Libertés ! Décembre 2009

16
Libertes! DÉPOT À BRUXELLES X BELGIQUE- BELGIE PP 1/2345 BXL X Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles AMÉRIQUE CENTRALE EL MACHISMO MATA HAÏTI ENFANCE BAFOUÉE FAIRE LE BILAN DE 2009 DÉCEMBRE 2009 – N°459 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

description

Dans ce numéro de décembre du mensuel belge d'Amnesty International, on trouve un éditorial sur la justice au Liban, une actualité centrée sur l'exploitation des jeunes filles en Haïti et un dramatique éboulement en Égypte et ses conséquences sur les droits humains. Un dossier fait le bilan des activités de la section belge pour l'année 2009. Notre partie consacrée au mouvement annonce le programme de notre service de Formations, met la lumière sur le drame des féminicides au Mexique et fait le point sur le plan d'action contre les violences conjugales lancé par Amnesty il y a plusieurs années.

Transcript of Libertés ! Décembre 2009

Page 1: Libertés ! Décembre 2009

Libertes! DÉ

POT

À B

RU

XE

LLE

S XBELGIQUE-

BELGIE

PP

1/2345

BXL X

Ne paraît pas auxmois de juillet-août.

9, rue Berckmans1060 Bruxelles

AMÉRIQUE CENTRALEEL MACHISMOMATA

HAÏTIENFANCEBAFOUÉE

FAIRE LEBILAN DE 2009

DÉCEMBRE 2009 – N°459 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

Page 2: Libertés ! Décembre 2009

ACTUEL■ Haïti : Droits piétinés, jeunesse violée■ Égypte : Sous les remblais, la rage■ Insolites-Brèves

DOSSIERFAIRE LE BILAN DE 2009■ 2009, année contrastée■ Asile : Des droits toujours bafoués■ Dignes citoyens du monde■ Clics de survie■ Les membres se ramassent à l’appel■ Les bons comptes font les bons amis

MOUVEMENT■ Féminicides : El machismo mata■ Violences contre les femmes : Plans d’action ou pans d’action?■ 10 décembre : Tous à Flagey !

ISAVELIVES.BE■ Lettres du mois : Mexique, Maroc et Tchétchénie■ Bonnes nouvelles

CULTURE/AGENDA■ Amour interdit■ Paroles sur quatre roues■ Comment on fabrique un assassin

É D I T O R I A L

S O M M A I R E

Libertés! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • [email protected] • www.libertes.be • Éditrice responsable: ChristineBika • Rédacteur en chef: Pascal Fenaux • Comité de rédaction : Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck,Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro: Gilles Bechet, Françoise Guillitte, Céline Remy (st.) et Cédric Vallet • Iconographie: Brian May• Maquette: RIF • Mise en page: Gherthrude Schiffon • Impression (sur papier recyclé non blanchi) : Remy Roto • Couverture: Bruxelles, un 10 décembre.© Bruno Brioni

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE

MEMBRE/DONATEUR(TRICE)Madame Michele Ligot : [email protected]

je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse)Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . .Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . .Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre

Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toutel’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berck-mans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation oude l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déduc-tibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus.Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . lasomme de : 6 e 10 e 20 e . . . . . . . . e (ou tout autre montant demon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partirdu . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modi-fier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Date: . . . . . . . . Signature:

Ne rien inscrire dans cette case s.v.p. (réservé à l'organisme bancaire)

3

5

10

13

15

Voici vingt ans, en novembre 1989, les différentes miliceset factions libanaises signaient en Arabie saoudite lesAccords de Taëf. Conclus sous le haut patronage d’une

Syrie dont l’armée contrôlait 80% du territoire libanais, ces accordsétaient censés mettre un point final à un entrelacs de guerres civileset d’interventions syriennes et israéliennes qui, depuis 1975,saignaient à blanc ce pays trois fois plus petit que la Belgique. Qu’onen juge : les bilans les plus raisonnables de la déferlante de feu quis’est abattue sur le Liban font état de 150000 morts, un million deblessés et 17 000 disparus. Or, les autorités libanaises n’ont prisquasiment aucune mesure réelle pour que la vérité soit établie etpour que justice soit rendue aux victimes. Au contraire, les gouver-nements libanais qui se sont succédé depuis vingt ans n’ont fait querenforcer l’impunité en adoptant des lois d’amnistie en faveurdes auteurs d’atteintes aux droits humains commises par le passé.La Loi d’Amnistie générale n°84/91 du 26 août 1991 accorde…l’amnistie générale, à quelques exceptions près, pour les crimes

commis avant le 28 mars 1991. Ce climat d’impunité est aggravépar le fait que ni l’État d’Israël ni la République syrienne n’ontjamais mené d’enquêtes sérieuses sur les crimes imputés à leursforces armées, tandis que la «communauté internationale» n’ajamais manifesté le moindre intérêt pour l’ouverture d’enquêtesau niveau international.En 2009, de trop nombreux citoyens libanais et réfugiés palestiniensen sont encore à se morfondre en interrogations morbides quantau sort de ces milliers de proches enlevés pendant la guerre civile.Le 25 novembre, après que des tests ADN eurent identifié dans laplaine de la Bekaa la dépouille d’un journaliste britannique, AlecCollett, enlevé à Beyrouth en 1985, Amnesty International a lancéun appel aux autorités libanaises pour qu’elles prennent enfin lesmesures nécessaires pour élucider les disparitions. Or, le Liban n’atoujours pas établi de banque de données contenant des échan-tillons ADN de proches des personnes disparues, banque dedonnées que réclament depuis plus de dix ans les associations defamilles de victimes de la guerre civile. De même, les autorités liba-naises n’ont jamais procédé à des exhumations systématiques surles sites utilisés comme fosses communes pendant le conflit,même lorsqu’elles en ont officiellement reconnu l’existence.Fragile et constamment menacé de paralysie par l’oppositionentre ses composantes «prosyriennes» et «antisyriennes», le gouver-nement formé le 9 novembre dernier par le Premier ministreSaad Hariri ne devrait sans doute pas changer la donne.ePascal Fenaux

JUSTICE POURLES LIBANAIS

Page 3: Libertés ! Décembre 2009

Une fillette, près de Cayes Jacmel, dans le sud-est d’Haïti. © AI

Enlisé en plein marasme politique et écono-mique, Haïti reste par ailleurs le théâtred’actes de violence particulièrement sanglants

à l’encontre des populations civiles. Face aux révolteset aux émeutes sévèrement réprimées par les forcesde l’ordre, le sort réservé aux employées de maison esttout aussi préoccupant. Selon les estimations del’Unicef, cette petite république des Antilles compte-rait plus de 100 000 filles employées commedomestiques. Mineures pour la plupart d’entre elleset issues de milieux défavorisés, ces jeunes filles n’ontd’autre choix que de travailler comme employées demaison.En Haïti, ces mineures domestiques sont générale-ment appelées restaveks (terme créole qui vient dufrançais «reste avec»), une appellation négative etméprisante car elle sous-entend un rejet pur et simplede leur propre famille. Ces enfants vivent avec leuremployeur ou leur famille d’accueil – parfois desproches – et effectuent des tâches domestiques enéchange de l’hébergement et du repas. La grandemajorité de ces employées de maison sont privéesde leurs droits, notamment leurs droits à l’éduca-tion, à des soins de santé adaptés et à unealimentation suffisante.

S’ajoute à cela un véritable fléau : les violencessexuelles infligées aux femmes et aux jeunes filles,une calamité malheureusement omniprésente enHaïti et qui vise tout particulièrement les mineures.Dans plus de la moitié des viols signalés, les victimesn’ont pas plus de 18 ans.

ESCLAVAGE MODERNE ET ABUS SEXUELSDes «recruteurs» à la recherche d’enfants issus defamilles nombreuses et vivant dans la pauvretépersuadent les chefs de famille de leur confier lesenfants en leur promettant un avenir meilleur pourleur progéniture. Ces enfants sont donc victimes dela traite dans leur propre pays et sont exposées àtoutes les formes possibles d’exploitation, y comprisles abus sexuels.Cité dans un rapport de l’Organisation internatio-nale du Travail (OIT) sur l’exploitation des mineuresà des fins mercantiles, le témoignage de Loransya estexemplaire et édifiant. Agée de huit ans, Loransyavivait dans le village de Kenscoff, à une vingtaine dekilomètres de la capitale, Port-au-Prince. Ses parentsétant trop pauvres pour assurer les besoins de lafamille, Loransya été obligée d’aller travailler en tantque domestique à Carrefour, un quartier de la capitale.

Libertés ! Décembre 2009 3

A C T U E L

SAHARA OCCIDENTALDÉFENSEUSE EXPULSÉEAminatou Haidar, présidente du Collectif desDéfenseurs sahraouis des Droits de l’Homme, aété interpellée à son arrivée à l’aéroport deLaâyoune le 13 novembre 2009. Elle revenaitd’un séjour d’un mois à l’étranger, au coursduquel un prestigieux prix des droits humainslui avait été décerné aux États-Unis. Les fonction-naires se sont montrés irrités qu’elle inscrive sursa carte de débarquement «Sahara occidental»comme lieu de résidence au lieu de «Saharamarocain». Le lendemain, après l’avoirdépouillée de ses papiers d’identité, les autoritésont déclaré qu’elle serait libérée si elle acceptaitde reconnaître publiquement la souverainetémarocaine sur le Sahara occidental. Elle arefusé et, quelques heures plus tard, les respon-sables de la sécurité l’ont fait monter dans unvol à destination de Lanzarote, dans les ÎlesCanaries et l’ont expulsée du Sahara occi-dental. e

SINGAPOURLIBERTÉ DE PRESSE MENACÉELe 18 novembre 2009, la Far Eastern EconomicReview (FEER), rattachée au groupe Dow Jones,et son rédacteur en chef Hugo Restall ontaccepté de payer l’amende de 195 600 euros àlaquelle les a condamnés la Cour d’Appel deSingapour pour diffamation présumée. Cemagazine réputé avait publié un article accu-sant de corruption le Premier ministre, LeeHsien Loong, et son père, Lee Kuan Yew,ancien Premier ministre. La Cour d’Appelestime que «la liberté d’expression garantie par laConstitution à Singapour est conférée aux seulscitoyens singapouriens» et que Singapour ne recon-naît pas à la presse de fonction particulière de«gendarme». Amnesty International a demandéau Parlement singapourien d’adopter unenouvelle loi pour protéger la liberté d’expres-sion. e

AUSTRALIEDISCRIMINATION RACIALEEn 2007, le gouvernement australien avait lancéune action dans les communautés aborigènesdu Territoire du Nord. Afin de promulguer lesdispositions relatives à l’action d’urgence dansce territoire, il y avait suspendu la Loi sur ladiscrimination raciale et la législation contre ladiscrimination. Amnesty vient de s’insurgerofficiellement du fait que, deux ans après l’ar-rivée du nouveau gouvernement, plus de 45000Aborigènes font toujours l’objet de mesures dediscrimination raciale (notamment la mise enquarantaine obligatoire et générale des pres-tations de sécurité sociale dans 73 commu-nautés). e

SUISSEDISCRIMINATION RELIGIEUSELors d’une votation (consultation populaire)organisée le 29 novembre, les électeurs de laConfédération suisse ont décidé d’intégrer dansla Constitution fédérale l’interdiction d’érigerdes minarets. Pour Amnesty, cette interdiction,dont l’entrée en vigueur est immédiate, viole laliberté de religion des musulmans qui viventdans le pays et l’obligation d’interdire touteforme de discrimination religieuse, obligationénoncée dans plusieurs pactes internationauxdont la Suisse est signataire. e

HAÏTI

DROITS PIÉTINÉS, JEUNESSEVIOLÉEPrès de 100000 filles âgées de 6 à 17 ans travailleraient comme employées de maison en Haïti.Coupées du monde extérieur, loin de leurs proches et de leur familles, ces jeunes domestiquessont soumises à des violences physiques et sexuelles. En regard d’une vulnérabilité évidente, lesdemandes de protection relatives aux droits de l’enfant restent hélas lettre morte.

