Lily au lit

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AVERTISSEMENT Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.com Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes. 1

Transcript of Lily au lit

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AVERTISSEMENTCe texte a été téléchargé depuis le site

http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteur.

En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.

Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés, même a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

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Lily au lit.

Comédie en trois actes

de

H. Véhel.

Personnages.

Lily : la femme.

Renaud : le mari.

Bob : l’amant.

Décor.

Une chambre à coucher à l’étage. La porte donne sur le palier.

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Premier acte.

Au lit avec son jeune amant, Lily se fait surprendre par son mari.

Renaud : quoi ? Toi avec ce plouc ! Nom d’un chien, je suis cocu !

Lily : Ça en a tout l’air, je le crains !

Bob : c’est ton mari ?

Lily : oui.

Bob : ma pauvre ! (A Renaud). Rassurez-vous monsieur, je suis en excellente santé.

Renaud (à sa femme) : pas malade ! C’est vite dit.

Lily : mais chéri tu me connais, je suis prudente.

Bob (en enfilant son caleçon sous les draps, puis ses vêtements assis sur le bord du lit) : je vous jure, je ne souffre d’aucune maladie mortelle.

Renaud (s’assied à côté de lui) : dans ce cas …

Lilly : allez viens ici que je t’embrasse. Je te pardonne de nous avoir dérangés.

Renaud : toi la traînée boucle-la.

Lily : mais je suis ta femme, écoute.

Renaud (à Bob) : ce qu’il me faudrait, tu permets que je te tutoie maintenant qu’on se connaît par Lily interposée ?

Bob : pourquoi pas ?

Renaud : merci. Voilà, une femme réaliste, tu comprends ?

Bob : non.

Lily : moi non plus. Une femme réaliste et quoi encore !

Renaud : avec la tête sur les épaules.

Bob : réaliste ? Je vois ce que tu veux dire. Et si elle cache son jeu. Tu y as pensé ? Ce ne serait pas la première.

Lily (se dévoile) : oh ! Très peu pour moi !

Renaud : et comment donc que j’y ai pensé. Vaut mieux qu’elle le cache, car s’il y ‘a une chose que je déteste chez une femme c’est le réalisme. Tu piges ?

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Bob : pas davantage.

Renaud : décidément ! Tu ne comprends vraiment rien aux femmes, rien de rien.

Lily : moi non plus et pourtant j’en suis une.

Renaud (à Bob) : recouche-toi. C’est un ordre.

Lily : oui obtempère ou je te remplace.

Renaud : comment tu t’appelles ?

Bob : moi c’est Robert mais tout le monde m’appelle Bob.

Renaud ( à Lily) : toi aussi ?

Lily : non c’est lui qui m’appelle. C’est pratique.

Renaud (à Bob) : elle t’a parlé de moi ?

Bob : comment c’est déjà ton petit nom ?

Renaud : Renaud.

Bob : enchanté. Ça roule ?

Lily : c’est amusant. Bob chéri ce que tu es drôle !

Renaud : donc c’est non ?

Lily : ici chéri ? Réfléchis, ce n’est pas l’endroit. Ici je ne parle de personne.

Renaud : vous ne vous êtes vus que dans mon lit ?

Lily : oui, dans le nôtre, il me semble.

Renaud : et puis quoi, ici ou ailleurs !

Bob : exactement.

Renaud : je t’ai dit que tu es très en beauté aujourd’hui chérie ?

Lily : non mais tu m’as traitée de traînée et j’ai compris « belle traînée ».

Bob : et puis elle l’a vu dans mes yeux.

Renaud : couche-toi à côté de Lily. Dans ton dos elle ne voit rien.

Bob : d’accord mais une fois n’est pas coutume, je garde mon caleçon.

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Lily (absente) : c’est plus prudent. On ne sait jamais s’il se pointe à l’improviste.

Bob (toussotant) : tais-toi Lily, sois pas sotte.

Renaud : ne craignez rien de moi, surtout pas.

Lily : moi je suis bien dans ma tête. Je n’ai rien à me reprocher.

Bob : comprends-la. Elle aurait pu me cacher dans l’endroit classique où on range les amants, quitte à ce que tu me trouves sans me chercher.

Lily : c’est vrai.

Bob : mais comme elle n’a pas voulu nous faire de mal, ni à toi ni à moi …

Renaud : elle t’a gardé au chaud.

Lily : dis-le à ta petite femme chérie qu’elle a bien fait.

Arnaud : si tu permets, je ne porterai pas de jugement de valeur sur ta façon de faire …

Lily : ça y’est il est fâché.

Bob : vas-y comprendre quelque chose !

Lily : quel con.

Renaud : j’ai tort mais c’est plus fort que moi.

Lily : allez je te pardonne mais c’est bien la dernière fois.

Bob : les temps changent et les maris qui ne s’adaptent pas font fausse route.

Renaud : peut-être.

Lily : pendant des siècles nous n’avons eu que le droit de nous taire.

Bob : tu parles d’un droit !

Lily : maintenant je peux vous regarder dans les yeux tous les deux.

Renaud : et j’ai bien peur que tu y lis que Bob t’apprécie plus que moi.

Bob : Lily est une lectrice hors pair.

Renaud : ses lectures changent.

Lily : aujourd’hui Bob, demain Bobette et après-demain tintin.

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Renaud : t’as compris ? (A Lily). Je t’emmène à la plage cet été, c’est promis.

Lily : c’est pas trop tôt.

Bob : pour quoi faire ?

Lily : pour me bronzer les seins tiens !

Bob : mais …

Renaud : mais quoi ?

Bob : mais à quoi ça sert d’avoir une femme à soi s’il faut partager ses seins avec toute une plage de mateurs professionnels ?

Renaud : tu parles pour toi là ou pour moi ?

Lily : vous en voulez ? En voici en voilà. (Bob l’empêche de dégrafer son soutien- gorge.)

Bob : je t’interdis de les montrer à ce …

Renaud : dis toujours.

Bob : à ce personnage de vaudeville qui risque de mourir d’apoplexie en les voyant.

Lily : j’aime mon mari et j’apprécie que tu penses à lui.

Renaud : merci chérie. (Lui fait un baise-main.)

Bob : j’ai envie de bouder mais je me retiens.

Lily : t’as intérêt.

Renaud : si tu veux bouder, cherche-toi un boudoir.

Lily : tu le déranges. Il n’est pas dans son assiette.

Bob : en général je suis enjoué.

Lily : en clair, nous jouons à des tas de jeux que je ne tiens pas à te montrer.

Bob : il n’a qu’à faire preuve d’un peu d’imagination.

Renaud : sans façon.

Lily : viens chéri embrasse-moi.

Renaud : et s’il nous reluque ?

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Lily : c’est son affaire.

Bob : Pff !

Renaud : (embrasse sa femme et voyant que Bob ne les quitte pas des yeux, fait durer le plaisir) : ce que c’était bon !

Lily : je confirme mais ne compte pas sur moi pour faire perdurer le moment en me suicidant.

Bob (en ricanant et en aparté) : c’était donc on ne peut plus moyen. Il n’aura pas sa statue dans l’acrotère côté façade de si tôt.

Renaud : Lily je te le promets, je te réapprendrai à trouver notre vie sans cet amant ringard, passionnante en l’enjolivant de mille et une façons.

Bob : vantardise rime avec bêtise.

Lily : Renaud ne se vante pas. Il me promet …

Bob : et tu le crois ?

Renaud : bien sûr qu’elle me croit.

Lily : ça suffit. (A Bob). A ton tour.

Bob : il me fait perdre mes moyens ton mari.

Renaud : c’est ça. Avale tes dents de lait.

Lily : n’aie pas peur, je suis là.

Bob : moi peur de lui ? Tu plaisantes.

Renaud (tirant sur le drap de lit) : je suis certain que t’es entrain de mouiller ton caleçon.

Bob : imbécile.

Lily : ma patience a des limites. Tu viens à la fin ?

Bob : voilà voilà.

Renaud : amateur !

Lily : embrasse-moi. Je t’aime tel que tu es, doux tendre et apprenti.

Bob (après le baiser) : et alors ?

Lily : prometteur sans plus.

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Bob : tout début est difficile et je ne me suis exercé qu’avec la pute du Roxy et elle n’embrasse pas.

Renaud : il ne saura jamais et il vit dangereusement et en plus ses vices de forme sont aussi nombreux que ses vices de fond.

Lily : qu’en sais-tu ? Il t’a embrassé ?

Renaud : que Dieu m’en préserve !

Bob : et moi donc. Je n’aime ni les larmes ni les baisers de crocodile.

Lily : oh là là est-ce donc si difficile de vous aimer, le temps que je vous aime.

Renaud : c’est viscéral, je ne l’aime pas.

Bob : moi j’aime son lit et sa femme.

Renaud : dans l’ordre. Et dire qu’il y a des maris trompés qui se ruent sur le premier fusil venu ! Pourquoi ne suis-je pas de ceux-là ?

Lily (effrayée) : ne change pas chéri, je t’aime comme tu es.

Bob : tout bien réfléchi moi aussi.

Renaud : toi le poltron tu m’es fanatiquement antipathique au présent, au passé et au futur.

Lily : oh ! Toi jadis si convivial.

Renaud : convivial convivial !

Bob : d’après moi il doit m’aimer un petit peu mais certainement pas plus que le cocu moyen n’aime l’amant de sa femme.

Renaud : moins.

Lily : me voilà malheureuse à cause de vous.

Renaud : c’est bien la peine de prendre un amant.

Bob : pff, à sa place j’aurais pris un amant tout de suite.

Lily : après combien de temps ?

Bob : dix minutes.

Lily : je suis une femme sérieuse ! J’ai attendu bien plus longtemps, bien plus longtemps. J’en mettrais ma main au feu.

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Renaud : merci chérie.

Bob : étant donné que t’es un ange de patience tu as dû attendre quelques jours, quelques semaines tout au plus.

Lily : davantage.

Renaud : plus longtemps que tu ne tiendras comme amant.

Lily : on verra. J’ai le temps d’y penser.

Bob : il me semble. Ce serait idiot d’y penser déjà.

Renaud : moi je te connais depuis huit minutes et j’y pense déjà.

Lily : oh !

Renaud : je n’ai qu’une vie. Je n’aurai pas le temps de la vivre complètement et tu voudrais que je vive la sienne aussi.

Bob : lâche-moi un peu tu veux. Tu ne vas tout de même pas t’attarder ici chaque fois que je partage le lit de madame.

Renaud : tu sais que ton compagnon de lit m’énerve plus que la fraise de mon dentiste.

Lily : cessez de vous regarder en chiens de faïence, regardez-vous comme deux jumeaux qui se partagent la même friandise.

Renaud : pour lui tu n’es qu’un vulgaire article de consommation. Pour moi t’es tout.

Bob : si elle a fait appel à mes services elle a eu ses raisons. Tu ne peux pas les respecter celles-là ?

Renaud : là tu m’en demandes trop.

Bob : et pour ce qui est de respecter les miennes, je suppose que …

Renaud : les tiennes ? Et quoi encore !

Bob : si je te suis bien, chez toi l’amant n’a droit à rien.

Lily : à rien ? A rien !

Renaud : et la considération de ma femme, tu trouves que ce n’est rien ?

Bob : tu m’as très bien compris, à rien de ta part.

Lily : ouf !

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Renaud : monsieur se sent offensé parce que je ne l’aime pas.

Bob : parce que tu es un égoïste, tu ne penses qu’à toi.

Lily : je suis d’accord. L’esprit de partage ne t’étouffe pas et comme la partagée c’est moi, il est on ne peut plus normal que ce soit moi qui ai le dernier mot.

Renaud : toi la partagée tu ne souffres pas de ton état, tu t’en accommodes.

Bob : et moi je me fais une raison de te savoir auprès d’elle lorsque je ne suis pas là.

Lily : il n’y a donc que toi qui vois un inconvénient quelque part.

Renaud : oui parce qu’il se fout de ce que tu fais quand il ne te …

Lily : tais-toi va j’ai compris.

Bob : et vulgaire en plus ! Renvoie-le.

Renaud : c’est ça. Renvoie-moi de chez moi.

Lily : continuez vos petits jeux et bientôt je vous jette tous les deux.

Bob : moi aussi ?

Renaud : tu comptes jusqu’à combien ?

Lily : deux de perdus vingt de retrouvés. Remarquez cela ne marche pas à tous les coups.

Bob : tant mieux.

Lily : un jour en butinant du côté de la gare je demande poliment à une inconnue de me prêter son mec …

Renaud : dans quelle intention ?

