose la question de la sécurité européenne. Pro-jet du président français du Conseil René Pleven en 1950, la Communauté européenne de défense (CED) devait conduire à la création d’une force militaire intégrée, financée par un budget com-mun et pilotée par une autorité politique supra-nationale. L’échec de la ratification de la CED par la France, pour des raisons de politique inté-rieure, marque un coût d’arrêt à la construction d’une défense européenne. Le Traité de Maastricht est élaboré dans le contexte de l’effondrement du communisme en Europe de l’Est. La volonté de former une com-munauté politique et non plus seulement écono-mique s’affiche clairement. Dans le préambule du Traité, les États membres se disent « résolus à mettre en œuvre une Politique européenne de sécurité commune, y compris la définition pro-gressive d’une Politique européenne de sécurité et de défense ». Le Traité d’Amsterdam (signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1er mai 1999) crée la fonc-tion de Haut Représentant pour la PESC. Cette fonction permet de donner un visage et une voix à la Défense européenne. Ce traité introduit éga-lement la règle de l’abstention constructive, per-mettant à un État de se dissocier d’une décision sans en bloquer l’adoption. Quelques années après la guerre de Bos-nie-Herzégovine (1992-1995), la France et le Royaume-Uni souhaitent doter l’Union euro-péenne de moyens plus conséquents afin de lui

politique étrangère de manière collective. C’est pourquoi l’UE s’est dotée d’une politique étran-gère et de sécurité. Les modifications apportées au traité de Lis-bonne en 2009 permettent à l’UE de jouer un rôle plus actif et de renforcer la cohérence de son action. Un poste de Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité a été créé : il coordonne l’élaboration et la mise en œuvre de la politique étrangère entre les différents pays de l’UE. Malgré ces mesures, l’Union européenne a toujours des difficultés à s’exprimer en tant que telle : les derniers exemples en date ne manquent pas (printemps arabes, chute des régimes autori-taires en Tunisie, en Égypte, en Lybie, répression de l’opposition en Syrie, etc.). Un coup d’œil sur l’Espace actualités du site de l’UE (www.europe.ue, rubrique « communiqués de presse ») suffit pour apprécier cette faiblesse.

QUESTIONS

1. L’article 11 mentionne les valeurs communes, le respect des principes de la charte des Nations Unies, le maintien de la paix, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le renforcement de l’Union européenne.

2. La PESC a été renforcée lors de la signature du traité de Lisbonne, en 2007. Le traité crée le poste de « haut représentant pour les affaires étran-gères et la politique de sécurité ». Catherine Ash-ton est la première titulaire de ce poste, qu’elle occupe depuis le 1er décembre 2009. Le haut représentant s’exprime au nom de l’UE. Il est également chargé d’impulser la poli-tique étrangère et de défense.

3. Les conflits qu’ont connus les Balkans, durant les années 1990, ont cruellement révélé l’inca-pacité de l’UE à maintenir la paix en Europe et à décider collectivement d’un mode d’interven-tion (cf. doc. 4). En Bosnie-Herzégovine, l’inter-vention de forces européennes fut tardive (2004, cf. doc. 3). La même incapacité à agir collecti-vement se pose en matière de lutte contre le ter-rorisme (cf. doc. 5).

4. Les budgets consacrés à la défense sont beau-coup moins importants en Europe qu’aux États-Unis, dont l’effort de défense a encore augmenté depuis les attentats du 11 septembre 2001. Il repré-sentait, en 2006, 4,1 % du PIB américain.

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la relance du projet politique européen est fragile. Elle tient davantage de l’intention que de la réalité.

DocuMEnT 2

La photographie montre un couple franco-alle-mand très cordial, juste avant la déclaration de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, pour un deuxième mandat (15 février 2012). Nico-las Sarkozy a souvent vanté le faible taux de chô-mage allemand, ainsi que ses excellents résultats à l’exportation. C’est ce modèle qu’il propose alors pour la France. Le document illustre le partage de vue entre la France et l’Allemagne. Avec l’élection de François Hollande, parti-san d’une politique de relance (alors qu’Angela Merkel plaide pour l’austérité), on peut se poser la question du devenir de la relation franco-alle-mande dans les mois qui viennent.

DocuMEnT 3

Le rejet du Traité constitutionnel européen par la France est massif : près de 55 % des suffrages exprimés. Le scrutin a mobilisé près de 70 % des citoyens français, ce qui est un taux élevé pour une élection de ce type (référendum).

Ce rejet a entraîné l’échec du TCE et un coup d’arrêt au projet d’intégration politique de l’Europe.

cinéma & histoire pp. 320-321

La fabrique d’un esprit européen ?

L’Auberge espagnole, Cédric Klapisch, 2002« À propos de l’Europe, le spectateur s’aperçoit peu à peu que, à partir du cliché de la diversité hétéroclite et du désordre ingérable, il est poussé vers une autre vision, celle d’une véritable iden-tité commune fondée sur la gestion intégrée des différences » (Jacques Lévy, article cité dans la rubrique « Questions »).

QUESTIONS

1. La ville de Barcelone est le personnage princi-pal du film. Grâce à lui, elle est devenue la ville emblématique du programme Erasmus et la des-tination la plus demandée des étudiants. Pour connaître la ville, on peut situer sur un plan les lieux récurrents du film. À commen-cer par la station de métro « Urquinaona », point névralgique au contact des deux grandes zones du

permettre de devenir un acteur crédible sur la scène politique internationale. Le sommet franco-britannique du 4 décembre 1998 à Saint-Malo marque le point de départ du projet européen en matière de défense. Il traduit le ralliement du Royaume-Uni au projet d’une Europe plus auto-nome dans la gestion des crises extérieures. Réunis à Cologne en juin 1999, les quinze chefs d’État et de Gouvernement de l’UE reprennent les objectifs de Saint-Malo et décident que « le Conseil doit désormais être en mesure de rendre des décisions ayant trait à l’ensemble des activités de prévention des conflits et des missions de ges-tion des crises définies dans le traité sur l’Union européenne ». En décembre 2001, la PSDC est déclarée opérationnelle. C’est donc dans un cadre institutionnel et politique consolidé que l’Union européenne lance, le 1er janvier 2003, sa première opération de gestion de crise, la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzé-govine.

7. Progrès : la définition d’une politique étrangère et de sécurité commune dans les traités européens (Amsterdam, Lisbonne) ; la création d’un corps armé européen ; la création du poste de haut repré-sentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Limites : la faiblesse du budget militaire et la persistance de la préservation des intérêts parti-culiers, de la part de chacun des États membres.

COurs 2 pp. 318-319

Le projet européen entre défis et incertitudes

DocuMEnT 1

Plantu montre ici Margaret Thatcher brandis-sant un chèque qui lui tire des larmes de joie. Il fait allusion à la célèbre apostrophe du Premier ministre britannique « I want my money back. » Il veut donc signifier que c’est le Royaume-Uni et sa conception de l’Europe (une simple zone de libre-échange) qui domine en Europe.

Plantu défend l’idée d’une Europe fédérale (voir le passeport européen brandi par François Mit-terrand). Il porte toutefois un regard ironique sur le sommet de Fontainebleau : il dessine des ange-lots et des violons au-dessus des chefs d’État et de gouvernement européens, afin de montrer que

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« Ces stéréotypes deviennent un socle, pour ne pas dire un patrimoine à partir duquel autre chose se fabrique » (Jacques Lévy).3. Le site de l’académie de Lyon donne des élé-ments de réponse. Dans une vision optimiste, le film est la métaphore d’une société et d’une identité européennes en construction. Par son titre même, qui suggère à la fois la diversité et la volonté de partager ce qu’on y apporte. Par des moyens symboliques : les modalités d’utilisation commune du réfrigérateur et du téléphone. Par la mobilité spatiale des personnages, « routards » européens. Par la solidarité des colocataires face à l’adversité (l’arrivée du propriétaire, celle du fiancé de Wendy). Par la confrontation et le par-tage des goûts en matière de cuisine, de musique et de danse. Par l’amitié qui se noue entre eux (scène du tee-shirt à la fin).4. Il est fréquent en Europe que des films soient réalisés en co-production pour des raisons de coût du tournage en termes de décors, d’équipements, de figurants, etc. Mais les films méritant l’éti-quette d’européen au même titre que L’Auberge espagnole, par l’intention du réalisateur et l’im-pact sur les spectateurs, sont rares. Cette rareté est en elle-même significative. On retiendra des films pacifistes traitant des guerres mondiales et prônant la réconciliation comme La Grande Illu-sion, Jean Renoir, 1937 ; Joyeux Noël, Christian Carion, 2005. Il faut noter des initiatives au niveau insti-tutionnel. Le programme « Media » de l’Union européenne soutient la production de la moitié des films réalisés en Europe et la distribution de 9 films sur 10 parmi ceux vus en dehors de leur pays d’origine. À l’instar du programme Erasmus, « Media » affirme la volonté d’un dynamisme, d’une synergie, d’un brassage et d’une connais-sance réciproque, au niveau des cinéastes comme des publics de toute l’Europe. Cependant, dans la compétition pour les récompenses mondiales, le sentiment national reste bien visible !

vers le baC pp. 324-325

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Avancées et recul du projet politique euro-péen depuis 1948.Le projet d’intégration de l’Europe s’impose dès 1945, afin d’assurer une paix durable

centre de Barcelone : au sud, le vieux centre histo-rique, avec le quartier gothique au lacis de ruelles étroites et piétonnes ; au nord, l’« Eixample », cor-respondant à la croissance industrielle du xixe siècle, avec ses artères perpendiculaires tirées au cordeau. On placera ensuite les lieux et monu-ments identifiables : le port ancien avec sa plage (Barcelonetta) et son funiculaire ; les réalisations « modernistes » (ou « Art Nouveau ») de l’archi-tecte Gaudi, notamment la basilique de la Sagrada Familia – toujours en chantier depuis 100 ans – et le parc Güell – avec son banc ondulé en céra-mique et son point de vue élevé. Le film se cantonne au Barcelone central « tou-ristifié ». Pour les urbanistes, Barcelone est pro-totypique de la ville aménagée, modernisée dans le respect de son riche patrimoine architectural et « mise en tourisme » au tournant des xxe et xxie siècles. Ce processus est rythmé par des évène-ments comme les Jeux olympiques de 1992 et le Forum européen des cultures en 2004. L’Auberge espagnole constitue le troisième de ces moments décisifs dans la diffusion de l’image valorisante de la ville. Outre l’architecture, cette image est faite de lumières contrastées, de musiques, de loisirs nocturnes (bars, terrasses), dont l’exemple s’est vite répandu dans tous les centres des métropoles européennes. Complétez le portrait de la ville : mesurez la taille de l’agglomération ; montrez son poids éco-nomique et culturel (maisons d’éditions, studios), ses « pouvoirs » emboîtés – principale métropole économique de l’Espagne, capitale politique de la Catalogne, pôle européen.

