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LIVRE BLANC Management et Organisation du travail Nos ambitions pour remettre de l'humain dans l'entreprise

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LIVRE BLANC

Management et

Organisation du travail

Nos ambitions pour remettre

de l'humain dans l'entreprise

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La CFE-CGC Énergies représente les agents de maîtrise, les ingénieurset cadres du secteur énergétique, quel que soit leur domained’activité (technique, clientèle, commercial…) ou la nature de leurfonction (expertise, management) : toutes ces catégories profession-nelles sont regroupées sous l’appellation « encadrement ».

Notre syndicat, véritable partenaire social, rassemble des femmes et des hommes parta-geant loyalement des valeurs et des principes communs. Libre de pensée, reconnu pour lapertinence de ses analyses et le pragmatisme de ses propositions, il s’attache à fédérer età porter, en permanence, l’action collective, seul moteur de progrès social.

Prônant le respect et l’équité, soucieux de solidarité, il contribue en toute indépendance àla bonne marche de l’entreprise tant qu’il juge que l’intérêt des salariés est respecté. Dansle cas contraire, il n’hésite pas à s’engager dans le conflit sans violence. Force de propo-sitions et en permanence ouvert sur son environnement, il engage sa responsabilité dans lanégociation pour favoriser le progrès social.

La CFE-CGC Énergies est la première organisation représentative chez les cadres et ladeuxième tous collèges confondus dans les industries électriques et gazières.

Pour contacter nos experts en management et organisation du travail : Carine Radian (pilote) – [email protected] Énergies – 59, rue du Rocher – 75008 Pariswww.cfe-energies.comTél : 01 55 07 57 00

Secafi est un cabinet d’expertise et de conseil auprès des comitésd’entreprise et des CHSCT. Il intervient à la demande des représen-tants du personnel et des organisations syndicales sur : le diagnostic

de la situation économique, les restructurations, les relations sociales, la prévention desrisques psychosociaux, l’amélioration de la santé et des conditions de travail. Secafi étendson expertise aux comités d’entreprise européens.

Pour contacter nos experts en management et organisation du travail :Mireille Battut (pilote) – tél : 06 80 87 78 93 – [email protected] – 20, rue Martin Bernard – 75647 Paris Cedex 13www.groupe-alpha.com Tél : 01 53 62 70 00

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Livre Blanc Management

et Organisation du travail

Nos ambitions pour remettre de l'humain

dans l'entreprise

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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La libéralisation des marchés européens de l’énergie, les mécanismes dumarché et les politiques menées par les gouvernements successifs ontgénéré de grands bouleversements ces dernières années pour les entre-prises de la branche des Industries Électriques et Gazières.De réorganisations en filialisations, nos entreprises ont évolué à marcheforcée pour faire face à la concurrence. Malheureusement, et comme lecraignait la CFE-CGC Énergies, cette mutation ne s’est pas faite sansdommages pour les salariés.

En effet, les salariés, et particulièrement les techniciens, les agents demaîtrise, les cadres et les ingénieurs, sont sous la pression de plus enplus forte de la rentabilité financière, ballotés aux grés des réorganisa-tions. Aujourd’hui, ils perdent de plus en plus leurs repères et le sens deleur travail.

Le modèle hiérarchique en place dans la plupart des entreprises des IEGest révolu. Il ne correspond plus aux « salariés 2.0 » à qui il est demandéd’être productifs, réactifs et flexibles.Initiée lors du Congrès de Reims en 2012, la CFE-CGC Énergies a lancé enjuin 2013 une grande réflexion sur le management en s’appuyant sur sesadhérents et ses militants. Ce Livre Blanc est le fruit de ce travail collectifde qualité.

Cet ouvrage permet à la CFE-CGC Énergies de partager ses analyses dumonde de l’entreprise, ses orientations et ambitions pour l’innovationsociale.

Aujourd’hui, il est urgent de rétablir la confiance et de redonner du sens.Ou, tout simplement, il est plus que nécessaire de remettre de l’humaindans l’entreprise. Telle est l’ambition de ce Livre Blanc.

Christian TaxilSecrétaire GénéralCFE-CGC Énergies

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Préface

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SommairePRÉFACE 5AVANT-PROPOS 11

ÉTAT DES LIEUX La libéralisation du secteur énergétique, une perte de repères des salariés 17

Un changement de finalités de nos entreprises 18Organisation des activités : de nouvelles « rationalisations » 20Organisation lean : le nouveau réductionnisme 20Le défi de l’innovation de rupture 23

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Thème 1 : L’identité bousculée 26Être ou ne pas être dans le cœur de métier stratégique 26L’attachement au métier 26L’estime de soi dans le travail 27L’identité à travers les changements 27L’identité dans les mouvements permanents des organisations 28Thème 2 : La quête de sens 28Le sens du travail au service des clients 28Des jugements d’utilité autour de la technicité et de la sûreté 29Le besoin d’être informé en temps réel des changements d’organisation 29Le défaut de concertation dans les restructurations 30Une conduite du changement défaillante, les managers en porte-à-faux 31Thème 3 : L’attachement au bien vivre ensemble 32Le lieu de travail, lieu de l’information et des solidarités 32Des sous-traitants collègues au quotidien 33Le manager, de moins en moins chef, de plus en plus intermédiaire 33Les limites du manager de proximité 34Pression du court terme et rotation des encadrants 35Les conditions de reconnaissance des managers de proximité 36La place des IRP et des organisations syndicales dans le vivre ensemble 36Thème 4 : Processus et normalisation face aux réalités du travail 37La culture managériale du « benchmark » 37La pédagogie des « gains » de performance 38Une nouvelle hiérarchie des gouvernances 39Une tension à résoudre entre cohérence et souplesse des organisations 39La prolifération des normes entraine des conflits d’instructions 40La nécessité de critères partagés en amont des arbitrages 41Thème 5 : Les garanties sociales mises en question 41Conclusion 42

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ÉTAT DES LIEUX La libéralisation du secteur énergétique, une perte de repères des salariés

AXES DE RÉFLEXION Cinq thématiques à l’épreuve des réorganisations

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Être impliqué dans la prise de décision 45La diversité des organisations, un atout pour la spécificité des métiers de l’énergie 47Humaniser les critères décisionnels, une nécessité 47La décision, une concertation en amont 48Introduire la GPEC dans les choix stratégiques 49Conduire le changement dans une vision partagée 50Légitimer et soutenir les managers 53Des managers bien formés 53Des managers de proximité soutenus par leur direction et par leur équipe 54Associer les équipes à la décision 57Renouveler le dialogue social 59

6107

Considération et respect des engagements, socles de la confiance 61Le salaire, pilier fondamental sous contrainte 65Mettre en valeur la reconnaissance extra salariale 67La vie au quotidien : respect, confiance, conditions de travail… 67Reconnaissance des compétences professionnelles, des potentiels et des talents 68Fonder l’évaluation sur l’humain 69Les grilles d’évaluation comme base d’échanges 69Construire les parcours, oser l’égalité 70De la gestion du diplôme à la détection des potentiels 70L’enjeu du prolongement des carrières 71Repenser les temps de vie : solidarités familiales et handicap 72Des parcours professionnels pour valoriser la transmission des compétences 72L’indispensable accompagnement RH 73Favoriser l’engagement citoyen 74

7707

À la poursuite du « bonheur » au travail 77Respirer au travail 78Une organisation lisible pour les salariés 78Arbitrer dans le cadre de sa responsabilité 78Sortir des pathologies des organisations 80Normes : revenir à leur fonction première 80

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AMBITION N°1 Mettre les salariés au cœur des choix managériaux

AMBITION N°2 Promouvoir la reconnaissance professionnelle

AMBITION N°3 Promouvoir le bien vivre au travail

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Trop de procédures tuent la performance 80Le reporting pour rendre compte de l’activité, pas la prescrire 80Apprendre à mieux traiter l’information 81Innovation et adaptation : comprendre le changement 82Analyser les résultats avant un nouveau changement 83Manager par le dialogue 83Le dialogue au cœur du métier de manager 83Repérer les signaux d’alerte 84La bonne taille d’équipes pour favoriser le dialogue 85Valoriser les parcours syndicaux 85La formation au cours du détachement 86Dialogue social : sortir du formalisme 86Managers et syndicalistes 86Exiger et mesurer la performance sociale 87Utilité sociale versus performance ? 87D’une culture technique à une culture gestionnaire 87La RSE peut-elle se mesurer ? 88Des contraintes en cascades sur les managers de proximité 88Quand l’évaluation sociale est trop générale 89Les indicateurs au service du dialogue local 90

93

Les menaces sur le statut du personnel des IEG 94Le statut du personnel des IEG, une référence incontournable 94La flexibilité, facteur de précarité 95Des contrats différents dans une même entreprise : 96une source de tensions socialesLe rôle des organisations syndicales pour la sauvegarde des garanties sociales 97L’évolution du rôle syndical, pour mieux défendre les salariés 97Défendre les garanties sociales aux niveaux européen et international 98Impulser une « moralisation » des pratiques managériales 99Responsabiliser les dirigeants et les actionnaires, sur le plan juridique 99La démocratisation des processus décisionnels, une réponse aux besoins de légitimité collective 100

CONCLUSION 101

POSTFACE 103ANNEXES 107POUR ALLER PLUS LOIN 111

SYNTHÈSE 113

REMERCIEMENTS 123

Sommaire

9

PERSPECTIVES Défendre les salariés des IEG, le rôle des syndicats

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Depuis plusieurs années, dans les entreprises de la branche des IEG (EDF,GDF SUEZ, RTE, ERDF, GrDF, GRTgaz, etc.), les modes de management etles organisations du travail se transforment profondément. Ces évolutionsse traduisent par une perte de repères et une dégradation des conditionsde travail pour bon nombre de managers et de salariés.

Cette évolution s’inscrit, depuis les années 1980, dans un contextemondial de transformation progressive et généralisée des différentstypes de management vers le modèle anglo-saxon ou libéral. Les entre-prises des IEG, en particulier les groupes GDF SUEZ et EDF, sont passéesd’une finalité de service à la collectivité à une finalité financière. Dans cetournant, nous constatons que les conditions de travail se sont dégradéeset que les salariés ont perdu leurs repères, notamment face aux inces-santes réorganisations. Ces derniers, de manière différente selon lesindividus et les collectifs, expriment de plus en plus un mal-être au travail.

L’objectif de ce Livre Blanc est de présenter les positions de la CFE-CGCÉnergies sur ces questions et d’apporter des propositions constructives.Nous avons l’ambition de peser sur le débat public en posant avec forcela question de la gouvernance des entreprises afin d’élaborer uneconception de l’organisation du travail et du management favorable àl’amélioration des conditions de travail des salariés et des managers dansles entreprises des IEG.

Avant-propos

Nousconstatons queles conditionsde travail se sont dégradéeset que les salariés ontperdu leurs repères.

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Notre réflexion porte sur cinq thèmes interdépendants :- L’identité : la remise en cause des schémas traditionnels de la recon-naissance amène le salarié à s’interroger sur le « qui suis-je » et le « quefais-je » dans son travail.- Le sens : la perte progressive des valeurs et des repères conduit à sedemander « pourquoi je fais » ce travail.- Le vivre ensemble : la dynamique de plus en plus réactive des modesd’organisation pose la question « avec qui je travaille ».- Les processus et la normalisation : les nouvelles modalités de travail,réduisant la marge de manœuvre des salariés, nous interrogent sur« comment je travaille ».- Les garanties sociales : l’érosion progressive des garanties socialesamène à se demander « quel est mon contrat de travail ». Ce dernier thèmeest transversal aux précédents par sa dimension macrosociologique.

L’enjeu est d’identifier comment l’organisation syndicale (OS) et les ins-tances représentatives du personnel (IRP) peuvent se saisir concrètementde ces thématiques pour devenir opérateurs de transformation dans nosentreprises. Le fait de lier dans une même réflexion les problématiquesde management et d’organisation du travail s’impose comme uneexigence pour ouvrir des perspectives à la hauteur de la complexité du

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

CINQ AXES DE RÉFLEXION

GARANTIESSOCIALES

Individu au travail«Qui suis-je et que fais-je ?»

Modes et méthodes de management et d’organisation

du travail : lean management …« Comment je travaille? »

IRP : avis, codécision, véto«Comment décide-t-on ?»

Salarié au travail«Pourquoi je fais ?»

Entreprise/communauté et travail «Avec qui je travaille ?»

«Quel contrat detravail ai-je ?»

IDENTITÉ

PROCESSUSTRAVAIL

NORMALISATION

Source : CFE-CGC Énergies

SENSVIVRE

ENSEMBLE

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sujet et pour éviter les impasses d’une approche segmentée en« dossiers techniques » (temps de travail, télétravail…) comme cela arrivetrop souvent dans les négociations collectives.

Outre les aspects techniques et réglementaires, nous abordons les ques-tions déterminantes de représentations sociales et culturelles. Car noussouhaitons être à même d’explorer des pistes de progrès en vue desoulager les personnes, comme les organisations, « malades » d’une gestionétriquée et réductrice du travail. Cette approche globale est un préalablepour légitimer et rendre crédibles les démarches de qualité de vie et dequalité du travail.

Nous observons que divers accords récents, en restant cantonnés ausempiternel « néo-taylorisme-toyotisme », négligent cette approchesystémique et échouent à repenser radicalement leurs orientations. Lemorcellement des problématiques liées au travail ne permet pas d’aborderconcrètement les enjeux qui les sous-tendent. Le risque est de produireun empilement de règles dont les interactions complexes frisentl’absurde. L’énergie humaine et organisationnelle requise pour appliquerces règles devient alors supérieure à celle disponible pour l’activité auservice de laquelle elles sont censées avoir été conçues !

C’est pourquoi nous pensons avant tout qu’il n’y a pas une organisationdu travail, mais des modes d’organisations adaptés aux différents typesd’activités et de métiers. Nous nous méfions particulièrement des« dernières modes » managériales, issues généralement d’un secteurd’activité, donc d’un contexte et d’une culture propre. La rationalité etl’optimum organisationnel peuvent ne pas revêtir les mêmes habits et nepas se vivre de la même manière selon l’activité. Monsieur Fayol avait-ilraison avec Monsieur Taylor, le travail de bureau peut-il se gérer selonles mêmes principes que la production industrielle séquentielle ?

Le pavé est lancé dans la mare du rationalisme mécaniste et déterministequi a su faire des merveilles dans ses terres de prédilection, mais quiconduit à des catastrophes humaines et matérielles si l’on généralise sesparadigmes.

La diversité des métiers de nos entreprises des IEG est à cet égard repré-sentative de cette problématique. Nous avons fait travailler ensembledes participants venant d’activités différentes, de la production audomaine tertiaire, et de divers métiers, de nature intellectuelle ou servicielle.Cette approche plurielle a été particulièrement enrichissante et a permisd’éviter l’écueil de réflexions isolées où chacun voit midi à sa porte. Nousavons ainsi pu repérer les tendances de fond qui uniformisent les

Avant-propos

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modèles et les pratiques de management et ce, quelle que soit la naturede l’activité.

Les réflexions menées avec nos militants ont été nourries par des situationsspécifiques aux IEG : la fusion entre Gaz de France et Suez, la filialisationde la DSI de GDF SUEZ, le cas de la SNET, filiale d’E.ON, la séparation desdistributeurs d’électricité et de gaz, la constitution des directions desservices partagés d’EDF et de GDF SUEZ, etc. Ces réflexions se sontinscrites sur différents niveaux, notamment la taille de l’entreprise (SA,filiale ou PME), son périmètre géographique d’activité (local, national ouinternational) et la nature de l’activité (régulée ou concurrentielle). Denombreux témoignages, de bonnes ou de mauvaises pratiques, exprimésdans le cadre des réunions du groupe de réflexion interne de la CFE-CGCÉnergies, alimentés et éclairés par l’expertise de Secafi et de nombreuxouvrages et publications de chercheurs, ont servi notre analyse.

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Avant-propos

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La libéralisation du secteur énergétique,une perte de repères des salariés

Le secteur énergétique a joué un rôle fondateur dans les premiers pas dela construction européenne avec la création en 1951 de la CECA (Commu-nauté européenne du charbon et de l’acier), puis en 1957 de la CEEA (Com-munauté européenne de l’énergie atomique). L’organisation dominantedes IEG était alors caractérisée par une forte intégration verticale des ac-tivités de la chaine de valeur (production et exploration, transport, distri-bution, commerce), au sein de monopoles intégrés ou par le biais decontrats de long terme (cf. annexe n°1). Efficace et innovant au plan techniquecomme au plan social, ce modèle était un atout compétitif pour la France.

Depuis le milieu des années 1990, la réglementation européenne, avecl’ouverture des marchés nationaux au profit d’un marché unique européendestiné à libéraliser les marchés de l’électricité et du gaz, a profondémentremanié le secteur de l’énergie. Directives européennes et Paquets Énergies

État des lieux

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Laconcurrence aété introduiteen amont eten aval sur les activitésproduction etfourniture.

«

»

1 La CRE, Commission derégulation de l’énergie.

2 Livre Blanc des Énergies :Trois ambitions pour l’avenir des marchés

électriques et gaziers,CFE-CGC Énergies (2012).

ont progressivement réorganisé les entreprises nationales en structureshomogènes et/ou communes en vue d’en faire des acteurs européens.Le principe de la libéralisation a consisté à désintégrer le modèle anté-rieur. La concurrence a été introduite en amont sur l’activité production(marché de gros) et en aval sur l’activité fourniture (marché du détail),tandis que les activités liées aux réseaux demeurent régulées en étantexploitées, gérées et développées par des monopoles chargés d’assurerun accès libre et non-discriminatoire à tous les producteurs et fournis-seurs. Il a fallu créer des gestionnaires de réseau indépendants et uneautorité de régulation1.

En pratique, la troisième directive européenne impose une séparationpatrimoniale des activités de production et de fourniture de celles liéesau transport et à la distribution de l’énergie. Pour y répondre, l’Union euro-péenne a accepté que les entreprises françaises du secteur de l’énergieopèrent une séparation juridique et fonctionnelle de leurs réseaux detransport et de distribution (option dite de la « troisième voie »), afin delimiter toute influence de la société mère (cf. annexe n°2) et ce, en évitantune séparation pure et simple de propriété.

Nous n’ignorons pas que nous devons nous adapter aux règles du marchéintérieur européen, lequel est constitué d’une pluralité de modèleséconomiques et qui est négocié par les différents États membres. Maisencore faut-il que ces règles ne soient pas dictées par une conceptiondogmatique et inadaptée aux caractéristiques du secteur énergétique.En 2012, nous avions montré, avec notre Livre blanc des Énergies2,comment cette politique a conduit à un marché de l’électricité et du gazdéséquilibré et fragilisé, au détriment des consommateurs et de l’industriequi paient de plus en plus cher ces ressources nécessaires à la croissance,sans que cela garantisse une réponse efficace au problème du réchauf-fement climatique. Aujourd’hui, nous souhaitons montrer l’impact qu’onteu ces évolutions sur l’identité de notre industrie, sur les finalités de nosentreprises et sur nos organisations du travail.

Un changement de finalités de nos entreprises

La révolution subie en quelques années par le secteur des IEG l’a conduitd’un monde organisé comme un service public, où la finalité première estla satisfaction des usagers, à un monde concurrentiel organisé par lemarché, où la finalité est la rentabilité financière. Les caractères et lacohérence de ces deux types de finalités sont distincts, voire divergents.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Nouveau monde : Pouvoir et autorité sont dissociésentre des intérêts privés dont la finalité est la rentabilité et des autorités de contrôle (CRE)dont la mission est la régulation.Entre eux sont négociés la rémunération des activités, la rentabilité des investissements des activités régulées (RTE, GRTgaz, ERDF, GrDF…) et la rémunération de certaines capacités(Pointe, EnR).

Ancien monde : La planification, la régulation et la péréquation sont assumées par un seul acteur(gaz ou électricité) EPIC3

assurant l’optimum économiqueet responsable de l’intérêt général.

Pour les deux entreprises sœurs EDF et Gaz de France, la libéralisationdu marché a signifié leur transformation en sociétés anonymes. Ellesne sont désormais plus complémentaires, mais elles sont devenuesconcurrentes pour vendre l’ensemble des produits et services énergé-tiques. La dissociation des grandes directions communes (RH, SI…) estconcomitante de la naissance en leur sein d’entités « commerce » et dudéveloppement de la fonction « marketing » qui a pu notamments’appuyer sur la numérisation et la séparation des factures clients.

FINALITÉ DE SERVICE PUBLIC

D Complémentarité des énergies(EDF/électricité, Gaz de France/gaz)

D Clients captifs et continuitéde la fourniture

D Contrats d'approvisionnementde long terme (vision de long terme)

D Périmètre de décision national

D Organisation intégrée des activités

D Organisation du travail régionale

DManagement de type paternaliste

FINALITÉ DE RENTABILITÉ

D Diversification et concurrence croisée sur le gaz et l'électricité

D Clients à conquérir (challenger)ou à céder (opérateur historique)

D Approvisionnement via les marchésde court et moyen terme(vision de court et moyen terme)

D Périmètre de décision internationalou supranational

D Organisation par métier des activités

D Organisation du travail en réseau

DManagement axé sur la mise en compétition et la réactivité

État des lieux Les contradictions de la libéralisation du secteur énergétique

3 Établissement Public Industriel et Commercial (EPIC).

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DEUX FINALITÉS DIVERGENTES

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Organisation des activités : de nouvelles « rationalisations »

Pour passer d’une finalité de service public à une finalité de rentabilitépour l’actionnaire, les entreprises de l’énergie ont remanié leurs organi-sations. Cette transformation s’est opérée par étapes, mais de façon trèsrapide. Sa finalité n’était pas toujours perceptible et/ou non explicitée cequi a pu faire naître des incompréhensions et un sentiment de précarité.Le processus de transformation s'est opéré en trois phases :1- La phase initiale : dans les organisations verticales et intégrées,chaque unité opérationnelle comprend l’ensemble des fonctions néces-saires à son fonctionnement autonome. Une distinction claire existe entrel’intérieur, régi par le statut du personnel des IEG, et l’extérieur, régi parla fonction achat.2- La phase de transformation : les organisations deviennent matricielles.Un double contrôle, hiérarchique et fonctionnel, se met en place. Il y ades contrats de services régissant les relations internes pour les fonctionssupport. La vision de « communauté » évolue pour les salariés tour à tourclients et fournisseurs, ce qui modifie l’appréhension de la distinctionintérieur/extérieur. Parallèlement, les frontières des métiers évoluent etdes parts croissantes des activités sont externalisées, transformantau-delà de leurs frontières l’identité des organisations.3- La phase finale : les organisations sont de nouveau verticalisées parmétiers, mais ceux-ci sont dorénavant dissociés. Chaque métier définitune cohérence interne et externe apparente. Mais ceux des donneurs d’ordres’éloignent de ceux de la production et se rapprochent du managementde prestataires ou de projets par « branche métier ». Désormais une« branche métier » peut définir ses relations avec les autres métiers surun mode commercial, comme si elle n’appartenait plus à un même groupe.Les découpages des territoires sont redéfinis, à maille plus large, pouvantaller jusqu’à la disparition de la notion de pays dans les organigrammes.

Organisation lean4 : le nouveau réductionnisme

Les organisations intégrées avaient déjà connu des formes de rationa-lisations, notamment par la centralisation qui favorisait le pilotage parde puissants systèmes d’information5. Cependant, à partir du découpageen métiers, ce sont maintenant d’autres rationalisations qui se mettenten place. Chaque métier, une fois circonscrit et isolé, peut être en effetplus facilement soumis aux processus de réduction du lean.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

4 Le lean (dégraisséen anglais) est une

méthode de gestiond’entreprise qui réduit

au maximum les gaspillages, en tenantcompte de paramètres

comme les coûts, la surproduction oules stocks inutiles.

5 Progiciels de GestionIntégrés (PGI),

plus connus sousl’acronyme anglais

ERP (Enterprise Resource Planning).

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Le reengineering6 n’est pas une pratique nouvelle, mais ce qui change,c’est la reproduction systématique des mêmes modèles de managementet la centralisation des processus, au détriment des femmes et deshommes qui composent l’entreprise.

Dorénavant, aucune activité n’échappe aux rationalisations de type lean,que ce soit la « lean production » pour l’industrie ou son dérivé tertiaire,le « lean office » pour les activités de service. Machine à compacter letemps, les délais, les coûts et les emplois, le lean considère toute activité,qu’elle soit matérielle ou immatérielle, comme une entrée d’inputs7,leur transformation et leur sortie sous forme d’outputs8.

Partant des modèles logiques développés dans les années 1970 et 1980,les consultants en lean se sont fait une spécialité de réduire les systèmescomplexes en équations primaires, fonctionnant de façon mécanicisteautour de slogans simplistes. Ainsi dans le modèle Sipoc9, il y a deuxinteractions simplifiées : le fournisseur (supplier) et le client (customer),le travail étant enfermé dans le process. Cette forme séquentielle dereprésentation est extrêmement restrictive. En effet, les analystes dutravail ont déjà mis en évidence l’écart entre le travail prescrit (la tâche,la consigne, le prévu) et le travail réel (l’acte, l’activité, l’ajustementaux imprévus). Cet écart incompressible révèle toute la complexité dusavoir-faire indispensable à toute activité.

L’extension du concept de lean aux activités de management ou deconception réduit ce travail à des objectifs immédiats et l’empêche deproduire les effets plus généraux et lointains (outcomes) qui doivent enêtre attendus, ceux-ci dépassant la simple réalisation de produits de sortie(outputs). Le lean conduit à la mise en équation simpliste d’activités qui

21

6 Le reengineering(réingénierie en anglais)est la réorganisationd’un processus indus-triel ou d’un systèmed’information afin de lerendre plus efficient.

7 Un input (entrée enanglais) est l’ensembledes facteurs entrantdans une productiondonnée (matières premières, énergies,main d’œuvre, etc.).

8 Un output (produire,mettre dehors en anglais) est le résultatd’une production paropposition à input.

9 Sipoc est l’acronymeanglais de SupplierInput Process OutputCustomer, qui signifieen français Fournisseur, Entrée, Processus,Sortie, Client.

InputEntrée

OutputSortie

CustomerClient

ProcessProcessus

SupplierFournisseur

Le SIPOC (Supplier Input Process Output Customer) est un shéma du processus que l’on souhaite améliorer, qui reprend l’ensemble du flux depuis les entrées du fournisseur jusqu’à la livraison du client.

LE MODÈLE SIPOC

État des lieux Les contradictions de la libéralisation du secteur énergétique

D D D D

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relèvent principalement de capacités complexes d’ajustement, de créa-tivité et de relations humaines. Enfin, et c’est encore plus préoccupant,le lean fait passer à la trappe les enjeux stratégiques et de conduite duchangement qui, seuls, permettent d’atteindre les objectifs d’efficacitédu système énergétique. Autrement dit, il ne peut intégrer les impactsde l’activité des entreprises sur le système.

Or, les entreprises du secteur de l’énergie sont les acteurs clés de l’effi-cacité énergétique. Elles jouent un rôle déterminant dans la compétitivitééconomique. Outre les exigences de rentabilité de leurs actionnaires,elles sont soumises aux décisions de politiques publiques et évaluéespar les autorités de régulation. Le modèle que nous proposons articuleles progrès réalisés en interne avec les impacts de nos activités sur lesystème économique, la croissance et les modes de consommation.

