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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI TRAVAIL DE SESSION PRÉSENTÉ À NICOLE TREMBALY, Ph.D. COMME EXIGENCE PARTIELLE DU COURS TENDANCES ACTUELLES EN ÉDUCATION (3MED805) PAR JO-ANNI JONCAS, MARIE-MICHÈLE BOUCHARD, CAROLINE MOFFET ET JOËLLE DUVAL ARTICLES POUR LA REVUE RIRE 13 AVRIL 2011

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Les trois articles subséquents traitent de l’influence de la culture sur la réussite et la persévérance scolaires. Comment la culture de l’élève, celle de sa famille et celle de l’enseignant s’articulent-elles pour influencer la réussite de l’apprentissage scolaire? Une équipe de quatre étudiantes proposent1) L’influence de la culture de l’élève sur sa réussite scolaire.2) L’influence de la culture de l’enseignant sur la réussite scolaire des jeunes.3) L’influence de la culture familiale sur la réussite scolaire des enfants.

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI

TRAVAIL DE SESSION

PRÉSENTÉ À NICOLE TREMBALY, Ph.D.

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DU COURS

TENDANCES ACTUELLES EN ÉDUCATION (3MED805)

PAR

JO-ANNI JONCAS, MARIE-MICHÈLE BOUCHARD,

CAROLINE MOFFET ET JOËLLE DUVAL

ARTICLES POUR LA REVUE RIRE

13 AVRIL 2011

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Vous trouverez, dans les pages qui suivent, trois propositions d’articles pour la

revue RIRE. Les trois articles nous apparaissaient pertinents, c’est donc pour cette raison

que nous vous les proposons tous. Si le comité de rédaction de la revue n’en choisit

qu’un, nous n’y voyons pas d’inconvénients.

Bonne lecture!

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L’influence de la culture de l’élève sur sa réussite scolaire

Jo-Anni Joncas, étudiante à la maîtrise en éducation, UQACMarie-Michèle Bouchard, étudiante au DESS, UQAC

Expériences scolaires culturellement diversifiées

Notre société est hétérogène. Il est loisible de le constater grâce aux expériences

scolaires des élèves qui restent très diversifiées. Chacun des élèves a en main sa propre

clé pour ouvrir la porte de son destin. Les expériences que l’élève vivra ne sont plus

seulement guidées par l’idéologie macrosociologique de la reproduction sociale, tel

pouvaient le laisser croire les paradigmes structuraliste, fonctionnaliste et conflictualiste

(Charlot, 1997; Dandurand & Ollivier, 1987; Derouet, 2000; Gauthier, 2005; Lahire,

2002). Effectivement, en 2001, avec la mise en application du Programme de formation

de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2008) et tout le bouleversement

paradigmatique qui s’en est ensuivi, l’élève reprend du pouvoir, celui de sa destinée. À

cet égard, Gauthier (2005) propose qu’« il soit donc reproché au schéma de la

reproduction [celui en vigueur jusque dans les années 1990] de soutenir la thèse

implicite d'un élève passif, inconscient ou aliéné, en quelque sorte “possédé” par les

esprits de la structure, et dont le chemin vers la réussite ou l'échec scolaire serait tracé

d'avance selon son origine sociale » (p. 71). Ainsi, la société et le système scolaire ne

peuvent plus s’en remettre exclusivement aux théories de la reproduction sociale. Dans

les écrits de Boudon (1973), de Berthelot (1983), de Touraine (1984) et d’Elias (1991),

la résurgence du pouvoir de l’élève est une thèse qui fait consensus. En effet, il paraît

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plausible pour ces auteurs que l’étudiant a un pouvoir sur son cheminement scolaire, peu

importe sa classe sociale, son héritage culturel, ses moyens financiers, ses « dons » de la

nature, etc. Comme le souligne Berthelot (1983), les élèves doivent être considérés en

tant qu’êtres de socialisation situés, insérés dans un processus de scolarisation afin de

leur redonner existence et conscience. Cet énoncé apparaît tout à fait pertinent lorsque

nous examinons l’exemple de deux frères qui choisissent des parcours de vie opposés :

l’un qui décroche avant la fin de ses études secondaires et l’autre qui termine des études

supérieures. Comme l’avancent Dubet et Martucelli (1996), « c’est à partir de sa position

initiale et du jeu des stratégies disponibles que chaque acteur réalise son parcours

scolaire » (p. 312). Bref, chacun des élèves a un certain contrôle de sa propre expérience

scolaire. À ce sujet, la théorie de la sociologie de l’expérience scolaire de Dubet (1994,

2008, 2009), de même que celle de Dubet et Martucelli (1996) offre un éclairage sur ce

concept.