2. Le film affiche les stéréotypes des peuples de façon humoristique et parfois lourdement appuyée (notamment par William, le frère de Wendy), pour mieux s’en démarquer. On est « au second degré ». Le travail d’analyse et son corrigé proposé par le site de l’académie de Lyon (cité dans la rubrique « Questions ») dresse un tableau de ces clichés à partir des signes distinctifs de chacun des huit personnages. Quelques exemples :– Xavier, français : Astérix, les fromages, « frog » ;– Lars, danois : conscience « écolo » (vélo), poly-glotte ;– Alessandro, italien : désordonné, chaleureux, expansif ;– Tobias, allemand : organisé, ordonné, travail-leur. Etc.

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membres, du fait de la situation économique mon-diale, sont autant de freins à la réalisation de l’in-tégration politique.

III. Une relance du projet politique qui reste inachevé (de nos jours)A. De nombreuses avancéesDes élargissements : Europe des Douze puis des Quinze puis des Vingt-cinq puis des Vingt-sept.Des traités qui renforcent l’intégration politique : Traités de Maastricht (Union européenne, union monétaire), d’Amsterdam (PESC), de Lisbonne (adoption de nouvelles règles institutionnelles).

B. Des limitesUne union monétaire incomplète : le Royaume-Uni la refuse. Certains États sont pour l’heure exclus de la zone Euro, compte tenu de leurs dif-ficultés économiques. La Grèce, elle, est mena-cée d’en sortir. Un projet politique inachevé : rejet du TCE par la France et les Pays-Bas en 2005. Les nou-velles règles adoptées par le traité de Lisbonne ne permettent pas de résoudre les difficultés ins-titutionnelles, aggravées par les élargissements successifs et les crises financière et économique qui sévissent depuis 2008. L’UE peine toujours à s’affirmer comme une puissance géopolitique mondiale.

Ses pères fondateurs ont rêvé d’une Europe fédéra-liste. Si, dès sa naissance, l’Europe n’a pas choisi cette voie, le projet politique européen n’a cessé de se renforcer. Le débat demeure néanmoins entre fédéralistes, confédéralistes et « libre-échan-gistes ». Aujourd’hui, dans le nouveau contexte international (multiplication des crises politiques, des conflits ; crises financière et économique ; aggravation des inégalités de richesses ; crise cli-matique), des voix s’élèvent en Europe pour dire que seule une plus grande intégration politique permettra à l’Europe de devenir une puissance capable de répondre aux défis du xxie siècle.

vers le baC pp. 326-327

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE d’UN dOcUmENT

En janvier 1957, Guy Mollet est président du Conseil. C’est en tant que tel qu’il intervient à l’Assemblée nationale, le 22 janvier 1957. Nous ne sommes plus alors qu’à deux mois de la signa-

et la reconstruction de territoires lourdement marqués par la Seconde Guerre mondiale. Ce projet, limité à l’Europe occidentale, dans le contexte de la guerre froide, a évolué sans linéa-rité : avancées et reculs ont marqué les 70 ans de construction européenne. Quelles réalisations et difficultés ont marqué le projet politique européen depuis 1948 ?

I. Un projet politique limité, une construction pragmatique (1948-1969)A. Des avancéesAvec la CECA et les traités de Rome, on assiste à une mise en œuvre d’une communauté d’inté-rêts économiques entre les États membres. C’est une première phase de construction, pragmatique.

B. Des échecsLa CED et les plans Fouchet : le projet, avorté, de Communauté européenne de défense est le pre-mier frein à la construction politique de l’Europe. En cause, le refus de perte de souveraineté de la France dans un domaine qu’elle estime essentiel : la défense. Les plans Fouchet tentent une relance du projet politique, d’un autre projet politique, non fédéraliste mais confédéraliste (c’est le pro-jet de De Gaulle). Là encore, ils achoppent sur des conceptions différentes de la construction politique européenne.

II. Un projet politique en panne mais une pre-mière phase d’élargissement (1970-1984)A. Les élargissementsAvec l’élargissement au Nord (Royaume-Uni, Irlande et Danemark en 1973) et au Sud (Grèce en 1980), la construction européenne se pour-suit, mais évite le débat idéologique sur sa nature politique. Les élargissements sont néanmoins le signe d’avancées (notamment avec l’intégration du Royaume-Uni, troisième grande puissance économique européenne). Une avancée notable : l’élection des députés européens au suffrage universel direct, à partir de 1979. Les députés siègent par famille poli-tique et non par pays.

B. Des freins, dans un contexte de crise écono-mique mondialeÀ partir de 1973, la crise économique donne un coup d’arrêt à la construction européenne. Outre les nouveaux débats idéologiques liés à l’adhésion britannique (la CEE doit n’être qu’une zone de libre-échange), les intérêts divergents entre États

Chapitre 10 Gouverner a l’échelle continentale : le projet d’une Europe politique depuis le congrès de La Haye (1948) 125

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mobile, textile, chimie). Par ailleurs, la France manque de ressources naturelles, qu’elle importe. La croissance des exportations est donc indispen-sable pour équilibrer sa balance commerciale et assurer sa croissance économique. Guy Mollet évoque également la mondialisation : il explique que le « marché commun » existe déjà, qu’il s’agit du marché mondial. En créant une zone de libre-échange européenne, la préférence communau-taire permet de protéger l’agriculture et l’indus-trie de la concurrence mondiale. Cette intervention de Guy Mollet à l’Assem-blée nationale est donc typique de ces pro-Euro-péens qui cherchent à construire l’Europe, une Europe politique, par des réalisations concrètes, qui emportent l’adhésion des plus réticents. (Inter-vention complète à l’adresse suivante : http://www.traitederome.fr/fileadmin/CIE/archives_diplo/jo_intervention_guy_mollet.pdf)

ture des traités de Rome instituant la CEE et l’Eu-ratom. Ces traités devant être ratifiés par chaque État membre, Guy Mollet en assure la défense devant la représentation nationale. Guy Mollet a, auparavant, été membre de l’As-semblée de la CECA et a été un ardent défenseur de la CED.

I. Guy Mollet est partisan de la ligne « prag-matique ».Après l’échec de la CED, il souhaite unir les pays d’Europe par le libre-échangisme (cf. lignes 4 à 10).

II. Guy Mollet souhaite ainsi renforcer les posi-tions européennes, et donc celles de la France, dans le monde.Il met en avant les arguments suivants : le marché national ne suffit plus à assurer des débouchés pour des industries françaises prospères (auto-

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Chapitre

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III. Les réponses aux questions

Ouverture pp. 328-329

Les deux documents choisis permettent d’évo-quer deux moments forts de la coopération écono-mique internationale (la création du Fond moné-taire international, en 1944, dans le contexte de la reconstruction économique du monde à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; le passage du G8 au G20, en 2008, dans le contexte de la crise économique qui balaie le monde). Ils permettent également d’évoquer deux formes différentes de cette coopération : un cadre institutionnalisé, le FMI (organisation intergouvernementale) ; un cadre beaucoup plus informel, sans structure per-manente, le G20 (en un sens, on va de plus en plus loin dans la remise en cause du cadre tra-ditionnel des relations entre États, privilégiant l’accord obtenu par la négociation par rapport au règlement).

repères pp. 330-331

De la coopération à la gouvernance économique mondiale

QUESTIONS

1. La gouvernance vise à dépasser le cadre des États (il s’agirait plutôt, dans ce dernier cas, de gouvernement) dans le sens où elle cherche à pro-mouvoir une coopération internationale pour faire face à des problèmes qui se posent à l’échelle mondiale (développement économique, etc.). Ceci dit, dans la mesure où elle est basée sur la volonté des États de coopérer (ou pas), elle ne peut pas nier le rôle de ces derniers.