Page 4: Libertés ! Décembre 2009

Des habitants cherchent des survivants dans les décombres du bidonville de Duwayqa. Le Caire, 6 septembre 2008. © AP/PA Photo/Ben Curtis

L’INSOLITE

A C T U E L

«Il y avait un gros bonhomme, le frère du premier mari de la dame.Il dormait dans une pièce dans la cour, à côté de la cuisine où, moi-même, je dormais avec le charbon, les fatras et les rats. Un soir, il afrappé à la porte de la cuisine et m’a demandé de lui chauffer de lanourriture. J’ai dû me lever et allumer le feu. C’est à ce moment qu’ilm’a demandé de lui sucer le pénis, en me disant qu’il me donneraitune belle poupée. Mon cœur a battu fort car j’avais très envie decette poupée que je voyais parfois en allant au marché. Je l’ai fait maisla poupée n’est jamais venue. J’avais tellement envie de cette poupéeque je l’ai fait avec d’autres [...], mais la poupée n’est jamais venue.»Les données recueillies par des ONG donnent une certaineidée de l’étendue du problème. Par exemple, l’association Soli-darité des femmes haïtiennes ou Solidarité Fanm Ayisyèn (SOFA)a recueilli des informations sur 238 viols commis entrejanvier 2007 et juin 2008, dont 140 contre des filles âgées de19 mois à 18 ans.

FLOU JURIDIQUE ET PLAN D’ACTION BANCALSi les violences sexuelles et physiques à l’encontre desemployées de maison sont une évidence, la garantie d’uneprotection efficace par les autorités publiques est pourtant desplus aléatoires. Au cours de l’année 2007, Haïti a certes ratifiéla Convention n°182 de l’OIT, un texte d’une grande impor-tance car il souligne la nécessité de lutter contre les piresformes de travail des enfants. L’interdiction visait notam-ment le travail domestique et le risque d’exposition des fillesà des violences physiques, au harcèlement sexuel et à d’autresformes d’exploitation. Pourtant, cette ratification n’a donnélieu a aucune assistance pour les mineurs employés de

maison et en particulier les filles, contre les atteintesphysiques et sexuelles.Il y a de quoi être préoccupé par l’absence d’une justicecompétente pour faire respecter les droits de l’enfant. Malgréla mise sur pied, en 2007, d’un Plan national pour la Protec-tion des enfants vulnérables, les institutions haïtiennessemblent avoir égaré leur feuille de route car aucune actionvéritable n’a été posée pour y remédier. Effectuant de longuesjournées de travail, les mineures domestiques accomplis-sent essentiellement des tâches ménagères : elles fontnotamment le ménage et la cuisine, vont chercher de l’eaupour toute la famille et s’occupent des autres enfants de lamaison. Certaines travaillent également sur les marchés. Encontrepartie de leur travail, elles sont logées, nourries ethabillées. Seule une minorité bénéficie de quelques rudi-ments d’éducation.À la suite de sa visite en Haïti en juin 2009, Gulnara Shahi-nian, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les formescontemporaines d’esclavage, a qualifié les conditions danslesquelles vivent les mineures employées de maison en Haïtide «forme moderne d’esclavage». Aujourd’hui, ce sont plus de 80%de la population qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.Après une succession de coups d’État et de guerres civilesd’une extrême violence, Haïti a connu cinq gouvernementsdifférents sur les seules cinq dernières années. Si la Journéemondiale des Droits de l’Enfant a été célébrée le 20 novembredernier, des résultats concrets et convaincants se fonttoujours attendre au cœur d’une île que l’on surnommaitjadis la «Perle des Antilles». e Thandiwe Cattier

4 Libertés ! Décembre 2009

À la suite des éboulements mortels qui ont endeuillé le bidonvillecairote de Duwayqa en septembre 2008, les autorités égyptiennes ontrecensé dans la capitale 26 «secteurs dangereux». À Duwayqa, leshabitants vivent dans la crainte de nouveaux éboulements et n’ont pasles moyens d’emménager dans un endroit moins dangereux, tandis queles autorités ne leur proposent aucune solution viable de relogement etque, dans certains cas, elles ont en outre procédé à l’expulsion forcéed’habitants sans les en avoir avertis suffisamment tôt et sans les avoirconsultés au sujet de leur réinstallation. Amnesty vient de publier unrapport à ce sujet et a lancé un appel à l’action.

Le 17 novembre, Amnesty International rendait public un rapport sur lesatteintes aux droits économiques, sociaux et culturels des habitants dubidonville de Duwayqa, dans le quartier cairote de Manshiyet Nasser. Inti-

tulé Egypt : Buried Alive. Trapped by Poverty and Neglect in Cairo’s Informal Settlements(Index AI : MDE 12/009/2009), ce rapport critique les autorités égyptiennes pourn’avoir pas pris de mesures efficaces pour protéger les habitants de Duwayqa contreles éboulements mortels du 6 septembre 2008. Alors que les risques d’éboulementsétaient bien connus avant la catastrophe de 2008, le gouvernement n’avait pasévacué la population des zones dangereuses. Selon les pouvoirs publics, l’éboule-ment qui a touché Duwayqa l’année dernière a fait 107 morts et 58 blessés, maisdes survivants ont indiqué que le nombre de victimes était beaucoup plus élevéet que des membres de leur famille n’avaient toujours pas été retrouvés. Uneenquête a été ouverte par les autorités sur ce drame, mais on n’en connaîttoujours pas les résultats.Pendant ce temps, de nombreux habitants de Duwayqa et d’autres «secteursdangereux» vivant sur des flancs de colline peu sûrs ou sous des lignes à hautetension vivent toujours dans la peur car ils n’ont nulle part où aller. Ils sontprivés de la possibilité de faire entendre leur voix et ceux qui sont au pouvoir ne

F O C U S

se préoccupent pas de leur situation.», Pour Amnesty International, les autoritéségyptiennes doivent enquêter sérieusement sur les causes de la catastrophe deDuwayqa et prendre les mesures nécessaires pour que cette tragédie ne se repro-duise pas. Or, on est loin du compte. Après le terrible éboulement de septembre 2008, les auto-rités égyptiennes ont certes rapidement pris des mesures pour repérer les autreszones dangereuses dans les environs, mais elles ont démoli plus d’un millierd’habitations menacées et, en l’espace d’un mois, relogé plus de 1750 familles sansleur reconnaître aucun droit sur leur nouveau logement, ce qui les expose au risqued’une future expulsion. D’autres familles se sont retrouvées à la rue et des femmesdivorcées ou vivant séparées de leur mari ont subi une discrimination en ce quiconcerne l’attribution d’un logement. Enfin, certaines familles ont été expulséesde force de Duwayqa et d’autres d’Establ Antar, un quartier informel du sud duCaire. Ces expulsions ont pour la plupart été menées sans que soient respectéesles garanties de procédure prévues par le droit international relatif aux droitshumains, et souvent avec un court préavis et avec l’appui des forces de sécurité.Cette situation est d’autant plus intolérable qu’elle prévaut dans d’autres quartiersinformels et paupérisés de la mégapole du Caire. eP.F.POUR AGIR :http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action/call-governor-cairo-protect-residents-unsafe-areas

EAU DE POLOGNEMiracle ! Une hostie consacrée s’esttransformée en un morceau de cœuren Pologne. Tombé à terre au coursde la communion, le pain azymeavait été placé dans un récipient avecde l’eau bénite. Le lendemain, l’eauétait devenue rouge et renfermaitun fragment de tissu humain,rapporte le site de Polskie Radio. Deuxprofesseurs de la faculté de méde-cine de Białystok, au nord-ouest dupays, ont confirmé l’étonnant phéno-mène, survenu voilà près d’un andans l’église du village de Sokółka. Lebiologiste Pawel Grzesiowski, lui,ne mange pas de ce pain-là : à sesdires, il ne s’agit là que de l’œuvred’une bactérie, Serratia marcescens,qui se nourrit d’amidon et deglucose, et forme une substance roseet gluante. La Société rationaliste dePologne, qui avait quant à elledemandé une enquête pour suspi-cion de meurtre, a été déboutée.e (D’après Courrier international)

ÉGYPTE

SOUS LES REMBLAIS,LA RAGE

Page 5: Libertés ! Décembre 2009

À la Maison-Blanche, deux jours après son investiture, le président américain Barack Obama pose son premier acte politique d’envergure en signant le décret qui ordonne la fermeture du complexe pénitentiaire de Guantánamo. Washington, 22 janvier 2009. © AP/Charles Dharapak

Libertés ! Décembre 2009 5

D O S S I E R

Dans les pages qui suivent, vousdécouvrirez les «bonnes feuilles»du Bilan 2009 d’AmnestyInternational Belgiquefrancophone (AIBF), c’est-à-direde ses permanents, de sesmilitants, de ses groupes locauxet de ses coordinations. L’année2009 a été riche en évènements,bonnes nouvelles, déceptions,découragements mais aussicolères salvatrices. Si lesnouvelles sont relativementbonnes sur le terrain de la luttecontre la peine de mort, avec unnombre toujours croissant depays abolissant de facto ou dejure la peine capitale, des Étatscomme l’Arabie saoudite, laChine, l’Irak et l’Iran persistent etsignent dans leur politiquerépressive en s’en prenant enoutre particulièrement auxmineurs d’âge. Mauvaisesnouvelles également, les«reprises en main»particulièrement muscléesopérées par les autorités d’Étatsliberticides comme l’Iran (scrutindouteux de juin 2009) ou la venteinconsidérée d’armes wallonnesà la Libye. Mais, heureusement,d’excellentes nouvelles sontvenues apporter une éclairciedans un ciel plombé. Au premierrang desquelles la protectionaccordée par les autoritésbrésiliennes aux défenseursVinícius George et Marcelo Freixo,pour lesquels Amnesty avaitsonné le branle-bas de combat etqui ont pu venir défendre leurcause à Bruxelles. Pour celles etceux qui voudraient découvrir leBilan dans son intégralité, cedocument est téléchargeable surle site d’AIBF (voir ci-après).

2009, ANNÉE CONTRASTÉERépression en Iran, régressions en Russie, Obama président, l’année 2009 a été marquée par desévènements majeurs qui ont nécessité une vigilance de tous les instants de la part d’AmnestyInternational. Petit retour en arrière, avec Philippe Hensmans, sur cette année en demi-teinte où laviolence n’a pas empêché à l’espoir de se faire une place.

Pour Amnesty International, 2009 n’a pas été uneannée anodine. La vie du mouvement a étémarquée par le lancement de la campagne

«Exigeons la Dignité». Cette campagne, qui rappelleavec force que les droits humains sont indivisibles, seraau coeur du dispositif d’Amnesty au moins jusqu’en2015.Comme chaque année, les motifs de mobilisation ont éténombreux, mais les raisons d’espérer existent, donnantdu sens à notre action. Justice internationale, campagne«Exigeons la Dignité», sont quelques exemples du rapidetour d’horizon, forcément non exhaustif, que nousoffre Philippe Hensmans - directeur de la sectionbelge francophone d’Amnesty International - sur cesmoments clés où les droits humains ont toujours été aucoeur des préoccupations du mouvement.

