L’invité du DR: Michel Collon « COVID-19 : les populations

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Avec un manque d'élégance qui correspond bien à sa caste, le président Macron s'était permis de critiquer, post mortem, les enga- gements politiques du défunt footballeur argentin Diego Maradona : « Ce goût du peuple, Diego Maradona le vivra aussi hors des terrains. Mais ses expéditions auprès de Fidel Castro comme de Hugo Chavez auront le goût d’une défaite amère. » En réfléchis- sant bien, on peut en effet comprendre que, pour le Président français, la fréquentation de Fidel et Hugo par Diego ait la saveur d'une défaite, de surcroît amère. Lui préfère la fréquentation, « victorieuse » et « douce », de ses interlocuteurs préférés : le prince saoudien Mohammed ben Salman et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, tous deux engagés à priver les Palestiniens de ce qui leur reste de territoi- res et de souveraineté. Côté américain, les choses ne s'annoncent guère meilleures. Le choix de Joe Biden d'Anthony Blinken et de Jacob Sullivan, res- pectivement comme Secrétaire d'Etat et Conseiller à la sécurité nationale, deux adeptes des politiques militaristes outran- cières aux postes les plus importants de l'organigramme de la Maison blanche, ne fait que confirmer nos sombres prédictions (voir édito du DR-83). Une configuration préoccupante pour l'avenir des relations internationales et pour la paix mondiale sur fond d'hystérie antirusse et antichinoise, soigneusement orchestrée par les grands médias au ser- vice du Pentagone. Tout ceci dans un contexte de grave crise sanitaire où le nombre de victimes, en particulier et comme d'habitude dans les populations les plus défavorisées, n'a d'égale que l'ex- plosion des bénéfices du nouvel Eldorado du capital transnational : les industries militaires, pharmaceutiques et numéri- ques. Chez nous aussi, encore une fois, ce sera aux travailleurs et aux simples gens de supporter l'essentiel de la crise, avec son lot de chômeurs, de malades et de popula- tions en grande précarité. Les patrons, eux, continueront à toucher des dividendes, à bénéficier de réductions de cotisations sociales et à recevoir des subsides publics. Conséquences propres à la nature même du système capitaliste mais cette fois aggravées par une gestion irresponsable et arrogante de la crise du Covid-19, où nos bureaucrates ont préféré faire preuve d'amateurisme au lieu de prendre en compte les expériences des pays non sou- mis aux intérêts du secteur privé. Comportement insensé de nos autorités, analysé et dénoncé par de prestigieux experts dans l'ouvrage « Planète malade », remarquablement dirigé et coordonné par Michel Collon, notre invité dans ce numéro. VC L’invité du DR : Michel Collon, « COVID-19 : les populations ont le droit de savoir » Dogan Özgûden En route vers le troisième génocide arménien ? Vladimir Caller • Biden et la Reine Elisabeth II • Un autre Israël existe Martin Willems Quel monde faisons-nous aux suivants ? Marc Denonville • Menaces sur le droit de grève • Il y a 60 ans, Patrice Lumumba Georges Berghezan Venezuela, des élections dans un contexte difficile Bernard Lefevre Surveiller et punir Marie-France Deprez Nouvelle année de lutte pour la libération de Julian Assange Sommaire complet à la page 20 le Drapeau Rouge 9, rue Rouppe à 1000 Bruxelles • Bureau de dépôt : 1000 Bruxelles 1 • Numéro d’agréation : 405.266 • BC 9768 1Janvier Février 2021 - 84 Journal du Parti Communiste de Belgique fondé par Joseph Jacquemotte en 1920 « L’avenir n’est pas l’amélioration du présent, c’est autre chose » Elsa Triolet Éditorial : MARADONA, MACRON, BIDEN, COVID…

Transcript of L’invité du DR: Michel Collon « COVID-19 : les populations

Avec un manque d'élégance qui correspondbien à sa caste, le président Macron s'étaitpermis de critiquer, post mortem, les enga-gements politiques du défunt footballeurargentin Diego Maradona : « Ce goût dupeuple, Diego Maradona le vivra aussi horsdes terrains. Mais ses expéditions auprès deFidel Castro comme de Hugo Chavez aurontle goût d’une défaite amère. » En réfléchis-sant bien, on peut en effet comprendre que,pour le Président français, la fréquentationde Fidel et Hugo par Diego ait la saveurd'une défaite, de surcroît amère. Lui préfèrela fréquentation, « victorieuse » et« douce », de ses interlocuteurs préférés : leprince saoudien Mohammed ben Salman etle Premier ministre israélien BenjaminNetanyahou, tous deux engagés à priver lesPalestiniens de ce qui leur reste de territoi-res et de souveraineté.

Côté américain, les choses ne s'annoncentguère meilleures. Le choix de Joe Biden

d'Anthony Blinken et de Jacob Sullivan, res-pectivement comme Secrétaire d'Etat etConseiller à la sécurité nationale, deuxadeptes des politiques militaristes outran-cières aux postes les plus importants del'organigramme de la Maison blanche, nefait que confirmer nos sombres prédictions(voir édito du DR-83).

Une configuration préoccupante pourl'avenir des relations internationales etpour la paix mondiale sur fond d'hystérieantirusse et antichinoise, soigneusementorchestrée par les grands médias au ser-vice du Pentagone. Tout ceci dans uncontexte de grave crise sanitaire où lenombre de victimes, en particulier etcomme d'habitude dans les populationsles plus défavorisées, n'a d'égale que l'ex-plosion des bénéfices du nouvel Eldoradodu capital transnational : les industriesmilitaires, pharmaceutiques et numéri-ques.

Chez nous aussi, encore une fois, ce seraaux travailleurs et aux simples gens desupporter l'essentiel de la crise, avec sonlot de chômeurs, de malades et de popula-tions en grande précarité. Les patrons, eux,continueront à toucher des dividendes, àbénéficier de réductions de cotisationssociales et à recevoir des subsides publics.Conséquences propres à la nature mêmedu système capitaliste mais cette foisaggravées par une gestion irresponsableet arrogante de la crise du Covid-19, où nosbureaucrates ont préféré faire preuved'amateurisme au lieu de prendre encompte les expériences des pays non sou-mis aux intérêts du secteur privé.Comportement insensé de nos autorités,analysé et dénoncé par de prestigieuxexperts dans l'ouvrage « Planètemalade », remarquablement dirigé etcoordonné par Michel Collon, notre invitédans ce numéro. VC ■

L’invité du DR :Michel Collon, « COVID-19 : les populations ont le droit de savoir »

Dogan ÖzgûdenEn route vers le troisième génocide arménien ?

Vladimir Caller• Biden et la Reine Elisabeth II• Un autre Israël existe

Martin WillemsQuel monde faisons-nous aux suivants ?

Marc Denonville• Menaces sur le droit de grève• Il y a 60 ans, Patrice Lumumba

Georges BerghezanVenezuela, des élections dans uncontexte difficile

Bernard LefevreSurveiller et punir

Marie-France DeprezNouvelle année de lutte pour lalibération de Julian Assange

Sommaire complet à la page 20

le Drapeau Rouge 9, rue Rouppe à 1000 Bruxelles • Bureau de dépôt : 1000 Bruxelles 1 • Numéro d’agréation : 405.266 • BC 9768

1€JanvierFévrier 2021 - N°84

Journal du Parti Communiste de Belgique fondé par Joseph Jacquemotte en 1920

« L’avenir n’est pas l’amélioration du présent, c’est autre chose » Elsa Triolet

Éditorial : MARADONA, MACRON, BIDEN, COVID…

Volontairement confiné, MichelCollon a investi sept mois àtemps plein pour nous proposerun ensemble d'analyses, ques-tionnements et réflexions à pro-pos de la crise sanitaire en cours.Son livre « Planète malade »comporte un tome de 40 entre-tiens avec des personnalités dumonde scientifique, politique,médiatique, hospitalier et untome d’enquête personnelle.1

Pour alerter et dénoncer car lesconséquences de cette criseauraient pu être bien moins gra-ves, notamment en perte de vies,si nos responsables politiquesavaient fait preuve de plus deresponsabilité pour la santé deleurs administrés et de moinsd'allégeance envers les puissantsintérêts économiques qui agis-sent en coulisse.Vétéran de tant de batailles, envoilà une de plus, Michel nousrend compte de sa dimension etde ses perspectives. Le DR seréjouit de lui ouvrir ses pages.

Le Drapeau Rouge.- Même si les médiasdominants restent assez discrets à cesujet, il y a une énorme différence entrele bilan des victimes de la Covid 19 dansles puissances occidentales et dans cer-tains pays d'autres continents. Com-ment expliquez vous ces résultats sicontrastés ?

Michel Collon.- Leur refus de comparerest en effet saisissant. D’un côté, l’Eu-rope et les USA, soit environ 700 millionsd’habitants, déplorent plus de 700.000décès à ce jour (davantage en fait, lesstatistiques US sont manifestementsous-estimées). De l’autre côté, sept pays(pour un total de 1,52 milliard d’habi-tants) comptent seulement 7.000 morts.Cent fois moins de décès ! Mon livre ana-lyse pourquoi ils ont réussi là où les paysles plus puissants ont échoué.

Le DR.- De quels pays parlez-vous ? LaChine sans doute…

M.C.- Oui. Quatre mille décès seulementalors qu’elle a été la première à affronterce virus nouveau et complexe. Mais aussile Vietnam, l’État indien du Kerala (dirigépar un gouvernement communiste), leVietnam, Cuba, le Venezuela. Tous ontremarquablement limité les pertes…

Le DR.- Quel est leur secret ?

M.C.- En analysant leurs expériences, jesuis arrivé à la conclusion que la stratégiela plus efficace combine sept méthodesqu’il faut appliquer comme un ensemble: 1. Réagir tout de suite. 2. Contrôler immé-diatement les voyageurs. 3. Dépister ettracer systématiquement. 4. Tester mas-sivement. 5. Des équipes sanitaires dansles quartiers pour détecter, tracer,conseiller, soutenir concrètement etmoralement. 6. Des aides matérielles auxpersonnes en quarantaine. 7. Confinerseulement de façon ciblée.

Donc en fait, ils ont placé la santé et la viedes gens avant l’économie. Ils ont misrapidement les entreprises à l’arrêtquand c’était nécessaire et le paradoxe,c’est que leurs économies ont beaucoupmoins souffert et redémarré bien plusvite.

Le DR.- En « bons élèves », vous ne voyezque des pays socialistes ?

M.C.- Je pense que c’est en effet le pre-mier point du bilan : oui, le système socia-liste a montré sa supériorité car il a placé

l’homme et non le profit au cœur de sastratégie ; en outre, face à une crise decette ampleur, le service public est bienplus efficace que le privé qui n’agit ques’il y trouve un profit et qui agit dans ledésordre.

Le DR.- Était-ce impossible pour un payscapitaliste d’adopter une bonne straté-gie ?

M.C.- Non. En Nouvelle Zélande, le gou-vernement Arden a pris la menace toutde suite au sérieux, a étudié l’expériencechinoise et appliqué les recommanda-tions de l’OMS. Son bilan est remarqua-ble également. J’ai aussi analysé la Coréedu Sud, Singapour et divers pays asiati-ques qui ayant tiré les leçons de l’épidé-mie du coronavirus en 2003, s’étaientpréparés et s’en sont bien sortis.

Le DR.- Je reviens alors à ma question dedépart : pourquoi la France et la Belgiquen’ont-elles pas suivi l’exemple de la Chineet des autres pays ?

M.C.- À ce stade, je ne peux donner uneréponse définitive. Il faudrait publier lesarchives des discussions entre les admi-nistrations et les experts. Les contradic-tions ont été très fortes dans certainspays et mon livre les étudie. C’est évi-demment la question-clé, les popula-tions ont le droit de savoir pourquoi ellesont été si mal protégées. Les chercheursque j’ai interviewés ont confirmé monimpression : 80 à 90 % de nos décèsétaient évitables si nos gouvernantsavaient réagi vite et fort au lieu d’atten-dre et d’hésiter avant d’adopter desdemi-mesures. C’est comme pour unincendie : plus vous attendez, plus iltrouve du combustible, et plus il fera dedégâts.

Le DR.- Un chapitre au début de votrelivre s’intitule « Pourquoi on a perdudeux mois avant de réagir ». Ils n’ont vrai-ment rien fait ?

M.C.- Au début, vraiment rien, non. Sou-venez-vous des discours sur la « petitegrippe » et l’inutilité des masques. Puis,

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Le Drapeau RougeL’invité du DR

Michel Collon :« nos dirigeants n’ont pas l’esprit scientifique

et n’ont pas fait l’effort de comprendre »

1 Dont Jean Ziegler, Rafael Correa, LaurentLaforgue, John Catalinotto, Sophie Merckx,Alfredo de Zayas pour les plus connus.

quand la catastrophe s’abat sur l’Italie, ànotre porte, Macron déclare, le 6 marsencore : « Nous ne renoncerons à rien.Surtout pas aux terrasses, aux salles deconcert. » Et il fait voter le 15 mars ! Ceretard est la cause principale de la propa-gation chez nous ; le mathématicienfrançais Laurent Lafforgue, que j’ai inter-viewé, le démontre, chiffres à l’appui.Même durant la première quin-zaine de mars, nos gouverne-ments ont adopté des « mesu-rettes » au lieu d’appliquer lesméthodes qui avaient donné debons résultats ailleurs.

Le DR.- Comment expliquez-vousce refus de l’Occident ?

