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SAUT EN HAUTEUR De l'information à l'apprentissage par l'évaluation PAR B. VILLARET La course d'élan est une donnée essentielle dans la réussite d'un saut en hauteur. Toutefois, même chez des athlètes confir- més, les trajets de course varient d'un essai à un autre. On peut également constater, au cours de rencontres telles que celles des champion- nats UNSS, que certains sauteurs ne possè- dent que deux marques, d'autres aucune. Et, cependant, comment préparer une im- pulsion et un franchissement corrects s'il n'existe aucun repère lors de la phase qui précède ? C'est pourquoi, nous nous attachons à ce que nos élèves, une fois qu'ils ont résolu les problèmes d'émotivité liés à la crainte d'une mauvaise réception, structurent leur course d'élan et suppriment ainsi l'aléatoire. APPRENDRE, C'EST ÉVALUER Apprendre est un concept général, l'expliciter à l'élève passe par la formulation suivante : - Que doit-on savoir ? Des objectifs sont proposés. - Quand sait-on ? A quels moments ces objectifs sont-ils atteints ? Notre but est de préparer une impulsion correcte et un franchissement adéquat en ayant structuré, organisé le nombre d'appuis, la vitesse de course et l'angle de la courbe. Pour appréhender ces données, nous nous ap- puyons sur la répétition (30 à 40 sauts par séan- ce) et sur l'évaluation en cours d'apprentissage. Car c'est par l'évaluation que l'on peut connaître ses possibilités et se fixer des objectifs. Notre démarche comprend trois types d'évalua- tion : Une évaluation interactive, qui met en présence les deux acteurs du binôme : l'exécutant et l'ob- servateur coopté au début de cycle qui consigne ses observations critériées sur les tableaux d'éva- luation interactive. Ainsi, à chaque saut, la confrontation de l'obser- vation de l'un et des sensations du sauteur donne lieu à débats. Une évaluation sommative renforçatrice immé- diate par l'enseignant, qui note l'un pour sa réa- lisation motrice (habileté motrice) et l'autre pour la pertinence de son observation-remédiation consignée sur le tableau d'évaluation interactive au cours d'un saut observé au su ou à l'insu des intéressés. Une évaluation renforçatrice différée par l'en- seignant, au travers de la notation à la maison des tableaux d'évaluation interactive 1 ou 2 pour : - le soin apporté à leur tenue, PHOTOS : AUTEUR 64 Revue EP.S n°240 Mars-Avril 1993 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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SAUT EN HAUTEUR

De l'information à l'apprentissage par l'évaluation

PAR B. VILLARET

La course d'élan est une donnée essentielle dans la réussite d'un saut en hauteur. Toutefois, même chez des athlètes confir­més, les trajets de course varient d'un essai à un autre. On peut également constater, au cours de rencontres telles que celles des champion­nats UNSS, que certains sauteurs ne possè­dent que deux marques, d'autres aucune. Et, cependant, comment préparer une im­pulsion et un franchissement corrects s'il n'existe aucun repère lors de la phase qui précède ? C'est pourquoi, nous nous attachons à ce que nos élèves, une fois qu'ils ont résolu les problèmes d'émotivité liés à la crainte d'une mauvaise réception, structurent leur course d'élan et suppriment ainsi l'aléatoire.

APPRENDRE, C'EST ÉVALUER

Apprendre est un concept général, l'expliciter à l'élève passe par la formulation suivante : - Que doit-on savoir ? Des objectifs sont proposés. - Quand sait-on ? A quels moments ces objectifs sont-ils atteints ? Notre but est de préparer une impulsion correcte et un franchissement adéquat en ayant structuré, organisé le nombre d'appuis, la vitesse de course et l'angle de la courbe. Pour appréhender ces données, nous nous ap­puyons sur la répétition (30 à 40 sauts par séan­ce) et sur l'évaluation en cours d'apprentissage. Car c'est par l'évaluation que l'on peut connaître ses possibilités et se fixer des objectifs. Notre démarche comprend trois types d'évalua­tion :

Une évaluation interactive, qui met en présence les deux acteurs du binôme : l'exécutant et l'ob­servateur coopté au début de cycle qui consigne ses observations critériées sur les tableaux d'éva­luation interactive. Ainsi, à chaque saut, la confrontation de l'obser­vation de l'un et des sensations du sauteur donne lieu à débats. Une évaluation sommative renforçatrice immé­diate par l'enseignant, qui note l'un pour sa réa­lisation motrice (habileté motrice) et l'autre pour la pertinence de son observation-remédiation consignée sur le tableau d'évaluation interactive au cours d'un saut observé au su ou à l'insu des intéressés. Une évaluation renforçatrice différée par l'en­seignant, au travers de la notation à la maison des tableaux d'évaluation interactive 1 ou 2 pour : - le soin apporté à leur tenue,

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- l'indice d'activité, c'est-à-dire : le nombre de sauts, - l'indice de réussite, c'est-à-dire le nombre de sauts réussis sur le nombre total de sauts (cf. ta­bleau).

