L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

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Université Pierre Mendes France INSTITUT D’URBANISME DE GRENOBLE Master «Sciences du Territoire» Mémoire de Master 2 Sous la direction de : Mr. Emmanuel MATTEUDI Tuteur d’apprentissage : Mr. Amar THIOUNE Structure d’accueil : Conseil général de l’Isère Astrid DOUGUET-LE COZ «URBANISME HABITAT ET COOPÉRATION INTERNATIONALE» Septembre 2013 L’INTERVENTION DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE DANS LE DOMAINE DU PATRIMOINE EN PALESTINE - LE CAS DU SENTIER D’ABRAHAM -

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La préservation et la valorisation du patrimoine est une considération qui est née en Europe dans une volonté de conserver les traces du passé face aux nombreux changements liés à la révolution industrielle sur les territoires. Cette démarche de conservation c’est ensuite généralisée à l’international en réponse aux changements induits par la mondialisation et son impact sur l’environnement ou encore la culture. Aujourd’hui, de nombreux pays tentent de valoriser leur patrimoine matériel ou immatériel dans une logique de conservation mais également pour favoriser le développement notamment à travers le tourisme. Tel est le cas en Palestine où les projets de mise en valeur du patrimoine local s’inscrivent dans une logique d’appui au développement du territoire et à la reconnaissance de l’histoire d’un peuple.

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Université Pierre Mendes FranceInstItut d’urbanIsme de Grenoble

Master «Sciences du Territoire»Mémoire de Master 2

Sous la direction de : Mr. Emmanuel MATTEUDITuteur d’apprentissage : Mr. Amar THIOUNEStructure d’accueil : Conseil général de l’Isère

Astrid DOUGUET-LE COZ

«urbanIsme HabItat et CoopératIon InternatIonale»Septembre 2013

l’InterventIon de la CoopératIon déCentralIsée dans le domaIne du patrImoIne en palestIne

- le Cas du sentIer d’abraHam -

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AUTEUR Nom :DOUGUET-LE COZ

Prénom :Astrid

TITRE DU MEMOIRE L’INTERVENTION DE LA COOPERATION DECENTRALISEE DANS LE DOMAINE DU PATRIMOINE EN PALESTINE – LE CAS DES SENTIERS D’ABRAHAM

ORGANISME D’AFFILIATION Institut d’Urbanisme de Grenoble – Université Pierre Mendès France

Sous la direction de Monsieur Emmanuel MATTEUDI

Date de soutenance 9 septembre 2013

COLLATION Nb de pages : 107 Nb d’annexes : 4 Nb de références bibliographiques :

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MOTS-CLES Patrimoine, Coopération internationale, Coopération décentralisée, Collectivités territoriales, Développement durable du territoire, Tourisme

TERMES GEOGRAPHIQUES Isère, Palestine, Gouvernorat de Bethléem, Sentier d’Abraham, Arménie, Sénégal, Maroc, Algérie

MOTS-CLÉS DES ORGANISMES Conseil général de l’Isère, UNESCO

RESUME EN FRANÇAIS La préservation et la valorisation du patrimoine est une considération qui est née en Europe dans une volonté de conserver les traces du passé face aux nombreux changements liés à la révolution industrielle sur les territoires. Cette démarche de conservation c’est ensuite gé-néralisée à l’international en réponse aux changements induits par la mondialisation et son impact sur l’environnement ou encore la culture. Aujourd’hui, de nombreux pays tentent de valoriser leur patrimoine matériel ou immatériel dans une logique de conservation mais éga-lement pour favoriser le développement notamment à travers le tou-risme. Tel est le cas en Palestine où les projets de mise en valeur du patrimoine local s’inscrivent dans une logique d’appui au dévelop-pement du territoire et à la reconnaissance de l’histoire d’un peuple.

RESUME EN ANGLAIS The preservation and promotion of heritage is a consideration which is born in Europe in a desire to conserve traces of the past dealing with the many changes of the industrial revolution in the territories. Then, this conservation approach was generalized to the internatio-nal in response to the changes brought by globalization and its im-pact on the environment or culture. Nowadays, many countries are trying to promote their material and intangible heritage in a conser-vation perspective but also to promote the development, especially through tourism. Such is the case in Palestine where projects for the promotion of local heritage are part of a logic of support the develop-ment of the territory and the recognition of the history of a people.

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Sommaire Sommaire ................................................................................................................................................. 1

Remerciements ........................................................................................................................................ 4

Introduction .............................................................................................................................................. 5

Partie 1 : La prise en compte du Patrimoine à l’international et son intégration progressive dans la coopération décentralisée pour un développement intégré des territoires. .............................................. 9

A. La prise en compte et la reconnaissance du patrimoine à l’international .................................. 10

1. Définitions de la notion de patrimoine ................................................................................... 10

2. Des engagements et des acteurs internationaux pour la reconnaissance du patrimoine ..... 15

3. La place de la question patrimoniale dans la coopération bilatérale de la France ................ 21

B. Le Patrimoine au cœur des politiques de coopération décentralisée ........................................ 24

1. Vers une interaction entre patrimoine et développement : le patrimoine au service du développement .............................................................................................................................. 24

2. Le processus d’intégration de la question patrimoniale dans les initiatives des collectivités 25

3. Les acteurs nationaux qui interviennent dans le champ du patrimoine ................................. 28

4. Etat des lieux de la coopération décentralisée dans le champ du patrimoine ....................... 30

Partie 2 : Le Conseil général de l’Isère : une expertise dans le domaine du patrimoine au service de la coopération internationale et de nouvelles perspectives d’intervention en Palestine. ............................ 36

A. Les actions du service coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère en matière de patrimoine à l’international ................................................................................................................. 37

1. Historique de la coopération décentralisée du Conseil Général de l’Isère et philosophie de l’action dans le champ du patrimoine ............................................................................................. 37

2. Les actions du Conseil général de l’Isère sur ses territoires de coopération en matière de patrimoine ...................................................................................................................................... 40

B. Le cas particulier de la coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem en Palestine : vers une interaction entre patrimoine et développement. ............................ 45

1. Une histoire dont l’impact est toujours prégnant et conditionne la réussite des projets ........ 45

2. Le cadre de coopération entre la France et les Territoires palestiniens et plus particulièrement entre le Conseil général de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem. ..................... 58

Partie 3 : La plate-forme : un outil de mutualisation au service de l’action ............................................. 64

A. Le sentier d’Abraham : un projet de valorisation du patrimoine à travers le développement d’un tourisme rural durable de randonnée. ................................................................................................ 65

1. Un projet initié par l’université d’Harvard .............................................................................. 65

2. La mise en place du projet .................................................................................................... 67

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3. Objectifs et état d’avancement du projet ............................................................................... 69

4. Les acteurs impliqués dans le projet..................................................................................... 70

B. La mise en place d’une plateforme inter-collectivités autour du sentier d’Abraham .................. 72

1. Une démarche de mutualisation appuyée par l’Etat français ................................................ 72

2. La mise en place de la plate-forme autour du projet du sentier d’Abraham et l’intérêt des collectivités partenaires à joindre ce processus ............................................................................. 73

3. Exemples d’expériences de plates-formes par thématique ou par territoire d’action ............ 76

C. Préconisations pour l’avenir de la plateforme ........................................................................... 82

1. Renforcer le rôle de chaque acteurs (élu, technicien, opérateur, population locale) et privilégier une évaluation externe des actions ............................................................................... 83

2. Définir le rôle de la plate-forme ............................................................................................. 84

Conclusion ............................................................................................................................................. 86

Annexes ................................................................................................................................................. 88

Annexe 1 : Liste des entretiens réalisés dans le cadre du mémoire .................................................. 89

Annexe 2 : Tableau des recettes du tourisme dans le monde ........................................................... 90

Annexe 3 : Programme de développement rural en Palestine – Plan d’action année 1 ..................... 91

Annexe 4 : Les « Groupes pays » et « Groupes thématiques » de Cités Unies France ..................... 94

Liste des sigles ...................................................................................................................................... 95

Références bibliographiques .................................................................................................................. 97

Table des illustrations .......................................................................................................................... 101

Table des matières............................................................................................................................... 102

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Remerciements

Je tiens à remercier Florence Bady, Laura Marchetti et Mary Gely, mes collègues du service coopération décentralisée, pour leurs conseils avisés tout au long de cette année d’apprentissage.

Je remercie plus particulièrement Amar Thioune pour sa confiance et sa disponibilité.

Un grand merci à toute la promotion IUG 2011-2013 pour tous les bons moments passés ensembles et plus particulièrement à tous les UHCI pour cette dernière année de master riche en émotions.

Une petite pensée pour nos homologues suisses de Lausanne avec qui nous avons partagé bien plus que des ateliers.

Je remercie aussi Emmanuel Matteudi pour avoir accepté d’encadrer ce mémoire.

J’adresse également mes plus sincères remerciements à ma famille et plus particulièrement ma maman pour ses précieuses relectures tout au long de mes études et plus particulièrement pour ce mémoire.

Enfin, merci à mon colocataire, mes collègues apprentis grenoblois rescapés et Romain pour leur soutien et leur bonne humeur !

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Introduction

Le patrimoine revêt un intérêt particulier dans le contexte de globalisation dans lequel nous nous trouvons actuellement. En effet, face à l’uniformisation des modes de vie et aux atteintes portées à l’environnement, au patrimoine culturel ou encore bâti, nous pouvons constater au niveau international une volonté de plus en plus affirmée de protéger les particularités territoriales qui sont les artefacts des identités locales. Si cet attrait pour la valorisation du patrimoine montre un réel intérêt pour la sauvegarde de l’identité d’un territoire et d’une société, il s’avère également être un moyen de développer le tourisme et représente donc un intérêt économique.

En France, les considérations liées à la conservation, la protection et la réhabilitation du patrimoine ne datent pas d’hier. En effet, le pays a développé au fil des siècles une longue expérience en la matière et des compétences spécifiques comme de nombreux pays d’Europe. Au niveau international, c’est en 1931, à travers la charte d’Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques, adoptée lors du premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, que l’on assiste à une première mise en commun supranationale des expériences européennes en matière de conservation et de restauration du patrimoine. Ce texte, comme le précise Françoise Choay1, a une valeur inaugurale et symbolique qui vise à promouvoir une collaboration transnationale en matière de patrimoine. Cependant, ce document qui n’a pas connu de réel engouement, laissera sa place en 1964 à la charte de Venise qui promeut une approche internationale et partagée des enjeux liés à la conservation et à la restauration du patrimoine. Mais si le concept de patrimoine a longtemps connu un champ d’application relativement « étriqué », celui-ci s’est élargi au tournant des années 1970. En effet, face aux atteintes environnementales et culturelles liées aux impacts des évolutions socio-économiques des sociétés, les Etats membres de l’UNESCO ont adopté en 1972 la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.

Aujourd’hui, de nombreux pays ont vu certains éléments de leur patrimoine être inscrits à la longue liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cependant, de nombreux pays ne disposent pas d’un cadre législatif permettant d’œuvrer à la préservation du patrimoine au niveau national ce qui est notamment le cas de la Palestine.

1CHOAY, F., L’allégorie du patrimoine, Paris, Le Seuil, 1992

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Les rives sud et orientales de la Méditerranée, le monde arabe en général, connaissent le tourisme, ou plutôt le voyage, depuis très longtemps, sous la forme en particulier de caravanes de commerce et de pèlerinages. Le tourisme est donc une pratique ancienne dans le monde arabe. Avec environ 3,5 millions de visiteurs étrangers en 2011 Israël capte la majeure partie des flux touristiques sur son territoire. En effet, si beaucoup de touristes visitent Bethléem, située non loin de Jérusalem, seulement un tiers d’entre eux passe au moins une nuit en Palestine, les deux tiers restant passent la nuit côté israélien. Les territoires palestiniens ne bénéficient donc presque pas des retombées économiques liées au tourisme dans la région. La valorisation du patrimoine bâti, naturel ou encore culturel est donc un enjeu de taille pour les territoires palestiniens désireux de capter les bénéfices du tourisme. C’est également un moyen de faire valoir l’histoire de leur peuple.

Ainsi, le patrimoine est depuis de nombreuses années au cœur des stratégies et des enjeux de développement dans de nombreux pays. La thématique du patrimoine, de part sa transversalité, a été largement investie par les collectivités territoriales françaises au sein de leurs coopérations décentralisées. Nous nous interrogerons donc ici sur l’intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine et plus particulièrement en Palestine dans le cadre de la coopération du Conseil général avec le Gouvernorat de Bethléem à travers les questionnements suivants :

• Quel est l’intérêt de la coopération dans le domaine du patrimoine ? En quoi la valorisation du patrimoine peut-elle être un levier pour un développement durable et intégré des territoires ?

• En quoi la valorisation du patrimoine peut-elle avoir un impact sur le développement de la Palestine ?

• A travers l’exemple du projet du sentier d’Abraham nous tenterons de voir en quoi ce type de projet peut être vecteur de développement durable des territoires ruraux ? Et de quelle manière est-il possible de coordonner les actions des collectivités qui coopèrent avec la Palestine sur les territoires traversés par le sentier d’Abraham ?

Pour répondre à ces grands questionnements le mémoire sera composé de trois grandes parties. La première cherchera à mettre en évidence les évolutions historiques de la notion de patrimoine et son intégration au sein de la coopération décentralisée. Elle montrera également que la protection et la valorisation du patrimoine contribuent largement à la valorisation de l’identité locale d’un territoire. Cette première partie abordera la question de l’intérêt grandissant pour le patrimoine comme une réaction des populations face à un sentiment de menace qui peut se matérialiser par la crainte d’une perte d’identité. La seconde partie s’attachera à analyser le lien entre patrimoine et développement local. Elle abordera la question de la valorisation du patrimoine dans une logique de développement durable notamment à

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travers les actions menées dans le cadre des accords de coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère. Pour illustrer le lien entre patrimoine et développement nous réaliserons une étude de cas sur le projet des sentiers d’Abraham en Palestine. Cette troisième partie s’intéressera plus particulièrement au processus de mutualisation initié entre les acteurs impliqués dans des actions de coopération dont la territorialité s’inscrit dans celle du sentier d’Abraham.

Afin d’apporter des éléments de réponse à la compréhension de l’action des collectivités dans le champ du patrimoine en Palestine et de comprendre quels sont les enjeux de la mise en place d’un cadre de mutualisation inter-collectivités dans le cadre du projet des sentiers d’Abraham, une étude de terrain a été réalisée. Pour cela, une enquête a été menée auprès des collectivités locales françaises et associations dont la territorialité des actions menées s’inscrit sur le territoire de projet des sentiers d’Abraham.

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La prise en compte du patrimoine à L’internationaL

son intégration progressive dans la coopération décentralisée pour un développement intégré des territoires

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Partie 1 : La prise en compte du Patrimoine à l’international et son intégration progressive dans la coopération décentralisée pour un développement intégré des territoires.

La France, avec 81 millions de touristes internationaux en 2011, occupe le premier rang des pays les plus visités dans le Monde et le troisième rang, derrière les Etats-Unis et l’Espagne, si l’on considère les 54,5 milliards de dollars soit 39,2 milliards d’euros2 de recettes issues de ce tourisme international la même année. La France tire ainsi profit de son patrimoine historique, bâti, environnemental ou encore culturel reconnu à travers le Monde. Cette reconnaissance mondiale, peut trouver son explication à travers les nombreux efforts réalisés en matière de patrimoine (réhabilitation, conservation, restauration) et notamment son intégration dans la politique d’aménagement du territoire.

Deux grands questionnements se posent alors : Quelles sont les grandes étapes de l’évolution du concept de patrimoine et de quelle manière s’est articulée sa reconnaissance à l‘international ? De quelle manière les problématiques liées au patrimoine s’intègrent-elles au sein des actions développées dans le cadre de coopérations décentralisées ?

Pour y répondre, après avoir défini la notion de patrimoine pour tenter de comprendre quels enjeux sous-tendent son intégration dans les politiques locale et globale, nous nous intéresserons à l’intégration de cette notion dans les politiques de coopération internationale afin de mesurer l’importance d’une démarche co-construite d’échanges entre pays dans ce domaine pour un développement intégré des territoires au Nord comme au Sud.

2 Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) pour le Ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Mémento du tourisme édition 2012. 158p. Consulté en aout 2013, http://www.dgcis.gouv.fr Tableau des recettes du tourisme international des vingt premiers pays bénéficiaires en annexe.

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A. La prise en compte et la reconnaissance du patrimoine à l’international

La notion de patrimoine est par nature complexe à identifier car sa définition n’a eu de cesse d’évoluer au cours du temps et n’est pas de nature à être figée dans la mesure où chaque pays, chaque société ou civilisation peut en avoir une approche différente. Aujourd’hui, dans le contexte actuel de mondialisation, le patrimoine suscite un intérêt particulier dans la mesure où sa reconnaissance participe à la valorisation des particularités locales et permet ainsi aux territoires de révéler leurs spécificités. De fait, la valorisation du patrimoine local est aujourd’hui très souvent utilisée comme vecteur d’attractivité territoriale et de développement économique.

1. Définitions de la notion de patrimoine

Partant du fait qu’il n’existe pas une définition unique et immuable du Patrimoine nous tenterons d’apporter une vision la plus large possible de cette notion. Littéralement, le mot patrimoine vient du latin « patrimonium » qui désigne l’héritage familial qui descend du père et qui est transmis aux enfants. Le sens premier de ce terme est donc celui d’un bien individuel hérité de la famille. Cette définition a considérablement évolué au fil du temps en réponse aux menaces engendrées par l’évolution de nos sociétés (urbanisation, industrialisation, mondialisation) et à un intérêt grandissant pour les témoins de l’histoire. La notion de patrimoine désigne ainsi de nos jours la globalité des biens hérités du passé, qu’ils soient très ancien ou récent, culturels ou naturels, matériels ou immatériels.

Des considérations nées en Europe

En France, c’est avec la révolution de 1789 qu’apparait la notion de patrimoine national. A l’époque, les révolutionnaires entendent s’emparer des biens privés pour enrichir le patrimoine national. Cela a engendré de nombreuses dégradations notamment dans les châteaux et églises du territoire qui ont été dénoncées par l’Abbé Grégoire en 1794, lequel a qualifié de « vandales » les responsables de ces atteintes. L’abbé Grégoire a commencé alors à rassembler certains de ces éléments créant ainsi le « musée des Monuments français »3. Il faudra néanmoins attendre les années 1830 pour qu’une réelle politique patrimoniale se mette en place. Ces années verront la nomination du premier inspecteur général des Monuments historiques, Louis Vitet, a qui succédera Prosper Mérimée en 1832. Ce dernier réalisera une liste des bâtiments remarquables nécessitant une restauration et obtiendra en 1856 le 3 NEYRET, R. Du monument isolé au « tout patrimoine », Géocarrefour [en ligne]vol. 79/3, 2004. Consulté en juillet 2013, http://geocarrefour.revues.org/746

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premier budget de l’Etat alloué à la restauration de bâtiments. En 1837 est par ailleurs créée la première Commission des monuments historiques chargée d’inventorier les monuments historiques remarquables. Pendant de nombreuses décennies, les classements concerneront essentiellement les édifices du

Moyen-âge, de l’antiquité et de la renaissance. A cette époque, la notion de patrimoine se rattache à celle de monument historique.

Cette notion de patrimoine architectural va s’étendre à l’architecture populaire et rurale à la fin du 19ème siècle avec la création dans les pays scandinaves de musées de plein air4. Le premier musée en plein air du Monde est le musée Skansen créé en Suède en 1891 par l’ethnographe Artur Hazelius. Ces musées rassemblent de nombreuses maisons de la Scandinavie rurale et propose de découvrir ces lieux d’habitation traditionnels. On constate à travers ces réalisations un rapprochement entre le lieu traditionnel d’habitation et la tradition locale. Les considérations patrimoniales sont également présentes en Italie avec la valorisation de nouvelles formes architecturales telles que l’architecture mineure qui désigne les constructions privées non monumentales souvent érigées sans le secours d’architectes5. Dans le même temps, en Angleterre, on commence à parler d’une architecture vernaculaire, qui caractérise l’architecture propre à un pays et à ses habitants. Ou encore l’architecture industrielle dont les édifices commencent à être reconnus par leur qualité architecturale et en tant que témoin de l’activité humaine sur les territoires.

Du patrimoine architectural au patrimoine urbain

Progressivement, la notion de patrimoine urbain tend à se détacher des considérations purement architecturales se limitant au périmètre d’un seul bâtiment. En 1840, Ruskin commence ainsi à parler d’une architecture domestique dont la valeur mémorielle est importante à la construction de la

4 CHOAY, F. et MERLIN P. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Paris : Presses Universitaires de France, 2005. 963p. 5 CHOAY, F. L’allégorie du Patrimoine. Paris : Seuil, 1992. 272p.

Figure 1 : Musée Skansen de Stockholm Jean-Pierre Dalbéra ( www.dalbera.eu)

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société dans la mesure où cette architecture est le témoin du travail des générations passées. Il est donc pour lui nécessaire de conserver les tissus anciens qui font la mémoire de la ville et de ses habitants. A l’inverse, à la fin du 19ème siècle, Camillo Sitte voit quant à lui la nécessité d’une mutation des espaces traditionnels. Pour lui, les quartiers anciens ne répondent plus aux nouveaux usages de la vie moderne. Pour Camillo Sitte il faut intégrer l’histoire dans les nouvelles réflexions en matière d’urbanisme en observant l’usage des espaces publics qui constituent la ville. Dans cette même lignée, Gustavo Giovannoni développe le concept d’architecture mineure. Pour lui, la ville historique est un monument à elle seule. Néanmoins, il est pour lui nécessaire d’intégrer la ville ancienne dans la vie contemporaine et faire apparaitre le tissu ancien dans les plans directeurs d’urbanisme. Selon Françoise Choay et Pierre Merlin, c’est en 1931 que Gustavo Giovannoni commence à parler d’un patrimoine urbain associé à une tradition et des techniques qui lui sont propres. Il est ainsi le premier à mettre en lumière la valeur sociale du patrimoine urbain. Ces idées seront reconnues à l’échelle internationale en 1976 dans la recommandation de Nairobi « concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine » adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO. En France la reconnaissance du patrimoine urbain ancien se fera plus tardivement dans les années 1950 avec la loi Malraux sur les secteurs sauvegardés. Cette loi apparait dans un contexte particulier en réaction à la doctrine des Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) destinés à améliorer les conditions d’existence dans la ville moderne selon quatre grandes fonctions : habiter, travailler, se divertir et surtout circuler.

Intégration de la nature et du patrimoine immatériel

C’est aux Etats-Unis, en réponse à l’urbanisation du territoire et à la révolution industrialisation que l’accent va être mis sur la protection des biens naturels. Des moyens de protection spécifiques vont alors être mis en place avec la création de parcs nationaux et réserves. La volonté est alors de préserver les espaces naturels américains de la croissance urbaine et permettre aux américains de s’évader de la ville comme l’écrit en 1898 John Muir, écrivain et militant de la protection de la nature qui a œuvré pour la création des parcs américains : « Des milliers de citoyens fatigués, énervés ou trop

civilisés commencent à réaliser que partir à la montagne, c’est rentrer à la maison, que l’étendue

sauvage est une nécessité et que les parcs et réserves sont source de vie »6. Le premier parc national, celui de Yellowstone (800 000 hectares), est ainsi créé en 1872. Cet élan de protection du patrimoine

6 Site internet des archives de France. Création des parcs nationaux. Consulté en juillet 2013, http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr

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naturel va progressivement s’étendre au Monde entier et l’on compte aujourd’hui environ 2 500 parcs nationaux à l’échelle de la planète. Néanmoins, en France, les premiers parcs nationaux seront créés dans les années 1960 suite à la loi du 22 juillet de la même année relative à la création des parcs nationaux. En 1972, cent ans après la création du premier parc national, l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) adopte une convention concernant la protection du patrimoine culturel et naturel.

L’intégration de la nature au sein des préoccupations patrimoniales va permettre d’élargir le champ du patrimoine en ne considérant plus uniquement les constructions humaines bâties. L’élargissement à la nature et donc au cadre de vie des populations va progressivement laisser place à de nouvelles perceptions. En 1989 l’UNESCO, considérant que « la culture traditionnelle et populaire fait partie du

patrimoine universel de l'humanité, qu'elle est un puissant moyen de rapprochement des différents

peuples et groupes sociaux et d'affirmation de leur identité culturelle7 », établit des Recommandations sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire. Il faudra néanmoins attendre 2003 pour que la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel soit adoptée et apporte une définition de cette nouvelle extension du patrimoine. Cinq grandes familles se distinguent :

- Les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel (légendes, contes, récits populaires ou épiques, chansons et pratiques musicales, langues, parler locaux, etc.) ;

- Les arts du spectacle (danses, cirque, théâtre de marionnettes, mime, etc.) - les pratiques sociales, rituels et évènements festifs (jeux traditionnels, rituels festifs et

gastronomiques, processions, carnavals, modes de vie traditionnels, etc.) ; - les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers (utilisation de plantes

médicinales, savoirs traditionnels liés à la mer, aux forêts, à l’élevage, à l’agriculture, etc.) ;

- les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. Des législations spécifiques existent dans de nombreux pays en ce qui concerne le patrimoine

culturel (monuments, bâtiments historiques) et naturel. Néanmoins, en ce qui concerne le patrimoine naturel, de nombreuses problématiques s’opposent souvent à la conservation de certains espaces. En effet, les conflits d’intérêts sont nombreux et le patrimoine naturel se retrouve très souvent tiraillé entre

7 Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Textes Normatifs. Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire. 1989. Consulté en juillet 2013, http://portal.unesco.org

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les problématiques scientifiques, économiques ou encore politiques qu’il suscite à l’image des conflits fréquents entre écologie et tourisme.

