Lirreductible

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L irréductible Henri MALDINEY L irréductible Pourquoi l article «l » Support de l universel mais gardant trace en lui du mémorial, l apport de sens qu il annonce à l infini d une marche au large est depuis toujours là dans une mémoire achronique. L irréductible est ce qui ne peut être rédui , ce qui ne peut être ramené à autre chose que soi - ni, pa r déconstruction, à des éléments simples. ses consti tuants, ni, par analyse. à des conditions préalables de possibilité ou d existence. Il n y a pas d en deçà à partir d la pensée puisse l atteindre et le concevoir. Il n a de marques qu en lui-même. La tournure négative de son nom ne signifie pas qu il se rapporte à soi en se délimitant par rapport à autre chose et qu il soit déterminé, à la fois, pa r cette limite qui lui serait immanente et par l inquiétude qui le pousserait à l outrepas ser. Il se tient en-deçà aussi bien qu au delà de toutes les déterminités. Il oppose une résistance indifférente et absolue à l opération de pensée qui les traverse et les supprime toutes en les mettant successivement hors-jeu. Son être-ainsi ne dépend d aucun principe ou nécessité logique. Comme l inespérable d Héracli- te,  est incherchable et sans voied accès. Pourtant, n est-il pas le but ou plutôt l attrait de cette course-poursuite d toute recherche dite méthodique tire son nom? Methodos est composé de «odos» : chemin, et de «meta» : «à la suite de»... Le Discours de la méthode est l exposé d une telle poursuite, qu e Descartes explicitera dans les deux premières Médita- tions dont l allure et le cours sont précisément ceux d une réduction. L irréduc tible se découvre à l extrémité du chemin du doute, dont  est aussi le commen cement. La pensée se heurte à sa libre épok è à la mise en suspens de tout l étant, dans laquelle elle se trouve suspendue en elle-même à elle-même. L épokhè husserlienne, elle, ne porte pa s seulement sur l ensemble de l étant, mais à la fois su r l étant et sur l inétant. Elle suspend toute thèse, affir mative ou négative du monde. Ce qui ne se laisse pas résoudre, et contre quoi se brisent toutes les tentatives de réduction, n est pa s quelque chose qui puisse être inventé, déduit ou dérivé. C est quelque chose qui est trouvé Comme «l objet transitionnel» dont D.W. Winnicott a reconnu le rôle décisif dans l apprentissa ge du réel par l enfant, à l âge où celui-ci n est encore proprement ni chez soi ni

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L irréductible

Henri MALDINEY

L irréductible Pourquoi l article «l »

Support de l universel mais gardant trace

en

lui du mémorial,

l apport

de

sens qu il annonce

à

l infini

d une

marche au large est depuis toujours là dans

une mémoire achronique.

L irréductible est ce qui ne peut être réduit, ce qui ne peut être ramené

à

autre chose que soi - ni, pa r déconstruction, à des

éléments

simples. ses consti

tuants, ni, par analyse. à des conditions préalables de possibilité ou

d existence.

Il

n y

a pas

d en deçà

à partir d où la pensée puisse l atteindre et le concevoir. Il

n a de marques qu en lui-même.

La tournure négative de son nom ne signifie pas

qu il

se rapporte à soi en se

délimitant par rapport à autre chose et qu il soit déterminé, à la fois, pa r cette

limite qui lui serait

immanente

et par l inquiétude qui le pousserait à l outrepas

ser. Il se tient en-deçà aussi bien

qu au delà

de toutes les déterminités. Il oppose

une résistance indifférente et absolue

à

l opération de pensée qui les traverse et

les supprime toutes en les mettant successivement hors-jeu. Son être-ainsi ne

dépend

d aucun

principe ou nécessité logique. Comme l inespérable d Héracli-

te,

 

est incherchable et sans voie d accès.

Pourtant, n est-i l pas le but ou plutôt l attrait de cette course-poursuite d où

toute recherche dite méthodique tire son

nom?

Methodos est composé de «odos» :

chemin, et de «meta» : «à la suite de»... Le

Discours de la méthode

est

l exposé

d une telle poursuite,

qu e

Descartes explicitera dans les deux premières

Médita-

tions

dont l allure et le cours sont précisément

ceux d une

réduction. L irréduc

tible se découvre

à

l extrémité du chemin du doute,

dont

  est aussi le commen

cement. La pensée se heurte

à

sa

libre

épok è

à

la mise en suspens de tout

l étant, dans laquelle elle

se trouve suspendue

en

elle-même à elle-même.

L épokhè husserlienne, elle, ne porte

pa s

seulement sur

l ensemble

de

l étant, mais à la fois sur l étant et sur l inétant. Elle suspend toute thèse, affir

mative ou négative du monde. Ce qui ne se laisse pas résoudre, et contre quoi se

brisent toutes les tentatives de réduction, n est

pa s

quelque chose qui puisse être

inventé, déduit ou dérivé. C est quelque chose qui est

trouvé Comme «l objet

transitionnel» dont D.W. Winnicott a reconnu le rôle décisif dans l apprentissa

ge du réel par l enfant,

à

l âge

où celui-ci n est encore proprement ni chez soi ni

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HENRI MALDINEY

au monde.

L objet

transitionnel (ours en peluche, coin de couverture; pouce

sucé, etc.) n est pas seulement un refuge pour enfant perdu;   est un pointde

passage obligé pour l apprentissage du

monde

et de soi-même. Il occupe, dit

Winnicott. une

place dans

le temps et

l espace,

là où la mère se trouve elle

même entre deux

états:

confondue avec l enfant (dans l esprit de celui-ci),

séparée de lui comme objet perçu. Il fonctionne dans «cette zone intermédiaire»

qui se situe

entre

la vitali té psychique interne et le monde extérieur,

t.el

qu il est

perçu

par

deux personnes en

commun , Ce

«entre» est de liaison et d écart.

«L utilisation de

l objet

transitionnel symbolise l union de deux choses séparées

(l enfant et la mère) en ce point du temps et de l espace où s inaugure leur sépara

. . '

tion»>.

Or la doctrine husserlienne porte sur ces

deux

types de réalité. Elle est expo

sée pour la première fois dans les «Cinq

Leçons»

de 1907.:

«Die l der

  ii-

nomenologie»> Husserl y es t

à la recherche, en référence à Kant, d une «véri-

table phénoménologie de la connaissance et d abord, référence à Descartes,

de la cogitatio La tâche d une telle critique estdeéclairer l essence de la

connaissance et de l objectivité visée en

elle--.

Pour

rnenre à nu le dimension

nel de la connaissance,   n y a

qu une

voie: l épurer, par réductions, de tout ce

que, par elle-même,

elle n est

pas.

Cette «réduction

théorique» ne peut être

qu une réduction phénoménologique laissant à découvert, l essence de la

connaissance. Elle exige la mise hors-circuit de toutes les transcendances, c est

à-dire de tout

ce

qui , dans la pensée et

de

la pensécroutrepasse ce qui est donné

dans

l immanence

de la

cogitatio comme

telle. , ,

 

,

«Cette

immanence

consiste dans une donation absolu c et claire, dans une donation

de soi au sens absolu. Cette donation

qui

exclut tout doute ayant sens, vision et sai

sie absolument immédiates de I objcct ité

visée

elle-même et telle qu elle est,

constitue le

concept

prégnant

d évidence,

comprise

comme

évidence immédiate.

«Toute

connaissance non

évidente,

visant

ou posant son objet mais ne le voyant

pas

 lui-même

est transcendante-s. . ,

Il n y a rien en elle qui soit donné «lui-même»,

r ~ ~

que nous voyions

comme

 

est dit dans le langage de la vénerie - «par corps».

. . l '

«Dans toute recherche concernant la théorie de la connaissance,   faut [m]

accomplir la réduction théorétique, c est-à-dire affecter. toutes les transcen

dances de

l indice

de la mise hors-jeu ou de

l indice

de l indifférence, de la nul

lité théorétique;

d un

indice qui dit: l existence de toutes ces transcendances,

qu on

doive y croire ou non, ce

n est

pas le lieu d en

juger

[parce

qu i l n y

a pas

1.

2.

3.

4.

5.

D. W. Winnicott, Playing and Reafity 1971 ; tr.

fr.

Jeu et réalité Gallimard, Paris

1975, p. 13.

e ,. v.,

Ibid p. 134.

 

,

,- t,

, : ' '

Edmund Husserl Die Idee der Phdnomenologie

ü n f V o r l e s u n g e ~

Husserliana Bd. II,

Martinus Nijhoff, The Haag, 1950.

Op cit p. 35.

lbid p.

35.

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L IRRÉDUCTIBLE

13

de lieu pour juger], cela reste complètement hors-jeu-s. hors de cause, et tombe

sous le coup de la réduction.

L irréductible se donne «lui-même» dans un voir de telle sorte que sa dona

tion est en même temps sa révélation et sa dimension d être. «Le voir ne se lais-

se ni dériver ni déduire»? Dans Logiques formelle et transcendantale Husserl

l affirmera sans

ambages

«C est seulement en voyant que je peux mettre en

évidence ce dont il

s agit

véritablement dans un

voir;

l explicitation de l essen

ce propre d un tel voir, je dois l effectuer en voyant-e.

De cette donation, en quoi consiste la véritable immanence, Husserl dit

qu elle est «vision et saisie» d une objectivité visée «elle-même» telle qu elle

est. Vision et visée sont entre elles comme intuition et intention; les deux coïn

cidant dans la cogitatio Ce qui fait de celle-ci un paradoxe, par où elle

s excep-

te de l ensemble de l étant le paradoxe d une immanence intentionnelle. Une

telle immanence exclut tout rapport de contenu à contenant. La donation du vu

n est pas une inclusion réelle du donné dans l acte de vision, mais sa manifesta

tion sous l horizon du voir, que sous-tend l intention.

La cogitatio

n est

donc pas - pour employer les termes, ici parfaitement

adaptés, de Fichte - Tatsache mais Tathandlung So n intentionnalité constituti

ve ne comporte, de soi, rien d empirique. Elle n est pas un fait de conscience,

un vécu psychique. Son immanence intentionnelle a un analogue dans le statut

de l objet transitionnel. Celui-ci, ni interne ni externe, est l entre-deux virtuel

d un dehors et d un dedans qui n existent pas encore.

 

implique un espace

potentiel duquel   tient toutes ses dimensions. Or la potentialité est la dimen

sion même de l intentionnalité:

«Chaque actualité implique ses potentialités qui ne sont pas des possibilités vides,

mais qui ont un contenu et qui sont préfigurées à titre d esquisses intentionnelles

dans le vécu actuel de chaque moment et,

de

plus, portent en elles

la

marque du

moi à réaliser»v.

Ces potentialités ne peuvent pas être entées comme des greffes sur l inten

tionnalité actuelle. Elles ne peuvent être fondées en elle que pour autant

qu elle

aussi est par essence potentielle. Ce qui veut dire en puissance d elle-même

sous l horizon qu elle s ouvre. «Chaque vécu a dans le changement de com

plexion de sa conscience et dans ses changements de phase, un horizon chan

geant - horizon intentionnel renvoyant

à

des potentialités de conscience appar

tenant

à

ce vécu lui-même v.

La structure d horizon de toute intentionnalité prescrit à l analyse et à la des

cription phénoménologique une méthode

d un

genre entièrement nouveau. Le

6 Ibid p. 39.

7 Ibid p.

38.

8. Edmund Husserl, Formole und tranzendentale Logik Halle 1975, p. 142 ; trad fr

Suzanne Bacheland,

Logiques formelles et transcendantales

PUF, Paris, p. 216.

9. Edmund Husserl, Cartesianische Meditationen Husserliana Bd 1, Martinus

Nijhoff

The Haag 1950

p.81.