Source : « Fondation Kellogg » complété par Secafi.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Actionnaire - Régulateur - Politiques publiques

Stratégies

Efficacité de la combinaison productive Efficacité énérgétique

Objectifs de rentabilité Conduite du changement

Prospective

Objectifs Climat, Croissance

Investissement

Retour sur Investissement

Évaluation Évaluation

« MODÈLE LOGIQUE » QUI INTÈGRE LES ENJEUX DE L’EFFICACITÉ DU SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE

Inputs

Ressourcesdédiées à

l'activité ouau projet

Inputs

Ressourcesdédiées à

l'activité ouau projet

Processing

Ce que le projetélabore avec

les ressourcespour remplir sa mission

Outputs

Produit ou résultatdu travailou de la

production

Outcomes

Les résultats,ou les

changementspour les

bénéficiaires

Impacts

Les conséquencesà long terme

de l'interventionsur le système

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Le défi de l’innovation de rupture

Tout modèle « logique » et toute réflexion stratégique doivent intégrerl’occurrence de ruptures. L’innovation est une réponse aux impasses dessystèmes. C’est ainsi que la France a développé son industrie nucléaire enréponse à l’impasse de la crise énergétique née du premier choc pétrolier.Il est classique de distinguer trois types d’innovations : incrémentale,radicale et de rupture. Dans nos entreprises à forte culture technique, cen'est cependant pas le défi technologique qui pose problème. Il seraen conséquence plus utile de s’interroger sur l’innovation du point devue de sa conformité au modèle d’entreprise10. L’innovation continue(sustaining), qu’elle soit radicale ou non, se fera en conformité avec lemodèle d’affaire de l’entreprise. L’innovation de rupture (disruptive) sefera en rompant avec ce modèle. Cette dernière permet de bousculer lemarché et de prendre l’avantage sur les concurrents. Le schéma ci-dessous montre comment les attentes des consommateurs évoluentmoins rapidement dans le temps que l’innovation en cours. La rupturese produit lorsqu’une innovation, d’abord non recherchée par lesconsommateurs, finit par dépasser leurs attentes et être adoptée par eux.

Nous sommes amenés à interroger les motivations du changement.L’objectif de l’entreprise est-il de toujours grandir et de systématique-ment forcer le marché ? Certaines de nos activités n’ont-elles pas d’autresfinalités, telles que la sûreté, l’approvisionnement, l’efficacité énergé-tique ou la qualité ? Il n’est pas surprenant que le secteur de l’énergie,qui est pour la première fois confronté à un pic de la demande en Europe,s’intéresse aux potentiels de croissance qu’offrent les innovations derupture autour des usages du numérique.

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État des lieux Les contradictions de la libéralisation du secteur énergétique

Source : Clayton Christensen

10 Cf. « Innovator’s Dilemma » et « TheInnovator’s Solution »de Clayton Christen-sen (ouvrages nontraduits en français).

Performance Évolution de l’innovationprécédente

Attentes des consommateurs

Évolution de l’innovationde rupture

Temps

ÉVOLUTION DE L’INNOVATION DE RUPTURE

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Cinq thématiques à l'épreuve des réorganisations

Avec le cabinet Secafi11, nous avons étudié les restructurations et lesprogrammes de performance de ces dernières années. Leur examen,sous l’angle des choix stratégiques, d’organisation des activités etdes modalités d’organisation du travail, fait très nettement apparaîtredes tendances convergentes (cf. annexe n°3) : organisation verticale parmétiers ; redéploiements territoriaux sur des étendues plus vastes ;pilotage par les systèmes d’information ; constitution de métiers supportavec le déploiement de centres de services partagés ; enfin, externalisationdes activités non « cœur de métier » ou, à l’inverse, ré-internalisation desactivités pour des besoins de gestion des effectifs en reconversion.

Partant de cela, nous avons identifié cinq thématiques susceptiblesd’être impactées par les restructurations et particulièrement sensiblespour les salariés : 1/ l’identité bousculée, 2/ la quête du sens, 3/ l’atta-chement au vivre ensemble, 4/ les processus et la normalisation,5/ les garanties sociales.

Axes de réflexion

11 Secafi intervient dans les principales entreprises du secteur del'énergie, sur l'ensemblede la filière, des métiersde la production à ceux de la commercialisation etdes fonctions support, dutransport à la distribution.

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Thème 1 : L’identité bousculée

Être ou ne pas être dans le coeur de métier stratégiqueDans les entreprises du secteur de l’énergie, pour des raisons plus stra-tégiques qu’économiques, la tendance générale est un resserrement surle « cœur de métier ». Depuis 15 ans, ce resserrement conduit à uneaugmentation de la sous-traitance d’activités de moins en moins péri-phériques (travaux, maintenance, études, production/conduite) et à uneévolution des terminologies qui préfigurent d’éventuelles restructurations.Ainsi, la création d’un métier « maintenance » peut annoncer une évolutionvers l’externalisation de cette activité auparavant intégrée dans le cœurde l’activité opérationnelle du réseau de transport ou de distribution.À l’inverse, en cas de crise affectant le modèle stratégique, le cœur demétier peut se déplacer – par exemple de la conduite vers la maintenance(c’est le cas des centrales thermiques concernées par les marchés decapacités) – et entrainer la réintégration d’opérations auparavant sous-traitées.

Au-delà des enjeux de sécurité, des aspects sociaux, des choix écono-miques et des options stratégiques, l’externalisation d’activités génèrede profondes transformations des métiers. La plus représentative etfréquente est le passage du faire au « faire-faire » pour les opérationnels,du management hiérarchique à un management transversal pour les cadres.

L’attachement au métier Des conducteurs d’installations qui se perçoivent comme des « seigneursde la conduite » ou des conseillers clientèle qui se voient comme les« nouveaux ouvriers du monde des services » témoignent d’un mêmeattachement à leur identité professionnelle. Les premiers bénéficientd’une rémunération, de conditions de travail et de perspectives decarrière qui expliquent aisément cet attachement. Mais c’est bien moinsvrai pour les seconds. C’est sans doute pour cette raison qu’ils ont besoinde valoriser leur appétence pour l’activité commerciale :

« Il faut se battre », témoigne une conseillère.

« Mon objectif, c’est d’aller vers la vente terrain, d’être expert entechniques de vente, mais c’est super bouché », confie un autreconseiller clientèle.

L’identité professionnelle, appuyée sur des parcours principalementinternes à la branche des IEG, reste tenace dans nos entreprises. Cepen-dant, les changements de plus en plus rapides imposent de penseractivement les questions de perspectives de carrière, de passerelles versd’autres activités, de formation et d’intégration. Les parcours professionnels

La tendance générale est unresserrementsur le "coeur de métier " et une augmentationde la sous-traitance.

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12 Gestion prévisionnelledes emplois et des compétences.

sont à la fois plus ouverts et plus flous. Les GPEC12 peinent à apporter unsens aux changements de l’entreprise et répondent de façon incertaineaux enjeux d’employabilité.

L’estime de soi dans le travailLes évolutions de cœur de métier comme la recherche accrue de perfor-mance suivant des projets de type Démarche globale, Entreprise agile ouLean management obligent les salariés à des arbitrages douloureux entreservir les motifs qui les ont conduits vers leur métier et répondre auxattentes de l’entreprise via des reportings13 serrés. Ils se retrouvent ainsiconfrontés à des injonctions paradoxales. Les managers sont eux-mêmespris dans ces situations paradoxales et se retrouvent démunis poursoutenir leurs équipes. Ils sont contraints d’adopter des stratégies quiles désunissent et les séparent d’une partie des salariés dont ils ont la charge.

« Manque de ressources », « manque d’effectifs », « course aprèsle temps », sont des termes récurrents chez les salariés des fonctionscommerciales.

« Sens du travail modifié », « service public et sécurité écornés auvu des arbitrages qui sont faits », ces remarques reviennent fréquem-ment chez les agents des entreprises de réseau de distribution.

La question de l’identité est étroitement liée à celle de l’estime de soi autravers de ce que chacun considère relever d’un travail de qualité dansson métier et dont il pourra être fier ou pas.

« Ici, on est reconnu. Quand j’étais en poste dans l’entrepriseprécédente, on me disait : tu es payé GF314, tu fais GF3 ; dans lenucléaire, si on veut travailler, cela peut être valorisé. Là où j’étaisavant, nous étions des numéros », témoigne un contrôleur de gestion.

L’identité à travers les changementsMême lorsque leur nom subsiste, les métiers changent. Pourtant, lorsdes informations-consultations, les directions ne le reconnaissent pas.Elles tentent même de démontrer le contraire car la réalité des transfor-mations de métier, si déstabilisante pour l’identité, est avant tout« silencieuse ». Ces transformations se font sans y paraître jusqu’au jouroù l’on constate, par exemple lors d’une procédure dite de « réforme destructure», que les fiches de poste sont devenues obsolètes.

L’identité professionnelle se construit dans une dynamique, à partird’une histoire et avec des perspectives. À chaque changement, l’histoireest rasée. Les perspectives portent sur la réorganisation suivante et la

Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

13 Dans l’entreprise, le reporting désignel’activité qui consiste à rendre compte périodiquement de ses performances àl’égard de sa direction.

14 Le groupe fonctionnel(GF) définit le niveaud'emploi qui figuredans la grille de rémunération des salariés des IEG.

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dynamique peine à toucher les salariés. Dans une Business Unit, lesdirecteurs de site deviennent de simples managers opérationnels et neparticipent plus au comité de direction. Dans ces conditions, difficile poureux de partager avec les salariés une dynamique qu’ils ne portent pas.Dans un autre cas de réorganisation industrielle, plusieurs niveauxd’évolutions se superposent : entrée dans un nouveau groupe, avec lesaspects normalisants que cela implique ; passage d’une culture del’ingénieur à une culture du business ; transformation identitaire dumanagement dont le métier et les nouvelles attentes sont considéréscomme des évidences ; augmentation de la mixité culturelle et historiquedes équipes sur un fond intergénérationnel.

L’identité dans les mouvements permanents des organisationsÀ la recherche d’une forme paradoxale de stabilité dans le mouvementet/ou d’une utopie de l’organisation parfaite, les entreprises suiventdes modes managériales susceptibles d’apporter les leviers d’uneperformance accrue :- verticalisation des métiers,- régionalisation (disparition des pays dans l’organisation),- redécoupage des « mailles » d’intervention et d’astreintes (zones dedistribution),- diminution du nombre de sites de traitement en lien avec le regroupementdes métiers du support par zones géographiques (services partagés),- déménagement lors de la généralisation d’un système d’information(centre de traitement comptable),- changement de statut du personnel à l’occasion de la constitution d’unefiliale informatique.

Les interfaces créées à l’occasion de ces réorganisations sont de plusen plus souvent gérées informatiquement et sont de plus en plusinhumaines. Chaque changement organisationnel bouscule le travail auquotidien, les métiers et les identités.

Thème 2 : La quête de sens

Le sens du travail au service des clientsLa terminologie utilisée a changé : l’agent est devenu un salarié et l’usagerun client. Ce changement de vocabulaire est cohérent avec celui del’ordre des priorités qui fait passer le service de la rentabilité devant leservice public. Faut-il en conclure que la performance économique et lesens du service sont contradictoires ? Même si nous considérons qu’unebonne performance est porteuse de sens – celui de l’utilité au service del’entreprise –, nous constatons également que l’économie de l’argent

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public et l’enrichissement des actionnaires sont perçus comme anti-nomiques ou, au moins, potentiellement en tension.

Des jugements d’utilité autour de la technicité et de la sûretéLa sûreté industrielle est une problématique essentielle des métiers dela production, du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz.La fierté du métier porte en grande partie sur l’enjeu de la maîtrise desrisques de sûreté, ainsi que de sécurité des personnes. Elle permet deprendre ou d’accepter des risques réels et d’affronter des situations par-fois émotionnellement délicates et incertaines (exploitation des centralesnucléaires, urgences gaz). Cet aspect spécifique du métier est mis envaleur par les décrets d’autorisation d’exploiter et le contrat de délégationde service public. Les salariés assument des risques théoriquementmesurés, mais ils savent pourquoi.

Or, dans le cas d’un projet d’élargissement des zones de l’astreinte, l’évo-lution va se traduire par une exposition plus importante des salariés aurisque routier, par l’augmentation significative des sorties d’astreintes etdes temps de trajets pour se rendre sur les interventions. Dans ce cas, lerisque ne fait pas sens et éloigne les salariés de leur métier. Les inter-venants sont déjà au volant la majeure partie de leur temps de travail,ce n’est donc pas tant l’exposition au risque qui est insupportable,qu’une exposition vécue comme « inutile » et en décalage avec le métier.

La précision des calculs, des dossiers d’études et des actes de mainte-nance ou de construction est aussi décrite comme un facteur de qualitédu travail car elle détermine la sécurité des installations, des riverains etdes salariés susceptibles d’intervenir en aval. Aujourd’hui, l’augmentationde la sous-traitance, la réduction de l’encadrement interne, les processusinsuffisamment travaillés font dire aux salariés que « maintenant, on faitn’importe quoi ». Il y a un risque fort de mettre les managers dansl’incapacité de soutenir leurs équipes, les coordonnateurs de garantir lasécurité dont ils sont responsables et les directeurs d’entité d’assurerleurs responsabilités pénales. Dans ces diverses situations, la questiondu sens du travail est mise à l’épreuve par les marges de manœuvresinappropriées et des évolutions élaborées, mais inapplicables en tantque telles sur le terrain.

Le besoin d’être informé en temps réel des changements d’organisationL’intérêt du métier, pour se maintenir, doit s’appuyer sur une cohérenceentre les aspirations et les finalités personnelles d’une part, et l’utilité etla reconnaissance sociale du métier d’autre part. Cet intérêt est à la foisun levier de motivation efficace pour l’employeur et une fragilité en casde changement. Il doit donc être nourri par des relais de motivation et de

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

La fierté du métier porteen grande partie sur l'enjeu de la maîtrise des risques de sûreté.

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sens significatifs du point de vue du salarié, ainsi que par la préservationdes équilibres au travers les évolutions d’organisations.

Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail au Cnam, évoqueles « coopérations conflictuelles15 » pour interroger le travail, favoriserl’ajustement des relations, faire émerger les ressources et rendre plusfluide le travailler ensemble. Si cette approche fait sens dans une orga-nisation stabilisée, elle est encore plus pertinente dans une situation dechangement, pour permettre aux salariés de se réapproprier le sens deleur travail.

Il y a cependant un décalage temporel important entre les dirigeants etles managers, dans leur appropriation des transformations de l’environ-nement, des changements de cap à opérer et des évolutions à mettre enœuvre. Les managers doivent faire « bouger » leurs équipes dans desdélais courts, alors même qu’ils découvrent eux-mêmes les changementsd’orientations et ne les comprennent pas encore. Et ce, alors que denouveaux changements sont d’ores et déjà en préparation et en coursd’appropriation par les dirigeants !

La question du sens émerge souvent en reflet de la conduite du change-ment. Pour les salariés qui ont intégré une structure de travail pour lesens qu’elle a pour eux ou qu’ils sont parvenus à lui en donner, « çachange encore ! » Les salariés qui ne sont ni demandeurs, ni concepteursdu changement, devraient pouvoir passer d’un sens à un autre en« souplesse ». C’est d’autant plus nécessaire pour les managers dont lamission est d’impulser la dynamique et d’accompagner leurs équipesdans le changement.

Il y a deux manières de rendre explicite le changement et clarifier l’avenir :construire un projet conjointement avec toutes les parties prenantes oul’imposer. Si l’approche de la direction correspond réellement auxattentes des salariés, il y a des chances pour que progressivement cesderniers y viennent d’eux-mêmes, dans une cohérence avec leur travail.En revanche, si le futur est imposé sans réconcilier les orientationsstratégiques avec le travail, les paradoxes font mal !

Le défaut de concertation dans les restructurationsPour les équipes et, plus particulièrement, pour les managers, s’opèredonc une double évolution : d’une part, un changement d’optique enversdes équipes qu’il faut soutenir, motiver, autonomiser et orienter, plusqu’il ne faut les contrôler ; d’autre part, un changement de postureau sein de structures en évolution continue dont ils doivent porter ladynamique, sans avoir le temps de se l’approprier eux-mêmes.

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15 Le travail à cœur, pour en finir avec les

risques psychosociaux,Yves Clot,

La découverte (2010).

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Le défaut d’explication et le manque d’écoute concernant le travail sonttrès souvent les causes d’une adhésion impossible des salariés à desrestructurations dont ils ne contestent pourtant pas toujours la nécessité.Une enquête menée par un CHSCT (cf. annexe n°4) dans un service dontla charge de travail est en réduction montre que si les salariés reconnaissentqu’un changement est nécessaire, ils portent cependant une appréciationnégative sur les conséquences du projet et soulignent que la commu-nication n’a pas été suffisante.

Une conduite du changement défaillante, les managers en porte-à-fauxLes études de cas montrent une sous-estimation quasi systématique desconditions de gestion des transitions. Non seulement l’effectif nécessaireà la période de transition avant la mise en place d’une nouvelle organi-sation n’est pas assez pris en compte, le scénario se déroulant rarementcomme il avait été écrit, mais surtout, les départs par anticipation sontfavorisés afin d’atteindre plus rapidement l’effectif cible.

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

DÉCALAGE ENTRE LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS ET LES BESOINS DE LA TRANSITION

Projet de regroupement

de deux services

Situationinitiale

Situationprojetée

Effec

tifs

Effec

tifs

Constitution des équipes

Convergence des méthodes de travail,

déménagements

Réalisation des gains de productivité

théorique nécessaire actuel

Situationinitiale

Situationprojetée

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Par ailleurs, les temps d’apprentissage et d’acquisition des compétencessont souvent sous-estimés et volontairement compressés afin d’afficherune réalisation rapide des objectifs. Ces temps d’adaptation sont définisen valeur absolue sans tenir compte des aléas et des imprévus possibles(humains ou logistiques). Derrière le trompe-l’œil, transparaît alors laréalité de salariés en souffrance desquels est exigé – selon la formule« pendant les travaux, la boutique reste ouverte » – un niveau de perfor-mance toujours plus élevé, alors que le contexte est déséquilibré.

L’écart entre les ressources théoriques et réelles amène à accentuer lapression sur le management intermédiaire, afin de conclure les change-ments au pas de course, sans dialogue avec les équipes ni considérationsur les impacts à moyen terme. Même quand la rationalité de l’adaptationn’est pas contestée, le mépris des réalités de terrain peut mettre en pérille succès d’un projet.

Thème 3 : L’attachement au bien vivre ensemble

Le lieu de travail, lieu de l’information et des solidaritésIl existe par nature de grandes disparités entre les situations rencontréessur des sites « cœur de métier » et des sites à dimension support.

« Régulièrement, la responsable RH participe aux réunions duservice. Elle envoie des informations sociales et le chef de servicecommente ces informations », rapporte un salarié sur un site nucléaire.

« Les panneaux d’information Direction sont de plus en plus mangéspar « la performance », avant, ces panneaux étaient tournés versle personnel », constate un conseiller clientèle.

Les open space, censés faciliter la communication, génèrent plus souventdes tensions entre les salariés. Dans tous les cas, le lieu de travail estcelui où s’exercent les solidarités, à condition qu’il y ait une certaineautonomie dans l’organisation de la charge. Or, une tension sur leseffectifs peut dégrader le vivre ensemble indépendamment des relationsentre les individus, comme l’illustre l’exemple de la planification des joursdes congés. Il y a ceux qui pourront partir à telle date et ceux qui ne lepourront pas… et le manager qui doit mettre au point des plannings seretrouve en difficulté, alors que son équipe est à l’affut de sa capacité àêtre équitable.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Les tempsd'apprentissageet d'acquisitiondes compé-tences sontsouvent sous-estimés afind’afficher une réalisationrapide des objectifs.

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Des sous-traitants collègues au quotidienLa sous-traitance se développe sur des domaines de plus en plus prochesdu cœur de métier, elle contribue ainsi fortement à l’évolution des métiers.Toutefois, il existe des mouvements inverses comme la ré-internalisationopérée sur un site de production thermique pour compenser la diminutionde l’activité de conduite. Au-delà des changements de métiers induits,cette situation influence de différentes manières le vivre ensemble :- turn-over quotidien : sous-traitants qui changent au gré des contrats,difficultés à choisir les équipes d’intervention, etc.- surcroît de charges de travail qui se reportent d’aval vers l’amont, dusous-traitant vers le donneur d’ordre, du fait des moindres possibilitésd’ajustement mutuel entre les acteurs,- pertes de repères aux interfaces parfois anonymisées : qui est respon-sable de quoi ? Comment coordonner les pratiques sans risquer le prêtde main-d’œuvre ? Etc.- des « sous-traitants donneurs d’ordre » qui connaissent le métier quele donneur d’ordre ne connaît plus, entraînant une inversion des rapportsde force : les sous-traitants forment les CDD ou les nouveaux embauchésdu donneur d’ordre.

La question du statut du personnel demeure le grand discriminant. Unesituation parfois choquante quand elle se traduit par des conditions detravail très différentes pour des personnes qui se côtoient au quotidien.Par exemple, le droit de retrait en cas de « danger grave et imminent » estfacile à utiliser par « un EDF », mais impensable chez certains prestataires.

« Les nomades du nucléaire sont prêts à tout accepter pour travailler.Pour nous, c’est inadmissible, mais ils subissent sans rien dire »,s’insurge un salarié du nucléaire.

Ces différences sont mal vécues de part et d’autre, et peuvent poser desdilemmes de positionnement syndical ou éthique. Par exemple, faut-ildéfendre la ré-internalisation de la charge ou plutôt l’amélioration desconditions de travail des sous-traitants ?

Le manager, de moins en moins chef, de plus en plus intermédiaireLes managers intermédiaires sont particulièrement sollicités pour ladiffusion opérationnelle des processus décidés en « haut lieu ». Ils sonten première ligne lors de la mise en œuvre des outils de gestion de laproduction, en articulation avec les fonctions supports (HSE16, RH,méthodes…) dans le cadre d’une approche par projets. La relation entrele manager et les managés est de plus en plus interfacée par les systèmesde contrôle de gestion et de reporting. Les systèmes d’informationpermettent un découpage encore plus fin des tâches et une répartition

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

16 Hygiène sécurité environnement.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

centralisée de la charge (dispatch) qui ne dépend plus de la maillerégionale. Dans les enquêtes, les salariés des équipes mettent le doigtsur la perte de pouvoir et d’autonomie de leur manager :

« C’est la boîte aux lettres de la direction… »« Il ne décide de rien, même pas de nos augmentations ! »

Les limites du manager de proximitéDans les enquêtes auprès des salariés, la relation hiérarchique est citéecomme l’un des éléments de régulation essentiel. Les managers locauxsont souvent les garants de la culture du groupe. Ils seront davantagelégitimes s’ils sont considérés comme tels par leur équipe et leur direction.Cependant, confiance et légitimité ne se décrètent pas, mais nécessitentquelques conditions minimales. Pas toujours volontaires pour l’être,certains managers (locaux ou pas) ne sont pas à leur place… Mais mêmelorsqu’ils sont volontaires et motivés, la plupart regrettent le manque deformation, de temps et de marge décisionnelle. Ils mettent souvent encause le flou des attentes de l’entreprise à leur égard.

En résumé, les limites de l’action des managers de terrain sont de plu-sieurs ordres : organisations floues, projets qu’ils ne portent pas eux-

LE LIEN DU MANAGER AVEC LES ÉQUIPES EST « INTERFACÉ » PAR LES SYSTÈMES

Système de dispatch

Système de reporting

SIRH

Source : Secafi

Manager

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mêmes, absence de marges de manœuvre, manque de confiance deséquipes et surtout de leur propre hiérarchie, faible latitude pour lareconnaissance de leurs équipes, exercice de tâches qui ne relèvent pasdirectement de leur mission, multiplicité des missions transverses, etc.En cas d’organisation peu lisible ou discordante avec les objectifs fixés,les salariés vont déployer une énergie importante pour lui donner du senset pour chercher les informations au risque d’une certaine usure et d’uneperte de temps. Manque de soutien et de temps, les managers sontécartelés et les équipes s’en plaignent… L’entreprise est-elle conscientede ces enjeux ? Comment les intègre-t-elle dans ses organisations ?

Les salariés sont à la fois soucieux d’équité et demandeurs de reconnais-sance des spécificités de leur travail. La tension entre ces deux souhaitsrévèle la nécessité d’une régulation protectrice qui permette à la foisl’ajustement aux équipes et la cohérence nationale, la fluidité desrelations et le soutien au management.

Pression du court terme et rotation des encadrantsDans les enquêtes, le turn-over trop rapide de l’encadrement, parfoismoins de 2 ou 3 ans, est particulièrement mis en cause pour ses consé-quences sur le terrain.

« Les rotations courtes sur les sites font que quand un manager ar-rive, il veut faire ses essais et ensuite d’autres managers arrivent,font de même et, de ce fait, on tourne en rond. »

« Avec le turn-over de l’encadrement, dont on ne sait plus s’il fait par-tie du groupe ou pas, chaque nouveau changement replonge l’équipedans la nécessité de créer des repères et des liens de confiance et dereconnaissance qui permettent de travailler et de produire. »

« Ça change trop souvent dans les directions, les gens qui arriventsont déjà partis avant d’avoir fini ce qu’ils avaient commencé. »

La pression du court terme et de la charge de travail, le manque dedisponibilité des managers, conduisent les salariés à modifier l’ordre despriorités et réduisent leur lisibilité. Ils en dénoncent les conséquences :dépersonnalisation des relations, isolement, perte de soutien, absencede continuité dans les actions (cf. annexe n°5).

« On a tout fait, le kanban, le lean, le 3S, 5S, le flux tendu… »

« Aujourd’hui, le chef travaille sous pression, il impose, alors qu’ilfaut un certain calme pour travailler ici. »

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

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« Là, (le chef ) n’a plus trop de marges de manœuvre, il défendaitplus sa paroisse avant. »

« Il se blinde pour ne faire que des reproches. »

Les conditions de reconnaissance des managers de proximitéIl ne suffit pas d’être « attaché » à son entreprise pour en accompagnerles changements opérationnels. La reconnaissance du métier de manageren tant que métier spécifique progresse dans certaines entreprises oudirections, mais elle reste insuffisante dans la majeure partie de labranche des IEG. Comme par exemple : sur ces sites de productiondont les directeurs ont été relégués hors du comité de direction sansconcertation, ou encore cette entreprise du réseau de transport quirappelle son « attachement » à ses managers de proximité, mais les laissegérer seuls les contradictions face aux changements. Le peu de motiva-tion des salariés à prendre des fonctions managériales révèle égalementce manque de reconnaissance et de soutien, comme l’illustrent cesdifférentes remarques :

« Un sentiment de manque d’accompagnement des changements. »

« Un manque de considération de la réalité de l’activité. »

« Pas de temps d’appropriation prévu. »

« Des modes de communication avant tout collectifs voire institutionnels. »

Ce qui ressort en définitive des études de cas et des enquêtes, ce sontdes managers de proximité en souffrance, par manque de considération.

La place des IRP et des syndicats dans le vivre ensembleLe périmètre géographique des comités d’établissement et d’entrepriseest de plus en plus décalé par rapport à celui des entités. Les étenduesterritoriales sont parfois énormes. Le taux de sous-traitance réduitmécaniquement le nombre de représentants des donneurs d’ordre ainsique leurs heures de délégation en augmentant leur périmètre d’inter-vention (métiers, organisations…).Si les CHSCT bénéficient de périmètres plus cohérents, en revanche, ilssont enfermés dans des rigidités de fonctionnement qui réduisent leurefficacité. De plus, en cas de restructuration, la nouvelle réglementationissue de la Loi de sécurisation de l’emploi (LSE) renvoie les expertises àune instance de coordination (ICCHSCT) qui risque d’être éloignée du terrain.Pour les syndicats, dont le rôle a été renforcé par la LSE, l’enjeu est doncmaintenant de montrer leur présence et leur utilité sur le terrain.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Le taux desous-traitanceréduit méca-niquement le nombre dereprésentantsdu personnelchez les don-neurs d'ordreet augmenteleur périmètre d'intervention.

