L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes...

68
L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfants Publié sous la direction de Wayne H. Holtzman, University of Texas et Isabel Reyes-Lagunes, Universidad Nacional Autónoma de Mexico avec la collaboration de Mira Aghi, Indian Space Research Organization, Bombay, Inde Takashiro Akiyama, NHK Radio and Television Culture Research Institute, Japon Arrigo Leonardo Angelini, Universidade de São Paulo, Brésil. Margot Berghaus, Universität Hamburg, République fédérale d'Allemagne Angela Biagio, Pontificia Universidade Catolica, Rio de Janeiro, Brésil Janpeter Kob, Universität Hamburg, République fédérale d'Allemagne Alicia Martin del Campo, Universidad Iberoamericana, Mexique Kurt Pawlik, Universität Hamburg, République fédérale d'Allemagne Samuel Pfromm Netto, Faculdades Metropolitanas Unidas, São Paulo, Brésil Takashi Sakamoto, Tokyo Institute of Technology, Japon Gavriel Salomon, Université hébraïque,Jérusalem, Israël '

Transcript of L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes...

Page 1: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfants Publié sous la direction de W a y n e H. Holtzman, University of Texas et Isabel Reyes-Lagunes, Universidad Nacional Autónoma de Mexico

avec la collaboration de Mira Aghi, Indian Space Research Organization, Bombay, Inde Takashiro Akiyama, NHK Radio and Television Culture Research Institute, Japon Arrigo Leonardo Angelini, Universidade de São Paulo, Brésil. Margot Berghaus, Universität Hamburg, République fédérale d'Allemagne Angela Biagio, Pontificia Universidade Catolica, Rio de Janeiro, Brésil Janpeter Kob, Universität Hamburg, République fédérale d'Allemagne Alicia Martin del Campo, Universidad Iberoamericana, Mexique Kurt Pawlik, Universität Hamburg, République fédérale d'Allemagne Samuel Pfromm Netto, Faculdades Metropolitanas Unidas, São Paulo, Brésil Takashi Sakamoto, Tokyo Institute of Technology, Japon Gavriel Salomon, Université hébraïque, Jérusalem, Israël '

Page 2: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

ISBN 92-3-201792-X Edition anglaise 92-3-101792-6 Edition espagnole 92-3-301792-3

Publié en 1981 par les presses de l’Unesco 7, place de Fontenoy, 75700 Paris, France

Imprimé dans les ateliers de 1’Unesco 0 Unesco 1981 Imprimé en France

Page 3: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer, pour l’éducation des jeunes enfants, le pouvoir de la télévision, les techniques pédagogiques modernes et la conception de programmes vivants s’est peu à peu imposée à l’imagination des planificateurs, des éducateurs et d’importants secteurs de l’opinion publique dans le monde entier. La diversité des expériences entreprises dans ce domaine, dans le cadre de systèmes d’éducation et à des niveaux de développement de la communication très différents, semble indiquer un mouve- ment irréversible. Elle incite également à mesurer l’impact de la télévision sur les jeunes enfants et spécialement sur le développement de leurs aptitudes cognitives, et à mettre au point pour ce faire une approche transculturelle ou “supra- culturelle”. Le présent ouvrage doit être considéré comme l’un des efforts de l’Unesco dans ce sens.

Entreprise par l’Union internationale de psychologie scientifique avec l’aide financière de l’Unesco, cette étude est le fruit de deux conférences internationales sur la télévision éducative pour les enfants et d’un tour d’horizon des évalua- tions effectuées dans différents pays. La première conférence, qui s’est tenue à Mexico en mai 1976, a réuni dix-sept chercheurs, spécialistes des sciences du comportement, qui ont, d’une part, examiné un certain nombre d’études empiri- ques traitant de l’impact de la télévision éducative sur le développement des aptitudes cognitives, de la perception et de la personnalité des jeunes enfants et, d’autre part, commencé à élaborer différents modèles possibles pour évaluer les efforts entrepris en ce sens dans différents pays. La confé- rence a également projeté une série de travaux de recherche et de communications scientifiques. Ces documents ont, par la suite, servi de base à l’ordre du jour de la deuxième confé- rence, qui s’est tenue à Tokyo en septembre 1977 sous l’égide de l’Association japonaise de psychologie et de l’Institut de la culture télévisée du Nippon Hoso Kyokai (NHK, Office de Radiodiffusion japonaise). Le point fort de la conférence a été un colloque sur la télévision et l’enfant qui s’est déroulé au Centre audiovisuel de la société Matsushita.

Les conclusions de la conférence et du colloque de Tokyo ont inspiré la première partie du présent ouvrage, qui traite des liens entre la communication et l’éducation, des principes et de la méthodologie de l’évaluation, et qui comporte un aperçu des récentes découvertes sur le développement de l’enfant dans ses rapports avec la télévision et sur l’influence qu’elle exerce sur les jeunes enfants.

La deuxième partie se compose de six études de cas effectuées dans divers contextes socio-économiques et culturels dans des pays industrialisés ainsi que dans des pays en développement. Ces études portent principalement sur la série d’émissions Sesame Street1 et ses différentes adapta- tions, ainsi que sur d’autres programmes qui empruntent largement à ce type. V u la très grande influence de ce modèle sur les programmes pour enfants et les nombreuses évalua- tions systématiques auxquelles il a donné lieu, il a paru logique d’y voir le point de départ de la réflexion menée sur ce point. Cependant, il est non seulement souhaitable mais nécessaire que les études futures soient fondées sur d’autres modèles.

L’espoir est que le présent ouvrage puisse fournir de nouveaux éléments d’appréciation aux chercheurs, aux éducateurs et aux décideurs, et susciter un approfondissement des travaux sur la télévision éducative et son influence sur l’enfant.

L’Unesco tient à exprimer sa reconnaissance aux deux directeurs de publication, Wayne H. Holtzman et Isabel Reyes-Lagunes, ainsi qu’à tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de cet ouvrage. Les opinions qui y sont exprimées relèvent bien entendu de l’entière responsabilité des directeurs de publication et des auteurs et ne reflètent pas nécessaire- ment les positions de l’Unesco.

1. Entreprise, vers la fin des années soixante, par le Children’s Tele- vision Workshop of N e w York, N.Y., Etats-Unis d’Amérique.

3

Page 4: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Table des matières

Première partie. LA TELEVISION EDUCATIVE : THEORIE, METHODES ETEVALUATION ...................................... 5

................. Chapitre 1. L’évaluation de la télévision éducative 6 (Gavriel Salomon, Alicia Martin del Campo)

(Wayne H. Holtzman, Mira Aghi, Takashi Sakamoto)

(Angela Biaggio)

Chapitre 2. Principes et concepts de l’évaluation .................. 14

Chapitre 3. La télévision et le développement de l’enfant ............

Deuxième partie. EVALUATION D E LA TELEVISION EDUCATIVE : ETUDES D E CAS. ..

20

29

Chapitre 4. Un échantillonnage de la télévision pour enfants aux Etats-Unies. ............................... 30 (Wayne H. Holtzman)

Chapitre 5. Plaza Sesamo ................................. 34 (Isabel Reyes-Lagunes)

Chapitre 6. La recherche concernant la télévision éducative en République fédérale d’Allemagne ............................ 38 (Kurt Pawlik, Janpeter Kob, Margot Berghaus) Etudes d’évaluation sur l’impact de la télévision éducative sur les enfants d’âge préscolaire au Japon. .............. (Takashi Sakamoto, Takashiro Akiyama) L’impact de la télévision brésilienne sur les enfants et l’éducation. ................................ 48 (Samuel Pfromm Netto, Arrigo Leonardo Angelini)

Chapitre 9. Le projet SITE en Inde. .......................... 54 (Mira Aghi)

Chapitre 7. 44

Chapitre 8.

CONCLUSION ..................................................... 60

BIBLIOGRAPHIE ................................................... 64

4

Page 5: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Première partie La télévision éducative : théories,

méthodes et évaluation

5

Page 6: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE I

L’EVALUATION DE LA TELEVISION EDUCATIVE

Par Gavrier Salomon

Alicia Martin del Campo

La télévision en général, et la télévision éducative en parti- culier, sont des systèmes comportant un certain nombre d’éléments qui tous influent sur l’individu et la société selon des voies différentes. Pour évaluer un projet éducatif véhiculé par la télévision, il faut par conséquent déterminer et mesurer l’impact sur les téléspectateurs à la fois de l’ensemble du système et de ses différentes composantes.

Se borner à essayer d’évaluer la totalité du système, c’est risquer en effet de laisser dans l’ombre bien des informations utiles si les fonctions spécifiques des diverses composantes ne sont pas identifiées et analysées comme il convient. Nous examinerons donc de plus près les composantes de la télé- vision éducative et les fonctions spécifiques qu’elles peuvent remplir.

LES COMPOSANTES DE LA TELEVISION EDUCATIVE ET LEURS

FONCTIONS SPECIFIQUES

Les différents aspects de la télévision éducative qui présentent un intérêt particulier pour la compréhension de l’ensemble du système et de son impact sur le téléspectateur peuvent être regroupés dans les six rubriques ci-après : techniques de transmission, contenu véhiculé par les émissions de télévision, situations spécifiques d’écoute de la télévision, système de symboles inhérent à la télévision, facteurs pédagogiques et facteurs organisationnels du système.

La technique de la télévision exerce sa propre influence sur les téléspectateurs, indépendammen’t des autres compo- santes. C’est grâce à la technique de diffusion par satellite que, dans le cadre du Projet SITE, la télévision éducative a pu toucher de nombreux villages de l’Inde. C’est également cette technique qui a permis de répandre un nouveau programme scolaire,dans l’El Salvador. Le rôle principal de la technique du média est d’assurer une large diffusion, et toute évaluation de la télévision doit se faire en fonction de ce rôle. I1 faut se demander par exemple combien de personnes ou de publics différents ont accès à l’émission. S’il n’y a que 200 récepteurs dans un pays, l’impact de la télévision est très différent de ce qu’il est dans un pays qui en compte 2 millions. Lorsqu’une personne se trouve seule devant son poste dans une petite pièce, l’impact n’est pas du tout le même que lorsqu’on utilise la technique du grand écran que regardent ensemble un grand nombre de gens. De nouveaux progrès techniques peuvent modifier le média et lui permettre d’atteindre efficacement un nombre plus important de téléspectateurs.

L’objet essentiel de la technique de la télévision éducative est de diffuser certains contenus précis dans une forme éduca- tive structurée. U n tel contenu n’est que rarement, sinon jamais, immédiatement adapté au moyen de communication qu’est la télévision. Qu’il s’agisse de la planification familiale, des mathématiques, de la santé, de l’histoire de l’art, ou de

l’initiation à la lecture, ce sont là des matières d’enseignement qui ont peu de rapport avec la télévision en soi. Dans la mesure OU il y a bien apprentissage, c’est donc au contenu transmis bien plus qu’au système ou à la technique de diffusion qu’il faut l’attribuer. La fonction principale du contenu ainsi véhiculé est d’informer, d’instruire, de changer les mentalités ou de développer les aptitudes. Toute évaluation qui vise à déterminer si cette fonction éducative a été assurée de façon satisfaisante doit distinguer les effets dus à la technique de diffusion des effets dus au contenu lui-même. Une émission est largement diffusée quand un grand nombre de personnes y ont accès ; mais elle ne remplit la fonction principale de la télévision éducative que si son contenu est effectivement retenu par un nombre important de téléspectateurs.

L’écoute de la télévision se déroule dans des circonstances socialement très diverses, qui peuvent avoir ou non une incidence sur l’effet produit par l’émission éducative. Dans les pays industrialisés, on regarde la télévision le plus souvent en famille, mais les émissions de télévision éducative peuvent être également suivies dans les classes, à l’école maternelle, dans les club de téléspectateurs ou même sur les places publiques en plein air, comme dans les villages indiens du projet SITE. Ces situations sont en elles-mêmes à la fois une cause importante de changement et la conséquence de l’accès à la télévision éducative. Le fait que les enfants d’âge pré- scolaire en situation sociale d’encouragement familial apprennent mieux et plus (Salomon, 1977)’ est un exemple de facteur causal modifiant l’impact de la télévision éducative. Dans des villages indiens, la rupture du système des castes parmi les dizaines de téléspectateurs qui se sont côtoyés pendant les séances de télévision est un exemple de résultat inattendu n’ayant rien à voir avec l’apprentissage du contenu transmis.

La télévision emploie un “1angage”ou système de symboles qui se différencie de bien des façons de celui du livre, du langage parlé ou même du cinéma. La télévision s’adresse aux niveaux les plus concrets des structures cognitives de l’individu. Elle véhicule des significations qui font plutôt appel à l’expé- rience personnelle et elle requiert sans doute des aptitudes mentales qui ne sont pas sollicitées par le système symbolique de bien d’autres moyens éducatifs (Salomon, 1979). Dans de nombreux cas, l’élévation du niveau d’instruction qu’ont pu observer les responsables de l’évaluation de la télévision éduca- tive est due non pas au contenu des programmes éducatifs mais bien au “langage” qui véhicule ce contenu. De même, si une émission de télévision éducative ne parvient pas à provo- quer la transformation souhaitée, cela peut provenir du caractère trop nouveau ou trop “concret” du “langage” employé : de là vient peut-être l’échec fréquent de la téle- vision éducative dans le deuxième cycle de l’enseignement

1. Voir ci-dessous bibliographie p.64.

6

Page 7: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

secondaire. Inversement, le succès d’un grand nombre d’émis- sions de télévision éducative, telle Sesame Street, pourrait bien s’expliquer par l’alliance entre une technique de trans- mission très au point et un système symbolique qui donne une représentation de contenus à prion banals sous une forme très attrayante.

Aux quatre composantes déjà citées s’ajoutent des critères éducatifs et didactiques d’ordre plus général touchant à la structuration et au caractère pédagogique des émissions de télévision éducative. Comme pour le contenu, ces facteurs ne font pas partie intégrante du média lui-même. Cependant, ils peuvent avoir des effets profonds sur le résultat final de l’apprentissage, abstraction faite de toute autre incidence. I1 peut arriver qu’une émission soit très accessible, parce que la technique utilisée est appropriée et que les contenus judicieuse- ment choisis exploitent intelligemment le “langage” de la télévision, et qu’elle ne parvienne cependant pas à atteindre un objectif pédagogique intéressant parce qu’elle est mal structurée ; peut-être ne favorise-t-elle ni la répétition ni la rétro-information, ou bien elle vise trop haut pour le public auquel elle s’adresse. Ces considérations d’ordre didactique sont de la plus haute importance car elles favorisent ou entravent la réussite éducative recherchée quelles que soient toutes les autres composantes.

La télévision éducative est autant faite de ce qui se passe derrière l’écran que de l’émission qui est finalement présentée au public. Responsables des programmes, producteurs, techniciens, enseignants, auteurs et comédiens ont tous un rôle important à jouer dans l’élaboration du produit final. Une bonne organisation de leurs efforts peut être la clef du succès. I1 peut arriver qu’une émission de télévision éducative soit très prometteuse et que les cinq composantes déjà citées soient toutes bien conçues, et que cependant toute l’entre- prise échoue faute d’une bonne répartition des tâches et d’une coordination efficace de l’ensemble. Comme l’a fait remarquer Schramm (1977), ces facteurs d’organisation peuvent jouer un grand rôle de par leur incidence sur l’aboutis- sement de l’effort éducatif, indépendamment des autres composantes en présence.

Ces six facteurs ou composantes interviennent ensemble au sein d’un même système. En bref, ils définissent ce qu’est la télévision éducative en tant que moyen de communication. Une évaluation exhaustive doit donc les englober tous les six même si elle ne traite en détail qu’un ou deux d’entre eux et non la totalité. La technique influe sur la façon dont l’émis- sion est diffusée ; le contenu ainsi véhiculé agit sur l’acquisi- tion et le développement des connaissances, des attitudes, des habitudes et des aptitudes; les circonstances ou le cadre social dans lequel les téléspectateurs regardent l’émission influencent les coutumes et les comportements sociaux ; les systèmes symboliques qu’utilise le langage de la télévision déterminent la facilité ou la difficulté avec laquelle se fait l’apprentissage ; les considérations pédagogiques et éduca- tives touchent au processus d’apprentissage dans ses moindres détails ainsi qu’au rapport entre la structure des programmes et leurs résultats ; enfin, l’organisation sociale du système tout entier détermine son niveau d’efficacité lors de la diffu- sion de l’émission éducative.

La télévision éducative se distingue de la télévision propre- ment dite sur certains points, mais pas sur d’autres. L’analyse du moyen de communication que représente la télévision à partir de ces six composantes nous permet de déterminer en quoi les deux systèmes divergent. Sur le plan technique, il n’existe pas de différence importante entre les deux formes de télévision, malgré quelques exceptions dont l’utilisation de la télévision en circuit fermé pour la formation des enseignants et. l’emploi éventuel de la télévision éducative associée à l‘enseignement assisté par ordinateur. Somme toute, les deux systèmes reposent sur des technologies identiques. Mais l’avenir pourrait bien les différencier davantage. Alors que la télévision non éducative représente un moyen de communica- tion non spécialisé s’adressant à un vaste public, la télévision éducative s’oriente vers une spécialisation accrue répondant

aux besoins d’un public bien défini. Si elle ne semble pas parfaitement adaptée en tant qu’instrument d’instruction individuel, elle pourrait bien devenir l’instrument de choix pour l’enseignement de groupe. .Les deux systèmes de télévision - pour le grand public et

pour l’éducation - se distinguent très nettement sur le plan du contenu des émissions, des circonstances sociales dans lesquelles on les regarde et du caractère pédagogique ou non des programmes. Le contenu de la télévision éducative est spécialement choisi pour atteindre certains objectifs éducatifs que la société juge utiles et souhaitables. La télévision commerciale vise aussi certains buts précis, mais ceux-ci ne sont pas obligatoirement souhaitables sur le plan social. D’autre part, le contenu de l’émission éducative est transmis dans des situations jugées propres à promouvoir l’apprentissage individuel, alors que la télévision destinée au grand public ne s’attache pas à structurer le contextr social de cette manière. On peut ainsi concevoir des conditions particulières d’écoute en tant que partie intégrante du système de télévision éduca- tive - prévoir par exemple des salles de cours spéciales ou des clubs réservés à cet effet, ou susciter la participation active des parents - pour faciliter la réalisation des objectifs éduca- tifs. Enfin, les considérations pédagogiques qui ne sont guère présentes dans les émissions de télévision destinées au grand public sont au cœur même de toute entreprise éducative, par la télévision ou non. Ces trois composantes du système - la contenu, le contexte social de l’écoute et les facteurs péda- gogiques - caractérisent le rôle et les fonctions particulières de la télévision éducative par rapport à la télévision destinée au grand public.

COMMENT CONJUGUER COMMUNICATION ET EDUCATION : UN MODELE

D’EVALUATION DE LA TELEVISION EDUCATIVE

L‘évaluation en matière de télévision éducative touche à la fois à l’éducation et à la communication. Bien que l’éduca- tion, du moins sous son aspect formel, soit un phénomène de communication et qu’une grand part du processus de communication implique des démarches pédagogiques, il existe peu de concepts communs aux deux disciplines. Par ailleurs, les considérations théoriques formulées dans l’une des disciplines sont rarement reprises par l’autre (Mielke, 1972).

Notre objet est de proposer pour l’évaluation de la télé- vision éducative un cadre conceptuel dans lequel la communi- cation et l’éducation sont examinées ensemble, à partir des concepts communs aux deux- disciplines. Le cadre proposé repose sur les cinq postulats suivants, qui se dégagent des théories et connaissances existantes en matiere d’éducation et de communication.

Toute démarche éducative, y compris la télévision éduca- tive, fait intervenk tous les éléments communi?’ment admis du processus de communication. I1 suffit d’un instant de réflexion pour voir avec quelle facilité on peut exprimer des actions éducatives (l’enseignement, l’approfondissement des compé- tences, la diffusion des connaissances, la création d’une ambiance favorable) en termes de communication. I1 y a toujours un “émetteur” - enseignant, auteur ou producteur d’émissions de télévision éducative - qui s’insère dans un système social plus large utilisant un ou plusieurs moyens de communication pour véhiculer certains messages codés (accompagnés de bruits) à des “récepteurs’’ - c’est-à-dire des élèves, étudiants ou autres personnes qui représentent les groupes cibles de l’éducation. Les récepteurs font partie d’une sous-culture particulière, possédant ses propres apti- tudes, besoins, désirs et intérêts. Tout cela se déroule dans un environnement social et matériel qui influe sur la signification, la réception et les effets des messages codés. Par ailleurs, il existe des messages de rétro-information entre presque tous les éléments du processus, ce qui en fait un réseau continu plutôt qu’une chaîne linéaire. Certains sont transmis immé- diatement, d’autres avec quelque retard.

7

Page 8: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Cependant, deux aspects de l’acte pédagogique dans la télévision éducative se distinguent nettement des démarches habituelles de la communication. Premièrement, une émis- sion de télévision éducative a généralement un caractère plus délibéré, est davantage liée à un objectif déterminé que les autres messages télévisés, puisqu’elle vise un public bien défini à des fins précises. Deuxièmement, la télévision éduca- tive cherche à assurer le développement et l’épanouissement personnels du public auquel elle s’adresse, alors que les autres messages télévisés sont, généralement, uniquement conçus pour produire un effet immédiat. Pourtant, malgré ces différences, il semble que les démarches de l’éducation et celles de la communication aient de nombreux point en commun.

L e processus de communication (ou d’enseignement) ne commence pas au même stade pour tous lesparticipants. Pour le récepteur (celui qui apprend) le processus ne commence peut-être qu’au moment où il ouvre son livre, ou quand il ouvre le poste de télévision ou lorsque l’enseignant commence son cours. Mais les choses ont débuté beaucoup plus tôt pour l’auteur du manue1,le producteur de l’émission ou l’enseignant. Par contre, dans le cas des parents qui examinent après coup avec leurs enfants les informations transmises, le processus ne s’engage que beaucoup plus tard.

Par conséquent, l’évaluation d’une action éducative, particulièrement lorsqu’il s’agit de la télévision éducative, peut avoir plus d’un point de départ. Le choix de ce dernier dépend essentiellement des objectifs, fonctions et portée de l’évaluation. Un chercheur s’attachera, par exemple, à étudier comment une première projection de l’émission à l’intention des enseignants pourrait influer sur l’apprentissage des enfants. Un aube voudra examiner les incidences sur l’apprentissage résultant du renforcement par les parents du matériel présenté dans l’émission. Le premier axera essentiellement son enquête sur les effets de la prédiffusion sur l’apprentissage, alors que le second s’intéressera surtout aux effets postérieurs à la diffusion.

Les facteurs assurant la médiation entre les apports et les résultats peuvent avoir autant d’importance que les apports, puisque l’issue de l’apprentissage dépend non seulement de ces derniers mais aussi des processus intermédiaires. Cette idée fondamentale est l’une des leçons importantes apprises au fil des années dans le domaine de la communication comme dans celui de l’éducation. Pendant longtemps, les études ont porté sur les effets directs des apports (messages persuasifs, annonces publicitaires, discours politiques, émissions scolaires, etc.) sur les résultats, sans guère déboucher sur des conclusions fermes et positives. Dans presque tous les cas, des variables dites médiatrices semblaient modifier, amplifier ou même annuler les effets des apports. Le concept des effets directs de la télévision a alors cédé la place à la célèbre hypothèse du flux en deux étapes. Selon cette hypothèse, les relations interpersonnelles, assurant le relai de l’information et son renforcement dans le contexte social, interviennent entre le stade de l’apport et celui des résultats. Le fait de parler à autrui est en définitive un facteur de médiation considérable dans le processus. Récemment, il est apparu clairement que, du moins dans les pays occidentaux, la fonction de renforce- ment de la communication interpersonnelle a plus d’impor- tance que la fonction de relai (Katz, 1975) donnant ainsi encore davantage de poids à l’élément de médiation par rapport aux apports.

Parmi les principales variables de médiation ou qui inter- viennent entre les apports et les résultats figurent les diffé- rences notées sur le plan des méthodes pédagogiques, de l’ambiance qui règne dans les classes, de l’attitude des enseignants, des connaissances et de la réussite lors des apprentissages antérieurs, de l’attitude initiale des élèves. I1 est important de souligner que ces variables réagissent aux apports de façons diversifiées. C’est ainsi que des élèves ayant des niveaux intellectuels différents sont différemment touchés par une émission de télévision éducative donnée et que des classes ayant des ambiances différentes réagissent différement

8

à la même émission scolaire. il y a interaction entre les apports et les variables médiatrices, d’où des résultats diversi- fiés. En d’autres termes, on ne peut guère parler d’effet direct des apports sur les résultats car ces derniers dépendent dans une très large mesure de l’interaction entre les apports et les variables médiatrices.

Sous l’angle de la communication, nous pouvons faire une distinction entre les effets d’une émission de télévision édu- cative et son efficacité (Salomon, 1974). Le but fondamental de l’évaluation est d’étudier l’efficacité d’un apport éducatif mesurée par la réalisation d’un objectif éducatif ou l’obten- tion d’un résultat précis. Mais cette efficacité finale passe par la médiation d’effets plus immédiats. Telles sont par exemple les premières réactions qu’un message, une émission, un pro- gramme d’étude, une situation ou un environnement suscitent chez les élèves et les enseignants au sein du système scolaire, ou parmi les planificateurs de l’éducation. Les récepteurs peuvent se montrer attentifs, intéressés, passionnés ou concernés par un message ayant une structure et une concep- tion donnée. I1 s’agit là d’effets médiateurs de caractère psychologique ou sociologique, voire organisationnel. Leur nature et leur intensité dépendent de la nature des apports et de leur interaction avec la nature du récepteur et de son environnement. Cependant, produire un effet ne constitue pas une garantie d’efficacité. Un effet est efficace ou non selon que le résultat correspond ou non à l’intention et au but recherché, et qu’il est donc souhaitable ou non. I1 faut par conséquent disposer de critères extérieurs pour pouvoir évaluer l’efficacité de tel ou tel effet, et prendre en parti- culier en compte à la fois les objectifs recherchés et les consé- quences non intentionnelles.

Imaginons une émission de télévision éducative soigneuse- ment conçue pour inculquer les principes fondamentaux et les gestes élémentaires de l’hygiène personnelle. Manifeste- ment, l’émission suscite l’attention et éveille l’intérêt du public,elle captive les téléspectateurs auxquels elle est destinée. Pourtant, une étude ultérieure de leur comportement en matière d’hygiène personnelle révèle que leurs habitudes n’ont pas changé de manière perceptible. Par rapport à ses propres objectifs, cette émission de télévision éducative, tout en ayant des effets souhaitables, n’est pas très efficace.

Cette distinction ne signifie pas qu‘il n’y a généralement pas de rapport entre effet et efficacité. A u contraire, les deux sont étroitement liés. I1 est évident que plus il y a coïncidence entre les intentions de l’émetteur du message et les effets psychologiques suscités par ce message, plus il y a de chances pour que ce dernier soit également efficace. Les relations entre ces éléments ne sont jamais simples. Les effets spéci- fiques, qu’ils soient psychologiques, sociologiques ou liés à l’organisation, sont des éléments de médiation influant sur l’efficacité et il apparaît difficile d’évaluer celle-ci sans les prendre également en compte. De même, il n’est pas souhait- able de mesurer seulement les effets sans évaluer leur efficacité à la lumière de critères extérieurs.

Tout cela implique que l’évaluation de la télévision éduca- tive doit se faire en tenant compte des processus de média- tion (l’effet des apports sur les variables médiatrices) et en examinant séparement les effets de l’émission et son efficacité. I1 est impossible de bien apprécier l’efficacité d’une émission si l’on n’en connaît pas les effets médiateurs.

Les divers systèmes de télévision éducative se proposent des objectifs différents selon le niveau de développement global du système éducatif; plus précisément, un système de télévision éducative et ses composants peuvent remplir dif- férentes fonctions selon le récepteur et le moment considérés. La télévision éducative n’est que l’un des éléments consti- tutifs du système global d’éducation. Le rôle qui lui est assigné dépend, à la fois, de la situation générale de l’ensemble de ce système et des objectifs que la société assigne à ce système. La télévision éducative peut être le principal agent de diffusion d’une réforme de l’enseignement comme en El Salvador (Mayo et McAnany, 1976), ou n’être qu’un élément de plus dans un système éducatif déjà bien développé

Page 9: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

et servir uniquement de complément à l’enseignement normal et de source de culture générale, comme au Japon, en Républi- que fédérale d’Allemagne ou en Israël. Par conséquent, l’évaluation de la télévision éducative ne peut se faire selon un modèle unique adapté à tous les rôles sociaux et objectifs éducatifs pouvant exister dans les différents pays. L’evalua- tion dans un pays où le télé-enseignement est seulement perçu comms un moyen technique de diffusion (comme c’est le cas pour la Telesecundana au Mexique) sera forcément nettement différente de ce qu’elle peut être’dans un pays où l’on en attend des expériences éducatives originales qui font largement appel au “pouvoir informatif” intrinsèque de la télévision.

En outre, dans le cadre d’un même rôle, les émissions de télévision éducative remplissent des fonctions différentes et répondent à des besoins différents. Prenons, par exemple, celles que la télévision éducative peut remplir auprès des enseignants. Elle peut servir de source d’informations nouvelles pour l’un, alléger la responsabilité pédagogique de l’autre et fournir à un troisième un modèle de bonne pratique pédago- gique. Or, toutes ces fonctions n’auront peut-être que des rapports lointains avec celles qu’elle remplit auprès des divers publics d’élèves. Tout acte de communication dans le domaine de l’éducation peut théoriquement remplir tout un ensemble complexe de fonctions, et il existe donc tout un ensemble correspondant de critères que l’évaluation peut faire intervenir.

L’hypothèse fonctionnelle que nous adoptons ici et qui repose sur des découvertes théoriques et empiriques récentes en matière de communication (par exemple, Katz, Blumer et Gurevich, 1974), accorde un rôle actif au récepteur (ou, en fait, à tout autre élément important du processus). C’est le récepteur qui met à profit le message pour satisfaire des besoins personnels et lui faire remplir certaines fonctions spécifiques. Ce concept est en parfait accord avec les récentes théories de l’éducation qui considèrent que l’élève est une personne active et auto-motivée.

Pour l’évaluation de la télévision éducative, cela implique qu’outre les objectifs annoncés d’une émission, il peut en exister bien d’autres, et aussi bien d’autres résultats, souvent non manifestes. Ces autres objectifs remplis par l’émission aux différents moments auprès des divers publics doivent être examinés et évalués aussi soigneusement que les objectifs annoncés. En effet, il peut s’avérer que l’émission, tout en ne parvenant pas à atteindre les objectifs déclarés, en atteigne un grand nombre d’autres, non moins importants, qui sont déterminés plus par les enseignants ou les élèves que par les responsables et les producteurs des émissions.

L’évaluation de la télévision éducative assure la fonction de “rétro-information” auprès de tous ceux qui participent aux processus d’apport et de médiation ; cette information en retour est plus de l’ordre du “diagnostic” que de celui du “jugement”. De toute évidence, les réalisateurs, les produc- teurs, les enseignants et autres instances du système éducatif ont besoin de cette “rétro-information”. I1 n’est guère concevable qu’un système éducatif, chargé d’accomplir cer- taines fonctions précises, ne cherche pas à s’informer des résultats d’une manière ou d’une autre pour comger ses activités. La télévision éducative n’échappe pas à cette règle. Cependant, en raison même de sa nature, il est en général difficile d’obtenir immédiatement des écoles et des familles une “rétro-information”qui permette decomger une émission. Même s’il était possible d’organiser la transmission de cette “rétro-information”, il serait pour ainsi dire impossible de l’exploiter sur le champ. I1 ne faut donc pas s’étonner de voir certaines émissions de télévision éducative, même mal conçues, se poursuivre relativement longtemps avant qu’on ne dispose d’une “rétro-information” corrective.

L’évaluation de la télévision éducative peut remplir une fonction irremplaçable en mettant cette “rétro-information” à la disposition des planificateurs, des réalisateurs et des producteurs, à condition qu’il s’agisse d’un “diagnostic” plutôt que d’un “jugement”. L’évaluation-jugement indique si un

système de télévision éducative (ou une mission donnée) est, ou n’est pas, efficace, selon certains critères de jugement de l’efficacité. L’évaluationdiagnostic indique, par contre, ce qui dans le système (ou l’émission) est plus ou moins efficace et dans quelles circonstances précises les planificateurs et les réalisateurs peuvent s’attendre à ce que telle ou telle modifica- tion augmente l’efficacité de leur émission. Salomon (1977), par exemple, dans son évaluation de Sesame Street en Israël, a constaté que les enfants de cinq ans de milieu populaire qui regardent l’émission avec leur mere apprennent bien davantage que ceux qui la regardent seuls - presque autant que les enfants de milieu bourgeois. Une évaluation-jugement ne ferait normalement pas intervenir ces interactions spécifiques entre les apports (l’émission) et les facteurs de médiation (comme le fait de regarder l’émission en compagnie de la mère), puisqu’elles n’indiquent pas si l’émission est globale- ment efficace. Seul un diagnostic se fondant ainsi sur les éléments du système peut indiquer quelles modifications spécifiques pourraient rendre l’émission plus efficace.

I1 est évident que toutes les formes d’évaluation de la télévision éducative ne sont pas conçues de manière à fournir des informations de “diagnostic” ; toutes ne sauraient donc être utilisées directement pour la “rétro-information”.

Les modèles d’évaluation

Gardant ces cinq hypothèses à l’esprit, nous pouvons maintenant procéder à l’examen d’un certain nombre de modèles d’évaluation de la télévision éducative. Un phéno- mène de communication ou d’éducation comporte trois grandes composantes : les apports, les résultats et les facteurs ou activités de médiation qui relient les deux (Figure 1).

MEDIATION

par exemple, ce qui est appris u RESULTATS

Figure 1. Les trois composantes de la communication et de l’éducation.

Le cercle des apports comprend tous les éléments que l’on fait entrer en jeu normalement avec des intentions et des raisons précises. Ce peut être tout un programme d’ét.udes, une émission, un spectacle ou seulement un élément du contenu. L’apport englobe non seulement le programme visible ou le message introduit dans le contexte, mais aussi l’intention qui les sous-tend ; il y a le but déclaré et aussi les éléments cachés du message. Parmi les résultats de la télé- vision éducative. peuvent figurer de nombreux éléments tels que l’évolution des mentalités, la mémorisation d’une leçon, l’acquisition d’aptitudes ou l’apprentissage de comporte- ments nouveaux. Les facteurs de médiation peuvent être également de différentes natures. Le fait même qu’inter- vienne un élément de médiation transforme les apports pour donner des résultats. Dans le cadre de la télévision éducative, l’enseignant, par exemple, est un médiateur. Aucun lien entre les apports et les résultats ne peut pratiquement se concevoir sans ces facteurs de médiation. Nous nous trouvons donc devant un modèle relativement complexe. Les apports ont une incidence sur les différents publics où l’on note ensuite des résultats. Ces derniers sont évalués à la lumière des

9

Page 10: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

objectifs et des critères établis à l’origine. Le processus inter- médiaire entre les apports et les résultats joue un rôle considé- rable dans la mesure OU il agit, à la fois, sur les apports et sur les résultats, et sert donc d’élément de médiation entre les deux. L’ensemble du processus de communication, adapté spécialement à la télévision éducative, est présenté dans la Figure 2.

La colonne de gauche de la Figure 2 représente le groupe des variables d’apport ; la colonne de droite, les variables de résultat ; au centre sont les variables du processus de médiation. Les trois groupes comportent des facteurs centraux et des facteurs périphériques. Le message constitue normalement le premier facteur d’apport. I1 ne faut pas oublier, cependant, que le message est fortement influencé par son contexte social, par le système éducatif global et par le média et ses éléments concomitants. Donc, l’élément central de l’apport peut (et, dans bien des cas, doit) être évalué à la lumière de ses autres composantes. De même, le public cible (l’élève) et les effets exercés sur lui sont les principaux facteurs du processus de médiation, tandis que les résultats de l’apprentis- sage constituent les points centraux du groupe de résultats. Cependant, puisque chaque point central subit l’influence des facteurs périphériques (l’élève est influencé par le contexte d’apprentissage, par exemple), on peut également évaluer les groupes eux-mêmes et non pas seulement leurs interrelations. On peut, par exemple, évaluer la structure et le contenu du message à la lumière du critère plus large de son bien-fondé social. I1 est également possible d’évaluer les incidences du contexte d’apprentissage sur l’élève ou d’examiner les impli- cations sociales générales des résultats de l’apprentissage. De ce modèle découlent au moins sept types de schémas

- d’évaluation qui sont décrits ci-dessous. Evaluation des Composantes d’apport. On peut examiner

notamment la nature, la structure et le contenu du message dans le contexte de ses propres facteurs immédiats, de sa justification sociale ou des rapports entre les objectifs de départ et l’émission telle qu’elle existe. L’une des méthodes employées très couramment dans ce genre d’évaluation est celle de l’analyse de contenu (par exemple, Gerbner, 1969 ; Holsti, 1969) qui permet d’élucider les significations tant implicites qu’explicites d’un programme. I1 arrive souvent qu’elle montre pourquoi il est impossible que telle ou telle émission de tout un programme d’études soit efficace parce que certains éléments censés conduire à des changements sont en fait cachés, flous ou même carrément absents. L’analyse de contenu peut être de la plus haute importance dans une évaluation de la télévision éducative du fait que, dans bien des cas, les intentions ne se traduisent pas concrète- ment dans l’émission comme prévu ‘et que les ensembles de matériel d’enseignement qui sont fournis aux écoles ne cor- respondent pas aux objectifs que les responsables se propo- saient au départ.

Evaluation des processus de médiation. I1 s’agit d’étudier les facteurs de médiation, qui subissent l’influence des appórts et qui, à leur tour, donnent les résdtats. Ils englobent les différents contextes, les élèves et la personnalité des enseignants. A l’intérieur de ce cadre, l’évaluation porte sur les facteurs de médiation eux-mêmes. On peut se demander, par exemple, s’il existe un rapport entre des aspirations précoces à l’éducation (facteur de médiation refletant le milieu d’origine) et le fait de regarder la télévision éducative (variable de contexte) ? De même, quels sont les liens entre le plaisir éprouvé et la compréhension (deux facteurs de médiation de l’apprentissage), ou encore, question que se sont posés Chaiken et Eagly (1976), le fait d’apprécier le présentateur, de l’émission influence-til la compréhension de ses messages ? De nombreux facteurs, tels que l’attention que l’on prête

à une émission ou l’intérêt qu’elle suscite, le fait d’avoir eu très tôt telle ou telle attitude à l’égard du sujet traité, ou la compréhension d’un spectacle, ne doivent pas être considérés comme des variables de résultat puisque ce ne sont pas les

critères qui doivent servir à l’évaluation de l’efficacité de l’émission. Ils peuvent, cependant, favoriser l’apprentissage et doivent donc être considérés comme des facteurs de média- tion entre les apports et les résultats. C’est à leurs interrela- tions que s’intéresse essentiellement ce genre d’évaluation.

Evaluation des facteurs de résultat. Les facteurs de résultat peuvent être étudiés dans leurs interrelations. Dans quelle mesure, par exemple, le changement d’attitude des élèves à l’égard de la science (résultat escompté d’une émission de télévision éducative donnée) est-il lié à l’expérience qu’ils ont acquise lors de sorties sur le terrain par opposition aux connaissances acquises directement au cours de l’émission?

Les réalisateurs des émissions ont en tête bon nombre d’intentions et d’objectifs, et il existe généralement des liens entre ces objectifs. Or il peut arriver, par exemple, que des connaissances plus étendues en botanique s’accompagnent chez certains élèves d’une attitude de plus en plus négative à l’égard de cette matière. Et il se produit fréquemment des résultats qui n’avaient été ni prévus ni escomptés. I1 convient d’étudier les rapports entre ces résultats imprévus et ceux qui étaient attendus. Enfin, les résultats ne doivent pas être étudiés uniquement chez les, élèves. La télévision éducative agit sur le comportement des enseignants dans la classe, sur les structures d’organisation et même parfois sur l’ensemble du système éducatif. Toutes ces questions méritent d’être étudiées séparément. Par exemple, dans les cas de télévision éducative centralisée, on peut s’attendre à découvrir qu’une meilleure maîtrise des connaissances chez les élèves s’accom- pagne chez les enseignants d’un sentiment d’atteinte à leur autonomie pédagogique.

Evaluation des relations entre les apports et les résultats. I1 s’agit du type d’évaluation le plus répandu pour la télé- vision éducative quoiqu’on lui ait souvent reproché de négliger les facteurs de médiation. Les responsables des émissions et les hommes politiques ne s’intéressent souvent qu’à ce genre d’évaluation car ils souhaitent obtenir une réponse “simple” à ce qui semble être une question “simple”: l’émission de télévision éducative produitelle les résultats souhaités? Or, comme nous l’avons déjà précisé, cette question, qui peut sembler naïve à première vue, est loin d’être simple. Et la réponse ne l’est pas davantage.

Premièrement, comme nous l’avons constaté, l’efficacité dépend dans une grande mesure des variables de médiation et de leurs effets. Si l’on n’en tient pas compte, on obtient un résultat “moyen” qui est à la fois faussé et sans signification. Imaginons un projet d’évaluation OU l’on constate qu’en moyenne les élèves parviennent à accroître d’environ 15 pour cent leurs connaissances scientifiques. Ce résultat est assez trompeur car il ne nous indique pas qui parvient a un accroisse- ment supérieur et dans quelles circonstances, qui obtient un chiffre inférieur et quels sont ceux, s’il y en a, dont, en fait, les connaissances sont ébranlées.

Deuxièmement, l’évaluation des apports et des résultats relève du jugement mais ne remplit pas de fonction diagnosti- que. Elle ne précise pas OU, pourquoi et dans quelles condi- tions un projet de télévision éducative a plus ou moins de succès ; pas plus qu’elle n’indique les points qui nécessitent tel ou tel effort supplémentaire. Malgré ces lacunes, la plupart des travaux d’évaluation sont de ce type. Manquant de moyens et de temps et soumis à la pression des responsables des émissions qui veulent disposer rapidement d’une rétro- information, l’évaluateur doit souvent se contenter d’effectuer ce genre d’étude portant uniquement sur les apports et les résultats.

Evaluation apports médiation. Une étude de ce genre ne constitue pas un projet d’évaluation indépendant car elle ne s’applique auxapportsque dans la mesure OU ceux-ci produisent de façon différentielle des effets intermédiaires. Des questions comme celle de savoir si certaines formes de présentation du message (avec humour, par exemple) suscitent davantage l’attention, l’intérêt ou la participation des différents publics entrent dans cette catégorie. I1 s’agit d’un type d’évaluation

10

Page 11: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

i- -----

t ----

v)

k a

r z n a a

œ v)

UI

z O

3) A

>

u1

d.

F a a u .

11

Page 12: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

très utile car elle fournit des réponses aux questions touchant le fonctionnement de la télévision éducative. Salomon (1976a), par exemple, a répertorié les effets différentiels de Sesame Street sur le plaisir et la compréhension que différents publics pouvaient retirer de l’émission. Les résultats de son travail, centré sur les effets psychologiques intermédiaires de certaines composantes de l’émission (par exemple, la proportion d’enseignement “didactique”), ont permis de mieux entrevoir pourquoi certains groupes d’enfants apprenaient davantage dans un domaine donné, tandis que d’autres groupes apprenaient davantage dans un autre.

Les variables du processus de médiation qui peuvent être d’un intérêt certain dans l’évaluation de la télévision éducative touchent à la personnalité des enseignants, à leurs modes de comportement et à l’ambiance qu règne dans la classe. D’autres variables pertinentes sont liées aux caractéristiques des élèves (par exemple, à leur condition socio-économique, à leurs aptitudes et à leur niveau d’éveil). D’autres encore concernent des facteurs contextuels (superficie de la salle de classe) ainsi que des facteurs de télédiffusion (qualité de la réception). I1 y a de toute évidence bon nombre de variables de médiation qui peuvent avoir de l’importance et que toute évaluation exhaustive de la télévision éducative doit prendre en compte.

Evaluation médiationlrésultats. Cette forme d’évaluation complète la précédente en laissant de côté le groupe apports. A certains égards, elle s’apparente davantage à la recherche universitaire empirique qu’à l’évaluation car elle tente de relier des facteurs psychologiques, sociologiques et organisa- tionnels (censés provenir des apports) aux résultats. Les ques- tions abordées dans cette approche sont, par exemple, le rapport entre le plaisir (facteur de médiation) et l’obtention d’un résultat, entre l’attitude des enseignants à l’égard d’un ensemble de programmes de télévision éducative (facteur de médiation) et l’intérêt que l’élève éprouve pour le sujet (résultat), ou entre l’emploi du temps scolaire (facteur de médiation) et le sentiment d’autonomie pédagogique de l’enseignant (résultat). Les variables indépendantes dans ce mode de recherche sont en fait les variables de médiation envisagées dans un contexte plus large, mais elles sont traitées dans le cas présent comme des facteurs de causalité. Cette méthode d’évaluation est plus significative quand elle est effectuée parallèlement à d’autres méthodes.

La télévision éducative dans les villages de l’Inde, comme l’a décrit Aghi au Chaptire 9, nous donne un exemple de la façon dont les facteurs de médiation peuvent influer sur les résultats, ce qui témoigne de l’intérêt de ce type d’évaluation. Dans un village donné, il y avait parfois jusqu’à 500 personnes qui regardaient une émission sur le même récepteur de télé- vision. Un certain nombre de règles locales ont été établies, prévoyant, par exemple, que les premiers rangs de la salle devaient être réservés aux jeunes enfants. Des études anthro- pologiques ont donné à penser que les variations des situations d’écoute d’un village à l’autre avaient une très profonde incidence sur l’efficacité de l’émission.

L’évaluation de la télévision éducative en El Salvador fournit un autre exemple d’évaluation médiation/résultats. Homik (Mayo, Hornik et McAnany, 1976) a effectué, parallèlement à d’autres études, une étude dans laquelle il a examiné pour l’El Salvador le rapport entre les aspirations scolaires des jeunes en milieu rural et la fait d’avoir un poste de télévision et de regarder les émissions. L’intérêt de cette étude a été renforcé par la réalisation d’autres évaluations à la même époque.

Evaluation apportslmédiationlrésultats. I1 s’agit d’une démarche globaledans laquelle l’évaluation embrasse la totalité du système d’éducation et de communication. Elle établit la relation entre les apports et les facteurs de médiation et celle qui existe entre ceux-ci et les résultats; elle entraine donc une étude des effets spécifiques de l’ensemble du programme de télévision éducative ainsi que de son efficacité. En d’autres termes, par cette démarche, les trois procédures fragmentaires précédentes sont intégrées en une procédure globale unique.

12

Cette méthode est théoriquement la plus puissante, dans la mesure où elle foumit des réponses à des questions pn- mordiales auxquelles souvent les responsables et les fonction- naires n’avaient pas pensé au départ. Elle permet de déterminer l’efficacité d’une émission mais aussi de préciser les effets spécifiques sur le public de différentes composantes de l’émission dans diverses conditions. En outre, elle peut indi- quer dans quelie mesure et de quelle façon les effets de média- tion agissent sur les résultats et où se trouvent les facteurs qui facilitent ou entravent l’ensemble du processus de communi- cation et d’éducation. En d’autres termes, cette méthode d’évaluation relève à la fois du jugement et du diagnostic. En un sens, on peut considérer qu’il s’agit d’une approche inter- active de l’évaluation puisqu’elle traite des interactions entre les apports, les processus de médiation et les résultats.

Le plan d’évaluation de la télévision éducative en Israël (Solomon, 1976b) peut fournir une illustration de ce schéma d’évaluation. La première phase du plan comportait une étude à grande échelle mais peu onéreuse visant à établir le rapport entre l’utilisation plus ou moins intense et persistante de la télévision éducative en classe et le degré de réussite et les aptitudes des élèves. La seconde phase a consisté à comparer le degré de réussite (ainsi que d’autres résultats non prévus à l’origine) du tiers supérieur et celui du tiers inférieur des classes ordonnées selon leur degré d’utilisation de la télevision éducative. Ces deux phases ont suivi le principe de l’évalua- tion apports/résultats. La deuxième phase a également permis aux évaluateurs d’étudier comment des facteurs tenant aux mentalités, aux modes d’organisation et au contexte font qu’un groupe de classes fait souvent appel à la télévision édu- cative alors qu’un autre ne l’utilise que très peu. L’interaction entre les variables de médiation et les variables d’apports a donc pu être étudiée.