2. Après s’être renforcé, des années 1930 aux années 1970, le pouvoir des États (en tout cas, leur rôle économique « traditionnel ») semble remis en cause depuis les années 1970 par les crises suc-cessives et par la nouvelle phase du processus de

I. Les choix du manuelLe manuel a fait le choix, pour traiter ce thème, d’adopter une démarche à la fois chronologique (la mise en place, puis la remise en cause du système de Bretton Woods dans les années 1970 ; l’essor d’une nouvelle phase du processus de mondia-lisation et ses conséquences à partir des années 1980) et thématique (en insistant sur le rôle des acteurs étatiques – États, organisations intergou-vernementales, organisations régionales – et non-étatiques dans la gouvernance économique mon-diale). Il s’agit de comprendre en quoi le cadre de l’État-nation est progressivement remis en cause à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et en quoi, par voie de conséquence, la notion de « gouvernance » (issue, à l’origine, du monde de l’entreprise) se substitue progressivement à celle de « gouvernement » (qui fait explicitement réfé-rence au cadre national).Conseils bibliographiques :– Laurent Carroué, Didier Collet et Claude Ruiz, Les Mutations de l’économie mondiale de la révolution industrielle à nos jours, Bréal, 2009 (2e édition) ;– Philippe Moreau-Defarges, La Gouvernance, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2011 (4e édition).

II. Les outils complémentaires– Carte interactive : « Institutions et formes de la gouvernance économique mondiale », p. 331.– Vidéos : « Le premier sommet du G20, JT nuit, France 2, 13 novembre 2008, © INA », p. 343 ; « La situation économique difficile de la Grèce, 20 heures, France 2, 11 décembre 2009, © INA », p. 348 ; « Le contre-sommet de Seattle, 20 heures, TF1, 28 novembre 1999, © INA », p. 349.– Exercices interactifs : « Dates clés », p. 354 ; « Notions clés », p. 354 ; « Personnages clés », p. 354.

Manuel, pp. 328-359

Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 194411

Chapitre 11 Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944 127

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Même si les États-Unis ne sont pas encore en guerre, la charte de l’Atlantique définit des objec-tifs justifiant la lutte contre les pays de l’Axe et esquisse un nouvel ordre mondial pour l’après-guerre. L’extrait de la charte de l’Atlantique pro-posé par le document 1 aborde le volet écono-mique. Afin de mettre en œuvre le nouvel ordre économique mondial, deux plans sont préparés par Harry Dexter White pour les États-Unis et par John Magnard Keynes pour le Royaume-Uni.

2. En rappelant dans la charte de l’Atlantique qu’il faut « faire en sorte que se réalise, dans le domaine économique, la plus entière collaboration entre toutes les nations, afin d’assurer à toutes de meilleures conditions de travail, le progrès éco-nomique et la sécurité économique », les États-Unis et le Royaume-Uni présentent un nouvel ordre économique qui repose sur la collaboration des nations afin d’atteindre des objectifs géopo-litiques, économiques et sociaux. Tout d’abord, celui-ci doit assurer la « sécurité mondiale ». Cet objectif est étroitement lié à une lecture écono-mique des origines du conflit, fruit d’une contrac-tion du commerce international dû au repli pro-tectionniste généré par la crise des années 1930. Ensuite, le nouvel ordre économique mondial doit favoriser le « progrès économique ». Le statut de FMI adopté en 1944 rappelle que le but de cette organisation est également de permettre le « déve-loppement des ressources productives de tous les États membres ». Il s’agit donc de créer les condi-tions permettant de générer une forte croissance économique afin d’éviter une nouvelle dépres-sion. Enfin, le nouvel ordre économique mondial doit « assurer à toutes [les nations] de meilleures conditions de travail ». Le statut du FMI précise le propos en évoquant le « maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel ». L’objectif est donc d’améliorer le développement humain des populations.

3. Les signataires de la charte de l’Atlantique et du statut du FMI pensent que les objectifs géopo-litiques, économiques et sociaux du nouvel ordre économique ne peuvent être atteints que si le com-merce international se développe. Ils en font donc un facteur indispensable de la croissance écono-mique censée assurer la prospérité économique et la paix. Ainsi, l’article II du statut rappelle la nécessité « de l’expansion et l’accroissement har-monieux du commerce international », et l’ar-

mondialisation. En un sens, la coopération inter-nationale, qu’elle vise à promouvoir la stabilité monétaire (FMI), l’essor des échanges (GATT à partir de 1947, puis OMC à partir de 1995) ou la coordination des politiques économiques (du G6 au G20), est une réponse à la réduction de la marge de manœuvre traditionnelle des États (comme s’il fallait changer d’échelle pour faire face à de nouveaux problèmes).

3. C’est l’essor progressif (puis l’explosion) des flux de marchandises et de capitaux, à l’échelle des pays développés à économie de marché (jusqu’à la fin de la guerre froide) puis à l’échelle de l’ensemble du monde (depuis le début des années 1990) qui a favorisé l’évolution du rôle des États. Depuis les années 1980, ces derniers ont ainsi remis en cause la régulation tradition-nelle des activités financières qui avait été mise en place à la suite de la crise des années 1930 (rôle majeur de Ronald Reagan et de Margaret That-cher), permettant l’explosion des flux d’IDE… lesquels ne tiennent, par définition, aucun compte des frontières ou des décisions gouvernementales. Les États ont donc largement intégré la limitation de leur capacité d’intervention dans le domaine économique, y compris à l’échelle nationale.

dOssier 1 pp. 332-335

Le système de Bretton WoodsLe dossier se compose de deux doubles-pages permettant de décrire et de comprendre le nou-vel ordre économique mondial inventé à Bretton Woods en 1944. Tout d’abord, il présente les ori-gines, les projets et les caractéristiques du nou-veau système monétaire international. Ensuite, il décrit les objectifs et le fonctionnement des ins-titutions internationales mises en place : le FMI, la BIRD et le GATT. Enfin, le dossier permet d’identifier les territoires concernés par le sys-tème créé à Bretton Woods.

QUESTIONS (p. 333)

1. Le nouvel ordre économique mondial a été créé par les États-Unis et le Royaume-Uni pen-dant la Seconde Guerre mondiale. Dans la charte de l’Atlantique, Roosevelt et Churchill affirment des « principes communs de la politique nationale de leur pays respectif sur lesquels ils fondent leurs espoirs d’un avenir meilleur pour le monde ».

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Chapitre 11 Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944 129

7. Les États-Unis sont à la fois les inspirateurs et les principaux bénéficiaires du nouvel ordre éco-nomique de l’après-guerre.

Dès 1941, dans la charte de l’Atlantique, ils proposent, avec le Royaume-Uni, plusieurs prin-cipes sur lesquels bâtir un nouvel ordre écono-mique. Convaincus que la crise des années 1930 a facilité l’accès au pouvoir d’Hitler et contracté le commerce international, victime du repli pro-tectionniste des États, ils promeuvent un ordre économique mondial soutenant la croissance et le développement du commerce international. Afin de faciliter les échanges, ils souhaitent mettre en place un nouveau SMI. Ils parviennent à impo-ser le projet de l’Américain White au détriment de celui du Royaume-Uni défendu par l’écono-miste Keynes, qui proposait d’instaurer une mon-naie internationale, le Bancor, émise par une banque centrale supranationale. Détenteurs des 2/3 du stock d’or mondial, les États-Unis avaient tout intérêt à maintenir l’étalon de change-or et à refuser tout contrôle supranational sur les ques-tions monétaires. La conférence qui valide le plan White de la délégation des États-Unis se réunit aux États-Unis à Bretton Woods en juillet 1944. Elle instaure un nouveau SMI et crée le Fonds monétaire international (FMI).

Le nouveau système monétaire international institutionnalise la domination du dollar. Seule monnaie convertible en or, il devient la monnaie des échanges internationaux. Les autres devises sont convertibles en dollar, selon une parité fixée lors de leur adhésion au FMI. Les États-Unis sont également les principaux contributeurs financiers du FMI car leur quote-part est la plus élevée, du fait de l’importance de leur PIB comparé à celui des autres pays. C’est pourquoi ils occupent une place privilégiée dans le fonctionnement de cette institution.

QUESTIONS (p. 335)

1. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée, comme son nom l’indique, pour « aider à la reconstruction et au développement des États membres » dans le contexte particulier de l’après-guerre. Le titre V précise qu’elle doit faciliter « une transition sans heurts de l’économie de guerre à l’économie de paix ». Elle doit favoriser l’investissement de capi-taux, promouvoir des investissements privés et

ticle III souligne qu’il « faut éliminer toutes les entraves au développement du commerce inter-national. » Il convient donc de supprimer toutes les entraves monétaires et douanières.4. Les projets de Keynes et de White s’opposent sur la question de l’étalon-or et de la création d’une banque centrale. Tout d’abord, Keynes propose la mise en place d’une nouvelle monnaie, le Bancor, sans la rattacher à une référence à l’or alors que White exige le maintien de l’étalon-or. Ensuite, le Britannique propose la mise en place d’une banque centrale émettrice du Bancor, ce que refusent les États-Unis qui préfèrent un Fonds monétaire inter-national dépourvu du pouvoir de création moné-taire. Cette opposition s’explique par la situation géopolitique et économique des États-Unis et du Royaume-Uni en 1944. Les États-Unis qui possè-dent les deux tiers du stock d’or mondial ont inté-rêt au maintien de l’étalon-or qui permettra d’as-surer la domination incontestable du dollar sur le nouveau système monétaire international (SMI). Leur poids économique et leur domination géo-politique, ainsi qu’une longue tradition isolation-niste, les poussent à refuser toute forme d’orga-nisation qui les placerait dans une situation de dépendance à l’égard des autres pays alors qu’ils sont en situation de domination incontestée. Les Britanniques, n’ayant pas la même situation géo-politique et économique que les États-Unis en 1944, plaident donc pour un autre SMI.