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Thème 4 : Processus et normalisation face aux réalités du travail

La culture managériale du « benchmark17 »Les programmes de performance, qu’ils soient d’EDF, de GDF SUEZ oud’autres opérateurs, sont devenus des « machines à normer » le fonc-tionnement des entreprises à travers des organigrammes et des proces-sus. Ces programmes sont conçus avec l’aide de cabinets de conseilexternes. Outre les ressources humaines qu’ils permettent de mobilisersur un temps limité et le rôle de « fusible » qu’ils jouent en cas de diffi-culté, ces cabinets de conseil ont une approche spécifique du dossier.Extérieurs à l’entreprise, ils sont censés avoir un regard « objectif » etdégagé du poids de son histoire, réputée être un frein. Les benchmarksqu’ils utilisent souvent sont présentés comme la « preuve » de leurobjectivité. Ces benchmarks, nourris par les entreprises clientes de cescabinets (y compris par leurs prospects), sont des outils d’avant-vente àl’entreprise.

Mais la comparaison avec les pairs propre aux benchmarks ne relève nid’une méthode de résolution de problème ni d’une élaboration de solution.Pourtant, elle fait figure de principe, comme si son lien avec l’efficacité

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

DIFFÉRENTES « CULTURES » MANAGÉRIALES SE COMBINENT

17 Un benchmark est un indicateur chiffré de performance tiré de l’observation des résultats de l’entre-prise qui a le mieuxréussi dans un domainedonné afin de s’en inspirer.

Culture du chef(le savoir est en haut)

Mot clé : visionSouvent pointée comme caractèristique française

Elle repose aussi sur un discours technique.

Culture du «chien au fil de l’eau»(le savoir est dans la nature)

Mot clé : flexibilitéCulture chinoise du potentiel de situation,

elle repose sur l’Art de la guerre de SunTsu, maisfait l’impasse sur la finalité du changement.

Culture du Benchmarking(le savoir est chez les autres)

Mot clé : adaptationCulture américaine

des bonnes pratiquesElle repose sur la normalisation.

Culture du «lean»(le savoir est collectif)

Mot clé : effortVient de l’automobile (Toyota)

formalisé par MITElle repose sur le progrès continu.

Source : Secafi

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et la performance était acquis. Alors que faire « comme les autres », n’est-ce pas déjà être en retard et manquer les potentiels d’innovation ?

Le partage d’expérience est certes riche et instructif. Il questionne,conforte ou bouscule. Mais pour identifier ce qui est intéressant, appli-cable et adaptable, on doit faire preuve de discernement et de recul. Lecopié-collé standardisé, sans analyse du contexte et des besoins, peutse révéler inopérant, voire nocif. Il est aussi important de comprendrel’intérêt et les finalités des pratiques observées avant de les plaquer surnos réalités. Autrement dit, les autres n’ont pas le savoir, mais un savoirqui peut m’intéresser dans la mesure où il est adaptable. C’est seulementdans cet esprit que le benchmark peut échapper à la normalisation.

La pédagogie des « gains » de performanceUne même « pédagogie des gains » se retrouve dans la plupart des plansde performance. Les « gains » les plus faciles à mettre en œuvre, dits« quick wins », qui crédibilisent la démarche, sont présentés en premier.En général, il s’agit de gains sur les achats et les prestations. Intervien-nent ensuite des programmes plus lourds tels que la renégociation descontrats avec les prestataires. Concomitamment, sont jetées les basesdes réorganisations à venir, la définition des fonctions corporate, desbranches et des business units, ainsi que la nomination des dirigeantsappelés à conduire le changement. Enfin, c’est au tour des restructurations(ou réformes de structures) qui redéfinissent les fonctions et affectationsde chacun, voire les fiches de poste. Une fois enclenchée, la dynamiques’accélère :

« Parfois, les fiches de poste n’ont même pas le temps d’êtrevalidées qu’une nouvelle réorganisation est engagée. Le but est-ild’effacer tous les repères ? En tout cas, ça en est le résultat ! »,regrette un salarié du service support.

« Dans ces situations d’incertitude permanente, les jeux de pouvoirsinterpersonnels sont exacerbés », témoigne un cadre du siège.

Les premières actions de performance sont annoncées « sans impactinterne ». Vient ensuite l’impact sur l’évolution des organigrammes etdes processus « sans impact sur l’emploi ». Entre les premières décisionset leurs incidences sur l’effectif, il peut s’écouler plusieurs années.Cette chronologie représente bien les processus de normalisation telsqu’ils sont pensés et construits en amont. Dans un premier temps, sontmentionnés d’éventuels doublons au niveau du siège ou à la tête desbranches. Cinq ans après, les réductions d’effectifs touchant le siègedescendent beaucoup plus profondément dans les services.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Une nouvelle hiérarchie des gouvernancesLa direction d’entreprise a toujours été environnée d’un système de gou-vernance composé d’actionnaires et d’autorités publiques. Ce systèmeest aujourd’hui plus complexe avec l’intervention des parties prenanteset de la société civile. À l’intérieur de l’entreprise, la hiérarchie de lagouvernance est revue et fait l’objet de déclinaisons minutieusementexaminées. À GDF SUEZ, comme à EDF, les processus qui les traversentsont analysés et chaque activité se trouve réaffectée en fonction deces analyses entre « réparti », « régalien », « mutualisé expertise » et« mutualisé services ».

Ces évolutions, qui vont de pair avec la normalisation des processus,les mutualisations (centres de services partagés par exemple) et lesexternalisations, entrainent d’importantes modifications dans les orga-nigrammes.

Résoudre la tension entre cohérence et souplesse des organisationsLa normalisation touche les processus de communication (reporting,NTIC18…) et vise la prescription du travail (rationalisation des tâches,sous-traitance…). La transmission de l’information est donc un des as-pects sensibles de l’activité qu’il est légitime de mettre en parallèle avecles conditions du vivre ensemble. Elle est bousculée par les tâtonnementsen lien avec l’usage des TIC, la réduction des temps informels, etc. Ceuxqui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont su créer un réseau interne.

L’enjeu pour l’entreprise doit être de mettre le fonctionnement de cesréseaux au service de la simplification et de l’efficacité. Souplesse etconfiance sont parfois vantées de façon incantatoire comme des facteursde réussite de projet, comme dans le cas de la nouvelle organisationrégionale de l’entreprise de transport régulée, alors qu’en réalité, c’est

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

EXEMPLE DE TYPOLOGIE DES ACTIONS D’UN PLAN DE PERFORMANCE

18 Nouvelles technologies de l’information et de la communication.

1. Négociation

2. Innovation commerciale & Vente globale

3. Optimisation du portefeuille

4. Ajustement de la taille

5. Innovation industrielle

6. Ré-ingénierie des procédures

7. Restructuration

Activité

Type d’approche

Structurelle

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la dimension du contrôle qui est seule présente dans la déclinaisonopérationnelle. Il en est de même dans le cas d’un centre d’informatiquepartagée, où l’homogénéisation des processus va limiter la souplesse etla réactivité de l’organisation.

La prolifération des normes entraine des conflits d’instructionsLa rationalisation est censée permettre une réallocation optimale desressources qui, souvent, entérine leur raréfaction. Dans sa mise enœuvre, la rationalisation se manifeste par une augmentation de la pres-cription du travail censée réduire les risques d’erreurs. Pour cela, de plusen plus de cas de figures doivent être prévus, décrits et « processés ». Ilsfont alors l’objet d’instructions qui entraînent inévitablement une com-plexification des processus et une perte de souplesse et de réactivité.Les salariés et les managers de proximité se retrouvent alors dans lasituation paradoxale de devoir arbitrer des conflits d’instructions alorsque ces dernières sont censées avoir prévu toutes les situations.

En pénurie de moyens, faire des choix devient impératif. Pour faire desarbitrages tenables et choisir le moindre risque, les salariés en réfèrentau sens et à la qualité du travail et/ou aux attentes du client. Les critèresde ce choix, qui n’est pas prévu par les processus et qui fait pourtantpartie du travail réel, ne sont pas toujours explicités et partagés.

« La question de la qualité est posée par les collaborateurs enraison notamment de la surcharge de travail. »

« Ce qui est attendu par le client, par la direction et par la hiérarchien’est pas clairement explicité. Or, plus les temps de travail sur lesmissions se réduisent, plus la clarification des attentes apparaîtimportante pour les salariés. »

« Avec l’augmentation de la charge de travail, les salariés ontl’impression d’avoir moins le temps de faire un travail de qualité. »

Ces jugements sont trop souvent considérés par la direction ou l’enca-drement comme une perception individuelle. Or, les critères de qualitédevraient être discutés et partagés, à partir du croisement des différenteslogiques de travail : techniques, sociales, gestionnaires, etc.

« Des échanges sur ce sujet permettraient de définir des repèresclairs sur ce sujet pour tout un chacun. »

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

La rationa-lisation se manifeste parune augmen-tation de laprescription du travailcensé réduireles risquesd'erreurs.

«

»

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La nécessité de critères partagés en amont des arbitragesEn l’absence de clarification sur les priorités, les salariés sont tentés deconsidérer que la demande implicite est d’arbitrer en faveur d’une sim-plification et d’une qualité moindre. Cette évolution « mal digérée » estcontradictoire avec ce que les salariés comprennent des attentes clients.Leur choix peut d’ailleurs être de ne pas répondre à ces attentes. Danstous les cas, cette standardisation douloureuse est rendue presqueimpossible lorsqu’elle ne fait pas sens pour les salariés. Elle devientalors un frein.

Donner à comprendre les enjeux doit permettre de lever ce frein, d’éviterles biais, d’ajuster les attentes et de conduire à une représentationpartagée de ce qu’il est pertinent de faire. L’économie de cette étaped’explication et de compréhension conduit à une complexificationofficieuse dont les effets sont une perte de repères. Paradoxalement,alors qu’elles sont censées avoir été simplifiées, ces organisations sontvécues comme trop complexes et susceptibles d’entraîner des prises derisques inappropriées, des coopérations freinées, une dégradation de lasanté des salariés qui peut se traduire par un absentéisme coûteux enterme organisationnel (astreinte, remplacements…).

Thème 5 : Les garanties sociales mises en question

Les opportunités d’emploi dans le secteur des IEG sont de deux ordres :remplacement des départs liés au « papy-boom » (mais tous les emploisactuels ne seront pas remplacés) et évolution des emplois vers le numé-rique, les services énergétiques ou vers les énergies renouvelables.Cependant, ces nouveaux emplois sont souvent créés hors statut desIEG, avec des conditions sociales très différentes. Cette création continued’emplois ne compense pas les réductions d'emplois au sein de labranche et contribue à réduire mécaniquement et progressivement lepérimètre d’application du statut des IEG et des garanties sociales quiy sont associées19, ce qui nous amène à nous interroger sur les perspec-tives à moyen et long terme de ces garanties sociales.

L’une des revendications de la CFE-CGC Énergies est que les salariés desentreprises du secteur de l’énergie soient au statut des IEG.

Indépendamment de la réalité des garanties sociales, des phénomènesde peur ou de perte de confiance sont générés par la façon dont lessalariés se sentent traités. Il est donc question de communication, deconduite du changement, de sa nature, de son intention et du courage

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

19 La question du soclede garanties sociales accompagnant les métiers de la transitionénergétique n’a pas étéabordée dans le cadredu grand débat sur latransition énergétique.

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des dirigeants. Le courage peut être défini par la capacité à reconnaîtrene pas savoir ou ne pas pouvoir faire. Dire où s’arrêtent les marges demanœuvres est moins pathogène, quand les prises de décisions sontcohérentes, que de laisser planer le doute. Aujourd’hui, les salariésexpriment leur peur de l’avenir et leurs inquiétudes, et aucune perspec-tive claire ne vient qui pourrait les rassurer.

C’est un enjeu syndical que de pouvoir redonner de la perspective auxIRP les plus locales et aux OS sans tomber dans la confusion des genres.Cette démarche est en cohérence avec ce vers quoi tend la loi desécurisation de l’emploi (cf. chapitre Perspectives).

Conclusion

Sens, identité, vivre ensemble, normes et garanties sociales, à partir deces cinq axes de réflexion, nous avons dégagé trois pistes d’action quisont autant d’ambitions pour la CFE-CGC Énergies : mettre les salariés denos entreprises au cœur des choix managériaux, promouvoir une véritablereconnaissance professionnelle et promouvoir le bien vivre au travail.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

DES 5 AXES DE RÉFLEXION AUX "AMBITIONS" ET "PERSPECTIVES"

SENSVIVRE

ENSEMBLE

GARANTIESSOCIALES

PERSPECTIVES

AMBITION 1

AMBITION 2

AMBITION 3

Individu au travail«Qui suis-je et que fais-je ?»

Modes et méthodes de management et d’organisation

du travail : lean management…« Comment je travaille? »

IRP : avis, codécision, véto«Comment décide-t-on ?»

Salarié au travail«Pourquoi je fais ?»

Entreprise/communauté et travail «Avec qui je travaille ?»

«Quel contrat de travail

ai-je ?»

IDENTITÉ

PROCESSUSTRAVAIL

NORMALISATION

Source : CFE-CGC Énergies

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Notre première « Ambition » aborde les modalités de prise de décisionsmanagériales, auxquelles nous souhaitons que l’ensemble des salariéssoit associé. La seconde traite de la reconnaissance des salariés dansl’organisation, qu’elle soit financière ou immatérielle. Et notre troisième« Ambition » porte sur la place des salariés dans les organisations et surla réalité du travail, elle vise à réconcilier les enjeux de performance del’entreprise et la nécessité du bien vivre des salariés. Enfin, ces troisvolets de propositions sont suivis de « perspectives » sur le devenir àlong terme des contrats de travail et des organisations dans les IEG ainsique sur l’évolution du rôle des organisations syndicales et des instancesreprésentatives du personnel.

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Axes de réflexion Cinq thémathiques à l’épreuve des réorganisations

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Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

Cette première ambition cible le processus décisionnel ainsi que les choixstratégiques et managériaux dans l’entreprise, à partir des enjeuxéconomiques externes et internes. Notre souhait est d’y impliquerl’ensemble des salariés et plus seulement une élite restreinte et referméesur elle-même.

Être impliqué dans la prise de décision

La décision est un choix. C’est un arbitrage entre des enjeux à court oumoyen terme, des intérêts légitimes et différentes méthodes possibles.Le mythe du dirigeant, seul détenteur d’une vision prospective infaillible,donnant l’impulsion et dont les décisions sont mises en œuvre sansrésistance par ses directeurs et ses opérateurs, est toujours efficient.Aujourd’hui encore, cette représentation anime la manière dont lesdécisions sont prises dans le secteur industriel de l’énergie et ce, alors

« Mieux informer et mieux écouter les salariés. »Ambition nº1

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même que les managers se heurtent « à tous les étages » à ce que l’onnomme le « frein au changement ».Par ailleurs, le processus décisionnel fait intervenir des dimensionsinstitutionnelles et réglementaires complexes, ainsi que des intérêts etdes perceptions multiples des parties prenantes.

Les modalités de gouvernance qui structurent la participation des salariéspermettent de tirer profit des tensions entre forces centralisatrices etforces distributrices, en vue de produire une combinaison spécifique àchaque entreprise, à chaque « communauté », dans un contexte légal donné.Les entreprises du secteur de l’énergie sont entrées dans une libéralisation20

imparfaite et au fonctionnement insatisfaisant. L’énergie reste pourtantun bien primaire nécessaire à la croissance industrielle et un servicerendu à la collectivité. La performance économique et sociale de nosentreprises ne peut être exclusivement rapportée aux actionnaires, maisdoit considérer une utilité supérieure, appelée le service public.

Contribuer à l’émergence d’un modèle de gouvernance qui donne réellement saplace à chacune des parties prenantes, notamment par la mise en place de groupesde travail plus ouverts et afin de tenir compte des retours d’expérience, desremontées du terrain et des idées novatrices. Ainsi, l’implication des salariés dans la prise de décision permettra d’accroître larobustesse des choix internes pour répondre aux exigences externes et stratégiques.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

DÉCISION ET PARTIES PRENANTES, LA RÈGLE DES 3 M

Multiacteurs

Multidimensionnel

Multiniveaux

Politiques Conjonctures Marchés financiersRéglementation Droit des firmes

Etc...

International - Européen - NationalSectoriel - Local

Autorités Publiques

Entreprise :Management - DRH - Syndicats Représentants des travailleursShareholders - Stakeholders

Autres :Institutions

Réseaux institutionnels

ExpertsSource : AgirE

Nos ambitions

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La diversité des organisations, un atout pour la spécificité des métiers de l’énergieMalgré l’illusion prégnante de l’organisation parfaite sortie d’une boîteà outils dernier cri, le changement organisationnel permanent est parfoisune réponse adéquate aux nécessaires adaptations de l’entreprise. Entreboîte à outils et changement, les différentes politiques managérialestentent d’intégrer :- des facteurs de convergence qui caractériseraient une étape de la« libéralisation » du secteur par-delà les différences de culture entre EDF,GDF SUEZ et leurs filiales du secteur régulé,- des stratégies divergentes pouvant entraîner des processus décisionnelset des formes d’organisation spécifiques.

Nous pensons que la diversité des organisations et des cultures nécessitedes partis pris organisationnels et, par conséquent, managériaux. Il estdéterminant d’adapter ces partis pris aux enjeux de chaque structure et dechaque métier énergétique afin de répondre aux sollicitations de l’environ-nement, sans perdre de vue les missions et choix fondamentaux des IEG.

Inciter les employeurs à afficher leurs partis pris organisationnels pour endébattre afin de mieux intégrer les spécificités des métiers et activités.Favoriser des mobilités organisationnelles raisonnées lorsqu’elles sont justifiéesau regard des facteurs clés de l’environnement économique et stratégique.

Humaniser les critères décisionnels, une nécessitéAdapter les organisations aux métiers est une condition nécessaire, maisinsuffisante. Une politique managériale n’ayant que la productivitépour objectif est vouée à l’échec, car ignorer les facteurs humains estsuicidaire pour l’entreprise comme pour les salariés. Sur ce point, laposition de la CFE-CGC Énergies est claire : nous ne nous opposons ni àla recherche de productivité ni à l’efficience, mais à leurs excès qui,comme dans tout système, entraînent des dommages secondaires. Laproductivité à outrance et l’ultra rigueur causent en définitive des effetsinverses à l’objectif recherché. Nous n’avons donc pas vocation àcautionner toutes les décisions et tous les choix faits par nos entreprises,mais nous nous positionnons comme une force de propositions alterna-tives visant à « humaniser » les critères décisionnels tout autant que lesméthodes de management et de gestion.

Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

20 Comme nous l’avonsdéjà montré dans le « Livre Blanc des Énergies : Trois ambitions pour l’avenirdes marchés électriqueset gaziers », op. cit.

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Nos ambitions

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Intégrer l’humain, non comme une simple variable d’ajustement, mais comme le cœurde l’entreprise, dans les critères décisionnels comme dans le management et la gestion.Accepter que la politique managériale ne soit pas seulement gestionnaire et/ou financière.Ne pas considérer la productivité comme seule réponse aux enjeux de performancedurable.Refaire de la qualité du travail un levier de performance.Favoriser les structures de taille « raisonnable » afin d’éviter les écueils de la massi-fication et de conserver une dimension humaine aux organisations.

Pour déployer une politique managériale équilibrée, il convient des’appuyer sur différents leviers : la capacité d’ajustement des équipes ;des managers légitimés et soutenus ; la contribution de chacun pourintégrer les changements et adapter les rythmes et les moyens ; lerespect d’une vraie diversité et de l’égalité professionnelle ; une trans-formation du dialogue social qui évite les aberrations et les blocages.

La décision, une concertation en amontQuelle que soit l’option stratégique ou politique retenue, seule une largeconcertation permettra de la faire comprendre, de la décliner et de l’appliquer,voire de l’amender. Or, ce n’est pas toujours le cas. Lorsque le comité d’en-treprise est consulté, il est souvent déjà trop tard pour proposer des alterna-tives. Ou lorsque les managers de proximité sont informés sans avoir étéassociés à la concertation préalable, ils se retrouvent devant le fait accompli.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Scénario 1 Scénario 2 Scénario 4Scénario 3

Réorganisation - Mesures d’accompagnement

Processus de décision

Consultation CE/CHSCT

Choix de restructuration

DU PROCESSUS DE DÉCISION À LA CONSULTATION DU CESUBIR LA GESTION DE CRISE OU ANTICIPER ?

Source : Secafi

CodirComex

Gestion

de crise

à chaudOu... dialogue en anticipation

Nos ambitions

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Introduire la GPEC dans les choix stratégiquesDans le secteur de l’énergie, les problématiques d’investissement sontdominantes et permettent une forte visibilité technique. Concernant lesressources humaines, les IEG seront touchées à court terme par le« papy-boom », ouvrant une fenêtre d’opportunités pour préparer lestransitions et le remplacement des compétences. Si cette échéance peutêtre une contrainte en termes de préparation, d’anticipation, d’organisationet de ressources, elle constitue surtout une véritable source d’innovationpour les entreprises. En effet, lorsque la gestion d’une fin de carrières’appuie sur le transfert des compétences et la valorisation des liensintergénérationnels, cela garantit la transmission de savoir-faire, tout enrenforçant le sens donné à son travail par le salarié en charge du tutorat.Il s’agit aussi d’une occasion d’arbitrer entre externalisation et maintiendes activités et des compétences en interne. Les options sont alors àprendre à partir d’une réflexion étayée par une analyse des risques etopportunités. Ainsi, la GPEC pourra réellement être un outil de mise enœuvre des décisions prises dans un souci de cohérence avec l’organisationet la « pertinence de l’usage des ressources ».

Manager avec « rigueur », sans gaspillage, tout en respectant l’humain :- plus de souplesse pour les managers de proximité,- une subsidiarité au plus près des besoins de l’activité ou du métier,- davantage d’expressions des salariés sur leur management,- tests de management alternatifs (slow management par exemple)

sur des unités pilotes.Valoriser la recherche de l’efficience :- une culture de la pertinence du travail plutôt que de la quantité,- moins d’impact du court terme.

Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

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ACTION DE LA GPEC DANS LA LOGIQUE D’ENSEMBLE

Source : Secafi

Information sur la stratégie

Anticiper les effets sur l’emploi et les métiers

Maintien dans l’emploiGestion prévisionnelle

des emplois et compétencesEmployabilité

Nos ambitions

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Responsabiliser dans la réorganisation des activités, fonctions et métiers :- définition des niveaux de décision et implication des salariés,- maintenir les managers au moins trois années consécutives sur leur poste,- expliquer l’organisation des activités et ses implications

sur le travail de chacun,- prise en compte des interrogations des salariés.

Conduire le changement dans une vision partagéeDans le monde de l’énergie en transition, la question de l’organisationcomme un état stable n’a plus de sens. Aujourd’hui, une réforme enprépare une autre. La vitesse d’évolution de l’environnement impliquede penser une politique managériale capable d’allier les notions demobilité et d’agilité avec celles de continuité et de cohérence, de tellesorte que l’organisation structurelle devienne conjoncturelle.Bien que de manière officieuse, les salariés s’approprient la réflexion surle travail et s’adaptent en temps réel, cette capacité d’ajustement duprescrit au réel peut être officialisée comme un ressort de l’entreprise.La cohérence entre le travail prescrit et le travail réel serait alors portéepar la confiance dans la compétence des salariés à anticiper et à s’adapter.Cette compétence, une fois reconnue, pourra devenir le point communet stable d’organisations capables de s’adapter aux contraintes et auxopportunités de façon fluide et réactive.

Une réflexion des grandes entreprises sur l’évolution des organisations de tellesorte qu’elles puissent être capables de porter le changement sans rupture desens, mais en cohérence avec le travail des salariés et avec leur implication àtous les niveaux décisionnels. Toutefois, nous savons que le chemin est encorelong et qu’il nécessitera des changements moins intégrés.

Il est déterminant que les évolutions s’appuient sur une cohérence baséesur le sens, mais sans nécessairement qu’elle soit synonyme d’adhésion.De même, il est indispensable que tous les salariés, dans leur diversité,bénéficient d’un environnement propice à la construction de leur proprecompréhension des évolutions, notamment via des informations étayées.Certains salariés pourront directement partager le sens que leursdirigeants donnent à tel ou tel changement. D’autres salariés, en revanche,devront trouver suffisamment d’informations fiables et convergentespour se construire leur propre représentation du changement.

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Nos ambitions

Nos ambitions

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Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

21 La confiance au travail, Laurent Karsenty, Editions Octares(2014).

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C’est en particulier le cas des encadrants qui sont sollicités pour accom-pagner des changements qu’ils n’ont pas souhaités : ils doivent au moinspouvoir les comprendre.Afin que le changement ne soit pas une rupture, cela nécessite unedynamique et une durée suffisante. L’écart de temporalité, entre laréflexion à la tête de l’organisation et son appropriation par desmanagers et des salariés fraichement informés, doit être intégré auprocessus de réorganisation.

Il est indispensable d’intégrer dans la décision la diversité des modes decompréhension et des types de fonctionnement de l’entreprise. Parvenirà une décision unique et argumentée implique donc une instruction largeet ouverte. Seul le discernement humain permet de détecter les éventuelsparamètres d’ajustement et d’évolution nécessaires pour préparer l’ave-nir et anticiper les décisions ultérieures. C’est à la fois l’étendue et la per-tinence de l’instruction qui donnera sa robustesse à la décision et la feraaccepter par les salariés.

Parmi les conditions qui rendent possible un changement dans uneconfiance éclairée21, nous proposons trois incontournables :- des managers à l’aise avec le message à faire passer,- des possibilités d’ajustement du message par les salariés en local,- des bilans de conduite des projets à partir d’axes d’évaluation fixésa priori.

La compétence de l’organisation est reconnue si les ambitions sont enaccord avec les moyens et que cela se traduit de manière visible dans letravail des salariés. Son intégrité sera vérifiée si les efforts sont tournésvers le respect des engagements, si la communication est franche ethonnête et si l’exemplarité et l’équité vis-à-vis des membres de l’équipe

RENDRE LE CHANGEMENT COHÉRENT POUR CHACUN

Expliquerle sens

Donner les moyensà chacun deconstruireson propre

sens

Organiser l'entreprisecomme un système

cohérent avec le sens

+ =

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sont reconnues. De même, la bienveillance de l’organisation sera notam-ment jugée sur sa capacité d’écoute et de prise en compte des difficultésexprimées par ses membres, ainsi que des propositions de solutionsavancées. Ces qualités organisationnelles peuvent se traduire par :- le développement approprié des compétences,- l’émergence dans chaque communauté professionnelle de référentiels,- la mise en place de règles de coordination et de régulation,- l’acceptation de l’erreur comme opportunité d’apprentissage,- des rencontres régulières d’analyse d’expériences et de résolution deproblèmes.

NOS PROPOSITIONS

D Pour gérer le changement en respectant les salariés :- une gestion progressive, de la visibilité sur la finalité du changement, laparticipation des salariés et des IRP en amont,- une conduite graduelle et pédagogique du changement facilitant sonassimilation par les salariés.

D Pour oser la confiance !- plus de marges de manœuvres : expliquer et partager l’objectif (le pourquoi)et laisser à ceux qui connaissent l’activité le choix des moyens (le comment),- mettre du sens dans les démarches de construction de contrats d’équipe,de services, etc.- demander aux directions et aux services de s’interroger sur les niveauxde prise de décision et sur les systèmes de délégation, et appliquer lasubsidiarité.

D Pour savoir pourquoi on change et en mesurer les gains :- obtenir des dirigeants des priorités et des renoncements,- réaliser des analyses d’impacts systématiques, études préalables, bilanset études de charge,- réfléchir avant d’agir pour éviter le nombre de procédures !