1 Ibid p. 82.

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14

HENRI

MALDINEY

propre de l'analyse intentionnelle est de « évoiler les potentialités impliquées

dans les actualités de

conscience

»11. Tout cogito en tant que conscience est

dans un sens très large

«signification»

de ce

qu'il '

vise, mais ce «signifié»

dépasse, à

tout instant, d'un «signifier plus»,

ce

qui es t donné à

l'importe quel

moment comme expli itement visé. Ce dépassement de soi de sa propre visée

inhérent à

toute

conscience, est

un

moment

essentiel

de

cette

consciencesu,

Le «dépassement

de

l'intention

dans l'intention

même» (selon l'heureuse tra

duction

de

Levinasu) es t

la

dimension constante

de l'intentionnalité

comme

telle. . . .' .::>

«Toute intention,

di t

E. Levinas, est une

évidence

qui se

cherche-v.

Elle se

cherche en elle-même à l'avant de soi

en

soi plus avant. Cette quête de soi ne

fait qu'une

avec

sa

visée

de quelque chose. Ce

quelque

chose est visé

dans

Un

sens. «L'analyse

intentionnelle est

le

dévoilement des

actualités et des potentia

lités dans lequel

les objets

se

constituent

comme unités de sens-».

A sens ce

qui

a sa

place

déterminée dans un système de possibles. Mais

encore faut-il

que

ce

système

ait un sens.

Dans

la perspective husserlienne il

consiste

dans un

«corps» de potentialités. «Corps»

es t

à

prendre non seulement

dans son sens algébrique, mais dans le sens aussi de l 'a llemand «Ieib»   cf leben

:

vivre) qui

désigne

un

corps

en

puissance   t'horizons.

:':/

' ,'

«A toute

conscience

en

tant

que

conscience

de quelque chose appartient

par

essen-

ce

la

propriété non seulement de

pouvoir

passer à

d'autres

modes de conscience

toujours

nouveaux

- et cela en tant que conscience

du

même objet qui [...]

réside

intentionnellement en

ces

modes comme

sens

objectif identique - mais de le pou-

voir et de ne le pouvoir que sur le mode de ce que j'ai appelé intentionnalité

d'horizon» , ' .

.,.  

Le sens du

sens est

impliqué dans la vie intentionnelle comme l'horizon

transitionnel

qui

lui

donne

ouverture.

Cette

sor tie de soi

à

soi

es t

la conscience

même. Son dépassement vers et dans

un sens qui

n'

es t

ni un étant ni un rapport

entre étants

est d'un

autre

ordre que tout processus

empirique se déroulant

dans

un

monde

en soi

présupposé. L'intentionnalité

de la conscience «doit exprimer

cet acte qui ne se

présente

pas

parmi

les déterminations empiriques de

notre

conscience, ni ne

peut

s

'y

présenter, mais se trouve au fondement de

toute

connaissance et la rend possible» , Si Cette

phrase

de Fichte convient d'aussi

près à la phénoménologie de Husserl, c'est que celle-ci est un «idéalisme

trans-

cendantal»,

toutefois dans

un sens fondamentalement nouveau. «Cet idéalisme

Il.

tbid

p.

82.

..

'

12. Ibid.•

p.

84.

13. Emmanuel Levinas, En decouvrant l

existence

m cc Husserl et H e i d ~ ~ ~ e ~ : J Vrin Paris

1967,p.130. . ,

14 Ibid p. 86. ' _ . L

15. Edmund Husserl, Die Pariser Vortrage. Husserliana; Bd. J,1950, p. 19.

16. Edmund Husserl, Carresianische Meditarionen.lvc.

cit.,

p.

83.:;

I

17. J.G. Fichte,

Grundlage der gesammten Wissenschaftslehre,

in

Fichtes   erke

Bd. l,

Walter de Gruytcr, Berlin,

1971

p.41.

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L IRRÉDUCTIBLE

15

n est pas autre chose que l auto-explicitation

d'un ego

comme sujet de toute

connaissance possible. La phénoménologie est auto-explicitation au sens prégnant

du terme: elle montre systématiquement comment l ego se constitue comme étant

en soi et pour soi, d'une essence absolument

propre;

elle est auto-explicitation,

dans un sens élargi, en ce qu elle montre à partir de là comment l ego constitue en

soi, en vertu de cette essence qui lui est propre, un autre, objectif, et donc aussi

tout ce qui pour lui a, dans le moi, valeurd être en tant que

non moi »

La cogitatio en tant qu intentionnali té ressort it à la diathère de moyen, sui

vant laquelle le lieu du procès énoncé par le verbe est l auteur même du procès.

Ne demandons pas   ù se trouve ladite vie intentionnelle», cette question n'est

pas pertinente. Le milieu de l être ne précède pas la vie intentionnelle. «Ce fut

une idée profonde de Husserl, dit Eugen Fink, d'avoir montré que, prise au sens

strict, elle ne survient ni à l intér ieur du sujet, ni à l extérieur dans les choses

[...], car elle constitue la dimension primordiale à l intérieur de laquelle se sépa

rent l extérieur et IH intérieur [...  Husserl aboutit finalement à la conception

d'un processus universel dans lequel l apparition du sujet et de l'objet est englo

bée dans la totalité de la vie intcntionnellesw.

  statut ontologique de la vie intentionnelle est comparable - formellement

- à celui du vouloir-vivre dans la philosophie de Schopenhauer. Même si le

monde cessait d'être, dit Schopenhauer, la musique ne cesserait pas d exister ,

parce qu elle est, à égalité avec le monde, une manifestation immédiate de la

«volonté». De même l hypothèse, évoquée au

§

49 des

Idées, d'une

conscience

sans monde, ne signifie pas la ruine de l intentionnalité. Pour cette raison

d abord, présentée par E. Levinas, que «la destruction du monde est un phéno

mène ayant un sens positif et impliquant nécessairement une conscience, laquel

le, par conséquent, une fois le monde détruit, continuerait à avoir une significa

tion transcendantale, ne fût-ce que celle de  monde détruit »20. Pour cette autre

raison, ensuite, qui sous-tend la première, indiquée par Husserl au § 84, «Rien

par là n'est changé à l existence absolue des Erlebnisse ; ils sont bien plutôt

présupposés pour tout cela». Ce qui est présupposé, c'est une intention orientée

vers le sens: «monde», sans qu'un monde soit posé comme étant ou inétant.

«Le corrélat plein de l intentionnalité, ce dont J acte a conscience, n'est pas un

objet, mais un sens»>. Voilà précisément J irréductible: la signifiance,

L épokhè est la mise en suspens de toute thèse engageant l étant . Elle-même

se tient en suspens dans le vide ouvert par le déménagement du monde et dans

lequel elle est sans appui mais aussi sans astreinte. En deçà de toute réduction.

L irréductible qui ne se savait pas encore mais était déjà là dans la forme de

18. Edmund Husserl, Cartesianische Meditationen.Loc. cit., p. 118.

19.

Eugen Fink, «L analyse existentielle et le problème de la pensée spéculative», in Pro-

blèmes actuels de la phénoménologie, Paris, 1952, p. 75-77.

20.

Emmanuel Levinas, La phénoménologie de Husserl, Paris,

1930,

p. 81.

2 . Edmund Husserl,/deen p. 218.

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16

HENRI

MALDINEY

} épokhè

se découvre, par la suite, comme intentionnalité universelle -laquelle,

elle aussi, ne repose

qu en

soi.

Comme I exprime

la tautologie sui-transitive du

cogito cogitatum «Le monde n est

pour moi absolument rien d autre que le

monde qui est e t vau t pour

moi

dans un te l

cogitos-e..

r; -, \ •

L être-dans-la-conscience

d un

objet ou du monde consiste dans une

inclu-

sion intentionnelle du cogitatum dans le cogito. Mais cette inclusion intention

nelle (et avec elle l intentionnalité dans

son

ensemble) reste suspendue [...] en

l air

ou [...]

à

soi.

«En l air»,

di t Eugen Fink. Viser la chose dans un sens n est

pas encore la viser dans son sens

d être. L analyse

intentionnelle qui prend

sur.

soi

d aller «à

la

chose elle-même»

l a

déjà, dans

sa

visée même, réduite à

la

forme de l objectité.

 Pour

Husserl,

l étant

est objet et rien de plus» . Il ne

réussit pas à

l arracher aux

guillemets qui, pour en exclure toutes les transcen

dances, réduisent

l objet

intentionnel,

après

épuration, à l état de «simple phé

nomène». Alors

qu il

a réussi à

 englober

l apparition du sujet et de l objet

dans

le processus universel de la vie intentionnelle»>,

 

n a

pas, selon Fink, «élucidé

Je sens

d être

de celle-ci . Il

n est

pas arrivé à une détermination ontologique de

ce processus

constitutif»».

 

>

. ~ . : ,

L expression

«simple

phénomène», prise dans un sens restrictif, détourne la

fonction et le sens des «guillemets phénoménologiques» Ces guillemets qui

s ouvrent et se referment sur chaque objet intentionnel de la conscience

sont à

chaque fois l expression locale

d une

universelle et originelle

épok è

De soi

celle-ci

n est

pas négative. Ces guillemets, dont un décret .phénoménologique

paraît avoir décidé

d affecter

l objet de conscience pour le soustraire à l effectivité

prétendue réelle du

monde

matériel et à la tentation des transcendances, ont en

fait

une fonction positive qui est originaire.

Par

une inversion complète -

comme

le

vide du vase en fait l usage en en ordonnant à soi toute la tournure - ce qui parais-

sait s excepter

s universalise:

ils ouvrent l espace primordial à partir

duquel

l intérieur et

l extérieur

non seulement se séparent, mais accèdent à la réalité.

Comment et

à

quelle

réalité?

1.>

•.  .

ô

Il y a, selon Fink, maldonne au sujet

de

la c h o s ~ ·,,;,iie-même». La

chose

à

laquelle la méthode phénoménologique

donne

accès  n est pas l étant tel qu il,

est en lui-même,

mais l étant

qui

par essence

est

 objet c est-à-dire

étant pour

nous. [...] Quelle es t la relation entre

l êt re pur

d un étant et l être-objet de cet

étant? Cette question est explicitement désignée

 par

Husserl comme une

ques-

tion mal

posées-ae.

Mais

«c est

le problème le plus capital qui dépasse la

phéno-

ménologie de Husserl [...] Celle-ci

décide

simplement que l objet est identique

au phénomène qui se montre et se

préscntes»

toujours certes dans un sens,mais

qui

n est

pas Son sens

d être.  .,; I ~ ; , : : - : c

 ,0

::

22.

23.

24.

25.

26.

27.

Edmund Husserl,

Cartesianische Meditarionen foc. cit.

60.

Eugen Fink, op.

cit.

p. 73.

Ibid.

p. 77

Ibid.

p. 79.

Ibid. p. 69.

Ibid.

p. 69.

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L IRRÉDUCTIBLE

17

«L objet est le pôle d identité immanent aux vécus intentionnels qui le visent

et pourtant transcendant de par cette identité qui les surpasse-as. Mais une chose

est-elle «elle-même» en ce que, dans tous les

modes

de conscience, «elle signi

fie ce qu elle signif ie»>

?

Son sens ne cesse de s effectuer à mesure que se

constitue l expérience. Mais la chose n attend pas l achèvement de l expérience

pour faire valoir sa réalité. Dès le départ, elle nous oppose son altérité qui

jamais ne se dissout ni ne se résout dans son identité d objet intentionnel.

L analyse intentionnelle court-circuite la question de l altérité.

Or, c est justement cette question

qu Emmanuel

Levinas porte au crédit de

Husserl. Sous l intentionnalité objcctivante,

i l

reconnaît une intentionnalité

transcendantale, une «transcendance dans

l immanence»

ouverte vers l altérité.