Un intérêt renouvelé pour le patrimoine

La mondialisation n’a eu de cesse de soulever la question de la préservation du patrimoine. Face aux mouvements croissants des populations, aux menaces liées à l’activité humaine sur l’environnement et aux impératifs en matière d’économie, le patrimoine a aujourd’hui différentes valeurs. Au cours des siècles, le patrimoine est passé d’une valeur identitaire individuelle à une valeur identitaire communautaire. Le patrimoine peut alors être perçu comme le vecteur de l’identité d’un territoire et de ses habitants. En réponse au processus de globalisation amorcé par la mondialisation, qui a eu tendance à uniformiser certaines pratiques à l’échelle mondiale, les populations ont tendance à se rassembler autour de valeurs communes et de témoins d’une identité locale. Cette volonté de se rassembler autour de racines communes s’affirme notamment à travers la valorisation du patrimoine local. Il s’agit en quelque sorte d’un contre-pied à des années de politiques axées sur la recherche d’unités nationales qui ont eu tendance à vouloir effacer les particularités locales. La valorisation du patrimoine local peut également être vectrice d’attractivité territoriale. Le patrimoine prend alors une valeur économique dans la mesure où sa valorisation peut contribuer au développement touristique d’un territoire. Depuis le début des années 1990, en réponse aux nombreuses dérives du tourisme de masse au détriment des populations locales et de l’environnement, de nouvelles formes alternatives de tourisme se sont développées. En 1992, lors du troisième sommet de la Terre à Rio de Janeiro, le tourisme est reconnu comme l’un des champs d’application du développement durable. L’objectif est d’aller vers un tourisme plus respectueux des hommes et de leur environnement pour un développement local durable. Aujourd’hui, l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) - institution des Nations Unies chargée de la promotion d’un tourisme responsable, durable et accessible à tous – a pris l’engagement de promouvoir le tourisme en tant qu’instrument pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)8 afin de faire reculer la pauvreté dans le monde en favorisant un développement durable des territoires.

8 Les objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ont été adoptés lors du Sommet du Millénaire qui s’est déroulé au siège des Nations unies, en septembre 2000 à New York. La déclaration du Millénaire a été signée par les Etats du monde entier reconnaissant ainsi qu’ils étaient « collectivement tenus de défendre, au niveau mondial, les principes de la dignité humaine, de l’égalité et de l’équité » et s’engageant à « créer – aux niveaux national et mondial – un climat propice au développement et à l’élimination de la pauvreté ». C’est dans cette perspective que les huit « Objectifs du Millénaire pour le Développement » à atteindre d’ici 2015 ont été fixés : Eliminer l’extrême pauvreté et la faim, Assurer l’éducation primaire pour tous, Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, Réduire la mortalité infantile, Améliorer la santé maternelle, Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies, Préserver l’environnement et Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

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La valorisation du patrimoine et son intégration au sein d’une dynamique de développement touristique durable confère au patrimoine une valeur de durabilité. Néanmoins, pour que le développement touristique d’un territoire se fasse dans une logique de durabilité cela suppose que les populations reconnaissent leur patrimoine et participe à sa valorisation, directement ou indirectement, qu’il s’agisse d’un patrimoine matériel ou immatériel. Un développement touristique durable doit donc se faire dans une logique de concertation avec l’ensemble des acteurs locaux. L’objectif, qu’il soit en matière de développement touristique ou de valorisation du patrimoine, est de répondre aux besoins présents sans compromettre ceux des générations futures par un développement intégré du territoire.

Le patrimoine représente l’ensemble des témoins matériels ou immatériels de l’existence d’une communauté sur un territoire. Il peut s’agir d’un héritage du passé mais aussi de témoins du monde actuel qui alimenteront le patrimoine des générations futures. Le patrimoine matérialise les connaissances, les savoir-faire et l’évolution des sociétés il peut alors être considéré comme nécessaire à l’identité et à la pérennité d’une communauté. Bien que la valorisation du patrimoine représente un intérêt certain celle-ci ne doit pas devenir un frein au développement local en empêchant toute forme de modernité. On assiste dans certains pays à la « mise sous cloche » de certains espaces dont l’une des conséquences est une inflation patrimoniale qui se distingue par une hausse du prix des logements, des couts d’entretien importants ou encore une inadaptation aux usages actuels. La marchandisation du tourisme et la surexploitation de certains éléments de patrimoine entrainent souvent des dégradations importantes, peut avoir des impacts sociaux négatifs (exploitation de la population locale), entrainer la construction de structures nouvelles en masse, etc. On comprend alors la nécessité de la mise en place d’un tourisme plus raisonné adapté aux contextes locaux.

2. Des engagements et des acteurs internationaux pour la reconnaissance du patrimoine

Après avoir saisi la progressive évolution de la notion de patrimoine et cerné l’impact que peut avoir la valorisation du patrimoine sur les territoires il paraît important de comprendre de quelle manière les considérations patrimoniales se sont internationalisées.

Les engagements internationaux en matière de patrimoine

La Conférence d’Athènes sur la conservation des monuments d’art et d’histoire marque, en 1931, le premier évènement international rassemblant des professionnels du patrimoine (archéologues, architectes, historiens de l’art, conservateurs de musées). Néanmoins, les pays représentés lors de cette conférence sont encore exclusivement européens bien qu’ils soient réunis sous l’égide de la

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Société Des Nations (SDN). L’objectif de cette première conférence était de communiquer et d’échanger sur les pratiques en matière de conservation, de restauration et de protection des différents pays représentés. Les échanges portaient sur la législation en matière de conservation et restauration, les techniques de réparations, la protection des abords des monuments historiques et les possibilités d’études ou d’action de l’Office international des musées (voir explication plus bas). On constate donc à l’époque la volonté de contribuer à l’élaboration d’une discipline commune même si les actes de cette conférence ne seront que très peu diffusés.

La seconde Conférence internationale des architectes et techniciens des monuments historiques a lieu trente-trois ans plus tard en 1964 à Venise. Une fois de plus, l’ensemble des pays participants sont européens à l’exception du Mexique et du Pérou qui y participent également. C’est à l’issu de cette seconde Conférence internationale que sera créée la Charte internationale de Venise sur la conservation et la restauration des monuments et des sites. La charte sera adoptée et signée par vingt spécialistes venus des treize pays représentés ainsi que trois représentants du Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) et Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICROM). Ce document montre une certaine évolution reconnaissant que « Chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales

des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires.

L’humanité qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un

patrimoine commun […] Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation

et à la restauration des monuments soient dégagés en commun […]. »9 Néanmoins, selon Françoise Choay la charte de Venise par son caractère dogmatique, énonçant presque des « devoirs » en matière de conservation et de restauration du patrimoine ne parvient pas à s’inscrire dans le nouveau contexte de mondialisation de l’époque.

Il faudra attendre 1972 pour qu’une réelle convention internationale soit signée à l’occasion de la dix-septième session de la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO). La convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel adoptée à Paris entrera en vigueur en 1975. Ce document définit la notion de patrimoine culturel comme les monuments, ensembles et sites « ayant une valeur universelle

exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science » et celle de patrimoine naturel comme les monuments naturels, les formations géologiques et les sites naturels « ayant une valeur

universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique »10. La convention apporte

9 CHOAY, F. Le patrimoine en questions : Anthologie pour un combat. Paris : Seuil, 2009. 215p. 10 Ibid

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également un cadre juridique, administratif et financier pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Selon l’UNESCO, à la date du 19 septembre 2012, 190 pays dans le monde avaient ratifié la Convention du patrimoine mondial acceptant ainsi d’identifier et de proposer des biens se trouvant sur leur territoire national et susceptibles d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial11. Il est intéressant de noter que le 26 novembre 1976, lors de la Conférence générale de l’UNESCO à Nairobi, une Recommandation du même nom a mis l’accent pour la première fois sur la valeur sociale du patrimoine urbain ancien. Cette recommandation affirme ainsi le rôle des ensembles historiques ou traditionnels dans la vie contemporaine.

Il faudra néanmoins attendre le début des années 2000 pour que le patrimoine immatériel soit reconnu au niveau international. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée en 2003 a ainsi pour but :

- la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ; - le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus

concernés ; - la sensibilisation aux niveaux local, national et international à l’importance du patrimoine culturel

immatériel et de son appréciation mutuelle ; - la coopération et l’assistance internationales.12

A la suite de cette convention est venue s’ajouter en 2005 la Convention sur la promotion de la diversité des expressions culturelles qui reconnait « l’importance des savoirs traditionnels en tant que source de richesse immatérielle et matérielle, et en particulier des systèmes de connaissance des peuples autochtones, et leur contribution positive au développement durable, ainsi que la nécessité d’assurer leur protection et promotion de façon adéquate »13.

On constate ainsi la prédominance de l’UNESCO dans la reconnaissance du patrimoine à l’échelle internationale. Des questions peuvent alors se poser sur le rôle de l’UNESCO et sa légitimité dans la reconnaissance et l’inscription de certains éléments de patrimoine au classement mondial. On peut également se questionner sur la marchandisation du patrimoine entrainée par le classement de certains monuments ou sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le classement de certains monuments ou sites peut dans certains cas avoir un effet pervers sur leur conservation compte tenu de la masse de touristes attirés par ces sites classés et des structures d’accueil touristique mises en place 11 Selon les chiffres indiqués sur le site internet de l’UNESCO, whc.unesco.org 12 UNESCO. Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Paris, 2003. Consulté en juillet 2013, http://unesdoc.unesco.org 13 Site internet de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Textes Normatifs. Convention pour la promotion de la diversité des expressions culturelles. 2005. Consulté en juillet 2013, http://portal.unesco.org

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souvent à proximité. Cette marchandisation du patrimoine peut également entrainer l’élimination d’activités (artisanales, commerciales, etc.) liées à la culture locale et à son identité. En témoigne la gentrification de la Médina de Marrakech, inscrite depuis 1981 sur la liste du patrimoine mondial, sous l’effet du tourisme mondial.

Néanmoins, en 2008 le centre du patrimoine mondial de l’UNESCO a reçu le prix 2008 du Tourisme mondial (World Tourism Award) en reconnaissance de «ses remarquables conseils, son soutien constant et ses encouragements aux 185 pays de par le monde ayant établi et suivi les 878 sites du patrimoine mondial » ainsi que ses « réalisations exceptionnelles dans l'industrie du tourisme »14.

Les acteurs internationaux de la protection du patrimoine

L’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO)

L’UNESCO est une organisation intergouvernementale créée en 1945 dans le but de construire une paix durable en favorisant la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité. L’UNESCO a ainsi pour rôle de développer la coopération intellectuelle et technique dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la science dans le Monde. Son action passe par le soutien d’actions, l’établissement de partenariats avec les bailleurs de fonds, la construction d’un droit international en matière de patrimoine à travers l’élaboration de conventions internationales, la mise en réseau des différents acteurs qui œuvrent dans le champ du patrimoine et la sensibilisation des populations à la protection d’un patrimoine mondial.

L’Organisation des Villes du Patrimoine Mondial (OVPM)

Fondée le 8 septembre 1993, à Fès au Maroc, l'Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) rassemble 250 villes ayant sur leur territoire un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’OVPM a pour objectif de favoriser la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial et d’encourager la coopération et l'échange d'informations et d'expertises ayant trait à la conservation et à la gestion du patrimoine. Son action vise

également à sensibiliser les populations aux valeurs patrimoniales et à leur conservation. L’OVPM 14 Le Centre du patrimoine mondial honoré du World Tourism Award. 20 octobre 2008. Consulté en juillet 2013 : site internet de l’UNESCO http://whc.unesco.org

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collabore étroitement avec les différents organismes intervenant dans le champ de la conservation du patrimoine.

Le Conseil international des musées (ICOM)

En 1926 est créé l’Office international des musées (OIM) avec l’appui de la Société Des Nations (SDN) qui deviendra en 1946 le Conseil International des Musées (ICOM). A l’époque, le rôle de l’OIM était de susciter la coopération internationale entre les musées, par le biais d’expositions transnationales, d’échanges

d’œuvres d’art et la diffusion des techniques muséales. Aujourd’hui, l’ICOM est un réseau composé d’institutions et de professionnels des musées qui a pour rôle de définir les normes et standards nécessaires à la conception, à l’organisation et à la gestion des collections. Il est également un centre mondial de réflexion où les professionnels échangent et réfléchissent sur les questions muséales et plus largement de patrimoine. L’ICOM assure également des missions internationales de lutte contre le trafic illicite de biens culturels ou encore de valorisation de la culture15.

Le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM)

La création de l’ICCROM a été décidée en 1956 lors de la 9ème Conférence générale de l’UNESCO à Delhi. Cette organisation internationale rassemble aujourd’hui plus de 130 Etats indépendants membres. L’objectif de l’organisation est la promotion de la conservation du patrimoine culturel, à la fois mobilier et immobilier, sous toutes ses formes. L'ICCROM contribue à la conservation du patrimoine culturel dans le monde à travers cinq grands domaines d'activité : la formation,

l’information, la recherche, la coopération et la sensibilisation16.

15 Site internet de l’Institut international des musées ICOM. Consulté en juillet 2013, http://icom.museum/ 16Site internet du Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels ICCROM. Consulté en juillet 2013, http://www.iccrom.org

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Le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS)

Le Conseil international des monuments et des sites est une organisation internationale non-gouvernementale créée en 1964. L’ICOMOS œuvre pour la conservation des monuments et des sites dans le monde à travers un réseau d’experts. Il a pour objectif de promouvoir la théorie, la méthodologie et la technologie appliquées à la conservation, la protection et la mise en valeur des monuments et des sites. Ses travaux sont basés sur les principes inscrits dans la charte internationale de 1964 sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, dite charte de Venise. L’ICOMOS est constitué de 95 Comités nationaux et de 27 Comités scientifiques internationaux qui permettent aux experts d’échanger entre eux17.

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et des ressources (UICN)

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature est la première organisation environnementale mondiale créée en 1948. Il s’agit d’un réseau mondial de professionnels de la conservation et de la nature dont l’action consiste à développer et soutenir la recherche dans le domaine de la conservation de la nature, mener des projets visant à améliorer la gestion des environnements naturels et soutenir les gouvernements, les ONG, les conventions internationales, les

organisations des Nations Unies, les sociétés et les communautés, en vue de développer des lois, des politiques et de meilleures pratiques. L’UICN est financée par des gouvernements, des organismes bilatéraux et multilatéraux, des organisations membres et des sociétés18.

Parmi les acteurs internationaux qui interviennent en matière de patrimoine on retrouve également les grands bailleurs ou financeurs nationaux qui participent au financement de projet de développement. On retrouve ainsi trois grands acteurs financiers internationaux au sein des projets développés à l’international en matière de patrimoine :

- La Banque Mondiale apporte un appui financier et technique aux pays en développement du monde entier par le biais de prêts à faibles taux d’intérêt, de crédits ne portant pas intérêt ou

17 Site internet du Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels ICCROM. Consulté en juillet 2013, http://www.iccrom.org 18 Site internet de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature UICN. Consulté en juillet 2013 http://www.iucn.org

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des dons pour leur permettre de mener des projets de développement dans de nombreux domaines (santé, éducation, agriculture, infrastructures, etc.). Le soutien de la Banque Mondiale aux projets axés sur la préservation du patrimoine et le développement du tourisme culturel se fait de manière marginale car son objectif est avant tout l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

- L’Union Européenne met en place des programmes européens de coopération pour lesquelles des appels à projets sont lancés sur de nombreuses thématiques. Ces appels à projets permettent de financer des actions dans le cadre de coopérations entre pays européens. Ainsi, plusieurs programmes européens peuvent toucher le domaine du patrimoine grâce à des thématiques souvent axées sur le développement durable des territoires ou encore la culture.

- La Banque européenne d’investissement (BEI) est la banque de l’Union Européenne. Elle finance et appuie des projets d’investissement qui contribuent à la réalisation des grands objectifs de l’Union Européenne. En matière de préservation du patrimoine, la BEI a lancé en 2008 un programme nommé « Médinas 2030 » dont l’objectif vise à renforcer les politiques publiques des pays partenaires méditerranéens en matière de réhabilitation des anciens quartiers et centres-villes. L’UNESCO a rejoint cette initiative en 2010.

En France, l’Agence Française de Développement (AFD) est l’établissement public qui œuvre pour la lutte contre la pauvreté et le développement des pays du Sud et l’Outre-mer. L’action de l’AFD se fait au moyen de subventions, de prêts, de fonds de garanties ou de contrats de désendettement et de développement. Elle finance également des projets de développement favorisant le renforcement de capacités des partenaires au Sud, ainsi que des programmes et études. La logique de développement durable des territoires est une caractéristique transversale aux nombreuses thématiques (eau, santé, éducation, environnement, agriculture, collectivités locales, etc.) soutenues par l’AFD permettant ainsi le soutien à des projets de développement territorial par le biais de la valorisation de la culture et du patrimoine.

3. La place de la question patrimoniale dans la coopération bilatérale de la France

La France dispose d’une longue histoire et d’une certaine expérience dans le domaine du patrimoine. L’expertise et le savoir-faire des nombreux professionnels qui œuvrent dans ce champ thématique sont mis au service de la coopération bilatérale mais aussi des organisations internationales et européennes. De plus, la France bénéficie d’une reconnaissance internationale pour les outils règlementaires et législatifs mis en place pour la protection, de restauration et la valorisation du patrimoine.

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Les relations entre la France et les organisations internationales et européennes dans le domaine du patrimoine

La France est un partenaire actif au sein de l’UNESCO, en témoigne sa forte implication dans la rédaction de la Convention internationale du patrimoine mondial de 1972. Elle a ainsi participé à l’élaboration des critères de sélection des sites naturels et culturels pour leur inscription à la Liste du patrimoine mondial mais aussi à l’élaboration des devoirs en matière de protection et de valorisation du patrimoine des pays signataires de la Convention. La France est également partenaire du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et membre du Conseil international des musées (ICOM).

Des relations étroites sont également entretenues avec le Conseil de l’Europe plus particulièrement à travers le Comité du patrimoine culturel au sein duquel siège un représentant du ministère français issu de la Direction de l’Architecture et du Patrimoine. La France contribue ainsi activement aux travaux du comité et échange avec ses homologues étrangers sur différents sujets ayant pour objet le patrimoine et les politiques qui y sont relatives. La France fait également partie du réseau européen d’information sur les politiques du patrimoine culturel qui s’intitule « Projet HEREIN » (European-Heritage.Net), issu de la 4ème Conférence européenne des Ministres responsables du patrimoine culturel en 1996 à Helsinki. Le but de ce projet est d’établir un « observatoire » pour suivre l’évolution des politiques du patrimoine à l’échelle de l’Europe19.

Les dispositifs d’accompagnement mis en place

La France bénéficie d’aides de l’Union européenne pour les actions de sauvegarde et de valorisation du patrimoine qu’elle développe. A ces aides s’ajoutent les financements perçus par le programme Culture 2007-2013. Il s’agit d’un instrument de financement et de programmation pour la coopération culturelle entre opérateurs culturels issus des pays de l’Union européenne ou des pays tiers participant au programme. Le programme bénéficie d’un budget de 400 millions d’euros visant à soutenir des projets destinés à favoriser la mobilité transnationale des professionnels du secteur culturel, favoriser la circulation des œuvres d’art et des produits culturels et artistiques au-delà des frontières nationales et promouvoir le dialogue interculturel20.

19 Site internet du projet European Haritage.Net. Consulté en juillet 2013 www.cultivate-int.org 20 Site internet Europa, synthèses de la législation de l’UE. Consulté en juillet 2013 http://europa.eu

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La France, quant à elle, verse une contribution financière au Fonds du patrimoine mondial et fournit une assistance juridique et technique à certains pays pour la préparation des projets d’inscription au patrimoine mondial.

Les appels à projets du ministère des affaires étrangères

Plus particulièrement, depuis 2008, le ministère des Affaires étrangères, en collaboration avec les préfectures de région et la Commission nationale de la coopération décentralisée, conduit une politique de partenariat avec les collectivités territoriales, fondée sur des appels à projets annuels. Parmi les partenariats thématiques prioritaires de l’appel à projets 2013 du Ministère des affaires étrangères, figure le « Tourisme et le patrimoine ». L’appel à projets concerne uniquement les projets d’assistance à maîtrise d’ouvrage locale dans la formulation d’une stratégie de développement d’un tourisme ancré dans le territoire, dans la valorisation des terroirs, et dans le renforcement d’une gouvernance locale multi-acteurs21. Un appui méthodologique peut également être apporté par l’Association des Villes d’Art et d’Histoire et des Villes à Secteurs Sauvegardées et Protégées (ANVPAH & VSSP), ainsi que de la plate-forme « tourisme responsable » mise en place sous l’égide de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD).

L’appui aux projets de développement de l’Agence Française de Développement

Créée en 1941 et placée à la fois sous la tutelle du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) et celle du Ministère de l’Economie et des Finances (MINEF), l’Agence Française de Développement (AFD) est « l’opérateur pivot » du dispositif français d’Aide Publique au Développement (APD). L’objectif de l’AFD est de lutter contre la pauvreté et de favoriser le développement dans les pays du Sud et l’Outre-mer. Pour cela, l’AFD finance et accompagne des projets et des programmes de développement qui soutiennent une croissance économique plus durable et partagée. L’objectif de ces projets est le renforcement de capacités des acteurs locaux. En ce sens, l’AFD qui soutient des projets de développement local peut être amenée à soutenir des projets de valorisation du patrimoine lorsque ceux-ci s’inscrire dans une logique de développement intégré. Dans le plan d’orientations stratégiques 2012-2016 on retrouve comme priorité le développement durable dont l’objet est la recherche d’un équilibre entre objectifs économiques, sociaux et environnementaux pour les projets qu’elle finance22. L’AFD a récemment mis en place un « second avis de développement durable » indépendant lors de l’instruction des projets.

21 Site internet de France Diplomatie. Texte de l’Appel à projets 2013. Consulté en juillet 2013 www.diplomatie.gouv.fr 22 AGENCE FRANÇAISE DE DEVELOPPEMENT. Plan d’orientations stratégiques 2012-2016. 20p. Consulté en juillet 2013, www.afd.fr

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Si l’appui aux projets de valorisation du patrimoine n’est pas toujours énoncé comme tel, il apparait à travers les dispositifs en place au sein de la coopération internationale une réelle volonté de privilégier des projets ayant pour but de valoriser la culture locale tout en accompagnant le développement des territoires. Les projets de valorisation du patrimoine, plus particulièrement lorsqu’ils s’inscrivent dans une logique de développement économique par le biais du tourisme, ne doivent pas perdre de vue la nécessité de travailler au renforcement de capacité des acteurs locaux pour qu’ils puissent être les principaux acteurs de leur développement et qu’ils puissent en avoir la maitrise.

B. Le Patrimoine au cœur des politiques de coopération décentralisée

1. Vers une interaction entre patrimoine et développement : le patrimoine au service du développement

Avec la mondialisation et la standardisation des productions, les territoires ont eu tendance à voir s’effacer leurs particularités locales. Dans de nombreux pays, les techniques de constructions traditionnelles, adaptées aux ressources et à certaines conditions géographiques notamment climatiques, ont quasiment disparu. Les nouveaux matériaux ainsi que les nouvelles techniques de construction ont entrainé une urbanisation croissante des territoires dont l’impact s’en ressent sur l’environnement notamment. Bien que depuis des années de nombreux pays aient développé un cadre juridique et technique spécifique en matière de protection et de valorisation de l’environnement, du patrimoine culturel et immatériel certaines questions se posent quant à l’efficacité de ces interventions sans une réelle remise en question du mode de « consommation » de ces éléments du patrimoine.

