L'isolation thermique écologique

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La résistance thermique : R Plus l’épaisseur « e » d’un matériau est importante, plus le flux de chaleur qui cherche à le traverser rencontre de résistance. Cette résistance se calcule par l’opération : R = e/λ. Plus R est grand, plus le matériau est isolant. e est exprimé en mètre, R en mètre carré kelvin par watt (m 2 K/W). En pratique, on utilise : – le coefficient λ pour exprimer la performance d’un matériau pris en tant que matière (tel type de laine de verre, de feutre de bois…) ; – la valeur R pour les matériaux pris en tant que produits (le rouleau de laine de verre de marque X et de Y centimètres d’épaisseur, telle brique de terre cuite 14 …). Mais il faut relativiser cette valeur R donnée pour un produit car une mise en œuvre inadaptée ou un vieillissement prématuré peut la faire chuter. Nous verrons par exemple plus loin qu’avec les ponts thermiques induits par le type de mise en œuvre, cette valeur R peut être divisée par plus de 2 (voir tableaux p. 38 et 39) et qu’avec une mauvaise étanchéité à l’air, elle peut l’être par près de 5 (voir p. 39). De fait, la valeur R d’un produit n’informe que sur la contribution potentielle maximale de ce produit (et très rarement atteinte) à la résistance thermique de la paroi. 26 LES PRINCIPES D’UNE BONNE ISOLATION Résistance thermique. Un matériau d’épaisseur « e » et de conductivité thermique « λ » oppose au passage de la chaleur une résistance thermique R avec R = e/λ. 14. Pour les matériaux discontinus (brique alvéo- laire, parpaing de ciment…) on trouve également l’appellation « lambda équivalent » (λeq.) qui est le lambda moyen de la brique, du parpaing… Définition Le terme isolant thermique est souvent utilisé de façon générique. Mais une définition en est proposée par la norme NFP 75-101 : « Est appelé isolant thermi- que un matériau dont la résistance R est supérieure ou égale à 0,5 m 2 K/W et le lambda inférieur ou égal à 0,065 W/mK. » T° ext. T° int.. Local chauffé Extérieur ou local moins chauffé Coefficient de conductivité thermique (λ) de quelques matériaux On réalise entre autres qu’en étant 9 500 fois plus conducteurs qu’un isolant stan- dard, des fils de cuivre d’une surface cumulée de 1 cm 2 traversant un isolant laissent passer autant de calories que 9 500 cm 2 soit près de 1 m 2 d’isolant.Voilà pourquoi il faut faire le maximum pour éviter toute traversée d’isolant, limiter l’emploi de canalisations, ossatures ou visseries métalliques… (voir paragraphe sur les ponts thermiques p. 36 et suiv.). Matière λ Cuivre 380,000 W/mK Acier doux 52,000 W/mK Béton 1,500 W/mK Verre 1,150 W/mK Eau 0,600 W/mK Sapin 0,120 W/mK Isolant courant 0,040 W/mK Air sec immobile 0,024 W/mK Isolants sous vide 0,008 W/mK

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L'isolation thermique écologiqueConception, matériaux, mise en oeuvre - Neuf et réhabilitation.Un livre "référence" pour particulier et professionnelL'outil indispensable pour isoler sa maison avec des matériaux respectueux de notre santé et de l'environnement. Destiné aussi bien aux particuliers qu'aux professionnels, ce guide pratique est un investissement prioritaire.

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La résistance thermique : RPlus l’épaisseur « e » d’un matériau est importante, plus le flux de chaleur quicherche à le traverser rencontre de résistance. Cette résistance se calcule parl’opération : R = e/λ.Plus R est grand, plus le matériau est isolant.e est exprimé en mètre, R en mètre carré kelvin par watt (m2K/W).

En pratique, on utilise :– le coefficient λ pour exprimer la performance d’un matériau pris en tantque matière (tel type de laine de verre, de feutre de bois…) ;– la valeur R pour les matériaux pris en tant que produits (le rouleau de lainede verre de marque X et de Y centimètres d’épaisseur, telle brique de terrecuite14…).