OBAMA, GARE AUX ESPOIRS DÉÇUSAprès la torture et les violations des droits humainsmassives perpétrées pendant les années Bush, le mondesoufflait un peu en apprenant l’élection de BarackObama, même si Philippe Hensmans tient à relativisercet engouement : «une organisation comme Amnesty existedepuis assez longtemps pour éviter de croire qu’avec un hommetout va soudainement changer». Si cette attitude évite biendes désillusions, Amnesty International a tout de mêmesuivi de près et encouragé les changements d’orientationmenés par l’administration Obama : des actions ontété menées dès janvier 2009 pour la fermeture de Guan-tanamo. Le directeur d’AIBF dresse pour nousl’inventaire des mesures annoncées ou prises au coursde l’année, insistant sur la distinction entre l’effet d’an-nonce et la réalité : «certes, nous avons accueilli avec

FAIRE LE BILAN DE 2009

Page 6: Libertés ! Décembre 2009

empiète largement sur les libertés individuelles, a été reconduit discrètement,sans discussion, par le nouveau président.» Certes, le directeur d’AIBFl’admet, Barack Obama a hérité d’une situation difficile et, mêmearmé de la meilleure volonté du monde, changer de cap sera long etcomplexe, car la «guerre contre le terrorisme» a laissé des tracesvives dans de nombreuses régions du monde.

LES PROGRÈS HÉSITANTS DE LA JUSTICEINTERNATIONALELes États-Unis ne sont pas signataires du Traité de Rome qui a instituéla Cour pénale internationale (CPI). Mais, malgré ce lourd handicap,l’année 2009 a vu progresser, bon gré mal gré, la justice internatio-nale. Pour Philippe Hensmans, lorsqu’on décide de prendre un peude recul, on réalise l’étendue des progrès en la matière «Il y a seulementvingt ans, on aurait eu du mal à imaginer qu’une cour comme la CPI existe-rait ou qu’un criminel de guerre comme Radovan Karadzic pourrait être jugépar un tribunal international. La justice internationale a donc fait un bout dechemin». La perspective d’être un jour rattrapé par la justice n’estplus fantaisiste pour des dirigeants d’États qui violent le droit inter-national humanitaire ou les droits humains. Ce sont ainsi 110 Étatsqui ont signé le Traité et la lutte contre l’impunité avance sur tous lescontinents. «Il y a des procès contre d’anciens dirigeants des dictatures mili-taires en Argentine ou au Chili». D’autres progrès sont plus mitigés.Hissène Habré, ancien dictateur tchadien, est assigné à résidenceau Sénégal. Si cette assignation à résidence est en soi une évolutionpositive, «on se demande s’il sera jugé un jour».Ce type d’avancée mi-figue mi-raisin de la justice internationale peutaussi définir la situation au Cambodge où les Chambres extraordi-naires des tribunaux du Cambodge chargées de juger les génocidairesont un statut hybride, national et international. Pour que l’on parlede justice, deux conditions doivent être réunies : la condamnation etla réparation pour les victimes. Pour Philippe Hensmans, les tribunauxcambodgiens ne remplissent aucune de ces deux conditions. «Il y a euau moins un million de victimes au Cambodge et on ne pense pas beaucoup àelles dans ces tribunaux. Malgré tout, les condamnations ne sont pas à négliger:chacune de celles-ci est un avertissement aux dirigeants du monde entier».Malheureusement, le conflit israélo-palestinien met à rude épreuveces avancées. Lorsqu’on pense à la bande de Gaza, «on réalise l’absencede légitimité d’une communauté internationale incapable d’imposer unminimum de justice sur un si petit territoire». Autre point noir dans cettelutte pour la justice internationale, la Russie, «un pays imperméable oùs’installe un sentiment d’impunité encouragé par le discours des autoritésrusses, avec les passages à tabac, la situation des défenseurs des droits humains,les journalistes muselés, etc.»

EXIGEONS LA DIGNITÉPour Amnesty, défendre les droits humains c’est aussi défendre leurindivisibilité. La campagne «Exigeons la Dignité» (1) prend toute sonimportance dans l’ambiance sociale moribonde générée par la criseéconomique car ceux qui paient les pots cassés des mesures prises parles gouvernements sont souvent ceux qui vivent dans la pauvreté. C’estnotamment le sens de The Unheard Truth, le livre d’Irene Khan, la secré-taire générale d’Amnesty International, qui vient appuyer lacampagne «Exigeons la Dignité». Pour Philippe Hensmans, «pendantlongtemps, nous nous sommes demandé quelle pourrait être notre plus-valuedans la bataille pour les droits économiques et sociaux, dans la lutte contre lapauvreté. La campagne “Exigeons la Dignité”, par les angles originaux qu’elleadopte, est une réponse».Les trois grandes orientations de la campagne concernent l’accèsaux droits, l’obligation de rendre des comptes et la participationactive des personnes démunies. En septembre, Philippe Hensmans aparticipé avec Irene Khan à une mission d’Amnesty International enSierra Leone. À cette occasion, une caravane contre la mortalitématernelle a été lancée dans le pays afin de sensibiliser la population(2).Il faut dire qu’en Sierra Leone, une femme sur huit meurt en coucheou au cours de la grossesse, un chiffre édifiant qui justifie la mobi-lisation du mouvement. La mortalité maternelle est symptomatiquedes erreurs qui sont parfois faites quand on évoque la pauvreté. De l’ar-gent a été investi par les pays riches pour essayer de remplir une partiede leurs engagements, notamment en investissant dans le domainede la santé, sans pour autant atteindre les buts énoncés. «L’analyse dedépart est mauvaise. Pour s’attaquer à ce type de problème, il est essentiel des’appuyer sur les droits humains et de prendre en compte les trois axes de lacampagne “Exigeons la Dignité”. Certes, c’est un problème d’accès aux soins, mais

enthousiasme le fait qu’une des premières annonces du Président Obamaconcernait la fermeture de Guantanamo, mais dans les faits, cette fermetureprend beaucoup de temps. Nous avons aussi apprécié le fait que la nouvelle admi-nistration fasse des efforts pour reconnaître les actes de torture, mais nouspensons qu’il faut aller plus loin, pour l’instant, seuls des “sous-fifres” sontaccusés.»Autre point négatif, Bagram, prison américaine en Afghanistan :«nous essayons d’agir pour que ce lieu de détention ne devienne pas un nouveauGuantanamo. Le problème de Bagram cache par ailleurs un enjeu plus vaste,celui des centres de détention secrets des États-Unis. On estime qu’il y en aurait150 à travers le monde, mais le silence règne sur cette question. Enfin, lefameux Patriot Act qu’avait fait adopter la précédente administration et qui

D O S S I E R

6 Libertés ! Décembre 2009

kPour aller remplir d’eauson bidon, un enfantmarche sur l’énormeaqueduc qui traverseDharavi, le plus grandbidonville d’Inde(600000 habitants sur1,75 km2). Mumbai(Bombay), novembre2008. © PANOS/Mark Henley

Page 7: Libertés ! Décembre 2009

D O S S I E R

Libertés ! Décembre 2009 7

qui doit s’assortir d’une obligation de rendre des comptes lorsque les pouvoirspublics ne s’acquittent pas correctement de leur mission et, bien sûr, de l’obliga-tion d’associer les femmes à la prise de décision, de faire entendre leur voix».

DÉNONCER LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINSSi la campagne «Exigeons la Dignité» a mobilisé beaucoup d’énergiecette année, Amnesty International a poursuivi son marquage à laculotte des responsables de violations des droits humains dans lemonde, souvent en alertant l’opinion sur des cas individuels représen-tatifs de dérives généralisées dans ces pays.Malheureusement, les «clients habituels» d’Amnesty n’ont pas beau-coup changé. En Iran, la situation s’est aggravée avec la réélectioncontestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la Répu-blique islamique et le débat sur le nucléaire. Philippe Hensmansestime que les Iraniens avaient le choix entre «la peste et le choléra, maisà la suite de ces élections, l a vu le régime se refermer sur lui-même et utiliserune politique répressive digne de l’époque du Shah». Pour Amnesty Interna-tional, la mobilisation pour le respect des droits humains en Iran portedifficilement ses fruits car le régime est très difficile à faire évoluer.Cette année, Amnesty a manifesté à deux reprises devant l’ambassaded’Iran. «Il y a bien eu quelques succès sur des cas individuels, des exécutionsannulées ou l’obtention d’une protection pour certaines personnes, voire unelégère diminution du nombre d’exécutions de mineurs, mais les progrès restentmaigres».Autre pays dont les dirigeants sont difficiles à sensibiliser: le Myanmar(Birmanie) (3). Les différentes sections d’Amnesty, dont le Secrétariatnational (SN) d’AIBF, essayent de faire pression pour qu’on n’oublie pasle Myanmar. Il règne beaucoup d’incertitudes sur l’avenir dans ce pays,sur la succession du chef de la junte lorsque celui-ci partira, sur la struc-turation de l’opposition. L’autre problème d’envergure est celui de laminorité karen dont la situation est très difficile et dont les membresfuient souvent vers la Thaïlande, un État qui n’a pas signé la Conven-tion de Genève et les refoule en masse. Malgré tout, ces derniers

mois, 15 prisonniers politiques de la Ligue nationale pour la Démo-cratie (NLD, le parti d’Aung San Suu Kyi) ont été libérés des prisonsbirmanes.Enfin, parmi les pays qui ont défrayé la chronique, le Zimbabweoccupe une place de choix. «Dans ce pays où les moyens de s’alimenter exis-tent, c’est une action politique qui a créé des famines». La situation a tout demême un peu évolué, notamment grâce à la pression internationaleet malgré le «rôle détestable qu’a joué l’Afrique du Sud dans ce dossier en soute-nant le régime».Certains pays, suivis de près par Amnesty International, sont traverséspar des vents contraires. C’est le cas de la Chine. Amnesty a poursuivison action suite aux nombreuses campagnes de l’année précédenteliées aux Jeux olympiques. C’est en 2009 qu’a eu lieu la toute premièremission d’Amnesty International en Chine. Ce qui est intéressant, pourPhilippe Hensmans, «c’est que le régime n’est pas monolithique, il y a destendances qui cohabitent, le parti est agité par des mouvements internes et lepays est traversé en permanence par des pics de mécontentement, voire decolère.». S’il ne faut pas oublier les 500 à 600 000 personnes qui crou-pissent encore dans les camps de travail forcé, il faut garder en têteque ce pays immense est plus complexe qu’on ne le croit et qu’il fauty soutenir les forces de changement. C’est dans cette dynamiquequ’une manifestation a été organisée par Amnesty en Belgique pourse souvenir du massacre de Tian’anmen. Enfin, l’évolution de la situa-tion en Colombie interpelle car, suite à la libération d’IngridBetancourt, l’attention internationale est retombée «alors que descommunautés de paix ou des syndicalistes sont en danger».Face à ces raisons nombreuses de se mobiliser pour les droits humainset face à une actualité qui impose son agenda, l’Assemblée généraled’AIBF fut l’occasion de prendre un peu de recul et de réfléchir auxorientations des prochaines années.C’est lors de cette Assemblée générale qu’Irene Khan et Olivier DeSchutter, Rapporteur spécial des Nations unies sur le Droit à l’alimen-tation, ont animé un débat ayant pour thème «Amnesty Internationalva-t-elle mettre un terme à la faim dans le monde?» La journée, très ancréedans les perspectives d’action liées à la campagne «Exigeons laDignité», a été l’occasion d’interpeller les militants sur l’action d’Am-nesty.Philippe Hensmans avoue qu’il a été impressionné par cette Assembléegénérale: «avec le thème de la dignité, on est loin de ce qui se faisait il y a trenteans et la présence d’Irene Khan et d’Olivier De Schutter a permis de recadrer l’ac-tion d’Amnesty, de donner envie et de requinquer de vieux militants dontcertains s’avouaient un peu blasés». La voix des militants étant essen-tielle, la section belge francophone a décidé depuis deux ans d’allerà leur rencontre. Cette Assemblée générale a été précédée des «rencon-tres de printemps» entre les membres du Secrétariat national et lesmilitants de groupes locaux afin de discuter des grandes orienta-tions du mouvement. Des orientations qui font la part belle à ladignité, une campagne qui occupera les esprits de militants requin-qués pour, au moins, les six prochaines années. eCédric Vallet