En effet, pour qu’une réelle interaction puisse être possible entre patrimoine et développement il parait nécessaire de questionner les usages et les pratiques développés sur ces espaces et anticiper les impacts économiques, sociaux et environnementaux de leur conservation ou valorisation. Dans les pays occidentaux, la renaissance des territoires « par le bas » est un processus long qui tend néanmoins à trouver son chemin aujourd’hui. On constate en effet, dans certains territoires, la volonté d’établir de nouvelles relations entre les établissements humains et le milieu naturel au travers d’un développement local axé sur les spécificités du territoire. En témoigne des créations telles que les associations de maintien de l’agriculture paysanne qui sensibilisent au « manger local » ou encore l’accueil chez l’habitant qui illustre une volonté de découvrir le territoire et ses particularités au contact de ses habitants. Selon Alberto Magnaghi, Auteur du Projet local, « C’est dans ces actes recréateurs de

territoire que réside le germe d’un développement réellement soutenable ». Toujours selon le même auteur, « Sous les coulées de lave de l’urbanisation contemporaine, survit un patrimoine territorial d’une extrême richesse, prêt à une nouvelle fécondation par de nouveaux acteurs sociaux capables d’en

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prendre soin : processus déjà en voie d’émergence, surtout là où l’écart entre la qualité de vie et la croissance économique est le plus flagrant ». On comprend, à travers cette citation, l’impact positif que peut avoir le patrimoine sur le développement local d’un territoire si sa valorisation est pensée de manière intégrée en prenant en compte l’intérêt local avant l’intérêt global. C’est ainsi, dans la rencontre entre patrimoine et énergies novatrices, dans une culture de valorisation des ressources du milieu par ses habitants, que réside la clef stratégique d’un développement soutenable23.

Le Patrimoine peut donc amener les acteurs d’un territoire à penser de manière plus durable le développement local au sein d’un projet de territoire. Il est donc essentiel de trouver l’équilibre entre un développement mesuré, notamment si la valorisation du patrimoine local implique un développement touristique qu’il faudra alors penser de manière intégrée.

2. Le processus d’intégration de la question patrimoniale dans les initiatives des collectivités

La convention France-Unesco pour le patrimoine

En 1997 a été réalisée une Convention de coopération entre l’UNESCO et le Gouvernement de la République française sur la protection et la mise en valeur du patrimoine monumental, urbain et naturel. Cette convention qui a aujourd’hui seize ans a pour but de contribuer au développement d’une meilleure connaissance du patrimoine culturel et naturel pour intégrer la préservation du patrimoine au développement urbain et territorial, et ainsi associer une dimension sociale à la conservation du patrimoine.

La Convention France-UNESCO est donc un outil opérationnel de coopération internationale, à travers lequel la France met à la disposition de l’UNESCO une assistance technique et financière24. Pour fournir cette assistance l’Etat français s’appuie sur l’expertise de la France en matière de patrimoine en mobilisant les professionnels et experts du territoire. Ces acteurs sont ensuite mobilisés par la Convention pour intervenir sur le terrain à la demande des pays. Les grands objectifs de la Convention France – Unesco sont les suivants :

- Participer à la Stratégie globale pour une Liste du patrimoine mondial plus représentative et équilibrée ;

- développer sur le patrimoine des actions à long terme, qui prennent en compte l’environnement économique et social dans une perspective de développement durable ;

23 MAGNAGHI, A. Le projet local. Liège : Pierre Mardaga, 2003. 123p. 24 Plaquette de présentation, Convention France-Unesco pour le patrimoine – des savoir-faire français au service du patrimoine. Consulté en aout 2013 http://whc.unesco.org

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- favoriser, à travers l’intervention sur le patrimoine, un effet de levier afin de mettre en valeur les potentialités existantes dans les pays en voie de développement qui manquent de moyens financiers et de capacités techniques.

- encourager la mise en place de coopérations décentralisées avec des collectivités territoriales françaises dans le domaine du patrimoine.

- susciter le développement d’accords de coopération et de projets financés par des fonds multilatéraux ou bilatéraux.

- réfléchir à de nouvelles thématiques – « Fleuve et patrimoine », « Patrimoine, gouvernance locale et lutte contre la pauvreté » – en lien avec les conventions et les recommandations de l’UNESCO, et avec les objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies.

Pour développer ces objectifs, la Convention France-Unesco s’appuie sur un ensemble de partenaires français. Parmi les partenaires impliqués on retrouve :

- quatre ministères : le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère du Transport, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer et le ministère de l’Écologie et du Développement durable ;

- L’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations ; - Les collectivités territoriales et locales : les régions Centre, Provence - Alpes - Côte d’Azur, les

Villes d’Angers, Arles, Chinon, Grenoble, Lyon, Lille Métropole Communauté urbaine et la Mission Val de Loire (patrimoine mondial) ;

- Les universités, les écoles d’architectures et les parcs naturels régionaux ; - L’association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteur sauvegardé

(ANVPAH & VSSP) et Cités Unies France.

Cette convention entre la France et l’UNESCO a été le premier accord bilatéral entre un Etat et l’UNESCO dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine.

L’appui de Cités Unies France pour le développement de coopérations dans le domaine du patrimoine

Cités Unies France, créée en 1975, fédère les collectivités territoriales françaises engagées dans la coopération internationale. Elle regroupe environ 500 collectivités adhérentes et compte un réseau de 4 800 collectivités territoriales auxquelles l’association propose des structures de travail et de réflexion pour favoriser l’échange d’expériences entre les collectivités françaises. Ces rencontres inter-collectivités permettent également d’élaborer des programmes d’actions communs.

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Par ailleurs, une convention d’objectifs a été signée avec le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) dont l’objectif général est de : « Contribuer à développer, en lien avec le

ministère des Affaires étrangères et européennes et les associations d’élus et de collectivités locales, la

coopération décentralisée en tant que mode d’intervention spécifique des collectivités territoriales, pour

mieux répondre aux enjeux de la démocratie locale, de la décentralisation et du développement local,

ainsi que pour valoriser la contribution des collectivités locales françaises à la réalisation des Objectifs

du Millénaire pour le Développement. »

Cités Unies France (CUF), en tant que partenaire de la Convention France-UNESCO, a pour rôle de sensibiliser et informer les autorités locales sur les engagements de la France en matière de coopération avec l’UNESCO. Mais son rôle principal est avant tout de sensibiliser et d’inciter les collectivités françaises à développer des coopérations dans le domaine du patrimoine à l’international. Dans ce but, une journée « d’information des collectivités et acteurs locaux : coopération décentralisée

et patrimoine mondial » avait été organisée en avril 2002 à l’UNESCO en partenariat avec Cités Unies France25.

Depuis, un groupe thématique26 a été créé pour que les collectivités puissent échanger et s’informer sur les problématiques liées au patrimoine à l’international. Il s’agit aujourd’hui du groupe thématique nommé « Culture » destiné à promouvoir le développement de coopérations culturelles à l’international. Au sein de ce groupe thématique a été créé un programme thématique 2007-2013 appelé « Développement social et humain ». Ce programme, pour lequel a été lancé un appel à propositions, a pour objectif général d’améliorer les niveaux de développement humain et social dans les pays partenaires, et plus particulièrement de soutenir la culture, vecteur de démocratisation, de diversité et de développement socio-économique. Dans la perspective de la convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, il s’agit avant tout de promouvoir le dialogue interculturel, les droits de l’homme et la diversité des expressions culturelles et renforcer les capacités et la professionnalisation et les capacités dans le secteur culturel.

Les 18 et 19 avril 2013 a été organisé un Colloque intitulé « Culture et action internationale des collectivités territoriales » organisé par Cités Unies France et la Ville de Toulouse. Lors de ce colloque un atelier a été consacré au « Patrimoine et développement territorial ». Bien que le terme « Culture » puisse paraître quelque peu « fourre-tout » pour ce groupe thématique, l’organisation de cet atelier nous montre que les questions relatives à la notion de patrimoine ne peuvent se détacher de la Culture. 25 PICHON, D. L’action internationale des collectivités locales au service du patrimoine. Mémoire de DESS, Institut d’Urbanisme de Grenoble, 2002. 129p. 26 Le rôle des groupes thématiques sera abordé en troisième partie.

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Lors de cet atelier, il a été souligné que « la réhabilitation d’un patrimoine n’a aucun sens si on oublie la culture qui l’habite : il constitue la structure des villes et des sociétés, participant ainsi à l’organisation sociale. 27»

3. Les acteurs nationaux qui interviennent dans le champ du patrimoine

Les compétences des collectivités territoriales en matière de patrimoine

C’est avec les lois de décentralisation de 1981 et 1982 que les compétences des autorités locales vont prendre de l’importance. Alors qu’historiquement l’Etat était l’unique conservateur du patrimoine les compétences des autorités locales en la matière vont progressivement prendre de l’ampleur. Les collectivités vont ainsi faire évoluer la notion de conservation du patrimoine en l’intégrant dans une réflexion ancrée au territoire. Le patrimoine va ainsi peu à peu trouver sa place dans les projets d’aménagement du territoire et s’inscrire dans une logique de développement territorial.

Les compétences des communes en matière de patrimoine s’observent à travers : - L’urbanisme : les plans locaux d’urbanisme (PLU) établis par les communes prennent en

compte des objectifs de qualité architecturale et environnementale qui passent notamment par la protection du patrimoine architectural, urbain, paysager et archéologique. Les communes peuvent également mettre en place des Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP), servitudes d’utilité publique qui ont pour objectif de mettre en valeur le patrimoine communal. La commune peut également, conjointement avec l’Etat, mettre en place un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur des secteurs sauvegardés (PSMV) destiné par exemple à préserver les centres anciens.

- La conservation et la restauration du patrimoine immobilier qui peut passer par la mise en place de plans de restauration de l’habitat mais aussi l’entretien du patrimoine religieux et des édifices publics communaux. Des actions publiques de restauration et de réhabilitation du patrimoine et de l’habitat peuvent également être menées.

- La valorisation du patrimoine local avec certains labels tels les Villes d’art et d’histoire mais aussi l’animation et la promotion du patrimoine local à travers des évènements locaux. Enfin, les offices du tourisme participent également à la valorisation du patrimoine local à travers leurs actions.

27 Cités Unies France. Synthèse des échanges : Culture & action internationale des collectivités territoriales. Toulouse, 2013. 13p. Consulté en juillet 2013, www.cites-unies-france.org

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Les départements ont également des compétences qui leurs sont propres et qui se traduisent par une intervention en matière de conservation et de restauration, généralement en partenariat avec le Ministère de la Culture. Le département bénéficie d’une expertise qui lui est propre et d’une compétence en matière de culture qui lui permet de mobiliser ses experts sur de nombreux projets, notamment en matière d’animation ou de valorisation du patrimoine. Les comités départementaux du tourisme permettent, eux aussi, de valoriser le patrimoine local ainsi que les compétences des départements en matière d’aménagement durable du territoire par des actions orientées vers la préservation de l’environnement.

Enfin, les régions ont depuis 2004, via un transfert de compétences de l’Etat, une mission d’inventaire général qui consiste à recenser et étudier les éléments de patrimoine historiques, scientifiques, culturels et immatériels, dans un but de transmission. Tout comme les départements, les régions participent également à la restauration du patrimoine protégé en finançant de nombreux travaux. Le patrimoine est aussi valorisé grâce aux comités régionaux du tourisme.

La logique, qui sous-tend l’action des collectivités, départements et régions en matière de patrimoine, est de considérer celui-ci comme un outil de développement local. A travers la valorisation du patrimoine matériel et immatériel, les collectivités peuvent faire valoir leurs spécificités locales et articuler l’aménagement des territoires et leur développement dans une logique de durabilité. Concilier conservation et développement incite à « ménager » les territoires dans une logique de développement durable.

Un réseau de professionnels et de structures compétentes en matière de patrimoine

Il existe en France, un réseau de professionnels structurés autour d’un champ de compétences commun qu’est le patrimoine. Ces professionnels peuvent travailler de manière indépendante, ou en partenariat, avec les collectivités sur des problématiques nécessitant une expertise particulière. Ainsi, l’Association Nationale des Villes et Pays d’Art et d’Histoire & des Villes à secteurs sauvegardés et protégés (ANVPAH & VSSP) constitue un réseau d’acteurs qui réunit plus de 180 villes et territoires porteurs d’un label « Ville ou Pays d’art et d’histoire », d’un secteur sauvegardé ou d’une Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP). Cette plateforme permet aux collectivités d’échanger sur leurs compétences et les nouveaux enjeux liés au patrimoine et à l’urbanisme patrimonial. L’ANVPAH & VSSP a également été désignée par le Ministère des affaires étrangères et européennes comme référent national pour les coopérations décentralisées en matière de patrimoine.

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D’autres réseaux de ce type existent aussi au niveau européen tels que l’Alliance de Villes Européennes de Culture (AVEC) qui regroupe des collectivités européennes. L’objectif des membres de l’AVEC est de faire des patrimoines locaux les moteurs du développement économique, culturel et social. En matière de coopération décentralisée, l’AVEC développe des outils à destination des collectivités européennes tels que la création d’un guide méthodologique pour la gestion durable des villes historiques en Méditerranée en partenariat avec des collectivités impliquées en la matière sur ces territoires.

Il existe en France de nombreux acteurs nationaux qui agissent dans le champ de la protection et de la valorisation du patrimoine. Qu’il s’agisse d’associations, de fédérations (Fédération nationale des agences d’urbanisme, Fédération nationale des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) ou encore d’instituts de formation, tous ces acteurs constituent un important vivier de savoir-faire dans le domaine du patrimoine. Ces compétences peuvent être sollicitées dans le cadre de projets de coopération internationale sur la base d’échanges apprenants entre professionnels des deux pays coopérants.

4. Etat des lieux de la coopération décentralisée dans le champ du patrimoine

La France, avec sa tradition de conservation et de valorisation du patrimoine, dispose d’outils tels que les politiques nationales (législation sur les secteurs sauvegardés, lois sur la protection du patrimoine) et possède de nombreuses expériences locales en la matière. Ces expériences n’excluent en rien la volonté d’échanger sur ces thématiques avec d’autres pays, de croiser les regards, les expériences et les techniques. Si la coopération décentralisée a longtemps privilégié des actions d’aide au développement dans des secteurs prioritaires tels que l’accès à l’eau, à l’éducation, à la santé, les actions en matière de valorisation du patrimoine ont aujourd’hui trouvé une place particulière considérée comme un des leviers possibles du développement local. Néanmoins, sur les 12 743 projets de coopération décentralisée développés par les collectivités françaises le nombre de projets étiquetés « Patrimoine » sont au nombre de 87 selon l’Atlas français de la coopération décentralisée. On retrouve cependant de nombreux projets menés dont l’objectif est de valoriser le patrimoine local par des actions recensées sous les thématiques de la « culture », du « tourisme », du « Co-développement », de l’« Aménagement du territoire », du « développement rural et agricole », du « développement urbain » ou encore de l’« environnement ». Le patrimoine fait alors figure de thématique transversale à de nombreux domaines d’actions grâce à son interaction entre les volets social, économique et environnemental.

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Les différents types d’actions de coopération décentralisée en matière de patrimoine

Les coopérations développées par les collectivités dans le champ du patrimoine à l’international peuvent se distinguer selon trois grands types d’interventions. On retrouve d’une part les actions en matière de préservation et de conservation du patrimoine abordées de manière technique, d’autre part les actions développées autour d’une stratégie plus globale dans laquelle s’intègre les problématiques liées au patrimoine et enfin les actions de sensibilisation.

Dans le premier cas de figure, les actions développées ont pour objectif premier la préservation du patrimoine local très généralement matériel. Les projets menés au sein de ce type de coopération vont donc s’orienter sur le renforcement de capacités des acteurs locaux, l’appui à la mise en place d’un cadre législatif et d’un système de gouvernance adapté ou encore l’accompagnement technique en matière de restauration et de conservation. Pour illustrer ce cas de figure nous pouvons prendre le cas de la coopération entre Lille métropole communauté urbaine et la Ville de Saint-Louis au Sénégal. Entre 2001 et 2005, Lille Métropole a appuyé la réalisation d’un inventaire du patrimoine de l’île de Saint-Louis. Ce travail a été mené par les techniciens locaux en collaboration étroite avec des étudiants de Lille durant toute la phase d’élaboration de l’inventaire. Des opérations de restauration du bâti ont également été menées en formant les artisans locaux aux techniques de restauration. Enfin, la population a pu participer au projet à travers des actions de sensibilisation et de communication mais aussi par sa participation dans l’identification du patrimoine local.

Le second type d’action en matière de coopération patrimoniale se caractérise par des projets dont l’objectif est d’inscrire les territoires dans une logique de développement durable par et pour les populations locales. Il s’agit très souvent de coopérations d’appui au développement d’un tourisme durable dans lequel s’inscrit la valorisation du patrimoine matériel et immatériel comme levier. L’exemple de la coopération entre les Villes de Romans, Vienne et El Jem en Tunisie peut ici être cité. Les actions développées dans le cadre de cette coopération s’articulent autour d’un objectif global qui est le développement d’un tourisme durable. Dans ce cadre, les actions visent à rééquilibrer les pôles d’attractivités de la ville tournés en grande partie vers l’amphithéâtre, valoriser les produits du terroir,

Figure 2 : Inventaire du patrimoine. Coopération entre Lille Métropole et Saint-Louis (Sénégal)

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renforcer les équipements muséographiques, former leur personnel et travailler à la structuration des acteurs locaux autour du tourisme. C’est également dans ce cadre que plusieurs actions en matière de patrimoine sont menées dans le cadre de la coopération entre la Conseil général de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem en Palestine.

Enfin, certaines coopérations sont avant tout axées sur la sensibilisation et la communication autour du patrimoine. Cela peut passer par des actions ciblées sur la sensibilisation de l’ensemble des acteurs locaux à la valeur de leur patrimoine bâti et naturel, contribuer à la mise en lien entre patrimoine matériel et immatériel, sensibiliser à l’usage de matériaux locaux et valoriser les savoir-faire traditionnels ou encore procéder à la mise en place d’inventaires participatifs. Certaines coopérations mettent également l’accent sur la nécessité de valoriser les cultures de leurs territoires de coopération pour sensibiliser à l’interculturalité en France. De nombreux exemples existent en la matière, tels que le festival LAFI BALA organisé à Chambéry dans le cadre de sa coopération avec la ville de Ouahigouya au Burkina Faso.

Les Obstacles et limites de la coopération dans le domaine du patrimoine

Les principaux obstacles à la coopération dans le domaine du patrimoine peuvent tout d’abord être liés à des écarts en matière de compétences entre les collectivités qui coopèrent ensemble. Si en France le processus de décentralisation a débuté en 1982 tel n’est pas le cas dans tous les pays du monde. Des incompréhensions ou des blocages peuvent alors avoir lieu lorsque les collectivités ne sont pas dotées des mêmes compétences ou que le processus de décision s’avère complexe. Des difficultés peuvent également être perçues quant à la définition et la perception de la notion de patrimoine. Ce qui peut avoir de la valeur à nos yeux n’est pas toujours considéré de la même façon à l’étranger. Chaque

Figure 3 : El-Jem (Tunisie)

Figure 4 : Affiche du festival « Lafi Bala » de Chambéry

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société à des référentiels qui lui sont propres, comprendre le contexte local dans lequel va s’inscrire le projet est donc essentiel. Ensuite, d’un point de vue technique, les obstacles au bon déroulement d’un projet en matière de patrimoine peuvent être liés à l’absence ou l’ancienneté des données disponibles. Dans certains pays, il peut être très difficile de trouver certaines ressources telles que des documents de référence, des cartographies ou des plans cadastraux ce qui complexifie le travail de terrain. Il est donc parfois d’autant plus nécessaire de se référer à l’ensemble des acteurs locaux pour rassembler le plus de données possibles. Il n’est également pas rare que les partenaires étrangers soient tentés de s’investir dans des projets dont la visibilité s’inscrit dans du court terme. Pour cela, les collectivités partenaires doivent réussir à faire valoir le rôle et l’importance des études et des outils mis en place pour que le projet s’inscrive dans un processus de développement durable du territoire. Enfin, les moyens financiers et parfois aussi techniques ne sont pas toujours suffisants pour répondre aux attentes des collectivités étrangères. Les fonds européens seraient notamment très difficiles à mobiliser sur des actions en matière de patrimoine en raison d’une distorsion entre les perspectives et procédures européennes et celles développées par la coopération décentralisée. Cependant, l’assouplissement de l’accès aux fonds européens est en perspective. Des discussions entre l’Europe, l’association de collectivités telles que celle des régions de France sont en court pour assouplir les procédures28.

28 Entretien avec Jean Fleury, chargé de mission relations internationales à la Région Provence Alpes Côte d’Azur.

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Cette première partie a permis de comprendre l’évolution et l’extension de la notion de patrimoine. On est ainsi passé au fil du temps d’une notion concernant essentiellement le patrimoine monumental à un concept plus large prenant en compte le patrimoine urbain de manière plus globale, la nature mais aussi le patrimoine immatériel. L’évolution du concept s’est également faite de manière géographique, passant d’une notion tout d’abord reconnue en Europe à une reconnaissance aujourd’hui internationale. En parallèle de l’évolution de la reconnaissance du patrimoine, se sont développées des professions, une expertise et un réseau d’acteurs dans chaque pays mais également à l’échelle internationale. On retrouve ainsi à l’échelle mondiale de grands organismes internationaux qui œuvrent pour la reconnaissance d’un patrimoine mondial, la conservation et la préservation du patrimoine et qui appuient de nombreux projets à l’international. La France possède elle aussi son réseau d’acteurs au sein duquel les collectivités occupent une place importante dans la mesure où celles-ci programmes ou appuient de nombreux projets de conversation, de protection et de valorisation du patrimoine local. L’expertise des collectivités françaises est également régulièrement sollicitée à l’international pour accompagner des projets en matière de patrimoine. En effet, de nombreux pays à travers le Monde, notamment parmi les pays en voie de développement, entendent aujourd’hui mettre en valeur leur patrimoine sous toutes ses formes pour en faire un levier du développement local. Les actions en matière de patrimoine développées au sein de partenariats de coopération entre la France et de nombreux pays sont donc de nature très diverses. Néanmoins, la coopération dans ce domaine rencontre de nombreux obstacles liés notamment aux différences culturelles, à des écarts en matière de compétences, au manque d’outils disponibles sur le terrain, mais également en termes de temporalité du projet certains acteurs locaux privilégiant une visibilité à court terme au lieu d’inscrire leur action dans une logique de durabilité. En 2012, l’Association Nationale des Villes et Pays d’Art et d’Histoire et des Villes à Secteurs Sauvegardés et Protégés (ANVPAH & VSSP) et le Ministère des affaires étrangères et européennes ont publié un Vade-mecum intitulé « Patrimoine et coopération décentralisée » en partenariat avec le Ministère de la culture et de la communication. Cet ouvrage est un outil à destination des collectivités souhaitant s’engager dans des actions dans le domaine du patrimoine à l’international. L’ouvrage traite notamment des conditions de réussite d’un projet dans le domaine du patrimoine pour aider les collectivités à construire leurs projets de coopération. Parmi les collectivités impliquées dans des actions de coopération à l’international dans le domaine du patrimoine figure le Conseil général de l’Isère. Le Département intervient dans cinq pays de coopération sur ce volet qui participe de manière plus large au développement des territoires grâce aux activités qui se développent en parallèle telles que le tourisme ou encore l’artisanat.

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Le ConseiL généraL de L’isère

une expertise dans le domaine du patrimoine au service de la coopération internationale et de nouvelles perspectives d’intervention en Palestine

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Partie 2 : Le Conseil général de l’Isère : une expertise dans le domaine du patrimoine au service de la coopération internationale et de nouvelles perspectives d’intervention en Palestine.

Le patrimoine a une valeur identitaire forte et contribue à différencier les peuples les uns par rapport aux autres. Pour une société, valoriser le patrimoine local c’est affirmer ou se réapproprier une mémoire collective, une culture et donc contribuer au renforcement du lien et de la cohésion sociale. Dans la valorisation du patrimoine réside donc un enjeu à la fois culturel et identitaire. C’est dans cette volonté de renforcer les particularités locales des territoires pour un développement durable que la coopération internationale a développé son action en matière de patrimoine. C’est également dans ce cadre que s’est développée la coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem en Palestine. Dans le contexte palestinien actuel, la coopération dans le domaine du patrimoine s’avère d’autant plus importante qu’elle implique de fait la reconnaissance d’un peuple et d’une histoire.

Alors que les projets en matière de culture et de patrimoine se développent de plus en plus à l’international, quels sont les grands objectifs du Conseil général de l’Isère en matière de valorisation du patrimoine à l’international ? De quelle manière s’est mise en place la coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem en Palestine et quelles sont les logiques d’intervention dans un pays marqué par son histoire ?

Ce deuxième chapitre tentera de répondre à ces questions à travers deux parties. La première s’attachera à préciser les grands objectifs de la coopération du Conseil général de l’Isère en matière de patrimoine. La deuxième partie sera consacrée à la compréhension des grands enjeux de la coopération avec la Palestine plus particulièrement dans le cadre d’une coopération de territoire à territoire avec l’exemple du partenariat entre le Département de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem.

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A. Les actions du service coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère en matière de patrimoine à l’international

Le Conseil général de l’Isère en tant que collectivité territoriale possède des compétences et des professionnels qualifiés en matière de gestion et de valorisation du patrimoine. Au sein de ses différents partenariats internationaux, le service de coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère mobilise aussi souvent que possible l’expertise interne du Département mais aussi la société civile et les structures compétentes en matière de patrimoine pour mener à bien ces projets de coopération à l’international.