Elle suppose et propose une extériorité qui

n est

pas objective. Et

c est

là où on

l attendait le moins

qu e

Levinas la découvre.

«II existe chez Husserl une autre façon d interpréter ce moment qui, sans viser un

objet, ne consiste

pas

pour le sujet à

marquer

le pas dans son intériorité. Ce

moment se produit

dans

la fonction transcendantale de la sensibilité»

30.

«

sensible, le

datum

hylét iquc est un datum absolu. Les intentions certes

rani-

ment, mais le sensible est donné avant d être cherché, d emblée.»>

Ainsi se présente et se découvre

à

Husserl - et non pas par hasard dans la

conscience intime du temps -

ï Urimpression

l impression originaire à même

son maintenant. Un objet temporel (par exemple: un son) s écoule. «Ses modes

d écoulement ont un commencement , un point-source pour ainsi dire, point

source avec lequel commence la «production de l objet , et qui donc es t une

impression originaire.

  es t

caractérisé comme présentv. Cette conscience sans

doute est saisie dans un changement

continuel:

sans cesse le présent de son «en

chair et en os se change en un passé. Sans cesse un présent de son toujours

nouveau relaie celui qui

es t

passé dans la modification [rétentionnelle]. Mais

quand le présent de son passe dans la rétention, cette rétention es t

alors elle

même à son tour un présent, quelque chose d actuellement là. Pendant qu elle

est elle-même actuelle (mais non pas son actuel), elle est rétention

du

son

passë-», Husserl a souligné la préposition (en français: de qui marque la struc

ture intentionnelle de la rétention, et   présente la conscience rétentionnelle

comme une modification

intentionnelle

de la conscience impressionnelle.

En contraste avec cette modification, «l impression originaire, l absolument

non modifié, est la source de toute conscience et de tout être»>.

C est

dans une

28. EdmundHusserl,

Formale und tranzendentale Logik

p.

148;

trad. fr. p. 223.

29. Ibid

  p. 147; trad.   r p. 223.

30.

EdmundHusserl; Ideen I p. 139.

31 ibid

32. Edmund Husserl, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps;

trad. fr. Henri Oussole, PUF, Paris, 1964, p. 42.

33. Ihid.

p. 49.

34. Ihid.

p. 88.

 

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18

HENRI

MALDINEY

conscience impressionnelle que se constituent toutes les consciences de chose,

en particulier les perceptions. «Il appartient à

l essence

de tous les actes

d avoir

une intentionnalité de type transcendant et de ne pouvoir

l avoir

que par

quelque chose constitué de façon

immanente; par

.des

~ ~ p p r é h e n s i o n s J 5 .

L impression immanente est présentation, de même -que la. perception elle

même ; dans le premier cas nous avons une présentation i ~ m a n e n t e ; dans

l autre une présentation transcendante  à

travers

les apparitions   »J6

Ainsi la vie intentionnelle

  i  es t

pas

suspendue

en l a ir. Le «cogito cogita

tum» husserlien a

bien

le sens

d une inclusion

intentionnelle du cogitatum dans

le cogito mais

elle

s accompagne co-originairement de l inclusion réelle du

cogito intentionnel en lui-même. ~ _ . :

La phénoménologie

est

une ontologie. Elle vise à mettre en vue les choses

«elles-mêmes», à mettre en vue dans une évidence sans appel la dimension de la

réalité. Le réel ne s introduit pas dans la conscience par effraction. Il est l expé-

rience

même

qui tient de soi

son

être. .

«L expérience est la conscience d être auprès d e s ~ h o s e s  elles-mêmes , la

conscience de les savoir et de les avoir directement. Elle est l effectuation dans

laquelle, pour moi qui saisis par l expérience, est là l être saisi par l expérience,

et c est en tant que quid qu il est là, avec la teneur et le mode d être que lui

attribue

précisément l expérience, par l acte qui s effectue dans son intentionnalité.xê?

Que veut dire «là» ? Le noyau de l expérience qu est la perception l indique:

«Un objet temporel est perçu tant qu il se produit encore dans des impressions

originaires qui se renouvellent sans cesse»>. Cependant «perçu» et «percep

tion» ont un

second

sens.

Car

«le passé  aussi est perçu ; nous sommes

conscients de l

  être-qui-vient-tout-juste-d

être ,  de l être tout juste

passé ,

dans sa présence en

personne,

dans le mode   J être-donné-en-personne»39. Le

tout-juste-passé se présente comme tel, maintenant; i l n est pas re-présenté.

Cette présence

en personne

ne fait

qu un

avec J ê tre auprès de la chose «elle

même». Il ont un seul et même «là», où

s ouvrent

 - les deux en un - la

conscience de la

chose

et la chose dont elle

est

·cânscience. Etre auprès de la

chose «elle-même», c est être au lieu même de s a manifestation - dont l avoir

lieu apporte avec soi son lieu d être

 

à même

une

impression originaire qui n a

pas d en-deçà. «C est

dans

la conscience impressionnelle , dit Husserl, que se

constitue la perception.s-o

L une

et l autre son présentatives.

«La

perception est

conscience

  un

objet

Mais

c est

aussi,

en

tant

que

conscience, une impression.

quelque chose de

présent

et d immanent. C est dans la conscience originaire

 .

5.

36.

37.

38.

39.

40.

Ihid p 118

Ihid. p. 118-119.

Edmund Husserl Formale

und

tranzendentale Logik p.206; trad. fr p. 316.

Edmund

Husserl Leçons

pour

une

phénoménologie 1 ~ c ; ~ s c i e J l ~ e intime

du t ~ m p s p.

 S5

Ihid. p. 55.

Ibid.

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L  IRRÉDUcn LE

19

que se constituent toutes les impressions, les contenus primaires ct aussi bien les

vécus qui sont conscience de. Parmi les vécus, les uns sont des actes, sont

conscience de... les autres non. La couleur sent ie ne se rapporte pas à quelque

chose.v Une conscience d acte

es t

donc

à

la fois impressionneIle et intention

nelle. D une

part

elle

n est

pas suspendue en l air . Mais d autre part, si elle a sa

base, si elle prend fond dans une impression immanente. celle-ci n est pas son

fondement; et l articulation du fond et du fondement fait question: il y a entre

eux plus qu une

opposition:

une différence.

Tout objet saisissable

pa r

l expérience   même un objet physique) implique

une certaine idéalité  

«C est

l idéalité générale de toutes les unités intention-

nelles à l opposé des multiplicités

à

travers lesquelles elles se constituent.

C est

en cela que consiste la transcendance de toutes les espèces

d objectités pa r

opposition à la conscience de ces objectitéss-c.

Elle s y oppose mais

s y

constitue.

«La transcendance du réel se constitue

[h.]

quant à son être et quant à son

sens, exclusivement  dans la sphère immanente, sphère des multiplicités de

conscience. Mais cela ne change rien au fait

qu e

sa transcendance en

t an t q ue

faisant partiedu réel est

un e forme

particulière

d idéalité,

ou mieux d irréalité

psychique: u

forme particulière d un quelque chose apparaissant lui-même

dans la sphère purement phénoménologique de la conscience - et de telle sorte

que ce quelque chose ne soit pas, de toute évidence, un fragment réel ou un

moment réel de la conscience. ne soit pas un datum psychique rée1 »43

Ainsi

«nous

avons  devant nous des objets irréels donnés dans des événe

ments psychiques réels»44. Mais comment comprendre ce

d ns

La sphère phé

noménologique de la conscience

n est

pas celle de la conscience phénoménale.

La différence entre elles est celle - absolue - des

deux

sortes d immanences dis

tinguées dans les

Vorlesungen.

Apparaître dans la sphère phénoménologique de

la conscience.ic est se montrer soi-même dans un voir dont une visée intention

nelle

ouvre

l espace de sens. Rapportée à la conscience phénoménale, au tissu

des faits de conscien-ce, l immanence change de nature. Elle consiste dans

l inhérence, à

 titre

de composante réelle,

d un

élément ou

d un

processus psy

chique à un vécu, notamment à un vécu de connaissance, c est-à-dire à la cogi-

tatio comme co-agitatio,

A cet égard, le statut de l impress ion originaire et de la temporalité imma

nente de la conscience

es t

ambigu.

I l

est remarquable que Husserl, prenant à la

lettre le terme d impression, ait reconnu en elle la dimension même du sentir.

«Sentir, voilà ce que nous tenons pour la conscience originaire du

temps;

c est

dans le sentir que se constitue l unité

immanente:

couleur ou son, l unité imma

nente : souhait, plaisir. etc. La sensation est la conscience présentative du remps.»:

c ,

  :; -

 

41. Ibid. p.

116

  c.

42. Edmund Husserl:Formale und tranzcndentale Logik p. 148 (trad. fr. p. 225).

43. iu« p.l48 (Ir. p. 225).

44. Ibid. p. 149   t ~ p : 224).

45. Leçons

p u ~ ~ ~ ~ ë

p h t n ~ m é n o l o i de la conscience intime du temps p. 141.

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20

HENRI MALDINEY

 

Il y aurait d on c d eu x sortes   immanences authentiques, celle du, et celle

du sentir. La temporalité immanente de la conscience signifie l immanence de

la temporalité à elle-même - et celle. avant tout, de son présent-source, du

pré-

sent de l impression originaire. Cette

immanence

ne relève pas, comme celle

de s idéalités, de la

sphère «purement

phénoménol?gique» de la conscience. Elle

es t toutefois tout

autre

chose

qu e

l inclusion d une composante dans un

vécu.

L écart

entre

l impressionnel et l intentionnel es t universel, et il rejette chacune

su r son

bord

la

«temporalité

immanente»

et

J «intentionnalité générale»

de

la

conscience. Cet é ca rt e st celui de

deux

modes d êtr e en lesquels la conscience

es t

forcée de

se reconnaître

sans pourtant se comprendre. Comment

Husserl

réussit-il à le s articuler?

A ces

deux immanences répondent deux

transcen dances. «Nous

séparons

les

objets immanents

d es o bj et s t ra ns ce nd an ts . C el a

ne peut donc signifier

qu une

séparat ion à l intérieur de ce

concept élargi

de transcendancc.s» Le

terme

d «objet» appliqué

à deux espèces

de

v éc u e st

révélateur. Il fait état d une

inten-

tionnalité à

l endroit

de

c es v éc us purement

impressionnels «qui ne se rappor-

tent

pas

à

quelque chose».

En fait,

dans

la

pensée

de Husserl, expérience

trans-

cendante et t em po ra li té i mm an en te s a rt ic ul en t

entre elles parce

qu elles

impliquent

toutes deux l intentionnalité.

. : ,( ,

Pour maintenir l irréductibilité du sens contre toutes les formes de psycholo-

gisme là où celui-ci apparaît dans sa position la plus forte, Husserl

attribue

la

structure de l intentionnalité c est-à-dire un e structure

d acte

à l impression ori-

ginaire et à so n maintenant. Il

accède

en fait à cet te constitution du présent

impressionnel en pas sant par celle de l ensemble de la temporalité. Le présent

es t assujetti à la

forme

du temps.

Celui-ci

es t un flux. Or, «il appartient à

l essence de ce devenir gu

aucune persistance

ne puisse être en lui. Dans le flux

  y

a

des

phases

de

vécu

et des

unités continues

de phases. Mais une

phase

de

ce

genre

n est rien de constant no n

plus

q u e n e

l est

une suite continue> .

Pourtant ce f lux t out ent ier

je peux

l identifier

comme

le même flux.

Telle

est

l antinomie

du

temps.

;1 · - ,,

«Dans le flux, pa r principe, ne peut apparaître aucun fragment de non-flux.]...l   a

f1uence d es p ha se s ne peut

jamais

cesser. Mais le flux n a-t-i l pas, d une

certaine

manière, quelque

chose

qui demeure bien

qu aucun

fragment de flux ne

puisse

se

transformer en

non-flux?

