Libération - Mercredi 27 avril 2011

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BASSEM TELLAWI.AP Encore un suicide à France Télécom IMMOLATION De la suie noire sur un grand mur beige sans fenêtre. C’était hier après-midi les seules traces encore visibles du geste dé- sespéré de Rémi L., salarié de France Télécom-Orange et militant CFDT, qui s’est immolé par le feu tôt dans la matinée au pied d’un im- meuble de l’entreprise, à Mérignac (Gironde). Agé de 57 ans, l’homme s’est suicidé vers 7 heures sur le site en- core désert. Rémi L. n’a laissé aucun écrit mais le lien avec son mal-être au travail semble clair: le lieu du sui- cide correspond en effet à son dernier poste fixe au sein de l’entreprise. PAGE 14 Les médecins moins attirés par le cabinet En fin d’études, les internes sont de plus en plus nombreux à refuser de se lancer en libéral. Une tendance qui fait planer une menace sur la médecine de ville. PAGE 12-13 Tchernobyl, quel bilan? Alors que les cérémonies d’anniversaire se sont déroulées hier en Ukraine, la polémique sur le nombre de victimes perdure: 9 millions, comme le donne un chiffre spectaculaire ou 62, comme le déclare l’ONU? PAGES 16-17 ET 30-31 «ANIMAL KINGDOM», FILM NOIR AUSTRAL Le président syrien, Bachar al-Assad, fait désormais régner la terreur dans les villes où l’opposition conteste le régime. Tueur en Syrie PAGES 2-4 ET LES SORTIES DE LA SEMAINE, CAHIER CENTRAL 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9316 MERCREDI 27 AVRIL 2011 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Libération - Mercredi 27 avril 2011

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BASS

EMTE

LLAW

I.AP

Encore un suicideà France TélécomIMMOLATION De la suienoire sur un grand mur beigesans fenêtre. C’était hieraprès-midi les seules tracesencore visibles du geste dé-sespéré de Rémi L., salarié deFrance Télécom-Orange etmilitant CFDT, qui s’estimmolé par le feu tôt dans lamatinée au pied d’un im-meuble de l’entreprise, à

Mérignac (Gironde). Agé de57 ans, l’homme s’est suicidévers 7 heures sur le site en-core désert. Rémi L. n’alaissé aucun écrit mais le lienavec son mal-être au travailsemble clair : le lieu du sui-cide correspond en effet àson dernier poste fixe au seinde l’entreprise.

PAGE 14

Les médecinsmoins attiréspar le cabinetEn fin d’études, lesinternes sont de plus enplus nombreux à refuserde se lancer en libéral.Une tendance quifait planer une menacesur la médecine de ville.

PAGE 12­13

Tchernobyl,quel bilan?Alors que les cérémoniesd’anniversaire se sontdéroulées hier en Ukraine,la polémique surle nombre de victimesperdure: 9 millions,comme le donne un chiffrespectaculaire ou 62,comme le déclare l’ONU?

PAGES 16­17 ET 30­31

«ANIMAL KINGDOM»,FILM NOIR AUSTRAL

Le président syrien,Bachar al-Assad,fait désormaisrégner la terreurdans les villes oùl’oppositionconteste le régime.

TueurenSyrie

PAGES 2­4

ET LES SORTIES DE LA SEMAINE,CAHIER CENTRAL

• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9316 MERCREDI 27 AVRIL 2011 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Extraits de filmsamateurs postéssur Internet etmontrant lacontestation àDeraa, Damaset Homsle week­enddernier. PHOTOSREUTERS, AP ET AFP

En 1982, le président Hafez al-Assadréprimait la révolte de la villede Hama au prix de 20000 morts.Le massacre perpétré à Deraa depuisdeux jours répond à la même logique.

De père en fils,la terreurpour l’exemple

H ama 1982, Deraa 2011. Vingt-neuf ans –et quelques mil-liers de morts pour l’ins-tant– séparent ces deux vil-

les qui ont osé défier le pouvoir syrien.Mais la logique est la même: punir, faireun exemple, terroriser. La répression dela jolie ville de Hama, sur la vallée del’Oronte, est un traumatisme majeurdans l’histoire contemporaine syrienne.En février 1982, les Frères musulmans,

pressés par un groupe islamiste extré-miste local, s’étaient soulevés contre laférule baasiste de feu Hafez al-Assad, lepère du jeune président syrien, Bachar.A l’époque, le raïs syrien avait envoyéson frère, Rifaat, qui dirigeait les redou-tées «panthères roses» –surnom donnéaux forces spéciales de l’armée– écraserla révolte dans le sang. Un mois de siège,de bombardement à l’arme lourde et de«nettoyage» systématique, rue par rue,maison par maison, avait causé un ter-

rible bilan, allant de 15000 à 25000morts, selon les sources, dont les cada-vres ont été enterrés à la pelleteuse dansune fosse commune sous les fondationsdu plus grand hôtel de la ville.

