Livre Bisson Kallimages
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Maryse Emery Gérard Guégan
Hippolyte BissonCapitaine du Panayoti
Hippolyte BissonCapitaine du Panayoti
Textes et aquarelles de Maryse Emery
Conception et dessins de Gérard Guégan
CO L L E C T I O N BI OG R A P H I A
C’est à Astypalée que périt
l’héroïque Bisson, lieutenant de
vaisseau de la marine française.
Bisson avait été chargé de com-
mander un petit brick enlevé aux
pirates que poursuivait l’escadre
de l’amiral de Rigny. Il fut surpris
sur ce petit bâtiment, et avec six
hommes d’équipage seulement,
dans le port de Maltesana à
Astypalée, par deux trattes (longs
bateaux), montés chacun par une
cinquantaine de pirates. Bisson,
Préface p.
Poursuivi par les Chouans p.
À Guémené sur les rives du Scorff p.
Deux mois sur l’Alerte p.
Novice sur la Vedette p.
De l’Ile-aux-Fleurs aux brumes de Terre-Neuve p.
À la rescousse des esclaves de la Joséphine p.
Promu enseigne de vaisseau p.
La campagne d’Orient sur la Daphné p.
Navarin ou la défaite d’Ibrahim Pacha p.
Le piège de Stampalie p.
La mémoire d’Hippolyte Bisson p.
Hippolyte Magloire Bisson p.
Remerciements et crédits photographiques p.
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Deux mois sur l’Alerte
Après mes études au collège de Vendôme, je m’enga-
geai comme mousse sur l’Alerte. Il me fallait avant
tout rencontrer le capitaine. Ma grand-mère m’accompagna
à Lorient, c’était l’été 1809. Sous une chaleur écrasante, je me
dirigeai vers le port. Au comble de l’excitation et tout à la joie
de me retrouver sur mon premier navire, j’exultai. Quand,
au détour d’une ruelle, la masse sombre du lougre se profila
devant moi, soudain tout me sembla hostile, je sentis peu à
peu l’angoisse monter… J’en avais rêvé, mais une grande
tristesse m’envahit alors que j’enjambai la passerelle, ultime
attache avec la terre ferme, dernier lien avec le monde connu.
C’était la promesse d’un ailleurs en même temps qu’une
le choisit comme aide de camp. Cela ne dura pas long-
temps car son successeur, le fameux du Bouchage dont
il a déjà été question, l’envoya comme capitaine de vaisseau
aux Antilles d’où il fut rappelé en 1817 pour combattre les
pirates qui sévissaient dans la mer Egée. Il fallait pour cela
un homme habile, capable de rétablir l’ordre. C’est pourquoi
on lui confi a, dès 1822, le commandement des forces nava-
les du Levant. Le 20 octobre 1827, il se distingua lors des
affrontements qui eurent lieu dans la baie de Navarin, au sud
du Péloponnèse.
Je me trouvai donc dans son escadre au Levant, affecté
à la protection du commerce, depuis le printemps de cette
même année. L’été sous l’autorité de cet homme s’était par-
faitement passé et j’étais heureux d’avoir eu l’occasion de
le côtoyer. Peu de temps après le mémorable fait de guerre
d’octobre 1827, nous nous sommes retrouvés au carré des
offi ciers sur le vaisseau amiral et le comte de Rigny se mit à
évoquer ses souvenirs de bataille :
« Ibrahim avait investi Navarin. Toute la Grèce était
envahie. Athènes fut prise au début de l’été 1827. Il était
temps que les forces étrangères viennent porter main forte
aux Grecs. Les Turcs, de leur côté, avaient fait appel aux
Égyptiens et leur fl otte était déjà postée dans la baie de
Navarin. Elle comptait soixante-deux navires et plus de deux
mille canons.