La troisième phase de l’étude a porté uniquement sur le premier tiers des classes, celles qui faisaient un usage fréquent de la télévision éducative. Bien qu’elles aient toutes fait large- ment appel aux émissions, on pouvait s’attendre à d’assez grandes différences sur le plan des résultats, et par exemple du degré de réussite et des attitudes des élèves. O n a donc cherché dans cette phase à déterminer quelles différences dans le comportement des enseignants, l’ambiance sociale, la composition des classes et le cadre technique pouvaient expli- quer les différences de réussite, par exemple, pour des fré- quences d’utilisation de la télévision éducative constantes. On a ainsi évalué les effets des variables de médiation sur les résultats.

La dernière phase a consisté en une analyse en profondeur du contenu et de la présentation des émissions. On a, d’abord, comparé l’intention initiale et les émissions réalisés. Ensuite, chaque émission a été classée et notée d’après des critères tels que la proportion d’humour, la part du matériel éducatif par rapport à celui du divertissement, la difficulté, la continuité et le degré d’exploitation des aspects spécifiques de la télevi- sion en tant que moyen de communication. Les notes obtenues par chaque émission ont été comparées aÜ degré de réussite que l’émission avait permis d’atteindre, d’après l’évaluation des deux premières phases, de manière a pouvoir connaître les composantes de la télévision éducative qui facilitent ou, au contraire, gênent parfois l’apprentissage chez différents groupes d’élèves. Un examen des informations recueillies au cours des quatre phases de l’étude a servi de base pour juger de la qualité d’ensemble et de l’utilité de la télévision éduca- tive pour des élèves de types et d’âges divers, et a permis de diagnostiquer les améliorations à apporter à la télévision édu- cative, en précisant les points à perfectionner pour tel ou tel public et la façon de procéder à cette fin.

CONCLUSIONS

Imaginons un important projet national de télévision éduca- tive comportant une série d’émissions diffusant du matériel pédagogique spécialement conçu en fonction d’un programme

Page 13: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

d’études nouveau. On voudra évidemment en déterminer l’efficacité en fonction des objectifs qui lui ont été assignés. Mais de quelle efficacité s’agira-t-il? Et pour quel public? De nombreux publics différents participeront au projet ; ils pourront être influencés de différentes manières, dans des contextes divers et par des éléments différent des apports. Si nous nous en tenons sérieusement aux cinq postulats déjà cités, nous aboutirons nécessairement aux conclusions suivantes.

Premièrement, les apports, c’est-à-dire l’ensemble éducatif proposé, doivent être évalués sur le plan interne. C’est ainsi que les livres, les programmes de préparation pour les enseignants, le système de diffusion, le contenu des émissions, etc., doivent être étudiés en fonction de leurs objectifs explicites et de leur message implicite. Le tout est-il bien intégré et comment ? Et quel degré de concordance y a-t-il ?

Ensuite, il faut voir les différents effets de cet ensemble sur les différents publics, puisqu’ils ont également une incidence sur les résultats. On doit donc examiner ce que perçoivent les enseignants, les élèves et les parents, quels sont leurs senti- ments à l’égard du projet et quelle est l’utilisation qu’ils font de ses composantes, quantitativement et qualitativement.

Enfin, il faut avoir recours à une méthode interactive d’éva- luation (le septième schéma) pour déterminer quels sont les

facteurs qui accentuent l’efficacité du projet et ceux qui, au contraire, l’entravent dans telle ou telle condition. Autrement, il ne serait pas possible de fournir de “rétro-information” cor- rectrice aux réalisateurs et aux producteurs. Dans la pratique, il est quasiment impossible de fondre

tous ces schémas en une même étude. Une bonne solution de compromis consiste à mettre. au point une série d’études d’évaluation restreintes en employant différents échantillons et des méthodes de recherche adaptées aux objectifs parti- culiers de chaque étude. Dans une série d’études complé- mentaires de ce genre, l’idée centrale, empruntée à la communication, c’est que de nombreux aspects des apports provoquent des effets importants et complexes en raison de l’interaction des apports et des facteurs de médiation, ce qui débouche sur des résultats de types différents.

La question primordiale à laquelle l’évaluation de la télé- vision éducative se doit de répondre n’est pas de savoir si une série d’émissions est dans l’ensemble efficace, mais plutôt d’indiquer quelles sont les composantes de l’émission qui sont plus ou moins efficaces en fonction de leur interaction avec tel ou tel public, dans tel ou tel contexte éducatif, sociologique et structurel. Une appréciation interactive et diagnostique de ce genre est sans commune mesure avec une évaluation globale et simpliste de l’utilité d’un projet.

13

Page 14: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 2

PRINCIPES ET CONCEPTS DE L’EVALUATION

Par Wayne H. Holtzman

Mira Aghi Takashi Sakamoto

L’évaluation au sens le plus fondamental du terme est aussi ancienne que l’histoire de l’humanité. Une fois qu’un pro- gramme est entrepris avec un objectif défini, la question se pose immédiatement de savoir si cet objectif est atteint ou non. Plus les efforts consacrés à un programme sont importants, plus le résultat sera défendu par ses partisans et attaqué par ses détracteurs. Dès que nous nous interrogeons, par exemple, sur le résultat d’un programme, dès que nous nous demandons si les avantages procurés justifient les dépenses, nous devons procéder à une évaluation, fût-elle sommaire et fragmentaire, pour pouvoir donner au moins un semblant de réponse. Mais, trop souvent, ce genre d’évaluation repose sur des observations ou témoignages subjectifs, l’opinion générale ou les déclarations de person- nalités officielles.

Pourtant, depuis quelques années, l’extension rapide des programmes sociaux et éducatifs lancés par les gouverne- ments, les fondations privées ou d’autres organismes a stimulé le développement d’une science moderne de l’évalua- tion faisant appel à des méthodes empiriques systématiques pour mesurer l’impact d‘un programme et évaluer ses divers résultats par comparaison avec les objectifs définis initiale- ment et le coût de l’opération. Le nombre et l’envergure des programmes sociaux nouveaux ou de ceux qui ont été étendus sous l’égide des gouvernements dans les domaines de l’éducation, de la santé, du développement international, des loisirs ou dans d’auttres secteurs d’activité ont été stupéfiants. Or, à l’exception des programmes qui ont connu un succès remarquable ou un échec retentissant, il semblerait que l’on ignore presque’ tout de leur impact. Par conséquent, de nombreuses voix se sont élevées pour exiger, en général, que les pouvoirs publics rendent compte de leur action et, en particulier, que l’on procède à l’évalua- tion des résultats des programmes.

Ce n’est que très tardivement que les sociologues et les spécialistes du comportement, qui possèdent les méthodes et le savoir faire les mieux adaptés à l’évaluation des pro- grammes, se sont engagés vraiment dans la recherche sur l’évaluation. De par leurs études et leur formation, ils tendent traditionnellement à écarter de leurs travaux les jugements de valeur et sont peu enclins à entreprendre directement des études d’évaluation et de politique. La description, l’explication et la prévision sont leurs objectifs habituels. Mais les sciences du comportment connaissent une évolution rapide et, au cours des dix dernières années, on a assisté à une prolifération de nouveaux manuels, journaux et programmes de formation de haut niveau traitant de cette science appliquée qu’est l’étude de l’évalua- tion et de la planification.

Les principes et les concepts de l’évaluation, ainsi que ses méthodes spécifiques, sont essentiellement issus de la théorie de l’éducation, de la sociologie, de la psychologie et des sciences économiques. En éducation et en psychologie, on

~

a surtout mis l’accent sur l’impact d’un programme donni sur les personnes qui y participent. Dans les sciences sociales, les chercheurs se sont surtout intéressés à des unités sociales d’une certaine importance, allant de petits groupes à des collectivités, voire à des pays entiers. L’étude de l’impact de la télévision sur les jeunes enfants contient des éléments qui relèvent del’une et l’autre approche.Pour faire une évaluation exhaustive d’un programme de télévision éducative, il faut adopter une approche interdisciplinaire si l’on veut aboutir à des conclusions d’une réelle portée pour l’élaboration des politiques.

Dans ce genre d’étude approfondie, on peut distinguer sept étapes principales : (1) la définition des buts et des concepts, (2) la mise au point du contenu de l’émission, (3) la définition et l’observation du public, (4) la mesure, (5) la mise en œuvre du schéma de recherche, (6) l’analyse des données et (7) les conclusions. Nous allons procéder à l’examen de chacune de ces étapes.

Définition des buts et des concepts. Les objectifs de l’émission doivent être formulées de façon explicite et exprimés sous forme de buts pratiques qu’il est socialement intéressant d’atteindre. U n des buts principaux, par exemple, de la série d’émissions Sesame Street (Etats-Unis d’Amérique) était d’améliorer les aptitudes des enfants d’âge préscolaire dans quatre domaines d’intérêt scolaire. Les buts du Projet SITE en Inde étaient moins ambitieux : il s’agissait de trans- mettre un certain nombre d’informations élémentaires sur la vie au village, la science, l’hygiène et la vie de famille à des enfants et des adultes de village isolés.

La définition des buts généraux du programme constitue la première étape normalement indispensable pour qu’un organisme accepte de patronner son élaboration et sa mise en œuvre. La traduction de ces buts généraux en objectifs précis et quantifiables représente ensuite une tâche plus délicate. Le but général d’une émission peut être, par exemple, de développer des aptitudes cognitives de base de jeunes enfants de façon à mieux les préparer à l’entrée à la maternelle ou en première année d’école primaire. D’innom- brables questions se posent d’emblée et il faut y répondre avant même de pouvoir élaborer et réaliser ce programme préscolaire à la télévision. L‘émission répond-elle à un besoin prouvé? Quels sont les enfants qui en tireront vraisemblablement le plus de profit sans aide ou encourage- ment particuliers ? Quelles sont les aptitudes de base qui contribueront le plus à préparer les enfants à l’apprentissage scolaire de la première année de l’enseignement primaire ? Certaines valeurs sociales devraient-elles être expressément incluses dans les objectifs ? A combien peut-on estimer le coût d’émissions télévisées de ce type par rapport à d’autres stratégies d’éducation préscolaire ? Quels peuvent en être les effets secondaires, aussi bien positifs que négatifs ? Telles sont quelques-unes de multiples questions auxquelles les responsables d’une émission doivent répondre, d’une

14

Page 15: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

façon ou d’une autre. Quand elles sont bien posées, elles conduisent tout naturellement à des recherches empiriques, c’est-à-dire à des évaluations des besoins, des enquêtes sur le public potentiel, ou de petits projets pilotes donnant lieu à des essais. I1 arrive assez souvent que l’expérience des spécialistes qui ont déjà participé à des évaluations antérieures s’avère très précieuse lors des phases initiales de la définition des buts et des concepts en termes suffisamment concrets pour permettre l’évaluation.

L’intervention d’un bon spécialiste de l’évaluation lors des phases initiales de la conception de l’émission peut être un facteur décisif de réussite ou d’échec. I1 arrive trop souvent que l’évaluation intervienne après coup, donc trop tardivement pour avoir une influence sur l’élaboration de l’émission. Pour qu’une évaluation des besoins, une enquête sur le public ou une étude pilote soient efficaces, il faut disposer de méthodes et d’un savoir-faire particuliers. La définition initiale des buts et la conception de l’émission déterminent dès le départ le type de critères d’évaluation qui pourront servir ultérieurement à déterminer si les objectifs ont été, ou non, atteints. Le choix de tels critères d’appréciation des résultats d’une émission est un travail technique important qui suppose qu’à intervalles réguliers, le réalisateur de l’émission et le spécialiste de l’évaluation se consultent. Mise au point du contenu de l’émission. Une fois établis

les buts particuliers, les publics cibles, la conception de l’émission, la faisabilité opérationnelle et l’estimation des coûts, la réalisation de l’émission peut commencer. Auteurs, acteurs, réalisateurs et éducateurs doivent coopérer étroite- ment au processus créateur de l’élaboration du contenu de l’émission. Le concours d’un spécialiste du comportement, formé à l’évaluation, peut être d’une grande utilité au cours des phases initiales de mise au point desprogrammesd’études. Des échanges constants entre les responsables de la program- mation et les différents consultants sont indispensables pour assurer notamment l’adéquation entre le contenu et les objectifs de l’émission, l’exploitation des objectifs, la précision technique du contenu, l’adaptation du contenu au public cible et l’acceptation probable du contenu de l’émis- sion par ce public. L’opinion d’un expert peut certes suffire pour satisfaire à certains de ces points, mais il peut être nécessaire de procéder à des sondages limités auprès du public, à l’aide d’avant-projets ou d’extraits de l’émission, au cours des premières phases d’élaboration de l’émission.

L’évaluation formative peut aller de l’analyse de contenu, comme celle qu’ont entreprise Kob et Berghaus sur les rôles sexués types dans Sesamstrasse, à de petites études consistant à montrer des extraits de l’émission à des enfants analogues à ceux auxquels la série complète est destinée. Une rétro-information rapide est indispensable car tout retard de réalisation est coûteux et inacceptable. L’évalua- tion formative vise à améliorer les éléments et les produits au moment ou l’émission s’élabore. I1 importe surtout de faire en sorte que l’émission réponde bien aux besoins, problèmes et exigences du public visé, tout en s’assurant qu’elle est agréable et intéressante à regarder, Pour tout nouveau programme, il convient de procéder à des essais avec des extraits d’émission sous leur forme préliminaire afin de discerner les idées et les éléments qui sont les plus prometteurs. .Le responsable de l’évaluation formative sera peut-être amené à concevoir de courtes expériences avec des téléspectateurs pris dans la population cible afin d’évaluer à la fois le contenu et Ia forme sous laquelle il est présenté. Pour se rendre compte de l’efficacité de différentes techniques théâtrales ou pédagogiques, du rythme et de la durée de certains passages de l’émission, du degré de participation du public ou d’encouragement des adultes qui peut être nécessaire, ainsi que du niveau d’acceptation et de compréhension des téléspectateurs pris individuellement, l’idéal est de procéder à une évaluation formative parallèlement à l’élaboration de l’émission.

Quelle que soit l’importance du contenu de l’émission, le mode de présentation ne l’est pas moins car il peut le mettre en valeur ou au contraire aller à son encontre. Un téléspectateur qui s’ennuie ou qui n’arrive pas à fixer son attention ne risque guère de tirer grand profit du contenu pédagogique. Cependant, il ne faut pas non plus faire perdre de vue le message dans un désir excessif de distraire le spectateur.

La plupart des émissions de télévision éducative bien conçues sont élaborées par approximations successives. Le spécialiste de l’évaluation formative sert d’intermédiaire entre le réalisateur et le spécialiste du contenu, d’une part, et le public ou population cible, d’autre part. Plusieurs unités de la série complète d’émissions sont examinées de façon empirique pour voir si elles plaisent au public et quel en est l’impact éducatif, ce qui permet d’améliorer certains points lors de la révision de l’émission.

L’élaboration du contenu d’une émission de télévision éducative destinée à des jeunes enfants est une tâche parti- culièrement difficile car nous en savons moins sur ie développement des aptitudes cognitives et de la personnalité chez l’enfant d’âge pré-scolaire que chez les enfants scolarisés ou les adultes. Un individu plus âgé possède un certain nombre de mécanismes de communication de base et peut fournir verbalement une rétro-information explicite, que ce soit pour améliorer l’émission ou pour répondre à des tests conçus pour évaluer l’impact de l’émission. C’est précisé- ment pour cette raison qu’il est très important qu’un spécialiste de la psychologie de l’enfant ou du développement de la personne fasse partie de l’équipe de réalisation. Si, par hasard, ce spécialiste a l’expérience de la conduite d’études d’évaluation formative et de la compilation rapide d’une rétro-information correctrice pour l’amélioration de l’émission, c’est encore préférable.

Sesame Street, série d’émissions réalisée par le Children’s Television Workshop of New York, il y a une dizaine d’années environ, est le premier exemple d’une large contribution des psychologues de l’enfant et des spécialistes de l’évaluation formative à une émission éducative pour de jeunes enfants. Cette expérience a été décrite par Lesser (1974) et résumée par Palmer, Chen et Lesser (1976). Le bilan d’un programme similaire d’évaluation formative pour Plaza Sesamo, la version espagnole de Sesame Street, a été dressé par Diaz- Guerrero, Bianchi Aguila et Ahumada de Diaz (1975).

Le responsable de l’évaluation formative travaiiie en étroite collaboration avec le scénariste, l’éducateur et le réalisateur à l’examen des détails du scénario de chaque épisode de l’émission. En général, le seul moyen fiable de déterminer si le langage est, ou n’est pas, adapté, si les concepts peuvent être compris et si le contenu présente un mélange équilibré de divertissement et de messages éducatifs, est de tester préalablement le scénario auprès de certains téléspectateurs appartenant à la population cible. Des participants en petits groupes sont observés pendant de brefs essais au cours desquels ils sont invités à faire part de leur impression d’ensemble et à formuler des suggestions précises. Lorsqu’il s’agit de jeunes enfants qui ne savent guère s’exprimer verbalement, il peut être nécessaire d’obser- ver leur comportement effectif devant la télévision et d’évaluer leur niveau de compréhension. I1 faut parfois passer par plusieurs cycles de révision du scénario, d’essais et de modifications avant que la version finale de l’épisode soit réalisée. La fonction première de ce type de recherche formative est de permettre un très bon contrôle de la qualité grâce à l’obtention rapide de réponses pertinentes aux nombreuses questions qui se posent quant au contenu et au style de présentation, suffisamment tôt dans le pro- cessus de réalisation pour influer sur le produit final.

Définition et observation du public. Le public cible peut se définir en partie grâce à un exposé clair et précis des buts de l’émission. Toutefois, il est important, par ailleurs, de tenter de délimiter ce public car il arrive bien souvent que

15

Page 16: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

l’émission soit vue par des téléspectateurs différents de ceux auxquels elle est destinée. Ce sont principalement les jeunes enfants qui regardent Sesame Street aux Etats Unis, alors que parmi les téléspectateurs qui regardent la version espagnole au Mexique, il y a aussi parfois des enfants plus âgés, des employées de maison ou des adultes. Quant aux téléspectateurs de Sesame Street au Japon et en Israël, ce sont des adultes et des adolescents qui désirent améliorer leur anglais. Tout travail d’évaluation se doit de définir la population à qui l’émission est destinée et de réunir un échantillon suffisant pour permettre d’établir un plan de recherche afin d’étudier l’efficacité de l’émission par rapport au but qu’on lui a assigné.

La télévision éducative conçue pour un public très vaste prend pour hypothèse qu’une grande partie, sinon la majorité de la population, trouvera l’émission intéressante et adaptée à ses besoins. Si l’on ne dispose pas déjà d’informa- tions sur les caractéristiques démographiques du public à qui l’émission est destinée, il faudra procéder à des études à cet effet. Quand on veut faire de la télévision éducative pour les jeunes enfants, il est indispensable de savoir dans quelle mesure ces enfants ont accès à la télévision chez eux ou dans un centre de leur quartier. I1 faut également tenir compte des valeurs traditionnelles de la famille, telles que les coutumes religieuses, politiques et sociales, de I’impor- tance des variations culturelles et des différences ethniques, des motivations des parents à l’égard de leurs enfants, des autres moyens pédagogiques dont dispose la famille, ainsi que de tout un éventail d’autres facteurs qui changent la façon de concevoir l’émission et influent sur sa capacité de toucher de façon satisfaisante un public aussi vaste que prévu.

Mesure. Les procédés de mesure empiriques peuvent aller de l’analyse du contenu d’extraits d’émissions à l’évaluation des résultats différés de l’impact sur les téléspectateurs. I1 peut s’agir aussi bien du simple dénombrement de mani- festations ou de types de comportement que de tests psychologiques individuels effectués sur les téléspectateurs avant, pendant ou après la série d’émissions. La nature et l’intensité des mesures dépendent des buts de l’évaluation, des moyens techniques disponibles et du soutien financier alloué à l’évaluation. Le nombre et la diversité des procédés de mesure utilisables pour une évaluation de la télévision éducative ne sont limités que par l’imagination. Mais, d’un point de vue pratique, les procédés les plus adaptés sont relativement peu nombreux. Les plus courants sont les mesures des variables de résultat qui semblent se rapporter aux objectifs originels de l’émission. Pour interpréter des mesures de ce genre, il faut, toutefois, tenir également compte d‘autres variables qui se divisent en deux grandes catégories : les variables personnelles, c’est-à-dire celles qui touchent au milieu des téléspectateurs ou à leurs caractéristi- ques d’identification telles que l’áge ou le sexe, et les variables de traitement, c’est-à-dire les caractéristiques du cóntenu et de la présentation de l’émission télévisée ainsi que le contexte d’écoute et les activités connexes. Nous examinons donc de façon plus détaillée les différents procédés de mesure de ces trois types de variables.

Variables personnelles. I1 est important de connaître les principales caractéristiques socioculturelles des téléspecta- teurs afin de décrire le public qui regarde les émissions et de le comparer à la population cible de départ. Les traits distinctifs personnels tels que l’âge et le sexe de l’enfant, ainsi que son niveau d’instruction, présentent toujours un grand intérêt. Pour la plupart des émissions éducatives, il importe de savoir aussi quelque chose des caractéristiques de la famille de l’enfant, car ces variables ont souvent une incidence sur la façon dont l’enfant interprètera l’émission. Ainsi le mode de vie, le niveau socio-économique ou l’appartenance ethnique de la famille peuvent fournir des renseignements précieux qui permettront de mieux voir le sens des mesures d’impact faites après que l’enfant a vu l’émission. I1 est prévisible qu’une émission de télévision

16

éducative ne donnera pas les mêmes résultats selon que les téléspectateurs sont des enfants appartenant à des familles instruites et aisées, ou qu’il s’agit d’enfants vivant dans un ghetto avec des parents peu instruits. Les types de stimula- tion que l’enfant reçoit du milieu familial ainsi que les aspirations et les modes de vie si différents de ces deux types de familles sont des facteurs importants dont il faut absolument tenir compte. Des différences familiales moins frappantes peuvent aussi avoir de l’importance. En tout cas, ces variables personnelles sont relativement faciles à mesurer dans les évaluation individuelles d’impact auprès des téléspectateurs et devraient être prises en compte au moment de la conception du projet d’évaluation.

Variables de traitement. I1 faut aussi mesurer les variables de traitement ou de processus si l’on veut interpréter la signification des mesures de résultats. Le contenu de l’émission et le mode de présentation ont tous deux de l’importance. La plupart des analyses de contenu se font en plusieurs étapes. Premièrement, on subdivise l’émission en un certain nombre d’unités discrètes, séquentielles du début à la fin. Ces unités logiques peuvent être soit des épisodes, soit des évènements distincts. Deuxièmement, on apprécie chaque unité en fonction de la présence ou l’absence de certains pôles d’intérêt. Dans certains cas, on chiffre le degré d’intérêt des principaux éléments du contenu et non seulement la présence ou l’absence de ces pôles. Enfin, les catégories d’unités évaluées sont ensuite regroupés et comparées. L’analyse des stéréotypes sexués de Kob et Berghaus, décrite à la page 41, est un exemple de ce processus de découpage et d’évaluation chiffrée caractéristique des analyses de contenu. Le choix du trait distinctif ou de la qualité à évaluer dépend des buts de l’évaluation qui sont, à leur tour, étroitement liés aux objectifs de l’émission de télévision éducative.

Bien souvent, la manière dont le contenu de l’émission est présenté est également importante pour l’évaluation. Pour en donner une bonne description, il faut examiner certains éléments tels que le format, les personnages princi- paux, l’emploi de la musique, le rythme et la cadence, l’emploi de la narration et les traits distinctifs du narrateur, la forme de présentation, la durée de l’émission et le fait qu’elle s’insère ou non dans toute une série d’émissions.

Les conditions d’écoute ont souvent autant d’importance que l’émission elle-même pour l’études des variables de traitement. I1 importe de décrire les variétés et types de conditions d’écoute du public cible. Est-ce-que les télé- spectateurs étudiés lors de l’évaluation regardent l’émission chez eux, en petits groupes à l’école maternelle ou au sein de groupes importants dans le cadre d’une collectivité comme dans le projet SITE en Inde ? I1 faut aussi noter les activités associées à l’écoute. Est-ce-que les institutrices des écoles maternelles regardent la télévision avec les enfants ? Les parents discutent-ils avec l’enfant du contenu de l’émission et vont-ils jusqu’à répéter les gestes et les situations de certains passages de l’émission pour accroître l’intérêt de l’enfant et ajouter à l’émission une signification supplé- mentaire ? Ou l’enfant regarde-t-il simplement l’émission, sans qu’il y ait de lien avec ce qui se passe autour de lui ? Comme l’ont souligné Cook et al. (1975) dans leur bilan des évaluations de Sesame Street, les réponses à de telles questions peuvent avoir un intérêt capital pour l’interpré- tation des résultats.

Variables de résultat. Les mesures qui traitent expressé- ment de l’impact de l’émission télévisée sur la population cible méritent, de toute évidence, une attention parti- culière. Elles traitent aussi bien du degré d’attention dont l’enfant fait preuve en regardant l’émission que de l’améliora- tion de ses résultats scolaires quelques années plus tard. On considère qu’en tant que variables de résultat, ces mesures dépendent (ou sont le résultat) d’une combinaison parti- culière des variables personnelles et des variables de traite- ment. Lors de la conception du plan de recherche, on accorde une place importante à l’élaboration et à la sélection

Page 17: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

de mesures de résultat qui soient en rapport avec les objectifs de l’émission télévisée et de son évaluation. Pour être satisfaisantes, elles doivent permettre de répondre aux questions suivantes : Dans quelle mesure l’enfant apprend-il le contenu présenté dans l’émission de télévision éducative ? Pendant combien de temps l’enfant retient-il les connais- sances théoriques ou pratiques nouvelles qu’il a acquises ? Observe-t-on des changements dans son attitude personnelle, son comportement affectif ou d’autres aspects de sa person- nalité à la suite de l’émission ? I1 existe un certain nombre de techniques qui pemettent d’évaluer les caractéristiques cognitives et affectives, ainsi que certains aspects du comportement et de la personnalité en termes de variables de résultat dans les études d’évaluation. Parmi les procédés de mesure les plus couramment

employés pour déterminer des variables de résultat, on compte : (1) les résultats à des tests papier-crayon, à des tests situationnels et à des tests d’exécution permettant d’évaluer les caractéristiques individuelles ; (2) les question- naires ou les formulaires réponses permettant d’obtenir des renseignements des enseignants, des parents ou des enfants eux-mêmes ; (3) les carnets de bord ou journaux personnels dans lesquels les participants peuvent inscrire leurs impres- sions pendant l’émission ; (4) l’observation directe du comportement de l’enfant, pendant qu’il regarde l’émission puis dans d’autres situations ; (5) l’appréciation chiffrée du comportement et de la personnalité de l’enfant par des tiers le connaissant bien (parents, enseignants, frères et sœurs plus âgés, par exemple) ; (6) les mesures ultérieures telles que celle des résultats scolaires ; (7) les indicateurs sociaux des changements qui se produisent dans le groupe ou l’école ou qui reflètent une amélioration du comporte- ment ou une évolution sociale; enfin (8) l’avis des spé- cialistes. Les deux premières méthodes, celles des tests psychologiques ou pédagogiques à résultats numériques et des mesures établies à partir de questionnaires ou de formulaires-réponse, sont les procédés de mesure les plus courants pour l’évaluation d’une émission de télévision éducative. Lorsque les sujets sont de jeunes enfants, l’observa- tion directe de leur comportement constitue vraisemblable- ment la meilleure façon d’évaluer les effets immédiats de l’émission. Quand il s’agit d’entreprendre une étude de suivi à long terme afin de réunir des données d’évaluation, l’utilisation des bulletins scolaires s’impose, surtout lorsque l’objectif assigné à l’émission est l’amélioration des résultats scolaires au cours des années suivantes. L’utilisation d’indi- cateurs sociaux est rarement pertinente; en outre, elle oblige à faire de vastes expériences auprès de groupes regardant l’émission de télévision éducative et de groupes n’y ayant pas accès. Bien qu’employés assez fréquemment, les avis de spécialistes s’avèrent peu fiables et souvent trompeurs, à moins qu’ils ne soient soigneusement contrôlés à l’aide d’autres méthodes.

Avec cet éventail extraordinaire de mesures diverses pouvant intervenir aux différents stades de l’évaluation, comment choisir les procédés les mieux adaptés à l’étude entreprise ? Voilà la question primordiale pour tout schéma de recherche,, et il faut y apporter une réponse avant d’entamer l’étude d’évaluation. Bien que rien ne puisse remplacer les conseils autorisés d’un spécialiste de l’évalua- tion et des procédés de mesure, un certain nombre de remarques générales peuvent apporter des éléments de réponse à cette importante question. La plupart des pro- blèmes sont compris dans les six rubriques suivantes : (1) fiabilité des mesures, (2) bien-fondé et pertinence des mesures par rapport aux objectifs définis, (3) facilité d’obtention des mesures, (4) coût par unité de mesure, (5) problèmes éthiques liés à l’utilisation des procédés de mesure, (6) méthodes d’analyse et d’interprétation envisagées.

Fiabilité. Un procédé de mesure est fiable s’il fournit des indications cohérentes et stables sur les caractéristiques étudiées. Le problème est compliqué par le fait qu’une

mesure peut être tout à fait fiable lorsqu’elle est effectuée dans certaines circonstances mais peu fiable dans d’autres. Les éléments de la personnalité relevés, par exemple, sont souvent si étroitement liés à la situation speeifique dans laquelle on observe le sujet qu’ils changent du tout au tout quand on les évalue dans d’autres conditions entièrement différentes. Des variations importantes d’une situation de mesure à une autre aboutissent a une évaluation peu fiable qui ne permet guère de tirer des conclusions fondées sur les résultats obtenus. C’est pour cette raison que l’on a mis au point différents indices pour pouvoir mieux décider de l’utilité d’une mesure donnée. Les procédés techniques utilisés pour obtenir des coefficients de fiabilité supposent en général qu’un même groupe de personnes soit soumis au test plus d’une fois (méthode “test-retest”) ou qu’il soit soumis à plusieurs types de mesures parallèles dont on compare ensuite les résultats (méthode des formes parallèles), ou que l’on estime la fiabilité à partir d’une analyse interne des rapports entre les facteurs (méthode de la bipartition ou méthodes de la cohérence interne). Le concept de fiabilité s’applique à toutes les formes de mesure, encore que ce soit à propos des tests ou de l’attribution de notes qu’il ait été le plus employé.

Validité. O n peut considérer qu’une mesure est valable lorsqu’il existe des preuves précises et irréfutables qu’elle mesure réellement ce qu’elle est censée mesurer. Dans bien des cas, la validité ou l’absence de validité saute aux yeux. Déterminer cette validité est très aisé quand il s’agit de mesurer une performance précise telle que la capacité de faire un calcul simple, de désigner des objets familiers ou de réciter les lettres de l’alphabet, comme c’est le cas pour les mesures faites pour évaluer Sesame Street. Toutefois, lorsqu’il s’agit de caractéristiques personnelles autres que les connaissances théoriques et pratiques, il est beaucoup plus difficile d’établir la validité des mesures. I1 se peut, par exemple, que l’enfant se montre plus agressif en jouant à la poupée après avoir regardé des scènes de violence à la télé- vision, mais cette appréciation a-t-elle la moindre validité en ce qui concerne son agressivité dans d’autres circonstances, par exemple lors de jeux avec des enfants du quartier à un autre moment ? La pertinence ou la validité des mesures par rapport aux objectifs déclarés de l’étude est un problème important, et il est nécessaire de disposer de preuves à la fois logiques et empiriques avant de se prononcer.

Facilité d’obtention des mesures. Certaines mesures sont beaucoup plus difficiles à obtenir que d’autres. I1 arrive trop souvent que le responsable d’une évaluation se laisse tenter par les mesures les plus faciles, fussent-elles moins valables et moins onéreuses. Toutes choses égales d’ailleurs, des tests objectifs courts, des questionnaires ou des classements sont plus faciles à manier, surtout pour quelqu’un qui est peu qualifié, que des instruments plus perfectionnés ou des procédés cliniques qui nécessitent des aptitudes particulières. Dans les cas OU l’on ne dispose pas de ressources techniques, il faut envisager l’emploi de mesures qui peuvent être faites par un personnel relativement peu qualifié, même si ce genre de mesures laisse à désirer sur d’autres plans.

Coût per unité de mesure. Le coût par unité de mesure et la facilité d’obtention des données sont étroitement liés. Sauf exception, plus les mesures sont difficiles à obtenir, plus le coût est élevé. Le concours de psychologues haute- ment qualifiés pour assurer l’observation clinique des comportements ou pour faire passer et interpréter certains tests peut coûter très cher. En général, une bonne approche empirique serait d’employer la méthode de collecte des données qui coûte le moins cher, tout en répondant aux critères de validité et de fiabilité requis.

Problèmes éthiques. Certains procédés de mesure consti tuent, plus que d’autres, une incursion dans la vie privée de l’individu. C’est pourquoi il faut absolument examiner les mesures proposées pour éviter autant que faire se peut les incursions dans la vie privée et s’assurer de l’absence d’humliations ou d’autres répercussions indésirables, qui

17

Page 18: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

pourraient découler des procédés mêmes de mesure. Le bien-être des sujets concernés doit toujours être pris en considération.

Méthodes d’analyse. Certaines mesures se prêtent plus difficilement que d’autres à l’analyse. De manière générale, une mesure quantitative qui varie en intensité et qui présente une fiabilité et une validité suffisantes est une mesure plus efficace et qui se prête mieux à l’analyse qu’une mesure de fiabilité contestable ou une mesure qui n’indique que la présence ou l’absence de tel ou tel facteur. Pour obtenir un certain niveau de confiance dans l’interprétation des résultats, il faut inclure dans le schéma d’évaluation un plus grand nombre de cas pour les mesures qualitatives que pour les mesures quantitatives. Souvent, bien entendu, les mesures qualitatives sont les seules que l’on puisse obtenir. Les méthodes d’analyse à utiliser après la collecte des données dépendent en grande partie du genre de schéma de recherche adopté au départ, ainsi que du genre et de la qualité des mesures requises par ce schéma.

Le schéma de recherche et son exécution. La différence principale entre une simple observation et une évaluation systématique réside dans la nature même du schéma de recherche. Une fois définis les objectifs, le contenu du pro- gramme, le public cible et les types de mesures envisageables, il faut procéder à une enquête systématique afin d’obtenir l’information indispensable à toute conclusion. Comme dans toute recherche scientifiquement fondée, le schéma d’évaluation exige un haut niveau de compétence technique sur le plan de l’étude du comportement humain et de l’analyse statistique de données complexes. On peut, en gros, considérer que les stratégies de recherche relèvent de l’une des trois grandes catégories suivantes : recherche exploratoire, analyse descriptive, conduite d’une expérience.

La recherche exploratoire consiste à tester préalablement les idées grâce à de petites études pilotes. Les concepts pré- liminaires sont esquissés à titre expérimental ; plusieurs mesures sont essayées à petite échelle, ce qui permet bien des révisions ; et l’on adopte une position assez souple pour pouvoir incorporer de nouvelles idées, découvertes ou intuitions inattendues. Cette stratégie convient tout parti- culièrement aux premières phases d’un projet d’évaluation.

Le plan de recherche le plus courant dans l’évaluation de la télévision est de type descriptif et analytique. Des groupes de téléspectateurs sont évalués avant et après l’écoute de l’émission de télévision et sont comparés à d’autres groupes qui peuvent avoir une expérience différente. La description peut avoir plus de poids lorsqu’un certain nombre de variables personnelles de traitement et de résultat sont mesurées et étudiées avec des méthodes statistiques. La plupart des études sur place en situation naturelle sont essentiellement de caractère descriptif, même si elles visent à distinguer les rapports de cause à effet entre l’écoute de la télévision et les variables de résultat. La plus grosse difficulté de ce genre d’analyse descriptive est le dilemme auquel on se heurte sur le plan de la logique et de la déduction lorsqu’on tente de tirer une conclusion très nette en termes de rapports de cause à effet entre l’écoute de l’émission télévisée et le résultat. En l’absence de procédés de contrôle expérimental et autres précautions qui font partie intégrante d’une véri- table expérience, on se trouve toujours devant la nécessité de faire une interprétation plus ou moins délicate qui risque souvent d’être remise en cause sur le plan logique.

La stratégie de recherche la plus rigoureuse implique que l’on procède à une véritable expérience dans laquelle on répartit des sujets de façon aléatoire en groupes expéri- mentaux et en groupes témoins, soumis à des mesures de pré- et de post-traitement pour cerner les effets du traite- ment. Une véritable expérience se reconnaît à trois élé- ments : les cas sont vraiment répartis au hasard entre les différents groupes de traitement pour éviter les biais ; l’unité de base de l’étude (normalement un téléspectateur isolé) est reprise dans chaque groupe afin de fournir une estima- tion de la variance d’erreur pour les déductions statistiques ;

18

toutes les variables potentiellement confuses sont contrôlées rigoureusement de manière à conduire à une interprétation claire et sans équivoque du résultat. Dans la pratique, il est extrêmement difficile de mettre en œuvre le schéma expéri- mental idéal à une échelle suffisamment grande et dans un contexte suffisamment réaliste pour obtenir des résultats hautement significatifs et sans équivoque. Même le schéma le meilleur peut devoir être écarté à ce stade, parfois parce que, par exemple, les êtres humains examinés quittent un groupe plus fréquemment qu’un autre. On trouvera plus loin un bon exemple de véritable schéma expérimental entièrement appliqué qui fera l’objet d’une brève présenta- tion dans la discussion de Plaza Sesamo. I1 convient de noter, comme l’ont indiqué Diaz-Guerrero et Holtzman (1974), que la première expérience effectuée au Mexique sur Plaza Sesamo utilisait un schéma expérimental rigoureux appliqué dans des conditions soigneusement contrôlées dans trois garderies étroitement suivies. Une expérience ultérieure effectuée à beaucoup plus grande échelle sur Plaza Sesamo s’est déroulée dans quinze garderies et centres ruraux dans des conditions moins rigoureusement contrôlées. Bien que cette vaste étude sur le terrain ait démarré selon un véritable schéma expérimental, différentes interférences entre groupes expérimentaux et groupes témoins, ainsi qu’un certain nombre d’autres événements imprévus, ont modifié la nature du plan de recherche qui a du alors être rangé dans la catégorie des schémas quasitxpérimentaux. Les études quasi-expérimentales ressemblent, par bien

des aspects, à une expérience véritable. On y retrouve à la fois des groupes expérimentaux et des groupes témoins, bien que les cas ne soient pas toujours répartis véritable- ment au hasard, surtout pour l’examen des données de post- traitement ou de résultats. I1 existe, cependant, des méthodes statistiques d’analyse des schémas quasi-expérimentaux qui permettent de compenser de tels défauts. D’autres méthodes d’analyse pour ce genre de cas ont suscité dernièrement beaucoup d’intérêt (Campbell et Stanley, 1966).

Analyse des données. Le codage et l’analyse des données dans une étude d’évaluation devraient faire l’objet d’une réflexion approfondie avant la mise en œuvre du schéma de recherche proprement dit. Trop souvent, l’évaluateur inexpérimenté se retrouve avec un assortiment de données disparates et incomplètes qu’il ne peut ni analyser ni interpréter correctement. Puisque dans la plupart des analyses, il est nécessaire de recourir à des méthodes statis- tiques pour arriver à une description et des conclusions scientifiques, le spécialiste de l’évaluation doit très bien connaître les méthodes d’analyse statistique et de concep- tion des plans de recherche.

La possibilité d’utiliser un ordinateur moderne améliore Considérablement l’efficacité de l’analyse tout en permettant de recourir à des méthodes plus puissantes, sur le plan des- criptif et déductif, que celles que permet une simple calcula- trice. Le codage adéquat des mesures et des informations qualitatives pour le traitement informatique est une étape essentielle qui doit être soigneusement planifiée.

Interprétation. L’étape finale d’une étude complète d’évaluation est celle de l’interprétation des résultats. Si chacune des six autres étapes a été réalisée de manière satisfaisante, l’interprétation des résultats est relativement simple. Mais, trop souvent hélas, des négligences aux étapes précédentes compliquent considérablement l’interprétation.

I1 convient de faire une distinction entre d’une part l’interprétation plus générale de la signification des résultats pour des publics légèrement différents ou pour des respon- sables qui doivent définir unepolitique au niveau local ou national. La polémique entre Cook et ses collaborateurs et l’équipe qui a entrepris la première évaluation de Sesame Street dans le cadre de 1’Educational Testing Service et du Children’s Television Workshop est une parfaite illustration de cette distinction à faire entre les interprétations spécifi- ques d’une expérience donnée et les interprétations générales de grande portée (Cook et al., 1975).

Page 19: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Depuis quelques années, on prend bien davantage en considération les questions de coût et d’analyse économi- que au moment OU l’on interprète le sens d’une évaluation. La décision du responsable dépend parfois de la mesure de l’importance respective du coût et des avantages afférents à l’émission. Dans le cas de Sesame Street par exemple, les coûts à supporter pour réaliser les émissions et les diffuser largement dans les foyers et les écoles OU des millions d’enfants d’âge scolaire peuvent les regarder, peuvent être évalués de façon assez précise, encore qu’il y ait des diffi- cultés. Toutefois, l’intérêt que présentera une émission de

I ce genre prête davantage à controverse. En effet, il est beaucoup plus difficile de traduire les progrès du dévelop- I pement cognitif obtenus grâce à Sesame Street en équiva- lents financiers qui puissent ëtre comparés aux coûts dans une analyse coût-avantages. Dans le domaine de l’éducation, il est généralement impossible d’assigner une valeur finan- cière précise aux résultats. C’est pourquoi il est plus réaliste de faire une analyse coût-efficacité et de comparer les diverses solutions envisageables, par exemple, la diffusion de Sesame Street à la télévision comparée à l’emploi de moniteurs dans les garderies. Le point essentiel de cette approche est sans doute de susciter la recherche d’autres stratégies susceptibles de conduire, avec un meilleur rapport coût-efficacité, au même objectif.

Dans ce bref examen des sept étapes principales de toute étude complète d’évaluation, nous n’avons pu qu’esquisser les principes de l’évaluation et leurs applications. I1 devrait être maintenant bien clair que le spécialiste de l’évaluation doit être hautement qualifié sur le plan technique. La présente discussion ne saurait, pour le lecteur, être autre chose qu’une introduction aux principaux problèmes de ce domaine en pleine expansion. Voici, au Tableau 1, une liste des questions à examiner lors de la conception de l’évaluation d’une émission de télévision éducative. Ceuxqui souhaiteraient de plus amples informations sur ces sujets devraient consulter des ouvrages plus détaillés tels que 1’Encyclopedia of Educational Evaluation (Anderson et al., 1975) ou leHandbook of Evaluation Research (Vol. 1, Struening, 1975 ; Vol. 2, Guttentag, 1975). L’ouvrage The Profession andPracticeofProgramEvaluation (Anderson et Ball, 1978), conçu spécialement pour le grand public, peut aussi servir utilement d’introduction. Les évaluations de certaines émissions de télévision éducative qui sont présentées dans la deuxième partie du présent ouvrage illustrent nombre des principes définis plus haut. Ces études de cas ont été délibérément choisies de maniere à illustrer la vaste gamme d’évaluations que l’on peut prati- quer dans ce domaine.

CONTENU B U T

CONTEXTE DIFFUSION

DOCUMENTA- TION

METHODES

MESURES

RESSOURCES

IMPACT

COOPE RATION

RASSEMBLE- MENT

COUT

AVANTAGES

ANALYSE

INTERPRETA- TION DIFFUSION

Tableau 1

Liste récapitulative des questions à examiner lors de la conception de l’évaluation

d’une émission de télévision éducative

PROBLEME 1. Quels sont les buts explicites de l’émission ? Les buts implicites ? Prioritaires ?

CIBLE 2. Quelle est la population cible ? Les bénéficiaires secondaires ?

CRITERE 3. Comment peut-on savoir que les buts ont été atteints ?

RELATIONS

ETHIQUE

QUALITE

BIAIS

~

4. 5.

6. 7.

8.

9.

1 o.

Quel est le contenu de l’émission ? Quel est l’objet de l’évaluation ? Aider les enseignants ? Déceler une résistance ? Favoriser la compré- hension ? Quel est le contexte de l’émission ? Comment l’émission est-elle dif- fusée ? Méthodologie - Procédés. Qu’existe-t-il comme documentation pertinente pour l’émission et son évaluation ? Quelles sont les méthodes envisage- ables pour la conception de l’évalua- tion ? Expérimentales ? Quasi- expérimentales? Correctives ? Bilan? Evaluation du client ? Avis autorisé? Etude de cas ? Méthode non formelle ? Quelles sont les variables person- nelles, de traitement et de résultat à mesurer et quelles sont les méthodes à employer ? Tests chif- frés ? Questionnaires ? Entretiens ? Journaux ? Observations ? Classifi- cations ? Documents d’archives ? Indicateurs sociaux ?

11. Quelles sont les ressources techni- ‘ques et financières disponibles ?

12. Quel est l’impact de l’évaluation sur l’émission en tant que teile et sur le personnel qui l’a réalisée ?

13. Comment peut-on parvenir à une coopération entre l’équipe de l’émis- sion et les téléspectateurs ?

14. Comment doit-on procéder pour le rassemblement des données ? Par qui doit-il être fait et en combien de temps ?

15. Quel sera le coût de l’évaluation en argent, en temps et en inci- dences sociales ?

16. Ce coût sera-t-il justifié par les résultats de l’évaluation ?

17. Comment peut-on assurer le codage et l’analyse des données de la manière la plus efficace ?

18. Quelles sont les interprétations plausibles des résultats ?

19. Comment doit-on communiquer les résultats à ceux qui soutiennent l’émission ? à l’équipe de l’émis- sion ? à d’autres personnes ?

20. Comment l’évaluation dewait-elle être organisée par rapport à ceux qui soutiennent l’émission ? au personnel de l’émission ?

21. Quelles sont les considérations éthi- ques qui entrent en jeu dans l’évaluation ?

22. Quel contrôle de la qualité peut-il être effectué pendant l’évaluation ?

23. Quels sont les biais qui peuvent se glisser dans l’évaluation et comment peut-on les atténuer ?

19

Page 20: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 3

LA’TELEVISION ET LE DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT

Par Angela Biaggio

INTRODUCTION

Que peut nous apprendre la psychologie génétique sur l’impact de la télévision sur le développement de l’enfant ? U n gros effort de recherche a été fait dans ce domaine. La plupart des études initiales peuvent être classées en trois catégories : les études descriptives des variables liées au public, les études de terrain ou de laboratoire sur l’impact de l’agression à la télévision sur l’agressivité des enfants et les études sur la télévision en tant qu’outil d’apprentissage. On s’est beaucoup intéressé récemment, sur le plan de la recherche, à l’influence des modèles télévisuels jouant un rôle social positif sur le comportement des enfants. La publicité télévisée destinée aux enfants, la crédibilité des émissions de télévision, les variables cognitives et divers autres sujets sont autant de domaines nouveaux qui suscitent aussi un intérêt croissant.

Le présent chapitre donne un aperçu des fondements théoriques de la question et des résultats de la recherche dans ce domaine. Nous examinerons également brièvement les autres orientations que peut prendre la recherche relative aux effets de la télévision sur le développement de l’enfant. Cet aperçu ne prétend pas être exhaustif car il existe de nombreuses études spécialisées déjà publiées. I1 s’agit plutôt d’un bilan de caractère très général associé à un examen plus approfondi de quelques études ou de certains sujets qu’il peut être utile de porter à l’attention de ceux qui participent à des opérations de télévision éducative et qui se placent dans une perspective internationale.