Mais il faut relativiser cette valeur R donnée pour un produit car une mise enœuvre inadaptée ou un vieillissement prématuré peut la faire chuter. Nousverrons par exemple plus loin qu’avec les ponts thermiques induits par letype de mise en œuvre, cette valeur R peut être divisée par plus de 2 (voirtableaux p. 38 et 39) et qu’avec une mauvaise étanchéité à l’air, elle peut l’êtrepar près de 5 (voir p. 39). De fait, la valeur R d’un produit n’informe que sur lacontribution potentielle maximale de ce produit (et très rarement atteinte) àla résistance thermique de la paroi.

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LES PRINCIPES D’UNE BONNE ISOLATION

Résistance thermique.Un matériau d’épaisseur « e » et deconductivité thermique « λ » oppose aupassage de la chaleur une résistancethermique R avec R = e/λ.

14. Pour les matériaux discontinus (brique alvéo-laire, parpaing de ciment…) on trouve égalementl’appellation « lambda équivalent » (λeq.) qui estle lambda moyen de la brique, du parpaing…

Définition

Le terme isolant thermique est souvent utilisé de façon générique. Mais unedéfinition en est proposée par la norme NFP 75-101 : « Est appelé isolant thermi-que un matériau dont la résistance R est supérieure ou égale à 0,5 m2K/W et lelambda inférieur ou égal à 0,065 W/mK. »

T° ext. T° int..

Local chaufféExtérieur ou localmoins chauffé

Coefficient de conductivité thermique (λλ)de quelques matériaux

On réalise entre autres qu’en étant 9 500 fois plus conducteurs qu’un isolant stan-dard, des fils de cuivre d’une surface cumulée de 1 cm2 traversant un isolant laissentpasser autant de calories que 9 500 cm2 soit près de 1 m2 d’isolant.Voilà pourquoiil faut faire le maximum pour éviter toute traversée d’isolant, limiter l’emploi decanalisations, ossatures ou visseries métalliques… (voir paragraphe sur les pontsthermiques p. 36 et suiv.).

Matière λCuivre 380,000 W/mKAcier doux 52,000 W/mKBéton 1,500 W/mKVerre 1,150 W/mKEau 0,600 W/mKSapin 0,120 W/mKIsolant courant ≈ 0,040 W/mKAir sec immobile 0,024 W/mKIsolants sous vide ≈ 0,008 W/mK

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Ce tableau montre que :– pour un même isolant, contribution au déphasage et amortissement n’augmentent pas pro-portionnellement à l’épaisseur ou à la résistance thermique ;– un isolant dense et à chaleur spécifique élevée permet d’augmenter fortement le déphasageet l’amortissement67 ;– un parement intérieur à inertie (par exemple 5 cm de béton) n’améliore qu’insuffisammentl’amortissement et le déphasage, le principal de l’effet restant dû à la densité de l’isolant.Il faut également noter :– qu’aussitôt que l’étanchéité à l’air n’est plus effective devant l’isolant, cette capacité à dépha-ser et à atténuer le flux de chaleur n’existe plus, particulièrement avec les isolants à faible den-sité ;– que pour être probant, un calcul de déphasage et d’amortissement doit se faire sur uneparoi complète (l’orientation joue, ainsi que le type et l’épaisseur des parements…).

➤ Déphasage et amortissement du flux de chaleur sontquantifiés dans les fiches « mur » et « toiture » du chapitre 3.

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QU’EST-CE QU’UNE ISOLATION ÉCOLOGIQUE ?

66. Calcul réalisé par Bruno Jarno/Arcanned’après la méthode matricielle (norme NF EN ISO13786) pour un flux de chaleur d’été moyen (souscouverture : température extérieure minimale :15 °C, température extérieure maximale : 55 °C).Pour le parement béton : densité de 2 300 kg/m3

et chaleur spécifique de 1 000 J/kg.K.67. La forte capacité thermique des matériauxprésente également des vertus capitales en casd’incendie (voir p. 78).