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

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Légitimer et soutenir les managers

Des managers bien formésLe métier de manager n’est plus le même aujourd’hui qu’il y a 10 ou 15 ans.Disponible, proche de ses collaborateurs, guide, visionnaire, chef d’orchestre,animateur, détecteur de talents, communicant, protecteur, à l’écoute,possédant du leadership, exemplaire, humble, courageux, mais aussisachant inspirer la confiance, travailler en équipe et contrôler ses résultats,garder un esprit critique, favoriser le dialogue et l’émulation positive,encourager la solidarité, valoriser ses collaborateurs, etc. Le manager estcensé posséder de nombreuses qualités.Et à l’inverse, il ne doit pas manquer d’énergie ni d’enthousiasme, travaillerseul, sans vision claire, décourager les idées innovantes, faire des erreursd’estimation à répétition, faire douter ses collaborateurs, encourager lacompétition individuelle, être distant et inaccessible, être carriériste au dé-triment de son équipe, etc.En d’autres termes, le métier de manager est un métier exigeant qui né-cessite des qualités nombreuses et précises. Deux approches du métier etde l’acquisition des compétences sont possibles :- le salarié possède une « fibre » managériale (il est tourné vers les autres,communicant…), sa personnalité le prédispose donc au management et ildoit seulement compléter ses qualités naturelles par l’apprentissage detechniques,- le management est une affaire de formation et non de personnalité,n’importe quel salarié peut apprendre à manager.Entre ces deux « écoles », le débat reste ouvert. Mais quelle que soitl’approche retenue, l’essentiel est l’état d’esprit du manager qui doit avanttout avoir le sens du collectif en plus d’une ambition personnelle et decompétences adaptées au contexte (opérationnel, expertise, degréd’autonomie des équipes…). Dans cette perspective, les entreprisesdoivent identifier les profils de poste des managers et se défaire de l’idée,traditionnellement répandue dans les IEG, que le management représentenécessairement l’aboutissement d’une carrière.Le degré d’expertise « technique » du manager doit s’apprécier au regard desproblématiques de sûreté et de sécurité, des besoins opérationnels de chaquemétier et des profils des équipes managées. Si le manager n’est pas un expert,en revanche, il est difficile de concevoir qu’il ne connaisse ni ne comprennel’activité de son équipe, hormis lors de sa période d’installation. Car celacontraindrait ses collaborateurs à manager leur manager et ce bouleverse-ment des règles de fonctionnement organisationnel risque de générer uneperte de repères des salariés et de la souffrance. Faute d’un minimum deconnaissance technique de son cœur de métier, le manager s’éloigne du tra-vail et ne peut alors développer, avec son équipe, ce qui est attendu de lui.

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Faire passer la professionnalisation des managers par la revalorisation de lanoblesse de la fonction, en défendant à tous les niveaux managériaux (y comprisles plus hauts) le respect des équipes, de la parole donnée, l’écoute, le sens ducollectif, etc. Ces valeurs sont parfois mises à mal, par exemple lorsque desmanagers sont prêts à changer rapidement de poste en cas de difficultés, laissantleur équipe les affronter seule.Intégrer dans la formation des managers, outre les aspects techniques, gestion-naires et opérationnels, une approche pluridisciplinaire axée sur les scienceshumaines (sociologie des organisations, ergonomie, psychosociologie du travail,relations sociales…). Intégrer un poste de manager doit répondre à une véritable attente du salarié« candidat », lequel doit également correspondre à un profil bien défini et nonimposé par une logique purement carriériste. L’emploi de manager ne doit plusêtre considéré comme l’aboutissement unique d’une carrière réussie commec’est encore le cas dans la culture de certaines entreprises des IEG.

Des managers de proximité soutenus par leur direction et par leur équipeLa confiance et la légitimité sont des qualités qui ne se décrètent pas,mais certaines conditions peuvent toutefois les favoriser. Un manager adavantage de chances d’être légitime s’il est considéré comme tel tantpar son équipe que par sa direction. Pour cela, nous pensons que cinqconditions minimales sont à remplir :

Au niveau de l’appui managérial, le manager doit être accompagné etévalué de façon cohérente avec les attentes et les moyens alloués. Lemanager a pour rôle de gérer à la fois des ressources (actuellement dansun contexte de tensions et de contradictions) et des situations complexes

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

CONDITIONS DE LA LÉGITIMITÉ D’UN MANAGER

Potentiel à détecter et vérifier Compétences

initiales, à développer et à réinterroger

Explication des attentes de l’entreprise

Liberté d’être manager ou pas :parcours métier

Un temps suffisant

Nos ambitions

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entre les attendus de l’entreprise (objectifs, rareté des ressources…) etles exigences des salariés. L’accompagnement d’un manager dans sonrôle implique de respecter plusieurs étapes :- définir les besoins managériaux dans l’activité considérée,- placer le manager dans une équipe managériale,- l’accompagner en formation, lui donner des moyens a priori appropriés- et faire des bilans afin d’ajuster les moyens aux besoins et aux progrès.

Mais plus qu’un modèle idéal en soi, nous prônons un système vertueuxpar la cohérence entre les valeurs de l’entreprise, sa politique et sonsystème managérial et ses managers. Car la légitimité du manager doits’appuyer sur un « appareil » structuré qui permette un managementcohérent et robuste, tout en acceptant les différences de profil.

Au niveau de l’équipe, lorsque dans une conduite de changement lemanager doit porter une dimension de coopération, son mode de mana-gement doit susciter l’intérêt à travailler ensemble. C’est dans cettesituation que la cohérence et l’exemplarité sont les plus sensibles. Lesattentes de l’entreprise se déclinent en besoins pour chaque équipe,lesquels doivent être satisfaits par des moyens alloués. Les modalitésde l’allocation de ces moyens par le manager au sein de son équipecontribuent à son évaluation. Cette évaluation doit être soutenue par unepolitique managériale cohérente.

L’absence de soutien managérial et de son équipe risque d’entraîner chezle manager un sentiment de solitude et d’isolement. Dans ce cas, il estimpératif de recréer du lien. Or, dans un contexte d’élargissements depérimètre géographiques et/ou fonctionnels, et d’organisations matri-cielles évolutives, les managers sont contraints de consacrer beaucoupde temps à des comités destinés à créer du lien transverse, au détrimentde leur propre équipe. Parallèlement, les collectifs managériaux se sontdélités, à tel point qu’il n’en existe plus vraiment. Or, le manager ne peutdévelopper et orchestrer la solidarité au sein de son équipe que s’ilpeut lui-même exercer l’entraide et le partage (y compris le partage desémotions) dans un collectif managérial.

Recréer un espace de partage, de débat et de solidarité managérial au quotidienet à tous les niveaux, afin de faire face à la solitude du manager.Leur donner les moyens d’accomplir leurs missions : des équipes à taillehumaine, des territoires plus restreints et le recentrage des managers sur lesactivités qui relèvent directement de leur mission.

Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

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Nos ambitions

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Car trop d’encadrants se plaignent quotidiennement d’un manque de temps àconsacrer à leurs équipes et à la réflexion, d’un manque de moyens et d’unrétrécissement de leurs marges de manœuvre. Sur ce point, le discours desemployeurs achoppe sur la réalité. Lorsque les managers constatent à la fois une perte de leur autonomie etl’absence réelle de leviers (absence de liberté de choisir le jour et l’horaire d’uneréunion d’équipe, absence de latitude pour octroyer des avancements, etc.), lapriorité doit porter sur la QVT de ces salariés pris entre les forces ascendanteset descendantes, au même titre que pour les autres salariés.Encourager la possibilité pour les managers de bénéficier d’un dispositif detélétravail, afin de leur permettre de mener à bien la part de réflexion et de prisede recul dans leur activité. Leur accorder la souplesse et l’autonomie dansl’organisation de leur temps de travail que requiert l’exigence de disponibilité etde performance attendue de leur part.

NOS PROPOSITIONS

D Pour clarifier les critères de recrutement des managers :- une transparence, vis-à-vis des salariés, dans le profil des managers en fonction du métier et/ou de l’activité,- l’échange des expériences sur les pratiques managériales,- des réunions régulières entre salariés sur le thème du management de leur équipe.

D Pour expliciter ce que l’on attend d’une formation managériale et d’un « bon manager »- apprendre au manager à gagner en écoute, souplesse, pédagogie, adaptation, anticipation, réactivité et autonomie,- savoir fédérer son équipe sur des objectifs communs tout en valorisant ses collaborateurs,- savoir gérer les conflits et les dépasser.

D Pour redonner du sens et de la consistance au rôle de manager :- donner aux managers les marges de manœuvre et l’autonomie nécessairespour être justes, équitables et qu’ils puissent valoriser le travail de leurscollaborateurs,- leur permettre de décider et de tester avec leur équipe des manières d’atteindre leurs objectifs,

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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- leur redonner le temps nécessaire pour accomplir leur mission, notammenten étant avec leur équipe pour faire émerger les sources d’amélioration, lestalents de chacun et être sur le terrain pour surprendre les gens à bien faireplutôt qu’en étant à l’affut de l’écart,- éviter les parcours stéréotypés qui imposent le passage au poste demanagement, même pour les salariés ayant d’autres talents,- reconnaître les sites où il est préférable de missionner des managers expé-rimentés et, si ce n’est pas le cas, faire bénéficier les managers « juniors »d’un accompagnement,- intégrer dans la formation managériale des partages d’expériences hors IEG.

D Pour réduire les incompréhensions entre collaborateurs et managers, dirigeants et managers :- le modèle du « bon manager » est celui qui motive et mobilise les salariés,- la sphère dirigeante doit prendre conscience des injonctions paradoxalesimposées aux managers afin de les réduire,- s’assurer que chacun joue son rôle : le dirigeant construit une vision de longterme, définit la cible et donne le sens ; le manager co-construit avec sonéquipe les moyens de l’atteindre.

Associer les équipes à la décisionNous pensons qu’il est indispensable d’impliquer le salarié dans le dispositifmanagérial. Pour cela, le manager doit être au service conjoint de laperformance et de l’humain. D’autant que le salarié, avec la coopérationde son manager, a lui aussi intérêt à une forme de performance dans sontravail qui allie les résultats économiques avec la santé, la sécurité et lerelationnel au sein de son équipe.

Sur le plan des activités, des fonctions et des métiers, la capacité d’unmanager à faire contribuer son équipe à la prise des décisions favorisel’anticipation optimale du changement de manière collective et parti-cipative, en vue d’assurer la réactivité et la performance face aux enjeux.À l’inverse, les salariés doivent intégrer le fait d’être à la fois initiateurset sollicités sur des questions organisationnelles, d’aménagement dutravail ou encore sur la conciliation vie privée/vie professionnelle. Cedernier point, s’il n’est pas pris en compte avec les salariés, pourraitdevenir un obstacle majeur dans les projets managériaux à venir. Il estd’ailleurs repris par l’ANI QVT22, notamment sur la question des TIC oudu télétravail.Sur ces questions, la CFE-CGC Énergie souhaite rester vigilante à unerégulation des dérives possibles en donnant quelques axes prioritaires :- laisser possibles les stratégies individuelles,

Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

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22 Accord national interprofessionnel sur la Qualité de vie au travail.

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- assumer la part de subjectivité en favorisant la confiance et le partagedes valeurs,- éviter de valoriser le temps comme facteur ou critère de performance ;- utiliser les indicateurs pour identifier ce que les écarts disent du travailet non pour le contrôle,- respecter l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle,- s’appuyer sur des groupes, solidaires et bienveillants, de pairs à tousles niveaux,- limiter le surinvestissement personnel sur les activités,- respecter différents niveaux de règles de vie en équipe (coopération,disponibilité, cohérence, honnêteté).

Une contribution performante des équipes à la prise des décisions passe par ledéveloppement de ces trois facteurs :- la confiance dans les compétences des salariés et leur sens du travail de qualité,- l’autonomie et la souplesse organisationnelle des salariés, y compris dans lechoix de leur temps de travail (35 heures, temps choisi ou forfait-jour),- et le respect de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.Les approches managériales doivent favoriser l’appropriation des NTIC et leurdéveloppement coopératif, sans contrôle exacerbé et encourager l’autonomiedes salariés plutôt que leur contrôle (dont la logistique est coûteuse et la renta-bilité douteuse).

NOS PROPOSITIONS

D Pour évaluer et limiter la surcharge de travail :- promouvoir la solidarité entre collègues,- identifier les leviers d’action afin de donner une certaine souplesse tempo-relle (hiérarchisation des objectifs, répartition des tâches, formations sur lagestion du temps…),- lutter contre les injonctions paradoxales,- instaurer des binômes pour d’éventuels remplacements,- tenir compte des alertes adressées par les OS et les IRP.

D Pour développer le télétravail :- définir un code de bonne conduite du télétravail,

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Nos ambitions

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- associer les télétravailleurs aux réunions et autres échanges relatifs auxprises de décisions (vidéoconférence ou réunion téléphonique).

D Pour respecter l’équilibre et la frontière vie privée/vie professionnelle :- définir un code de bonne conduite pour chaque activité,- définir des limites de confidentialité des données personnelles,- impliquer les salariés sur les décisions en rapport avec la conciliation vieprivée/vie professionnelle,- favoriser la négociation préalable des IRP.

Renouveler le dialogue socialLe dialogue social s’établit entre les organisations syndicales quireprésentent les salariés et les employeurs. Il est un vecteur codifiéde la prise de décision stratégique et/ou managériale impactant lesorganisations du travail.Les organisations syndicales sont souvent présentées aux managers etaux salariés comme des sources de blocage. Tant que cette visionnégative du syndicalisme, largement relayée par les médias, perdurera,le dialogue social ne pourra acquérir une véritable légitimité. Il risque derester une chimère si seuls les acteurs institutionnels sont convaincus deson utilité. La démystification du syndicalisme et des relations socialesest nécessaire afin que chacun prenne conscience de l’importance d’untel dialogue dans la vie de l’entreprise.

Nous considérons que le syndicalisme est un élément essentiel de ladémocratie et qu’il doit s’approprier pleinement la question sociale. Pourcela, le dialogue social doit s’appuyer avant tout sur une relation deconfiance entre les représentants du personnel et l’employeur.

Faire bénéficier à tous les managers d’un module de découverte du syndica-lisme et des relations sociales.Réserver systématiquement un temps de présentation des organisationssyndicales dans les rencontres de jeunes embauchés. Déjà en vigueur dansquelques rares directions, ce type de présentation permettrait de démystifierle rôle des syndicats dans l’entreprise.Former les représentants du personnel et les OS sur les enjeux économiqueset industriels afin de développer leur capacité d’anticipation en matière dechangement et être force de propositions face aux directions.

Ambition nº1 Mettre les salariés au coeur de nos choix managériaux

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Nos ambitions

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Pour une vraie reconnaissance professionnelle

Notre seconde « Ambition » aborde la problématique de la reconnaissancedu travail des salariés, qu’ils soient managers ou non, dans un contextede changements incessants des activités, des métiers et des ressources.Les modalités de la reconnaissance professionnelle définissent l’identitéde chaque salarié par rapport aux autres. Elle concerne aussi bien lesaspects financiers avec les rémunérations que la valorisation, la formation,la mobilité, etc.

Considération et respect des engagements,socles de la confiance

Les employeurs exigent de plus en plus d’autonomie, de prises de res-ponsabilités, de performances et d’investissements. Dans un mêmetemps, face à l’immatérialité croissante du travail, les salariés apprécientdifféremment la réussite de leur ouvrage. Il paraît donc logique que cesderniers soient en quête d’une nouvelle forme d’estime et de davantage

Ambition nº2

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« Le travail réel commence là où s’arrête le travail prescrit. »

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de reconnaissance qu’ils n’en reçoivent actuellement comme ils l’exprimentdans les baromètres d’engagement.

L’entreprise ne peut évacuer cette problématique car en donnant du sensau travail, la reconnaissance professionnelle fait le lien entre performanceéconomique et bien-être des salariés. La reconnaissance génère l’impli-cation, l’engagement et l’investissement dans le travail, de ce fait ellereprésente un enjeu à la fois humain et économique et constitue unnouveau défi pour l’entreprise.

Avant de se demander quelles réponses l’entreprise peut apporter à sessalariés en termes de reconnaissance, il convient au préalable d’identifierclairement ce que la reconnaissance signifie pour chacun.

Certains pourront se référer à la pyramide de Maslow selon laquelle lebesoin de reconnaissance, puis la distinction, se situent après les besoinsélémentaires. Mais cette vision est largement discutable dans la mesureoù ni l’entreprise ni le salarié ne peuvent se passer de motivation et dereconnaissance.

Pour notre part, nous préférons considérer la reconnaissance comme unfacteur élémentaire au même titre que l’utilité sociale, l’autonomie, lesoccasions d’apprentissage et de développement, la qualité des relations.Ce sont tous ces facteurs qui donnent du sens au travail et qui constituentl’un des moteurs de l’engagement individuel de chaque salarié. La reconnaissance est, par définition, un ressenti. Son point de départest la subjectivité : je me sens reconnu / je ne me sens pas reconnu ;j’éprouve du plaisir au travail / j’éprouve de la souffrance au travail ; etc.Ce sentiment étant propre à chaque individu, nous devrons donc chercherà en objectiver les conditions d’émergence.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

LA PYRAMIDE DE MASLOW, UNE APPROCHE DISCUTABLE

Besoin

Reconnaissance

Distinction

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Si la reconnaissance revêt une signification différente selon les individus,il n’en demeure pas moins qu’elle comporte systématiquement les no-tions de respect, d’estime, de valeur et de considération. Elle contientaussi intrinsèquement l’idée d’une gratification, d’une récompense ma-térielle ou non.

La reconnaissance relève d’une problématique d’identité professionnellequi se situe dans la sphère socio-psychologique. Elle pourra impliquerdes attentes différentes, des cibles de reconnaissance diverses et desmoyens de réponses associées. La reconnaissance professionnelle dé-coule donc d’un processus relationnel : être reconnu, c’est être reconnupar un individu seul ou par un groupe, par sa hiérarchie, par sescollègues, par ses pairs ou encore par ses clients. Ce processus permetde conforter son identité professionnelle et sa place au sein d’uneorganisation.

Les études de terrain ont montré que les managers de proximité souffrentd’un manque de considération. Les directions et les managers intermé-diaires doivent être sensibilisés sur ce point critique. La confiance estl’élément qui permet à la reconnaissance de circuler entre le manager, sahiérarchie et ses collègues. C’est une source de sérénité et de plaisir autravail.Hiérarchie, équipes et marges de manœuvre, ces trois dimensions de lareconnaissance professionnelle sont aujourd’hui soumises à des remisesen cause ; le temps n’est plus où le manager était « roi en son royaume » :- les marges de manœuvres sont réduites par le pilotage par processus.Il y a une perte d’autonomie dans l’activité quotidienne,- du côté de la hiérarchie, la décision ne remonte plus au N+1, mais auN+2, N+3…

Le pro-cessus de la reconnaissancepermet deconforter son identité professionnelleet sa place au sein d'une organisation.

«

»

Ambition 2 Promouvoir la reconnaissance professionnelle

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TROIS AXES MAJEURS DE LA RECONNAISSANCE

RECONNAISSANCE

HiérarchieÉquipe

Marges de manoeuvre

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- au niveau de l’équipe, la pression sur les résultats fait parfois oublierl’éthique du management. « Je fais bien le boulot, mon managers’approprie mon travail ; je me plante, mon manager se tourne vers moi ;on nous donne des lettres de mission, puis on les oublie… », témoigneun collaborateur en manque visible de reconnaissance.

Les quatre cibles identifiées par Jean-Pierre Brun et Ninon Dugas23

permettent d’aborder la reconnaissance professionnelle en tenantcompte de la pluralité des attentes de chacun.

Pour construire un système de reconnaissance au travail, le manager peutdévelopper une combinaison à partir de ces quatre formes de reconnais-sance, en jouant sur différents plans, individuel et collectif, quotidien etritualisé :- la reconnaissance de la personne : considère l’individu au-delà dusimple salarié, pour ce qu’il est dans sa globalité, sans discrimination decondition, de sexe ni d’origine. Cette reconnaissance relève des principesde base de la vie en société et d’une dimension comportementale desacteurs.- la reconnaissance des résultats : porte sur le produit final, ses critèressont mathématiques et binaires (objectif atteint/non atteint). Cettereconnaissance se traduit traditionnellement par une rétributionmatérielle.- la reconnaissance des efforts réalisés : prend en compte l’investisse-ment du salarié pour atteindre les objectifs, même si ceux-ci ne sontpas atteints. Cette reconnaissance doit tenir compte des interactions deséléments dans le système.- la reconnaissance des compétences : valorise la qualité du travail réalisé,la créativité et l’autonomie pour accompagner le salarié vers des responsa-

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Livre Blanc CFE CGC Énergies

23 La Reconnaissance autravail : Une pratique

riche de sens, Jean-Pierre Brun, Ninon

Dugas, Éditions Chaireen gestion de la santé et

sécurité au travail auQuébec (2002).

SYSTÈME DE RECONNAISSANCE AU TRAVAIL

Personne/CollectifReconnaissance

existentielleProcessus de travail

Reconnaissancede la pratique

de travail

Reconnaissancede l’investissement

dans le travail

Produit/Résultatdu travail

Reconnaissancedes résultats

Source : Brun-Dugas

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bilités supplémentaires, une mission spécifique ou un poste « plus élevé ».Le premier mode de reconnaissance professionnelle est sûrement finan-cier. Ce dernier demeure le socle de la reconnaissance, mais il présentenéanmoins des limites. D’abord, le contexte économique le met souscontrainte forte. Ensuite, les mutations du travail et les changementsorganisationnels poussent les collaborateurs vers d’autres aspirations.Cela étant, qu’elle soit sous forme matérielle ou fonctionnelle, la recon-naissance professionnelle exprime et symbolise toujours la valorisationdu salarié.

Le salaire, pilier fondamental sous contrainte

La rémunération est l’élément fondamental sur lequel repose le contratde travail et qui fonde la relation employeur/salarié. Elle est générale-ment perçue dans sa dimension sécurisante et vitale. Or, aujourd’hui lapolitique salariale est mise à mal par la crise économique et, encore plus,par la financiarisation des entreprises qui fait passer la rémunération desactionnaires devant celle des salariés.

Les augmentations individuelles de salaire se raréfient. D’une part, sousl’effet mécanique de l’amputation de moitié des augmentations indivi-duelles (on parle couramment de « demi-NR24» , preuve que 10 ans après,le passage d’un NR de 4,5 % à 2,3 % n’est pas digéré). Et d’autre part,en raison du volume d’augmentations individuelles disponibles qui serestreint chaque année.

La mauvaise utilisation du système des augmentations individuelles nuità la politique managériale. Les enveloppes se réduisant, la reconnais-sance financière devient plus rare et aurait donc intérêt à se faire plussubstantielle. Or, les managers optent souvent pour le « saupoudrage » :attribuer « un peu, à plus de collaborateurs ». Pour que le système fonc-tionne, les différences entre les individus doivent être suffisammentsignificatives pour que chacun y trouve son intérêt. Par ailleurs, autourde la rémunération de base, se développent des formes de rémunérationplus ou moins individualisées : rétribution de la performance, rétributionde la disponibilité, intéressement…

Suppression de la grille des salaires, individualisation au maximum dela rémunération… un rêve d’employeur ! Pourtant, s’il est important demaintenir des rémunérations personnalisées, liées à des résultats et àun contrat individuel, il ne faut pas perdre de vue que la rémunérationde base constitue le socle du contrat de travail.

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Ambition 2 Promouvoir la reconnaissance professionnelle

24 Niveau de rémunération (NR).

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Aujourd’hui, la dynamique de la politique salariale est grippée. Lesmanagers de proximité n’ont plus de marges de manœuvre, trop souventleurs demandes d’avancement pour leur équipe sont refusées. Pourredonner du sens aux choix des avancements, il conviendrait de pouvoiréviter le « saupoudrage » et de mettre les augmentations individuelles,ainsi que l’ensemble des modes de reconnaissance financière, à la chargedes managers de premières lignes.

Rendre le manager de proximité décideur de l’attribution des avancements auchoix au sein de son équipe, comme c’est déjà le cas dans certaines entreprises.Le manager N+1 doit pouvoir agir avec autonomie et responsabilité, sans discri-mination d’aucune sorte. En conséquence, il lui revient d’expliciter en toutetransparence auprès de ses collaborateurs ses décisions.

En matière de motivation et de reconnaissance, la diversité des individus,des collectifs et des métiers doit être prise en compte. Aujourd’hui, larémunération de la performance individuelle tend à se déployer à tousles niveaux de l’entreprise, alors qu’il nous semble que tous les métiersne sont pas éligibles à cette forme de reconnaissance. À vouloir toutindividualiser, le sens du métier et du collectif peut parfois se perdre.Par exemple, quel peut être le sens d’une prime individuelle pour récom-penser un seul membre d’une équipe de compagnons qui montent auxpylônes ?

La rémunération de la performance individuelle peut relancer la motivationet être un levier d’action intéressant pour l’entreprise. Cependant, ellepeut provoquer des effets négatifs, en particulier lorsque les indicateurschoisis reflètent mal l’activité, que leur mode de calcul est polémique ouencore lorsque les aléas ont modifié l’environnement initial.

Quelle que soit la forme de la rétribution financière, elle doit être équitable,établie sur des critères clairs, justes, transparents et cohérents avec lesambitions de l’entreprise.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Nos ambitions

Nos ambitions

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Mettre en valeur la reconnaissance extra salariale

La reconnaissance financière n’est pas le seul type de reconnaissance nila seule motivation pour les salariés, comme l’exprimait à sa manière celieutenant-colonel : « je ne fais pas avancer mes hommes avec l’argent,sinon je n’enverrais personne sur le champ de bataille ». Les études mon-trent d’ailleurs que la reconnaissance financière est plus un facteur dedémotivation, quand elle n’existe pas, qu’un facteur de motivation quandelle existe. Sa capacité à motiver est efficiente sur le court terme.

La difficulté pour le manager est d’identifier les attentes de ses collabo-rateurs dans ce domaine, en particulier lorsqu’elles ne sont pas expli-citement exprimées. Cette identification n’est possible, comme nousl’avons vu, que dans une relation de confiance.

Certaines entreprises ont développé des pratiques de reconnaissance extrafinancières, mais dans l’ensemble, alors qu’elles peuvent se révéler un for-midable levier, elles restent trop peu utilisées... Dans ce domaine, il resteencore à explorer de nouvelles voies et à en expérimenter les effets.

La vie au quotidien : respect, confiance, conditions de travail…La première forme de reconnaissance extra financière repose sur lerespect au quotidien et l’intérêt porté à ses collaborateurs : saluer,remercier, faire confiance, être juste et équitable, etc. Ces principes debase, fondations de tout système, ne sont toujours pas des évidencesdans toutes les entités de travail.

Les conditions de travail sont également un bon moyen de reconnais-sance. Au-delà d’un espace de travail agréable et fonctionnel, certainssalariés apprécieront l’octroi d’une plus grande souplesse organisation-nelle, par exemple l’aménagement du temps de travail, le télétravail,l’affectation sur un site plus proche du domicile, etc. De nombreuses formulessont possibles qui ne mettent à mal ni l’organisation ni la performance,mais au contraire reposent sur une logique de gagnant/gagnant.

Par exemple, des parents de jeunes enfants se sentiront reconnus si leurmanager les autorise à travailler à domicile de temps à autre ou à travaillerdeux jours par semaine sur un site plus proche de chez eux pour leuréviter des temps de trajet trop longs. Pour ces parents, le sentiment dereconnaissance vient des avantages procurés par ces solutions concrètesen matière de conciliation vie professionnelle/vie privée. Mais plusencore, cette reconnaissance repose sur la relation de confiance entreeux et leur manager qui a su les leur proposer spontanément.