L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT

Le matériel est constitué de trois sautoirs. Les groupes sont formés par niveau : il y en a trois par classe. Plusieurs tâches doivent être effectuées : 4 tâches données, 4 sauts consécutifs avant de changer de rôle. Montée de la barre de 5 cm en 5 cm. A la fin de chaque tâche, il faut marquer la plus grande hauteur franchie à chaque séance. La quatrième tâche consiste à poursuivre l'obser­vation en affinant et en cochant deux, trois cri­tères selon le niveau significatif des tâches pré­cédentes. Les résultats notés sur une fiche permettent à chacun un apprentissage différencié et le retour au critère déficient. L'observation est évolutive, elle comprend trois critères par tâche. 1er niveau : évaluation du saut sur un critère ; 2e niveau : l'évaluation porte sur deux critères lors de chaque saut : 3e niveau : l'évaluation s'effectue en prenant en compte trois critères ; 4e niveau : il s'agit ici de déterminer le critère fonctionnel le plus déficient. Une évaluation relative pondérera la part de l'échec et celle de la réussite, dessinant ainsi le stade de maîtrise du saut à ce moment-là. A chaque niveau, l'attention est portée : - sur la réception : il faut sécuriser l'élève sur ce point en lui donnant les éléments pour le maîtri­ser et donc diminuer l'effet de crainte. - sur la course d'élan : précision des marques qui permet de concentrer l'attention sur l'impulsion. - l'impulsion proprement dite : avec l'avance du pied d'appel, la rotation longitudinale, l'utilisa­tion des segments libres.

OPÉRATIONNALISATION

Niveau 6e-5e

Déroulement de l'exercice

Saut appel 2 pieds joints sans élan de dos à 2 pieds de la barre 1er critère : vision par-dessus l'épaule du point de chute : - projection de la colonne cervicale : hyper ex­tension, - maîtrise de l'affectivité, en dominant la sensa­tion de peur. 2e critère : passage corps cambré : - la crainte a été maîtrisée, car le corps se cambre et ne se met pas en boule. 3e critère : chute sur les épaules : - cela habitue l'enfant à dissocier les différentes chutes : sur les fesses, le dos, les épaules et l'obli­ge à une descente des épaules derrière la barre.

Saut appel un pied, départ arrêté - trajectoire délimitée par 3 plots, - l'enfant doit arriver pied gauche au deuxième plot, - 3 appuis : gauche - droite - gauche entre le deuxième et le troisième plot. Ces trois derniers appuis étant fixés permettent de libérer l'attention pour l'impulsion.

Fiche d'évaluation interactive

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Placement des plots : (cf. schéma 1). 1er critère : appel pied d'impulsion : n'est pas sys­tématique chez le débutant. 2e critère : gauche - droite - gauche à partir du deuxième plot : structuration des trois derniers appuis. 3e critère ; jambe libre lancée vers l'intérieur : - la rotation ne prend pas son origine au sol car cela porterait préjudice à l'impulsion, mais en l'air.

Saut appel un pied, avec course d'élan allongée (cf. schéma 2)

1er critère : course régulièrement accélérée du premier au troisième plot. Structuration spatio-temporelle : fréquence des foulées, longueur des foulées. 2e critère : avance de la jambe d'appel à l'impul­sion. La vitesse acquise par un élan allongé va nécessiter une prise d'avance du pied gauche pour bloquer cette vitesse horizontale et la trans­former en énergie de pesanteur ou hauteur. 3e critère : élévation des épaules. Image symbo­lisant le grandissement. Plus le centre de gravité sera haut au moment de l'envol, plus la hauteur franchie sera grande (toutes choses étant égales par ailleurs). En effet, il est plus facile de sauter 1 m quand on mesure 1 m 60 que lorsqu'on me­sure 1 m 30.