(1) Voir le dossier «La misère est moderne» dans Libertés ! n°455 de juin 2009.(2) Voir le dossier «Exigeons la Dignité – Parties de campagne» dans Libertés ! n°458 denovembre 2009.(3) Voir le dossier «L’impasse birmane» dans Libertés ! n°457 d’octobre 2009.

lManifestationdevant l’ambassaded’Iran, dans le cadrede l’Iran Global Dayof Action. Bruxelles,25 juillet 2009. © AI

LES BONS COMPTESFONT LES BONS AMIS

Vous pouvez consulter les comptes 2008 d’Amnesty Interna-tional Belgique francophone, approuvés lors de l’Assembléegénérale d’AIBF du 25 avril 2009, en allant à l’adresse URL :

http://www.amnestyinternational.be/pdf/aibf_comptes2008.pdf

Vous pouvez également télécharger la version intégrale du Bilan2009 à l’adresse URL :http://www.amnestyinternational.be/pdf/aibf_bilan2009.pdf

Merci à vous membres, donateurs, militants, groupes locaux,régionales et coordinations. Vous êtes les chaînons essentiels desactions urgentes et des campagnes menées par Amnesty Interna-tional. e

Page 8: Libertés ! Décembre 2009

De nombreux migrants traversent les continents, avec parmieux, des personnes en quête d’asile, particulièrement vulné-rables au vu de leur parcours et pour qui l’arrivée sur le sol

européen est synonyme de nouvelles difficultés (1). Amnesty Interna-tional défend corps et âme le droit d’asile, mais aussi, plus largement,les droits des migrants au regard du droit international. Les refoule-ments massifs de migrants vers l’Italie, les arrestations d’étrangers enMauritanie, les expulsions d’Afghans ou encore le démantèlementmédiatique de la «Jungle» de Calais sont autant de drames que dedroits foulés aux pieds. Sur tous ces sujets, Amnesty agit et réagit. EnLibye par exemple, Amnesty a mené une mission en mai 2009 suiviede nombreuses interpellations à propos de centaines voire de milliersde migrants qui subissent toutes formes de mauvais traitements surle chemin vers l’Europe.Ces exemples internationaux sont généralement répercutés enBelgique par le Programme Réfugiés à travers sa Newsletter. Celle-ciest un important support de mobilisation par rapport à des cas ou desproblématiques partout dans le monde. La Belgique est évidemmentune terre de destination pour les migrants et les demandeurs d’asile.Et, ici comme ailleurs en Europe, ils peuvent voir leurs droits ignorés,ce qui nécessite un engagement local d’Amnesty. Parmi les sujets ayantrequis toute l’attention d’AIBF, on notera la réinstallation de 47 réfu-giés irakiens en Belgique. La réinstallation est un principe vieuxcomme la Convention de Genève (1951) qui vise à répartir les réfugiésentre États, dans une dynamique de solidarité. Amnesty demande doncque la Belgique fasse un pas supplémentaire dans cette direction enaccueillant davantage de réfugiés irakiens en provenance des campsde réfugiés de Syrie et de Jordanie, tout en faisant très attention à ceque ces projets de réinstallation ne finissent par servir de prétextespour empêcher l’accès à la protection à d’autres réfugiés, ceux qui vien-nent en Europe directement et par leurs propres moyens.Autre point important pour Amnesty International : la détentiondes étrangers. Depuis des années, Amnesty œuvre pour la mise enplace d’alternatives, mais le combat contre la détention systéma-tique des migrants s’est intensifié et devient peu à peu une prioritépour notre mouvement.Ainsi, en 2009, AIBF s’est associée au réseau belge des ONG de visiteursen centres fermés, en co-signant un rapport rendu public au mois dejuin : «Douze mois en centres fermés, douze vies bouleversées». Bien d’autresactions ont été menées cette année, à l’image d’interpellations écritessur des sujets variés : alternatives à la détention des familles avecenfants, accord de réadmission conclu entre la Belgique et le Kosovo

D O S S I E R

8 Libertés ! Décembre 2009

Alors que le projet «Citoyens du monde» entame une seconde vie,l’année 2009 a été l’occasion d’impliquer les jeunes dans le combatpour la «dignité».

Éduquer les jeunes aux droits humains, leur offrir des clés de compréhen-sion du monde et des pistes d’action, sont des missions primordiales pourAmnesty International. Cette mission passe en partie par les «Groupes

Écoles» constitués dans l’enseignement secondaire. Ils étaient 95 cette annéedans les établissements du secondaire. L’objectif de cette année était de consolidercette base en poussant les groupes existants à l’action plutôt que de chercher uneaugmentation spectaculaire du nombre de groupes dans les écoles.

Un gros travail de pédagogie a été effectué autour de la campagne «Exigeons laDignité» par la production d’un cahier pédagogique rédigé spécialement pour lesélèves du secondaire et mettant l’accent sur la problématique des bidonvilles. Cecahier a été envoyé, via la cellule pédagogique «Démocratie ou Barbarie» (Commu-nauté française) à environ 1900 professeurs pour qu’ils se saisissent de la matière. Pendant ce temps, le projet «Citoyens du Monde» poursuit son bonhomme dechemin. Ce projet avait permis de créer des liens entre jeunes et ONG de terrain.Les meilleurs projets proposés (film, expo, pièce de théâtre) avaient été récompenséspar un voyage auprès d’une des ONG partenaires afin de réaliser des reportagessur les défenseurs des droits humains. Ces reportages ont été diffusés sur Plug-RTLen décembre 2008 et, grâce à la Communauté française, ils sont désormais dispo-nibles à tous les professeurs désireux de les utiliser dans leurs cours.e Cédric Vallet

lDes sans-papiersalgériens qui occupentune gruenégocientavec despoliciers.Bruxelles, 24 avril2008. © AFP/DominiqueFaget

(autoproclamé indépendant en février 2008), renvois de demandeursd’asile vers la Grèce, etc.Enfin, l’année 2009 a été marquée en Belgique par la décision dugouvernement fédéral de mettre en place une opération de régulari-sation des sans-papiers en fonction de critères clairs. Le mandatd’Amnesty ne concerne plus uniquement les réfugiés, mais aussi lesmigrants, le thème de la régularisation des étrangers en séjour irré-gulier est progressivement abordé par l’organisation. En l’occurrence,la section belge d’Amnesty n’a cessé de suivre au plus près l’évolutiondu mouvement en faveur de la régularisation, relayant les informationssur les différents évènements ou manifestations et réclamant, malgrétout, que des critères clairs soient mis en place, par souci de transpa-rence. eCédric Vallet

1. Voir le dossier «Asiles», dans Libertés ! n°450 de janvier 2009.

DIGNES CITOYENS DU MONDE

ASILE

DES DROITSTOUJOURS BAFOUÉSEn Europe comme en Belgique, les droits des migrants sont souventbafoués. Réinstallation des réfugiés et détentions en centres fermés ontfiguré parmi les priorités d’AIBF cette année.

Page 9: Libertés ! Décembre 2009

D O S S I E R

Libertés ! Décembre 2009 9

Le site Internet Isavelives.be (pour «I Save Lives» ou «Je sauve des vies»)s’est imposé comme une évidence. Cette plate-forme au service desdroits humains n’existe que depuis deux ans et pourtant elle est déjà

incontournable. Son but est toujours de favoriser l’activisme en centrali-sant les différents moyens d’action d’Amnesty sur un site Web. À l’image dela toile, Isavelives.be est en perpétuelle évolution. Cette année a été marquéepar des changements de forme et d’approche du militantisme en ligne, afinde rendre cet outil plus performant et plus souple, dans le but de sauver desindividus dont les droits fondamentaux sont menacés.La structure du site a été repensée pour le rendre plus clair, les différentesmodalités d’action sont désormais classées en sous-rubriques accessibles enun clic. Les Actions urgentes, outil de prédilection dans la défense des droitshumains, sont mises en évidence. Deux à trois nouvelles actions urgentes sontproposées chaque jour sur le site et sont transférées immédiatement pare-mail à 3800 militants du réseau. Le site Isavelives.be tient à jour le suivi desactions. Ces mobilisations essentielles de court terme sont complétées sur lesite par les dossiers «Individus en danger» qui proposent une approchedavantage dans le long terme. Ces individus ou groupes d’individus sont suivispar les chercheurs londoniens d’Amnesty. Si le Secrétariat national (SN)«adopte» un individu en danger, le suivi peut perdurer tant que le Secrétariatinternational (SI) se mobilise sur la question, ce qui peut conduire à des mobi-lisations variées (manifestations, lettres, pétitions) pendant plusieurs années.Les «Actions Courage» qui consistent à envoyer un courrier de soutien direc-tement à la personne concernée, détenue ou soumise à une violationflagrante de ses droits, existent toujours mais sont désormais connues sousle nom d’«Actions de Solidarité». Les Lettres du Mois, proposées dans lemensuel Libertés ! sont aussi mises en évidence sur le site Internet ainsi queles annonces de futures manifestations. Enfin, les gestionnaires du site ontdécidé de mettre en avant certaines actions, qui répondent au nom d’«ActionsFocus». Il peut s’agir d’une Action urgente ou d’un Individu en danger qu’ondécide de mettre en évidence pour attirer l’attention d’un plus grand public.L’année 2009 a aussi été l’occasion d’une réflexion sur les modalités d’action:comment mieux encourager les militants et sympathisants à agir? La réponsese nomme «Annonce Nouvelles Actions» qui accompagne désormais lesActions Focus et vise un public large. Il s’agit d’une démarche proactive du

CLICS DE SURVIEIsavelives.be est un site Internet qui centralise toutes les actions d’AmnestyInternational. Après deux ans d’existence, son succès ne s’est pas démenti.L’année 2009 a été en outre l’occasion d’une restructuration du site et dechangements dans les modalités d’action.

LES MEMBRES SERAMASSENT À L’APPELAmnesty tire sa force du nombre de ses militants, membres etdonateurs qui soutiennent son action dans le monde et enBelgique francophone en particulier.

Recruter de nouveaux membres est important pour notre mouvementcar ils élargissent l’audience et garantissent un impact toujoursplus grand du travail d’Amnesty. Depuis quelques années, Amnesty

International va chercher activement ses membres en allant à leurrencontre, dans divers lieux publics. En 2009, les recrutements de membresont été réalisés grâce à deux programmes de récolte de fonds. Au revoir les«Kysés» qui allaient trouver de nouveaux supporters en faisant du porte-à-porte et bienvenue aux démarcheurs des «Rallyes-Cafés». Le «Rallye-Café» aété expérimenté en 2008 avec un certain succès et reconduit cette année.Pendant cinq mois, ce sont plus de 700 personnes qui ont été recrutées dansleurs bistrots favoris. Bien sûr, les désormais célèbres «Yékés» ont aussi ététrès actifs. À eux seuls, ils ont attiré quelque 3 600 nouveaux membres etdonateurs, ce qui porte le nombre total à 4 300 membres et donateursfrais émoulus qui, dès le premier jour, ont reçu des informations sur le fondde l’action d’Amnesty avec un éclairage plus particulier sur la violencedomestique. e C.V.

iVinícius George (g)

et Marcelo Freixo (d)lors de leur passage à

AmnestyInternational

Belgiquefrancophone.