Ambition 2 Promouvoir la reconnaissance professionnelle

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Certainesentreprises ontdéveloppé despratiques de reconnaissanceextra financières,mais elles restent encoretrop peu utilisées…

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Les manifestations festives collectives, les moments de convivialité entrecollaborateurs, par exemple pour célébrer une réussite d’équipe, sontégalement des modes de reconnaissance extra financière, même s’ilssont ponctuels et éphémères. Ils participent d’autant plus au système dereconnaissance dans la mesure où les solidarités sur les lieux de travailont plutôt tendance à se déliter.

Reconnaissance des compétences professionnelles, des potentiels et des talentsLa reconnaissance doit porter sur les compétences déjà mises en œuvre,mais elle doit aussi savoir valoriser les potentiels et talents de chacun.Pour cela, elle peut prendre la forme d’un accompagnement dans le par-cours professionnel, pour un changement de poste, un changement decollège… Cette démarche s’inscrit dans un processus de reconnaissancemultidimensionnelle :- l’attention que le manager va porter dans l’accompagnement de soncollaborateur est déjà en soi une reconnaissance, mais elle demeureinsuffisante,- la promotion de dispositifs tels que la VAE ou les formations pour unchangement de collège, est un élément de reconnaissance profession-nelle,- enfin, l’aboutissement du processus se traduit, ou devrait se traduire,par une augmentation de salaire.

Certains encadrants trouveront également une certaine reconnaissancedans le fait d’appartenir au collectif managérial. Sur ce point, noussommes attachés à la personnalisation et à la différenciation : être membrede l’encadrement doit aussi se percevoir comme faisant partie d’uncollège et d’une équipe managériale. La participation à des séminairesrenforce cette perception et la valorisation de la fonction.

Autre mode de reconnaissance extra financière des compétences : lamission complémentaire. Un collaborateur appréciera que lui soit confiéeune mission particulière complémentaire si celle-ci est correctementdéfinie et formalisée, et si l’évaluation de sa réussite est établie sur descritères partagés. Malheureusement, trop de missions ne sont pasformalisées et les collaborateurs, au lieu d’en tirer une satisfaction, setrouvent perdus et enclins à la dévalorisation d’eux-mêmes. Confier unemission supplémentaire ne doit pas non plus se limiter à confier unecharge supplémentaire de travail, aussi valorisante soit-elle, sans qu’ellefasse l’objet d’une compensation.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Fonder l’évaluation sur l’humain

La question de la reconnaissance appelle immédiatement celles de l’éva-luation et l’identification. Car comment reconnaître quelque chose quin’a pas d’abord été identifié ni apprécié ? Par construction, l’évaluationporte sur ce qui a été réalisé (le passé) et sur l’atteinte des objectifs fixés(le présent). L’exercice est complexe, le manager doit estimer les servicesrendus à l’entreprise.

Pendant des années, au nom de la suppression de toute subjectivité, lareconnaissance s’est uniquement basée sur des critères quantitatifs. Lesgrilles d’évaluation, de plus en plus resserrées autour de critères ma-thématiques, conduisent parfois à des comptes rendus d’entretiens an-nuels de performance limités à quelques croix dans des cases, lesquelsne seront d’ailleurs généralement pas pris en compte dans les parcoursprofessionnels…

Les grilles d’évaluation comme base d’échangesParler de grilles d’évaluation fait surgir une interrogation : s’agit-il d’éva-luer le travail ou d’évaluer le salarié ? Le psychologue du travail BernardProt25 souligne que « pour parvenir à ce qu’on leur demande de faire,l’activité des travailleurs doit prendre des formes qui ne sont jamaistotalement moulées dans la procédure. (…) les choses se présententsouvent autrement que l’ingénieur ne l’a prévu. De plus, les sujetscherchent eux aussi à conserver un sens à ce qu’ils font, donc à intervenirsur la situation donnée. »L’évaluation doit tenir compte de cet état de faire : travailler, c’est ceque fait le salarié pour réaliser le prescrit, « c’est devoir surmonter denombreux conflits de buts, entre quantité et qualité par exemple ».

Nous pensons qu’une évaluation qui fait une part trop belle à la seuleappréciation des résultats est dangereuse. D’abord parce que l’individuagit dans un système et il est rarement le seul responsable des résultats.Ensuite, parce qu’il s’agit d’une méthode qui donne une vision restreintede ce que peuvent apporter les collaborateurs. Enfin, parce que l’entre-prise repose sur un équilibre : une évaluation des résultats seulementquantitative conduit forcément à valoriser les mêmes individus d’annéeen année, laissant sur le côté les autres collaborateurs. Pour toutes cesraisons, l’appréciation des efforts réalisés apparaît indispensable.

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25 Actes du séminaire « Management et gestion des ressourceshumaines : Stratégies,acteurs et pratiques »,Bernard Prot (2005).

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Tout en se gardant des jugements arbitraires, l’évaluateur doit disposer demarges « humaines » d’appréciation, parce que le champ de l’évaluation ne serestreint pas aux seuls résultats quantitatifs.L’évaluation doit donc reposer sur un dialogue à deux niveaux :- un dialogue autour des critères d’évaluation (transparence, cohérence descritères avec l’activité, fiabilité…),- un dialogue, au cours de l’évaluation, pour aller au-delà de la simple analysedu produit final, prenant en compte l’aspect multidimensionnel du salarié.

L’idée d’un échange continu est essentielle. Le dialogue ne consiste pasà faire un point annuel, mais à rencontrer les collaborateurs dans leursactivités afin d’être en mesure de faire preuve de reconnaissance et deremercier pour un bon travail au fil de l’eau. À l’inverse, en cas deproblème constaté ou exprimé, il faut être en mesure d’apporter dessuggestions appropriées.

L’évaluation, mais plus encore l’aide, le soutien, la prise de conscience, relèventd’un processus permanent. Il est nécessaire d’établir des points réguliers, avecune fréquence variable selon l’activité. Ces dialogues devront faire l’objet d’unsuivi et d’un engagement de part et d’autre.

Construire les parcours, oser l’égalité

De la gestion du diplôme à la détection des potentiels Encore aujourd’hui, c’est souvent pour faire carrière qu’un salarié intègreune entreprise des IEG, même si les nouvelles générations n’ont sansdoute pas des motivations identiques aux précédentes. Le diplôme àl’embauche conditionne en grande partie la carrière d’un salarié des IEG.Ce modèle toujours prégnant paraît inadéquat aux plus jeunes quiaspirent plus à une reconnaissance et un parcours professionnel baséssur la performance. Par ailleurs, il ne valorise pas l’expérience acquiseau cours du parcours professionnel.

Certains salariés, de leur propre initiative, s’investissent dans des forma-tions qualifiantes ou diplômantes par le biais du CIF26. Mais l’entreprise

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26 Congé individuel de formation.

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ne reconnaît pas toujours le diplôme issu de ces formations sous leprétexte qu’elles ne sont pas à l’origine de leur demande. Pourtant, cesformations participent au développement de l’entreprise et contribuentau maintien de l’employabilité du salarié.

Toute formation, qualifiante ou diplômante, sous réserve qu’elle soit en rapportavec l’activité, mérite d’être reconnue, y compris lorsque le salarié est seul àl’origine de la demande.

Dans la gestion des carrières, un des rôles du manager est de détecterles « hauts potentiels ». Selon la culture dominante dans nos entreprises,leur détection vise la tranche des 25-35 ans. Au-delà de 35 ans, les sala-riés qui n’ont pas été détectés, ou qui ont été volontairement ignorés,sont généralement moins considérés, voire freinés dans leur carrière, cequi entraîne des impacts négatifs sur leur motivation. Nous assistons àune gestion des carrières à deux vitesses : les « élus », dont le parcoursd’assessment27 est basé sur le clonage social et sur lesquels l’entreprisesurinvestit quelles que soient leurs performances, et tous les autres, unpeu livrés à eux-mêmes et ce, quelles que soient leurs performanceségalement. Cette mécanique de la gestion des carrières passe à côté desenjeux de l’allongement de la durée des carrières et du renouvellementdes emplois et des compétences.

La détection des potentiels ne doit pas se limiter aux « hauts potentiels »,mais doit porter sur tous les potentiels et les développer durant toute leur vieprofessionnelle.Dans ce but, nous préconisons une sensibilisation, voire une formation des ma-nagers et de la fonction RH à la détection et au développement des potentiels.

L’enjeu du prolongement des carrièresLe prolongement des carrières, lié en particulier à la réforme des retraiteset aux évolutions socio-économiques, conduit à envisager la gestion descarrières de manière différente. Outre la durée de vie active, le séquen-cement entre la vie professionnelle et la vie privée doit faire partie de laréflexion. Les temps de vie personnelle impactent fondamentalement lestemps professionnels : le niveau d’engagement du collaborateur, sesattentes vis-à-vis du travail et de l’entreprise, ses capacités selon lestemps de vie (naissance des enfants, âge…). La gestion d’une carrières’envisage sur la durée et non plus sur du court terme.

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27 L’assessment est uneméthode d’évaluationde personnes basée surla mise en situation.

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Repenser les temps de vie : solidarités familiales et handicapDans ce domaine, les contraintes pour les femmes sont toujours plusfortes du fait des maternités et de leur investissement dans la sphère privée.Les femmes sont malheureusement plus nombreuses dans les tempspartiels et les congés parentaux. Ces temps méritent donc une attentionparticulière afin qu’ils ne soient pas des freins à la reconnaissance et àl’évolution professionnelle. La mobilité géographique ne peut pas consti-tuer non plus la condition sine qua non d’une évolution professionnelle.De même, les travailleurs handicapés et les aidants familiaux sont parfoiscontraints d’aménager leur temps de travail pour leurs soins ou ceux deleurs proches, au détriment souvent de leur évolution professionnelle.Pourtant, l’insertion des travailleurs handicapés est un facteur d’ouver-ture à la singularité, d’écoute de la distinction au-delà de la « différence ».En ce sens, il ne s’agit pas seulement de respecter la « différence » (cequi renvoie implicitement à une norme), mais de penser la « singularité »comme une richesse et un facteur d’innovation28. Il est nécessaire deprendre le temps de manager cette « singularité » afin qu’elle devienneun facteur de performance pour l’équipe. Il en va de même pour les rela-tions entre seniors et juniors, facteur d’enrichissement mutuel. D’unemanière générale, l’entreprise gagnerait à mieux intégrer les potentielsde chacun en respectant ses contraintes et responsabilités personnelleset familiales.

Établir un état des lieux avant et après les congés liés à la famille et aux handi-caps afin d’éviter des ruptures dans les carrières.Sortir des parcours formatés et/ou imposés. Par exemple, certaines entreprisesont élargi les plages de groupes fonctionnels (GF), d’autres ont dédoublé les fonc-tions en junior/senior pour permettre d’évoluer professionnellement au sein dumême métier sans bousculer complètement la sphère privée.

Des parcours professionnels pour valoriser la transmission des compétencesJusqu’en 2020-2025, les entreprises des IEG sont confrontées à desdéparts massifs en retraite et donc à la problématique du renouvellementet du transfert de compétences. L’enjeu est plus ou moins crucial selonles entreprises et les métiers, selon le volume de départs et la durée deformation nécessaire. Certaines entités ont déjà démarré un processusde renouvellement générationnel basé sur un volume important derecrutements et la mise en place de tutorats. Pour que soit reconnu le salarié qui transmet son savoir-faire, ces

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L'insertiondes travailleurshandicapés estun facteur d'ouverture à la singularité et à la distinctionau-delà de la"différence"

«

»

28 Le handicap en entreprise : Contrainte

ou opportunité ?, Guy Tisserant,

Pearson (2012).

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« contrats de génération » doivent répondre à certaines exigences. Lavalorisation d’une mission de tutorat, considérée comme une véritableévolution professionnelle, permet de libérer des possibilités d’évolutionen faveur des nouvelles générations dans la pyramide hiérarchique.Cela constitue un avantage car, si la durée dans les postes s’allonge,l’ascenseur social peut se gripper.

La réflexion sur les transmissions transgénérationnelles doit faire partie des priorités de la gestion des ressources humaines.

L’indispensable accompagnement RHCes perspectives exigent que le salarié soit accompagné dans sonparcours professionnel. Or les ressources humaines sont de plus en pluséloignées des salariés et des managers. Face à des managers démunis,une fonction émerge dans certaines entreprises du secteur IEG : le« conseiller mobilité parcours professionnel » (CMPP) ou le « conseillercarrière » (CC). Quelle que soit son appellation, sa mission est d’accom-pagner les salariés dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un parcoursprofessionnel. Pour que cette fonction soit efficace, elle nécessite :- un conseiller dédié à 100 % à cette mission pour des raisons de tempset de suivi des dossiers ;- la mise en place d’une GPEC visible dans chaque entreprise afin quetous les acteurs puissent prendre en main leur évolution professionnelle.Certaines entités ont mis en place, sous la direction du CMPP, un dialogueentre managers d’une même entreprise et d’un même bassin d’emploispour examiner les emplois disponibles et les profils des salariés ;- qu’elle soit partagée au sein d’un réseau inter-entreprises de la branchedans le bassin d’emplois,- de donner de la visibilité sur les métiers afin de les faire connaître et deles ouvrir à tous. Les forums métiers qui sont parfois organisés répondenten partie à ce besoin légitime d’information. Certaines entreprises orga-nisent aussi l’immersion de leurs salariés dans d’autres entreprises,durant plusieurs jours, à la découverte d’un métier,- d’impliquer le manager dans le suivi du projet professionnel.

Sur le terrain, quand la fonction de conseiller existe, ce qui n’est pas toujoursle cas, force est de constater que la situation est très variable d’uneentreprise à l’autre. Dans des périodes de réorganisations successiveset de pression sur les trajectoires d’effectifs, cette fonction se limite par-fois à des aspects quantitatifs. Or, les enjeux d’employabilité, d’évolutionet d’adéquation entre l’offre et la demande nécessitent une approche

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globale associant le quantitatif et le qualitatif (formation, information surles postes à pourvoir, gestion de la mobilité…).

Cette nouvelle mission intervient en prolongement des missions desmanagers, elle relève de la fonction RH. De nombreuses questions seposent : quelle articulation entre le management et la fonction RH ?Quel rôle pour la fonction RH ? Etc. Depuis une dizaine d’années, nousobservons une recomposition de la fonction RH autour de plusieurs axes :- l’atomisation des processus avec la mise en œuvre d’Intranet, deguichets, d’accueils généralistes et anonymes,- le transfert aux managers de plus en plus d’activités RH de proximité,- la spécialisation des fonctionnels RH par domaines d’expertise.

Cette évolution a pour conséquence l’éloignement progressif des situa-tions de travail des salariés et des salariés eux-mêmes. En revanche, pourcompenser cet éloignement, les outils se sont multipliés, soumettant lafonction RH aux mêmes types d’indicateurs que la fonction production.Ces indicateurs sont parfois plus proches du contrôle de gestion que del’activité de travail et s’inscrivent dans une approche « coûts du travail »plus que « travail créateur de richesse et de plus-value ».

Revaloriser la fonction RH, en tant que fonction stratégique, et la mettre au servicedes salariés, en appui des managers, à tous les niveaux hiérarchiques.La fonction RH exerce un rôle de régulation, de modération et de garantie desprincipes du bien vivre au travail (comme l’équité, l’égalité des chances…) pourque chacun bénéficie d’une reconnaissance à la hauteur des résultats atteints,des efforts fournis et des compétences mises en œuvre.

Favoriser l’engagement citoyen

Plus que d’autres, les entreprises IEG portent une responsabilitécitoyenne. Une forme de reconnaissance novatrice serait de valoriserl’engagement des salariés au service de la collectivité. Ils pourraient ainsibénéficier de crédits de temps pour s’investir dans des activités associa-tives, tout comme les salariés ayant des mandats exécutifs au sein descollectivités locales bénéficient de crédits d’heures.Cette pratique est très répandue aux États-Unis où la vie communautaireest reconnue. L’innovation sociale au travers de la citoyenneté ouvre

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de nouvelles voies en termes de reconnaissance. C’est reconnaîtreque la compétence n’est pas seulement la compétence acquise dansl’entreprise.

En conclusion, les moteurs de l’engagement sont multiples, propres àchaque individu et à chaque collectif. Il appartient à l’entreprise, enpartenariat avec l’ensemble des acteurs (employeurs, salariés, parte-naires sociaux) de réfléchir au système de reconnaissance au travailqu’elle souhaite mettre en place. Le dialogue social doit égalementdavantage investir le domaine de la reconnaissance sociale.

Si la recette miracle de la reconnaissance professionnelle n’existe pas,car il s’agit d’un processus itératif qui doit s’intégrer pleinement danschaque contexte de management, son système s’articule autour de troisaxes :- la cible : reconnaissance de la personne, des résultats, des efforts et/oudes compétences,-le type : collectif ou individuel quotidien ou ritualisé,- le mode : matériel ou fonctionnel.

Chaque entreprise doit mener sa propre réflexion sur le système de reconnais-sance professionnelle qui lui convient le mieux, au travers d’un diagnostic, d’unplan d’action et d’une boucle de retour.

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Promouvoir le bien vivre au travail

Notre troisième « Ambition » traite de la place des salariés dans l’orga-nisation du travail et de la réalité du travail. Elle vise à améliorer laréponse des organisations, et des salariés qui les font vivre, à la conciliationentre les enjeux de performance et la nécessité du bien vivre ensemble,en identifiant les moyens et outils adéquats. Les conditions du fonction-nement efficient de l’organisation relèvent aussi bien de la qualité de vieau travail que de l’ensemble structuré des processus, des normes, desindicateurs et des autres outils qui formalisent les conditions du travail.

À la poursuite du « bonheur » au travail

Parler de « bonheur » au travail peut sembler provocateur. Pourtant, lesenquêtes successives montrent que les Français attachent beaucoupd’importance à la valeur travail. Pour cette raison, nous souhaitons nousdétacher des approches trop victimaires et doloristes du travail quitendent à le considérer uniquement sous l’angle de la souffrance.

Ambition nº3« La performance sociale, c’est ce qui compte ;

la performance économique, ce qui se compte. »

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Ce sont lesdéfaillances del'organisation etles changementspermanents quitransforment le travail ensouffrance.

«

»

Le travail est l’objet d’un investissement physique, intellectuel et affectif.Certes, chacun de nous s’y donne de la peine et y consacre de l’énergie,mais en retour, nous trouvons à travers lui un épanouissement sociale-ment valorisé. Ce sont les défaillances de l’organisation, les changementset les ruptures permanents qui transforment le travail en souffrance.Aujourd’hui, il y a une obligation de l’entreprise à veiller au bien-être deses salariés. L’entreprise y trouvera aussi son compte, car un salarié« heureux » sera sûrement aussi plus performant.Gardons-nous néanmoins des malentendus comme lorsque notre motd’ordre syndical « Comment mieux travailler » a été emprunté par ladirection d’un grand groupe pour baptiser son nouveau projet « Mieuxtravailler ensemble » alors qu’il ne s’agissait pas du tout du mêmecontenu. Méfions-nous également des opérations vitrines de bien-êtreau travail, comme cet « espace zen » tellement beau que les salariésn’avaient pas le droit d’y apporter leur café !

Respirer au travailLes espaces de respiration nécessaires à la vie au travail sont traquéssans relâche dans la course à la rationalisation. C’est ignorer que le vivanta aussi besoin de « temps morts » ! La dimension humaine se déploieentre des cadres formels et des espaces informels. Nous sommesconvaincus que l’une des conditions du bien-être au travail, c’est deremettre du souffle dans les organisations.

Une organisation lisible pour les salariésCompte tenu de la complexité des métiers de l’énergie, il ne peut y avoird’organisation simple. Même quand le mot d’ordre d’un changement estla simplification de l’organisation, en réalité, ses déclinaisons sont tou-jours compliquées. L’enjeu est de s’y retrouver dans une organisation.Pour cela, ce n’est pas l’organisation qui doit être simplifiée, mais lesrôles de chacun. Quand les rôles sont clairement définis, il devientpossible de s’orienter dans une organisation même complexe.

C’est pourquoi nous souhaitons la lisibilité de l’organisation pour lesalarié. Ce n’est pas la même chose de simplifier l’organisation desactivités ou celle du travail. Pour le salarié et le manager, ce qui compteavant tout, c’est la lisibilité de sa propre activité.

Arbitrer dans le cadre de sa responsabilitéDans les organisations matricielles, les salariés, surtout s’ils sontmanagers, peuvent être au croisement de plusieurs points névralgiqueset doivent participer à plusieurs comités différents. Ces responsabilitéspériphériques grignotent le temps qu’ils devraient consacrer à leur propretravail et à leurs équipes.

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

Dans ce contexte, il est particulièrement important de disposer d’unpouvoir d’arbitrage des priorités selon ses responsabilités, voire de lapossibilité de dire non.

Développer les moments de convivialité.Réintroduire les relations humaines dans les relations de travail.Permettre aux unités de s’emparer du dossier « bien-être au travail ».Faire des DRH des « Chief Happiness Officer » (directeur général du bonheur)dont l’une des principales missions est de créer les conditions du bonheur descollaborateurs.

Le manager qui encourage le bien vivre ensemble…- Favorise la solidarité. Orchestrer la solidarité entre équipes lorsque lasituation est tendue implique d’annoncer clairement les renoncementsde façon à mobiliser les collaborateurs et éviter de les culpabiliser.- Associe son équipe aux victoires et valorise ses collaborateurs.- Favorise l’émergence des solutions par l’équipe elle-même.- Permet des espaces de dialogue informels et des espaces informels

de dialogues entre son équipe et lui, et entre les collaborateurs. Celasuppose de prévoir des espaces physiques, mais aussi de laisser unecertaine souplesse dans l’organisation de ces moments de convivialité.- Communique de manière formelle et officielle, mais aussi de manièreinformelle. Proximité, bonjour du matin, débriefing informel…- Est disponible et proche (malgré les organisations en multisites, lesnombreux comités transverses, la polyactivité…).- Encourage l’appropriation collective des enjeux.- Veille à ce que l’émulation ne devienne pas compétition.- Gère les ressources et les situations complexes (entre les attendus del’entreprise et les exigences des salariés).

Ce qui contribue au bien vivre ensemble…- Des conditions matérielles de travail : locaux, agencement desbureaux, libération des irritants matériels…- La dimension de l’équipe : la proximité et les relations ne peuvent êtreenvisagées que si les équipes sont à taille humaine.- La volonté de l’équipe : le vivre ensemble est une volonté de tous, il nerelève pas de la seule responsabilité du manager.- La camaraderie et la convivialité : une équipe qui a plaisir à travaillerensemble et à se côtoyer a plus de chance d’être solidaire et unie.Mais là encore, si le manager a un rôle important, il ne peut pas toutassumer !

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Sortir des pathologies des organisations

L’accumulation des normes et du reporting est devenue étouffante pourles salariés. Comment en sortir pour retrouver le chemin de l’innovation ?Comment ne pas être envahi par la profusion d’information ?

Normes : revenir à leur fonction premièreLes normes ont pour fonction première la sécurité et la qualité. Leurcouplage avec des procédures de plus en plus détaillées et un reportingpermanent aboutit paradoxalement à un contre résultat. Devenu troprigide, le système peut provoquer des faiblesses sécuritaires ou qualita-tives. Cette dérive est une pathologie des organisations29.

Dans certains métiers déjà normés par nature, comme la comptabilité,les processus de travail s’ajoutent en couches supplémentaires denormalisation. Il y a l’illusion de prévoir, avec des scripts, toutes lesoccurrences. Management « fou », processus « délirants »… Cettemaladie frappe particulièrement nos entreprises très denses en fonctionscentrales et elle conduit parfois à l’oubli des normes impératives.

Trop de procédures tuent la performanceL’objet des procédures est la standardisation, la traçabilité, le contrôleet non la simplification du travail. Cela conduit à un autre paradoxe : aulieu de rationaliser le travail pour accroître la productivité, les procéduresle complexifient à outrance, donnant au final des pertes de performance.

Par exemple, auparavant, dans une structure support, chaque gestion-naire avait son portefeuille et son livre de procédure. Il n’y avait pas denorme de productivité surajoutée. Avec la mise en place des portails,chaque gestionnaire a dû gérer n’importe quel dossier et il a fallu triplerles indicateurs. Il y a aussi les métiers dont la nature même de l’activitéimplique une procédure importante, comme les interventions sur lesréseaux. Dans ce cas, il ne peut y avoir d’autonomie dans l’organisationindividuelle du temps de travail. Intégrer des salariés au forfait jour s’estrévélé inadapté et il a fallu compenser cette incohérence par un surcroîtde procédures.

Le reporting pour rendre compte de l’activité, pas la prescrireCompte-rendu, collecte de données, rapport, notification, transmission…toutes les traductions du mot anglais « reporting » montrent bien qu’ils’agit de relever les résultats de l’activité, pas de la construire ! Extraireet traiter les données devraient être réalisés, en appui du manager,par des professionnels du reporting. Mais aujourd’hui, le reporting

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29 Sur ce sujet, onpourra lire les réflexions

du commandant debord d’Air France

Michel Jouanneaux.Partant de son métierde pilote de ligne, un

des plus normés avec lenucléaire, il met en évi-dence les dérives de la

prolifération noncontrôlée des prescrip-tions. « Pour les pilotes

de ligne, la proliférationnon contrôlée de laprescription pose le

problème des critèresde son évolutivité »,

in Self 2002.

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

permanent et en temps réel est davantage devenu une prescription enplus des normes et procédures.

Dans ce contexte, il devient quasiment impossible de ne pas appliquerla procédure, même lorsque celle-ci est manifestement inadaptée. C’estl’exemple du téléopérateur qui doit proposer à ses clients des formulesou des services dont il sait qu’ils ne sont pas adaptés. Ou encore l’exem-ple de la gestion des réclamations quand il est impératif d’appliquer laprocédure de rappel à j+15 exactement, sans que ce délai ne soit justifié.

Pourtant, il est désormais avéré que la réalité du travail commence làoù finit la prescription. Ce qui signifie qu’il devrait toujours y avoir despossibilités de déroger aux procédures dans l’intérêt même de la pro-duction de l’activité.

Apprendre à mieux traiter l’informationNe pas se laisser envahir par le flot d’informations ni envahir les autresest aussi une affaire de formation et de discipline personnelle : gestiondes messages entrants, chasse aux mails envoyés pour rien, aux « répondreà tous », etc. C’est le destinataire qui est contraint de s’adapter et deprendre des dispositions : mettre des flags, faire des boîtes de tri, etc.même s’il est parfois tentant de fermer sa messagerie et de revenir au bonsens…

Des organisations plus simples et plus lisibles, qui favorisent la performance etla coopération :- exiger un choc de simplification des procédures pour réaffecter les ressourcesaux bons endroits,- conserver à tout moment le BSP, Bon Sens Paysan (Common Sense Farmer),- obtenir plus de lisibilité sur les organisations : exiger des organigrammes, lescibles emplois et des tableaux de charges,- être à l’écoute du terrain (initiatives, bonnes pratiques, partage d’expériences),- faire correspondre les moyens et outils aux attendus,- éliminer tous les « gaspillages », notamment le temps et les efforts inutiles,- imposer les sujets de l’efficience de l’organisation en CE et dans les accords.

Mettre les processus et reporting au service des équipes :- respecter la réalité du terrain et tenir compte des retours d’expérience,

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- définir les processus au plus près du terrain et les faire évoluer suivant les nou-velles pratiques et nouveaux enjeux,- interroger régulièrement la pertinence des indicateurs, leur volumétrie et leurniveau d’agrégation,- mettre le système d’information en cohérence pour faciliter les analyses etinterdire les doubles ou triples saisies.

Mieux choisir et intégrer les projets :- limiter les projets au juste nécessaire, relativement au gain dégagé et sans lessuperposer au Business as usual sans contrepartie,- imposer des analyses d’impacts et d’opportunités, et des mesures de plus-valueen amont des projets et après leur mise en œuvre.Préserver le sens du travail dans les démarches de construction de contrats d’équipe :- créer des communautés d’entrepreneurs au sein des unités ayant de véritablesmarges de manœuvre.