Ce qui demeure c est la structure formelle du flux la

forme du flux.o-ra .

 

La «phénoménologie de la

conscience

intime du temps» élaborée par

Hus-

serl,

s o rd on ne a ut ou r d u

même

p oint c ritiqu e q ue

la phénoménologie

descripti-

ve du

tem ps d an s

la

Physique d Aristote: le s

rapports de l instant et du temps

Pour l u n c om me

pour

l autre

«sans l instant pas de

temps;

sans le

temps pas

46.

47.

48.

Formate und tranzendentate Logik p. 148 (tr. p. 225).  

Leçons pour une   1   • •

p lenomeno ogle

de la

conscience intime

du

temps; p.

181.

Ibid

p.

182.

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L IRRÉDUCTIBLE

21

d instant-w. D une part la pérennité du temps repose paradoxalement sur son

ressourcement perpétuel dans l émergence sans

durée

de l instant. «La sensa

tion, dit Husserl, est la conscience

présentative

du ternpsxw. D autre part, l ins

tant est assujetti

à

la forme du temps. Dans le flux continu des phases d appari

tion, «chaque phase est

d une

seule et même fonne ; la forme permanente du

flux est sans cesse remplie à

neuf

par un contenu , mais le contenu

n est

rien

d introduit du dehors dans la forme; il est au contraire déterminé par la forme

de la loi [du

flUX]»5

D où

l impression qu ont souvent les hommes, et de plus

en plus au cours de leur vie, en dépit de la variété de leurs travaux et de leurs

jours,

d avoir

toujours

été

les mêmes.

Husserl et Aristote reconnaissent tous deux dans la continuité du temps une

continuité de transition, celle du temps qui passe, et qui passe par l instant:

«sans

l instant pas de temps». Mais Aristote ajoute :

dans

l instant

pas

de

temps. «Quand nous sentons l instant comme unique,

il

nous semble qu aucun

temps ne

s est

passé.»52 Selon Husserl, au contraire, l instant saisit le temps.

«J ai la perception de la conscience du temps dans le maintenant.»53 Mais «j ai

la conscience du temps avant

qu elle

ne soit

à

son tour devenue objet de percep

tion»>. La conscience du temps

n est

donc pas une structure

d acte et

mieux

vaudrait dire: la conscience «temps». «Le flux absolu de la conscience est

constitutif du temps.s»

Les phénomènes constitutifs du temps co-responsables de son flux et de sa

forme ne sauraient prendre place dans un temps objectif Il n y a pas

à

dire

«qu i ls sont dans le maintenant et

qu ils

ont été auparavant,

qu ils

sont les uns

par rapport aux autres successifs ou simultanés»>.

On

doit dire

qu une

phase

de flux avec sa

continuité d apparition «appartient

à un maintenant (celui

qu elle est) et appartient à un auparavant, en tant qu elle est (nous ne pouvons

pas

dire:

était) constitutive

pour

lauparavant»>

Le

flux constitutif du temps

n est rien de temporellement objectif. «Il est la subjectivité absolue; il a les

priorités absolues de quelque chose qu il faut désigner

métaphoriquement

comme flux , quelque chose qui jaillit  maintenant en un point d actualité,

un point-source originaire.

Dans

le vécu

d actualité

nous avons le

point-sour

ce originaire et une

continuité

de moments de retentissement. Pour

cela

les

mots font défaut.»58

49 Aristote Physique

IV

214

b

13.

50 Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps p.   4

5l lhid

p.

152.

52 Aristote Physique IV 219 a 21.

53 Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps p. 150.

54 Ihid

p. 150.

55 Ibid

p.

34.

56 Ibid

p.

99.

57 Ibid p. 99.

58 Ibid p. 36.

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22

HENRI

MALDINEY

Husserl a décrit minutieusement la

conscience

diffusive du présent concret

en qui se constituent à la fois la certitude ct l inquiétude du temps. Toute

conscience impressionnelle inclut son propre maintenant et «l être-maintenant

passé» du maintenant qui pr éc ède . Elle

un it d an s

le maintenant

d une

impres

si on la p rés enc e de c el le- ci la s ie nn e et la cons cie nc e. pr ése nt e du tout-juste

passé dans laquelle la passéification

actuelle

d un présent en cessation d être

es t identique à la présentation actuelle de so n être-passé.:

Ce qui demeure à travers cette itération du flux tem po re l q ui s intériorise à

soi en créant

s on p ré se nt

à tout moment

donné

c est la forme du flux. Elle

consiste en ceci

«qu un

maintenant se

c on st it ue p ar

une impression et qu à

celle-ci s articulent une queue de rétentions et un horizon de pretentions». La

rétention est «une intentionnalité de type spécifique»> Dè même la protention. Le

flux constitutif du temps

dont

chaque phase se donne actuellement à la conscience

rétentionnelle dans son être-passé à t ravers la profondeur sans cesse accrue de

l être-passé des phases précédentes a

donc

la structure de l intentionnalité. Etant

la forme du temps et la conscience du temps cette structure intentionnelle doit les

articuler dans to utes les dimensions

et;

doit.: par conséquent s étendre

à

ce

moment crucial de la temporalité qu est le maintenant de l impression originaire.

,. - ,

En réalité la situation phénoménologique T est pas si simple et Husserl est

dans l embarras. Avec la sensation «mode essentiel du temps» «sont enlacées par

essencewo la rétent ion et la protention. Pa r ailleurs elle

s en

excepte puisqu elle

est «le non modifié absolu» - et puisque en cela m êm e elle est «la source de

toute conscience et de tout êt re

ultérieurss-r. S en

excepte avec elle toute réalité.

En dépit de

leur

contemporanéité

dans

le maintenant actuel il y a entre

l impression

et

la rét enti on une

hétérogénéité dont

la forme du temps est l arti-

culation... à

l impossible.

 i

«La forrne

permanente

du temps. dit Husserl porte la c onsc ie nc e de la mutation

continue qui es t un fait

originaire:

la

conscience

de la m utation de l impression en

rétention. tandis

qu à

nouveau

constamment

une impression est là-ea.

La structure du t em ps co ns is te en r éa li té de   é e « t ~ n d j s qu » qui lie en une

s ~ u mutation l écoulement des sensations originaires dans le passé et leur sur

gissement dans un nouveau présent.

«Tout l ensemble des sensations originaires es t soumis à ~ e t t e loi. Il se transforme

en une c ontinuité c onstante de m odes de

conscience

et de modes de l être-écoulé et

dans la

même

constance

un ensemble

sans

cesse nouveau de sensations originaires

prend originairement sa source pour

passer

à Son tour dans l être-écoulé.set

,

.

,

59 Ibid

p.

138.

60. Ibid p.

141.

61. tua: p. 141.

62 Ibid p. 152.

63.

tu«

p. 102.

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L IRRÉDUCTIBLE

23

Husserl reconnaît l hétérogénéité des deux séries dans l unité de la conscience

du temps.Mais quand   s agit d articuler, en elle, le

devenir

passé et

l advenir

pré

sent, la langue est en défaut. Les noms sont devenus des mots, mots qui «signi

fient», alors que l impression originaire est une «signifiance insignifiable». C est

pourquoi Husserl ne peut que dire: «Voyez». «On ne peut dire que voyez : une

sensation originaire dont on a conscience dans un maintenant immanent (par

exemple un maintenant de son), se transforme continûment en modes de la

conscience du passé immédiat, en laquelle nous avons conscience de l objet imma

nent comme passé, et

en même temps

ensemble surgit une sensation originaire nou

velle et sans cesse nouvelle, un maintenant sans cesse nouveau s établit.ss-

Ces expressions : «tandis que», «dans la même constance», «en même

temps», qui impliquent le temps, présupposent le défini dans la définition.

Mais

elles le manquent, parce que, dans l usage, elles

n expliquent pas

le temps tel

qu elles

l impliquent.

Il

n est

pas juste de

dire:

<da constance des modes de

conscience et des modes de l être-écoulé» en laquelle se transforment les sensa

tions originaires, est la

même

que celle «dans laquelle elles prennent originaire

ment leur source-ss. Le présent qui soudain est

es t

autre chose encore

qu e

le

moment initial d une continuité intentionnelle. So n jaillissement ne se laisse pas

confondre avec celui de l être-tout-juste-passé. Ils ne sont pas co-originaires, ca r

seul le premier s origine à soi... et

à

rien. Husserl fait du présent un

moment

versif, où du temps qui vient se verse en temps qui s en va - et cela

dans

le

même temps, qui est celui du devenir et non de

l advenir

«Tout temps

perçu

est

perçu comme passé qui a le présent pour tenne.»66

Aussi cherche-t-il

à

saisir le présent dans le flux rétentionnel de la conscience.

«Nous

n avons qu un continuum unique qui sc modifie en permanence. Si nous

divisons d une manière quelconque ce continuum en deux parties contiguës, celle

qui

enveloppe

le maintenant [...] constitue le maintenant épais , qui se divise

à

son touren unmaintenant mince et en un passé, dès que nous poussons la divi

sion plus loin se?

Le présent épais est un présent de composition comportant une parcelle de

passé (et une parcelle de futur). Le présent mince

es t

un présent de posi tion.

«Présent transpositif (ainsi le nomme Gustave Guillaume),   ne se mani feste

que comme limite.

«Des

appréhensions

[rétentionnelles]

passentconstamment lesunes dans les autres.

Leur

dernier terme est une apparitionqui constitue le maintenant, mais qui n est

qu une limite

idéalc.seë

Cette limite est

l enveloppe

de modifications de modifications. Mais celles

 

ne tendent pas vers elle. C est elle, au contraire, qui en détermine le flux. Et

64. Ihid. p. 102 103

65. Ibid

p.

102

66 lhid p 81

67.

Ihid

p.

56.

68. Ibid p. 56.

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26

HENRI

MALDI: IlEY

  ,

Structurée par l intentionnalité universelle de la conscience, qu est-ce alors

que l histoire?

Est-elle

dominée

de l intérieur par la téléologie de la raison?

Sans nul doute

pour

Husserl. «La forme universelle de la genèse intentionnelle

est celle de la cons titu tion de la tempora lité immanente qui domine une

légalité rigide toute vie c o n s c i e n t e » 8 3 ,.,,: .;.

, . 1: 1

0

«La modification intentionnelle a pour caractéristique générale de renvoyeren

  -

mêm

au non-modifié. A partir de tel mode non-original de donné, le sujet

peut

tendre vers le mode

original

et éventuellement présentificr explicitement le

mode

original.»76 . ,

Or

la

présentificalion exclut

la présence réelle. Elle ne modifie pas le pré-

sent de la

présence.

Elle ne modifie

pas l originarité

de l originaire.

Elle

les

ignore. Les

modifier

serait les aboli r. Eugen Fink insiste sur l arbitraire de

ridée de modification. «Le lointain est-il en vérité une modification du

proche? Le passé et le futur des modifications du

présent?

L autre une modi-

fication de mon

moi

?»77 Husserl cependant

déclare:

«Ce qui

est présent

à

la

conscience

  ans un

mode

non-original se donne

comme

étant

la

même chose

que cc

qUÎ

est con-scient dans le mode de l expérience,

celui

du

 cela-lui-même?»? . . , .

«Il se laisse identifier avec la même chose  clarifiée , c est-à-dire préfigurée

telle

qu elle aurait

été

donnée  elle-même

dans

l expérience

possible.»>?

Ce mot est révélateur. Qu est-ce qui

est

possible selon

Husserl?

- ce

qui

est

conforme à la «structure téléologique de la conscience, qui a une «disposition à

la raison et même une tendance constante vers

elle; IUl.