5. Le rôle du FMI dans le SMI est défini par son statut de 1944. Le FMI est une institution qui fournit un « mécanisme de consultation et de collaboration en ce qui concerne les problèmes monétaires internationaux. » Le titre III précise qu’il doit « promouvoir la stabilité des changes ». Le FMI doit donc veiller à la stabilité des parités entre monnaies. Les titres V et VI stipulent que la principale modalité d’intervention permettant d’assurer cette stabilité est l’octroi de prêts aux États membres du FMI connaissant des difficul-tés budgétaires et financières dues à un déséqui-libre de la balance des paiements. Le document 4 permet d’identifier l’origine de ces capitaux. Ils viennent des fonds alimentés par la quote-part versée par tous les pays membres du FMI, dont le montant est proportionnel au PIB du pays.

6. La monnaie internationale est le dollar. C’est la seule monnaie convertible en or. Les autres monnaies sont convertibles en dollar.

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Le CAEM y est présenté comme une alliance vou-lue par Staline afin d’asservir les économies de l’Europe orientale sans parvenir toutefois à déve-lopper la productivité et la production.

7. Les recherches peuvent porter sur le siège du FMI à Washington et celui du GATT à Genève.

8. La gouvernance économique mondiale mise en place à Bretton Woods connaît de nombreuses limites. Tout d’abord, le système de Bretton Woods ne concerne pas tous les pays du monde. Il exclut le monde communiste qui ne participe ni au FMI, ni au GATT. Il exclut également plusieurs pays en développement ou encore colonisés en 1955. Ensuite, le système de Bretton Woods n’a jamais pu déboucher sur une organisation supra-nationale à cause de l’opposition des États-Unis. Ainsi, lorsque ces derniers refusent de ratifier le traité de la Havane, l’OIC n’est pas mise en place. Enfin, les interventions des institutions créées à Bretton Woods dépendent de leur capacité à les financer. Ainsi, la BIRD doit inspirer une grande confiance aux investisseurs qui achètent les obli-gations qu’elle émet. De même, le financement du FMI accorde aux États-Unis un poids déter-minant à ce pays dans les décisions de l’institu-tion.

dOssier 2 pp. 336-339

Un système économique sous influence américaine (1944-1976)Le dossier comprend deux doubles-pages abor-dant le rôle central des États-Unis dans la mise en place et dans le contrôle du système de Bret-ton Woods. Tout d’abord, il montre que le plan Marshall est étroitement lié au fonctionnement du nouveau système monétaire international et au renouveau du commerce transatlantique. Ensuite, il permet de mesurer le rôle des États-Unis dans les différents rounds du GATT. Le dossier aborde également les critiques dont font l’objet le sys-tème de Bretton Woods et les États-Unis dans les années 1960. Enfin, il permet de comprendre le rôle des États-Unis dans la disparition de ce der-nier dans les années 1970.

QUESTIONS (p. 337)

1. Le plan Marshall a été mis en place par les États-Unis afin d’aider les pays européens à

« conduire des opérations ». Afin de financer ses interventions, elle peut émettre des obligations. Les premières émissions de 1947 ont connu un vif succès, comme l’atteste le document 2.

2. Le GATT et l’OIC ne sont pas, au départ, des institutions de même nature. Le GATT désigne un ensemble de négociations conduites en 1947 entre États visant à faire baisser les taxes doua-nières. L’OIC a été pensée comme une organi-sation internationale chargée d’encadrer le com-merce mondial. Ces deux initiatives de l’ONU visaient donc à organiser les échanges commer-ciaux du monde. L’OIC se différenciait toutefois du GATT par une plus forte institutionnalisation et par un pouvoir d’arbitrage des échanges inter-nationaux.

3. L’OIC a été créée par la charte de la Havane en mars 1948. Elle n’a toutefois jamais été mise en place car les États-Unis ne l’ont pas acceptée. En effet, le Congrès des États-Unis a refusé de la ratifier, récusant la supranationalité des Nations unies instaurée de fait par ce traité.

4. Les États-Unis n’acceptent pas une gouver-nance mondiale supranationale. Ils refusent de déléguer à une instance supérieure des décisions visant à limiter leur souveraineté. Notamment, ils se méfient d’une gouvernance économique confiée à des institutions placées sous l’autorité des Nations unies. Ils favorisent une gouvernance fondée sur un accord négocié entre États sou-verains, seule modalité permettant l’expression de leur puissance tout en les mettant à l’abri de mesures pouvant nuire à leurs intérêts.

5. L’URSS, la Pologne et la Tchécoslovaquie signent les accords de Bretton Woods en juillet 1944 mais ne sont plus au FMI en 1955. Entre-temps, la guerre froide provoque une bipolari-sation de l’Europe. L’URSS refuse d’intégrer le FMI qui consacre la suprématie du dollar. Elle fait pression sur les pays du bloc communiste pour qu’ils en fassent autant.

6. Cette caricature extraite d’un journal américain critique le CAEM. Il s’agit d’une alliance écono-mique entre les pays du bloc communiste mise en place par l’URSS en 1948. Elle est une riposte à la mise en place du Plan Marshall en 1947 et de l’OECE chargée de répartir l’aide américaine. Cette caricature souligne la différence des moda-lités d’intervention des États-Unis et de l’URSS.

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des États-Unis soucieux de trouver des marchés pour leurs produits manufacturés et inquiets de la tentation protectionniste de la CEE.

6. Le document 5 rappelle que le différend entre les États-Unis et la CEE porte essentiellement sur les questions agricoles (cf. cahier bac pour l’ex-ploitation précise des documents 4 et 5).

7. Pour trouver la liste des pays, il faut aller sur le site de l’OMC, cliquer sur l’onglet « Membres de l’OMC », puis l’onglet « Membres » et activer le lien « Parties contractantes au GATT ».

8. La domination des États-Unis sur le système économique mondial, dans les années 1950-1960, se manifeste autant dans le fonctionnement du système monétaire international que dans son rôle dans le commerce international. Tout d’abord, les États-Unis sont les principaux bénéficiaires du SMI et obtiennent des retombées économiques importantes du plan Marshall. En effet, toutes les banques centrales doivent pos-séder des dollars afin d’émettre de la monnaie. Les États sont donc contraints d’accepter l’aide des États-Unis afin de constituer ces réserves. Or, une partie des dollars est vendue aux entreprises nationales afin de payer des produits importés des États-Unis. Une partie de l’aide du plan Marshall permet donc aux États-Unis de développer leurs exportations. Ensuite, les États-Unis jouent un rôle majeur au GATT. Ils sont à l’origine des principaux rounds qui visent à faire baisser les taxes douanières. Ils espèrent ainsi pouvoir plus facilement écouler leurs productions dans le monde. Ils tentent éga-lement de contrer les principales décisions prises par la CEE, qui a constitué un marché commun et protège sa production agricole avec la PAC. Ils se heurtent toutefois à la résistance des Européens et notamment du président Charles de Gaulle.

QUESTIONS (p. 339)

1. De 1950 à 1968, le stock d’or américain dimi-nue de moitié alors que les avoirs en dollars des banques étrangères augmentent de plus de 450 %. Or, le système monétaire international repose sur l’étalon de change-or pour le dollar jusqu’en 1971. Les États-Unis doivent donc pouvoir ver-ser l’équivalent or pour tous les dollars en circu-lation dans le monde.

2. En 1964, la France décide de changer en or une partie de ses avoirs en dollars.

importer des produits de l’étranger pour satis-faire leurs besoins. Les États-Unis espèrent ainsi éviter « une dislocation économique, sociale et politique très grave », qui pourrait favoriser le progrès électoral des partis communistes. Le plan Marshall doit également « contribuer au retour de conditions économiques normalement saines dans le monde, sans lesquelles il ne peut y avoir de stabilité politique, ni de paix assurée ». Plus de 90 % des aides sont des dons, les 10 % restants sont des prêts. Les pays d’Europe occidentale les plus peuplés et les plus touchés par la guerre sont les principaux bénéficiaires du plan Marshall.

2. Les dollars du plan Marshall sont versés à la Banque de France et au Fonds de stabilisation des changes. La Banque de France prête des francs au trésor et au Fonds de développement écono-mique et social, qui prête ces capitaux aux entre-prises françaises, afin qu’elles réalisent des inves-tissements productifs. Les dollars servent donc à la Banque de France à émettre des francs en vertu du fonctionnement du SMI. Ils sont égale-ment vendus aux entreprises pour leur permettre d’importer des marchandises achetées en dollars aux États-Unis.

3. Le plan Marshall a donc joué un rôle important dans la mise en place du nouveau système écono-mique mondial. Il a permis au SMI de fonction-ner en actionnant la pompe à dollars indispen-sable à son fonctionnement. Les États-Unis, en envoyant des dollars en Europe, ont permis aux banques centrales de pouvoir émettre de la mon-naie nationale grâce aux réserves de dollars ainsi constituées. Par ailleurs, ces dollars sont vendus aux entreprises qui les utilisent pour importer des marchandises et des matières premières. Le plan Marshall a donc permis de mettre en œuvre le SMI et de développer le commerce transatlantique.

4. Le GATT a pour objectif de baisser les taxes douanières, lutter contre le dumping et réglemen-ter les subventions à l’exportation dans le domaine agricole, afin de développer le commerce inter-national.

5. Un round est une négociation multilatérale réunissant les pays membres du GATT afin de signer des accords concernant les taxes doua-nières, les stratégies anti-dumping, et les subven-tions à l’exportation des produits agricoles. Ces négociations sont souvent ouvertes à l’initiative

Chapitre 11 Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944 131

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pages/AboutUs.aspx), puis en cliquant sur l’on-glet « historique ».