« Le traité de Londres signé le 6 juillet 1827 par la
France, la Grande-Bretagne et la Russie voulait imposer une
cessation des hostilités entre les Grecs et les Turcs, tout en
il régnait encore une étrange confusion, les bateaux n’en
finissaient pas de se mettre en place, on aurait dit un long
protocole où chacun observait l’autre avec circonspection.
Les machines de guerre, en rang, semblaient prêtes à servir
un combat sans relâche et la moindre manœuvre suspecte eût
pu provoquer le branle-bas immédiat. L’heure était grave :
quelque chose de définitif allait se jouer dont personne ne
connaissait l’issue. Le rideau, tout doucement, s’ouvrait…
Devant cette immense démonstration de force, des images
incongrues me venaient en tête : je pensais à la fébrilité pré-
cédant les combats de gladiateurs – en moins bruyant : sur
l’eau, tout paraissait plus feutré, presque solennel.
« Je ne voyais toujours pas le déploiement turco-égyp-
tien, dit Rigny, j’ignorai encore leur nombre à cet instant-là.
Il le valait mieux, car cela eût freiné mon ardeur à me lancer
dans la bataille. Ce n’est qu’en entrant dans cet étrange ballet
que j’aperçus, enfin, la flottille turque disposée sur trois ran-
gées. Ils avaient formé une ligne d’embossage en fer à cheval
sur le contour de la baie. Je me rendis compte, à ce moment-
là, qu’ils étaient venus en renfort, bien supérieurs en nom-
bre aux pauvres flottes de nos trois pays réunis. Je cédai au
découragement mais, en vieux militaire que j’étais, ceci dura,
à peine une minute, je me repris très vite : on m’avait confié
une mission, je devais la mener à bien, me battre jusqu’à mes
dernières forces, au péril de ma vie – et ne jamais flancher.
J’allai me mettre en place et, passant devant l’Azof, le vaisseau
russe, je reconnus le contre amiral Heyden que j’avais déjà eu
l’occasion de croiser. Lui aussi était à son poste d’observa-
tion. Nous échangeâmes un signe de reconnaissance.
« Quand le soleil arriva à son zénith, on fit les signaux
de préparation : toutes les forces se postèrent pour la bataille.
Le vaisseau amiral anglais se mit en tête avec Codrington à
son bord, les autres bâtiments de cette nation suivirent, je
me rangeai à leur arrière, suivi des navires battant pavillon
français, les Russes menés par Heyden fermaient le cortège.
Les Turcs jubilaient sans doute de nous voir arriver en si petit
nombre pour représenter trois « grandes nations », alors qu’à
eux seuls ils remplissaient quasiment la rade. Notre vaisseau
s’avançait et, tout à coup, il se trouva vergue à vergue avec
la frégate égyptienne, l’Esnina. Que faire ? La situation était
délicate. Le moindre incident pouvait mettre le feu aux pou-
dres. Je me saisis immédiatement du porte-voix et hélai le
commandant de l’ Esnina :
« Si vous ne tirez pas, nous ferons de même ! »
À l’instant où je prononçai ces paroles, deux coups de
canon partirent des bâtiments qui étaient dans la poupe de
mon navire, tuant un de mes hommes. Les hostilités étaient
ouvertes. Et, c’est grâce à la discipline conjuguée de nos trois
forces, conclut fi èrement Rigny, que nous avons réussi à venir
à bout de l’impressionnante fl otte turco-égyptienne. Voici
comment :
« Le combat faisait rage, les canons grondaient : leurs
boulets transperçaient les coques et les voilures. Des salves se
répondaient de toutes parts dans un vacarme assourdissant.
