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L’impact du pont Adolphe sur ledéveloppement de la ville de Luxembourg

Robert L. Philippart

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Généralement le pont Adolphe est considérécomme un ouvrage d’art d’une qualitéexceptionnelle. L’historiographie s’est tra-ditionnellement intéressée à l’impact decette construction sur l’aménagement duplateau Bourbon1.

Cette fois-ci, il sera question d’étudier lagenèse du pont dans l’histoire et dansl’optique de la ville haute, d’analyser saréception par les habitants des quartiersconcernés, et de jeter un regard sur les visionsglobales qui ont guidé les planificateursde l’époque dans leurs choix urbanistiquesdéfinitivement arrêtés en 19062.

Pour comprendre l’impact de la constructiondu pont Adolphe sur l’urbanisme de la ville, ily a lieu de rappeler les différentes réflexionsqui sont à la base de son développement.

Concevoir un nouveau quartier relié par un

pont au plateau Bourbon

À l’époque espagnole, d’importantsaménage-ments furent entrepris en ville. Leur but étaitcertes militaire, mais les travaux affectèrentdirectement le développement de la ville.

Grâce à l’aménagement de la place d’Armes,la ville disposait désormais d’une troisièmeplace publique et de marché. Son épicentres’était déplacé de l’est vers l’ouest, duMarché-aux-Poissons, vers la place d’Armesen passant par le Marché-aux-Herbes. Latopographie du site ainsi que l’extension desouvrages militaires ne permettaient aucunautre mouvement de développement urbainque celui en forme d’éventail sur l’ancien frontde la plaine. Le quartier à l’ouest se développaavec le redressement de la rue Montereyexistant depuis 1610 et l’aménagement desrues Louvigny et Chimay. La rue Beaumontfut tracée entre la rue des Capucins etl’avenue de la Porte Neuve. À l’époque, cesrues représentaient à l’intérieur des rempartsun genre de périphérie faiblement bâtie etétaient situées encore à l’écart de la vieilleville. Les nouveaux quartiers étaient destinésà accueillir les habitants déplacés pour desraisons militaires du Grund et de la montéedu Pfaffenthal. Pour les attirer et leur donnerdes raisons économiques pour s’installerdans ce nouveau quartier, l’idée de construireun « pont romain » prolongeant la rue de laPorte Neuve par la rue St Philippe (Philippe II)vers le plateau Bourbon fut étudiée. Un axenord-sud aurait ainsi traversé la ville pourfaire l’économie des sentiers sinueux et enpente à travers la ville basse. Ce même pontaurait également relié la ville aux ouvrages

militaires à construire sur le plateau Bourbon.L’idée qui se cachait derrière ce projet futavant tout d’ordre économique3. Le projettrouva l’aval des États du Luxembourg, maisles changements politiques n’en permirentpoint l’exécution.

La prise de Luxembourg en 1684 par lesFrançais allait faire de Luxembourg une desplus importantes places fortes développéespar Vauban. Quelque 1.920 soldats furentlogés en bordure du damier dans cesnouveaux quartiers. Vauban allait paracheveret développer le mouvement entamé par lesEspagnols. La construction, respectivementl’achèvement des casernes de la Porte Neuve,de la caserne d’artillerie, de la caserneMarie-Thérèse (emplacement actuel de la résidencede l’ambassade de France), sans mêmeévoquer les aménagements de l’anciencouvent du St Esprit transformé en citadellefurent entrepris. Vauban élargit et modernisal’arsenal (angle formé par les rues des Bainset rue Aldringen). À lamême époque, la gardeprincipale fut installée à la place d’Armesélevant celle-ci au rang des premières placesde la ville4. Vauban fit combler la différencede niveau existant entre la Grand’Rue et latour St Jost (rue Notre-Dame / boulevardRoyal). Cette mesure augmentait la qualitéde vie dans ces nouveaux quartiers, mar-quant ainsi le souci d’une structurationavancée de l’espace5.

Page précédente: Vue sur le pont Adolphe, la place de Metz et le pla-teau Bourbon. Le bâtiment de la Banque et Caisse d’Épargne de l’Étatn’est pas encore achevé; au fond on aperçoit la tour de la nouvelle gare,après 1911. MNHA / M3E

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Vauban avait attiré environ 3.000 artisans,terrassiers, ouvriers, maçons, tailleurs depierre pour renforcer la place forte deLuxembourg. La mise à disposition gratuitede terrains, dans la ville haute ou dans lesvilles basses, l’affranchissement pendant dixans du logement des soldats et l’octroi dudroit de bourgeoisie furent des avantagesdestinés à favoriser l’établissement définitifde ces habitants. À cela s’ajoutait la qualitéde vie définie par une même typologie del’habitat6. Cette population en lien directavec la modernisation et l’extension de laforteresse attira à son tour des professionsconnexes : des merciers, des rôtisseurs,des revendeurs d’alcool. Les infrastructuresmilitaires en expansion empiétaient de plusen plus sur l’espace par le rajout de hangarset de dépôts7. Ces travaux augmentaient ladensité du construit en bordure des remparts,mais ne servaient pas encore l’intégration deces quartiers au tissu social. Et pourtant, danscette zone mi-militaire, mi-ville, des espaceslibres restèrent inoccupés jusqu au XIXe siècle.Même si les citadins furent propriétairesde terrains à l’extérieur de la ville, disposerde jardins intra-muros permettait la tenued’une basse-cour et l’exercice de plusieursprofessions simultanément8.

une certaine mainmise sur le développementéconomique. Placer une ville dans un réseauferroviaire, c’est l’insérer dans un systèmed’échange de marchandises, de production, declients et d’idées. Au milieu du XIXe siècle, laconscience que la stratégie économique allaitfinalement l’emporter sur la stratégie militairen’était pas encore ancrée dans les esprits9.

Le choix de l’emplacement de la gare sur leplateau Bourbon relevait donc d’un pur soucimilitaire. En plus de la construction des ponts

Le viaduc avec le bâtiment de l’octroi au premier plan à gauche, fin 19ème siècle. MNHA / M3E

Le viaduc à l’origine de la restructuration del’espace urbain

Le cadre spatial ainsi défini n’allait pas changerde façon substantielle l’organisation de la villejusqu´à l’arrivée du chemin de fer. Celui-cibouleversa la vocation de la ville d’une façoninégalée. Les études de Charles Barthel ontmontré à quel point la garnison prussienneavait tenu à ce que le chemin de fer passepar Luxembourg. Celui qui arrivait à le placer« sous le contrôle des canons » avait également

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Plan de la ville et forteresse de Luxembourg en1867, dressé par Jean-Pierre Biermann, dessina-teur. MNHA / M3E, 5-145

enjambant des parties de la vallée de l’Alzetteet de l’adaptation des ouvrages fortifiés àl’artillerie rayée10, la Confédération germaniquecouvrit le tracé du chemin de fer par touteune série d’ouvrages militaires, dont les fortsextérieurs.

Le fait le plus important fut celui de relierla gare à la ville alors que le rayon militairen’autorisait pas l’émergence d’un nouveauquartier. Côté ville, le viaduc aboutissait sur lanouvelle Porte Henri qui marquait désormais,après la Porte Neuve, le second accès à la villepar le plateau. L’historiographie11 note quel’attrait économique des villes basses diminuasuite à l’ouverture du viaduc. Néanmoins, depetites entreprises industrielles s’implantèrentou se développèrent au Grund, remplaçantle commerce traditionnel lié au passage. Larestructuration de l’espace urbain à cetteépoque se marqua par le déplacement ducommerce, de l’artisanat, de l’industrie et dupouvoir d’achat.

Désormais, la ville haute pouvait être traverséedunordausud.Lesfluxdepassages’étaientdoncréorganisés au sein de la forteresse. L’avenuede la Porte Neuve perdait son monopole. La

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construction de la Porte Henri marquait unnouvel accès à la ville, en traversant un quartierproche des ouvrages militaires de la citadelledu St Esprit. Désormais, ce terrain militaireallait prendre de la valeur économique. Lapression sur cette partie de la ville augmenta,notamment à cause de la proximité de la gareet de la fermeture des portes de la forteresseen soirée12. Il fallait donc créer un nouveauquartier situé entre la gare et la ville sous laprotection des canons. Pour des raisons desécurité, on déplaça les poudrières dans lesforts extérieurs. Ainsi, on gagna du terrainconstructible, notamment à l’emplacement del’ancienne poudrière Marie-Thérèse, proche dela nouvelle Porte Henri.

L’emplacement de l’ancienne poudrière Marie-Thérèse (îlot Bd Roosevelt, rue de l’ancienAthénée, rue Chimay) donna lieu en 1864 aulotissement de douze parcelles. Le règlementsur les bâtisses de la ville de Bruxelles fut à labasedecepremierquartierde la villeproposantune construction dense, à courettes d’aération,des maisons à front de rue élevées sur troisétages et sous mansardes. Elles offraient deslogements en appartements, des hôtels – lesplus proches de la gare – et des commerces13.Un véritable quartier de ville s’y développagrâce au viaduc qui le reliait à la gare. Le tracé

Plan de la ville de Luxembourg en 1878, dressépar Jean-Pierre Biermann, dessinateur. MNHA /M3E, 5-148

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inférieur du futur boulevard Roosevelt futainsi amorcé. Parallèlement, la Confédérationgermanique occupa le plateau du St Espriten y rajoutant un magasin de blé (démoli en1966) et un hôpital qui abrite aujourd’hui lesArchives nationales14. Ce quartier était situéprès de la nouvelle entrée en ville par le viaducet à proximité du marché installé sur la PlaceGuillaume15.