8. Le système mis en place à Bretton Woods en 1944 est remis en cause aux cours des années 1960/1970. Plusieurs critiques sont adressées au SMI et au FMI. Les Européens acceptent de plus en plus dif-ficilement le principe de la fixité des parités et de l’étalon-or. Ainsi, le président de la République française, Charles de Gaulle, change une partie des dollars de la réserve de la Banque de France en or, manifestant ainsi sa méfiance et son oppo-sition au SMI. Dans une conférence de presse de 1965, il rappelle qu’un tel système ne se jus-tifie plus financièrement et qu’il avantage l’éco-nomie des États-Unis au détriment de celle des autres pays. Les pays du tiers-monde dénoncent également un système monétaire, un commerce international et le rôle du FMI qui pénalisent les pays en développement. Ils s’organisent afin de porter ces revendications, en créant notamment le Groupe des 77 en 1964 pour s’imposer dans les réunions de la CNUCED créée la même année. Des considérations économiques ont également joué un rôle. La conjoncture économique se modi-fie pendant la deuxième moitié des années 1970. Le système de Bretton Woods ne peut donc plus être associé à l’exceptionnelle croissance éco-nomique des Trente Glorieuses. Par ailleurs, les États-Unis, constatant l’écart croissant entre le stock d’or américain et les avoirs en dollars des banques étrangères, ne souhaitent plus maintenir l’étalon-or, d’autant plus qu’il freine leur crois-sance économique. C’est pourquoi le président Nixon suspend la convertibilité or-dollar en 1971 et que les accords de la Jamaïque, en 1976, enté-rinent le flottement généralisé des monnaies et la démonétarisation totale de l’or.

COurs 1 pp. 340-341

La genèse de la gouvernance économique mondiale

DocuMEnT 1

Le symbole choisi pour cette affiche est celui de la liberté, représentée par la statue de la liberté.

Ce symbole fait référence aux États-Unis, pays signataire de la charte de l’Atlantique, à l’origine de la déclaration des Nations unies.

3. De Gaulle adresse deux principales critiques au SMI. Tout d’abord, le principe de l’étalon-or réservé au dollar ne correspond plus à la réalité financière du monde. En effet, il rappelle que le stock d’or des six pays de la CEE équivaut à celui des États-Unis. Ensuite, le SMI accorde un avan-tage économique aux États-Unis, leur permettant de « s’endetter gratuitement » à l’égard des pays étrangers en faisant tourner la planche à billets. De même, il pousse les investisseurs états-uniens à investir à l’étranger, suscitant « pour certains pays, une sorte d’expropriation de telles ou telles de leurs entreprises ».4. Le groupe des 77 est né en même temps que la CNUCED. Il vise à peser au cours des ses-sions de cette organisation afin de « modifier les règles et les pratiques régissant les finances et les échanges mondiaux » et d’éviter d’être sou-mis aux sociétés transnationales ou de subir des politiques imposées par le FMI en échange d’une aide financière.5. Le 15 août 1971, le président Nixon annonce la « suspension temporaire à la convertibilité du dollar en or ». Il constate que le système de Bret-ton Woods, fondé sur un SMI garanti et mis en œuvre par les États-Unis, n’a plus de raison d’être. Il remet donc en cause un des fondements de l’ordre économique établi en 1944.6. À partir de 1975, dans un contexte de difficul-tés économiques, une nouvelle gouvernance éco-nomique mondiale se définit. Le premier som-met du G6 se réunit à l’initiative de la France, à Rambouillet, du 15 au 17 novembre 1975. Les six pays les plus industrialisés abordent, au cours de ce sommet, la situation économique et la restau-ration de stabilité monétaire par la mise en place de politiques concertées. Ils décident notamment de modifier les statuts du FMI. Ainsi, lors de la réunion générale du FMI, qui se tient en 1976 à Kingston, le principe de l’étalon-or est aban-donné. L’article IV renforce les dispositions per-mettant de surveiller les politiques de change des pays membres. Le système économique repose désormais sur un SMI qui accepte le principe de flottement des monnaies, sans étalon-or. Les États restent sous la surveillance du FMI et des pays les plus industrialisés, qui s’entendent pour prendre des décisions collectives.7. Vous trouverez des informations nécessaires sur le site de la CNUCED (http://unctad.org/fr/

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parence des circuits économiques dans ces deux pays, notamment en Russie.3. Selon l’OMC, l’intégration des pays du Sud à la mondialisation des échanges ne peut que favoriser leur développement (cf. doc. 1 : « il est nécessaire de faire des efforts positifs pour que les pays en développement […] s’assurent une part de la croissance du commerce internatio-nal qui correspond aux nécessités de leur déve-loppement économique »).4. L’OMC et le G20 sont deux formes différentes de coopération économique dans la mesure où l’OMC est une véritable organisation économique, dotée d’un siège (à Genève), d’une structure per-manente (un directeur général, un organisme de règlement des différends, etc.), alors que le G20 est un forum de discussion plus informel, réunis-sant les pays les plus riches du monde (cf. doc 5), dans le but de discuter des problèmes économiques du moment, et même d’amorcer une coordina-tion des politiques économiques pour favoriser la résolution de ces problèmes.5. Le G20 a pris la suite du G8 en novembre 2008, dans le contexte de la mondialisation de la crise des subprimes – qui avait éclaté aux États-Unis, quelques semaines après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, le 15 septembre 2008. Il regroupe les pays les plus riches du monde, représentant 76,3 % du PIB mondial (cf. doc. 5), en incluant notamment les grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, etc.) alors que le G8 restait confiné aux grandes puissances économiques « traditionnelles ».6. Le G20 cherche à limiter les effets de la crise économique mondiale de 2008, notamment en mettant les États en garde contre une tentation protectionniste qui avait amplifié la crise de 1929. Il vise également à promouvoir des politiques économiques de relance dans les États concer-nés (cf. « des plans de relance nationaux et coor-donnés, dont le montant équivaudrait à 2 % du PIB des pays participants »), dans le but de favo-riser le retour à la croissance. Enfin, le G20 ne se contente pas de lutter contre les conséquences de la crise. Il cherche également à l’analyser pour comprendre ses origines : les États participant au G20 et la direction du FMI estiment alors que la libéralisation des flux de capitaux porte une part de responsabilité dans la récession (cf. « absence de surveillance de certains marchés »).

DocuMEnT 2

La couverture du Time reprend les unes de jour-naux étrangers car la décision prise par le prési-dent Nixon en août 1971 concerne tous les pays du monde appartenant au SMI. En effet, Nixon suspend la convertibilité or-dollar, qui était au cœur du système mis en place en 1944.

dOssier 3 pp. 342-345

Les nouvelles formes internationales de coopération économiqueLe dossier se compose de deux doubles-pages trai-tant de différents aspects de la coopération éco-nomique internationale depuis les années 1980. Dans un premier temps, il insiste sur la coopéra-tion économique à l’échelle mondiale ; dans un deuxième temps, il insiste sur la coopération éco-nomique à l’échelle régionale. Dans les deux cas, il s’agit de montrer que les formes de la coopéra-tion économique entre États souverains peuvent être très différentes. Le dossier aborde, enfin, cer-taines des critiques formulées depuis les années 1990 à l’encontre des principaux acteurs de la mondialisation économique.

QUESTIONS (p. 343)

1. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été fondée lors de la conférence de Marrakech (avril 1994). Cette nouvelle organisation interna-tionale, qui a officiellement commencé son tra-vail en janvier 1995, a pour but de poursuivre la libéralisation du commerce de marchandises et d’étendre les négociations au commerce de ser-vices (cf. doc. 1 et 2). Elle vise également à pro-mouvoir, par les échanges, le développement de l’ensemble des pays du monde (cf. doc. 1).

2. La Chine a adhéré à l’OMC en 2001 alors que la Russie a dû attendre jusqu’en décembre 2011 pour voir sa candidature acceptée (cf. doc. 3). Ce retard entre l’adhésion au modèle de l’éco-nomie de marché (dès le début des années 1980 pour la Chine, à partir du début des années 1990 pour la Russie) et l’adhésion à l’OMC s’explique partiellement, dans le cas de la Russie, par des raisons géopolitiques (cf. doc. 2 : « mais le pro-cessus avait été stoppé à la suite des hostilités avec la Géorgie » en août 2008) ; il peut s’expli-quer également par un certain manque de trans-

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et 4 : la CEE/UE et l’ALENA, à cet égard, ont un fonctionnement tout à fait différent puisque l’ALENA ne permet pas les flux de personnes entre États-Unis et Mexique alors que la CEE/UE, depuis la signature de l’Acte unique, les a totalement libéralisés). Dans le cas du MERCO-SUR (cf. doc. 3), une organisation régionale per-met aux États signataires de peser ensemble face à des acteurs étatiques très puissants comme les États-Unis.

2. Les organisations régionales permettent l’es-sor des échanges intra-régionaux de marchan-dises et de capitaux (voire de services, dans le cas de l’UE) : elles remettent donc partiellement en cause la notion de frontière entre États signa-taires. Il y a cependant plusieurs types d’organi-sations régionales puisque l’ALENA (cf. doc. 3), comme son nom l’indique, n’est qu’une zone de libre échange (avec un abaissement des barrières douanières pour une liste bien précise de marchan-dises), alors que le MERCOSUR est un marché unique (ce qui implique un tarif extérieur commun pour les marchandises extérieures à la zone) ; la CEE/UE (cf. doc. 4), enfin, est une organisation économique intégrée, qui comprend un marché unique (libéralisation des flux de marchandises, de services, de capitaux et de personnes) et des politiques économiques communes (la PAC ou la politique régionale, par exemple).

