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L’IMMOBILIER D’ENTREPRISE ALLEMAND ET LES INVESTISSEURS Par Marcus Cieleback, directeur de recherche, PATRIZIA Immobilien AG. 5 les investisseurs d’effectuer le placement le moins risqué possible dans l’immobilier. Dans ce contexte, la sécurité et la faiblesse du risque sont également liées à l’environnement économique de l’immobilier. C’est pourquoi l’Allemagne et son marché de l’immobilier d’entreprise sont dans la ligne de mire de nombreux investisseurs institutionnels. 5.2/ SITUATION éCONOMIQUE L e PIB allemand a enregistré en 2010 sa plus forte croissance depuis la réunification (+ 3,6 %) et cette évolution positive s’est largement poursuivie en 2011 (+ 3,0 %). Néanmoins, l’examen des différentes périodes de l’année 2011 montre une évolution plus nuancée. Après un premier trimestre marqué par une forte croissance, les perspectives économiques se sont assombries pendant l’été, pesant sur les résultats des trimestres suivants, un peu moins positifs. De nombreux indicateurs suggèrent une légère contraction de l’économie allemande au quatrième trimestre 2011, mais ce petit écart ne devrait pas se repro- duire. L’économie allemande semble être revenue sur la bonne voie au premier trimestre 2012. La croissance devrait 5.1/ SITUATION GéNéRALE C inq ans après le début de la crise financière, l’éco- nomie mondiale n’a toujours pas retrouvé son équi- libre, bien au contraire : les déséquilibres semblent s’accroître, en particulier au sein de l’Europe et de la zone euro, car les points faibles, interconnectés, s’intensifient entre eux. Pour de nombreuses économies européennes, le redressement est balbutiant. De plus, pour corriger la mau- vaise allocation des ressources observée pendant le boom, il faut s’armer de patience et déployer des efforts économiques considérables. Dans cet environnement marqué par l’incertitude, que les investisseurs institutionnels continuent d’estimer instable, les placements sûrs ont la cote. L’immobilier, en particulier, bénéficie d’une très grande popularité auprès des investis- seurs institutionnels, aussi bien en Allemagne qu’à l’étran- ger. Dans ces circonstances, le choix entre les actifs core et les actifs opportunistes joue un rôle fondamental dans la décision de placement et, cinq ans après l’amorce de la crise financière, la balance continue généralement de pen- cher en faveur des placements core. Il est intéressant de constater qu’on ne s’accorde pas sur une définition d’un placement core. La seule donnée sûre, c’est qu’il s’agit pour L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRéDIT FONCIER – Nº 83 52

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l’immobilier d’entrePrise allemand et les investisseursPar marcus cieleback, directeur de recherche, PatriZia immobilien aG.

5

les investisseurs d’effectuer le placement le moins risqué

possible dans l’immobilier. Dans ce contexte, la sécurité et

la faiblesse du risque sont également liées à l’environnement

économique de l’immobilier. C’est pourquoi l’Allemagne et

son marché de l’immobilier d’entreprise sont dans la ligne

de mire de nombreux investisseurs institutionnels.

5.2/ situation économiQue

L e PIb allemand a enregistré en 2010 sa plus forte

croissance depuis la réunification (+ 3,6 %) et cette

évolution positive s’est largement poursuivie en

2011 (+ 3,0 %). Néanmoins, l’examen des différentes périodes

de l’année 2011 montre une évolution plus nuancée. Après

un premier trimestre marqué par une forte croissance, les

perspectives économiques se sont assombries pendant l’été,

pesant sur les résultats des trimestres suivants, un peu

moins positifs. De nombreux indicateurs suggèrent une

légère contraction de l’économie allemande au quatrième

trimestre 2011, mais ce petit écart ne devrait pas se repro-

duire. L’économie allemande semble être revenue sur la

bonne voie au premier trimestre 2012. La croissance devrait

5.1/ situation Générale

Cinq ans après le début de la crise financière, l’éco-

nomie mondiale n’a toujours pas retrouvé son équi-

libre, bien au contraire : les déséquilibres semblent

s’accroître, en particulier au sein de l’Europe et de la zone

euro, car les points faibles, interconnectés, s’intensifient

entre eux. Pour de nombreuses économies européennes, le

redressement est balbutiant. De plus, pour corriger la mau-

vaise allocation des ressources observée pendant le boom, il

faut s’armer de patience et déployer des efforts économiques

considérables.