Bruxelles, 25 septembre 2009.

© Bruno Brioni

SN qui décide de contacter, via e-mail, des personnes qui, dans le passé, ontdéjà agi pour Amnesty, afin de leur annoncer de nouvelles actions en fonc-tion de leurs centres d’intérêt. Si un sympathisant occasionnel d’Amnesty aparticipé à l’une ou l’autre action sur la peine de mort, il sera informédirectement de toute action sur le sujet. Cette nouvelle démarche, en placedepuis le mois d’août, porte déjà ses fruits avec un triplement du nombre departicipants aux actions.Enfin, les militants et sympathisants d’Amnesty peuvent toujours s’abonnerau Service d’Action par SMS. Différentes actions sont proposées par SMSaux 819 membres du réseau, moyennant paiement. L’atout des actions SMSest qu’elles permettent une mobilisation rapide, mais il s’agit aussi d’un moyennovateur de récolter des fonds. En 2010, une plus grande importance seradonnée à ce mode d’action, la priorité étant les individus en danger. e C.V.

Page 10: Libertés ! Décembre 2009

M O U V E M E N T

10 Libertés ! Décembre 2009

FORMATIONS 2010

C’est avec plaisir que nousvous annonçons la sortiedu programme 2010 ! Vousy retrouverez les modulessur la peine de mort, lesréfugiés, les droits desfemmes, la torture, lamission et le fonctionne-ment d’Amnesty, etc. Vous ydécouvrirez deux nou-veaux ateliers de courtedurée (01h30) : l’un porterasur les différentes façons de lutter contre l’injusticeavec Amnesty et l’autre sera consacré à des échangessur la manière de parler de ses positions en faveurdu respect des droits humains. De plus, pour lapremière fois, nous vous inviterons à suivre uncycle complet sur la campagne «Exigeons ladignité». Notre catalogue est disponible en format pdf. Nousvous l’enverrons par e-mail ou par courrier sursimple demande. Vous pouvez également l’obtenirsur notre site Internet à l’adresse suivante :http://www.amnestyinternational.be/doc/IMG/pdf/formations2010.pdf ePour tout renseignement complémentaire, contactez-nouspar e-mail à [email protected] ou par téléphone au 02/538 81 77, de préférence les mardi, jeudi et vendredi.

FESTIVAL PAROLES D’HOMMES

NOUS NE NOUS ÉTIONS JAMAISRENCONTRÉS…À HERVE DU 30 JANVIER AU13 FÉVRIER 2010

Pour sa 9e édition, ce festival prêtera une attentionparticulière aux paroles des jeunes. Toujours dansl’esprit du travail d’éducation à la démocratie quepoursuivent ses organisateurs depuis les premièreséditions, il s’agit encore et toujours de rassemblerles jeunes générations pour les éveiller aux diffé-rentes valeurs que sont la fraternité, l’altérité, lasolidarité, la tolérance, la différence, la liberté…L’édition 2010 du festival s’intitule : «Nous ne nousétions jamais rencontrés…», en rapport à un spectacletout à fait spécifique et original qui sera le cœur decette thema jeunesse. Cinéma, théâtre, concerts etconférences seront au rendez-vous.«Les paroles d’hommes ne peuvent circuler que là où il y ala démocratie et la démocratie n’existe pas s’il n’y a pas deconscientisation.» Ce festival est censé nous aider à êtremoins passifs et moins indifférents. À l’heure où lacitoyenneté et les valeurs démocratiques perdentleur signification, où la culture de consommationet l’individualisme semblent prendre le pas surl’esprit de résistance et de solidarité, ce festival estlà pour nous rappeler d’être vigilants. La passivitéet l’indifférence favorisent les dictatures et lesatteintes aux droits et aux libertés. Participer à cefestival, c’est être un maillon de cette chaîne univer-selle de résistance démocratique. C’est pourquoi,dans un souci d’éducation à plus de solidarité, leFestival aura à cœur de travailler au sein d’ateliersthéâtre et musicaux avec les plus jeunes, aveccomme objectif de leur apprendre à être acteur etnon pas seulement spectateur du monde. eInfos : Réservations au 087 66 09 07Coordinatrice : Clara Beelen – 087 78 62 09 – 0498 03 09 [email protected]

Kerrie Howard, directrice adjointe duProgramme Amériques d’Amnesty Interna-tional, représentait l’organisation à cette

conférence : «Nous avons commencé notre travail surles meurtres de femmes et de filles en Amérique centrale en2004, quand nous avons lancé deux grandes enquêtes,l’une à Ciudad Juarez, au Mexique, et l’autre au Guate-mala. Depuis ce moment, notre organisation milite àtravers le monde pour l’amélioration de la situation dansces deux pays et suit la situation de près». Si les meurtresde femmes en Amérique centrale en général ontconnu une forte augmentation, ce sont le Mexiqueet le Guatemala qui occupent les premières placesdans les taux de féminicides de la région. Ce sontaussi deux pays où les témoignages font état d’undegré de violence particulièrement inquiétant :souvent, les corps retrouvés portent des marques deviolences sexuelles et de tortures. Ils sont aban-donnés dans les champs, dans des décharges, sur lebord des routes, dans la rue.La grande majorité des victimes sont âgées de 16 à30 ans ; plusieurs d’entre elles étaient employéesdans les maquiladoras, des usines de sous-traitance,et sont souvent d’origine pauvre, voire indigène. Enbref, toutes sont des jeunes femmes sans aucunpouvoir dans la société, dont la mort ne repré-sente aucun coût politique pour les autoritéslocales et dont les corps sont considérés comme desobjets jetables. Car ces meurtres, commis autantdans le cadre domestique que par des inconnus,s’enracinent profondément dans un contexte, nonseulement de violence endémique, mais surtout derapports de pouvoir déséquilibrés entre leshommes et les femmes, impliquant la violationgénéralisée des droits des femmes. Et, en Amériquelatine, c’est précisément le Guatemala qui occupela dernière position en termes d’égalité de genre.Walda Barrios, avocate et présidente de l’Unionnationale des Femmes guatémaltèques, une desintervenantes de la conférence, confirme ceconstat : «dans les pays d’Amérique centrale, comme leGuatemala, le Salvador et le Nicaragua, qui ont vécu desconflits armés internes, le sentiment qui prévaut dans letissu social est que “la vida no vale nada” (“la vie nevaut rien”), puisque la supprimer est devenu un actequasi quotidien. Mais dans le cas des femmes, cela setraduit par une violence sexuelle et une brutalité déme-surée. Au Guatemala, durant le conflit armé, les corps desfemmes ont fait partie d’une stratégie génocidaire et yporter atteinte était une manière d’humilier la populationen résistance. Aujourd’hui, les corps parallèles de l’Étatn’ont pas été démantelés avec les accords de paix (4) ; il y atoujours des militaires dans nos rues et la violence repartdans une spirale infernale.» Au Guatemala, rien

qu’entre 2001 et 2005, près de 2200 femmes ont étéassassinées. Quant au Mexique, selon des chiffresofficiels et que l’on ne peut dès lors soupçonnerd’être maquillés à la hausse, 6 000 femmes etfillettes ont été assassinées dans le pays entre 1999et 2006.

PAS D’ÉVOLUTION TANGIBLEKerrie Howard ne ménage pas les eurodéputés ausujet de l’impact de la résolution du Parlementeuropéen : «Pour Amnesty, le meurtre de femmes et defilles au Mexique et en Amérique centrale est toujours unproblème pressant, autant aujourd’hui qu’au moment oùon a soulevé la question pour la première fois». À ce jour,à Ciudad Juarez, la ville mexicaine carrefour dunarcotrafic à la frontière américaine où ont étéassassinées les jeunes femmes de l’affaire CampoAlgodonero, qui a médiatisé le phénomène, plus de450 femmes ont été assassinées depuis 1993.Pourtant, des initiatives ont été prises en Amériquecentrale, ne fût-ce qu’en commençant à utiliser leterme «féminicide» et en en faisant une catégoriepour les chiffres de la criminalité. Abondant dansle sens des autres intervenants venus d’Amériquecentrale pour la conférence, Kerrie Howardtempère fortement ces évolutions : «Amnesty salue laratification de traités internationaux et régionaux sur laprotection des droits des femmes (5), de même que diversesinitiatives nationales pour améliorer le cadre légalnormatif (6). Cependant, nous ne serions pas ici aujour-d’hui, s’il n’était pas clair que beaucoup devait encoreêtre fait pour voir évoluer la situation. Les indicateurssont on ne peut plus clairs : ces nouveaux textes de lois nemènent pas à des améliorations substantielles de la situa-tion. En particulier, le niveau d’impunité reste largementintact. La justice n’est pas rendue. Le déni de l’ampleur duproblème est toujours affreusement courant, tant auniveau local que national. La déformation des faits et l’in-capacité à collecter des preuves fiables est un problème trèsparlant.»Conséquence de ce mépris d’État, «l’accès à la justicepour les victimes et leurs proches est fréquemment entravépar des pratiques discriminatoires largement répandueset tenaces» : insultes, humiliations, refus d’enregis-trer la plainte... C’est la culture du «elle l’aprobablement mérité». «Les mesures légales ne sont pas àelles seules suffisantes, c’est leur interprétation quicompte». Dans le même esprit, les organisations defemmes ou de défense des droits des femmes sontl’objet de harcèlement et de menaces de mort. «Etpour aggraver le tout, dans les cas qui donnent suite à desenquêtes, les autorités torturent les suspects afin de leurarracher des preuves. Certes, la gravité de la crise de sécu-rité publique en Amérique centrale ne doit pas être

C O O R D I N A T I O N SAMÉRIQUE CENTRALE

EL MACHISMO MATA (1)

Alors qu’un jugement sans précédent de la Cour interaméricaine des Droits de l’Hommevenait de condamner l’État mexicain pour ne pas avoir prévenu et enquêté sur troismeurtres de femmes dans l’affaire Campo Agodonero, le Parlement européen accueillait, ce19 novembre, la deuxième conférence sur les féminicides(2) organisée par le Groupe desVerts. Il s’agissait de faire le point, à quelques jours du 25 novembre, Journée internationalepour l’Élimination de la Violence à l’égard des Femmes, sur les suites données à la«Résolution sur les assassinats des femmes (féminicides) en Amérique centrale et auMexique et le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre ce phénomène» (3), qui pressaitles pays d’Amérique centrale de prendre toutes les mesures nécessaires.

Page 11: Libertés ! Décembre 2009

M O U V E M E N T

Libertés ! Décembre 2009 11

CERCLE PETERBENENSON

WEEK-END CINÉMA IRANIENEN COLLABORATION AVEC BOZARLES 9 ET 10 JANVIER 2010

Commençons bien l’année et plongeons nous dansla diversité du cinéma iranien et sa complexité. Eneffet, le paradoxe du cinéma iranien est qu’il béné-ficie d’un soutien officiel mais qu’en contrepartie,il est soumis à une très forte censure. Enfin, ceweek-end sera l’occasion d’accueillir une tableronde autour de la situation des femmes, de lajeunesse et de l’art en Iran le dimanche 10 janvierdans l’après-midi.

DOCUMENTAIRESLe 9 janvier à 19h00 :Avant-première du documentaire Safar (52’) deTalheh Daryanavard (VO persane avec sous-titresfrançais).

Le 10 janvier à 20h00 :Avant-première du documentaire Téhéran sans auto-risation / Teheran without permission de Sepideh Farsi(83’, VO persane avec sous-titres français).