 

La

donation d une

chose «elle-même» remplissant l intention qui la vise,

s inscrit

dans

la configuration

d un

monde fondé en raison. Suivant le

même

style de pensée,

Husserl,

en

dépit

de ce

qu il

a entrevu de l impression

origi-

naire, n a cessé d affirmer la primauté ontologique de la vie intentionnelle.

L intentionnalité

anime et structure la temporalité de la conscience. Aussi

l implication «statique» des vécus dans l ensemble de la vie intentionnelle se

double-t-elle d une implication génétique. «L analyse intentionnelle génétique

est dirigée vers l ensemble concret

dans

lequel se situent toute conscience et

son obje t

intentionnel.» Elle

prend

donc

acte des

«renvois intentionnels qui

appartiennent à la

situaüon-er. Avec

la situation «vient en question l unité

immanente de la temporalité de la vie qui a,

dans

cette temporalité, son histoi

re»82.

76.

77.

78.

79.

80.

81.

82.

83.

Edmund Husserl, FormaIe un tranzendcntale Logik 276

(tr. p. 409).

Eugen

Fink, op cit p. 81. .

Edmund Husserl, Formate un tranzendentale Logik p. 276 (tf.

p. 409).

Ibid

Ibid •p.

143 (Ir. 218);

cf Ibid p.

218 (Ir. 330).

lhid p.

278 (Ir. 410).

Ibid p.

278 (Ir. 410).

iu« p.

279 (Ir. 412).

.

 

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L IRRÉDUCTIBLE

27

Ce devenir légal exclut l alégali té du nouveau. Il n y a rien en lui qui per

mette de penser un advenir. Or, déjà dans l ordre de la vie,

 l

y a des disconti

nuités critiques dans lesquelles le vivant est mis en demeure de disparaître ou de

se transformer. La structure de la crise n est pas intentionnelle. Elle ne se ramè

ne pas à un conflit d intentionnalité.

La

crise est à la fois une déchirure et un bond de la temporalité, une déchiru

re dont le jour est celui d un nouveau monde. Cela n est possible qu en ce que

le temps est dans les choses ou les processus eux-mêmes et non pas elles et eux

dans le temps.   l s agit d un temps opérationnel tel que chaque opération est

déterminée dans sa forme par la suivante, et celle-ci par une autre encore... qui

n est pas là. La structure du temps biologique (comme celle de l espace biolo

gique) décrite par Weizsâcker, consiste en émergences individuelles du moment

au service de l opération. «11 faut reconnaître à l espace-temps biologique une

structure exclusivement génétique se développant à partir du ici-présent.»84

De même le temps de l advenir s engendre à partir de l événement d une

impression originaire.

Comme

 l

apparaît dans la

Krisis.

Husserl a le sentiment de la situation

et

de

l histoire. Mais  l n a jamais abandonné ce qui constituait sa véritable foi origi

naire, sa

« rdox »

 

l idée d une

«téléologie historique qui ordonne les buts

infinis de la

raison-v.

Elle s était exprimée dans les appendices aux Logiques

formelle et transcendantale. «Toute vie de la conscience n est pensable que

comme une vie qui est donnée originellement dans une forme (par essence

nécessaire) de la factici té : dans la forme de la temporali té universelle dans

laquelle tout vécu reçoit sa place temporelle identiquesw... qui l individualise.

Le mot «facticité» (faktizitât) employé par Husserl figure déjà dans la

deuxième édition (1913) des Recherches logiques. Ce mot auquel Heidegger

devait assurer un grand destin est devenu soudainement actuel dans le vocabu

laire de la philosophie, là où se posait à elle le problème de l individuation.

Théodore Kisiel en a relevé les premiers emplois . Dans le livre de Willy Moog

Sur le psychologisme (1919), le mot est employé une vingtaine de fois.

 Par

opposition à la

logicité

supra-temporelle, la facticité est temporelle, donc

contingente, individuelle, concrète, unique. Irrépétables«, Dans l ouvrage de

Bruno Bauch sur Kant (1917) et dans la recension de Natorp (1918), le concept

84. Viktor von Weizsàcker,

 er

GestaltJ:.reis 4· ed., Stuttgart, 1968. Trad. fr. Le cycle de la

structure Desclée de Brouwer, p. 182.

85. Edmund Husserl, la crise de l humanité européenne et la philosophie revue de Méta

physique et de

Morale

3, 1950, p. 258.

86. Formale und tranzendentale Logik p. 279

(tr.

412).

87. Théodore Kisiel,

Das Enstchen des Begriffsfeldes «Faktizitât» im Frùhwerk: Heideggers

in

Dilthey Jahrbuch  ûr Philosophie und Geschichte der Geisteswissenschaften

Van den

Hock und

Rupucht Gottingen, vol.4.1986-1987. p. 91 120.

88 Op cit. p.94.

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28

HENRI MALDINEY

de facticité intervient

avec

le même sens

dans

la question d une Iogicité ultime

de

l individuel.

 alogique et  sans fonne .»89  

Heidegger emploie

pour

la

première

fois «facticité» comme concept

philoso-

phique fondamental dans son cours du semestre

d été

1920 et en deux

acceptions

successives:

au

début du

cours, dans le

sens

des

néo-kantiens;

à la fin du Cours

dans un sens à lui proprew. Mais Je sens heideggerien de la facticité était déjà en

gestation dans

son tout

premier

cours de

Marbourg

(Kriegsnotsemester :

semestre

de

l état

de

guerre)

: février-avril 1919. Il perçait obstinément à travers une tour-

nure de langage tout à fait insolite.

qui

fit une telle impression sur l auditoire et

au-delà. que le nom de Heidegger se

propagea

partout comme une rumeur,

Hans-Georg Gadamer rapporte qu au

tournant

de 1920-21 lui parvint le bruit

que «Heidegger à Marbourg, dans un cours obstinément résolu à soi et d une

profondeur

d esprit

révolutionnaire,

avait employé l expression: «es

weltetv»

Expression insolite en effet,

dont

le gauchissement décidé   Verschrobenheit)

provoque

à la

pensée.

« s

w lt t» es t

une formation verbale impersonnelle,

comme «es

regnet»

: i l pleut,

ou

«es

gilt» : i l s agit

de... Surtout,

c est

un

néolo-

gisme obtenu

par

verbalisation

du

nom-substantif.

«w il»

(monde). Cette

trans-

formation

es t de grande

portée.

Elle s ignifie.

la dé-réification du

monde

en

même

temps

que sa réalité.

Ce qui distingue un

verbe

d un nom, ce qui le fait proprement verbe, c est

l aspect.

«

verbe

est

un

sémantème qui explique

et qui implique le

temps.

Le

temps

impliqué est celui

que le

verbe

emporte

avec soi, qui lui est inhérent et

dont

la

notion

es t indissolublement

liée

à

celle

de verbe.

«Le

temps

expliqué

n est pas le

temps

que le

verbe

retient en soi [en

enexie]

[...], mais le tempsdivi-

sible en

époques que

le

discours

lui attribuesw.

Le verbe - et

c est

là sa dimension

aspectuelle,

transcendante aux

modes

et

aux temps -

implique une

tension de

durée.

«Welten».

c est

se faire

monde

se

mondéiser.

Dans « s

weltet»

par

ailleurs.

comme- dans toute phrase

imperson-

nelle. le

verbe

«welten»

es t

le prédicat

  1 t p C Ô ~ O V urrolCE1JlEVOV

innommé et

désigné

par

le

neutre impersonnel «es».

Le

monde

n y figure pas en positionde

sujet. Le lfPÛl1:0V

UlfOKE1/lEVOV,

qui est le

véritable

sujet, accède à la

mondéité

sous la forme de ce procès indiqué pa r le verbe et qui exclut tout substrat.

« s

welter»

se

subroge

à «es

gibt»

tge en  

donner)

qui exprime la donation de

l étant

en tant que

tel:

i l

y a

-

donation

se

donnant elle-même: il y a qu il y a.

On

ne peut

traduire

«es

welter»

par: i l y a le monde. Le monde est est ce y qu il

o ~ ~ se

mondéisant,

 s

weltet

: le règne du

monde

se déploie en une mon-

déité

universelle

et

singulière. Il

n est d événements

que du monde s advenant

en eux. La

manifestation

de

l étant est

mondéisation.

,La

s i t u a ~ i o n

es t

aussi

immédiate

que celle

décrite

par

Nietzsche dans son

poeme de Si ls

Mana:

«J étais là [...] tout

lac.

tout midi». On peut penser:

«tout

89.

90.

91.

92.

Ibid.

p.

94.

Ibid.

Hans-Georg Gadamer,

Heideggers Wege

Tübingen, 1983,

p

141.

Gustave Guillaume, Langage et science du langage.

P ~ r i s Q u é b e c

1964, p.4i

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L IRRÉDUCTIBLE

29

monde». Mais «es weltet» change la donne : Heidegger ne dit pas comme

Nietzsche:

«rien que

jeu»,

car le monde ne se

mondéise

pas

comme

jeu

mais

comme événement et histoire. «Es weltet» : voiJà J irréductible. «Es welter» et

«j en suis» : voilà la facticité.

 

cet irréductible répond l irréductibilité de la philosophie. Ni science théo

rique, ni Weltanschaunng, elle est la science absolument première,

originaire:

Urwissenschaft.

Libre de tout idéal ou principe préalable, sa propre fondation est

impliquée en elle. Son irréductibilité a pour corrélat celle de la réalité.

C est

une

question de vie et de mort pour la philosophie que celle-ci : «y a-t-il qu il y a ?»,

«que signifie il y a ï

Sur ce point, ce point

capable

du cercle de la pensée, Heidegger a com-

mencé par

s expliquer avec

Je néo-kantisme.

Natorp

dans une

leçon

du

semestre

d été

1922 qui

emprunte

son contenu

à

ses leçons de 1912,

déclare:

«Il y l

fait  jaktum ;   y l l y a.

Il

y l

caractère

unique de

l ultime:

  l est le

 l

est »93

«C est le problème de la  facticité au sens rigoureux 94 ou

de l vindividualité t-vs, tel qu il résul te de la distinction kantienne de l intui-

tion et des concepts.

Mais

cet te origine du

problème est justement

ce

qui

le

déracine. Heidegger

juge

que Natorp, en

dépit

du souci

qu il

a de

la vie

concrète et du retour à J o rigine, résout - et

par là dissout

- le donné

en pure

déterminité de la pensée. Aussi déclare-t-il dans son

premier

cours: «Il

n y

a,

à

aucun moment, de  i l y a pour les néo-kantiens». Ils ne sont pas en prise

sur la question philosophique première, parce qu ils la confient

à

la pensée

théorique. La philosophie

comme

science radicale a son fondement dans

une

dimension pré-théorique qui est, à ce

moment pour

Heidegger - comme pour

Nietzsche autrefois au

sortir

d une autre guerre -

celle

du vivre la vie:  rl -

hen.

Heidegger accède

à

la vie par l historicité.

Ses

premiers cours de

Marbourg

en marquent les étapes.

A

partir du cours du semestre de guerre (KNS), note

Théodore Kisiel, « historique dans son individualité» trouve

son

lieu et son

centre dans «le moi historique» qui «se produit en propre»  sich ereignet . Dans

son cours du semestre

d été

1919, après la lecture du livre de

Jaspers: Psycho-

logie der Weltanschauungen,

Heidegger parle du

«moi en

situation» (situations

ich) et dans le cours suivant (hiver 1919-1920) de

«l expérience

vitale facticiel

le» qui s aiguise dans Je monde du soi

96

• Ainsi la facticité est

la dimension

unique de l histor ique et du vital en

l homme,

de ce que Ludwig Binswanger

devait nommer «innere Lebensgeschichte : histoire intérieure de la vie. Elle est

l irréductible.