Bob : elle y a vu malice ?

Lily : je ne sais pas. Elle m’a dit non tout de suite, carrément.

Renaud (feignant l’incrédulité) : non !

Lily : si.

Bob : comme c’est petit !

Renaud : (en aparté) : pas tant que ça !

Lily : pour une réponse physiologique j’aurais dû m’adresser à lui directement.

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Bob : dans ce genre de situation la politesse n’est pas de mise. Moi je prends ce qui me tombe sous la main.

Renaud : la première venue.

Bob : exactement.

Renaud : c’est clair.

Bob : mais surtout ne te trompe pas …

Renaud : avec Lily c’est différent.

Bob : tout à fait.

Lily : je reviens de loin !

Renaud : te voilà totalement rassurée chérie.

Bob : à quel propos ?

Lily : cherche.

Bob : j’y suis. Suis-je bête c’était …

Renaud : bien avant ma femme.

Bob : oui avec la gonzesse d’un autre tocard.

Renaud : pauvre gonzesse, pauvre tocard.

Lily : Bob a le cœur sur la langue.

Renaud : si c’est une qualité peut-être qu’il picole aussi.

Bob : et comment. Le nombre de cuites que nous avons prises Jeff et moi !

Renaud : tu l’as déjà présenté à Lily ?

Bob : il est mort avant d’avoir vécu.

Renaud : laisse-moi deviner, l’alcool ?

Bob : la cigarette.

Lily : le suicide à la cigarette est radical.

Renaud : infaillible certes mais cher. Il vaut mieux te tirer une balle dans la tête, tu profiteras tout autant.

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Bob : trop tard. Il a profité à sa façon.

Lily ( à son mari) : viens chéri, couche-toi entre nous.

Bob : tu crois vraiment que c’est une bonne idée ?

Renaud : il ne veut pas. Tu vois comment il est.

Lily : et dire que j’ai toujours voulu un lit dans lequel on se sent à l’aise à plusieurs.

Renaud : au fait vous vous … depuis combien de temps ?

Bob : depuis …

Lily : c’est tout récent.

Bob : je confirme.

Lily : tu penses bien que sinon je te l’aurais présenté depuis longtemps.

Renaud : à mon avis tu n’as pas pu me le présenter plus tôt pour d’autres raisons.

Bob : je me demande bien lesquelles.

Renaud : le boulot.

Lily : j’suis bête.

Bob : le hasard a voulu …

Renaud : celui-là fait parfois bien les choses.

Lily : que Bob n’était pas libre le soir.

Renaud : tu l’as vu ici une ou deux fois.

Lily : certainement pas plus. Je m’en serais souvenu.

Bob (en aparté) : et moi donc ! Je me régale chaque jour un peu plus.

Renaud : si je compte bien je connais l’enfoiré …

Bob : quel enfoiré ?

Lily : oui presqu’aussi longtemps que moi mais moins …

Renaud : c’est étonnant. Comment expliquer alors que moi j’en ai eu marre à l’instant où je l’ai vu ?

Bob : mais ma foi vous parlez de moi.

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Lily : viens là Bob chéri. Tu es un chou. (L’embrasse).

Renaud : lui ? Tu n’es pas difficile. Il ne t’embrasse même pas.

Lily : je lui apprendrai.

Bob : j’apprends vite et je peux venir tous les jours au lieu de …

Renaud : il ne fait donc rien, rien de ses dix doigts, à part ce qu’il fait chez moi ?

Lily : il est jeune. Il a bien le temps.

Renaud : mais alors je l’entretiens ?

Bob : je mange peu.

Lily : c’est un petit oiseau, je l’adore.

Bob : et je ne viens pas les week-ends.

Lily : dommage. Pourquoi pas ? Ce serait amusant. (A son mari.) N’est-ce pas chéri ?

Renaud : très.

Bob : désolé je ne peux pas. Je prépare une sortie littéraire.

Renaud : si tu veux je t’aiderai à préparer une sortie tout court, une sortie de mon lit.

Lily : mais qu’est-ce qu’il t’a fait à la fin ?

Bob : je ne te ruinerai pas, va. Avant moi elle a vu un colosse de couleur qui …

Renaud : quelle couleur ? Qu’est-ce que je dis ? Tu as vu …

Lily : on a pris un repas ensemble. Si on ne peut plus partager sa table qu’avec ses proches …

Renaud : mais je ne suis pas Emmaüs nom de dieu je suis Renaud. Je ne roule pas pour tout le monde.

Bob : il ne m’aime pas, il blasphème et il est d’une radinerie à peine croyable.

Lily : je suis d’accord. Là chéri tu exagères.

Renaud : mais dis-moi avec le colosse…

Lily : quoi avec le colosse ?

Bob : je vais te le dire Samba Samba ne mangeait pas, il se bourrait de tout ce qu’il

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avait sous la main. Et pour la digestion le trou Normand.

Lily : et alors. La faim justifie les moyens.

Bob : pour s’en débarrasser … de la faim.

Renaud : toi l’entretenu boucle-la, j’avais compris.

Lily : et toi n’essaie pas de bavasser sur le dos d’un pauvre affamé sans défense.

Bob : laisse-le bouffer à sa faim.

Renaud : c’est ça. Laissons bouffer à sa faim le pauvre colosse sans défense.

Bob : tu sais ce qui me creuse l’estomac à moi ?

Lily : non Renaud ne sait pas et ne t’aventure pas à le lui dire.

Renaud : j’ai eu tort de m’emporter.

Lily : cela arrive à tout le monde, même à moi.

Renaud : je sais que je ferais mieux de me réjouir que le colosse ait pu se régaler à ma table. Si seulement …

Bob : dis-le. Tu veux savoir s’il a aussi consommé Lily.

Lily : il bouffait. C’est tout ce qu’il faisait.

Renaud : soit. Et avant le goinfre à la démarche chaloupée ?

Bob : mets-toi à la place de Lily, quelle corvée !

Lily : oui j’étais obligée de replacer soigneusement au frigo tous ses plats succulents …

Bob : que seule tu n’avais pas pu avaler.

Lily : j’en suis encore fatiguée au point d’en avoir des cernes sous les yeux.

Renaud (à Bob) : tu m’as l’air bien au courant toi.

Bob : tu trouves ?

Lily : je l’ai éclairé pour qu’il ne prenne des vessies pour des lanternes.

Bob : oui et parce qu’un amant averti en vaut deux.

Lily : et puis Bob est un amant plein de ressources.

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Bob : à la base je m’appuie sur une intelligence intuitive, alors que Samba Samba n’est qu’un bête homme à femmes.

Renaud : l’ogre ?

Lily : à ce qu’on dit. Mais aucun TGV ne fonce à la vitesse de cette sorte de ragots.

Bob : qu’il nourrit en prétendant qu’il a couché avec 5000 femmes, mais …

Lily : si c’est vrai, ce qu’à Lily ne plaise, il n’a pas fini de faire le tour de toutes celles qui restent.

Bob : oh que non ! Mais tu ne m’as pas laissé terminer ma phrase. En vérité il n’a pas appris à compter.

Renaud : ça change tout.

Lily : tout et comme Bob le dit si bien, vantardise rime avec bêtise.

Bob : j’apprécie que tu apprécies la profondeur de mes pensées mises en paroles.

Renaud : taisez-vous un instant, le temps de me marrer en douce. (après qu’il ait réussi à ne pas rire aux éclats …) Je suis content de moi.

Lily : pas moi.

Renaud : 5000 à l’époque où il …

Lily : vidait le frigo.

Renaud : à raison d’une ou deux par jour …

Bob : il doit en être a …

Lily : 5005 ou 6 aujourd’hui.

Bob : plus. (Coup de genou de Lily) Aïe. Plus je réfléchis plus je pense …

Lily : je sais, que je ne suis pas loin du compte.

Renaud : je remercie mon père ma mère et mes aïeux de m’avoir fait moins menteur que vous deux.

Bob : menteur moi ?

Lily : menteuse moi ?

Bob : je n’ai aucun secret pour toi.

Lily : et moi encore moins ; une femme qui prend la peine d’introduire son amant

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dans son lit en plein jour au vu et au su de son mari ne peut pas avoir de secrets pour lui.

Bob : réfléchis avant de dire des âneries.

Renaud : des âneries ? Ça c’est la meilleure que j’ai entendue aujourd’hui !

Bob : et puisque tu veux tout savoir …

Renaud : (en baîllant) : dis toujours.

Bob : je m’apprête à écrire un bouquin dans lequel des salopards de nationalistes régressistes se battent contre de vaillants régionalistes progressistes pan- Européens.

Renaud : je dors déjà.

Lily : ce sera un bestseller. Tu me le dédicaceras ?

Renaud : un four parce que toute sa tête est un four.

Bob : jaloux, voilà ce que tu es. Et pourquoi ? Parce que je couche avec ta femme.

Lily : mon dieu ce que c’est mesquin !

Renaud : mesquin moi ?

Lily : allez embrassez-vous. On n’est pas bien là tous les trois !

Renaud (tandis que Bob tend craintivement la joue) : non.

Bob : tant pis.

Lily : tu nous fais de la peine, beaucoup de peine.

Bob : oh oui.

Renaud : malgré moi croyez moi, car s’il y ‘a une chose que je ne supporte pas…

Bob : quoi donc ?

Renaud : c’est que quelqu’un d’autre que moi fasse de la peine à l’amant de ma femme.

Bob : c’est clair et obscur en même temps.

Lily : j’ai l’air fin, coincée entre la susceptibilité d’un amant à la dignité bafouée et d’un mari à l’orgueil exacerbé.

Bob : il m’en veut, qu’est-ce que tu veux. Vire-le, c’est un intrus.

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Renaud : mais je rêve, l’huberlu se croit chez lui.

Lily : il a sa place dans mon cœur. Il a sa place ici.

Renaud : et tu le situes où ton cœur, entre les jambes ?

Lily : oh !

Bob : tu veux que je l’envoie à l’hôpital ?

Lily : voilà comment j’en suis arrivée à cette extrémité qui me fend le cœur.

Renaud : laquelle ?

Lily : de faire semblant de te tromper pour sauver mon honneur.

Renaud : de … « pour sauver ton honneur » !

Bob : elle souffre. Nous souffrons. Tu comprends ?

Renaud : toi l’amant qui l’aides à faire semblant t’en mêle pas, ou je fais un malheur.

Lily : Bob est à la fois mon âme sœur …

Renaud : et l’instrument dont tu te sers pour sauver ton honneur.

Lily : mon choix s’est porté sur lui.

Bob : je suis l’élu de Lily.

Renaud : serre-la dans tes bras. Vas-y qu’est-ce que tu attends espèce de farfelu ?

Bob : c’est simple, que tu sois parti.

Renaud : d’accord je vous laisse. Vous serez plus tranquilles pour faire semblant. (Fouille les poches du pantalon de son rival.)

Lily : qu’est-ce que t’es encore entrain de manigancer ?

Renaud : je cherche la clé de son appart pour faire un saut chez sa copine en attendant qu’il fasse son saut ici.

Bob : oh le vicieux !

Lily : il n’a pas de clé.

Renaud : j’ai compris.

Bob : toi ? Tu ne comprends même pas ce qui saute aux yeux.

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Lily : qu’est-ce que tu as compris ?

Renaud : qu’il vit sous les ponts.

Lily : mais non, chez sa mère.

Bob : quand je ne suis pas …

Lily : quand il n’est pas à la recherche d’un emploi ou d’une idée pour son bouquin.

Renaud : c’est parfait.

Bob : provisoire.

Renaud : si ça se trouve elle est peut-être moins moche que lui et tout aussi accueillante que toi ma chérie.

Bob (à Lily) : tu crois qu’il .. ?

Lily : je ne crains rien, il n’aime pas les vieilles.

Renaud : n’en parlons plus.

Lily : parlons d’autre chose.

Renaud : je parie qu’elle a à peu près ton âge ma chérie.

Bob : un an de moins. Tu la reconnaîtras facilement, elle a une cravache en bandoulière.

Lily : mais c’est affreux.

Renaud : tu trouves ? Affreux pour qui ?

Après un silence pesant …

Lily (à Bob) : dis quelque chose. Tu m’aimes ?

Renaud : elle te demande quelque chose.

Bob : si je l’aime. Je ne suis pas sourd. Bien sûr que je l’aime.

Renaud : oui bien sûr tu l’aimes comme tu aimerais n’importe quelle pétasse pousse- au-crime prête à t’accueillir dans son lit.