Ces nouveaux aménagements bouleversaientles structures vieillies existantes16.

L’ouverture de la ville

Lorsque le traité du 11 mai 1867 proclamaLuxembourg comme ville ouverte, elle duts’inventer un nouvel avenir. La découvertedes richesses du sol au sud du pays et ledépart de la garnison, dont les militairesreprésentaient la moitié de la population17,obligea la ville à s’inventer une nouvelleidentité. Trois alternatives furent étudiées :faire de Luxembourg une ville universitaire,la transformer en centre industriel, oubien confirmer et développer sa vocation

Luxembourg en 1890, plan dressé par Jean-PierreBiermann, dessinateur. MNHA / M3E, 5-142

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de capitale comme lieu de réunion desdécideurs économiques et politiques. Latroisième alternative fut retenue alors quele rapprochement de la gare est discuté àintervalles réguliers jusqu’en 1895.

Le Gouvernement décida de lotir d’anciensterrains domaniaux issus du démantèlementde la forteresse en trois « building cycles ».Le premier, entre les années 1867 et 1889,redressa le tracé de l’avenue de la gareet aménagea les quartiers adjacents. Letramway à traction chevaline avait étéintroduit en 1875. Le lotissement de l’ancienfront de la plaine incluait la création d’uneceinture intérieure (rue Willy Goergen, ruedes Bains, rue Aldringen, rue Notre Dame,rue du Fossé), l’aménagement des boulevardsRoyal et Prince Henri ainsi que le tracédes avenues rayonnantes. Le second cyclecomprit le lotissement de l’emplacement del’ancien bastion Berlaimont (bd Royal, rueWilly Goergen, côte d’Eich, rue J.P. Pescatore)et l’aménagement du quartier du boulevardJoseph II. Le dernier « building cycle », entre1904 et 1914, concerna, grâce à l’ouverturedu pont Adolphe, essentiellement le plateauBourbon18.

Offrir les terrains par lots reflète unepensée politique et spéculative, d’autantplus que, contrairement à la majorité des

villes démantelées à cette époque, c’étaitexclusivement le Gouvernement qui tenaitles rênes en main. La présence du viaduc ainsique le projet de construction d’un secondpont sur la Pétrusse guidèrent largement seschoix, mais pas exclusivement, car le géniemilitaire eut toujours son mot à dire dansles questions du démantèlement et de laréaffectation des terrains19.

Le premier mouvement de mise en valeurd’ouvrages issus de l’ancienne forteresses’attela à attirer des investisseurs industrielsauxquels le Gouvernement offrait descasernes, des hangars, des fossés et descasemates à prix avantageux. Autour de lagare, une fois le rayon militaire supprimé,les parcelles de construction étaient étroitesmais profondes et pouvaient accueillir desindustries, des dépôts de commerce en gros.Le logement accessible aux classes moyennesy fut proposé à partir de 187620. Le boulevardRoyal était par contre un quartier situé à lapériphérie de la ville délimitée par son parcmunicipal. Loin des fumées et du bruit deslocomotives, il fut essentiellement destiné aulogement, au commerce et aux professionslibérales. Les premières constructionss’élevaient côté ville, dans la rue des Bains etdans la rue Aldringen. À l’image d’associationssimilaires à l’étranger, la S.A. Casino Bourgeoiss’établit en 1880 à un endroit périphérique,

au boulevard Roosevelt tout en bénéficiantd’une grande visibilité à partir du viaduc21.

Au moment de la conception du boulevardRoosevelt (boulevard du Viaduc) et duboulevard Royal, en 1871-73, personne nesongeait à la construction d’un pont endirection de la gare centrale. Il devait servirde voie collectrice au trafic qui entourait laville et relier les avenues et rues entre elles22.Les discussions sur la largeur à réserver auboulevard Royal s’avéraient d’une importancecapitale, car sans décision spacieuse, iln’aurait pas été possible de le prolongerultérieurement par un pont ferroviaire, piétonet carrossable endirectionde la gare centrale.L’arrêté royal grand-ducal du 24 juillet 1871autorisa finalement l’aménagement duboulevard sur 32 m de largeur, voies, trottoirset jardinets compris23. Les plans en cours deréalisation furent confirmés le 16 septembre187324.

Dès 1873, les bainsmunicipaux furent ouvertsà l’emplacement de l’ancienne caserne dunord et à partir de 1881, l’école Aldringenallait accueillir les garçons et les filles desnouveaux quartiers. Ces services devaientattirer des investisseurs et des habitantsfortunés25. Manque d’espace d’expansion,odeurs, bruits, ébranlements et la taxed’octroi finirent par chasser les industries

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de ces nouveaux quartiers à la périphérie26.Plusieurs terrains au front de la plaine furentsubdivisés et une densification de l’espacese manifesta malgré l’abondance de terrainsrestés libres27.

Rajouter une gare comme agrément de vie

Bénéficier d’une gare est un signedequalité devie aussi fort que celui de pouvoir fréquenterl’école et les bains de proximité. En 1871,le projet de construction d’une gare pourvoyageurs dans le parc de la ville, à hauteurde l’avenue Monterey, est en discussion28. Leprojet revient à l’ordre du jour en 1874/75,avec pour site d’implantation un terrain situéentre les avenues de l’Arsenal (Émile Reuter)et Monterey29. Les deux projets envisageaientla construction d’un pont ferroviaire au-dessus de la vallée de la Pétrusse30. Leraccordement au tramway en 1875 parvintà calmer quelque peu les esprits, même sil’idée de la construction d’un second pont surla vallée ne fut pas abandonnée. En 1880, unprojet proposait de prolonger la future lignede chemin de fer Luxembourg-Remich, jusqu’àla hauteur de la place de la Constitution.Cette mesure aurait fait l’économie de laconstruction d’un second pont. En 1887, la

Luxembourg en 1894, plan dressé par Jean-PierreBiermann, dessinateur. MNHA / M3E, 5-135

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ville de Luxembourg propose de prolongercette ligne jusqu’au bastion Berlaimont en leconvertissant en lotissement avec une garede voyageurs31. En 1890, des projets furentprésentés pour élever une gare dans la valléede la Pétrusse. Un autre projet choisit commeemplacement pour une nouvelle gare, le sitedu Glacis à rejoindre directement par l’AvenueAmélie prolongée. Il comprenait également laconstruction d’un second pont sur la vallée.En 1895, un concours est lancé pour faireélever une seconde gare dans la vallée de laPétrusse32. Désormais, il n’est plus question derelier la ville haute, mais plutôt les nouveauxquartiers à la gare centrale33.

Si on pouvait s’accorder sur le principede construire un pont supplémentairesur la vallée de la Pétrusse, il fallaitencore définir avec précision ses pointsde départ et d’arrivée. Or, l’oppositionau projet demeura ardente. En 1892 encore,le Conseil communal craignait que le nouveaupont entraîne la naissance d’un nouveauquartier commercial du côté de la gareexistante, ce qui fit dire au Ministre d’Étatque les projets d’aménagement du plateauBourbon devaient demeurer secrets et queles fonctions à leur assigner devaient êtrecomplémentaires à celles de la ville haute34.

Luxembourg en 1908 avec une grande partie de lacommune de Hollerich, plan dressé par Jean-PierreBiermann, dessinateur. 1908. MNHA / M3E

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À la recherche de la bonne jonction

Dans un premier temps, dans les années1875, les idées sur l’aménagement du plateauBourbon demeuraient encore vagues. On étaitdavantagepréoccupépar la transformationdela place de la Gare en un lieu semi-industrielet les rues adjacentes de l’avenue de la Garepour les commerçants, les dépositaires et les

Projet d’une seconde gare à Luxembourg, plans, coupes et élévations d’un pont métallique sur la Pétrusse, 30 juin 1896.ANLux CPC-00480

artisans vivant directement de la proximitédu chemin de fer.

Les réflexions se faisaient dans le sens deraccorder la ville à la gare et non le contraire.Dans cette logique, il fallait détermineravec exactitude le point de départ dunouveau pont. En 1876, l’ingénieur JeanWorré de l’Administration des Travaux

publics avait dressé des plans d’un pont enpierre prolongeant la rue Chimay35 jusqu’auplateau Bourbon36. En 1878, l’ingénieurluxembourgeois Eugène Ferron avait dressédeux projets de viaducs en pierre37.

Or, l’emplacement du point de départ ne faisaitpas l’unanimité. Une pétition avait été remisele 9 mai 1879 au Président de la Chambre desDéputés réclamant le prolongement de la rueSt Philippe (Philippe II) vers la gare38. Ce futl’ultime essai pour redonner à l’avenue de laPorte Neuve, prolongée par la rue Philippe II,sa vocation initiale de première rue de la ville.