M.C.- J’ai formulé cinq hypothè-ses et je crois que ces facteurs secombinent, mais il faudrait unecommission d’enquête pour enjuger :

N° 1. L’arrogance occidentale : pas ques-tion d’écouter les Chinois et autres Asiati-ques, nous sommes à l’abri. Richard Hor-ton, directeur du Lancet, met ce facteuren avant. « Les gouvernements occiden-taux, et particulièrement les États-Unis,essaient désespérément de détourner l’at-tention de leurs propres erreurs catastro-phiques. Nous avons assisté à une énormemanifestation de sinophobie, de racismecontre la Chine, de la part de nos gouver-nements, mais aussi de nos scientifiques.Cette arrogance est responsable de dizai-nes de milliers de morts. »

N° 2. L’incompétence : nos dirigeantsn’ont pas l’esprit scientifique et n’ont pasfait l’effort de comprendre l’impact de laprogression géométrique exponentiellequi mènerait à la catastrophe si desmesures de prévention radicalesn’étaient pas prises tout de suite.

N ° 3. L’impréparation : comme on n’avaitrien préparé sur le plan des masques,tests et autres équipements, il était trèsdifficile de mettre en route les bonnesmesures et on l’a caché pour ne pas êtrediscrédité et ne pas créer la panique.

N° 4. L’économie : on craint en testantmassivement de découvrir trop de conta-minés et de devoir arrêter les entreprises.Chaque pays, engagé dans la grandebataille de la concurrence internationale,craint des pertes de profits qui l’affaibli-

raient dans cette compétition. La cartedes décès en Lombardie correspond exac-tement à celle des régions où le patronata forcé à travailler alors que le virus étaitdéjà très répandu. Des firmes commeAmazon ont obligé à travailler alors queleurs sièges enregistraient de nombreu-ses contaminations. Et en Belgique, uneentreprise contrôlée sur deux ne respecte

pas les mesures de précaution, mais il n’ya pas de sanctions.

N° 5. Les dirigeants occidentaux peuventd’autant moins admettre l’efficacité de laChine qu’ils sont en guerre froide contrece pays. Bien conscients de son efficacitééconomique supérieure (même s’ils n’encomprennent pas les raisons), bien déci-dés à maintenir l’hégémonie de l’Occi-dent sur le monde, ayant déjà engagéune guerre froide menée par les États-Unis et globalement suivie par l’Unioneuropéenne (malgré certaines réticencespour raisons commerciales), l’Occident aentamé une guerre globale de l’informa-tion contre la Chine. Depuis des années,tout ce qu’elle fait est mal, ses fautes,réelles ou inventées, sont soulignées, res-sassées, mises en évidence comme l’ex-pression d’une dictature totalitaire etd’un nouvel impérialisme qui menaceraitde nous coloniser. Comment alors pour-rait-on reconnaître que ce pays, après deshésitations et erreurs initiales, a bienmieux protégé sa population face à laCovid, qu’on aurait dû s’en inspirer et coo-pérer au plus vite pour diminuer le nom-bre de morts ?

Le DR.- Vous parlez d’impréparation ?

M.C.- Depuis 2003, tous les experts nousavertissaient : « Une pandémie est inévi-table, on ignore seulement quand ellesurviendra ». Immunologues et virolo-gues, grandes revues médicales et même

les services de renseignements US etfrançais nous disaient : Préparez enquantité les masques, les tests, les respi-rateurs et un grand plan de bataille. Ilsont parlé dans le vide. En 2020, nos paysn’avaient pas de masques, pas de tests etaucun plan. Ce fut l’improvisation totale.Nos gouvernements néolibéraux ontnégligé des investissements qui ne rap-

portaient rien. Pire, au lieu derenforcer notre système hospita-lier, ils l’ont affaibli et livré aubusiness. Heureusement quenotre Sécurité sociale et l’enga-gement héroïque de nos soi-gnants ont permis de limiter lesdégâts. La comparaison avec lesUSA est frappante.

Le DR.- Est-il encore possible deremédier à cette situation; d'évi-ter au moins qu'elle ne s'ag-grave ? Si oui, comment ?

M.C.- Il faudrait ouvrir les archives, cesserde protéger les fautes commises, instau-rer une commission d’enquête réelle-ment contradictoire et ouverte à toutesles analyses, envoyer des missions d’en-quête dans les pays qui ont bien presté.Bref traiter la population en adultes quiont le droit de savoir. Mais pour cela ilfaudrait aussi passer du mode « guerreéconomique » au mode « coopérationhumanitaire ». Il est scandaleux qu’enpleine pandémie, les États-Unis, lâche-ment suivis par l’UE, aient renforcé leursboycotts et sabotages économiquescontre Cuba, l’Iran, le Venezuela (où ilsont même tenté d’organiser une invasionarmée et un coup d’État !). Cela a tuébeaucoup de gens. Mais comme vous lesavez, on veut nous maintenir dans cetteambiance de guerre froide alors que levirus ignore les frontières.

Le DR.- Une campagne assez répanduede « covido-sceptiques » a lieu notam-ment sur les réseaux sociaux. Ils nienttoute gravité à la pandémie. Le film« Hold Up », énorme succès d'audience,semble séduire pas mal de monde. Qu'enpensez-vous ?

M.C.- J’ai eu juste le temps de répondre àsa pseudo-analyse avant d’envoyer à l’im-primeur. Ce film part de questions justi-fiées, escamotées par les médias. Mais ilapporte de mauvaises réponses, anti-scientifiques.

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Le Drapeau Rouge L’invité du DR

2021 : En manière de vœux, un engagement…À l'occasion de la nouvelle année, le Collectif du DR, vous souhaite uneannée 2021 de réussites et, surtout, en bonne santé ! Il tient également aremercier ses abonnés, lecteurs et amis pour le soutien, sous des formesdiverses, qu'ils apportent à notre journal. Soutien qui nous engage pourpersévérer dans l'effort qui fut celui de Joseph Jacquemotte et de sescamarades lorsqu'il y a un siècle (octobre 1921), ils crurent urgent de sortirle Drapeau Rouge, une publication de luttes et d'espoir, radicalement dis-tincte à celles dominantes alors.

Cette année 2020, fut une année particulièrement horrible en tous lessens du terme ; celle qui arrive s'annonce très sombre en particulier,

comme d'habitude, pour les travailleurs, pour les segments le plus défavorisées de notre société. Nous ne pouvonsque les encourager à résister, à s'organiser, à se battre. Le DR cherchera d'être toujours à leur côté et à leur écoute.Bonne année, dès lors, aux barricades qui s'annoncent !

Malheureusement, on nous enfermedans un faux dilemme : ou bien croire laversion officielle sans poser de questionsou bien croire des charlatans. Or, cettecrise montre précisément qu’il faut arrê-ter de « croire ». C’est de science quenous avons besoin. Et elle exige ledébat démocratique sans tabous, lastimulation des échanges et des bon-nes controverses pour analyser tousles phénomènes humains et trouverdes solutions aux problèmes. Marx etEngels l’avaient bien compris. Ein-stein aussi dans son célèbre article de1949 démontrant que le capitalismeétait dépassé car incapable de résou-dre ses problèmes.

Le DR.- Comment expliquez-vous lamontée du « complotisme » ?

M.C.- C’est un phénomène couranten période de grave crise et d’an-goisse. Mais je pense que nos autori-tés l’ont elles-mêmes renforcé. Encommençant par minimiser et mentirsur les masques, les tests et les causes denotre impréparation. En donnant desdirectives qui se contredisaient. En refu-sant de dire qu’une solution simple exis-tait puisque certains pays obtenaient debons résultats. En répétant les bobardsde Trump et Pompeo sur la Chine au lieude coopérer. En adoptant une com anxio-gène et souvent infantilisante. En répri-mant les contestations sociales et enprenant des mesures liberticides inutilescomme Macron. En censurant les infosgênantes, voire même en diabolisantCuba et le Venezuela. Tout ceci cachaitles fautes de nos gouvernants néolibé-raux et déplaçait la responsabilité sur lescitoyens « pas assez disciplinés » (alors

que nos populations globalement ontété très responsables et solidaires). Enrefusant d’ouvrir le débat médiatique.Tout ceci a alimenté le courant complo-tiste et négationniste.

Le DR.- Et le vaccin ? Pourquoi depuis ledébut de la crise met-on l'accent sur levaccin et pas sur le traitement de lamaladie et ses symptômes ? Quid de lavariété des offres ? Leur concurrence est-elle seulement du domainecommercial ?

M.C.- Mon livre analyse les multiplesfraudes et tricheries du Big Pharma, lacorruption révélée par divers scandalesconcernant Pfizer, Merck, Sanofi, Astra-Zeneca, etc. Effectivement, la questiondu vaccin est polluée par des intérêtscommerciaux. Alors que les recherchesdoivent énormément aux fonds publics,on privatise d’énormes profits et on

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Le Drapeau RougeL’invité du DR

reporte les coûts (risques d’effets secon-daires) sur le public, donc sur les contri-buables. La recherche scientifique, lecontrôle des médicaments et vaccins,l’industrie pharmaceutique, et l’ensem-

ble des soins de santé au Nord etau Sud : seul le service public peutêtre intègre et efficace ! Les multi-nationales ne sont pas la solution,elles sont le problème. Il fautimposer le débat à ce sujet d’au-tant que les experts nous annon-cent d’autres pandémies qui peu-vent survenir très vite.

Nos médias font une énormepromo pour les multinationalespharmaceutiques occidentalesalors que des vaccins peut-êtremoins risqués, ont été produits pard’autres pays. J’y ai consacré uneémission 'Michel Midi' avec le cher-cheur Johan Hoebeke. Conclusion :pas du tout anti-vaccin, mais pru-dence !

Le DR.- Un livre désespérant ?

M.C.- Mon livre se conclut par un chapi-tre « Une solution était possible ». Cettepandémie nous a apporté des leçonsprécieuses sur notre société, notre éco-nomie, notre écologie. Elle souligne l’ur-gence de repenser notre système etbeaucoup de gens se sont posé ces ques-tions avec intensité. Rien n’est jamaisécrit d’avance, vous le savez, et toutdépendra de l’engagement de chacun làoù il est, pour faire échec aux censures etdévelopper ces débats. Alors, je peuxespérer que mon livre n’aura pas été inu-tile. ■

Propos recueillis par Vladimir Caller

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Le Drapeau Rouge

Le président turc Recep TayyipErdogan, dont le pays a été leprincipal soutien de l’Azerbaïdjanlors de son occupation du Haut-Karabakh, s'est rendu le 9décembre 2020 à Bakou afin decélébrer avec le président Aliyevleur « victoire » grâce au soutientacite des puissances du monde.En effet, il s'agit pour Erdogand'une nouvelle étape dans saconquête turco-islamiste qui visele contrôle des sources d'énergiede la Région du Caucase etl'ouverture à un accès direct despays turcophones d'Asie centrale.

Grâce aux technologies avancées de notreépoque, j’ai pu suivre, le soir du 17 novem-bre, une séance de l’assemblée turque surla chaîne parlementaire TBMM TV.

L'ordre de jour prévoyait, après la « vic-toire » dans le Haut-Karabagh, l’approba-tion de la feuille de route autorisant l’en-voi par Erdogan de soldats turcs en Azer-baïdjan. Autorisation adoptée à une largemajorité par des représentants dociles.Cinq jours plus tôt, le 12 novembre, j’avaisdéjà suivi un débat à la Chambre desreprésentants de Belgique, sur l’attaquedans le Haut-Karabagh. Prenant la parolelors de cette séance, le député CDH Geor-ges Dallemagne avait raconté ce qu’ilavait vu et vécu en personne dans leHaut-Karabagh où il s’était rendu, bravanttous les dangers, lors de l’attaque azéro-turque. Il avait accusé les dirigeants bel-ges et de l’Union européenne de ne pass’être opposés à l’agression et d’avoirabandonné le peuple arménien à lui-même sur ses propres terres où il était vic-time du troisième génocide de son his-toire.« J’ai vu de mes propres yeux l’agressionazerbaïdjanaise, s’exclamait-il. Oui, J’ai vucomment drones et bombes à sous-muni-tions étaient utilisés contre le peuple armé-

nien. J’ai vu le bain de sang. J’ai vu com-ment les Arméniens avaient été abandon-nés de tous face à la barbarie. Personne nes’est opposé à l’acheminement de terroris-tes depuis la Syrie et l’Arménie a été obligéede se rendre. La véritable victoire, derrièrecelle de l’Azerbaïdjan, c’est celle de la Tur-quie.»

Une lâche indifférence face au crime

Il s’en prenait ensuite au gouvernementbelge « Pendant que tout cela avait lieu, legroupe de Minsk est resté à l’écart, et l’Eu-rope n’a pas bougé le petit doigt.Vous ditesmaintenant que vous accueillez ce cessez-le-feu avec satisfaction. […] Accepterez-vous que le plus fort fasse accepter tout cequ’il veut au seul pays réellement démo-cratique de la région ? Accepterez-vousqu’un pays membre de l’OTAN utilisecontre un pays voisin des terroristes et desarmes interdites ? […] Pire encore, accep-tera-t-on qu’Erdogan, en ouvrant un cou-loir permettant de relier directement laTurquie aux Républiques turciques de larégion, réalise son rêve d’un grand Empireottoman et prenne le contrôle du futurgazoduc venant de la Mer Caspienne ? »

En effet, quel lamentable spectacle quecelui de l'Union européenne si prompte àcondamner la Pologne ou l'Hongrie pourdes soi-disant attentes aux droits del'homme tout en gardant un silence hon-teux concernant des massacres qui cou-tent la vie à des milliers d'Arméniens. Lecas d'Israël est encore plus indigne; ilapporte à l'Azerbaïdjan son meilleursavoir-faire en technologie de guerresachant parfaitement que ce pays va l'uti-liser pour massacrer des populations civi-les. On pouvait attendre un peu plus dedécence de la part d'un pays dont l'exis-tence découle de la Shoah envers un peu-ple comme l'arménien qui a connu aussides pratiques génocidaires.