Dans cet environnement marqué par l’incertitude, que les

investisseurs institutionnels continuent d’estimer instable,

les placements sûrs ont la cote. L’immobilier, en particulier,

bénéficie d’une très grande popularité auprès des investis-

seurs institutionnels, aussi bien en Allemagne qu’à l’étran-

ger. Dans ces circonstances, le choix entre les actifs core

et les actifs opportunistes joue un rôle fondamental dans

la décision de placement et, cinq ans après l’amorce de la

crise financière, la balance continue généralement de pen-

cher en faveur des placements core. Il est intéressant de

constater qu’on ne s’accorde pas sur une définition d’un

placement core. La seule donnée sûre, c’est qu’il s’agit pour

l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – nº 83

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l’immobilier d’entreprise allemand

repartir peu à peu au cours de l’année, mais la faiblesse de

la demande des autres pays de la zone euro empêchera une

forte reprise.

Graphique 1. principaux indicateurs économiques Sources : PATRIZIA ; bundesbank.

– 6

– 4

– 2

– 0

2

4

6

8

10

12

1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012f

PIB Taux de chômage Inflation

En

%

La volte-face radicale en matière de politique des taux ini-

tiée par la banque centrale européenne (bCE) à la fin de

l’été 2011 s’est traduite par deux abaissements de 25 points

de base chacun vers la fin de l’année dernière, à la suite de

quoi le taux de refinancement s’élevait de nouveau à 1 %.

malgré cela, les problèmes de liquidités persistants du sys-

tème bancaire des pays de la zone euro (y compris de l’Alle-

magne) et les incertitudes des marchés financiers ont conti-

nué de peser sur la croissance économique dans la zone euro

au premier semestre. Ce qui a conduit la bCE à baisser, de

nouveau, ses taux de 25 points de base, à 0,75 %. Cette der-

nière continue, en parallèle, d’introduire des contremesures

non conventionnelles concernant les liquidités pour tenter

d’éviter un rationnement du crédit, en particulier sur les

marchés immobiliers.

5.3/ structure réGionale

Quels sont actuellement les sites les plus prisés des

investisseurs en Allemagne ? Contrairement à la

France et à la Grande-bretagne, où le marché

immobilier des capitales Paris et Londres est largement

dominant, berlin n’exerce pas ce type de domination sur

le marché immobilier en Allemagne. De par la structure

fédérale du pays, il existe différents sites d’investissement

dont l’attractivité est comparable. à cela s’ajoutent les ten-

dances régionales de réurbanisation, qui se sont accentuées

au cours des dernières années à la suite de l’élargissement

et de la diversification de la base exportatrice des villes et

du développement du commerce transrégional dans le sec-

teur des services. Résultat : les centres urbains continuent

d’affermir leur position dans la division spatiale du travail.

La concentration dans les (grandes) villes à forte croissance

continue de s’accentuer et stabilise la structure polycen-

trique en répartissant les fonctions des métropoles (déci-

sion et contrôle, innovation et concurrence, nœud de transit)

sur le territoire fédéral. En parallèle, on observe avec les

espaces intermédiaires une interconnexion croissante des

fonctions de métropole de plusieurs villes dans un contexte

spatial plus large.

La concentration dans Les viLLes à forte croissance

continue à s’accentuer.

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carte 1. Zones métropolitaines en allemagneSource : bbR Raumordnungsbericht (rapport sur l’organisation du territoire de l’Office fédéral pour le bâtiment et l’organisation du territoire).