Dès 1887, le choix semble être arrêté enfaveur du boulevard Royal, suffisammentlarge pour accueillir le chemin de fer enprovenance de Remich et faire bénéficier laville haute de sa propre gare39. Le chemin defer entre Luxembourg et Remich circulantdéjà depuis février 1882, il aurait suffi deprolonger son trajet, mais le trafic élevé et lepassage du tramway dans l’avenue de la Garene permettaient pas de réaliser ce tronçon40.Une autre solution existait, sous la forme d’untracé séparé passant par un second pont.L’argument de l’ingénieur Jean Worré de« relier les nouveaux quartiers » de l’ancienfront de la plaine, désormais habités par deshommes d’affaires, à la gare centrale finitpar convaincre les décideurs41. Le boulevard

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relier le«Bauplätzekomplex au Fort Bourbon»à la ville haute49. La ville de Luxembourg orga-nisa en 1895 un concours entre architectes etingénieurspour la constructiond’unesecondegare, dans l’espoir « que le déplacementdu commerce sur lequel se fondent leshabitants de l’ancienne ville ne se réaliserait,en tout cas, que dans certaines limites50 ».Le Gouvernement soutint l’initiative avec6.000 frs,mais l’ingénieur en chef des Travauxpublics Albert Rodange refusait de faire partiedu jury. La société Guillaume-Luxembourg nesoutenait pas le concours51. La ville examinales projets introduits par Charles Engel(juriste), les ingénieurs et architectes JeanWillière, Jean-Nicolas Ernest Barblé, NicolasSerta, Léon Kaufmann, Gustave Serta, VictorZiegler et Jean-Pierre Biermann52.

L’adoption du projet de loi du 17 juin 1897autorisant la construction d’un chemin de feràvoie étroite entre Luxembourg et Echternachtrancha la situation. L’État était responsablede la réalisation des infrastructures53. Lenouveau pont devait prendre son départ surl’ancienne terrasse panoramique aménagéeau bastion Jost54. En septembre 1898, leDirecteur général des Travaux publics, CharlesRischard, chargea l’ingénieur-paysagisteÉdouard André d’élaborer les plans deraccordement du pont à construire avec laville55. Le 22 novembre 1899, le tracé de la

Lesprogrèsdutraficfirentégalementpressionsur le Gouvernement. En 1892, voitures,piétons et tramways gênaient de plus en plusle passage sur le plateau du Viaduc, large deseulement 5,5m.On songeaitmêmeà l’élargirpourunedépensede150.000 frs. Lanécessitéde construire un pont supplémentaire devintincontournable47.

La même année, une société belge depromoteurs s’intéressa au projet et proposaau Gouvernement de construire à sesfrais au-dessus de la vallée de la Pétrusseun pont en acier sur lequel elle feraitcirculer un tramway électrique, alors que leLuxembourg ne connaissait à cette époqueque le tramway à traction chevaline. Lasociété était disposée à lotir tout le quartierendéans 20 ans en contrepartie de la cessiondes droits d’exploitation du tramway. LeGouvernement y renonça, voulant garder leprojet d’urbanisation entièrement entre sesmains48.

En 1895, l’entreprise Felten & Guilleaume deCarlsberg de Mühlheim am Rhein proposal’aménagement d’un pont suspendu prenantson départ soit à la rue Philippe II, soit auboulevard Royal. Long de 160 m et large deseulement deux mètres, il était exclusivementréservé aux piétons. La surface de circulationdevait être réalisée en bois. Le but était de

du Prince Henri comme lieu de jonction dupont avec le plateau de l’ancien front de laplaine avait été abandonné en raison de soncaractère excentré42.

Le point d’arrivée de la nouvelle avenue àconstruire en prolongement du pont présentaitégalement un problème. L’idéal aurait été dela faire déboucher directement sur la placede la Gare. À cette hauteur cependant, desterrains étaient dans des mains privées etdéjà partiellement bâtis. En 1890, Worré, quidressait les plans généraux d’aménagement etd’alignement pour la commune de Hollerich,exposa la situation: « Il faut éviter tant quepossible que l’on ne soit pas obligé lors del’établissement de ces (nouvelles) rues,d’acquérir et de démolir des bâtiments tels quele cas se présente pour le premier projet dela nouvelle avenue43 ». Cette situation, qui nepermit pas une résolution rapide, explique lesplans de 1894 de J.P. Biermann qui proposaientun rond-point à la hauteur de la place de Parispour faire bifurquer l’avenue et le tracé du trainvers l’avenue de la Gare44. Cette solution évitait« d’acquérir (les terrains enmain privée) au prixde l’or45 ». Des échanges de terrains, des achatset des rachats avec les consorts Staar, l’entre-preneur Glesener, des Pères dominicains46,ont finalement permis d’aménager l’avenue defaçon rectiligne, dans une moindre largeur, etde la diriger directement vers la gare.

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pierre traditionnelle versus l’acier moderne,le matériel de construction de l’architectureversus l’outil de travail de l’ingénieur - leCommissaire du Gouvernement auprès deschemins de fer Eugène Ferron présenta unprojet supplémentaire afin de démontrerque la pierre traditionnelle et notammentcelle en provenance du pays, l’emportait parsa qualité, sa stabilité et son moindre coûtd’entretien en toute proposition sur l’acier62.

Albert Rodange retravailla ses plans en1897/98 et soumit en 1898 un projet deconstruction d’un pont présentant unearche unique avec des tympans ajouréspar des voûtes d’élégissement et continuésur les deux rives par des viaducs de troiset de quatre arches, respectivement63.L’idée de la construction d’arches uniquesavait été développée en 1870 par le Traitéde l’équilibre des voûtes et des ponts enmaçonnerie de l’inspecteur général Dupuit ducorps des Ponts et des Chaussées en France.Aussi en Allemagne, la construction d’archesuniques devenait rapidement synonymede modernisme. Les ponts de Coblence,Wupperthal (Allemagne) ou de Nantes(France) servaient de modèles d’inspiration àde nombreux ingénieurs64.

Alors que le Luxembourg s’affirmait de plus enplus sur le plan international commeproducteuretexportateurd’acier, l'onfavorisa toutefois une

à la base aurait mesuré 153 m et 16,5 m auplateau était un type de solution inattendu59.

En 1887, le « projet d’une seconde gare àLuxembourg » proposant la construction d’unpont à arche centrale en acier et continué surlesdeux rivespardesviaducsenpierre, attire lesfoudres de l’architecte de la ville Antoine Luja,qui exprima avec fermeté tout son scepticismeface au nouveaumatériel de construction60.

Rappelons qu’en 1892, la société belgevoulant introduire le tramway électrique etlotir le plateau Bourbon avait proposé uneconstruction en acier et qu’en 1895 la sociétéFelten & Guilleaume soutenait le projet d’unpont suspendu pour piétons. L’ingénieur PaulWurth avait songé à la construction d’un pontferroviaire en acier.

Envuede l’adoptionde la loi sur la constructionde la ligne du chemin de fer Luxembourg-Echternach, l’Administration des Travauxpublics, sous la direction d'Albert Rodange,avait fait élaborer en 1896 un projet deconstruction d’un pont en pierre de taille61,rejetant l’approche d’un pont en acier jugé tropcoûteux pour son entretien. On ne s’imaginaitpas encore que l’acier serait un jour considérécomme un produit du terroir au même titreque la pierre locale.

Dans le cadre du débat sur le choix du matérielà adopter pour la construction du pont - la

ligne ferroviaire Luxembourg-Echternach futarrêté définitivement56.

La construction du pont

La construction d’un pont d’une telleenvergure ne fut pas une premièreau Luxembourg. Les ouvrages d’art àWasserbillig, Grevenmacher et Remichavaient déjà lancé le débat sur les modes deconstruction dans les milieux de l’ingénierieet des travaux publics57.

Lesdifférentes approches techniquesduprojetsont intéressantes à rappeler. Elles donnent unaperçu des solutions techniques envisageableset leur réception dans les esprits.

Le projet de 1876 prévoyait la construc-tion d’un pont en pierre à arche unique.

Le premier viaduc en pierre proposépar l’ingénieur Eugène Ferron en 1878s’inspirait, par souci d’intégration dansl’environnement, du viaduc existant.Son deuxième projet présentait une grandearche (80 m) avec tympans ajourés par desvoûtes d’élégissement et mode de cons-truction par rouleaux superposés « à l’exemplede plusieurs constructeurs modernes58 ».

En 1879, le projet de construire à la place d’unpont traditionnel, une digue dont la largeur

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construction en pierre traditionnelle. L’arrière-fond de cette option ne fut pas celle de resterattaché aux traditions, mais cachait un malaisesocial que le Ministre d’État Paul Eyschen avaitbien compris et cherchait à surmonter.