Quant à la classe politique turque soncomportement fut bien contrasté. Ce quifut dit sur l’estrade parlementaire au nomdu CHP, principal parti d’opposition éti-queté « centre gauche », par le députéd’Istanbul Ahmet Ünal Çeviköz était à

peine croyable : « …Nous voulons expri-mer une fois encore notre satisfaction devoir les terres azerbaïdjanaises occupéespar l’Arménie rejoindre sauvées, la mèrepatrie. Et nous présentons nos félicitationsà l’armée azerbaïdjanaise qui couronned’une grande victoire son droit à la légi-time défense exercé depuis le 27 septem-bre…. »

Heureusement qu’il y a un parti, le Partidémocratique des peuples (HDP), poursauver l’honneur du pouvoir législatif ausein du Parlement… Tout comme le Partides travailleurs de Turquie dans lesannées 60, le troisième parti du pays, quide nos jours résiste face à tous les obsta-cles et intrigues, a prouvé qu’il était laseule force politique élevant la voix dupacifisme et de la fraternité des peuples.

Le soir du 17 novembre, Tulay Hatimogul-ları Oruç, députée d’Adana, déclara par cesmots on ne peut plus clairs que le groupeHDP dirait « non » à la feuille de route :« De la même manière qu’hier, le HDP n’apas dit « oui » au fait de laisser, sous quel-que motif que ce soit, des peuples s’entre-tuer, les conflits régionaux s’approfondir etdes populations voisines s’affronter, nousne dirons pas « oui » aujourd’hui… c’estnotre détermination à tenter de résoudreles problèmes par le dialogue et desmoyens pacifiques et politiques. » ■

Actualité

© Sputnik . Ilya Pitalev

En route vers le troisième génocide arménien ?

Dogan Özgûden*

* Journaliste turc exilé en Belgique, persécuté par lerégime turc depuis 1971 il est un des cofondateursde l'agence de presse Info-turk (http://www.info-turk.be), où vous trouverez l'ensemble de ses arti-cles, et du centre interculturel Ateliers du Soleil(http://www.ateliersdusoleil.be)

Si je voulais exprimer un vœuen cette fin d’année, ce seraitcelui de ne pas se laisser noyerdans l’urgence du quotidien (cequi ne veut pas dire qu’il ne fautpas la traiter !) et de ne pasperdre de vue les enjeux de longterme.

Il faut lutter contre la pandémie et soi-gner les malades. Mais l’angoisse de lamaladie ne doit pas faire oublier que,pandémie ou pas, nous ne sommesvivants que pour un temps. Il y a eu unehistoire sociale avant nous et elle conti-nuera après nous. Sans qu’il faille pourautant renoncer à l’émancipation auto-nome de chaque travailleur, une respon-sabilité incombe aussi à chacun : celle dene pas dilapider l’héritage social de ceuxqui se sont battus avant nous, et de nepas ruiner les chances de ceux qui noussuivent de vivre au moins aussi bien.

Il y a débat sur le fait que les jeunesseraient les grands perdants de cettecrise ; qu’ils seraient les plus pénalisés parles conséquences économiques desmesures prises. Il est vrai que les jeunestravailleurs sont contraints, de manièredisproportionnée, d’accepter des emploisprécaires qui sont les premiers touchés enpériode de crise ;sans compter que certai-nes de ces activités ont été oubliées desmesures de soutien. Imaginons le désar-roi d’un jeune travailleur qui entre dansla vie professionnelle en mode « télétra-vail » ! Celui qui cherchait un emploiavant la pandémie doit considérer 2020comme une année perdue, qui rallonge saquête. Rares sont les nouveaux engage-ments, plus rares encore l’engagement detravailleurs sans expérience.

Cerise sur ce gâteau amer : par défini-tion ce sont ceux qui entament mainte-nant leur parcours professionnel quidevront payer le plus longtemps la fac-ture (s’il fallait payer la dette publique; àce stade on doit encore plus en douter).

S’il y a matière à réflexion, il ne faut pastomber dans le piège d’opposer les victi-mes à d’autres, alors que d’évidence lesfortunés se sortent très bien de cettecrise, voire prospèrent. Laisser se dispu-ter les précaires entre eux a toujours étéla meilleure manière, pour les nantis, defaire diversion de leurs profits. Mais por-tons le débat au-delà de la crise immé-diate.

Réchauffement climatique

Ce n’est pas original de constater que lapandémie a relégué au second plan lemouvement social impressionnant (ettransgénérationnel) pour exiger unchangement de système, seul à mêmede contrer le réchauffement climatiqueet ses conséquences dramatiques. Lapandémie est aussi l’occasion de rappe-ler l’ampleur de la transformation néces-saire : les réductions d’émission de CO2qui résultent du ralentissement écono-mique (involontaire) en 2020 correspon-dent en fait à l’effort qui devrait doréna-vant être fait chaque année pour attein-dre les objectifs fixés. Cela signifie nonpas que le changement nécessairedevrait avoir, chaque année, un impactcomparable à celui des conséquences dela pandémie, mais que chaque année ilfaudra faire, par rapport à l’année précé-dente, une transformation dont l’impactreviendrait à celui d’une pandémie « enplus ». Les efforts à consentir sont cumu-latifs.

L’enjeu consiste justement à ne pas fairece qui a été fait cette année : il faut évi-ter que les efforts se traduisent en uneaustérité et un enfermement des plusmodestes, pendant que les plus fortunéscontinuent à mener grand train et nesouffrent pas de mesures qui, dans leursconditions de vie, n’ont que peu d’effet.Que signifie le confinement de l’espacepublic quand on dispose d’immensesétendues privées ; que signifie la ferme-ture des étals de prêt-à-porter, quand onpeut se faire livrer du « sur mesure » ?

Les mesures qui seront prises contre lechangement climatique ne peuvent pas

ressembler à celles qui ont été prises– en parant au plus pressé – contre lapandémie.

Dette étudiante

Sur le sujet du « passage de témoin », ily a un autre dossier passé à l’arrière-plan, et dont on parlait déjà peu dansnotre pays parce qu’il n’y est pas aussiaigu qu’ailleurs, même s’il est bien pré-sent : la question du coût des études, del’investissement qu’elles représentent, etdes inégalités que cela entretient.

L’évolution est lente et progressive, maissaute aux yeux si on compare la situa-tion à quelques décennies d’intervalle. Ily a cinquante ans, suivre des étudessupérieures était rare, et pas du toutnécessaire pour entamer une carrièreprofessionnelle (sauf bien sûr pour lesprofessions qui impliquent un diplômeprécis). Même terminer le cycle secon-daire n’était pas indispensable. Il n’étaitpas rare de commencer à travailler à 16ans. Bien sûr on commençait alors « àl’usine » ou « sur chantier », dans le rôlele moins qualifié, et on apprenait au furet à mesure sur le tas, avec les plus expé-rimentés.

Aujourd’hui, celui qui veut commencer àtravailler avec seulement un diplômed’humanités en poche s’expose à de lon-gues années de chômage. Même undiplôme de l’enseignement supérieur neconstitue plus une garantie de trouverrapidement un bon emploi. Certes il fautse réjouir que de plus en plus de jeunespuissent suivre des études supérieures.Mais on peut regretter aussi que ce soitdevenu une obligation.

D’autant que cela impose un énormeinvestissement : des études supérieures,ce sont autant d’années pendant les-quelles on ne gagne pas sa vie, d’annéespendant lesquelles on continue à être(au moins partiellement) entretenu, àmoins de combiner travail et études ; etdes coûts particuliers : souvent un loge-ment d’étudiant proche de l’institution(donc en ville) est nécessaire, sans comp-

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Le Drapeau RougeSocial

Quel monde faisons-nous aux suivants ?

Martin WILLEMS, permanent syndical CSC-UF

ter les frais d’inscription et les coûts dematériel et de documentation. On peutse réjouir que dans notre pays les fraisd’inscription soient limités (cela restequand même un bon budget), mais dansd’autres pays leur coût devient astrono-mique. Les cas d’étudiants devantemprunter de grosses sommes sont fré-quents dans les pays anglo-saxons, etcommencent chez nous aussi.

Avec l’affaire « sugar daddy », on aeffleuré, en Belgique, la question de laprostitution étudiante, qui ne peut pasêtre dissociée de celle du coût des études.

Ceci à un point tel que les dettes privéescontractées par des jeunes pour faire desétudes atteint, aux États-Unis, un mon-tant de 1300 milliards $ (plus de deux foisla dette publique belge) et que nom-breux y voient le crash financier à venir(parce que le coût des études augmenteet qu’un revenu important n’est plusgaranti après ces études, fragilisant lacapacité de remboursement). C’est ausside plus en plus un sujet politique, les can-didats de gauche promettant d’épongercette dette, à l’instar de Bernie Sandersou de Corbyn au Royaume-Uni.

L’extrême droite ne s’en cache pas. Pourelle, le coût croissant des études est unbienfait : il décourage les moins aisésd’entamer un cycle qualifiant, et doncleurs chances d’accéder à des fonctionssupérieures. La reproduction sociale estainsi assurée, et l’étanchéité entre lesclasses sociales renforcée. Autre coûtcaché : à calcul inchangé, il devientactuellement très difficile de réunir les45 ans de carrière pour bénéficier d’unepension complète (à moins de racheterses études, ce qui est un coût supplé-mentaire), alors que c’était la norme aumoment où fut instauré le système.

L’engrenage est terriblement injuste. Lesnouveaux venus doivent payer et s’en-detter pour apprendre des générationsprécédentes le savoir que celles-ci ontaccumulé, savoir qui est indispensablepour ne serait-ce qu’avoir une place etcontinuer à gérer le monde qu’on leurlaisse (et qui n’est pas particulièrementrose). Cette transmission de savoirdevrait être automatique et gratuite,d’autant que nous serions tous perdantss’il ne se transmettait plus ! Alors quetout nouveau-né devrait automatique-ment « avoir sa place » dans la société,

voire être accueilli avec un tapis rougepuisque la relève est indispensable à ceque les précédents puissent terminerdignement, il semble qu’actuellementchaque jeune doive acheter sa place. Unpeu comme un candidat commerçantqui doit racheter le « pas de porte » d’unancien.

Endetter les jeunes, avant même qu’ilsaient la moindre capacité de rembourse-ment, c’est les ligoter dans un systèmequ’ils n’ont pas choisi. C’est limiter leurcapacité à innover ; or innover, inventerune autre organisation sociale est juste-ment ce dont nous avons tous grande-ment besoin.

Par ailleurs, tous ceux qui ont mon âge etplus ne veulent probablement pas nonplus vivre aux crochets de jeunes géné-rations qu’on aurait mis en cage commedes poules pondeuses sommées d’assu-rer nos vieux jours et nos fins de carrière.Se voir comme, de facto, des « rentiers »,vivant sur la lancée d’un système à boutde souffle, est détestable. Et parler d’unegénération de « rentiers » (quand pourbeaucoup la rente sera très chiche), c’està nouveau faire l’erreur d’opposer unegénération à l’autre, alors que c’est biend’une opposition de classes qu’il s’agit :une classe de possédants vivant, d’unegénération à l’autre, de sa rente patrimo-niale transmise intégralement par lemécanisme de l’héritage, contre uneclasse de dépossédés, qu’ils soient nou-veaux-venus ou aient « hérité » de leurimpécuniosité.

Société patrimoniale

C’est moins directement évident, maisl’augmentation très importance du prixdes biens immobiliers et du foncier estun signe fondamental de cette « rentepatrimoniale ». Les capitaux accumulés

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Le Drapeau Rouge Social

s’investissent in fine toujours dans le fon-cier, l’immobilier, les terrains constructi-bles, les terres cultivables. Les capitauxcroissent ; les ressources sont limitées ;leur prix grimpe en flèche. Même pourcelui qui ne veut ni ne peut investir, sim-plement se loger devient un luxe, les prixcroissant autant à l’achat qu’à la location

(les deux allantgrosso modo depair).

Il est devenu nor-mal, voire indis-pensable, de réa-liser une plus-value sur larevente d’unbien. Pourtant, sicette plus-valueest supérieure àl’inflation, elle estnécessairement

un impôt sur la nouvelle génération.

Par exemple il devient déjà très difficilepour un nouveau-venu dans le secteuragricole de trouver des terres pour ydévelopper son activité. Même la trans-mission est délicate, si un jeune doitracheter à ses frères et sœur la part quileur revient des hectares hérités. Le freinà l’innovation est évident ; l’agriculteurne peut pas prendre le risque d’essayerde nouvelles méthodes (ou, par exemple,de passer au « bio ») s’il n’est pas sûr queses rendements seront suffisants pourpayer la location ou le remboursementde ses terres.

Opposer une génération à l’autre

J’ai déjà attiré l’attention, dans un articleprécédent, sur la pratique syndicale « aurabais » consistant à défendre les droits« acquis » de ceux qui en ont, en les bra-dant contre un retrait de ces droits pourceux qui ne les ont pas encore (les futurstravailleurs). Les employeurs arrivent àleurs fins en montant certains travail-leurs (ceux déjà en place) contre d’autres(ceux qui vont les remplacer). Ils saventqu’ainsi, à terme, ils auront gagné.

Qu’ils ne prétendent pas piéger ainsitoute une société dans la culpabilité !Faudrait-il bientôt que les travailleurschoisissent entre se sacrifier ou sacrifierleurs enfants ? Non, bien sûr. Réduire etéradiquer les inégalités de richesse estl’urgence. ■

Même si l’année 2020 futcompliquée, nous n’avons jamaisperdu de vue le mandat quenous avaient donné lestravailleurs lors des Assembléesgénérales, faire du syndicalismede lutte pour engranger denouvelles avancées, passeulement un syndicalisme enréaction aux mesures desprécédents gouvernements.

En 2021, il nous faudra faire les 2 carnous imaginons que la COVID-19 noussera servie à toutes les sauces pour jus-tifier des coupes budgétaires, surtoutdans les services publics. Bien que denombreux travailleurs aient prisconscience durant cette crise des dys-fonctionnements de notre société, jesuis inquiète pour l’avenir car si j'ai vu lanaissance de belles solidarités, j'ai vuaussi nombre de travailleurs se renfer-mer sur eux-mêmes et s'installer unecertaine sinistrose. Nous aurons en tantque syndicaliste à redonner espoir,parce que finalement le syndicalisme,c’est l’espoir de voir nos conditions detravail et de vie s’améliorer en aidant lestravailleurs à s’organiser autour derevendications et gagner ensemble.