D’ailleurs, Dubet (1994) définit l’expérience scolaire comme étant une « [...]

notion qui désigne les conduites individuelles et collectives dominées par l’hétérogénéité

de leurs principes constitutifs, et par l’activité des individus qui doivent construire le

sens de leurs pratiques au sein même de cette hétérogénéité » (p. 15). Autrement dit,

l’expérience scolaire réside entre deux tensions. D’une part, la tension de l’emprise du

social sur l’individu qui se traduit par des conduites attendues, des rôles attribués, des

modèles à suivre et, d’autre part, la tension de l’autonomie de l’élève sur sa destinée.

Ainsi, malgré la situation économique et sociale de ses parents, l’élève a un certain

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contrôle et un certain pouvoir en ce qui a trait aux choix et à la revendication de son

autonomie à l’intérieur de son parcours scolaire.

Qui plus est, les élèves que Berthelot (1983) décrit comme des acteurs du

quotidien du jeu social acquièrent leur expérience en suivant des logiques d’actions

différentes. Ces logiques d’actions sont influencées par l’hétérogénéité des principes

culturels et sociaux qui organisent les conduites des individus (Dubet, 1994). Cette

hétérogénéité peut-être expliquée par le fait que les acteurs sociaux vivent désormais

dans plusieurs mondes à la fois : dans leur communauté, leur culture, leurs groupes, ainsi

que dans la culture de masse, le cyberespace, la société de consommation, etc. Cette

hétérogénéité se retrouve à l’école, dans les cours de récréation et dans les salles de

classe. De cette hétérogénéité découlent de nombreux changements au sein du système

éducatif actuel. Par exemple, les enseignants doivent désormais enseigner non plus à un

seul groupe culturel homogène, mais à un groupe d’élèves partageant des cultures

différentes qu’elles soient familiales, religieuses ou ethniques. L’exemple du programme

du cours d’Éthique et culture religieuse (Ministère de l’Éducation, des Loisirs et des

Sports, 2007) illustre bien cette nouvelle hétérogénéité culturelle. Il y a vingt ans, les

cours d’enseignement religieux ou de morale étaient dispensés dans les écoles sans

provoquer de discussion ou de remise en question. Par contre, depuis quelques années, la

laïcisation du système d’éducation, tout comme celle de la société, marque un tournant

sans précédent dans la société et la culture québécoise. Le cours d’éthique s’inscrit donc

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dans un nouveau modèle de société sécularisée. Par conséquent, le parcours scolaire des

élèves du nouveau millénaire répond à une nouvelle demande sociétale.

Il est à noter que ces changements de paradigme ne se font pas qu’au niveau des

organisations, mais également sur le plan individuel. À ce sujet, Lahire (2001)

mentionne qu’il est nécessaire pour l’observateur d’éviter de catégoriser les parcours des

élèves, mais de tenir en compte leur démarche particulière. Il avance qu’« il faut essayer

de prendre en compte le plus possible les logiques individuelles qui font que chaque

individu est caractérisé par une série de comportements non nécessairement

homogènes » (p. 60). Une telle considération permet alors de respecter davantage la

complexité des parcours et des profils individuels de chacun. Sur la base de ce respect

individuel et de l’unicité de l’élève, la société et le milieu scolaire peuvent s’unir pour

dégager les nouvelles tendances et établir les normes du système d’éducation. Mais,

comment comprendre davantage le rapport entre la culture et la réussite scolaire?

Persévérer ou décrocher?

Qu’entendons-nous par persévérance scolaire? Le concept de la

persévérance scolaire est représenté par différentes appellations : persévérance,

persistance, rétention, maintien des effectifs, etc. Selon Legendre (2005), par

persévérance scolaire, il faut comprendre le « maintien plus ou moins grand, au fil des

années, des effectifs scolaires admis dans le système d’éducation ou engagés dans un

cycle ou un programme d’études, à une année donnée ou à un âge donné » (p. 1032).

Cette définition, assez large, nous permet de comprendre que la persévérance scolaire est

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le fait de poursuivre ses études et ainsi, s’oppose au concept de l’abandon scolaire. Par

abandon scolaire, Legendre (2005) nous indique qu’il s’agit du fait, pour un élève ou

une élève, de quitter l’école avant la fin de la période de l’obligation scolaire » (p. 1).

Selon Dubet (2008), trois règles de base dominent l’expérience scolaire des

élèves. D’abord, il y a la règle de l’internalisation où chaque élève est tenu de se

percevoir comme le responsable de son action. Ensuite, il y a celle de l’obligation de

jouer, c’est-à-dire de vivre, dans le système scolaire avec les autres, selon une saine

compétition et une égalité des chances. Enfin, il y a la règle de l’obligation d’être libre.