Isolation seule Isolation + parement lourd (équivalent à 5 cm béton)

Matériau R Amortissement Déphasage R Amortissement Déphasage (densité / conductivité / chaleur spécifique ) (m2K/W) (%) (heure) (m2K/W) (%) (heure)10 cm de laine minérale 3 99,8 0,34 3,02 75,3 3,17(25 kg/m3 / 0,036 W/mK / 935 J/kgK)20 cm de laine minérale 5,85 97,8 1,29 5,88 72,9 4,14(25 kg/m3 / 0,036 W/mK / 935 J/kgK)30 cm de laine minérale 8,71 90,2 2,76 8,73 67 5,62(25 kg/m3 / 0,036 W/mK / 935 J/kgK)30 cm de fibre de bois souple 7,64 53,5 7,06 7,66 39,6 9,85(40 kg/m3 / 0,04 W/mK / 2 050 J/kgK)30 cm de fibres de bois haute densité 7,64 13,4 14,44 7,66 9,9 17,16(120 kg/m3 / 0,04 W/mK / 2 050 J/kgK)Contribution de diverses isolations au déphasage et à l’atténuation des flux de chaleur66.

Contre toutes les nuisances (humidité,surchauffes…), il est toujours plus efficaced’intervenir en amont. Ici, la végétalisationdes toitures est un excellent moyend’annuler l’effet capteur des couvertures(voir fiche T08, p. 224).Architecte F. Nicolas.Photo J.-P. Oliva.

Plafond en carreaux de terre cuite dits« parefeuilles » sous isolant en chènevotte(conception J.-P. Oliva).On peut renforcer la capacité thermique dela toiture avec le choix d’un parementintérieur lourd, mais cela ne suffirait pas avecun isolant trop léger. Photo J.-P. Oliva.

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Les fibres de bois

Les fibres fines de bois sont obtenues pardéfibrage de chutes de bois résineux.Elles peuvent être utilisées à ce stade envrac mais sont le plus souvent transfor-mées sous forme de panneaux. Pour cefaire, une pâte épaisse est formée paradjonction d’eau, puis, après ajout d’adju-vants, coulée, laminée et séchée entre120 et 200 °C.Un autre procédé, mais à haute tempéra-ture, permet de n’utiliser que très peud’adjuvant, voire aucun, la lignine du boisétant le principal agglomérant.Pour les produits les moins denses sou-vent nommés « laines de bois14 », ilexiste un procédé de façonnage à sec,mais qui, lui, réclame plus d’adjuvants.

Présentations / Domaines d’utilisationLes fibres de bois en vracLes fibres sont traitées avec du sulfated’ammonium et du sel de bore. Elles semettent en œuvre manuellement pourdes remplissages ponctuels, mais plusgénéralement par insufflation. Les carac-téristiques et méthodes de pose sonttrès proches de celles de la ouate de cel-lulose (voir p. 121).

Les panneaux de fibresLes panneaux isolants à base de fibres debois se trouvent sous de nombreusesprésentations pour répondre à des fonc-tions multiples.

• Panneaux semi-rigides de fibres de boisà faible densité (≈ 40 kg/m3). Servant àl’isolation entre ossatures (fiches M08,M. 12, T05…), ils sont parfois utilisés encomposition avec d’autres matières, parexemple chanvre/bois/textiles.• Panneaux rigides de moyenne densité(≈ 60 à 120 kg/m3) pour remplissageentre ossatures, mais également pourcouches d’isolation thermique et/ou pho-niques contre les bruits d’impact souschapes ou planchers (fiche P02).• Panneaux haute densité, supports d’en-duits, de chapes ou de toiture. Ces pan-neaux sont souvent composites avec encouche externe un panneau pare-pluie*hydrophobe collé (fiches M04, T04…).D’autres panneaux composites compor-tent des couches de compressibilitédécroissante pour pouvoir s’adapter auxsupports irréguliers (voir p. 142 et 151).

• Parallèlement à ces produits isolants, denombreux panneaux « techniques » exis-tent tel les pare-pluie* pour sous-toituresou murs à ossature bois. D’une épaisseur

de 18 à 30 mm, ces panneaux semi-iso-lants, très perspirants, sont rendus hydro-phobes par des adjonctions de bitume,de paraffine ou de latex. Généralementbouvetés*, ils assurent l’étanchéité à l’aircôté extérieur (fiches M05,T03…).

• Enfin, d’autres fibres de bois plus oumoins rigides entrent en association avecdes éléments structurels pour en atténuerles ponts thermiques (fiche T03) ou pho-niques, voire les supprimer.

