L'ilot Keller

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Bout du Monde 15 L’île Keller A l’extrême ouest de l’Ouest, il y a l’îlot Keller. C’est le point le plus occidental du continent. Rocher perdu, battu par les flots venus de l’Océan, le lieu est pourtant habité Texte et photos : T. Birrer Si vous dites à vos amis, votre famille ou votre patron que vous venez de passer une semaine de vacances à un endroit où vous n’aviez ni eau cou- rante, ni électricité, inaccessible à pied mais que vous étiez bien en France, il y a toutes les chances que vous ne soyiez pas cru du tout. Pourtant, ce lieu existe bien, et l’on peut y dormir dans une maison au con- fort presque correct si l’on excepte que la seule électricité disponible est produite de manière limitée par des générateurs. Ce lieu, un îlot en fait, l’île de Keller, est à l’ouest de l’extrême ouest, de l’autre côté d’Ouessant, celui où l’on ne va jamais car régulière- ment battu par les vents et les marées. Evi- demment à conditions ex- trêmes, émo- tions extrê- mes. Il n’y a rien qui pousse sur l’île Keller, pourtant longue d’un kilomè- tre pour 800 m de largeur. Rien qui ne pousse, du moins sous forme arborée. Car il y a quand même quelques her- bes rases et quelques lichens et mous- ses. Trente mètres au dessus des eaux, donc sérieusement recouvert par les embruns lors des grandes tempêtes, il y a pourtant un manoir de belle taille, ancienne bergerie, bâtie par un ami- ral un peu excentrique, l’amiral Jean Cras, inventeur de la règle de naviga- tion qui porte son nom. Après être devenu un temps terrain militaire, le lieu a été cédé par l’Etat à un particulier au début du XX e siè- cle. Il appartient aujourd’hui à 53 co- propriétaires qui viennent de temps en temps oublier les soucis et la trépida- tion ambiante des villes.

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L’îlot Keller. C’est le point le plus occidental du continent. Rocher perdu, battu par les flots venus de l’Océan, le lieu est pourtant habité.

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Bout du M

onde

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L’île KellerA l’extrême ouest de l’Ouest, il y a l’îlot Keller. C’est le point le plusoccidental du continent. Rocher perdu, battu par les flots venus del’Océan, le lieu est pourtant habité

Texte et photos : T. Birrer

Si vous dites à vos amis, votre familleou votre patron que vous venez depasser une semaine de vacances à unendroit où vous n’aviez ni eau cou-rante, ni électricité, inaccessible àpied mais que vous étiez bien en

France, il y a toutes les

chances que vous ne soyiez pas cru dutout.Pourtant, ce lieu existe bien, et l’onpeut y dormir dans une maison au con-fort presque correct si l’on excepteque la seule électricité disponible est

produite de manière limitéepar des générateurs.

Ce lieu, un îlot en fait,l’île de Keller, est àl’ouest de l’extrêmeouest, de l’autre côtéd’Ouessant, celui où

l’on ne va jamaiscar régulière-ment battu parles vents et lesmarées. Evi-demment àconditions ex-trêmes, émo-

tions extrê-

mes. Il n’y a rien qui pousse sur l’îleKeller, pourtant longue d’un kilomè-tre pour 800 m de largeur. Rien qui nepousse, du moins sous forme arborée.Car il y a quand même quelques her-bes rases et quelques lichens et mous-ses.Trente mètres au dessus des eaux,donc sérieusement recouvert par lesembruns lors des grandes tempêtes, ily a pourtant un manoir de belle taille,ancienne bergerie, bâtie par un ami-ral un peu excentrique, l’amiral JeanCras, inventeur de la règle de naviga-tion qui porte son nom.Après être devenu un temps terrainmilitaire, le lieu a été cédé par l’Etatà un particulier au début du XXe siè-cle. Il appartient aujourd’hui à 53 co-propriétaires qui viennent de temps entemps oublier les soucis et la trépida-tion ambiante des villes.

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Paradis pour ceux qui veulent oublierle monde, l’îlot de Keller est aussi leparadis des ornithologues qui y étu-dient des huitriers-pies, des tourne-pierres à collier et des cormorans hup-pés.Le 24 janvier 1976, l’Olympic Braveryétait venu s’échouer à côté de l’îlot,parvenant quasiment à bloquer Pennar Ru Meur, le chenal maritime de 100m de large qui sépare l’îlot de l’îled’Ouessant.

Situé à Ouessant, le réduit de batterie de côte de Calgrac'h, corps de garde crénelé bâti en1862 pour la mise en état de défense des côtes de l'Empire Français surveille Keller. Dans lecas de la réunion projetée de l'îlot de Keller à l'île d'Ouessant, cette batterie aurait étéreportée sur la pointe de Keller.

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Bout du MondeDu haut du phare, je vois nette-ment la découpure d'Ouessantsur la mer, ses seize kilomètresde côtes, la profonde ouverturede la baie de Lampaul, l'île deKeller au nord-ouest, et son uni-que maison à grosse tourelle, labaie de Beninou, la hauteur etle phare de Stiff, et partout lavague énorme, folle, qui bat leroc, l'inonde d'écume, et par-tout, la mer, enflée jusqu'à l'ho-rizon, la mer où viennent à cetteheure se mêler, se résumer tou-tes les couleurs de la Bretagne :par l'eau bleue, violette, verte,comme les horizons de collineset de bois, par l'or du soleil quifleurit tout l'espace de précieu-ses fleurs de genêts, par les ro-chers noirs et blancs, sembla-bles aux costumes monastiquesque portent les femmes.

Voyage à OuessantGustave Geffroy (1855- 1926)

Avec un courant terrible qui la sépare d’Ouessant, sans port, ni grève, ni pont,à la fois si proche et terriblement inaccessible, l’île de Keller, attire et repousse.Intenses frissons garantis.Y séjourner vous fait atteindre l’impénétrable.

Bonnes adresses

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Séjour à OuessantPouvoir dormir à Ouessant est déjàun pur bonheur.Séjourner au Ti Jan Ar Ch’afé rajouteun petit dièze bien sympathique.

Texte et photos : T. Birrer

Ouessant, on ne présente plus.Notre seul conseil, c’est d’y alleren dehors de la haute saison, d’yséjourner quelques jours et dechoisir le Ti Jan Ar Ch’Afé pour pro-fiter pleinement de votre séjour.Odile, la patronne, regorge d’at-tention pour ses hôtes et a donnéune touche particulière à son éta-blissement, à base de couleurs, detextures, de matériaux variés, letout saupoudré d’un soupçon de ba-roque. Totalement atypique, alors

que le bleu domine outrageuse-ment à Ouessant, vous évoluerezdans les mauves, bruns, blancs pas-sés et bois marins, tons pastels ettouchers veloutés, sans compter lessaveurs épicées du petit-déjeuner.Huit chambres joliment aménagéeset à la bonne taille, juste ce qu’ilfaut pour rester en quiétude,d’autant que l’hôtel est un peu àl’écart de Lampaul. Assurément, lelieu à recommander aux amoureux,poètes, écrivains ou ... paresseux.

Ti Jan Ar Ch’Afé1 Kernigou29242 OUESSANTTél. 33(0)2 98 48 82 [email protected]