Kiel

Mainz

Liège

Praha

Erfurt

Berlin

Bremen

Zürich

Potsdam

Dresden

Hamburg

München

Schwerin

Hannover

Szczecin

Innsbruck

Magdeburg

Amsterdam

Stuttgart

Düsseldorf

Strasbourg

Luxembourg

Saarbrücken

Wiesbaden

© B

BR B

onn

2004

100 km

Espace central

Espace intermédiaire

Espace périphérique

Structure des espaces en fonction de l’accessibilité du centre et de la densité de population

Indice des fonctions des métropoles

10100

250

Autoroute fédérale

5.4/ marcHé de l’investissement immobilier

L es évaluations positives concernant la sécurité et les

perspectives de l’immobilier d’entreprise allemand

ont eu pour effet un intérêt croissant des investis-

seurs pour ce secteur au cours des trois dernières années.

L’Allemagne est ainsi devenue le marché de l’investissement

immobilier le plus prisé d’Europe après le Royaume-uni,

et sa part du volume des transactions réalisées au sein de

l’Europe ne cesse de progresser. Le volume de transactions

reste toutefois nettement moins élevé qu’entre 2005 et 2007,

époque où les transactions de portefeuille et les transactions

individuelles avaient atteint leur sommet, avant le début de

la crise financière.

Graphique 2. volume de transactions sur le marché de l’immobilier d’entreprise allemand Sources : PATRIZIA ; PmA.

Voir page ci-contre.

L’activité très dynamique de transactions observée en

2011 s’est poursuivie au premier trimestre 2012, bien que

le volume de transactions tertiaires (5,3 mde) ait légère-

ment reculé par rapport à la même période de l’année pré-

cédente. Toutefois, la période de référence sur 2011 avait

été fortement marquée par les ventes du centre commer-

cial CentrO Oberhausen (650 me pour une participation

de 50 %) et d’un portefeuille du groupe metro (quarante-

cinq immeubles pour environ 700 me). Le segment des

immeubles de bureaux a très fortement progressé. En glis-

sement annuel, les investissements dans l’immobilier de

bureaux ont augmenté de 180 % au premier trimestre 2012,

atteignant 2,2 mde et devançant de nouveau l’immobilier de

commerces au détail, qui a enregistré un volume de transac-

tions d’environ 1,5 mde. Les investissements dans l’immobi-

lier de commerces au détail ont reculé de 56 % en raison des

grosses transactions évoquées plus haut. La modification du

classement des secteurs n’est pas due à la baisse de l’attrac-

tivité de l’immobilier de commerces au détail ou à la hausse

de l’attractivité de l’immobilier de bureaux. Le volume des

transactions est davantage déterminé par la disponibilité

des immeubles d’investissement ciblés par les investisseurs.

Environ 75 % des investisseurs venaient d’Allemagne, 15 %

du reste de l’Europe et 11 % d’Amérique du Nord.

l’immobilier d’entreprise allemand

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Graphique 3. volumes d’investissements par secteur en allemagne – comparaison t1 2011 – t1 2012Source : bNP Paribas Real Estate.

0 400 800 1 200 1 600

Autresimmeubles

commerciaux

Hôtellerie

Logistique

Commercesde détail

Résidentiel

Bureaux

2 000 2 400 2 800 3 200 3 600 4 000

En

M€

 Q1 2012     Q1 2011

Jusqu’à présent, les rendements sont restés très stables dans

tous les secteurs et affichent globalement des niveaux sem-

blables à ceux de l’an dernier. La fuite des placements dans

les formes d’investissement sûres, provoquée par la crise de

la dette souveraine dans la zone euro, ne s’est pas limitée

à l’immobilier : elle s’est également traduite par une forte

demande en obligations d’État allemandes sûres et liquides.

Résultat : les obligations d’État allemandes à 10 ans ont été

marquées par un recul continu des rendements, qui ne s’éle-

vaient plus qu’à 1,8 % à la fin du premier trimestre 2012. En

conséquence, l’écart entre le rendement des obligations et

celui des immeubles de bureaux allemands a atteint un som-

met. Il convient, toutefois, de se demander si cette situation

n’est pas également due, dans une certaine mesure, à une

bulle sur le marché des obligations. L’attractivité de l’immo-

bilier allemand ne serait ainsi pas représentée « correcte-

ment » par cet écart de taux, qui reflèterait alors une prime

de risque trop élevée pour les immeubles de bureaux.