Innovation et adaptation : comprendre le changement

Trop souvent, dans les changements, la rupture est valorisée au détri-ment des évolutions et de l’amélioration continue. Nous sommes dansune culture de la rupture et de l’injonction de changement, source desouffrance et de culpabilisation. À l’inverse, présenter une nouvelleorganisation en laissant croire que « ça ne va rien changer » pour lessalariés n’est pas tenable non plus.

Les changements d’organisation sont aussi l’occasion de compétitionsinternes et de jeux de pouvoirs entre les managers qui ont parfois plus àgagner à étendre leur zone d’influence en interne qu’à valoriser le capitalhumain ou la satisfaction client.

Les organisations du travail, à peine mises en place, sont souvent boule-versées par un changement d’orientation ou de stratégies sans avoir eule « temps de vivre ». Les ruptures d’organisation viennent contrarier,voire balayer, des améliorations en cours. Un minimum de stabilité estpourtant nécessaire pour optimiser leur fonctionnement. Pour les sala-riés, c’est aussi un temps de respiration existentielle.

Notre propos n’est pas d’empêcher le changement qui est positif en lui-même et fait partie de tout organisme vivant, mais encore faut-il expli-

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

quer en quoi il consiste. Nos organisations se transforment pour s’amé-liorer et améliorer leurs services. Certains modèles systématiques commel’EFQM (European Foundation for Quality Management) mettent en avantles contributions de la société, des salariés et des partenaires, en mêmetemps que du leadership, au progrès permanent.

Analyser les résultats avant un nouveau changementSi l’objectif atteint n’est pas mesuré, si les erreurs ne sont pas analyséeset comprises, s’il n’y a pas de retour d’expérience (REX) ni de mesure desrésultats, alors il y a fort à craindre que l’entreprise sera toujours maladeet retombera dans les mêmes travers. Et lorsqu’il y a des retours d’expé-rience ou des rapports explicitant les dysfonctionnements, encore faut-il s’assurer qu’ils sont bien écoutés et pris en compte. Confort et habitudene sont pas des prétextes pour continuer à faire les mêmes erreurs.

En amont du changement :- obtenir des dirigeants des priorités et des renoncements,- réaliser des analyses d’impacts, études préalables, bilans et études de charge.- réfléchir avant d’agir pour diminuer le nombre de procédures,Standardisation des comportements et des services, un frein à l’innovation ?- mettre en place des logiques entrepreneuriales à tous les niveaux, y comprisdans les petites structures,- favoriser des espaces informels de dialogue et de brainstorming.Restituer des espaces de liberté :- retrouver la notion de confiance et de liberté,- lâcher du lest pour innover suppose d’alléger les procédures.

Manager par le dialogue

Le dialogue au cœur du métier de managerEn matière de management, certains parlent d’innovation et de créativité,mais c’est d’abord une affaire d’engagement et d’initiative. Nous pensonsque la fonction managériale, comparable à celle du chef d’orchestre, doitêtre recentrée sur son cœur de métier. La quintessence du métier demanager est de gérer des hommes et une équipe, de favoriser la coopé-ration et la solidarité, de permettre à chacun de créer sa valeur et de faireque le collectif soit créateur de valeur.

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Dans la lettre de mission du manager, ses objectifs de « gestion del’humain » devraient être clairement identifiés, par exemple en lui consa-crant 30 % de son temps. Il ne faut pas pour autant que son rôle soitconfondu avec celui d’un responsable des ressources humaines, ni queson rôle se résume à « faire ses entretiens » ou « faire sa GPEC »…

Il y a un travail de relations interpersonnelles et de leadership. L’espritd’équipe n’est pas incompatible avec la gestion différenciée des per-sonnes et de la rémunération. Il convient de valoriser les individualitéssans favoriser l’individualisme. L’investissement dans la création de liensprend du temps mais est une garantie de pérennité.

Repérer les signaux d’alerteNous constatons que les symptômes des organisations « malades » sonttrop systématiquement traités comme des problèmes des individus.Ceux-ci peuvent se retrouver traqués dans ce qui est désigné par les« poches de non productivité » (PNP). Alors que celui qui « ne veut pastravailler » peut aussi être une personne en souffrance à ne pas laisserde côté30. L’autre signal d’alerte que nous devons interpréter correcte-ment est le « présentéisme ».

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30 Lost in management :La vie quotidienne

des entreprises au 21e

siècle, François Dupuy,Seuil (2011).

Source : Secafi

L’ENCADREMENT DE PROXIMITÉ, INDISPENSABLE RÉGULATEUR DES TENSIONS

Contraintes définies par l’organisation (travail prescrit)

ÉQUIPED ObjectifsD Réglementation/

cadre RH/ procéduresD Outils de gestion, reportingD Projets divers

Contraintes réelles de l’équipe et de l’activité

D Contraintes réelles (effectifs, compé-tences, situations individuelles)D Particularité localesD Aléas, dysfonctionnement de l’activité,des outilsD Attente, contraintes implicites (hiérarchie, ligne fonctionnelle, RH,clients internes et externes...)

Organisation, pilotage du travail de l’équipeGestion des problèmes rencontrés : outils, méthodes, aléas...Arbitrage entre les priorités, recherche de moyens,de soutien au sein de l’entreprise/ de la structureAlerte en cas de situation individuelle ou collective difficile

RÉGULATION

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

La bonne taille d’équipes pour favoriser le dialogueLa taille des organisations évolue. La tendance générale est au regrou-pement dans des territoires de plus en plus vastes et avec des métierspilotés depuis des centres de plus en plus éloignés. Face à cette évolu-tion, il est nécessaire de retrouver des tailles d’équipe qui permettentune bonne animation. Manager de « proximité » implique une équipe àtaille humaine, même si un effectif réduit n’empêche pas d’avoir un trèsmauvais manager !

Valoriser les parcours syndicaux

Laurent Tertrais, dans son livre sur l’avenir du syndicalisme31, n’hésitepas à écrire que « l’action syndicale produit de la valeur ajoutée : dans lemilitantisme syndical, du conseiller prud’hommal à l’administrateursalarié, il y a un tissu quotidien de compétences que la société ne regardeplus ». Au cours de leurs mandats, les détachés syndicaux acquièrent etmettent en œuvre quantité de compétences. Spécifiques ou transver-sales, elles doivent être valorisées au moment de la réintégration dansl’entreprise. Cette exigence répond à la nécessaire prise en compte dutemps de détachement dans la carrière et participe également à la qualitédu dialogue social qui repose sur des militants formés.

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Source : Secafi

DES CONTRAINTES TROP FORTES SUR L’ENCADREMENT DE PROXIMITÉ ENTRAÎNENT DES RISQUES SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL DE L’ÉQUIPE

Contraintes définies par l’organisation (travail prescrit)

ÉQUIPE Contraintes réelles del’équipe et de l’activité

31 La promesse syndicale :Quel syndicalisme pourle 21e siècle ?,Laurent Tertrais, Michalon (2012).

Hiérarchique

Fonctionnel

Autres responsablesLeadershipExcellence

Progression de carrière

Contra-dictions

IndicateursObjectifsRésultats

RÉGULATION ?

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La formation au cours du détachementEn matière d’acquisition de connaissances, les militants syndicauxdoivent pouvoir bénéficier de formations qui soient intégrées au plan deformation de l’entreprise. Aujourd’hui, le DIF32, futur CPF33, est trop peuutilisé. Si l’organisation syndicale contribue à la formation de sesmilitants avec ses propres moyens, l’employeur reste garant de l’em-ployabilité de l’ensemble de ses salariés. En participant à la formationde ses militants syndicaux, l’entreprise non seulement s’assure desinterlocuteurs sociaux compétents, mais elle répond aussi à ses obliga-tions en préparant l’avenir professionnel du salarié détaché.

Dialogue social : sortir du formalismeDes démarches de contractualisation, voire de co-construction, dudialogue social avec les parties prenantes existent, par exemplel’enquête « My EDF ». Mais comment définir la véritable écoute ? Nousconsidérons que le vrai dialogue social passe par un effort pour s’extrairedu formalisme. Cet effort vaut aussi bien pour les directions que pour lesorganisations syndicales. Certains syndicats sont dans l’ultra-formalisme,en particulier dans les CHSCT. Le risque pour eux est d’aller à l’encontredes aspirations des salariés.Actuellement, il y a une forme particulière de blocage des instances dudialogue social. Sur ce point, la CFE-CGC Énergies se démarque : noussommes acteurs, interlocuteurs, partenaires… si l’employeur joue le jeu !

Managers et syndicalistesFort des valeurs qui le caractérisent, notre syndicat pose la question durenouvellement du syndicalisme, pour « construire un dialogue social dequalité ». Notre conception du rôle des syndicalistes dans l’organisationde l’entreprise est différente de celle des autres syndicats : éclairer surce qui ne va pas, ce qui frotte, tout en étant les partenaires du manager.

Créer les conditions de la confiance :- nécessité d’un vrai dialogue à tous les niveaux,- sensibiliser les managers à développer une vraie écoute,- formaliser les retours d’expérience et échanges transversaux,- réfléchir à un management alternatif, respectueux de l’humain.Coopérer pour bien vivre ensemble :- comprendre le fonctionnement réel des organisations pour éviter les dysfonctionnements,- former les représentants du personnel et les salariés à l’analyse organisationnelle de leur activité.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

32 Droit individuel à la formation.

33 Compte personnel de formation.

Nos ambitions

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

- favoriser des échanges réguliers sur les organisations entre managers et salariés.Améliorer la qualité du dialogue social et la performance sociale :- créer systématiquement des espaces de vie informels,- encourager des moments de convivialité,- favoriser la souplesse organisationnelle basée sur le volontariat des salariés,- mesurer la qualité du dialogue social sur la base des indicateurs RH33,- valoriser le rôle des CHSCT sur la qualité de vie au travail,- assouplir les organisations locales en accord avec les salariés,- apprendre à écouter pour mieux entendre !

Exiger et mesurer la performance sociale

Utilité sociale versus performance ?Il n’est de richesse que d’hommes. Beaucoup disent que la performancesociale conduit à la performance économique ou encore que « la perfor-mance sociale c’est ce qui compte, tandis que la performance écono-mique c’est ce qui se compte ». Mais si la performance sociale contribueeffectivement à la performance économique, elle est aussi un impératiféthique en soi, dont la préoccupation doit être présente en amont dansla stratégie de l’entreprise.

Certains trouveront cependant irritant de voir associer les deux termes auregard des mauvaises habitudes sociales de quelques entreprises ou quandla performance sociale est surtout un instrument de communication.

D’une culture technique à une culture gestionnaireDans les entreprises très techniques, la culture est de penser que lesressources humaines « suivront ». Le profil des DRH, leur place dansl’organisation et leur rang dans les comités de direction ou dans lescomités exécutifs, sont des indices de l’importance qui est accordée à laperformance sociale. Même si nous savons bien que, de nos jours, lesDRH ont d’abord des objectifs économiques.

De vastes chantiers de rénovation des pratiques managériales sont encours dans les grands groupes. Des changements apparaissent commel’illustre ce DRH, chez un gestionnaire de réseau, qui considère lesmanagers comme des « sachants » devant évoluer et suivre des formationsdans ce sens. Les managers intermédiaires sont formés, mais sans rien

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34 Sur ce sujet, voir Travail et dévelop-pement humain : les indicateurs de déve-loppement humain appliqués à l’entreprise,Hubert Landier, BernardMerck, EMS Manage-ment et Société (2013).

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changer aux politiques managériales, entrainant toujours les mêmesinjonctions paradoxales et les mêmes pratiques de certains hauts res-ponsables…

À EDF, comme à GDF Suez, ce sont les DRH qui supervisent les chantiersde transformation. Les discours portent sur l’éthique, sur la qualité de vieau travail, sur la prévention des risques psychosociaux, mais la préoccu-pation reste avant tout la productivité. Le premier souci est d’imposer lesexigences financières, notamment à travers la renégociation du tempsde travail. Les syndicats constatent qu’au moment d’entrer en négocia-tions, l’honnêteté et la bonne foi ne sont pas toujours autour de la table.

La RSE peut-elle se mesurer ?Les indicateurs qui sont utilisés à EDF et à GDF Suez ne correspondentpas à nos attentes. Les baromètres sociaux permettent de mesurer destaux de réussite, mais il serait plus pertinent d’y ajouter des mesures destaux de dégradation. Dans la pratique, il y a une dualité entre les indica-teurs obligatoires qui relèvent du bilan social et ceux qui s’inscrivent dansune démarche volontaire que nous appelons « socioscope ».

Les managers doivent remplir des objectifs RSE, comme à EDF où lesrésultats d’enquête RSE entrent en ligne de compte pour la prime desdirigeants. Ces dirigeants se retrouvent pris dans une contradiction carils doivent se montrer exemplaires sans en avoir les moyens. Le manage-ment durable est un management à la fois équitable, viable et vivable.

Aujourd’hui, le manager n’a plus son mot à dire. Il est interrogé sur unportail « Groupe » pour des enquêtes sociales qui ne concernent pas sonéquipe. Pour les cadres concernés par la RSE, soit il s’agit d’une ligne enplus à remplir, soit c’est un état d’esprit plus global, mais alors qui reposesur la confiance, pas sur des indicateurs.

Des contraintes en cascades sur les managers de proximitéL’expérience nous a rendus prudents. « Si ça ne vient pas de très haut,ça va augmenter la contrainte sur la tête des managers, avec injonctionscontradictoires comme réduire les effectifs et faire que ceux qui restentsoient heureux en plus ! » De la même manière, les excès de contraintesde certains objectifs de type « zéro accident du travail » ou « zéropapier », peuvent conduire à masquer les écarts avec l’objectif.

La démarche RSE doit être imposée depuis le sommet de la direction etêtre généralisée dans toute l’entreprise. Il implique de se fixer desobjectifs qui devront être pris en compte dans la rémunération indivi-duelle des managers concernés.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Les baro-mètres sociauxpermettent de mesurer des taux deréussite, maisil serait pluspertinent d'y ajouter des taux de dégradation.

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

FACILITER L’ÉVALUATION DU MANAGEMENT AVEC DES ENQUÊTES SOCIALES

Le manager doit-il être évalué par ses collaborateurs ? Certaines missions dé-volues désormais au management, mais qui reposent davantage sur les rela-tions humaines que sur des aspects purement gestionnaires, nécessitent desévaluations fondées sur des enquêtes sociales de type baromètre social ou« socioscope ». Mais quel que soit le type d’enquête, nous pensons qu’ellesdoivent être non personnalisées afin de préserver le manager du risque d’un« tribunal populaire ».Lorsqu’une enquête sociale révèle un mal-être des salariés, ses résultats doi-vent être analysés de manière prudente, en tenant compte de tous les fac-teurs impactant le climat social. De la même manière, les nouvelles méthodesd’évaluation de type « 360 ° » doivent être utilisées dans un cadre bien spé-cifique de formation et non d’évaluation générale.

Quand l’évaluation sociale est trop généraleTrop souvent, l’expression « performance sociale » se révèle en fait êtreune mystification. Agrégés à la « maille » nationale, des résultats d’enquêtepeuvent donner l’impression que tout va bien. S’il y a des problèmes declimat dégradé, voire de harcèlement, qui remontent du terrain, ils sontnoyés dans les statistiques. Présenter des résultats d’enquête portantsur 1 700 personnes n’est pas le bon périmètre. Il serait plus juste dedescendre au niveau des entités managériales. En menant nos propresenquêtes, nous mettons en évidence l’hétérogénéité des résultats : uneunité obtiendra des résultats inverses de ceux d’une autre unité. En outre,les indicateurs ne suffisent pas, l’accès aux verbatim des enquêtesdevrait également être ouvert.

Plus généralement, peuvent être cités les cas de l’accord QVT qui nefonctionne pas, du groupe multi disciplinaires (GMD) sur les risquespsycho-sociaux, des effets « cosmétiques », du CHSCT qui ne joue passon rôle, de certains acteurs qui n’élèvent pas le débat… Les critiquessont virulentes, à la mesure de la déception, voire du sentiment detrahison. Le déficit de confiance se creuse. Il serait préférable que lesDRH et les directeurs financiers parlent des vrais problèmes, y comprisen termes de contraintes économiques et de performance. Parler desvéritables problèmes permet au moins de garantir un climat de confiance.Devrons-nous systématiser notre propre méthode d’indicateurs et dequestionnaires, nos propres critères, au bon niveau d’observation et de

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restitution ? Au-delà des indicateurs de mesure, il est possible d’être pluscréatif. Nous pourrions nous inspirer des approches par la médiation, duquestionnaire Karazek et de la psycho-dynamique proposée par l’Anact,tout en considérant la diversité de nos métiers et de nos entités, où lapart de la technique et la part des prestations intellectuelles ne sont pasles mêmes, etc. Telle piste sera valable pour une entreprise et inadaptéepour une autre. Il n’est pas possible de faire des recommandations tropgénérales.

Les indicateurs au service du dialogue localIl est inutile de faire remonter un irritant local au niveau national. Le pro-blème n’est pas l’indicateur, mais de mettre l’indicateur en situation !Parfois, mieux vaut arrêter de mesurer pour se parler !Les outils devant servir au dialogue local sont trop souvent bloqués. Encas de mauvaise qualité des EAP (Entretien annuel de performance) parmanque de préparation ou de concertation et de dysfonctionnements duGMD et du CHSCT, nous avons un diagnostic en creux de ce qui n’est pasla performance sociale.

Nous proposons qu’à la maille locale, les questionnaires soient plus simpleset pas seulement quantitatifs. Le travail est en train de changer. Il devientnécessaire de libérer la parole des salariés de façon plus efficace, pourles interroger sur ce qui a changé dans leur travail, sans se contenter duressenti et des émotions, comme nous l’enseigne Yves Clot35 lorsqu’il faitdu discours sur la qualité du travail un préambule à celui sur la qualité de vie.

Valoriser la recherche d’efficience :- changer notre culture et valoriser l’efficience des salariés, la pertinence dutravail plutôt que la qualité,- réduire l’impact du court terme sur l’analyse des résultats,- imposer une charte dans l’utilisation de la messagerie : identifier la finalité(information ou action), les destinataires, les responsables de l’action et le délaiattendu afin de responsabiliser l’expéditeur, et permettre au destinataire denégocier ou d’afficher les commandites parallèles.

Redonner du sens au pilotage :- partager les bons objectifs en nombre réduit,- disposer de l’influence nécessaire sur les indicateurs retenus, lesquels doiventêtre simples à mesurer et à suivre,- éiminer les indicateurs parasites et imposer des indicateurs mesurant l’efficienceet les gains des décisions et organisations.

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35 Le travail à cœur :Pour en finir avec les

risques psychosociaux,Yves Clot, La Décou-

verte (2010).

Nos ambitions

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Ambition 3 Promouvoir le bien vivre au travail

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Défendre les salariés des IEG, le rôle des syndicats

Depuis la fin des années 1960, comme l’a analysé le sociologue RobertCastel36, nous sommes passés d’un capitalisme industriel à un capita-lisme financier international qui impose, au niveau mondial, une concur-rence exacerbée et agressive. En même temps, en France et dans laplupart des pays européens, le chômage et la précarité se généralisent.La catégorie des travailleurs pauvres est réapparue dans les années 1990.La frontière entre le travail et l’assistance se brouille, puisqu’un travailleurpeut avoir besoin d’aides sociales pour survivre.

Robert Castel a montré que le problème social de notre époque est celui dela répartition des richesses dans une société qui en produit beaucoup. Cetterépartition s’établit sous les critères de notre régime capitaliste contempo-rain et de sa recherche du profit pour le profit à travers la mise en concurrencede tous contre tous. Les droits sociaux et les protections attachées au travailsont, aux yeux des employeurs, des obstacles à la maximisation de lacompétitivité de leurs entreprises et du libre jeu du marché. Le droit du travail

Perspectives

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36 La montée des incertitudes. Travail,protections, statut del'individu, Robert Castel,Seuil (2009)

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et la protection sociale ne jouent plus leur rôle de digues de régulationdu marché. Le prix de leur abaissement est celui de l’insécurité sociale.

Aujourd’hui, ces mutations sociales fortes concernent aussi les IEG quivoient leur système de régulation sociale, avec les droits et protectionsattachés au travail, menacé de démantèlement. La modération salarialeest clairement voulue par les employeurs qui ne cherchent qu’à améliorerleur compétitivité internationale, ce qui menace le système historique derémunération de branche des IEG.

Ce dernier chapitre est celui des perspectives sur le moyen et le longterme. Quel sera le devenir du contrat de travail et des organisations quien découleront dans les IEG ? Quelle sera l’évolution du rôle des IRP etdes OS face aux enjeux sociétaux de la dérégulation sociale, dans uncontexte changeant et mondialisé ?

Les menaces sur le statut du personnel des IEG

Le statut du personnel des IEG, une référence incontournableAu 19e siècle, avec l’essor des industries, la condition salariale a été conso-lidée grâce à des ressources suffisantes pour assurer la sécurité destravailleurs. Le salarié est devenu propriétaire de droits lui permettantd’assurer son présent et de maîtriser son avenir. Le système de protectionsdont bénéficie le statut de travailleur est composé d’un large éventail dedroits : droit à la retraite, à la santé, à l’indemnisation en cas d’accidentou de chômage, droit du travail pour se protéger de l’arbitraire patronal,etc. Les principaux aléas de la vie se trouvent couverts. C’est sur ce soclesolide qu’ont été créées, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,les EPIC Électricité de France et Gaz de France, ancêtres des principalesentreprises des IEG actuelles, ainsi que le statut du personnel associé.

Depuis la fin du siècle dernier, il y a un effritement des garanties socialesdans les IEG. Par exemple, le recul de l’âge de départ à la retraite etl’augmentation des années de cotisations, alors que le régime desretraites des IEG est excédentaire ; la disparition prochaine du droit departir à la retraite anticipée pour les mères de trois enfants ou plus ; ouencore, le cas d’une filiale issue d’une grande entreprise dont le person-nel a dû renoncer à son statut IEG pour un contrat de travail de droit privé.

Cette dérégulation progressive du travail nous amène à nous interrogersur l’évolution du contrat de travail dans les IEG et sur les garantiessociales qui y sont associées, à moyen et long terme. À ce stade, nous

Les entre-prises des IEGmettent enoeuvre une reconfigurationdes relationsdu travail, où il est exigéplus de flexibilité des salariés.

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Perspectives Défendre les salariés des IEG, le rôle des syndicats

demandons que le statut du personnel des IEG (y compris les textesassociés) soit préservé et demeure une référence. Cependant, face auxnouveaux enjeux sociétaux, nous souhaitons mener une réflexion de fondsur les éléments du statut susceptibles d’évoluer. Notre projet estd’évaluer nos marges de manœuvre et d’améliorer le statut afin dedéfendre légitimement les intérêts des salariés face aux assauts répétésde la dérégulation sociale.

La flexibilité, facteur de précaritéLa tendance à plus de flexibilité ne s’est pas toujours traduite par unrenforcement des garanties sociales. Elle est davantage un facteur derisque de précarité pour les salariés IEG.

Les entreprises des IEG mettent en œuvre une reconfiguration des rela-tions du travail, où il est exigé plus de flexibilité de la part des salariés,sous le prétexte de la compétitivité internationale (qui nécessite de revoirà la baisse nos soi-disant « privilèges ») et sous la menace de la précaritésociale environnante. Les exemples de mises en œuvre de la flexibiliténe manquent pas : filialisation avec changements défavorables des règlesde temps de travail, transfert de certains éléments de négociation duniveau de la branche des IEG vers celui de l’entreprise, etc. La tendanceparaît être irréversible.

Le débat actuel dans les grandes entreprises IEG sur le temps de travailillustre bien ce risque social. Aujourd’hui, les 35 heures prédominent etcôtoient les 32 heures et autres temps choisis. La tentative desemployeurs de généraliser le forfait-jour risque de se faire au détrimentdu nombre annuel des journées de RTT, de l’autonomie dans la flexibilitédes heures travaillées (au seul bénéfice de l’employeur), de l’organisationdes temps choisis et des incitations salariales instaurées dans les IEG àl’application de la loi Aubry sur les 35 heures.

Par ailleurs, la stabilité de l’emploi traditionnellement associée au statutIEG est aussi menacée. Le cas récent de la SNET37 montre que le licen-ciement économique des statutaires IEG n’est plus un sujet tabou. Le li-cenciement économique n’est pas explicitement interdit dans le statutdu personnel des IEG, il est seulement non utilisé pour des raisons his-toriques et culturelles. Sans l’intervention des syndicats, il aurait pu de-venir réalité. Mais dans un contexte concurrentiel de plus en plus féroce,le risque demeure de voir le licenciement économique apparaître. Danscette perspective, l’enjeu pour la CFE-CGC Énergies est de donner lesmoyens aux salariés pour anticiper et gérer les nouveaux risques liés àla précarité naissante, tout en sauvegardant les conditions de la renta-bilité des activités, nécessaire à la survie des entreprises.

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37 Société nationaled’électricité et de thermique.

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Des contrats différents dans une même entreprise : une source de tensions socialesDepuis le changement de statut d’EPIC vers le statut SA des entreprisesIEG, telles que Gaz de France et EDF, celles-ci sont devenues des groupesavec des filiales et des participations. Gaz de France a été fusionné avecSuez, faisant entrer des actionnaires privés ; la SNET a été rachetée parl’énergéticien allemand E.ON ; il est question de vendre des gestionnairesde réseau à des sociétés privées ou des consortiums (par exemple GRTgaz) ;etc. L’expérience montre que le passage à une dimension de groupeentraîne une collaboration entre des salariés qui ont des contrats de travailet des statuts différents (IEG, droit privé français, droit privé belge…)

Les différences de statuts et de salaires entre collaborateurs peuventamener des incompréhensions mutuelles et des tensions, voire desfreinages salariaux. Ainsi, lors de la fusion entre Gaz de France et Suez,les ex-Suez sont passés au statut IEG tout en gardant leur niveau desalaire qui est en moyenne nettement plus élevé que celui d’un ex-Gazde France. Résultat : une augmentation importante de la masse salarialedont la conséquence a été une modération salariale permanente et trèsprononcée de la part des employeurs. Une situation source de malaises,de tensions et de compétition entre les salariés.

Par ailleurs, l’interprétation traditionnelle du statut IEG est menacée etson maintien dans le même groupe n’est plus garanti à vie. C’est notam-ment le cas lorsqu’une activité, appartenant au périmètre initial des IEG,fait l’objet d’une filialisation, elle peut se retrouver exclue de ce périmètreet ses salariés être menacés de perdre le statut IEG.

La réduction progressive du périmètre des IEG et la cohabitation crois-sante des différents statuts contribuent à une dégradation des droits etdes garanties sociales qui se fait de manière sectorielle. Le secteur privéétant celui qui est le plus touché par cette dégradation (il ne bénéficiepas de la même puissance de pressions syndicales que le secteur public),la différence de traitement social devient de plus en plus criante entreses salariés et ceux bénéficiant d’un statut « public » (fonction publiqueet assimilés, IEG, SNCF, RATP…). Le risque est de faire passer ces dernierspour des « privilégiés ». En effet, les pouvoirs publics ont la volontéaffichée d’abolir lesdits « privilèges » en encourageant une compétitionpotentiellement délétère entre les salariés. La conséquence de cettesituation, c’est le nivellement par le bas des garanties sociales et l’ins-tauration d’une dérégulation progressive du marché du travail.

Nous nous opposons à ce que les cadres et les employés, qui composentla classe moyenne, subissent une régression sociale à marche forcée.

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Perspectives Défendre les salariés des IEG, le rôle des syndicats

Mais, parallèlement à nos actions de défense des salariés et aux négo-ciations auprès des employeurs et des pouvoirs publics, nous souhaitonsréfléchir, avec nos adhérents, aux garanties sociales qu’il conviendraitde maintenir et/ou d’améliorer pour le bénéfice des salariés sans nouslaisser enfermer dans une conception idéologique et traditionnaliste.