1. Historique de la coopération décentralisée du Conseil Général de l’Isère et philosophie de l’action dans le champ du patrimoine

Les évolutions de l’action internationale des collectivités territoriales

Si de nombreuses formes de coopérations existent depuis de nombreuses années entre différentes villes du Monde, ce n’est que depuis la seconde guerre mondiale que de réelles coopérations se sont peu à peu formalisées. Dans le contexte de réconciliation d’après-guerre, la naissance des jumelages vise à resserrer les liens entre les nations européennes à travers des relations ville à ville développées autour de projets communs. Sous l’influence du processus de mondialisation de nouveaux défis internationaux ont progressivement impacté les champs d’intervention des gouvernements et collectivités territoriales. De nombreuses collectivités territoriales se sont alors impliquées dans des actions de coopération à l’international. Il faudra cependant attendre les lois de décentralisation de 1982-1983, dites « Lois Defferre », pour que les compétences des collectivités s’élargissent et que le cadre d’une réelle politique de coopération internationale soit posé. Cependant la loi du 2 mars 1982 ne fait mention, dans son article 65, que de la coopération transfrontalière. Ce n’est qu’en 1983, que la notion d’ « action extérieure des collectivités territoriales » est reconnue par la circulaire du Premier ministre du 26 mai. Néanmoins, c’est avec la loi d’orientation du 6 février 1992, relative à l’administration territoriale de la République, que la coopération décentralisée va trouver une reconnaissance juridique. Ainsi « Les

collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités

territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect

des engagements internationaux de la France. 29» (Loi d’orientation de la coopération décentralisée n°92-125 du 6 février 1992, relative à l’administration territoriale de la République).

29 Site internet français du service public de la diffusion du droit. Consulté en juillet 2013 www.legifrance.gouv.fr

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En 2005 et 2007 se sont respectivement les lois Oudin-Santini et Thiollière qui ont consolidé le cadre juridique de la coopération et de l’aide au développement. Ainsi, avec la loi Thiollière «Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers.» (Loi Thiollière du 2 Février 2007).

La loi Oudin-Santini permet quant à elle aux collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats mixtes chargés des services publics d’eau potable et d’assainissement, d’affecter jusqu’à 1% de leur budget à des actions de coopération et de solidarité internationale.

Récemment le rapport Laignel, remis au Ministre des affaires étrangères le 23 janvier 2003, consacré à l’action extérieure des collectivités territoriales françaises « Nouvelles approches…nouvelles ambitions » a émis « 40 propositions pour un élan nouveau de l’action extérieure décentralisée »30 dans le but de travailler au renforcement de la cohérence et de l’efficacité de cette politique publique. Il s’agit en effet, à l’occasion des vingt ans de la loi d’orientation de 1992, de redonner à la coopération décentralisée dans les 15 ou 20 ans à venir de « nouveaux moyens pour un nouveau souffle31 » dans un cadre législatif modernisé.

Historique de la coopération du Conseil général de l’Isère

C’est dans ce cadre législatif que s’est progressivement mise en place la politique de coopération internationale du Conseil général de l’Isère. En 1983 le Conseil général signe ainsi sa première convention de coopération avec la Wilaya de Constantine en Algérie. Néanmoins, c’est à partir de 1999 que le Département de l’Isère commence à affirmer son soutien aux actions d’aide au développement dans quelques pays. En 2001, le parti socialiste remporte la majorité aux élections cantonales et André Vallini est élu Président du Conseil général de l’Isère. Ce changement de contexte permettra la mise en place d’une politique de coopération décentralisée qui aura pour rôle la structuration des actions du Département à l’étranger et plus particulièrement avec quatre pays prioritaires : l’Algérie, l’Arménie, le Maroc et le Sénégal.

30 LAIGNEL, A. Rapport sur l’action extérieure des collectivités territoriales françaises. Nouvelles approches…Nouvelles ambition. Ministère des Affaires Etrangères. Paris, 2013. 87p. Consulté en juin 2013 www.diplomatie.gouv.fr 31 Ibid

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Sur cette lancée sera créé en 2002 le service de coopération décentralisée dont les grandes orientations stratégiques seront les suivantes :

- Orienter la coopération vers des régions choisies en fonction de leurs liens traditionnels avec l’Isère, de leurs relais locaux, de leur besoin de soutien et d’échange32. Le choix s’oriente également vers des territoires ruraux car le Département est soucieux d’échanger sur des problématiques semblables à celles de l’Isère. Le Département a souhaité limiter le nombre de coopération : actuellement, cinq pays soit sept territoires33 seulement sont concernés, ceci dans une volonté de ne pas disperser les actions et favoriser ainsi l’efficacité.

- Inscrire la coopération dans le cadre du développement durable et répondre à une demande identifiée sur le territoire d’action, en appuyant des projets élaborés de manière concertée avec les populations locales, en respectant la culture et l’environnement du pays d’intervention et en favorisant l’autonomie des partenaires.

- Agir en réseau : grâce aux nombreuses compétences dont bénéficie le Département, l’expertise interne est mobilisée sur de nombreuses thématiques (la santé, l’environnement, le patrimoine, etc.). Le Conseil général de l’Isère travaille en étroite collaboration avec les nombreuses associations de solidarité internationale du territoire dont l’expérience est essentielle pour mener à bien les actions de coopération. Le travail en réseau se fait également à travers des partenariats avec les autres collectivités locales françaises qui ont des actions à l’international. Ces partenariats peuvent se faire autour d’une thématique commune aux différents parties prenantes ou d’un travail concerté autour d’un même territoire dans le but d’échanger sur les expériences de chacun et de travailler de manière concertée dans un souci d’efficacité et de complémentarité.

- Eduquer au développement en Isère en sensibilisant les isérois au développement durable et à la solidarité internationale en favorisant le retour sur le territoire des actions menées à l’international. Le travail en étroite collaboration avec les acteurs isérois permet d’assurer ce retour grâce à l’appui donné par le Conseil général à des actions de sensibilisation du grand public. Le retour sur les territoires représente un enjeu d’autant plus important aujourd’hui dans le contexte de crise dans lequel nous nous trouvons car il est un appui permettant de légitimer l’action de la collectivité à l’étranger.

- Evaluer les actions à travers un suivi continu des projets.

32 Plaquette du Conseil général de l’Isère. La coopération internationale au Conseil général de l’Isère. 2008 33 Conseils régionaux de Tambacounda et Kédougou (Sénégal) ; Conseils régionaux de Souss-Massa-Drâa et Tadla-Azilal (Maroc) ; Wilaya de Constantine (Algérie) ; Préfecture du Guégharkunik (Arménie) ; et Gouvernorat de Bethléem (Palestine)

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Le 28 février 2012, l’Assemblée du Département de l’Isère a adopté la Charte de la coopération décentralisée et des relations internationales faisant suite à la Charte de la coopération décentralisée pour un développement durable adoptée le 18 avril 2010. Cette nouvelle charte est le document de référence qui énonce les orientations majeures du Département en matière de relations internationales et de coopération décentralisée. La charte affirme la volonté du Conseil général d’adopter une approche globale de l’action internationale répondant aux objectifs d’égalité, d’efficacité, de respect de l’environnement et de participation des citoyens.34 Les projets soutenus par le Département à l’international doivent avoir un impact concret sur les personnes et les territoires. Il est également nécessaire qu’ils s’inscrivent dans une démarche qui privilégie le diagnostic partagé, l’efficacité et la pérennité des actions mises en place notamment par la recherche de mutualisations.

Les différents champs d’intervention de la coopération décentralisée du Conseil Général de l’Isère

A l’exception des accords avec le Wilaya de Constantine, tous les accords de coopération du Conseil général de l’Isère sont formalisés par des conventions signées par les deux parties. Pour chacune des coopérations conventionnées des plans d’actions mutualisées d’une durée de trois ans, appelés plateformes de coopération, sont formalisés. Sur ces plateformes différents volets d’actions sont développés. Ainsi, les actions menées dans le cadre des accords de coopération concernent généralement la santé, l’éducation, le tourisme, la protection de l’environnement, l’accès à l’eau, l’éducation au développement durable, l’appui institutionnel et la valorisation de la diversité culturelle. Par le biais des actions développées dans les champs du tourisme et de la culture la question de la valorisation du patrimoine est prégnante. Elle occupe également une part entière lorsque les projets initiés ont un objectif clairement identifié de mise en valeur du patrimoine local culturel, environnemental ou encore bâti. Différents projets sont initiés au Sénégal, en Palestine, ainsi qu’en Arménie et au Maroc par le biais des actions développées en matière de tourisme.

2. Les actions du Conseil général de l’Isère sur ses territoires de coopération en matière de patrimoine

Au sein des différentes actions de coopération décentralisée, menées par le Conseil général de l’Isère et ses partenaires, le patrimoine a une place particulière, au travers des projets de mise en valeur du patrimoine, qu’il soit culturel, bâti ou naturel. De manière générale, les projets menés visent à renforcer les capacités des acteurs locaux, issus des collectivités ou de la société civile, pour favoriser 34 Conseil général de l’Isère. Charte de la coopération décentralisée et des relations internationales. 2012.

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leur pérennité. Ainsi, sur chaque territoire de coopération on retrouve une ou plusieurs actions dont l’objectif est la valorisation du patrimoine local pour un développement durable.

En Algérie

Entre 2005 et 2008 a été mené un projet consacré à la sauvegarde du patrimoine constantinois en vue d’un possible classement de la Médina au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. L’objectif principal de ce projet était de favoriser l’appropriation de savoir-faire par les acteurs locaux (enseignants, architectes, artisans) dans la réhabilitation et la gestion de la Médina de Constantine. Le projet prévoyait notamment l’identification, la restauration et la réhabilitation d’une maison traditionnelle située en plein cœur de la Médina. L’un des objectifs du projet était de créer une maison-musée à court terme et, à moyen terme, une maison des métiers d’art et d’artisanat regroupant au sein de la Médina les corps de métiers traditionnels. Dans ce but, plusieurs études de diagnostic avaient été menées notamment par des élèves de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, les techniciens locaux et le laboratoire CRAterre-ENSAG (Ecole National Supérieure d’Architecture de Grenoble). Aujourd’hui, la Médina de Constantine est toujours dans l’attente d’être classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.

En Arménie

La valorisation du patrimoine s’articule autour des actions développées en matière de tourisme dans la région du Guégarkunik. Il s’agit d’actions de formation au guidage des acteurs arméniens, de la réalisation d’un inventaire des besoins en matière de signalétiques, de la réalisation de cartes touristiques, de la mise en lien des différents acteurs touristiques et de la réalisation d’un portail internet de développement touristique.

Au Sénégal

Les actions développées en matière de patrimoine au Sénégal se distinguent selon trois volets d’actions :

- La culture : Les actions développées sous ce volet « culture » sont axées sur la valorisation des cultures locales avec par exemple l’appui aux ethnies minoritaires via l’association des minorités ethniques qui organise chaque année un festival du même nom au Sénégal. Un soutien est aussi apporté à la mise en place de Centres Départementaux d’Education Populaire et Sportive (CDEPS) qui ont pour vocation de contribuer à favoriser l’accès aux activités physiques et sportives, de réduire la fracture numérique et d’améliorer la prise en charge des jeunes en dehors des temps scolaires à Kédougou et Tambacounda. Un Centre Multimédia

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Communautaire (CMC)35 a également été mis en place à Kédougou pour favoriser l’accès de la population à l’information et aux outils informatiques. Le CMC propose des séances de formation à l’utilisation des outils informatiques, la création et la diffusion d’un journal local « l’écho des collines » et l’accès aux outils numériques dont il dispose qui permettent entre autre aux jeunes artistes de la région d’enregistrer leur musique et qui ont permis la création d’une radio communautaire au sein de laquelle chaque ethnies à son temps d’antenne. A ces actions en matière de culture viennent s’ajouter celles de la plate-forme de coopération 2013-2015, telles que : la création d’une antenne culturelle itinérante destinée à aller à la rencontre des artistes dans les territoires en s’appuyant sur le réseau des CMC, l’appui technique et méthodologique au Conseil régional de Kédougou pour la gestion de l’écomusée de Bendafassi (lieu de valorisation de la diversité culturelle de la région), et de manière plus générale l’appui institutionnel pour permettre à la Région de Kédougou de se doter d’une politique culturelle pour préserver les richesses de son territoire et en faire un réel levier de développement.

- Le tourisme durable : Au Sénégal, des actions de valorisation du tourisme sont développées dans les Régions de Tambacounda et de Kédougou. Elles ont pour but de promouvoir le tourisme dans le Sénégal Oriental en accompagnant les acteurs locaux du tourisme et en favorisant leur mise en synergie.

- La préservation du patrimoine naturel : Un projet pilote est mené en matière de protection du patrimoine naturel dans la Réserve Naturelle Communautaire (RNC) du Boundou. Dans la région de Tambacounda, il s’agit d’une ancienne zone de chasse de 120 000 hectares reconvertie en réserve naturelle. Cette réserve communautaire rassemble quatre communautés rurales, soit 21 villages. La reconversion de cette ancienne zone de chasse s’accompagne d’un plan de développement local destiné à améliorer les conditions de vie des populations en proposant de nouvelles activités génératrices de revenus respectueuses de l’environnement (accueil touristique, guidage par exemple). Il s’agit également de conserver les savoirs et savoir-faire locaux en réhabilitant la construction en terre pour la construction de quatre espaces d’accueil touristiques dans la RNC. Ces chantiers écoles auront pour objectif de revaloriser les techniques locales de construction et assurer leur transmission aux plus jeunes.

35 Les Centres Multimédia Communautaires (CMC) ont été créé par l’UNESCO dans le cadre d’un programme visant à améliorer l’accès aux nouvelles technologies pour les communautés rurales.

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Au Maroc

Dans les Régions de Souss-Massa-Draa et de Tadla Azilal, le Conseil général de l’Isère accompagne plusieurs projets de valorisation du patrimoine culturel et traditionnel. Dans la Région de Tadla Azilal les projets développés en matière de patrimoine visent à : former des guides touristiques locaux afin de proposer des circuits de randonnées autour des cascades d’Ouzoud, préserver et valoriser le patrimoine architectural traditionnel en élaborant des recommandations, préserver le patrimoine traditionnel local (musiques traditionnelles, traditions populaires), promouvoir les produits locaux pour un développement touristique durable et appuyer la mise en place d'organisations féminines d'artisanat dans le cadre d'une démarche de commerce. Dans la Région de Souss-Massa-Draa les actions développées en matière de patrimoine portent sur : la valorisation et l’ouverture au public de la grotte Wim Timdouine projet qui s’inscrit dans le plan régional de développement touristique, la valorisation touristique du territoire de Tafraout par ces spécificités locales (culture de l’arganier, patrimoine architectural et naturel remarquables) et l’appui technique et méthodologique à la mise en place de deux musées dans la Région pour développer le tourisme culturel et valoriser l’artisanat et les produits locaux mais aussi la culture berbère. Récemment, une exposition sur la rose de la Région de Souss-Massa-Draa a été réalisée, en partenariat avec la Direction de la Culture et du Patrimoine du Conseil général de l’Isère, et exposée en Isère au Musée de Saint-Antoine-l’Abbaye valorisant ainsi la culture marocaine dans le Département. Une formation a également été organisée par l’Observatoire des Politique Culturelles (OPC) en partenariat avec le Conseil général de l’Isère et la Région de Souss-Massa-Drâa. La formation a eu lieu fin juin 2013 en Isère, sous la forme d’un séminaire destiné aux élus et responsables culturels de la Région de Souss-Massa-Drâa et du responsable de l’Agence culturelle de la Région. Il s’agit, dans le cadre de la coopération entre en Conseil général de l’Isère et de cette région du Maroc de renforcer les capacités d’intervention des acteurs locaux dans le champ de la culture.

En Palestine

Les projets développés en matière de patrimoine dans le Gouvernorat de Bethléem ont pour objectif de valoriser le patrimoine culturel, naturel et architectural du territoire. Ainsi, la Direction de la Culture et du Patrimoine a réalisé en 2011 une mission d’expertise autour de la création d’un Musée retraçant l’histoire de Bethléem et d’un musée dédié au Camp d’Aïda retraçant l’histoire des réfugiés et évoquant l’exil, la guerre et l’emprisonnement. Ces deux musées ont pour objectif la valorisation de l’histoire et de la culture du peuple palestinien. Le musée isérois de la résistance et de la déportation a beaucoup inspiré les acteurs palestiniens pour le futur musée d’Aïda. En Isère, une exposition sur le thème de la nativité est envisagée au musée de l’Ancien Evêché.

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En matière de valorisation du patrimoine bâti le Centre international de la construction en terre (CRAterre) apporte son soutien à un projet pilote portant sur l’amélioration de l’habitat en Zone C (zone sous contrôle de l’autorité israélienne) de la Cisjordanie à Khirbet Zakarya. Les conditions d’intervention en zone C étant très complexes, ce projet pilote a pour ambition de développer une méthodologie d’intervention en matière de patrimoine bâti pour améliorer les conditions de vie des populations. Une mission a été menée en 2012 en Palestine et plus particulièrement à Khirbet Zakarya afin d’identifier les acteurs locaux pouvant être impliqués dans ce projet et initier un travail de diagnostic dans le village. A ce jour, trois partenaires ont été impliqués dans ce projet : RIWAQ une structure spécialisée dans la protection du patrimoine matériel, YMCA une association compétente en ingénierie sociale qui travaille notamment avec les bédouins et NDC une Organisation Non Gouvernementale facilitatrice de projet. Le projet rencontre néanmoins quelques difficultés tout d’abord car ces trois acteurs œuvrent dans des domaines d’actions très différents et de manière quelque peu cloisonnée mais aussi car les acteurs ont une certaine appréhension à travailler dans cette zone sous autorité israélienne. Enfin, les projets menés en Palestine nécessitent de manière générale un suivi très régulier pour que les projets avancent ce qui n’a pas réellement été le cas en 2013.

Enfin, le troisième projet réalisé en matière de valorisation du patrimoine palestinien est le projet de développement du tourisme rural sur le sentier d’Abraham. Ce projet qui constitue l’étude de cas de ce mémoire sera étudié de manière approfondie en troisième partie.

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B. Le cas particulier de la coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem en Palestine : vers une interaction entre patrimoine et développement.

Parmi les accords de coopération du Conseil général de l’Isère, la Palestine revêt un caractère particulier dans la mesure où la décision de coopérer avec les territoires palestiniens ne s’est pas uniquement faite en fonction d’un lien traditionnel avec l’Isère. C’est en effet davantage grâce aux relais palestiniens locaux présents sur le territoire isérois et plus particulièrement en fonction du besoin de soutien des territoires palestiniens, appuyé par la politique de l’Etat français, que la coopération s’est peu à peu formalisée.

1. Une histoire dont l’impact est toujours prégnant et conditionne la réussite des projets

Il est nécessaire de comprendre le contexte particulier dans lequel s’inscrivent les Territoires palestiniens pour comprendre les enjeux de la coopération décentralisée sur ces territoires et le cadre dans lequel s’inscrivent les projets développés. En effet, le contexte géopolitique dans cette région du globe a une incidence directe sur la mise en œuvre de projets de coopération au développement.

Les relations Israël-Palestine : d’hier à aujourd’hui

L’empire Ottoman

A la fin du 19ème siècle la Palestine abrite 500 000 habitants dont 30 000 à Jérusalem. A cette époque, dans l’ensemble du pays ont retrouve 85% de musulmans, 10% de chrétiens et moins de 5% de juifs.

Figure 5 : Carte de l’empire ottoman au XVIIème siècle

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Cependant, à Jérusalem la moitié de la population est juive. La Palestine représente alors au sein de l’empire Ottoman 27 000 km², soit trois districts au sud de la province de Damas. A la fin du 19ème siècle l’empire Ottoman perd toute ça force et de nombreux territoires demandent peu à peu leur indépendance.

La naissance du sionisme

Au sein des empires qui existent à cette époque, de nombreux pays vont peu à peu demander leur indépendance. En 1881, ont lieu les premiers troubles révolutionnaires en Russie avec l’assassinat du tsar Alexandre II. Les juifs vont alors être désignés par le régime Tsariste comme la cause des troubles que va connaitre le peuple russe. De nombreux juifs vont alors quitter la Russie pour fuir les massacres. Beaucoup d’entre eux vont partir s’installer en Amérique, en Palestine, au Liban tandis que d’autres vont s’engager dans la révolution. Par ailleurs, un petit nombre d’entre eux vont se regrouper et inventer le sionisme. Ces premiers nationalistes juifs vont être appelés les « amants de Sion ». Ainsi, en1897 a lieu le 1er congrès sioniste en Suisse à l’occasion duquel les sionistes se donnent 50 ans pour fonder un Etat juif. Ils vont peu à peu s’organiser et créer un réseau à travers le monde entier. Les juifs sionistes vont également acheter progressivement des terres en Palestine en faisant signer aux vendeurs des contrats qui stipulent qu’une fois la terre achetée, celle-ci doit être livrée dénuée d’habitations et être travaillées uniquement par des juifs. A la fin du 19ème siècle les premiers kibboutz vont ainsi voir le jour avec près de 4 500 réfugiés venus s’installer en Palestine sur ces terres rachetées par les sionistes. En 1910, les juifs représentent ainsi 8% de la population.36

La première guerre mondiale

En 1914, l’empire Ottoman s’allie à la triple-alliance composée de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie et des empires contrôlés par ces deux puissances. En prévision de la chute de l’empire Ottoman et en pleine guerre, c’est dans le plus grand secret que le Royaume-Uni, la France et la Russie vont planifier le partage du Proche-Orient. En 1916, les accords Sykes-Picot vont entériner le partage du Proche-Orient entre les grandes puissances occidentales pour contrer les revendications ottomanes. Une nouvelle carte du Moyen-Orient se dessine alors faisant apparaitre les zones d’influence de la France et de l’Angleterre qui se partagent le Liban, la Syrie et l’Irak. La carte ci-dessous montre en violet les zones sous contrôle direct et sous protectorat de la France (Liban, Syrie) et les zones sous contrôle direct et sous protectorat britannique (sud de la Syrie et Irak).

36 BITTON, J.M. et S. Palestine, histoire d’une terre. Documentaire. France, 1993.

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La Palestine est quand à elle définie comme une zone internationale sous protection conjointe de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie (voir zone en jaune sur la carte ci-dessous).

Figure 6 : Découpage issu des accords Sykes-Picot (1916) Sources : G. Blake, J. Dewdney, J. Mitchell, The Cambridge Atlas of the Middle East and North Africa, Cambridge University Press, 1987 ; Olivier Da Lage, Géopolitique de l’Arabie saoudite, éditions Complexe, Bruxelles, 1996 ; Carte originale annexée aux textes des accords Sykes-Picot et des traités de Sèvres (1920) et de Lausanne (1923).

En 1917, l’armée britannique entre en Palestine par la Sud, s’empare de Jérusalem et force ainsi l’empire Ottoman à capituler. Début novembre 1917, Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, adresse une lettre au Baron Edmond de Rotschild appelée « Déclaration Balfour ». Elle annonce à la communauté juive britannique que le gouvernement envisage favorablement l’établissement d’un foyer juif en Palestine.

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La déclaration de Balfour est vue comme une trahison par les arabes de Palestine. Cependant, la Société Des Nations (SDN) ratifie le partage de la région en 1922. Plusieurs Etats séparés sont alors créés au lieu d’un Etat arabe uni.

Le mandat britannique

En 10 ans, le nombre d’immigrants russes et polonais a considérablement augmenté, la population juive est donc de plus en plus présente en Palestine. En 1929, les arabes commémorent le 12ème anniversaire de la déclaration de Balfour par une grève générale. Des affrontements vont avoir lieu près du mur des lamentations à Jérusalem et vont se propager dans tout le pays. Ces affrontements vont faire de nombreuses victimes arabes et juives. Une enquête va alors être menée par la Société Des Nations (SDN) en Palestine, à la suite de laquelle les britanniques annonceront que la Palestine ne peut plus continuer à ouvrir ses portes à une immigration massive.

Cependant, avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 et les mesures anti-juives qui vont être prises l’immigration des juifs d’Allemagne et d’Europe centrale va se renforcer. Entre 1933 et 1935 on passe de 37 000 émigrants juifs à 65 00037. Peu avant 1936 la révolte arabe va exploser contre les migrations juives et l’occupation britannique. La grève générale et les affrontements vont durer six mois pendant lesquels auront lieu de nombreux attentats contre les colonies sionistes et les installations britanniques. En 1938, après trois ans de lutte arabe contre les forces britanniques, une offensive finale sera donnée par ces derniers contre les rebelles arabes.

En février 1939, à la veille de la seconde guerre mondiale, a lieu une conférence de paix organisée par les britanniques à Londres prévoyant de soumettre l’immigration juive à l’accord arabe. En 1941, le Grand Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini va chercher à faire alliance avec Hitler pour lutter contre les britanniques et suivre les mesures anti-juives. Le Mufti soutiendra ainsi les forces de l’Axe jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. A la fin de la seconde guerre mondiale, beaucoup de juifs ne souhaitent pas retourner dans leur pays où ils on été massivement dénoncés. Les sionistes vont alors leur donner un nouvel espoir en les invitant à venir s’installer en Palestine où vivent déjà de nombreux juifs venus d’Europe. Ainsi, en 1946 on compte environ 500 000 juifs en Palestine. Les sionistes ne revendiquent plus un foyer national mais une réelle indépendance.