Bob : tu es encore plus méchant que Lily …, moi je suis un amant attentionné. Je m’occupe de l’honneur de Lily tous les jours.

Lily : depuis un jour ou deux.

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Renaud : c’est peu. Et la nuit ?

Lily : un coup d’œil le premier jour me suffit pour jauger l’individu et le deuxième jour je pèse le pour et le contre. :

Renaud : je t’écoute chérie.

Bob : et moi donc !

Renaud : commence par le pour.

Lily : vous me décevez tous les deux. Vous n’êtes que des peigne-culs.

Bob : mais …

Lily : tous les deux.

Renaud : je refuse catégoriquement de partager l’épithète avec l’individu dans mon lit.

Lily : vous êtes aussi bornés l’un que l’autre.

Bob : si je n’étais allongé, j’en tomberais sur le cul. Borné moi, un futur homme de lettres.

Renaud : je suis triste. Si j’étais ce que tu dis, je serais incapable de vivre avec moi.

Lily : j’exagère à peine.

Bob : tu nous fais souffrir tous les deux, surtout moi.

Renaud : fous-le dehors. Tes anciens amants ne représentent rien. Je te promets de ne plus craindre que tes amants à venir.

Lily : laisse-moi réfléchir.

Renaud : ainsi l’amant largué comprendra s’il a quelque chose dans la tête, qu’il ne représente rien et en tout cas moins que le mari trompé.

Bob : ne l’écoute pas. Il se sert de son dépit comme d’un lance-roquettes à bêtises.

Lily : l’heure est grave. Je vous … garde tous les deux … pour l’instant.

Bob : lui aussi ?

Lily : oui pour le soigner.

Renaud : moi ?

Lily : oui car tu t’imagines que je te trompe parce que tu as trouvé Bob dans mon lit.

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Renaud : c’est fort possible et tu comprendras lorsque je te dis qu’en réalité je souffre de toi, que de toi.

Bob : soigne-le en vitesse qu’on en finisse.

Renaud : sois raisonnable chérie. Ton diagnostic est fantaisiste. C’est un paravent de coupable.

Lily : pas du tout.

Bob : t’es un grand malade. Voilà ce que tu es.

Lily : comme tu y vas. Renaud souffre d’une psychose bénigne. Si un jour sa mère du ciel lui donne l’ordre de quitter son boulot…

Bob : oui pour venir mettre son nez dans ton lit.

Lily : alors, je crains qu’il sera souhaitable de l’enfermer.

Renaud : quoi ?

Bob : pour de bon ?

Lily : le temps de se rétablir. Au fait chéri et le boulot ?

Renaud : je prends une année sabbatique.

Bob : en voilà une idée. Qu’est-ce que c’est ?

Lily : une année de congé. Nous voici dans de beaux draps.

Bob : il fait vraiment tout pour nous couillonner.

Lily : mais pourquoi chéri ? Tu ne savais pas que je crois que tu t’imagines des choses.

Renaud : un pressentiment probablement.

Bob : je te jure que …

Renaud : je sais, les apparences sont contre toi.

Lily : si j’ai avoué qu’il est mon amant c’était pour … pour conserver ton estime.

Renaud : mais tu l’aurais conservée de toute façon, même sans m’avouer quoi que ce soit.

Bob : je retire tout ce que j’ai avoué.

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Page 21: Lily au lit

Lily : moi aussi, tout sauf la vérité.Renaud : menteurs comme vous l’êtes je pense plutôt que vous désavouez la vérité pour ne garder que le mensonge.

Bob : tu sais aussi bien que moi que toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre.

Lily : que ne dit-on pas aussi sous le coup de l’émotion.

Bob : l’émotion c’est terrible.

Lily : mets-toi à ma place.

enaud : non merci t’es capable de t’imaginer que je couche avec « pipi-au-lit ».

Bob : oh !

Lily : lorsque tu es entré sans frapper, ce que la baronne de Rothschild ne ferait jamais …

Bob : j’ai laissé tomber des mains la partie du corps de Lily que …

Renaud : épargne-moi les détails tu veux. Un détail de plus et je t’étrangle de mes mains.

Bob : doucement doucement.

Lily : bref, toutes les conditions étaient remplies pour t’avouer ce que tu voulais entendre.

Renaud : quoi donc chérie ?

Bob : qu’elle était, ne t’en déplaise, sur le point de succomber à mes charmes.

Renaud : lesquels ?

Lily : perspicace comme tu l’es …

Renaud : le compliment me va droit au cœur, continue.

Lily : tu as sûrement remarqué que l’irréparable a été évité.

Renaud : de justesse.

Lily : certes.

Renaud : à moins que l’irréparable était sur le point de se reproduire.

Bob : généralement je fais une pause de …

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Page 22: Lily au lit

Lily : perspicace comme tu l’es …Renaud : n’est-ce pas.

Lily : tu te souviens certainement que je n’ai vu Bob dans ce lit de malheur qu’une ou deux fois.

Bob : de malheur, de malheur !

Renaud : et malheur de malheur chaque fois quelqu’un a poussé la porte sans frapper.

Bob : comment as-tu deviné ?

Lily : c’est incroyable. Il sait tout.

Renaud : mieux encore, je sais que vous vous souvenez parfaitement de la personnalité de l’intrus.

Bob : et comment donc !

Lily : la première fois … ah oui c’était la pie du voisin.

Bob : qu’est-ce qu’elle jacasse !

Lily : et la deuxième fois … je la vois comme je vous vois.

Renaud : la mère de Bob.

Lily : oui.

Renaud : avec sa cravache.

Bob : oui toujours occupée à se demander …

Lily : s’il ne lui manque rien.

Renaud : ah les mères. M’en parlez pas.

Lily : si je ne suis pas une bonne mère, j’ai des excuses.

Renaud : sans enfant, pas moyen de l’être.

Bob : hélas sans enfant pas de mère, sans mère pas d’enfant.

Renaud : dis-moi Bob toi qui es l’amant avoué de Lily …

Bob (à Lily) : où veut-il encore en venir avec ses questions ambiguës ?

Renaud : à Samba Samba.

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Page 23: Lily au lit

Bob : je t’écoute.Lily : « il n’a pas consommé moi » là.

Renaud (à Bob) : alors explique pourquoi tu m’as demandé « tu veux savoir s’il a aussi consommé Lily ? ».

Bob : la question était directe, la réponse aussi.

Lily : et si le mot « aussi » te chiffonne, sache qu’il signifie simplement « tout comme toi ».

Bob : oui comme toi le bolide.

Renaud : évidemment. J’suis idiot.

Lily : je ne te le fais pas dire. Heureusement je ne retiens que l’essentiel.

Renaud : c'est-à-dire ?

Lily : que tu ne crains que mes amants à venir.

Bob : si je suis encore dans le lit de Lily, c’est uniquement parce que tu l’as voulu ainsi.

Renaud : j’ai eu tort. (Se déshabille.) Tiens prend ma place. Je reprends la mienne.

Fin du premier acte.

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Page 24: Lily au lit

Deuxième acte.

Un mois plus tard. Même chambre à coucher. Lily est assisedans son lit, à sa gauche Bob, à sa droite son mari.

Lily : et vous voulez savoir ce qu’il disait ?

Renaud et Bob (ensemble) : oui.

Lily : « Depuis que je suis à la retraite je n’ai plus le temps pour rien » disait-il, « je crains qu’à ce rythme-là je n’aurai même plus le temps de mourir. »

Renaud : comme je la connais le pharmacien a dû lui répondre du tac au tac …

Bob : « moi non plus ».

Lily : elle lui a répondu : « ne t’inquiète pas. Prends ceci, tu vois la tête de mort ? Avec cette merde-là tu verras ça s’arrangera ».

Renaud : j’aurais bien voulu voir la tronche d’Alphonse.

Lily : il est parti en serrant les dents sans demander son reste.

Bob : et une fois qu’il était sur le trottoir …

Lily : même les médicaments ont éclaté de rire.

Renaud : cette dame n’est pas Dieu le père mais elle a tout du Saint Esprit.

Lily : tout le monde y est allé de son commentaire. Seul ce con d’Hubert n’a rien dit.

Bob : celui-là …

Renaud : pas de conclusions hâtives. Celui qui ne dit rien ne dit pas de conneries, il écoute les conneries des autres.

Lily : si tu le dis.

Renaud : et en les écoutant il a l’intelligence de se taire.

Lily : j’ai bien peur que cette intelligence-là je ne l’ai pas.

Renaud : et alors ! Tu as toutes les autres.

Bob : et une montagne de dispositions naturelles favorables que nous n’avons pas.

Lily : taisez-vous. J’ai parfois l’impression que je n’ai aucune aptitude au bonheur.

Renaud : détrompe-toi chérie. Celle-là aussi tu l’as.

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Page 25: Lily au lit

Bob : puisque du bonheur, tu nous en procures tous les jours.

Lily : embrassez-moi.

Renaud : moi .. ?

Lily : en même temps. Vous avez chacun droit à la moitié de ma bouche.

Après le baiser à trois …

Lily : et maintenant, changez de côté et recommencez.

Après le second baiser …

Lily : c’était un peu mieux, un tout petit peu. Bougez pas, je reviens.

Lily partie …

Renaud : et le russe ?

Bob : je n’ai pris que deux leçons sur un parking d’autoroute et comme ma prof …

Renaud : je vois. Tu l’as culbutée.

Bob : le résultat est fâcheux. Je ne parle pas le russe.

Renaud : personne ne parle le russe après deux leçons.

Bob : probablement pas.

Renaud : moi je ne le parlerais pas même si on me pendrait à l’envers à un arbre en me menaçant de me cisailler les couilles.

Bob : à circonstances extrêmes, effort extrême mais je suis sûr que mes tortionnaires n’y comprendraient que dalle.

Lily (de retour, s’installe entre ses compagnons de lit) : je vous ai manqué ? Rassurez-moi.

Bob : sans toi ton lit est le désert d’Atacama.

Renaud : sans toi, je ne suis qu’un imbécile en manque de sa moitié.

Lily : et maintenant que je suis de retour ?

Renaud : mon cœur chante ce que le tien veut entendre.

Bob : tu serais le soleil de ma vie si des millions d’amoureux n’avaient utilisé la comparaison avant moi.

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Page 26: Lily au lit

Lily : flattez mon amour-propre sans compter, cela m’évitera la misère humaine d’être obligée de le faire moi-même.

Renaud : pas question. J’ai l’intention de te plaire en disant tout le mal que je pense de toi.

Lily : attention aux effets pervers !

Renaud lui dit quelque chose à l’oreille.

Lily : oh !

Bob en fait de même.

Lily : Bob chéri écoute, tu ne penses pas, tu suis.

Bob : et pourtant j’ai des idées. Il ne me manque que les mots qu’il faut.

Renaud : mais dis-moi t’as changé de parfum.

Lily : il y’a deux minutes. Sentez, (un avant-bras sous le nez de chacun) mais n’en profitez pas pour me chatouiller.

Renaud : tous les nezs qui ont contribué à sa mise au point peuvent compter sur mon éternelle reconnaissance.

Bob : je souscris des deux narines.

Lily : je ne vous félicite pas. C’est le même depuis toujours.

Renaud : non !

Lily : eh si !

Bob : nous n’avons pas d’excuse à moins que de ne pas partager ton lit depuis longtemps en soit une.

Renaud : moi j’en ai une.

Lily : accouche.

Renaud : j’ai l’excuse de ne pas avoir trouvé plus tôt les amants dans ton lit.

Lily : je l’accepte inconfortablement assise dans la position de la Vierge Marie donnant une correction à l’enfant Jésus en présence d’un témoin suivant attentivement le mouvement de sa main.

Renaud : merci pour tout.

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Page 27: Lily au lit

Bob : je n’ai plus qu’à accepter malgré moi d’être le témoin gênant de la scène.Lily : mais j’y pense …

Renaud : la manif ?

Bob : tu veux te joindre au cortège ?

Lily : je me demandais si elle pourrait nous gêner.

Bob : y’a qu’à rester au lit.

Renaud : ce genre de manif est mort-née. Tout le monde sait que les gens ne se soucient de la guerre que lorsqu’ils en sont morts et encore.

Lily : c’est con mais je sais ce qu’on va faire.

Bob : quoi encore ?

Lily : procurez-vous chacun une pancarte et dès qu’on entendra quelque slogan dehors vous vous mettrez à défiler en caleçon autour du lit.

Bob : avec notre pancarte.

Lily : oui on prévoit des averses demain, ici vous serez au sec.