Or elle inclut

à

la fois la vie

et

la philosophie qui sont deux expressions du

«es weltet», Ni l une ni

l autre

ne sont l affaire de la pensée théorique. Mais

qu y a-t-il

à

la base de cette exclusion? La

pensée

théorique se trouve-t-elle

93. Paul Natorp, Philosophische Systematik, Hambourg, 1958, p. 220.

94. Ibid.. p. 234.

95. Ibid., p. 232, cités par T. Kisiel, op. cit.; p. 97.

96. Cf. Theodor

Kisicl

p.95.

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L IRRÉDUCTIBLE

3i

qué dans le schème ve rba l, la tension de durée qui lui es t inhérente, et non pas

le temps dans lequel il s explique par rapport

à

un locuteur. Le vivre, de même

ne s explique pas ne sort pas de son pli en se déployant dans un monde dé jà là.

Mais le monde est impliqué dans la vie. Si mu lt an éme nt la tension de la v ie es t

celle de I être-en-souci :

Sorgen.

Elle est en souci pour et au sujet de quelque

chose. Ce en vue

et

à

r ai son de quoi se déploie,

à

même

la vie, le souci, est

à

déterminer, dit Heidegger, comme signifiancerot.

Mais la vie ne peut répondre du sens de la vie qu en répondant du s ens du

sens. Il ne suffit pas pour cel a d aff ir mer que «la vie n est pas quelque chose de

chaotique, mais qu elle est à comprendre comme quelque chose de s igni fi cati f

s exprimant soi-même. Elle se manifeste, écrit Théodore Kisiel, dans des modes

d apparaître qui lui sont propres. Elle produit de soi-même ses tendances facti

cieIJes et les amène par soi-même

à

leur rernplissernent. Autrement dit, eIle est

auto-suffisante. Dans et par sa signifiance, c est-à-dire pa r sa teneur de sens la

vie parle à elle-même dans la langue de la vie. Elle s exprime sous forrne de

tendances dans des situations vitales concrètes, dans la relation de

motif

à ten

dance, c est-à-dire dans son

sens référentiel.

La vie se comprend,

s éprouve

et

s apprend en ce qu elle accompagne son flux structuré tendanciellement.  

vivre-avec de la vie vécue, qui constit ue le sens de son accomplissement et qui

consiste en

ceci: qu il a cc om pa gn e la vie vivante dans sa plénitude, comme

intériorité de la vie

à

soi-même, s appelle histoirewva.

Peut-on dire sans y mettre de la complaisance que la vie se comprend en

accompagnant son propre flux? Cett e i nt ériorisation à soi est en fait une i ntr o

projection qui est

l acte

d un moi.

L homme

projett e son souci dans des s it ua

tions existentielles qu il introjecte dans le flux de la vie. Cette opération

d Einfühlung caractérise tout un versant de l art, dont Wilhelm Worsinger après

Theodor Lipps a donné la

formule:

«La jouissance esthétique est jouissance de

soi objectivée».

«Le sentiment de bonheur que l h om me m od ern e éprouve en pré se nc e des

arts de l Einfühlung consiste dans la satisfaction de son besoin intense d auto-

activité.

«Nous sommes dél ivrés de notre être indivi duel aussi longtemps que, mus

par notre poussée i ntérieur e à vivre quelque chose, nous nous éprouvons dans

un objet extérieur, dans une forme extérieure. Nous sentons pour ainsi dire

notre individualité s écouler dans de fermes limites en contraste avec la diffé

renciation illimitée de la conscience individuelle. Dans cette objectivation de

soi il y a un dessaisissement de

SOÎ »I 3

Toutefois, lintro-projection du moi dans

l élément

de la vie ne

l enferme

pas réellement «en de fermes limites». Il participe au contraire au flux vital uni

versel, là où comme pa r e xe mp le dans la peinture de Rubens ou du Tintoret)

l Einfühlung est portée à son degré le plus extrême.

IOl /hid p.

90.

I02./hid. p.l03.

103.Wilhem Worringer, Abstraktion und Eirfûhlung München, ed. 1948, P. 36-37.

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L IRRÉDUCTIBLE

33

L homme

seul est capable de rencontrer quelque chose. Le quelque chose

n est ni objet transcendantal ni nœud vital. Il est un moment de la

rnondéisation,

à même laquelle il est le moment conjugué d un autre: J avènement de soi. Ce

ne sont pas là des données de la vie. «Es weltet» : s ouvre le monde et j en suis.

Je suis impliqué dans la mondéisation. Celle-ci cependant n est pas, en dépit du

«es»

un événement neutre dont

je

ne serais

qu un

accident.

  y

ai part.

  y

suis

engagé au risque de

moi-même:

un risque dont l enjeu que je suis dépend de la

façon dont je joue le jeu du monde et de moi. Mon rapport au monde est donc

essentiel lement ambigu. Je suis jeté au monde comme étant, mais comme étant

auquel   a été remis d être le

de la mondéisation et qui se tient là - ouvert et

ouvrant - pour l ouverture du monde. C est le sens même de la facticité.

La facticité n est pas un état de chose. C est un mode d être, le mode d être

d un étant dont l être a la forme de l «exister». Elle est l indissoluble union de

l être jeté

 Geworfenheit)

et de la t ranscendance: une chose ne peut être jetée à

soi. Elle n a pas, faute de transcendance, de soi à jeter ni à qui être jetée. Ne

peut être

jeté

à soi

qu un

étant capable de soi. Il se trouve alors dans cette situa

tion contradictoire d être livré à sa propre transcendance dont il est en même

temps l ouvreur.

Autant qu à la chose, la facticité disconvient à Dieu. Par raison inverse. Il

n est pas jeté à soi parce qu il n existe pas en je t dans un projet. Ces deux traits,

par contre, définissent l homme et son rapport au monde. Le «es weltet» exige

la présence humaine. La mondéisation est une avec l avènement du soi.

L être

là est jeté à son là en vue de l ex ister comme être au monde à dessein de soi.

«L être-là est en existant son là, veut dire: le monde est  là ; son être-là est

l être à...» Oll A vouloir si tuer ce là, on est pris de vertige; la question «où ?»

elle-même flotte en lui. C est à être à... que l êt re-là existe le

du monde; il

l existe

à

être

au monde.

«Etre au monde», qu est-ce à

dire?

Il ne

s agit

pas de

s y introduire pour y être; mais l être-là se tient ouvert pour l ouverture du

monde et de soi.

Le monde s ouvre là, c est-à-dire en lui-même, en tant que «es weltet» est

cette ouverture. Il s ouvre en même temps et au même lieu que l étant destiné à

être le là, et qui «comme être du là»l a ouvert temps et lieu. «L express ion

 là désigne cette essentielle ouvertureuv par quoi cet étant ( l être-là)  est là

pour lui-même en indivision avec l être-là du monde.»lll

L ouverture «es weltet» s accomplit avec l avènement de l être-là «qui est

en lui-même éclairci comme être au monde, non par un autre étant mais en ce

qu il est

lui-même l éclaircie» », «face éclairant

à

soi» à laquelle le monde

s envisage

«comme

à soi le muct» .

108. Martin Heidegger, Sein und Zeit, p. 145.

109./hid., p. 132.

11O /hid

p.

132.

Ill lhid p. 133.

112./hid., p. 133.

113. André Du Bouchet, Laisses.

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8/10/2019 Lirreductible

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34

HENRI MALDINEY

 .

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R.M. Rilke, dans un

 sonnetà

Orphée,

Atmen

(Respirer),

exprime

le

change

mutuel, la mutation_ totale et réciproque du

monde

en ouverture et du soi en

advenir dans le

rythme

unique du souffle,

  - -

,.  

«Respirer. Poème invisible

perpétuel par échange contre mon être propre

de l'espace

même

du monde. Contrepoids

dans lequel rythmiquement moi-même je me deviens...»114

Heidegger toutefois, entend plus

décidément l'unicité

du là du

monde

et du là

';

qu il

a été remis, à

l étant

que je suis, d 'exister . Etre au monde est ce à dessein de

quoi

 Worumwillen

l 'être-là est, en existant. D'autre part, il existe, selon la guise

de son être, à dessein de soi

 Sichumwillen .

Il

n y

a là ni contradiction ni décala

ge, ni même partage.

Le

«à dessein» est le même. La

significativité

du

monde

et

le sens de l 'être-là s 'ouvrent dans le même comprendreiu, Et de même qu il est

l 'étant pour lequel il

y

va de son être dans cet être même,

l être-là

est' «l étant

pour lequel, en tant qu être au monde, il y va du monde» », Pourquoi «yen va-t

 

de...

» ?

Parce que le

là qu un

tel étant a

à

être, est suspendu à un «à dessein»

dont il a à ouvrir l'horizon en se projetant vers des possibilités. .

Le «à dessein»

es t

le

même. II est vertigineux parce qu il

es t

par

essence

(ou au sens strict du mot, par ex-istence) inéluctable et irréalisable. Le réaliser

serait l'anéantir. Il y perdrait sa dimension absolument propre:

son

ouverture. Il

n est là,

en effet,

qu à

maintenir en ouverture sa propre possibilité. Elle

est

irré-

ductible à l'étant. Elle

est

irréductible à la vie. .

Ce qui a

été

déterminant dans le passage sans retour de

Leben

à

  ~ s e i n c est

la question du sens sur le sens duquel Heidegger en est venu à différer radicale

ment de Husserl. La question du sens du sens a partie liée originairement avec

celle du sens de l'être. Cette partie

esl-

suivant le projet méthodique de Sein

un

elt

- d'ores et déjà engagée lorsqu'on s'interroge sur la constitution dimension

nelle de l'être-là. L'être-là est l'étant dans

l être

duquel il y va de cet être même.

De

même il est l 'étant dans le sens duquel il

y

va du sens du sens. '

«L'interrogé primaire de la question du sens de l être» » est identiquement

l i n t ~ -

rogé primaire de la question de l 'être du sens. Ce qui s 'exprime ouvertement dans

cette déclaration de Heidegger: «Seul l'ê tre-là peut avoir sens ou être privé de

sens-ua. r

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36

HENRI MALDINEY

 

\

,

t

 

• «Dans'le projet du monde, l étant ne s 'est pas encore manifesté en lui-même. Il

Vdevrait même rester caché si l'être-là qui projette n'était lui-même déjà aussi, en

. . tant que projetant, au milieu de l 'étant. Mais être au milieu de... ne signifie pas

, se présenter parmi les autres étants, ni même sc diriger e x p r e s s é ~ e n t vers eux

P entretenant un rapport avec eux. EIre au milieu de.c. , cela apparttent au contraire

à la transcendance. Ce qui transcende. et qui de la sorte s' exhausse, doit, en tant

 

qu'être qui transcende,

se sentir

au milieu de l 'étant . L'être-là dans cette

s i t u t i o ~

  ..f( affective , ou plus exactement pathique ) est si bien investi par l étant. que, lUI

t

 

appartenant,   est accordé à son ton.

 

transcendance signifie le projet et

l esquisse d un monde, mais en sorte que ce qui projette est commandé par le

règne de cet étant qu il transcende, et est d ores et déjà accordé à son

to .»126

\,;:

. La liberté pour fonder, qui est son propre fondement, a donc à prendre fond

(ce qui équivaut à prendre corps) dans l'étant qui l 'investit et dans lequel

elle

«se trouve»   cf. Befindlichkeit), c'est-à-dire à la fois demeure et se découvre.

',Cela'rte veut pas dire qu'elle s y assujettisse. «Bien que se sentant au milieu de

 l étant et bien que pénétrée de sa tonalité, c est comme libre pouvoir-être quez

ll'être-Ià se trouve jeté parmi I'ërant.»:» Libre et jeté. La contradiction est inhé-

rente

à

la liberté. «Que l'être-là soit en puissance un soi-même et

qu il

le soit

à proportion chaque fois de sa liberté [...J, cela n'est pas au pouvoir de cette i

:

liberté »128

La contradiction se resserre et culmine dans cette déclaration: «Tout

projet du monde se trouve lui aussijeté»129.