À ce sujet, l’auteur propose que les élèves soient tous égaux et qu’ils se différencient par

leurs qualités. Ainsi, l’application de ces trois règles de base confronte l’élève à deux

choix stratégiques : celui de la persévérance et de la réussite scolaires ou celui de

l’abandon scolaire. Donc, la persévérance scolaire semble être une combinaison de

logiques d’actions (Dubet, 1994, 2008, 2009; Dubet & Martucelli, 1996) dans

l’expérience scolaire des élèves qui permet de persévérer et de réussir en fonction de

leur culture première. Ainsi, les rapports entre la culture de l’élève et celle de sa réussite

scolaire sont étroitement liés.

Les rapports entre la culture de l’élève et la réussite scolaire

Aux règles de base mentionnées précédemment, il convient de préciser trois

formes de logiques : la logique de l’intégration, celles de la stratégie et de la

subjectivation (Dubet, 1994, 2008, 2009; Dubet & Martuccelli, 1996). Il est important

d’expliquer ces logiques puisqu’elles lient l’élève à chacune des dimensions du système

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scolaire. Pour en faciliter la compréhension, il est possible de comparer l’expérience

scolaire des élèves à une partie d’échec. Dans cette métaphore, la logique de

l’intégration peut être représentée par la valeur accordée à chaque pièce. Autrement dit,

la reine est plus forte que le roi. La logique de la stratégie peut, quant à elle,

correspondre aux règles du jeu. Enfin, la logique de la subjectivation peut équivaloir à

l’action décidée par le joueur. Voyons maintenant ces logiques plus en profondeur.

Tout d’abord, la logique de l’intégration repose sur le processus de socialisation

(Dubet, 1994, 2008), c’est-à-dire le système de correspondance entre les significations

culturelles et les situations. La logique de l’intégration concerne alors la construction de

la personnalité par la tension entre la socialisation et les contraintes de situation (être une

fille, être autochtone, être soldat, etc.). Comme l’élève se définit par ses appartenances et

qu’il vise à les maintenir ou à les renforcer au sein d’un système scolaire, considéré

aussi comme un système d'intégration, ses valeurs et sa culture ont donc un impact sur

son éducation et sa réussite scolaire. En effet, la culture scolaire ayant été construite en

légitimant une perspective culturelle particulière (Bertrand et Valois, 1999), celle du

paradigme socioculturel dominant, favorise alors les élèves qui proviennent de cette

même culture. À dire vrai, l’école offre une place de choix aux élèves qui réussissent ou

du moins qui entrent dans les standards de ce que la culture dominante qualifie de

réussite. Il sera possible de le constater dans les trois exemples qui suivent.

En premier lieu, plusieurs recherches (Assemblée des Premières Nations, 2010;

Canada Millennium Scholarship Foundation, 2005; Conseil canadien sur l'apprentissage,

2009; Conseil des ministres de l'Éducation, 2009, 2010; Conseil national du bien-être

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social, 2007; Wotherspoon, & Schissel, 1998) stipulent que les étudiants des Premières

Nations qui fréquentent des établissements scolaires de culture occidentale réussissent

davantage si ces milieux scolaires intègrent des éléments de leur culture première. À

l’inverse, les élèves qui ne réussissent pas à l’école peuvent être ceux qui ne parviennent

pas à s’identifier à la culture scolaire occidentale qui leur semble étrangère et arbitraire,

bref, sans intérêt (Dubet, 2008). C'est pourquoi Bruner (2008) est d’avis que l’école doit

continuellement réévaluer sa façon d’amener les élèves à mesurer ses capacités présentes

ou futures, à faire face au monde. En deuxième lieu, l’estime de soi de l’apprenant joue

également un rôle crucial en ce qui concerne sa réussite et sa persévérance scolaires

(Bruner, 2008) et elle fait également partie de la logique de l’intégration (Dubet, 1994).

Autrement dit, la socialisation de l’apprenant influe sur sa réussite et sa persévérance

scolaires. À ce sujet, Bruner (2008) soulève que le concept d’estime est lié à celui de la

culture, car l’estime se construit dès la jeune enfance et est culturellement influencée par

tous les facteurs environnementaux de l’élève. Ainsi, les élèves qui ne sont pas dotés

d’estime de soi dans leur enfance auront davantage de difficultés à s’adapter à la culture

scolaire, à affronter les difficultés et auront plus de risques de ne pas réussir (Bruner,

2008). En dernier lieu, l’élève possède beaucoup de connaissances implicites avant

même qu’il ne les apprenne à l’école (Bruner, 2008). En effet, ces apprentissages non

contextualisés scolairement sont issus de la culture de l’élève et de sa socialisation.