Renaud : silence, cris ou chuchotements ?

Lily : à vous le choix.

Bob : l’imprévu est le sel de toute manif.

Lily : assez tergiversé, la répétition commence.

Une fois Renaud et Bob sortis du lit…

Lily : mettez-vous en dehors du garde-à-vous une main en l’air, comme si vous brandissiez une pancarte.

Bob et Renaud tournant dans un sens opposé …

Lily : non, en cortège. Parfait et maintenant balancez à gauche et à droite avec votre pancarte.

Renaud (criant) : les faibles font la guerre pour se prouver qu’ils sont forts mais ils ne leurrent personne.

Bob (criant) : la guerre …

Lily : quoi la guerre ?

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Page 28: Lily au lit

Bob : je suis en panne d’inspiration.Renaud (criant) : la guerre n’est pas assez stupide pour en rire, alors pleurons-en.

Lily : mieux que ça. Mieux que ça les slogans.

Renaud : qu’est-ce que tu veux, que chaque phrase soit un mot ? Sois réaliste pour une fois.

Lily : vous pourriez au moins avoir l’air d’oiseaux de bon augure à l’aspect extérieur assorti à vos slogans.

Bob : avec ma pancarte qui n’en est pas une, je me sens décidément plus ringard que je voudrais.

Lily : dans vos caleçons sans vie, vous ressemblez à deux hommes qui se disputent le titre du simple dames d’un tournoi du grand chelem.

Renaud : les balancer c’est ton idée.

Bob : il me semble.

Lily : c’est une manif nom d’un chien pas la procession de saint Janvier.

Renaud : d’accord notre manque d’expérience en la matière saute aux yeux.

Bob : mais à qui la faute ?

Lily : croyez en vos slogans, à un ciel sans bombes ni missiles.

Bob : j’y crois.

Lily : à la bonne heure.

Bob : et pour l’inspiration ?

Lily : c’est simple, inspire.

Bob suit le conseil.

Lily : voilà l’inspiration c’est ça.

Bob (crie soudainement inspiré) : faisons la guerre la main dans la main sans nous tirer dessus.

Lily : voilà un bon début. Continue. Inspire.

Bob inspire une fois, deux fois, trois fois.

Bob : c’est foutu. Ça ne marche plus.

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Page 29: Lily au lit

Renaud : à force de la forcer, son inspiration à rendu l’âme dans un contre-feu. étouffée par la fumée.

Lily : cette répétition générale ratée…

Renaud : incontestablement.

Lily : m’oblige à vous faire changer le fusil d’épaule.

Bob : à la guerre comme à la guerre.

Lily : vous mettrez un chapeau de camouflage à fleurs kaki genre Epsom.

Bob : et sous le chapeau ?

Lily : sous le chapeau un slip assorti à la guerre.

Bob : quoi un slip sous le chapeau ?

Renaud : loin dessous bêta, pas au cou.

Lily : un peu de jugeote Bob s’il te plaît. Tu veux la gagner cette guerre contre la guerre oui ou merde ?

Renaud : nous la gagnerons même si c’est pas gagné d’avance.

Bob : quitte à abattre le ministre de l’Attaque qui préfère qu’on l’appelle ministre de la Défense.

Lily : doucement, nous la gagnerons de façon pacifique.

Renaud : à nous trois ?

Lily : avec l’aide des manifestants sous nos fenêtres.

Bob : oui de la masse qui s’intérersse à la guerre avant d’y laisser sa peau.

Lily : la répétition est terminée. Mes lèvres rêvent de vous réanimer. Le premier au lit sera le premier servi.

Renaud et Bob ne se font pas prier, regagnant leur place en vitesseen balançant leurs pancartes imaginaires dans un coin.

Renaud : je suis mieux ici. La guerre ne refroidit pas que les morts.

Bob : elle tue à toute allure pour ne pas perdre de précieuses secondes au cours desquelles elle réussira à tuer encore.

Renaud et Bob étant arrivés ex aequo …

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Page 30: Lily au lit

Lily : vous n’aurez rien pour l’instant.Renaud : rien ? Quel est le problème ?

Bob : qu’avons-nous fait de mal ?

Lily : rien. Non tout. C’est un problème sentimental.

Bob : tu ne m’aimes plus ?

Lily : je ne te parle pas sentiments mais déchirement.

Renaud : incapacité de départager les ex aequo.

Bob : la solution est simple. Servons-nous ensemble.

Lily : quoi ? Tu me prends pour un œuf sur le plat ?

Bob : je veux dire, sers-toi de moi.

Lily : Bob chéri sois fou et tais-toi.

Bob : j’avance doucement en regardant où je mets les pieds.

Renaud : c’est grave comme folie.

Lily : catastrophique.

Renaud : j’ai tort de te donner ce conseil, réinvente l’amour. Nous en sommes tous là, sous peine de perdre ce qu’on a.

Lily : je suis tombée amoureuse pour la première fois à quinze ans. L’état de grâce a duré deux minutes à peine.

Bob : c’est peu.

Renaud : le sale petit morveux t’a laissée pour une autre.

Lily : après le baiser je lui ai demandé de but en blanc « tu veux mon numéro de téléphone ? » et il m’a répondu du tac au tac « non merci j’ai l’annuaire ».

Bob : à bonne entendeuse …

Lily : il m’a fait comprendre qu’il faut lutter en permanence contre une armée d’inconnues en mini-jupe, parées comme des châsses avançant lentement …

Renaud : sûres de prendre le pouvoir au premier coup de vent.

Lily : en vertu de quoi, je vous demande une minute de silence en souvenir de toutes celles qui ont lutté sans succès.

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Page 31: Lily au lit

Après …Lily : je m’abandonne, je suis à vous.

Renaud : à toi l’honneur mon frère de lit.

Bob : tu es trop bon mon cher Renaud, tu es un fabuleux mari.

Lily (les saisissant par les cheveux les oblige à s’occuper d’elle en même temps) : assez de politesses de guerriers. (Se laisse embrasser à tour de rôle par l’un et par l’autre.)

Après un temps …

Lily : assez c’est assez. Vous comprenez ?

Renaud et Bob (ensemble) : non.

Lily : c’est parce qu’il n’y a rien à comprendre.

Renaud : ça me rassure.

Lily : les femmes sont sibyllines par nature. Elles confondent à dessein réalisme et mystère. Ce n’est un secret pour personne.

Bob : ça tombe bien, car s’il y ‘a une chose que Renaud déteste c’est bien les femmes réalistes.

Renaud : comment le sais-tu ?

Bob : et je sens que je pourrai bientôt partager son avis.

Lily : trêve de balivernes. L’heure est grave je vous quitte. (Se lève et enfile son collant.)

Bob et Renaud (ensemble) : hein ?

Lily : soyez pas tristes … allez soyez pas tristes. Je reviens

Renaud : tu m’as fait peur écoute.

Bob : et moi donc !

Lily : vous qui n’aimez pas les femmes réalistes vous voilà servis.

Renaud : sois ce que tu veux chérie au gré de ton humeur et de tes fantaisies.

Lily : si je reviens c’est parce que réaliste comme je suis, j’ai compris que je n’ai rien à gagner mais tout à perdre en vous quittant.

Bob : n’est-ce pas ?

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Page 32: Lily au lit

Lily (en se recouchant) : d’ailleurs je ne pars pas.

Renaud : moi non plus.

Lily : retirez-moi ce machin. Doucement car si vous faites filer mon collant fétiche, je file pour de vrai. (Pendant que Renaud et Bob le lui retirent sans l’abîmer) A qui le tour de faire la cuisine ?

Bob : à moi.

Lily : parfait.

Renaud : prends ton temps comme j’ai pris le mien hier.

Bob : compte sur moi.

Lily : tu sais ce qui me ferait plaisir ?

Bob : non.

Lily : c’est embêtant car moi non plus.

Renaud : il fait bien la tarte Tatin.

Lily : je sais. Nous commencerons par le dessert mais ne jette pas les épluchures des pommes à la poubelle.

Renaud : ils servent au développement intellectuel des merles du jardin.

Bob : ah ?

Lily : quoi « ah » ? Tu veux qu’on ait des merles intelligents ?

Renaud : oui des oiseaux qui se débrouillent sans qu’on leur donne de quoi becqueter ou des bêtes oiseaux ?

Bob : tant qu’à faire des petits malins, y’a pas photo.

Renaud : et si tu nous en bouffais la moitié .. ?

Bob : merci. Je ne veux pas les priver.

Lily : oh, il voulait juste te faire siffler comme eux.

Bob : aucune chance.

Lily : et pendant que j’y pense, il faut que je rappelle ma mère.

Bob : tu me la présenteras ?

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Page 33: Lily au lit

Lily : « maman, voici Bob mon amant. » Tu veux m’en débarrasser ?

Renaud : il vaut mieux qu’elle ne te présente pas, crois-moi. Comme moulin à paroles elle n’a pas son égale.

Bob : ah bon.

Lily : si ce n’était qu’ça mais invariablement elle me sort de ces théories …

Renaud : oui à faire pâlir l’homme d’état qui fait le discours de sa vie à la tribune des Nations Unies.

Lily : d’après elle il y en a 2 sortes, les criminels et les criminels en puissance.

Bob : je sens que vous exagérez à peine.

Lily : pas le moins du monde. Elle brode puis elle remet ça.

Renaud : et ses broderies sortent de sa bouche par jets ininterrompus telles des geysers.

Lily : résultat, si t’as pas le réflexe de t’agripper aux meubles tu te retrouves rapidement projeté au plafond.

Bob : un homme averti en vaut deux.

Lily : le téléphone est idéal. Pendant qu’elle fignole ses broderies vous pourrez m’épiler les jambes, me faire les ongles, me …

Bob : et t’embrasser ?

Lily : c’est matériellement possible car elle ne me laisse pas placer un mot.

Renaud : alors !

Lily : bien que je ne l’écoute pas avant de raccrocher généralement au bout d’une demi-heure, je ne vous promets rien.

Bob : pourquoi pas ?

Lily : parce que, comme je vous connais, vous seriez prêts à réclamer votre dû même si j’avais envie de faire autre chose.

Renaud : quoi par exemple ?

Lily : le repassage.

Renaud : pas la vaisselle ?

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Page 34: Lily au lit

Lily : c’est possible.Bob : chouette !

Renaud : eh ben !

Bob : si un jour l’envie te prend …

Lily : laquelle ?

Bob : de faire la vaisselle ou le repassage, peu importe, j’aimerais en profiter pour te distraire pendant la corvée en te faisant un gros câlin.

Renaud : c’est pas bête comme idée.

Lily : n’est-ce pas !

Bob : c’est d’accord ?

Lily : oui j’suis preneuse. Toi Bob je te verrais bien le cul dans l’eau de vaisselle et toi Renaud assis sur la planche entrain de me déshabiller pendant que je passe le fer entre ton bras pour essayer de repasser tes chemises.

Bob : elle serait à quelle température cette eau ?

Lily : tiède, bouillante, est-ce que je sais moi ?

Renaud : ce ne sont que des détails stupidement réalistes et sordides.

Lily : en vérité je ne me plais qu’au lit.

Bob : rien ne vaut le lit, même pas le lait. Mais le le lit et le lait c’est parfait.

Renaud : c’est mieux que l’eau de vaisselle.

Bob : on peut tout faire dans un lit.

Lily : tout.

Bob : des tas de bonnes choses.

Renaud : qu’on ne fait pas dans un square ou une fosse de sable sans en choquer quelques-uns.

Lily : comme cet aimable cochon de Valère qui après coup avait remis sa culotte de golfeur à l’envers.

Renaud : et pourtant …

Lily : si tout le monde ferait comme lui le monde serait plus beau et les gens plus gentils.

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Page 35: Lily au lit

Bob : hélas je ne joue pas au golf.

Lily : c’est facile.

Renaud : nous t’apprendrons.

Lily : toutes les fosses sur les terrains d’ici nous sont familières.

Renaud : le golf c’est la vie.

Lily : la vie au grand air où toutes les fosses sont fréquentées à dessein.

Renaud : plus on y joue, plus on a envie d’y jouer.

Bob : vive le green et ses recoins.

Lily : remercie-moi d’avance de t’introduire dans mon club.

Bob : merci chérie. (L’embrasse.) Le titre de mon livre sera « Lily au lit ».

Renaud : je me demande si le lit de Lily …

Lily : ne sera pas trop éloigné du sujet.

Bob : pas du tout. La bataille rangée se fera à coups d’oreillers.