Lors de l’agrandissement du palais de Justiceen 1886, les propriétaires de carrières luxem-bourgeoises s’étaient insurgés contre l’adoptionde la pierre en provenance de Jaumont, prèsde Metz. Depuis l’annexion de l’Alsace et de laLorraine par l’Allemagne, ces régions voisinesfaisaient partie de l’Union douanière à laquellele Luxembourg adhérait. Les fournisseurs desmatièrespremièresenprovenancedeces régionsdevenaient des concurrents de première ligne. Enréaction, dès 1886, le Luxembourg organisa sonExposition Nationale de l’Industrie et des Arts.La première Exposition du Travail fut inauguréeen 1894, avec la participation de 540 entrepriseslocales65. La cimenterie Brasseur, Lambert &Cie de Rumelange avait exposé en 1895 à laseconde édition de cette foire, au jardinet del’ancien hôtel du Génie à la rue Aldringen unegrotte artificielle en ciment, illustrant commentl’art peut s’approprier les nouveaux matériauxde construction. En guise de cadeau offert àl’État66, le Ministre Eyschen ne pouvait ignorer ceprocédé de construction totalement innovateurréalisé par une entreprise luxembourgeoisedepuis 1893.

Dans ce contexte, on comprend la demandede Paul Eyschen de recourir d’une part àla pierre locale, pour que le pont respire leterroir et fasse l’étalage de la beauté de lapierreenprovenancedesdifférentes carrièresdu pays67, mais d’autre part aussi son soucid’ouverture aux matériaux de constructioninnovants. Son engouement pour la pierrelocale à étaler sur les façades d’édificespublics et dans les maisons unifamilialesà élever dans le « Heimatstil », fut tel quel’ancien architecte de l’État SosthèneWeis luiéleva en 1917 au cimetière Notre-Dame, unmonument funéraire en pierre d’Ernzen68.

Toutefois, à l’intérieur des bâtiments publicsréalisés pendant son mandat, le béton arméfut employé pour des raisons de stabilitéet de résistance au feu69. Marier traditionet modernisme fut d’ailleurs une descaractéristiques de l’historicisme.

L’ouvrage d’art comporta finalement deuxarches parallèles identiques, laissant entreelles à la hauteur de la chaussée un espacede 6 m à recouvrir d’une dalle de bétonarmé, le nouveau matériel de constructionpar excellence. Ce fut seulement aux culéesextrêmes que ces ponts jumelés furent réunis

Projet d’un marché couvert à la place Guillaume, dessiné par Jean-Pierre Koenig, 1906, Bulletin Men-suel, organe officiel de l'Association des Ingénieurs Luxembourgeois, N°11, Luxembourg, 1906, p. 171

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preuve d’artiste, de créateur de produits.Ce statut l’élevait socialement au-dessus durang du simple reproducteur ou copiste. Cefut dans cet esprit que Paul Eyschen associales élèves en sculpture de l’École d’Artisansdirectement à la réalisation des décors dupont Adolphe72.

Il est également notable que pour laconstruction de cet ouvrage d’art sur lavallée de la Pétrusse, le Gouvernement avaitrenoncé à l’organisationd’un concours ouvertaux architectes et ingénieurs de tous les pays.Cette pratique avait d’ailleurs rencontré deplus en plus de réticences sur le terrain73.En 1899, le secteur du bâtiment s’était mis àgronder lorsque Paul Séjourné voulut recourirpour la construction du pont Adolphe à desentreprises de constructions étrangèresspécialisées dans ce type de travail et à desmatériaux étrangers74. Or, aucune entrepriseluxembourgeoise ne disposait ni des connais-sances, ni de l’expérience suffisante pourréaliser un projet d’une telle ampleur et d’uncaractère tellement innovant. Sur recomman-dation du Gouvernement français, la maisonFougerolle Frères & Cie fut chargée del’exécution des travaux75. La pose de lapremière pierre eut lieu le 14 juillet 1900.La ville devait garantir la pose des canaux dela canalisation pour le gaz et pour l’eau endessous du macadam de revêtement76.

Paul Eyschen avait également bien comprisque, suite à l’introduction de l’obligationscolaire, il fallait spécialiser l’enseignementsi le Luxembourg voulait rester compétitif surle plan économique. Il ne fallait pas que laproduction industrielle l’emportesur lesavoir-faire de l’artisan. L’École d’Artisans, créée en1896 dans le fil de ces idées, devait remplirnon seulement une mission pédagogique,mais aussi poursuivre un objectif social.L’artisan devait apprendre à maîtriser lesnouvelles techniques de production et lesnouveaux matériaux de construction et faire

par une maçonnerie cylindrique. Le cimentluxembourgeois fut de ce fait élevé au niveaude la pierre de taille traditionnelle et affichaitainsi la face moderne du pays. L’avantagematériel le plus important de ce choix fut depouvoir produire un moyen de constructionqui permettait de faire d’importanteséconomies70. Le recoursà ce nouveau matérielfut immédiatement médiatisé dans le but derassurer ceux qui doutaient encore de ce quine leur était point familier. Ainsi, l’ouvragefut publiquement soumis à des épreuves trèsspectaculaires de solidité71.

Monument funéraire de Paul Eyschen au cimetière Notre-Dame à Luxembourg, dessiné par l’architecteSosthène Weis, 1917

165

Ce n’est pas par hasard que l’historiographietraditionnelle a souligné que l’ingénieur AlbertRodange fut le fils du poète national MichelRodange, c’est-à-dire un homme issu du paysqui a développé le concept du pont77. Lors del’aménagement de monuments représentantla Nation ou ses héros, tel le Palais grand-ducal (1890), le monument Dicks-Lentz (1903),les monuments funéraires érigés par descollectivités pour Jean-Antoine Zinnen (1902),Nicolas Steffen-Pierret (1902) ou encore pourLaurent Menager (1905) et pour Paul Eyschen(1917), le projet devait rester entre les mainsd’hommes du pays.

On eut parfois recours à un expert étranger,à Gédéon Bordiaux pour le Palais grand-ducalou à Paul Séjourné pour le pont Adolphe ;mais ce ne fut que subsidiaire78. Paul Séjourné,recommandé par le Gouvernement français,fut ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Ils’était distingué par la construction de la ligneferroviaireParis-Lyon-Marseilleetnotamment,dans les années 1882 et 1884, par laconstruction de trois grands ponts présentantdes divisions très analogues à celles du projetde Ferron79. L’ingénieur Séjourné retravailla lesplans d’Albert Rodange et poussa notammentla portée de l’arche à 84,65 m80 contre 76,80 mprévus sur les plans de base. Il remplaçales voûtes latérales par un arc cadrant dechaque côté l’arche principale81. De cette

façon, un record mondial fut battu. Le coût del’entreprise se chiffrait à 1.400.000 frs82. Dèsson ouverture le 24 juillet 1903, des voyagesd’études furent organisés à Luxembourgpour inspirer des ingénieurs étrangers pourl’exécution de missions semblables. La WalnutLane Bridge, par exemple, construite en 1906-1908 en béton, ne peut nier le pont Adolphecomme source directe d’inspiration. Ce ponttraverse le Wissahickon Creek à Philadelphieet relie les quartiers de Germantown et deRoxborough83.

Et pourtant, le pont n’avait pas été achevédans tous les détails. Pour signaler lepassage à la ville, les encorbellements duplateau, aménagés sur les quatre pilastresen saillie et qui limitent la grande voûte,devaient accueillir des sculptures, sans doutedes groupes de figures allégoriques84. Cecouronnement du pont devait se découperde l’horizon particulièrement marqué parla ligne horizontale de la balustrade et sec-tionner en différentes parties l’ouvrage. PaulSéjourné avait encore proposé d’orner le pontde candélabres en bronze, mettant en valeurce lieu à l’approche de la ville. Le directeurdes services de l’eau et du gaz de la ville deLuxembourg Joseph Sax85 avait élaboré avecsuccès un contreprojet, très semblable à laproposition de Séjourné, mais dont le prixétait de moitié moindre86.

Si l’ingénieur-paysagiste Édouard Andréavait été chargé de l’aménagement desalentours du pont, c’est que celui-ci avaitdéjà développé les plans d’aménagement dela ville à la hauteur de l’avenue de la Gare, dufront de la plaine, du quartier des villas autourdu boulevard Joseph II. Sa mission étaitcette fois-ci d’inclure le pont dans son sitenaturel, au climat, aux monuments voisins,à la lumière et à la couleur locale. Le videqu’il crée le met donc en valeur, au mêmetitre que l’échelle de ses lignes, le choix desmatériaux et de la couleur, l’ornement et ledétail. C’est la vallée, la nature dont il sembleémerger, qui le met en valeur. ÉdouardAndré décrit l’espace ainsi créé comme« une des plus belles scènes de l'Europe87 ».Alliant environnement et monument, le ponts’impose ainsi par sa silhouette jouant sur lesvides créés par les grandes arches.