FICTIONSLe 9 janvier à 20h30 :Avant-première de No one knows about the Persiancats / Les chats persans de Bahman Ghobadi (VOpersane avec sous-titres bilingues).Débat/rencontreIRAN : Femmes, jeunesse et art : trente ans après larévolution.Avec Azadeh Kian-Thiébaut et les réalisateurs ;animé par Pascale Bourgeaux

Le 10 janvier à 17h00 :Avant-première du film About Elly / À propos d’Elly deAsghar Farhadi (VO persane avec sous-titres bilin-gues).Organisé en partenariat avec Amazone et Amnestyinternational e

sous-estimée et il est normal que les ressources et efforts desgouvernements y soient largement consacrés, mais lephénomène des féminicides est aussi un problème de sécu-rité publique, qui doit être traité avec le même niveaud’urgence.»

DES GESTES FORTS À POSERLa coopération internationale s’est surtout foca-lisée sur le renforcement des institutions censéesdéfendre les droits des femmes et prévenir leurmise à mort. Andrea Medina Rosas, avocate mexi-caine et membre du Comité latino-américain etcaribéen pour la Défense des Droits des Femmes,clame devant la petite assemblée réunie au Parle-ment européen : «L’État mexicain déclare manquer deressources financières pour lutter contre les violations desdroits humains, et ce malgré les aides accordées, notam-ment par l’Union Européenne. En réalité celles-ci ne font querenforcer l’État central, qui crée des “institutions-para-sols” et adopte un discours sur les droits humains taillépour plaire à la communauté internationale. Il s’agit desimulation. En matière de répression, nous pouvons cons-tater toute l’efficacité et les effectifs de la police et del’armée.»Une comparaison reprise par une autre représen-tante d’Amérique centrale : pour écraser lesmanifestations, les gouvernements centraméri-cains savent se montrer efficaces et trouver desfonds. Ce sont donc des positions fermes que lesfemmes centraméricaines attendent de laditecommunauté internationale : «Il faut un réel suivi. Ilfaut exiger que les gouvernements rendent des comptes etrespectent leurs engagements». Kerrie Howard va dans

le même sens : «Insister pour une réforme immédiatepour éliminer toutes les discriminations existant dans lalégislation, les politiques et les pratiques, ainsi que des sanc-tions contre les fonctionnaires qui n’agissent pasdiligemment face aux plaintes, c’est une chose tangible etconcrète, sur laquelle on peut réellement travailler. Au-delàde ces propositions, Amnesty insiste sur le fait que nousattendons aussi des résultats, des actions et un impact desprogrammes et initiatives au nom de l’UE au Mexique eten Amérique centrale.» e Céline Remy (st.)

(1) «Le machisme tue», slogan de l’UNIFEM dans le cadre de lacampagne du Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes,lancée ce 25 novembre depuis le Guatemala.(2) La première a eu lieu en avril 2006.(3) Passée en septembre 2007 à l’initiative de l’eurodéputé espa-gnol Raül Romeva (Green/ALE) et la Commission des Droits dela Femme et de l’Égalité des Genres, en collaboration avecAmnesty.(4) Signés en 1996, ils avaient pourtant reconnu de nouveauxdroits aux femmes.(5) Notamment la Convention de l’ONU sur l’Élimination detoutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW,ratifiée en 1981 par le Mexique et en 1982 par le Guatemala) etla Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction etl’élimination de la violence contre la femme (ConventionBelém do Pará, ratifiée par le Guatemala en 1995 et par leMexique en 1998).(6) En mai 2008, le Guatemala a ainsi promulgué la premièreloi d’Amérique latine sur les féminicides, la Loi contre le fémi-nicide et autres formes de violence envers la femme. LeMexique, outre les créations, en 1998 du Bureau du Procureurspécial chargé d’enquêter sur les meurtres de femmes, puis en2006 du Bureau du Procureur spécial pour les crimes violentscontre les femmes, a passé en 2007 la Loi Générale pour l’Accèsdes femmes à une vie sans violence.

© Irving Teitelbaum

De gauche à droite : Andrea Medina Rosas, Walda Barrios et Mirta Kennedy. Bruxelles, Parlementeuropéen, 19 novembre 2009. © AIBF/Brian May

Page 12: Libertés ! Décembre 2009

12 Libertés ! Décembre 2009

M O U V E M E N T

VIOLENCES CONTRE LES FEMMES

PLANS D’ACTION OUPANS D’ACTION?Alors qu’en 2009, on commémore le 30e

anniversaire de la Convention sur l’Élimination detoutes les formes de discrimination à l’égard desfemmes (CEDAW), Amnesty International continueà réagir à un phénomène qui est la matérialisationpar excellence de cette discrimination : lesviolences contre les femmes.

SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF

Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77Fax: 02 537 37 29www.amnesty.be

SECRÉTARIAT INTERNATIONAL

Easton Street 1, London WC1X ODWUnited Kingdom00 44 207 413 5500

AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN

Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 603 271 16 16

RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY

BRABANT WALLON

Jean-Philippe CHENUchemin de la Terre Franche 131470 Genappe010 61 37 73 – [email protected]

BRUXELLES

Luis SCHOEBERLAvenue du Loriot 221150 Bruxelles (Woluwe-Saint-Pierre)02 660 08 [email protected]

HAINAUT ORIENTAL

Nicole GROLETav. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle071 43 78 [email protected]

LIÈGE

Poste à pourvoirChristine BIKAResponsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI –rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h3004 223 05 [email protected]

LUXEMBOURG

Daniel LIBIOULLEAvenue de la Toison d’Or 266900 Marche en Famenne084 31 51 [email protected]

NAMUR

Romilly VAN GULCKRue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe071 88 66 [email protected]

WALLONIE PICARDE

Marie NOËLRue Cheny 1, 7536 Vaulx069 77 66 13 – 0499 13 57 [email protected]

Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le

terrain, font un travail d’action et de

sensibilisation aux droits humains. Pour

vous y joindre, contactez votre régionale.

D’après les Nations unies, deux femmes sur trois ensont victimes en Afrique. De 66 à 70% des femmessubissent, dans le monde et à un moment donné

de leur vie, des agressions commises par une connais-sance, un proche, un mari ou un frère. Deux millions defemmes et de filles sont mutilées sexuellement chaqueannée ; 80 % des Afghanes subissent des violences domes-tiques, etc. Ces chiffres accablants ne sont que desestimations et ne représentent sans doute que la partievisible de l’iceberg. Dans les violences entre partenaires, lesfemmes sont les souffre-douleur, les exutoires du malheurdes hommes. L’alcool, le chômage ou les difficultés de lavie sont invoqués pour justifier ce fléau, mais la vraieraison trouve ses sources dans la discrimination et lavolonté de prise de pouvoir de l’un sur l’autre.Il s’agit d’un phénomène universel présent au-delà de touteculture et de tout niveau social, qui nous concerne toutes ettous. En effet, il appartient à la société de protéger sa popu-lation et les femmes en particulier car une société danslaquelle les droits des femmes sont bafoués et où les violencessont tolérées est une société en déclin et donc en péril.La section belge d’Amnesty, en coordination avec les asso-ciations spécialisées et de terrain, suit de très prèsl’évolution de la prise en compte de ce problème par lespouvoirs publics belges. Après l’élaboration et l’adoptionde plusieurs Plans d’action nationaux (PAN), des procéduresont été mises en place. Ainsi, par exemple, les circulairesde la ministre de la Justice de 2006, dites de «Tolérancezéro» et en vertu desquelles toute plainte devra être spéci-fiquement traitée par du personnel judiciaire et de policespécifique. Or, un magistrat de référence spécialisé n’est pasencore désigné dans tous les arrondissements judiciaires.Ainsi également, tous les commissariats ne disposent pasde locaux appropriés pour trois quarts des dossiers classéssans suite pour des raisons diverses et variées, et parfois«techniques» ! Or, pour lutter efficacement contre unphénomène, il faut pouvoir le quantifier. Le Conseil de l’Eu-rope estime que, dans les différents pays, entre uncinquième et un quart des femmes ont subi des violencesphysiques au moins une fois dans leur vie d’adulte et queplus d’un dixième des femmes ont subi des violencessexuelles avec usage de la force. Toutes formes de violenceconfondues, y compris la persécution, ce chiffre s’élève à

45 %. En Belgique, dans un sondage mené en 2005 parAmnesty, une personne interrogée sur trois disaitconnaître dans son entourage proche un couple danslequel la violence était présente. Mais combien de femmessont mortes l’an dernier, en Belgique, sous les coups de leurconjoint? La question a été posée récemment aux différentsservices publics concernés… Aucune réponse !Dans un document d’évaluation de la politique belge delutte contre les violences entre partenaires, Amnesty semontre vigilante. Ainsi, notre mouvement se réjouit de larécente mise en place d’un Numéro Vert d’urgence gratuitdans la partie francophone du pays. Mais, si on a pu libérerles budgets nécessaires pour que cette ligne soit dispo-nible du lundi au samedi de neuf à vingt heures, quefait-on des personnes qui ont besoin d’aide à d’autresmoments ? Elles sont dirigées vers un site Internet ! On setrouve face à un exemple flagrant de la limite des moyenshumains et financiers accordés à une décision politique.Une réelle volonté politique de lutte contre les violencesentre partenaires s’évalue à la mesure des moyens qu’onlui accorde. Ces moyens devraient être affectés auxmesures d’accueil des victimes et de soutien aux centresd’accueil spécialisés, aux mesures de protection desvictimes et d’accompagnement des auteurs, et enfin (etsurtout) à l’évaluation et au suivi.Mais il faut également agir en amont : la prévention passepar un changement des comportements, des attitudes etdes réactions. Comme nous le disions plus haut, beau-coup a été fait (plus ou moins efficacement) et pourtant,trop de femmes sont encore victimes et en danger. Si l’onestime que la violence entre partenaires est à jamais into-lérable, il faut en être convaincu et agir en conséquence auquotidien. Nous pouvons tous et toutes agir à notre niveau,mais des campagnes de sensibilisation à long terme etrégulières doivent être menées. Quelques-unes l’ont effec-tivement été. Mais il ne s’agit que de «one shot», alors quele travail devrait être permanent et dirigé vers un publicplus large.Dans les écoles, ce sujet doit être rappelé chaque année.Combien d’établissements d’enseignement osent aborderces questions ? Nous en avons approché plusieurs, aucunn’avait une charte ou un règlement d’ordre intérieurstipulant que la violence à l’égard des filles ne serait pastolérée et que l’établissement s’inscrivait dans uneapproche d’éducation égalitaire et respectueuse. Dans lesentreprises aussi, Amnesty recommande de sensibiliserle personnel et de former les délégués syndicaux et lespersonnes en charge des ressources humaines afin deprévenir et gérer tout comportement lié à ce phénomène.C’est clair, le combat contre ce fléau doit être global, tantau niveau politico-institutionnel qu’au niveau individuel.La vie de trop de femmes en dépend. eFrançoise Guillitte

Comme chaque année, le jeudi 10 décembre 2009 à17h00, Amnesty International organisera sa désor-mais traditionnelle «Nuit des bougies de la liberté».