Lily : Laisse-moi t’embrasser et avant que j’oublie…

Bob : pour la couverture ?

Lily : oui, je poserai en descente de lit.

Renaud : et moi ?

Bob : on se passera de toi.

Lily : dans un lit scintillant au soleil sur une plage déserte des Maledives.

Bob : parfait.

Lily : embrasse-moi une dernière fois car je ne suis pas sûre de ne pas rester définitivement là-bas.

Renaud : quoi ?

Lily : j’suis sotte, les tsunamis !

Bob : des gratte-ciel d’eau.

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Page 36: Lily au lit

Lily : mon dieu ! Et je ne suis ni surfeuse d’eau ni cyberdépendante !Bob : nous laisserons sans regrets derrière nous l’endroit submersible.

Lily : volontiers.

Bob : pour t’exposer dans les étalages des librairies de Mahé et d’ailleurs.

Lily : quelle horreur cette eau salée. Je la sens jusqu’ici.

Renaud : moi aussi.

Lily : voilà une bonne chose de faite. Et maitenant place aux choses pratiques.

Renaud : t’as quelque chose de précis en tête ?

Lily : moi ? Tu veux rire !

Renaud : je me disais aussi.

Bob : un p’tit café ? Au lait ?

Lily : pourquoi pas.

Renaud : excellente idée. (En aparté.) Enfin seul avec Lily. A mon goût je suis chocolat depuis bien trop longtemps.

Bob parti …

Renaud : ton amant …

Lily : tu l’aimes ?

Renaud : il n’est pas trop déplaisant.

Lily : j’ai bon goût, tu ne trouves pas ?

Renaud : j’suis content qu’il n’est pas trop gros.

Lily : c’est pénible les gros … surtout s’ils ont de grosses envies.

Renaud : ça saute aux yeux.

Lily : veille à ce qu’il ne consomme pas trop de calories lorsqu’à ton tour tu feras la popote.

Renaud : oui mon amour.

Lily (l’embrasse) : je compte sur toi.

Renaud : tu m’en voudrais si je te disais la vérité ?

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Page 37: Lily au lit

Lily : ça dépend.

Renaud : tant pis. Je te la dis quand même. Si je ne veux pas qu’il s’empâte c’est que je pense à moi.

Lily : oh ! T’as pas honte ?

Renaud : pas tellement non.

Lily : et mes invités qu’est-ce que tu en fais ?

Renaud : je compte sur toi pour les dorloter.

Lily : oh le vicieux ! Je veux. Qu’est-ce que je veux ? Tu vois tu me troubles avec tes raisonnements tordus.

Renaud : j’ai eu tort de te dire la vérité, te voilà blessée.

Lily : exactement. Tiens regarde.

Renaud : je ne vois rien.

Lily : tu ne vois rien. Tu ne vois rien. Tu vois comment tu es !

Renaud : je te demande pardon.

Lily : c’est bon pour cette fois, sale égoïste.

Renaud : et toi tu te définirais comment ?

Lily : moi je suis … je sais ce que je suis.

Renaud : quoi donc ?

Lily : je suis une mondialiste. Je pense à tout le monde y compris à moi.

Bob (avec le café et des plaquettes de chocolat) : poussez-vous. (S’installe avec eux.)

Lily : merci pour ce moment privilégié que je me suis imaginé tel quel tout petite.

Renaud : toute petite ?

Bob : c'est-à-dire ?

Lily : je me suis vue bien entourée pour la première fois à cinq ans.

Bob : ah !

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Page 38: Lily au lit

Lily : oui toutes les petites filles ont le même rêve.Renaud : ça par exemple !

Bob : et les poupées ?

Lily : je vous parle de petites filles évoluées.

Renaud : il ne comprend rien aux petites filles et j’en mettrais ma main au feu, aux femmes pas davantage.

Lily : parce que ça ferait ton affaire !

Bob : laisse. C’est plus bête que méchant.

Lily : après tout …

Bob : il t’a énervée pendant que je n’étais pas là ? Raconte.

Lily : il ne pense qu’à lui, son lit, sa vérité, sa femme. Je suis persuadée qu’il pense qu’il aurait plus de place si tu n’étais pas là.

Renaud : pas tout le temps.

Lily : tu vois !

Bob : c’est ingrat. Je ne comprends pas.

Lily : moi non plus.

Bob : tu t’imagines les dégâts si je me mettais à penser comme toi.

Renaud : bof !

Bob : passons.

Lily : non. Il fait tout pour briser mon rêve de petite fille. Et il le fait en connaissance de cause.

Renaud : je m’excuse. Là. Mais il est malsain de rester petite fille toute la vie.

Bob : pour une fois il a raison. Y’a que les pédophiles qui nieront.

Renaud : je vais essayer d’arranger mon cas en vous débarrassant du plateau.

Lily : vas-y mais je ne reverrai mon opinion que si tu fais la vaisselle aussi.

Renaud : en prenant mon temps.

Lily : tu as tout compris, goujat.

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Page 39: Lily au lit

Une fois Renaud parti …

Bob : tu m’aimes ?

Lily : oui. Oui et non.

Bob : plutôt oui ou plutôt non ?

Lily : oui quand tu m’embrasses, non quand tu ne m’embrasses pas.

S’embrassent. Après …

Bob : mais c’est affreux.

Lily : d’autant plus affreux que c’est la même chose si on ne fait pas l’amour.

Bob : chez moi aussi.

Lily : quoi ? Mais ma parole tu n’es pas ici pour mon plaisir mais pour le tien !

Lily : pas forcément.

Bob : je ne vois qu’une solution, cent fois sur le métier …

Lily : cent fois ? Mais ce n’est pas de l’amour mais du travail à la chaîne.

Bob : étant donné que tu ne m’aimes pas quand on ne le fait pas, t’as un autre moyen à me proposer ?

Lily : oui.

Bob : je t’écoute mais laisse-moi t’embrasser d’abord avant que ton lourdaud de mari s’empare de la moitié de ta bouche, d’un de tes seins, d’une …

S’embrassent.

Lily : mais dis-moi, comment tu l’as appelé mon adorable mari.

Bob : ma langue a fourché et j’embrasse mieux pendant qu’il fait la plonge que pendant qu’il nous dévisage l’eau à la bouche comme un clebs affamé.

Lily : ce n’est pas une raison de traiter de gros lourdingue un homme qui t’invite de bon cœur dans son lit afin d’y partager sa femme avec lui.

Bob : j’avoue que …

Renaud : (en reprenant sa place) : faute avouée est à moitié pardonnée. Qu’est-ce qu’il a encore fait. Il a souillé nos draps ?

Lily : son vocabulaire m’a déplu.

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Page 40: Lily au lit

Renaud : c’est fâcheux.

Bob : rien de bien terrible, une faute d’inattention.

Renaud : fais gaffe. Les critiques littéraires seront plus sévères pour « Lily au lit » que Lily pour l’amant dans son lit.

Bob : je sais, la critique est aisée.

Lily : et oui et l’art d’aimer difficile.

Renaud : nous lui apprendrons et lorsqu’il aura mon âge…

Lily : dans une bonne vingtaine d’années …

Renaud: je serais moins con, si je n’étais pas le balourd que je suis.

Lily : surtout que je ne t’entends plus !

Après un temps …

Lily : allez chercher le nécessaire, je téléphone à maman. Ça me calmera.

Renaud (à Bob) : prends la cuvette d’eau et le gant de toilette. Je prendrai le reste.

Bob : j’y vais.

Lily : allo maman ? Quelles nouvelles ? (Met le portable sous son oreiller.) Voilà une bonne chose de faite. Maman y est bien au chaud. C’est important par les temps qui courent.

Bob : laisse-moi faire. (Mouille légèrement le gant de toilette et des chevilles au genoux humidifie les jambes de Lily.)

Lily : encore une fois et appuie bien à mi-mollet.

Bob : tes désirs sont des ordres ma chérie.

Lily : elles te plaisent mes jambes ?

Bob : devine.

Lily : j’ai mon idée.

Renaud : moi aussi. (A Bob, en lui passant de la mousse à raser.) Tiens, occupe-toi de la gauche, je m’occupe de la droite.

Lily : c’est froid écoute. T’es allé la chercher au pôle Nord ou quoi ?

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Renaud : en Antarctique.Bob : la prochaine fois nous utiliserons de la chantilly.

Renaud : oui rien que pour te permettre de prolonger la conversation avec ta maman.

Lily : si vous léchez une jambe chacun …

Bob : bonne idée. Et dire que je n’y avais même pas pensé !

Renaud : tu vois un peu le commerce qu’on pourrait … malheureusement le commerce et moi ça fait deux.

Lily : vous lécheriez une jambe chacun et …

Bob : je suis prêt à signer un contrat de longue durée.

Renaud : lécheur pro, génial !

Bob : et apparemment sans risques.

Renaud : tout au plus on aurait besoin d’une assurance contre l’obésité.

Bob : c’est dans la poche.

Lily : doucement maman a toujours eu l’ouïe très fine. Pas besoin non plus de crier vos fantasmes sur les toits.

Bob : t’en fais pas. Elle sera fière de toi.

Renaud : comme c’est toi qui as eu cette idée saugrenue …

Lily : à laquelle vous deux n’avez même pas pensé.

Bob : pas un instant.

Renaud : et puis si d’aventure elle crierait au scandale, où tu l’as enterrée elle ne t’entendrait probablement pas.

Lily : les jambes des femmes d’abord. Qu’est-ce que j’étais entrain de dire ?

Bob : tu nous racontais à quel point nos langues sur tes jambes t’exciteraient.

Lily : menteur. Ce n’est pas vrai. Si c’est vrai.

Renaud : voilà qui est net.

Lily : c’est que je ne nie pas l’attrait de la chose. Je nie de m’être exprimée en ces termes.

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Page 42: Lily au lit

Renaud : nous en sommes restés à une jambe chacun.

Bob : mais si tu veux, nous pouvons aussi t’épiler les avant-bras, les aisselles, les …

Lily : pourquoi pas la tête pendant que vous y êtes ?

Renaud : non. Un cheveu dans la soupe c’est déjà un cheveu de trop. Je ne me sens absolument pas capable de digérer …

Lily : je ferme les yeux pour ne plus entendre vos sottises. Rasez-moi qu’on en finisse.

Renaud : oui mon ange.

Lily : et commencez à la cheville.

Renaud : par contre ce qui serait amusant …

Bob : quoi donc ?

Lily : appliquez-vous. Est-ce que je m’amuse moi ?

Renaud : un petit concours.

Lily : un petit concours ? Oui oui oui oui oui. Comme c’est troublant !

Bob : pas tellement. On serait combien au départ ?

Lily : la presse, la télé, les …

Renaud : rien que Bob et moi.

Lily : misère ! Enfin soit je ne suis pas minaudière.

Bob : c’est mieux.

Renaud : ces gens-là grossissent tout.

Bob : et après tout une jambe enduite de chantilly ressemble à une autre jambe enduite de chantilly.

Lily : sans doute. Mais une fois débarrassée du produit … vous avez fini ?

Renaud : tourne-toi chérie.

Bob : à nous les muscles jumeaux.

Lily : n’empêche qu’un concours sans journalistes est aussi fade qu’un potage sans sel.

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Renaud : nous serons le sel. Pendant le concours.

Lily : et un arbitre officiel ?

Bob : nos langues délieront tes muscles.

Renaud : elles auront raison de tes neurones et les neurotransmetteurs diffuseront un torrent de bien-être dans tout ton corps …

Lily : de rêve.

Bob : ce qui te donnera au bas mot, vingt ans de moins.

Lily : c’est appréciable, mais le vainqueur .. ?

Renaud : le vainqueur sera celui qui aura avalé son dessert le premier.

Lily : et pour ce qui est des poils ?

Bob : pour les poils il faudra repasser.

Renaud : oui dans un institut de beauté.

Lily : vous voilà une fois de plus confrontés à mon point faible.

Renaud : un réalisme étriqué en un mot « lilyputien », l , i , l , y.

Lily : exact, car si c’est à moi de désigner le vainqueur …

Renaud : cela va de soi chérie.

Bob : il n’y a que toi au-dessus de tout soupçon au présent et au futur.

Lily : c’est là le hic, car sur le ventre je me ferai un torticolis.

Bob : un torticolis ? Et alors ?

Lily : mais ! (A Renaud.) Tu l’entends ?

Renaud : oublie ta peine chérie. Je te garantis que nos langues feront de ton torticolis une fête et un délice à en crier merci.

Bob : c’est très précisément ce que j’ai voulu dire.