Revalorisations barémiques des travail-leurs les plus pauvres. Nos travailleursde niveau E vivent à peine au-dessus duseuil de pauvreté, pourtant ils effec-tuent des taches essentielles dont onn’a pu se passer durant la crise. La diffé-rence entre les plus bas salaires et lesallocations sociales est beaucoup tropfaible. Nous sommes absolument d’ac-cord qu’il faut relever les allocationssociales, mais il faut également dans lemême ordre d’idée relever les salaires.Malgré les budgets prévus à la régionpour les 4 années à venir, nous savonsque nous aurons des combats à menerpour que ces budgets soient utilisés aumieux dans l’intérêt des travailleurs. Il

nous tarde de reprendre nos assembléesgénérales, même si certains en ontorganisés par zoom, rien de tel que levéritable contact.

Refinancement de la sécurité sociale, refédéralisation des soins de santé etpénurie d’infirmières.1) La sécurité sociale est importante

comme filet de sécurité quand unincident (ne fut-ce qu'un tout petitvirus) met notre économie à plat (pastoute notre économie parce que cer-tains s’en sortent très bien). Danscette crise, les pays qui s’en sont lemieux sortis humainement sont lespays qui ont une sécurité sociale etqui ont pu offrir des allocations dechômage à l’ensemble des travailleursmis à l’arrêt par la COVID-19. J’espèreque cette situation suscitera laréflexion chez ceux qui se plaisaient àdire « quand on veut travailler onpeut », « du travail il y en a plein »,« quand on veut vraiment payer sesfactures on accepte n’importe queltravail »… Il sera capital de pousser cegouvernement à mieux financer lasécurité sociale et à empêcher sondémantèlement au profit des assu-rances privées.

2) La crise sanitaire sans précédent amis en évidence toutes les incohéren-ces liées à la régionalisation, commeavoir 9 ministres de la santé et desmesures et des moyens différentsselon les régions.

3) Même si on peut se réjouir de l’effortbudgétaire réalisé par ce gouverne-ment pour octroyer des primes d’en-couragement aux travailleurs de lasanté, on ne peut qu’être déçu quandle gouvernement annonce une primede 985 euros et que le travailleur n'enreçoit que 380 à 530 en fonction desconditions d’octroi. Nous compre-nons la colère des travailleurs qui esti-ment que c’est insuffisant au vu desrisques qu’ils ont pris et qu’ils pren-nent encore. Nous persistons à direque les primes sont toujours de mau-vaises solutions. Que ce qu’il fautrevaloriser ce sont les salaires bruts.

4) La pénurie dramatique d’infirmières

qui ne va que s’accentuer dans lesannées à venir. Il est grand temps de sepencher sur cette problématique. Nousavons dans nos sections syndicales ungrand nombre d’infirmières. Nousconnaissons donc bien les problèmes duterrain. Nous revendiquons depuis desannées déjà même si les mesures obte-nues sont rarement à la hauteur desproblèmes (révision des normes au che-vet du patient, augmentation des salai-res, amélioration des conditions de tra-vail, reconnaissance comme métierpénible…). Nous avons obtenu de cegouvernement une task force spécifi-que dédiée à la problématique de la pro-fession d’infirmière, aux causes de lapénurie, à la reconnaissance du métier.Nous avions anticipé cette situation etnous avons des cahiers de revendica-tions tout prêts. Les réunions débute-ront en janvier, nous ne manqueronspas d’organiser des assemblées généra-les.

Bien-être au travail et diversité : En tantque syndicaliste le bien-être au travailest un formidable levier pour contrain-dre l’employeur à respecter les lois afinde protéger la santé physique et psycho-sociale des travailleurs. La diversité etles plans de diversités sont des outilsconcertés avec les employeurs pour unmilieu de travail plus juste et moins dis-criminant.

Numérisation, réduction collective dutemps de travail et répartition desrichesses. Le monde de la finance et dutravail est prêt. Les enjeux seront colos-saux. Lorsque l’employeur remplacerases couts de travail humain par desmachines, ses marges bénéficiairesexploseront. Pendant que certains s’en-richiront d’autres tomberont dans lamisère si le temps de travail et lesrichesses ne sont pas redistribués.

Bien d’autres enjeux encore, bien descombats et luttes en perspective. Letrottoir, nous devrons encore bien sou-vent le fouler, ensemble parce que c’estcomme cela que nous sommes les plusforts. ■

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Le Drapeau RougeActualité

Enjeux dans le monde du travail en 2021Vision et combat à mener par et pour les travailleurs

des administrations locale et régionale

Carine Rosteleur

Comme nous l’avions pressenti,le lundi 23 novembre nous avonsappris la condamnation à unmois de prison avec sursis et 600euros d’amende de 17 militantsde la FGTB dont son présidentThierry Bodson.

Les faits

Lors de la grève générale du 19 octobre2015, quelque 300 manifestants avaientbloqué le viaduc de l'autoroute E40 àCheratte. Il s’en était suivi un embouteil-lage qui allait retarder l’arrivée d’unmédecin appelé par un hôpital pour soi-gner une femme qui allait malheureuse-ment décéder d’un infarctus. Il n’en fallaitpas plus pour imputer ce décès aux gré-vistes et déclencher une scandaleusecampagne à leur encontre. Il est pourtantpermis de se demander pourquoi cemédecin n’était pas à l’hôpital alors quela majorité des embarras de la circulationne sont tout de même pas dus aux grè-ves. Rappelons que cette condamnationprononcée par le tribunal correctionnelde Liège pour « atteinte méchante à la cir-culation » survient un an après celle dupermanent anversois de l’ABVV/FGTBBruno Verlaeckt pour les mêmes chefsd’accusation.

Il faut bien constater le caractère iniquede ce jugement prononcé sans aucunespreuves d’un quelconque délit du fait dela simple présence sur les lieux de per-sonnes dont le tort était surtout d’êtreconnues. D’autre part il fait endosser uneresponsabilité collective aux prévenus,alors que le droit pénal ne prévoit quedes jugements individuels.

Ces faits confirment les conclusions denotre 36e congrès où nous avons claire-ment constaté l’intervention de plus enplus fréquente du pouvoir judiciaire dansles conflits sociaux qui entraîne la crimi-nalisation du droit de grève et des mili-tants syndicaux. Cette inquiétante évolu-tion est attestée par les menaces de la

droite d’imposer une personnalité juridi-que aux syndicats qui menacent directe-ment leur existence et le droit de grève,mais également par certains médias quidésignent les syndicats et les grévistes àla vindicte populaire.

Historique

Une premièreétape vers l’acqui-sition du droit degrève a été la loi du31 mai 1866 abro-geant l’article 415du code pénal de1810. Cet article 415qualifiait les grè-ves et tout rassem-blement ou mani-festation de délit de coalition pour lequeldes milliers d’ouvriers étaient emprison-nés.

L’abrogation de l’article 415 allait légaliserle droit de coalition qui, sans interdire lagrève, était cependant limité par l’article310 du code pénal sanctionnant sévère-ment toute atteinte à la liberté au travailcomme les piquets de grève ou les ras-semblements devant les usines. C’est envertu de cet article 310 que Julien Lahautet Joseph Jacquemotte furent emprison-nés en 1913 pour leur participation active àla grève générale menée pour l’adoptiondu suffrage universel. L’article 310 seraabrogé par la loi du 24 mai 1921 et il faudraattendre 1990 pour que la Belgique ratifiela Charte sociale européenne laquellereconnaît le droit de grève (sans toutefoisl’inclure dans sa constitution).

Grève et service minimum

Nous avons vu que la grève est issue dudroit de coalition lequel est défini comme« une entente entre des personnes en vued’exercer une action commune ». Dans unconflit du travail, cette entente ou coali-tion est généralement constituée par uneassemblée où les travailleurs mandatentun délégué ou un permanent syndicalpour informer l’employeur de leur inten-tion de faire grève. Dans ce cas, l’arrêt de

travail est une décision collective qui estrapportée à la direction par un(e) délé-gué(e) syndical(e) qui, ne l’oublions pas,jouit d’une protection légale contre lelicenciement ce qui n’est pas le cas desgrévistes.

Depuis 2017, le gou-vernement a ins-tauré l’obligationd’un service mini-mum dans certai-nes entreprisespubliques. Ainsi àla SNCB, quatrejours avant ledébut d’un conflit,les cheminots sonttenus d’informerindividuellement

leurs supérieurs de leur intention d’y par-ticiper. Une fois leur option arrêtée, ils nepeuvent plus changer d’avis sinon ils sontsanctionnés financièrement.

Dans ces conditions, la décision collectivede faire grève devient une décision dou-blée d’une obligation individuelle qui n’aplus rien à voir avec la coalition. Il est clairque la décision individuelle soumet le tra-vailleur à une pression qui le fera réfléchirà deux fois avant de déclarer individuelle-ment sa participation à la grève.

En attente de son application dans lessecteurs privés l’instauration du serviceminimum dans les services publics etnotamment à la SNCB constitue une pre-mière étape vers la remise en cause totaledu droit de grève ou pour des grèves quine dérangent pas et perdent toute leurefficacité.

En tant qu’expression de la solidarité, lecaractère collectif du droit de grève a per-mis une formidable émancipation destravailleurs. Il reste le seul moyen dedéfendre le patrimoine social et les droitsconquis de haute lutte par le mouvementouvrier organisé et les syndicats.L’évolution négative à laquelle nous assis-tons exige la vigilance de tous ceux pourqui la lutte des classes n’est pas un vainmot. ■

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Le Drapeau Rouge Social

Graves menaces sur le droit de grève

Marc Denonville

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Le Drapeau Rouge

Le 30 juin 1960, dans uneambiance festive au sond’« Indépendance Tcha-tcha », leCongo accédait àl’indépendance. Lors de la séanceinaugurale tenue à Léopoldville(Kinshasa), dans un discoursdithyrambique sur le Congobelge, le roi Baudouin définissaitl'indépendance commel'aboutissement de « l’œuvre »entreprise par le Roi Léopold II.Une œuvre continuée par laBelgique qui pendant 80 ans, « aenvoyé les meilleurs de ses fils,pour délivrer le bassin du Congode l'odieux trafic esclavagiste ».

Le roi encense ceux qu’il qualifie de« pionniers de l'émancipation africaine »et ceux, qui, par après, ont fait du Congo« ce qu'il est aujourd'hui ». Il définit lecolonialisme comme une œuvre « civili-satrice » qui mérite « l'admiration et lareconnaissance des Congolais ». Il enconclut que l’indépendance est le cou-ronnement de la « grande œuvre » deLéopold II qu’il qualifie de « civilisateur »et non de « conquérant ».

Le discours du premier ministre PatriceLumumba fut un peu plus concret enrappelant que l’indépendance couron-nait une lutte juste, faite de larmes et desang, pour mettre fin aux dégradanteshumiliations imposées par le colonisa-teur. Ses paroles ne pouvaient être pluslimpides :« Nous avons connu le travail harassantexigé en échange de salaires qui ne nouspermettaient ni de manger à notre faim,ni de nous vêtir ou de nous loger décem-ment, ni d'élever nos enfants comme desêtres chers. Nous avons connu les ironies,les insultes, les coups que nous devionssubir matin, midi et soir, parce que nousétions des nègres. Qui oubliera qu'à un

noir on disait « Tu », non certes comme àun ami, mais parce que le « Vous » hono-rable était réservé aux seuls blancs ?

Nous avons connu nos terres spoliées aunom de textes prétendument légaux, quine faisaient que reconnaître le droit duplus fort, nous avons connu que la loin'était jamais la même, selon qu'il s'agis-sait d'un blanc oud'un noir, accommo-dante pour les uns,cruelle et inhumainepour les autres. Nousavons connu lessouffrances atrocesdes relégués pouropinions politiquesou croyances reli-gieuses : exilés dansleur propre patrie(…). Nous qui avonssouffert dans notrecorps et dans notretête de l’esprit colonialiste, nous vousdisons : tout cela est désormais fini. »

Furieux et outré, il s’en fallut de peu pourque sa majesté Baudouin Ier plie bagages.Lui et son gouvernement ne tarderontpas à faire payer à Patrice Lumumba songeste d'insoumission…

Le 12 aout 1960, la Belgique reconnaît defacto l'indépendance de la province duKatanga, dirigée par le gouvernementfantoche de Moïse Tshombé. Alors que legouvernement de Lumumba décide deréagir, l'ONU impose militairement uncessez-le-feu, empêchant l'interventiondes troupes congolaises au Katanga. Leroi Baudouin, qui se félicite de l’événe-ment, donne à Tshombé du « Monsieur lePrésident », comme s’il s’agissait d'unchef d'État légitime. Il se dit « très sensi-ble aux sentiments d’attachement queTshombé éprouve pour la Belgique et sadynastie ». Derrière Tshombé, il y a desofficiers belges, comme son principalconseiller militaire, le major Guy Weber,un des chefs de la petite armée séces-sionniste katangaise. Mais il y a aussil’Union minière du Haut-Katanga, filialede la Société Générale de Belgique…

Le 26 aout, le directeur de la CIA AllenDulles indique à ses agents à Léopoldvilleau sujet de Lumumba : « Nous avonsdécidé que son éloignement est notreobjectif le plus important et méritegrande priorité dans notre actionsecrète ». Des archives de le CIA déclas-sées en 2007 attestent d’un plan des USApour assassiner Lumumba.

Le 14 septembre, sousl’instigation de la Bel-gique et de la CIA, uncertain Joseph-DésiréMobutu, chef d’état-major de l’arméecongolaise, renversele gouvernement etassigne Lumumba àrésidence. DerrièreMobutu, il y a le chefde l’antenne de la CIALarry Devlin, le colo-nel belge Louis Mar-

lière et le mercenaire français BobDenard.