Principales caractéristiquesVoir tableau ci-dessous.• Difficilement inflammable (M2 à M4,Euroclasse E). Ne propagent pas laflamme, transmettent peu la chaleur (voirp. 78), n’émettent pas de gaz toxiquesspécifiques, sauf les produits adjuvantés

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LES MATÉRIAUX D’ISOLATION RAPPORTÉE

14. Selon les normes en vigueur (EN 13168 et EN13171) et contrairement aux appellations usuelles,le terme « laine de bois » devrait être réservé auxpanneaux que nous nommons « fibragglos ».

À gauche Fibres de bois en vrac.Photo J.-P. Oliva.Au milieu Panneau de fibres de bois.Doc. Steiko.À droite Panneaux de fibres de bois (sarking*).Doc. Gutex.

Produit Fibre de bois Panneau Panneau rigide Panneau rigide-en vrac semi-rigide moyenne forte densité

faible densité densitéDensité (ρ) en kg/m3 38 à 45 35 à 50 60 à 120 140 à 280Conductivité thermique 0,038 à 0,042 0,038 à 0,042 0,038 à 0,042 0,038 à 0,055(λ) en W/mKChaleur spécifique 1 600 à 1 600 à 1 600 à 1 600 à(c) en J/kg.K 2 300 2 300 2 300 2 300Résistance à la diffusion 1 à 2 1 à 2 3 à 5 3 à 5de vapeur d’eau (µ)Bilan par UF avec ρ = 40*-80**-160*** kg/m3 ; λ = 0,04 W/mKBilan CO2 en kg CO2eq (1) – 1,46* – 9,58** – 18,56***Énergie grise en kWh (1) 43* 61** 122***

(1) La fibre de bois en vrac n’étant pas renseignée dans la base de données de référence, nous pouvonsjuste extrapoler un meilleur bilan que les panneaux semi-rigides.

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au bitume. Doivent être revêtus de pare-ments incombustibles.• Comportement à l’humidité : ouverts àla vapeur d’eau et bons régulateurshygroscopiques. Putrescibles en cas d’hu-midité persistante.• Non consommables par les rongeurs,difficilement dégradables si moyennes oufortes densités.• Bonne stabilité dans le temps, y comprissous charges si la densité est adaptée.• Bonne contribution au confort d’été.• Bonnes performances phoniquescontre les bruits aériens et/ou les bruitsd’impact selon la densité.

Impact sur l’environnement• Bilan carbone de bon à excellent. éner-gie grise corrélée principalement à ladensité des produits : de moyenne à trèsélevée.• Matière première renouvelable, valori-sant de plus des coproduits. La ressourceest largement excédentaire, même silocalement une concurrence peut s’ins-taller avec le bois-énergie* (granules ouplaquettes).• Pollutions principales : essentiellementcelles des liants et adjuvants quand il y ena : bitume surtout, mais aussi fibres detexturation (polyesters…). Plusieursfabricants substituent peu à peu à cesproduits des adjuvants moins polluants(polyoléfines, paraffine…), voire naturelset biodégradables (fécule, amidon…).• Réutilisable en fin de vie selon le typede pose. Sinon, valorisation en humus.Pour les présentations bitumées, dont lerecyclage est difficile, la valorisation enénergie semble aujourd’hui la seule voie.

Impact sur la santéPrécautions à prendre en phase chantier,particulièrement pour les mises enœuvre en vrac et lors de la coupe despanneaux. Pas de nuisances connuesexcepté les gaz dégagés en cas d’incen-die, particulièrement par les produitsbitumés. Ceux-ci sont de toute façon àexclure à l’intérieur.

AppréciationSi dans les matériaux « puits de car-bone », les isolants en fibres de bois ontdes concurrents dans leur présentation àfaible densité, ils sont quasi incontourna-bles dans les produits plus techniques(panneaux supports d’enduits, panneauxpare-pluie*, compléments d’élémentsstructurels préfabriqués...). Ces matériauxdenses nécessitant beaucoup d’énergie àla production, les fabricants travaillent à lamise au point de matériaux de plus enplus légers pour un emploi donné. C’estpar exemple le cas pour les toitures avecde nouveaux panneaux faible densité uti-lisables en pose sarking* (voir fiche T04).