Lily : toi cause toujours. Je te retiens. Mais j’y pense…

Renaud : oui.

Lily : où est l’intérêt d’un concours où il n’y aurait que mes fesses prêtes à se lever comme un seul homme à la vue de vos exploits ?

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Bob : l’intérêt sera général.Renaud : et singulièrement particulier.

Bob : général parce que nous en profiterons tous les quatre.

Renaud : et particulier pour le vainqueur qui gagnera le droit de refaire un tour d’honneur sur tes guibolles enchantées.

Lily : je vois deux problèmes, un dans l’intérêt général et un autre dans l’intérêt particulier.

Bob : je donnerais ma vie pour les résoudre.

Lily : donne-moi la solution, ça suffira.

Renaud : laisse-le s’il a envie de …

Lily : qui est le quatrième profiteur ? J’ai beau scruter l’horizon je n’en vois que trois.

Renaud : quatre si chacune de tes fesses …

Bob : cinq.

Renaud : oui car le concours permettra à ta mère de te faire la conversation plus longtemps.

Lily : merci d’avoir pensé à elle. Et à un match nul, vous y avez pensé ?

Bob : longuement. Le match nul serait idéal.

Renaud : oui car avec une belle nous serions gagnants tous les cinq.

Lily : c’est troublant de vérité. Je demanderai à maman de vous remercier si un jour j’ai l’occasion de lui parler.

Renaud : merci chérie.

Lily : en attendant, pour vous permettre de me passer la crème hydratante, je vous permets de me remettre sur le dos.

Ce que Renaud et Bob font, après avoir embrassé les fesses de Lily.

Bob (en appliquant la crème sur une jambe) : tes jambes sont plus que parfaites et le reste aussi.

Lily : gave l’oie blanche de tes compliments racoleurs mais n’oublie pas de penser à mon torticolis.

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Page 45: Lily au lit

Renaud(en ayant fait de même avec l’autre jambe) : jette un coup d’œil sur celle-ci.

Lily : je ne suis pas une ingrate, je vous dis merci. Et maintenant les ongles. (A Renaud) : Montre-lui.

Bob : je sais. Ma sœur a deux pieds.

Renaud : pas possible !

Lily : c’est moyennement drôle.

Renaud : ce qui serait drôle c’est de savoir si elle se sert des deux en même temps pour te donner des coups de pied au cul.

Lily : rangez tout et allongez-vous à mes côtés. Dis-moi Bob le flatteur tu entends ce que j’entends ?

Bob : j’entends la petite musique de nuit.

Lily : pas mal mais moi j’entends « Take five » à la façon …

Renaud : Elek Bacsik.

Lily : Bacsik ? Comment as-tu deviné ?

Renaud : facile. J’ai pensé à ton année de naissance.

Lily : à ce jeudi 29 octobre …

Renaud : oui où t’as écouté dans le ventre de ta mère le tour de chant de Serge Gainsbourg accompagné à la guitare électrique du maître.

Lily : en même temps que vingt-trois autres spectateurs.

Bob : vous plaisantez !

Renaud : pas du tout.

Lily : amis genevois dites-moi s’il vous plaît mais où étiez-vous donc ce soir-là ?

Pendant qu’on entend « Take five », Lily embrasse tour à tour ses compagnons de lit. Puis elle se laisse

embrasser chaque cm² du visage. Après la musique …

Lily : mon cocktail hormonal endorphine dopamine et compagnie est au point. « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? »

Bob : oui.

Renaud : jusqu’au soir de ma vie.

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Fin du deuxième acte.Troisième acte.

Un mois plus tard. Comme au début du deuxièmeacte Lily est assise dans son lit, Renaud et

Bob à ses côtés.

Lily : ce que j’aimerais me faire tatouer. Vous ne pouvez pas savoir !

Renaud : quoi donc chérie ?

Lily : un canard en vol équipé d’un missile anti-chasseurs, ici sur le haut du bras.

Bob : la classe. Qu’est-ce qui t’en empêche ?

Lily : et ici au-dessus de la cheville des deux côtés un œuf entrain d’accoucher d’un caneton.

Renaud : pourquoi pas.

Lily : parce que tout le monde en a. C’est affreux.

Renaud : en effet.

Bob : mais tu pourrais les cacher. Ainsi tous ceux qui en ont ne verraient pas que tu en as aussi.

Lily : ah non ! A quoi bon en avoir s’il faut les cacher à ceux qui en ont comme si je voulais cacher que j’ai envie d’être comme eux, alors que ce n’est pas le cas.

Renaud : c’est triste et clair comme un jour sans soleil.

Lily : n’est-ce pas.

Bob : si un jour j’aperçois une tatouée, je te promets de cracher sur son tatouage pour te rendre moins triste.

Lily (rayonnante) : vraiment ? Tu ferais ça ?

Bob : trois fois de suite.

Renaud : et si c’est ton éditrice qui en a un pour cacher un semblant de moustache ?

Bob : comme on n’a pas le droit d’être raciste envers les éditrices à moustache, j’invoquerai des raisons personnelles pour lui retirer le manuscrit.

Lily : lesquelles ?

Bob : que je ne veux pas mourir d’un cancer de fumeur. D’ailleurs je ne la connais

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Page 47: Lily au lit

pas encore et elle m’énerve déjà.

Lily : moi aussi. Qu’elle fume ses clopes chez elle.

Renaud : les amies de nos manuscrits ont tort d’être les ennemies de nos nerfs.

Lily : embrassez-moi. Non attendez. (Sort son portable resté sous son oreiller et vérifie si elle a toujours sa mère au téléphone.) Allo maman j’suis obligée de te quitter. Je te rappelle ce soir.

Renaud et Bob l’embrassent en même temps, chacun sur la moitié de la bouche.

Bob : incroyable !

Renaud : elle radote et elle dort en même temps.

Lily : un mois au téléphone ça peut paraître long mais il y ‘a trois ans j’ai voulu lui souhaiter la bonne année …

Renaud : je me souviens parfaitement. Elle était bel et bien encore au téléphone depuis le jour de l’An précédent.

Lily : elle fonctionne au téléphone comme d’autres au radar.

Bob : je commence à comprendre et il y ‘a bien des bagnoles qui refusent d’avancer sans carburant.

Lily : maman ressemble à ces bagnoles-là. Sans son téléphone elle dépérirait à coup sûr sous la rouille.

Renaud : c’est plus que probable.

Lily : alors que maintenant à l’entendre elle a toujours bon pied bon œil.

Renaud : pas besoin d’aller vérifier.

Lily : absolument pas. Elle veut mon bien et comme mon bien est au lit …

Bob : et le nôtre aussi ..

Renaud : restons-y.

Tout le monde s’étire.

Renaud : cette année sabbatique est vraiment ce dont j’avais besoin pour remettre de l’ordre dans ma vie amoureuse.

Lily : il est vrai que j’étais une épouse totalement délaissée.

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Page 48: Lily au lit

Renaud : pendant la journée.

Bob : heureusement Bob est arrivé.

Renaud : qui c’est celui-là ?

Bob : coucou c’est moi.

Lily : maintenant que tu es là chéri, Bob est un peu la cinquième roue de la tire.

Renaud : celle qui se dégonfle dans le coffre en attendant qu’on s’en serve.

Bob : moi ?

Lily : oui toi. Je n’irais pas jusqu’à dire …

Renaud : moi non plus.

Bob : et ma cuisine ?

Lily : rien à dire.

Bob : tu vois. Et demain vers seize heures je vais m’occuper de la taupe qui construit une station de métro sous les rosiers.

Renaud : et si tu t’en occupais maintenant ?

Lily : oui vite fait.

Bob : je vois que vous ne connaissez pas les taupes. Elles ne sont actives que tôt le matin et l’après-midi vers seize heures.

Lily : si elles ne s’activent pas plus que ca, elles ne feront jamais fortune.

Renaud : elles sont myopes et bêtes à la fois.

Lily : c’est beaucoup pour une seule bête !

Bob : et pour tout vous dire, j’avoue que par le temps qu’il fait, je me sens mieux ici.

Renaud : je comprends.

Lily : « par le temps qu’il fait », tu dis.

Renaud : oui exécrable, à ne pas mettre un Bob dehors.

Bob : brrr.

Lily : et par beau temps ? Passons.

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Page 49: Lily au lit

Renaud : il paraît que la fin de l’hiver …

Bob : si j’attrape la grippe, je compte sur vous pour me soigner.

Lily : pas question !

Renaud : dis-moi mon petit Bob, je me demande si tu ne serais pas mieux chez ta mère pour ce genre de service.

Lily : elle connaît tes antécédents tandis que moi à force de coucher avec toi, je finirai par ne plus te connaître du tout.

Bob : c’est que je m’applique. Je n’ai pas le temps de te parler politique ou épidémies.

Renaud : tu as tort.

Lily : avec Renaud …

Bob : il te parle ?

Lily : lorsqu’il me parle politique je sens l’odeur qui s’en dégage.

Renaud : c’est inéluctable.

Lily : et cette odeur n’est pas pour me déplaire.

Renaud : toutes les femmes sont attirées par les fosses à fumier.

Bob : si j’avais su.

Lily : maintenant tu sais.

Renaud (soupirant) : il ne comprend rien.

Lily : explique-lui.

Renaud : si tu te vautres dans le fumier, tu sentiras le fumier pas l’odeur abjecte dégagée par la politique dépotoir.

Lily : tu comprends ou tu n’écoutes pas le mari de ta maîtresse ?

Bob : j’apprécie pleinement qu’il tienne la chandelle. C’est un sage.

Lily : je sais. Pas besoin d’enfoncer le couteau dans la plaie.

Bob : quelle plaie ? Nous sommes bien, c’est ce qui compte.

Lily (à Bob) : fais-moi rire.

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Page 50: Lily au lit

Bob : je te chatouille ?

Lily : surtout ne me touche pas.

Bob : une histoire belge ?

Lily : oui. Non tais-toi.

Renaud : viens Bob viens. Installe-toi ici. Je prendrai la place du milieu. Vaut mieux ne pas l’énerver pour le moment.

Lily : en me touchant en catimini.

Bob : je t’ai fait de la peine chérie ?

Renaud : sst. Et surtout ne m’appelle pas chéri. Regarde sans faire de commentaires. (Renaud enjambe sa femme et avant qu’ils s’embrassent longuement …)

Lily : et ferme tes yeux d’aye-aye.

Lily et Renaud se disent des mots doux à l’oreille,S’embrassent encore et encore.

Renaud (de retour entre Lily et Bob) : alors mon petit Bob ?

Bob : je vous ai vus.

Lily : les bons moments sont toujours trop brefs.

Renaud : il nous a vus.

Lily : sale petit con. Tu n’entends pas ce qu’on te dit ou quoi ?

Bob : si. J’avais les yeux fermés.

Renaud : si c’est involontaire c’est involontaire. Soyons justes.

Lily : moi je me serais efforcée de ne rien voir.

Renaud : remarque moi aussi.

Bob : j’ai eu tort. La prochaine fois …

Renaud : d’accord.

Lily : regarde sans regarder et si tu vois quoi que ce soit, gare à toi.

Lily et Renaud refont les gestes amoureux d’il y ‘a une minute,Lily allongée sur son mari. Puis ils font une pause,

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Page 51: Lily au lit

Lily assise à cheval sur Renaud.

Renaud : tu as vu quelque chose ?

Bob : rien, sur la tête de ma mère.

Lily : et sur la mienne ?

Bob : encore moins.

Renaud : c’est bizarre, même pas les cheveux.

Lily : ouvre les yeux et dis-moi ce que tu vois.

Bob : rien.

Renaud : c’est parfait. Je l’aime ce garçon.

Lily : et maintenant penche-toi sur nous.

Bob : comme ça ?

Renaud : plus près.

Lily : brave petit. (S’allongeant sur Renaud elle recommence son cinéma. Après les tendres baisers et autres marques d’affection …)

Renaud : toujours rien ?

Bob : absolument rien.

Lily : bravo . Pour ta récompense je t’envoie ce baiser. Tiens attrape.

Bob : je m’en contente pour l’instant.

Lily : voilà qui est généreux. Nous ferons l’amour tout à l’heure.

Bob : merci Lily. C’est pas trop tôt.

Lily : sans façon. Tu nous remercieras après.

Renaud : si tu n’as rien vu.

Bob : oui oui oui oui oui oui.

Lily (à Renaud) : tu crois qu’il .. ?

Renaud : je le crains.

Lily : mais quel abruti à la fin !