Le 6 octobre, le ministre belge des Affai-res africaines Harold d’Aspremont Lindenadresse un télex au chef de la missiontechnique belge à Elisabethville (Lubum-bashi) indiquant que « l’objectif principalà poursuivre dans l’intérêt du Congo, duKatanga et de la Belgique est l’éliminationdéfinitive de Lumumba ».

Dans une lettre datée du 19 octobre lemajor Guy Weber informe le cabinet duroi Baudouin que Mobutu et Tshombés’entendraient pour éliminer Lumumba« si possible physiquement ».

L'attitude de Baudouin, qui ne traite pasdirectement de l’assassinat, sera néan-moins considérée par la commissiond’enquête parlementaire de 2000-2001comme une approbation implicite. Aprèsune tentative de fuite, Lumumba seracapturé par Mobutu et transféré au

Actualité

Il y a 60 ans, Patrice Lumumba : le prix à payer

Marc Denonville

* En souvenir, la Fédération bruxelloise du Particommuniste rendra hommage à sa mémoire le17 janvier à 13H30 au Square Patrice Lumumba,situé immédiatement à côté de la Porte deNamur (Bruxelles). Venez nombreux !

Au Katanga, le 17 janvier 1961,

le grand dirigeant africain,

coupable d'insoumission envers

la monarchie belge et l'Union

Minière de Belgique était

lâchement assassiné. Nous avons

voulu rappeler brièvement

les circonstances de ce drame *

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Le Drapeau Rouge

avec la participation de militaires ou mer-cenaires belges.

Tshombé lance alors la rumeur selonlaquelle Lumumba aurait été assassinépar des villageois. Ceci déclenche uneinsurrection parmi la population pay-sanne, qui prend les armes sous la direc-tion de Pierre Mulele, ancien ministre del’Éducation, avant d’être écrasée, en1966, par l’armée de Mobutu, soutenue

par la Belgique et des mercenaires sud-africains.

Au vu de ce qui précède « les plus profondsregrets » pour les « actes de violence » etles « souffrances infligées au Congo léo-poldien puis belge » exprimés par le roiPhilippe le 30 juin 2020, à l’occasion du 60e

anniversaire de l’indépendance du Congone sont que des mots fallacieux visant àcacher un véritable crime d’état. ■

Katanga avec la complicité belge, et il ysera massacré avec ses partisans MauriceMpolo et Joseph Okito le 17 janvier 1961en présence de Tshombé et de quatre deses collaborateurs belges. Ensuite, desagents secrets belges seront chargés dedécouper les corps pour les dissoudredans de l’acide.

Plusieurs des partisans de Lumumbaseront exécutés dans les jours suivants,

Ma compagne chérie,

Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te par-viendront, quand ils te parviendront et sije serai en vie lorsque tu les liras. Tout aulong de ma lutte pour l’indépendance demon pays, je n’ai jamais douté un seulinstant du triomphe final de la causesacrée à laquelle mes compagnons etmoi avons consacré toute notre vie. Maisce que nous voulions pour notre pays, sondroit à une vie honorable, à une dignitésans tache, à une indépendance sans res-trictions, le colonialisme belge et sesalliés occidentaux – qui ont trouvé dessoutiens directs et indirects, délibérés etnon délibérés, parmi certains hauts fonc-tionnaires des Nations-Unies, cet orga-nisme en qui nous avons placé toutenotre confiance lorsque nous avons faitappel à son assistance – ne l’ont jamaisvoulu.

Ils ont corrompu certains de nos compa-triotes, ils ont contribué à déformer lavérité et à souiller notre indépendance.Que pourrai je dire d’autre ? Que mort,vivant, libre ou en prison sur ordre descolonialistes, ce n’est pas ma personnequi compte. C’est le Congo, c’est notrepauvre peuple dont on a transformé l’in-dépendance en une cage d’où l’on nousregarde du dehors, tantôt avec cettecompassion bénévole, tantôt avec joie etplaisir. Mais ma foi restera inébranlable.Je sais et je sens au fond de moi-même

que tôt ou tard monpeuple se débarrasserade tous ses ennemisintérieurs et extérieurs,qu’il se lèvera commeun seul homme pourdire non au capitalisme

dégradant et honteux, et pour reprendresa dignité sous un soleil pur.

Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique,l’Asie et les peuples libres et libérés detous les coins du monde se trouveronttoujours aux côtés de millions de congo-lais qui n’abandonneront la lutte que lejour où il n’y aura plus de colonisateurs etleurs mercenaires dans notre pays. À mesenfants que jelaisse, et que peut-être je ne reverraiplus, je veux qu’ondise que l’avenir duCongo est beau etqu’il attend d’eux,comme il attend dechaque Congolais,d’accomplir la tâchesacrée de la recons-truction de notreindépendance et denotre souveraineté,car sans dignité iln’y a pas de liberté,sans justice il n’y apas de dignité, etsans indépendanceil n’y a pas d’hom-mes libres.

Ni brutalités, nisévices, ni torturesne m’ont jamaisamené à demander

la grâce, car je préfère mourir la têtehaute, la foi inébranlable et la confianceprofonde dans la destinée de mon pays,plutôt que vivre dans la soumission et lemépris des principes sacrés. L’histoiredira un jour son mot, mais ce ne sera pasl’histoire qu’on enseignera à Bruxelles,Washington, Paris ou aux Nations Unies,mais celle qu’on enseignera dans lespays affranchis du colonialisme et de sesfantoches. L’Afrique écrira sa propre his-toire et elle sera au nord et au sud duSahara une histoire de gloire et dedignité. Ne me pleure pas, ma compa-gne. Moi je sais que mon pays, qui souf-fre tant, saura défendre son indépen-dance et sa liberté.

Vive le Congo ! Vive l’Afrique !

Patrice Lumumba

Capturé par les forces de Tshombe lorsqu'ilessayait de rejoindre ses partisans à la provincede Kasaï, Lumumba écrit de sa prison, ce derniercourrier a Pauline, sa femme.

Actualité

Destinée à sa femme : la dernière lettre de Patrice Lumumba

S'il est un sujet où la totalité desobservateurs américains sontd'accord, du New York Times auFox News, c'est que l'actuelprésident élu des États-Unis battous les records dans laproduction de gaffes dontcertaines posent question. Là oùles divergences apparaissent,c’est dans leur interprétation.Pour les uns, dans la plupart descas ses partisans, il ne s'agiraitque de la manifestation d'unegrande distraction accentuée parl'âge avancé. Pour d'autres, le casest plus sérieux ; le nouveauprésident américain serait déjàengagé dans un processus desénilité qui ne pourra ques'aggraver.

Aucun problème. Le « Deep State » (l'Étatprofond, dénomination qui fait référenceà une entité parallèle qui détient réelle-ment le pouvoir…) s'en occupe, il est faitpour ça. La grande troïka qui gouvernel'Amérique (pour le dire succinctement :les industries militaires ; Wall Street etles GAFAM avec leurs médias) a déjàtrouvé la solution de remplacement. Eneffet, les postes les plus importants de lapolitique étrangère des États-Unis ontdéjà été annoncés : il s'agit d'AnthonyBlinken et de Jacob Sullivan en tant que,respectivement, Secrétaire d'État etConseiller à la Sécurité nationale, et deRichard Stengel pour gérer l'informationdes médias. Ce dernier, propagandiste detoutes les guerres « humanitaires », enest arrivé à oser toucher l'intouchable, lePremier amendement qui garantit ledroit d'expression – la création de Tho-mas Jefferson dont se gargarisent tousles politiciens américains. « Ayant étéautrefois presque un absolutiste du Pre-mier amendement, j’ai vraiment changé

de position à ce sujet, déclarait-il récem-ment, parce que pour des raisons prati-ques dans la société, nous devons en quel-que sorte en repenser certaines parties. »

Quant à Blinken, il collabora étroitementavec l'alors sénateur Biden pour soutenirles interventions militaires américaines,

et ce, depuis la Yougoslavie jusqu'à laSyrie. Et lorsque Trump critique les politi-ques d'interventionnisme militaire etannonce son intention de retirer sestroupes de Syrie, Blinken va chercherRobert Kagan, le théoricien suprême desnéoconservateurs américains, pour rédi-ger une violente critique du Président etexiger, au contraire, plus de troupes etplus d'intervention militaire dans cepays : « En Syrie, écrivent Blinken etKagan, nous avons cherché à juste titre àéviter un autre Irak en n’en faisant pastrop, mais nous avons fait l'erreur inverseen en faisant trop peu. Sans une puis-sance appropriée, aucune paix ne pouvaitêtre négociée, et encore moins imposée. »Financer les groupes djihadistes, bom-barder les forces syriennes lorsqu'ellesessaient de combattre Daesh etc. etc.,c'est trop peu pour ce diplomate« humaniste ».1

Le cas du jeune Sullivan est encore pluscriant et révélateur. Nous devons à Wiki-leaks la révélation d'un câble, daté du 12

décembre 2012, où Sullivan, alors assis-tant de Hillary Clinton, adressait à sapatronne un message très bref (vingtmots) mais particulièrement édifiant :« Voir le dernier point – A.-Q. (Al-Qaïda,NdlR) est de notre côté en Syrie. Sinon, leschoses se sont déroulées comme prévu »2.Vingt mots d'indécence par lesquels Sul-

livan fait part de la « bonne nouvelle » àHillary Clinton et qui démontrent demanière irréfutable la complicité quiexiste de facto entre les E.-U. et Al-Qaïdadans l'agression contre la Syrie ; commequoi, le souvenir du 11-Septembre nepèse rien si A.-Q. peut encore servir. Eneffet, ce message était accompagné d'uncompte rendu du Secrétariat exécutif duCentre d'Opérations spéciales dont le« dernier point », sur lequel Sullivan veutattirer l'attention de H. Clinton, dit ceci :« Dans un enregistrement vidéo diffusésur Internet, le leader d'Al-Qaïda, Al-Zawahiri, a appelé les musulmans de Tur-quie et du Moyen-Orient à aider les forcesrebelles dans leur lutte contre les parti-sans du président syrien Assad. »3 Ce chro-niqueur risque de choquer les lecteursen suggérant que Biden pourrait êtrepire que Trump dans le domaine de lapolitique internationale.

En tout cas, avec ces nominations, l'Étatprofond, peut dormir tranquille. Bidenn'aura pas plus de pouvoir qu'Elisabeth II.

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Le Drapeau Rouge

Joe Biden, la Reine d'Angleterre et le « cadeau » de Sanders

Vladimir Caller

Actualité

Et on comprend mieux pourquoi le Pen-tagone veut la peau de Julian Assange, lefondateur de Wikileaks.

Le cadeau de Sanders à Biden

Dans notre édito du dernier numéro, enparlant des élections américaines, nousparlions d’« occasion manquée », vou-lant dire que le mouvement progressisteaméricain aurait peut-être pu éviter dedevoir soutenir Joe Biden. Un bref rappeldu contexte nous aidera à mieux com-prendre. Nous sommes en février 2020,dans les primaires du parti démocrate,pour élire le candidat présidentiel, et lacandidature de Bernie Sanders se porte àmerveille ; trop même, comme nous leverrons ci-après. Il gagne les primairesdu New Hampshire, puis celles duNevada. Par contre, Joe Biden, dont lacampagne était jusqu’alors assez cala-miteuse, connaît un succès inespéré enCaroline de Sud et remporte sa primaireavec une marge étroite sur Sanders. Ceci,grâce aux voix de l'électorat noirqu'Obama avait poussé à soutenir Biden.Ce fut le déclic ; l'occasion pour que tousles autres, sauf Elizabeth Warren, aban-donnent la campagne et se désistent enfaveur de Biden, pour éviter le triomphede Sanders. Enivré par ses récents succès,croyant probablement que rien ne pour-rait l'arrêter, ce dernier s'entête à pour-suivre pour, quelques semaines après,suivant les conseils d'un certain BarackObama4, porter son soutien à... Biden.

L'hypothèse Warren : une autre finaleeût-elle été possible…?

Certes, la sénatrice du Massachusetts– ancienne professeure de l'Université deHarvard et ancienne conseillère spécialeau secrétaire du Trésor des États-Unis –a le profil d'une dame tout à fait BCBG etne se proclamait pas « socialiste »comme le faisait Sanders, mais elle s'étaitforgé, depuis longtemps, une carrure clai-rement progressiste. Lorsqu'elle arrive auSénat, le journal New York Times luiconsacre un article sous le titre « Unenouvelle sénatrice, connue au niveaunational et parfois crainte » à cause deson intervention à la Chambre où elledéclara : « Les PDG de Wall Street, ceux quiont brisé notre économie et détruit desmillions d'emplois, ceux-là mêmes conti-nuent à se pavaner au Congrès, sanshonte, demandant des faveurs et faisantcomme si nous devions les remercier. »5

Quelques mois après, pour sa premièreapparition au sein du Comité sénatorialsur les banques, elle interroge plusieursrégulateurs financiers et leur demandequand est la dernière fois où ils ont pour-suivi juridiquement une banque de WallStreet : « Je m'inquiète sincèrement sur lefait que « too big to fail » ("trop grandpour faire faillite") semble être devenu«too big to trial » ("trop grand pour l'ame-ner devant les juges"). »6 Toujours dans lemême domaine financier, Warrendemande aux officiels du départementdu Trésor pourquoi aucune charge crimi-nelle n'est portée à l'encontre de la ban-que HSBC en raison de leurs pratiquesfrauduleuses de blanchiment d'argent :« Si vous vous faites arrêter avec 30 gram-mes de cocaïne, il y a de grandes chancespour que vous vous retrouviez en prison.Mais par contre, si vous blanchissez pres-que un milliard de dollars pour les cartelsde drogue et violez par là même les sanc-tions internationales, votre banque payejuste une amende et vous rentrez dormirchez vous. »7

Elle propose aussi d'établir un nouvelimpôt sur les grandes fortunes, ce quisuscite des critiques de patrons, dont BillGates. Elle n'accepte, pour sa campagneau Sénat, que des dons inférieurs à 200dollars de la part de dirigeants de gran-des compagnies financières et des entre-prises pétrolières et pharmaceutiques.« Si on veut parler sérieusement dedémanteler les grandes entreprises de latech, alors il faut se pencher sur le finan-cement de nos campagnes ». À ce propos,le NY Times commente : « Warrendémontre qu'il est possible de faire cam-pagne contre les grandes banques, sansl'argent de Wall Street, et de gagnerquand même. ». L'opposition de Gates etses homologues des grands groupes dunéocapitalisme numérique n'était quelogique. Un des points programmati-ques de la campagne de Warren visaitcarrément une réforme radicale du fonc-tionnement des GAFA, notamment en cequi concerne leur rôle hégémoniquedans chacune des branches où ils opè-rent et dans la composition même deleurs actionnariats.