La ville haute se prépare à un raccordementmagistral à la gare

Depuis 1869, l’idée d’aménager la vallée de laPétrusse en parc public avait été émise. Desparcelles manquantes furent acquises pourbénéficier d’un espace cohérent à raccorder àl’avenue Marie-Thérèse88. Or, les discussions surle tracé des lignes de chemin de fer Luxembourg-Remich et Luxembourg-Echternach, qui nécessi-taient la construction d’un pont par-dessus la

166Parc de la Pétrusse à Luxembourg, projet d’aménagement attribué à Édouard André, non daté, non signé, 96 x 126,5 cm. MNHA / M3E

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vallée, bloquèrent jusqu’en 1896 les entreprisessupplémentaires d’achat de terrain89.

L’aménagement de la vallée de la Pétrusseprit toute son ampleur dans le cadre de lamise en valeur du pont Adolphe.

Dès 1898, le plan d’aménagement de lavallée fut dressé du pied du viaduc jusqu’aufort Rheinsheim. Le projet inclut encorel’aménagement d’une tête de pont, la futureplace de Metz et le traitement de l’espaceautour du champ moyen de la nouvelle avenueà tracer afin d’y mettre en valeur un muséenational90. Après la fermeture du chantier dupont, l’Administration des Travaux publicsacquit en1905plusieurs terrainsdans la valléeafin de pouvoir exécuter les plans d’ÉdouardAndré91. En 1910, la ville de Luxembourg fitaménager en parterre fleuri la fausse-braieBeck-Jost, donnant une merveilleuse vuesur l’arche centrale du pont92. Les plans lesplus sobres, conçus par Nicolas Petit, serontréalisés93.

Il ne faut pas perdre de vue que le projet deconstruction du pont reliait les nouveauxquartiers de la ville à la gare centrale et nerapprochait pas physiquement celle-ci de lavieille ville. La ville évolue rapidement dès laprésentation du projet de construction d’unegare à la hauteur du bastion Berlaimont.

Comme le débat fut public, les investisseurssavaient bien que le boulevard Royal n’allaitplus longtemps rester une voie bordant laville à l’ouest, mais qu’il allait représenter unaccès supplémentaire à la ville. Et il n’allaitplus pour longtemps garder son statut dequartier périphérique94. En 1890, le bastionBerlaimont fut loti dans le but de « relever lecommerce dans cette partie de la ville95 ».

En face, le baron Jacquinot allait louer lavilla et le jardin creux comme Légation deFrance96. En 1897, Joseph Heintz, suite àdes réclamations récurrentes des voisins,transféra sa manufacture de tabacs duboulevard Royal vers Hollerich97. En 1890,la manufacture de gants de Gabriel Mayerquitta la caserne du Piquet qui, à partir de1896 devint l’École d’Artisans de l’État98.

La chocolaterie Hastert céda en 1888 lacontregarde Jost à la société électrique dela ville. Les terrains qui longeaient le cavalierdu même nom existant jusqu’en 1910 ducôté de la rue Notre Dame, furent venduspour accueillir dès 1892/93 des immeublesen bande et construits à deux étages man-sardés99. Ce furent des hôtels particuliersdestinés à des lieux de travail et de résidencepour des professions libérales, ainsi que lesiège de la Caisse d’Épargne de l’État. En 1893,la Société du Casino vendait une partie de son

Plan de lotissement des terrains à bâtir du Bastion Berlaymont, proposé par la com-mission Wittenauer, Worré, Hartmann, Luja, septembre 1889. ANLux TP-658

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jeux, d’une bibliothèque, d’un grand magasinpar un investisseur privé, d’un palais deJustice ou bien encore la création d’unebourse commerciale106. Au final, le projet deGeorges Traus proposé en 1918107, de créerdes logements et commerces pour valoriseret développer le quartier et rendre la villeplus vivante, ne fut réalisé qu’à partir de 1933par plusieurs architectes luxembourgeois108.

Afin de développer la ville comme placeéconomique, Paul Eyschen allait baliserl’espace urbain d’institutions phares capablesd’attirer des services complémentaires. Grâceà la connexion du boulevard Royal à la garecentrale, le boulevard résidentiel à l’écartdes grands flux de passage devenait un axemajeur de la ville. Sa demande de construirele siège de la Banque Internationale prèsde la Côte d’Eich, de faire précéder le pontAdolphe, sur la place de Metz, des sièges de laCaisse d’Épargne et de la société des cheminsde fer Guillaume Luxembourg et de faireconstruire l’hôtel des Postes à proximité decet axe revenait à créer un nouveau quartierd’affaires109. La réorientation économiqueprise au lendemain de la Première Guerremondiale, fit que la majorité des nouvellessociétés bancaires ou d’assurances ouvrirentdans les années 1920 leurs agences dansd’anciennes résidences transformées enbureaux sur le boulevard Royal110.

ressentaient un afflux nouveau. La rueAldringen fut marquée par la construction del’hôtel des Postes en 1908. Les commerçantsde la rue Louvigny réclamaient la démolitiondu cavalier Jost et un raccordement directau boulevard Royal en raison de sa liaisonavec la gare102. Le Grand Hôtel Brasseurexistant depuis 1873, s’agrandit d’une aileaux décors magnifiques dessinés par GeorgesTraus. L’hôtel hébergea les têtes couronnéeset les hôtes de marque du Gouvernement(Léopold II, Nicolas de Grèce, l’ImpératriceEugénie, pour ne citer qu’eux)103. Pour ne pasperdre des clients face aux nouveaux hôtelsde tourisme qui voyaient le jour sur l’avenuede la Liberté – l’Hôtel Staar notamment en1904 – les propriétaires des Hôtels Brasseuret Continental adressaient en 1906 unepétition au Gouvernement quant à « l’étatcaduc, l’aspect hideux et l’image étrangeque fournissaient les anciennes casernes duPiquet » devenues l’École d’Artisans104. Leurdémolition fut autorisée en 1912 et réaliséeun an plus tard105. Les discussions sur unenouvelle affectation de cet espace libéré destraces de l’ancienne forteresse s’étalaientsur 20 ans. La construction du pont Adolpheavait rapproché le quartier du Piquet de lagare centrale. Ce fut donc un terrain auquelil fallait réserver une fonction plus centrale.Les discussions portaient sur l’aménagementd’un square, la construction d’un casino de

ancien jardin entre le boulevard du Viaduc etle boulevard Royal comme terrains à bâtir. Lamême année, la Société Générale Alsaciennede Banque ouvrit son agence au boulevardRoyal100. En 1901, le photographe de la Cour,Charles Bernhœft, éleva sur un interstice aucarrefour Grand’Rue/Avenue de l’Arsenal samaison de rapport avec magasins, ateliers surmezzanine et appartements, une nouveautéen plein centre-ville101.

L’ouverture du pont en 1903 allait donnerau développement du boulevard Royal unélan supplémentaire. Les quartiers proches

L’ancienne caserne du Piquet qui hébergeait l’École d’Artisans en 1896.MNHA / M3E

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Le pont Adolphe ressenti comme menace

Le départ des industries vers la périphérie,la densification en cours sur le boulevard, lasuppression du réservoir d’eau au bastionBerlaimont entraînant son lotissement,illustraient le déplacement visible du centre dela ville vers ses nouveaux quartiers à l’ouest,

Projet de construction d’une bourse commerciale au Piquet, projet de Georges Traus. Collection privée

risquant de déstabiliser l’ancien équilibre ducommerce. On avait déjà pu constater cephénomène lors de l’ouverture du viaduc.Cette évolution inquiétait fortement leshabitants de la vieille ville.

En 1893, au moment où l’évolutiondensifie les nouveaux quartiers à l’ouest,

l’architecte Pierre Funck soumet un projetd’élargissement et d’embellissement de larue du Casino (partie supérieure de la Côted’Eich cernée par la place du Théâtre et dela place du Puits Rouge). Le projet prévoyaitle quasi dédoublement de la voie pour fairefigure d’entrée magistrale en ville, surtoutque ce chemin était emprunté par le Grand-

170Hôtel de la Caisse d’Épargne et du Crédit Foncier, façades, plan dressé par Jean-Pierre Koenig, le 17 mai 1909. ANLux TP-606

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La proposition fut reprise à l’ordre du jour ducollège échevinal en 1905 et votée en 1906114

au moment où les plans d’aménagementdu plateau Bourbon furent définitivementarrêtés. Sur la section place du Théâtre / placedu Puits Rouge, la voie fut élargie en 1908/09à 8,7 m et non à 9,5 m, car la ville craignaitque la vente de parcelles plus étroites soitdifficile115.

Les commerçants soutinrent fortementce projet, d’autant plus que l’avenue dela Liberté était encore en chantier. Lesgrands magasins Monopol (ultérieurementMetropol), Settegast, Rosenstiel, Lassner,Knopff et Maison Moderne s’établirentsur le parcours. Sur ce même chemin, unmarché couvert à construire au fond de laplace Guillaume II dès 1906 devait accueillir942 marchands. Le projet élaboré par Jean-Pierre Koenig, qui comprenait égalementun passage commercial couvert le reliantà la rue Louvigny, présentait une tour de56 m de hauteur. Il fallait bien affirmer parl’architecture que la ville haute représentele centre de l’agglomération, surtout qu’enplus de la nouvelle et radieuse avenue dela Liberté, Hollerich s’était vu octroyer desdroits de tenir marché116. Un problèmed’expropriation ne permit pas l’exécution

Duc Adolphe quand il se rendait au palaisgrand-ducal. La rue ainsi élargie devait êtrebordée de maisons en bande de style Néo-Renaissance avec des magasins au rez-de-chaussée et des appartements aux deuxétages supérieurs. L’îlot aux pans coupés etaux tourelles en encorbellement était coifféd’une toiture à mansardes et présentait desfaçades régulières. En réalité, cette mesurevisait à valoriser les quartiers à l’est de laville par un nouvaux parc immobilier et desétalages attirant et augmentant les flux dupassage111.