Niveau 4e-3e

Saut appel 2 pieds joints sans élan dos à la barre

1er critère : vision de la barre pendant tout le fran­chissement, afin de contrôler le passage des dif­férents segments au-dessus de la barre. 2e critère : le passage du corps cambré et relâché facilitera l'élévation du centre de gravité. 3e critère : chute sur les épaules : la descente des épaules doit être active derrière la barre pour fa-voriser l'esquive des segments suivants. PH

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Saut appel un pied, gauche - droite - gauche à partir du deuxième plot (cf. schéma 3)

1er critère : la flexion avant le dernier appui en­traîne une prise d'avance de la jambe d'appel et donc un meilleur blocage de la vitesse acquise par une course d'élan plus longue (5 pas). Dans cet exercice, seuls les trois derniers appuis sont structurés à partir de la deuxième balise. Mais la course rectiligne et allongée va permettre une plus grande vitesse d'approche. 2e critère : pied d'appel orienté vers la barre, dans l'axe de la course. Pour un blocage optimal de la vitesse horizonta­le et son transfert en énergie de pesanteur (hau­teur), il faut une force orientée en sens contraire, l'avance de la jambe d'appel y contribue mais ne

suffit pas. La faute typique du débutant est la po­se du pied parallèle à la barre avec la bascule de la cheville sur la malléole interne.

3e critère : descente des épaules derrière la bar­re : les hauteurs devenant plus importantes, il est essentiel d'envelopper la barre. La descente des épaules derrière la barre permet au centre de gra­vité d'être à l'extérieur du corps et au reste du corps, bassin et membres inférieurs, de s'élever.

Saut appel un pied avec légère ouverture de la course d'élan nécessité par la plus grande vitesse

Course structurée du premier au troisième plot, départ arrêté.

1er critère : avance de la jambe d'appel à l'impul­sion. Ceci est permis par la flexion de l'avant-dernier appui. L'avance se prend par rapport à quoi ? Par rapport aux épaules, ce qui est facile­ment visible, mais surtout par rapport au bassin, ce qui relève d'une observation plus fine. 2e critère : marques personnelles : l'enfant doit avoir désormais sa course d'élan structurée du premier au troisième plot. L'emplacement de chaque plot est calculé en pieds. Le départ se l'ait arrêté, toujours avec la même jambe précise en avant sur la marque. L'ouverture de la course est elle aussi calculée en pieds. 3e critère : utilisation des segments libres : l'allè­gement le plus efficace est produit par un bloca­ge à l'horizontale des segments libres à l'impul­sion : cuisse libre, bras.

Conclusion

Les exercices et critères ont été expérimentés pour des hauteurs avoisinant la taille du sauteur ou cinq centimètres de plus ou moins. Au-delà, vont entrer en ligne de compte des facteurs dont nous ne parlerons pas ici : inclinaison intérieure, croisement d'appuis... Apprendre c'est donc évaluer. En permanence le sujet évalue l'autre : apprentissage social. S'éva­luer et évaluer les actions de l'autre : apprentissa­ge interactif. Apprendre c'est s'informer : évaluer c'est trier parmi les informations celles qui sont pertinentes et celles qui ne le sont pas.

Bernard Villaret Professeur d'EPS,

Entraîneur d'athlétisme, Collège Diderot - Alès.

LA NOTATION

Elle sera la somme des évaluations qui suivent. L'évaluation de la performance initiale (EPI.) : qui se référera à un barème : la table Letessier par exemple. L'évaluation en cours de formation (E.C.F.) : qui prend en compte le processus d'apprentissage. L'enseignant note à chaque séance : - l'observation remédiation inter-active de l'observateur. L'exécutant est évalué, dirigé dans ses réalisations suc­cessives par les remarques de son partenaire : le travail s'effectuant par couple ; - l'habileté motrice dans l'exécution du sauteur, qui dé­pend étroitement de l'observation remédiation de son par­tenaire. L'évaluation inter active (E.I.A.) : c'est la transformation de la fiche d'observation en note sur 20 (voir fiche). - chaque critère est affecté de la note 0 ou 2 selon l'échec ou la réussite. - pour ramener le tout à une note sur 20, il suffit de diviser le total des points obtenus par le nombre de sauts multi­plié par 10 : exemple : total des points obtenus 700 1 pour 10 séances nombre de sauts 400 J N/20 = 700x10 = 17,5

400 L'évaluation de la performance finale (E.P.F.) : se ré­férera au barème. La note finale : elle sera la somme des quatre évaluations ramenée sur 20 : E.P.I. + E.C.F. + E.I.A + E.P.F. = N x 20 20 200 20 20 260

Nous avons privilégié l'évaluation du processus d'appren­tissage et non les aptitudes physiques, ce qui heurte ou décourage les élèves dès le départ, en notant les enfants à chaque séance (10 notes au travers de l'évaluation en cours de formation (E.C.F.) par l'enseignant).

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