LE PUBLIC CIBLE : LES HABITUDES D’ECOUTE DES ENFANTS

Stein and Friedrich (1 975) ont ieuni un certain nombre de conclusions sur les habitudes d’écoute des enfants, en soulignant les cinq points suivants. Premièrement, examinant les moyennes des différences entre les groupes d’enfants classés selon le nombre d’heures par semaine passées à regarder la télévision, on a constaté l’existence de tendances générales cohérentes en fonction de l’âge, du sexe, du milieu social, du groupe ethnique et du niveau d’intelli- gence. 11 est difficile d’avancer une estimation précise du nombre d’heures par semaine que l’enfant consacre à regarder la télévision à cause du manque de fiabilité des différentes méthodes d’évaluation, comme l’ont fait observer Bechtel, Achelpohl et Akers (1972). Deuxièment, de l’âge de trois ans au début de l’adolescence, on constate un progression du nombre d’heures d’écoute. Troisièmement, aucune dif- férence quant au nombre d’heures d’écoute n’apparaît entre les sexes pendant l’enfance mais les adolescentes regardent un peu plus la télévision que les adolescents (Lyle, 1972). Quatrièmement, les enfants des milieux défavorisés regardent davantage la télévision et davantage

d’émissions violentes que ceux des milieux favorisés; la même différence existe entre les noirs et les blancs, même après élimination des différences dues au milieu social (Lyle, 1972). Cinquièmement, la plupart des études récentes n’ont pu démontrer aucun lien entre le temps passé à regarder la télévision et l’intelligence ou la réussite scolaire. Les premières études effectuées, telle celle de Schramm, Lyle et Parker (1961), indiquaient que les enfants très intelligents regardaient beaucoup la télévision pendant leur enfance, mais pas pendant leur adolescence. Les quelques études récentes qui démontrent un lien entre les deux témoignent du contraire, à savoir que le fait de regarder beaucoup la télévision va de pair avec une intelligence médiocre ou un rendement scolaire décevant (Friedrich et Stein, 1973 ; Lyle et Hoffman, 1972a ; Stein et Friedrich, 1972).

POINTS DE VUE THEORIQUES

La majorité des spécialistes de psychologie génétique s’accordent à dire que les principales théories dans ce domaine sont la théorie de Piaget sur le développement cognitif, la théorie psychanalytique et néo-psychanalytique, et la théorie de l’apprentissage social. Sans faire ici un exposé complet de ces théories, nous nous bornerons à répertorier brièvement les points qui peuvent présenter de l’intérêt pour l’étude de l’impact de la télévision sur les enfants.

La théorie de Piaget sur le développement cognitif. Jean Piaget, né en Suisse en 1886, est considéré comme l’un des théoriciens qui ont le plus influé sur la psychologie génétique actuelle. Sa théorie du développement cognitif fait appel à des concepts biologiques comme l’organisation et l’adapta- tion avec ses deux étapes complémentaires, l’accommodation et I’assimikztion, qui débouchent sur un état d’équilibre (Piaget, 1923,1947 ; et Flavell, 1963). Ces fonctions portent le nom d’invariants car elles interviennent dans tous les changements, selon une progression en stades. L’interaction entre la maturation et la stimulation de l’environnement provoque cette progression d’un stade à l’autre. Voici certains des concepts de base qu’il faut connaître pour comprendre comment Piaget conçoit le développement cognitif.

Fondamentalement, l’enfant possède, à la naissance, quelques structures très simples (schèmas) qui lui permettent d’appréhender les stimuli, telles que les réflexes. Quand l’enfant se trouve confronté à un objet nouveau OU à un nouveau stimulus, il se sert des structures qu’il a à sa dispo- sition pour s’adapter au monde. Lorsqu’il réussit à appré- hender ce nouveau stimulus grâce à une structure existante, il ne fait qu’assimiler l’objet ou le stimulus. Ce que Piaget appelle accommodation est un changement dans l’organisme, l’apparition d’une structure nouvelle qui permet I’adapta- tion à un nouveau stimulus ou une situation nouvelle.

20

Page 21: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Evidemment, le processus d’accommodation est pénible au début. Ce processus est suivi d’une période d’entraînement au cours de laquelle la nouvelle structure prend complète- ment forme, et l’enfant éprouve du plaisir à assimiler différents objets à l’aide de cette nouvelle structirr,.. Vient alors une période de saturation. Mais bientôt un nouveau stimulus suscite un nouveau processus d’accommodation. Le point d’équilibre se situe à mi-chemin entre l’accommo- dation et l’assimilation, ce qui veut dire que les premiers stades d’accommodation sont difficiles et désagréables, mais que la sur-assimilation entraîne l’ennui, si bien qu’un nouveau cycle s’engage.

En quoi pouvons-nous trouver ici des renseignements importants pour la télévision éducative ? La leçon est que le contenu du programme doit être tel que l’enfant puisse en assurer l’accommodation sans effort excessif. Si le contenu dépasse par trop la capacité de compréhension et les domaines d’intérêt de l’enfant, le processus d’accom- modation ne s’enclenchera même pas. Lorsque le contenu est trop facile, il sera peut-être assimilé rapidement, mais ensuite rejeté par ennui. On devra également tenir compte de bien d’autres facteurs que le contenu des émissions, et tout particulièrement de ceux qui touchent aux différences culturelles puisque nous traitons ici de la télévision éduca- tive dans une perspective internationale.

Les habitudes d’écoute, ou même l’habitude du poste de télévision sont des éléments qui mériteraient notre réflexion car l’enfant peut avoir à s’adapter au moyen de communica- tion qu’est la télévision avant de s’adapter au contenu des émissions. Dans certaines cultures pour lesquelles un poste de télévision est un objet nouveau, ce facteur peut avoir une extrême importance. Cette remarque peut paraître évidente, mais il existe des différences culturelles moins évidentes entre des cultures du même niveau de développement, comme celles qui sont dues au climat. On ne peut guère penser qu’une émission de télévision éducative attirera l’attention de l’enfant d’une ville tropicale, qui peut jouer dehors la plupart du temps, de la même façon qu’elle cap- tivera l’enfant d’une ville du Nord qui est obligé de rester à l’intérieur en hiver. Le point d’équilibre optimum pour l’accommodation est

justement le point qui retient l’intérêt de l’enfant. Comme des études sur l’attention et le niveau de difficulté l’ont amplement démontré, un matériel trop difficile ou trop facile ne retient pas l’attention de l’enfant. Le niveau optimum de stimulation (ou, dans le cas qui nous occupe, ce que la télévision éducative doit présenter pour atteindre les cibles idéales qui provoquent l’adaptation) dépend dans une très grande mesure du stade de développement de l’enfant.

Selon Piaget, un enfant passe par quatre stades princi- paux qui sont qualitativement différents ; chaque stade se substitue au précédent sans l’annuler. La notion d’épigénèse signifie que les stades ultérieurs dépendent des stades initiaux, c’est-à-dire que l’enfant qui n’a pas acquis les structures typiques des premiers stades aura du mal à acquérir les structures plus évoluées des stades ultérieures. Les quatre stades principaux sont : le stade sensori-moteur (0-2 ans), le stade pré-opératoire (2-6 ans), celui des opéra- tions concrètes (7-13 ans) et celui des opérations formelles (à partir de 14 ans). I1 importe de ne pas oublier que ces groupes d’âge ne sont pas rigides et que les différents stades sont atteints de façon très différente selon les enfants.

Le stade sensori-moteur. Au cours du premier stade, l’intelligence fonctionne de manière essentiellement sensorielle et motrice. Cela veut dire que les acquis intel- lectuels au cours de cette période consistent pour l’enfant à s’apercevoir que les informations transmises par différentes voies sensorielles proviennent toutes d’un seul et même objet (par exemple, le hochet que le bébé regarde et qui a une forme et une couleur données est aussi l’objet dont il entend le son et qu’il sent sur sa main), à découvrir qu’il existe plusieurs façons d’atteindre un objet, à apprendre

qu’un objet caché n’en est pas moins toujours au même endroit, et à appréhender ce que c’est que l’intention et commencer à entrevoir les relations de cause à effet (ainsi, il apprend qu’en donnant un coup de pied dans le montant de son berceau, il fait bouger un mobile ou produit un son).

Piaget estime que l’intelligence est un acte intériorisé qui met en évidence l’importance de la manipulation des objets. 11 souligne aussi qu’il faut absolument que l’enfant reçoive beaucoup de stimulations visuelles, auditives et tactiles de façon à mettre pleinement à profit ce stade sensori-moteur qui sert de fondement aux stades ultérieurs. Le moment est peut-être venu de réfléchir au rôle qu’une

émission de télévision éducative comportant de bons 616- ments de stimulation visuelle et auditive pourrait jouer dans les foyers, les crèches ou les orphelinats ou les très jeunes enfants n’ont probablement guère l’occasion de recevoir ce genre de stimulation sensorielle de ceux qui s’occupent d’eux. Kagan (1975), également spécialiste de la psychologie cognitive, estime que les aspects moteurs (manipulation) soulignés par Piaget ne sont pas aussi importants pour le développement cognitif que le laisse penser ce dernier. Si Kagan a raison, l’apport et la stimula- tion visuelle et auditive procurés aux petits enfants par la télévision éducative mériteraient d’être étudiés avec atten- tion, particulièrement pour les enfants dont nous parlions plus haut. Le stade pré-opératoire. Au cours de ce deuxième

stade, le développement du symbolisme est décisif pour le langage. Le fait de pouvoir distinguer le signifiant du signifié est à la base même de la fonction symbolique. A ce stade, les enfants se caractérisent par certaines structures telles que l’égocentrisme - l’incapacité de voir les choses du point de vue d’autrui - l’animisme - le fait d’attribuer la vie à des objets inanimés - et l’anthropomorphisme - l’attribution de qualités humaines à des êtres non-humains.

Ces structures devraient servir de cadre de référence pour les responsables de la télévision éducative appelés à conce- voir des films destinés aux enfants parvenus à ce stade. Les dessins animés montrant des animaux ou même des objets inanimés dotés d’un comportement humain ne manquent pas de captiver les enfants. Ce stade comporte d’autres aspects très importants : l’enfant centre son attention, il est incapable de retenir plus d’un aspect de la stimulation à la fois ; d’autre part, il y a l’idée d’irréversibilité, la notion que les opérations n’ont pas de sens inverse.

Au stade pré-opératoire, l’enfant ne possède pas encore les structures élémentaires requises pour le raisonnement Iogique. I1 y a alors un déséquilibre et l’accommodation l’emporte sur l’assimilation. I1 faut donc que les émissions préscolaires de la télévision éducative évitent de pousser l’enfant au-delà de ses possibilités. Ces émissions devraient également chercher à accélérer l’apparition du stade suivant du développement cognitif.

Le stade des opérations concrètes. A ce stade, l’enfant surmonte les difficultés qu’il avait lors du stade précédent. Il devient capable de raisonnement logique, fût-ce au niveau du concret. Il peut désormais comprendre qu’une quantité d’eau ne change pas si on la verse d’un verre dans un autre de forme différente, parce qu’il est à même de “décentrer” et de comprendre que les opérations sont réversibles. Au stade des opérations concrètes, l’enfant est capable de classer les objets en catégories, en prenant en compte plus d’un objet à la fois. I1 perçoit les rapports qui existent entre des groupes et des sous-groupes mais n’est pas encore en mesure de résoudre ces problèmes au niveau abstrait. C’est pour cette raison que les auxiliaires visuels et les démonstra- tions concrètes ont une importance cruciale à ce stade.

Le stade des opérations formelles. Les adolescents sont capables de raisonnement purement abstrait. Ils peuvent vérifier systématiquement des hypothèses, ce qui explique l’intérêt qu’ils portent aux idéologies, à la religion et à l’avenir.

21

Page 22: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Les éléments clés de ces quatres stades différents du développement cognitif devraient nous indiquer le genre de programmes de télévision éducative convenant le mieux aux enfants des différents groupes d’âge. Nous conseillons au lecteur qui souhaiterait de plus amples renseignements sur cette question de consulter l’ouvrage classique de Flavell (1963) qui donne une vue d’ensemble de la théorie de Piaget, celui de Ginsberg et Opper (1969), ou encore le texte original de l’œuvre de Piaget.

Les théories psychanalytique et néo-psychanalytique. Traditionnellement, la théorie psychanalytique freudienne a traité davantage de l’instinct, de l’affectivité et des senti- ments que du développement cognitif. L’orientation prise par la psychanalyse au cours des dernières années, et que l’on désigne plus couramment sous le nom de psychologie de l’ego, remonte à Anna Freud (1937) et a été développée par ses disciples, Loewenstein (1953), Kris (1951), Rappaport (1951) et Hartman (1958). Plus récemment encore, les travaux de White (1960) et de Loevinger (1966), entre autres, ont mis la cognition au centre de la théorie psychan- alytique. La psychologie de l’ego met l’accent sur les proces- sus de l’ego qui sont rationnels, tournés vers la réalité et impliquent, bien entendu, la cognition. Ils sont donc plus proches de la théorie cognitive de Piaget que ne l’a jamais été la théorie psychanalytique orthodoxe. Selon White (1960), par exemple, l’enfant est fondamentalement motivé par un désir de compétence, de maîtrise de l’environnement, qui compte beaucoup plus que les conflits psycho-sexuels dans le développement de la personnalité.

C’est dans l’œuvre de Loevinger (1966) que l’orientation cognitive est la plus marquée. Les différents stades du développement du moi qu’elle propose sont les suivants : pré-social et symbiotique, dominé par l’impulsioii, oppor- tuniste, conformiste, consciencieux, autonome et intégré. L’analyse de Loevinger utilise largement la cognition et se rapproche ainsi beaucoup de la théorie de Piaget et de la théorie du développement cognitif du jugement moral de Kohlberg (1963).

Nous traiterons plus loin de la recherche relative aux effets sur les enfants des différents types de publicité télé- visée et à leur efficacité selon le stade de développement du moi de l’enfant. Bien que nous ne nous intéressions pas à la publicité en tant que teile, ces études peuvent contribuer à orienter la recherche à venir vers le rapport entre les stades de développement du moi et la programmation de la télévision éducative.

La théorie de l’apprentissage social. La recherche sur l’impact de la télévision a porté surtout sur les principes de l’apprentissage social. Par théorie de l’apprentissage social, au sens large du terme, nous entendons la théorie du développement de l’enfant qui repose sur la théorie de l’apprentissage. C’est l’affirmation que tous les comporte- ments s’acquièrent et que le développement de la person- nalité et du comportement social suivent les mêmes principes d’apprentissage que ceux qu’on a observés lors d’expériences très sérieuses en laboratoire.

Les deux concepts clés de la théorie de l’apprentissage social sont la contiguïté et le renforcement. La principe de la contigui’té stipule qu’un stimulus acquiert les mêmes caractéristiques qu’un autre stimulus par simple contiguïté, c’est-à-due par le fait qu’ils sont présentés ensemble comme dans le cas des célèbres expériences effectuées par Pavlov sur le conditionnement des chiens qui salivaient au bruit d’une sonnerie qu’ils avaient entendue plusieurs fois en même temps qu’on leur présentait un morceau de viande. Le principe du renforcement dit que le comportement s’acquiert dans la mesure OU ses conséquences comportent une récompense ou un avantage, comme l’ont suggéré, avec des nuances différentes, Thorndike, Hull et Skinner.

Une autre caractéristique de la théorie moderne de l’apprentissage est l’accent mis sur le rôle de l’imitation

dans le développement de la personnalité et du comporte- ment social. Le rôle de l’imitation dans l’apprentissage est communément reconnu, encore que certains théoriciens comme Miller et Dollard (1941) l’aient considéré comme un cas particulier de renforcement. Les gens imitent parce qu’ils se sentent indirectement renforcés quand ils constatent qu’un modèle se trouve renforke pour avoir eu un certain comportement, ou parce qu’ils se sont sentis renforcés pour avoir reproduit le comportement d’un modèle.

Bandura et Walters (1963) ont donné un nouvel élan à la théorie de l’apprentissage social en mettant l’accent sur le rôle de l’apprentissage par observation, c’est-à-dire la conception selon laquelle le comportement peut s’apprendre par simple observation d’un modèle, même en l’absence de tout renforcement, fût-il indirect. Cette conception a mis l’imitation au même rang que la contiguïté et le renforce- ment comme principes explicatifs de la constitution de la personnalité et de l’apprentissage social.

Plus récemment, Bandura a reconnu l’importance de la cognition dans le processus de développement. Mischel (1971), autre représentant marquant de la théorie moderne de l’apprentissage social, explique clairement ce nouvel éclairage en examinant une nouvelle conception du dévelop- pement de la personnalité reposant sur l’apprentissage social et cognitif. Des variables telles que les espérances, la valeur des éléments de renforcement pour le sujet et la prévision des conséquences sont désormais prises en compte.

Bandura et Walters (1963) font également une distinc- tion entre l’apprentissage et la performance, soulignant que l’apprentissage par observation peut aboutir a I’apprentis- sage d’un comportement qui peut être ou ne pas être traduit en actes, en fonction du renforcement. Par consé- quent, si l’importance de l’imitation dans l’acquisition d’une réaction de comportement est manifeste, c’est le renforcement qui permet la performance extériorisée de ce comportement. Une grande partie du travail de Bandura sur le rôle de l’imitation a porté sur l’acquisition des comporte- ments agressifs (Bandura, 1973).

Contrairement à de nombreux psychologues qui estiment que l’agressivité humaine est innée et doit s’exprimer, au besoin sous des formes déguisées (Freud, Lorenz et les théoriciens des pulsions), Bandura considère que l’agression s’acquiert par le renforcement des comportements agressifs, par l’observation de modèles OU un renforcement positif est donné à un comportement agressif, et par le simple fait d’être mis en contact avec des modèles agressifs.

Bandura a démontré, par plusieurs expériences, le rôle déterminant du contact avec des modèles filmés dans l’acquisition de réactions agressives nouvelles (Banduraet al., 1963). En général, dans ces expériences, on répartit les enfants en groupes expérimentaux et en groupes témoins. Les sujets du groupe expérimental sont mis en présence de modèles agressifs et reçoivent un renforcement direct ou indirect de leurs Comportements agressifs alors que les sujets témoins ne le sont pas. Les enfants des deux groupes, expérimental et témoin, sont ensuite confrontés à des situations typiques de manière que l’on voie quels genres de comportements agressifs se manifestent. Ces expériences ainsi que des études sur le terrain révèlent que l’exposition à des modèles agressifs favorise par la suite le comportement agressif dans des situations typiques de la vie courante. Le rôle de l’imitation par exposition à des modèles a également été étudié pour l’acquisition de comportements sociaux positifs.

I1 va de soi que ce genre d’expérience intéresse la télé- vision. Bien que la télévision éducative ait essentiellement pour raison d’être la diffusion du savoir, les valeurs et les comportements sociaux positifs et antisociaux qui découlent de l’apprentissage social méritent aussi de retenir l’attention. La théorie de l’apprentissage social semble avoir une impor- tance particulière pour tous ceux qui souhaitent comprendre et mesurer l’impact de la télévision sur les enfants.

22

Page 23: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

LES DOMAINES DE RECHERCHE FONDAMENTAUX

La perception. L’étude de la perception a constitué l’un des domaines les plus importants de la psychologie expéri- mentale. Bien que la plupart des études de la pcrr?ption aient été effectuées sur des sujets adultes, le développement de la perception chez les enfants a suscité beaucoup d’intérêt ces dernières années. Si l’on s’est intéressé surtout aux adultes, c’est en partie parce qu’on manque d’outils métho- dologiques assez fins pour détecter si un enfant perçoit ou non un stimulus. Devant un stimulus (qu’il soit visuel, auditif, etc.), l’adulte peut indiquer verbalement s’il le perçoit ou non et quelles en sont les caractéristiques. Le jeune enfant est incapable de donner de telles indications verbales.

Un autre problème se pose : celui de l’attention. Le sujet adulte qui participe à une expérience peut s’astreindre à une certaine attention, même s’il trouve que la situation est inintéressante ou ennuyeuse. Par contre, avec des enfants, il faut que la situation soit suffisamment intéres- sante pour capter spontanément leur attention. Lesser (1977) souligne que, pour être efficace, la télévision éduca- tive doit intéresser l’enfant et retenir son attention. Sinon, il éteindra le poste, changera de chaine ou se tournera vers une autre activité.

En ce qui concerne l’enfant d’âge préscolaire, bien des points intéressants ont fait l’objet d’études, comme celui de la perception, globale ou partielle. La théorie de la différen- tiation de Heinz Werner (1940) et de nombreux travaux de recherche s’appuyant sur le test de la tache d’encre mis au point par Rorschach et Holtzman ont abouti à la conclusion que les jeunes enfants perçoivent mieux l’ensemble indif- férencié que les détails. Ils commencent ensuite à percevoir les détails et, aun troisième stade (d’intégration), parviennent à intégrer les détails enunensemblecohérent (Hemmendinger, 1953 ; Holtzman et al., 1961). Cette conceptiona été remise en cause par d’autres travaux. Reese et Lipsitt (1970) font valoir que les stimuli de Rorschach ne correspondent à aucun objet connu, puisqu’il s’agit simplement de taches d’encre. Ils citent l’œuvre deDworetzki (1939) qui,conscient de ce problème, a conçu des dessins de stimulations composés d’éléments ayant une signification, et qui avaient également une signification lorsqu’ils étaient perçus comme un ensemble. Avec ces stimuli, les enfants percevaient mieux les détails que le tout.

Les études sur la perception chez les enfants méritent d’être poursuivies plus avant pour trouver leur application dans la télévision éducative.

Le langage. Un autre pôle d’intérêt important de la psychologie génétique est l’acquisition du langage. Deux théories rivales offrent leur propre explication. Selon la théorie behaviouriste de l’apprentissage, le langage est un comportement acquis semblable aux autres comportements acquis (par le conditionnement et par l’imitation). La théorie psycho-linguistique, par contre, affirme l’existence d’apti- tudes innées qui prédisposent le cerveau humain à acquérir la langue de la culture environnante par un processus de mise en relation de structures innées sous-jacentes avec des structures superficielles (une langue donnée). I1 n’est pas nécessaire que nous entrions ici dans les détails de cette polémique théorique. L’intéressant est que l’un et l’autre point de vue reconnaissent le rôle de la stimulation du milieu dans le développement du langage.

Les études sur des enfants culturellement défavorisés qui ont été récapitulées par Hunt (1961) montrent que l’enfant de milieu populaire reçoit une stimulation verbale relative- ment médiocre si l’on considère le langage parlé par les adultes qui l’entourent, ce qui entraîne chez lui un dévelop- pement médiocre du langage. Rheingold et al. (1959) et Weisberg (1963) ont démontré que le taux même de vocali- sation chez les nouveaux-nés est fonction du renforcement social (attention et marques d’affection des adultes).

I

Bernstein (1961), qui est l’un des principaux spécialistes dans ce domaine, fait valoir que la privation culturelle se traduit avant tout par l’absence de signification cognitive dans le système de communication mère-enfant. Hess et Shipman (1965) estiment que la structure familiale façonne la communication et le langage, et que le langage façonne la pensée et les mécanismes cognitifs de résolution des problèmes. Bernstein (1961) déclare que les structures du langage peuvent conditionner ce que l’enfant apprend et la façon dont il apprend. I1 distingue ‘deux formes de codes de communication ou styles de comportement verbal : la forme restreinte et la forme élaborée. Dans les codes restreints, les phrases sont courtes, simples et souvent inachevées. Les codes élaborés sont plus différenciés, plus précis. Les études de Bernstein et d’autres auteurs confirment que les structures du langage populaire sont du type restreint et ne sont pas propices au développement idéal du langage et de la cognition chez l’enfant.

Est-ce que le contact avec la télévision peut remédier à cet inconvénient? O n connaît très peu de travaux de recherche sur les incidences de la télévision sur le développe- ment linguistique des enfants. En l’état actuel de la théorie et de la recherche, on peut penser que des émissions soigneusement préparées et conçues en vue de favoriser le développement linguistique devraient avoir un effet salu- taire. Pourtant, il n’existe aucune certitude en la matière. Certains auteuis soutiennent que la télévision fait jouer un rôle passif au téléspectateur. Le fait d’écouter des codes linguistiques complexes sans réagir au stimulus ou sans communiquer verbalement avec autrui peut-il être efficace ? Des études récentes indiquent que la famille peut avoir un rôle médiateur et faciliter l’apprentissage de ce que l’enfant voit à la télévision (Brown et Linné, 1976). Ce sont là des questions qui méritent un complément de recherche scientifique.

LES ETUDES SUR L’IMPACT DE LA TELEVISION

L’agressivité. En raison de l’importance accordée par la théorie de l’apprentissage social à l’influence des modèles, tout particulièrement dans les études de Bandura (1973) sur l’acquisition d’un comportement agressif par simple contact avec des modèles agressifs, y compris les modèles véhiculés par les films (Bandura et al., 1963), on s’est beaucoup préoccupé des effets de l’agression montrée à la télévision. Dans une société technologique, les modèles dont s’inspirent les enfants ne sont pas seulement les parents, les enseignants et les proches, mais aussi tous ceux qui sont véhiculés par les médias (surtout la télévision, mais également les journaux, les magazines et les films). De nombreux travaux de recherche (Bandura et al.,

1963 ; Bandura et Mischel, 1966 ; Prentice, 1972 ; Grusec, 1972 ; etc.) ont démontré qu’enfants et adultes peuvent acquérir des mentalités, des comportements émotifs et des modes complexes de comportement en imitant des modèles véhiculés par des films. A la suite de ces travaux, les gouvernements de plusieurs pays, en particulier celui des Etats-Unis, se sont inquiétes des effets potentiellement néfastes des films et dessins animés agressifs qui sont pré- sentés aux enfants. De nombreux films des Etats-Unis sont exportés vers d’autres pays qui les diffusent largement. Les préoccupations suscitées par ce problème aux Etats-Unis n’ont cessé d’augmenter, si bien qu’en 1969, le Sénateur John O. Pastore a demandé au Ministre de la santé, de l’éducation et des services sociaux d’ordonner au Directeur fédéral des services de santé d’entreprendre une enquête sur l’impact sur le comportement de la violence à la télé- vision. Une Commission consultative scientifique pour la télévision et le comportement, réunissant douze spécialistes des sciences du comportement, a été créée en juillet 1969. En même temps, un million de dollars ont été affectés à la recherche dans ce domaine et un groupe d’experts de

23

Page 24: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

l’Institut national pour la santé mentale a été chargé d’assurer la coordination du programme de recherche. Au cours des deux années suivantes, vingt-trois projets ont été entrepris dans plusieurs universités et centres de recherche. Les soixante rapports résultant de ces études ont été analysés par la Commission consultative en 1971, et un rapport final intitulé “La télévision et le développement de l’enfant: l’impact de la violence à la télévision” a été présenté au Directeur fédéral des services de santé.

Ce rapport et cinq volumes contenant les rapports de recherche ont paru en 1972. Ces travaux de recherche ont porté sur trois points principaux : les caractéristiques du contenu des émissions de télévision, les caractéristiques des téléspectateurs (leur identité, leur choix et leur temps d’écoute), et l’impact possible de la violence vue à la télé- vision sur les mentalites’, les valeurs et les comportements des téléspectateurs.

Certains des résultats les plus frappants concernant la première question ont été publiés par Gerbner (1972). Sur les quatre-vingt-quatorze dessins animés pour enfants qui ont fait l’objet de l’analyse tous - sauf deux en 1967, un en 1968 et un en 1969 - contenaient au moins trois fois plus de passages violents que les émissions comparables pour adultes. En 1969, une heure de dessin animé moyen contenait six fois plus d’épisodes violents qu’une heure d’émission pour adultes. Barcus (1971) a fait état de résultats similaires : 71 pour cent des extraits de dessins animés soumis à l’étude contenaient au moins un épisode de violence humaine.

En ce qui concerne la deuxième question, les résultats indiquent que les jeunes enfants sont parmi ceux qui regardent le plus la télévision. Plusieurs études (Lyle et Hoffman, 1972 a, b ; Murray, 1972) ont démontré que les jeunes enfants passent de deux à trois heures par jour à regarder la télévision et qu’ils la regardent encore plus pendant le week-end qu’en semaine. En moyenne, les enfants d’âge préscolaire passent toutes les semaines au moins vingt heures devant un poste de télévision.

C’est la troisième question qui est la plus importante pour nous. On peut, semble-t-il, tenir pour acquis qu’il y a prolifération de la violence à la télévision et que les enfants passent de nombreuses heures à regarder la télé- vision. Voyons donc maintenant ce que les travaux d’enquête sur les effets d’un tel contact ont pu révéler.

Stein et Friedrich (1972) ont évalué les effets respectifs qu’ont sur les enfants des émissions qui ont un caractère antisocial, Socialement positif ou neutre. Les sujets étaient des enfants d’âge préscolaire, observés pendant une période de neuf semaines. Au cours des quatre premières semaines, les enfants ont vu différentes émissions selon un ordre établi à l’avance. Puis, pendant trois semaines, on a observé et suivi les enfants au cours de leurs activités habituelles dans leur classe de l’école maternelle. Les observateurs ont enregistré plusieurs types de comportements à différents moments de l’expérience. Ces types de comportement pouvaient être décrits comme socialement positifs (aider, partager, jouer ensemble, faire preuve de patience) ou anti- sociaux (se quereller, se bousculer, casser les jouets). O n a estimé que les enfants s’étaient montrés plus agressifs après avoir regardé des émissions anti-sociales telles que Batman. Par contre, les enfants qui avaient vu douze épisodes d’émissions socialement positives se sont montrés plus enclins à la coopération, acceptant de prêter leurs jouets et d’aider autrui.

Dans une autre étude]Liebert et Baron (1972) ont évalué la propension de l’enfant à aider un autre enfant ou à lui faire du mal à la suite d’émissions de télévision agressives ou neutres. L’expérience consistait à mettre l’enfant dans une situation pouvant l’induire à “apporter une aide” ou “faire du mal” à un autre enfant censé se trouver dans une pièce voisine.

Les enfants qui avaient regardé les émissions agressives ont appuyé sur le bouton “faire du mal” plus vite et

24

pendant plus longtemps que ceux qui avaient regardé les émissions neutres. Lors d’observations ultérieures des mêmes enfants, alors qu’ils pouvaient jouer librement, on a constaté chez ceux qui avaient regardé les émissions agressives davantage de préférence pour les jeux de pistolets ou les jouets agressifs que chez ceux qui avaient vu les émissions neutres.

D’autres études ont tenté d’explorer les effets cumulatifs à long terme du contact avec des modèles agressifs à la télévision. Plusieurs chercheurs ont constaté l’existence d’un rapport persistant entre la préférence pour les émissions télévisées agressives et la participation à des actes d’agression ou de délinquance. Une des études les plus importantes dans ce domaine est celle de Lefkowitz, Eron, Walder et Huesman (1 9 7 2). Ces auteurs ont examiné le développement des comportements agressifs au sein d’un même groupe de garçons et de filles pendant une période de dix ans. En ce qui concerne les garçons, les résultats ont montré qu’il y avait un rapport significatif entre un goût pour les émissions violentes à l’âge de huit ans et un comportement délinquant à l’âge de dix-huit ans. Chez les filles, ce lien était moins net.

Pour résumer, nous pouvons dire qu’il existe suffisamment de preuves fournies par des études expérimentales rigoureuses et bien conçues, pour affirmer qu’un contact de courte durée avec des modèles d’agression à la télévision suscite un comportement agressif chez les enfants, ce qui confirme la théorie de Bandura sur les modèles. Quant aux indications d’effets cumulatifs à long terme, les choses sont moins nettes, encore que certains travaux donnent à penser que le contact avec des émissions télévisées agressives provoque un comportement agressif des années après. Des études sur le comportement social positif montrent qu’il est possible de favoriser les “bons” comportements par contact avec des modèles télévisés. Ce sont là des idées et des faits dont on peut tirer parti dans la programmation de la télévision éducative si l’on veut promouvoir l’esprit de coopération et d’autres bons comportements au détriment des comporte- ments agressifs.

Les comportements sociaux positifs. I1 a déjà été souligné que la théorie de l’apprentissage social accorde une place importante à l’imitation en tant que principe primordial de l’apprentissage. Les émissions pour enfants comme Sesame Street ont toujours eu pour but essentiel de développer les aptitudes cognitives des enfants défavorisés des centres urbains. Mais les responsables ont également voulu promouvoir des comportements socialement désirés par le biais d’une programmation judicieuse. Cet objectif pose une question philosophique de première importance. Qu’est-ce-qu’on entend par un bon comportement social, et à qui revient-il de décider de ce qui est bon ? Par “bon comportement” social, Leifer (1975, p. 2) entend “les actes qui expriment un soutien à autrui au sein du système social existant. I1 s’agit par exemple de partager, de se relayer, d’exprimer de l’affection, de consacrer du temps à des échanges sociaux, de jouer avec les autres et de chercher à influencer autrui par la parole plutôt que par des moyens physiques”. De nombreux travaux de recherche ont été entrepris

récemment sur l’acquisition de comportements sociale- ment positifs. Stein et Friedrich (1975) ont résumé certaines des principales études de laboratoire effectuées dans ce domaine. Ils ont constaté, d’une manière générale, que l’imitation de modèles adultes ou de gens du même âge influe sans conteste beaucoup sur le comportement affectif; ils citent le fait d’aider un autre enfant, l’altruisme et le partage, le fait d’exiger beaucoup de soi-même avant d’être satisfait, de renoncer aux récompenses et de préférer être fier de soi-même, de renoncer aux récompenses après un comportement semblable à celui de ses pairs, de remettre à plus tard un plaisir, de faire preuve de maturité dans le jugement moral et de surmonter la crainte. Toutefois, comme dans le cas de l’agressivité, il ne faut extrapoler ces études de laboratoire à des situations de la vie réelle qu’avec prudence.

~- ~

Page 25: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

La plupart des cherchelirs qui sont partis d’émissions réellement diffusées pour étudier les effets socialement positifs de la télévision ont choisi l’émission Mr. Rogers’ Neighbourhood. Stein et Friedrich (1975) ont relevé les thèmes suivants dans le scénario de cette émission pour enfants : esprit de coopération, sympathie, partage, affec- tion, amitié, cúmpréhension des sentiments des autres, expression verbale de ses propres sentiments, report du plaisir à plus tard, persévérance et compétence dans l’accomplissement des tâches, acceptation des règles, maîtrise des instincts agressifs, possibilité de s’adapter et d’accepter la frustration, de surmonter la crainte, amour propre, respect des qualités propres à chaque individu.

Stein et Friedrich ont constaté que les enfants des maternelles qui avaient vu quatre épisodes de Mr. Rogers: Neighbourhood avaient appris et mis en pratique plusieurs thèmes -aider un ami, essayer de comprendre les senbi- ments des uns et des autres, reconnaître que désirer une chose ne veut pas dire qu’elle va arriver, avoir de l’estime pour quelqu’un à cause de ses qualités intérieures plutôt que de son apparence. Les enfants qui avaient vu un court épisode OU il était question de partage ont fait preuve, tout de suite après, de générosité à l’égard d’un camarade (Shirley, 1974). Selon l’étude de Shirley, l’agressivité des enfants qui ont regardé Mr. Rogers’ Neighbourhood n’a cessé de diminuer, ce qui corrobore les principes de la théorie de l’apprentissage social selon lesquels il faut, pour faire disparaître un certain type de réaction, consolider les réactions opposées.

Plus récemment, certaines parties de l’émission de Sesame Street ont mis l’accent sur des comportements socialement positifs comme assurer la sécurité, surmonter la peur, et comprendre le point de vue d’autrui. Paulson, McDonald et Whitmore (1973) ont étudié les conséquences de la présentation de six petites scènes illustrant la coopéra- tion qui avaient été télévisées neuf fois au cours d’une série d’émissions de Sesame Street. Les enfants qui pouvaient regarder l’émission dans leur garderie ont été capables de reconnaître et de signaler l’esprit de coopération dans des situations analogues à celles de l’émission, mais cette apti- tude ne s’etendait que très peu à de nouvelles situations. Ces enfants se sont montrés plus coopératifs que ceux qui n’avaient pas vu l’émission, mais uniquement dans des situations-tests semblables à celles qui avaient été présentées dans l’émission.

Graves (1975) s’est attachée à découvrir comment susciter des attitudes raciales positives par le truchement de la télévision. Elle a examiné trois grandes variables indé- pendantes : l’origine raciale du sujet, le nombre de repré- sentants de minorités figurant dans l’émission et le type de personnage joué par ces représentants de minorités. Elle a fondé son étude sur des bandes vidéo de dessins animés de production commerciale. Comme exemple de repré- sentation négative des noirs, elle cite une bande intitulée The Harlem Globetrotters.

Dans son étude, les enfants étaient âgés de 6 à 8 ans ; la moitié était des noirs, l’autre moitié des blancs, et chaque groupe comprenait un nombre égal de garçons et de filles. Les enfants ont été notés selon un barème général des attitudes raciales au cours d’entretiens individuels avant et après présentation des dessins animés.

Quatres groupes expérimentaux ont été créés : des sujets noirs face à un dessin animé donnant une repré- sentation positive des noirs, des noirs face à une représenta- tion négative, des sujets blancs Face à une représentation positive, et des blancs face à une représentation negative. Dans trois des groupes, un léger changement d’attitude est intervenu dans le sens positif envers les noirs. Cependant, c’est le quatrième groupe, celui des sujets blancs face à une représentation négative des noirs dans les films, qui a le plus changé, dans le sens d’une attitude encore plus négative envers les noirs.

Les résultats de l’étude ont également révélé chez les enfants noirs un changement plus net, dans le sens positif, de leur attitude envers les noirs, que celui constaté chez les enfants blancs. Le simple fait de voir des noirs dans une émission a donné une meilleure opinion des noirs aux enfants noirs, indépendamment de la représentation qui en était donnée. Toutefois, les personnages positifs avaient une plus grande influence en ce sens que les représentations négatives.

Les travaux de Graves montrent que les émissions télé- visées conçues pour distraire les enfants peuvent influencer leurs attitudes raciales de façon positive ou négative. Les responsables de la télévision éducative pourraient mettre cette constation à profit et chercher à améliorer les attitudes raciales.

La crédibilité. Parmi les chercheurs qui se sont penchés sur l’impact de la télévision, Aimée Leifer, de l’université Harvard, occupe une des places les plus éminents. Elle s’est notamment (1975) consacrée à la recherche sur la ‘‘crédibilité” des émissions de télévision, c’est-à-dire qu’elle s’est demandé si le public estimerait que les émissions de télévision sont “vraisemblables”. Se fondant sur les résultats d’entretiens avec différentes personnes, elle a établi un pro- gramme préliminaire à l’usage des parents pour qu’ils aident leurs enfants à évaluer la réaIité de la télévision et son appli- cabilité à leur propre vie. Selon Leifer: “La télévision présente aux enfants bien des exemples de comportement anti-social, de représentation stéréotypée de la femme et des minorités, et d’incitation ala consommation. Ce contenu peut influer sur le comportement, les attitudes et les espérances des enfants. Nous croyons que les enfants peuvent être en mesure de modifier les effets de ces contenus en devenant des téléspectateurs plus avertis, et que les parents peuvent les aider à y parvenir”. (1975, p. 3)

Les objectifs du programme mis au point par Leifer, Graves et Gordon sont au nombre de trois : “1. Découvrir les processus que les enfants utilisent, ou

pourraient apprendre à utiliser, pour discerner dans quelle mesure les divers aspects du contenu télévisé peuvent s’appliquer à leur propre vie.

2. Mettre au point des techniques qui permettent aux parents d’apprendre à leurs jeunes enfants à utiliser les processus définies grâce au premier objectif. Démontrer que les enfants qui ont appris ces techni- ques s’en servent pour discerner quels sont les contenus télévisés qui s’appliquent à leur vie, ce qui modifie l’ampleur de l’influence que le contenu télévisé peut avoir sur eux.” (s.d., p. 3)

Lors des premiers travaux, cinquante-huit entretiens ont été menés auprès de jeunes de 13 ans, de 16 ans, ainsi qu’auprès de leurs parents. Les sujets étaient des blancs, des noirs ou des Porto Ricains résidant dans la région de Boston. Parmi les différents sujets abordés lors des entretiens figuraient leur connaissance des émissions en question, des personnalités de la télévision, ainsi que d’autres information jugées fiables par l’enquêteur. Les auteurs ont examiné les diverses manières dont les différents groupes étudiés utilisent ces connais- sances, et ils envisagent de faire usage de ces renseignements dans des études futures où ils chercheront à voir ce que des enfants de 4, 8 et 12 ans pensent de la crédibilité des émis- sions de télévision.

A notre connaissance, aucun travail de recherche n’a encore été entrepris pour savoir comment la crédibilité d’une émission de télévision éducative agit sur son impact, une question qui mériterait un examen sérieux. Manifeste- ment, les dessins animés et les marionnettes ne donnent pas la même sensation de réalité que des personnes réelles présentées à la télévision, mais les enfants les perçoivent-ils comme moins crédibles ? Selon les thèses de Piaget sur le stade pré-opératoire de l’enfant, l’animisme et l’anthropo- morphisme, il se peut que les dessins animés et les marion- nettes paraissent tout à fait crédibles à de très jeunes enfants.

3.

25

Page 26: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Est-ce que ce genre de caricatures peuvent transmettre des messages éducatifs aux jeunes enfants, et si oui, avec quelle efficacité ? De nouvelles recherches sont nécessaires pour que l’on puisse répondre à de telles questions.

Lors d’un colloque organisé à l’occasion de la Conférence de 1976 de 1’American Psychological Association en 1976, Leifer et ses collaborateurs ont fait état de découvertes nouvelles concernant la “crédibilité”. Ils ont provisoirement discerné cinq aptitudes d’évaluation qui sont fondamentales pour l’individu : (1) le raisonnement explicite et spontané à propos de la réalité du contenu télévisé ; (2) le désir de comparer le contenu télévisé à des sources d’information extérieures ; (3) le désir de se reporter à la connaissance de ce secteur d’activité au cours des réflexions sur la réalité de la télévision ; (4) la tendance à constater que le contenu télévisé est relativement artificiel ou inexact ; (5) le juge- ment générai sur la télévision, les personnes les plus critiques faisant preuve de moins de crédulité.

Leifer et ses collaborateurs mettent actuellement au point un programme qui vise à apprendre aux enfants et aux parents à devenir des téléspectateurs plus avertis, en exploitant à fond les cinq aptitudes définies plus haut. Comme le dit Leifer (1976, p. 2), “S’il est peut-être impos- sible de changer le contenu de la télévision, on peut essayer de modifier son influence sur les enfants en les aidant à devenir des téléspectateurs ayant davantage d’esprit critique.

Bien que les travaux de Leifer concernent la télévision commerciale visant à distraire, ils sont riches d’enseignement que les éducateurs qui utilisent la télévision pourraient mettre à profit pour s’assurer que le contenu qu’ils désirent enseigner sera présenté dans les meilleures conditions de crédibilité.

La publicité. Les travaux de recherche les plus marquants sur les effets de la publicité télévisée sur les enfants et les adolescents sont ceux de Scott Ward et de ses collaborateurs de la Harvard Graduate School of Business Administration et du Marketing Science Instituteà Cambridge. Ward (1976) constate que la recherche sur les effets de la télévision sur les enfants vise surtout les effets de la programmation de la télévision. Par contre, la recherche concernant la publicité étudie des sujets adultes. Or, souligne-t-il, les émissions et la publicité ne sont pas la même chose et les résultats des recherches sur les adultes ne peuvent être extrapolés aux enfants. Ward se propose donc, d’une manière générale, de fournir des données de base susceptibles d’expliquer l’inci- dence de la publicité télévisée sur les enfants et les adolescents.

Ward et ses collaborateurs ont mené sept études distinctes, dont quatre avec des enfants et trois avec des adolescents. Trois domaines traités nous intéressent au premier chef dans la mesure OU les travaux portent sur des enfants de 5 à 12 ans : le comportement à l’égard de la publicité télévisée,les effets du développement cognitif, et le comporte- ment inter-personnel (c’est-à-dire les efforts faits pour influencer les parents afin qu’ils achètent les produits proposés par la publicité). Dans les trois études concernant des adolescents, l’intérêt a surtout porté sur les attitudes à l’égard de la publicité, les attitudes matérialistes, la connais- sance des spots publicitaires et les comportements de consommateur. Les chercheurs se sont également attachés aux motifs qui poussent les adolescents à regarder les spots publicitaires ainsi qu’au rapport existant entre la publicité télévisée et la communication au sein de la famille. On a également analysé les renseignements concernant les adolescents en fonction de l’origine racial, pour établir si la publicité télévisée agit différemment sur les adolescents selon qu’ils sont noirs ou blancs. Dans toutes les études, sur les jeunes enfants comme sur les adolescents, on s’est aussi attaché à élucider ce que les spots publicitaires apprennent aux enfants. Nous résumons ci-dessous les principales conclusions de ce travail.

En ce qui concerne le comportement des enfants devant les spots publicitaires, Ward et al. ont constaté chez tous les

enfants un relâchement de l’attention au moment du pas- sage de la publicité télévisée, quels que soient la catégorie du produit, l’heure d’écoute et le nombre de camarades qui regardent la télévision. Cette baisse d’attention lors du passage de l’émission à la publicité est moins forte chez les enfants les plus jeunes (de 5 à 7 ans). Des conversations s’engagent pendant environ 25 % du temps de publicité ; elles peuvent soit être suscitées par la publicité présentée soit être destinées à se substituer à l’écoute.

Pour ce qui est des réactions à la publicité télévisée et des différents stades de développement cognitif, Blatt, Spencer et Ward (Ward, 1976) ont utilisé, dans une étude exploratoire, huit catégories de réactions aux spots publi- citaires qu’ils ont mises en relation avec ces différents stades. Les théoriciens du développement de l’intelligence considèrent que tous les enfants passent par différentes étapes précises. Les premiers stades du raisonnement sont surtout concrets, littéraux et indifférenciés, alors que les suivants sont plus complexes et font beaucoup appel à la “pensée abstraite” et au pouvoir de reconnaître et d’analyser les symboles, ainsi qu’à une différenciation et une intégra- tion plus poussées de la perception et de la cognition. Se plaçant de ce point de vue, Blatt et al. s’attendaient à voir les jeunes enfants réagir davantage à des thèmes “concrets”, “répondant à des besoins fondamentaux”, “hédonistes” et “autoritaires” (par exemple, une formule telle que “achetez ce jouet parce qu’il vous amusera”, ou encore un annonceur “plein d’autorité” ordonnant à l’enfant : “dis à ta mère de l’acheter”). Les enfants plus âgés réagiraient sans doute davantage aux thèmes reposant sur le symbolisme, la compétence, la maîtrise, l’identification au rôle sexuel et le conformisme (par exemple “soyez dans le vent - achetez ce jouet - tous les garçons en ont”, ou bien “ce produit vous embellira, vous serez appréciée de tous”). Les personnes plus mûres réagiraient davantage à des thèmes plus rationnels ou faisant appel à la conscience, mettant par exemple en valeur les caractéristiques du produit ou son utilité sociale.

Les huit catégories utilisées pour étudier les réactions devant la publicité ont été les suivantes : (1) la réalité (ce qu’est une publicité par rapport à un dessin animé, un docu- mentaire ou une émission d’actualités) ; (2) le but (l’objet de la publicité tel qu’il est perçu) ; (3) la distinction entre la publicité et le produit (la capacité de faire une différence entre le produit qui fait l’objet de la publicité et le message lui-même) ; (4) les catégories de produits dont on se souvient (l’alimentation, les produits ménagers,etc.); (5)ia complexité du souvenir ; (6) les personnalités marquantes (les personnes dont les jeunes téléspectateurs se souviennent spontanément ou peuvent citer le nom) ; (7) la valeur et la crédibilité des publicités aux yeux des téléspectateurs ; (8) les réactions émotives à l’égard de la publicité.

En reliant ces catégories aux stades du développement du moi, Blatt et al. sont parvenus à une conception fondée sur une succession de stades, qui fait la synthèse des travaux d’Erikson, Loevinger et Kohlberg, et qui est reproduite ci-dessous :

Niveau 1 : Impulsion, auto-protection et soumission. A ce niveau, les téléspectateurs réagissent principalement en fonction de certains besoins ou craintes de base et ont tendance à se montrer plus réceptifs à des annonces publi- citaires OU l’on exige, menace ou emploie des méthodes de vente très agressives pour stimuler les réactions impulsives, les croyances et les comportements de respect envers les “autorités supérieures”. Les annonces publicitaires qui visent ce niveau-là sont en général directes, brutales et concrètes.