3. L’ALENA et le projet américain de ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques) sont contestés à la fois par des acteurs étatiques (cf. doc. 3 : les membres du MERCOSUR, qui dénon-cent l’inféodation possible aux intérêts écono-miques des États-Unis) et des acteurs de la société civile (cf. doc. 2 : le caricaturiste Patrick Chap-patte, par exemple, qui critique la militarisation de la frontière américano-mexicaine, envers de la libéralisation des échanges de marchandises entre les deux pays).4. Les critiques portées à l’encontre des institu-tions économiques et financières internationales, qu’il s’agisse d’organisations régionales comme l’ALENA (cf. doc. 3) ou d’organisations inter-gouvernementales comme le FMI (cf. doc. 6), pointent les excès du libéralisme économique, surtout lorsqu’il est présenté sans discernement comme modèle économique « unique » aux pays en développement. L’économiste américain Joseph Stiglitz (qui a reçu le Prix Nobel d’économie en

7. Le site Internet de l’OMC cherche à contrer les critiques faites par le mouvement altermon-dialiste à l’encontre de l’organisation : elle cher-cherait notamment à contraindre les pays en déve-loppement à s’intégrer à la mondialisation des échanges – alors qu’ils ne sont pas forcément en mesure de soutenir la concurrence avec les autres pays –, serait responsable de politiques de régres-sion sociale dans ces derniers pays, favoriserait les pays les plus riches par rapport aux pays les plus pauvres, etc. Ce site présente donc les argu-ments de l’OMC en faveur de l’intégration à la mondialisation, dans la droite ligne des conclu-sions de la conférence de Marrakech en 1994.

8. La coopération entre États à l’échelle mondiale s’accentue dans les années 1990 et 2000, dans le contexte de l’épanouissement de la troisième phase du processus de mondialisation, mais aussi dans un contexte de crise économique (en 2001 et surtout à partir de 2008). Elle peut, cependant, prendre des formes différentes. La création de l’Organisation mondiale du commerce, en 1995, a pour but de poursuivre la libéralisation des flux de marchandises (à la suite du GATT, auquel succède l’OMC) et de favori-ser celle des flux de services. La création du G20, en 2008, est une réaction à la crise économique qui frappe l’ensemble du monde. Contrairement au G8, que certains com-paraient à un « club de riches », le G20 associe les grands pays émergents au débat international : les pays participants cherchent, avant tout, à limiter les conséquences économiques et sociales de la récession et à relancer la croissance par une poli-tique qui, à l’époque, favorise la relance. Contrai-rement à l’OMC, le G20 n’est pas une organisa-tion internationale permanente, mais plutôt un forum de discussion informel.

QUESTIONS (p. 345)

1. Les organisations régionales se forment dans le but de favoriser les flux de marchandises et de capitaux entre États voisins (cf. doc. 3 et 4). Elles permettent aux États participants de bénéfi-cier d’un poids économique beaucoup plus consé-quent à l’échelle mondiale (cf. doc. 1 : selon les données de 2011, l’ALENA représente 23 % du PIB mondial alors que l’UE représente 20 % du total). En revanche, elles ne cherchent pas forcé-ment à favoriser les flux de personnes (cf. doc. 2

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8. Les objectifs de la fiche sont à la fois de retra-cer les étapes de la carrière de Joseph Stiglitz (en insistant, par exemple, sur son implication dans les institutions de la mondialisation comme la Banque Mondiale, puis sa prise de distance par rapport à ces dernières à partir de la fin des années 1990) et de présenter ses idées (que l’on peut rappro-cher de celles du mouvement altermondialiste). Joseph Stiglitz, il faut le noter, a également ana-lysé, dans un ouvrage récent, les causes de la crise économique mondiale de 2008-2009 (cf. Le Triomphe de la cupidité, 2010).

9. Si la coopération économique internationale a progressé depuis les années 1980, elle a pris dif-férentes formes et a soulevé des débats, voire des critiques. Différentes formes d’organisations écono-miques régionales ont contribué à la croissance du commerce mondial depuis les années 1980, qu’il s’agisse de zones de libre-échange (ALENA, 1992), de marchés communs (MERCOSUR, 1991) ou d’organisations économiques intégrées (UE, devenue un marché unique en 1993). Ces orga-nisations ont, en tout cas, permis à des États voi-sins de peser davantage sur la scène internationale alors que la mondialisation favorisait, au départ, les puissances économiques traditionnelles (on parle beaucoup, depuis les années 1990, d’une « Triade »). Cette coopération économique a cependant soulevé de nombreuses critiques émanant d’ac-teurs étatiques (les membres du MERCOSUR) ou de la société civile (des intellectuels comme Joseph Stiglitz, des ONG, des forums de discus-sion comme le Forum social mondial, etc.) : elles insistent sur le fait que les « règles » de la mon-dialisation économique sont fixées, le plus sou-vent, par les pays de la « Triade » et/ou les institu-tions internationales comme le FMI et, à ce titre, ne prennent pas forcément en compte les besoins réels des pays en développement. En outre, les limites de la coopération à l’échelle régionale (la volonté des États-Unis de fermer leurs frontières aux flux de migrants mexicains, par exemple) montrent bien que le libéralisme prôné par les acteurs principaux de la mondialisation est à géo-métrie variable.

2001) rappelle, par exemple, les conséquences sociales de la transition rapide vers l’économie de marché dans les pays d’Europe centrale et orientale au cours des années 1990 (cf. doc. 6 : « la pauvreté est montée en flèche et les revenus se sont effondrés »).

5. La contestation de la gouvernance économique mondiale s’est manifestée de différentes manières depuis le début des années 2000 :– par l’organisation de forums altermondialistes (cf. doc. 7 : le Forum social mondial, qui se tient annuellement depuis janvier 2001 dans une grande ville du « Sud ») visant à la fois à critiquer la mon-dialisation économique mais aussi à proposer des solutions alternatives ;– par l’opposition de certains pays du « Sud » à l’hégémonie économique de certains pays du « Nord » comme les États-Unis (cf. doc. 3 : oppo-sition du MERCOSUR au projet états-unien de ZLEA) ;– par le débat intellectuel (cf. doc. 6 : Joseph Stiglitz, par ses ouvrages, apporte une caution « scientifique » au mouvement altermondialiste).

6. L’Organisation des nations unies cherche, dès sa création, à promouvoir le développement éco-nomique par la coopération internationale. En 2001, elle fixe des objectifs à atteindre, région par région, afin de réduire les écarts de déve-loppement entre les pays du « Sud » et ceux du « Nord » (ce que l’on a appelé les « Objectifs du Millénaire »). Il s’agit, pour l’ONU – qui reprend à son compte, à cette occasion, certaines des cri-tiques formulées par le mouvement altermondia-liste à la fin des années 1990 –, de réorienter la mondialisation afin qu’elle bénéficie réellement à l’ensemble des pays (cf. doc. 5 : « Si nous voulons que la mondialisation tienne ses promesses. »)

7. Ces documents montrent bien que de nom-breux acteurs, étatiques ou non-étatiques, prennent conscience de la nécessité de mettre sur pied une véritable coopération internatio-nale (cf. doc. 5 : « nous devons apprendre […] à gouverner ensemble ») afin de résoudre des pro-blèmes d’envergure mondiale comme le retard de développement persistant de certains pays du « Sud » (cf. doc. 5 et 6), la durabilité des modèles de développement, etc. Les solutions à ce type de problème ne sont donc plus du seul ressort des États.

Chapitre 11 Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944 135

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rageant l’intervention de l’État dans l’économie et le recours à la dépense publique en période de crise), pour revenir au libéralisme : réduction du périmètre de l’intervention économique des États et donc de la dépense publique, libérali-sation des activités financières (démantelant les réglementations instaurées à la suite de la crise des années 1930), etc. À cet égard, Ronald Rea-gan aux États-Unis (1981-1988) et Margaret That-cher au Royaume-Uni (1979-1990) ont fait figure de modèles.

4. L’objectif de ces politiques économiques néo-libérales était à la fois de redynamiser les acteurs économiques (cf. doc. 4 : « restaurer l’esprit d’en-treprise et le sens des responsabilités ») et de s’adapter à la concurrence internationale crois-sante, en lien avec le début de la troisième phase du processus de mondialisation.

5. Les documents montrent les conséquences de la spéculation boursière aux États-Unis : ce phénomène, qui a donné naissance à plusieurs « bulles » successives (la « bulle immobilière », par exemple, qu’illustre le document 6 : l’éclate-ment des « bulles » provoque une crise – celle des subprimes sur le marché immobilier à partir de 2007 –, lorsqu’il apparaît que le cours des actions de telle ou telle entreprise ou la confiance dans tel ou tel produit financier sont largement suré-valués), est lié à la volonté des FTN de générer des profits de plus en plus importants (et donc une croissance des dividendes pour leurs action-naires) et au désengagement de l’État, qui contrôle de moins en moins leurs activités. Le document 5 rappelle également le soupçon de collusion entre les acteurs du système financier, voire entre ces derniers et certains dirigeants politiques.