Militants, bénévoles et sympathisants participeront à l’illu-mination d’un bon millier de bougies.À cette occasion, l’accent sera mis sur une pétition interna-tionale lancée par Amnesty et qui demande que le nouvel

organisme de l’ONU chargé des femmes (créé suite à unerésolution de l’Assemblée générale votée en septembredernier) bénéficie de toute urgence du soutien politiquedurable de tous les États et surtout de fonds substantiels. eOù? À la Place Sainte-Croix, sur le piétonnier qui relie leFlagey à l’Église Sainte-Croix, face aux Étangs d’Ixelles.Quand? À 17h00. Transports : Bus 38-59-60-71 — Tram 81

LE 10 DÉCEMBRE À BRUXELLES : JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME

BOUGIES DE LA LIBERTÉ

Page 13: Libertés ! Décembre 2009

Libertés ! Décembre 2009 13

I S A V E L I V E S . B E

Le 27 octobre 2006, le vidéojournalisteaméricain Brad Will a été atteint pardeux coups de feu à Oaxaca, alors qu’il

filmait un affrontement opposant des membresd’une organisation locale, l’Assemblée popu-laire des peuples d’Oaxaca (APPO), à dessympathisants et représentants du parti dugouvernement local. Il est mort pendant sontransfert à l’hôpital. En octobre 2008, un sympa-thisant de l’APPO, Juan Manuel Martínez, a étéarrêté pour le meurtre de Brad Will. Il nie touteimplication dans les faits, mais doit répondre dumeurtre devant la justice. Aucune démarchesystématique en vue d’interroger tous lessuspects et tous les témoins n’a été mise enœuvre. Deux policiers ont certes été arrêtés,

mais ils ont été remis en liberté sans avoir étéinterrogés de manière approfondie. Enmars 2008, l’ONG Physicians for Human Rights(Médecins pour les droits humains) s’est rendueau Mexique et a recueilli des informations surl’enquête menée après la mort de Brad Will.Les membres de la délégation ont fait part deleurs critiques quant à ces investigations etpublié une déclaration affirmant qu’aucunélément n’indiquait que Brad Will avait ététouché par des balles tirées à faible distance. Ilsont mis en évidence le fait que les autoritésn’avaient pas mené d’enquête exhaustive etapprofondie dans cette affaire. La Commissionnationale des droits humains est parvenue àdes conclusions similaires. e

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur le Procureur général fédéral,Le 27 octobre 2006, le vidéojournaliste américain Brad Will a été atteint par deux coups de feu à

Oaxaca, alors qu’il filmait un affrontement opposant des membres d’une organisation locale, l’Assembléepopulaire des peuples d’Oaxaca (APPO), à des sympathisants et représentants du parti du gouvernementlocal. Il est mort pendant son transfert à l’hôpital. En octobre 2008, un sympathisant de l’APPO, JuanManuel Martínez, a été arrêté pour le meurtre de Brad Will, en dépit de ses dénégations et de l’absenced’indices. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande, Monsieur leProcureur fédéral, de procéder à un réexamen approfondi et impartial de l’enquête, et de faire en sorte queJuan Manuel Martínez soit jugé dans le cadre d’une procédure équitable. Je vous prie, Monsieur leProcureur, d’agréer l’expression de ma considération distinguée.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :Lic. Arturo Chávez Chávez, Procurador General de la República Procuraduría General de la República, Av. Paseo de la Reforma nº 211-213, Col. Cuauhtémoc,Del. Cuauhtémoc, México D.F., C.P. 06500, MexiqueFax : +52 55 53 46 09 08 – E-mail : [email protected]

COPIE À ENVOYER À :Ambassade des États-Unis du Mexique, Av. Franklin D. Roosevelt, 94, 1050 Bruxelles (Ixelles)E-mail : [email protected] – Fax : 02 644 08 19

MEXIQUE

DÉNI DE JUSTICE

BONNESNOUVELLESDans tous les pays du monde, des gens sont libérésgrâce au travail des membres d’Amnesty. Destémoignages émouvants nous parviennent desprisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrentqu’une action de masse peut avoir des résultats pourun meilleur respect des droits humains.

TURKMÉNISTANMILITANT ÉCOLOGISTE RELÂCHÉLe 6 novembre, le militant écologiste et prisonnier d’opinionAndreï Zatoka a été libéré après avoir payé une amende de1000 manats turkmènes (environ 230 euros). Huit jours aupa-ravant, le 29 octobre, il avait été condamné à cinq ansd’emprisonnement à l’issue d’un procès inéquitable. Seloncertaines sources au Turkménistan, il a été remis en liberté àcondition de renoncer à sa citoyenneté turkmène et de quitterle pays. Ce militant écologiste âgé de 53 de nationalité turk-mène et russe avait été arrêté le 20 octobre par des policiersdans la ville où il habitait, Dachogouz (nord du Turkménistan),pour «hooliganisme» et blessures «de gravité moyenne». Le6 novembre, le tribunal régional de Dachogouz a statué que,lors de son procès, le tribunal de la ville de Dachogouz n’avaitpas tenu suffisamment compte des circonstances atténuantestelles que son activité de défense de l’environnement, sa répu-tation en tant que chercheur et sa coopération avec les forcesde l’ordre sur les questions relatives à l’environnement. Sapeine de prison a été commuée en une amende. Après l’avoirpayée, Andreï Zatoka et son épouse ont quitté le Turkmé-nistan pour la Russie le 7 novembre. Amnesty Internationalcontinuera de suivre la situation de cet homme. e

SRI LANKAJOURNALISTES LIBÉRÉSLe journaliste Vettivel Jasikaran et son épouse ValarmathiJasikaran ont été libérés le 26 octobre. Ils étaient détenusarbitrairement depuis mars 2008 en vertu de la législation anti-terroriste (voir Libertés ! n°447 d’octobre 2008). Le Serviced’Enquête sur le Terrorisme (TID) avait arrêté Vettivel Jasi-karan pour «activités liées au terrorisme» et son épouse ValarmathiJasikaran pour complicité, au titre des règlements d’excep-tion, le 6 mars 2008. Vettivel Jasikaran est écrivain, éditeur etresponsable du site Internet d’information Outreach Sri Lanka.Près d’un an après le début de leur procès, le 26 octobre, la Coursuprême a autorisé le retrait du recours formé par les Jasikaranpour violation de leurs droits fondamentaux et les a acquittésde tous les chefs d’accusation retenus contre eux. e

IRANLAPIDATION ANNULÉEUn homme et une femme ont été libérés de prison à Ispahan(centre de l’Iran) le 4 octobre, après avoir été acquittés dans lecadre d’un nouveau procès après que leurs condamnationspour «adultère en étant marié» aient été annulées par leresponsable du pouvoir judiciaire. Gilan Mohammadi etGholamali Eskandari étaient détenus à la prison centraled’Ispahan depuis 2003. Ils avaient été condamnés à la mort parlapidation probablement en 2005 ou 2006. Leurs peinesavaient été confirmées par la Cour suprême en 2008. À l’issued’un réexamen de leur dossier, le responsable du pouvoir judi-ciaire a ordonné qu’ils fassent l’objet d’un nouveau procès, lorsduquel ils ont été défendus par un avocat d’Ispahan, RuhollahMohammadi. Gilan Mohammadi et Gholamali Eskandariont tous deux été acquittés et libérés le 4 octobre. e

POUR RECEVOIR OU CONSULTER LES LETTRES DU MOIS :Abonnez-vous à la lettre d’information Isavelives.be ouconsultez-la sur : http://www.isavelives.be/leslettresdumois

© Privé

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4501

Page 14: Libertés ! Décembre 2009

Le défenseur des droits humainsChekib El Khiari purge actuelle-ment une peine de trois ans de

détention dans la prison d’Oukacha, àCasablanca. Il a été accusé d’atteinte ououtrage aux autorités publiques et d’avoirfait des dépôts non autorisés sur uncompte bancaire ouvert à l’étranger.Amnesty International le considèrecomme un prisonnier d’opinion détenuuniquement pour avoir critiqué ouverte-ment les autorités marocaines. Chekib ElKhiari est le fondateur de l’Association Rifdes Droits de l’Homme (ARDH), qui militenotamment contre le trafic de stupéfiantsdans la région du Rif (nord du Maroc). Le17 février 2009, il a été convoqué à lapolice de Casablanca. Selon l’agence offi-cielle Maghreb Arabe Presse, le Procureurdu Roi auprès de la Cour d’Appel de Casa-blanca avait ordonné cette convocationen raison de déclarations de Chekib ElKhiari, notamment à la télévision natio-nale, accusant de hauts fonctionnaires de

l’État dans la région du Rif d’être impli-qués dans des affaires de trafic de drogueet de corruption. Le lendemain, il a étéconduit chez lui par des policiers qui ontprocédé à une perquisition et saisi uncertain nombre d’objets, dont son ordi-nateur et des documents, puis l’ontemmené. Le 24 juin 2009, Chekib ElKhiari a été condamné à trois annéesd’emprisonnement et à une lourdeamende par le tribunal de premièreinstance de Casablanca. Il attend d’êtrejugé en appel. Le volet bancaire des faitsreprochés à Chekib El Khiari renvoie à2006 : il avait alors ouvert un compte enEspagne afin de pouvoir encaisser unchèque de 250 euros versé par le quotidienEl País en règlement d’un article. e

14 Libertés ! Décembre 2009

I S A V E L I V E S . B E

La famille de Zelimkhan Mour-dalov ne l’a pas revu depuis sonarrestation par des policiers du

quartier Oktiabrski à Grozny (Tchét-chénie), le 2 janvier 2001. Il était soupçonné de détention illégale destupéfiants. La police affirme que Zelim-khan Mourdalov a été remis en liberté le5 janvier 2001, trois jours après son arres-tation. Le policier Sergueï Lapine a étédéféré à la justice en octobre 2003 pourabus de pouvoir et violences corporellesgraves à l’encontre de Zelimkhan Mour-dalov. Le tribunal du quartier Oktiabrskide Grozny a confirmé lors du procès queZelimkhan Mourdalov avait été torturépendant sa détention par la police :durant plusieurs heures, il a été soumis àdes décharges électriques et il a reçu descoups de poing, de pied et de matraque encaoutchouc. Il a eu un bras fracturé et

une oreille arrachée ; il a souffert d’unecommotion cérébrale. Selon des témoins,il pouvait à peine se tenir debout lors-qu’on l’a reconduit en cellule. Lelendemain, des policiers l’auraient em-mené en voiture. En mars 2005, Sergueï Lapine a étécondamné à onze années d’emprisonne-ment, peine ramenée à dix ans et demi enappel. Personne n’a toutefois été pour-suivi pour l’enlèvement et la disparitionforcée de Zelimkhan Mourdalov. Ennovembre 2005, un officier supérieur etun gradé de rang inférieur ont été misen cause pour leur implication présuméedans les actes de torture perpétrés contreZelimkhan Mourdalov et dans la dispari-tion forcée de celui-ci. Placés sur la liste despersonnes recherchées au niveau fédéral,ces deux hommes n’ont toujours pas étéarrêtés. e

RUSSIE (TCHÉTCHÉNIE)

ENLÈVEMENT ET DISPARITION

TARIFS POSTAUXLettres (jusqu’à 50 grammes)Belgique: 0,59e; Europe: 0,90e; restedu monde: 1,05e. La surtaxe aérienneest incluse (étiquette requise).