Niveau 2 : Intérêt personnel délibéré. A ce niveau, les téléspectateurs sont plus sensibles à ce qui vise leurs propres désirs “hédonistes”, aux thèmes de la “domination” et de la “puissance” qui flattent l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, à des modèles de rôle idéal ainsi qu’à ce qui concerne leur identité sexuelle. Le niveau 2 se distingue du niveau 1 et

26

Page 27: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

se situe à un stade plus avancé du développement cognitif parce que les sollicitations supposent une autonomie et une volonté individuelles ainsi qu’un sens de l’identité person- nelle à la fois actif et intéressé. Au niveau 1, les réactions individuelles se déclenchent comme un réflexe (“stimulus- réponse” ou “réflexe rotulien”). Les annonces publicitaires au niveau 2 sont généralement riches en fantasmes et symboles “égoïstes”.

Niveau 3 : Conformisme. A ce niveau, les téléspectateurs sont surtout sensibles aux sollicitations fondées sur “le rapport avec autrui” - sur le fait de se mesurer aux autres, sur le besoin d’approbation sociale, de sympathie et de prestige personnel de l’individu (“ne pas se retrouver laissé pour compte”). Le niveau 3 se distingue du niveau 2 par un stade de développement plus avancé puisque le raisonne- ment reconnaît, outre le moi, l’existence et l’influence d’autrui. Au niveau 3, les annonces publicitaires utilisent le symbolisme ; leuï style et leurs thèmes ont un caractere plus réaliste et plus “social” que ceux des annonces destinées au raisonnement du niveau 2 ; cependant, c’est encore à des réactions affectives plutôt qu’à une évaluation rationnelle qu’elles doivent leur efficacité.

Niveau 4 : Conscience. A ce niveau, les téléspectateurs réagissent plus particulièrement aux sollicitations liées au devoir, à l’utilité fonctionnelle et aux exigences ration- nelles liées au rôle. Les annonces publicitaires du niveau 4 sont surtout objectives et factuelles. I1 peut s’agir, par exemples, d’actes de pure commercialisation (“Notre nouvel émetteur à micro-ondes assure un rendement plus élevé à un coût moindre car il est conçu selon les caracté- ristiques techniques ci-après”). Ce stade se situe à un niveau plus “élevé” que les précédents du point de vue du développement cognitif car il exige une plus grande diffé- renciation des données factuelles ainsi qu’une évaluation rationnelle des arguments présentés.

Niveau 5 : Utilité sociale, intégration et réalisation du moi. A ce niveau les téléspectateurs réagissent de préférence à des sollicitations de caractère esthétique, altruiste et moral, à des préoccupations sociales et à tout ce qui touche la réalisation de leur propre personnalité : “Achetez la marque X et vous contribuerez à améliorer le cadre de vie tout en favorisant votre plein épanouissement” (ce sont, par exemple, des annonces publicitaires axées sur des thèmes écologiques). I1 s’agit, à ce niveau, de viser l’édification morale du téléspectateur ; les annonces se présentent souvent sous une forme “artistique”.

Selon l’hypothèse de Blatt et al., les téléspectateurs ont des sensibilités et réceptivités différentes à l’égard de la publicité, et cette sensibilité différentielle évolue au cours des différents stades de la maturation des aptitudes cogni- tives, affectives, et morales et de la conception du moi. Les

~ jeunes -~~ enfants sont plus vulnérables à l’influence des annonces publicitaires des “niveaux inférieurs”.

Quant à la publicité télévisée et aux comportements au sein de la famille, on a pu constater surtout que les mères avaient conscience de l’influence de la publicité télévisée sur leurs enfants. Elles évaluent l’influence de la publicité d’après la fréquence avec laquelle les enfants tentent d’influencer leurs achats.

Quant aux mentalités, les adolescents ont une attitude négative à l’égard de la publicité télévisée. Qu’ils s’agisse de blancs ou de noirs, cette attitude négative ne varie que très peu.

Enfin, Blatt et al. ont constaté que les adolescents acquièrent bon nombre d’attitudes et d’aptitudes en matière d.e consommation au contact de la publicité télévisée.

Bien que la télévision éducative ne fasse pas appel a la publicité, on peut s’inspirer très largement de ces travaux de recherche, surtout de l’étude des rapports entre les caté- gories de réactions à la publicité et le niveau de développe- ment du moi. Les responsables de la télévision éducative devraient rechercher si leurs messages correspondent au niveau de développement de la personnalité du public visé.

Le contenu pédagogique. La première utilisation de la télévision éducative, qui est d’ailleurs encore laplus courante, a été l’enseignement d’un contenu cognitif comme à l’école. Les évaluations des émissions éducatives regardées en classe ont maintes fois indiqué que les enfants, les adolescents et les adultes apprennent en général le contenu cognitif qui leur est présenté pratiquement aussi bien que dans d’autres situations d’apprentissage (Leifer, 1976).

Les évaluations des résultats de la première et de la deuxième année de Sesame Street et de Electric Company montrent que ces émissions apprennent aux enfants d’âge préscolaire un large éventail de contenus, qu’ils les regardent en classe ou à la maison (Ball et Bogatz, 1970). Certains détracteurs de ces études menées par 1’Educational Testing Service prétendent que Sesame Street peut contribuer à creuser l’écart entre les enfants favorisés sur le plan éducatif et ceux qui ne le sont pas (Cook et al., 1975). Néanmoins, il existe des preuves écrasantes qui montrent que l’on apprend vraiment quelque chose par le canal de la télévision (Chu et Schramm, 1967 ; Leifer, 1976). Des recherches ont été entreprises sur le contenu de cet

apprentissage dans différents pays du monde. Nous pouvons citer comme exemple l’étude de Diaz-Guerrero et Holtzman (1974) sur l’apprentissage par l’écoute de l’émission Plaza Sesumo à Mexico. Ces chercheurs ont étudié 221 enfants dans trois garderies de quartiers très populaires, dont l’âge allait de 3 à 5 ans (il y avait un nombre égal de garçons et de filles). Après avoir été répartis de façon aléatoire entre groupes expérimentaux et groupes témoins, les enfants ont subi une série de tests avant, pendant et apris la période de six mois au cours desquels l’émission a été télévisée. O n a constaté des différences significatives dans certains tests de connaissances portant sur les connaissances générales, les chiffres, les lettres et les mots enseignés dans l’émission ainsi que dans les tests cognitifs n’ayant qu’un rapport indirect avec Plaza Sesamo. Un test de compréhension orale, tout à fait distinct de l’émission, a également révélé des divergences importantes. Les différences les plus nettes ont été observées chez les enfants de 4 ans et les plus minimes chez les enfants de 3 ans. Le rythme d’apprentissage a été constamment plus rapide dans le groupe expérimental que dans le groupe témoin. D’autres études comme celle-là, provenant de différents pays du monde, seront examinées dans la quatrième partie.

Puisque l’apprentissage du contenu cognitif sera le principal sujet d’autres chapitres du présent ouvrage, nous ne nous y attarderons pas davantage ici, Notre souci principal était seulement, à ce stade, de présenter des domaines de recherche et d’expérience à partir des théories de la psycho- logie génétique, et les résultats de certains travaux.

FUTURS TRAVAUX DE RECHERCHE POSSIBLES

Des voies de recherche éventuelles ont déjà été suggérées dans toutes les études précédentes. I1 nous semble que la recherche sur l’impact de la télévision s’est inscrite .dans un cadre trop étroit, traitant presque exclusivement des effets de l’agression et de l’apprentissage du contenu. On remarque plus récemment un certain intérêt pour l’étude des effets d’émissions socialement positives. Toutefois, il y a bien d’autres aspects importants de la télévision éducative sur lesquels la psychologie génétique pourrait nous éclairer. Certaines de ces idées seraient fort utiles si elles nous aidaient à rendre l’apprentissage par la télévision éducative plus efficace ; c’est le cas, par exemple, des découvertes récentes sur la perception, l’attention, la curiosité, la crédibilité, les rapports entre les stades de développement du moi et l’efficacité de certains types de messages (comme l’a suggéré Ward dans ses études sur la publicité).

D’autres domaines examinés font apparaître certains aspects du développement de l’enfant sur lesquels la télé- vision peut avoir un impact, comme le développement du

27

Page 28: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

langage et de la cognition, la maturité du jugement moral et l’amélioration des attitudes raciales.

Graves (1975), Leifer et Gordon formulent des sugges- tions intéressantes à propos des stratégies de recherche, telles que l’utilisation de contenus, de situations et de mesures plus proches de la réalité, l’emploi de méthodo- logies différentes et le recours à un contact de plus longue durée, En ce qui concerne les questions de fond, leurs recommendations concernent davantage les problèmes rencontrés aux Etats Unis que ceux d’autres pays. Ils proposent une plus grande diversité de représentations, une diffusion des comportements socialement appréciés et une modification de l’impact de la programmation actuelle. Par cette dernière remarque, ils veulent dire que le contexte dans lequel l’enfant regarde l’émission, au sein de sa famille

ou à l’école, par exemple, peut avoir des incidences sur l’impact attendu de l’émission. Par plus grande diversité des représentations, ils entendent un large éventail de person- nages appartenant à différents groupes ethniques ou milieux sociaux, etc.

La deuxième partie du présent ouvrage regroupe un certain nombre d’exemples d’études d’évaluation qui prennent en compte, pour examiner l’impact de la télé- vision éducative, les facteurs cognitifs, sociaux et de personnalité tels que les a définis la psychologie génétique. Le chapitre 10 de la troisième partie traite des voies qui s’ouvrent à la recherche et contient des recommandations, dont celles que l’on peut tirer de ce rapide examen de la psychologie génétique et de son application à la télévision éducative destinée aux jeunes enfants.

28

Page 29: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Deuxième partie Évaluation de la télévision éducative : études de cas

29

Page 30: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 4

SONDAGE SUR LES EMISSIONS TELEVISEES POUR ENFANTS AUX ETATS-UNIS

Par Wayne H. Holtzman

Le première génération d’enfants qui a regardé la télévision aux Etats-Unis s’est nourrie de dessins animés, d’émissions de variétés et de divertissements, avec quelques rares intermèdes d’émissions éducatives, d’émissions en direct ou de spectacles spécialement conçus pour eux. Des 1965, il devint évident pour les éducateurs, les hommes politiques, les responsables des fondations charitables et même le grand public, que l’on n’avait pas su pleinement exploiter toutes les possibilités de la télévision en tant que moyen de communication puissant au service du développement de l’enfant. Pourquoi ne pas réunir les meilleurs artistes et créateurs du monde du spectacle télévisé et des spécialistes du développement de l’enfant pour entreprendre un effort nouveau, certes coûteux, qui permettrait d’accélérer le développement cognitif, personnel et social de millions d’enfants ? L’idée a été reprise par les milieux gouverne- mentaux et des fondations privées, et c’est ainsi que fut créée en mars 1968 une organisation à but non lucratif, le Children’s Television Workshop. Des productions prélimi- naires réalisées sous l’éminente direction de la présidente du CTW, Joan Ganz Cooney, ont convaincu un certain nombre de gens d’accorder leur patronnage à l’idée originale de Sesame Street, série d’émissions télévisées destinées à divertir et éduquer les enfants de 3 à 5 ans, qui a obtenu un large succès.

Si Sesame Street et son équivalent pour enfants plus âgés, Electric Company, sont les productions américaines les plus célèbres, d’autres séries marquantes pour enfants ont connu un grand succès, à en juger par l’accueil du public et le temps qu’elles ont “tenu”. Mais, dans ce bref chapitre, nous devrons nous contenter de faire un sondage des émissions pour enfants. Outre Sesame Street, nous examinerons plus spécialement Mr. Roger’s Neighbourhood, une émission conçue spécifiquement pour enseigner des comportements socialement positifs tout en amusant les téléspectateurs. L’émission Mr. Roger’s Neighbourhood a fait l’objet d’évaluations et d’analyses de différents chercheurs et elle a été adaptée pour la diffusion dans d’autres pays.

Sesame Street : une &e nouvelle pour la télévision pour enfants. L’accueil que le public a réservé en 1970 à Sesame Street, série d’émissions destinées à l’éducation préscolaire par la télévision, a marqué le début d’une ère nouvelle pour la télévision éducative. Pour la première fois, les techniques éprouvées de la télévision commerciale, l’art du divertisse- ment et l’apport des spécialistes de l’éducation et des sciences du comportement ont été réunis pour la réalisation d’une série d’émissions éducatives visant à stimuler le développernent cognitif des jeunes enfants. Les premières évaluations de Sesame Street faites par Ball et Bogatz (1970 ; Bogatz et Ball, 1971) ont mis en évidence de nets progrès chez les enfants qui regardaient l’émission, encore que la signification de ces progrès, surtout chez les enfants défavorisés, ait été ensuite remise en cause par d’autres chercheurs (Cook et al., 1975).

30

I1 aura suffit de six ans pour que Sesame Street soit traduit, adapté et imité dans le monde entier. La version originale en anglais a été diffusée dans plus de quarante pays et huit adaptations en d’autres langues ont été pré- sentées dans dix-neuf pays (Palmer et al., 1976). Les pro- ductions en langue étrangère suivent deux schémas diffé- rents : l’option Co-production, avec utilisation d’une partie du matériau de l’original américain (surtout les graphismes coûteux) et production locale du reste ; ou bien l’option “Open Sesame” qui consiste à reprendre, après doublage, des parties de l’original américain, alors que le film d’intro- duction est produit localement. L’option “Open Sesame” est la plus courante car la Co-production nécessite à nou- veau un scénario, des personnages, des acteurs, une produc- tion et une évaluation formative, comme pour l’original.

Sesame Street et ses adaptations étrangères visent principalement à préparer les jeunes enfants à l’apprentissage scolaire. Ses buts spécifiques ont trait à quatre domaines d’aptitude scolaire : les processus symboliques comme la reconnaissance et l’utilisation des lettres, des chiffres et des formes géométriques ; l’organisation cognitive avec, entre autres, le tri, la classification et la perception diffé- renciée ; le raisonnement et la résolution des problèmes ; la compréhension élémentaire de l’univers social et du monde physique. D’autres buts sont moins explicites, comme la socialisation, l’augmentation de l’amour-propre et les capacités de relations avec les autres. L’énoncé détaillé des buts a servi de guide à la production des seg- ments d‘émission et de cible aux tests de connaissance établis sur mesure pour les études nationales d’évaluation effectuées par I’Educational Testing Service de Princeton (New Jersey). La version originale en langue anglaise de Sesame Street

a rencontré un succès inattendu dans plusieurs pays étrangers OU un public d’enfants plus âgés et d’adultes ont trouvé dans ce programme un bon moyen d’améliorer leur anglais, tant pour l’expression que pour la compréhension de la langue. Sesame Street est toujours diffusé dans cette optique en Israël (Salomon, 1976) et au Japon (Yamamoto, 1976). Cependant, dans la plupart des cas, c’est la langue du pays (voire même le dialecte) qui a été utilisée.

Le public visé en tout premier lieu par Sesame Street était celui des enfants d‘âge préscolaire des milieux modestes des zones urbaines qui regardent la télévision chez eux ou dans des garderies. Comme il fallait s’y attendre, les parents des classes moyennes ou favorisées ont vite saisi cette occa- sion pour en faire profiter leurs enfants, ce qui a rapide- ment élargi le public de l’émission à des millions d’enfants de plus que le groupe cible prévu. A partir de données tirées d’un certain nombre d’enquêtes sur le public dans l’ensemble du pays, Cooket al. (1975) ont estimé qu’environ un tiers de tous les enfants de 2 à 5 ans ont regardé régulière- ment l’émission (quatre fois par semaine et plus) pendant les deux premiers cycles de diffusion de Sesame Street.

Page 31: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Si l’on considère que seulement 63 %des ménages ont accès à une chaîne publique de télévision (P.B.S.) dans l’ensemble du pays, ces chiffres très élevés indiquent que la majorité des enfants d’âge préscolaire qui pouvaient regarder la télévision publique étaient des spectateurs a s 2 . h de Sesame Street.

Dans la plupart des autres pays, l’émission a également reçu un accueil favorable. Par exemple, en 1971, une enquête de 1’Australian Broadcasting Corporation a révélé que 84 pour cent de tous les enfants de 3 à 6 ans dans la zone de réception des émissions regardaient souvent Sesame Street (Palmer et al., 1976). U n an après son lancement à Mexico, plus de 90 pour cent des enfants d’âge préscolaire, sans distinction de classe sociale, avaient regardé Plaza Sesamo (Diaz-Guerrero et aL, 1976). Dans leur grande majorité, les parents considèrent que Sesame Street améliore les connaissances de leurs enfants.

Plusieurs évaluations à grande échelle et des dizaines d’autres plus modestes ont été entreprises afin de cerner avec objectivité l’impact de Sesame Street sur les jeunes enfants. L’évaluation américaine la plus vaste est la série d’études nationales de la version originale de Sesame Street effectuée par Ball et Bogatz pour 1’Educational Testing SeMce.Etant donné que cette série d’etudes ainsi que l’analyse secondaire de Cook et de ses collègues constituent les évaluations les plus complètes qui aient jamais été faites de l’impact de la télévision éducative sur les enfants d’âge préscolaire, les résultats méritent d’être étudiés de façon assez détaillée. Nous devrons cependant nous contenter ici d’en présenter un certain nombre de points forts.

Les évaluations nationales de Sesame Street ont été effectuées au cours des deux premiers cycles de diffusion. Puisque ce programme se compose de séquences quotidiennes pendant six mois - au total 130 émissions d’une heure - les évaluations ont essayé d’encourager les enfants observés à regarder régulièrement l’émission, grâce à diverses récom- penses. Les groupes témoins ne recevaient pas ces encourage- ments et peu de ces enfants voyaient la télévision publique.

Pour la première année de l’évaluation, les enfants ont aussi été répartis en deux groupes, ceux qui regardaient Sesame Street à la maison, et ceux qui regardaient l’émis- sion à l’école maternelle ou à la garderie. Cinq sites de recherche ont été choisies dans le pays, ce qui a donné un grand nombre d’enfants, noirs et blancs, ainsi que quelques Américano-Mexicains en Arizona. La plupart des enfants étaient de familles économiquement défavorisées, encore que des blancs des classes moyennes aient été retenus en nombre suffisant pour permettre des études de la situation socio-économique en plus de celle de l’appartenance ethni- que. Des données complètes antérieures et postérieures à l’expérience ont été tirées d’une batterie de tests spéciale- ment conçus, pour 943 enfants d’âge préscolaire qui avaient 3,4 ou 5 ans au début de l’expérience. On a également noté le temps passé à regarder l’émission et beaucoup d’enfants étaient observés périodiquement.

Dans l’ensemble, au bout des six mois, les enfants de l’expérience avaient en moyenne appris davantage que ceux des groupes témoins. Les enfants que I’on avait systématiquement encouragés à regarder Sesame Street avaient appris davantage que ceux qui ne l’avaient pas été, et ceux qui avaient beaucoup regardé l’émission obtenaient aux tests des notes supérieures à celles de ceux qui la regardaient peu. Ces premiers résultats, bien qu’encoura- geants, laissaient encore planer des incertitudes considérables quant à la puissance de l’impact sur les différents types d’enfants dans les diverses conditions d’écoute.

En raison de confusions partielles concernant le site, la situation socio-économique, l’appartenance ethnique et le comportement d’écoute échappant au controle, il était difficile de parvenir à une interprétation détaillée des résultats.

L’évaluation de la deuxième année s’est limitée à deux villes, Winston-Salem et Los Angeles, OU Sesame Street

~ -

n’était visible que pour un public restreint (télévision par cable et canal UHF, a ondes décimétriques), ce qui facilitait beaucoup le contrôle de l’expérience. Des quartiers pauvres ont été choisis pour qu’il soit possible de contrôler plus précisément les paramètres d’écoute en mettant à la disposi- tion des enfants retenus pour l’expérience des adaptateurs pour réception par cable ou UHF, sans en donner aux groupes témoins. On encourageait régulièrement les enfants de l’expérience à voir l’émission grâce à diverses incitations, ce qui a accru le nombre des téléspectateurs assidus. On a également perfectionné les huit tests d’apprentissage utilisés avant et aprh Sesame Street, ce qui a donné, la deuxième année, une étude plus soigneusement contrôlée, portant sur 283 enfants dont beaucoup de noirs de milieu défavorisé. Une étude distincte sur 66 enfants hispanophones de Los Angeles a été effectuée mais n’a pas donné de conclusions probantes en raison du petit nombre de cas et des différences qui existaient avant l’expérience entre le groupe expérimental et le groupe témoin.

La plupart des résultats de la deuxième année repro- duisaient ceux de la première, ce qui a amené les évaluateurs à conclure que le fait de regarder Sesame Street, chez les enfants de 3, 4 et 5 ans, donnait des taux d’acquisition cognitive nettement supérieurs à ceux qui auraient été atteints par maturation normale sans Sesame Street. Ces résultats positifs ont suscité un grand enthousiasme pour Sesame Street et encouragé ses adaptations étrangères dans le monde entier.

Les résultats secondaires fournis par les observations de la famille et des entretiens avec les parents au cours des évaluations de Sesame Street ont montré que les encourage- ments donnés pour inciter à regarder régulierement l’émis- sion n’avaient pas changé les habitudes d’écoute des autres émissions télévisées et n’avaient pas eu, non plus, d’incidence sur les aspirations des parents à l’égard de l’enfant ou sur le niveau de stimulation intellectuelle dans la famille. Toute- fois, les mères d’enfants que l’on encourageait à regarder Sesame Street ont signalé qu’elles lisaient moins d’histoires à leurs enfants. L’incitation à regarder la télévision et le temps effectivement consacré à la télévision sont deux facteurs différents. Tout deux ont eu une nette influence sur les progrès d’apprentissage.

Une deuxième analyse critique des données de la première évaluation, une évaluation secondaire en quelque sorte, a été faite par Cook et OZ., (1975). Partant de prémisses diffé- rentes, Cook a examiné les données sous un angle nouveau et a conclu que l’encouragement à regarder l’émission était le facteur de plus décisif pour les résultats obtenus avec Sesame Street. Des visites fréquantes au foyer de l’enfant et les incitations données à la famille leur ont montré toute l’importance à accorder à Sesame Street, élément qui n’était pas perçu dans la plupart des familles américaines, surtout dans les milieux défavorisés. Cook a également noté que Sesame Street avait, sur le plan des résultats, creusé le fossé entre les enfants des classes moyennes et ceux des milieux défavorisés, et placé ainsi les responsables, dont l’action visait à combler ce fossé, devant un grave dilemme. Le dernier chapitre de l’ouvrage de Cook comporte une réfutation intéressante de Ball et de Bogatz et contribue à aviver le débat entre les deux groupes d’évaluateurs.

‘L’une des faiblesse reconnues des études sur Sesame Street est l’absence de contrôle expérimental total des conditions d’écoute, qui a entraîné un certain nombre d’interprétations discutables. Dans une société ouverte et démocratique, il est quasiment impossible d’arriver à un contrôle strict des spectateurs et des non spectateurs dans les conditions d’une étude sur le terrain au sein du foyer familial. Maintenant que Sesame Street a été largement diffusée et a reçu force publicité, il est infiniment plus difficile encore de mener de telles expériences. Cependant, une expérience de ce genre (résumée au Chapitre 5 par Reyes-Lagunes) a été effectuée au Mexique dans des condi- tions de contrôle très soignées, avec la version espagnole de

31

Page 32: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

l’émission intitulée Plaza Sesamo (Diaz-Guerrero et Holtzman, 1974).

Les études faites tant sur Sesame Street que sur Plaza Sesamo semblent indiquer nettement que les conditions d’écoute ont une grande importance quand on cherche à obtenir un fort impact positif sur le développement cognitif et perceptuel de l’enfant. Les encouragements des adultes ainsi que d’autres incitations qui font comprendre aux enfants que l’émission est importante et qu’ils devraient la regarder régulièrement sont sans doute indispensables sur- tout pour les enfants de milieux modestes. L’évaluation “tertiaire” que Liebert (1976) a faite du livre de Cook ainsi que des évaluations précédentes de Sesame Street et de Plaza Sesamo ont abouti essentiellement aux mêmes conclusions que celles de Cook et al., en ce qui concerne les acquisitions limitées et la mesure dans laquelle même ces acquisitions proviennent non pas du nombre élévé d’heures d’écoute mais de facteurs distincts.

Ces études critiques n’ont guère ou pas eu d’impact sur la progression de Sesame Street dans le monde au cours des dernières années. Cela se comprend aisément lorsqu’on examine ce que l’on pourrait utiliser à la place de Sesame Street ou d’émissions analogues. Le style attrayant du divertissement allié au contenu éducatif de l’émission et à la grande qualité de la production en font une proposition des plus tentantes pour quiconque cherche une méthode peu coûteuse pour atteindre des millions d’enfants d’âge préscolaire.

Influence de la télévision éducative pour enfants sur le comportement social et la personnalité. La plupart des émissions spécialement conçues pour les enfants visent à stimuler leur intelligence et à leur communiquer des informa- tions nouvelles plutôt qu’à développer en eux des comporte- ments socialement positifs et d’autres traits souhaitables de la personnalité. I1 arrive parfois qu’une série d’émissions telles que Sesame Street, conçue essentiellement pour l’apprentissage cognitif. tienne aussi compte d’autres 61.5- ments socialement souhaitables et les intègre à la pro- grammation de façon délibérée, mais il est rare qu’une série d’émissions soit conçue spécialement pour enseigner des attitudes socialement positives en vue d’améliorer les réactions entre les groupes. C’est pourtant le cas de Mr. Rogers’ Neighbourhood, émission de télévision très populaire qui a été diffusée aux Etats-Unis et aussi en Europe.

Une étude récente qui compare Mr. Rogers’ Neighbour- hood et Sesame Street démontre de façon convaincante la relation qui existe entre le contenu de l’émission et les comportements interpersonnels des enfants qui regardent la télévision (Coates et aL, 1976). Tout d’abord, une analyse de contenu a été effectuée à partir d’un échantillon de dix heures d’émission prises dans Sesame Street. Deux observa- teurs ont noté chaque émission d’après le nombre de fois OU les personnages donnaient un renforcement positif ou administraient des punitions à d’autres personnages pour des comportements sociaux ou cognitifs. Ils ont découvert que les émissions de Sesame Street reposaient essentielle- ment sur des personnages qui donnaient tant des renforce- ments positifs (740 cas) que des renforcements négatifs ou des punitions (213 cas) aux autres personnages. Par contre, l’analyse de contenu faite sur dix heures de Mr. Rogers’ Neighbourhood a fait apparaître un total de 1.224 renforce- ments positifs et seulement 67 épisodes de punition liés au comportement interpersonnel. La catégorie “punition” utilisée par Coates et al., était très proche de la catégorie “agression” utilisée par Friedrich et Stein (1973). L’idée de renforcement positif englobait l’éloge verhal et les paroles d’affection ou bien un contact physique affectueux quel- conque.

Ensuite, Coates et al., ont effectué une expérience avec trente-deux enfants d’âge préscolaire dans une école maternelle ; les enfants regardaient soit Sesame Street soit Mr. Rogers’ Neighbourhood pendant 15 minutes les quatre

jours prévus par l’expérience. Les extraits de Sesame Street retenus mettaient davantage l’accent sur la punition que sur le renforcement positif, alors que tous les extraits de Mr. Rogers’ Neighbourhood soulignaient le renforcement positif. On a procédé à l’observation de chaque enfant avant, pendant et après la semaine d’exposition à l’une ou l’autre émission. O n a également mesuré les contacts sociaux des enfants avec d’autres enfants et avec des adultes.

La comparaison des enfants qui regardaient Sesame Street et de ceux qui regardaient Mr. Rogers’ Neighbourhood a révélé que la qualité des attitudes interpersonnelles observées à l’écran influait sur la qualité des rapports des enfants entre eux quand ils jouaient ensuite librement. Chez les enfants qui avaient obtenu peu de points dans les mesures préliminaires sur l’aptitude à donner un renforcement positif ou une punition, Sesame Street a nettement accru ces deux modes de comportement social. Chez les enfants qui avaient déjà un certain nombre de points pour leur capacité à donner renforcement positif ou punition aux autres, Sesame Street n’a pas eu d’effet appréciable. Dans le cas de Mr. Rogers’ Neighbourhood, on a noté qu’après vision de l’émission, la capacité de donner un renforcement positif aux autres enfants était accrue de façon significative. En outre, la fréquence des contacts sociaux avec d’autres enfants et avec des adultes de l’école augmentait. Ces résultats coïncident avec les conclusions précédemment établies par Friedrich et Stein (1975), selon lesquelles les enfants de 5 ans non seulement apprennent le contenu socialement positif d’émissions comme Mr. Rogers’ Neigh- bourhood mais également présentent un comportement socialement positif au niveau des fantasmes et des situations réellement vetues. Par conséquent, ces études montrent clairement que les comportements socialement positifs se développent après la vision d’émissions télévisées montrant des interactions socialement positives. De même, le nombre de punitions et d’agressions augmente si les enfants ont vu à la télévision des scenes OU prime ce genre d’activité inter- personnelle.

Les attitudes interpersonnelles, y compris les attitudes raciales, peuvent aussi être modifiées par le contenu de la télévision pour enfants. La Canadian Broadcasting Corpora- tion a mis au point une série spéciale d’émissions de Sesame Street où les personnages originaux ont été remplacés par des enfants de cultures et de races diffkrentes. Une étude de Gorn et aL, (1976) a démontré que les enfants blancs d’âge préscolaire avaient une préférence marquée pour les non blancs, par rapport aux blancs, comme compagnons de jeu, après avoir vu ces émissions spéciales de Sesame Street produites au Canada avec des enfants non blancs. Ce trans- fert positif d’attitude contrastait totalement avec les pré- férences du groupe témoin qui n’avait pas vu les émissions spéciales. Ces émissions spéciales étaient particulièrement efficaces parce qu’elles étaient attrayantes et présentées aux enfants dans le cadre bien connu de Sesame Street.

L’attitude des enfants canadiens anglais d’âge préscolaire vis à vis des canadiens français a fait l’objet d’une enquête de Gorn et al. Les chercheurs se sont aperçus que les enfants réagissaient favorablement envers le petit garçon canadien français en dépit de la langue inconnue qu’il parlait. I1 est intéressant de noter que le fait que Richard parlait français n’avait pG-d-’importance puisque les enfants avaient tendance à faire plus attention à ce qu’ils voyaient qu’à ce qu’ils entendaient. Ces changements d’attitude rapides sont assez nets, en tous cas chez les enfants d’âge préscolaire. Savoir si c’est aussi le cas dans d’autres situations reste à prouver et d’autres recherches seraient nécessaires pour l’élucider.