Mme Warren a détaillé ce vaste plan dedémantèlement de ces corporationstechnologiques qui ont, selon elle, « tropde pouvoir sur notre économie, notresociété et notre démocratie » et qui étouf-fent la concurrence, avec dans le viseur

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Le Drapeau Rouge

Facebook, Google et Amazon. Bien plusimportant encore, la candidate démo-crate s'était opposée à la militarisation àoutrance de la diplomatie étasunienne ;elle estimait que celle-ci devait être pluséquilibrée et est allée jusqu'à demanderle retrait des forces armées américainesdu Moyen-Orient.8 Quelle différence avecle programme et la personnalité de JoeBiden !

Déjouant tous les pronostics, Bernie San-der avait réussi à forger un mouvementcontestataire formidable et quasi inéditdans la vie politique étasunienne ; grâceà lui, le mot « socialisme » n'est plus unblasphème, bien au contraire. Mouve-ment porté, en plus, par des masses dejeunes. Pour couronner sa piteuse capi-tulation envers Biden, il « obtint » lacréation d'un groupe de travail San-ders/Biden pour négocier une sorte deprogramme concerté. Ce groupe pré-voyait six commissions sur le climat,l'éducation, la santé, etc. Tout, sauf... l'es-sentiel, la politique internationale, lesguerres !

Il y a exactement un siècle, Lénine écri-vait sa fameuse brochure « Le gau-chisme, maladie infantile du commu-nisme ». Avec le temps, elle semble deve-nir sénile. ■

Actualité

1 https://www.washingtonpost.com/gdprcon-sent/?next_url=https%3a%2f%2fwww.washing-tonpost.com%2fopinions%2famerica-first-is-only-making-the-world-worse-heres-a-better-approach%2f2019%2f01%

2 "See last item - AQ is on our side in Syria.Otherwise, things have basically turned out asexpected."

3 UNCLASSIFIED U.S. Department of State Case No.F-2014-20439 Doc No. C05789138

4 https://www.businessinsider.com/obama-convinced-bernie-sanders-to-drop-out-2020-race-2020-4?r=US&IR=

5 https://www.nytimes.com/2012/11/11/us/poli-tics/elizabeth-warren-known-and-maybe-fea-red-on-national-stage.html

6 https://www.reuters.com/article/sec-petition-warren-idUSL1N0BJ9CD20130219

7 https://www.rawstory.com/2013/03/warren-drug-possession-warrants-jail-time-but-money-l a u n d e r i n g - f o r - c a r t e l s - d o e s n t / # .U TkE3SZ4YQY.reddit

8 "Troisième dans les sondages nationaux der-rière les deux hommes, la sénatrice progressisteElizabeth Warren a affirmé qu'elle était pour leretrait des troupes américaines du Moyen-Orient." https://www.lalibre.be/internatio-nal/amerique/dernier-debat-de-la-primaire-democrate-bernie-sanders-lache-les-coups-trump-s-en-amuse-5e1ea3b39978e270ae16e431

Depuis les attentats terroristes et enpassant par la crise du Covid, nos sociétésont franchi un point de bascule. Lesvaleurs d’hier sont remisées au nom desprincipes de précaution et autresmesures sanitaires. Les libertés decirculer et d’entreprendre, encore sacro-saintes il y a peu, ont été transformées enactes inciviques, irresponsables, donnantlieu à des sanctions exemplaires.

Il y a par ailleurs à s’inquiéter de lamanière dont les décisions sont prises. Enpetit comité, réunissant des experts etdes politiques, avec en point d’orgue uneconférence de presse qui tient lieu depouvoir exécutif, législatif et pénal. Leparlement est mis hors-jeu et nombre deministres et secrétaires d’État laissés surla touche, sommés de respecter la solida-rité gouvernementale. Soudain, l’indivi-dualisme, le volontarisme économique etsocial, le libre-échange, etc. sont mis aurancart. Les citoyens, infantilisés pour l’oc-casion, doivent se montrer bienveillants,solidaires avec les plus vulnérables, res-ponsables vis-à-vis d’autrui, etc. Sinon, illeur en cuira car la police est mobiliséepour réprimer toute dissidence par rap-port aux dictats « salvateurs ».

ÉTAT DE CHOC

Des arguments d’ordre scientifique sontbrandis à chaque occasion pour maintenirla peur, des statistiques sont produitesquotidiennement pour justifier la lignedure d’un gouvernement où les Fla-mands, plus que jamais, se taillent la partdu lion.

Des études pro domo tendent à refermerl’étau sur une population quelque peudéboussolée par les contradictions dansles propos et les actes des experts et despolitiques. D’autres études, comme celleconcluant que l’ouverture des commercesne favorisait pas la propagation du virus,ont été ignorées. Le ministre de la santéjustifiant cette omission par le souci decréer un électrochoc au sein de la popula-tion. Cette manipulation des données àdes fins liberticides glace d’autant plusnos échines qu’elle conduit nombre de

petits indépendants au désespoir, à la fail-lite et, dans certains cas, au suicide.

L’INTERDICTION DE MANIFESTER

Si vous n’êtes pas d’accord avec ces mesu-res, vous n’avez le droit d’exprimer votredésaccord que moyennant accord desautorités d’une part et respect des règlesde distanciation d’autre part. Autant direque cela devient du domaine de l’impossi-ble.

La manifestation organisée par la FGTBpour contester la condamnation de repré-sentants syndicaux dans le cadre d’uneaction de grève lui a valu les foudres desautorités, ainsi que la twittérisationmoralisante d’un président du MR qui,amnésie politique oblige, oublie qu’il ainauguré, au cours du premier confine-ment, les nouvelles installations d’un clubsportif dans le mépris des mesures sani-taires du moment ! Sans compter lesilence des « camarades socialistes » plusenclins à sauvegarder leur maroquin qu’àjouer de l’action commune …

Les libertés syndicales, déjà fort écornéesces dernières années, si nous n’y prenonsgarde, nous seront tout bonnement inter-dites. C’est le retour au XIXe siècle, à la loiLe Chapelier, au livret ouvrier. Que dedroits et libertés conquis pas à pas durantdes décennies, par le sang versé parfois, etbalayées en si peu de temps !

LE COIFFEUR ET L’AERONAUTIQUE

La plupart des commerçants, avaientconsenti des efforts et des investisse-ments pour se conformer aux mesures deprévention contre le Covid. Il se sont vusguère remerciés de leurs efforts lors dudeuxième confinement, alors que rienn’indiquait qu’ils étaient la cause de larecrudescence de la pandémie.Le cas le plus flagrant de cet ostracismeconcerne les coiffeurs. Seuls avec leurclient, sur rendez-vous, masqués tousdeux, quels sont les risques de contami-nation, par rapport à d’autres commerces,et notamment les grandes surfaces ? Lesecteur Horeca, lui aussi respectueux des

règles de distanciation, est encore plusmis au ban de la société. À partir de quel-ques exemples malheureux, on a fait desrestaurateurs et cafetiers des parias, irré-cupérables à la solidarité collective. Lesmilieux artistiques et culturels ne sontpas logés à meilleure enseigne.

Face à cet acharnement schizophrène dela part de décideurs déconnectés des réa-lités du terrain, certains citoyens et com-merçants ont choisi la désobéissance àdes règles idiotes et délétères. La réactiondu pouvoir a été à la hauteur de son igno-rance – consciente ou inconsciente ? –de leurs motivations : l’aggravation dessanctions et l’escalade des contrôles poli-ciers. Menant dans certains cas, à des vio-lences de part et d’autre. Et comment nepas rester ébaubi quand une publicité quisuccède au rappel des règles d’or contre leCovid vante tous les attraits de vacancesexotiques en Guadeloupe et en Martini-que ? Les couloirs d’aéroport regorgent demonde, les grandes surfaces ouvrent ledimanche, les salons de coiffure sontdéserts. Et qu’ajouter lorsqu’on apprendque le Président Macron est positif auCovid, après avoir organisé un dîner aumépris des règles qu’il impose aux Fran-çais !

QUEL REGIME POLITIQUE DEMAIN ?

Soyons clairs : nous ne voulons pas icidénier la gravité de la pandémie ni certai-nes mesures qui nous paraissent appro-priées pour la circonscrire et, si possible,l’éradiquer. Nous ne voulons pas plusvouer aux gémonies des responsablespolitiques et experts médicaux qui doi-vent prendre des décisions difficiles, étantdonnée l’incertitude quant à l’évolutiondu virus.

Mais nous tenons à attirer l’attention surles entorses faites à l’État de droit, lequelest revendiqué ou oublié selon que celaarrange bien les gens au pouvoir. L’ur-gence sanitaire ne doit pas saper un ordredémocratique constitué pendant des siè-cles pour mener à des formes de régimespolitiques autocratiques. La Pologne et laHongrie, ce n’est pas loin de chez nous… ■

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Le Drapeau RougeActualité-COVID

Surveiller et punir

Une dangereuse dérive totalitaireBernard Lefevre

Dans l'édition du DR-82, nous avionsannoncé une mise au point concernantIsraël. En effet, quelques lecteurs, plusexactement trois, nous avaient reprochéde ne parler d'Israël que de manièrenégative, arguant que l'on ne pouvaitpas réduire ce pays aux politiques deNetanyahou. Et ces lecteurs avaient, ànotre avis, raison.

Lorsque l'Assemblée générale de l'ONUadopta, le 10 novembre 1975, la résolu-tion 3379 définissant le sionismecomme « une forme de racisme et dediscrimination raciale », elle réagissaitaux politiques d'agression brutalequ'exerçaient les forces sionistes contreles populations arabes locales pouroccuper la Palestine. Sans contester lebien-fondé, factuel, qui la motive, cetterésolution pêchait à mon avis par unmanque de précision.

Parce que le sionisme de Netanyahou, etavant lui de Jabotinsky, Ben Gourion,Golda Meyer, etc., n'est pas celui de sespremières origines. Il en est un détour-nement grossier. Les premiers « pèle-rins » juifs qui quittèrent la Russie tsa-riste étaient socialistes, communistes,athées. Le sionisme de ses premiersgrands penseurs, tels Abraham Kook etThomas Hess (que Marx appelait, avecfamiliarité, « le rabbin communiste »),n'avait strictement rien à voir avec celuique pratique Tel-Aviv depuis quelquesdécennies.

Et il y avait les Juifs, très nombreux, non-sionistes. Ceux qui n'ont pas oublié laleçon d’Henryk Erlich, un des dirigeantsdu Bund, mouvement socialiste slavejuif du début du XXe siècle : « ...nous, lesJuifs, ne sommes pas un peuple élu, nidans le bon ni dans le mauvais sens de ceterme, mais un peuple égal aux autres[…] Il existe un nationalisme juif qui esttout aussi hideux que celui des non-Juifs. » Et ces Juifs-là, sionistes et non-sionistes, foncièrement opposés aux

politiques expansionnistes et d'apar-theid d'Israël, ne font pas seulementpartie du passé; ils existent toujours !Certes minoritaires, mais d'autant pluscourageux. Ce sont les Michel War-schavsky et Ilan Pappe, historiens qui necraignent pas les diktats de l'histoireofficielle, Noam Chomsky, dénonciateurde la complicité d'Israël avec le milita-risme US, Israël Shahak, avocat infatiga-ble des Palestiniens, etc. etc. Ce dernier apassé sa vie à essayer de reconstruireleurs maisons systématiquementdétruites par l'armée d'occupationisraélienne. Il y a aussi des organisationscomme le mouvement « La paix main-tenant » en Israël ou, plus proches dechez nous, l’Union juive française pourla Paix ou l'Union des Progressistes juifsde Belgique, qui ont une ligne perma-nente d'opposition aux politiques réac-

tionnaires du gouvernement israélien(même si cette dernière, pourtant née àl'initiative des Juifs communises belgesaprès la deuxième guerre mondiale, nedonne la parole qu'à des partisans despolitiques proches du Pentagonelorsqu'elle traite des dossiers comme lesyrien).

Assez jeune, ce chroniqueur fut touchépar le récit de l'histoire millénaire despopulations juives, leurs souffrances,exodes, combats, résistances, racontépar Howard Fast, grand écrivain étasu-nien, juif et communiste, dans sonroman « My glorious brothers ». Ce sontprobablement les traces de ces lecturesqui font qu'il se refuse à accepter ce quiest devenu aujourd'hui le sionismedominant et qu'il estime être de sondevoir de dénoncer. ■

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Le Drapeau Rouge Actualité

Un autre Israël existe...Vladimir Caller

1 De l'autre côté, au lendemain de Noël, le ministre del'intérieur d'Israël a donné instruction de vaccinercontre le Covid le personnel des prisons et ses pri-sonniers, sauf les Palestiniens.