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte.Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et cour-tois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International.Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

MODÈLE DE LETTRE

Sire,Le défenseur des droits humains Chekib El Khiari purge actuellement une

peine de trois ans de détention dans la prison d’Oukacha, à Casablanca. Il a étéaccusé d’atteinte ou outrage aux autorités publiques et d’avoir fait des dépôts nonautorisés sur un compte bancaire ouvert à l’étranger : il avait tout simplementouvert un compte en Espagne afin de pouvoir encaisser un chèque de 250 euros versépar le quotidien El País en règlement d’un article. En tant quemembre/sympathisant(e) d’Amnesty International qui le considère comme unprisonnier d’opinion détenu uniquement pour avoir critiqué ouvertement lesautorités marocaines, je demande, Votre Majesté, la libération immédiate et sanscondition de Chekib El Khiari. En espérant une réponse favorable, je vous prie, VotreMajesté, d’agréer l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :Sa Majesté le Roi Mohammed VIBureau de Sa Majesté le RoiPalais RoyalRabat, MarocFax : +212 53 776 8515

COPIE À ENVOYER À :Ambassade du Royaume du MarocBoulevard Saint-Michel, 291040 Bruxelles (Etterbeek)E-mail : [email protected] – Fax : 02 734 64 68

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur le Président,La famille de Zelimkhan Mourdalov ne l’a pas revu depuis son arrestation

par des policiers du quartier Oktiabrski à Grozny (Tchétchénie), le 2 janvier 2001. Ilétait soupçonné de détention illégale de stupéfiants. Le tribunal du quartierOktiabrski de Grozny a confirmé lors du procès que Zelimkhan Mourdalov avait ététorturé pendant sa détention par la police. En novembre 2005, un officier supérieuret un gradé de rang inférieur ont été mis en cause. Placés sur la liste des personnesrecherchées au niveau fédéral, ces deux hommes n’ont toujours pas été arrêtés. Entant que membre/sympathsisant(e) d’Amnesty International, je vous demande,Monsieur le Président, de faire toute la lumière sur le sort de Zelimkhan Mourdalovet de faire en sorte que les policiers responsables de sa disparition forcée soient jugésimmédiatement et équitablement. Je vous prie, Monsieur le Président, d’agréerl’expression de ma considération distinguée.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :President of the Russian Federation, Dmitry Anatolevich Medvedevul. Ilyinka, No 23, 103132 Moscou, RussieFax : +7 495 9102134

COPIE À ENVOYER À :Ambassade de la Fédération de Russie, Avenue de Fré, 661180 Bruxelles (Uccle)E-mail : [email protected] – Fax : 02 374 26 13

MAROC

PRISONNIERD’OPINION

© Privé

© Privé

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4502

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4503

Page 15: Libertés ! Décembre 2009

A G E N D ATHÉÂTRE AU POCHEAGAMEMNON À MON RETOUR DU SUPERMARCHÉ,J’AI FLANQUÉ UNE RACLÉE À MONFILS

À mon retour du supermarché, j’ai f lanqué uneraclée à mon fils, le sous-titre d’Agamemnon,vaut tous les résumés de la pièce que l’onpourrait tenter. Dans un style absurde etplein d’humour, Rodrigo Garcia signe unetragédie moderne sous forme de réquisitoirecontre notre société de consommation.Un père de famille part faire des courses pourle mois au supermarché. Happé par la méca-nique bien huilée d’une consommation toutepuissante qui prend le pas sur l’humain, ilremplit des caddies à outrance. De retourchez lui, devant l’amoncellement desproduits achetés, tous inutiles, il se trans-forme en tyran et se défoule avec violencesur sa femme et son fils. Réalisant qu’il n’estqu’un pantin dans ce système rôdé qu’est laconsommation de masse, il fuit avec femmeet enfant vers un «quelque part», là sous lesétoiles, dans ce no man’s land dégagé duconsumérisme, il prend conscience de sapropre responsabilité face au système danslequel il vivait. Rodrigo Garcia propose un théâtre qui alerteles spectateurs sur les dangers de la consom-mation, contestant la mondialisation etdénonçant la concentration des pouvoirs.Son théâtre nous éclaire sur la réalité socialede l’Occident actuel, où la notion de valeurn’est plus que marchande. Il met en scène unhomme en révolte et aussitôt le tourne endérision, offrant le spectacle à la fois dégra-dant et ridicule d’un humain soumis à desstimuli, qui, remplissant son caddy au super-marché, achète inévitablement les produitspar lot car l’inscription «2 pour le prix d’1» estun argument, comme chacun sait, irréfu-table.En traitant les événements de l’actualité avechumour, Rodrigo Garcia évite la reproduc-tion d’un théâtre qui pourrait ressembler àun journal télévisé. L’auteur attaque l’en-nemi par le grotesque. Ce qui n’affaiblitnullement le caractère clairement politiquede ses créations. eDu 9 au 26 décembre 2009 à 20h30 (relâche lesdimanches et lundis).Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000BruxellesRéservations : 02 649 17 27 ou [email protected]

AMOUR INTERDIT

Une petite boucherie d’un quartier ultra-ortho-doxe de Jérusalem. Par une journée grise etpluvieuse, Aaron voit débarquer un jeune

étudiant sans le sou qu’il finit par engager. Entre lescarcasses va naître un amour interdit. Dans cette commu-nauté religieuse qui renvoie chaque geste de la viequotidienne aux préceptes de la Torah, l’homosexualitén’existe pas et n’est même pas reconnue comme unepossibilité. Lentement, dans une atmosphère cotonneuse,le film déroule son histoire en suivant les événements avecdistance. Ce qui fait la force d’une communauté, c’est la solidarité et le partage qui lie les uns aux autres, maiscet effacement de l’individu en faveur de la collectivité se traduit aussi par une surveillance permanente durespect des règles. La distance que le réalisateur Haim Tabakman maintient vis-à-vis de ses personnages, laissede côté toute tentative d’explication psychologique. De l’extérieur, on ne comprend pas vraiment ce quipousse cet homme religieux, marié et père de deux enfants, à se laisser séduire par son jeune employé. Dansla pureté de l’amour qu’Aaron éprouve pour Ezri, on peut sans doute y voir une analogie avec l’amour pour Dieu.Baigné dans un univers un peu claustrophobique, le film manque d’intensité charnelle, et les belles séquencesde baignade rituelle dans ce lac en pleine nature apparaissent d’autant plus comme un chaste espace de liberté.Bien plus que dans la chronique d’une passion interdite, l’intérêt du film réside dans la description d’un milieutrès fermé et dans la manière dont il réagit à ce qui perturbe ses règles de vie. e Gilles BechetEyes Wide Open / Tu n’aimeras point de Haim Tabakman, sortie le 2 décembre

PAROLES SUR QUATRE ROUES

Plus de 80000 taxis circulent dans les rues et avenues encombrées du Caire. Dansces cafés du commerce sur quatre roues, on peut parler de tout, de la politique,de la religion et des femmes. De ses nombreuses courses à travers la ville, le jour-

naliste, producteur et réalisateur Khaled Al Khamissi rapporte ces monologues etconversations avec un chauffeur de taxi mises en scène telles qu’il les a vécues ouromancées. Il s’en dégage un portrait vivant et plein de drôlerie de la société égyptienne.Dans tous les pays, le langage de la rue se partage entre les indignations, les jugementsexcessifs et l’intuition la plus fine. Ainsi, les parfait inconnus qui se présentent auxélections présidentielles face à Hosni Moubarak pour donner l’illusion d’une démo-cratie ne devraient pas s’étonner d’être comparés à des abrutis dont même leurmère n’a jamais entendu parler. Sans illusion, ces philosophes du bitume ont cons-cience qu’ils vivent dans une société où l’ordre et la loi sont élastiques et où lesinterdictions ne valent que pour ceux qui ont décidé de les appliquer. Et c’est avec unemauvaise foi et un humour omniprésents qu’ils tentent de lutter contre un sentimentd’impuissance. Mais ce qui se décante de manière inexorable de toutes ces tranches de vie, c’est le fossé de plusen plus infranchissable entre les pauvres et les nantis, les élites et le reste, alimentant une frustration qui nepourra que déborder d’un jour à l’autre. e G.B.Taxi, Khaled Al Khamissi, Actes Sud, 192 pages, 18,80 e

COMMENT ON FABRIQUE UN ASSASSIN

Autoproclamée plus grande démocratie du monde, l’Inde est dans lesfaits un pays profondément inégalitaire. C’est aussi un vivier littéraireapparemment inépuisable de jeunes auteurs qui inscrivent leurs récits

dans ce chaudron social bouillonnant. Histoire de mes assassins met en scène unjournaliste d’investigation qui apprend un matin qu’il vient d’échapper à une tenta-tive d’assassinat dans laquelle seraient impliqués cinq criminels venus desentrailles de l’Inde rurale. Le roman alterne les doutes et questionnements de lasupposée victime avec l’exploration du passé de ces hors-la-loi. C’est une plongéehallucinante dans un environnement qui produit des assassins aussi sûrementqu’une poule pond un œuf. Propriétaires terriens et paysans sans terre, musulmanset hindous, élite anglophone et campagnards incultes, chaque différence et chaque division instituée devien-nent une source de frustration, d’humiliation et de mépris. Marqués dès leur enfance par leur origine, ils trouventdans la violence une échappatoire à leur cruelle condition. L’un apprend à manier le couteau comme un instru-ment de précision, un autre découvre les infinies possibilités du marteau, outil idéal pour fracasser les crânescomme pour briser les os. Pour d’autres, faute de mieux, la prison ou les toits de la gare de Delhi feront officed’école de la vie. En suivant le parcours de ces assassins et miséreux anonymes Tarun Tejpal leur rend l’hu-manité que la société leur dénie. Seul petit bémol au roman, c’est qu’en contraste avec ces portraits saisissants,les relations conflictuelles du journaliste avec sa maîtresse et celles, pourtant assez drôles avec son maître àpenser, paraissent bien insignifiantes. e G.B.Histoire de mes assassins, Tarun J. Tejpal, Buchet-Chastel, 592 pages, 25 e

Libertés ! Décembre 2009 15

C U L T U R E

Page 16: Libertés ! Décembre 2009

L 1

1 0

9

BON DE COMMANDEÀ renvoyer à Amnesty International – Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles ou par fax au 02 537 37 29

(en MAJUSCULE svp) Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Rue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .N° : . . . . . . Bte : . . . . . . . . . .

Code postal : . . . . . . . . Localité : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tél. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je règle ma commande par� Carte VISA ou EUROCARD, veuillez remplir précisément les cases ci-dessous :

N° carte :

Date d'expiration :

� Virement bancaire. Je recevrai un bulletin de virement à la réception de ma commande.

Date et signature :

Référence Quantité Prix Montantà l’unité total

Bougie parfumé à l’orange F 3 1 6 7

Bougie parfumée à la pomme F 3 1 5 7

Bougie parfumée à la vanille F 3 1 7 7

Bougie parfumée aux épices F 3 1 8 7

Bougie rustik bleue F 1 3 1 7

Bougie rustik fleurie bleu gris F 0 6 6 8 Bougie rustik fleurie rose F 1 4 2 8

Participation aux frais postaux et administratifs 5

Pour soutenir Amnesty, je fais un don complémentaire de

MONTANT TOTAL en euros

VOUS POUVEZ COMMANDER : PAR COURRIER :

Amnesty International, rueBerckmans 9, 1060 Bruxelles

PAR FAX : 02 537 37 29

VIA INTERNET :www.amnesty.be/boutique

PAR E-MAIL :[email protected]

NOS BOUTIQUES :Rue Berckmans,9 à 1060 Bruxelles

Rue Souveraint Pont,11à 4000 Liège

LES DROITS HUMAINS N’ONT PAS DE PRIX.SOUTENEZ AMNESTY INTERNATIONAL. ACHETEZ UNE BOUGIE.

Bougie

en verre

parfumée

à l’orange

7€

Bougie

en verre

parfumée

aux épices

d’hiver

7€

Bougie

en verre

parfumée

à la pomme

7€

Bougie rustik bleue 7€ Bougie fleurie bleu gris 8€ Bougie fleurie rose 8€

Bougie

en verre

parfumée

à la vanille

7€

Pas en promo

Phot

os :

Fabr

ice

Kada

et V

ince

nt R

iffla

rt