Principaux fabricants www.isonat.com (Buitex®)www.sotextho.com (Fibris®)www.gutex.de/fr (Gutex®)www.homatherm.fr (Homatherm®)www.kronofrance.fr (Kronospan®)www.pavatex.fr (Pavatex®)www.hofatex.eu (Hofatex®)www.steico.de (Steico®)www.unger-diffutherm.com (UngerDiffutherm®)www.unalit.fr (Unalit®)www.lignatur.ch (Lignatur®)www.celit.de (Celit®)

Les fibragglos

Les fibragglos15 sont des panneaux fabri-qués à partir de fines lanières de boisrésineux, minéralisées, puis enrobées,selon les fabrications, de ciment, de chauxhydraulique, de plâtre ou de magnésie.

Présentations / Domaines d’utilisationLes panneaux sont de différentes épais-seurs (de 15 à 100 mm) et leurs facespeuvent recevoir un enduit, ou resterapparentes et surfacées pour offrir uneffet décoratif et acoustique.Vu leur lambda très moyen, les panneauxde fibbraglo ne sont pas considéréscomme de véritables isolants, mais peu-vent apporter des compléments à un sys-tème d’isolation :– en tant que supports d’enduits surmurs à ossature bois (fiches M12 et M14)ou isolations par l’extérieur (fiche M05).Dans cet usage, les panneaux doiventêtre d’une épaisseur minimale de 25 mmet issus d’une fabrication spéciale, préala-blement séchés en usine pour éviter toutretrait ;– comme fonds de coffrages en sous-faces de dalles ou en parements inté-rieurs. Le fibragglo est alors destiné à res-ter apparent, principalement pour sesqualités acoustiques.

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LES ISOLANTS VÉGÉTAUX

15. Dont la dénomination officielle (ou plutôt nor-malisée) est « laine de bois », voir note p. 106.

À gauche Caissons porteurs remplis de fibresde bois. Doc. Lignatur.À droite Panneaux pare-pluie. Doc. Pavatex.

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Le chanvre

Le chanvre (Cannabis sativa), planteannuelle cultivée chez nous depuis lesCeltes, donne deux types de fibres : lon-gues pour les tissus, les cordages, la pape-terie et les isolants en panneaux ou enrouleaux, et courtes, la chènevotte ou« anas de chanvre », longtemps considé-rée comme un sous-produit.Traditionnellement affectée à la litière ani-male pour ses capacités absorbantes ou àla jardinerie pour sa difficile putrescibilité,la chènevotte est utilisée comme isolanten vrac ou granulat pour bétons allégésdepuis les années 1990.

Présentations / Domaines d’utilisationLa chènevotte en vrac• Chènevotte brute : granulat plus oumoins gros (de 5 à 30 mm de long)incluant ou non quelques fibres longues(filasse) pour des remplissages isolants àsec ou des conglomérats humides. (Pources derniers, y compris la fabrication desblocs, voir p. 113.)• Chènevotte enrobée de bitume pourmise à niveau de planchers anciens.• Chènevotte « minéralisée » pour la ren-dre moins sensible à l’humidité, au feu18…• Chènevotte fine (< 8 mm) pourenduits de finition.Les laines de chanvre• Panneaux ou rouleaux d’isolant texturé,à base de fibres longues pour isolationrapportée entre ossatures, éventuelle-

ment en composition avec d’autresmatières : chanvre/lin, chanvre/coton…• Fibres longues, ou filasse, en vrac pourinsufflation, projection ou calfeutrement.• Feutres pour sous-couches phoniques.

Principales caractéristiquesVoir tableau ci-dessous.• Sensible au feu (M2 à M4, Euroclasse E).Chènevotte en vrac et laines doivent êtremises en œuvre avec un parementcoupe-feu. En cas d’incendie, pas de déga-gements de gaz toxiques spécifiques (saufavec les produits utilisant du bitume).• Comportement à l’humidité : matériaurésilient en cas d’humidité accidentelle,mais putrescible en cas d’humidité pro-longée. Perméable à la vapeur d’eau,volant hygroscopique de bon (laine) àtrès bon (chènevotte).• Non consommable par les rongeurs,peu dégradable.• Bonne durabilité et stabilité si la miseen œuvre est adaptée et la densité suffi-sante pour le vrac, fixation mécaniquepour la laine…• Bonne contribution de la chènevotteau confort d’été.• Performances acoustiques intéressantesen tant que « ressort ».