37 BITTON, J.M. et S. Palestine, histoire d’une terre. Documentaire. France, 1993.

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Du vote des Nations-Unies à la signature d’un armistice

Le 28 avril 1947, à l’occasion de la première session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) un nouveau dossier est ouvert consacré à la création d’un foyer national pour le peuple juif sans nuire aux droits civils et religieux des communautés non juives de Palestine.38 Une commission d’enquête des Nations Unies, l’UNSCOP (United Nations Special Committee on Palestine) va se rendre en Palestine. Face aux tensions ressenties sur place la commission va décider à son retour de mettre fin au mandat britannique. Le 29 novembre 1947, la résolution 181 de l’assemblée générale de l’ONU adopte un plan de partage de la Palestine avec une union économique. Le plan prévoit alors :

- La création d’un Etat arabe et d’un Etat juif ; - La division de la Palestine en huit parties : trois reviennent aux divisions juives et trois aux

divisions arabes. La septième division est constituée par la ville de Jaffa devenant une enclave arabe à l’intérieur du territoire juif ;

- La huitième partie représente le régime international de Jérusalem administré par le Conseil de tutelle des Nations Unies.39

Les juifs reçoivent ainsi plus de la moitié du territoire alors qu’ils représentent à l’époque un tiers de la population. Le plan ne sera pas accepté par les arabes palestiniens et les États arabes qui le considèreront comme violateur des dispositions de la Charte des Nations Unies reconnaissant à chaque peuple le droit de décider de son propre destin. Suite à l’adoption de cette charte la révolte va monter en Palestine et la guerre va prendre place. La première guerre israélo-arabe va faire rage pendant un an avec de nombreux morts dans les affrontements. Les villes et villages arabes vont être désertés en raison d’un exode massif de centaines de milliers d’arabes vers Gaza, la Cisjordanie de l’Ouest ou encore le Liban, l’Irak et la Syrie.

Cet exode va encore se renforcer suite à la proclamation de l’indépendance d’Israël le 14 mai 1948 par Ben Gourion, homme politique sioniste. Le nouvel Etat juif créé porte le nom d’Etat d’Israël. Israël va alors progressivement conquérir la Palestine : les palestiniens sont chassés de leurs terres ou de leurs maisons et trouvent refuge dans les territoires voisins. Considérant que la situation en Palestine est source de menace pour la paix des accords d’armistice vont être signés sous l’égide des Nations Unies entre Israël, d’une part, et l’Egypte, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Le 11 mai 1949, Israël devient

38 BITTON, J.M. et S. Palestine, histoire d’une terre. Documentaire. France, 1993. 39 Site internet des Nations-Unies. La question de la Palestine – Plan de partage et la fin du mandat britannique. Consulté en juillet 2013 www.un.org

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Membre de l’Organisation des Nations Unies en prenant comme résolution de permettre le retour des réfugiés palestiniens.

De la guerre des six jours à aujourd’hui

Dans les années 50, l’Israël est devenu un pays fort et les villes de l’Etat prennent des allures occidentales. Pendant ce temps les réfugiés palestiniens dans les camps attendent le retour sur leurs terres. Les enfants sont scolarisés par les nations unies faisant de la Palestine le premier peuple arabe entièrement alphabétisé.

En 1964 est créé l’OLP, Organisation de Libération de la Palestine. Le slogan de l’OLP, présidée par Ahmed Choukeri, est « Unité, Mobilisation, Libération » et la doctrine est le refus du partage. L’OLP refuse comme les autres pays arabes de reconnaitre Israël. L’Algérie, l’Irak, l’Arabie, la Tunisie et la Jordanie s’engage à soutenir l’OLP.

Le 5 juin 1967, Israël attaque l’Egypte, c’est le début de la guerre des six jours. La Jordanie et la Syrie entrent en guerre contre Israël. En six jours Gaza, la Cisjordanie, le Sinaï et le Golan, sont conquis par Israël et le mur qui séparait Jérusalem en deux est rasé. Ainsi, en quelques jours, l’Israël a quadruplé le territoire qui lui avait été attribué par l’Organisation des Nations Unies. Le 22 novembre 1967, l’ONU vote le retrait des israéliens sur les territoires occupés. Cependant, cette résolution ne sera jamais réellement appliquée. De nombreux palestiniens vont une nouvelle fois fuir les territoires occupés par l’armée israélienne.

En 1973, Yasser Arafat prend la direction de l’OLP. La volonté est de prendre les armes pour retrouver un Etat palestinien de la mer au Jourdain. Arafat continue de refuser le partage. Dans les camps, la lutte armée commence à se préparer. En quelques années, le terrorisme prend forme à travers des attentas, le détournement d’avions ou encore des prises d’otages à destination des israéliens.

En octobre 1973 une attaque surprise d’Israël par les troupes égyptiennes et syriennes va avoir lieu pendant Kippour. Le bilan est lourd avec de nombreux morts. Les arabes vont être stoppés par les Etats-Unis. Le comité exécutif de l’OLP, qui fonctionne comme un gouvernement, va alors estimer nécessaire que la lutte armée débouche sur un combat politique. C’est ainsi qu’après 26 ans d’absence, le 13 novembre 1974, un palestinien, Yasser Arafat va prononcer un discours aux Nations Unies à New York dans lequel il proclame : « Je suis venu porteur d’un rameau d’olivier et d’un fusil de

révolutionnaire, ne laissez pas tomber le rameau de ma main »40, le symbole du rameau d’olivier choisi

40 Le Monde diplomatique. Cahier spécial sur le Proche-Orient. Yasser Arafat en dates. Juillet 2002. Consulté en juillet 2013 www.monde-diplomatique.fr

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par Yasser Arafat énonce son ouverture à la paix. Cependant, l’occupation israélienne ne cesse et la guerre civile éclate au Liban en 1975. Yasser Arafat y engage ses troupes. En 1987, c’est le début de l’intifada, les palestiniens se soulèvent dans les territoires occupés par Israël. Avec le repli de l’OLP en Tunisie depuis la guerre du Liban les palestiniens ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour défendre leur liberté. De nombreuses arrestations auront lieu.

En 1988, l’OLP proclame l’Etat de Palestine lors de la 19ème session du Conseil national palestinien et réaffirme sa condamnation du terrorisme. Peu à peu les consciences vont évoluer. Le 13 septembre 1993 à Washington Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin signent une Déclaration de principes sur « l’autonomie de Jéricho et de la bande de Gaza », connue sous le nom d’accords d’Oslo. Jusqu’à la fin des années 90 un réel espoir de paix commence à se dessiner et se confirme le 5 septembre 1999 à Charm el-Cheikh, en Egypte, avec la signature d’un accord entre le Premier ministre israélien Ehud Barak et Yasser Arafat qui ouvre la voie à des négociations sur un règlement de paix final israélo-palestinien.

Un an plus tard, en juillet 2000 a lieu le sommet israélo-palestinien de Camp David II destiné à trouver un accord de paix. Cependant, le sommet va s’achever sans qu’un accord ait pu être trouvé, les discussions échouant en particulier sur la question de Jérusalem. Suite à ce sommet, de violents affrontements débutent à Jérusalem et vont rapidement gagner la Cisjordanie et la bande de Gaza, c’est le début de la seconde intifada. Le 16 décembre 2001, Arafat appelle à l’arrêt total des attaques contre Israël. En 2004, Yasser Arafat, Président de l’autorité palestinienne décède, et est remplacé par Mahmoud Abbas.

A partir de 2003, Israël va progressivement se retirer de la bande de Gaza jusqu’au 22 aout 2005 qui marque la fin du processus d’évacuation de la bande de Gaza. Le 26 novembre 2006 est signé un cessez-le-feu entre Israël et la Palestine dans la bande de Gaza et le 23 décembre une rencontre entre le Président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre israéliens, Ehmud Olmert, relance le processus de paix interrompu depuis 2000.

Le 27 novembre 2007, a lieu la conférence internationale pour la paix au Proche-Orient, à Annapolis aux Etats-Unis. Les autorités israéliennes et palestiniennes s’engagent devant la communauté internationale à reprendre des négociations de paix sur l’ensemble des questions relevant du statut des territoires palestiniens. Cependant un an plus tard Israël relance une attaque massive sur la bande de Gaza qui marque le début de la Guerre de Gaza appelée « Plomb durci ». Les discussions entre les autorités palestiniennes

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et israéliennes n’auront de cesse d’être interrompues en raison de la colonisation de Jérusalem Est par Israël et des affrontements sans fin dans la bande de Gaza.

Néanmoins, sur la scène internationale se joue depuis quelques années la reconnaissance d’un Etat palestinien. Ainsi, le 19 mai 2011, lors d'un discours au département d'Etat, Barack Obama s’est prononcé pour la création d’un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967. Quelque mois après, en septembre 2013, une demande d’adhésion d’un Etat de Palestine est présentée par le président de l’Autorité palestinienne à l’ONU. Cette demande n’aboutit cependant pas faute de soutien des pays membres de Conseil de sécurité. Néanmoins en octobre 2011 la Palestine, jusque là observatrice, devient le 195ème membre de l’Organisation des Nations Unies pour l’Educations, la Science et la Culture (UNESCO)41. Enfin, le 29 novembre 2012, l’Assemblée générale a voté, en présence de Mahmoud Abbas, une résolution faisant de la Palestine un Etat observateur de l’ONU. Si cette résolution « historique », adoptée par 138 voix pour, 41 abstentions et 9 voix contre, a été félicitée par de nombreuses délégations, la représentante des États-Unis a prédit qu’elle « sèmerait de nouveaux obstacles sur la voie de la paix », à l’instar du Canada, des Îles Marshall, de la Micronésie, de Nauru, des Palaos, du Panama et de la République tchèque, également opposés au texte. La France a quant à elle reconnu que la démarche palestinienne arrivait à un moment difficile et que les « répercussions pourraient être lourdes ». La France a ajouté qu’en se prononçant en faveur de cette résolution, il s’agissait, en réalité, de voter pour la solution à deux Etats42.

Après trois ans de blocage dans le processus de paix les négociations ont repris fin juillet 2013 à Washington. Néanmoins, après la libération par Israël de prisonniers palestiniens, les constructions de colonies se sont accélérées remettant en question les négociations.

L’impact de l’histoire sur les Territoires palestiniens aujourd’hui

Aujourd’hui, les Territoires palestiniens, nom officiel donné dans l’attente de la création d’un Etat, se situent dans la Bande de Gaza sur 365 km² et en Cisjordanie sur 5 655 km² soit une superficie totale de 6 020 km². Selon les chiffres donnés par le Palestinian Central Bureau of Statistics (PCBS) datant de 2013, la population palestinienne est estimée à 4,42 millions d’habitants dont 2,72 millions en Cisjordanie et 1,7 million dans la bande de Gaza. La densité de population est ainsi de 703 habitants par km² dans les Territoires palestiniens soit 462 habitants par km² en Cisjordanie et 4 429 habitants

41 Le Monde Proche-Orient. La Palestine devient membre à part entière de l’Unesco. Octobre 2011. Consulté en juillet 2013 www.lemonde.fr/proche-orient/ 42 Nations Unies. Assemblée générale-AG 11317, Soixante-septième session, 44e et 45e séances plénières. Ovation debout pour l’accession de la Palestine au statut d’Etat observateur non membre en présence du président Mahmoud Abbas. 2010. Consulté en juillet 2013 www.un.org

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par km² dans la bande de Gaza. La densité de population dans la bande de Gaza compte parmi les plus importantes dans le monde, rendant les conditions de vie très difficiles dans une région enclavée et encerclée par l’autorité israélienne. En dehors des Territoires palestiniens, on compte environ cinq millions de palestiniens qui vivent à travers le monde dont environ trois millions sont réfugiés en Jordanie en Syrie ou au Liban. La diaspora palestinienne est donc importante et s’investie dans de nombreux projets de coopération pour leur pays.

Les années de conflits ont également marqué l’organisation institutionnelle de la Palestine. Ainsi, la capitale revendiquée pour le futur Etat palestiniens est Jérusalem-Est mais dans l’attente de sa création et en raison de son occupation par Israël, les principaux ministères sont installés à Ramallah, ville situées à quelques kilomètres au Nord de Jérusalem. Le système institutionnel et politique dans lequel l’Autorité palestinienne et les collectivités locales opèrent aujourd’hui est largement issu des accords de paix israélo-palestiniens (dits accords d’Oslo) signés en 199343. Ainsi, le territoire de l’autorité palestinienne est divisé en deux espaces : la bande de Gaza et la Cisjordanie. La Cisjordanie étant elle-même découpée en plusieurs zones discontinues de statuts divers : «

- Les zones A d’autonomie palestinienne relèvent de la responsabilité de l’Autorité palestinienne

pour les questions civiles et de sécurité. Elles correspondent aux principales grandes

agglomérations. En 1995, elles couvrent 3% du territoire et 18% en 2000 ; - Les zones B sont des zones mixtes dans lesquelles l’autonomie palestinienne est partielle,

puisque l’Etat d’Israël y garde le contrôle des flux de marchandises et de personnes. Elles

correspondent aux petites villes et bourgs des zones rurales. Elles couvrent 24% du territoire

en 1995 et 22% en 2000 ;

- Les zones C sont entièrement contrôlées par les israéliens autant pour les affaires civiles que

de sécurité. Elles s’étendent sur les zones pastorales et englobent les colonies israéliennes, les

routes dites de contournement des villes et villages palestiniens réservées aux voitures à

plaque israélienne, et les camps militaires israéliens. En 1995, elles représentent 73% de la

Cisjordanie et constituent encore 60% de celle-ci cinq ans plus tard. » (SIGNOLES, A. Le

Système de gouvernement local en Palestine)

Le territoire est également marqué par des barrages militaires aux entrées et sorties des localités palestiniennes et des murs édifiés autour ou à l’intérieure de certaines villes palestiniennes : c’est notamment le cas à Jérusalem. Ainsi, Israël contrôle la circulation des personnes et des biens

43 SIGNOLES, A. Le système de gouvernement local en Palestine. Paris : Agence Française de Développement, 2010. 65p.

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venant de Palestine, processus d’autant plus important dans la bande de Gaza où Israël garde le contrôle des frontières maritimes, aériennes et terrestres. Cet émiettement des territoires palestiniens a été illustré par Julien Boussac en 2008 avec la collaboration du Monde Diplomatique dans la première version d’une cartographie peu commune de la Cisjordanie intitulée « L’Archipel de Palestine orientale ». Une seconde Version plus récente de 2011 intitulée « Etat-Archipel de Palestine » intègre dans sa réflexion la bande de Gaza.

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Figure 7 : Carte de Julien Boussac « L’Archipel de Palestine orientale

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Cette représentation offre une vision intéressante des contraintes actuelles en Cisjordanie. Toutes les zones occupées par l’autorité israélienne sont représentées par la mer et correspondent à la zone C. Les zones A et B sous autorité palestinienne sont représentées en vert devenant ainsi des îles ou des îlots reliés par des liaisons maritimes sous surveillance. La carte illustre ainsi le découpage de la Cisjordanie selon les trois zones héritées des accords d’Oslo. La discontinuité du territoire palestinien à l’image des archipels apparait clairement ainsi que la nécessité de composer avec la mer, zone sous autorité israélienne. L’occupation israélienne façonne ainsi le territoire en empêchant l’Autorité palestinienne d’exercer son autorité sur la zone C, de valoriser le territoire et ses ressources. La zone C qui représente environ 60% du territoire de la Cisjordanie est actuellement exclue de tout processus de construction d’un Etat palestinien, aussi bien sur le plan politique qu’économique et représente un frein à une réelle continuité territoriale.

Dans ce contexte, les projets de coopération internationale menés avec les Territoires palestiniens rencontrent de nombreuses difficultés. Lors de la réunion du Réseau de la Coopération Décentralisée pour la Palestine (RCDP), organisé le 30 janvier 2013 à Montreuil, les principaux obstacles formulés par les collectivités présentes étaient d’une par la difficulté d’intervenir en zone C sous contrôle de l’autorité israélienne, d’autre part la difficulté d’entretenir des relations suivies dans la mesure où les délégations palestiniennes peinent très souvent à obtenir les autorisations nécessaires pour se rendre sur les territoires de coopération en France.

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Figure 8 : La Palestine et ses territoires occupés Source :Revue Altermonde n°33 « Colonies en Palestine. L’Europe au pied du mur ! »

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2. Le cadre de coopération entre la France et les Territoires palestiniens et plus particulièrement entre le Conseil général de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem.

Comme nous avons pu le voir précédemment, les mesures de restrictions drastiques imposées par Israël en matière de circulation des biens et des personnes restreignent de manière considérable le fonctionnement économique des Territoires palestiniens. Dans la bande de Gaza, la situation d’isolement est telle que les conditions de vie des populations et le seuil de pauvreté sont au plus bas. Cette situation place les populations palestiniennes dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’aide internationale qui prend en charge de manière croissante certains besoins vitaux (éducation, santé).

Dans ces conditions, la communauté internationale a décidé, lors de la conférence de Paris du 17 décembre 2007, de s’engager fortement pour venir en aide aux populations. Elle a permis d’apporter à l’Autorité palestinienne un soutien financier sans précédent (7,7 milliards de dollars) en faveur de la création d’un Etat palestinien indépendant, démocratique, viable, vivant en paix et en sécurité au côté d’Israël44. La France s’était quant à elle engagée à cette occasion à contribuer à hauteur de 300 millions de dollars entre 2008 et 2010 dont 25 millions d’euros par an d’aide budgétaire directe à l’Autorité palestinienne. Aujourd’hui, bien que les aides internationales aient diminué, plus particulièrement entre 2010 et 2012 en raison des restrictions budgétaires imposées par la crise que traversent de nombreux pays occidentaux, les Territoires palestiniens restent un territoire privilégié de coopération.

La coopération française et les Territoires palestiniens

La coopération bilatérale entre la France et les territoires palestiniens

La coopération française est représentée dans les Territoires palestiniens par le Consulat général de France, qui dispose d’un service de coopération et d’action culturelle, ainsi qu’un bureau de l’Agence Française de Développement ouvert depuis 1999 à Jérusalem. Plusieurs centres culturels français sont également présents à Jérusalem-Est, Ramallah, Bethléem, Hébron, Naplouse ou encore Gaza. Sur la période 2008-2012, l’aide de la France s’élevait à 307 millions d’euros selon le Ministère des Affaires Etrangères dont 48,2 millions en 2012. Cette aide budgétaire est destinées à financer les salaires des fonctionnaires (notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé en Cisjordanie et à Gaza), la coopération mise en œuvre par l’Agence française de développement (AFD) (dans les domaine de l’eau, de l’assainissement, du développement local et municipal et dans le secteur privé 44 Site internet de France Diplomatie. La France et les Territoires palestiniens. Consulté en juillet 2013 www.diplomatie.gouv.fr

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avec la soutien à la création de la zone industrielle de Bethléem par exemple) et financer l’action du Service de Coopération et d’Action Culturelle du Consulat général de France.

La coopération décentralisée entre les collectivités françaises et les territoires palestiniens

C’est en 1994, suite aux accords d’Oslo et sous l’impulsion de Cités Unies France, qu’une délégation de quelques maires français se rend en Palestine pour évaluer de quelle manière les collectivités locales françaises pourraient s’y engager. Face aux motivations tant françaises que palestiniennes de créer des liens entre collectivités, mais aussi pour encourager d’autres collectivités françaises à s’engager sur ces territoires, Cités Unies France va mettre en place un Fonds de coopération décentralisée pour la Palestine.

Depuis maintenant plus de vingt ans les collectivités françaises coopèrent avec les Territoires palestiniens et l’on dénombre aujourd’hui pas moins de 90 partenariats entre collectivités françaises et localités palestiniennes. Parmi ces divers partenariats on compte environ soixante collectivités territoriales françaises, dont un Conseil régional et six Conseils généraux, impliqués dans des accords de coopération décentralisée avec les Territoires palestiniens.

Néanmoins, l’intervention des collectivités françaises se concentre essentiellement dans le Sud et sur les zones centrales de la Cisjordanie, plus particulièrement sur les districts de Bethléem, de Ramallah et de Jéricho, ce qui représente environ 60% des coopérations45. Les espaces les plus « délaissés » par la coopération décentralisée se situent dans la bande de Gaza, la zone C (territoires de Cisjordanie occupés) qui représentent pourtant plus de 60% des territoires palestiniens et Jérusalem-Est. L’un des enjeux de la coopération décentralisée franco-palestinienne pour les années à venir est de réfléchir aux moyens de développer des relations dans ces zones qui représentent un enjeu majeur pour le développement des Territoires palestiniens.

La coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem

Ce sont les collectivités de la région Rhône-Alpes qui ont été les pionnières de la coopération décentralisée avec les Territoires palestiniens. Les villes de Grenoble, Romans-sur-Isère, Eybens, Gières ou encore Saint-Priest ont été les premières à entrer en contact avec des villes palestiniennes et signer des conventions de coopération à l’image de celles signées dès 1996 entre la ville de Grenoble

45 DE RAINCOURT, H. Troisièmes assises de la coopération décentralisée franco-palestinienne, Discours du Ministre chargé de la coopération, Henri De Raincourt. Hébron : Janvier 2012.

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et les villes de Beit Jala et Beit Sahour46. La principale thématique de ces partenariats de coopération est l’aide au développement touristique, plus particulièrement dans le gouvernorat47 de Bethléem qui concentre la majeure partie des coopérations.

Une sollicitation de l’Etat français

En 2010, Jean Guibal, conservateur du Musée dauphinois du Département de l’Isère de 1986 à 2000 puis Directeur de la Culture et du Patrimoine au sein de Département (de nouveau conservateur du Musée dauphinois depuis 2011), a été sollicité en tant qu’expert par le ministère des Affaires étrangères pour apporter des conseils méthodologiques sur un projet de musée consacré à l’histoire de Bethléem. Ce projet de musée initié par le ministère palestiniens des Antiquités et du Tourisme et la Ville de Bethléem bénéficie de l’appui de l’Etat français pour sa mise en œuvre dans le cadre du « Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) - Préservation et Valorisation du Patrimoine » palestinien lancé en novembre 2010, dont l’un des principaux projets est la création de ce musée d’histoire de la région de Bethléem. Cette intervention française s’inscrit également en complément des actions de coopération culturelle menées par la Norvège et l’Unesco en Palestine pour la création d’un musée du patrimoine narratif, le musée des Riwaya à Bethléem. C’est ainsi qu’avec l’appui du service de coopération décentralisée une visite de Marylène Barret, chargé de la conduite de la réalisation du musée d’histoire de Bethléem en poste auprès du Consulat de France à Jérusalem, a été organisée en Isère pour visiter les musées du Département et travailler sur la création du musée avec les techniciens locaux. Le musée de l’Ancien Evêché à particulièrement retenu son attention. A la suite de cette première rencontre en Isère et en lien avec le consulat de France une mission d’expertise de la Direction de la culture et du patrimoine du Département de l’Isère a été menée en Palestine en octobre 2011. L’objectif de cet axe de coopération naissant était alors l’appui méthodologique à la préservation et à la valorisation du patrimoine palestinien via la participation à la création d’un musée à Bethléem mais aussi la mise en place de formations métiers répondant à des besoins opérationnels concernant la programmation muséographique, le lien entre musée et territoire, la communication, la gestion des sites.

46 Site internet de Cités Unies France. Présentation de la coopération décentralisée franco-palestinienne. Consulté en juillet 2013 www.cites-unies-france.org 47 Il existe quatorze gouvernorats (ou mouhâfazat) créés en 1995, qui représentent l’échelon régional. Neuf sont situés en Cisjordanie (Naplouse, Qalqilya, Tulkarem, Jénine, Jéricho, Ramallah, Bethléem, Hébron et Jérusalem) et cinq dans la bande de Gaza (Gaza-Nord, Gaza-ville, Deir al-Balah, Khan Younis et Rafat). Ces organismes sont sous la tutelle directe du Ministère de l’Intérieur et les gouverneurs sont nommés par le président de l’Autorité palestinienne. Même si aucun texte législatif n’encadre les activités de ces structures, les gouverneurs de régions sont responsables des forces de police palestiniennes à l’intérieur de leur circonscription et coordonnent les services déconcentrés de l’Etat sur leur territoire tels que la santé, les transports ou encore l’éducation.

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Selon Isabelle Lazier, responsable du Musée de l’Ancien Evêché, c’est « l’expérience du Département

de l’Isère qui a été recherchée dans ce projet. En effet, le Conseil général de l’Isère accompagne des

projets de musée en rapport avec le territoire, son développement, sa valorisation. C’est cette

compétence qui a été recherchée pour nourrir la réflexion sur le rôle que peut jouer le musée de

Bethléem, comme outil de connaissance et de découverte au service de la population »48.