Effectivement, l’élève qui connaît l’importance de respecter des consignes ou de

travailler en y mettant tous ses efforts en entrant à l’école primaire est un apprentissage

adéquat qui relève de sa socialisation en famille, en garderie ou en classe préscolaire. De

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ce fait, la culture influence la capacité des individus à apprendre et donc à réussir et à

persévérer à l’école.

Ensuite, la seconde forme de logique est celle de la stratégie et elle repose

essentiellement sur les contraintes de situation. Dans cette forme de logique, l’élève est

libre de ses actes, mais il évolue dans un système scolaire contraignant. Ainsi, les

moyens dont disposent les élèves pour persévérer à l’école sont influencés par les rôles

sociaux et les normes sociales avec lesquels il est au prise et c’est ce à quoi Dubet et

Martucelli (1996) font référence lorsqu’ils affirment que l’individu doit se construire à

partir des contraintes données par son expérience. Le statut social, la concurrence dans

les relations sociales, ainsi que la conception de l’utilité scolaire des élèves définissent

par voie de conséquence cette logique. L’élève travaille alors à la conception qu'il se fait

de ses intérêts dans un système scolaire qui ressemble à un marché. Dans un tel système,

chacun est interdépendant de l’autre, et les jeux de pouvoir entre les différents

concurrents permettent à certains de persévérer et de réussir, à l’école. Lahire (2002)

précise, à ce sujet, que « la seule part de liberté que nous avons en la matière est celle

qui consiste à modifier les influences intérieures et extérieures qui agissent en nous et

sur nous » (p. 423). C’est pourquoi la symbolique entourant le monde scolaire, ainsi que

l’importance qui lui est accordée dans la culture dans laquelle l’élève évolue influencent

sa réaction face aux échecs et aux réussites scolaires (Bruner, 2008). D’ailleurs, ce

dernier compare la réussite et l’échec à la nourriture essentielle au bon développement

d’un individu, mais il précise que les critères de réussite et d’échec sont déterminés par

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la culture, critères qui sont très souvent extrinsèques à l’individu. En ce sens, Bourdieu

(1979) ajoute que l’élève peut, de toute évidence, trouver d’autres lieux que l’école,

comme la rue ou le marché du travail, à l’intérieur desquels il peut négocier ses

compétences en vue d’acquérir des distinctions.

La dernière forme de logique d’action, celle de la subjectivation, se définit par la

tension entre la représentation que l’élève a de lui-même et les rapports sociaux de la

dialectique. La référence à la subjectivation trouve écho dans les valeurs, la culture, le

« Je » de l’élève qui, dans sa perception identitaire, devra être capable de dialoguer avec

les difficultés liées aux rapports sociaux et aux différences culturelles, de même qu’avec

les divergences de forces sociales afin de persévérer et de réussir à l’école. Cette logique

de subjectivation englobe alors tous les rapports que la culture entretient avec les

différentes composantes du système scolaire, que ce soient les pairs, l’établissement

scolaire, les enseignants, les apprentissages, les techniques pédagogiques, etc. Cette

logique est celle où la culture joue son rôle le plus important puisqu’elle influence, dès

le plus jeune âge, la manière d’être et surtout de faire. En effet, la relation que

l’apprenant entretient avec l’éducation et la persévérance scolaire dépend de sa manière

de faire. En revanche, il est possible de croire qu’un enfant chez qui l’abandon

d’activités quotidiennes à la maison n’a jamais été déploré aura probablement comme

habitude, dans le cadre scolaire, de ne pas persévérer devant une difficulté ou encore un

échec. Bruner (2008) qualifie d’ailleurs de conventionnalisation le fait d’être capable

d’agir d’une manière donnée, et cette conventionnalisation exprime implicitement notre

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affiliation à une culture, au-delà même de ce que nous savons explicitement. Par

conséquent, c’est à travers cette conventionnalisation qu’il est possible de voir

l’empreinte de la culture laissée sur les élèves, de même que son influence sur leur

réussite et leur persévérance scolaires.

Tout compte fait, la culture de l’élève influence grandement sa réussite et sa

persévérance scolaires, car « la socialisation scolaire est […] une construction

d’expériences dans lesquelles les individus combinent des passions et des intérêts; pour

les élèves, la réussite scolaire est moins un programme qu’une forme d’intérêt bien

compris et de réalisation de soi » (Dubet, 2008, p. 37).

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Bibliographie

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TRAVAIL D’ÉQUIPE PRÉSENTÉ À NICOLE TREMBLAY, Ph.D.