Impact sur l’environnement• Chènevotte : excellent bilan carbone,très faible énergie grise.• Laine : bilan carbone neutre, énergiegrise de faible à moyenne selon la densité.• Matière première renouvelable, et àcourt terme (plante annuelle). La culturedu chanvre est particulièrement écologi-que : pas de désherbants, pas d’intrantschimiques ni de pesticides, très peu debesoins en eau. Cantonnée à quelquesdépartements français il y a 10 ansencore, elle se décentralise et alimentede plus en plus de petites filières locales.• Pollutions principales : essentiellementcelles de la production des fibres de tex-turation, bitume… Des essais pour rem-placer les fibres polyesters des laines pardes colles à base de fécule ou de caséinesont en cours (voir également « Le lin »p. 114).• Gestion en fin de vie : la chènevotte envrac est facilement réutilisable ou recycla-ble en agriculture. Pour les présentationstexturées liées au polyester ou bitumées,si un réemploi n’est pas possible, le recy-clage est difficile. La valorisation en éner-gie semble aujourd’hui la seule voie.

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LES MATÉRIAUX D’ISOLATION RAPPORTÉE

18. Vu le bon comportement de la chènevottebrute et l’absence de comportements améliorésindiquée par les premières études comparatives,nous préférons le produit non traité.

À gauche Chènevotte en vrac. Photo J.-P. Oliva.À droite Pose de panneaux de chanvre. Doc.Thermohanf..Page de droite Coupe de laine de chanvre à lameuleuse. Doc.Technichanvre.

Produit Chènevotte en vrac Laine de chanvre Densité (ρ) en kg/m3 90 à 115 25 à 40Conductivité thermique (λ) en W/mK 0,048 à 0,06 0,039 à 0,042Chaleur spécifique (c) en J/kg.K 1 950 1 300 à 1 700Résistance à la diffusion de vapeur d’eau (µ) 1 à 2 1 à 2Bilan par UF avec ρ = 110*-30** kg/m3 ; λ = 0,05*-0,04** W/mKBilan CO2 en kg CO2eq – 34,38* – 0,78**Énergie grise en kWh 6* 52**Bilans environnementaux établis par analogie avec la paille de céréales, la chènevotte n’étantpas renseignée dans la base de données Baubook.

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Impact sur la santéÀ part les précautions d’usage en phasechantier particulièrement nécessaires vula difficulté de coupe des laines de chan-vre (photo ci-dessus), pas de nuisancesconnues excepté les gaz dégagés par lesproduits bitumés, notamment en cas d’in-cendie.

AppréciationPar la polyvalence des utilisations desproduits qui en sont issus et son excellentbilan environnemental, le chanvre est sansconteste une plante « phare » de l’éco-construction en France. Cependant, lebilan mitigé des produits texturés (pan-neaux, rouleaux…) devrait inciter lemilieu du bâtiment à des conceptionstechniques permettant une utilisationplus générale de la chènevotte, laissantalors à d’autres filières la valorisation de la« fibre noble » (textile, plasturgie…).

Principaux fabricants• www.agrofibre.com (Canahabitat®)• www.bcb-tradical.fr (Chanvribat®)• www.chanvre-mellois.com (Chanvremellios®)• www.chanvre.oxatis.com (LCDA pour « LaChanvrière de l’Aube »)• www.isonat.com (Buitex®, Isonat®,Natisol®)• www.isover.fr (Florapan®)• www.meha.de (Meha®)• www.sotextho.com (FibraNatur®)• www.steico.fr (Canaflex®)• www.thermo-hanf.de (Thermo-Chanvre®)• www.technichanvre.com (Technichanvre®)• www.terrachanvre.com (Terrachanvre)• http ://effireal.ifrance.com (Effiréal®)

Les briques et « bétons » de chanvre

Partant de l’excellent bilan environne-mental du chanvre et de la durabilité deses fibres, la filière a travaillé depuis 20 anssur un nombre important de formula-tions et de mises en œuvre de conglo-mérats isolants (ou « bétons de chan-vre19 »). Aujourd’hui, l’expérience et lesnombreuses recherches scientifiquesaboutissent à une bonne connaissance ducomportement de ces mélanges dont lesplus légers peuvent être considéréscomme des isolants à part entière.