Au bout d’une heure, sur la plupart des bâtiments moins
protégés, les mâtures n’étaient qu’un lointain souvenir. Les
La bataille de Navarin, 20 octobre 1827
du monde. J’eus même le temps de griffonner quel-
ques mots à ma bien aimée qui m’attendait là-bas à
la pointe de l’Europe, là où, déjà, l’on devait
se préparer à affronter un hiver qui s’an-
nonçait rude. Cette « fi n de terre » que
j’aimais tant, que je reverrais bien
vite, et Mademoiselle de Kernevé
serait là. Elle serait heureuse pour
moi quand je lui raconterais cette
nouvelle mission confi ée par le
« Grand » Rigny, car je lui avais sou-
vent parlé de lui. Peut-être pourrions-
nous nous marier à mon retour. Peut-
être aurais-je une permission assez longue
qui me le permettrait… mais je n’en parlai pas
sur la lettre. Car les aléas de la vie militaire obligeaient à
rester prudent, à ne faire aucune promesse que je ne
pourrais tenir.
Je parlai beaucoup aussi avec le pilote Trémintin que très
vite j’appréciai et que je tenais en haute estime. Il était
tel que l’on me l’avait décrit : un homme d’une
droiture à toute épreuve. Nous étions donc
embarqués depuis une petite semaine :
bon vent, mer bonne… tout se pas-
sait pour le mieux. Lorsque, dans la
journée du 3 novembre, je vis le ciel
s’assombrir de manière inhabituelle
pour le secteur. Mauvais présage.
Une tempête des plus menaçantes
semblait se préparer. Je fi s part de mon
inquiétude à Trémintin ; lui aussi, avait eu
cette étrange impression. Nous envisageâ-
mes même de rebrousser chemin, de gagner une
crique pour nous mettre à l’abri, mais sachant que les îles
étaient infestées de pirates, et du fait que nous étions
en remorque, nous dûmes continuer.
ques mots à ma bien aimée qui m’attendait là-bas à
la pointe de l’Europe, là où, déjà, l’on devait
se préparer à affronter un hiver qui s’an-
nonçait rude. Cette « fi n de terre » que
j’aimais tant, que je reverrais bien
vent parlé de lui. Peut-être pourrions-
nous nous marier à mon retour. Peut-
être aurais-je une permission assez longue
qui me le permettrait… mais je n’en parlai pas
sur la lettre. Car les aléas de la vie militaire obligeaient à
vite j’appréciai et que je tenais en haute estime. Il était
tel que l’on me l’avait décrit : un homme d’une
droiture à toute épreuve. Nous étions donc
embarqués depuis une petite semaine :
bon vent, mer bonne… tout se pas-
sait pour le mieux. Lorsque, dans la
Une tempête des plus menaçantes
semblait se préparer. Je fi s part de mon
inquiétude à Trémintin ; lui aussi, avait eu
cette étrange impression. Nous envisageâ-
mes même de rebrousser chemin, de gagner une
crique pour nous mettre à l’abri, mais sachant que les îles Yves Trémintin
François Nouviaire, 1828.
La mémoire d’Hippolyte Bisson
venir en aide aux opprimés. Mieux que personne, Bisson
incarna le Romantisme. Sa renommée dépassa même les
frontières puisque, Adalbert von Chamisso, l’un des chefs
de file du mouvement romantique qui connut son expres-
sion la plus aboutie au-delà du Rhin, lui rendit un vibrant
hommage dès 1828 avec son poème : Bisson vor Stampalin. La
France lui témoigna sa reconnaissance car il symbolisa la plus
haute conception de l’honneur et du devoir militaire, et déjà
Charles X ordonna que son nom soit en tête des officiers
de son grade avec une annotation spéciale : « Maintenu par
ordre du Roi en mémoire de son dévouement héroïque ».
Dès 1828, la ville de Lorient, d’où il embarqua, commanda
au sculpteur Jacques-Édouard Gatteaux d’ériger une statue
en bronze de Bisson, debout, boutefeu à la main, quelques
Si l’on fut quelquefois tenté de qualifier de suicide l’acte
de Bisson, comme le fit un député de la Chambre quelques
mois après sa mort, il faut aussi se replacer dans le contexte
de l’époque, dans la pensée d’un serviteur de l’État et se
demander comment les habitants des îles grecques qu’il avait
pour mission de protéger auraient réagi s’ils avaient entendu
ce député. Peut-être faut-il aussi s’interroger sur ce que cache
le léger ricanement qu’inspire un acte de bravoure ?