In memoriam : Louise GotovitchAu cours de l'été 2004, une dame medemande au téléphone. Sans se présenter(visiblement pressée d'avoir des explica-tions), elle m'interroge, voulant savoir qui jesuis. Devant mon étonnement, elle m'expli-que qu'une amie lui a dit avoir vu le DrapeauRouge à la librairie « Filigrane » à Bruxelles,suite à quoi elle est allée le chercher, trou-vant ainsi mon nom et mon numéro de téléphone.

Une petite conversation s’ensuit. D’abord un peu sèche (qui êtes vous ? est-ce le vrai DRdu vrai PC ?...), elle devient peu à peu plus fraternelle et l’entretien se termine bien cordia-lement. Le lendemain ou presque, le DR recevait une belle souscription et quelquessemaines plus tard sa demande de ré-adhésion au Parti communiste qu'elle ne quitteraplus. Bien des années plus tard, la dernière fois que je lui rendais visite dans sa maison deretraite, rue de la Glacière, elle a mis un peu de temps à me reconnaître mais, je le crois,son souvenir fut facilité lorsque je lui ai tendu le DR que je lui avais apporté et qu'elle aaccueilli avec un sourire. Voilà deux gestes symboliques qui résument, à mon avis, le sensde l'engagement de Louise Gotovitch.

Enfant cachée durant l'occupation allemande, diplômée en pédagogie à l'ULB, passion-née par les expériences soviétiques en matière d'éducation, son mémoire de fin d'étudesportait sur l'œuvre du pédagogue Anton Makarenko, dont un livre sortit aux Presses Uni-versitaires de France en 1998. Par après, elle dédia sa vie à l'enseignement : maître-assis-tante en psychopédagogie aux écoles normales d’Arlon, Tournai et Berkendael à Ixelles;puis nommée inspectrice de pédagogie jusqu'à sa retraite. Mais pas seulement. Militantecommuniste et syndicale, membre de la section Enseignement de la Fédération bruxel-loise du P.C.B. dont elle fut la secrétaire politique. Intransigeante sur ses principes, sa viefut un itinéraire voué à l'enseignement et au combat pour ses idées. ■ VC

Une délégation du Particommuniste de Belgique a étéinvitée au Venezuela par leConsejo Nacional Electoral poury observer le déroulement desélections législatives du 6décembre dernier.

Les élections législatives vénézuéliennesse tiennent tous les cinq ans. Pour cescrutin, le nombre de députés a été aug-menté de 167 à 277, dans le but de favori-ser la représentation à l’Assemblée natio-nale des petits partis. Pas moins d’unecentaine de partis ou coalitions se sontd’ailleurs présentés au suffrage des élec-teurs, selon un mode de représentationproportionnelle plurinominale mis aupoint par la Belgique, la « méthoded’Hondt ».

En 2015, les précédentes électionsavaient été remportées par la droite qui,à l’Assemblée nationale, avait joué l’obs-truction pour bloquer toute initiative deschavistes. Arguant d’une irrégularité (3députés dont l’élection avait été invali-dée ont pu malgré tout prêter serment),le Tribunal suprême électoral a suspendul’Assemblée nationale et des électionsconstituantes ont été organisées, en2017, pour élire une Assemblée nationaleconstituante ; le scrutin a été boycottépar l’opposition de droite. Cette dernièreassemblée doit être dissoute avec lesélections du 6 décembre.

L’ancien président de l’Assemblée natio-nale, Juan Guaido, s’est autoproclaméprésident de la République en janvier2019. Il a été reconnu par de nombreuxpays d’Europe et d’Amérique du Nord etSud.Tous tablaient sur la chute rapide duprésident Maduro et du gouvernementchaviste. Avec Guaido en tête, l’opposi-tion a, entre janvier et avril 2019, réussi àorganiser des manifestations massivesqui ont fait craindre un moment un ren-versement du régime. Le gouvernementMaduro, qui a une base sociale solide, arépliqué en mobilisant aussi massive-

ment ses propres partisans. L’étoile deGuaido a entretemps pâli. Il semble quebeaucoup de Vénézuéliens, pourtantopposants, n’ont pas apprécié qu’il sug-gère à demi-mots l’intervention desEtats-Unis. D’autres erreurs et des dis-sensions au sein de la droite radicalel’ont marginalisé. Aujourd’hui,même ceux qui, à l’étranger,l’avaient reconnu comme prési-dent cherchent un moyen de lesubstituer par quelqu’un de plusprésentable.

Echec des tentatives de boycott..

Cependant, si la droite la plusradicale et la plus« pinochetiste », celle quifomente des coups d’État à partir desÉtats-Unis ou de la Colombie, celle quicherche à épuiser le pays, à susciter lemécontentement pour rendre possibleun putsch, a bel et bien appelé au boy-cott des présentes élections, il est totale-ment inexact d’affirmer – comme l’onécrit pratiquement tous les grandsmédias occidentaux – qu’il s’agissait duchoix de la totalité de l’opposition.D’ailleurs, la très grande majorité des lis-tes qui s’affrontaient le 6 décembre pro-venaient de l’opposition, à droite ou àgauche du Parti socialiste unifié duVenezuela (PSUV) au pouvoir.

Le déroulement des élections a été parti-culièrement fluide. Les deux observa-teurs du PCB ont visité plusieurs bureauxde vote de la capitale, Caracas, et de l’étatvoisin de Miranda. Les mesures sanitai-res anti-COVID-19 ont été strictementappliquées à toutes les étapes de la pro-cédure1. La présence très visible des for-ces de sécurité jusqu’à l’entrée desbureaux de vote nous a été justifiée parles risques d’attentat ou de contre-mani-festation par des éléments de l’opposi-tion extra-légale. Les files d’attenteétaient réduites à quelques personnes,voire inexistantes pendant l’après-midi.Selon nos observations, les électeursn’ont pas éprouvé de difficulté avec lesystème de vote, entièrement informa-

tisé, et n’ont pas semblé se perdre dansla centaine de listes qui leur étaient pro-posées. La présence du bloc du PSUV enhaut à gauche de l’écran a dû faciliter leschoses pour de nombreux votants. Letaux de participation – véritable enjeudu scrutin – n’a fait l’objet d’aucune ten-

tative de dissimulation ou de minimisa-tion de la part des agents électoraux etle résultat officiel, promulgué le soir-même, était en phase avec nos propresestimations.

Malgré la large victoire du PSUV – 69 %des suffrages et plus de 90 % des dépu-tés sont revenus au Grand pôle patrioti-que Simon Bolivar où il est la force domi-nante –, le taux d’abstention de près de70 % sonne comme un désaveu pour lesautorités chavistes, surtout au regard dela précédente législative de 2015 où iln’avait représenté que 26 % de l’électoratou même de la constituante de 2017 (58% d’abstentionnistes). Les représentantsdes autorités ont beau invoquer lacrainte d’être infecté par le coronavirus,malgré des mesures rigoureuses, d’au-tres facteurs contribuent à expliquercette désertion des bureaux de vote.Citons notamment le désenchantementet le découragement face aux salairesexcessivement bas, mangés par l’hyper-inflation, et face aux pénuries, en grandepartie dues aux sanctions imposées parWashington et relayées servilement parl’Union européenne. Ces sanctionsreviennent à interdire au Venezuela d’ex-porter son pétrole, pratiquement saseule source de devises étrangères, etmême d’importer des pièces pour sesraffineries défectueuses, dans le cadre

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Le Drapeau RougeInternational

Venezuela, des élections transparentes dans un contexte difficile

Georges Berghezan

d’une économie restée – malgré le cha-visme – essentiellement rentière et dol-larisée.

Alors que deux coalitions du centre et dela droite « civilisée » ont recueilli ensem-ble 22 % des voix et remporté 20 sièges,la mission électorale du PCB ne peut ques’interroger sur l’impact de l’appel auboycott de la droite extra-parlementaire,

Jouant à fond la carte démocratique etpour éviter toute spéculation sur le res-pect des résultats électoraux, une despremières décisions du gouvernementvénézuélien dans le cadre de la prépara-tion des élections législatives fut d'invi-ter l'Union Européenne à envoyer desobservateurs pour vérifier le justedéroulement de la procédure électorale.Une fois reçue l'invitation, le responsa-ble des questions internationales del'UE, l'espagnol Josep Borrel fit unedéclaration laissant entendre que l'UEn'enverrait pas d’observateurs car ellene comptait pas cautionner un proces-sus électoral duquel l'opposition seraitabsente.

Malchance pour lui, l'opposant histori-que au chavisme, Henrique Capriles,celui qui fut candidat à la présidencecontre Hugo Chavez en 2012 (avec 44.3 %de voix) et contre Maduro en 2014 (suiteau décès de Chavez, avec 49,1%), décidede participer, appelant à l'opposition à« jouer le jeu de la démocratie ». Appelauquel adhère la Conférence épiscopalevénézuélienne, qui demande à l'opposi-tion à « prendre ses responsabilités » età « rejeter l’abstention ». Des déclara-tions d’une énorme signification politi-que qui suscitent le panique à Bruxellescar avec Capriles comme candidat oppo-sant, l'UE ne pouvait plus arguer de« l'absence de l'opposition » et un éven-tuel, et probable, triomphe du chavisme

serait ressenti comme un gros échec desa politique interventionniste. Elledécide alors de jouer au boycot en refu-sant de participer alléguant, cynique-ment, que « les conditions pour des élec-tions transparentes ne sont pas réunies »,sachant parfaitement que Capriles avaitconditionné sa participation à la pré-sence de l'UE. L'opposant retire alors seslistes, ce qui en plus du Covid expliquelargement l'absentéisme constaté, et lePSUV ne fit que confirmer dans les urnesune victoire que le soutien populaireavait en quelque sorte anticipé.

Ne craignant pas trop le ridicule Borrelrécidive dans sa propension au cynismedéclarant le lendemain de la victoire cha-viste que « Le manque de respect du plu-ralisme politique, […] ne permettent pas àl'UE de reconnaître ce processus électoralcomme crédible ». VC ■

Ce 7 février 2021 ce pays connaîtra desélections présidentielles et parlementai-res d'une signification particulière; ellesauront le parfum d'une correction car leprésident sortant, Lenin Moreno, élu lar-gement en mai 2017 en tant que candi-dat de la gauche du pays décida, une foisinstallé, de trahir ouvertement le pro-gramme pour lequel il fut élu et les mou-vements sociaux et personnalités qui luiavaient fait confiance. En effet, il com-mença par accepter très docilement lesdiktats du Fonds Monétaire Internationalvisant à imposer une politique d'austéritédans les domaines d'éducation, santé,services sociaux pour préparer en mêmetemps la privatisation d'entreprises dusecteur public comme la compagnie detéléphone, les centrales hydroélectriques,les raffineries de pétrole, etc. Le summumde sa bassesse eut lieu lorsqu'il décide,sur le plan des relations internationales,

de reconnaître et inviter au pays, le pro-tégé de Trump, Juan Guaido comme pré-sident du Venezuela.

Maintenant, voyant que le soutien popu-laire au candidat de la gauche AndrésArauz ne cesse de croître, Moreno a cher-ché, avec toutes les arguties possiblesd'empêcher l'approbation de cette candi-dature. Il lui serait insupportable en effetqu'un candidat qui se réclame héritier deRafael Correa, celui précisément queMoreno avait honteusement trahi, puisserevenir au pouvoir pour continuer etapprofondir les transformations progres-sistes que l'ancien président avait accom-pli.

Bien entendu, Moreno, qui conscient dela répudiation de la population (moinsde 5 % de popularité) ne se présenterapas, n'est pas seul dans son projet réac-

tionnaire. La Maison Blanche, lePentagone, restent particulièrementattentifs et actifs dans le procès politi-que et électoral moyennant l'activismedes candidats comme Carlos Lasso, lespartis politiques à sa solde, les ONG's quicachent leur jeu sous des projets soidisant "humanitaires", et bien sûr lesorganisations évangélistes qui devien-nent, chaque jour plus, les chevaux deTroie du néolibéralisme dans le tiersmonde.

Outre le mérite d'élargir et de confirmerle retour d'un esprit de résistance anti-impérialiste en Amérique latine avec lestriomphes d’Alberto Fernández enArgentine, d’Andrés Manuel LópezObrador au Mexique, de Luis Arce enBolivie et celle des forces chavistes enVenezuela, une victoire de la gauche enEquateur constituera un encouragementà tous les peuples qui se battent pourreprendre le droit de décider de leursdestins sans ingérences étrangères. ■

qui n’a bien entendu pas tardé à chantervictoire après avoir constaté le faibletaux de participation électoral.

Enfin, notons que le Parti communistedu Venezuela, qui considère que l’actuelgouvernement chaviste met en œuvreune politique économique libérale pardes moyens non-démocratiques2, arecueilli près de 3 % des voix, mais n’ob-

tient qu’un seul député. Le PCV seconsole en arguant que, en dépit du forttaux d’abstention et contrairement auPSUV, il a nettement accru son électoratpar rapport aux législatives précéden-tes. ■

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Le Drapeau Rouge

Ingérence et cynisme grossiers de l'UnionEuropéenne

En Equateur, la révolte des urnes ?

International

1 De l'autre côté, au lendemain de Noël, le ministre del'intérieur d'Israël a donné instruction de vaccinercontre le Covid le personnel des prisons et ses pri-sonniers, sauf les Palestiniens.

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Le Drapeau RougeActualité

Pour les partisans de JulianAssange, la date du 4 janvier2021 restera marquante, puisquec'est ce jour-là que la juge britan-nique, Vanessa Baraitser, a faitpart de sa décision concernantl'extradition demandée par lesEtats-Unis.

Une date que chacun devrait considérercomme importante puisqu'au-delà dujournaliste Julian Assange, cettedemande d'extradition a toujours été unsignal envoyé à la presse et particulière-ment aux journalistes d'investigation. Eneffet, même si l'accusation utilise le mot"espionnage" dans l'intention de priverAssange de la protection du Premieramendement et pour pouvoir, aucontraire, l'exposer aux charges liées à"l'espionnage act", les faits qui sontreprochés à Assange correspondent autravail des journalistes d'investigation:chercher des sources et les interrogertout en préservant leur anonymat.