Le rôle des syndicats pour la sauvegarde des garanties sociales

L’évolution du rôle syndical, pour mieux défendre les salariésParfois, les IRP et les OS se retrouvent impuissants à résoudre les pro-blèmes d’organisation qui découlent de décisions prises unilatéralementpar l’employeur. L’action syndicale se limite alors à gérer a posteriori desdifficultés individuelles (conflit, harcèlement, accidents, maladie…), sanspouvoir agir en amont sur l’organisation du travail et sur les activitéselles-mêmes. La situation s’avère problématique lorsque c’est l’organi-sation qui est à l’origine des dysfonctionnements.

Pour qu’une organisation fonctionne, il est nécessaire d’avoir un réeldialogue entre les différentes parties prenantes et de pouvoir disposerd’un partage institutionnalisé et équilibré entre les pouvoirs et les contre-pouvoirs en présence. Dans cette perspective, nous sommes conscientsque le rôle des IRP et des OS doit évoluer afin qu’il joue pleinement sonrôle de contre-pouvoir dans un souci d’assurer la viabilité et la réactivitédes entreprises, en partenariat avec les managers et les dirigeants. Pourpouvoir mieux remonter les attentes et besoins des salariés, plusieurspistes de réflexion sont possibles : introduire un droit de veto du CE surcertains sujets à l’instar de l’Allemagne, renforcer les pouvoirs des repré-sentants du personnel dans les conseils d’administration, etc.

Par ailleurs, la mise en place de recours indépendants des voies hiérar-chiques dans l’entreprise peut être aussi proposée, lorsqu’un salariéconteste une décision prise par celle-ci. Dans cette optique, il seraitopportun de disposer d’une structure alternative au management deproximité qui soit dédiée à la résolution des dysfonctionnementsorganisationnels que les managers ne peuvent résoudre eux-mêmes. Unetelle structure serait un observatoire des organisations du travail, en vued’en analyser et d’en soigner les problèmes avec le concours depersonnes externes au service concerné (dont des experts, des syndica-listes, etc.).

Face à ces enjeux, nous sommes conscients de la nécessité de former lesélus du personnel et les militants syndicaux. Davantage d’expertises leur

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permettrait de mieux diagnostiquer les éventuels dysfonctionnements etde répondre aux autres parties prenantes du dialogue social (salariés,managers, dirigeants, OS, etc.).

Défendre les garanties sociales aux niveaux européen et internationalNous estimons que les actions de sauvegarde, de maintien et d’évolutiondes garanties sociales ne peuvent plus se limiter au niveau français, ellesdoivent aussi être menées au niveau européen, voire international.

La dérégulation des conditions de travail au niveau national ne se trouvepas compensée par une régulation au niveau européen ou international.Au niveau international, seuls de grands principes de droit sont édictés,mais sans mesure coercitive en cas de non-respect. Selon les normesinternationales du travail et selon les Nations Unies, la protection socialeest un droit fondamental : « un régime de sécurité sociale bien conçu amé-liore le bien-être des populations et favorise le consensus social à grandeéchelle. Il est également propice et nécessaire à une croissance équitable,à la stabilité sociale et à la performance économique, contribuant à lacompétitivité. Une faible intégration professionnelle risque de conduire àune faible intégration au système social dans son ensemble. » Toujoursselon les Nations Unies : « vivre l’insécurité sociale, c’est être à la mercidu moindre aléa de l’existence : une maladie, un accident, une interruptionde travail, une péripétie inattendue dans le cours de la vie peuvent romprele fragile équilibre de la succession des jours et faire basculer dans lemalheur, voire dans la déchéance. » Au-delà de ces constats et de cesdéclarations d’intention, le droit du travail international est loin d’être créé.

Au niveau européen, le droit du travail communautaire se construit surune base minimale commune à l’ensemble des États membres. Il peut yavoir des décalages entre la France et d’autres pays moins avancéssocialement, comme l’a montré le débat européen sur le temps de travail.Parallèlement, les lobbies européens, qui cherchent à influer sur lesdécisions de l’UE, semblent être surtout des entreprises et des organi-sations patronales. Les organisations syndicales françaises en sontabsentes, leur terrain d’action étant limité au niveau national où lesmarges de manœuvre des pouvoirs publics sont faibles, voire inexis-tantes, puisqu’environ 80 % des lois françaises votées ne sont qu’unedéclinaison de directives européennes. C’est, par exemple, le cas desdirectives sur l’énergie qui ont institué la séparation entre les activitésrégulées et les activités devant être soumises à la concurrence.

L’action syndicale gagnerait à être davantage étendue à l’échelle euro-péenne et internationale. Elle pourrait ainsi, être force de proposition en

La déré-gulation desconditions de travail au niveau national ne se trouve pascompenséepar une régulationeuropéenneou inter-nationale.

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Perspectives Défendre les salariés des IEG, le rôle des syndicats

amont de décisions européennes, au lieu d’avoir à lutter en aval contreles projets de lois nationaux qui en découlent nécessairement (si un paysmembre refuse de voter une décision européenne, il peut être condamnépar la cour de justice européenne à payer des amendes).

Au niveau national, les moyens de pression traditionnels des organisa-tions syndicales (manifestations, grèves…) se révèlent souvent assezinefficaces en raison de l’absence de marge de manœuvre des pays. Auniveau européen, il pourrait en être autrement puisque les rapports deforces et l’expertise guident les décisions de l’Union.

Conscients du poids de l’Europe dans la politique énergétique, nousnous inscrivons déjà dans une démarche d’action européenne,notamment en participant aux réunions d’IndustriALL et de Fecer(Fédération Européenne des Cadres de l’Énergie et de la Recherche).

Impulser une « moralisation » des pratiques managériales

Responsabiliser les dirigeants et les actionnaires, sur le plan juridiqueLes pressions managériales, leurs conséquences potentielles dange-reuses pour les salariés ainsi que l’accroissement des risques de pré-carité, nous amènent à nous interroger sur la responsabilité juridique desmanagers, des dirigeants et des actionnaires.

La responsabilité juridique concernant les risques psychosociaux (RPS)et les maladies professionnelles est limitée aux managers et aux diri-geants. Les actionnaires ne sont généralement pas inquiétés. Or, il seraitlogique qu’ils puissent également être tenus pour responsables,puisqu’ils fixent les niveaux de rentabilité attendus des cadres dirigeantset qu’ils participent aux conseils d’administration où sont définies lesorientations stratégiques et organisationnelles de l’entreprise. Leurresponsabilité dans les modes d’organisation, des conditions de travailet de garanties sociales est donc prépondérante. L’extension de laresponsabilité juridique aux actionnaires principaux pourrait contribuerà « moraliser » les décisions prises en matière organisationnelle.

À ce jour, la faisabilité de la responsabilisation juridique des actionnairesest sujette à caution du fait de leurs différentes nationalités et de l’absenced’une jurisprudence internationale en la matière. Cependant, face à la prisede conscience croissante d’instaurer des moyens de régulation et demoralisation des échanges économiques mondiaux (illustrée par exemple

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par la dénonciation du travail des enfants dans les pays à faible coût deproduction), nous nous interrogeons sur la pertinence de cette piste.

La démocratisation des processus décisionnels, une réponse aux besoins de légitimité collectiveLa légitimité des décisions managériales peut être, à tout moment,remise en cause par des facteurs de crise (réorganisation, concurrent plusoffensif, changement de règles, nouvelles technologies…), comme nousl’avons analysé dans le chapitre 3 (« Ambition n° 1 : Mettre les salariésau cœur des choix managériaux »). Au-delà de la mise en œuvre d’unevéritable RSE respectueuse de l’humain, nous menons une réflexion surles possibilités des managers pour se construire une nouvelle légitimité,durable et basée sur l’intérêt général.

Le déficit démocratique dans les entreprises fait débat. Le processus dela démocratie est parfois suggéré comme une réponse possible pourréactiver le dialogue, absent ou insuffisant, entre les managers et lessalariés, quel que soit le niveau hiérarchique. À l’échelle de l’entreprise,le déficit démocratique pourrait-il être comblé en permettant aux salariésd’élire leur PDG et son équipe dirigeante (parmi des candidats sélection-nés sur leurs compétences et expériences) ? Ce serait une manièred’amener les dirigeants élus à s’engager vis-à-vis de l’ensemble dessalariés et pas seulement des actionnaires.

Dans la logique de l’entreprise, l’actionnaire et le client sont « rois ». Lesalarié est là pour les satisfaire au mieux, dans un contexte concurrentieldynamique, pas pour être acteur de la société. En conséquence, pour desraisons de réactivité, les dirigeants ne peuvent pas systématiquementsolliciter l’ensemble des salariés pour prendre une décision. Mais l’insti-tutionnalisation d’un processus démocratique dans le cadre de l’entre-prise, sur des sujets relatifs à l’organisation et au management,permettrait de fluidifier et de rendre plus transparents les échanges entremanagers et salariés.

La Fédération Énergies de la CFE-CGC fonctionne elle-même sur un modedémocratique qui se révèle efficace et réactif. Mais l’absence d’une tellepratique dans les entreprises de grande taille ne permet pas d’avoir lesretours d’expériences nécessaires à son évaluation en termes de perfor-mance économique et sociale. Aussi, la perspective d’une évolutiondémocratique des processus décisionnels se limite, à ce jour, à unesimple possibilité théorique. Toutefois, nous avons conscience que dansun tel contexte, le rôle des organisations syndicales serait amené àévoluer vers une influence politique plus large et moins cloisonnée,davantage fondée sur le pragmatisme et l’expertise que sur l’idéologie.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Trois « ambitions » sont défendues dans ce Livre Blanc. La CFE-CGCÉnergies veut ainsi contribuer, de manière réaliste et conséquente, audevenir du management et des organisations dans le monde français del’énergie, en particulier dans les industries électriques et gazières.

Il s’agit de construire un système managérial équilibré, de définir les condi-tions d’une gouvernance qui mette enfin l’humain au cœur des activités etdes métiers, au-delà des indicateurs techniques et financiers, de favoriser unevraie reconnaissance du travail, pilier de toute organisation économiquementet socialement équitable, enfin de relever le défi d’une coopération productivepartagée entre salariés, managers, clients, fournisseurs et dirigeants.

Ce faisant, nous n’omettons pas l’effort colossal d’adaptation des processus etdes outils pour arriver à ces fins : convaincre les directions, motiver les managers,rendre les salariés confiants et engagés… tant en matière d’organisation dutravail, que pour la réalisation concrète d’une vie au travail de qualité pour tous.Les choix que nous faisons aujourd’hui sont déterminants pour l’avenirdes garanties sociales des salariés comme pour celui des organisationssyndicales dans un secteur énergétique en pleine mutation. Loin des stra-tégies financières de court terme, visant des retours sur investissements

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Conclusion

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rapides et sans limites, l’acheminement vers une meilleure performancesociale doit nécessairement satisfaire plusieurs objectifs :- faire participer chaque salarié et manager à la prise de décision straté-gique, pour une gouvernance responsable et collective,- impliquer chaque salarié et manager dans l’évolution de l’organisation desactivités et des métiers, de sa conception à sa déclinaison, de sa réalisationà son retour d’expérience, afin que la mutation se fasse sans rupture,- restaurer l’autonomie de chaque manager de proximité dans l’orga-nisation de ses ressources et dans la valorisation des compétences deson équipe, en y associant les moyens appropriés,- valoriser la fonction RH au même titre que la fonction Finances,- promouvoir un parcours professionnel suivi, respectueux de l’égalitédes chances et correspondant aux attentes des salariés, en lien avec uneGPEC lisible et avec des plans de formation adaptés,- promouvoir un meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée,- développer les conditions du « bien vivre et dialoguer ensemble », enévitant les dérives pathologiques liées à la normalisation excessive desactivités et des comportements,- garantir un vrai dialogue social avec les IRP, en vue de démocratiserdavantage le fonctionnement des organisations.

La CFE-CGC Énergies porte la conviction que c’est en conciliant de façonpragmatique et sans dogmatisme tous ces objectifs, que les entreprises desIEG pourront bâtir un modèle sociétal et managérial vertueux, respectueuxdes intérêts de chacun des salariés et de toutes les parties prenantes.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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William Viry-AllemozSecrétaire National CFE-CGC Énergies

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Postface

« Connais-toi toi-même. » Quand au Ve siècle av. J.-C., Socrate a prodiguéce conseil à Alcibiade, il avait pour intention de lui faire prendre conscienced’une condition essentielle au bon gouvernement d’une cité grecque. Illui fallait savoir ce qui est juste et ce qui est utile. Même si la notion demanagement n’est apparue qu’au XIXe siècle, ce précepte n’a pas perdupour autant de sa substance.

Comme l’a écrit Jean-François Ballay dans un article consacré au managerface au corps social, Socrate nous explique en d’autres termes qu’il fautavoir le sens de la justice pour être capable de prendre les bonnesdécisions pour fixer un cap et entrainer les autres dans des projetscollectifs. Telle pourrait être une bonne définition de base ou, à tout lemoins, une condition sine qua non, du management moderne.

Le taylorisme ou le fordisme ont fortement marqué la culture d’entrepriseet le management. Nos économies ont connu la révolution industrielle maisont-elles appréhendé la ré-évolution sociale ? Certes, nous avons connudepuis des décennies de nombreuses avancées sociales avec des soclesde garantie collective en France enviés dans de nombreux pays. Or, danstoute crise économique et financière, forte est la tentation de renier cesavancées ou d’en limiter l’évolution, alors que la question ne se pose pasen termes de quantité mais de qualité des garanties sociales.

Si le temps de travail et la rémunération sont deux questions centrales quese posent tous les salariés avant de s’engager dans une entreprise, ils sontaujourd’hui de plus en plus attentifs aux conditions d’exercice de leur

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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travail, à leur épanouissement et à leurs perspectives d’évolution. Lareconnaissance et le bien vivre au travail sont aujourd’hui des points clésde réussite de nos organisations.

Encore faut-il leur donner du sens. Le management s’apparente parfoistrop au commandement. D’après une ancienne définition, le terme anglaismanagement viendrait du verbe français du XVe siècle « mesnager » qui nesignifiait point « prendre soin » mais « tenir en main les rênes d’un cheval ».Si le cheval est la plus belle conquête de l’Homme, l’Homme ne doit pasdevenir la plus belle conquête de l’entreprise. L’entreprise est au servicede l’Homme et non l’inverse.

Trop souvent les salariés ne sont pas associés au processus de décisionou de déploiement de ces décisions. La stratégie de l’entreprise ne leur estpas expliquée. L’activité est silotée, matricée, souvent volontairement,permettant ainsi aux schémas managériaux anglo-saxons comme le leanmanagement de tout penser et de tout obtenir à moindre coût.

Si les résultats attendus sont présents à court terme, qu’en est-il à pluslong terme ?

Cette standardisation, voire déshumanisation du management pourraitbien être bouleversée par l’arrivée de la nouvelle génération pour qui lesquestions d’éthique sociale, de qualité de vie au travail et d’épanouisse-ment sont essentielles. Son engagement et sa fidélité à nos entreprises neseront garantis que s’il lui est donné du sens, tout en préservant sa viepersonnelle au regard de son activité professionnelle.

De nombreux salariés ont l’impression que leur travail est invisible. Au-delà de la question de la reconnaissance, la subjectivité semble parfoisavoir pris le pas alors que le travail collectif, lui, a marqué le pas. La gestiondes résultats et des processus doit être reconnectée aux salariés qui ensont la cheville ouvrière.

Ainsi, il faudra innover pour redonner une utilité sociale au travail et desespaces de liberté aux salariés pour qu’ils réapprennent à s’entraider ou àéchanger, c’est-à-dire à remettre l’humain au cœur des organisations detravail. Si pour certains philosophes le travail est humanisant car il seraitcontrainte et dépassement de soi, il doit néanmoins conduire à sortir leshommes et les femmes de l’ombre d’un cours de bourse ou d’un bilanannuel pour aller à la lumière de l’épanouissement et de l’enrichissementpersonnel. L’ambition est vaste certes, mais elle n’est pas vaniteuse.

De nombreux salariés ontl'impressionque leur travail est invisible. (…)La gestiondes résultatset des processusdoit être reconnectéeaux salariés qui en sont la cheville ouvrière.

«

»

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Pour que le sens soit partagé par tous, il faudra également que lesdirigeants soient replacés au cœur du corps social. Aujourd’hui, avecl’internationalisation des entreprises, les centres de gravité ou d’intérêtont tendance à sortir de l’Hexagone. Dans un pays comme la France, oùle taux de syndicalisation est faible de même que la participation auxélections professionnelles, les relations sociales sont souvent jugéescomme non stratégiques par les dirigeants.

Paradoxalement, de nombreux groupes ont mis en place des instances dedialogue social au niveau européen voire mondial. Leurs dirigeants yparticipent, ne les redoutent pas mais ne les valorisent pas non plus. Ellesne sont qu’une étape supplémentaire, comme une escale sociale dans desroad shows financiers annuels. L’attention des dirigeants aux relationssociales doit redevenir durable et sincère si les engagements en termes deresponsabilité sociétale veulent être tenus.

Trop souvent la responsabilité ne repose que sur le management intermé-diaire. Or, un dirigeant performant doit avoir tant la hauteur de vue néces-saire à l’exercice de sa fonction que l’empathie vis-à-vis de ses salariés.Socrate craignait que les tourbillons de la politique ne rattrapent trop viteAlcibiade. Nous ne sommes que trop attentifs à ce que les tornades de lafinance n’aspirent pas trop vite nos dirigeants.

Dans la régulation des relations sociales au sein de nos entreprises, unnouveau mode de régulation pourrait reposer sur l’arbitrage. Aujourd’hui,il n’existe pas d’instance de conciliation entre l’entretien avec la Directionet la saisine des tribunaux. Or, la création d’instances d’arbitrage seraitune véritable innovation reposant sur la confiance réciproque entre les par-ties et traduirait un véritablement engagement en faveur du dialogue social.

Ainsi, ces trois exemples non exhaustifs de novation sociale font écho auxtrois ambitions affichées par la CFE-CGC Énergies sur le management etl’organisation du travail, l’ensemble, se reflétant tout naturellement sansle présupposer dans le « juste et utile » socratique. Le Livre Blanc éclaireaussi le rôle des parties prenantes dans la responsabilité sociale desentreprises et il appellera aussi à nous interroger sur nos propres pratiquesdans nos organisations.

Ainsi, pour gouverner avec justesse et droiture, il faut apprendre, seconnaître soi-même, savoir se gérer et guider autrui. Comme disait Socrate,« que celui qui veut mouvoir le monde se meuve d'abord lui-même ». Alorspour faire bouger notre monde du travail, montrons l’exemple !

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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SÉPARATION JURIDIQUE ET FONCTIONNELLE DES ACTIVITÉS RÉGULÉES

LA CHAINE DE VALEUR EST DORÉNAVANT DÉCOUPÉE

Chaque activité régulée est gérée au sein d’une structure distincte, comme une filiale ouune entreprise autonome. La séparation juridique et fonctionnelle implique une indé-pendance aux différents niveaux suivants :- comptable,- forme juridique (numéro de Siret différent de celui de la maison-mère, dans le cas où legestionnaire de réseau de transport ou de distribution se trouve intégré dans un groupeénergétique)- informatique (des systèmes d’information distincts),- organisationnel (notamment : les supports d’appui – RH, communication, etc. – sontdistincts de ceux de la maison-mère et le personnel ne cumule pas des fonctions dans leGRT/GRD et dans la maison-mère),- décisionnel (les membres du conseil d’administration du GRT/GRD ne siègent pas dansle CA de la maison-mère et réciproquement).

Source : CFE-CGC Énergies

Annexes

ProductionAppro Trading Transport Distribution Commerce

Annexe n°2

Annexe n°1

Source : Secafi

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Chaque maillon de la chaine dé-intégrée doit être rentable

Chaque maillon de la chaine dé-intégrée a ses clients

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PRINCIPALES TENDANCES DES RESTRUCTURATIONS ÉTUDIÉES

Source : Secafi

Verticalisation métiers

Verticalisation métiers

Régionalisation

Regroupement d’équipes d’études industrielles

Centralisation de la direction de sites par la BU

Réseau de distribution

Réseau de transport

Organisation de branche (macro-structure)

Infrastructures de transport

Filière du combustible

Annexe n°3

Taille des sites et maillage (sites pérennes)

Productivité en lien avec mise en place système d’informations (ERP)

Enjeu statutaire

Problématique de gouvernance et maille (multi ou mono métier)

Uniformisation du temps et de l'organisation de travail des équipes

Services comptables support

Services comptables support

Services informatique support

Services RH, comptabilité et Informatique

Services informatique support

Politique de sous-traitance et GPEC

Réinternalisation de sous-traitance et changement coeur de métier

Réseau de transport

Production thermique

Programme triannuel de « performance »

Programme triannuel « d’optimisation » de l’organisation

Organisation 2.0

Programme groupe

Programme groupe

Fonctions siège

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Verticalisation métiers/régionalisation

Constitution de métiers du support

Externalisation/réinternalisation

Démarche globale, entreprise agile, lean management

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Annexes

SONDAGE : COMMENT LES SALARIÉS VIVENT-ILS UNE RÉORGANISATION ?

Source : Secafi

Annexe n°4

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Comment évalueriez-vousl’évolution de la charge detravail de votre service sur

les deux dernières années ?

Comment évalueriez-vousl’évolution de votre charge

de travail sur les deux dernières années ?

En cas de difficulté dans votretravail, pouvez-vous compter

sur le soutien de votre supérieur hiérarchique ?

En forte augmentation

En augmentation Stable En diminution En forte diminution

En forte augmentation

En augmentation Stable En diminution En forte diminution

Non, pas du tout

Non, pasvraiment

Oui,plutôt

Oui,complètement

8070605040302010

0

50

40

30

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10

0

50

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30

20

10

0

Le projet de réorganisationen cours répond-il à votresouhait de changement ?

Considérez-vous qu’un changement

est nécessaire ?

Les explications qui vous ontété données concernant

le projet de réorganisation impactant votre service, ont-elles été suffisantes

(quelle que soit votre appréciation du bien-fondé

de ce projet) ?

Non, pas du tout

Non, pasvraiment

Oui,plutôt

Oui,complètement

Non, pas du tout

Non, pasvraiment

Oui,plutôt

Oui,complètement

Non, pas du tout

Non, pasvraiment

Oui,plutôt

Oui,complètement

8070605040302010

0

70

60

50

40

30

20

10

0

50

40

30

20

10

0

Quel impact aura selon vousla réorganisation de votre

activité sur l’intérêt et la richesse de votre tâche

de travail ?

Je ne sais pas

Négatif Plutôtnégatif

Plutôtpositif

Neutre Positif Je ne sais pas

Négatif Plutôtnégatif

Plutôtpositif

Neutre Positif Je ne sais pas

Négatif Plutôtnégatif

Plutôtpositif

Neutre Positif

70

60

50

40

30

20

10

0

Quel impact aura selon vousla réorganisation de votre

activité sur votre capacité àtrouver une solution si unproblème survient dans ledéroulement des tâches

de travail ?

70

60

50

40

30

20

10

0

Quel impact aura selon vousla réorganisation de votre

activité sur la satisfaction devos interlocuteurs/clients à

l’extérieur de votre service ?

70

60

50

40

30

20

10

0

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Annexe n°5

Source : Secafi

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

Les grandes missions de l’encadrant de proximité : le « travail prescrit ».

Planifier, organiser le travail de l’équipe (gestion des plannings, attribution des congés, répartition les tâches…).

Piloter l’activité (analyse des résultats,reporting, modification de l’organisation de travail pour améliorer les performances…).

Faire respecter les procédures, garantir le respect des règles et des normesau sein de l’équipe.

Réaliser les entretiensd’évaluation et de développement des compétences.

Prendre en compte « l’esprit », la finalité des règles et procédures ;les réadapter en cas de besoin.

Règles inapplicables, procédures en décalage du travail réel.

Audits basés sur une application rigide, « à la lettre », des règles et procédures.

Attitude directive de l’encadrement générant des tensions etdes conflits, ou à l’inverse,contournement perma-nent des règles, dérives.

Perte de sens du travail.

Objectifs incohérents avec l’activité réelle, tropnombreux, inatteignables.

Pratiques de type « fixedranking », où le managerdoit évaluer une part fixede salariés « inférieurs auxattentes ».

Définir des objectifsSMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables,Réalistes, Temporellement définis).

Prendre en compte des conditions réelles dedéroulement de l’activité.

Connaître et comprendrel’activité quotidienne, au-delà des objectifs annuels et du seul travail« quantifiable ».

Non reconnaissance du travail réellement effectué par le salarié, démotivation, souffrance individuelle.

Évaluation « à la tête du client », mise enconcurrence des salariésau sein de l’équipe.

Mettre en perspective des résultats dans letemps, en fonction des moyens, du contexte,des circonstances.

Identifier les leviers d’action pertinents en sollicitant l’équipe.

Approche exclusivementgestionnaire.

Pilotage à « court-terme ».

Non consultation deséquipes et encadrants de terrain pour l’identification des plans d’action.

Objectifs / indicateurs incompréhensibles oucontre-productifs.

Dégradation de la qualité / de l’efficacité du travail.

Prendre en compte les besoins et contraintes individuelles.

Planifier l’activité en laissant une marge de manœuvre aux individus en cas d’aléas.

Problématiques d’effectifs ne permettant pas d’accorder les congés.

Outils de planification du travail trop détaillés,rigides ou inadaptés.

Augmentation descontraintes impactantl’équilibre vie profession-nelle / vie personnelle (difficulté à prendre lescongés par exemple).

Rythme de travail inadapté à l’individu et à son activité réelle.

Le « travail réel » des encadrants de proximité.

Exemples d’obstaclesau bon déroulement de l’activité managériale.

Dommages possibles sur la santé, le collectif, le travail.

GRILLE D’ANALYSE DU TRAVAIL DES ENCADRANTS DE PROXIMITÉ

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Pour aller plus loin

La panne : Repenser le travail et changer la vie, Christophe Dejours (entretien avec B. Bouniol), Bayard Jeunesse (2012).L’auteur décortique les causes de la souffrance au travail : évaluation des performancesindividuelles, primauté du quantitatif sur le qualitatif, règne des méthodes gestionnaires…Il rappelle qu’un tel système ne vit qu’avec le consentement de ses acteurs, si bien queces derniers peuvent aussi le mettre en panne. Une analyse d’autant plus essentielle quel’ouvrage souligne la promesse d’émancipation collective portée par le travail.Christophe Dejours est psychiatre, psychanalyste et professeur au Conservatoire nationaldes arts et métiers où il dirige l’équipe de recherche « Psychodynamique du travail et del’action ».

Le travail à cœur : Pour en finir avec les risques psychosociaux, Yves Clot, La Découverte (2010).L’entreprise est devenue un lieu de souffrance. Pour y remédier, Yves Clot propose des’attaquer au véritable problème qui est celui de la qualité du travail. Selon lui, le travailbien fait et la fierté d’avoir produit un travail de qualité constituent le point de départ dubien-être au travail. Or, ces dernières années, le « bien-faire » a été relégué au deuxièmeplan, derrière des considérations purement gestionnaires. Pour en finir avec les risquespsychosociaux, l’auteur préconise de remettre le travail au centre de l’organisation et dudialogue dans l’entreprise. Yves Clot est professeur au Conservatoire national des arts et métiers et titulaire de lachaire de psychosociologie du travail.