L’appui du comité de pilotage Grenoble-Isère-Bethléem pour la mise en œuvre de la coopération

Un comité départemental de pilotage de la coopération Grenoble-Isère/district de Bethléem a été créé en 2008 par des membres de la société civile iséroise. Le but de cette association était en tout premier lieu de garantir la cohérence, le bien-fondé des actions entreprises et de faciliter leur évaluation. L’association a ainsi permis de susciter et d’accompagner les dynamiques des collectivités locales iséroises ou des universités dans leur coopération avec le district de Bethléem en Palestine. Le comité, dont certains membres actifs sont issus de la diaspora palestinienne, dispose de correspondants en Palestine ce qui permet aux coopérations de bénéficier d’un appui dans la mise en relation avec les acteurs locaux.

Ainsi, c’est sous l’impulsion du comité que s’est déroulée la première visite du Gouverneur de Bethléem en Isère en mars 2010. A l’issu de cette rencontre une première déclaration d’intention de coopération a été signée à Grenoble le 15 mars 2010. Un an plus tard, au printemps 2011, les premières actions concrètes en matière d’appui institutionnel et d’appui à la création de musées commençaient à prendre place. C’est enfin, en octobre 2011 que la convention cadre de coopération entre le Conseil général de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem a été signée lors de la visite d’une délégation iséroise en Palestine. Les principaux axes de coopération retenus au sein de cette convention s’inscrivent dans les domaines de l’appui institutionnel au Gouvernorat de Bethléem, l’amélioration de la qualité et de l’accès aux soins de santé, l’éducation au développement, le développement économique et tout autre domaine susceptible d’apparaitre souhaitable de promouvoir49. Parmi les axes retenus au sein de cette convention figure le domaine du tourisme, comme facteur de développement local et durable, et la valorisation du patrimoine culturel et traditionnel local. L’un des projets développés au sein de cet axe concerne la structuration d’un programme de développement d’un tourisme rural en faveur des populations locales autour du sentier d’Abraham. Ce projet, développé en troisième partie constituera l’étude de cas de ce mémoire. Il s’agit

48 Nova magasine. Le journal des agents du Conseil général de l’Isère n°44. Grenoble, avril 2012. 49 Convention de coopération décentralisée entre le Gouvernorat de Bethléem en Palestine et le Conseil général de l’Isère en France. 2011.

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en effet d’un programme de valorisation du patrimoine naturel et culturel sous toutes ses formes par le biais d’un développement touristique durable.

Les thématiques de la culture et du patrimoine occupent une place importante au sein des coopérations du Conseil général de l’Isère. Les projets développés portent ainsi sur la valorisation de l’identité des territoires pour un développement local durable. L’objectif est de s’appuyer sur les ressources culturelles et patrimoniales locales pour développer des activités génératrices de revenus tout en préservant les spécificités territoriales. De nombreux projets ont ainsi été développés au Sénégal, en Algérie, au Maroc, en Arménie et plus récemment en Palestine. Le choix du Conseil général de l’Isère de coopérer avec la Palestine s’inscrit dans une logique de renforcement des capacités des acteurs locaux pour appuyer le développement du territoire et renforcer la légitimité de la Palestine au niveau international. Les actions en matière de valorisation du patrimoine occupent une place particulière au sein de cette coopération car elles participent à la reconnaissance de l’histoire du peuple palestinien et sont le point d’appui au développement du tourisme sur ce territoire. L’Isère possède une réelle expérience et une expertise en matière de gestion du patrimoine et d’appui au développement touristique par le biais d’acteurs locaux qualifiés ce qui permet d’appuyer des projets de coopération dans ces domaines complémentaires. Ainsi, les compétences du Conseil général de l’Isère et des acteurs isérois sont mobilisées au sein des projets de coopération avec le Gouvernorat de Bethléem. Ces projets permettent d’appuyer le développement des territoires palestiniens en valorisant les spécificités locales et ses habitants. Néanmoins, cette partie a permis de mettre en lumière un contexte d’intervention très particulier lié à l’histoire du pays. La situation géopolitique du pays influe beaucoup sur les projets développés au sein de cette coopération en raison des difficultés qu’elle implique. Ainsi, bien que les projets soient appuyés et encouragés par le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) ou encore l’Agence Française de Développement (AFD), les conditions d’interventions restent très contraintes notamment dans les zones C sous autorité israélienne. Les échanges entre collectivités et opérateurs sont également compliqués par l’instabilité du pays. Aux obstacles « récurrents » de la coopération décentralisée s’ajoutent ainsi ceux liés à un contexte très particulier. Néanmoins, le projet mis en place autour du sentier d’Abraham pourrait permettre de développer de nouvelles perspectives d’intervention et travailler au développement d’une « méthodologie » d’intervention adaptée au contexte pour pérenniser les projets et les échanges entre les acteurs franco-palestiniens mais également entre acteurs palestiniens.

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La pLate - forme

un outil de mutualisation au service de l’action

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Partie 3 : La plate-forme : un outil de mutualisation au service de l’action

L’un des principaux axes de coopération du partenariat entre le Département de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem est consacré au tourisme, comme facteur de développement local et durable, et à la valorisation du patrimoine culturel et traditionnel local. Il s’agit donc de valoriser le patrimoine local sous toutes ses formes pour révéler l’identité du territoire palestinien et de ses habitants. En ce sens, le projet développé autour du sentier d’Abraham constitue un réel vecteur d’attractivité territoriale à travers le développement d’un tourisme durable et respectueux des ressources et plus largement du territoire et de ses habitants.

Il apparait donc nécessaire de comprendre en quoi le projet du sentier d’Abraham développé dans le cadre de la coopération entre le Conseil général de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem s’inscrit-il dans une logique de valorisation du patrimoine comme vecteur d’un développement durable du territoire palestinien ? De quelle manière est-il possible de mobiliser les collectivités palestiniennes qui s’inscrivent sur le territoire d’action du projet du sentier d’Abraham ?

Pour répondre à ces questionnements, la première partie montrera de quelle manière s’est construit le projet développé autour du sentier d’Abraham et quels en sont les grands objectifs. Puis, nous verrons en quoi la création d’une plate-forme de coopération inter-collectivités peut être un réel outil de mutualisation au service du projet ou d’un programme d’actions plus large. Enfin, la dernière partie s’attachera à élaborer des recommandations pour l’avenir de la plate-forme inter-collectivités développée autour du projet du sentier d’Abraham.

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A. Le sentier d’Abraham : un projet de valorisation du patrimoine à travers le développement d’un tourisme rural durable de randonnée.

La Palestine, berceau de trois religions monothéistes attire chaque année de nombreux voyageurs. Cependant, le tourisme reste concentré dans les villes telles que Jérusalem ou Bethléem délaissant les zones rurales et périphériques. Ainsi, les sites touristiques du Gouvernorat de Bethléem en dehors de Bethléem ne sont presque pas visités. Par exemple, Artas ou le Monastère de Mar Saba ne reçoivent pas plus de 15% de voyageurs ayant visité Bethléem.50 Le tourisme est également très affecté par Israël : ses tour-opérateurs et ses offices du tourisme exercent un monopole sur les groupes de visiteurs et pèlerins venant visiter les sites historiques et religieux. Enfin, le temps passé par les visiteurs dans les territoires palestiniens est de 2,5 jours et 1,8 visiteurs sur 10 passent la nuit dans un hôtel palestinien dont 60% à Jérusalem-Est. La majorité des touristes séjournent donc en Israël ne permettant pas aux palestiniens de bénéficier des retombées économiques du tourisme. L’un des enjeux majeur de la Palestine en matière de tourisme est donc de développer le secteur afin d’inciter les voyageurs à rester dans les territoires palestiniens.

Tel est l’objectif du projet développé en Palestine autour du sentier d’Abraham. Il s’agit en effet, de profiter du potentiel de visiteurs, pour faire du tourisme un facteur de développement économique local et favoriser, dans la région, une répartition plus équitable des revenus qui en sont issus. L’ambition de ce projet de tourisme durable est ainsi de proposer aux visiteurs de découvrir en randonnant la richesse de ce territoire en traversant les villes et les villages palestiniens et en découvrant les paysages alentours.

1. Un projet initié par l’université d’Harvard

En 1983, l’Université de droit d’Harvard crée un programme de recherche en négociation appelé « Program on Negotiation » (PON). Le co-fondateur de ce programme, William Ury, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de la négociation, dirige ainsi un projet de recherche appelé « Global Negotiation Project » (projet de négociation mondiale). Ce projet universitaire développe et promeut des méthodes de négociations internationales pour le règlement des conflits armés et conflits à l’échelle mondiale. C’est dans ce contexte que William Ury commence à travailler, au début des années 2000, sur le chemin d’Abraham, voyant là un projet de diplomatie culturelle. « Le chemin d’Abraham », qui retrace le voyage de ce prophète, considéré comme le père du monothéisme par les juifs, les chrétiens et les musulmans lie les trois religions. Il voit alors le chemin comme un moyen de rassembler les gens

50 Ministère du tourisme et des antiquités, Chambre de commerce de Bethléem et le groupe de travail pour le plan directeur de développement touristique, Master Plan for Developing Tourism en Bethléem, 2011

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du monde entier en Moyen-Orient à travers une expérience culturelle unique. La marche serait alors un moyen pour les voyageurs étrangers de rencontrer les populations locales et aller vers une compréhension mutuelle.

Les différents récits associés à Abraham ont été analysés pour identifier le chemin qu’il a emprunté avec sa famille il y a environ 4 000 ans. L’analyse de la Bible, du Coran et des récits locaux sur les voyages et les errances d’Abraham et de sa famille a donc permis d’identifier le tracé du chemin. Un travail de terrain a ensuite été mené par une équipe d’Harvard en 2006 afin d’affiner le tracé géographique du chemin grâce à des relevés GPS et l’identification des chemins et des routes utilisés par la population locale depuis des siècles. Il faut noter cependant que le tracé du chemin élaboré par l’Université d’Harvard ne revendique pas une exactitude historique. Il n’existe en effet pas de preuves archéologiques attestant l’existence réelle d’Abraham. Le chemin et les sentiers utilisés pour le tracé suivent l’histoire d’Abraham telle qu’elle a été racontée et telle qu’elle voyage dans les esprits depuis des millénaires.

Le chemin d’Abraham retrace ainsi le voyage du prophète depuis la ville où il est né à Şanlıurfa (Urfa) en Turquie jusqu’au Tombeau des Patriarches, lieu où il repose, à Hébron en Cisjordanie. Le chemin traverse ainsi cinq pays : la Turquie, la Syrie, la Jordanie, la Palestine et l’Israël. Le chemin pourrait également concerner l’Iraq. Néanmoins, compte tenu de l’instabilité du pays, le travail effectué reste

Figure 9 : Tracé du Chemin d’Abraham Source : Abraham Path Initiative

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tourné sur les cinq premiers pays cités. Cependant, si la structuration du sentier prend peu à peu forme dans ces pays, c’est en Palestine que les choses se sont le plus formalisées.

2. La mise en place du projet

C’est en 2007 qu’est fondée l’ONG Internationale Abraham Path Initiative (API) en collaboration avec l’université d’Harvard. L’ONG aura alors comme objectif de créer le chemin d’Abraham dans le Moyen-Orient en partenariat avec les acteurs locaux et internationaux dans les cinq territoires traversés. Ainsi, l’ONG API a pour mission de créer, sur chaque territoire une association relai dont la tâche sera de développer le chemin sur le territoire qu’il traverse. En Palestine, Abraham Path Initiative établit

un partenariat avec l’association palestinienne Masar Ibrahim al Khalil créée en 2008. Ce partenariat technique a pour objectif de développer 182 km de chemin à travers 12 communautés locales. Durant les premières années de la mise en place du projet en Palestine, le travail réalisé s’effectue essentiellement sur la partie nord de l’itinéraire entre Naplouse et Auja (ville située à quelques kilomètres au Nord de Jéricho). Les études sur le terrain visent à identifier le chemin en procédant à l’identification des villages car certains ne figuraient pas sur les cartes. Ce travail d’identification du sentier est également passé par le dialogue avec les villageois garant de la mémoire orale et connaissant de manière très précise leur territoire. Il fallait également obtenir l’accord des villageois pour que leur village figure sur le tracé et pour l’hébergement des randonneurs. En 2010, l’Association iséroise pour la Formation des Ruraux aux Activités du Tourisme (AFRAT)51 est contactée par le Club Alpin Français (CAF) de Valence dont le président était parti randonner sur le sentier d’Abraham en Palestine. Le CAF va alors mettre en relation l’AFRAT et Masar Ibrahim Al-Khalil. La

51 Association créée à Autrans dans le massif du Vercors pour permettre de professionnaliser les acteurs ruraux au tourisme. La création de l’association faisait suite aux Jeux Olympiques d’hiver de 1968 qui se sont déroulés en Isère dans la région grenobloise.

Figure 10 : Itinéraire palestinien du Chemin d’Abraham Source : Abraham Path Initiative

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première mission de l’AFRAT sur le sentier d’Abraham va porter sur la création d’un cursus de formation des guides à Bethléem pour la mise en place d’un diplôme national palestinien de guide de randonnée. Cette première mission est soutenue par le Conseil général de l’Isère au titre de sa coopération naissante avec le Gouvernorat de Bethléem. En 2012, on comptait environ 300 marcheurs ayant pratiqué cette partie de l’itinéraire dans l’année. La fréquentation de cette portion du chemin est donc encourageante, néanmoins les retombées économiques escomptées ne sont pas encore effectives en raison d’un manque de structuration des actions et du réseau d’acteurs, d’un portage institutionnel faible et du manque de formation des communautés locales à l’accueil touristique. Cela peut notamment s’expliquer par le manque de compétences de l’association Masar en termes d’ingénierie de projet de développement rural notamment en matière de structuration.

Très vite l’AFRAT et Masar se sont rendu compte que la création d’une formation pour les guides nécessitait la mise en œuvre d’un programme d’action plus large nécessaire à la structuration du sentier. Le constat est le suivant : les guides de randonnée formés ne pourront pas exercer pleinement leur activité sans que la filière touristique soit réellement développée sur le sentier. Lors des troisièmes assises de la coopération décentralisée franco-palestinienne, les 23 et 24 janvier 2012 à Hébron, l’élue en charge de la coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère et un technicien du Département rencontrent plusieurs fédérations de femmes. A son retour, le Conseil général va solliciter l’association Tétraktys52 et son expertise en matière de

développement local pour réaliser un diagnostic sur la possibilité d’impliquer les femmes dans le développement touristique du Gouvernorat de Bethléem. A l’issue de cette mission réalisée conjointement avec l’AFRAT, un accord est trouvé avec Masar pour

52 Créée en 1994, Tétraktys est une association tournée sur le développement local des espaces naturels pour fédérer les compétences et proposer une méthodologie aux territoires. Tétraktys est une association issue de l’AFRAT destinée à exporter son savoir-faire à l’international.

Figure 11 : Tracé du sentier d’Abraham entre Nablus et Hébron

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travailler sur la structuration du chemin avec en parallèle, un travail sur la structuration des acteurs locaux.

En travaillant sur le projet, l’AFRAT et Tétraktys se sont rapidement rendus compte que la partie Sud du chemin est la moins utilisée car elle traverse beaucoup de territoires en zone C. La partie Sud du chemin est beaucoup plus rurale et désertique mais possède l’avantage d’être située à proximité de Jérusalem et de Bethléem. De même, il s’avère que plusieurs collectivités iséroises avec lesquelles les deux associations sont partenaires sur d’autres projets à l’international, possèdent également des accords de coopération dans ce secteur. Ces conditions qui révèlent un réel atout en matière de financements vont amener les partenaires franco-palestiniens à valider en 2012 la nécessité de travailler sur un projet structurant de développement local autour du tourisme sur la section Sud du sentier d’Abraham entre Jéricho et Hébron. La structuration de ce projet est pensée dans une logique de valorisation du patrimoine culturel, naturel, et matériel de la Palestine. En mettant l’accent sur la partie Sud du chemin on distingue une réelle volonté de développer l’attractivité des zones rurales, très souvent enclavées car situées en zone C.

3. Objectifs et état d’avancement du projet

Les grands objectifs du projet sont de : - Favoriser le développement économique local de territoires ruraux palestiniens et notamment

des territoires fragilisés (zone C) grâce au développement d’une activité touristique qui génère des revenus complémentaires pour les communautés.

- Renforcer la société civile et les capacités professionnelles des acteurs locaux en appuyant la structuration du réseau d’acteurs.

- Favoriser la cohésion sociale entre les communautés, entre la société civile et les professionnels et entre les partenaires français et palestiniens.

Pour développer ces grands objectifs, le projet se déroule sur une période de trois ans de septembre 2013 à septembre 2016. La première année est consacrée à l’indentification et à la cartographie de l’itinéraire ( validation du tracé, validation de deux circuits courts au départ de Jéricho, Hébron et Bethléem, cartographie de l’itinéraire, balisage et repérage des zones d’accueil existantes et potentielles, identification des tours opérateurs intéressés par les circuits et analyse des attentes de la clientèle locale et internationale), à la mise en œuvre institutionnelle du projet (signatures des conventions avec les autorités locales et rencontres avec elles sur le terrain), à la création ou au renforcement des liens entre acteurs et à la formation (formation des coopératives de femmes pour la

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valorisation et la commercialisation de leurs produits, des hébergeurs pour l’accueil touristique, des guides). La seconde année sera consacrée aux investissements (structures d’accueil touristique, balisage, ouvrages hydrauliques) et la troisième à la promotion du circuit et sa commercialisation. Le projet comporte également un volet destiné à son évaluation qui sera effectuée par le consortium AFRAT/Tétraktys et l’association Masar.

4. Les acteurs impliqués dans le projet

Le schéma ci-après illustre la pluralité des acteurs concernés par le projet. Les habitants, les organisations villageoises et les coopératives de femmes sont au cœur du projet car ils représentent le lien social et sont également les garants du lien avec le territoire (patrimoine naturel, culturel et matériel) et l’histoire de celui-ci. A travers ce projet, le choix est fait de développer les territoires grâce à la mise en place d’un tourisme solidaire et durable dont la mise en œuvre s’effectue par les habitants : ceux-ci bénéficieront des retombées économiques de leur accueil et de la vente de leurs produits. Le projet mobilise également des opérateurs palestiniens qui apportent leur expertise avec par exemple l’intervention de l’institut for community partnership de l’Université de Bethléem qui assure la formation des guides ou encore l’association Palestinian wildlife Society (PWS) qui suit les actions liées à la préservation de l’environnement. Compte tenu de l’étendue géographique du sentier d’Abraham, la mobilisation des collectivités palestiniennes situées le long du sentier est nécessaire à la cohérence des actions développées et à l’appropriation du projet par les acteurs locaux. Le projet concerne ainsi les trois gouvernorats de Jéricho, Hébron et Bethléem. Pour mobiliser ces collectivités palestiniennes le consortium AFRAT/Tétraktys, sous l’impulsion du Conseil général de l’Isère, a mobilisé les collectivités françaises impliquées dans des accords de coopération décentralisée avec des collectivités palestiniennes situées sur ou a proximité du sentier d’Abraham. L’objectif principal de cette mobilisation et de la rencontre des différentes collectivités est de structurer les actions en commun pour mutualiser les moyens (financiers, techniques, humains). L’ambition de ce projet et le travail de mutualisation des collectivités ont permis de mobiliser l’Agence Française de Développement. Lors de la Réunion du Réseau de la coopération décentralisée pour la Palestine (RCDP) à Montreuil en Janvier 2013, l’AFD avait fait part de sa volonté d’appuyer des projets de développement en zone C afin de développer une méthodologie d’intervention. Elle avait également appelé les collectivités à mobiliser le plus possible de co-financements, l’AFD ne subventionnant qu’une partie des projets. Le programme développé sur le sentier d’Abraham répond donc aux préoccupations actuelles de l’AFD en Palestine. Grâce à la mobilisation des collectivités autour de ce projet et aux financements français (du Ministère des Affaires Etrangères et de l’AFD) et internationaux (Abraham Path Initiative, United States Agency for

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International Development- USAID, Agence allemande de coopération internationale- GIZ) le budget du projet s’élève aujourd’hui à 1,2 millions d’euros.

Figure 12 : Schéma des acteurs du projet du sentier d’Abraham

La valorisation du patrimoine local peut être un levier pour le développement à travers des projets orientés vers le développement d’un tourisme durable en faveur des communautés locales. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le projet développé autour du sentier d’Abraham en Palestine. En plus de la valorisation du patrimoine local et du développement des communautés rurales, le projet vise à développer une méthodologie d’intervention en zone C autour du tourisme qui permettra de valoriser ces territoires souvent désertés par les touristes mais aussi par les palestiniens. Le transfert de compétences apporté par les partenariats développés autour de ce projet pourront permettre de travailler ensuite sur l’ensemble de l’itinéraire et peut être aussi dans d’autres pays traversés (Turquie, Jordanie, Israël, Egypte, Syrie). Néanmoins, le projet peut poser certaines questions. De quelle manière les populations locales s’approprient-elles un projet qui ne vient pas d’elles et qui émane de chercheurs de l’Université d’Harvard ? L’ampleur du projet ne risque-t-elle pas de faire oublier la dimension locale et l’objet initial du chemin qui est la rencontre ? Est-il réellement pertinent de construire de nouveaux ouvrages (maison d’accueil touristique, balisage) lorsque l’on sait que les destructions d’Israël sont récurrentes ?

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B. La mise en place d’une plateforme inter-collectivités autour du sentier d’Abraham

Pour répondre à un besoin de coordination des actions menées par la coopération décentralisée franco-palestinienne sur le parcours du sentier d’Abraham, une plate-forme de coopération autour du projet s’est mise en place en 2013. Mais quel est réellement l’intérêt pour les collectivités de se rassembler autour d’un territoire d’action commun ? Cette partie s’inspire largement des entretiens réalisés avec les collectivités françaises partenaires de la plate-forme de coopération du sentier d’Abraham.

1. Une démarche de mutualisation appuyée par l’Etat français

Depuis quelques années, l’Etat français incite les collectivités qui interviennent dans le domaine de la coopération décentralisée à unir leurs efforts par le biais de la mutualisation. Ainsi, le Ministère des affaires étrangères a posé comme l’une des conditions d’éligibilité à ses appels à projets annuels le principe de « Mutualisation ». La priorité est donc donnée « aux projets portés par plusieurs collectivités

territoriales décidées de s’associer dans leurs actions afin de leur donner plus de cohérence et

d’efficacité. »53. Les financements attribués par les projets qui privilégient une démarche de mutualisation sont également plus élevés avec un plafond de subvention qui peut atteindre 35% pour les projets mutualisés contre 25% pour un projet déposé par une seule collectivité. Le Ministère des Affaires Etrangères rend quasi obligatoire la mutualisation pour les collectivités territoriales qui interviennent sur un même territoire pour que leur dossier puissent être éligibles.

Pour favoriser la mutualisation, le MAE incite les collectivités à se rapprocher des réseaux régionaux d’aide à la coopération tels que Resacoop (réseau Rhône Alpes d’appui à la coopération) ou encore le CERCOOP en Franche-Comté mais aussi à se rapprocher de Cités Unies France (CUF) qui anime un large réseau de collectivités autour de la coopération décentralisée. Ces acteurs peuvent faciliter la mise en réseau et disposent d’outils mis à disposition des collectivités pour faciliter les partenariats tels que des répertoires de partenariats par pays ou l’organisation de forums à destinations des collectivités.

La démarche de mutualisation et plus particulièrement de co-financement est également appuyée par l’Agence Française de Développement qui engage les collectivités territoriales à mobiliser différentes sources de financements pour le développement des projets.

53 Texte de l’appel à projets 2013 du Ministère des Affaires Etrangères disponible sur http://www.diplomatie.gouv.fr

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2. La mise en place de la plate-forme autour du projet du sentier d’Abraham et l’intérêt des collectivités partenaires à joindre ce processus

La mise en place d’une plate-forme de coopération inter-collectivités pour mutualiser les ressources

La plate-forme de coopération autour du projet du sentier d’Abraham s’est mise en place via le montage du dossier de demande de subvention déposé à l’AFD au début du premier semestre de l’année 2013. L’AFRAT et Tétraktys, avec l’appui du Conseil général de l’Isère, ont alors sollicité les collectivités françaises qui coopèrent avec les collectivités palestiniennes traversées par l’itinéraire du sentier d’Abraham pour leur proposer d’unir leurs efforts en faveur du développement local. Les collectivités françaises identifiées sont alors les suivantes :

Collectivités partenaires françaises

Accord de coopération

Collectivités partenaires palestiniennes

Région Rhône-Alpes

Communauté Urbain de Lyon (Grand Lyon)

Gouvernorat de Jéricho Ville de Jericho

Ville de Besançon Ville de Neuchâtel

Camp de réfugiés d’Aqabat Jaber

Conseil Général de l’Isère Ville de Grenoble

Gouvernorat de Bethléem Ville de Bethléem

Ville de Gières Ville d’Eybens Ville de Romans/Isère

Ville de Beit Sahour

Région Provence Alpes Côtes d’Azur Ville de Belfort

Gouvernorat d’Hébron Ville d’Hébron

Il est ainsi proposé aux collectivités françaises de travailler ensemble dans l’optique d’une mutualisation efficace et d’une meilleure complémentarité entre les différents programmes de coopération développés en Palestine dans le secteur du sentier d’Abraham. L’objectif est de rendre cette plate-forme opérationnelle grâce à la mise en place d’un système de cofinancements avec l’AFD pour soutenir le projet de structuration et de développement d’un tourisme rural porté par le consortium AFRAT/Tétraktys. La création de cette plate-forme regroupant les collectivités françaises et palestiniennes permettra la mutualisation des énergies, des compétences, des outils, des approches et des moyens autour du projet.