Présentations / Domaines d’utilisationMélanges à base de chènevotte, d’un liant(généralement de la chaux formulée), etd’eau. Le dosage en liant est très variableselon l’usage qui en est fait : blocs préfa-briqués, conglomérat banché* ou projetéà la machine, enduit isolant… (voirtableau ci-dessous et fiche M13).

Principales caractéristiquesVoir tableau ci-dessous.• Comportement au feu : de peu àmoyennement sensible en fonction de laproportion de liant.• Comportement à l’humidité : lors dugâchage, le comportement très hydro-phile de la chènevotte requiert l’emploide liants spécialement formulés. En coursde vie : matériau résilient en cas d’humi-dité accidentelle, mais putrescible en casd’humidité prolongée (d’où la prudencerecommandée pour les utilisations surterre-plein). Perméabilité à la vapeurd’eau de forte à moyenne. Très bonvolant hygrothermique.• Non consommable par les rongeurs, etdifficilement dégradable (milieu renduparticulièrement hostile en présence dechaux).

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LES ISOLANTS VÉGÉTAUX

Au milieu Malaxage du conglomératchènevotte/chaux. Photo S. Courgey.À droite Béton de chanvre banché.Photo S. Courgey.

Produit Brique Mélange Mélange Mélange Mélange Chanvribloc® « Toit » « Mur » « Sol » « Enduit »

Densité (ρ) en kg/m3 300 250 420 500 800Conductivité thermique (λ) 0,06 0,06 0,10 0,10 0,17en W/mKChaleur spécifique (c) 1 700 De 1 500 (mélange « enduit ») à 1 700 en J/kg.K (mélange « toit »)Résistance à la diffusion 4,5 10 à 13 selon densité et humiditéde vapeur d’eau (µ)Bilan CO2 en kg CO2eq 2,70 – 9,00Énergie grise en kWh 79 60

Bilans environnementaux établis d’après la base de données Baubook : chènevotte renseignéepar analogie avec la paille de céréales, liant formulé renseigné par analogie avec le ciment.

19. Les deux auteurs de cet ouvrage furent parmiles tout premiers à s’y engager en 1989.

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Isolation de dalles existantes P06

Pour l’isolation des dalles existantes donnant sur l’extérieur ou sur un espacenon chauffé, le choix sera d’isoler « par-dessous » excepté si les murs dubâtiment sont (et restent) isolés par l’intérieur, et/ou si la face inférieure de ladalle est peu accessible. Les solutions sont alors similaires à celles présentéesen fiche P02 et P03 mais avec une épaisseur d’isolant accrue de l’ordre de25 %, les déperditions étant plus importantes que sur terre-plein.

Exemple de basePose en sous-face de dalle existante d’un complexe isolant constitué de cou-ches de laine isolante croisées.

Caractéristiques thermiques et environnementales

Coef. de déperdition thermique U (W/m2K) / R (m2K/W) 0,19 / 5,32Pertes dues aux ponts thermiques intégrés 11 %Capacité thermique intérieure quotidienne (kWh/m2K) 18 (très forte)Capacité thermique intérieure séquentielle (kWh/m2K) 67 (forte)Épaisseur supplémentaire pour atteindre le niveau « passif » 5 cmBilan « CO2 » du m2 de paroi – 13 kg CO2eqBilan « énergie grise » du m2 de paroi 39 kWh

Mise en œuvre / Points sensibles• En présence de canalisations sous dalle (eaux usées, gaines électriques,VMC*…) la pose de l’isolant doit être ajustée et les joints des traverséescanalisations/plafond doivent assurer une très bonne étanchéité à l’air.• Le panneau de plafond et son éventuelle finition doivent être perspirants :(Sd cumulé ≤ 0,20 m maximum).• La gestion du pourtour de dalle est de première importance car les déper-ditions par le pont thermique dalle/murs deviendront vite majoritaires. Outrel’isolation des hourdis* périphériques (voir photo page suivante, en haut) :– si les murs sont isolés par l’extérieur : descendre en façade l’isolant d’aumoins 70 cm au-dessous du niveau bas de la dalle. Côté intérieur et sur mursde refend*, de 50 cm sous plafond ;– si les murs sont isolés par l’intérieur (cette solution non souhaitable est parfoisla seule possible), on peut réduire les ponts thermiques en isolant les refends*sur une hauteur de 50 cm sous plafond et par une des solutions suivantes :