Entre l’enclume et le marteau : Les cadres pris au piège, Jean-Philippe Bouilloud, Seuil (2012).L’auteur explore le mal-être des cadres au travail, victimes à leur tour de ce managementpathogène dont ils ont été eux-mêmes porteurs. À travers la complexité des grandesorganisations, publiques ou privées, les cadres subissent de plein fouet les contradictionsde la rationalisation à outrance, de l’accroissement des systèmes matriciels et desréorganisations incessantes. Refusant les recettes de management et pointant leslimites de l’approche sociologique traditionnelle, l’auteur propose des solutions simpleset à contre-courant. Jean-Philippe Bouilloud est sociologue et professeur à l’ESCP Europe. Il assure des missions deconseil dans de grandes entreprises et institutions publiques sur des questions d’organisation.

Travail : Les raisons de la colère, Vincent de Gaulejac, Seuil (2011).Obsédés par le court terme, la course à la performance et la rationalisation à outrance dutravail, les organisations et le management ont créé un système pathogène où règne unsentiment d’insécurité déstabilisant psychologiquement pour les salariés. La révolutionmanagériale censée réconcilier les travailleurs avec leur entreprise n’a pas eu lieu ! Faceà ce constat, l’auteur propose notamment de développer une « métacommunication »grâce à des espaces collectifs de réflexion et de réintroduire la démocratie au sein del’organisation en redonnant du pouvoir aux salariés face aux actionnaires.Vincent de Gaulejac est sociologue et professeur à l’université Paris-Diderot.

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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Depuis les années 1980, le secteur français des industries électriques etgazières subit de plein fouet le durcissement des règles économiques etfinancières mondiales. Pour la branche des Industries électriques etgazières (IEG), cette mutation s’est traduite par le passage d’une finalitéde service à la collectivité à une finalité principalement financière.Ce changement d’orientation représente une véritable révolution coper-nicienne pour notre secteur d’activité. Telle une onde de choc, ses effetsmultiples se sont répercutés à tous les niveaux de l’entreprise. Chaquesalarié, qu’il soit ouvrier, employé, ingénieur ou manager, en a étépuissamment impacté. Les habitudes et les conditions de travail dechacun ont été bouleversées au quotidien, mais aussi, plus profon-dément, le sens que nous donnons à notre travail et notre engagementdans notre vie professionnelle.

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Synthèse

Management et Organisation du travailNos ambitions pour remettre de l’humain dans l’entreprise

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Maitriser la course au changement

Ce changement de cap en direction d’une logique de rentabilité ne s’estpas fait sans douleur ni incompréhensions. Nous constatons aujourd’huiun réel manque d’information et d’écoute. Les salariés sont souventsommés de mettre en œuvre de nouvelles organisations et de se confor-mer à de nouvelles procédures sans pouvoir en saisir ni les enjeux ni lanécessité. Les directions estiment peut-être qu’il est inutile de faire de lapédagogie, mais comment bien accepter et appliquer de nouvelles règlessi on n’en connaît pas les raisons objectives ?

Sous informés, les salariés nourrissent une défiance envers leur directionrenforcée par le sentiment d’être incompris. Car trop souvent, lorsqu’unsalarié rencontre des difficultés, il ne trouve pas de lieu ni de temps pourles exprimer. D’une part, son expertise du terrain n’est pas suffisammentexploitée, ce qui est une perte pour la performance de l’entreprise, etd’autre part il se retrouve seul face à des situations de travail parfois inex-tricables. L’impression de ne pas pouvoir bien faire son travail, surtoutlorsqu’elle ne peut pas être partagée avec ses collègues ou supérieurs,est un facteur bien connu de risques psychosociaux.

Au manque criant de dialogue entre le décisionnaire et l’exécutif dansl’entreprise, s’ajoute la précipitation avec laquelle s’enchaînent lesréorganisations. À peine un changement est-il achevé d’être mis en placeet accepté tant bien que mal, qu’il faut s’empresser de passer au suivant.Les changements se suivent, mais les conditions humaines et logistiquesde gestion de leur transition ne sont pas prises en compte. Au fil de cesréorganisations, incessantes et menées au pas de charge, les conditionsde travail se sont dégradées de telle sorte que les salariés ont perdu lesrepères qui leur permettaient de donner du sens à leur travail.

Notre syndicat ne milite pas contre le changement dans ses entreprises.Au contraire, nous sommes pleinement conscients de la nécessité des’adapter et de suivre un secteur de l’énergie qui est en perpétuelmouvement. Dans le contexte contemporain, une organisation qui seraitfixée et stabilisée une fois pour toute n’aurait pas de sens. L’évolutiondes marchés et de l’environnement implique mobilité et agilité desentreprises. Pour autant, nous refusons de cautionner les dommageshumains de ces changements car nous restons convaincus qu’ils peuventêtre évités et ce, dans l’intérêt même de la performance de l’entreprise.Un changement d’organisation ne signifie pas nécessairement unerupture, encore moins une rupture brutale et unilatérale. Pour modifierla manière dont nos entreprises mettent en œuvre ces changements,

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Livre Blanc CFE-CGC Énergies

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elles devraient s’efforcer à les penser et les déployer davantage entermes de mouvement, d’évolution et d’amélioration. C’est la conditionpour conserver une cohérence opérationnelle à tous les niveaux de terrain.

Ce préambule est le défi managérial de notre époque : penser lechangement comme une nécessité structurelle, et non plus conjoncturelle,à laquelle il faut par conséquent intégrer des objectifs de performancesociale en plus des objectifs de performance économique.

Contre le « prêt à l’emploi » managérial

L’autre critique que nous faisons aux différentes réorganisations,passées et en cours, dans les entreprises du secteur énergétique, portesur le contenu même des changements. Trop souvent, nous observonsqu’en fait de changements, il s’agit de calquer sans effort d’adaptationau contexte en question, un modèle de management et de rationalisationdes processus importé d’un autre milieu professionnel.

Ce procédé est à l’origine de nombreuses dérives managériales, enparticulier celles causées par l’obsession du lean. Décliné sous toutes sesformes – lean managment, lean production, lean office, reengineering –,à tous les niveaux de l’entreprise et dans toutes ses filières, le leanrépond à la croyance illusoire dans les bienfaits d’une rentabilitétoujours plus élevée et d’une rationalisation maximale. Psychocliniciens,sociologues et médecins du travail ont déjà largement démontré leseffets délétères sur la santé des salariés des approches exclusivementcomptables et gestionnaires des organisations du travail.

La principale, et la plus fâcheuse, conséquence de ces modes mana-gériales « prêtes à l’emploi », c’est d’ôter aux salariés toutes latitudespour adapter leurs activités aux inévitables aléas du terrain. Car aucuneorganisation du travail, aussi aboutie soit-elle, ne pourra anticiper tousles cas de figure et scenarii possibles. Dans leur travail, les salariés ontbesoin de disposer d’une certaine autonomie et de faire preuve d’inven-tivité pour concilier ce que l’on exige d’eux avec la réalité qu’ils rencon-trent. Cette part de créativité inhérente à toutes formes de travail est cequi nous permet de donner un sens à notre activité et de s’y engagerpersonnellement. Si cette forme d’investissement dans le travail n’estplus rendue possible, alors elle risque de faire place à un sentiment defrustration et d’échec. Il devient de plus en plus difficile de donner dusens à son travail, de parvenir à s’identifier à ce que l’on fait, et l’on peutfinir par perdre toute estime de soi… Autant de signes avancés de lasouffrance d’un salarié.

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Les managers de proximité aux premières lignes

Une réorganisation touche les salariés à tous les niveaux hiérarchiques.Mais de tous les acteurs de l’entreprise, les plus exposés sont sans aucundoute les managers de proximité. Ils souffrent souvent, et plus que lesautres, de ne pas être assez informés sur les raisons des changementsde politiques car, en définitive, sur le terrain, c’est à eux qu’il incombede les mettre en œuvre. Et comment porter une nouvelle organisationau sein de son équipe si l’on n’est pas soi-même convaincu de sanécessité ? Ils souffrent d’autant plus que les nouvelles procédures sontsouvent plus rigides et ne leur laissent aucune marge de manœuvre.

Résultat, nombre de managers de proximité se trouvent pris en étau entredes attentes qu’ils ne comprennent pas toujours et les contraintes opération-nelles auxquelles leurs collaborateurs doivent faire face. Écartelés entre desexigences contradictoires, pressurisés par des objectifs de rentabilité à trèscourt terme, incompris aussi bien par leurs équipes que par leur hiérarchie,les managers de proximité sont aux premières lignes des restructurations.Faire porter à quelques uns les incohérences d’un système n’est pas tolérable.Le rôle du manager et les moyens qui lui sont alloués doivent être repensés.

Un Livre Blanc pour l’avenir de nos entreprises et de ses emplois

Aujourd’hui, le temps a suffisamment passé pour que nous dressions unétat des lieux. Grâce à un minutieux travail de lecture documentaire, de par-tage d’expériences et de collecte de témoignages, réalisé en collaborationavec les experts du cabinet Secafi, nous avons passé au filtre de l’analysela manière dont les salariés de nos entreprises ont traversé ces réorganisa-tions et les points sur lesquels leur ressenti s’est le plus dégradé. Forte decette enquête de terrain, la CFE-CGC Énergies propose d’en tirer des leçonspour revitaliser notre relation au travail et de trouver des solutions quitiennent compte des impératifs économiques de notre industrie et du bien-vivre de ses salariés. Dans ce Livre Blanc, nous soumettons donc à nosadhérents, nos sympathisants et nos partenaires trois Ambitions pourgarantir à nos entreprises un avenir respectueux des hommes et desfemmes qui, par leur travail de tous les jours, les font être ce qu’elles sont.Notre première Ambition traite du mode de gouvernance de l’entreprise, laseconde aborde la reconnaissance professionnelle et la dernière porte surle bien vivre des salariés. Pour conclure, nous vous proposons une vision àplus long terme de l’avenir des organisations du secteur énergétique, dustatut de ses salariés, ainsi que du rôle de leurs représentants syndicaux.

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Ambition nº1 : Revoir le modèle de gouver-nance pour impliquer tous les salariés

Notre première Ambition porte sur le mode de gouvernance de l’entre-prise. Nous sommes convaincus que l’une des clés pour permettre auxsalariés de s’approprier les contraintes liées au durcissement du marchéet aux réorganisations, c’est de les impliquer davantage dans les processusdécisionnels. Fini le temps où le patron était l’unique garant de la bonnemarche de son entreprise ! Aujourd’hui, il est dans l’intérêt de l’entreprisede donner une véritable place à l’information, aux échanges, aux retoursd'expérience et aux propositions de chacun. Et pourtant, trop souvent, lecomité d’entreprise est consulté alors qu’il est déjà trop tard pour propo-ser des alternatives ; de nouvelles procédures sont lancées sans êtreexplicitées à celles et ceux qui devront les appliquer ; confrontés à desdifficultés, des collaborateurs n’ont personne vers qui se tourner.

En associant les salariés aux prises de décisions, les entreprises pourrontd’une part tirer profit de l’expertise de terrain dont ces derniers – cadreset non cadres – sont détenteurs et d’autre part espérer leur confiance etleur disponibilité pour les mettre en œuvre en bonne intelligence, lorsquede nouvelles orientations stratégiques, économiques ou logistiquesseront nécessaires pour assurer la performance de l’entreprise.

Enfin, l’implication de tous à travers des espaces et des temps d’échangesest un gage pour une politique managériale humaine et respectueuse dupersonnel. Sur ce point, notre position est claire : nous sommes pour laproductivité de l’entreprise, mais pas à n’importe quel prix pour lessalariés car pour assurer une performance durable, il n’est pas admissiblede négliger la dimension proprement humaine des organisations.

PARMI NOS PROPOSITIONS POUR METTRE LES SALARIÉS AU CŒUR DES CHOIX MANAGÉRIAUX :

D Associer les salariés et les équipes à la prise de décision.D Bien informer les managers et les salariés sur les enjeux des réorganisations.D Laisser aux salariés des souplesses organisationnelles,

compatibles avec leurs contraintes professionnelles et personnelles.D Accorder des vrais moyens à la hauteur des réorganisations

(taille de l’équipe, périmètre d’activité, temps de réflexion…).DDévelopper des compétences appropriées, notamment par le biais des formations.D Élaborer des processus adaptés à chaque communauté professionnelle.D Organiser des temps de partage et d’échanges d’expériences.

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Ambition nº2 : Une reconnaissance professionnelle plus juste et plus globale

Pour cette seconde Ambition, c’est le thème de la reconnaissanceprofessionnelle qui s’est imposé. La pression sur les épaules des salariésest forte. D’un côté, on exige d’eux toujours plus de résultats, de perfor-mance et d’efficacité, d’un autre, il y a une dématérialisation croissantedes produits du travail. D’où le sentiment que les efforts fournis, du faitde leur faible visibilité, ne sont pas toujours appréciés à leur juste valeur.Les enquêtes de terrain reflètent bien cette situation d’incompréhensionpuisque les salariés expriment un manque évident de reconnaissancede leur travail.

La reconnaissance professionnelle doit être considérée comme unélément fondateur de notre rapport au travail, car elle fait le lien entre laperformance économique de l’entreprise et le bien-vivre au travaildes salariés. La reconnaissance est ce point nodal qui donne sens auxintérêts parfois antagonistes qui cohabitent au sein d’une entreprise.Elle constitue en principe un élément tangible qui permet à chacunde se situer au sein de l’organisation, d’évaluer la qualité de son travailet de se forger une identité professionnelle. Au-delà donc de sa valeurmatérielle, la reconnaissance porte en elle une valeur socio-psycho-logique (respect, estime de soi, considération, reconnaissance par sespairs) pour celui qui la reçoit. Son enjeu est à la fois humain et écono-mique.

La rémunération financière est sans aucun doute le principal mode dereconnaissance professionnelle, mais elle est loin d’en être le seul. Lesmodes de reconnaissance extra financière sont multiples, variés etpeuvent se combiner différemment entre eux. Mobilité, formation, VAE,valorisation, conditions de travail, aménagement du temps, télétravail,type de mission, etc. Mais aussi, reconnaissance individuelle ou collec-tive, quotidienne ou ritualisée. Enfin, si la reconnaissance doit se fondersur une évaluation, celle-ci doit également être affinée et plurielle. Il n’ya pas que la réussite ou non d’un objectif qui peut être évaluée etreconnue, mais également les résultats du travail, les efforts ou progrèsréalisés ou encore les compétences acquises.

Il est donc difficile de définir avec précision en amont et a priori la formede reconnaissance la plus pertinente pour chaque situation. Pour cetteraison, le manager de proximité doit avoir toute latitude pour juger del’attribution des avancements et autres avantages au sein de son équipe,tout en privilégiant la transparence, sans discrimination. Les grilles

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d’évaluation sont trop restrictives et ne permettent pas d’apprécierles efforts individuels. Pour tenir compte de la part humaine, il faut avoirété tout au long de l’année en contact avec ses collaborateurs, dans unprocessus permanent d’écoute et de dialogue.

En complément de la reconnaissance professionnelle, nous ne pouvonspas faire l’économie d’une réflexion sur le parcours professionneldes salariés. Aujourd’hui, l’allongement de la durée de vie au travailnous oblige à concevoir une carrière dans la durée en tenant compte deplusieurs temps de vie distincts, aussi bien pour les hommes que pourles femmes. Dans cette perspective, nous devons maintenir une attentionparticulière sur les parcours des salariés les plus fragilisés : les femmes,mais aussi les travailleurs handicapés, les aidants familiaux, les seniorset les plus jeunes. Pour ces derniers, la transmission des compétencesd’une génération à une autre doit faire partie des priorités de notregestion des ressources humaines. Le parcours professionnel desmilitants syndicaux et représentants du personnel ne doit pas êtrenon plus négligé, notamment si l’on souhaite un dialogue social équilibréet de qualité. Au cours de leurs mandats, les détachés syndicauxacquièrent de nombreuses compétences que l’entreprise se doit dereconnaître au moment de leur réintégration.

Pour répondre à toutes ces mutations sociétales et aux obligationssociales qui leurs sont liées, le « conseiller mobilité parcours profes-

sionnel » (ou « conseiller carrière ») est une fonction émergente quidoit être encouragée et à laquelle il faut allouer des moyens suffisants.Son rôle d’accompagner tous les salariés dans l’élaboration de leurparcours professionnel relève des ressources humaines, mais doitse faire en collaboration étroite avec les équipes managériales. Unedémarche qui permet aussi de rapprocher les ressources humainesdes salariés et des managers au lieu de les confiner dans un rôlegestionnaire.

Enfin, toujours dans l’optique d’une reconnaissance du travail plusglobale et plus complète, nous souhaitons soutenir l’idée d’un crédit detemps pour permettre aux salariés de s’investir dans des activitésassociatives et citoyennes, à l’instar des heures dont bénéficientles mandataires exécutifs au sein des collectivités locales. Car de lamême manière que la reconnaissance professionnelle ne doit pas porterseulement sur les résultats chiffrés du travail d’un salarié, elle nedoit pas non plus se limiter aux compétences déployées dans le cadrede l’entreprise. Les engagements citoyens et associatifs des salariésconstituent aussi des atouts forts que nos entreprises ont tout intérêt àencourager.

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PARMI NOS PROPOSITIONS POUR FAVORISER UNE MEILLEURERECONNAISSANCE PROFESSIONNELLE :

D Permettre au manager de proximité de décider de l’attribution des avancements au sein de son équipe, en toute transparence.D Établir des temps de dialogue tout au long de l’année.D Établir un état des lieux avant et après les congés

liés à la famille et aux handicaps.D Revaloriser la fonction RH, en collaboration avec les managers

et au service des salariés.

Ambition nº3 : Créer les conditions du bien-vivre au travail

Toutes les études le montrent, les Français sont particulièrement attachésà la valeur travail. Plus que tous leurs voisins européens, ils attendentde leur vie professionnelle une forme d’épanouissement personnel etde valorisation sociale. Cet attachement qui excède le cadre strict dutravail est une richesse pour l’entreprise, car si les conditions sont favo-rables, notre engagement peut être total et sans faux-semblants. Mais lerevers de la médaille est une certaine vulnérabilité : dès lors qu’uneorganisation ne permet plus de donner un sens ni de s’identifier à sontravail, alors cela peut être une cause forte de souffrance. Pour toutesces raisons, créer et garantir les conditions du bien-vivre au travail estune nécessité. Il est indispensable de soigner les femmes et les hommesmalades de leur travail, mais mieux vaux d’abord guérir nos entreprisesde certaines dérives de leurs organisations.

Accumulation des normes, reporting permanent, profusion de l’informa-tion… Les organisations se rendent malades par excès de procédures.À force de tout vouloir rationaliser, standardiser, contrôler, elles ont com-plexifié considérablement le travail. Car trop de procédures ne laissentplus aucune possibilité aux salariés pour adapter leur mode opérationnelaux inévitables aléas du terrain. Et pourtant, on sait aujourd’hui que letravail réel commence justement là où finit la prescription. C’est laperformance de l’entreprise qui pâtit de cette situation.

Autre conséquence liée à la surcharge procédurale, les managersmanquent de temps à consacrer au dialogue avec leurs collaborateurs.

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De plus, le souci de rationalité a également poussé les entreprises àregrouper des territoires et des secteurs d’activité de telle sorte que lataille des équipes ne permet plus de rester proche de chacun de sescollaborateurs. La traque aux « temps perdus » a fait disparaître lesmoments de respiration, informels mais néanmoins nécessaires à tous,même dans le cadre du travail. De la même manière, la course auxchangements ne permet ni aux jeunes organisations d’avoir le temps degrandir, ni aux salariés de respirer entre deux nouveaux projets. Il estdésormais urgent de recréer des conditions permettant un managementde proximité qui prenne le temps de l’écoute et de la parole.

Trop souvent, l’expression « performance sociale » se révèle être unemystification. Les résultats des enquêtes de qualité de vie au travail (QVT)sont calculés à l’échelle nationale. Ils ne rendent pas toujours comptedes situations locales. Si une unité subit une dégradation de son climatsocial, ses résultats négatifs seront noyés dans les statistiques natio-nales. Les indicateurs ne donnent pas à voir toute l’hétérogénéitédes situations. Comment, dans ces conditions, comprendre ce que viventles femmes et les hommes à leur travail ? Chaque enquête devrait êtrel’occasion de libérer la parole des salariés et de les faire parler concrète-ment de leur travail.

PARMI NOS PROPOSITIONS POUR UN MIEUX-VIVRE AU TRAVAIL :

D Permettre des moments de convivialité formels et informels.D Libérer du temps de management pour la « gestion de l’humain ».D Favoriser la solidarité au sein des équipes.D Garantir de bonnes conditions matérielles de travail.D Former des équipes à taille humaine.D Simplifier les procédures

Perspectives

Pour finir, nous avons souhaité ouvrir des perspectives sur le moyen etle long termes. Le statut du personnel des IEG doit rester une référenceen droit social et droit du travail. Notre syndicat ne cesse et ne cesserade défendre les intérêts des salariés face aux assauts répétés de ladérégulation sociale, par exemple contre la tendance à plus de flexibilité,qui s’est révélée être davantage un facteur de précarité ou contre lerisque de voir le licenciement économique s’étendre aux statutaires IEG.

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Mais pour autant, nous ne sommes pas figés dans une posture dogma-tique et nous restons favorables à une réflexion de fond sur l’évolutionde ce statut dans l’intérêt de nos adhérents et des salariés.

Pour cela, les organisations syndicales ont un rôle majeur à jouer. Or,trop souvent, elles doivent se contenter de résoudre a posteriori lesdifficultés individuelles qui découlent de décisions prises unilatéralementpar l’employeur. Contre ce déséquilibre du dialogue social, nous suggé-rons des pistes de réflexion : introduire un droit de veto du CE sur certainssujets à l’instar de l’Allemagne et renforcer les pouvoirs des représen-tants du personnel dans les conseils d’administration. L’autre levier dedéfense des garanties sociales se situe à l’échelle européenne. L’actionsyndicale a tout intérêt à se montrer force de proposition en amont desdécisions européennes puisque près de 80 % des lois françaises votéesne sont qu’une déclinaison de directives communautaires.

Ensuite, nous souhaitons poser la question de la responsabilitéjuridique des actionnaires en matière de risques psychosociaux (RPS).Pourquoi cette responsabilité est-elle limitée aux managers et auxdirigeants, alors que les actionnaires participent tout autant à fixer lesniveaux de rentabilité et participent également aux conseils d’adminis-tration ? Leur implication concernant les arbitrages en matière deréorganisations, de conditions de travail et de garanties sociales estprépondérante. Nous pensons que responsabiliser les actionnaires seraitune manière de réguler et de moraliser les pratiques managériales.

Enfin, la démocratisation des processus décisionnels dans l’entreprisepourrait constituer une réponse aux besoins de légitimité collective,durable et basée sur l’intérêt général. Le déficit démocratique dans lesentreprises fait débat et l’absence d’une telle pratique dans les grandesentreprises ne permet pas d’avoir les retours d’expérience nécessaires àson évaluation en termes de performance économique et sociale. Aussi,ce scénario reste théorique mais nous avons conscience que, dans cesperspectives, nous devons évoluer vers une influence politique plus largeet moins cloisonnée, davantage fondée sur le pragmatisme, afin de bâtirun modèle sociétal et managérial vertueux, respectueux des intérêts dechacun des salariés et de toutes les parties prenantes.

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La CFE-CGC Énergies remercie vivement les personnes suivantes pour leur contribution à l’élaboration

de cet ouvrage :

D Ciruela Barreto, rédactrice Livre Blanc (magazine Social CE)

D Mireille Battut, co-pilote et rédactrice Livre Blanc (Secafi)

D Philippe Berthiau, Secrétaire Général Adjoint CFE-CGC Énergies (ERDF)

D Nicolas Blanc, militant CFE-CGC Énergies (GDF Suez SA)

D Rémy Casabielhe, militant CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Xavier Castille, Délégué Fédéral CFE-CGC Énergies (ERDF)

D Jean Cayron, militant CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Stéphane Cherigié, Secrétaire National CFE-CGC Énergies (RTE)

D Laurent Cornibert, militant CFE-CGC Énergies (GRTgaz)

D Francis Delfaud, militant CFE-CGC Énergies (CPCU Cofely)

D Anne-Gaël Erard, co-rédactrice Livre Blanc (Secafi)

D Jean-Pierre Faury, Secrétaire Fédéral CFE-CGC Énergies (GrDF)

D Jean-Marc Francavilla, militant CFE-CGC Énergies (RTE)

D Jean Guéry, militant CFE-CGC Énergies (ERDF)

D Pascal Jacquelin, militant CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Philippe Lazzarotto, Délégué Fédéral CFE-CGC Énergies (GDF Suez SA)

D Frédéric Letty, Secrétaire National CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Hélène Lopez, animatrice et rédactrice Livre Blanc, Secrétaire Fédérale CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Clarisse Louvet, Centre de formation CFE-CGC Énergies (GDF Suez SA)

D Sophie Marinier-Terrade, militante CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Frédérique Montier, Déléguée Fédérale CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Carine Radian, pilote opérationnel et rédactrice Livre Blanc,

Déléguée Fédérale CFE-CGC Énergies (GDF Suez SA)

D Jean-Claude Rouher, co-rédacteur (Secafi)

D Marc Rose, militant CFE-CGC Énergies (EDF SA)

D Christian Taxil, pilote stratégique Livre Blanc, Secrétaire Général CFE-CGC Énergies (EDF SA)

DWilliam Viry-Allemoz, Secrétaire National CFE-CGC Énergies (GDF Suez SA)

D Les militants du Syndicat CFE-CGC des Fonctions centrales d’EDF

D Les militants du Syndicat CFE-CGC de la DPI EDF

D Les militants du Syndicat CFE-CGC IEG des Midi-Pyrénées

… ainsi que les nombreux militants et adhérents qui ont contribué, dans leur syndicat, au travail de

réflexion collective et de partage d’expériences sans lequel ce Livre Blanc n’aurait pas vu le jour.

Conception graphique : Sandrine Autissier - Crédits photos : ©EDF - Lionel Charrier - © Shutterstock (Monkey

Business Images - Goodluz - Hobbit - Cienpies Design - Neyro - Denis Cristo - Vladgrin) ©Gilles Dacquin.

Remerciements

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Durcissement des règles économiques et financièresmondiales, concurrence accrue, passage d’une finalité deservice à la collectivité à une finalité financière, nouvellesformes de rationalisation du travail, réorganisationsincessantes… Depuis les années 1980, la branche des

Industries électriques et gazières (IEG) a connu une véritable révolutioncopernicienne. Chaque salarié a vu son travail bouleversé, tant sur le planopérationnel que fonctionnel : ses conditions de travail se sontdégradées, mais il a également perdu ses repères et il lui est devenudifficile de donner un sens à son activité professionnelle.

Face à cette situation délétère pour tous, nous pensons que le temps estvenu de dresser un état des lieux afin d’imaginer ensemble des solutionspour un management et des organisations du travail respectueux dubien-être de ses salariés. Fidèle à ses convictions, la CFE-CGC Énergiesa conscience de la nécessité de s’adapter aux impératifs du marché,mais pas à n’importe quel prix. Loin d’une posture dogmatique, noussouhaitons apporter des solutions concrètes afin de concilier la perfor-mance économique de l’entreprise et sa performance sociale, car noussommes convaincus que l’une ne marche pas sans l’autre.

Ce Livre Blanc est le fruit d’un minutieux travail de collecte d’expériences,de témoignages et de doléances de salariés des entreprises des IEG.Partant de cette expertise de terrain, plusieurs axes de réflexion se sontimposés à partir desquels nous avons conçu trois grandes « Ambitions » :mettre les salariés au cœur des choix managériaux, promouvoir lareconnaissance professionnelle et promouvoir le bien-vivre au travail.Un projet vaste et audacieux que la CFE-CGC Énergies se doit de porterdans le débat public pour défendre l’avenir des entreprises des IEG etcelui des femmes et des hommes sans lesquels elles n’existeraient pas.

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