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Page 52: Lily au lit

Renaud : (à Bob) : recouche-toi et écoute-moi bien.Bob : je suis excité comme un champ de fleurs à la vue d’un essaim d’abeilles.

Renaud : Lily t’explique qu’elle va faire l’amour avec moi.

Bob : c’est pas ce que j’ai compris.

Lily : et que si, les yeux grands ouverts, tu affirmes sur l’honneur que tu n’as rien vu, tu auras droit à quelque gâterie.

Bob : c’est tout ?

Lily : tu vois autre chose ? Tu veux guider ses mains, autre chose peut-être ?

Renaud : cesse de nous compliquer la vie une fois pour toutes.

Lily : tu crois que c’est facile pour Renaud de me prendre dans ses bras pendant que tu as les yeux rivés sur moi ?

Renaud : mets-toi à ma place.

Lily : non. Reste où tu es.

Renaud : assez d’enfantillages.

Bob : j’empêcherai mon esprit d’être vagabond . Que ne ferais-je pas pour ma petite Lily !

Lily : commence par te taire.

Renuad : oui boucle-là.

Lily : que comptes-tu nous préparer à manger ce soir, tu y as pensé ?

Renaud : quelque chose de consistant. Nous en aurons besoin.

Lily : fous le camp au milieu de nos ébats pour plonger dans tes casseroles. Et ne me dis pas …

Renaud : le milieu c’est le milieu et dieu sait qu’on en parle du milieu.

Lily : mais comme t’as la comprenette un peu dure, sache que le milieu est à égale distance du début et de la fin.

Renaud : et que, je le répète, nous aurons une faim de loup.

Lily : et réponds lorsque je te pose une question.

Bob : oui ma douce.

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Page 53: Lily au lit

Lily : tu auras tout le temps de te taire lorsque je t’aurai coupé la langue.Bob : oh ! Lily !

Lily : et appelle-moi madame.

Renaud : assez de familiarités. Ce n’est pas parce que tu …

Lily : et oublie ce que je t’ai demandé.

Bob : oui mon amour.

Lily ( à Renaud) : gifle-le car si je le gifle moi-même j’ai bien peur qu’il se mette à bander comme un âne.

Renaud : tiens. Attrape ça.

Bob : assez.Je dis stop.

Renaud : l’amant se rebiffe.

Bob : je n’ai pas l’habitude d’être maltraité. Un chien à ma place irait tout droit à la SPA, sans s’occuper des glandes anales de congénères croisés en route.

Renaud : mais ma foi si je comprends bien il voudrait être traité sur une patte d’égalité avec nos quadrupèdes préférés. (Lève la main sur Bob.)

Lily : oh ! Viens mon toutou. Montre-moi où il t’a frappé.

Bob fait le tour du lit.

Bob : ici.

Lily : pas possible !

Bob : c’est une brute.

Lily : ces maris, tous les mêmes.

Bob : j’attendais un coup de main et il met le poing.

Renaud : un coup de main ?

Lily : oui pour aimer ta femme comme elle le mérite.

Bob : en me tabassant…

Lily : il m’a tabassée aussi.

Renaud : je suis un cocu indigne. (A Bob) Ta place est ici entre nous deux.

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Page 54: Lily au lit

(Changent de place.)

Lily : embrasse-moi. Renaud te donnera un coup de main.

Bob : ce ne sera pas nécessaire.

Renaud : mais si mais si, j’y tiens.

Lily : alors ça vient ou t’as l’intention de me laisser sur ma faim ?

Au moment du baiser, Renaud prend la têtede Bob entre les mains afin d’ajuster sonbaiser sur les lèvres entr’ouvertes de Lily.

Lily : c’est incroyable. In-croy-able ! J’au vu Bénarès et Sidi-Bel-Abbès en même temps.

Renaud : tu vois, plus besoin d’aller te plaindre à la SPA, la Société Protectrice des Amants.

Bob (en aparté) : mes affaires reprennent après une légère baisse de régime due à l’instabilité de l’être aimé.

Lily : et dire que tu as failli refuser le coup de main proposé.

Renaud : j’aurais pu tomber dans la dépression. Un mari c’est fragile !

Bob : je me mets à ta place.

Renaud : enfin tout est bien qui finit bien.

Lily : finalement j’ai concrétisé mon rêve de petite fille, former un couple à trois en parfaite harmonie.

Bob : grâce à moi.

Renaud : à nous.

Lily : exact, mais …

Renaud et Bob (ensemble) : oui ma chérie.

Lily : hélas le bonheur est éphémère, comment .. ?

Bob : en …

Renaud : je sais. En changeant de place de temps en temps.

Lily : génial. (Fait le tour du lit et se couche sur son mari.) Viens Bob ne reste pas

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Page 55: Lily au lit

dans ton coin.

Renaud : couche-toi sur le dos de Lily. Tu pèses combien ?

Bob : 75.

Lily : 75 ? Ah non ! Tu monteras lorsque t’auras maigri.

Renaud : c’est préférable, 75 !

Lily : t’as qu’à prendre ton pied en nous regardant.

Renaud : j’ai une meilleure idée.

Bob : moi aussi.

Lily : la mienne vous mettra d’accord.

Bob : je n’en doute pas.

Lily (à Bob) : remonte la couette de façon à ce qu’elle nous recouvre entièrement.

Bob : je ne vois pas l’intérêt.

Renaud : allez, ne recommence pas à faire le difficile.

Lily : le but est de t’exciter, pas de t’amuser.

Renaud : crois-moi la progression bestiale de nos prouesses sous la couette auront un effet salutaire sur ta propre libido.

Bob : je regrette, ce programme-là je ne le sens pas, mais alors pas du tout.

Lily : qu’à cela ne tienne tu sentiras en frissonnant de désir l’âcre odeur de nos corps en nage.

Renaud : tandis que les soupirs de Lily t’enchanteront tels le doux gazouillis d’une nuée d’oiseaux.

Bob : j’en doute.

Lily : mais si. Je crierai ton petit nom pendant …

Renaud : ah non !

Lily : pourquoi pas ? Tu jouiras en même temps que moi et lui n’a qu’à …

Renaud : non non et non. Pour ce que tu veux lui faire faire il n’a pas besoin de nous.

Bob : c’est évident. Quoi donc ?

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Lily : pour ce que j’en disais … et encore uniquement par charité bien ordonnée.Bob : pas de charité pour moi. Tout ce que je veux c’est me laisser bercer par les vertiges de l’amour dans les bras de Lily.

Renaud : tu entends chérie ?

Lily : je ne suis pas sourde mais s’il ne nous recouvre pas de cette couette sur-le-champ …

Bob : voilà voilà. A partir de maintenant je suis sourd-muet. Fais ton truc et ne te sens pas obligée de soupirer pour m’émoustiller.

Tandis que Renaud et Lily s’affairent sousla couette Bob a quitté le lit tournant

comme un lion en cage.

Lily : pas si vite, attends que je me dégrafe. Voilà ça y’est. Avec la bouche et maintenant laisse-moi guider ta main.

Renaud : tourne-toi.

Lily : les tétons, les deux en même temps. C’est bon. Encore. Et maintenant embrasse-les. Tourne autour avec la langue.

Renaud : masse-moi avec les pieds. Doucement c’est fragile ces trucs-là. Qui t’a appris tout ça ?

Lily : à ton tour.

Renaud : les reins ?

Lily : les reins, les seins. Tout ce que tu veux. Attends que je me retourne et appuie. Et après tu descends. Fais-moi tous les points réels et imaginaires.

Renaud : j’y vais ?

Lily : attends. Recommence en haut les deux mains à la fois et embrasse-moi en même temps. Tu sens à quel point ils ont gonflé mes seins ?

Lily et Renaud gigotent et soupirent sous la couettependant un certain temps. Bob s’est assis sur le lit

tantôt en se bouchant les oreilles un moment, tantôt en écoutant attentivement.

Renaud : alors mon petit Bob. Tu ne t’ennuies pas trop de nous ?

Lily : laisse-le. Tu vois bien qu’il fait semblant de ne pas nous entendre. Vas-y, fonce. Je suis fin prête.

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Page 57: Lily au lit

Renaud : soulève-toi un petit peu.Lily : aïe. Tes ongles, écoute ! Attends. Je vais l’enlever moi-même. Voilà. Tiens mon petit Bob je te confie ma petite culotte. J’ai une confiance aveugle en toi.

Renaud : t’as tort. Dieu sait ce qu’il en fera.

Bob n’a rien dit. Il a pris le cadeau et l’a envoyédans un coin. Pendant tout le temps que Renaudet Lily font l’amour Bob singe les amoureux, leurs

chuchotements, leurs petits cris. Lorsqu’ils se remettent côte à côte …

Bob : et maintenant je suppose que tu …

Lily : pas tout de suite.

Renaud : je lui prépare en postlude un hymne à la reconnaissance.

Lily : entre-temps je me remémore chaque détail de nos prouesses passées. (S’étirant.) Je suis bien, bien mieux que bien et toi ?

Renaud : détendu. Tu entends ce que j’entends ?

Lily : oui. Tout ce que tu entends je l’entends aussi.

Bob : moi je n’entends rien.

Renaud : tu entends ce qu’il dit ?

Lily : qu’il n’entend rien. (Eclatent de rire en se cajolant.)

Bob : vous n’allez pas remettre ça tout de même !

Renaud : tu sais ce qu’on dit, cent fois sur le lit avec ta femme tu referas …

Bob : tais-toi.

Lily : mais chéri quel appétit !

Renaud : je sais que mourir d’un infarctus pendant l’orgasme n’est pas donné à tout le monde mais si j’étais sûr d’y parvenir ..

Lily : parle pas de malheur tu veux.

Bob : je suis là.

Lily : dans ce cas passe-moi mon cache-sexe tout de suite.

Bob : viens le chercher toi-même.

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Page 58: Lily au lit

Renaud : je parie qu’il l’a enfilé.Lily : alors ça vient ?

Renaud : amant raté et aigri fais ce qu’elle te dit.

Bob : non.

Lily : tant pis « recoïtons ».

Bob : quoi ?

Lily : tu me prends à l’endroit ou à l’envers ?

Renaud : à toi le choix chérie. Tu es époustouflante des deux côtés.

Bob : la voilà ta culotte.

Renaud : le chien est le meilleur ami de la femme déculottée.

Lily : il aura sa récompense mais aide-moi d’abord à remettre mon soutien-gorge.

Renaud : volontiers chérie.

Lily : enfin présentable. Viens mon petit Bob. Viens sous la couette me remettre ma petite culotte.

Bob (sous la couette) : tu m’as manqué tu sais.

Lily : et toi donc ! Pas un instant je n’ai cessé de susurrer ton doux prénom.

Bob : c’est vrai ? J’ai eu tort de me boucher les oreilles.

Renaud : que serait Lily sans toi ?

Lily : une laissée-pour-compte.

Bob : mais non mais non.

Lily : une femme sans amant c’est comme une patineuse sans patins.

Renaud : comme un bâton sans pèlerin.

Lily : tu me vois dans cette tenue à la pharmacie, chez le boulanger ?

Renaud : tu te ferais remarquer, c’est certain.

Lily : viens Bob chéri cache-moi sans tarder cette nudité incongrue.

Bob : voilà voilà.

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Page 59: Lily au lit

Renaud : et maintenant de l’air. On étouffe ici. (Tous sortent ensemble de sous la couette.)

Lily : j’ai besoin de m’hydrater. Qu’est-ce que j’ai transpiré, bordel !

Renaud : et moi donc ! Apporte-nous deux verres et une bouteille d’eau.

Bob : j’y vais. (En aparté). Je ne suis pas que le chien de la femme déculottée.

Lily : de l’eau plate s’il te plaît.

Bob : tout de suite chérie.

Bob parti …

Lily : tu m’as surprise.

Renaud : vraiment ?

Lily : très très agréablement.

Renaud : au saut du lit …

Lily : mais tu ne l’as pas quitté !

Renaud : j’oubliais. Quoi qu’il en soit, au lever du jour j’ai immédiatement compris que je n’avais pas l’âge inscrit sur mon acte de naissance.

Lily : les papiers c’est n’importe quoi.

Renaud : n’importe quoi. D’après les siens Albert aura 98 ans en mai prochain.

Lily : tu vois. C’est absurde.

Renaud : oui, nul.

Lily : ce qu’il nous faudrait c’est une pièce d’identité sérieuse.

Renaud : oui sur laquelle notre âge réel serait calculé tous les ans un peu à la façon de notre IMC.

Lily : pas bête, pour évaluer notre âge réel au lieu de notre corpulence.