COMME EXIGENCE PARTIELLE DU COURS

TENDANCES ACTUELLES EN ÉDUCATION (3MED805)

PAR

CAROLINE MOFFET ET MARIE-MICHÈLE BOUCHARD

L’influence de la culture de l’enseignant sur la réussite scolaire des jeunes

13 AVRIL 2011

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1. L’influence de la culture de l’enseignant sur la réussite scolaire des jeunes

1.1 D’une rive à l’autre : l’enseignant guide, passeur, médiateur, lieur

Selon Marcotte (2006), le monde occidental propose un modèle de société capitaliste, axé

sur le pouvoir de l’argent, l’individualisme, un monde morcelé dans son identité et dans ses

valeurs. À ce titre, Gohier (2005) parle de « l’homme fragmenté » qui a perdu ses repères

culturels et sociaux. Le système d’éducation est souvent la résultante des valeurs d’une société.

Or, depuis 2000, le renouveau pédagogique suggère d’intégrer une approche culturelle de

l’enseignement dans ses programmes, lesquels recommandent de revoir la perspective culturelle

dans toutes les disciplines scolaires (Chartrand, 2005; Chené & Saint-Jacques, 2005; Ministère

des communautés culturelles, 1997; MEQ, 2002, 2005). Mais, comment l’enseignant peut-il

partager une culture si elle est en danger (Gohier, 2005, Côté 2003)? À ce sujet, Gohier (2005)

avance que pour se donner un sens et se sentir lié à sa vie « l’homme fragmenté » doit

reconstruire ses bases rationnelles, symboliques et affectives et devenir « l’homme unifié »

(Gohier, 2005, p.231). Selon l’auteur, ce rapport de compréhension doit s’effectuer sur le plan

cognitif et émotivoaffectif. Ainsi, la culture et l’instruction permettent à la personne de se

comprendre elle-même, de comprendre les autres et de comprendre le monde, et ainsi de passer

de « l’homme fragmenté » à « l’homme unifié ». Mais par où commencer pour devenir ce

médiateur, ce lieur (Gohier, 2005), ce passeur culturel (Zakhartchouk, 1999) qui saura guider

l’élève, le motiver dans sa persévérance scolaire? À qui incombe cette tâche?

D’abord, cette tâche de motiver l’élève dans sa persévérance scolaire est la résultante d’une

pluralité de facettes qui pourraient être définies, selon Viau (2009, 1999, 1994), comme une

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dynamique motivationnelle. Selon lui, ce phénomène puise ses racines dans : « les perceptions

que l’élève a de lui-même et de son environnement, et qui ont pour conséquence qu’il choisit de

s’engager à accomplir l’activité pédagogique qu’on lui propose et de persévérer dans son

accomplissement, et ce, dans le but d’apprendre. » (Viau, 2009, p.11). Il faut dans la circonstance

que s’unissent les différentes dynamiques qui entourent l’élève pour améliorer son implication

afin qu’il donne un sens à ses apprentissages. Il est fondé de choisir un matériel didactique

adéquat et stimulant et, d’y inclure un apport culturel pourrait être une des pistes de solution à la

persévérance scolaire (Zakhartchouk, 1999).

1.2 L’approche cultuelle en enseignement

Certains chercheurs considèrent que « la culture est un outil essentiel à la socialisation et

que l’école doit être la base de l’ouverture à la vie. » (Antonacci & Colasacco, 1994; London,

1994; Monférier, 1999; Perrenoud, 1999; Reuter, 1991; Ruano-Borabalan, 1998; Stevens, 1994).

En effet, comme il en a été fait mention précédemment, c’est à travers des interactions avec

autrui que les enfants découvrent la culture dans laquelle ils évoluent et qu’ils apprennent à

concevoir le monde. L’école participe alors grandement à l’évolution sociale de l’élève. Comme

le prétend Forquin (1992), il existe effectivement un lien étroit entre la culture de l’élève, la

culture de l’école et la culture familiale, lien qui favorise une socialisation diversifiée, et ce, à

tout âge. En même temps, il y a une part arbitraire dans la transmission de cette culture, ainsi que

dans les contenus à enseigner. Plusieurs auteurs proposent que la culture dans l’enseignement soit

une des responsabilités principales de l’enseignant envers ses apprenants (Simard, 2002, 2005;

Simard & Côté 2005, 2007; Simard & al, 2005; Zakhartchouk, 1999). À ce sujet, Tardif et

Mujawamariya (2002) considèrent qu’« enseigner c’est faire œuvre de culture » (p.4). Sur ce

point, faire œuvre de culture dans son enseignement, c’est tisser des liens entre le passé et le

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présent pour devenir des agents de reproduction culturelle (Guérin-Lajoie, 2002). Une

responsabilité qui demande d’abord d’entrer en contact avec la culture pour devenir un maître

éclairé qui a une attitude et un regard positifs envers cette culture à partager avec ses élèves

(Mottet & Gervais, 2007). À cet égard, la culture peut être perçue comme un objet et un rapport

(Simard 2002), mais elle doit être présentée comme une mémoire de nature expérientielle

(Durand & al., 2002) dont l’enseignant est le passeur, le médiateur et le lieur (Gohier, 2005).