Conclusion. La télévision éducative destinée aux enfants d’âge préscolaire retient certes beaucoup l’attention depuis plusieurs années, mais il y a relativement peu de recherches de type expérimental ou évaluatif. La plupart des études sur la télévision pour enfants dans des pays autres que les Etats- Unis portent davantage sur l’examen du public et certaines réactions face à la télévision que sur la mesure de l’impact

~~~~~~~~~~~~ .. ~~~~~

32

Page 33: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

de la télévision sur le comportement effectif des jeunes pour évaluer Sesame Street dès le début de cette émission, enfants. Le succès international de Sesame Street et celui, ont été faites à un rythme que beaucoup de pays auraient plus limité, de Mr. Rogers’ Neighbourhood ont attiré du mal à suivre. Sesame Street offre un modele complet l’attention sur l’importance de la télévision comme puissant d’évaluation qui peut servir de référence et d’idéal pour moyen d’éducation et de socialisation des enfants d’âge pré- d’autres efforts visant à déterminer lavaleur des programmes scolaire. Les recherches considérables qui ont été entreprises spécialement destinés aux enfants d’âge préscolaire.

33

Page 34: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

7

CHAPITRE 5

PLAZA SESAMO, UNE EVALUATION AU MEXIQUE

Par Isabel Reyes-Lagunes

Avec le lancement, en 1971, de Plaza Sesamo au Mexique, une occasion unique d’évaluation est offerte. Cette émission est une production entièrement nouvelle de Sesame Street, adaptée spécialement à la culture latino-américaine. Au cours de son élaboration, éducateurs, psychologues, psychiatres et linguistes ont collaboré à la conception et à l’exécution d’études d’évaluation formative afin de guider les producteurs. Cette série de recherches formatives (Diaz-Guerrero et al., 1975) ont jeté les bases qui devaient permettre d’entreprendre des expériences plus vastes visant à déterminer l’impact de Plaza Sesamo sur l’apprentissage chez les jeunes enfants.

Une expérience menée dans des conditions de contrôle rigoureux. La première de ces expériences a été menée à Mexico auprès d’enfants d’âge préscolaire (Diaz-Guerrero et Holtzman, 1974). Un total de 221 enfants de 3, 4 et 5 ans de trois garderies différentes de quartiers pauvres, égale- ment répartis sur le plan de l’âge et du sexe, ont été assignés de façon aléatoire à un groupe expérimental et à un groupe témoin. Les enfants du groupe expérimental ont regardé les émissions de Plaza Sesamo cinq jours par semaine durant 50 minutes, entre 15 heures et 16 heures, pendant toute la durée de diffusion de la série des 130 émissions, ce qui a représenté six mois d’écoute sans interruption. Pendant ce temps, les enfants du groupe témoin ont regardé des dessins animés et d’autres émissions de télévision non éducative diffusés sur une autre chaîne dans une autre salle. Les postes de télévision étaient placés sur un support pour que tous les enfants puissent voir et entendre sans difficulté.

Puisqu’en 1973 Phza Sesamo était une émission nouvelle, aucun des enfants du groupe témoin ne l’avait vue. Des efforts considérables ont été faits pour les empêcher de regarder Plaza Sesamo sur une autre chaîne lors de sa diffu- sion tous les soirs de 18 heures 19 heures. A la fin de l’expérience, il est apparu que le nombre d’enfants du groupe témoin qui avaient été en contact avec l’émission était si faible que le plan de l’expérience ne s’en trouvait pas compromis. On a noté les absences pour chaque enfant. Les enfants qui ont abandonné en cours de route ont été assez peu nombreux ; 173 sont allés jusqu’au bout de l’expérience. Des analyses séparées n’ont révélé aucun biais significatif du fait des abandons.

Le plan expérimental d’évaluation de l’impact de l’émis- sion sur les enfants reposait sur une série de tests que l’on faisait passer individuellement à tousles sujets del’échantiiion à trois moments : pré-test, juste avant la vision de Plaza Sesamo ou des films témoins ; pendant l’expérience, sept semaines après sa mise en route ; post-test, à la fin de la diffusion des émissions. U n intervalle de sept semaines entre les tests précédant l’expérience et les tests en cours d’expé- rience a été retenu car ce m€me laps de temps avait été utilisé dans les évaluations précédentes de Sesame Street, qu’avaient faites Ball et Bogatz (1970) ; Bogatz et Ball, 1971) aux Etats-Unis.

34

Des observations expérimentés ont également effectué des notations quotidiennes mesurant le degré d’attention dont faisaient preuve les enfants du groupe expérimental. Ces notations ont été faites dans deux des trois garderies seulement ; il s’agissait de notes données à six enfants choisis de façon aléatoire tous les jours. Sur toute la période des 130 émissions, chaque enfant de ces deux garderies a été noté un certain nombre de fois.

Neuf tests individuels ont été utilisés pour mesurer quantitativement l’apprentissage de chaque enfant pendant les six mois considérés. Trois de ces tests, sur les connais- sances générales, sur les nombres et sur les lettres et les mots, sont des mesures de critère du savoir-faire spécifique- ment enseigné dans l’émission Plaza Sesamo. Cinq autres tests (test sur les relations, test d’association de la partie au tout, test de capacité de tri, test d’aptitude au classement et test des figures cachées) sont indirectement liés à Plaza Sesamo mais ne sont pas spécifiquement des mesures de critère. Le neuvième test, sur la compréhension orale, est sans rapport direct avec les objectifs déclarés de Plaza Sesamo, encore qu’il mesure une importante aptitude cognitive liée au degré de préparation d’entrée à l’école des enfants d’âge préscolaire. Des analyses de la variance et de la covariance ont été

effectuées de façon que l’on sache si oui ou non les enfants qui avaient vu Plaza Sesamo obtenaient des résultats signifi- cativement meilleurs que ceux des enfants qui avaient simplement regardé des dessins animés. Dans l’ensemble, sur les six mois d’observation, les enfants du groupe expéri- mental ont fait preuve, si l’on en juge d’après leurs per- formances aux tests, d’acquisitions supérieures à celles des enfants du groupe témoin.

Les principaux résultats peuvent se résumer comme suit : 1. Quel que soit le groupe d’âge considéré, les enfants qui

ont regardé Plaza Sesamo pendant six mois ont nette- ment mieux réussi aux tests sur les connaissances générales, sur les nombres, sur les lettres et les mots et au test d’aptitude au classement que les enfants qui avaient seulement regardé des dessins animés pendant ce temps.

2. Les progrès les plus nets chez les enfants qui avaient vu Plaza Sesamo ont été enregistrés sur les trois tests les plus directement liés aux objectifs déclarés de Plaza Sesamo (sur les connaissances générales, sur les nombres et sur les lettres et les mots).

3. Le test de compréhension orde, sans rapport direct avec Plaza Sesamo, a également fait apparaître chez les enfants qui avaient vu Plaza Sesamo des gains significativement supérieurs à ceux des enfants témoins des trois groupes d’âge.

4. C’est chez les enfants de 4 et 5 ans que l’on a constaté la différence d’acquisition la plus marquée entre les enfants qui avaient vu Plaza Sesamo et les enfants du groupe témoin, au détriment de ces derniers. Les enfants

Page 35: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

t I

âgés de 3 ans du groupe expérimental ne se sont pas distingués de façon significative des enfants du groupe témoin quant au test sur les connaissances générales, au test sur les relations, au test d’association de la partie au tout et au test des figures cachées.

5. Bien que ce soit au cours des sept premières semaines d’écoute de Plaza Sesamo que l’on ait noté les gains les plus rapides chez les enfants du groupe expérimental par rapport à ceux du groupe témoin, l’écart entre l’un et l’autre groupe n’a cessé de croître pendant les six mois.

6. Au sein du groupe expérimental pris dans son ensemble, le degré d’attention prêtée à Plaza Sesamo présentait une correlation positive fiusqu’à 0,49) pour six des neuf mesures de post-test, ce qui a montré que les enfants qui suivaient régulièrement l’émission Plaza Sesamo par- venaient à une acquisition supérieure à celle des enfants dont l’attention se dispersait.

7. Les enfants du groupe expérimental qui avaient été souvent absents ont eu de moins bons résultats à la batterie de post-tests que les enfants dont la présence avait été assidue.

Les résultats de cette première expérience indiquent qu’il y a eu une très nette acquisition dans plusieurs domaines cognitifs et perceptuels chez les enfants d’âge préscolaire qui ont regardé Plaza Sesamo pendant la totalité des six mois d’émission.

Ces conclusions, ainsi que les informations d’une enquête de 1974 qui a révélé qu’un enfant seulement sur vingt avait accès à l’éducation préscolaire au Mexique, ont incité les chercheurs de l’Institut INCCAPAC à entreprendre une vaste évaluation sommative sur le terrain pour voir dans quelle mesure ces conclusions positives sont toujours valables lorsqu’il n’est pas possible de contrôler aussi rigoureusement les conditions d’écoute.

Une évaluation sommative sur le terrain. Ce schéma expérimental élargi comprenait deux classes d’âge (enfants de 4 et de 5 ans avec une répartition égale entre les sexes), deux niveaux socio-économiques (milieux pauvres et ouvriers) et deux types d’habitat (urbain et rural). Puisque, dans les zones rurales, il n’y avait que des familles pauvres, les différences entre classes sociales n’ont été examinées que pour les échantillons urbains.

Parmi les cinquante garderies répertoriées par les services de Santé de Mexico, douze ont été choisies parce qu’elles accueillaient un grand nombre d’enfants d’âge préscolaire, que les familles pauvres et les familles d’ouvriers y étaient bien représentées et qu’elles avaient les installations voulues pour que les enfants regardent la télévision. Après une visite de quinze communautés rurales près de Mexico, trois villages ont été retenus pour l’étude. On a procédé à des enquêtes complètes sur toutes les familles de ces villages afin d’obtenir les informations nécessaires à la recherche et l’accord des parents sur la participation de leurs enfants à l’expérience. De même, des visites dans les familles et des entretiens ont permis de toucher tous les parents des enfants fréquentant les garderies des villes.

Après 500 entretiens avec les parents des enfants des garderies, une constatation surprenante apparut : seulement 2 pour cent des enfants des ville n’avaient jamais vu Plaza Sesamo. Les enquêteurs savaient, certes, qu’il serait peut- être difficile de trouver des témoins valables n’ayant jamais vu Plaza Sesamo, puisque l’émission était diffusée depuis deux ans lorsque cette deuxième expérience a été lancée, mais on n’avait pas pleinement imaginé à quel point Plaza Sesamo était entrée dans toutes les familles de Mexico. La seule solution possible était alors de concevoir pour ces enfants de la ville une expérience OU l’on considérerait comme cas témoins les enfants qui avaient été touchés p y Plaza Sesamo mais dont on ignorait ce qu’ils en avaient déjà vu. Heureusement, Plaza Sesamo I, la première version de l’émission, avait été interrompue en janvier 1974, de sorte que pendant les six mois précédant immédiatement

l’expérience il n’y avait eu aucune émission de Plaza Sesamo. De toute façon, la répartition aléatoire des enfants en groupe expérimental et en groupe témoin dans chaque garderie égaliserait l’exposition antérieure.

En mai et juin 1974, on a réuni des données de pré-test sur 1.1 13 enfants de 4 ou 5 ans dans les quinze sites ruraux ou urbains retenus. On peut diviser le schéma fondamental de la recherche en deux grandes phases d’après le type de traitement administré. Au cours de la Phase I, la moitié des enfants ont regardé Plaza Sesamo tandis que l’autre moitié regardait des dessins animés. Au cours de la Phase II, qui venait immédiatement après, une moitié environ du groupe expérimental initial (EE) a regardé une nouvelle version de Plaza Sesamo, alors que l’autre partie du groupe expérimental (EC) regardait des dessins animés. Le groupe témoin initial a été subdivisé de la même manière de sorte que la moitié a vue Plaza Sesamo ZI (CE), alors que l’autre moitié (CC) a continué à regarder des dessins animés pendant la deuxième période expérimentale de six mois.

Seize tests ont été employés afin d’évaluer individuelle- ment les enfants à trois moments de l’expérience : (1) pre- test - au début de l’étude ; (2) post-test I - entre la Phase I et la Phase II ; et (3) post-test II - à la fin de l’expérience, juste après la Phase II. Sur la batterie des neuf tests employés dans l’expérience précédente, seul un (test d’association de la partie au tout) a été supprimé. Le test sur les lettres et les mots a été divisé en deux, un par sujet, et de nouvelles rubriques ont été ajoutées afin d’améliorer la précision des mesures. Les travaux de Robert Klein sur des enfants du Guatémala ont fourni quatre autres tests - test d’élimina- tion, test d’appellation d’objets, test de reconnaissance d’objets et test de compréhension de phrases. Etant donné que tous les enfants de l’expérience avaient déjà été large- ment en contact avec Plaza Sesamo, un nouveau test destiné à mesurer le degré de connaissance préalable de l’émission a été élaboré : on a choisi les quinze personnages les plus populaires de l’émission puis mis au point de nouveaux éléments de test qui ont permis d’établir une notation sur la reconnaissance et l’identification des personnages. Enfin, un simple test moteur du genre réaction activelpassive a 6th élaboré expérimentalement et ajouté à la batterie.

A la différence de ce qui s’était passé dans la première expérience, on s’est heurté à trois problèmes qui n’ont pu être que partiellement résolus, ce qui a entrainé certains compromis par rapport au schéma initial. Premièrement, un tiers des enfants ont abandonné le cadre de l’étude au cours de la Phase I qui correspondait aux six premiers mois. Près de la moitié de ces défections viennent de ce qu’au ler septembre, début de l’année scolaire, beaucoup de parents ont inscrit prématurément leur enfant en première année d’école primaire, ce qui est illégal mais cependant fort courant. Ces défections massives ont eu lieu également dans le groupe expérimental et dans le groupe témoin. Au cours de la Phase II, c’est-à-dire pendant les six mois suivants, il n’y a eu que 8 pour cent de défections supplémentaires. Deuxièmement, le 2 juin, un mois avant le début de l’expé- rience, la diffusion de Plaza Sesamo Z a repris sans préavis, bien que les responsables de l’étude aient reçu antérieure- ment l’assurance que l’émission ne recommencerait pas avant juillet. Par conséquent, certains enfants du groupe expérimental ainsi que du groupe témoin ont vu Plaza Sesamo Z à la maison pendant plusieurs semaines avant que l’expérience ne commence. Troisièmement, on ne peut exclure une légère contamination des cas témoins par la rediffusion inattendue d’un épisode de Plaza Sesamo Z pendant les vacances de Noël et par l’exploitation commer- ciale des personnages de Plaza Sesamo dans les magasins. Bien entendu, les enfants du groupe expérimental et du groupe témoin ont été exposés à ces influences de façon identique.

En raison de ces deux derniers phénomènes, des analyses spéciales ont été effectuées avec un certain nombre de cas

35

Page 36: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

témoins que l’on avait filtrés en éliminant tous les enfants qui savaient reconnaître d’autres personnages de Plaza Sesamo en plus des deux plus populaires utilisés dans le Test d’exposition à Plaza Sesamo conçu à cet effet. La totalité de l’échantillon témoin a également fait l’objet d’analyses distinctes pour la Phase I et la Phase II de l’expé- rience. Et des analyses de la covariance ont été effectuées séparément pour chaque classe d’âge, pour les enfants des milieux urbains pauvres, pour les enfants des milieux urbains ouvriers et pour les enfants des zones rurales.

Les résultats de la Phase I pour la totalité de l’échantillon (avant recherche et élimination de la contamination dans l’échantillon) n’ont révélé que fort peu de différences entre groupe expérimental et groupe témoin parmi les enfants de milieu rural et parmi les enfants de quatre ans ; c’est seule- ment parmi les enfants de milieu ouvrier urbain que l’on a noté des différences pour des tâches cognitives importantes telles que les tests sur les connaissances générales, les mots et l’aptitude au classement.

Ces résultats indiquent que le fait d’avoir pu suivre Plaza Sesamo pendant quatre mois et demi lors de la Phase I est demeurée sans effet dans les zones rurales. En outre, il semble que les enfants des villes qui appartiennent aux milieux ouvriers tirent plus de profit de Plaza Sesamo que les enfants’des classes pauvres.

Les résultats obtenus avec l’échantillon filtré n’on pas été sensiblement différents. L’écoute de Plaza Sesamo pendant la première période de quatre mois et demi n’a pas eu d’effet mesurable sur les enfants de milieu rural des deux classes d’âge. De même, six mois d’écoute n’ont pas contribué au développement cognitif des enfants de 4 ans de milieu pauvre. Des effets positifs significatifs, encore que modérés, ont été observés chez les enfants de milieu ouvrier urbain (des deux classes d’âge) et chez les enfants de cinq ans de milieu pauvre à Mexico.

Avec les données de la Phase II, deux sortes d’analyses ont été faites. D’abord, des analyses de covariance ont été appliquées aux deux groupes demeurés inchangés pendant la Phase I et la Phase II de l’étude, c’est-à-dire les enfants du groupe expérimental qui avaient regardé Plaza Sesamo d’un bout à l’autre de l’expérience (EE) et les témoins correspondants qui n’avaient regardé pendant ce temps que des dessins animés (CC). Voici comment l’on peut résumer les résultats.

Chez les enfants très pauvres des villages ruraux, on n’a observé aucune différence entre les enfants du groupe expérimental qui avaient vu les deux versions de Plaza Sesamo et les enfants du groupe témoin qui avaient exclusive- ment regardé des dessins animés. Les résultats ont été légèrement meilleurs pour les enfants de milieu urbain. Parmi les enfants de 4 ans en particulier, ceux qui avaient vu Plaza Sesamo pendant 10 mois et demi ont témoigné de gains nettement supérieurs à ceux des enfants du groupe témoin lors de plusieurs tests critères. Les résultats au test sur les connaissances générales et au test d’aptitude au classement se sont révélés significatifs pour les enfants de 4 ans de milieu urbain tant pauvre qu’ouvrier. Le test des figures cachées et le test sur les nombres n’ont révélé de différence significative que pour les enfants de milieu urbain pauvre et le test de compréhension orale seulement chez les ouvriers. Le test sur les mots a été le seul qui ait été significatif chez les enfants de 5 ans de milieu urbain.

Un deuxième groupe d’analyses n’a concerné que les enfants de 4 ans de milieu urbain, puisque les enfants de 5 ans et les enfants de milieu rural semblaient n’avoir retiré qu’un profit très faible, sinon nul, de la vision de Plaza Sesamo si l’on s’en tenait uniquement aux groupes EE et CC. On a comparé les résultats aux post-tests des enfants qui avaient regardé Plaza Sesamo pendant la Phase I puis vu des dessins animés pendant la Phase II (groupe EC), et de ceux qui avaient regardé des dessins animés pendant les six premiers mois puis Plaza Sesamo pendant les six mois

suivants (groupe CE). Par rapport aux enfants qui étaient restés dans le groupe témoin pendant les deux périodes de six mois (groupe CC), le groupe CE n’a eu des résultats significativement meilleurs aux post-tests que pour le test sur les connaissances générales et le test sur les nombres. La stratégie qui consiste à utiliser des tests individuels

directement liés au contenu de Plaza Sesamo convient bien pour la mesure de l’efficacité du traitement par rapport à certains objectifs déterminés. Cependant, les tests pris isolément ne donnent pas des résultats aussi probants et aussi cohérents qu’on le voudrait pour tirer des conclu- sions générales sur le degré de succès avec lequel Plaza Sesamo stimule le développement cognitif. Puisqu’on a trouvé une corrélation positive entre de nombreux tests critères, on a établi une nouvelle mesure, sur les résultats de l’apprentissage du contenu, en combinant les résultats individuels obtenus aux tests sur les connaissances générales, sur les nombres, sur les lettres et sur les mots, sur la capacité de tri et sur l’aptitude au classement. La fiabilité de cette mesure a été estimée à 0,83 chez les enfants de 4 ans et à 0.91 chez ceux de cinq ans.

Ces résultats de l’apprentissage du contenu ont été soumis à des analyses de la covariance semblables à celles qui avaient été faites sur les tests individuels. On n’a noté une différence statistiquement significative entre les enfants qui avaient regardé Plaza Sesamo et les enfants qui avaient regardé des dessins animés d’un bout à l’autre de l’expé- rience que pour une seule analyse sur les six. Chez les enfants de 4 ans de milieu urbain pauvre qui avaient regardé l’émission, les résultats de l’apprentissage étaient significa- tivement supérieurs à ceux des enfants correspondants du groupe témoin. Cependant, pour les enfants de 4 ans, la différence moyenne absolue entre les groupes EE et CC était faible.

Dans trois des cinq autres catégories d’enfants (enfants de 4 ans et enfants de 5 ans de milieu rural et enfants de 5 ans de milieu ouvrier), on n’a pas relevé la moindre diffé- rence entre ceux qui avaient vu l’émission et ceux qui ne l’avaient pas vue pour ce qui est du gain révélé par les résultats de l’apprentissage du contenu, sur la période couverte par l’expérience.

Comment se fait-il que les résultats obtenus au cours des premières expériences et ceux de cette vaste expérience sur le terrain aient été aussi divergents ? Les enquêteurs ont soulevé un certain nombre de questions et apporté au moins des éléments de réponse dans un exposé plus détaillé figurant dans un autre ouvrage (Diaz-Guerrero et al., 1976). Nous nous bornerons ici à en résumer les principaux éléments. En premier lieu, il y a eu une légère proportion de vision non contrôlée de Plaza Sesamo à la fois dans les groupes expérimentaux et les groupes témoins de la vaste étude sur le terrain. Ce fait a peut-être légèrement aplani les différences mais ne peut en aucun cas les avoir supprimées. I1 n’y a pas eu ce genre de contamination dans la première expérience OU le contrôle avait été plus rigoureux. En deuxième lieu, les défections massives dans la Phase I de la second expérience ont surtout été causées par des mères ambitieuses qui ont voulu à toutes force faire entrer leur enfant à l’école primaire. I1 se peut que ce soit les enfants de 5 ans les plus fortement motivés qui aient abandonné. Bien que ces défections aient touché de façon égale les groupes expérimentaux et les groupes témoins, l’homo- généité accrue des enfants restants peut avoir été l’une des causes accessoires des résultats négatifs de la deuxième expérience par rapport à ceux de la première. En troisième lieu, l’absentéisme, surtout en milieu rural, était suffisam- ment élevé pour que l’on ait des doutes sur la portée générale des résultats négatifs de l’étude sur le terrain. Des analyses effectuées dans les deux études ont montré que les enfants assidus, que ce soit dans les groupes expérimentaux ou dans les groupes témoins, obtenaient de meilleures notes aux tests d’acquisition que les enfants souvent absents.

~~ __

36

Page 37: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Tout ceci ne suffit pas, cependant, à expliquer les nettes divergences entre les résultats des deux expériences. Néan- moins, il y a, entre l’une et l’autre étude, une différence importante dont on n’a pas encore parlé. Comme nous l’avons déjà dit, dans la première expérience, on a attribué des notes d’attention tous les jours à six enfants choisis de faqon aléatoire dans deux des garderies. Ces observations se déroulaient dans une pièce spéciale OU les six enfants se trouvaient avec deux assistants. Bien que les analyses n’aient pas fait apparaître de différences significatives lorsqu’on a comparé les trois garderies, cela peut avoir joué. I1 est évident que dans la première expérience, davantage d’adultes étaient présents lorsque les enfants regardaient

l’émission, ce qui créait peut-être un effet de renforcement positif sur l’attention et, par conséquent, sur l’acquisition. Cette hypothèse est renforcée par la constatation de Salomon (1 9 77) selon laquelle les israeliens apprenaient davantage des émissions de télévision éducative lorsque leur mère les regardait avec eux. Il faut peut-être prévoir une certaine forme de renforcement ou des conseils donnés par des adultes pour rendre la télévision éducative plus efficace auprès les très jeunes enfants. Quoi qu’il en soit, les recherches doivent se poursuivre pour que l’on puisse répondre à cette question du rôle des adultes sur le plan des modèles, du renforcement et de l’encouragement.

n

37

Page 38: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 6

LA RECHERCHE CONCERNANT LA TELEVISION EDUCATIVE DANS LA REPUBLIQUE FEDERALE D’ALLEMAGNE

Par Kurt Pawlik Janpeter Kob

Margot Berghaus

UNE ETUDE RECENTE’

Dans la République féderale d’Allemagne, la télévision a été utilisée à des fins éducatives de deux manières différentes, au moins. En premier lieu, elle a constitué un prolongement de l’enseignement scolaire normal et un moyen pédagogique spécial à son service pour certaines matières courantes des programmes d’études primaires et secondaires (physique, biologie, mathématiques, etc.). En deuxième lieu, elle a servi de moyen d’enrichissement instructif et de soutien psychologique du développement général (apprentissage social, développement cognitif, éducation compensatoire) surtout pour les enfants d’âge préscolaire. Pour préparer ce rapide tour d’horizon des recherches en matière de téié- vision éducative qui ont été faites récemment dans la République fédérale d’Allemagne, nous avons mené une double enquête axée spécialement sur les études d’évalua- tion.

Tout d’abord, nous avons pris contact avec toutes les stations de télévision afin d’obtenir des informations sur les émissions éducatives en cours et, si possible, sur les recherches d’évaluation entreprises. I1 s’agissait des huit stations de télévision responsables de la première chaîne (émissions nationales avec créneaux horaires consacrés à des émissions régionales) et de la troisième chaîne (émissions régionales touchant un public assez intellectuel) et de la station de télévision produisant les émissions nationales de la deuxième chaîne. Puis nous avons invité, par des annonces dans des journaux professionnels, des collègues spécialisés dans la recherche sur la télévision, à participer à cette enquête sur la base de leurs recherches individuelles et de celles de leurs instituts.

On peut résumer les résultats de ces deux enquêtes comme suit. D’une manière générale, il n’existe pas de recherche évaluative systématique sur l’efficacité des émissions de télévision conçues pour dispenser ou améliorer l’enseignement scolaire, à l’exception fort intéressante des travaux sur des émissions de sciences politiques qu’ont effectués W.Wieczerkowski et ses collaborateurs à l’université de Hambourg. Pour ce qui est de la télévision éducative dans l’acception la plus générale du terme, nous avons pu établir quatre sources d’informations sur la recherche : 1. Le projet de recherche de suivi sur la série Sesamstrasse

(version allemande de Sesame Street) de la Norddeutscher Rundfunk (Radio du nord de l’Allemagne) effectué par Kob et son équipe à l’Institut Hans-Bredow pour la radio et la télévision de l’Université de Hambourg ;

2. Des recherches sur leseffets delatélévision sur les réactions émotives, menées par Hertha Sturm et son équipe à l’Institut central international pour la télévision éducative de Munich ;

3. Une enquête de suivi effectuée par le deuxième pro- gramme de télévision pour évaluer l’émission d’enrichis- sement Rappelkiste avec E.M. Lorey comme coordi- nateur de projet ;

I

38

4. U n certain nombre de travaux de recherche individuels sur les effets psychologiques de la télévision en général.

Kob et Berghaus décrivent dans la section qui va suivre leurs études sur la version allemande de Sesame Street.

Sturm et ses collaborateurs ont fait porter essentielle- ment leur programme de recherches sur l’impact affectif et cognitif des émissions de radio et de télévision sur les publics d’adultes et d’adolescents. Pour une étude, par exemple, 464 jeunes, tous âgés de 15 ans, ont été invités à la Maison de la Radio télévision de Munich OU on leur a passé un nouveau fiim de vingt minutes qui traitait des problèmes de relations entre adolescents. Les jeunes ont donné des notes aux personnages principaux et à l’ensemble de l’histoire, en utilisant le Différentiateur d’impression, barème semblable au Différentiateur sémantique d’Osgood. U n groupe de jeunes a été interrogé immédiatement, un deuxième groupe une semaine après le film et les deux autres groupes restants deux ou trois semaines plus tard. Pour les ensembles d’éléments du Différentiateur d’impres- sion concernant la “puissance” et l’“intérêt” du fiim, les notations ont été les mêmes, indépendamment de l’intervalle de temps écoulé entre la vision et les questions. Pour les ensembles concernant la “valence”, les notations ont varié avec le temps : l’émission était jugée agréable au début et plus indifférente deux ou trois semaines après. Une analyse plus fouillée a révélé que ce changement de “valence” était dû pour l’essentiel à un seul personnage du film. Des études de ce type se poursuivent à l’Institut de Munich, OU l’on s’intéresse tout spécialement à la confusion affective qui se crée dans l’esprit des enfants lorsqu’on présente, sans y réfléchir, des personnages dans des rôles différents et lorsqu’une série diffusée depuis longtemps est subitement interrompue sans que des explications satisfaisantes soient données à l’antenne.

Le rapport final sur la troisième étude, à savoir l’évalua- tion de la série Rappelkiste (production comparable à Sesame Street par son mode de présentation et ses buts éducatifs) n’était pas disponible au moment OU nous avons effectué notre tour d’horizon. Pour cette étude, Lorey et ses collègues ont recueilli des données au cours d’entretiens touchant 213 foyers. Leur objet était de mieux connaître la façon dont les parents évaluaient -l’émission et observaient leurs enfants pendant qu’ils regardaient la série. Les résultats préliminaires dont nous disposons actuellement révèlent chez les enfants un degré d’intérêt pour l’émission et des réactions affectives comparables à ce qui a été noté pour Sesame Street. La mesure par des tests critériels des effets de l’émission (rendement éducatif et modification de comportement sur la base des buts éducatifs de l’émission) n’avait pas été incluse dans l’étude. Un examen plus détaillé de Rappelkiste et de schémas d’analyse antérieurs sont

~

1. Par Kurt Pawlik.

Page 39: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

décrits par Nemetschek et van Lessen (1975) et par Lorey (1973). Des comptes rendus de projets de recherche individuels

de la quatrième catégorie effectués, par exemple, aux Universités d’Aix-la-Chapelle (Dagmar Krebs et J.P. Groebel), de Fribourg (M. Charlton), de Hambourg (I. Langer, Anne- Marie Tausch et W. Wieczerkowski), de Mannheim (Elfriede Hohn) et de Munster (sous la direction de Lilly Kemmler) ont été publiés dans les numéros récents de deux revues spécialisées, Zeitschrift für En tw ic klungpsy chologie und Pädagogische Psychologie et Zeitschrift für Sozialpsycho- logie.

SESAME STREET DANS LA REPUBLIQUE FEDERALE D’ALLEMAGNE’

Le bref aperçu ci-après décrit un vaste projet de recherche effectué de 1972 à 1973 par le Hans-Bredow-Institut für Rundfunk und Fernsehen an der Universität Hamburg (Institut de recherche sur la radio et la télévision de l’université de Hambourg). Voici quelques informations de base sur la nature de l’enquête, les principaux résultats d’ensemble et quelques conclusions spécifiques d’intérêt particulier. Un compte rendu détaillé figure dans le rapport final du projet (Berghaus et al., 1978).

Adaptation de Sesame Street et réalisation de l’enquête. Depuis dix ans environ, les responsables politiques, dans la République fédérale d’Allemagne comme dans d’autres pays industrialisés, ont pris plus nettement conscience de la nécessité de confier l’éducation des enfants, même avant leur entrée à l’école, à des professionnels. On a a pensé que la télévision serait un instrument de choix qui permettrait d’assurer cet effort de formation préscolaire sans nécessiter de nombreux enseignants et de gros moyens financiers. C’est ainsi que Sesame Street a été lancée dans le pays par une société de télévision, Norddeutscher Rundfunk Hamburg. L’acquisition de Sesame Street auprès du Children’s Tele- vision Workshop de New York a été favorisée par le Ministère de l’éducation et de la science qui a également financé la recherche. En ce sens, comme aux Etats Unis, Sesamstrasse n’était pas simplement une expérience de télévision de masse. C’était aussi un essai du gouvernement de mettre sur pied en peu de temps une formation préscolaire définie et d’en contrôler la réussite.

La deuxième caractéristique importante de Sesamstrasse dans la République fédérale d’Allemagne, c’est la profonde modification apportée à l’émission avant sa diffusion. L’émission dans son ensemble avait été bien appréciée mais certains points en avaient été critiqués. Par rapport aux concepts éducatifs dominants dans le pays, l’équipe chargée de la mise en forme de Sesamstrasse avait identifié deux aspects négatifs dans la version originale Sesame Street et s’est efforcée de les corriger dans la version allemande : la prédominance d’objectifs éducatifs de type cognitif (des séquences présentant des sujets “d’apprentissage social” ont été ajoutées) et le côté très “magazine” de Sesame Street - les séquences très courtes rappellaient les annonces publicitaires et on a pensé que cela agacerait les enfants et les détournerait de l’émission. Les nouvelles séquences que l’on a faites ont donc été plus longues et les producteurs ont essayé de traiter essentiellement d’un seul thème ou d’un seul sujet par émission. Contrairement aux séquences américaines, on a préféré filmer la réalité au lieu d’utiliser des dessins animés ou des marionnettes.

Au début, un tiers de Sesamstrasse était composé de séquences nouvelles. Cette proportion ne cesse d’augmenter. L’objectif pour l’avenir est de remplacer toutes les séquences américaines. Ces facteurs ont poussé les chercheurs à s’intéresser à l’étude des effets de l’émission sur le plan de l’apprentissage social et à comparer les séquences américaines et allemandes.

Sesamstrasse avait une troisième caractéristique intéres- sante : elle avait bénéficié d’une vaste campagne intensive

et très bien faite de publicité. L’émission a été mise en valeur à la télévision, à la radio et dans les journaux, avant même que n’en commence la diffusion. Pendant plusieurs semaines, la troisième chaîne de télévision, à forte dominante culturelle, a diffusé la version originale de Sesame Street en anglais la faisant ainsi connaître à son public d’intellectuels et de gens cultivés. Les principaux personnages de l’émission ont également été largement présentés au public. Aussi Sesamstrasse est-t-elle rapidement devenue la plus célèbre des séries télévisées destinées aux enfants d’âge préscolaire dans la République fédérale. Les parents se sont dans le même temps familiarisés avec la portée pédagogique de l’émission et l’ont délibérément intégrée dans l’éducation de leurs enfants.

Les chercheurs étudiant Sesamstrasse devaient d’abord répondre à deux questions générales : “Peut-on utiliser la télévision comme instrument de formation préscolaire ?” et “La télévision peut-elle remédier à l’absence d’éducation préscolaire dont se plaignent les jardins d’enfants et les écoles ?” La question suivante portait sur Sesamstrasse en particulier ; il s’agissait de savoir si l’émission, dans sa réalisation concrète, pouvait servir de modèle pour des efforts ultérieurs.

On disposait de fort peu de temps pour préparer l’étude et il a fallu la mettre au point en moins de six mois. Ce fut particulièrement difficile pour les domaines OU l’on ne disposait d’aucune méthode ou test déjà éprouvé, par exemple pour la mesure des progrès obtenus en termes d’apprentissage social, pour la mise au point d’une analyse de contenu de l’émission et pour l’observation des enfants pendant qu’ils regardent la télévision. Certaines de nos méthodes ont débouché sur des expériences négatives mais, dans l’ensemble, le travail de recherche a abouti à des conclusions définitives assez importantes.

Voici maintenant un bref aperçu des méthodes utilisées. Le rapport final ainsi que deux études intérimaires publiés par l’Institut Hans-Bredow en 1973 et 1975 donnent de plus amples informations. La recherche consistait en six projets distincts comportant des thèmes et des procédés différents, dont les résultats ont ensuite été intégrés. 1. Analyse de contenu. Une analyse de contenu systéma-

tique a été effectuée afin de coder les thèmes, les acteurs et les formes de présentation servant à transmettre les objectifs éducatifs aux téléspectateurs. L’analyse de contenu nous a permis de décrire la “réalité” de Sesam- strusse avec plus d’objectivité et de la comparer aux intentions du producteur ainsi qu’aux réactions du public.

2. Réactions des enfants. Les réactions des enfants pendant qu’ils regardaient Sesamstrasse ont 6th enregistrées au cours d’une observation contrôlée. Les enfants et les adultes qui les accompagnaient ont été observés chez eux et dans les jardins d’enfants.

3. Impact social et cognitif. Les capacités sociales et cogni- tives des enfants ont fait l’objet de tests avant et après qu’ils aient vu l’émission et ont été comparées à des données correspondantes recueillies auprès d’enfants qui n’avaient pas vu l’émission. En examinant les différences entre ceux qui avaient regardé les émissions (régulière- ment pendant plus d’un an) et les “groupes témoins” (les enfants qui ne connaissaient pratiquement pas l’émission), nous avons pu nous faire une idée des effets probables de Sesamstrasse.

4. Milieu et facteurs familiaux. Grace à des entretiens avec les parents, on a pu obtenir des informations sur le contexte social et la situation éducative des enfants. Ces facteurs familiaux ont été considérés comme des variables intervenantes pour l’interprétation des effets de Sesamstrasse.

1. Par Janpeter Kob et Margot Berghaus. Pour de plus amples informations, écrire au Hans-Bredow-Institut, Heimhuder Str. 21, D 2000 Hamburg 13.

39

Page 40: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

5. Attitude des enseignants. On a procédé à des entretiens avec des maîtres de classes maternelles et élémentaires afin de déterminer leur attitude à l’égard de Sesamstrasse. O n supposait qu’en tant qu’importantes personnes de référence pour les enfants, les maîtres influençaient la façon dont ces derniers percevaient l’émission.

6. Caractéristiques et attitudes du public. Grâce à des enquêtes portant sur les familles ayant des enfants de 3 à 10 ans, nous avons évalué le taux de vision de Sesamstrasse et la façon dont l’émission était perçue et utilisée.

Résultats principaux. Dès le début, Sesamstrasse a connu un succès inhabituel dans le groupe cible. La publicité favorable dont profitait l’émission s’est poursuivie pendant les dix- huit mois qu’a duré l’enquête. Plus des deux tiers de tous les enfants de 3 à 10 ans regardaient régulièrement l’émis- sion et, fait remarquable, les adultes eux aussi aimaient la regarder. Manifestement, les familles ayant des enfants d’âge préscolaire ont acquis une sorte de “sensibilité péda- gogique” grâce à Sesamstrasse. Ce résultat est vraisemblable- ment dû à deux facteurs. En premier lieu, la diffusion de cette série à intervalles réguliers et très rapprochés: de nouveaux épisodes étaient proposés quatre jours par semaine, toujours à la m ê m e heure ; il y aváitl-en outre, des redif- fusions quotidiennes. En raison de cette fréquence élevée et régulière - comme des horaires de classe - les parents ont pu intégrer l’émission aux rythmes quotidiens de leurs enfants et à leurs propres activités éducatives. En second lieu, les composantes de l’émission semblaient intéresser et amuser les adultes: comme Sesamstrasse n’est pas seulement un outil pédagogique, les parents se sont fami- liarisés avec les contenus et les acteurs de la série, ce qui leur a donné des sujets de discussion et d’échange avec leurs enfants. Compte tenu de l’intérêt actif manifesté par les parents, Sesamstrasse est un bon véhicule d’apprentis- sage préscolaire.

L’intérêt des parents s’est révélé un fait important, pas seulement pour cette émission. La popularité de Sesam- strusse a également contribué à répandre l’idée de l’éduca- tion préscolaire en général, ainsi que de buts et de procédés pédagogiques spéciaux.

O n a noté que deux caractéristiques ont produit des effets particulièrement favorables : les éléments amusants (en ce qui concerne l’histoire, les éléments comiques et drôles, tirés pour l’essentiel des passages américains, sont à l’origine du très bon accueil réservé durablement à l’émis- sion ; grâce à eux, l’enseignement transmis était caché et le côté peu séduisant des intentions pédagogiques réduit) ainsi que la présentation sous forme de magazine, qui permettait suffisamment de variété pour retenir l’attention des enfants pendant une émission d’une demi-heure. A l’observation nous avons pu constater, comme l’avaient déjà fait certains chercheurs à propos de Sesame Street auprès des petits Américains, que les enfants n’étaient ni lassés ni rebutés par la longueur de l’émission. Ce résultat est remarquable si l’on pense que des cours de quarante-cinq minutes en classe sont censés être déjà trop longs pour des élèves de 7 ans. Alors qu’on avait pensé à l’origine qu’un magazine agacerait les enfants, ce cadre, appliqué à une émission de télévision éducative, s’est, en fin de compte, re&% un bon moyen de captiver un public très jeune.

La fréquence de vision et la popularité de Sesamstrasse ont varié selon les régions du pays. La participation a été plus grandes dans les zônes proches de la station de télé- difusion (Hambourg). Dans l’ouest et surtout le sud de la République fédérale d’Allemagne, l’émission a suscité moins d’intérêt que dans le nord. O n peut avancer deux raisons à cela : les particularismes linguistiques régionaux - les acteurs de Sesamstrasse parlaient essentiellement l’idiome de l’Allemagne du Nord - et l’identification affective à la station de télévision - le public du nord a des liens privilégiés avec “sa” station. Cette constatation amène à conclure que, pour les émissions de télévision préscolaire,

il faut éviter de prévoir une zone de desserte et de diffusion trop large et limiter plutôt leur champ de diffusion à une région. Cela permettrait de répondre aux besoins concrets et réels du public et d’obtenir un taux de rétro-information élevé.

Pour ce qui est des objectifs éducatifs, les résultats sont assez différents.

Buts d’ordre cognitif. Comme prévu, ce sont les buts d’ordre cognitif qui ont créé le moins de difficultés et permis les résultats les plus fiables. Les constatations de la recherche américaine sur Sesame Street se sont trouvées confirmées dans notre étude. Une série télévisée si soigneuse- ment construite et si régulièrement diffusée a toutes les chances d’atteindre son but s’il s’agit de développer les capacités intellectuelles des enfants. I1 ne fait aucun doute qu’en général, la télévision a des effets positifs dans ce domaine. I1 subsiste, cependant, des différences de détail. Plus le but recherché était complexe, plus le soutien des adultes de référence était indispensable.

L’importance de cet encouragement par les adultes montre que l’environnement social de l’enfant joue un grand rôle dans la pleine utilisation du potentiel d’une émission pour jeunes enfants. Par exemple, les enfants des classes moyennes ont appris davantage en regardant Sesam- strusse que les enfants de milieux moins favorisés. I1 y a eu acquisition cognitive parmi ces derniers, mais dans une moindre mesure que parmi les enfants de parents plus instruits. L’écart fondamental entre les capacités intel- lectuelles des différentes classes sociales n’a pas été réduit par Sesamstrasse.

Buts sociaux. Nul ne sera surpris que l’accomplissement des buts sociaux, si on le compare à celui des buts cognitifs, ait été très incertain et influencé par de nombreux facteurs incontrôlables. D’un côté, nous avons noté plusieurs effets qui correspondaient aux intentions des producteurs, par exemple, des progrès dans la “compréhension des actes des grandes personnes” et “l’autonomie par rapport aux grandes personnes”. D’un autre côté, les enfants ont parfois retenu quasiment le contraire de ce qu’on voulait leur faire apprendre ; par exemple, l’attitude des spectateurs de Sesamstrasse à l’égard des groupes minoritaires était plus négative après la série d’émissions que celle des enfants qui ne l’avaient pas vue. L’objectif éducatif “réduction des fixations sur les rôles sexuels” n’a pas non plus été atteint ; nous examinerons ce point plus en détail par la suite. Ces contradictions dans l’apprentissage social conduisent à un certain nombre de conclusions.

Nécessité d’un large consensus des adultes. Si l’on veut réussir a promouvoir des objectifs éducatifs d’ordre social en utilisant la télévision, il faut établir un large consensus avec les personnes qui servent de référence directe aux enfants. La télévision éducative ne peut parvenir à enseigner des préceptes contraires à ceux que transmet la famille ou l’école. Cela ne signifie pas que l’enseignement d’objectifs sociaux à la télévision soit sans objet sous prétexte que seuls les principes déjà présents dans la vie quotidienne de l’enfant seront effectivement retenus. Ce que l’on constate, c’est que, même dans ces cas là, l’aide du support télévisé permet de promouvoir un but éducatif beaucoup plus facilement.

Les objectifs limités sont les meilleurs. Les émissions de télévision préscolaire ne devraient viser qu’un nombre restreint d’objectifs sociaux. Même si une série reste long- temps à l’antenne comme Sesamstrasse, il semble qu’il soit plus réaliste de concentrer les efforts sur quelques principes et buts pédagogiques de réelle importance stratégique que de s’attaquer à la foule de tous les buts qui pourraient entrer dans la formation préscolaire. Sinon, les enfants seront tiraillés entre diverses exigences complexes et contra- dictoires et ils risquent de les interpréter dans un sens complètement différent des intentions des producteurs.

La diffusion d’une seule séquence ne suffit pas. Des objectifs éducatifs importants ne doivent pas faire l’objet

40

Page 41: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

d’une séquence unique. Toute tentative de réaliser un objectif dans une émission en en faisant le sujet explicite d’une séquence donnée sans le reprendre en d’autres endroits est voué à l’échec.

L’écoute Ù la maison est préférable Ù l’écoute dans un établissement extérieur. Vaut-il mieux que les enfants regardent ce genre d’émission chez eux eri famille ou dans un établissement préscolaire extérieur, jardin d’enfants, école maternelle ou garderie ? Tous les résultats montrent que les effets positifs les plus nets sont obtenus à la maison OU les adultes qui servent de personnes de référence aux enfants sont des “pédagogues amateurs”. I1 se peut que les meilleurs résultats de la vision en famille soient dûs au fait suivant : en situation familiale, l’émission est reçue de façon plus personnalisée et plus intense, alors que, dans les établis- sements préscolaires, l’intérêt du contenu pédagogique est amoindri du fait qu’il s’agit seulement d’un effort éducatif parmi de nombreux autres directement assurés par l’enseignant. Dans la famille, OU les activités éducatives sont en général l’exception, une émission de télévision éducative peut servir de point de départ à de telles activités et acquérir une importance toute particulière lorsque les parents encouragent l’enfant.

Une série de télévision éducative pour les enfants d’âge préscolaire doit manifestement s’accompagner d’activités de soutien destinés aux parents. Le succès de l’émission en ce qui concerne la réalisation des objectifs dépend surtout de l’assistance fournie par d’autres personnes de référence qui sont en général des “pédagogues amateurs”. Par consé- quent, les matériaux destinés aux parents doivent être conçus et réalisés avec autant de soin et de méthode que ceux qui sont destinés aux enfants et, en tous cas, mieux que l’on ne l’a fait jusqu’à maintenant dans l’expérience allemande.

Présentation des rôles sexuels dans Sesamstrasse et effets sur les enfants. La version allemande de Sesamstrasse, composée pour environ deux tiers de séquences américaines et pour un tiers de séquences nouvelles, mettait très nette- ment l’accent sur ‘‘l’apprentissage social”. C‘est pourquoi la recherche évaluative a examiné l’influence à long terme de Sesamstrasse sur la perception sociale et l’apprentissage social des téléspectateurs. La série de tests portait sur deux aspects de la différenciation chez les enfants avant l’adoles- cence - l’âge et le sexe. L’enquête portait sur les relations des enfants avec les autres enfants et avec les adultes, ainsi que sur leur perception du rôle sexuel. Nous présentons ici l’étude sur le rôle sexuel pour deux raisons. Premièrement, elle est moins complexe que l’étude des interactions avec les pairs ou les adultes et donc plus facile à exposer rapidement. Deuxièment, nous avons obtenu, au sujet de la présentation des rôles sexuels dans Sesarnstrasse, des résultats critiques qui peuvent être particulièrement intéressants.

L’un des objectifs éducatifs de Sesamstrasse, selon la formulation de l’équipe de rédaction allemande, était “le développement de la compréhension des rôles et de leur non-rigidité, et la réducation des fixations sur des rôles spécifiques à tel ou tel sexe”.l Les séquences qui se réfé- raient nettement à cet objectif montraient explicitement que, par exemple, les filles aiment jouer au football et que les garçons savent faire la cuisine. Mais, bien entendu, dans d’autres séquences concernant d’autres sujets et répondant à d’autres intentions éducatives, les garçons et les filles, les hommes et les femmes étaient représentés dans d’autres rôles. Tous les éléments de l’émission, et non pas seulement ceux qu sont inclus à dessein par les producteurs, peuvent être source d’émulation chez les enfants qui la regardent.

Analyse du contenu de l’émission. Une analyse de contenu a été effectuée pour étudier la présentation du masculin et du féminin dans Sesamstrasse. O n s’est rendu compte que l’émission comportait beaucoup plus de person- nages masculins que de personnages féminins, surtout dans les séquences d’origine américaine comme l’indique le Tableau 2.

I , I

Tableau 2

Fréquence en pourcentage des modèles de rôle masculin et féminin dans les séquences américaines

et allemandes de Sesamstrasse

Les deux Dans les séquences

americaine demande (en %) d’ofigine d’origine confondues

Rôles féminins 18 32 22 Rôles masculins 82 68 78 Nombre 1,326 499 1,825

Cette fréquence disproportionnée de personnages masculins pourrait être considérée comme l’expression d’un choix et d’une volonté de compenser l’absence des pères dans la vie quotidienne des enfants d’âge préscolaire. Dans ce cas, cette orientation se comprendrait pour certains personnages réalistes comme Bob, Gordon et Mr Hooper. Mais il n’y a aucune raison pour que toutes les cieatures amusantes que les enfants adorent et à qui ils s’identifient aisément, Ernie, Bert, le Monstre-Gateau et les autres monstres, Oscar, Grover, Sherlock ou Kermit, soient des personnages masculins. Cela donne l’impression que la prépondérance des personnages masculins dans Sesamstrasse provient d’une tendance irréfléchie et générale de la télé- vision, qu’elle soit allemande ou américaine, à ne pas se soucier de respecter un équilibre entre les hommes et les femmes.

Non seulement il y a beacoup plus de portraits masculins que de portraits féminins mais encore, comme le montre le Tableau 3, il y a également surreprésentation masculine dans les activités sociales - par exemple, les interactions avec d’autres personnages ou avec le public qui s’expriment par des mots, des gestes ou des mimiques. Dans l’émission, les garçons sont en général actifs, les filles plus passives et les rôles reprennent les stéréotypes traditionnels des carac- tères masculin et féminin. Alors que l’émission dans son ensemble présente 22 pour cent de personnages féminins, au niveau des séquences, il n’y a que 19 pour cent de person- nages principaux féminins. La participation des femmes et des petites filles aux interactions est encore plus faible. Elles s’adressent moins souvent au public directement ; dans Sesamstrasse, cinq appels directs au public sur six viennent de personnages masculins.

Tableau 3

Fréquence on pourcentage des actions masculines et féminines dans les émissions de Sesamstrasse

Présence Prédomi- Interactions Interactions

séquences rôle personnages public (en %) dans les nance du avec les avec les

Féminines 22 19 18 17 Masculines 78 81 82 83 Nombre 1,825 1,343 10,273 1,862

Outre cette sous-représentation sur le plan de la simple fréquence et des activités sociales, deux autres aspects de Sesamstrasse donnent une image défavorable des femmes et des petites filles - leur manque d’humour relatif et leur insistance pédagogique. Les plaisanteries, farces, exagéra- tions comiques et autres scènes amusantes ont leur place

1. But éducatif no II d 3 dans Sesamstrasse, Informationen für Eltern und Erzieher. Band 1. Verlagsgesselschaft Schulfernsehen, Köln 1973, p. 151 et suivantes.

41

Page 42: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

dans 62 pour cent de toutes les apparitions masculines. Les personnages féminins ne présentent ces traits sympathiques que dans 37 pour cent des cas. En revanche, les personnages féminins ont tendance à enseigner, comger et ordonner, surtout lorsqu’il s’agit de s’adresser au téléspectateur - 49 pour cent de toutes les interactions de personnages féminins avec le public et 17 pour cent de leurs interactions avec les autres personnages ont cet aspect prétentieux. Les chiffres masculins correspondants sont seulement 34 pour cent et 15 pour cent respectivement.