– bandeau isolant en façade plus isolation des murs sous dalle (schéma 1),– isolation complémentaire du sol par le dessus (même avec une épais-seur réduite) (schéma 2),– enduit isolant en façades (voir fiche M10) plus isolation des murssous dalle (schéma 3) ;

– pour les murs de refend* il est nécessaire de descendre l’isolation de 50cm au-dessous du plafond (schéma 4) ;– si les murs sont à isolation répartie : la situation est proche de celle de l’iso-lation intérieure sauf si à l’origine un isolant conséquent a été placé en nez dedalle, auquel cas aucune correction n’est nécessaire.

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LES PLANCHERS SUR ESPACES NON CHAUFFÉS

1 Sol existant (généralement dalle + chape+ carrelage) (≈ 20 cm)

2 Ossature bois (chevrons* 10 cm x 6 cmcroisés)

3 Rouleau de laine de mouton (2 cm x 10 cm)

4 Panneaux de feutre de bois bouvetés*perspirants (1,8 cm)

4

1

23

1.

2.

4.

3.

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Page 8: L'isolation thermique écologique

LES RAMPANTS* ISOLÉS PAR-DESSUS (avant pose de la couverture)

Isolation entre les éléments T03de charpente

Malgré l’habitude de poser l’isolation après la couverture, ce qui entraînegénéralement l’utilisation de matériaux texturés, l’isolation par le dessus estde loin préférable car elle permet un choix d’isolants beaucoup moins oné-reux et à meilleur bilan environnemental.

Exemple de baseMise en œuvre d’isolant de forte épaisseur entre chevrons* porteurs. Enconstruction neuve ou en réhabilitation si dépose complète des anciens che-vrons*.

Caractéristiques thermiques et environnementales

Coef. de déperdition thermique U (W/m2K) / R (m2K/W) 0,12 / 8,06Pertes dues aux ponts thermiques intégrés 6 %Capacité thermique intérieure quotidienne (kWh/m2K) 15 (forte)Capacité thermique intérieure séquentielle (kWh/m2K) 29 (moyenne)Déphasage (heure) / Atténuation du flux de chaleur (%) 18 h / 9 %Épaisseur supplémentaire pour atteindre le niveau « passif » 9 cmBilan « CO2 » du m2 de paroi – 64 kg CO2eqBilan « énergie grise » du m2 de paroi 150 kWh

Mise en œuvre / Points sensibles• La gestion des hauts de murs doit assurer une continuité de l’isolation avecles panneaux de toiture, sans ponts thermiques et inétanchéités à l’air.• Les panneaux OSB* assurant entre autres l’étanchéité à l’air et la régulationde la vapeur d’eau (Sd ≈ 4 m), leur pose se doit d’être particulièrement ajus-tée (voir encadré p. 45).• La hauteur des poutres en I et la longueur (à la demande) des bottes per-mettent des dimensions entre axes élevées ce qui peut générer une écono-mie d’échelle. Attention néanmoins à ajuster l’épaisseur des panneaux et lasection des lattes au support de couverture.

Impacts sur la santéVoir p. 206.

Bilan écologique / Avis général•Cette solution présente un excellent bilan environnemental pour une forteisolation et un moindre coût financier. On peut encore réduire ce coût d’in-vestissement en fabriquant soi-même les poutres en I et en choisissant unautre plafond (plaque de plâtre, enduit terre ou plâtre sur canisses…).

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LES RAMPANTS ISOLÉS PAR-DESSUS

Les poutres en I peuvent être utilisées enpannes et non en chevrons* rampants. Danscette réhabilitation, l’isolant s’encastre entreles murs existants pour ne pas modifier lavolumétrie d’origine. Photo V. Keller.

1 Couverture en tuile, compris liteaux2 Contre-lattage (4 cm minimum)3 Panneaux pare-pluie* en feutre de bois

(22 mm)4 Botte de paille, fibres perpendiculaires au

flux de chaleur (36 cm)5 Chevron* porteur (poutre en « I » à

âme isolée) (36 cm)6 Panneaux de bois type OSB* (20 mm)7 Panneaux de terre armée + enduits

terre (25 mm +10 mm)

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3

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7

1

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