Lors de ces discussions sur l’élargissementde la rue du Casino, l’architecte AlphonseKemp se fit, dès 1902 le porte-parole descommerçants de la vieille ville. Il réclama laconstruction d’une avenue reliant la Côted’Eich, « la route qui conduit nos populationsde la campagne vers la capitale112 » au Viaducet ainsi à l’avenue de la Gare. Le projetproposait encore de transformer l’îlot duSt Esprit en quartier commercial et d’habitatjusqu’à la hauteur du palais grand-ducal.Cette solution devait « préserver les quartiersanciens de l’abandon et de la ruine, tout endotant la ville d’une entrée monumentaleaux portes mêmes du palais grand-ducal,de la Chambre des Députés, du palais duGouvernement (St Maximin)113 ».

Luxembourg, Avenue du St Esprit, plan dressé parl’ingénieur Alphonse Kemp, juillet 1902. Archivesde la ville de Luxembourg, LU P IV/2 C 640

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Projet de l’architecte viennois Carl Seidl pour la construction du musée national sur l’avenue Adolphe, 1899. ANLux, Fonds de l’Administration des bâtiments publics

173Société du Casino Luxembourg, agrandissement des locaux, vue de la façade, plan dressé par l’architecte Joseph Nouveau, le 25 juin 1910. ANLux TP-606

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l’architecte de l’État, Sosthène Weis, soumitses projets de construction d’un palais deJustice au centre de l’avenue de la Liberté, lescommerçants se plaignirent d’une perte dupouvoir d’achat de la haute magistrature quise déplacerait vers les nouveaux quartiers123.Parallèlement, l’opposition fut grande à laconstruction d’une cathédrale au Glacis, decrainte que les pèlerins traversent le pontAdolphe et le parc de la ville pour s’y rendre,sans passer obligatoirement par le centre-ville. La solution ne pouvait résider que dansle projet d’agrandissement de la Cathédraleexistante proposé en 1903 par les chanoinesAuguste et Charles Mullendorf124. Ni le casinode jeux avec salles de bals et de concerts,ni le théâtre monumental, ni le « Kursaal »ou encore le « Palace Hôtel » projetés parl’Omniumimmobilierluxembourgeoisen1904ne furent réalisés au plateau Bourbon125.

L’Union commerciale alla jusqu’à proposerau Gouvernement d’obliger les compagniesd’assurances à investir leurs garantiesfinancières au plateau Bourbon dans desimmeubles à haut rendement. Cette partiede la ville aurait ainsi constitué un réservoirdémographique de consommateurs au profitdu commerce de la vieille ville126. En 1906,le collège des Bourgmestre et des échevinsintervint à son tour auprès du Gouvernementpour que le nouveau quartier du plateau

Bourbon soit réservé à l’implantation deservices et de logements qui ne mettent pasen danger le commerce du centre-ville127.L’avenue de la Gare menant à la vieille villefut développée en centre commercial surbase de la proposition de l’urbaniste JosephStübben. Sa proposition de construire deuxponts supplémentaires, dont l’un devait êtreélevé en bordure du Convict épiscopal et duplateau Bourbon, fut abandonnée peu aprèssa soumission en 1902128. Ce quartier n’étaitpas suffisamment peuplé et les flux auraientété drainés directement vers la gare et nonpas vers le centre-ville129.

Si la construction de la ligne ferroviaireLuxembourg-Echternach avait assuré à la villehaute « sa propre gare », à savoir la stationdu Parc, les propriétaires des immeublessur le boulevard Royal et à l’avenue del’Arsenal se plaignaient dès 1907 de lafumée et du bruit des locomotives commeentrave à leur qualité de vie. À peine lepont Adolphe ouvert à la circulation, onévoquait le projet de construction d’uncontournement ferroviaire à l’ouest del’agglomération de Luxembourg-Hollerich.Ce projet fut d’actualité jusqu’en 1914130 !Une solution fut trouvée au problème dela fumée et du bruit avec l’électrification dutramway. Or, seulement à partir de 1928, uneremorque électrique du tramway de la ville

du projet de marché couvert117. Suivirentà partir de 1932 l’ouverture des magasinsde fourrures Hertz-Grunstein, À la Bourseet Sternberg118. En 1933/34, les immeubleslongeant la rue de Clairefontaine, côté hôtelSt Maximum furent démolis pour poursuivrele projet de jonction gare-Côte d’Eich. Or, leprojet ne put se réaliser sous cette forme119.Il sera remplacé par un tunnel s’embranchantdepuis 1988 au Viaduc pour sortir de terre àla Côte d’Eich120.

Si d’une part, on tentait d’augmenter l’attraitde la vieille ville, il fallait en même temps toutentreprendre pour empêcher le nouveauquartier du plateau Bourbon de faireconcurrence au commerce de la vieille ville.

Lors des discussions menées sur la cons-truction d’un musée national à l’avenueAdolphe (de la Liberté), des craintes s’étaientfaites sentir de voir les touristes s’arrêter etfréquenter les commerces à proximité de cetétablissement culturel121.

Le terrain de l’emplacement des casernesd’artillerie avait cependant trop de valeuréconomique pour accueillir un tel projet. LeplateauAltmunster fut envisagé pour recevoirla construction122 et finalement la place duMarché-aux-Poissons fut retenue pour yinstaller le musée, rendant obligatoire latraversée de la vieille ville. De même, lorsque

175

Projet d’ensemble des alignements du plateauBourbon. Commune de Hollerich, plan dressé parJoseph Stübben, Cologne, 1901. MNHA / M3E

176Réseau de chemins nouveaux à établir sur le territoire de Hollerich, plan dressé par l’ingénieur honoraire des Travaux publics Jean Worré, le 10 mai 1894. ANLux FL-380

177Plan de lotissement du plateau Bourbon, vu et approuvé par Charles de Waha, Directeur général des Travaux publics, le 24 Juin 1906. MNHA / M3E

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L’aménagement du plateau Bourbonreprésentait un défi urbanistique parce quel’État ne voulait pas reproduire les erreursdu passé commises au front de la plaine. Ilveillait avec plus de rigueur encore sur l’emploides matériaux, le respect de la hauteur descorniches, des saillies et des retraits. ÉdouardAndré avait proposé de faire construire deuxédifices aux formes et volumes identiquespour cadrer le départ de l’avenue de la Libertéà partir de la place de Metz. L’entrée sur leterritoire de la ville et sur les anciens domainesétait marquée par la place de l’Éventail (placedeParis). Iciégalement, laplusgrandeattentionfut apportée aux conditions esthétiques, tantpour le jeu des volumes contrastant entre lesespaces ouverts et ceux bâtis. L’urbanismenaissant à la fin du XIXe et début du XXe siècleavait compris qu’une ville sans remparts s’étaledans l’espace de façon peu contrôlée, encorridor le long des voies d’accès, en suivantles opportunités de la topographie. L’effortporté au plateau Bourbon portait justementsur cette structuration de l’espace. LeGeheimer Baurat de Cologne Joseph Stübben,l’ingénieur-paysagiste français Édouard Andréet l’ingénieur luxembourgeois Jean Worré135

s’étaient engagés à mettre en valeur ce lieucentral par une architecture représentativequi se distinguait nettement de celle de lapériphérie qui caractérisait l’environnementau sud, à l’ouest et à l’est du plateau.

L’avenue de la Liberté eut la vocationde chemin initiatique vers la ville haute,lieu suprême des décisions politiques etéconomiques du pays. Traversant le pontAdolphe, cette voie centrale parcourt un toutnouveau quartier et, en incluant le boulevardRoyal comme son prolongement, sert d’axede liaison nord-sud.

L’axe en perspective qui se dégage à partirde la place de Bruxelles avait donné tant àl’urbaniste Joseph Stübben qu’au Ministred’État Paul Eyschen, l’envie de doter lanouvelle gare centrale d’une tour placée danscette ligne de perspective : le chemin de fermarque tant l’accès à la ville qu’au mondeéconomique. C’est son horloge qui dicte lerythme de la vie136.

Le message donné par l’Union commercialeavait été bien compris par le Gouvernement.D’abord, il poursuivait ses efforts de faire dela gare de Luxembourg une véritable garecentrale réunissant les lignes des cheminsde fer Guillaume-Luxembourg, la lignePrince Henri en direction de Pétange, leslignes à voie étroite en direction de Remichet d’Echternach et le tramway urbain. Laconcentration des masses des voyageurs enun point central fut essentielle. Par l’avenuede la Gare, celles-ci furent dirigées vers la villehaute. L’avenue de la Liberté, dans la partietraversant les domaines de l’État, fut réservée

conduisait les trains endirectiond’Echternachjusqu’à Dommeldange où une locomotiveprenait la relève pour assurer le trajet versl’ancienne cité abbatiale131.