Seul peut être jeté un être capable de transcendance, éprouvant en elle

qu il

\

a

à

être sans savoir d'où. Cette implication mutuelle, dans l'être de l'être-là, de

la transcendance et de l'étre jeté, constitue le cercle de la facticité. Il es t l'irré

ductilblequi se résout en lui-même dans la circularité de l'être-là. La facticité de ,;

l'être-là qui est sa dimension d'être, s'exprime comme souci.

Le sens de l'être et

l être

du sens sont liés comme le sont l être-là et le

comprendre:

dans une seule vue. Le comprendre est la vue de

l être-là

surx

lui-même, et l 'êt re- là est lui-même cette vue. Il coincident

dans

la

même

ouverture qui est à la fois extase et éclaircie. Le comprendre diffère de

l 'intuition, qui voit «par corps», en ce qu il perce

jusqu aux

possibilités'w,

Heidegger dit

d autre part:

«Ce qui est pu et su tgekônnt

dans

le

corn

prendre

n est

pas quelque chose, c est

l ê tre c om me

exister» ». Ici   a'ccède

au réel, là au possible, lesquels disconviennent entre eux. Mais le com

p r e ~ d r e

et l 'être-là conviennent entre eux dans une commune opposition à la

logique de la positivité. Les deux aspects qui semblaient s exclure s identi

fient dans la dimension unique de l existence: exister,

c est être

à

dessein

de

sa propre possibilité.

126 Ibld.;p. 42.

127

tu«

p. 50.

128.1bid.

129.1bid.

13 MartinHeidegger, Sein undZeit,p. 145.

13Ubid., p.

143.

j

 

.

.J.

 

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38

HENRI

M L INEY

La stnicture et le sens du projet  Entwurf> s'exprime au plus près dans le

préfixe eenr», qui marque l a r r a c ~ e m e n t . «Dans le projet:T   e n t ~ e r f ~ n ) A I'évé

nement qu'est le projet arrache en ,quelque sorte le p r o J e t a n ~ . a lui même ,et

l 'emporte au loin

 von ihm weg   und forttrâgt .

Toutefois, s Il est

vrai

qu Il

l'emporte dans le projeté, il ne

l y

laisse pas destitué et perdu. Au contraire,

danscet

emportement

au loin, se

pro_duit

danset

par

le projet un

retour

du pro

jetant à lui-même. Mais pourquoi le projet est-il un retour tel qu il emporte au

loin ?»139 «Parce que cet emportement au loin du projeter a le caractère   un

enlèvement dans le possible.» « Ici attention Pas plus que le projet n emporte

le

projetant

dans un

autre réel,

  ne l emporte dans un possible arrêté «mais

dans la possibilité comme possibilité, dans la possibilité de rendre possible,

dans la possibilisation

 Ermôglichungwi»,

L ouvreur du projet, l être-là. est emporté au loin. mais au loin de soi , qui

est aussi le plus proche. Le soi n'est proprement soi q u en j et dans son propre

projet, où il est sa possibilité. .

«Dans le projet règne le monde... Dans le projet se produit le faire régner de

l'être de l'étant», dit Heideggeric. C'est dire que l 'être de l 'étant consiste dans

sa mondéité. La mondéisation fonde la différence entre l'être et l' étant en

accomplissant la possibilisation de celui-ci. C est dans l événement du projet

que se produit la différence ontologique par où l'homme exprime son essence.

La différence ontologique est l'expression directe de la facticité de l'être-là,

qui implique, ici en deux et se recomposant en un en elle, être jeté et projet,

échéance et transcendance.

L'ontologie de Heidegger en une éthique de la possibilisation, donc de la res

ponsabilité. Que s'agit-il en effet de rendre possible? L'effectif, l 'étant auquel

nous sommes jetés. Contingent,

 

n a pas lieu d être. Ni lieu de ne pas être. A

cette indifférence ontologique répond son insignifiance. Il n'est susceptible ni de

sens ni de non-sens. Il est hors de question: hors de la question du sens comme

hors de la question de l'être. Notre effectivité toutefois est très spéciale. Elle est

faite. En elle nous sommes faits. D où son nom de «facticité». Nous l éprouvons

comme une limite significative qui renvoie

à

un dépassement. Nous nous éprou

vons comme faits en référence et en opposition au pouvoir-être qui nous est

propre et n'appartient qu'à soi: le pouvoir de fonder en possibilité et, par là, en

signifiance cet étant auquel nous sommes échus. Fondé en possibilité, l effectif

est rée . Il est ce en quoi l'être-là ouvre le règne du monde à dessein de soi.

«Le pouvoir-être de l être-là n est pas une liberté d'indiffércnce.ero. «Sui

vant le ton auquel il est accordé, l'être-là voit des possibilités à partir des

quelles Il

e ~ t » l

«Il n est jamais plus qu il n est facticiellement, parce que le

139

Ibid

p.

528.

140

Ibid

p.

528.

.:

  j

14t.tbid.,

p. 530. \

142

Martin Heidegger

in

u

Zeit,

p. 144

43 Ibid p.

  48

44 Ibid

p.   45

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HENRI

MAl.DINEY,

40

,

,

celui-ci

n'étant pas un aspect de celu i Ià mais son

point-source. c'est

ce

qui

montrent'deux moments fondamentaux de

l'existence:

l 'apparaî tre et la ren-

.contre. , .

  ;

,

L'apparaître est l'éclaircie primordiale à même laquelle s'accomplit en plci

né lumière le mystère de l'être-en-présence et se réalise le vœu de 116lderlin :

._.i

,, '

.

«Que soit ouverte au regard ouvert la

Iumiëre.»

L'ouverture, co-originaire du

«y

avoir» et du

«y

être», dans l'apparaître, ne

'peut être attribuée

à

la «proposition de la conscience», qui met en relation un

sujet représentatif et un objet représenté, et dans laquelle Eugen Fink voit

l'expression moderne - et selon lui la plus haute - du concept d'apparition.

«Le sujet n'est ce

qu'il

est que dans

l'acte

de se représenter l'objet qui lui

est

pré

senté.et'c

En réalité, la représentation n'intervient qu'après coup, pour verser au

compte courant de la conscience ce qui lui est d'abord présenté. On ne saurait

passer outre à cette présentation, qui précède la constitution en objet de I étant

. qui se présente et la constitution en sujet de celui qui a ouverture à l'événement

,

de cette présentation. C'est précisément cet événement que Husserl a reconnu

.dans l'impression originaire, qu'il a, en toute lucidité, lui, le philosophe de la

;< conscience, soustrait

à

la production de la conscience.

«L'impression originaire est le commencement absolu de cette production. Mais

elle-même n'est produite» 151.

, Il est remarquable que sur ce moment apertural, le rationalisme intégral de

: Husserl rejoigne l'empirisme intégral de Hobbes. .

: ~ h ; :

«De tous les phénomènes qui apparaissent, le plus extraordinaire est l'appa

\\,.. raître lui-même. Car si c'est par eux que nous avons connaissance des choses,

 jl .

c'est finalement la sensation qui est le principe de la connaissance des principes

et tout savoir dérive d'elle. [...] Mais la recherche de ses causes ne peut à son

  tour partir d'aucun autre phénomène qu'elle-même: la sensation des sens.» »

 

La sur-prise qui dépasse toute prise, parce qu'elle est en toutes au fonde-

ment de chacune, c'est le <l>a vEcr8at. Il est le premier que nomme Eugen Fink

  parmi les modes d'apparaître.

 

« ~ e x p r ~ s s i o n  apparaître erscheinen) a une pluralité de s ignifica tions d'une

énigmatique profondeur. Elle signifie en premier lieu le surgissement de l'étant, sa

v ~ n u ~ dans l'ou;en, e n ~ e ciel et. terre.

Tout

ce qui est fini vient à apparaître en

s I s ~ r a n t dans

1

espace intervallaire et le temps intervallaire, en y

ayant son

séjour

prëcaire.»m

, ,'.' C

, ,

,

149.Hôlderlin, Komm   ins Offene... Gang aufs land).

150.

Eugen Fink, L analyse intentionnelle,

{dc

cir

p. 72-73

  J .

151.Edmund Husserl Leçonsp

. .

, ur une p enomeno agie de la conscience intime du temps.

p. 131.

c-

 

152.

Thomas

Hobbes, Doctrine du corps.

153. Eugen Pink, op. cit., p. 71.

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L IRRÉDUCTIBLE

41

Le défaut de ces images est qu elles sont les images d étants déjà manifestés

qui se sont refermés su r J essence de la manifestation. Pour un étant, dit Fink,

 apparaître

c est

venir dans l ouvert entre ciel et terre, s insérer dans l espace

intervallaire iZwischenraum) et le temps intervallaire   Zwischenzeit). Mais

encore faut-il que ciel et terre, espace et temps, dont J intervalle const itue le

champ d apparition apparaissent eux-mêmes. Et dans quel autre champ précé

dant tout étant comme un lieu où s ur gi r? L a question ne peut être renvoyée aux

calendes.

L avoir

lieu de J événement et son lieu

d être

apparaissent ensemble

au prix

d une

t ransformation non conforme de ce qui nous es t monde.

Cette transformation qui rompt la trame et la chaîne de J être au monde, se

révèle en certaines situations-limites ( limites parce que liminaires) qui ne sont

pas des inventions pseudo-mystiques ou poétiques de philosophes. Nous avons

rapporté ailleurs les propos d un chasseur de chamois rencontré par Pierre Tai

Coat dans la vallée de s Bans. Il cherchait à lui faire sentir ce qu avait d unique

l apparition soudaine de l animal

à

la crê te ou au col où le chasseur l attendait .

Ce

qu elle

avait

d unique c est

que ce t événement comblait J attente

en

l engloutissant.

«O n

ne

r a

pas vu venir.

Tout

d un

coup

 

es t

là.

Comme

un

souffle. Comme un rien. Comme un rêve.» L apparition du chamois dans

l abrupt absolu d une fois unique ne s inscr it pas dans une conf iguration préa

lable, pourtant soigneusement entretenue par l acquis la prévoyance

et

la cir

conspection qui sont inhérentes

à

l act ion projetée de la chasse. Au contraire,

elle J annule. Attendue

entre

ciel et terre, J apparition de J animal

es t

boulever

sante, parce

qu elle

es t une transformation totale du entre. L événement est Je

point d éclatement d un champ d incidence et d accueil le point-origine d un

monde autre. «Entre» ne désigne plus un intervalle compris entre ciel

et

terre,

un écart entre deux bords. Le «entre» agrandi sans mesure, et pa r retournement

absorbant ses limites, es t passé, sans apprêt, dans la patence de l ouvert. Ciel,

terre, entre-deux, tout à l  heure éléments de référence, apparaissent tout à

coup

en suspens dans la déchirure du monde - «déchirure, non: le jour de la déchiru

re» >

Tai Coat, le peintre, plus que tout autre était à même de comprendre le sens

universel de cette surprise singulière. Ca r c est une telle transformation qui

constitue

l événement

dont ses tableaux sont indivisément J acte et le l ieu. Evo

quons seulement les plus nus : deux aires étagées, presque monochromes

modulant en profondeur , entre lesquelles intervient un blanc... ligne d aube.

Pour y voir trois surfaces formant un ensemble compact , il faut se soustraire au

regard intérieur de l œuvre dont so n espace es t le regard externe induisant le

nôtre. En fait,

à

travers cette ligne

d aube

qui divise J espace compact, celui-ci

se verse en

lui-même

et, s intériorisant

à

soi, accomplit son unité.