Une partie de l’analyse de contenu de Sesamshasse consistait en une analyse d’interaction qui est décrite plus en détail dans un autre ouvrage (Berghaus, 1974). Tous les rapports sociaux verbalisés ou non ont été considérés comme des interactions. Dix catégories ont été établies pour décrire les différentes manifestations de relations interpersonnelles, selon une gradation allant de .la revendi- cation du pouvoir sur autrui (agression) à la soumission à autrui (subordination). Comme le montre la Figure 3, les dix catégories décrivent le degré de relation effective- ment établi avec autrui.

Agression Comportement activement agressif ; oppression d’autrui

Provocation Comportement agressif latent ; défi lancé à autrui de manière à provoquer un conflit

Prétention Comportement autoritaire et catégori- que ; subjectivité des jugements et des critiques

Autonomie Confiance en soi et comportement assez “neutre” ; indépendance sans indifférence

Intérêt Manifestation d’initiative par soif d’apprendre ou désir de participer

Coopération Comportement secourable, désir de coopérer ou tolérance ;relation amicale avec autrui à l’avantage de celui-ci

Estime/ Reconnaissance de l’autorité d’autrui respect sans perte de confiance en soi Assimilation/ Comportement plein de bonne volonté, consentement de réactions, se pliant à l’activité, au

désir ou à l’influence d’autrui Timidité/ Comportement passif, inquiet ; diffi- perplexité cultés d’intégration sociale par manque

de confiance en soi Subordination Comportement résigné et soumis

Figure 3: Forme abrégée des catégories d’interaction utilisées pour évaluer la qualité des interactions

dans Sesamstrasse

L’évaluateur dispose d’une définition et d’exemples pour chaque catégorie. On interrompt le film toutes les dix secondes pour coder les interactions. Pour ces dix secondes d’action, le comportement social de chaque personnage est classé selon la qualité (l’une des dix catégories) et l’orienta- tion (vers les autres personnages ou vers le public).

Avec ce barème, on a pu analyser 12.135 interactions de personnages masculins ou féminins. La plupart se situaient plus ou moins dans les catégories du milieu de l’échelle de classement : on a mis 30,4 pour cent des unités d’inter- action sous Autonomie ; 18,7 pour cent sous Prétention ; et 17,5 pour cent sous Coopération. Comme on pouvait s’y attendre, même à la télévision, les comportements extrêmes étaient plus inhabituels et moins fréquents que les comporte- ments modérés.

Revendication du pouvoir sur autrui c

1 N=79=100% Agression I 1 N=614=100% Provocation I

N=2271=100% Prétention

%Pers. féminins

%Pers. masculins 70 60 50 40 30 20 10 O 10 20 30 40 50 60 70

N=519=100%0 Estimelrespect

~~ ~ r N=419=100% Timidité/perplexité N=14=100% Subordination 1

v Soumission à autrui

Figure 4: Comparaison qualitative de 12.135 interactions sociales de personnages masculins et féminins

dans Sesamstrasse

La Figure 4 compare les interactions des personnages masculins et des personnages féminins dans Sesamstrasse, et fait ressortir la différence très considérable qui existe entre les deux. Cette différence ressort particulièrement dans les deux catégories extrêmes près des pôles du diagramme. La Figure 4 présente proportionnellement la façon dont les personnages masculins et féminins sont représentés dans les dix catégories qualitatives d’inter- actions (on a éliminé la différence quantitative entre inter- actions masculines et féminines).

Les garçons et les hommes dans Sesamstrasse ont des comportements plus proches des extrêmes que ce soit dans le sens des activités agressives ou dans celui des actions de soumission et d’attachement. Les filles et les femmes se regroupent davantage au milieu de l’échelle, ce qui repro- duit le stéréotype féminin selon lequel la fille doit être équilibrée et prête à aider, “maternelle”, par exemple.

L’analyse de contenu a également recherché si chaque personnage avait reçu une position ou un rôle particulier (professionnel ou familial). Comme le montre le Tableau 4, les personnages féminins jouaient plus souvent le rôle de fille, de sœur, de mère ou de grand-mére qu’un rôle profes- sionnel. Les personnages masculins, quant à eux, étaient plus souvent présentés dans le cadre de leur travail qu’au sein de leur groupe familial.

Tableau 4

Rôles professionnels et rôles familiaux (en pourcentages) pour les personnages masculins et féminins

Personnages Masculins Féminins

Rôle professionnel 15 4 Rôle familial 6 16 Nombre 1.428 397

Ces constatations sur le contenu de l’émission sont éton- nantes, car elles vont à l’encontre du désir explicite des pro- ducteurs de réduire la fixation sur les rôles liés au sexe grâce à cette série d’émissions. Malgré leur bonne volonté, il semble que, dans ce domaine, les producteurs aient trop misé sur quelques séquences progressistes, liées au but recherché, avec des petites filles qui jouent au football et des garçons qui font la cuisine, et ne se soient pas assez penchés sur l’ensemble de l’émission.

42

Page 43: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Impact de l’émission sur les enfants. Si Sesamstrasse peut enseigner un comportement social aux enfants d’âge pré- scolaire, on peut s’attendre à ce que cette représentation des garçons (ou des hommes) et des filles (ou des femmes) influe sur l’image que les enfants qui regardent régulière- ment l’émission se font des rôles sexuels. A l’aide de tests et d’entretiens, on a procédé à l’étude d’un échantillon de 167 enfants de cinq ans et de 167 enfants de six ans pour voir leur comportement et leurs attitudes sur ce point. Sur les 334 cas, il y avait à peu près le même nombre de filles et de garçons. Environ la moitié étaient des spectateurs de l’émission (ils avaient regardé Sesamstrasse environ cinq fois par semaine pendant plus d’un an) et les autres étaient des non spectateurs. On pouvait isoler les effets spécifiques liés à l’émission en comparant les spectateurs et les témoins, les non spectateurs.

On a réuni des renseignements sur les habitudes de jeu de ces enfants en leur demandant quels jeux et objets ils préféraient. L’enfant devait choisir sept fois entre deux images, l’une celle d’un jouet typiquement pour garçon, l’autre d’un jouet traditionnellement réservé aux filles (par exemple, une voiture de course et une poupée). La comparaison des spectateurs et des non spectateurs a révélé que la tendance très nette à se conformer aux rôles sexuels traditionnels n’avait pas été modifiée par Sesamstrasse. En revanche, un groupe, celui des fiilcttes de 6 ans qui avaient vu l’émission, a manifesté davantage d’intérêt pour les jouets de fille que les témoins qui n’avaient pas vu l’émission. Nous n’avons pu expliquer pourquoi cet effet se manifeste seulement à l’âge de 6 ans et non à 5 ans.

Un autre groupe de questions de l’entretien portait sur l’idée que les enfants se font de leur métier futur. On a demandé à chaque enfant: (1) quel métier il (ou elle) souhaitait faire, (2) quel métier il (ou elle) aimerait faire s’il était une fiile et non un garçon (ou si elle était un garçon et non une fille). O n a également demandé aux enfants leurs raisons. Les enfants qui regardaient régulière- ment Sesamstrasse ont donné des réponses correctes à la question (“boulanger”, “policier”, “peintre” and non “chien” ou “maman”, par exemple) nettement plus souvent (80 pour cent) que les témoins (64 pour cent). Les specta- teurs de l’émission justifiaient aussi leur réponse de façon

satisfaisante plus souvent (62 pour cent) que les non spectateurs (41 pour cent). Dans l’ensemble, Sesamstrasse a aidé les enfants à comprendre ce qu’est un métier et à imaginer celui qu’ils aimeraient faire. Dans la société occidentale, beaucoup de métiers sont

considérés comme étant masculins ou féminins. Les métiers qu’aimeraient faire les enfants ont été classés de façon tradi- tionnelle ~- par exemple, capitaine, policier ou facteur sous la rubrique des métiers masculins et infirmière, ménagère ou secrétaire sous la rubrique des métiers féminins. (D’autres métiers, médecin, musicien, gardien d’animaux, n’ont été classés sous aucune des deux rubriques). Parmi les enfants de 6 ans qui ont donné une réponse correcte à la question du métier qu’ils aimeraient faire, plus des trois quarts ont donné un métier qui est traditionnellement considéré comme correspondant à leur sexe. I1 n’y a pas eu de diffé- rence significative entre les spectateurs et les non spectateurs pour ce qui est des métiers qu’ils aimeraient faire.

O n a, cependant, constaté une différence intéressante entre les spectateurs et les témoins dans les réponses à la question sur le métier en cas de sexe opposé. Quand ils s’imaginaient en fiiles, 84 pour cent des spectateurs masculins ont choisi un métier “féminin” contre seulement 56 pour cent des non spectateurs masculins. Pour les filles s’imaginant en garçons, 68 pour cent des spectatrices et 57 pour cent des non spectatrices ont choisi un métier typiquement “masculin”. Les. spectateurs de Sesamstrasse, surtout les garçons, avaient une conception plus stéréotypée des métiers qui convenaient à l’autre sexe.

Une autre analyse a révélé que les garçons concevaient beaucoup plus de métiers possibles pour les hommes que pour les femmes. Leurs choix dans l’hypothèse OU ils seraient des filles étaient très limités par rapport aux métiers qu’ils ouhaiteraient faire en étant garçon. On a observé la même ráction en sens inverse chez les filles qui ne citaient que très peu de métiers possibles pour elles et beaucoup pour les .garçons. Donc, les garçons, comme les filles, pensent qu’il y a bien plus de possibilités de métiers pour les hommes que pour les femmes. La comparaison des enfants qui avaient vu l’émission et de ceux qui ne l’avaient pas vue a révélé que Sesamstrasse n’avait rien changé à cette orientation fondamentale.

43

Page 44: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 7

ETUDES D’EVALUATION QUANT A L’IMPACT DE LA TELEVISION EDUCATIVE SUR LES ENFANTS D’AGE PRESCOLAIRE AU JAPON’

Station + Télevi- FfAraie

éduca-

Par Takashi Sakamoto

et Takashiro Akiyama

Emission Horaire Jours Avec Maman 9h30-9 h55 du lundi au

Kane, fis du vent Comment faire cela?

et 17 h30- 17 h55 samedi

Marionnettes 9 h 15 - 9 h 30, 10h30-10h45 du lundi au

~ et14h40-14h55 samedi Notre rythme Notre monde (sauf le samedi) Le Diable dans sa boîte

La diffusion d’émission éducatives à la télévision est essen- tiellement assurée par le Nippon Hoso Kyokai (NHK - Office de radiotélévision japonais), le seul organisme public de radiodiffusion au Japon, sur son réseau national couleur. Quelques chaînes de télévision commerciales donnent aussi des émissions éducatives pour les jeunes enfants dans l’ensemble du pays.

Le NHK a commencé la diffusion d’émissions de télé- vision éducative en 1953. I1 en présente aujourd’hui pour les enfants d’âge préscolaire tous les jours sauf le dimanche : une émission de vingt-cinq minutes sur le réseau général et d’autres de quinze minutes sur le réseau de télé-enseignement.

Nombre total

ments Niveau d’établisse-

Ecoles maternelles 13.070 Jardins d’enfants 19.020 Ecoles primaires 24.572 Enseignement secondaire ler cycle 10.618 Enseignement secondaire 2e cycle 4.593

Table 5

Pourcentage de

l’émission de manière assidue

Pourcentage ceux qui suivent

81 42 91 50 95 80

45 10

54 8

Machine à étudier 7 h 30 - 7 h 45 du lundi au samedi

NTV Bonjour ! ’7h45-8h25 du lundi au samedi Pour les enfants

du lundi au

TBS

TV Asahi Envolons-nous i du lundi au 16 h - 16 h 25 vendredi Panpororin !

La saile de jeux 11h-11h30 du lundi au

UneiDeuxlOnsaute 10h30-11h du lundi au vendredi

vendredi

+ NHK : réseau national ; autres programmes : région de Tokyo seulement.

* Pour la télévision éducative, ces six émissions courtes sont dif- fusées trois fois par semaine, de manière échelonnée sur différents jours, aux horaires indiqués.

1. Le présent chapitre s’inspire en partie de l’article de T. Sakamoto et T. Akiyama, intitulé “The present state of evaluation studies on the impact of educational television upon children in Japan” Educ. Technol. Res., 1978, Vol. 2, p. 29-38.

Avec les rediffusions, cela représente au totd 530 minutes de temps d’antenne par semaine. L’émission diffusée sur le réseau général s’adresse surtout de manière individuelle aux enfants qui sont dans leur famille, tandis que le public cible des émissions du réseau de télé-enseignement se compose surtout d’enfants en groupe dans des jardins d’enfants ou écoles maternelles. Le public touché par ces émissions, soit à domicile, soit dans les établissements préscolaires, est assez vaste.

Le tableau 5 donne les émissions destinées aux enfants d’âge préscolaire diffusées en 1977, soit quinze émissions au total. Deux d’entre elles seulement (Ouvre ! Ponltikki et Machine 2 étudier) sont du même type que la série Sesame Street des Etats-Unis. Une troisième,le diable dans sa boite, s’inspire elle aussi des concepts sur lesquels repose Sesame Street.

Enquêtes auprès des enfants. Le tableau 6 présente les résultats d’une enquête sur la télévision éducative destinée aux enfants que le NHK a effectuée en 1976. Ce tableau donne les taux de vision des émission de télé-enseignement du NHK dans divers établissements scolaires (Akiyama,l977).

Tableau 6

D’une manière générale, l’enfant d’áge préscolaire est trop jeune pour être inclus valablement dans les études d’évalua- tion chiffrées des émissions éducatives au moyen de tests cognitifs, de tests de personnalité et de tests de connais- sances. C’est pourquoi, les rapports subjectifs d’observa- teurs qui étudient les enfants en examinant leur comporte- ment avant et apres l’émission sont plus fréquents que les rapports objectifs reposant sur des tests d’évaluation.

C’est le Ministère de l’éducation qui a réalisé en 1963, au moyen d’entretiens, la première enquête systématique auprès d’enfants regardant régulièrement la télévision (327 à Tokyo et 200 à Takamatsu) et de leurs parents. Les résultats ont montré que, s’ils avaient le choix, 60 pour cent des enfants, aimaient mieux regarder la télévision que jouer (65 pour cent pour les garçons, 56 pour cent pour les filles) ; 30 pour cent seulement des enfants aimaient mieux jouer que regarder la

44

Page 45: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

télévision (26 pour cent pour les garçons, 34 pour cent pour les filles). Un questionnaire auquel ont répondu les parents a montré que, par comparaison avec leur Comportement avant l’introduction de la télévision, 77 pour cent de la totalité des enfants posaient davantage de questions du fait de la télévision, 55 pour cent demandaient à leurs parents de leur donner des choses qu’ils avaient vues à la télévision, 32 pour cent maligeaient à des heures moins régulières pour pouvoir voir leur émission préférée et 29 pour cent étaient plus insolents qu’auparavant (Ministère de 1’Education japonais, 1963).

Ladernièregrande enquête menée par le Professeur A.Yoda de l’université de Tokyo en 1964, a porté plus particulière- ment sur la valeur éducative de la télévision. Pour formuler ses conclusions, il s’est appuyé en partie sur les réponses spontannées des mères à la question : “Quels sont les effets néfastes, si tant est qu’il y en ait, de la télévision sur l’édu- cation des enfants ?” Les réponses ont été classées dans les catégories suivantes : (1) santé physique, (2) genre de vie, (3) façons de penser et d’aborder les choses, (4) langage utilisé, (5) comportement général, (6) mécanismes intel- lectuels, (7) stimulation affective, (8) imitation du comporte- ment des adultes, (9) divers. Le même ensemble de caté- gories a été utilisé pour coder les réponses à une question analogue portant sur les effets bénéfiques de la télévision. De cette enquête, Yoda a tiré la conclusion que les effets bénéfiques de la télévision consistaient essentiellement en une augmentation des connaissances générales, mais que peu de parents pensaient que la télévision avait des effets positifs sur l’utilisation du language, l’affectivité ou le comportement général (Yoda, 1964). La troisième grande enquête a été effectuée en 1968 par

une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche cul- turelle sur la radio et le télévision du NHK (NKH, 1970). Afin de faire le point sur la télévision et les enfants, le NHK a examiné les éléments suivants : (1) évolution des habi- tudes de vision avec l’âge, (2) heures de vision, (3) atti- tudes de vision, (4) effets secondaires sur le reste du comportement, (5) attitude des parents vis-à-vis des habitudes

Figure 5 : Age auquel les enfants ont commencé à regarder la télévision d’après diverses enquêtes

% 100 .... . -

I ! -. -. -. - , - I I

! :..riJ

80 - I -. -. - . -

60 - : I

: I I : I I. .f.-. -.I

I- i- 40 - I .

20 -

I I 1 I O0 1 2 3 4 5 6

Age in years

Légende - NHK 1968 (Pourcentage d’enfants regardant la télévision avec intérêt)

____.. NHK 1968 (Pourcentage d’enfants ayant une émission préférée)

. , . . . . . . . Ministère de 1’Education (Takamatsu, ville en zone d e ) 1953 (Pourcentage d’enfants commençant à regxder la télévision) - Ministère de 1’Education (Tokyo) 1958 (Pourcentage d’enfants

commençant à regarder la télévision) -. - . - .- Wilbur Schramm Survey (Etats-Unis) 1961 (Pourcentage

d’enfants commençant à regarder la télévision)

de vision de leurs enfants, (6) contrôle par les parents de ce que regardent les enfants. Mille trois cent dix-neuf mères d’enfants d’écoles maternelles des villes et des villages de la Préfecture de Shizuoka ont répondu à un questionnaire. La figure 5 donne, par âge, le pourcentage d’enfants qui regardaient la télévision avec un intérêt manifeste et le pourcentage de ceux qui avaient une émission préférée. Des données semblables, tirées de deux enquêtes japonaises précédentes et d’une enquête américaine, sont indiquées a titre de comparaison.

Les résultats comparatifs de la Figure 5 montrent que l’augmentation des heures de vision avec l’âge est semblable dans toutes les enquêtes. On y voit également que les enfants japonais commencent à regarder la télévision plus tôt que les enfants américains, et qu’ils la regardent de plus en plus depuis quelques années. Les enfants japonais regardaient en moyenne la télévision deux à trois heures par jour et 16 pour cent d’entre eux quatre heures ou plus.

Selon les observations des mères, les enfants présentaient différents types de comportement pendant qu’ils regardaient la télévision : 85 pour cent prenaient leur repas, 82 pour cent posaient des questions sur le contenu des émissions et 75 pour cent bougeaient physiquement au rythme de l’émission. Quant à l’opinion des mères, 94 pour cent d’entre elles ont pensé que l’effet principal de la télévision était l’imitation d’expressions verbales, 81 pour cent ont souligné l’imitation de jeux vus à la télévision, 73 pour cent ont dit que leurs enfantsréclamaient des jouets qu’ils avaient vus à la télévision et 49 pour cent ont considéreé que leurs enfants ne dormaient pas assez. Les effets étaient beaucoup plus nets chez les enfants qui regardaient beaucoup la télé- vision que chez ceux qui la voyaient moins. Sur le plan positif, 53,5 pour cent des mères ont reconnu l’utilité de la télévision pour l’acquisition de connaissances, 46,5 pour cent l’ont jugée utile pour l’élargissement du champ d’intérêt des enfants et 40 pour cent ont considéré que la télévision présentait des modèles utiles dans la vie. Sur la plan négatif, 21,l pour cent ont pensé que les enfants devenaient mal élevés et 19.7 pour cent que les enfants singeaient trop tôt les comportements des adultes.

Expériences faites avec de jeunes enfants. Sakamoto (1968) a examiné l’efficacité pédagogique des émissions de télévision éducative chez les enfants d’âge préscolaire. Sa méthode a consisté en un premier temps à demander à des enseignants de préparer un bulletin d’évaluation pour chaque émission. A cette fin, vingt maîtres de divers jardins d’enfants et écoles maternelles ont été priés de décrire libre- ment sur une feuille de papier leur sentiment et leur opinion à l’égard de chacune des six émissions retenues. Puis ils ont classé ces feuilles de papier afin d’établir les bases d’un système de notation. Certains des critères qui se sont dégagés ont été les suivants : amuser les enfants, les faire rêver, leur donner des impressions, nourrir un sentiment esthétique, répondre A des sentiments affectueux, les intéresser à diverses choses, susciter des motivations, stimuler la réflexion, susciter divers types d’action, leur donner des informations sur ce qu’ils ne connaissent pas, leur apprendre la structure de la société et de la nature et les habituer à des instruments courants. Enfin, les différents critères ont été regroupés sous six rubriques - motivation, affectivité, attitudes, connaissances, aptitude à la réflexion et créativité.

U n groupe de trente-six enseignants de divers jardins d’enfants et écoles maternelles de Tokyo ont analysé le contenu de six émissions de télévision et les ont notées par rapport à chacune des rubriques. Marionnettes, émission dans laquelle différents types d’histoires pour enfants sont joués par des marionnettes, a été jugée utile au développe- ment affectif des enfants. A quoi joue-t-on ?, émission OU l’animateur présente diverses activités créatrices, artisanales ou artistiques, sur une musique rythmée, a été jugée utile pour stimuler la motivation des jeunes enfants et développer leur créativité. Regardons bien, émission scientifique sous forme de film, a été jugée utile pour l’acquisition des

45

Page 46: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

connaissances. I1 est ressorti de l’évaluation que chaque émission avait son efficacité propre.

F. Harada (1974) a fait une étude sur des enfants de cinq ans qui regardaient toutes les semaines Le Diuble dans su boite, série d’émissions de variétés pour enfants. Les enfants regardaient la première diffusion et aussi sa redif- fusion. La première fois, on leur disait de regarder l’émis- sion en se demandant : “Qu’est-ce-qui va se passer ?” Ensuite, les enfants mimaient avec Harada les idées puisées dans l’émission. Puis, lors de la deuxième vision de l’émis- sion, le maître leur disait de penser aux implications des images sur l’écran et de suivre l’histoire. Harada a pu établir que le fait d’avoir regardé la télévision avait appris aux enfants à aller plus loin dans leurs jeux et à s’intéresser aux mots et aux nombres.

S. Sato (1973) a présenté, pendant un an, une série d’émissions de théâtre de marionnettes, intitulée U n petit garçon n o m m é M o p , à des enfants de trois ans. Au début, les enfants ne voulaient pas rester assis devant la poste pendant toute l’émission, qui ne durait pourtant qu’un quart d’heure. Mais la maîtresse les a fait participer à des activités parallèles liées à l’émission, par exemple, chanter quand il y avait de la musique dans l’émission, ou rire de ce qu’ils voyaient sur l’écran, dans l’espoir d’améliorer la communi- cation avec eux. Elle s’est également attachée à améliorer les conditions de reception en s’occupant des détails, par exemple, la position du poste de télévision, le relief de l’image, le volume du son ou l’agitation de certains enfants du groupe qui détournaient l’attention des autres. Au bout d’un mois, la plupart des enfants du groupe pouvaient regarder la télévision de façon normale. Sato a fait observer que “la télévision contribue à développer la sociabilité, le respect d’autrui, la maîtrise de ses propres émotions, etc.” A u bout de six mois, les enfants étaient capables de faire part du contenu de l’émission et même de créer leurs propres histoires qu’ils racontaient à leurs camarades. Après un an, on s’est rendu compte que beaucoup d’enfants s’identi- fiaient à Mogu, le personnage principal, et voulaient même tout faire comme lui.

Les enseignants du jardin d’enfants de Bunkyo, qui travaillaient avec Sakamoto (Akiyama, 1977), ont examiné les effets de l’émission U n petit garçon n o m m é Mop sur le comportement de leurs élèves. Ils ont demandé à des enfants de quatre ans d’imaginer et de jouer eux-mêmes la pièce dans laquelle Mogu jouerait. Ceux des enfants qui regardaient régulièrement l’émission, ont imaginé et joué des pièces plus amusantes et plus originales que ceux qui avaient vu l’émission moins souvent. Les enseignants se sont rendus compte, au cours d’entretiens avec les enfants, que ceux qui regardaient régulièrement l’émission avaient plus d’aptitudes verbales dans la conversation que les autres.

Sakamoto etaL, (1974) ont examiné leseffets de l’émis- sion de travail manuel, Comment fuire cela ?, sur le comporte- ment créatif d’enfants de cinq ans. U n premier groupe d’enfants avait vu l’émission pendant deux années consécu- tives, un deuxième groupe pendant une année, un troisième groupe ne l’avait jamais regardée mais avait vu d’autres émissions de télévision. Avant qu’ils ne regardent la télé- vision, on a demandé aux premier et deuxième groupes de faire des estampages et des superpositions’ avec des matériaux semblables à ceux que l’on utilisait dans l’émis- sion. Le troisième groupe a fait de même puis a regardé l’histoire du Mugicien d’Oz sur diapositives. Tous les enfants, après avoir vu soit l’émission de télévision, soit les disposi- tives, ont été invités à faire à nouveau des estampages et des superpositions à l’aide des mêmes matériaux que précédemment.

Les enseignants ont, sans se consulter, évalué le travail des enfants de ces trois groupes en utilisant des barèmes de notation fondés sur la complexité, l’intégration, la qualité du matériau utilisé et la construction. Ils ont constaté que les effets de la télévision éducative étaient plus nets dans

le travail d’estampage que dans celui de superposition et que le premier groupe, qui avait regardé plus longtemps l’émission Comment faire cela ? était plus productif et plus inventif que les deux autres. M. Tsutsui et K. Ito (1974) ont effectué une étude

semblable auprès d’enfants de 5 ans pendant une certaine période. Ils ont cherché à découvrir d’éventuelles modifi- cations dans le mode de comportement d’enfants d’âge préscolaire qui soient attribuables à la vision régulière de la télévision chaque semaine. Pour cela, ils ont utilisé une série d’émissions de théâtre de marionnettes qui décrivait le développement psychologique de jeunes enfants communi- quant avec d’autres enfants. Les situations étaient trés proches de celles dans lesquelles se trouvent généralement les enfants qui entrent à l’école maternelle. Au début, il a été difficile de retenir l’attention des enfants pendant l’émission qui ne durait que quinze minutes, car ils n’arri- vaient pas à s’intéresser aux personnages. Cependant, trois mois plus tard, la situation avait changé. Les enfants atten- daient le jour de l’émission et après l’avoir vue, ils donnaient leur avis sur les scènes qui les avaient impressionnés, en les mimant ou bien les dessinaient. Au bout de sept mois, quand les enseignants ont suggéré de faire des poupées en plâtre ressemblant aux marionnettes de la télévision, les enfants à qui cela plaisait se sont mis volontiers à cette tâche créatrice et s’en sont fort bien acquittés. Au bout de dix mois, on a noté que les enfants faisaient d’eux-mêmes dans leurs jeux leur propre dramatisation de l’histoire de l’émission de marionnettes de la semaine en ajoutant leurs idées à eux. M. Nemoto et d’autres enseignants du jardin d’enfants

de Bunkyo (1973) ont présenté une émission de télévision, Machines, à trois groupes d’enfants de cinq ans. Une méthode pédagogique différente a été utilisée pour chaque groupe. Dans le premier groupe, on donnait aux enfants, avant l’émission, des exemples de machines, un réveil ou une boîte à musique, par exemple. Dans le deuxième groupe, on donnait aux enfants les mêmes exemples, mais après l’émission seulement. Les enfants du troisième groupe regardaient l’émission sans exemples ou autre forme d’enseignement. Les enseignements ont posé aux enfants certaines ques-

tions à trois reprises, une semaine avant, juste aprés et une semaine après l’émission. Ils demandaient par exemple “Qu’est-ce-qu’une machine” ?”, “Quelle est la différence entre les machines et les gens ?” ou “Comment une copie diffère-t-elle de l’original ?” On a évalué les réponses des enfants d’après un barème de cinq points. On s’est aperçu que les deux groupes dont les enfants avaient eu des machines, soit avant soit après l’émission, donnaient toujours des réponses meilleures que les enfants qui n’avaient pas eu l’occasion de voir et de toucher des machines.

Fujinga et d’autres chercheurs (Fujinaga et Yanashima, 1974, 1975, 1976 ; Fujinaga et aL, 1978) ont à plusieurs reprises depuis 1974 examiné l’efficacité d’une émission du même genre que Sesame Street, Ouvre! Ponkiki, en mesurant le développement cognitif des enfants. En 1975, leur étude a porté sur quatre-vingt-treize enfants de trois ans répartis en quatres groupes. Un groupe a regardé Ouvre! Ponkiki, le deuxième a vu Machine Ù étudier le troisième a

1. L’estampage se fait en frottant un morceau de papier avec un crayon pour faire passer sur la feuille les motifs decoratifs d’objets placés au-dessous ; par exemple, si l’on met une f e d e de papier sur une pièce de monnaie et qu’on la frotte avec un crayon rouge, on peut transférer le motif décoratif de la pièce sur la fede. La superposition de moitiés consiste à peindre un dessin sur la moitié d’une feuille de papier puis à plier le papier en deux en faisant coïcider les deux moitiés de la feuille. Par exemple, si on peint une pomme sur la moitié gauche d’une feuilie et qu’on plie le papier en deux en appuyant, on a deux pommes. Si un enfant peint son père à gauche de la feuille et le chapeau de celui-ci à droite, il aura deux dessins de son père le chapeau sur la tête, en superposant les deux moitiés de la fede.

46

Page 47: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

regardé les deux émissions et le quatrième n’a vu ni l’une ni l’autre. Les quatorze tâches que l’on a soumises aux enfants faisaient appel aux aptitudes suivanes : savoir distinguer la partie du tout, voir les traits distinctifs des caractères (japonais), lire les nombres, apprécier la différence entre nombre et quantité et lire des caractères (japonais).

Ceux qui avaient regardé Ouvre ! P~nkiki ont nettement mieux réussi que les autres au test d’assemblage de cubes. En 1976, 117 enfants de 3 à 4 ans ont été soumis à des tests comportant les même tâches. Par rapport à ceux qui regar- daient Ouvre ! P~nkilti moins de deux fois par semaine, les enfants qui regardaient l’émission tous les jours ont obtenu de meilleurs résultats en lecture des caractères japonais, lectures des nombres, appréhension des tailles, compré- hension visuelle d’ensembles et lecture des caractères hirukana (syllabiques) japonais. Ces résultats montrent qu’une émission du type Sesame Street telle que Ouvre ! Ponkiki accélère, semble-t-il, le développement des aptitudes opératoires visuelles des enfants d’âge préscolaire.

F. Harada (1975) amisen évidence combien il y a intérêt à ce que les mères et les enfants regardent les mêmes émissions. Elle a demandé à des mères d’enfants de l’école maternelle de regarder chez elles l’émission que les enfants regardaient à l’école et on a pu ainsi isoler un certain nombre d’effets éducatifs obtenus quand les mères et les enfants regardent l’émission séparément, puis en parlent ensemble. Les parents et les enfants se parlaient davantage à la maison, les enfants faissaient des progrès en expression orale et les parents comprenaient mieux les comportements et façon de penser de leurs enfants.

Discussion et conclusions. Les études d’évaluation sur l’impact de la télévision éducative au Japon n’ont pas seulement porté sur l’efficacité du matériel diffusé ; elles ont aussi et surtout permis d’examiner la façon dont l’enseignant peut obtenir en classe le maximum de résultats avec telle ou telle méthode pédagogique. Cette orientation est sans doute due au fait que la télévision éducative au Japon vise à fournir un apport enrichissant plutôt qu’à enseigner directement. Les réalisateurs japonais font des émissions qui présentent ce que l’enseignant fera en classe, notamment dans les jardins d’enfants.

On considère au Japon que la participation des enseignants peut demeurer minime parce que la télévision s’adresse directement aux enfants. Mais les résultats des recherches ont infirmé cette hypothèse. Elles semblent au contraire montrer que l’efficacité des émissions de télévision s’accroît grâce à l’enseignement dispensé par les enseignants et non l’inverse. Elles montrent aussi aux responsables de lía télé- vision que l’aptitude des enfants à profiter de la télévision change beaucoup d’un stade de leur développement à l’autre,

et que, par conséquent, les émissions doivent tenir compte de l’âge et du stade de développement des enfants à qui elles s’adressent.

Les traits principaux des études d’évaluation de la télé- vision éducative au Japon peuvent se résumer comme suit. Premièrement, peu d’évaluations de la télévision éducative ont été faites au niveau préscolaire. Deuxièmement, il y a encore moins d’évaluations traitant particulièrement de l’impact de la télévision sur le développement mental et social de l’enfant. Troisièmement, si l’on fait souvent des études sur l’utilisation de la télévision dans des jardins d’enfants, elles sont rarement effectuées- sur des bases scientifiques et expérimentales. Quatrièmement, les grandes enquêtes systématiques d’évaluation traitent surtout des habitudes d’écoute des enfants et se fondent en général sur des entretiens avec les parents et non sur l’observation directe des enfants. Enfin, d’un point de vue pratique, les éducateurs ne ressentent pas vraiment le besoin de mesurer les effets de la télévision pour promouvoir la télévision édu- cative, puisque la télévision est déjà largement utilisée dans l’enseignement.

Fort peu d’études scientifiques d’évaluation selon un plan expérimental bien conçu sont menées auprès des enfants d’âge préscolaire. De nombreuses raisons peuvent expliquer la quasi-absence de recherches de ce genre. Beau- coup d’éducateurs pensent que ce n’est pas la télévision mais les enseignants qui doivent assurer l’enseignement ; de toute façon, les enfants regardent en général les émissions éducatives sous le contrôle du maître. Du fait de ce lien entre la télévision éducative et l’enseignant, beaucoup de spécialistes de l’éducation s’intéressent davantage aux études sur l’utilisation efficace de la télévision qu’à celles de son impact sur le développement de l’enfant. Ce sont les modalités d’utilisation de la télévision, par exemple utilisa- tion en continu ou utilisation ponctuelle, association ou non d’activités pédagogiques parallèles, qui sont considérées comme les variables importantes à évaluer. Les enseignants ne consentent pas aisément à ce que les enfants fassent l’objet d’études d’évaluation ; ils estiment en général que les activités de recherche ne devraient pas entraver leur enseignement. Comme l’écoute de la télévision est une situation complexe OU entrent divers stimulus audio-visuels, ainsi que des attitudes et des modes de comportement compliqués, il est très difficile de contrôler les conditions d’une expérience et d’en isoler les effets. C’est pour ces raisons que la plupart des chercheurs hésitent à entreprendre des évaluations expérimentales de grande envergure. I1 faut également ajouter que les spécialistes japonais ne voient pas d’ordinaire dans l’étude d’évaluation de la télévision une forme de recherche universitaire valable.

47

Page 48: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 8

L’IMPACT DE LA TELEVISION BRESILIENNE SUR LES ENFANTS ET L’EDUCATION

Par Samuel Pfromm Netto

et Arrigo Leonardo Angelini

En 1975, au Centre de Radiodiffusion du NHK à Tokyo, lors du Concours japonais pour le Prix international de la meilleure émission de télévision éducative, un jury inter- national de quinze membres placé sous la présidence de Wilbur Schramm, a fait une sélection parmi les quatre- vingt-douze émissions présentées au concours par les principaux pays d’Europe, d’Amérique, d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Parmi les émissions recompensées figurait Numéros inteiros relativos (nombres entiers relatifs), émission brésilienne produite pour la série Telescola (Téléenseignement) par la Televisäo Culturade São Paulo. Ce prix n’a guère surpris ceux qui connaissent bien la télé- vision éducative brésilienne et son développement depuis de nombreuses années. D’excellents réalisateurs et metteurs en scène de la télévision commerciale ont apporté leur concours à ce développement ; d’éminents spécialistes des différentes disciplines y ont participé et des éducateurs et psychologues de renom ont travaillé à la conception et la réalisation d’émissions ainsi qu’aux tâches de recherche et de gestion. Mais l’histoire de la télévision éducative au Brésil a aussi

ses points noirs. Elle n’a guère été soutenue sur le plan financier. L’incompréhension de la portée qu’elle peut avoir expliqué plusieurs des tentatives faites pour arrêter son expansion. Des arguments qui n’ont rien à voir avec l’éduca- tion et la culture l’emportent parfois sur les arguments des spécialistes et experts de l’éducation et de l’enseignement par la télévision. En outre, la zone de diffusion couverte par les stations de télévision éducative est très restreinte ; elle se limite aux zones métropolitaines de São Paulo, de Rio de Janeiro et de plusieurs capitales d’Etats ainsi qu’à quelques villes très peuplées de l’intérieur. Sur les chaînes de télévi- sion commerciales, le temps réservé aux émissions éducatives est limité en raison des impératifs commerciaux des vente de temps d’antenne à des fins publicitaires. Mais en dépit des difficultés et obstacles qui surgissent ici ou là par peur de la concurrence, méconnaissance du rôle que peut jouer la télévision éducative dans un pays aussi immense que le Brésil, mauvaise volonté ou pure ignorance, la télévision éducative brésilienne contribue lentement mais sûrement à résoudre les multiples problèmes d’éducation et d’enseignement auxquels le Brésil se trouve confronté.

Après avoir retracé les débuts, l’évolution et la situation actuelle de la télévision au Brésil, nous passerons a l’examen des données descriptives et des résultats de la recherche en retenant plus particulièrement deux aspects principaux de l’influence de la télévision : les effets voulus et systématique- ment planifiés des émissions de la télévision éducative (parfois obtenus conjointement avec d’autres médias et avec la participation de l’enseignant en classe) en vue de provoquer un changement dans le comportement, les connaissances, les attitudes et le système de valeurs des élèves ; et les effets pénétrants mais non délibérés de la télévision commerciale sur la vie des enfants et des adoles- cents brésiliens.

LA TELEVISION AU BRESIL : DEBUTS, EXPANSION, SITUATION ACTUELLE

ET PERSPECTIVES

Le Professeur Roquette Pinto, pionnier du développement, de la recherche et de l’utilisation du cinéma’et de la radio à des fins éducatives au Brésil et l’un des fondateurs de la première station de radio brésilienne en 1923, effectua des expériences d’émission télévisée en 1932 à Rio de Janeiro (Espinheira, 1934). En 1939, à l’occasion de la Foire industrielle de Rio de Janeiro, des ingénieurs allemands ont organisé des diffusions en circuit fermé avec des chanteurs et présentateurs brésiliens. Mais la vraie naissance de la télé- vision au Brésil (et en Amérique du Sud) date de 1950, c’est-à-dire du moment oÙ la troisième chaîne, Televisäo Tupi-Difusora a commencé à diffuser régulièrement des émissions à São Paulo. I1 n’y avait à l’époque que 200 postes de télévision à São Paulo. Peu de temps après la troisième chaîne de São Paulo, plusieurs autres stations de télévision ont vu le jour à São Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte.

Au Brésil, la télévision a toujours été une activité presque exclusivement commerciale, régie par les lois fédérales. Trois réseaux commerciaux se sont peu à peu organisés au cours des années cinquante et soixante : Tupi-Associados, Globo et Independentes. Les deux premiers sont, depuis leur création, liés à des groupes influents dans le domaine de la radio et de la presse. Le troisième réseau brésilien a réuni les efforts de stations à l’origine indépendantes, d’où son nom, Independentes.

I1 existe également à l’heure actuelle quelques stations de télévision commerciale et de télévision éducative autonomes. On ne compte que huit stations éducatives non commerciales au Brésil ;elles sont surtout situées dans les villes importantes. Pratiquement, tous les fonds dont disposent les autres stations éducatives proviennent du gouvernement fédéral qui leur accorde aussi une assistance technique et pédagogi- que, organise des réunions d’experts et établit la politique générale de la radio et de la télévision éducative dans tout le pays. Bien qu’il ne se soit pas constitué de réseau pour le fonctionnement régulier de la télévision éducative au Brésil, certaines séries et émissions produites à Rio de Janeiro et São Paulo sont présentées dans d’autres Etats grâce à des systèmes de vidéo ou de cinémascope. Certaines de ces émissions ont également été diffusées par des stations de télévision commerciales.

Le Projeto SACZ mérite une mention spéciale. Ce projet de transmission par satellite a débuté en 1968 : la Comissão Nacional de Atividades Espaciais (CNAE-Commission national d’activités spatiales) a proposé à la NASA (United States National Aeronautics and Space Administration) de réaliser un projet intitulé Satélite Avancado para Comuni- caçoes Interdisciplinares-SAC1 (Satellite avancé pour communications multidisciplinaires), visant à établir une zone pilote dans 1’Etat de Rio Grande do Norte qui recevrait

48

Page 49: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

les émissions de télévision et de radio par satellite. Le CNAE, rebaptisé depuis INPE (Institut de recherches spatiales) a divisé le Projet SACI en plusieurs tranches, le but final étant d’établir un système d’éducation s’étendant à tout le pays. Depuis 1972, le SACI mène à bien l’expérience du Rio Grande do Norte : les émissions de radio ou de télévision sont diffusées aux établissements scolaires sur ondes métriques et ondes moyennes par l’intermédiaire des stations de radio et de télévision. Plus de 600 écoles ont participé à l’expérience. Outre ses propres productions, I’INPE a utilisé des émissions de la deuxième chaîne éduca- tive (Televisão Cultura) de São Paulo.

Près de 90 pour cent des postes de télévision au Brésil se trouvent dans le sud-est (Etats de São Paulo, Rio de Janeiro, Minas Gerais, Espírito Santo) et le sud (Etats de Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul). Environ 95 pour cent des familles ont la télévision à São Paulo. Près de 80 pour cent des familles des zones urbaines de l’ensemble du Brésil possèdent un récepteur de télévision. En 1977, on comptait quelque 12 millions de postes de télévision dans le pays : environ 10,3 millions de postes noir et blanc et un peu plus de 1,7 million de récepteurs couleur. Le nombre des postes de télévision au Brésil a doublé au cours des cinq dernières années - ce qui repré- sente un accroissement exceptionnel par rapport aux autres pays pour cette période.

La télévision brésilienne joue un grand rôle dans le changement des attitudes, des structures sociales et des modes de pensée et de comportement sociaux traditionnels. Bien que la littérature spécialisée n’offre pas d’analyse en profondeur des relations entre le boom économique du Brésil et son système de communication de masse, on peut affirmer sans grand risque d’erreur que la télévision consti- tue un puissant moyen d’intégration nationale car elle stimule l’optimisme, l’enthousiasme et la participation aux tâches de développement économique, change les motiva- tions, crée de nouveaux espoirs personnels ou sociaux, développe l’ambition et donne “un fort besoin de réussite” au sens où M c Clelland et Winter (1971) ont utilisé cette expression.

Tout cela ne signifie pas que la télévision brésilienne soit dépourvue d’influences négatives et néfastes. I1 est sûr que certains des pires maux des systèmes commerciaux de communication de masse n’épargnent pas le Brésil ; il y a trop de violence à la télévision, trop de médiocres feuille- tons “mélo” et, des pressions, au grand jour ou en coulisse, des annonceurs publicitaires ; on fait peu de place à l’édu- cation, à la culture et à l’information alors que les émis- sions de divertissement et de fuite devant la réalité sont à l’honneur.

LA RECHERCHE EN MATIERE DE TELEDIFFUSION AU BRESIL

La première enquête brésilienne sur les effets des moyens de communication sur les enfants remonte à 1928. Dans cette étude, Lourenço Filho, éducateur et psychologue, a recherché les effets sur les enfants de la vision des films cinématographiques. Avant l’essor de la télévision, il y a eu d’autres études théoriques et empiriques dont la plupart traitaient du cinéma (Laurito, 1962). Mello (1968) a établi une bibliographie des ouvrages brésiliens de recherche sur les médias dans les années 1960. Pfromm Netto (1972, 1975a, 1975b, 1976) a, pour sa part, procédé au recense- ment et à la présentation des études faites au Brésil au cours des quarante dernières années, essentiellement des études orientées vers la psychologie et l’éducation. Cohn (1973) a présenté une vue sociologique d’ensemble de la communication de masse. Par ailleurs, des livres et des articles ont été consacrés à l’histoire des médias au Brésil (par exemple, Lopes, 1970 ; Almeida, 1971).

I1 existe des résumés utiles, encore que peu à jour, sur la télévision éducative au Brésil, comme ceux d’Oliveira (1971), de Bretz et Shinar (1972) ou de Kraft (1973). Reis (1972) a fait l’historique de la télévision éducative au Brésil et reproduit plusieurs documents fondamentaux. D’autres ouvrages sur la télévision éducative ont été publiés par Campos (1970), Torres Neto (1971), Aguiar (1972), Coloda et Vian (1972), et Soifer (1974).

Les meilleurs sources dont nous disposons pour connaître l’état actuel des moyens de communication au Brésil sont les rapports établis par le SSC&B-Lintas Brasil (par exemple, SSC&B-Lintas Brasil, 1974) pour les responsables d’activités de commercialisation et de publicité. Ils constituent une mine d’informations sur les médias (presse, radio, télévision) et leurs utilisateurs. Pour ce qui est de télévision éducative, on trouve des études, des recommendations et des informa- tions sur ses orientations et perspectives au Brésil, dans les communications présentées tous les ans aux “Seminarios Brasileiros de Teleducação” (Séminaires brésiliens de télé- enseignement) qui sont organisés par I’ABT (Associaçäo Brasileira de Teleducacao), dont le siège se trouve à Rio de Janeiro (Rua Campos da Paz, 60). Une sélection des exposés les plus importants est publiée dans la revue officielle de I’ABT, Tecnologia Educacional.

EFFETS DE LA TELEVISION SUR LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS AU BRESIL

Si l’on s’est préoccupé des effets des médias, c’est tradi- tionnellement par crainte des effets néfastes que peuvent avoir sur les enfants qui y sont exposés des programmes avilissants ou peu honnêtes ou des émissions conçues pour des adultes. A l’heure actuelle, les auteurs se préoccupent de la montée de la violence et des mœurs et valeurs peu recommandables que présentent la télévision commerciale et le cinéma. Cependant, d’un point de vue positif, les effets éducatifs des émissions de radio et de télévision ainsi que des films cinématographiques ont fait l’objet de recherches poussées. De sorte que les spécialistes s’accordent en général à dire que la télévision, le cinéma et la radio peuvent enseigner aussi bien (ou mieux) qu’un bon maître dans sa classe.

Pour toute analyse des effets de la télévision, il faut examiner d’abord les modalités de son utilisation, puis les contenus qu’elle véhicule. Nous indiquerons ici certains résultats représentatifs.

Modalités d’utilisation. Les publicitaires brésiliens, comme ceux des autres pays, ont recours à des sondages d’écoute pour comprendre les tendances du public et prendre des décisions sur les campagnes de publicité. Des indications sur l’importance numérique des téléspectateurs, leurs caracté- ristiques, leur répartition, etc., sont généralement fournies par des organismes spécialisés comme l’IBOPE, MARPLAN et AUDI-TV.

Les tranches d’âge examinées débutent d’ordinaire avec celles des jeunes de 15-19 ans. Les enfants de moins de 15 ans sont rarement mentionnés. Cependant, une étude de Prado (1973) comportant des données sur le public de la zone métropolitaine de Rio de Janeiro montre que 34 pour cent des téléspectateurs entre 18 heures et minuit sont des enfants et des adolescents de moins de 19 ans. (22,3 pour cent ontmoinsde13anset11,7pourcentontde 13à18ans.) C’est entre 18 et 20 heures que le public comprend le plus d’enfants : 29,5 pour cent de l’ensemble du public (tous âges confondus) sont alors des enfants de moins de 13 ans. Le nombre d’adolescents (de 13 à 18 ans) spectateurs atteint son point maximal entre 22 heures et minuit (15,3 pour cent du public total).

La plupart des téléspectateurs ont un niveau d’instruction scolaire peu élevé. Prado a constaté que 63 pour cent de l’ensemble des téléspectateurs de la zone métropolitaine de Rio de Janeiro n’avaient fait que des études primaires, que

49

Page 50: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

29 pour cent avaient fait quelques études secondaires et que seulement 8 pour cent avaient suivi en enseignement supérieur. Des données de 1’IBOPE montrent qu’un jour normal (le 17 mars 1977), 21 à 25 pour cent seulement des postes de télévision étaient éteints aux heures de grande écoute, dans l’ensemble du Brésil (Siqueira, 1977). La forte proportion de jeunes au Brésil et, plus encore, le très fort pourcentage de téléspectateurs de niveau économiquement faible renforcent l’importance des études de contenu et d’impact.

Parmi les étudiants, la télévision est considérée comme l’un des moyens de communication les moins importants. Dans un travail récent, auprès d’étudiants, un chercheur a examiné les images des médias à l’aide de vingt différen- tiateurs sémantiques afind’étudier les connotations attachées aux différents moyens de communication (Pfromm Netto, 1972). C’est la radio qui a été jugée le moyen de communi- cation le plus “réel”, “moche”, “vulgaire”, “agité”, “partial” et “dangereux” des médias examinés et la télévision le moyen le plus “désagréable”, “mauvais”, “idiot”, “confus”, “ennuyeux” et faisant appel à l’émotion”. Soiffer (1974), retenant les neufs différentiateurs sémantiques de Pfromm Netto les plus significatifs, les a utilisés auprès d’un échan- tillon composé de 146 chefs de famille de classe moyenne ayant achevé leurs études primaires et vivant dans la zone métropolitaine de Rio de Janeiro. ,Dans une comparaison entre la radio, la télévision, la presse et l’école, la radio a été jugée la moins dangereuse, la plus facile et faisant le moins appel à l’émotion, alors que la télévision était considérée surtout comme à la pointe de l’actualité, partiale et faisant appel à l’émotion.

Dans une étude non publiée faite par Angelini en 1965, 208 mères de famille ont donné une estimation du nombre d’heures consacrée chaque semaine par leurs enfants à des activités de loisirs. Le tableau 7 montre que parmi les jeunes de 7 à 18 ans, le nombre moyen d’heures passées à regarder la télévision était de dix pour les garçons et de douze pour les filles. Mascellani (1963) a obtenu des résultats analogues .

Garçons

10,5 93 11,5 993 7,9

Tableau 7

~~

Filles

8,2 12,9 14.2 11,2 13,O

Nombre moyen d’heures consacrées chaque semaine à la télévision par les enfants de 208 familles brésiliennes,

classés par âge et par sexe, en 1965

Total

Age en années

~

998 11,9

7-8 9-1 o 11-12 13-14 15-18

premier cycle a été étudié par Coutinho (1972) à Londrina, dans 1’Etat de Paraná. Pratiquement tous regardaient régulièrement la télévision. Ils lui accordaient beaucoup d’importance en étaient des utilisateurs assidus, voulaient apprendre grâce à elle et semblaient ainsi autant satisfaire leur besoin d’imaginaire que leur sens du réel. Comme d’autres chercheurs, Coutinho a constaté que les élèves de milieux socio-économiques modestes regardaient davantage la télévision que les autres. Alors que les élèves passaient en moyenne un peu plus de trois heures par jour devant un poste de télévision, certains la regardaient de cinq à neuf heures par jour. Les feuilletons sentimentaux étaient ce qu’ils aimaient le mieux, résultat d’ailleurs confirmé par Castro et al., (1973) pour des enfants d’écoles élémen- taires de Rio de Janeiro.

Ces résultats concemant les habitudes d’écoute et les préférences des enfants au Brésil sont semblables à. ceux qui ont été obtenus dans d’autres pays industrialisés. Quand ils en ont la possibilité, les enfants passent à peu près autant d’heures par semaine à regarder la télévision qu’ils n’en consacrent aux activités d’apprentissage à l’école.

Le contenu de la télévision au Brésil. Un tiers environ des émissions diffusées ne sont pas brésiliennes ; il s’agit essentiellement de films américains et de séries télévisées américaines. La répartition des émissions en 1972, d’après Anuário Estatístico do Estado de São Paulo (Annuaire statistique de 1’Etat de Sào Paulo) est résumée au Tableau 8.

Tableau 8

Répartition des émissions de télévision dans i’Etat de São Paulo en 1972

I

Type d’émission

Séries et films étrangers Sports Feuilletons sentimentaux Publicité Variétés

Temps d’antenne (en pourcentage)

Emissions pour enfants Actualités Emissions pour les femmes Education des adultes 3,2

13,2

Le régime télévisé quotidien des enfants et adolescents brésiliens se compose surtout de dramatiques, les comédies, variétés et sports venant au deuxième rang. Parmi les émissions dramatiques en provenance des Etats Unis, les plus connues sont SWAT, Baretta, Kojak, Hawaï 5-0, Cannon, The Waltons, Disneyland, Streets of San Francisco, Charlie’s Angels, The Father and the Father’s Gang, Starsky and Hutch et Bonanza. Comme l’indiquent les titres, beaucoup d’émissions ont pour trait principal la violence, la crime et les bagarres avec les détectives et les policiers. La violence tient aussi une large place dans les dessins animés importés.