6. Le démantèlement des activités économiques et, en particulier, des activités financières (le « Big bang » boursier de 1986 au Royaume-Uni, par exemple) est partiellement responsable des dérives de certains acteurs économiques (maquillage du bilan annuel d’une entreprise, par exemple, comme le montre le document 5). Ce problème rappelle que si les États ont vu leur marge de manœuvre se réduire depuis les années 1970, ils conservent un rôle d’arbitres en dernier ressort dans les activités économiques (la libre concur-rence, pour être loyale, doit s’exercer dans un cadre équitable pour tous les participants).

dOssier 4 pp. 346-349

Les États face aux nouveaux acteurs de l’économie mondialeLe dossier comprend deux doubles-pages dont l’objectif est de mettre en lumière le rôle croissant des acteurs non-étatiques (les FTN, les agences de notation, les acteurs de la société civile) dans la mondialisation, tout en insistant sur la manière dont ils contribuent à remettre en cause (voire à discréditer) le rôle de la puissance publique.

QUESTIONS (p. 347)

1. Les firmes transnationales (FTN) ont changé de nature au cours de la seconde moitié du xxe siècle dans la mesure où elles produisent de moins en moins sur leur territoire national (il faut cependant noter que le degré d’internationalisation des firmes dépend de la taille de leur marché intérieur), pré-férant externaliser un nombre croissant de tâches à des entreprises sous-traitantes et délocaliser une grande partie des activités de production. Le docu-ment 3 montre, par exemple, les stratégies d’im-plantation de la firme française Renault, qui ouvre des unités de production dans les régions proches (Europe centrale et orientale, Maghreb, Turquie) mais aussi dans des régions plus éloignées (Amé-rique du Sud). Les FTN comme Renault ont éga-lement tendance à prendre des participations dans le capital d’autres FTN afin de contrôler des parts de marché plus importantes dans leur secteur (le document 3 montre l’exemple de l’alliance entre Renault et le constructeur japonais Nissan : dans ce dernier cas, il s’agit de participations croisées puisque chaque firme détient une partie du capi-tal de l’autre).

2. Les FTN sont des acteurs majeurs de la mon-dialisation en raison de leur poids économique (cf. doc. 2 : le chiffre d’affaires de Wal-Mart, 1re

FTN mondiale, est comparable au PIB d’un pays développé, la Suède) et de leurs stratégies d’im-plantation à l’échelle mondiale (pour être quali-fiée de transnationale, une firme doit posséder des unités de production dans au moins six pays différents), en particulier dans les marchés émer-gents (cf. doc. 3 : Brésil, Inde, Turquie, Russie, etc.).

3. Dans les années 1980, la politique économique des États rompt avec le keynésianisme, qui pré-valait depuis le milieu des années 1930 (encou-

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ment des États soulève le doute sur leur solvabi-lité à moyen ou long terme.

2. Les agences de notation (dont les plus connues sont Fitch, Moody’s et Standard and Poor’s) sont avant tout chargées d’évaluer la solvabilité des acteurs étatiques ou non-étatiques (les entre-prises, par exemple) : il s’agit d’évaluer le « fac-teur-risque ». Lorsqu’elles dégradent la note d’un État (la meilleure étant AAA), elles conduisent à une augmentation du taux d’intérêt auquel ces États pourront désormais emprunter (donc à un nouvel alourdissement de leur dette).

3. La crise de la dette souveraine révèle les limites de la gouvernance économique européenne à deux niveaux : d’une part, les États membres de la zone euro n’ont pas su anticiper les pro-blèmes liés à l’endettement croissant de certains (la Grèce, par exemple) ; d’autre part, ils peinent à se mettre d’accord sur la solution à adopter pour faire face à cette crise (tout retard dans l’adoption d’un « plan de sauvetage » de tel ou tel État ou de tel ou tel secteur, tout signe de désaccord entre États membres, sont autant de signaux interprétés négativement par les marchés financiers, contri-buant à déstabiliser davantage l’économie euro-péenne et, par ricochet, l’économie mondiale). La crise de la dette souveraine serait donc, selon cer-tains analystes, une « opportunité » à saisir pour approfondir la convergence financière des États de la zone euro et aller dans le sens d’un véri-table fédéralisme budgétaire (cf. doc. 2 : « pour-rait être le point de départ d’une meilleure coor-dination des politiques monétaires et budgétaires des pays membres de l’Union européenne et du renforcement de ses institutions »).

4. Une organisation non gouvernementale (ONG) est une organisation dont le financement et les missions ne dépendent pas d’un État. Les ONG possèdent souvent un domaine d’expertise (l’hu-manitaire, l’environnemental, la défense des droits de l’Homme, etc.) qui leur permet d’intervenir dans le débat international à l’occasion de telle ou telle crise (une guerre civile, une catastrophe humanitaire, le débat sur la réduction des émis-sions de gaz à effet de serre, la critique de la mon-dialisation néolibérale, etc.). Le fait qu’elles aient émergé au départ dans des pays anglo-saxons (où la culture politique est traditionnellement méfiante vis-à-vis du rôle de l’État) et leur « statut d’al-

7. Depuis les années 1980, le fonctionnement de l’économie mondiale a évolué et a même connu certaines turbulences. Le rôle des acteurs non-étatiques et, en par-ticulier, des firmes transnationales (FTN) s’est affirmé. Ces firmes, au nombre de 82 000 envi-ron en 2010 contre 6 000 seulement à la fin des années 1960, jouent un rôle majeur grâce à leur poids économique (comparable au PIB de cer-tains États) et à la mondialisation de leurs straté-gies d’implantation (elles privilégient les marchés émergents où elles recherchent une main d’œuvre bon marché et des consommateurs potentiels). Le rôle des États, en revanche, a été remis en cause par le triomphe idéologique du néo-libé-ralisme à partir du début des années 1980 : la dépense publique, après avoir été valorisée des années 1930 aux années 1970, est désormais ren-due responsable des problèmes dont souffrent certains États. La déréglementation des activités économiques et, en particulier, des activités finan-cières, a permis l’explosion des flux d’IDE mais a également conduit à certaines dérives (scandale Enron aux États-Unis en 2002). La nouvelle phase du processus de mondiali-sation qui prend son essor dans les années 1980 conduit à la mise en place d’un nouveau système économique à l’échelle mondiale, mais également à certains dysfonctionnements des marchés, d’où des crises financières à répétition (en Asie du sud-est en 1997, à l’échelle mondiale en 2008-2009, etc.).

QUESTIONS (p. 349)

1. Les États européens (cf. doc. 1 : l’endette-ment de certains États comme la Grèce ou l’Ita-lie dépasse ainsi 100 % de la valeur de leur PIB) et les États-Unis (cf. doc. 3) souffrent d’un endet-tement important (on parle alors de « dette sou-veraine ») qui limite leur capacité d’intervention (poids croissant du remboursement de la dette dans les dépenses publiques) et les place par-fois dans une situation de dépendance vis-à-vis de créanciers étrangers (les États-Unis sont ainsi lourdement endettés vis-à-vis de la Chine ou du Japon) ; souvent, cet endettement est lié à la néces-sité d’assurer les dépenses de fonctionnement (payer les salariés de l’État, etc.). Enfin, dans un climat économique où le facteur psychologique (la confiance) joue un rôle important, l’endette-

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tible de remettre en cause l’existence de la mon-naie unique ou de conduire les États européens à faire un pas en avant décisif vers un véritable fédéralisme.

7. Il convient de dégager plusieurs étapes en insis-tant sur 1) les premiers temps de la crise (2009-2010), lorsque le problème ne semble concerner que quelques États au poids économique relative-ment modeste (la Grèce qui représente 1,9 % du PIB total de l’UE en 2005-2010 selon la Banque mondiale, puis l’Irlande qui représente quant à elle 1,1 % du total) ; 2) la diffusion progressive de la crise à l’ensemble de la zone euro (depuis 2011), lorsque la crise grecque (mais aussi espa-gnole, portugaise, etc.) semble de plus en plus difficile à circonscrire et de plus en plus suscep-tible d’avoir un impact sur l’ensemble de l’éco-nomie financière européenne.

COurs 2 pp. 350-351

De la dérégulation à la crise de la mondialisation (depuis les années 1980)

DocuMEnT 1

Cette couverture du magazine britannique The Economist évoque la remise en cause de la démo-cratie grecque (le Parthénon, symbole du « siècle de Périclès », est mis en valeur au bas de l’image) et même de la souveraineté grecque face aux menaces de mise sous tutelle de cet État par l’Union européenne ou le FMI : la Grèce semble en effet peiner à mettre en œuvre une politique de réduction de son endettement.

L’image placée en couverture du magazine rap-pelle que le problème grec est aussi un problème européen et que tout défaut de la Grèce pourrait remettre en cause la stabilité, voire l’existence, de la monnaie unique. The Economist, qui est un magazine « orthodoxe » sur le plan écono-mique, semble cautionner une mise sous tutelle du gouvernement grec afin de sauver la stabilité financière et monétaire de l’ensemble de l’Union européenne.

DocuMEnT 2

Le photographe semble insister sur la protection policière mise en place lors de la tenue du Forum économique mondial à Davos : en effet, ce type de réunion donne souvent lieu à des manifestations

ternative à la puissance publique » rappellent qu’elles agissent dans un climat de remise en cause des fonctions « traditionnelles » de l’État keynésien : en quelque sorte, en agissant sur le terrain, elles seraient mieux à même d’évaluer les besoins réels de telle ou telle population et les solutions à apporter pour résoudre tel ou tel problème ; par ailleurs, elles interpellent souvent les États, les mettant face à leurs contradictions ou à leur faillibilité.