Nombreux ont été les journalistes quil'ont souligné.

Glenn Greenwald, lui-même inculpé auBrésil, selon un acte d'accusation copiésur le modèle de celui rédigé pourAssange, et heureusement rejeté par unjuge brésilien, continue de souligner lesmenaces que l'affaire Assange fait pesersur la presse. Gunter Wallraff, un journa-liste allemand a récemment donné uneinterview dans laquelle il répète que « letraitement infligé à Assange est un testdécisif pour le futur du journalisme et dela liberté d'expression ». 1

John Pilger, journaliste australien, ami delongue date d'Assange répète depuis desannées que l'affaire ne concerne pas seu-lement Assange mais tous les journalis-tes. Andy Worthington, journaliste spé-cialiste de Guantanamo, insiste sur le faitque peu importe la personne, il fautdéfendre la position d'éditeur et de jour-naliste attaché à révéler la vérité. Cette

position est aujourd'hui occupée parAssange. L'accusation a essayé de fairecroire que les problèmes venaient de sapersonnalité, mais en réalité, il s'agit de laliberté de la presse.

Pendant les audiences de septembre, undes points cruciaux de l'accusation repo-sait sur le fait que les publications deWikiLeaks avaient mis des vies en danger.Des journalistes y ont témoigné de l'im-plication d'Assange pour la sécurité,notamment John Goetz, un journalisteallemand du Spiegel qui a travaillé avecl'équipe internationale rassemblée auGuardian. Il a souligné la déontologied'Assange, rapportant qu'il a expurgéprès de 15000 câbles pour protéger desvies. Depuis ces audiences, l'enregistre-ment d'un appel téléphonique2 entreAssange et un avocat du départementd'Etat américain prouve que dès qu'il a euconnaissance du risque que des docu-ments (dont certains classifiés) ne soientrendus publics sans que WikiLeaks nepuisse plus le contrôler, il a cherché àavertir le gouvernement des Etats-Unis.

Nicky Hager, journaliste néozélandais aaussi témoigné. Il est un des initiateursde la pétition « Speak up for Assange »aujourd'hui signée par près de 1600 jour-nalistes. Si aujourd'hui de grands journa-listes prennent position pour Assange etpour WikiLeaks, l'ensemble des médiasrefuse encore de soutenir celui qui est lepremier d'entre eux à subir cet acharne-ment. Le rôle de la presse est essentiel carseuls des citoyens bien informés peuventprendre des décisions. Julian Assange lesait, il a informé malgré les risques. Tousles journalistes devraient le soutenir. Leursilence doit être brisé.

De nombreux médecins ont égalementréclamé sa libération. Car oui, il s'agit de

la liberté d'expression et des droits de lapresse mais il s'agit aussi, tout au long deces 10 années, d'acharnement, de viola-tion des droits humains. En 2016,l'Organisation des Nations Unies a quali-fié la détention d'Assange de détentionarbitraire et a réclamé sa libérationimmédiate assortie de compensations.Depuis la situation n'a fait que s'aggraveret sa santé de se dégrader.

Des avocats, des juristes (Lawyers4Assange) réclament sa libération.

Au Royaume-Uni, plusieurs syndicats ontlancé des appels et en Belgique, la péti-tion du Comité Free.Assange.Belgium cir-cule parmi les délégués à la CGSP-ALR, à laCGSP cheminots, dans plusieurs secteursde la FGTB. Enfin, dans différents pays, lesreprésentants politiques commencentaussi à bouger. En Australie, enAllemagne, au Royaume-Uni, au Conseilde l'Europe aussi, des groupes interpartisse construisent pour réclamer sa libéra-tion. En Belgique,on sent que dépasser lesclivages politiques est très difficile, mais ilfaut espérer et travailler à fédérer des par-lementaires autour d'une résolution danslaquelle la Belgique prendrait enfin posi-tion pour sa libération.. ■

Nouvelle année de lutte pour la libération de

Julian Assange et pour le droit à l'informationMarie France Deprez

1 https://www.legrandsoir.info/le-traitement-inflige-a-assange-est-un-test-decisif-pour-le-futur-du-journalisme-et-de-la-liberte-d-expres-sion.html

2 https://www.legrandsoir.info/project-veritas-publie-l-audio-d-assange-avertissant-le-gouver-nement-americain-de-la-fuite-dommageable-d-informations.html

À lire : « Fils du Peuple »,de Marcel CouteauNotre camarade de la région du centre Mar-cel Couteau vient de publier un livre sur savie et ses combats. Né en 1933 dans unefamille ouvrière qu’il qualifie de génétique-ment communiste, Marcel travaille dès ses14 ans et devient rapidement un syndica-liste de combat notamment pendant unegrève en 1967 lors de la fermeture des Ate-liers Germain Anglo. C'est donc tout natu-rellement qu'il adhère au PCB. Sur le planpolitique, il exercera successivement desmandats de conseiller, échevin et Bourg-mestre dans sa commune du Roeulx et seraélu et réélu député en 1968 et 1971. Leconseil communal du Roeulx a récemmentrendu hommage à Marcel, pour ses cin-quante années de présence en son sein.

Ce livre (15,00 €) peut être commandé à laFédération liégeoise du PCB/ 0470/588678.

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Le Drapeau Rouge LITTÉRATURE & CINÉMA

A propos du film « Un pays quise tient sage » et du roman« Dernière sommation » ; film etroman de David Dufresne

L'Article 12 de la Déclaration des Droitsde l’Homme stipule que la garantie desdroits de l'homme et du citoyen néces-site l’existence d’une force publiquechargée de la faire respecter. Cette forceest donc instituée pour l’avantage detous et non pour l'usage particulier, etencore moins abusif, de ceux auxquelselle est confiée.

David Dufresne, écrivain,documentaliste, reporter deterrain et réalisateur, révèleles dérives des forces de l’or-dre envers les manifestantset les journalistes. Sonroman, Dernière sommation(Grasset 2019), place ce récitau cœur de manifestationsdes gilets jaunes pourdénoncer les abus de l’auto-rité. Cette fiction rendcompte des blessures bienréelles infligées aux manifes-tants et même à de simples passants.Rien que durant la période de décembre2018 à juin 2019, on dénombre cinqmains arrachées, vingt-quatre person-nes éborgnées, une centaine d'autresblessées à la tête. On signale un total de860 cas de brutalités et de manque-ments à la déontologie policière. On estloin de la mythique doctrine du main-tien de l'ordre à la française, soi-disantfaite de mesure et de proportionnalité.La réalité, par contre, est toute autre: despoliciers sans matricule apparents,cagoulés, avec des véhicules sans pla-ques minéralogiques, ni formés, nientraînés, ni équipés, se sentent inatta-quables. Les agents semblent livrés àeux-mêmes; on dirait qu'ils agissentsans aucune consigne ni ordre, juste undéchaînement. et gratuit. Or c'est exac-tement le contraire. Ces policiers sontstrictement aux ordres; ils suivent desdirectives d'en haut, et de bien haut. Ils

sont envoyés à casser des protestatairespour les dissuader de persévérer dansleur révolte et en dissuader d'autres deles rejoindre. Hélas, par après, ce ne sontpas les ministres qui sont victimes descolères de la population mais les poli-ciers.

Pour exercer « efficacement » cesrépressions, les forces de l’ordre ontentre les mains de nouvelles armes deguerre, les fameuses LBD et autres gre-nades explosives GLI-F4 contenant duTNT ; en plus, l'usage de drones com-

mence à se générali-ser. Preuve que l'étatbourgeois ne segêne pas pour faireusage des progrèstechnologies afind’optimiser sescapacités coercitives.Dernière sommationn'est ni un essai niun document, maisun roman très politi-que écrit pendantles faits rapportés,comme une traver-sée du réel. Dans cerécit d’une écriture

alerte, séquencé en chapitres courts,l'auteur multiplie les points de vue et lessituations, d'un rond-point à la salle decommandement de la préfecture depolice. Les protagonistes sont des per-sonnages de fiction, mais inspirés de laréalité. Celui d’Étienne Dardel ressembleà l’auteur, il partage avec lui ses inquié-tudes devant cette société de plus enplus sécuritaire avec sa technologie, latélésurveillance, Twitter, les smartpho-nes… Les autres acteurs sont égalementla synthèse de personnes bien réelles.Ainsi, Vicky, jeune réalisatrice et graffi-teuse, amputée d'une main, montre quela violence de la police n’est autre que levisage du pouvoir.

Un pays qui se tient sage

Faisant suite à ce livre, David Dufresneréalise un film sur le même sujet, les vio-lences policières. L’auteur réunit ici des

vidéos tournéesentre novembre2018 et février2020 pendant lemouvement desgilets jaunes.Pour ce docu-mentaire, il a col-lecté de nom-breuses imagesde violences poli-cières filméesprincipalementlors de ce soulè-vement, par desvidéastes amateurs et professionnels etdiffusées via les réseaux sociaux. Dansle film comme dans le livre, les faits rap-portés sont dûment vérifiés, les sourcesméticuleusement recoupées. Leurauthenticité est vérifiée. Tout le travailfut de remonter à la source, recouper etcontextualiser.

Souvenons-nous de cette vidéo réaliséeà Mantes-la-Jolie en décembre 2018 parun policier. On y voit l’arrestation de plu-sieurs dizaines de lycéens humiliés,soupçonnés d'avoir participé à l'incen-die de poubelles et de deux voitures,contraints à demeurer à genoux, lesmains sur la tête, dans l’humidité et lefroid. Le CRS, auteur du document, sepermet ce commentaire : « Voilà uneclasse qui se tient sage ! » Mutatismutandis, ces mots intituleront le filmde Dufresne : Un pays qui se tient sage.

En tant que lanceur d'alerte DavidDufresne interroge la légitimité de laviolence exercée par l’ État. « À partir dumoment où le pouvoir semble peu légi-time, l’emploi de la force devient lui-même moins légitime. De mon point devue, nous sommes dans un moment où lepouvoir met en avant la police, commeun levier, comme son bras armé, faute depouvoir ou de vouloir répondre autre-ment, notamment en terme de justicesociale. »

Cette phrase, résonne plus que jamaisaujourd’hui et est le point de départ dufilm de David Dufresne. ■

La violence policière comme réponse aux révoltes sociales

Marc Pierret

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Le Drapeau Rouge

Arlon : Librairie Pressman, 53 rue des Espagnols, 6700 Arlon.Bruxelles : Tropismes, 11 Galerie des Princes, 1000 Bruxelles •Filigrane, 38 avenue des Arts, 1040 Etterbeek • Librairie Candide,Place Brugmann, 1050 Ixelles • La Borgne Agasse, 30 rue Anoul,1050 Ixelles • Joli Mai, 28 rue de Roumanie, 1060 Saint-Gilles •Librairie Joao Afonso, 11 Chaussée de Waterloo, 1060 Saint-GillesGand : De Brug, 1 Phoenixstraat, 9000 Gand. La Louvière : ClubAchille Chavée, 34, rue Albelville, 7100 La Louvière. Liège : Cercle

Julien Lahaut, 312 rue Saint Léonard, 4000 Liège • LibrairieEntretemps (asbl Barricade), 19-21 rue Pierreuse, 4000 Liège.Mons : Librairie du Parc, 24 rue du Parc, 7000 Mons. Namur :Librairie Papyrus, 16 rue Bas de la Place, 5000 Namur. Tournai :Librairie des Bastions, 22 boulevard Walter Marvis, 7500 Tournai.Wavre : Librairie Colette, 10 place Henri Berger, 1300 Wavre.

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Dans un moment où tout indique qu’en exécution des politiques ultra-libérales dictées par l’Union européenne et les grands intérêts financiersinternationaux, des graves mesures anti-populaires seront mises en exé-cution, il nous semble urgent d’organiser les résistances. À cet effet, laprésence d’une presse militante, de dénonciation et propositions alter-natives nous semble indispensable.

Pour ces raisons et pour aider à la diffusion de notre presse, nousvous invitons à nous soutenir.Pour ce faire, vous avez le choix :

3 De prendre un abonnement ou réabonnement ordinaire (15 € pour 12 numéros)

3 D’opter pour un abonnement ou un réabonnement de soutien (25 €) ou de grandsoutien (50 € ). Voir le numéro de compte ci-dessous.

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3 Vous pouvez aussi nouscommander (par téléphoneou via notre adresseélectronique) le nombred’exemplaires que vouscroyez pouvoir vendre dansvotre entourage !

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SommaireL’INVITÉ DU DR

Michel Collon,« COVID-19 : les populations ont

le droit de savoir » • pp. 2-4

ACTUALITÉEn route vers le troisième génocide arménien ?

Dogan Özgûden • p. 5

SOCIALQuel monde faisons-nous aux suivants ?

Martin Willems • pp. 6-7

ACTUALITÉEnjeux dans le monde du travail en 2021

Carine Rosteleur • p. 8

SOCIALGraves menaces sur le droit de grève

Marc Denonville • p. 9

ACTUALITÉIl y a 60 ans, Patrice Lumumba :

le prix à payerMarc Denonville • pp. 10-11Joe Biden, la Reine d'Angleterre

et le « cadeau » de Sanders Vladimir Caller • pp. 12-13

ACTUALITÉ COVIDSurveiller et punir :

une dangereuse dérive totalitaireBernard Lefevre • p. 14

ACTUALITÉUn autre Israël existe

Vladimir Caller • p. 15

INTERNATIONAL Venezuela, des élections transparentes

dans un contexte difficile Georges Berghezan • pp. 16-17

ACTUALITÉNouvelle année de lutte pour la libération de

Julian Assange et pour le droit à l’informationMarie France Deprez • p. 18

LITTÉRATURE ET CINÉMA

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Journal du Parti CommunisteÉditeur responsable : Claude CoussementRédacteur en chef : Vladimir Caller

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