La violence à la télévision et l’importance donnée à des personnages, valeurs, attitudes et comportements morale- ment peu recommendables font, à l’heure actuelle, l’objet de critiques de la part des journalistes, des hommes de science et des représentants du gouvernement, tels que le Ministre des Télécommunications. U n soir de mars 1977, entre 21 heures et 24 heures, on a compté sur les sept chaînes de Sao Paulo 64 meurtres, 38 fusillades, 7 cas de violence sexuelle, 22 combats avec violence physique, 3 vols, 16 cas d’intimidation et 7 vols à main armée (O Estado de Sao Paulo, 1977a). Près de 90 pour cent des scènes de violence présentées à la télévision sont dans des séquences venant des Etats-Unis (O Estado de Sao Paulo, 19 7 7b).

Page 51: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Effets de la télévision sur les enfants. Malgré les critiques du public à l’endroit du contenu de la télévision, il existe très peu d’études brésiliennes sur les effets de cette dernière. Les psychologues ne se sont pratiquement pas penchés sur le danger encore plus grand que peut représenter pour les enfants ce contact avec la violence et des comportements et attitudes répréhensibles. I1 n’y a pas non plus d’études sur les effets immédiats et à long terme de la télévision, notam- ment de la publicité pour les enfants, qui est largement pratiquée au Brésil par les agences. En outre, dans les mes- sages publicitaires, le fait de fumer et de boire est souvent associé à la réussite, à la belle vie, aux endroits de rêve et à l’aventure. On n’a pas fait de recherches pour voir si ce genre de représentations “séduit les innocents”, créant ainsi plus de fumeurs et de buveurs que par le passé. Une commis- sion de chercheurs et de spécialistes des médias a été nommée par le Ministère de la communication (juillet 1977) et chargée d’étudier l’influence de la télévision sur les enfants et la société brésilienne en général.

Les données limitées recueillies par quelques chercheurs donnent à penser que l’avènement de la tolévision dans les foyers a réduit le temps que les enfants de l’école élémentaire consacrent à l’étude, au jeu, à la lecture et à l’écoute de la radio. Au cours d’une étude portant sur des élèves du secon- daire (Pfromm Netto, 1976), les filles ont parlé d’une réduction (par ordre d’importance décroissant) du temps consacré à aller au cinéma, à lire des journaux, à écouter la radio, à lire des magazines, à lire des livres et à se promener. Chez les garçons, la hiérarchie des activités réduites a été différente ; ils ont énuméré dans l’ordre : écouter la radio, lire des livres, lire des journaux, aller au cinéma, lire des magazines et se promener. Quand on leur a demandé quel était le moyen de communication qui leur manquerait le plus s’il n’existait plus, presque tous les jeunes ont répondu la télévision. Une étude faite à Londrina, dans 1’Etat de Paraná (Coutinho, 1972), a donné des résultats identiques.

LA TELEVISION EDUCATIVE : L’APPORT DU BRESIL

En 1965, quinze ans après les débuts de la télévision dans le pays, le gouvernement fédéral a réservé 55 canaux d’ondes métriques et 75 canaux d’ondes décimétriques dans les capitales des Etats et territoires à la télévision éducative non commerciale. Deux ans après, le nombre de canaux d’ondes métriques réservés à ïéducation est passé à 143 (Reis, 1972). Seules huit stations de télévision éducative diffusent régulièrement des émissions à l’heure actuelle, mais on prévoit d’en instituer quatre ou cinq autres. Deux seulement sont des stations importantes avec un niveau de production et un nombre d’heures de diffusion élevés - la Fundaçào Padre Anchieta à Sào Paulo et la Fundação Centro Brasileiro de Televisào Educativa à Rio de Janeiro.

Le Fundaçào Padre Anchieta dirige Televisào Cultura qui est retransmise dans les diverses parties de 1’Etats de Sào Paulo. Televisào Cultura est reçue dans les trois quarts de 1’Etat. Avec l’aide de fonds publics, la Fundaçào Padre Anchieta fournit des séries éducatives et instructives à plusieurs stations de télévision éducative et stations commer- ciales en dehors de 1’Etat sous forme de bandes vidéo et cinémascope.

La Fundação Centro Brasileiro de Televisão Educativa est un centre fédéral de télévision éducative créé en 1967 qui représente les intérêts du Ministère de l’éducation et de la culture dans le domaine de la télévision et qui fournit des émissions éducatives et culturelles à d’autres stations de télévision éducative et à des stations commerciales. Ce centre a fonctionné exclusivement comme centre de produc- tion de 1967 à 1975. En 1976, il a commencé à diriger sa propre’station à Rio de Janeiro. Joüo du SiZva, un feuilleton sentimental (ou télédramaromanesque à épisodes) à contenu éducatif est son œuvre principale : nous y reviendrons ultérieurement.

Dans le nord et le nordiest du Brésil, des stations de télévision éducative ont cherché à mettre au point des projets moins ambitieux pour servir de compléments au système éducatif normal. Ce genre de projet existe notam- ment en Amazonie. La télé-université de 1’Etat de Rio Grande do Norte est égaiement active et utilise pour l’essen- tiel des émissions faites a São Paulo et Rio de Janeiro. Deux autres stations de télévision éducative existent dans les Etats de Pernambuco et de Rio Grande do Sul. Les moyens, l’assise financière et la qualité de la production varient beaucoup d’une station à l’autre.

Nul ne peut nier la vigueur et la persévérance des efforts de la télévision éducative brésilienne. Mais, avec l’envergure limitée de son public, de ses ressources et de son influence et avec son rythme d’expansion très modeste au cours des dix dernières années, elle semble un pygmée par rapport aux géants que sont les réseaux commerciaux. Située dans les capitales des Etats, avec une zone de desserte limitée et seulement trois ou quatre heures de diffusion par jour, la télévision éducative est mal comprise et noyée dans la masse de la télévision commerciale qui lui dispute le gros du public.

Et pourtant il n’existe pratiquement aucun autre moyen de répondre aux besoins éducatifs et culturels du pays aussi rapidement et en touchant instantanément autant de mil- lions de personnes. Dans un rapport spécial rédigé par l’un des auteurs (Pfromm Netto, 1975d) du present chapitre pour donner des indications sur la politique à adopter dans 1’Etat de S5o Paulo en matière de télévision éducative, plusieurs aspects de cette question ont été soulignés et sont résumés ci-après. (1) La réalisation des objectifs nationaux dépend dans une

large mesure de l’amélioration du niveau éducatif, culturel et intellectuel du peuple brésilien.

(2) I1 est impossible de parvenir rapidement à développer et améliorer l’éducation et à élever le niveau intellectuel et culturel par le seul recours aux moyens de communi- cation traditionnels. Pendant quatre siècles, le Brésil a conservé un système d’éducation très élitiste. I1 y a encore quelques dizaines d’années, c’était l’un des pays les plus arrièrés du monde. Le moment est venu de faire l’usage le plus intensif et le plus large possible de moyens d’enseignement non conventionnels comme la télévision.

(3) L’avenir du Brésil dépendra de plus en plus de la mesure dans laquelle le grand public comprendra la science et la technologie et fera preuve des capacités spécifiques qui leur sont liées. I1 convient de lancer une campagne nationale d’“alphabétisation” scientifique et technologique.

(4) En règle générale, la télévision commerciale essaie avant tout de “donner au public ce qu’il veut’’ puisqu’elle dépend directement de la masse de ses téléspectateurs et des publicitaires qui parrainnent les émissions. La contribution de la télévision commerciale à l’enrichisse- ment culturel et éducatif du public reste très limitée. Cependant, il faut que les éducateurs, les hommes de science, les citoyens conscients et les responsables des diverses communautés s’efforcent de modifier en mieux 1’ “enseignement caché” que la télévision commer- ciale propose au grand public.

(5) La télévision apprend aux enfants à apprendre. Mais dans la plupart des foyers au Brésil, il n’y a qu’un poste de télévision et lechoix des émissions appartientgénérale- ment aux adultes, qui veulent surtout se distraire en regardant les feuilletons sentimentaux, les films ou les sports. De 18 à 24 heures, les plupart des enfants n’ont pas le droit de changer de chaîne pour regarder des émissions éducatives. Le comportement, les attitudes et le système de valeur des enfants sont façonnés par l’exemple des adultes qui les entourent. Si ces derniers utilisent seulement la télévision comme moyen d’éva- sion et de distraction, en rejetant l’univers de la connais- sance et de l’apprentissage, il est très peu probable que

51

Page 52: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

leurs enfants considèrent jamais la télévision comme un instrument de développement personnel. Voilà pour- quoi, dans des pays en développement comme le Brésil, la télévision éducative publique sans but commercial revêt une importance toute particulière, que ce soit dans la salle de classe (moins de 1 pour cent des salles de classe au Brésil sont équipés d’un poste de télévision) ou dans les foyers.

La préparation, la réalisation, l’utilisation et l’évaluation des émissions de télévision éducative se fait au Brésil selon des modalités très variées, allant des plus simples (avec un professeur et un tableau noir devant la caméra) aux plus complexes faisant appel à d’autres éléments pédagogiques (textes imprimés, examens, ateliers) associés à la télévision.

Exemples d’émissions éducatives pour enfants. Deux cas ont été choisis pour illustrer certains des efforts les plus représentatifs dans le domaine de l’éducation préscolaire et élémentaire, le cadre du présent exposé ne permettant pas de discuter de l’enseignement secondaire, des examens d’Etat ou de l’éducation élémentaire des adultes.

Cas no 1 : Education préscolaire, Vila Sésamo. La première tentative faite pour contribuer par la télévision à l’éducation des très jeunes enfants est née d’un projet de coopération entre Televisiio Cultura, Televisão Globo (grand réseau de télévision commerciale) et le Children’s Television Workshop (CTW) aux Etats-Unis. Sur la base du système de réalisation retenu par le CTW pour la version originale de Sesame Street (Palmer, 1972), une version en langue portugaise, Vila Sésamo, a été mise au point pour le Brésil. O n n’a conservé qu’une partie de Sesame Street (surtout des dessins animés, Ernie et Bernie, ainsi que des extraits des séquences sur les animaux dans les zoos).

Les équipes de recherche et de réalisation ont travaillé en étroite collaboration. Au cours de la phase de mise au point, on a fait passer à des enfants brésiliens de nombreux tests portant sur l’attention, la compréhension, la participation active,la modification du comportement,I’intérêt, le langage, les personnages préférés, etc., dans le cadre des études d’évaluation formative. De nouveau personnages brésiliens ont été ajoutés et plusieurs personnages américains retirés. Tous les personnages réels ont été puisés dans la réalité brésilienne et le contexte dans lequel on les a campés était un village modeste, typique de milliers d’autres au Brésil, une sorte de microcosme résumant tous les villages brésiliens, une petite collectivité de gens comme tout le monde - avec le réparateur et sa femme, l’épicier, l’instituteur, et une version brésilienne de “Big Bird” et d’autres personnages.

Avant que ne commence la production de la série, une émission pilote a été réalisée et soumise à un conseil d’éducateurs et de psychologues. Il a été tenu compte des réactions des enfants brésiliens, de leurs analyses criti- ques, leurs avis et leurs suggestions. On a procédé au choix des mots clés, décidé de l’utilisation de diverses ressources, défini la population cible et les caractéristiques principales de la série et retenu les éléments à emprunter à la série américaine Sesame Street.

La recherche formative menée par une équipe de psycho- logues et d’éducateurs a fait l’objet de discussions avec les réalisateurs pendant toute la période de production. On a principalement eu recours à l’observation du comportement des enfants, à des questionnaires et à des entretiens. Le travail a généralement été effectué auprès de 100 à 120 enfants de 5 ans qui regardaient, par groupe de cinq ou de six, les échantillons d’émission de télévision projetés en circuit fermé. Les éléments retenus étaient les suivants : attention et compréhension, augmentation de l’estime accordée à autrui, verbalisation, agressivité, sens de l’humour, partici- pation active, capacité de raconter des histoires, conflits entre les personnages, larmes.

Comme pour la série originale Sesame Street, les efforts de recherche formative ont comporté trois volets : établis- sement des objectifs pédagogiques, réalisation de tests portant sur des facteurs déterminants (intérêt suscité,

attention et compréhension) et enfin, réalisation de tests sur les connaissances acquises.

L’utilisation de Vila Sésamo au Brésil s’est accompagnée d’un étrange paradoxe. Lasérie originale Sesame Street était, comme chacun sait, surtout destinée à aider les enfants défavorisés des villes. Mais au Brésil, il a malheureusement été impossible d’obtenir la coopération étroite de sources extérieures (privées ou publiques) qui auraient pu permettre de faire systématiquement profiter de cette série les enfants des zones défavorisées. Les spectateurs ont été essentielle- ment des enfants de la classe moyenne ou de milieux socio- économiques élevés. Certains esprits critiques ont fait observer que Vila Sésamo venait en aide aux enfants qui n’en avaient pas besoin. Devant ces critiques, on a alors entrepris un effort de recherche sommative auprès des enfants défavorisés de Brasilia ; dans cette étude sur le terrain appelée “Projeto Garibaldo”, 2.600 enfants de 5 à 6 ans ont été mis en contact avec une nouvelle version de Vila Sésamo. Les résultats de cette évaluation n’ont pas encore été rendus publics, bien que le plan fondamental en ait été donné par ailleurs (Aguiar, 1974, 1975).

Cas no 2 : Les enfants de l’école élémentaire et Telescola. C’est à la Fundação Padre Anchieta, à São Paulo, qu’a été mis au point le plus ambitieux et le plus largement soutenu des projets d’aide aux enfants de l’école élémentaire par la télévision. Telescola a débuté en 1972 : sous l’impulsion d’un des auteurs (Pfromm Netto), certaines des carances du système d’enseignement public de 1’Etat de São Paulo (échecs scolaires,abandons scolaires, médiocrité de l’enseigne- ment et faiblesse des ressources et moyens pédagogiqu.es de la grande majorité des écoles élémentaires) ont été analysées et discutées au sein de la Divison de l’éducation de la Fundação Padre Anchieta, Televisão Cultura, avec le concours de spécialistes de l’école élémentaire. Une liste d’objectifs à atteindre sur le plan des programmes scolaires a été établie ; la priorité a été donnée aux mathématiques et aux disciplines scientifiques. En effet, les mathématiques étaient apparues comme principalement responsables des échecs scolaires. Si les discipiiies scientifiques faisaient piètre figure, c’était en raison du manque d’appareils et de matériel ; en outre, l’enseignement était dispensé essentielle- ment par des cours magistraux.

Des spécialistes du contenu, des inspecteurs et du person- nel auxiliaire se sont penchés particulièrement sur la question des mathématiques et des sciences en 5ème année d’études. Au départ, cinquante-six écoles publiques ont été choisies pour participer au programme. La surveillance directe était assurée par la Fundaçao Padre Anchieta ; les élèves passaient des tests tous les jours avant et après chaque émission. En 1975, près de 8.000 élèves des écoles élémentaires et 300 enseignants ont participé à Telescola. La Fundação Padre Anchieta a mis un poste de télévision à la disposition de chaque classe. L’équipe responsable du projet se composait de huit groupes cohérents d’experts comprenant des consultants en mathématiques, des consultants en sciences, des rédacteurs, des conseillers pédagogiques, des gestionnaires du projet, des réalisateurs d’émissions de mathématiques, des réalisateurs d‘émissions scientifiques et des inspecteurs.

Telescola a produit et présenté 180 émissions (90 de mathématiques et 90 de science) entre 1973 et 1975. L’évaluation formative constamment employée a permis d’assurer la rétro-information des équipes chargées de la conception et de la réalisation des émissions. Beaucoup de documents (manuels pour les enseignants correspondant à chaque émission, formulaires de tests et matériels complé- mentaires) ont été rédigés et distribués chaque semaine aux écoles concernées.

Chaque jour, et c’était là une innovation importante, on a effectué des mesures de pré-test et de post-test, en donnant aux élèves les bonnes réponses à la télévision, immédiate- ment avant et après chaque émission. Les tests effectués avant l’émission montraient aux élèves les points parti-

-.

52

Page 53: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

culiers à rechercher dans l’émission. Les comparaisons que les élèves pouvaient faire entre leurs résultats aux pré-tests et aux post-tests et les bonnes réponses servaient de renforce- ment puisque les résultats étaient donnés tout de suite. Une comparaison des résultats aux pré-tests et post-tests a confiimé dans l’ensemble la valeur de l’enseignement donné à la télévision et les avantages qu’il y a à i’asocier aux activités dirigées par le maître en classe. Pour la première série de trente émissions de mathématiques, quatre-vingt quatre objectifs (comportements à acquérir) ont fait l’objet de l’évaluation par test avant et après l’émission. Les gains sont apparus insuffisants pour quatre objectifs seulement. Les résultats ont été identiques en ce qui concerne les objectifs d’ordre scientifique.

La procédure adoptée pour la rédaction du scénario des émissions de Telescola mérite qu’on s’y attarde un instant. On indiquait aux rédacteurs, aux réalisateurs et aux éduca- teurs les principes de la technique pédagogique à utiliser pour préciser les attitudes à acquérir et pour mettre au point les éléments à tester pour chaque émission. L’un des auteurs, Pfromm Netto, a suivi une démarche en six étapes pour la réalisation des émissions de télévision et la rédac- tion des textes d’accompagnement : description des objectifs en termes de comportement : description, sur le plan du comportement, des caractéristiques du public et de son attitude au début de l’expérience ; analyse de chaque objectif de comportement afin de déterminer la structure des connaissances et capacités, les généralisations, distinc- tions et séries à acquérir, les exemples et contre-exemples ; rédaction de la succession des séquences d’enseignement et d’apprentissage ; réalisation de l’émission ; évaluation. Des modes spéciaux de présentation graphique ont été élaborés pour chaque étape.

En général, les études d’évaluation sommative effectuées à la fin de l’année scolaire, en 1973 et en 1974, ont montré que les résultats obtenus par les enfants des classes Telescola étaient supérieurs à ceux des enfants des classes tradition- nelles. Le critère d’évaluation sommative était l’échec ou la réussite aux examens de fin d’année. Ces résultats confirment ce qui ressortait déjà des comparaisons des mesures de pré- test et post-test, à savoir que la télévision peut être un moyen très efficace d’apprendre aux enfants de l’école élémentaire les faits et aptitudes cognitifs complexes requis en mathématiques eten sciences. il faut noter que le nombre des écoles élémentaires qui participaient à ce programme se trouvaient dans des zones deshéritées. Les enfants de milieux défavorisés étaient ceux p o w lesquels l’enseignement télé- visé était le plus indiqué car leurs classes manquaient généralement de matériel pédagogique et n’avaient que des instailations médiocres et des maîtres mal préparés (Pfromm Netto, 1975~).

L’un des aspects intéressants de Telescola était le style de l’émission. Plusieurs séquences types de style différent ont fait l’objet d’un examen préliminaire et d’une évalua- tion empirique sur le terrain. Il est apparu que le style le plus efficace était l’association d’une histoire simple à l’utili- sation très large des ressources visuelles ayant un lien direct avec les objectifs de comportement. Des styles plus complexes (et plus onéreux) n’apportaient rien de positif sur le plan des résultats aux tests. En fait, contrairement à toute attente, une mise en scène coûteuse (par exemple, une leçon de mathématiques donnée sous forme de spectacle de cirque magnifique avec beaucoup d’acteurs et de moyens était certes attrayante, mais donnait de moins bons résultats sur le plan de l’apprentissage qu’un scénario simple, plus

direct et moins ambitieux, n’utilisant que trois ou quatre acteurs. D’un autre côté, le style d’émission le plus dépouillé, un professeur faisant son cours devant la caméra, n’était pas du tout satisfaisant non plus. Nos résultats et nos observa- tions semblent indiquer que si tropde “fiontures”d6tournent l’attention de l’apprentissage, les leçons télévisées tradition- nelles ne parviennent pas non plus à capter l’attention des enfants de l’école élémentaire au Brésil. Les meilleures émis- sions se situent entre ces deux extrêmes.

CONCLUSIONS GENERALES

En vingt-sept ans d’expansion de la télévision brésilienne, il s’est produit une augmentation étonnante du nombre de récepteurs en usage, fabriqués pour la plupart au Brésil pendant les dix dernières années. La diffusion s’est aussi rapidement développée ; elle est dominée par deux grands groupes, Globo et Associados avec, en deuxième position, un groupe de stations indépendantes qui leur sont associées d’assez loin. Huit stations de télévision éducative, qui fonc- tionnent avec des fonds des Etats et du gouvernement fédéral, constituent le sous-groupe le plus vulnérable de la télévision brésilienne. Une grande partie du succès des activités de la télévision vient de sa puissance en tant que véhicule publicitaire. Pour réussir dans la diffusion et la commercialisation, il faut que ce qu’on propose soit reçu et compris par le maximum de gens. Et c’est là, paradoxale- ment, que réside l’essentiel de la puissance et aussi du danger de la télévision dans un pays en développement comme le Brésil. Contribuer au bien-être de la collectivité, répondre aux besoins du pays en matière d’éducation, contribuer à préserver les valeurs et coutumes fondamentales de la société et de la famille sont loin d’être le souci prioritaire des organismes de télévision commerciale. il ne suffit pas de diffuser, plusieurs fois par semaine, une heure d’émission divertissante ou instructive pour les enfants. Cette rareté des émissions éducatives contraste de manière frappante avec les nombreuses heures de violence, de médiocrité, de conduites répréhensibles, de cynisme, d’hypocrisie et de conflits s’exprimant par l’agression verbale ou physique, ainsi que d’annonces publicitaires prônant l’achat de n’importe quoi sans se soucier de savoir si cela est bon ou mauvais, utile ou pas, essentiel ou superflu.

En dépit des difficultés mentionnées, il y a depuis quelque temps au Brésil des signes qui montrent que l’on se préoccupe davantage de remédier à ce déséquilibre. Cette prise de conscience du public est essentiellement due aux efforts de plusieurs stations de télévision éducative qu’illus- trent bien les deux cas que nous avons examinés. Mais ce souci croissant d’améliorer la télévision se manifeste aussi dans certains services de l’Etat, et en particulier aux Ministères de l’éducation, de la culture et de la communica- tion. Même dans les milieux de la télévision commerciale, on rencontre des gens qui semblent prendre mieux conscience de leur responsabilité sociale et qui agissent en conséquence. Ces tendances nouvelles, qui visent à faire de meilleures émissions pour les enfants, permettent d’espérer que les possibilités qu’offre la télévision pour l’éducation et le développement des jeunes enfants se traduiront enfin dans les faits au cours de la prochaine décennie. Une évaluation scientifique reposant sur des données expérimentales et empiriques solides devra être I’un des éléments clés de cette entreprise si l’on veut qu’elle réussisse.

53

Page 54: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

CHAPITRE 9

LE PROJET SITE EN INDE

Par Mira Aghi

L’expérience de télévision éducative par satellite (Satellite Instructional Television Experiment), couramment appelée SITE a eu lieu en Inde du ler août 1975 au 31 juillet 1976. Cette expérience ambitieuse était fondée sur un arrangement aux termes duquel les Etats-Unis ont prêté un satellite de la NASA (Applied Technology Satellite-F) à l’Inde pendant un an. Cela a permis de diffuser des émissions de télévision dans des villages isolés au moyen d’antennes assez simples conçues pour recevoir le canal de transmission unique du satellite qui les survolait. C’est à llnde que revenait la responsabilité de la conception et de l’exécution de l’expé- rience, y compris la totalité des opérations et du matériel au sol, l’élaboration des émissions et l’évaluation de l’expé- rience. On trouvera une présentation plus détaillée de la planification du Projet SITE dans d’autres publications (Chander et Karnik, 1976).

Ce projet constituait un immense défi et toutes les personnes aux fonctions très diverses qui y ont participé ont fait preuve d’un dévouement et d’un sens des responsa- bilités exceptionnels. Il a fallu faire appel à une vaste gamme de disciplines et former de nouveau collaborateurs - anthropologues, sociologues, psychologues, éducateurs, producteurs de télévision, rédacteurs, acteurs, ainsi que des scientifiques, techniciens et ingénieurs. I1 a également été nécessaire de recruter des responsables de projet, des spécialistes de recherche opérationnelle et tout un personnel de soutien varié. O n a demandé à ceux qui participaient à l’expérience de ne pas introduire leurs propres idées pré- concues dans le travail d’équipe qui était organisé. Les spécialistes des sciences sociales se sont ‘mis à utiliser les diagrammes de travail PERT, dont ils n’avaient pas l’habi- tude, ainsi que les termes s’y rattachant, et les scientifiques et les ingénieurs à parler profils d’audiences, attention, apprentissage et études holistiques. La localisation et l’organisation des activités du Projet SITE sont indiquées à la Figure 6.

L’objet de cette expérience d’un an était d’atteindre les habitants des zones rurales isolées, surtout ceux qui n’ont guère accès aux autres moyens de communication, avec des émissions de télévision éducative, sans avoir à utiliser la technologie des stations de relai au sol. La télévision par satellite a apporté la communication au monde rural et cette innovation, pour la première fois, n’était pas discrimi- natoire à l’égard des populations non urbaines. Ce système a été conçu pour répondre aux besoins des villages isolés de l’Inde. Des régions rurales ont bénéficié de prestations télévisés publiques avant bien des zones urbaines, et le courant habituel de la technologie et des services a ainsi été inversé.

Objectifs du Projet SITE. Les objectifs généraux du Projet SITE étaient les suivants : Acquérir de l’expérience en matière de développement,

d’expérimentation et de gestion d’un systme de télé-

vision pédagogique par satellite, notamment en zone rurale, et définir les paramètres optimaux de ce système.

Faire la preuve de l’intérêt potentiel de la technique des satellites pour la création rapide de moyens de communi- cation de masse efficaces dans un pays en développe- ment.

Faire la preuve de l’intérêt potentiel de la télévision trans- mise par satellite pour la formation pratique des habitants des villages.

Stimuler le développement de l’Inde, avec d’importantes conséquences dans le domaine de la gestion, de l’éco- nomie, de la technologie et dans le domaine social.

Les objectifs précis en matière d’enseignement et de dévelop- pement portaient sur la régulation des naissances, l’agricul- ture, l’intégration nationale, l’éducation des enfants, la formation des enseignants, la formation professionnelle, la santé et l’hygiène. Dans le présent exposé, nous exa- minerons particulièrement les émissions éducatives pour enfants et leur évaluation.

Caractéristiques principales du Projet SITE. Nous les examinerons en six rubriques.

Technologie et mathiel. Ahmedabad, quartier général de l’expérience, possédait la station terrestre principale d’où partaient les émissions. Une deuxième station terestre fut construite à Delhi spécialement pour le Projet. La station terrestre d’Ahmedabad était reliée par micro-ondes à un émetteur situé à Pij, à cinquante kilomètres environ. La station terrestre de Delhi était reliée au studio de télévision et à l’émetteur existants de All India Radio (appellie aujourd’hui Doordarshan), qui est le principal organisme de réalisation et de diffusion de l’Inde. Les signaux émis à Ahmedabad et à Delhi étaient transmis par les stations ter- restres au satellite qui les amplifiait et les retransmettait aux antennes paraboliques et aux convertisseurs de chaque village pour que les postes de télévision ordinaires à batteries puissent les recevoir. On disposait ainsi de deux canaux audio et d’un canal vidéo.

Villages participants Ù l’exphience. Deux mille quatre cent villages dans six Etats - Rajasthan, Bihar, Orissa, Madhya Pradesh, Karnataka et Andhra Pradesh - recevaient les émissions en direct. II s’agit de villages isolés, anierés et privés des services scolaires et sociaux élémentaires que d’autres communautés mieux loties considèrent comme allant de soi. Dans environ 400 de ces villages, les postes de télévision ont été installés dans un bâtiment public où des centaines de personnes pouvaient regarder les émissions ensemble. Dans bien des cas, toute la population envahissait la place du village et s’accrochait aux arbres alentour pour regarder, étonnée, l’étrange machine placée dans l’embrasure d’une fenêtre du bâtiment communautaire, écran tourné vers l’extérieur.

Le retard éducatif de la région, la proximité de l’alim- mentation en électricité et la possibilité d’accéder aux

54

Page 55: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

I 36

32

28

'24

20

16

12

8

68 72 76 80 84 88 92 96

O I V MAINIENANCE CENIRES

R A S H I R A

36

32

28

24

20

16

12

8

Figure 6. Emplacement et Organisation des activités du Projet SITE

55

Page 56: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

villages pendant la plus grande partie de l’année étaient les principaux critères de choix. Des équipes de techniciens et de spécialistes en sciences sociaiea *c sont rendus dans la plupart des villages avant la sélection. Les techniciens s’intéressaient surtout au site de l’antenne ; les spécialistes en sciences sociales s’attachaient à évaluer les besoins locaux en tenant particulièrement compte des caractéristi- ques démographiques et socio-culturelles des villages. Après avoir choisi les villages, on s’est rendu compte que plus de 80 pour cent d’entre eux n’avaient pas l’électricité dans le bâtiment OU il était prévu d’installer le poste. Pour résoudre ce problème, on a lancé un programme spécial de coopéra- tion avec les gouvernements des Etats et cherché à les convaincre de trouver rapidement de l’argent, des hommes et des ressources pour entreprendre la tâche urgente d’électri- fier le plus grand nombre possible de ces 2.000 villages.

On eut recours à des postes de télévision à batteries dans environ 150 villages qui étaient situés dans des régions dif- ficiles d’accès et éloignés de toute alimentation électrique. Malgré l’absence d’électricité, ces villages ont été retenus pour l’expérience en raison de leurs besoins éducatifs priori- taires. On a organisé des tournées spéciales pour recharger les accumulateurs une fois par semaine et créé vingt quatre centres de maintenance, quatre par groupe régional, chacun disposant d’un véhicule et du personnel nécessaire pour s’occuper du matériel et de la pédagogie.

Gestion. Le Projet SITE réunissait de nombreux et divers partenaires. Les plus important était All india Radio, qui produisait et diffusait les émissions. L’Agence spatiale améri- caine, la NASA, travaillait en étroite collaboration avec l’organisation indienne de recherches spatiales (Indian Space Research organization). La participation de plusieurs autres agences et administrations centrales était également néces- saire à la bonne marche de l’expérience. Le Ministère de l’éducation, et spécialement sa section de technologie éduca- tive, a joué un grand rôle dans le Projet SITE.

L’enthousiasme et l’esprit d’aventure qui entouraient le Projet SITE ont même gagné les fonctionnaires des Minis- tères - qui normalement se contentent de participer aux cérémonies. Des collaborateurs travaillant à plein temps avec beaucoup de dévouement au niveau des Etats ou au niveau national ont accompli leur tâche avec diligence et sans heurts. U n système composé d’un responsable de programme, travaillant avec plusieurs sections qui remplissent différentes fonctions, a été utilisé en Inde pour la première fois dans le Projet SITE et a donné toute satisfaction. Chaque section avait son propre budget et l’entière responsa- bilité de certaines tâches. Le responsable de programme n’exercait souvent qu’une autorité indirecte sur les individus ; les relations étaient fréquemment horizontales ou diagonales plutôt que verticales. Beaucoup d’experts d’horizons diffé- rents sont intervenus et un système d’autorité hiérarchique traditionnel aurait créé de sérieuses difficultés.

Emissions de télévziion. Les objectifs éducatifs du Projet SITE étaient les suivants : régulation des naissances, améliora- tion des pratiques agricoles, intégration nationale, améliora- tion de l’écuation des enfants et celle de l’état sanitaire grâce à une bonne alimentation et des habitudes d’hygiène. Le Projet visait aussi à augmenter le nombre et la qualité des enseignants qualifiés pour les écoles de villages et à améliorer la qualification professionnelle des enfants et des adultes. Les émissions étaient diffusées en deux séries, le matin et le soir, ce qui représentait plus de 1.200 heures d’émission en un an pour atteindre les objectifs fixés. Cette production dépassait en durée le total des longs métrages réalisés en Inde chaque année, alors même que ce pays en produit plus qu’aucun autre pays au monde.

Logistique des émissions. Les émissions étaient diffusées à raison de quatre heures par jour - 150 minutes le soir et 90 minutes le matin. Les émissions du matin étaient exclu- sivement destinées aux classes d’enfants de 5 à 12 ans. Bien que les thèmes puissent rappeler des sujets scolaires, les émissions n’étaient nullement axées sur les programmes

2 2 m n en hindi

3 0 m n enhindi

3 0 m n en hindi

d’enseignement scolaire. I1 s’agissait plutôt d’élargk les pers- pectives et d’“enrichir” les cours faits en classe.

Les émissions éducatives pour adultes duraient 150 m n tous les soirs et traitaient de la planification familiale, de l’agriculture, de la santé et de l’hygiène. Elles étaient dif- fusées en quatre langues : hindi, oriya, telugu et kannada. L’hindi est parlé dans trois Etats : le Rajasthan, le Bihar et le Madhya Pradesh. Par conséquent, chaque groupe de villages ayant une langue particulière dans un Etat recevait trente minutes d’émissions dans cette langue locale, plus trente minutes d’“Informations et actualités” en hindi, la langue nationale, ce qui signifie que chaque groupe avait droit à une heure d’émission le soir. De même, chaque groupe linguistique recevait vingt-deux minutes d’émis- sions scolaires pour enfants le matin. Le Tableau 9 présente un résumé de cette grille. Avec d’autres émissions spéciales en plus de ce tronc commun, on arrivait au total de quatre heures par jour.

Tableau 9

2 2 m n 2 2 m n en onya en telugu

3 0 m n 3 0 m n enoriya entalugu

3 0 m n 3 0 m n en hindi en hindi

Grille de diffusion régionale pour les quatre langues utilisées dans les émissions

Matin Emissions éduca- tives à l’école

Soir Régulation des naissances, agriculture, santé, hygiène, éducation des adultes

Informations, actualités

Madhya Pradesh Pradesh

Kamataka

22 m n en kannada

30 m n en kannada

30 m n en hindi

Principe et réalisation des émissions. Le principe fonda- mental de toute la programmation était que les émissions devaient être conçues en fonction des destinataires et traiter des besoins et des problèmes des villages. Cinq studios de réalisation ont été installés dans les régions cibles pour faciliter l’élaboration d’émissions vraiment régionales. Delhi était chargée de la production des émissions en hindi pour le Rajasthan, le Madhya Pradesh et le Bihar, ainsi que de l’heure nationale en hindi, commune à tous les groupes. Cuttack réalisait les émissions en oriya ; Hyderabad, celles en telegu et en kannada. Ahmedabad possédait aussi un studio qui desservait essentiellement Kheda, une région du Gujarat central nommée autrefois Kaira. Le cinquième studio, à Bombay, était spécialisé dans les émissions éduca- tives scientifiques pour enfants qui étaient d’abord produites en hindi, puis doublées dans toutes les autres langues du Projet SITE.

All India Radio assurait la réalisation de toutes les émis- sions à l’exception des émissions éducatives scientifiques pour enfants et des émissions destinées à la région de Kheda. L’Indian Space Research Organization (ISRO) était chargée de produire les émissions destinées à Kheda ainsi que les émissions éducatives scientifiques pour tout le pays. Un tiers des émissions pour enfants portaient sur les notions scientifiques élémentaires et leurs applications. Les émis- sions destinées à Kheda étaient réalisées au studio du Centre d’applications spatiales d’Ahmedabad, tandis que les émis- sions éducatives scientifiques pour enfants étaient produites par le studio du Centre d’applications spatiales de Bombay. Le Centre d’applications spatiales, qui est une divison de I’ISRO, était responsable de tout le matériel, de la mainte- nance des postes de télévision et de l’utilisation des émissions.

56

Page 57: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

La réalisation des émissions se faisait aussi bien sur le terrain qu’en studio. Pour le choix des équipements, on a cherché avant tout à minimiser les dépenses d’investisse- ment et de fonctionnement, à avoir un signal de bonne qualité (sans chercher à atteindre à tout prix des normes de qualités considérés comme élevées sur le plan international) et à pouvoir aisément enregistrer des émissions sur le terrain, c’est-à-dire dans des villages qui n’avaient souvent ni bonnes routes ni électricité.

La plupart des réalisateurs n’avaient aucune expérience professionnelle ; il a donc fallu les former et les orienter spécialement avant la production. La façon de procédér n’avait que peu de rapport avec les procédures utilisées dans la réalisation des émissions destinées au public exigeant des régions urbaines de l’Inde.

Evaluation. C’est I’ISRO qui était chargée d’évaluer l’ensemble de l’expérience. La production d’émissions pour des habitants de villages isolés et mal connus était un travail inédit, qui a nécessité des enquêtes préalables et l’établisse- ment de profils d’audiences pour chaque groupe régional, avant toute réalisation. I1 faiiait avant tout savoir pour qui les réalisateurs faisaient les émissions. Qu’elles étaient les caractéristiques particulières, les problèmes et les besoins des villageois visés ? On a recueilli beaucoup d’informations sur les structures de l’agriculture et de l’élevage ainsi que sur la vie des villages. On a systématiquement évalué les besoins dans chacun des domaines intéressant les objectifs du Projet SITE. Ces études ont révélé que les habitants des villages manifestaient un réel intérêt pour toutes les idées simples, qui leur permettraient de mettre en œuvre eux-mêmes des solutions pratiques aux problèmes quotidiens.

Outre l’établissement de profils d’audiences et I’évalua- tion des beoins locaux dans chaque région, I’ISRO a présenté quelques émissions pilotes dès le tout début de l’expérience, afin d’avoir très vite une rétro-information indiquant quelles stratégies de programmation seraient les plus efficaces et quels types de représentations visuelles les téléspectateurs comprendraient le mieux. Cette opération a fourni aux réalisateurs de précieuses indications. Bien sûr, le simple fait de disposer de ces premiers résultats et orientations ne garantissait pas qu’ils seraient bien utilisés par tous les intéressés. La rétro-information devait intervenir au bon moment et être exprimée dans le langage des réalisateurs et non dans celui des experts en sciences sociales. Les cher- cheurs et les réalisateurs ont dû coexister de manière positive. I1 a fallu élaborer un mécanisme pour utiliser efficacement le travail des évaluateurs.

U n système de rétro-information régulière fut mis sur pied, grâce auquel la réaction du public aux émissions était examinée, analysée et immédiatement transmise aux équipes de production qui pouvaient ainsi introduire des corrections en cours de réalisation, modifier les émissions ou même adopter des stratégies de programmation complète- ment différentes. Au total, 112 villages des groupes SITE ont été choisis comme sources de rétro-information rapide. Des données d’évaluation ont été recueillies tous les jours dans 27 villages et envoyées au quartier général du Projet SITE à Ahmedabad où elles étaient immédiatement analysées. Des résumés et des recommendations étaient alors envoyés d’Ahmedabad aux diverses unités de réalisa- tion de base. Cette rétro-information abordait régulière- ment des variables comme l’importance du public, sa composition, la disposition des sièges, l’assiduité des specta- teurs, la popularité et la compréhension de l’émission. Les évaluateurs et les réalisateurs se réunissaient régulièrement pour analyser et examiner les résultats de la rétro- information.

Plusieurs tendances marquées sont ressorties de ces premières études de rétro-information. (1) La taille du public dépendait des diverses opérations qui se déroulaient dans le village. Au début, beaucoup de gens venaient regarder la télévision parce que c’était nouveau. Puis le nombre de téléspectateurs se stabilisait à environ quarante, sauf pour

les occasions spéciales où le groupe s’élevait à 100, 200 ou même 500 personnes. (2) L’émission d’actualités a beau- coup moins plu au public qu’on ne le prévoyait, surtout dans les villages où le hindi n’était que la deuxième langue. (3) La disposition des sièges changeait peu à peu jusqu’au moment où les villageois des castes inférieures et supérieures, hommes et femmes, se mélangeaient complètement et pour la première fois autour du récepteur de télévision. (4) Dans tous les groupes de villages, les enfants étaient les télé- spectateurs les plus fidèles et les plus assidus. (5) Les émis- sions qui contenaient des messages utiles, directs et simples sur l’agriculture, le travail de la terre et l’élevage étaient mieux reçues qu’une danse ou une chanson sans utilité pratique. (6) Les enfants apprenaient et réussissaient à faire beaucoup de choses qu’ils voyaient pour la première fois à la télévision.

A côté des chercheurs qui analysaient la rétro-information fourni par le public, dans le cadre de l’évaluation formative, d’autres experts en sciences sociales, que ce soit dans le Projet SITE même ou en dehors, effectuaient des études sur divers aspects de l’expérience. Des enquêtes, certaines ambi- tieuses, d’autres modestes, ont été. faites pour mesurer l’impact du Projet SITE sur différents publics cibles. Des &tudes de cas fouillées ont permit de mieux comprendre les changements sociaux qui se sont produits ainsi que le pro- cessus de changement lui-même. On a réalisé de petites études pour analyser le contenu de certaines émissions, l’effet de la formation des maîtres sur l’enseignement, et l’impact des émissions scientifiques sur les enfants. On s’est également penché sur des questions sociales intéressantes à propos des effets généraux de la télévision. La télévision a-t-elle comblé ou élargi le fossé qui séparait les villageois des citadins ? En bref, le plan d’évaluation était conçu de maniere à la fois interdisciplinaire et pluridisciplinaire, et faisait appel à un grand nombre de chercheurs en sciences sociales venant de disciplines comme la psychologie, l’anthropologie, la sociologie, les sciences de la communica- tion et l’éducation.

Toutes ces études indépendantes avaient pour objet la télévision (sous ses deux aspects : support et contenu) en tant que phénomène social nouveau. En I’occurence, elles étaient conçues comme des études d’évaluation récapitu- latives. Cependant les résultats feront partie des données de base formatives qui serviront à élaborer de nouvelles émissions après cette expérience d’un an.

Les recherches en matière de programmation effectuées juste avant l’expérience portaient sur les profils d’audiences, l’évaluation des besoins et la récapitulation des pratiques agricoles et méthodes d’élevage couramment utilisées, En outre, les tests d’émissions prototypes ont impliqué une importante activité de recherche. Le premier exercice d’évaluation formative a été fait pour la réalisation des émissions éducatives scientifiques pour enfants au studio SITE de Bombay. Le but principal de cette recherche était de répondre aux questions suivantes : Quel genre de langage sera compris par les enfants des villages ? Quel type de représentation visuelle sera compris et captera leur attention ? Quel est le découpage qui pourrait être intéres- sant et aider l’enfant à comprendre de nouvelles idées ? Quel devrait être le contenu quantitatif d’une une émission durant dix ou onze minutes ? Dans quel ordre faut-il présenter le contenu de l’émission ? Quels sont les éléments qui renforcent la crédibilité du présentateur ? Quel est le genre de présentateur le plus efficace ? Quels sont les modes de présentation les plus efficaces ? Quels genres de person- nages et de situations sont les plus crédibles pour des enfants de milieu rural ?

O n n’a pas mis au point d’expériences contrôlées pour répondre à ces questions. En général, les réalisateurs avaient besoin d’une rétro-information rapide. Certaines études avaient été conçues à l’avance, par exemple, une enquête pour répondre à la première question sur le langage. U n scénario à versions multiples a été testé dans la région cible

57

Page 58: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

sur les enfants des villages pour voir quel était le niveau de langue accessible à la majorité d’entre eux.

Pour ce qui est du contenu, on présentait plusieurs émissions de dix minutes dans les villages cibles. On montrait à des groupes d’enfants les différentes versions, puis on leur posait des questions de compréhension et de mémorisation. Les résultats permettaient de déterminer le contenu quanti- tatif et le niveau de difficulté souhaitables dans une émission de dix minutes.

Pour répondre à la question relative à l’efficacité du pré- sentateur, on montrait aux enfants diverses émissions pilotes, avec des sujets et des découpages très voisins. Par la suite, des entretiens avec les enfants permettaient de voir quel genre de présentateur était le plus susceptible d’améliorer la compréhension et l’attrait de l’émission. De même, on a recherché des réponses rapides et efficaces aux autres ques- tions, en faisant des études fouiiiées et répétées sur des groupes d’enfants. Les réalisateurs recevaient ainsi tous les jours des informations suivies et cohérentes. Au studio SITE de Bombay, un chercheur travaillait à plein temps sur ces évaluations et aidait six réalisateurs ou davantage à mettre au point les émissions d’éducation scientifique. Cette activité portait sur la totatalité du processus, de la concep- tion des émissions à la réalisation et la diffusion. Voici les conclusions principales de ces recherches : 1) Les émissions d’éducation scientifique convenaient surtout aux enfants de plus de 7 ans ; elles étaient en grande partie, voire totale- ment, inaccessibles aux enfants de milieu rural de moins de 7 ans. 2) Les émissions qui plaisaient aux enfants du Madhya Pradesh plaisaient aussi à ceux de la région rural de Dahisar, près de Bombay, et d’Orissa. Autrement dit, les enfants des villages aimaient tous le même genre d’émissions. 3) La combinaison d’un découpage intéressant et d’éléments familiers a semblé particulièrement efficace auprès de tous les enfants de milieu rural, quelle que soit la région. 4) Tous les enfants réagissaient en fin de compte de la même manière aux personnages ou au présentateur de l’émission. Un pré- sentateur très vivant, très proche des enfants, avait leur préférance, qu’il fût jeune ou vieux, masculin ou féminin. 5) Tous les enfants, en général, aimaient mieux voir le présentateur en “vrai” sur l’écran plutôt que d’avoir seule- ment la voix d’un narrateur, toutes choses égales par ailleurs. 6) Même sans image, une voix ayant une forte crédibilité valait mieux qu’une image et une voix si le présentateur n’avait que peu de crédibilité ou ne s’adressait pas aux enfants avec assez de chaleur et d’affection. 7) Tous les enfants adoraient la musique. 8) Les démonstrations et les expériences suscitaient beaucoup d’enthousiasme, surtout celles qui mettaient en scène des enfants, car les téléspecta- teurs avaient l’impressionde participerdirectement.9) Aucun enfant n’appréciait les graphiques élaborés et les symboles abstraits. L’utilisation parcimonieuse de symboles graphiques simples et informatifs, surtout utilisés pour soutenir un message déjà transmis, était bien reçue. 10) Les enfants des milieux ruraux étaient désorientés et gênés par l’usage fré- quent de mots difficiles ou nouveaux et par un excès de messages compliqués. Pour qu’une émission de dix minutes fût vraiment efficace, il fallait qu’elle contienne au plus deux messages nouveaux.

U n aspect important du Projet SITE était la formation d’équipes associant des spécialistes du comportement à la réalisation. C’était la première fois en Inde que des spécia- listes en sciences sociales étaient présents dans ce genre d’équipes. Cette nouvelle conception des équipes a été parfaitement décrite par M. Kiran Karnik, responsable de la cellule de réalisation.

“Après bien des discussions, on considère généralement aujourd’hui que la personne qui dirige la prise de vues [le réalisateur] est le général et, par conséquent, c’est lui qui annonce la pause café ! Mais le général n’est à son poste que sur le champs de bataille, quand on tourne. Le reste du temps, il fait partie de l’équipe désormais bien connue : chercheur en sciences sociales, spécialiste de l’éducation

scientifique, réalisateur [pour les émissions scientifiques]. Au début de SITE, ce cocktail était explosif. En fait, l’expérience a montré que la simple combinaison d’un chercheur en sciences sociales et d’un réalisateur suffisait amplement ; la réunion de ces deux personnalités dépas- sait déjà la masse critique. La manière dont on a résolu ces problèmes de jeunesse pourrait servir de sujet à une thèse de doctorat, mais force est d’avouer que le charme féminin y fut pour beaucoup. Nous avons maintenant à Bombay une spécialiste en sciences sociales qui travaille à plein temps à fournir des informations pour la réalisa- tion des émissions et qui le fait si bien qu’elle est devenue aussi indispensable que le seul et unique enregistreur vidéo de Bombay. (Espérons qu’en dépit des réalisateurs, elle n’a pas autant de défaillances que ce dernier). En fait, elle fait si bien son travail que lorsque SITE se terminera, il y a fort à parier que tous les réalisateurs de Bombay vont vouloir se convertir aux sciences socides et entrer à la Cellule de recherches.”

La collaboration entre chercheur en sciences sociales, spé- cialiste de l’édiication scientifique et réalisateur à Bombay n’est qu’un exemple qui montre que le travail en équipe exige de ceux qui y participent une bonne compréhension du rôledes autres,de leurs points de vue,difficultés et besoins. i1 ne faut surtout pas que le réalisateur ait l’impression qu’il doit mettre un frein à sa créativité et son talent pour se conformer aux indications fournies par les études de mise au point.

Ces études et ce principe des équipes ont également été appliqués à un autre type d’émission, au cours de la réalisa- tion d’une série pour enfants destinée à la région de Kheda. Près de quarante émissions ont été réalisées et des obsewa- tions ultérieures ont fait ressortir qu’elles avaient plu aux enfants. I1 ressort d’études d’évaluation que non seulement les enfants aimaient les émissions mais qu’ils avaient aussi très bien compris leurs objectifs. Ils était également à même de refaire une grande partie de ce qu’on leur avait montré.

Résultats préliminaires et projets d’avenir. Une énorme quantité de données a été réunie au cours du Projet SITE et une partie seulement a pu être analysée pour le moment. Si la plupart des résultats ne se prêtent pas encore à une inter- prétation définitive, on peut, cependant, résumer les conclu- sions de deux études relatives aux effets du Projet SITE sur les enfants.

La première étude examine les effets de l’ensemble (matin et soir) des émissions SITE sur les enfants et a été effectuée par le Department of Educational Technology, National Centre of Educational Research and Training - NCERT (Section de technologie éducative du Centre national de recherche et formation en matière d’éducation). Elle a révélé qu’il y avait très peu de différence, en termes de résultats scolaires, entre les enfants des écoles de I’expé- rience (ceux qui regardaient les émissions) et les témoins (qui ne regardaient pas les émissions), mais d’autres effets observés et mesurés, apparemment liés aux émissions SITE, présentaient beaucoup d’intérêt. Les enfants qui regardaient les émissions empruntaient plus volonteirs des livres et cherchaient des informations ailleurs. Ils avaient davantage tendance à penser de façon scientifique et logique, comme le montrent les résultats des tests passés avant et après les émisisons, dans les disciplines scientifiques. Leurs capacités linguistiques étaient supérieures à celles du groupe qui n’avait pas participé à l’expérience. il est aussi ressorti que; dans les classes qui regardaient la télévision, on trouvait plus souvent des enfants qui posaient des questions et des professeurs qui encourageaient cette curiosité plutôt que l’apprentissage mécanique.