Graphique 4. écart entre le rendement des obligations et des immeubles de bureaux de 2000 à 2012Sources : PATRIZIA ; bundesbank ; CbRE.

Voir page ci-contre.

5.5/ marcHé des immeubles de bureauX

Les évolutions positives observées l’an dernier sur

les marchés allemands des immeubles de bureaux se

sont poursuivies pendant les premiers mois de 2012.

Les marchés de Francfort et de Stuttgart, qui ont nettement

devancé les autres principaux marchés allemands, ont enre-

gistré une forte croissance de la demande. On constate,

dans l’ensemble, un climat favorable et une accélération du

nombre de recherches de grandes surfaces. Au premier tri-

mestre, les seules transactions majeures ont été enregistrées

à Francfort, avec notamment une prise en location de la

banque Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) et du groupe

union Investment AG. Étant donné que plusieurs contrats

(importants) sont en passe d’être conclus, on ne prévoit pas

de baisse de la demande dans les mois à venir. La demande

placée de bureaux d’ici à la fin de l’année devrait donc n’être

que légèrement inférieure aux chiffres de l’an dernier.

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La bonne santé de la demande reste confrontée à la faiblesse

du volume de programmes neufs. Le taux de vacance va

donc continuer de diminuer sur la plupart des marchés,

comme l’an dernier. Les utilisateurs restent principalement

intéressés par les surfaces de bureaux de qualité. On prévoit

donc un niveau stable des loyers records sur le reste de

l’année et on pourrait même observer de légères augmenta-

tions de loyer sur certaines localisations. Si l’on compare les

marchés de bureaux européens d’envergure internationale,

le niveau des loyers sur les principaux marchés de bureaux

allemands reste relativement modéré, alors qu’une ville telle

que berlin peut se mesurer aux principaux pôles tertiaires

de Londres ou de Paris en termes de surface absolue.

5.6/ marcHé des commerces de détail

A u premier trimestre 2012, les commerces de

détail allemands ont enregistré une croissance

du chiffre d’affaires réel de 0,8 % par rapport

à la même période de l’année précédente, poursuivant

ainsi leur dynamique de croissance, bien qu’à un rythme

quelque peu ralenti. Les résultats du premier trimestre

2012 indiquent également une évolution positive sur les

marchés de la location. Quelque 54 300 m2 ont été loués

dans les hauts lieux du commerce allemands. Cette surface,

qui représente 40 % du chiffre d’affaires total du marché

de la location, est supérieure au résultat de l’année précé-

dente (51 600 m2), déjà considéré comme excellent.

Les grandes surfaces de 500 m2 et plus sont de plus en

plus demandées. Les commerçants du secteur de la mode

ont été très actifs sur ce créneau : une série de magasins

phares ont été ouverts sur des emplacements à forte visi-

bilité. Toutefois, le gros des prises de location continue de

concerner les segments aux superficies de magasins plus

faibles, inférieures à 500 m2. Le secteur textile conserve

la première place avec une part de 30 %, suivi du sec-

teur de la gastronomie et de l’alimentation (dont la part

est passée de 11 % à 23 %), de plus en plus présent dans

les zones commerciales de premier plan des centres-ville.

Parmi les entreprises particulièrement actives, on peut

citer Dean & David, vapiano, Dulce Chocolate & Ice

Cream. La demande en provenance des autres secteurs

reste constante dans l’ensemble. Seule exception notable,

la demande dans le secteur des télécommunications et de

l’électronique domestique a perdu du terrain : au premier

trimestre 2012, elle représentait une part de 3 %, alors qu’à

la même période de l’année dernière, ce chiffre s’élevait

encore à environ 10 %.

Comparaison entre Berlin, Londres et paris (fin 2011)

berlin 7 premières villes allemandes Londres (centre) Paris (centre)

Surface disponible (millions de m2) 14,6 68,5 14,0 16,9

Loyer record (€/m2 p.a.) 258,0 396,0 1 097,0 748,0

Rendement record (%) 5,0 4,8 4,5 5,0

Sources : PATRIZIA ; PmA.

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