Bob (de retour avec l’eau, remplit les verres.) Ce calcul-là arrangerait tes affaires mais ne serait que de la poudre aux yeux.

Renaud et Lily (vident leur verre d’un coup) : ah oui ?

Bob : encore ?

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Page 60: Lily au lit

Lily et Renaud font oui de la tête.

Renaud : de la poudre aux yeux tu dis. Tiens. (Lui jette l’eau à la figure.)

Bob : mais il est fou ! Oh ! Qu’est ce qu’il lui prend ?

Lily (en fait de même) : ton eau est plate et tiède. Elle n’est bonne qu’à t’enlever la poudre des yeux.

Bob : mal élevés. Voilà ce que vous êtes. (Reprend le plateau, la bouteille et les verres.)

Renaud : et en plus il insulte ma mère adoptive.

Lily : une femme au-dessus de tout reproche comme moi.

Renaud : et qui a fait de moi le mari tolérant que je suis.

Lily : pose ce plateau et demande pardon à genoux.

Bob : c’est injuste.

Lily (menaçante) : quoi ?

Renaud : répète-moi ceci …

Lily : à genoux.

Renaud : « je demande humblement pardon ».

Bob : je demande humblement pardon, mais à contrecoeur.

Lily et Renaud bondissent sur lui en le giflant en même temps.

Bob : arrêtez. Sales brutes ! Et l’humour qu’est-ce que vous en faites ?

Renaud : il nous a échappé.

Lily : totalement. Mais alors totalement.

Lily et Renaud ont pris place à côté de lui, une main levée.

Renaud : « je demande humblement pardon à ma maîtresse, à son mari hors pair et à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué à leur éducation. »

Bob répète non sans mal sous les mains de plusen plus menaçantes de Lily et de Renaud.

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Lily : et maintenant file.

Renaud : et ne traîne pas à la cuisine.

Lily : regarde-moi ça. Aucune femme honnête ne reçoit son amant là-dedans, même si c’est le dernier des salauds comme toi.

Renaud : répète, « je changerai les draps pour t’y faire honneur ma petite Lily. »

Bob (après avoir répété) : je regrette d’avoir renversé les verres.

Lily : maladroit va !

Renaud : grouille-toi tête de veau.

Lily : j’ai hâte de me retrouver au lit avec mes amants décidément bien différents.

Bob : je vole.

Renaud : parfait. Casse-toi la figure.

Bob parti …

Lily : j’ai oublié de l’envoyer …

Renaud : chez le quincailler ?

Lily : oui.

Renaud : pour le manche, il faut du noyer ou du pacanier. Laisse-moi faire.

Lily : enlace-moi. Embrasse-moi. Tu sais que je t’aime toi !

Renaud : t’as intérêt.

Bob : sur les ailes du vent, j’ai volé comme volent les amants.

Lily : arrête tes niaiseries et change-nous ça en vitesse. J’ai froid moi.

Bob : demande-moi ce que tu veux, je vole.

Renaud : voleur de cœurs, il n’y a pas que Lily ici qui t’aime.

Bob : qui d’autre ?

Lily : cherche.

Bob : je ne vois pas.

Lily lui indique du doigt son mari.

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Bob : lui ? C’est tout juste s’il me supporte.Renaud : je te supporte franchement. Je me verrais bien à la tête d’un club officiel de tes supporters.

Lily : tu vois !

Une fois qu’ils sont tous installés …

Lily (à Bob) : pose ta tête sur mon cœur. Il est à toi.

Bob : c’est extra. Il a été aménagé pour moi.

Renaud : voilà ce que j’apprécie en toi, ta candeur et ta fraîcheur « juvénulles ».

Bob : qu’est-ce qu’il dit ?

Lily : ne l’écoute pas.

Renaud : je dis que t’es un amant à nul autre pareil.

Lily : c’est vrai en plus. Aïe !

Bob : qu’est-ce qu’il t’a fait ?

Renaud : une caresse virile façon Renaud.

Bob : je vais te dire pourquoi tu fais semblant de m’aimer, parce que t’as peur que Lily te fout dehors.

Lily (à Renaud) : c’est vrai que t’as peur ?

Renaud : sait-on jamais !

Bob : t’es un mari trompé. Si t’avais des couilles, tu serais parti depuis longtemps.

Renaud : ben voyons ! Si tous les maris trompés laisseraient leur place aux amants de leurs femmes …

Lily : il ne nous resterait plus que nos maris pour cocufier nos amants.

Bob : pas avec lui tout de même. Regarde-le.

Lily : une femme acculée à la dernière extrémité est capable de tout et j’en suis une.

Renaud : et tu sais ce qu’elle fait la rate à l’étroit ?

Bob : je ne tiens pas à le savoir.

Lily : je n’irais pas jusque là, pas avec Bob en tout cas.

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Renaud : cause toujours. Ce ne serait pas la première fois aujourd’hui.

Lily : qu’est-ce que tu me chantes ? Quoi la première fois ?

Renaud : que tu changes d’avis.

Bob : je suis tranquille. Si elle change d’avis ce sera à propos de toi.

Lily : je suis hors de moi.

Bob : et moi aussi.

Lily : comment oses-tu ! Moi qui suis la constance faite femme.

Renaud : hors de vous ? C’est parfait, restez-y.

Lily (à Bob) : viens mon amour console-moi. Moi versatile ? C’est honteux.

Bob : c’est un scandale.

Renaud : embrasse-la dans la nuque.

Lily : ne t’en mêle pas. Tu ne fais qu’aggraver ton cas.

Renaud : comme c’est moi qui t’ai mis hors de toi …

Bob : ta gueule !

Lily : observe mon amant en silence et si tu l’aimes comme tu le prétends, tu profiteras autant que moi je profiterai sous ses doigts.

Renaud : qu’est-ce qu’ils ont ses doigts que les miens n’ont pas ?

Bob : ils sont d’une gracieuse aisance alors que les tiens sont longilignes en largeur.

Lily : te voilà servi.

Renaud : je connais un spécialiste de Duepuytren, il me les arrangera.

Bob : fais-moi rire ! Après l’intervention tu ne sentiras même plus si t’as les seins de Lily en mains ou les miens.

Lily : te voilà au tapis.

Bob : et puis tes mains seront d’un toc !

Lily : pourvu que ses doigts ne ressemblent pas à ses orteils !

Renaud : je m’en fous.

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Bob : pauvre type.

Lily : laisse-le Bob chéri, remodèle-moi de tes doigts de fée et commence par les pieds.

Bob : sous la couette ?

Lily : bien entendu.

Renaud : appelle au secours s’il essaie de te violer, je suis sur le palier.

Renaud sort du lit.

Bob : bon débarras.

Lily : attends. Je profite de son départ pour m’étendre un peu. (Se rapproche de l’endroit où Renaud s’est agenouillé devant le lit.)

Bob : tes pieds sont souples …

Lily : comme de la pâte à modeler.

Bob : et ils sentent bon …

Lily : le sable chaud.

Bob : non le jasmin des poètes.

Lily se laisse embrasser par son mari.

Lily (entre deux baisers) : je trouve aussi, de vrais pieds de poète. Continue. (Doucement à son mari.) Toi aussi. (Plus fort.) Surtout ne lève pas le pied Bob chéri et si ta bouche est dans les parages …

Bob : je sais ce que j’ai à faire de tes deux quintés d’as.

Lily (en s’arrêtant de flirter avec son mari) : pour l’avoir dans l’ordre commence à gauche par le gros orteil.

Bob : t’inquiète pas, détends-toi. Bob est là.

Lily : ce qui serait chouette c’est que tu me fasses le « baisepied » mais bien appuyé, entre-temps … (Renaud l’embrasse.)

Bob : entre-temps ?

Lily : entre-temps je m’occupe autrement.

Bob : tu … quoi ?

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Page 65: Lily au lit

Lily : entre-temps troublée …Renaud (à son oreille) : jusqu’aux dents…

Lily : jusqu’aux dents, j’abandonne volontiers mes pieds à la science.

Bob : à qui ?

Lily : à ta science et au savoir-faire de tes lèvres expertes.

Renaud (à son oreille) : rompues à l’art fétichiste du « baisepied ».

Lily : rompues à l’art fétichiste du « baisepied ». (Abandonne ses lèvres impatientes à celles de son mari.)

Bob : je les effleure, je les masse, puis je les écarte un à un, je les engloutis et ensuite je m’attaque …

Lily : t’as faim ?

Bob : oui de toi.

Lily : encore !

Bob : encore ! Y ‘a une éternité que nous n’avons pluis fait l’amour, écoute.

Lily : pour l’instant je n’ai pas la tête à ses futilités mais si mes pieds … (Renaud de la bouche l’empêche de finir sa phrase.)

Bob : oui.

Lily : si mes pieds sont contents de toi, je n’exclus pas l’éventualité.

Bob : c’est vrai ?

Lily : il est même probable qu’un jour j’installe définitivement mon mari sur le palier. (Abandonne son visage les yeux fermés aux tendres bisous de Renaud.)

Bob : en attendant de pouvoir grimper le long de tes jambes …

Lily : au galbe incomparable …

Bob : de pur-sang, je mets les bouchées doubles sur tes pieds.

Lily continuant un bon bout de tempsses jeux amoureux avec Renaud …

Bob : tu es là chérie ?

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Lily : sens dessus dessous par tes …

Renaud (à son oreille) : élucubrations.Lily : par tes paroles pleines de bon sens, je suis restée un instant bouche bée.

Bob : je me disais « pourvu que sa tête n’ait pas quitté son tronc ».

Renaud et Lily font le nécessaire pour ne pass’esclaffer, une main sur la bouche.

Bob : tout à coup j’ai eu l’impression de m’occuper des pieds d’une momie.

Lily (éternue pour étouffer un éclat de rire) : ah ? J’ai dû …

Renaud (à son oreille) : attraper un rhume des pieds.

Lily : attraper un rhume des pieds. Mouche-les moi un à un, sois gentil.

Bob : d’accord mais dans quoi ?

Lily : ben voyons, dans ton caleçon.

Bob : déjà je ne le porte plus. Où y’a de la gêne y’a pas de plaisir.

Lily : surtout prends ton temps.

Renaud (en aparté) : qu’on se marre à fond.

Lily : couvre-les de baisers avant de les moucher. (Entre deux baisers avec Renaud.) C’est bon !

Renaud : (en aparté) : je sens « la chaussée aux moines des poètes » jusqu’ici.

Lily (à son oreille) : salaud. Embrasse-moi.

Bob : Lily chérie, dans le sous-sol de ton corps …

Lily : savamment dénudé …

Bob : tortillant sans cesse des hanches au-dessus de moi …

Lily : ce n’est pas une invitation à la luxure, j’ai simplement des fourmis dans les jambes.

Bob : sales bêtes. Donne-moi un coup de pied où je le pense.

Lily : tiens en voilà deux et remets ton caleçon.

Bob : aïe.Aïe.

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Lily : tu te sens mieux ?

Bob : je suis cuit.Lily : quoi ? Qu’est-ce que tu fais ?

Renaud fait signe à Lily d’appeler au secours.

Lily : au viol ! Au viol !

Renaud : il t’a .. ?

Bob (a quitté sa cachette) : moi ? Tout doux le cocu. Je ne suis pas Bob l’Eventreur, et je n’ai rien d’un violeur. Je suis l’amant en titre.

Renaud : et tu les caches où tes titres de noblesse ?

Lily : il n’a pas une once de noblesse ni dans le cœur ni dans les couilles.

Bob : et malgré cette tare légère tu m’adores quand même. Tu es un ange de bonté.

Renaud : qu’est-ce qu’on en fait ?

Lily : c’est tout réfléchi.

Renaud (à Bob) : pousse-toi un peu, tu veux ?

Bob : non.

Lily : pousse-toi j’te dis.

Bob : si toi tu me le demandes c’est oui chérie.

Lily (se lève et Renaud aussi.) : mon pauvre ami ! Il faut savoir quitter le lit lorsque l’amour est desservi.

Bob : mais …

Renaud le prend par les épaules et Lilypar les pieds. Du genou Renaud ouvre

la porte et à deux ils balancent Bobsur le palier.

Renaud : un amant c’est rien, c’est moins que rien. C’est incapable de venir à bout d’un mal quelconque en vous. Ça ne sert qu’à tuer le temps et surtout ça tue l’envie d’en avoir d’autres.

Lily : pour ce qui est de celui-ci, je me range à ton avis.

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Fin de « Lily au lit ».

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