Mais comment devenir « cet agent de reproduction linguistique et culturelle » (Guérin-Lajoie,

2002, p. 126) en classe?

1.3 Le rôle du professeur

À priori, le rôle du professeur « consiste à introduire les membres des nouvelles générations

au sein d’un monde qu’ils ne connaissent pas » (Forquin, 1992, p.13), en d’autres termes, il s’agit

d’un rôle de passeur. Selon Zakhartchouk (1999), le terme « passeur » serait issu du Moyen-Âge

et correspondrait à « celui qui fait franchir un obstacle, et en particulier un fleuve. Personnage de

conte ou de mythologie, il embarque le voyageur vers des rives inconnues » (p. 19). Cet auteur

associe ce terme au voyage auquel l’enseignant convie ses étudiants : « un voyage qui peut

transformer celui qui accepte l’offre du guide, si toutefois il ne se contente pas d’un rôle passif,

s’il est convié, même, à prendre la rame » (Zakhartchouk, 1999, p. 20). Tout réside alors dans ce

mouvement mutuel, dans le cheminement individuel et collectif vers un objectif culturel, et

l’enseignant a un rôle d’aidant, de compagnon de voyage, de « médiateur culturel »

(Zakhartchouk, 1999, p. 30) dans le but d’aller plus loin pour mieux comprendre le monde. C’est

une invitation double, pour l’élève et pour l’enseignant, une invitation à participer activement à

cette construction de sens autour de la culture pour atteindre de nouveaux horizons dans le but de

réussir et de persévérer à l’école.

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1.4 Comment devenir un passeur culturel?

Cette intégration de la culture à l’enseignement peut prendre différentes formes qui

amélioreront la compréhension culturelle globale chez l’étudiant en mobilisant son affectivité et

sa cognition (Gohier, 2005). Bruner (2008) écrit d’ailleurs que montrer et raconter sont des

activités aussi universellement humaines que parler et que, dans le milieu scolaire, cette

transmission culturelle se fait par des interactions entre l’élève et l’enseignant. De plus, ce

passage de la culture à l’enseignement s’effectuera lorsque l’enseignant développera une attitude

positive et ouverte envers la culture et qu’il aura le souci d’approfondir ses connaissances sur une

multitude de sujets (Mottet & Gervais, 2007). Afin d’inscrire sa vie et sa pédagogie dans un

contexte plus signifiant (Bruner, 1996), le maître sera soucieux d’introduire la culture à son

enseignement et il s’assurera de construire le contenu de ses cours en tenant compte de ses

apprenants (Simard, 2002) et de leur culture. Selon Zakhartchouk (1999), les jeunes participent

activement à cette culture qu’il qualifie d’« autre culture » et qu’il s’interdit de juger, car selon

lui, « il existe bien des voies d’accès à l’épanouissement de l’être » (p.10). C’est de cette

responsabilité sociale dont le pédagogue culturel est le plus fier, celui d’être un modèle culturel

pour que ses élèves persévèrent et s’accomplissent pleinement.

Relativement à cette triangulation enseignant-apprenant-culture, ce rapport ne peut être

signifiant que s’il est intériorisé par l’apprenant et que s’il part du connu vers l’inconnu (Gohier,

2005). Dans cet ordre d’idée, si, à partir de la culture populaire ou de la culture des apprenants de

la classe, l’enseignant greffe la dimension littéraire qui puise ses racines dans l’héritage des

générations antérieures (Sallenave, 1991), ou dans l’héritage patrimonial (Forquin, 1992), cela

risque d’être plus signifiant pour l’élève. Suivant la même logique, Zakhartchouk (1999)

mentionne que, pour ce faire, il est primordial de créer un lien entre les chefs-d'œuvre classiques

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et ceux de la société actuelle. Selon lui, l’apprenant doit comprendre l’importance que ces œuvres

ont eue sur notre société et sur notre conception du monde. Ainsi, le passeur culturel propose une

foule d’activités pour faciliter l’intégration de la culture dans la classe. De cette manière, en

prenant comme point de départ la culture populaire pour faire connaître aux élèves les textes

classiques, le passeur culturel peut présenter un film comme Le Bossu de Notre-Dame pour faire

connaître Victor Hugo à sa classe. De là, grâce aux modalités de la pensée comme l’induction, la

déduction ou l’analyse (Gohier, 2005), les élèves pourront démontrer que tant sur la forme que

sur le fond, les œuvres classiques et les œuvres modernes ont les mêmes structures, les mêmes

règles et nous procurent les mêmes émotions.