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Plusieurs collectivités françaises ont répondu de manière positive à cette proposition telles que la Région Provence Alpes Côtes d’Azur, le Région Rhône-Alpes, la communauté urbaine de Lyon, la ville de Besançon, la ville de Gières et la ville de Grenoble. Les collectivités françaises et leurs partenaires palestiniens participeront aux comités de pilotage du programme et seront impliqués dans sa mise en œuvre par la mobilisation de leurs experts.

L’intérêt des collectivités à intégrer la plate-forme de coopération inter-collectivité du sentier d’Abraham

Seules, il est très difficile pour les collectivités de s’investir sur de gros projets car elles ne disposent pas de budgets suffisamment conséquents pour pouvoir répondre à des besoins financiers importants. La mise en place de la plate-forme inter-collectivités autour du projet du sentier d’Abraham permet donc, grâce aux co-financements des différents acteurs sollicités, d’aboutir à un budget 1,2 millions d’euros. D’après le budget prévisionnel du projet établi par le consortium AFRAT/Tétraktys la répartition des financements est réalisée de la manière suivante (voir le diagramme suivant).

Figure 13 : Répartition des financements du projet du chemin d’Abraham.

Pour les collectivités qui ont rejoint la plate-forme, les motivations sont quasiment les mêmes pour toutes. L’intérêt formulé par les collectivités à rejoindre la plate-forme de coopération autour du projet du sentier d’Abraham réside dans la volonté d’inscrire les actions qu’elles développent actuellement avec

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leurs collectivités partenaires dans un cadre plus large Les collectivités s’inscrivent dans la recherche d’une réelle cohérence territoriale des actions menées. Si chaque collectivité interrogée considère que le projet du sentier d’Abraham peut être un atout pour le développement local des territoires qu’il traverse, quelques interrogations quant à la mise en place de la plate-forme ont été exprimées. Si, à ce jour, la plate-forme de coopération s’est progressivement mise en place autour de la réalisation du dossier de demande de financement déposé à l’AFD, les partenaires palestiniens des collectivités françaises impliquées dans le projet ne se sont pas encore rassemblés pour mettre en œuvre, de manière cohérente les actions développées au sein de la plate-forme. Il n’y a donc pas eu, à ce jour, de validation politique et technique collective comme cela est le cas en France. Pour que la plate-forme mutualisée se mette en place du côté palestinien, il est donc important que le processus soit amorcé d’une part, par chaque collectivité française, en mobilisant son homologue palestinien sur cette question, d’autre part que les premières réunions avec l’ensemble des collectivités palestiniennes partenaires prennent place.

Le Gouvernorat de Bethléem devrait, de manière logique, être à l’initiative de cette dynamique de rassemblement. Dans tout projet de mutualisation, même si le management des projets doit se faire de manière non hiérarchique, il est nécessaire qu’un leader impulse les dynamiques. Côté français, c’est le cas avec le Conseil général de l’Isère qui anime la relation inter-collectivités.

D’après le plan d’action de la première année du projet54, réalisé par le consortium AFRAT/Tétraktys, d’ici le mois d’octobre 2013 les premiers comités de pilotage du projet devraient avoir lieu ainsi que la signature des conventions pour ce programme multi-acteur. L’animation générale de la plate-forme sera assurée par les associations portant le projet, telles le consortium AFRAT/Tétraktys pour le côté français et l’association Masar pour le côté palestinien. Bien que l’animation soit assurée par un acteur non institutionnel, les collectivités palestiniennes et plus particulièrement les trois gouvernorats (Hébron, Jéricho et Bethléem) n’ont pas pour habitude de travailler ensemble et de manière coordonnée sur des programmes communs. De plus, les collectivités palestiniennes sont parfois très réticentes à l’idée de travailler avec les villes et villages situées sous autorité israélienne (zone C) en raison des nombreuses difficultés que cela implique.

Enfin, à ce jour, les collectivités interrogées ne considèrent pas toutes, qu’une réelle plate-forme de coopération existe vraiment. Certaines collectivités préfèrent parler « d’un cadre de mutualisation » puisqu’il est pour l’instant seulement visible en France, à travers la démarche de co-financement établie pour obtenir les subventions pour le projet.

54 Voir en annexe le plan d’actions de la première année du programme de développement rural en Palestine.

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3. Exemples d’expériences de plates-formes par thématique ou par territoire d’action

Les groupes pays et groupes thématiques de Cités Unies France

Les plates-formes proposées par CUF sont des regroupements de collectivités qui interviennent dans le champ de la coopération internationale. Il s’agit de « groupes pays » ou de « groupes thématiques » permettant aux acteurs d’échanger et de communiquer sur leurs expériences en matière de coopération55. Ces groupes sont des lieux d’échanges d’informations et d’expériences entre les collectivités qui interviennent, à l’international, dans le cadre de coopérations. Ces groupes sont présidés par un élu, expérimenté dans le domaine de la coopération décentralisée, secondé par une cellule de coordination représentée par un membre de CUF. Ces deux acteurs définissent ensemble le plan de travail du groupe et l’anime.

De manière plus spécifique, les groupes-pays et groupes thématiques sont ouverts à toutes les régions, départements, communes ou encore aux inter-communalités adhérentes à Cité Unies France. Ils permettent aux collectivités, en se regroupant, de mieux situer leurs actions par rapport à ce qui se développe au sein d’autres coopérations, et de bénéficier des conseils des collectivités engagées sur les mêmes territoires ou thématiques d’action. Les groupes permettent également de faire émerger de nouvelles coopérations grâce à la mise en réseau qui en découle.

Les groupes pays de Cités Unies France jouent souvent un rôle, direct ou indirect dans l’organisation de « rencontres pays », tel que les assises de la coopération décentralisée, qui se déroulent régulièrement en France ou à l’étranger. Ces rencontres sont organisées avec le soutien du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) (au titre de la convention qui lie CUF au MAEE) : il permet aux groupes pays de bénéficier d’un soutien financier de la Délégation pour l’Action extérieure des collectivités territoriales (DAECT). Ces rencontres permettent de rassembler les collectivités et leurs partenaires, de capitaliser les expériences et d’informer les partenaires des coopérations naissantes des autres actions menées sur le territoire sur lequel porte l’évènement.

Le Conseil général de l’Isère, membre de Cités Unies France, participe régulièrement aux rencontres par pays, au titre de ses coopérations avec la Palestine, l’Arménie, le Sénégal, l’Algérie et le Maroc. Néanmoins, le Conseil général de l’Isère participe, de manière moins active, aux groupes thématiques compte tenu de la redondance des sujets abordés lors de ce type de rencontres.

55 En annexe figure la liste des groupes pays et groupes thématiques constitués sous l’impulsion de Cités Unies France.

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La plate-forme IRAPA : un cadre de mutualisation thématique autour du tourisme en Arménie

Mise en place de la plateforme

La plate-forme s’est tout d’abord mise en place de manière informelle. En effet, les techniciens des villes de Vienne, Romans, Grenoble et du Conseil général de l’Isère se connaissaient par le biais de leurs diverses actions de coopération internationale et se sont aperçus qu’ils travaillaient sur le même territoire en Arménie.

Collectivité iséroise

Accord de coopération

Collectivité arménienne

Conseil général de l’Isère Préfecture du Guégarkunik

Ville de Grenoble Ville de Sevan

Ville de Vienne Ville de Goris

Ville de Romans-sur-Isère Ville de Vardénis

Figure 14 : Carte de l’Arménie

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Suite à ce constat, les techniciens de ces quatre collectivités iséroises se sont rapprochés et ont commencé à échanger sur la manière de coordonner leurs actions. Les choses se sont peu à peu formalisées en 2007 avec le lancement des premières actions communes dans le domaine du tourisme. Mais c’est en 2010, avec la formulation d’une réponse mutualisée à un appel à projet du MAEE, que s’est réellement mise en place une plate-forme inter-collectivité sur la période 2010-2012. Les actions de la plateforme sur cette période ont été les suivantes :

- L’élaboration d’un guide de la région du Guégharkunik en français, en arménien et en anglais qui a permis de mettre en réseau les acteurs du tourisme arménien, plus particulièrement les offices du tourisme, et de valoriser les territoires, l’artisanat et les productions locales ;

- La formation au guidage des acteurs arméniens de chaque territoire de coopération ; - La réalisation d’un inventaire des besoins en signalétique pour les touristes ; - Un travail sur la réalisation de cartes touristiques (pas encore imprimées) ; - L’élaboration d’un portail internet de développement touristique en Arménie (PIDA) (en cours de

réalisation).

En 2010 à Erevan, à l’occasion des premières Assises de la coopération décentralisée franco-arménienne, a été signée une Charte de développement touristique par les collectivités présentes lors de ces assises, et actives dans ce domaine. Cette charte a pour vocation de promouvoir les bonnes pratiques en termes de tourisme responsable et durable en Arménie.

Le mode de fonctionnement de la plate-forme

Les acteurs de la plate-forme sont essentiellement mutualisés sur leurs actions en matière de tourisme. Dans les domaines de la francophonie et de la santé les quatre coopérations poursuivent leurs actions de manière individuelle tout en tenant informés les partenaires de la plate-forme de leurs avancées.

Pour les actions en matière de tourisme, les quatre partenaires arméniens et les quatre partenaires français construisent ensemble leurs actions. Cela s’est traduit, en 2012, par la signature de conventions entre chacune des collectivités de la plate-forme et l’AFRAT, qui travaillait, à l’origine, seulement avec le Conseil général de l’Isère et la Ville de Grenoble sur la thématique du tourisme en Arménie. C’est ainsi que, pour que les quatre collectivités françaises travaillent ensemble et harmonisent leurs actions, le choix a été fait de conventionner un seul opérateur.

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La démarche de mutualisation passe également par la coordination des outils de concertation qui ont été mis en place sur la plateforme 2010-1012. En plus des comités de pilotage et de comités de suivi des actions de la plate-forme, d’autres rencontres ont été organisées telles que le deuxième forum franco-arménien sur le tourisme durable en faveur des populations locales qui s’est tenu en décembre 2013 à Autrans en présence des collectivités françaises, de leurs homologues arméniens, et des partenaires associatifs. Ces outils de concertation seront davantage développés sur la plateforme 2013-2015 notamment grâce à la création d’un comité d’orientation qui permettra de réaliser des rencontres plus fréquentes entre acteurs arméniens et isérois. Ces rencontres permettent également de favoriser l’échange entre les acteurs publics arméniens et la société civile qui ne sont pas toujours en lien direct en Arménie.

En pratique, il existe deux sous plates-formes régionales : une en France qui rassemble les acteurs isérois et une en Arménie qui rassemble les acteurs arméniens. La plate-forme côté arménien échange beaucoup par téléphone mais les acteurs se rencontrent peu. Côté français, les acteurs se rencontrent souvent et échangent également régulièrement par téléphone. Si en France les choses fonctionnent très bien car chaque collectivité dépend de sa propre autorité, du côté arménien il existe un réel jeu de pouvoir car les préfectures ont une autorité sur les villes de leur circonscription. De plus, deux préfectures sont représentées du côté arménien, celle du Guégharkunik et celle du Sunik, il arrive donc qu’il y ait des difficultés lorsqu’il s’agit de trouver un terrain d’entente.

Les difficultés rencontrées par la plate-forme

Si la plate-forme permet de gagner en visibilité car des projets plus importants peuvent être menés, cela peut également engendrer des « frustrations » de la part des collectivités qui peuvent avoir la sensation de voir leur action diluée au sein du projet global. La perte de visibilité individuelle de l’action d’une collectivité peut dans certains cas être mal vécue. Il faut donc veiller à ce que chaque territoire soit mis en avant autant que les autres. Selon Mary Gely, chargée de mission au service coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère, il faut trouver la juste mesure pour «[…] faire

des choses ensemble tout en gardant la visibilité et lisibilité de chacun, de ses actions, de l’argent qu’il y

met, etc. ».

Bien que l’ensemble de la plate-forme se réunisse au moins une fois par an, que les techniciens et politiques des deux pays parviennent à se rencontrer et que les techniciens se retrouvent aussi souvent que possible, il faudrait, dans l’idéal, plus de rencontres. Néanmoins, les acteurs de la plate-forme ne disposent pas des moyens financiers nécessaires.

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Enfin, la coordination peut être un réel problème sur ce type de plate-forme où les acteurs n’ont pas l’occasion de se rencontrer aussi régulièrement que nécessaire. En réponse à cette difficulté, l’AFRAT a été mandatée sur la plateforme 2013-2015 pour assurer la coordination des actions en matière de tourisme sur les territoires.

Les perspectives de la plate-forme pour la période 2013-2015

Sur la période 2013-2015 la plate-forme s’est élargie avec l’arrivée de deux nouveaux partenariats bilatéraux. Ainsi, les Villes de Décines-Charpieu (Département du Rhône) et de Sassenage (Département de l’Isère) et leurs homologues arméniens respectifs de Stepanavan et Gavar ont participé à l’élaboration de la réponse à l’appel à projet du MAEE pour la période 2013-2015. Cet élargissement va permettre de mutualiser encore davantage les actions en matière de tourisme en Arménie même si à ce jour l’engagement de ces nouvelles collectivités porte sur un an.

Les actions prévues pour 2013-2015 s’inscrivent dans la continuité de celles menées en 2010-2012. Il s’agit de :

- Favoriser l’émergence de nouveaux offices du tourisme et de points d’informations touristiques ; - Favoriser la mise en lien entre les offices du tourisme et les différents acteurs touristiques

notamment par le biais de formations ; - Continuer le travail d’inventaire dans l’idée de réaliser un nouveau guide touristique ; - Imprimer les cartes touristiques et les diffuser ; - Réaliser et mettre en place la signalétique ; - Terminer le portail internet de développement touristique.

Un forum sur le développement touristique en Arménie sera organisé en 2014-2015 pour faire un point sur les actions de la plate-forme en 2013-2015.

La plate-forme sur l’Arménie est aujourd’hui réellement reconnue dans le domaine de la coopération. Lors de sa participation aux assises et forums de la coopération décentralisée franco-arménienne il n’est pas rare que la plate-forme interviennent ou anime des ateliers sur la question de la mutualisation. La mutualisation des actions dans le champ du patrimoine et du tourisme parait nécessaire dans la mesure où la coordination a énormément d’importance sur cette thématique. En effet, en matière de tourisme les actions doivent s’intégrer dans une stratégie à une échelle plus large que le micro-territoire. Si chaque territoire doit pouvoir être acteur de son propre développement touristique, la mise en réseau

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parait nécessaire dans la mesure où elle permet de ne pas agir de manière cloisonnée et de favoriser les échanges. Développer une stratégie commune permet de valoriser chaque territoire en fonction de ses spécificités et favoriser une certaine stabilité économique. Néanmoins, certains obstacles restent difficiles à contourner tels que les relations de pouvoir entre collectivités, les conflits d’intérêt, la distance géographique entre les différents acteurs ou encore des pratiques différentes liées au contexte.

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C. Préconisations pour l’avenir de la plateforme

Les deux sous-parties précédentes se sont attachées à montrer l’intérêt que peut avoir la mise en place d’une plate-forme inter-collectivités autour d’une thématique ou d’un programme d’action commun. Elles ont également permis d’identifier certaines limites qui entravent le bon fonctionnement du processus de mutualisation et qui peuvent à terme représenter un obstacle au bon déroulement des actions mises en œuvre.

A travers les divers entretiens menés auprès des acteurs français de la plate-forme de coopération naissante développée autour du projet du sentier d’Abraham certaines réflexions ont émergé. Les obstacles révélés dans la sous-partie précédente ont permis de s’interroger sur :

- Le rôle de la plate-forme autour de projet de développement rural par le biais d’un tourisme durable. Si à ce jour la plate-forme s’est principalement constituée autour de la réalisation du dossier de financement déposé à l’Agence française de développement, on peut penser que sa vocation première est avant tout une mutualisation financière. Or, la plate-forme a pour vocation de rassembler les partenariats de coopération franco-palestinienne autour d’un projet commun de développement des territoires situés le long du sentier, ce qui inscrit le rôle de la plate-forme dans une logique de coordination.

- La démarche de mutualisation et le travail entre acteurs autour d’un objectif collectif peut être vecteur de conflits d’intérêt. Si en France la démarche de mutualisation est encore relativement récente, celle-ci n’est quasiment pas pratiquée dans certains pays, l’habitude d’un travail cloisonné peut donc constituer un frein au travail d’une plate-forme de coopération bilatérale.

- La place des populations et des acteurs locaux dans le processus de concertation initié au sein du projet. La plate-forme de coopération est un espace d’échange et de réflexion autour du sentier d’Abraham en Palestine et de ses lignes directrices, le rôle des populations locales dans le processus de décision de la plate-forme mérite donc d’être interrogé.

Les propositions formulées dans cette partie s’inspirent notamment des discussions entretenues lors des entretiens56 effectués dans le cadre de ce mémoire.

56 Liste des entretiens en annexe

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1. Renforcer le rôle de chaque acteurs (élu, technicien, opérateur, population locale) et privilégier une évaluation externe des actions

L’objectif du projet développé autour du sentier d’Abraham, dans la portion Sud de l’itinéraire, est de construire un projet collectif qui rassemble trois territoires à travers les Gouvernorat de Hébron, Jéricho et Bethléem. On peut donc considérer qu’il s’agit d’un projet interterritorial. Entrent donc en jeu la question de la relation entre les territoires et les différents acteurs que les composent. Bien que le contexte ne soit pas le même en Palestine qu’en France, le travail de Martin Vanier, géographe et professeur à l’Institut de Géographie Alpine de l’Université Joseph Fourier de Grenoble, montre qu’il est nécessaire dans ce type de projet de travailler au renforcement de l’efficacité des liens entre élus, techniciens et citoyens.

Le projet du sentier d’Abraham n’est pas un projet né en Palestine. Il s’agit d’un projet initié par des chercheurs américains, lesquels ont ensuite créé une association, Abraham Path Initiative, pour élaborer le projet à l’échelle des cinq pays traversés. Une association spécifique, Masar, a ensuite été créée en Palestine pour mettre en œuvre le sentier sur ce territoire. Si les collectivités et les habitants ont progressivement été intégrés au projet il ne s’agit en aucun cas d’un projet à l’initiative des acteurs locaux. La question de leur implication au sein du projet est donc indispensable pour son appropriation.

Si le noyau dur de la plate-forme est constitué par les collectivités et les opérateurs franco-palestiniens partenaires du projet, la question de l’implication et de la représentation des populations bénéficiaires du projet se pose.

L’association Masar s’occupe au quotidien de la coordination et du suivi du projet sur place. Masar et les opérateurs français se rendent sur le terrain et servent de relais entre les populations locales (guides, coopératives de femmes, habitants, etc.) et la plate-forme (techniciens et élus des collectivités partenaires). Les associations telles que Masar, l’AFRAT et Téraktys doivent donc garder leur rôle de coordinateur et assurer le suivi de l’action mais il est nécessaire que les collectivités se sentent réellement investies et impliquées dans la structuration du projet.

Une piste de réflexion pourrait être la création de points d’informations dans les villes et villages traversés par le projet du sentier d’Abraham destinés aux habitants. Le but de ces points d’informations serait de partager les données du projet de manière à garantir une certaine transparence autour des actions et décisions. On pourrait imaginer des relais locaux dans les différents villages chargés de mettre à disposition des habitants l’ensemble des informations (cartes, tracés, objectifs, calendriers de réalisation) concernant le projet. Les populations pourraient ainsi avoir la possibilité de se tenir informées du projet au fur et à mesure de son avancée ; un représentant local pourrait être chargé de

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rassembler les réactions et les faire remonter aux opérateurs ; la plate-forme informée serait ainsi reliée aux territoires.

Enfin, une évaluation externe du projet et du rôle de la plate-forme pourrait permettre aux acteurs de prendre du recul par rapport à leurs actions et à leur impact sur les territoires et les populations locales. Il pourrait être intéressant de déléguer l’évaluation à un binôme d’experts franco-palestiniens à l’issu des trois premières années du projet. Cette évaluation permettrait de recadrer les objectifs en fonction de ses conclusions.

2. Définir le rôle de la plate-forme

En France, la démarche de mutualisation, entre et au sein, des collectivités est un processus engagé depuis le début des années 2000 seulement. Cette dynamique est reconnue, sécurisée et encouragée depuis la réforme des collectivités territoriales de 2010. Aujourd’hui, Selon Alain Lambert, co-signataire du rapport sénatorial de 2011 sur la mutualisation des moyens des collectivités, « La

mutualisation est à l'efficacité de l'action publique locale ce que la reine est aux échecs : sans être

formellement obligés de s'en servir, les acteurs ne peuvent sérieusement espérer atteindre leur but

sans elle ».

La mutualisation est donc un outil destiné à mettre en commun des ressources, des compétences et des moyens autour d’un projet commun de territoire. Cependant, la mutualisation est encore aujourd’hui un processus qui peine parfois à se mettre en place au sein des collectivités françaises compte tenu des changements que cela implique en matière d’organisation et de jeu d’acteurs.

Dans le domaine de la coopération internationale et plus particulièrement au sein de la coopération décentralisée, les conflits d’intérêt, le positionnement et le rôle de chaque acteur sont des obstacles récurrents dans les projets de coopération de manière générale. En effet, le rôle de la coopération décentralisée est d’accompagner les acteurs locaux dans le renforcement de leurs capacités néanmoins certains déséquilibres peuvent apparaitre d’un côté ou de l’autre lorsque la place de chaque acteur n’est pas clairement définie. Dans le cadre d’un projet qui mutualise plusieurs acteurs, ces différents obstacles peuvent se trouver car il y a de fait beaucoup plus d’intérêts personnels qui entrent en compte. Il peut ainsi s’avéré encore plus difficile de gérer ce type de projet mutualisés.

On peut donc facilement comprendre que la mise en place d’une plate-forme de coopération inter-collectivités s’intégrant dans une dimension internationale puisse comporter son lot d’obstacles et d’incertitudes quant à sa mise en place et son fonctionnement. Nous avons pu voir à travers ce mémoire les difficultés rencontrées sur les territoires en Palestine compte tenu du contexte géopolitique.

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Le travail entre collectivités mais également entre les collectivités et la société civile n’est pas une habitude notamment dans la zone C où tout est contrôlé par l’autorité israélienne.

Ainsi, pour que la plate-forme se mette également en place en Palestine et que les acteurs français et palestiniens puissent travailler ensemble de manière coordonnée, il semble important de travailler en profondeur sur la mise en place de cette plate-forme. Il pourrait donc être intéressant de définir de manière approfondie le rôle de la plate-forme, de chaque acteur qui la compose et de l’intérêt de sa mise en place. L’ensemble des acteurs de la plate-forme doit en comprendre l’objectif et être convaincu de sa nécessité. Il pourrait donc être intéressant d’initier une réflexion entre les membres de la plate-forme sous forme de groupes de travail lors des rencontres organisées pour réfléchir sur l’élaboration d’un texte fondateur.

L’élaboration de ce texte fondateur aurait pour but d’amener chacun à réfléchir sur les raisons qui les amènent à travailler ensemble et sur la manière de le faire. La participation de chaque acteur à cette réflexion lui permettrait de prendre conscience de l’intérêt de la plate-forme autour du projet du sentier d’Abraham et d’unir les moyens techniques, financiers et humains pour servir l’intérêt général. Les signataires de ce texte fondateur seraient ainsi co-producteurs permettant à chacun de manifester l’intérêt de la structure qu’il représente envers le projet tout en intégrant la nécessité d’un travail en commun au service d’une action interterritoriale.

L’expérience développée au sein de la plate-forme du tourisme en Arménie (voir partie 3 B.3) et les différents entretiens menés ont permis de comprendre le nécessité de se mettre au niveau des acteurs partenaires et de leurs moyens pour que la mutualisation fonctionne. Si en France, la mise en place d’un processus de mutualisation peut se faire de manière relativement rapide, ce n’est pas toujours le cas sur les territoires de coopération. Il est donc important d’accompagner le processus de mutualisation pour que chaque acteur qui en prend part se l’approprie. Cela parait être une condition pour le bon fonctionnement du projet et à sa pérennisation. En effet, la dynamique développée au sein du projet du sentier d’Abraham s’inscrit dans une démarche de construction interterritoriale. Sans une réelle appropriation du concept de mutualisation par les différents acteurs du projet et plus particulièrement par les acteurs institutionnels palestiniens il parait difficile d’envisager la pérennité de l’action lorsque les opérateurs et animateurs de la plate-forme se retireront progressivement. La plate-forme de coopération autour du projet du sentier d’Abraham doit donc avoir notamment comme but de renforcer les compétences des collectivités palestiniennes en matière de mutualisation et de favoriser le dialogue entre les acteurs institutionnels et la société civile.