Le

blanc, si

mince soit-il,

n est

pas un intervalle mais une ouverture «ek-statique» qui

donne

jour

à tout

l espace.

Ce vide médian révèle alors le grand vide où s effectue la mutation, le chan

ge mutuel des deux aires opposées, au lieu même de leur naissance. L étant se

154.André Du Bouchet,

Langue. déplacements, jours - L incohérence,

Hachette, Paris,

1979.

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L I RRÉ DUc n LE

43

En dépit de s abus et de

l aplatissement

du langa ge r are s son t les « év én e

ments» et nous ne

parlons

le p lu s souv en t de l être que

par

prétérition. Un étant

ne nous e st p ré se nt réellement comme tel qu e lorsque nous-mêmes sommes

réellement présents. Or nous ne tenons l être et non la pose que l or sq ue n ot re

présence comme être en avant de soi en soi plus avant est mise en demeure de

s être

ou de

s anéantir.

D an s ce tte p ré ce ssio n de soi elle

s anticipe

à

travers des

moments critiques de vide ou d hyperconsc ience de vertige ou de décision

d appel ou de d éro ba de . Tout é vé ne me nt d éc hi re le m ond e qu e la présence es t

en tant qu il es t le sien. Il lui faut franchir la faille ou s y abîmer. Or elle se

tro uv e au bo rd d une faille qui n a pas d autre bord. Si ce n est d ans un

monde

autre dont elle n entendra

l appel qu à

se transformer.

L existence

s entretient de tels événements transformateurs.

Pa r

un retour

nement complet la faille

qu e

le monde prétendait contenir

s ouvre comme

le

vide médian s ouvre

dans

le g ra nd vide. El le e ng lo ut it le

monde

qui

s annule

en

elle. Ell e l aisse la p ré se nc e en suspe ns d an s

l ouvert

duquel surgit de rien libre

de tout projet une

existence

autre incomparablement.

L événement-avènement

de

l existence

n a

pas d ex pre ss io n v erba le adé

quate parce

qu e

l existence

n a pa s

de s ig ne et

qu e

l a bsen ce de sig ne est p ré ci

s émen t ce qui la s ignifie.

C est

exactement ce

qu e

dit H ël de rl in de

cette

mani

festation de l existence en péril

qu était

la tragédie des Grecs.

«C est à p ar ti r du p ar ad ox e que le sens des tragéd ies se fait le m ieu x enten dr e. Ce

qui est ori gi ne l en réa li té n a pparaî t

pas

dans sa force originelle.

 l

n apparaît pro

prement que dans sa faiblesse en tant que son signe est posé comme insignifiant

sans e ffet mais l ori gin el surgit directement. Le fond caché de toute la nature

qua nd son signe est égal à zéro a pparaî t dans son don le plus fort » 58

Le signe et le do n so nt en sens inverse. Ce qui pose d irec te ment la q ue sti on

de

l autre.

Comment J être-là en tant que pouvoir-être au monde à dessein de soi peut-il

rencontrer

l autre?

Il ne pou rra it r en con tr er au trui ni dans son m on de ni d an s le

monde de l autre si leurs projets respectifs n ouvraient un monde commun sous

l horizon

d une seule et

même mondéité.

C est bien la pensée de Heidegger

pour

qui l être-avec est un moment constitutif de l être-là comme être au monde.

«Appartient à

l être

de l ê tre-là dont il

y

va pour lui dans son êtr e même l être

avec uutrui.erw

Cel a v au t

symétriquement

pour autrui.

«L être-là-avec

caractérise

l être-là

d a ut ru i po ur a ut an t

qu il

est libéré par son monde pour un être-avec.e

t

Ce

sont là les résultats de

l Analyse

existentiale «qui vient de

montrer que l être

de l être-là qui se me t l ui -m êm e en je u dans son être es t aussi être-avec

autruiatcr.

158. Hôldcrlin in Œuvres cd. Ph. Jaccottct La Pléiade Paris 1967 p. 644.

139. Martin Heidegger n

un

Zeit p. 123.

160 lhid p 123.

161 1hid p 123

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IRRÉDUCTIALE

45

plus fort, là où son signe est égal à zéro. Elle

n a

pas de signe

d elle-même

c est-à-dire pas de signification.

Q ua nd la sign ific at io n se substi tue à la signifiance, au «tu» se subroge le

«il» en non-personne. Parce quinsignifiable la signifiance suscite l a pp el .

Nommer c est appeler.

C est

p ourqu oi la ren co nt re d on ne son sen s au nom qui

l a perdu qua nd , da ns notre façon d en te nd re la langue, au

no m s est

substitué

le

mot et, avec lui, la s ignification. La qu est ion du dire est d ev en ue insoluble

quand a dispar u de son horizon la dimension de la rencontre avec les ê tr es et les

choses et celle de la nomination. Tout s est thématisé dans une objectivation

universelle confirmant cette phrase de

Heidegger:

«D as Ail de r vorhandenen

wird

thema» 6

:

«L e

tout de

l étant

étalé devant nous devient thème.»

C est

la re ncontre , en fait, qu i a décidé du tournant, de la

«kehre»,

de la pen

sée de Heidegger.

L entretien

écrit p ar lui en 1944-45, entre un pr ofe sse ur , un

savant et un ér udit, e squ is se une tout autre vue su r l essence de la pensée. La

sérénité

 Gelassenheit s y

sub st it ue au souc i et le stat ut de

l ouvert est

changé.

Or les mots

pour

dire

l ouvert:

Gegend

  la contrée)

et

Gegnet,

qui en est la

forme ancienne,

comme

ceux qui

s y

rapportent

directement:

Vergegnet

et

Ver

gegnis.

p ro cè de nt t ou s de la rac ine

;:en

ou

gegen

: - celle de la rencontre

 Bege

gnung .

Pour nommer

l ouvert

He ide gger chois it en définitive

l équivalent

de

Gegnel : die Freie Weile   la libre étendue).

«La con tr ée  Gegend c om me si rien ne se produisait rassemble toutes choses.

Elles les met en p résence  l?el?nen).»lft6

«La libre étend ue   GeglU t) est l é te nd ue qui fait d ur er et qui , r as se mbl an t toutes

choses s ouvre elle-même, de sorte

qu en

elle l o uv er tu re est con tenu e, et t en ue de

laisser toute chose éclore dans son repos.ste?

«L o uv er tu re e ll e- mê me serait do nc cc d on t no us ne pourrion s a bs ol um en t rien

faire, si ce n est de tourner vers elle notre atrentc.e w

« L at te nt e est le r appor t

à

la libre

étcnduev w,

et ce rapport

es t

un laisser

être. L a tt en te est un non-vouloir , «elle se laisse e ng ag er dans le c he mi n de la

libre étendue, et ainsi e nga gé e c lic laisse la libre étendue ré gner se ule comme

libre étcndue» »

Ainsi la libre

étendue

qui

ne produit rien

et dont nous ne

pouvons absolu

ment

rien

faire

mais en qui toute chose a son repos, est une forme sans forme

du

tao.

165.Martin Heidegger, Sein und z n p. 362.

166. Martin Heidegger, Pour servir de commentaire à Sérénité. trad. André Préau in Ques-

tiONS

III, Gallimard. Paris, 1966, p. 193.

vei.tu«, p. 194.

168./bid., p 196.

169./bid., p.

201.

170./bid., p.

201.

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L'IRRÉDUCTIBLE

47

«Dans l 'a ttente nous laissons ouvert ce vers quoi elle tend.» ? Mais

il

ne

suffit pas, pour penser J'ouverture, de repenser Je mot résolution  Entschlossen-

heit) «à la façon de Sein

und

Zeit, comme le fait. assumé spécialement pa r l'être

là,

d être

ouvert pour l'ouverture» », Car il n est plus question désormais de

l'ouverture du monde, de l'être à.... et du soi. «L'être de la pensée repose dans

I'vassimilation de la sérénité à l 'ouverture de la libre étendue.» » Or là où le

souci

n est

plus l 'être de

I'être-là'<v

la temporalité qui était le sens ontologique du

SOUCi

l83

ne saurait être prise pour le temps de l 'attente.

Le

rapport de l 'attente à la

libre étendue exige une transformation radicale de la structure du temps.

Pure réceptivité qui

n est

a priori passible de rien

qu e

du rien, l 'a ttente ne

s 'envisage à nul visage du monde. facies totius universi. L attente qui n attend

rien laisse ouvert

l advenir. L advenir.

non l'avenir.

Presque toutes les doctrines du temps le déterminent, d après le cours du

devenir ou

d après

l 'articulation de ses extases,

comme

une inclusion-exclusion

mutuelle et asymétr ique du futur, du présent et du passé - dont la tension se

résout dans le sens horizontal d une succession. Seul Schelling

a

compris le

temps suivant une structuration verticale du passé, du présent ct du futur,

comme de trois régions contemporaines, soustraite au lien du devenir.

Le

passé

et l 'avenir absolus

dont

il est quest ion dans les Weltalter, ne sont pas le passé et

le futur de ce

monde

historique auquel et dans lequel nous sommes maintenant

présents sur la base de projets,

d acquis

de souvenirs - prospectifs ou rétros

pectifs. Le passé absolu n est pas un réseau de rétent ions, ni

l avenir

absolu une

perspective protentionnelle, ayant l un et l autre leur point d attache dans un

ici-maintenant

à partir

duquel s ouvre l'horizon d un monde historique.

Les expressions de passé ct d avenir absolus ont le tort d évoquer l ordre du

temps. Leur rapport est

d une

autre sorte. Le passé absolu est sous-jacent au

monde ct

à l homme comme

fond universel.

L avenir

absolu réalise hors du

temps historique la plénitude des temps. Nul doute

qu ils

ne soient considérés

généralement comme mythiques. Mais ce mythe est sans cesse agissant dans

chaque existence. Il est au

cœur

de la dramatique humaine, qui culmine dans

ces états pathologiques

pour

lesquels D.W. Winnicott emploie, dans son sens le

plus propre, le terme de

«breakdown» « :

brisure et chute.

J. B.

Pontalis en a

mesuré la profondeur: «Cet effondrement redouté parce qu il menacerait tou

jours

d avoir

lieu

dans l avenir

a en fait

déjà

eu lieu dans le passé. Mais

il

a eu

lieu

sans trouver son lieu psychique. Il n est déposé nulle

part » » II n est

pas

179./Nd., p. 196.

I80.Ihid.,

p.

213 cl

Sein wu Zcit,

p.

297.

18UNd. p.

203.

182. Cf.

Sein und Zeit, p.

1R

183.er. Sein und Zcit, p. 301.

184. «Feur of brcakdown», Internat. review of Psychol. Analysis, 1976, n'' 1, trad. fr. in Nou-

velle r e \ l i de psychanalyse

n''

II

analysé parJ.

B.

Pontalis,

Préface à

D.W.

  innicott

sens et réalité, Gallimard, Paris, 1979.

185.1. B. Pontalis, Préface à Sens et

réanté oc

cit, p. XI.

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L IRRÉDUCTIBLE

49

signifiance insignifiable de laquelle nous sommes passibles en-deçà de toute

condition de possibilité.

L événement ne donne pas prise au destin. Je ne suis pas j eté

à

lui. Il ne peut

qu être accueilli à même une transformation qui est un devenir

autre

alors que

le destin réduit toute la différence au même. La réceptivité accueillante à l évé

nement qui est une avec la transformation de l existence - par où précisément il

existe - est J expression directe de sa transpassibilité.

L événement est l i rréductible de l existence. Non parce

qu il

est un fait

une structure

ou

un projet fermés sur soi. Mais parce que comme l existence et

avec elle il

n

pas de signe de reconnaissance qui lui permette de s expli quer

sur le mode du

ell tant que

Il est irréductible...

même à soi