La deuxième étude traitait de l’impact des émissions éducatives scientfiques sur les enfants des villages du groupe de langue hindi (Rajasthan). Elle a débouché sur cinq conclu- sions : Après avoir suivi la série d’émissions, le groupe expé- rimental a obtenu des notes significativement supérieures pour ce qui est de l’information scientifique. Toutefois, on

58

Page 59: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

n’a noté aucun changement significatif dans la manière dont cette information était mobilisée dans une situation donnée pour résoudre un problème. On a observé des changements qualitatifs dans les réactions à l’enseignement scientifique à la suite des émissions chez les enfants du groupe expéri- mental, alors que, chez le groupe témoin, ces réactions demeuraient qualitativement inchangées. On a relevé des différences proches du seuil de signification statistique dans les aspects physiques et intellectuels du développement de l’enfant, mais aucun progrès dans le domaine social, affectif ou culturel. Les conclusions de grandes enquêtes et d’observa- tions suivies faites par des anthropologues sur les change- ments dans les villages semblent montrer que les émissions éducatives scientifiques destinées aux enfants ont également suscité l’intérêt des adultes, qui ont acquis beaucoup de connaissances utiles et élargi leurs horizons.

Conclusion. Les commentaires du Professeur Chitnis, Responsable de programme pour le Projet SITE, méritent d’être cités en conclusion de cette rapide étude de cas.

“Le Projet SITE a montré que l’on peut atteindre des zones reculées de l’Inde jour après jour au moyen de signaux de télévision de haute qualité. Nous avons là une application de la technologie de pointe qui ne pénalise pas les zones rurales malgré leur éloignement et leur isolement. Nous avons diffusé des informations et des connaissances facilement, rapidement et à bon marché, à davantage de gens que jamais auparavant. Nous avons relié plusieurs stations de télévision en un réseau national. Mais nous avons aussi appris qu’un système avancé de transmission par satellite requiert un appareil de program- mation également avancé. I1 nous faut développer rapidement et largement les moyens de programmation et les ressources en main-d’œuvre qualifiée. I1 faut que les institutions spécialisées dans le développement disposent de fonds spéciaux et de personnels compétents pour contribuer à la réalisation d’émissions de télévision. La

conception des activités et la planification des équipe- ments doivent s’articuler sur des objectifs sociaux. La plan concerté d’une série d’émissions, avec des objectifs pédagogiques clairement précisés, doit être préparé suffisamment à l’avance. Un travail de mise au point doit être fait à temps de même que des essais préalables sur prototypes. I1 faut disposer d’une rétro-information permanente et rapide sur les résultats des émissions, afin de pouvoir procéder à des rectifications en cours de route.”

Wilbur Schramm, qui était récemment en Inde, a également fait des observations sur ce Projet :

“La principale leçon a retenir du Projet SITE est que l’Inde est capable de concevoir, de mettre en œuvre et de faire fonctionner un Projet national qui utilise des tech- niques de communication très complexes, de l’implanter dans des villages isolés et d’en assurer la programmation, au moins pour l’essentiel, en tenant dûment compte des divers groupes et langues en jeu. L’expérience indienne permet d’espérer que d’autres nations pourront faire de même si elles en ont la volonté.”

Le satellite de la NASA n’étant à notre disposition que pour un an, le Projet SITE, dès le départ, ne pouvait être qu’une expérience de grande envergure mais de courte durée. A l’origine, il était prévu qu’au moins 40 pour cent des zones du Projet SITE continueraient de fonctionner grâce à un système de relais et d’émetteurs terrestres. Ce passage de la transmission par’ satellite à la transmission au sol a déjà commencé. L’Inde est en train de mettre au point un satel- lite qu’elle fabriquera elle-même et qui devrait être lancé d’ici la fin de la décennie. Ce nouveau satellite couvrira la quasi-totalité du pays. Entre temps, la recherche et les activités de programmation lancées pour le Projet SITE se poursuivent sans cette perspective. Le rôle de l’évaluation a été pleinement reconnu et sera sans aucun doute l’un des éléments clés du futur système de télévision éducative élargi à l’ensemble du pays.

59

Page 60: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Conclusion

La télévision éducative et son impact sur les jeunes enfants suscite un très grand intérêt dans de nombreux pays car elle ouvre des perspectives nouvelles prometteuses pour l’éduca- tion préscolaire de millions d’enfants dans leur foyer, dans un centre communautaire ou dans tout autre lieu où ils peuvent avoir accès à la télévision. Les incidences que ce types de programmes télévisés peut avoir sur les politiques formulées au niveautant nationalquelocal sont considérables et de nombreux éducateurs et dirigeants politiques envisagent sérieusement le lancement d’émissions de ce genre. Après un examen de tout ce que représente la télévision éducative pour les jeunes enfants, il apparaît clairement que la contro- verse sur l’impact réel de la télévision éducative sur les jeunes enfants ne peut se résoudre sans une évaluation fondée sur des techniques scientifiques modernes. Des psychologues, des spécialistes de l’éducation et d’autres spécialistes du comportement ont, dans de nombreux pays, associé leurs efforts pour réunir et développer les compé- tences nécessaires à ces évaluations scientifiques. Les principes, les concepts et les techniques de l’évaluation de l’impact de la télévision éducative sur les jeunes enfants ont fait l’objet d’une brève présentation dans les trois premiers chapitres de la première partie de cette monographie. Diverses études de cas d’évaluation effectuées dans dif- férents pays illustrent ces notions de base dans la deuxième partie. Voici maintenant, un résumé rapide des principaux points déjà présentés et une série de recommendations sur l’évaluation de la télévision destinée aux jeunes enfants.

Pour formuler une théorie générale de la télévision édu- cative, il convient de penser en termes de système et intégrer des concepts propres à l’éducation et des concepts touchant la communication. Les différents aspects de la télévision éducative peuvent être regroupés dans les six rubriques ci-après : technique de transmission ; contenu véhiculé ; contexte social de la reception ; langage ou système de symboles inhérents à la télévision ; facteurs pédagogiques tels que le format et le style de présentation, l’utilisation de la rétro-information ou le niveau de difficulté du contenu ; enfin, les facteurs touchant à l’organisation de l’ensemble des activités aboutissant au produit fini que l’on voit sur l’écran. La télévision éducative se distingue de la télévision en générale par le contenu, le contexte social de reception et les facteurs pédagogiques en présence.

Le fait d’associer la communication et l’éducation dans l’approche du système permet d’établir un modèle d’évalua- tion de la télévision éducative qui repose sur les cinq postulats ou prémisses ci-après : toute démarche éducative, y compris la télévision éducative, fait intervenir tous les éléments communément admis du processus de communica- tion ; le processus de communication ou d’enseignement ne commence pas au même stade pour tous les participants ; les résultats pédagogiques dépendent autant des facteurs de médiation entre les apports et les résultats que des variables d’apport à proprement parler ; tout rôle attribué à un

système de télévision éducative peut assurer différentes fonctions selon le public et le moment considérés ; l’évalua- tion de la télévision éducative assure une fonction de rétro- information qui est plus de l’ordre du diagnostic que de celui du jugement. Différents modèles d’évaluation mettent l’accent sur l’une ou l’autre des trois composantes princi- pales - les apports. qui comprennent les buts de l’émission ainsi que les différents éléments de contenu du programme d’études ou du message ; les resultats, tels que l’évolution des mentalités, l’acquisition de compétences ou l’apprentis- sage de comportements nouveaux ; et les facteurs de média- tion ou processus intermédiaires, comme les conditions de reception, le contexte social et les activités des participants adultes tels les parents ou les enseignants. Si le plan complet d’évaluation implique la mesure et l’analyse systématiques des variables d’apport, de médiation et de résultat, d’autres types d’évaluation plus spécialisés peuvent aussi être envisagés.

Une étude complète d’évaluation de la télévision éduca- tive peut se diviser en sept étapes principales : la définition et l’observation du public, la mesure des variables person- nelles des variables de traitement ou des variables de résultat, la conception et la mise en œuvre du schéma de recherche, l’analyse des données et l’interprétation des résultats. Cer- tains principes et concepts, tant d’ordre général que de caractère technique, ont été brièvement présentés sous ces sept grandes rubriques. Un liste récapitulative des questions à considérer lors de la conception d’une évaluation de la télévision éducative figure au Tableau 1, page 19.

Les six études de cas de la deuxième partie ont été choisies de manière à illustrer toute une gamme variée d’approches de l’évaluation de la télévision. Les principales évaluations de Sesame Street entreprises par 1’Educational Testing Service des Etats-Unis ont établi un nouveau record pour l’évaluation exhaustive dans le domaine de la télé- vision éducative. L’évaluation sommative s’étendant sur plusieurs années a coûté plus d’un million de dollars et nécessité un personnel nombreux, ainsi que le concours de plusieurs milliers d’enfants et de parents dans tous les Etats-Unis. Le sondage relatif à la télévision à l’intention des enfants aux Etats-Unis comprend également des études de l’influence de la télévision éducative pour enfants sur le comportement social et la personnalité. Cette série d’études sert d’illustration à l’analyse de contenu ainsi qu’aux méthodes expérimentales utilisées pour étudier le comporte- ment réel des enfants.

Une évaluation effectuée au Mexique sur Plaza Sesamo a comporté une série d’expériences, depuis les enquêtes formatives jusqu’aux évaluations sommatives, auprès de plus d’un millier d’enfants d’âge préscolaire, dont la moitié regardaient Plaza Sesamo alors que les autres voyaient des dessins animés, et ce pendant toute une année. Cette vaste étude, unique en son genre, illustre bien les nombreux fac- teurs qui sont souhaitables dans toute évaluation importante des résultats obtenus sur le terrain.

60

Page 61: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

A u Brésil, la télévision a été. depuis ses débuts, une entreprise presque entièrement commerciale, dominée par trois grands réseaux. La plupart des émissions éducatives sont réalisées à Rio de Janeiro et à Sào Paulo et diffusées par un nombre restreint de stations de télévision éducative ainsi que par des stations commerciales. Bien que le Brésil puisse se vanter d’une longue tradition de recherche en matière de télévision, les efforts les plus importants ont

L’exemple le plus connu d’émission éducative pour jeunes enfants est celui de ViZa Sésamo, version en langue portugaise de la série originale Sesame Street. L’émission Telescola, conçue pour la formation des élèves de l’école élémentaire, portait principalement sur les sciences et les mathématiques en liaison étroite avec les programmes d’études scolaires. Ce projet ambitieux s’est distingué par une large évaluation formative destinée à fournir une rétro-information rapide ainsi que par des études d’évaluation sommative effectuées à la fin de chaque année scolaire. Une plus grande prise de conscience du public ainsi que l’adoption récente de mesures par le gouvernement permettent d’espérer qu’à l’avenir, les possibilités qu’offre la télévision pour l’éducation et le développement des jeunes enfants se traduiront enfin dans les faits au Brésil au course de la prochaine décennie. Une évaluation scientifique exhaustive devra de toute façon faire partie de toute entreprise de ce genre si l’on veut qu’elle réussisse.

Le Projet SITE (Satellite Instructional Television Experi- ment) qui s’est déroulé en Inde en 1975 et 1976, constitue une expérience audacieuse et ambitieuse d’utilisation et d’évaluation d’une technologie spatiale de pointe associée à des techniques de communication complexes permettant la diffusion d’émissions de télévision éducative dans des milliers de villages des zones rurales. Dès les premiers stades, cette expérience originale a prévu l’exécution d’évaluations formatives pour l’élaboration, la révision et les études in situ du contenu des émissions. Dans des centaines de villages, l’unique poste de télévision a été installé dans un bâtiment public OU un grand nombre de personnes pouvaient regarder l’émission en même temps. Les différentes étapes de la conduite de l’évaluation forma- tive, ainsi que les principaux résultats des recherches, ont fait l’objet de nombreuses publications. L’expérience n’a duré qu’un an, l’année pendant laquelle le satellite spatial était disponible pour la transmission. Le rôle de l’évalua- tion a été clairement demontré et sera sans aucun doute l’un des facteurs clés de l’extension de la télévision éduca- tive à l’ensemble du pays au cours des dix prochaines années.

Lorsque l’on considère les sept étapes mentionnées au Chapitre 2 (p. 14 et suivantes) qui sont indispensables à toute évaluation exhaustive, on ne saurait s’étonner que si peu d’études d’évaluation valables aient été menées à bien. La plupart des travaux entrepris en dehors de l’Europe et des Etats-Unis sont de nature descriptive et ressortent de l’évaluation formative. I1 est très rare que des études portent directement sur l’impact de la télévision sur les jeunes enfants. Plusieurs raisons expliquent cette absence de recherche évaluative sérieuse.

Premièrement, seuls certains pays possèdent un nombre suffisant de spécialistes du comportement hautement qualifiés à même de mener ce genre de recherche. Même s’il existe dans certains pays en développement des spécialistes du comportement capables de faire ce genre d’étude, ils sont inévitablement trop surchargés de travail pour pouvok se consacrer pleinement à la recherche.

Deuxièmement, la culture même du pays ne favorise pas toujours ce type de recherche même si les ressources néces- saires sont présentes. Au Japon, par exemple, on se montre très réticent à faire intrusion dans la vie de l’enfant, de la famille et de l’école. Peu de mesures d’impact réelles sont faites, alors que les moyens ne manquent pas.

La troisième raison qui explique l’absence d’études d’évaluation sérieuses n’est autre que leur coût relativement élevé pour ce qu’elles apportent. L’évaluation exhaustive effectuée sur Sesame Street en Amérique du Nord a coûté plus d’un million de dollars. En Inde, l’évaluation du Projet SITE a comporté principalement des études du public, des études de faisabilité et des travaux de recherche formative destinés à améliorer la réalisation des émissions plutôt qu’à étudier systématiquement l’impact de la programmation sur le comportement des téléspectateurs. A u Brésil, le contexte

61

Page 62: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

culturel, tout en étant propice à une certaine évaluation, privilégie la télévision commerciale et l’entreprise privée dans la diffusion des émissions. Au Mexique, l’évaluation systématique de Plaza Sesamo n’a pu être faite que grâce à une subvention importante de la Fondation Ford, ce qui a peu de chances de se reproduire dans d’autre pays ni même, d’ailleurs, au Mexique.

Enfin, la plupart des évaluations sommatives de l’impact sur les enfants nécessitent trop de temps pour pouvoir influer pratiquement sur l’émission étudiée.

En dépit de ces réserves et des difficultés inhérentes à la mise en œuvre de recherches évaluatives valables quant à l’impact de la télévision sur le comportement des enfants dans des pays autres que ceux de l’Amérique du Nord et de l’Europe occidentale, il y a, néanmoins, de bonnes raisons de regarder l’avenir avec optimisme. La plupart des pays qui ont fait l’objet d’une enquête, les cas mentionnés dans cet ouvrage n’étant que des exemples parmi d’autres, se sont fermement engagés dans la voie du développement national de la télévision conçue comme un “bien public”. A mesure que ce développement de la télévision s’accélèrera, on peut s’attendre, au course des cinq années à venir, que les gouver- nements et les professionnels responsables des politiques soulèvent des questions importantes quant à la qualité des programmes télévisés et à leurs effets positifs ou négatifs sur les enfants.

O n peut même dire que ce problème est actuellement au premier plan des préoccupations de nombreux dirigeants politiques au Brésil. Dès que la question de l’impact de la télévision est

envisagée comme un problème national sérieux, il suffit de peu pour que l’on reconnaisse l’importance de disposer d’une méthode de recherche évaluative qui se fonde sur les méthodes des sciences du comportement. Dans les pays OU ces sciences sont dé; bien développées et beneficient de ressources importantes, on peut certainement s’attendre au développement d’évaluations scientifiquement valables dans cet important domaine. Malheureusement, la plupart des pays en développement ne possèdent pas un potentiel suffiht sur le plan des sciences sociales et des sciences du comportement pour entreprendre ce genre de recherche.

RECOMMENDATIONS

(1) Les principaux centres de recherche sur la télévision en Amérique du Nord, en Europe occidentale et au Japon offrent déjà des moyens considérables pour la réalisation d’études comparatives semblables à celles qui ont été faites à titre préliminaire sur Sesame Street et Mr. Rogers’ Neighbourhood. I1 existe notamment au Royaume Uni, dans les pays scandinaves, dans la République fédérale d’Allemagne et en France des centres de recherche disposant d’un personnel de psychologues, sociologues et spécialistes du comportement très compétents qui ont déjà engagé de nombreux travaux de recherche. La situa- tion evolue rapidement en ce sens au Japon. Au cours des deux prochaines années, des progrès considerables pourraient être accomplis dans l’élaboration d’études comparatives internationales entre les pays développés si les responsables font le nécessaire sur le plan intema- tional. Des organisations telles que le Children’s Tele- vision Workshop de New York, le Hans-Bredow Institut für Rundfunk and Fernsehen de Hambourg et l’Institut de recherche culturelle sur la radio et le télévision du NHK, à Tokyo, pourraient constituer le point de départ de la réalisation en commF-d:étudesdece genre.

(2) Les travaux de recherche comparative dans les pays en développement OU il existe déjà des ressources pour la recherche quant à l’impact de la télévision sur les jeunes enfants, comme en Inde, en Israël, au Brésil et au Mexique, devraient être ieunis le plus rapidement possible pour former des projets de coopération. Des efforts de

collaboration bilatérale ou multilatérale entre pays en développement pourraient être entrepris dès maintenant avec quelque aide de spécialistes des sciences sociales d’Amérique du Nord et d’Europe, d’organisations publics et de fondations privées. L’étude de cultures très dif- férentes de celles de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord présente sans conteste des avantages appréciables pour toute recherche comparative. En fait, certains types d’études expérimentales, telles que celles qui ont été entreprises dans l’évaluation de Plaza Sesamo au Mexique il y a quelques années, ne peuvent plus être effectués dans les pays occidentaux parce que le public est complète- ment saturé par la programmation télévisée actuelle. Les pays en développement offrent de nouvelles possibilités à la fois pour un contrôle plus rigoureux des variables expérimentales in situ ou pour des études d’impact sur des populations qui n’ont pas encore eu accès à la télévision.

(3) Des études expérimentales à court terme dans des conditions de laboratoire peuvent être réalisées dans les pays très développés d’Amérique du Nord ou d’Europe et au Japon avec plus .de facilité et de plus grandes chances de réussite que dans la plupart des autres pays, à cause de l’étendue des ressources de ces pays, du nombre et de la qualification de leurs spécialistes du comportements et d’une longue tradition de recherche expérimentale. La recherche sur l’agressivit6,le comporte- ment socialement positif, les attitudes envers les autres groupes, ainsi que d’autres variables de résultat impor- tantes pour la télévision s’adressant aux enfants devrait beneficier dans ces pays d’un soutien puissant assuré par les ressources existantes et des groupes d’études sous le patronage de 1’Etat et de fondations privées.

(4) Dans les autres pays du monde qui ne font pas partie des quelques nations très développées et des pays en développement qui possèdent déjà des ressources en ce domaine, il est indispensable de développer largement le potentiel de compétences dans le domaine des sciences du comportement en général. Tant que ces moyens ne seront pas parvenus à un stade et un volume tels que des compétences et des moyens techniques puissent être détournées des autres secteurs prioritaires pour être consacrés à l’étude de l’impact de la télévision sur les jeunes enfants, il est peu probable que des travaux de recherche scientifiquement valables soient entrepris, sauf circonstances exceptionnelles. Comme objectif de poli- tique étrangère, les pays hautement développées devraient se proposer d’améliorer le climat qui entoure la recherche dans les sciences du comportement et son adaptation à l’évaluation d’émissions nationales susceptibles d’avoir des incidences pour les politiques d’autres pays.

(5) Des travaux de recherche récents ont montré que la télévision emploie des images et des systèmes de symboles qui s’adressent à des niveaux plus concrets des structures cognitives de l’individu que ceux que touchent les autres moyens de communication éducatifs. I1 importe de procéder rapidement à des études fondamentales supplé- mentaires pour mieux comprendre les aptitudes mentales qui favorisent l’apprentissage par la télévision. L’exploita- tion de la totalité du potentiel offert par la télévision en tant que moyen de communication éducatif peut être accélérée par des recherches fondamentales plus poussées sur le rapport entre le développement cognitif et perceptif et le “langage” de la télévision.

(6) Pour qu’une évaluation de la télévision éducative ait un maximum d’efficacité, il convient de choisir une approche systématique qui tienne explicitement compte de l’interaction entre les variables d’apport, de médiation et de résultat. Dans les cas OU les moyens disponibles sont limités, on peut envisager une série de petites études d’évaluation utilisant diverses méthodes de sondage et de recherche adaptées aux objectifs particuliers de chaque étude. Une telle série d’études coordonnées peut

62

Page 63: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

fournir une rétro-information corrective aux concepteurs et aux réalisateurs, tout en permettant de savoir quelles sont les composantes de l’émission qui sont plus ou moins efficaces auprès de telle ou telle personne dans telle ou telle condition, grâce à la mesure des variables de critère hautement pertinentes pour les objectifs de l’émission.

(7) La conception et la réalisation d’une émission de télé- vision éducative pour les jeunes enfants seront considé- rablement améliorées si les principes et les concepts de la science de l’évaluation en font partie intégrante dès le début du projet. La méthode du travail en équipe, avec une collaboration régulière entre le scénariste, le réali- sateur, l’artiste, les comédiens et le spécialiste de l’éduca- tion, constitute le moyen le plus sûr de réaliser une émis- sion de télévision éducative de grande qualité.

(8) Une émission qui connait un certain succès auprès d’un public donné doit être adaptée et réévaluée avant de faire l’objet d’une vaste diffusion auprès de téléspectateurs très différents. Dans la plupart des cas, de telles études d’adaptation ne sont pas nécessairement très coûteuses ni très longues à réaliser.

(9) Certaines des conclusions auxquelles est parvenue récemment la recherche dans le domaine de la psycholo- gie génétique peuvent être immédiatement appliquées et améliorer ainsi l’efficacité de l’apprentissage par la télé- vision éducative. Un bilan des recherches récentes sur le développement de l’enfant démontre que la télévision

I

peut également avoir un impact considérable sur le comportement socialement positif, la maturité du juge- ment moral et l’amélioration des attitudes raciales, ainsi que sur le développement linguistique et cognitif.

* * *

Les travaux qui ont été décrits au Japon, en Inde, au Brésil, au Mexique, dans la République fédérale d’Allemagne et, dans une certaine mesure, au Canada et aux Etats-Unis, illustrent les différents types de recherche qui ont été effectués récemment et font apparaître de nouvelles orienta- tions qui devraient devenir prioritaires sur le plan interna- tional. I1 faut hélas constater que le nombre d’études traitant spécifiquement du développement de la personnalité et du comportement social reste très faible, sauf aux Etats-Unis et en Europe occidentale. Il est comprehensible que la majorité des pays se préoccupent surtout dans l’immédiat de réaliser des études de faisabilité, des sondages du public et des évaluations formatives tout en commençant des recherches quant à l’impact de la télévision éducative sur l’apprentis- sage cognitif et les résultats scolaires des jeunes enfants. Nous formulons le vœu que l’effort de coopération interna- tionale que représente cette monographie éveillera un grand intérêt pour le travail de recherche stimulant et important qui reste à faire de par le monde dans le domaine de la télévision éducative et de son impact sur les jeunes enfants.

63

Page 64: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Bibliographie

Aguiar, W.A. 1972. TV didática. Brasilia, Editora de Brasilia. . 1974. Projeto Vila Sésamo. São Paulo, Rede Globo,

Divisão de Educação. . 1975. A TV educativa Ù serviço do Brasil. São Paulo,

Departamento Regional do SENAC no Estado de São Paulo.

Akiyama, T. 1977. Present State of Educational TV and Radio. The NHK Report on Broadcast Research, Vol. 4,

Almeida, M. 1971. ComunicaçZo de massa no Brasil. Belo Horizonte , Jupiter.

Anderson, S.B.; Ball, S. 1978. The Profession and Practice of Program Evaluation. San Francisco, Calif., Jossey-Bass. .; Ball, S.; Murphy, R.T. et al. 1975. Encyclopedia of

Educational Evaluation. San Francisco, Calif., Jossey-Bass. Ball, S.; Bogatz, G.A. 1970. The First Year of Sesame Street:

A n Evaluation. Princeton, N.J., Educational Testing Service.

Bandura, A. 1973. Aggression: A Social Learning Analysis. Englewood Cliffs, N.J., Prentice Hall.

Delay of Reward Through Exposure to Live and Symbolic Models. Journal of Personality and Social Psychology,

.; Ross, D.; Ross, S. 1963. Imitation of Film-Mediated Aggressive Models. Journal of Abnormal and Social

.; Walters, R.H. 1963. Social Learning and Personality Development. New York, N.Y., Holt.

Barcus, F.E. 1971. Saturday Children’s Television: A Report of TV Programming and Advevdsing on Boston C o m - mercial Television. Boston, Mass., Action for Children’s Television.

Bechtel, R.B.; Achelpohl, C.; Akers, R. 1972. Correlates Between Observed Behavior and Questionnaire Responses on Television Viewing.In: E.A.Rubinstein,G.A. Comstock and J.P. Murray (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 4: Television in Day-to-Day Life: Patterns of Use. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office.

Berghaus, M. 19 74. Inhaltsanalyse von Fernsehsendungen. Anmerkungen zu ihrer Bedeutung und Darstellung eines Instruments zur Interaktionsanalyse [Analyse de contenü des émissions de télévision. Observations sur leur significa- tion et leur présentation comme instrument pour l’analyse des interactions,. Rundfunk und Fernsehen, Vol. 3-4,

.___ .; Kob, J.; Marencic, H.; Vowinckel, G. 1978. Vorschule im Fernsehen. Ergebnisse der wissenschaftlichen Begleit- untersuchung zur Vorschulserie Sesamstrasse [Les enfants d’âge préscolaire et la télévision. Résultats d’une étude scientifique réaliséa à l’occasion de la série éducative pré- scolaiKe Sesame Street]. Weinheim und Basel, Beltz Verlag.

Bernstein. B. 1961. Social Class and Linguistic Development:

p. 1-18.

-. ., Mischel, W. 1966. Modification of Self-Imposed

Vol. 3, p. 54-62.

Psychology, Vol. 66, p. 3-1 1.

p. 330-56.

A Theory of Social Learning. In: A.H. Halsey, J. Floud and C.A. Anderson, (eds.), Education, Economy and Society. New York, N.Y., The Free Press.

Bogatz, G.A.; Ball, S. 1971. The Second Year of Sesame Street: A Continuing Evaluation. Vols. 1 and 2. Princeton, N.J., Educational Testing Service.

Bretz, R.; Shinar, D. 1972. Brésil-Télévision éducative. Paris, Unesco. (Doc. No. 2775/RMO/RD/MC.)

Brown, J.R.; Linné, O. 1976. The Family as a Mediator of Television’s Effects. In: R. Brown (ed.), Children and Television. Beverly Hills, Calif ., Sage Publications.

Campbell, D.T.; Stanley, T.C. 1966. Experimental and Quasi-Experimental Design for Research. Chicago, Ill., Rand McNally.

Campos, T.C.G. 1970. A TV nos tornou mais humanos? Principios da comunicação pela TV. Recife, Universidade Federal de Pemambuco.

Castro, S.C.; Lana, G.; Cerqueira, M.F.; Silva, A.C.; Barreto, J.A. 1973. Quoted in: Como a TV influencia crianças. O Estado São Paulo, 17 June 1973.

Chaiken, N.; Eagly, A.H. 1976. Communication Modality as a Determinant of Message ‘Persuasiveness and Message Comprehensibility. Journal of Personality and Social

Chander, Romesh; Kamik, Kiran. 1976. La planification de l’utilisation des satellites Ù des fins éducatives: L ’expérience indienne de télévision educative par satellite. Paris, Unesco.

Coates, Brian; Pusser, H.E.; Goodman, I. 1976. The Influence of “Sesame Street” and “Mister Rogers’ Neighborhood” on Children’s Social Behavior in the Pre-school. Child Development, Vol. 47, p. 138-44.

Cohn, G. Sociologia da comunicação. 1973. São Paulo, Pioneira.

Coloda, S.C.; Vian, I.N. 1972. Cinema e TV no ensino. Porto Alegre, Sulina.

Cook, T.D., et al. 1975. “Sesame Street” Revisited: A Case Study in Evaluation Research. New York, N.Y., Russell Sage Foundation.

Coutinho, L.F. 1972. Adolescentes e televkão. São Paulo, Instituto de Psicologia da Universidade de Sáo Paulo. (Thése de doctorat.)

Chu, G.G.; Schramm, W. 1967. Learning from Television: What the Research Says. Stanford, Calif., Institute for Communication Research, Stanford University. (Final Report, Contract OE4-7-0071123, U.S. Office of Education.)

Diaz-Guerrero, R.; Bianchi Aguila, R.; Ahumada de Diaz, R. 1975. Zavestigación formativa de Plaza Sésamo. México, Editorial Trillas. .; Holtzman, W.H. 1974. Learning by Televised “Plaza

Sésamo” in Mexico. Journal of Educational Psychology,

.; Reyes-Lagunes, I.; Witzke, D.B.; Holtzman, W.H.

Psychology, VOI. 34, p. 605-15.

Vol. 66, p. 632-643.

64

Page 65: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

1976. “Plaza Sésamo” in Mexico: An Evaluation. Journal of Communication, Vol. 26, p. 145-54.

Dworetzki, Gertrude. 1939. Le test de Rorschach et l’évolu- tion de la perception. Archives de psychologie (Genève),

Espinheira, A. 1934. Radio e educaçífo. São Paulo,

Flaveli, J.H. 1963. The Developmental Psychology of Jean

Freud, A. 1937. The Ego and the Mechanisms of Defense.

Friedrich, L.K.; Stein, A.H. 1973. Aggressive and Prosocial

school Children. Monographs of the Society for Research in Child Development, Vol. 38, No. 4. (Serial No. 151.)

-e- ., .1975.Prosocial Television andYoung Children: The Effects of Verbal Labeling and Role Playing on Learning and Behavior. Child Development, Vol. 46,

Fujinaga, T.; Azuma, H.; Nitta, N.; Nagano, S.; Yanashima, T. 1978. Television’s Effects upon Cognitive Development. Educational Technological Research, Vol. 2, p. 1-7. .; Yanashima, T. 1974.1975.1976. Open: Pon Kikki!

Evaluation Study, (1) (2) (3). Tokyo, Fuji TV. Gerbner, G. T9m. The Analysis of Communication Content.

New York, N.Y., Wiley. . 1972. Violence and Television Drama: Trends and

Symbolic Functions. In: G.A. Comstock and E.A. Rubinstein (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 1: Media Content and Control. Washington, D.C., US. Government Printing Office.

Ginsburg, H J.; Opper, S. 1969.Piaget’s Theory ofzntellectual Development. Englewood Cliffs, N.J., Prentice-Hall.

Gorn, G J.; Goldberg, M.A.; Kanungo, R.N. 1976. The Role of Educational Television in Changing the Intergroup Attitudes of Children. Child Development, Vol. 47,

Graves, S.B. 1975. How to Create Positive Racial Attitudes Communication présentée à la réunion biannuelle de la Society for Research in Child Development, Denver,Colo.

Gnisec, J.E. 1972. Demand Characteristics of the Modeling Experiment: Altruism as a Function of Age and Aggres- sion. Journal of Personality and Social Psychology, Vol. 22, p. 139-48.

Guttentag, M. (ed.). 1975. Handbook of Evaluation Research,

Harada, F. 1974. Planning of Children’s Play After Watching Educational Television. Reports of Broadcasting Educa- tion, Vol. 10. p. 85-94. . 1975. Simultaneous Viewing of Children’s Programs:

Children in Kindergarten and Mothers at Home. Reports of Broadcasting Education, Vol. 12, p. 6-18.

Hartman, H. 1958. Ego Psychology and the Problem of Adaptation. NewYork,N.Y.,lnternational University Press.

Hemmendinger, L. 1953. Perceptual Organization and Development as Reflected in the Structure of Rorschach

I Test Riespoues. Journal of Projective Techniques,

Hess, R.D.; Shipman, V.C. 1965. Early Experience and the Socialization of Cognitive Modes in Children. Child Development, Vol. 36, p. 869-86.

Holsti, O.R. 1969. Content Analysis for the Social Sciences und Humanities. Reading, Mass., Addison-Wesley.

Holtzman,W.H.;Thorpe, J.;Swartz,J.D.;Herron,E.W. 1961. ~ Inkblot Perception and Personality. Austin, Tex.,

Homik, R.C. 1974. Mass Media Use and the “Revolution of Rising Frustrations”: A Reconsideration of the Theory. Paper No. 11 of the East-West Communication Institute, Hawaii, July, 1974.

Hunt, J. McV. 1971. Intelligence and Experience. New York, N.Y., Ronald.

Vol. 27, p. 233-96.

Melhoramentos.

Piaget. Princeton, N.J., Van Nostrand.

Londres, Hozarth.

I Television Programs and the Natural Behavior of Pre- I

p. 27-38.

p. 277-80.

Vol. 2. Beverly Hills, Calif., Sage Publications.

l Vol. 17, p. 162-70.

~

I

I University of Texas Press.

Japan. Ministry of Education. 1963. A Research on the Effects of Television upon Children. Tokyo.

Kagan, J. 1975. Cognitive Development. Chicago,Ill.,American Psychological Association. (Master Lecture Series.)

Katz, E. 1975. The Mass Communication of Knowledge. Getting the Message Across, p. 93-1 14. Paris, Unesco. .; Blumer, J.G.; Gurevitch, M. 1974. Utilization of

Mass Communication by the Individual. In: J.G. Blumer and E. Katz (eds.), The Uses of Mass Communication. London, Sage Publications.

Katz, Pi; Katz, E. 1956. Personal Influence. New York, N.Y., The Free Press.

Kohlberg, L. 1963. The Development of Children’s Orienta- tion Toward a Moral Order: I. Sequence in the Develop- ment of Moral Thought. Vita Humana, Vol. 6, p. 11-33.

Kraft, L. 1973. La televisión educativa en Brasil. Televisión y éducación, p. 42-60. (Traduit de Fernsehen und Bildung, 1972.)

Kris, E. 1951. On heconscious Mental Processes. In: D. Rap- paport (ed.), Organization and Pathology of Thought. New York, N.Y., Columbia University Press.

Laurito, I.B. 1962. Cinema e infância. Cadernos da cinemateca no. 2. Salo Paulo, Fundação Cinemateca Brasileira.

Leifer, A. 1975. H o w to Encourage Socially Valued Behaviour. Communication présentée à la réunion biannuelle de la Society for Research in Child Development,Denver,Colo. . 1976. Teaching with Television and Film.In: N.L. Gage

(ed.), The Psychology of TeachingMethods. The Seventy- Fifth Yearbook of the National Society for the Study of Education. Chicago, Ill., University of Chicago Press. .; Gordon, N.J.; Graves, S. (n.d.) A Proposed Agenda

for Research on Children and Television. (A paraître dans Fernsehen und Bildung.)

Lefkowitz, M.M.; Eron, L.D.; Walder, L.O.; Huesmann, L.R. 19 72. Television Violence and Child Aggression: A Follow- up Study. In: G.A. Comstock and E.A. Rubinstein (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 3: Television and Adolescent Aggressiveness. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office.

Lesser, G.S. 1974. Children and Television: Lessons from Sesame Street. New York, N.Y., Random House. . 1977. Education and the Mass Media. In: N.B. Talbot

(ed.), Raising Children in Modern America. Boston, Mass., Little Brown.

Liebert, R.M. 1976. Evaluating the Educators. Journal of Communication, Vol. 26, p. 165-71. .; Baron, R.A. 1972. Short Term Effects of Television

and Other Media. In: E.A. Rubinstein, G.A. Comstock and J.P. Murray (eds.), Television und Social Behavior, Vol. 2: Television and Social Learning. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office.

Loewenstein, R.M. 1953. Drives, Affects, and Behavior. New York, N.Y., International University Press.

Loevinger, J. 1966. The Meaning and Measurement of Ego Development. American Psychologist, Vol. 21, p. 195- 206.

Lopes, S.C. 1970. Radiodifusão hoje. Rio de Janeiro, Temário. Lorey, E.M. 1973. Rappelkiste, ein offenes Projekt. Betrifft:

Erziehung, No. 9. Lourenço Filho, M.B. 1928. A moral no teatro, principal-

mente no cinematográfico. Educação, Vol. 2, p. 227-34. . Lyle, J. 1972. Television in paiiy Life: Patterns of Use (over-

view). In: E.A. Rubinstein, G.A. Comstock and J.P. Murray (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 4: Television in Day-to-Day Life: Patterns of Use. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office. .; Hoffman, H. 1972~. Children’s Use of Television

and Other Media. In: E.A. Rubinstein, G.A. Comstock and J.P. Murray (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 4: Television in Day-to-Day Life: Patterns of Use. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office. .> - . 19726. Explotations in Patterns of

65

Page 66: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Television Viewing by Preschool Age Children. In: E.A Rubinstein, G.A. Comstock and J.P. Murray (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 4: Television in Day- to-Day Life: Patterns of Use. Washington, D.C., US. Government Printing Office.

Mascellani, M.N. 1963. Levantamento para planejamento curricular. RelaçÕes humanas, Vol. 18, p. 7-84.

Mayo, J.K.; Hornik, R.C.; McAnany, E.G. 1976. Educa- tional Reform with Television. Stanford, Calif., Stanford University Press.

McClelland, D.C.; Winter, D.G. 1971. Motivating Economic Achievement. Riverside, N.J., Free Press.

Mello, J.M. 1968. Pequena bibliografia brasileira sobre comunicação de massa. Cadernos de jornalismo e comu- nicaçZo, Vol. 15, p. 62-71.

Mielke, K.W. 1972. Renewing the Link Between Communi- cations and Educational Technology. A V Communication Review, Vol. 20, p. 357-401.

Miller, N.E.; Dollard, J. 1941. Social Learning and Imitation. New Haven, Conn., Yale University Press.

Mischel, W. 1971. Toward a Cognitive Social Learning Reconceptualization of Personality Development.Psycho- logical Review.

Murray, J.P. 1972. Television in InnerCity Homes: Viewing Behavior of Young Boys. In: E.A. Rubinstein, G.A. Corn- stock and J.P. Murray (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 4: Television in Day-to-Day Life: Patterns of Use. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office.

Nemetschek, P.; van Lessen, S. 1975. Ene mene miste, Rappelkiste. Weinheim, Beltz.

Nemoto, M., et al. 1973. Effects of Continuous Viewing of Educational Television. Reports of Broadcasting Education, Vol. 9, p. 16-25.

Nippon Hoso Kyokai - NHK uapan Broadcasting Corpora- tion). 1970. Children’s Life and Television, Part II, No. 2: Television Viewing, p. 299-332. Tokyo, NHK Radio & TV Culture Research Institute.

O Estado de São Paulo. 1977a. A incultura e a saida dificil. 17 May 1977. . 1977b. Violencia importada, a preocupaçao de Quandt. 20 May 1977.

Oliveira, H.F. 1971. N e w Technologies and Education in Brazil. Rio de Janeiro, Human Resources Office, US AID/Brazil.

Palmer, E.L. 1972. Formative Research in the Production of Television for Children. Document rédigé pour l’inter- national Symposium on Communication Technology, Impact, and Policy, the Annenberg School of Communi- cations, University of Pennsylvania, 23-25 mars 1972. .; Chen, M.; Lesser, G.S. 1976. “Sesame Street”: Pat-

terns of International Adaptation. Journal of Communi- cation, Vol. 26, p. 109-23.

Paulson, F.; McDonald, D.;Whitmore, S. 1973. A n Evaluation of Sesame Street Programming to Teach Co-operation. Monmouth, Ore., Teaching Research Publications.

Pfromm Netto, S. 1965. Televisgo e crianças: preferencias e hábitos de alunos de escolas primárias. Ciencia e cultura, Vol. 17, p. 215-16 (Résumé). . 1972. Comunicaçao de massa: naturezu, modelos,

imagens. São Paulo, Pioneira. . 1975a. Economic Development and Broadcasting

in Brazil. Studies of Broadcasting, Vol. 11, p. 87-106. . 19756. Teleducação: o desafio brasileiro e o exemplo

japonés. Problemas brasilekos, Vol. 141, p. 6-17. . 1975c. Projeto Telescola. São Paulo. (Manuscrit

non publié.) . 1975d. Televisgo educativa. A report prepared for

“Levantamento, analise e recomendaço”es para u m programa de comunicação social,” São Paulo.

-. 1976. TecnologÙa da educação e comunicação de mossa. São Paulo, Pioneira.

Piaget, J. 1923. Le langage et la pensée chez l’enfant. Neuchâtel, Delachaux et Niestlé. . 1947. La psychologie de l’intelligence. Paris, Librarie

A. Colli. Prado, J.R. 1973. TV: quem ve quem. Rio de Janeiro,

Eldorado. Prentice, N.W. 1972. The Influence of Life and Symbolic

Modeling on Promoting Moral Judgments of Adolescent Juvenile Delinquents. Journal of Abnormal Psychology,

Rappaport, D. 1951. The Autonomy of the Ego. Bulletin of the Menninger Clinic, Vol. 15, p. 113-23.

Reese, H.W.; Lipsitt, L.P. 1970. Experimental Child Psycho- logy. New York N.Y., Academic Press.

Reis, T.D.C. 1972. Teleducação Brasil 1958/1970. Organi- zação e planejamento; u m a contribuição. Rio de Janeiro. (Publié par l’auteur: Prontel, Ministerio da Educaçäo e Cultura, Av. Erasmo Braga, Palácio de Educaçäo, Rio de Janeiro.)

Rheingold, H.L.; Gerwirtz, J.L.; Ross, H.W. 1959. Social Conditioning of Vocalizations in the Infant. Journal of Comparative and Physiological Psychology, Vol. 52,

Sakamoto, T. 1968. TV Programs for Preschool Children.

Vol. 80, p. 157-161.

p. 68-73.

Broadcasting Culture, Vol. 23, p. 60-62.

on Children’s Creative Behavior. Communication présenté à la Japan Society for TV and Radio Education.

Salomon, G. 1974. What is Learned and H o w it is Taught: The Interaction Between Media, Message, Task and Learner. In: D. Olson (ed.), Media and Symbols: The Forms of Expression, Communication and Education. The Seventy-Third Yearbook of the National Society for the Study of Education. Chicago, Ill., University of Chicago Press.

-. 1976a. Cognitive Skill Learning Across Cultures. Journal of Communication, Vol. 26, p. 138-144.

19766. [La contribution de la télévision éducative au système d’éducation israélien.] Jerusalem, The Hebrew University. (En hébreu.)

-. 1977. Effects of Encouraging Israeli Mothers to Co-observe “Sesame Street” with Their Five-Year- Olds. Child Development, Vol. 48, p. 1146-1161. . 1979. Interaction of Media, Cognition and Learning.

San Francisco, Calif., Jossey-Bass. Sato, C. 1973. Three-Year-Old Children and Educational

Television. Reports of Broadcasting Education, Vol. 9,

Schramm, W. 1977. Big Media, Little Media, Beverly Hilis, Calif., Sage Publications. .; Lyle, J.; Parker, E. 1961. Television in the Lives

of Our Children. Stanford, Calif., Stanford University Press.

Shirley, K. 1974. TheProsocialEffects of Publicity Broadcast Children’s Television. (Thèse de doctorat non publiée, University of Kansas, 1974.) (Cited by A. Stein and L.K. Friedrich, Impact of Television on Children and Youth. Chicago, Ill., University of Chicago Press, 1975.)

Siqueira, E. 1977. Na televisgo, todas as noites uma receita para não pensar. O Estado de São Paulo, 15 May 1977.

Soifer, J. 1974. Attitudes and Utilization of Mass Media in Rio de Janerro. (Manuscrit non publié.)

-. 1974. Manual de teleducação. Manaus, SUDAM- SEDUC - Fundação Televisão Educativa do Amazonas.

SSC&B - Lintas Brasil. 1974. Midia no Brasil 74/75. São Paulo.

Stein, A.H.; Friedrich, L.K. 1972. Television Content and Young Children’s Behavior. In: E.A. Rubinstein, G.A. Comstock and J.P. Murray (eds.), Television and Social Behavior, Vol. 2: Television and Social Learning. Washington, D.C., U.S. Government Printing Office.

-. ., Suzuki, A.; Muta, H. 1974. The Effects of ETV

.

p. 46-56.

66

Page 67: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

--- ., . 1975. Impact of Television on Children and Youth. Chicago, Ill., University of Chicago Press.

Struening, E.L. (ed.).1975.Handbook of Evaluation Research, Vol. 1. Beverly Hills, Calif., Sage Publications.

Torres Neto, P. 1971. EducaçZo pela TV. Rio de Janeiro, O Cruzeiro.

Tsutsui, M.; Ito, K. 1974. Effects of Continuous Viewing of an Educational Television Puppet Show. Reports of Broadcasting Education, Vol. 10, p. 95-106.

Ward, S. 1976. Effects of TV Advertising on Children and Adolescents. In: R. Brown (ed.), Children and Tele-

vision. Beverly Hills, Calif., Sage Publications. Weisberg, P. 1963. Social Conditioning of Infant Vocaliza-

tions. Child Development, Vol. 34, p. 377-388. White, R. 1960. Competence and the Psychosexual Stages

of Development. In: M.R. Jones (ed.), Nebraska Sympo- sium on Motivation. Lincoln, Nebr., University of Nebraska Press.

Yamamoto, T. 1976. The Japanese Experience. Journal of Communication, Vol. 26, p. 136-137.

Yoda, A. 1964. The Influences of Television on Children. Tokyo, Tokyo University Press.

[B.l2]ED. 81/XXTv/40 F

67

Page 68: L'impact de' la télévision éducative sur les jeunes enfantsunesdoc.unesco.org/images/0013/001340/134096fo.pdf · Au cours des deux dernières décennies, l’idée de conjuguer,

Albanie Algérie

Allemagne (Rép. féd.)

Antilles françaises Argentine Autriche

Belgique Bénin Brésil

Bulgarie Canada Chypre Congo

Côte-d’Ivoire Danemark

Espagne h p t e

Etats-Unis d’Amérique

Finlande France Grèce Haiti

Haute-Volta Hongrie

Inde

Indonésie

Irak Iran

Irlande Israël Italie

Jamahiriya arabe libyenne

Jordanie Liban

Luxembourg Madagascar

Mali Maroc

J w q n

Maurice Mauritanie

Monaco Mozambique

Niger Norvège

Nouvelle-Calédonie Pays-Bas Pologne

Portugal Rép. arabe syrienne

Rép. dém. allemande Rép.-Unie du Cameroun

Roumanie

Royaume-Uni

Sénégal Suède

Suisse Tchécoslovaquie

Togo

Tunisie Turquie U R S S

Yougoslavie

Zaire

~~ ~ ~ ~

PUBLICATIONS DE L’UNESCO : AGENTS GfiNfiRAUX

N. Sh. Botimeve Naim Frasheri, TIRANA. Institut pédagogique national, I I, rue A!i-Haddad (ex-rue Zaâtcha), ALOER. Société nationale d’édition et de diffìion (SNED), 3. boulevard Zirout Youcef, ALOER. S. Karger G m b H , Karger Buchhandlung, Angerhofstr. 9, Postfach 2. D-8034 GERMERINO/MÜNCHEN. << Le Courrier », édition allemande seulemeni : M. Herbert Baum, Deutscher Unesco-Kurier Vertrieb, Besaltstrasse 57. 5300 BONN 3. Pour les caries scieiili/igues sculemcnl : Ceo Center, Postfach 800830, 7000 STUTTOART, 80. Librairie << A u Boul’Mich N, I, rue Perrinon et 66, avenue du Parquet, 97200 FORT-DE-FRANCE (Martinique). EDILYR, S.R.L., Tucumán 1685, 1050 BUENOS AIRES. Dr. Franz Hain, Verlags- und Kommissionsbuchbandlung, Induatriehof Stadlau, Dr. Otto-Neurath-Gasse 5, 1220 WIEN. Jean D e Lannoy, 202. avenue du Roi, to60 BRUXELLES, CCP ooo-00~08~~-13. Librairie nationale, B. P. 294, PORTO Novo. Fundação Getúlio Vargas, Serviço de Publicaqoes. caixa postal g.o5z-ZC-0~, Praia de Botafogo 188, RIO DE JANEIRO (GB). Hemus. Kantora Literatura, bd. Rousky 6, SO~JA. &litions Renod Limitée, z18a, rue Sainte-Catherine Ouest, MONTREAL, Qué. H 3 H 1M7. << M A M » , Archbishop Makarios 3rd Avenue, P. O. Box 1722, NICOSIA. Librairie populaire, B. P. 577, BRAZZAVILLE. Commission nationale congolaise pour l’Unesco, B. P. 493, BRAZZAVILLE. Librairie des Presses de l’Unesco, Commission nationale ivoirienne pour l’Unesco, B. P. 2871, ABIDJAN. hfunksgaard Export and Subscription Service, 35 N m r e Ssgade, DK 1370 KesENHAvN K. Unesco Publications Center, I Talaat Harb Street, CAIRO. Mund¡-Prensa Libros S.A., apartado 1223, Castel16 37, MADRID-I ; Ediciones Liber, apartado 17. Magdalena 8, OND~RROA (Vizcaya); DONAIRE, Ronda de Outeiro 20, apartado de correos 341, LA CORUÑA; Librería Al-Andalus, Roldana I y 3, SEVILLA 4; Librería Castells, Ronda Universidad, 13. BARCELONA 7. Unipub, 345 Park Avenue South, NEW YORK, N.Y. 10010. Pour u Le Courrier N en espagnol : Santillana Publishing Company Inc., 575 Lexington Avenue, NEW YORK, N. Y. 10022. Akateeminen Kirjakauppa, Keskuskatu, I, OOIOO HELSINKI IO. Librairie de l’Unesco. 7, place de Fontenoy, 75700 Paris; CCP Paris 12598-48. Grandes librairies d’Athènes (Eleftheroudakis. Kauffman, etc.). Librairie << A la Caravelle ». 26, rue Roux, B. P. I I I, PORT-AU-PRINCE. Librairie Attie, B. P. 64. OUAOADOUOOU; Librairie catholique« Jeunesse d’Afrique», OUAOADOUOOU. Akadémiai Könyvesbolt, Váci u. 22, BUDAPEST V. A.K.V. Könyvtárosok Boltja, Népköztársaság utja 16. BUDAPEST VI. Orient Longman Ltd. : Kamani Marg. Ballard Estate, BOMBAY 400038; 17 Chittaranjan Avenue, CALCUTTA 13; 36a Anna Salai, Mount Road, MADRAS 2; B 3/7 Asaf Ali Road, NEW DELHI I; 8011 Mahatma Gandhi Road, BANOALORE-560001 ; 3-5-820 Hyderguda, HYDERABAD-500001. SoiU-dép6ls : Oxford Book and Stationery Co., 17 Park Street, CALCLTTA 700016; Scindia House, NEW DELHI I 10001 ; Publications Section, Ministry of Education and Social Weüare. 51 I C-Wing, Shastri Bhavan, NEW DELHI 110001. Bhratara Publishers and Booksellers, zg Ji. Oto Iskandardinata III. JARARTA. Gramedia Bookshop, Ji. Gadjah M a d a rog, JAKARTA. Indira P.T., JI. Dr. Sam Ratulangi 37, JAKARTA PUSAT. McKenzie’s Bookshop. Al-Rashid Street, BAGHDAD. Commission nationale iranienne pour l’Unesco, avenue Iranchahr Cbomali no 300. B. P. 1533. TEHERAN. Kharazmie Publishing and Distribution Co., 28 Vessal Shirazi Street, Enghélab Avenue, P. O. Box 314/1486. TEHERAN. The Educational Company of Ireland Ltd., Ballymount Road, Walkinstown, DUBLIN I 2. A.B.C. Bookstore Ltd., P. O. Box 1283, 71 Allenby Road, TEL AVIV 61000. L I C O S A (Libreria Commissionaria Sansoni S.p.A.), via Lamarmora 45, casella postale 552. 50121 FIRENZE. Agency for Development of Publication and Distribution, P. O. Box 34-35, TRIPOLI. Eastern Book Service Inc., Shuhwa Toranomon-3 Bldg.. 23-6 Toranomon 3-chome, Minato-ku, TOKYO 105. Jordan Distribution Agency, P. O. B. 375. AMMAN. Librairies Antoine A. Naufal et Frhes, B. P. 656, BEYROUTH. Librairie Paul Bruck, 22, Grand-Rue, LUXEMBOURO. Commission nationale de la République démocratique de Madagascar pour l’Unesco, B. P. 331. TANANARIVE. Librairie populaire du Mali, B. P. 28, BAMAXO. Touies les publicaiions : Librairie << Aux Belles Images », 281, avenue Mohammed-V, RABAT (CCP 68-74).

<< Le Courrier n seulemeni (pour les enseignants) : Commission nationale marocaine pour l’éducation, la science et ia cdtiire, 19, rue Oqba, B. P. 420, AonAL-RABAT (CCP 314-45). Nalanda Co. Ltd., 30 Bourbon Street, PORT-LOUIS. GRA.LI.CO.MA., I, rue du Souk X, avenue Kennedy, NOUAKCHOTT. British Library, 30, boulevard des Moulins, MONTE-CARLO. Instituto Nacional do Limo e do Disco (INLD), avenida 24 de Julho 1921, r/c e 1.0 andar, MAPUTO. Librairie Mauclert, B. P. 868, NIAMEY. Touies les Dublicalions : Tohan Grundt Tanum. Karl Johans nate AI-¿?. OSLO I. Le Courrier )> sedemen¡: AIS Narvesens Litt&aturtieneste,Ëox 61;;’081.0 6.

Reprex, SARL, B. P. 1572, NOUMEA. Keesing Boeken B.V.. Hondecoeterstraat 16, 1017 LS AMSTERDAM. Ars Polona-Ruch, Krakowskie Przedmicscie 7, 00-068 WARSZAWA. ORPAN-Import, Palac Kultury. 00-90 I WARSZAWA. Dia & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70, LISBOA. Librairie Sayegh. Immeuble Diab, rue du Parlement, B. P. 704, DAW. Librairies internationales ou Buchhaus Leipzig, Postfach 140, 701 LEIPZIO. Le secrétaire général de la Commission nationale de la République-Unie du Cameroun pour l’Unesco, B. P. 1600 YAOUNDE. ILEXIM, Romlibri, Str. Biserica Amzei no 5-7. P. O. B. 134-135, BUCURE~TI. Abonmmcnis aux piriodigues : Rompresfilatelia. calea Victoriei nr. ng, BUCURE~TI. H. M . Stationery Office, P. O. Box 569, LONDON SEI g N H . Government bookshops: London, Belfast, Birmingham, Bristol, Cardiff, Edinburgh, Manchester. Librairie Clairafrique, B. P. 2005, DAICAR. Librairie<< Le Sénégal)), B. P. 1594, DAKAR. Touies les publications : A/BG. E. Fritzes Kungl. Hovbokbandel, Regeringsgatan II, Box 16356, S-103, 27 STOCKHOLM. << Lc Courrier)) seulemrnf : Svenska FN-Förbundet, Skolgränd 2, Box 150 50. S-104 65 STOCKHOLM. Europa Verlag, Rämistrassc 5. 8024 Z~RICH. Librairie Pavot, 6, rue Grenus, 1211 GENÈVE II. S NTL, Spalena 51. PRAHA I (Exposition prrmanenie). Zahranícni literatura, I I Soukenicka. PRAHA I. Pour la Slouapie seulemeni : Alfa Verlag, Publishers, Hurbanovo nam. 6. 893 3 I, BRATISLAVA. Librairie tvangélique, B. P. 378, LOME; Librairie du Bon Pasteur, B. P. 1164, LOME; Librairie moderne, B. P. 777. LOME. Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, TUNIS. Haret Kitapevi A.S., Istiklâl Caddesi no 469, Posta Kutusu 219, Beyoglu, ISTANBUL. Meihdunarodnaja Kniga, MOSKVA G-zoo. Jugoslovenska Knjiga, Trg. Republike 5/8, P. O. B. 36, I 1-001 BEoGRAn. Drzavna Zalozba Slovenije, Titova C. 25, P. O. B. 50-1, 61-000 LJUBLJANA. La Librairie, institut national d‘ttudes politiques, B. P. 2307, KINSHASA. Commission nationale zairoise pour l’Unesco. Commissariat d’Etat chargé de l’éducation nationale, B. P. 32, KINSHASA.