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Conclusion

Le patrimoine est depuis de nombreuses années au cœur des enjeux et des stratégies de développement dans de nombreux pays du Monde. C’est en Europe que l’on retrouve la plus longue expérience en matière de préservation et de conservation du patrimoine. Les pays européens ont été parmi les premiers à développer une expertise, des outils, des politiques et un cadre législatif en la matière. Cette expertise et cette expérience est aujourd’hui régulièrement sollicitée à l’international notamment dans le cadre de coopérations décentralisées. En France, les projets de coopération dans le domaine du patrimoine sont appuyés par le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) qui leur apporte un appui spécifique grâce aux cofinancements mis en œuvre par la Délégation pour l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales (DAECT). De nombreuses collectivités sont donc engagées à l’international sur des projets de coopération patrimoniale. Les collectivités françaises possèdent des compétences multiples en la matière mais mobilisent également des opérateurs externes, en fonction des savoir-faire spécifiques nécessaires dans le cadre des projets auxquels elles participent. La France possède ainsi un réseau d’acteurs compétents régulièrement mobilisé dans le cadre de coopérations internationales.

Si la valorisation du patrimoine ne constitue pas toujours le cœur des projets de coopération, elle s’y intègre très souvent de fait dans de nombreux programmes qui concernent la valorisation de la culture, de l’environnement ou encore la promotion d’un tourisme durable et responsable. La valorisation du patrimoine peut ainsi être perçue comme un levier de développement pour les territoires souhaitant mettre en avant leurs particularités locales et bénéficier des retombées économiques qui en découlent. Néanmoins, pour combiner valorisation du patrimoine local et développement il est nécessaire de s’inscrire dans une démarche de durabilité. Si de nombreux pays choisissent de s’appuyer sur la valorisation de leur patrimoine pour développer un tourisme culturel, il semble nécessaire d’accompagner ce développement pour que le tourisme reste une source de revenus complémentaires. Il s’agit donc avant tout de développer les activités existantes telles que l’artisanat pour accompagner le développement touristique mais aussi de former les acteurs à l’accueil. Le projet développé en Palestine autour du sentier d’Abraham illustre bien cette volonté de développer un tourisme respectueux des ressources et de la culture locale. Le projet a pour volonté de placer les habitants au cœur du processus de développement en les formant à l’accueil touristique.

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L’étude du projet du sentier d’Abraham en Palestine a également permis de mettre en avant l’intérêt d’un travail de mutualisation inter-collectivités. La création de plates-formes de coopération inter-collectivités permet d’assurer une cohérence entre les différentes actions menées pour favoriser un développement local durable. Les projets menés de manière conjointe ne sont pas les plus simples à mettre en place et à coordonner, compte tenu des différents obstacles inhérents à un travail mobilisant des acteurs issus de pays et de types de structures différents répondant à une certaine hiérarchie. Il apparait réellement important qu’une adaptation mutuelle se fasse et que, de chaque côté, les partenaires renforcent leur capacité en terme de compréhension interculturelle. Il aurait donc été très intéressant dans le cadre de ce mémoire de pouvoir mener une étude de terrain en Palestine pour :

- rencontrer les acteurs palestiniens de la plate-forme de coopération et avoir leur retour sur le projet et son avancée ;

- mieux comprendre les relations entre acteurs côté palestiniens pour mieux saisir les interactions, les blocages et les conflits d’intérêt ;

- déterminer de quelle manière les populations locales ont intégré le projet et quelles sont leurs motivations.

Enfin, si la coopération décentralisée permet d’appuyer de nombreux projet en matière de valorisation du patrimoine et de culture il apparait néanmoins nécessaire qu’un réel cadre législatif encadre ce type de problématiques. Si l’on reprend l’exemple de la Palestine, il existe une législation en matière de patrimoine mais celle-ci protège seulement les monuments historiques et sites archéologiques. Seule la sauvegarde du patrimoine monumental est donc encadrée. Ce sont donc les collectivités locales et municipalités qui fixent leurs priorités et leurs règles en ce qui concerne la protection des sites dans le cadre de leurs masters plans. Pour que le patrimoine représente un moteur de développement social, culturel et économique, il parait nécessaire qu’il s’inscrive dans les politiques nationales et territoriales.

Il pourrait donc être intéressant de s’intéresser plus largement au rôle que la coopération décentralisée peut avoir en matière d’appui institutionnel (renforcement des capacités des collectivités, appui à l’élaboration de documents de planification, etc.) sur les territoires de coopération ?

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Annexes

Annexe 1 : Liste des entretiens réalisés dans le cadre du mémoire

Annexe 2 : Tableau des recettes du tourisme dans le monde

Annexe 3 : Les « Groupes pays » et « Groupes thématiques » de Cités Unies France (CUF) Annexe 4 : Programme de développement rural en Palestine – Plan d’action année 1

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Annexe 1 : Liste des entretiens réalisés dans le cadre du mémoire

Interlocuteur Fonction/organisme

Jean FLEURY Chargé de mission Direction des relations internationales Conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur

Mary GELY Chargée de mission Service coopération décentralisée Conseil général de l’Isère

Monique MUTH Chargée de mission Direction des relations internationales Ville de Grenoble

Célia PILLARD Chargée de mission coopération décentralisée et relations internationales Ville de Besançon

Raphaël TROUILLER Directeur de l’association de coopération Tétraktys

Martine CHALIGNE Responsable des actions à l’international de l’Association pour la Formation des Ruraux aux Activités du Tourisme (AFRAT)

Françoise GUYOT Association de Solidarité avec les Groupes d’Artisans Palestiniens (SGAP 38)

Philippe GARNIER CRAterre-ENSAG

Jacques SAVINE Chargé de mission SCOT 38 et président de SOS racisme

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90

Annexe 2 : Tableau des recettes du tourisme dans le monde

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Annexe 3 : Programme de développement rural en Palestine – Plan d’action année 1

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94

Annexe 4 : Les « Groupes pays » et « Groupes thématiques » de Cités Unies France

Groupes pays : Amériques Amérique Centrale / Cuba Chili Argentine Brésil Haïti Etats-Unis Mexique

Europe Pologne République tchèque Roumanie Slovaquie Croatie Serbie Albanie Arménie

Asie Vietnam

Japon Inde

Afrique Bénin Burkina Faso Madagascar Mali Mauritanie Niger Sénégal Togo

Méditerranée Afghanistan Algérie Israël Liban Maroc

Palestine Tunisie Turquie

Groupes thématiques :

Jeunesse Développement durable / Climat Achats éthiques Tourisme responsable Eau, assainissement Education à la citoyenneté mondiale Migration et développement Economie Energie Culture

Page 106: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

95

Liste des sigles

AFD : Agence Française de Développement

AFRAT : Association iséroise pour la Formation des Ruraux aux Activités du Tourisme

ANVPAH & VSSP : Association des Villes d’Art et d’Histoire et des Villes à Secteurs Sauvegardées et Protégées

APD : Aide Publique au Développement

API : Abraham Path Initiative

AVAP : Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine

AVEC : Alliance de Villes Européennes de Culture

BEI : Banque européenne d’investissement

CAF: Club Alpin Français

CDEPS : Centres Départementaux d’Education Populaire et Sportive

CERCOOP : Centre de Ressources pour la Coopération décentralisée en Franche-Comté

CIAM : Congrès Internationaux d’Architecture Moderne

CMC : Centre Multimédia Communautaire

CNCD : Commission Nationale de la Coopération Décentralisée

CUF : Cités Unies France

DAECT : Délégation pour l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales

ENSAG : Ecole National Supérieure d’Architecture de Grenoble

FSP : Fonds de Solidarité Prioritaire

GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit / Agence allemande de coopération internationale

ICCROM : International Centre for the Study of the Preservation and Restoration of Cultural Property / Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels

ICOM : International Council of Museums / Conseil International des Musées

ICOMOS : International Council on Monuments and Sites / Conseil International des Monuments et des Sites

MAEE : Ministère des Affaires Etrangères et Européennes

MINEF : Ministère de l’Economie et des Finances

OIM : Office International des Musées

Page 107: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

96

OLP : Organisation de Libération de la Palestine

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

OMT : Organisation Mondiale du Tourisme

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OPC : Observatoire des Politique Culturelles

OVPM : Organisation des Villes du Patrimoine Mondial

PCBS: Palestinian Central Bureau of Statistics

PIDA : Portail Internet de Développement touristique en Arménie

PLU : Plans Local d’Urbanisme

PON : Program On Negotiation / Programme sur la Négociation

PSMV : Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur

PWS: Palestinian wildlife Society

RCDP : Réseau de la Coopération Décentralisée pour la Palestine

RESACOOP : Réseau rhône Alpes d’Appui à la Coopération

RNC : Réserve Naturelle Communautaire

SDN : Société Des Nations

UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature et des ressources

UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization / Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

UNSCOP : United Nations Special Committee on Palestine / Comité Spécial des Nations Unies sur la Palestine

USAID: United States Agency for International Development / Agence des Etats-Unis pour le Développement International

Page 108: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

97

Références bibliographiques

OUVRAGES

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MAGNAGHI, A. Le projet local. Liège : Pierre Mardaga, 2003. 123p. SIGNOLES, A. Le système de gouvernement local en Palestine. Paris : Agence Française de Développement, 2010. 65p.

ARTICLES, PERIODIQUES ET BROCHURES

Altermondes. Revue trimestrielle de solidarité internationale n°33. Colonies en Palestine, l’Europe au pied du mur ! Mars 2013, 49p.

Le Monde diplomatique. Cahier spécial sur le Proche-Orient. Yasser Arafat en dates. Juillet 2002. Consulté en juillet 2013 www.monde-diplomatique.fr

NEYRET, R. Du monument isolé au « tout patrimoine », Géocarrefour [en ligne]vol. 79/3, 2004. Consulté en juillet 2013, http://geocarrefour.revues.org/746

Le Centre du patrimoine mondial honoré du World TourismAward. 20 octobre 2008. Consulté en juillet 2013 : site internet de l’UNESCOhttp://whc.unesco.org

Le Monde Proche-Orient. La Palestine devient membre à part entière de l’Unesco. Octobre 2011.Consulté en juillet 2013 www.lemonde.fr/proche-orient/

Plaquette du Conseil général de l’Isère. La coopération internationale au Conseil général de l’Isère. 2008

Nova magasine.Le journal des agents du Conseil général de l’Isère n°44. Grenoble, avril 2012.

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MEMOIRES ET THESES

DELARBRE, C. La coopération culturelle internationale : l’exemple de la protection du patrimoine architectural de Port Said. Mémoire de master, Institut d’études politiques de Lyon, 2003. 69p.

FOLLEA, E. Coopération décentralisée et développement. Mémoire de master 2, Institut d’Urbanisme de Grenoble, 2000. 254p.

MACHEFER-LARRIVE, E. Tourisme, patrimoine et développement local : entre Orient et Occident – Le cas de Palmyre en Syrie. Mémoire de master 2, Institut d’Urbanisme de Grenoble, 2007. 138p.

PICHON, D. L’action internationale des collectivités locales au service du patrimoine. Mémoire de DESS, Institut d’Urbanisme de Grenoble, 2002. 129p.

POLINI, C. Modalités d’intervention de l’Agence Française de Développement en Zone C des Territoires palestiniens. Mémoire de master 2, Institut d’études politiques de Lyon, 2012. 80p.

RAPPORTS, CONVENTIONS ET CHARTES

Conseil général de l’Isère. Charte de la coopération décentralisée et des relations internationales. 2012.

Convention de coopération décentralisée entre le Gouvernorat de Bethléem en Palestine et le Conseil général de l’Isère en France. 2011.

DE RAINCOURT, H. Troisièmes assises de la coopération décentralisée franco-palestinienne, Discours du Ministre chargé de la coopération,Henri De Raincourt. Hébron : Janvier 2012.

Nations Unies. Assemblée générale-AG 11317, Soixante-septième session, 44e et 45e séances plénières. Ovation debout pour l’accession de la Palestine au statut d’Etat observateur non membre en présence du président Mahmoud Abbas. 2010. Consulté en juillet 2013 www.un.org

POUGNAUD, P. Coopération décentralisée : mutualisation, coordination et synergies. Ministère des affaires étrangères et européennes. 2008. 55p.

TETRAKTYS – AFRAT. Programme de développement rural en Palestine. Accompagnement et structuration du tourisme rural de randonnée en faveur des populations locales autour du sentier d’Abraham, entre Jéricho et Hébron. Grenoble, 2013. 64p.

UITED NATIONS EDUCATIONAL, SCIENTIFIC AND CULTURAL ORGANIZATION.Balanced Urban Revitalization for Social Cohesion and Heritage Conservation.Human Settlements and Socio-Cultural Environment n°60.Report of the UNESCO International Seminar, Tsinghua University.Paris, 2008.153p.

DOCUMENTS ELECTRONIQUES

AGENCE FRANÇAISE DE DEVELOPPEMENT. Patrimoine culturel et développement. Paris, 2007. 64p.Consulté en avril 2013,http://www.afd.fr

AGENCE FRANÇAISE DE DEVELOPPEMENT. Plan d’orientations stratégiques 2012-2016. 20p. Consulté en juillet 2013, www.afd.fr

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BANDARIN, F. (Dir.) Patrimoine Mondial – Défis pour le Millénaire. Paris : Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, 2007. 200p. Consulté en mars 2013, http://whc.unesco.org/

Cités Unies France. Synthèse des échanges : Culture & action internationale des collectivités territoriales. Toulouse, 2013. 13p. Consulté en juillet 2013, www.cites-unies-france.org

Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) pour le Ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme.Mémento du tourismeédition 2012. 158p. Consulté en aout 2013, http://www.dgcis.gouv.fr

LAIGNEL, A. Rapport sur l’action extérieure des collectivités territoriales françaises. Nouvelles approches…Nouvelles ambition. Ministère des Affaires Etrangères. Paris, 2013. 87p. Consulté en juin 2013,www.diplomatie.gouv.fr

Plaquette de présentation, Convention France-Unesco pour le patrimoine – des savoir-faire français au service du patrimoine. Consulté en aout 2013, http://whc.unesco.org

DOCUMENTS VIDEOGRAPHIQUES

BITTON, J.M. et S. Palestine, histoire d’une terre. Documentaire. France, 1993.

SITES INTERNET

Site internet de Cités Unies France. Présentation de la coopération décentralisée franco-palestinienne. Consulté en juillet 2013,www.cites-unies-france.org Site internet de France Diplomatie. La France et les Territoires palestiniens. Consulté en juillet 2013, www.diplomatie.gouv.fr

Site internet de France Diplomatie. Texte de l’Appel à projets 2013. Consulté en juillet 2013, www.diplomatie.gouv.fr

Site internet de l’Institut international des musées ICOM. Consulté en juillet 2013, http://icom.museum/

Site internet de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Textes Normatifs. Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire. 1989. Consulté en juillet 2013, http://portal.unesco.org

Site internet de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Textes Normatifs. Convention pour la promotion de la diversité des expressions culturelles. 2005. Consulté en juillet 2013, http://portal.unesco.org

Site internet de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature UICN. Consulté en juillet 2013, http://www.iucn.org

Site internet des archives de France. Création des parcs nationaux. Consulté en juillet 2013, http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr

Site internet des Nations-Unies. La question de la Palestine – Plan de partage et la fin du mandat britannique. Consulté en juillet 2013, www.un.org

Page 111: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

100

Site internet du Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels ICCROM. Consulté en juillet 2013, http://www.iccrom.org

Site internet du projet European Haritage.Net. Consulté en juillet 2013, www.cultivate-int.org

Site internet Europa, synthèses de la législation de l’UE. Consulté en juillet 2013,http://europa.eu

Unesco. Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Paris, 2003. Consulté en juillet 2013, http://unesdoc.unesco.org

Page 112: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

101

Table des illustrations

Figure 1 : Musée Skansen de Stockholm ............................................................................................... 11

Figure 2 : Inventaire du patrimoine. Coopération entre Lille Métropole et Saint-Louis (Sénégal) ........... 31

Figure 3 : El-Jem (Tunisie) ..................................................................................................................... 32

Figure 4 : Affiche du festival « Lafi Bala » de Chambéry ........................................................................ 32

Figure 5 : Carte de l’empire ottoman au XVIIème siècle .......................................................................... 45

Figure 6 : Découpage issu des accords Sykes-Picot (1916) .................................................................. 47

Figure 7 : Carte de Julien Boussac « L’Archipel de Palestine orientale ................................................. 55

Figure 8 : La Palestine et ses territoires occupés ................................................................................... 57

Figure 9 : Tracé du Chemin d’Abraham ................................................................................................. 66

Figure 10 : Itinéraire palestinien du Chemin d’Abraham ........................................................................ 67

Figure 11 : Tracé du sentier d’Abraham entre Nablus et Hébron ........................................................... 68

Figure 12 : Schéma des acteurs du projet du sentier d’Abraham ........................................................... 71

Figure 13 : Répartition des financements du projet du chemin d’Abraham. ........................................... 74

Figure 14 : Carte de l’Arménie ............................................................................................................... 77

Page 113: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

102

Table des matières Sommaire ................................................................................................................................................. 1

Remerciements ........................................................................................................................................ 4

Introduction .............................................................................................................................................. 5

Partie 1 : La prise en compte du Patrimoine à l’international et son intégration progressive dans la coopération décentralisée pour un développement intégré des territoires. .............................................. 9

A. La prise en compte et la reconnaissance du patrimoine à l’international .................................. 10

1. Définitions de la notion de patrimoine ................................................................................... 10

Des considérations nées en Europe ......................................................................................... 10

Du patrimoine architectural au patrimoine urbain ...................................................................... 11

Intégration de la nature et du patrimoine immatériel ................................................................. 12

Un intérêt renouvelé pour le patrimoine .................................................................................... 14

2. Des engagements et des acteurs internationaux pour la reconnaissance du patrimoine ..... 15

Les engagements internationaux en matière de patrimoine ...................................................... 15

Les acteurs internationaux de la protection du patrimoine ........................................................ 18

L’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) ..... 18

L’Organisation des Villes du Patrimoine Mondial (OVPM) .................................................... 18

Le Conseil international des musées (ICOM) ....................................................................... 19

Le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) ............................................................................................................................. 19

Le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) ......................................... 20

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et des ressources (UICN) ........... 20

3. La place de la question patrimoniale dans la coopération bilatérale de la France ................ 21

Les relations entre la France et les organisations internationales et européennes dans le domaine du patrimoine .............................................................................................................. 22

Les dispositifs d’accompagnement mis en place ...................................................................... 22

Les appels à projets du ministère des affaires étrangères .................................................... 23

L’appui aux projets de développement de l’Agence Française de Développement .............. 23

B. Le Patrimoine au cœur des politiques de coopération décentralisée ........................................ 24

Page 114: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

103

1. Vers une interaction entre patrimoine et développement : le patrimoine au service du développement............................................................................................................................... 24

2. Le processus d’intégration de la question patrimoniale dans les initiatives des collectivités 25

La convention France-Unesco pour le patrimoine ..................................................................... 25

L’appui de Cités Unies France pour le développement de coopérations dans le domaine du patrimoine ................................................................................................................................. 26

3. Les acteurs nationaux qui interviennent dans le champ du patrimoine ................................. 28

Les compétences des collectivités territoriales en matière de patrimoine ................................. 28

Un réseau de professionnels et de structures compétentes en matière de patrimoine ............. 29

4. Etat des lieux de la coopération décentralisée dans le champ du patrimoine ....................... 30

Les différents types d’actions de coopération décentralisée en matière de patrimoine ............. 31

Les Obstacles et limites de la coopération dans le domaine du patrimoine .............................. 32

Partie 2 : Le Conseil général de l’Isère : une expertise dans le domaine du patrimoine au service de la coopération internationale et de nouvelles perspectives d’intervention en Palestine. ............................ 36

A. Les actions du service coopération décentralisée du Conseil général de l’Isère en matière de patrimoine à l’international ................................................................................................................. 37

1. Historique de la coopération décentralisée du Conseil Général de l’Isère et philosophie de l’action dans le champ du patrimoine ............................................................................................. 37

Les évolutions de l’action internationale des collectivités territoriales ....................................... 37

Historique de la coopération du Conseil général de l’Isère ....................................................... 38

Les différents champs d’intervention de la coopération décentralisée du Conseil Général de l’Isère ........................................................................................................................................ 40

2. Les actions du Conseil général de l’Isère sur ses territoires de coopération en matière de patrimoine ...................................................................................................................................... 40

En Algérie ............................................................................................................................. 41

En Arménie ........................................................................................................................... 41

Au Sénégal ........................................................................................................................... 41

Au Maroc .............................................................................................................................. 43

En Palestine ......................................................................................................................... 43

B. Le cas particulier de la coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem en Palestine : vers une interaction entre patrimoine et développement. ............................ 45

1. Une histoire dont l’impact est toujours prégnant et conditionne la réussite des projets ........ 45

Page 115: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

104

Les relations Israël-Palestine : d’hier à aujourd’hui ................................................................... 45

L’empire Ottoman ................................................................................................................. 45

La naissance du sionisme .................................................................................................... 46

La première guerre mondiale ................................................................................................ 46

Le mandat britannique .......................................................................................................... 48

Du vote des Nations-Unies à la signature d’un armistice ...................................................... 49

De la guerre des six jours à aujourd’hui ................................................................................ 50

L’impact de l’histoire sur les Territoires palestiniens aujourd’hui ............................................... 52

2. Le cadre de coopération entre la France et les Territoires palestiniens et plus particulièrement entre le Conseil général de l’Isère et le Gouvernorat de Bethléem. ..................... 58

La coopération française et les Territoires palestiniens ............................................................ 58

La coopération bilatérale entre la France et les territoires palestiniens ................................ 58

La coopération décentralisée entre les collectivités françaises et les territoires palestiniens 59

La coopération du Conseil général de l’Isère avec le Gouvernorat de Bethléem ...................... 59

Une sollicitation de l’Etat français ......................................................................................... 60

L’appui du comité de pilotage Grenoble-Isère-Bethléem pour la mise en œuvre de la coopération ........................................................................................................................... 61

Partie 3 : La plate-forme : un outil de mutualisation au service de l’action ............................................. 64

A. Le sentier d’Abraham : un projet de valorisation du patrimoine à travers le développement d’un tourisme rural durable de randonnée. ................................................................................................ 65

1. Un projet initié par l’université d’Harvard .............................................................................. 65

2. La mise en place du projet .................................................................................................... 67

3. Objectifs et état d’avancement du projet ............................................................................... 69

4. Les acteurs impliqués dans le projet ..................................................................................... 70

B. La mise en place d’une plateforme inter-collectivités autour du sentier d’Abraham .................. 72

1. Une démarche de mutualisation appuyée par l’Etat français ................................................ 72

2. La mise en place de la plate-forme autour du projet du sentier d’Abraham et l’intérêt des collectivités partenaires à joindre ce processus ............................................................................. 73

La mise en place d’une plate-forme de coopération inter-collectivités pour mutualiser les ressources ................................................................................................................................ 73

Page 116: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine

105

L’intérêt des collectivités à intégrer la plate-forme de coopération inter-collectivité du sentier d’Abraham ................................................................................................................................. 74

3. Exemples d’expériences de plates-formes par thématique ou par territoire d’action ............ 76

Les groupes pays et groupes thématiques de Cités Unies France ........................................... 76

La plate-forme IRAPA : un cadre de mutualisation thématique autour du tourisme en Arménie 77

Mise en place de la plateforme ............................................................................................. 77

Le mode de fonctionnement de la plate-forme...................................................................... 78

Les difficultés rencontrées par la plate-forme ....................................................................... 79

Les perspectives de la plate-forme pour la période 2013-2015 ............................................ 80

C. Préconisations pour l’avenir de la plateforme ........................................................................... 82

1. Renforcer le rôle de chaque acteurs (élu, technicien, opérateur, population locale) et privilégier une évaluation externe des actions................................................................................ 83

2. Définir le rôle de la plate-forme ............................................................................................. 84

Conclusion ............................................................................................................................................. 86

Annexes ................................................................................................................................................. 88

Annexe 1 : Liste des entretiens réalisés dans le cadre du mémoire .................................................. 89

Annexe 2 : Tableau des recettes du tourisme dans le monde............................................................ 90

Annexe 3 : Programme de développement rural en Palestine – Plan d’action année 1 ..................... 91

Annexe 4 : Les « Groupes pays » et « Groupes thématiques » de Cités Unies France ..................... 94

Liste des sigles ...................................................................................................................................... 95

Références bibliographiques .................................................................................................................. 97

Table des illustrations .......................................................................................................................... 101

Table des matières ............................................................................................................................... 102

Page 117: L'intervention de la coopération décentralisée dans le domaine du patrimoine en Palestine