De son côté, Laroui (2007) suggère que « les volets culturels à découvrir et à exploiter »

(p.374) permettent à l’apprenant de réfléchir et de se questionner sur sa compréhension du

monde. Ainsi, ce dernier critiquera, développera ses propres opinions et deviendra un être plus

cultivé. L’enseignant, quant à lui, deviendra un passeur et un médiateur culturel lorsqu’il réussira

à provoquer des rapprochements entre l’apprenant et les éléments choisis de la culture aussi bien

en ce qui a trait à la culture régionale, provinciale, nationale qu’internationale. Pour ce faire, ce

maître doit être cultivé et doit produire du matériel qui stimulera l’apprenant dans sa motivation

intrinsèque (Bandura, 2007). À ce titre, Laroui (2007) stipule que « le choix des contenus, le

choix des activités d’apprentissage, l’élaboration d’actions pédagogiques et la planification des

séquences didactiques » (p. 374) sont autant de responsabilités qui incombent à l’enseignant

cultivé.

Bref, cette pédagogie culturelle active peut transformer la classe en un lieu d’échanges

culturels, mais l’enseignant doit préalablement avoir développé sa propre culture et s’être

questionné sur la réalité dans laquelle il évolue. Il doit s’adapter à ses apprenants, connaître leurs

goûts et leurs limites, de même que garder l’esprit ouvert pour s’instruire et se laisser toucher par

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les savoirs culturels. Ainsi, il pourra reconstruire le casse-tête de « l’homme fragmenté » et

devenir un passeur, un médiateur, un lieur; bref, un pédagogue unifié qui stimulera chez l’élève

l’envie de connaître, de savoir, de persévérer et d’aimer la culture.

Références

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3e proposition d’un article pour la revue RIRE

L’influence de la culture familiale sur la réussite scolaire des enfants

Joëlle Duval, étudiante à la maîtrise en éducation, UQACMarie-Michèle Bouchard, étudiante au DESS, UQAC

La culture familiale influence indéniablement la destinée des enfants et des adolescents

quant à leur réussite et à leur persévérance scolaires. La famille et la culture qu’elle véhicule étant

le premier environnement de l’être humain, ce dernier sera inévitablement influencé par les

interactions qu’il entretiendra avec ses parents et par le sens qu’il accordera à ces interactions.

Lahaye et Pourtois (2000) affirment même que « l’enfant s’autorise à apprendre lorsque la

famille l’y autorise. » (p.195) Dans le même sens, les cégépiens accordent aussi une place très

importante à leur famille. En effet, lorsqu’il s’agit de leur réussite scolaire, les enfants et les

adolescents attendent la reconnaissance de leur apprentissage par leurs parents pour s’approprier

leur réussite et leur persévérance scolaires. Par exemple, un manque d’encouragement de la part

de la mère constituerait une variable prédictive de l’abandon scolaire. Au niveau collégial, celle-

ci s’élève effectivement à 21 % (Roy, 2006). Enfin, le soutien, le style et l’implication des

parents sont les interactions retenues pour expliquer comment la culture familiale influence la

réussite et la persévérance scolaires des élèves de tout âge.

Le soutien parental

Le soutien parental peut prendre diverses formes selon l’âge et le niveau solaire atteint par

l’enfant. En effet, pendant l’école primaire ou secondaire, la culture familiale véhiculée par les

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parents servira à développer l’autonomie de l’enfant et à le soutenir sur les plans émotif et

scolaire, tandis qu’au cégep ou à l’université, elle servira à orienter les interventions des parents

vers du soutien moral et des conseils financiers ou de planification de carrière de leur enfant. Plus

précisément, le soutien à l’autonomie exercé par les parents réfère à leur intensité à valoriser et à

utiliser des pratiques éducatives qui incitent, chez leur enfant, des choix, leur participation à des

décisions et leur indépendance dans la résolution des problèmes. De telles pratiques éducatives

offrent alors aux enfants l’opportunité de vivre des expériences qui leur permettent d’intégrer les

propriétés de leur environnement. En effet, lorsque la culture familiale des parents amène ceux-ci

à participer aux activités scolaires de leur enfant, ces derniers assimilent l’idée de l’importance de

l’école et démontrent alors une augmentation de leur performance scolaire et de leur persévérance

scolaire au secondaire. Dans le même sens, les enfants, peu importe leur âge, réussissent mieux

dans un environnement où la culture des parents les amène à explorer, à les orienter vers la tâche