Développer un nouveau quartier

Face à ces contraintes, quel visage fallait-ildonner au plateau Bourbon ?

„Am Bahnhof und in dessen Nähe ist dasgesellschaftliche Treiben ein bedeutendesregeres; hier haben Handel und Industriegrosse Warenniederlassungen und Fabrik-anlagen geschaffen, die schädigend aufdas Emporblühen der Stadt wirken, wennletztere nicht die neue für den Westen derStadt unbedingt notwendige Verbindung mitdem Bahnhof zu schaffen entschliesst“ notaitJean-Pierre Biermann en 1894132.

Le défi consistait à concevoir un « quartier unpeu monumental133 », en traversant l’avenue dela Liberté, enclave non bâtie formée d’anciensterrains militaires. Reconnaissant le caractèrecentral du lieu, le Gouvernement tint à uneconstructiondenseavecdesmaisonsderapport,jugeant que la ville disposait déjà de bien assezde maisons individuelles. Les appartements àconstruire devaient refléter avec leurs piècesd’apparat un nouveau standing de vie, appréciédans les grandes villes, mais loin du spectre des« Mietskasernen134 ».

179

Projet d’une maison de commerce à ériger dans l’avenue Adolphe à Luxembourg (gare) pour Mademoi-selle Marie Wirtz, sans état, dressé par l’architecte Jean Warken, mars 1910. ANLux TP-606

Maison Delvaux, rue Dicks, plateau Bourbon, plan dressé par Joseph Nouveau,le 16 novembre 1910. ANLux TP-606

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écoles de quartier en périphérie. L’église duSacré Cœur ne sera pas réalisée à la place deParis, mais à un emplacement à moindre fluxde passage143.

La place de Metz devait faire figure d’unenouvelle image de marque du pays. « Partoutvous voyez ce promontoire. La constructiondont je viens de parler (la Caisse d’Épargne)sera le pendant de celle de St Michel, desorte que dans l’image de la ville, tellequ’elle se formera dans l’esprit de tous lesétrangers, ce sera cet emplacement-là quifrappera, parce que c’est là que passerale plus de monde, et comme c’est unpromontoire, il faut que les deux grandesmaisons que l’on y construira à côté desmaisons d’habitation fassent impression144 »,déclara Paul Eyschen à la Chambre desDéputés. Quartier d’affaires et résidentielconnecté au monde par la voie du rail, voilàdonc la vision de l’État pour développer laville dans un esprit de complémentarité àl’offre urbaine existante. Le nouveau quartierétait appelé à offrir une qualité de vie élevée.En 1905, le « Cercle du Pont Adolphe » estfondé avec objectif de la „Förderung desSports und gesellschaftlicher Unterhaltung“dans un souci de développement touristique.En s’organisant de la façon, la populationillustrait sa fierté et son identification avecson nouveau lieu de vie créé ex nihilo145.

Les pages qui précèdent illustrent à quelpoint la construction du pont au-dessusde la vallée de la Pétrusse a non seulementamélioré l’accès à la ville, mais a égalementbouleversé l’équilibre de la répartitiondes flux à l’intérieur de l’espace urbain.La construction d’un pont relevait d’unchoix politique permettant de donner unnouvel élan à l’économie urbaine. L’ouvragemarque une annexion de territoires alorsque la topographie marquait une séparationphysique. La construction d’un pont n’est uneréussite qu’à condition qu’elle s’accompagned’un concept de développement de la ville.

aux services, aux logements et en partie aucommerce. Le Gouvernement s’était adresséaux directions de la Caisse d’Épargne de l’Étatet des Chemins de fer Guillaume-Luxembourgpour leur demander d’ériger leurs sièges surla place de Metz137.

L’emplacement du siège de ces entreprisesrelevait donc d’un choix politique, car cesservicesreprésentaientuneforceéconomiquequi ne présentait pas de concurrence avecle commerce local. Le Gouvernementrestait encore dans la logique des volontésexprimées par l’Union commerciale lorsqu’ilparvint à vendre l’îlot central de l’avenue dela Liberté à l’ARBED pour y ériger son siège138.L’espace public au plateau Bourbon ne fut pasaménagé comme lieu organique où se déploiela vie sociale. La place de l’Éventail, la placedes Martyrs (1930)139, la place de Metz nemarquent que des arrêts sur un parcours140.Rien ne détourne le chemin vers le centre-ville et la place d’Armes.

L’équipement de base prévu en 1894 pourle quartier, comportait une église localeavec une école primaire et un presbytère141.Ce duo illustrait le caractère confessionnelde l’instruction publique au Luxembourg142.Comme le rendement économique deces institutions était évalué inférieur à lavaleur du terrain, l’État renonça à ce projet.Hollerich et Luxembourg construisirent leurs

Vente d’une place à bâtir de 264 m2 au plateauBourbon, 26 juin 1914, 66,5 x 50 cm. MNHA / M3E

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L’impact du pont Adolphe sur le développe-ment de la ville de Luxembourg

1Bulletin 5, 1901 ; n°2 & n°5, 1903 ; Jungblut 2007, 285-290 ;Lorang 1988 ; Koltz 1946, 1951, 1972 ; Beck 1993 ; Conseil1998 ; Interesseveräin 2001 ; Syndicat 1981 ; Syndicat 1991 ;Philippart 2012.

2Lorang 1994, 221.

3Voir l'article « La modernité triomphe de la forteresse », 10.

4Dollar 1983, 88.

5Wagner 1984, 598-599.

6Kremeyer 2002, 231-234.

7Ulveling 1868, 83.

8Philippart 1986.

9Philippart 2006, 110-111.

10Bruns 1993, 217.

11Philippart 2006, 334 et 615.

12Barthel 2009, 9-30.

13Wittenbrock 1990.

14Jacquemin 1991, 61-115.

15Vovelle 1999.

16Ensch 1993, 301.

17May 1991, 435.

18Philippart 2006, 607-614.

18ANLux, TP-396 : Grand pont de Luxembourg. Méthode deconstruction de la grande voûte. Instruction. 02.04.1901,19, 28.

19Séjourné 1913-1916, II, 73.

20ANLux, TP-396 : Grand pont de Luxembourg. Méthode deconstruction de la grande voûte. Instruction. 02.04.1901, 28.

21 Ibid., 29.22 Ibid., 18.23 Plan détaillant les inscriptions des dates de pose des

moellons des trois rouleaux encadré et accroché dans leslocaux de la Division des Ouvrages d’Art (DOA) des Pontset Chaussées, Luxembourg.

24 Wirion / Heinerscheid 1953, 245.25 Séjourné 1913-1916, II, 82.26 Ibid., 80. Méthode grâce à laquelle des bacs remplis de sable

tassé supportent le cintre. Au moment du décintrage, lesbacs sont ouverts et le niveau du sable diminue, abaissantainsi le cintre.

27 Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO).28 Séjourné 1913-1916, II, 80-81.29 Ibid., 75 ; Wirion / Heinerscheid 1953, 41.30 Mémorial n° 48 (1901), 26 ; Séjourné 1913-1916, II, 81.31 Séjourné 1913-1916, II, 67.

19ANLux, H-374.

20ANLux, TP-020 ; TP-658.

21 Philippart 2014.22 Karnau 1996, 135.23 Ulveling 1871, 248.24 ANLux, FL-427.25 Philippart, Warte 25/2375, 2012.26 Weber 1957, 81-101.27 Philippart, Warte, 2014.28 ANLux, FL-427.29 ANLux, H-378.30 ANLux, TP-475.31 ANLux, TP-658.32 Bulletin communal, n° 23 (1895), 33-38 ; n° 44 (1895), 137-

161.33 Choay 1983.34 Compte-Rendu 15.12.1892, 258-262 ; 20.12.1890, 605-606.35 ANLux, H-379.36 Philippart 2001, 37-38.37 Ferron 1898, 5.38 Compte-Rendu 20.07.1909, 2707.39 Lorang 1988, 29.40 Federmeyer 1991, 50-51.41 ANLux, TP-475.42 Compte-Rendu 20.12.1890, 606-609.43 ANLux, FL-380.44 Biermann 1894, plan.45 ANLux, FL-380.46

Philippart 2012, 64-103.47

Compte-Rendu 15.12.1892, 258-262.48

ANLux, FL-380.49

Moes 1895, 1.50

ANLux, TP-475.51

Ibidem.52

Koltz 1951, 17.53

Ibidem, 20.54

Fritz, Wentzel: Photographie du boulevard du viaduc (coll.part.).

55ANLux, FL-427.

56Arrêté 22.11.1899.

57Philippart 2014, conférence.

58Ferron 1898, 5.

59Wirion / Heinerscheid 1953.

60ANLux, TP-475.

61Koltz 1951, 18.

62Ferron 1898, 12-20.

63Koltz 1951, 19.

64Ferron 1898, 18.

65Sprunck 1948, 225-227.