Après sa mort, l’héroïsme d’Hippolyte Bisson se per-
pétua à travers de nombreux hommages. Des témoignages
écrits rappelèrent le souvenir de son tragique exploit, son-
nets, cantates, autant d’éloges à la gloire de ce Breton mort
pour la France, ou plutôt que la France avait dépêché pour
Cénotaphe élevé à la mémoire d’Hippolyte Bisson en 1862
Paris
Louis Brossard
Notaire de Coët-Codu
Renée
Anne Brossard
Jacques Bruno de Rémond Duchélas
21 février 1729 – 10 janvier 1769Épouse Anne Brossard à Guémené,
le 13 juillet 1758
Pierre-Jacques de Rémond Duchélas
dit “La couronne”16 mai 1759 – 8 septembre 1826Offi cier Chouan, Major-Général
de l’Ouest MorbihanMaire de Langoëlan de 1810 à 1826
Anne-Jacquette de Rémond Duchélas
Épouse à Langoëlan, le 11 août 1788
Jacques Quetier de Saint-Éloy
Marie-Anne Duchélas
1769 – 3 février 1796
Constance de Berthou
1759 – 11 janvier 1825Épouse Pierre-Jacques
Duchélasle 1er septembre
1788 à Langoëlan
Auguste de Rémond Duchélas
Futur Secrétaire général
Hyppolite Bisson3 février 1796 – 5 novembre 1827
Sophie de Rémond Duchélas
Épouse à Langoëlan le 5 novembre 1810Émmanuel Dérédec,
futur Présient duTribunal de Commerce
de Quimper
Pierre de Rémond Duchélas
Lieutenant
3 février 1796 – 5 novembre 1827
Marie-Antoinette Benigne-Thanaïs
Antoine Barbe Pontois
Magloire-Laurent Bisson1757 – 1824
Né à Agon - MancheNégociant à Lorient
Il épouse Marie-Anne Brossardle 27 avril 1795 à Langoëlan
Il se fi ance à Guémené au printemps 1827 avec
Melle Léocadie Modille de
Marie-Antoinette Benigne-Thanaïs
Hippolyte Bisson se préparant à faire sauter le Panayoti.
Louise Rang-Babut, 1837.
Hippolyte Bisson, né à Guémené sur les rives du Scorff en février 1796, s’engagea dès son plus jeune âge comme mousse puis novice dans les convois côtiers de Bretagne. Il continua ensuite son apprentissage à bord du Tourville, navire-école amarré en rade de Brest. Après plusieurs campagnes dans les océans Atlantique et Indien, il fut rapidement promu au grade d’enseigne de vaisseau avant d’accomplir des missions en mer Égée et dans le Levant.
En 1827, la France décida d’envoyer une escadre en Méditerranée afin de pourchasser les pirates qui, à la recherche de proies faciles, mettaient à mal toute espèce de commerce et terrorisaient les populations dans la plus parfaite impunité. Le 5 novembre, l’île d’Astipaléa fut le théâtre d’un geste historique dans la grande tradition maritime : Hippolyte Bisson allait incarner la forme à la fois la plus extrême et la plus controversée de l’héroïsme, celle qui consiste à donner sa vie pour la cause que l’on
Maryse Emery, docteur en histoire de l’Art, est née à Collorec (Finistère). Gérard Guégan, dessinateur, est originaire de Guémené-sur-Scorff (Morbihan).
CO L L E C T I O N BI O G R A P H I A
Couverture :Hippolyte Bisson se préparant à faire sauter le Panayoti.9 782915 936056
25€