à accomplir, à leur poser plusieurs questions, de même qu’à leur donner des rétroactions positives

et des informations spécifiques, pertinentes. Il est cependant important que les parents respectent

les besoins d’indépendance des adolescents et des jeunes adultes lors de leurs interventions. En

effet, si un parent surveille attentivement un enfant du primaire et poursuit cette même

surveillance au secondaire, cette dernière peut devenir de la surprotection chez un adolescent et

entraîner chez lui des problèmes de comportement qui peuvent affecter sa réussite et sa

persévérance scolaires. Le soutien parental demeure donc un élément majeur de la réussite

scolaire des enfants, surtout au niveau secondaire. C’est donc dire que plus les parents

s’intéressent à la vie de leur enfant, plus ils participent à celle-ci, meilleurs sont les résultats

scolaires des enfants. Cependant, le style parental a aussi une influence sur la réussite et la

persévérance scolaires des enfants et des adolescents.

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Le style parental

Le style parental se définit comme étant « le modèle général d’éducation qui caractérise les

comportements des parents à l’égard de leurs enfants » (Potvin & Lapointe, 2010, p. 34). Le style

parental démocratique est reconnu par les écrits scientifiques comme étant celui qui favorise le

plus la réussite et la persévérance scolaires des enfants et des adolescents. D’ailleurs, les parents

qui adoptent ce style établissent et mettent en application des normes claires, ont recours à des

sanctions lorsqu’elles sont nécessaires, encouragent l’autonomie chez leur enfant et entretiennent

une communication ouverte avec leur enfant. Ces interactions augmentent alors la confiance en

soi de l’enfant. Dans le même sens, les familles dont la culture les amène à valoriser la

communication et le jeu constatent de plus grands succès scolaires chez leurs enfants.

De plus, les parents dont la culture les pousse à adopter des comportements chaleureux,

sensibles, réceptifs contribuent au développement de l’autonomie de leur enfant et offrent un

enseignement, ainsi qu’un encadrement appropriés, et ce, peu importe le milieu socio-

économique de la famille. En effet, même si « la défavorisation socioéconomique constitue l’un

des principaux facteurs reconnus comme préjudiciables à [la] réussite » scolaire (Terrisse,

Larivée, & Blain, 2008, p. 54), tous les parents peuvent aider leurs enfants. Ceci est possible si

les parents issus d’un milieu socioéconomique défavorisé entrent dans l’école, ils sont alors

exposés aux valeurs scolaires, de même qu’aux pratiques éducatives qui sont exercées dans

l’école. Ils peuvent ainsi adhérer à la culture de l’école, culture qui est très souvent loin de la leur.

Cette adhésion se reflètera dans leurs pratiques éducatives et influencera positivement leur enfant

à persévérer à l’école. Le prochain paragraphe présentera plus en détail l’influence de

l’implication parentale sur la réussite et la persévérance scolaires des enfants.

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L’implication parentale

Comme il en a été fait mention précédemment, l’implication des parents dans la vie de leur

enfant est un gage de réussite et de persévérance scolaires. D’ailleurs, l’implication parentale est

considérée comme un puissant prédicteur de réussite scolaire et de persévérance scolaire chez les

adolescents. Cependant, l’implication tend à diminuer à la fin du primaire et au début du

secondaire, et ce, même si elle est liée à une plus grande fréquentation scolaire au niveau

collégial. Les parents peuvent donc manifester leur intérêt à la vie de leur enfant en entretenant

des aspirations élevées, mais réalistes pour eux, en les soutenant dans leurs travaux scolaires, en

les aidant à structurer leurs horaires, en supervisant attentivement leur emploi du temps, en les

encourageant, en supervisant leurs allées et venues et en discutant de leurs projets d’avenir.

Cependant, il est nécessaire de rapprocher l’école et la famille afin de faciliter les apprentissages

des enfants lorsqu’ils passent de la famille à l’école. En effet, la collaboration permet de co-

construire une communauté de pratiques dans laquelle l’enfant peut faire des apprentissages en

fonction des interactions menées par les adultes significatifs y oeuvrant pour ensuite leur donner

un sens afin de mieux structurer sa réalité. Le succès scolaire passe donc par la culture familiale,

ainsi que par l’implication des parents et il est un renforcement positif pour ces derniers.

Bref, la culture familiale est un élément capital de la réussite scolaire. D’ailleurs, les

parents qui s’engagent tôt dans la scolarité de leur enfant ont tendance à le faire tout au long de

son cheminement scolaire, entraînant de meilleurs résultats scolaires, une plus grande

persévérance scolaire, une amélioration des compétences en lecture et en mathématiques, un

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engagement du jeune et de meilleures habitudes de travail et des échanges parent-jeune plus

fructueux.

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