66 Handel 1895.67 Lorang 1986, 72.68 Philippart 2006, 1066.69 ANLux, TP-020.70 Fonck 1901, 3.71 Dutreux 1903, 2-3.72 Martin 1938, 72.73 Philippart 2006, 881-888.74 Bulletin communal 23 (1899), 1-72.75 Ferron 1903, 3-4.76 Bulletin communal 7 (1903), 113.77 Koltz 1951, 18.78 Philippart 2007, 72.79 Ferron 1903, 3.80 http://www.luxembourg.public.lu/fr/

actualites/2012/12/17-adolphe/index.html81 Koltz 1951, 18-19.82 Frising 1954, 136.83 walnutlanebridge.org84 Fonck 1901, 5.85 Beck 2000, 31.86 Bulletin communal 7 (1903), 113-115.87 ANLux, FL-427.88 ANLux, H-369/2.89 Schoellen 1998, 4.90 ANLux, FL-427.91 Compte-Rendu 15.12.1905, 425.92 Bour 1992, 60.93 ANLux, TP-012.94 Philippart, Warte 2014, 3.95 ANLux, TP-656.96 Palmer 2001, 56.97 Weber 1957, 81-101.98 Koltz 1946, 197-198.99 Aschman et al. 2013, 168.100 Mémorial, Recueil spécial 1915, 70.101 Thill 2014, 42.102 Archives VdL, LU IV/2 11 D, n°490.103 Noppeney 1948.104 ANLux, TP-012.105 Koltz 1972, 198.106 Krau 1956, 78.107 Archives VdL, LU/IV 2 11 D, N°680.108 Philippart 2007, 491-493.109 Philippart 2014, 4.110 Philippart, Mutations 2014.111 ANLux, H-378.

244

112 ANLux, TP-012.113 Archives VdL, LU IV/2 C, N° 640.114 Bulletin communal 5 (1905), 31.115 ANLux, H-378.116 Koenig 1906 ; Analytischer Bericht, 26 (1906), 93.117 Archives VdL, LU IV/2 11D, N°490.118 Philippart 2013, 21.119 Thewes 2001, 72.120 Mémorial, n° 107 (1998), 2528.121 ANLux, TP-554.122 ANLux, TP-045.123 Philippart 2009, 64-66.124 Mersch 1951, 301.125 Analytischer Bericht, 22 (1904), 193-196.126 Krau 1956, 79.127 Analytischer Bericht, 14 (1906), 85.128 Karnau 1996, 337-338.129 Stübben 1902.130 Compte-Rendu 24 - 25.03.1914, 1757-1805.131 Federmeyer 1997, 22.132 Biermann 1894, 60.133 ANLux, TP-554.134 Lorang 1988, 43-44.135 Philippart 2006, 427.136 Philippart 2012, 64-103.137 Lorang 1991, 579.138 ANLux, TP-587.139 Aschman et al. 2013, 173.140 Loyer 1994, 265-268.141 ANLux, FL-020.142 Maas 2012, 31.143 Bosseler 1991, 351-353 ; ANLux, FL-020 ; Faber et al. 2011,

14-15.144 Compte-Rendu, 2.12.1909, 80.145 Syndicat 1991, 457-464.

Der Charly1

Charles Rischard (15.05.1841 - 12.06.1914), Jurist,1868–1875 : Assessor und dann Richter in Diekirch undLuxemburg, 1875–1883 : General-Advokat, 1883–1896 :Direktor der Post- und Telegraphenverwaltung, 1896–1905 :General-Direktor der Öffentlichen Bauten, 1905–1913 :Präsident des obersten Gerichtshofes und Staatsrat.(Luxemburger Wort 13.06.1914).

2ANLux, FCF-00480.

3Archives VdL, LU11 IV1 1005.

4Charles-Mathias Simons (27.03.1802-05.10.1874), geboren

in Bitburg und gestorben in Luxemburg, studierte Recht inLiège, 1853–1860 : Staatsminister, 1860–1874 : Mitglieddes Staatsrates.

5ANLux, H-419.

6Eugène Ferron (25.02.1841-31.12.1903), besuchte von1854 bis 1861 das Athenäum in Luxemburg, studierteanschließend von 1862 bis 1867 an der Universität Gent,Ingenieur Fachrichtung Tief- und Hochbau. 1867 bis1874 Professor für Zeichnen und höhere Mathematik amAthenäum, 1874 bis zu seinem Tod Auf-sichtskommissar fürEisenbahnfragen bei der Luxemburger Regierung. Zahlreichewissenschaftliche Veröffentlichungen auf dem Gebiet derArchitektur und Eisenbahn.

7Jean Worré (03.09.1816-1901), studierte das Ingenieur-wesen in Mons und Leuven (B), 1845 : Baukonduktor beider Verwaltung der Öffentlichen Bauten, 1884 : Chefing-enieur und ab 1889 in Rente, war auch bei der Planung derAntwerpener-Straße und der Urbanisierung des PlateauBourbon involviert.

8Jean-Baptiste Kintzelé (1822-15.02.1912), Architekt undIndustrieller, Teilhaber mehrerer Industriebetriebe wie z.B.Schiefergruben Martelingen, Gipswerk Heisdorf, EisenwerkeAudun-le-Tiche usw.

9ANLux, TP-475.

10Obermosel-Zeitung, 26.05.1893.

11Jean-Nicolas-Ernest Barblé (1837-28.09.1915), allgemeinanerkannter Ingenieur, Unternehmer und liberaler Politiker,langjähriges Gemeinderatsmitglied und Schöffe der StadtLuxemburg, hatte bereits die Kleinbahn Luxemburg-Remichund die Normalspurbahn Luxemburg-Petingen entworfen undgebaut, sowie mehrere andere Bahnprojekte in Rumänien,Holland und Belgien.

12Obermosel-Zeitung, 03.03.1893.

13Ries 1904.

14 Luxemburger Wort 26.01.1895.15 Archives VdL, LU11 IV/2 553.16 Albert Rodange (1858–1927), Sohn unseres Nationaldich-

ters Michel Rodange, Ingenieur, studierte das Ingenieur-wesen nach Abschluss der Industrieschule an der EcoleCentrale de Paris, 1881 : beigeordneter Ingenieur beim Bauvon verschiedenen Eisenbahnstrecken in Frankreich und aufKorsika, 1888 : Baukonduktor bei den Öffentlichen Bauten,1891 : Chefingenieur und ab 1926 in Rente.

17 ANLux, CdD-1530.18 Archives VdL, LU IV2 11 D 553.19 Luxemburger Wort, 06.12.1895.20 Luxemburger Wort, 12.09.1896.21 ANLux, TP-475 und Luxemburger Wort, 19. und 23.09.1896.

22 ANLux, CdD-1530.22a Das zitierte Dokument gibt keine Erklärung für die Unter-

schiede in der Benennung der Haltestellen. FolgendeErklärungen sind plausibel: Arrêt: Haltestelle auf freierStrecke, ohne Weiche, Fahrkartenverkauf und Gepäckdienst.Halte: Haltestelle mit einer oder mehreren Weichen, für einÜberholungs- oder Kreuzungsgleis. Fahrkartenverkauf undGepäckdienst evtl. in einem Café. Station: Ausstattung wieeine Haltestelle, evtl. mit einem oder mehreren zusätzlichenGleisen, aber betrieben durch Bahnpersonal, welches auchdie Weichen bedient. Fahrkartenverkauf und Gepäckdienstsind im bahneigenen Stationsgebäude untergebracht.Güterwagen können be- und entladen werden. marchds: wieStation. Hier können zusätzlich auch komplette Waggon-ladungen übernommen oder -geben werden.

23 Luxemburger Volkszeitung, 21.10.1898.24 J. Fuchs hatte bereits für die PH-Bahngesellschaft die

Infrastrukturarbeiten der Strecke Luxemburg-Petingenausgeführt.

25 ANLux, TP-496.26 Der Name Adolph-Brücke wurde dem Bauwerk durch Gesetz

vom 21.07.1903 verliehen.27 Bürger- und Beamtenzeitung, 18.06.1903.28 Bei der Gesetzesunterzeichnung war eine Unterquerung der

Nordstrecke in einem Tunnel geplant.29 Bei der Gesetzesunterzeichnung war hier ebenfalls ein Tunnel

mit einer Länge von 70 m vorgesehen.30 Bei der Gesetzesunterzeichnung waren insgesamt vier Tunnel

vorgesehen.31 ANLux, TP-496.32 L’Indépendance, 09.10.1903.33 L’Indépendance, 16.11.1903.34 Mémorial no 61 (1911).35 Ries 1911.36 Obermosel-Zeitung, 16.03.1923.37 ANLux, TP-051.38 Archiv Tramsmusée Stadt Luxemburg.39 ANLux, TP-051 et Revue Technique Luxembourgeoise n° 2 et

n° 6 - 1926.40 Ries 1929.41 Gesetz vom 14.04.1934.42 Großherzoglicher Beschluss vom 03.03.1948.43 CFL-Archiv.44 Le Signal, 09.01.1953.45 Mémorial n° 27 (1957).