5. Les principaux acteurs de la société civile, au début du xxie siècle, sont les ONG mais aussi les militants de mouvements sociaux comme les « Indignés » (cf. doc. 6 : ces derniers protestent contre les programmes de rigueur budgétaire imposés aux États, qui ploient sous le poids de leur dette souveraine, comme l’Espagne). Le militantisme altermondialiste (cf. doc. 4 et 5 : rôle de l’organisation ATTAC ou des manifes-tations lors des sommets de l’OMC), depuis les années 1990, s’inscrit dans le contexte de l’émer-gence d’une société civile à l’échelle mondiale (rôle joué par les NTIC puis, plus récemment, par les réseaux sociaux dans la constitution de cette société civile).6. Au début du xxie siècle, la gouvernance éco-nomique mondiale semble se heurter à plusieurs limites. D’une part, les États voient leur capacité d’in-tervention menacée par le poids de leur dette et, dans le cas de l’Union européenne, peinent à intervenir de manière concertée pour faire face à une crise majeure (crise grecque, par exemple). Individuellement ou collectivement, c’est une fois encore le rôle de la puissance publique qui est remis en cause. D’autre part, de nouveaux acteurs non-étatiques émergent, critiquant les États ou les organisations internationales pour leur action, qu’il s’agisse des agences de notation (mettant en doute la solvabi-lité de certains États en Europe ou en Amérique du Nord) ou de la société civile mondiale (le mou-vement des « Indignés » en Espagne ou le mou-vement « Occupy Wall Street » aux États-Unis, qui s’insurgent contre les politiques publiques mises en place pour répondre à la crise et leur coût social). Il reste que la crise de la dette souveraine en Europe, par exemple, marque un tournant dans la construction européenne puisqu’elle est suscep-

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Chapitre 11 Gouverner à l’échelle mondiale : la gouvernance économique depuis 1944 139

de construction-exploitation ») est rentable : elle redore l’image de marque de la société et permet de réaliser des économies substantielles.

3. Chaque construction exprime les valeurs propres à chaque société. Aux États-Unis, les références sont historiques et politiques. On affirme le principe fondamental de la constitution américaine : la liberté. En Malaisie, les références sont religieuses. On s’inspire de l’art islamique et du Coran. À Taïwan, les références sont issues de la culture asiatique et chinoise : le bâtiment est conçu pour ressembler à un bambou croissant, symbole de force éternelle dans la culture chinoise. Inspi-rée de l’architecture des pagodes, cette construc-tion reprend la symbolique des nombres pour les niveaux qui la composent (8 est le chiffre de la chance et de la prospérité en Chine). Le nom de la tour Tapei 101 reprend le nombre d’étages mais signifie aussi l’entrée dans le nouveau cycle (nouveau siècle et nouveau millénaire). Cette tour répond aux exigences de l’art « feng shui » (art de l’harmonie environnementale) :– l’habillage lumineux diffère chaque soir et cor-respond aux couleurs des jours (chaque jour cor-respondant à une planète et chaque planète à une couleur dans la tradition asiatique) ;– les fontaines à l’entrée protègent les lieux du qi négatif provenant de l’allée qui mène à la tour par une ligne droite. Dans la théorie du feng shui, pour se révéler favorable, le qi doit pénétrer à petite vitesse, de façon détournée ;– des dragons stylisés placés aux quatre coins de chaque section défendent la tour.« Pour les Asiatiques, une construction symbo-lise une plus large compréhension et anticipation des choses à venir : nous “nous élevons afin de voir”. » (extrait du site de Tapei 101)

4. Les tours affirment la puissance actuelle des forces économiques et financières, comme aupa-ravant les cathédrales affirmaient le pouvoir de l’Église et les châteaux et palais le pouvoir poli-tique. Les sociétés à l’origine des projets de gratte-ciel sont des firmes qui développent des stratégies mondiales d’investissement et qui veulent attes-ter de leur vitalité économique, en participant à cette course au gigantisme. Pour la tour de la Liberté à Manhattan, c’est la Silverstein Properties inc. (SPI), société privée de développement immobilier basée à New York.

organisées par les militants altermondialistes, cri-tiquant l’orientation idéologique néolibérale des dirigeants politiques et entrepreneuriaux qui se réunissent chaque année à Davos.

DocuMEnT 3

Les militants altermondialistes qui se réunissent à Mumbai en janvier 2004 protestent contre la « marchandisation » de l’ensemble des ressources de la planète ou de l’ensemble des activités éco-nomiques (y compris certains services publics).

Le choix de Mumbai pour la tenue du Forum social mondial est symbolique puisqu’il s’agit d’une mégapole émergente, qui rappelle que l’Inde est un pays dont le poids économique augmente très rapidement et dont une partie de la popu-lation s’enrichit alors que la pauvreté reste très importante (notamment dans les slums de Mum-bai, comme celui de Dharavi qui concentre près d’1 million d’habitants).

arts & histoire pp. 352-353

Le gratte-ciel, symbole de puissance

QUESTIONS

1. L’ensemble des bâtiments dessine, autour des anciennes tours jumelles, un espace sacré : deux immenses fosses, d’où émergent eau et lumière, indiquent leur emplacement. Toutes les construc-tions « regardent » ce mémorial. Leur disposition permet au soleil, chaque 11 septembre à l’heure des attentats, d’illuminer le site bordé d’arbres et de verdure. En hommage au 4 juillet 1776 (jour de la déclaration d’indépendance des États-Unis), la première pierre de la Freedom Tower (ou tour de la Liberté) a été posée le 4 juillet 2005. La hauteur du building est de 1776 pieds (soit 541,3 mètres). Les États-Unis affirment ainsi les valeurs de la nation.

2. Les objectifs de cette rénovation sont d’adapter la nouvelle construction aux exigences du déve-loppement durable. Il s’agit d’économiser 10 % de l’énergie et de l’eau utilisées dans l’immeuble et de réduire les déchets de 10 % également. Ces objectifs s’inscrivent dans le cadre de l’obtention de la certification américaine établie par l’US green building council, « LEED », niveau « gold ». Cette opération qualifiée de BOT (build-operate-transfer, que l’on peut traduire par « concession

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3. L’État est de moins en moins capable d’anti-ciper et de se protéger des crises financières.

III. Depuis le milieu des années 1970, l’État est à la fois contesté et renforcé par la recherche d’une nouvelle gouvernance mondiale.1. L’accroissement de l’intégration régionale par-ticipe au recul de souveraineté de l’État.2. Les États les plus développés tentent d’impo-ser une gouvernance mondiale à travers leur coo-pération pour lutter contre les crises.

vers le baC pp. 358-359

Bac BlaNc d’éTUdE crITIQUE d’UN dOcUmENT

I. La remise en cause de l’interventionnisme économique– Triomphe idéologique du néolibéralisme, à par-tir du début des années 1980, dans les pays occi-dentaux (rôle majeur de certains acteurs politiques comme Ronald Reagan aux États-Unis ou Mar-garet Thatcher au Royaume-Uni).– Diffusion de l’économie de marché (sous des formes diverses) à l’ensemble du monde après la fin de la guerre froide.

II. Des économies de plus en plus interdépen-dantes– Poursuite de la croissance des flux de mar-chandises (encouragée par le passage du GATT à l’OMC).– Explosion des flux de capitaux (sous la forme, par exemple, des délocalisations industrielles vers les pays à bas salaire).

III. Les problèmes posés par ces évolutions– Remise en cause de l’État providence (baisse de la dépense publique).– Remise en cause de certains secteurs écono-miques (le secteur agricole, en particulier, en Europe comme aux États-Unis).– Coût social des politiques économiques inspi-rées par le néolibéralisme (hausse du taux de chô-mage et du taux de pauvreté, etc.).– Risques induits par le désengagement de l’État de certaines activités économiques (notamment dans la sphère financière).

Cette SPI se concentre sur les coentreprises pour le développement et les acquisitions en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. Les tours jumelles Petronas de Kuala Lumpur ont été construites en 1998 pour le compte de la société Petronas (Petroliam Nasional Berhad), à l’origine une entreprise publique. Au fil des années, la société est devenue une multinationale possédant quatre filiales listées à Bursa Malay-sia, et ayant développé ses activités dans plus de trente pays. La tour Taipei 101 est la réalisation de socié-tés taïwanaises (Gumi Kumagai, Taïwan Kuma-gai, RSEA et Ta-yo-wei) et de la Joint Venture KTRT. Implantées dans les centres d’affaires des grandes métropoles mondiales, ces tours abritent des bureaux qui sont occupés par les sièges sociaux des grandes firmes internationales. Elles sont des lieux de la gouvernance mondiale.

vers le baC pp. 356-357

Bac BlaNc dE cOmpOSITION

Le rôle de l’État dans la gouvernance éco-nomique mondiale depuis 1945.

I. Jusqu’aux années 1970, l’État n’est que par-tiellement remis en cause par le système de Bretton Woods.1. Le système de Bretton Woods met en place des organisations internationales qui récusent la supranationalité des Nations unies.2. Le SMI soumet partiellement le pouvoir de création monétaire de l’État à la volonté du FMI et des États-Unis.3. L’État national peut utiliser les organisations internationales comme le GATT ou la CNUCED pour défendre ses intérêts.

II. À partir des années 1970, la gouvernance économique mondiale participe au recul de la régulation de l’économie par l’État.1. Les politiques néokeynésiennes ne sont plus promues par les organisations internationales.2. L’État, dans le cadre de la mondialisation et sous l’impulsion de l’OMC, semble perdre le contrôle de ses frontières et de la régulation de son marché intérieur.

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