SNIPERS. Aucun témoin ou presquen’avait pu témoigner du «martyre» deHama (1), mais, à dessein, les traces desfusillades ont été laissées sur le minaretde la plus ancienne mosquée de la ville.Pour que les habitants se souviennent…L’analogie est frappante avec la brutale

mise au pas de Deraa,près de la frontièrejordanienne, et c’estd’ailleurs bien l’un desbuts recherchés par lepouvoir syrien, alorsmême qu’aucune ma-

nifestation ne s’y déroulait dimanche.«Deraa est le foyer de la contestation, ana-lyse Caroline Donati, auteure de L’excep-tion syrienne (La Découverte, 2010).C’est là que tout a commencé. Mais là, ilne s’agit pas tant de réprimer la contesta-tion à Deraa que de mener une opérationpunitive, afin d’envoyer un message à lamajorité silencieuse des Syriens et la dis-suader de bouger.» Pour ce faire, le pou-voir syrien n’a pas lésiné sur les moyens,envoyant des chars et des milliers de

soldats envahir la ville de 75000 âmes.La frontière jordanienne, à 3 km seule-ment de Deraa, a été fermée. Des dizai-nes de snipers ont pris position sur lestoits les plus élevés et dans les minaretsde certaines mosquées. Tous ceux quis’aventurent dehors sont pris pour cible.Les snipers visent même les réservoirsd’eau installés sur les toits. Impossibled’établir un bilan fiable, mais il est pro-bable qu’il se chiffre déjà par dizaines.Tandis que les cars patrouillent en ville,des commandos font des descentes dansles maisons pour arrêter ou tuer

Par CHRISTOPHE AYADL’ESSENTIEL

LE CONTEXTELe régime syrien aaccentué depuis deuxjours sa politique derépression contre lesmanifestants, notammentdans la ville de Deraa,berceau de lacontestation.

L’ENJEUWashington et Pariscommencent à hausserle ton contre le présidentBachar al­Assad.Même si la menaced’une interventioncomme en Libye n’est pasà l’ordre du jour.

Les chars ont envahi Deraa. Des sniperstirent sur les passants. Des commandosfont des descentes dans les maisons pourarrêter ou tuer des contestataires.

390C’est le nombre de morts en Syriedepuis le début du conflit, le 15 mars,selon des organisations de défensedes droits de l’Homme.

REPÈRES 50 km

LIBAN

ISR

MerMéditerr.

SYRIE

TURQUIE

IRAK

JORD

Homs

Deraa

Damas

AlepLaaquié

Banias

SYRIE

Sources : FMI, Pnud - chiffres 2010

PopulationEspérance de viePIBPIB par habitant111e sur 169 pays sur l’indicateurde développement humain

20 620 000 habitants74,6 ans

44,7 milliards d’euros2 170 euros

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Depuis le début des troubles, les services derenseignement intérieur recrutent à tout va.

Serveurs, coiffeuses,taxis… tous indicsD ès qu’il la voit tendre sa main

manucurée pour écraser sa ciga-rette, le serveur s’avance pour

remplacer le cendrier. Il n’a pas quittédes yeux les quatre femmes élégantesinstallées à la terrasse du café dans unquartier cossu de Damas. Pendant qu’ilépoussette quelques cendres avec unelenteur appuyée, les clientes interrom-pent leur conversation et échangent desregards entendus. Tout le monde le saitici: la plupart des garçons travaillentpour les renseignements syriens. Ils nes’en cachent presque pas d’ailleurs, cu-mulant souvent leur métier du soir avecun poste de fonctionnaire. La sur-veillance fait partie de leurs obligationset sont la base de leurs rapports du len-demain à leur supérieur hiérarchique.«Garçons de café, chauffeurs de taxi,coiffeuses ou même mendiants handica-pés… Faites toujours attentionà ce que vous dites!, pré-vient-on le visiteur à Damas.Ils sont tous moukhabarat[terme générique pour dési-gner les services de rensei-gnement, ndlr].» Les habi-tants de Damas sont habituésdepuis des années à voir des hommespostés jour et nuit devant chaque im-meuble résidentiel, une mitraillettecourte à peine cachée sous leur veste.Mais ces derniers temps, leurs concier-ges ont été armés de bâtons soi-disant«pour veiller à leur sécurité».Sauvette. La surveillance prend un vi-sage inédit depuis le début de la vaguede protestations, en mars. Interdits desouk depuis des années, les vendeurs àla sauvette ont fait une réapparition re-marquée. D’un bout à l’autre de Hami-dyeh, le souk historique qui mène à lamosquée des Omeyyades, ils ont ins-tallé à même le sol leurs étalages dejouets chinois ou de chemises de nuitféminines. Leur alignement sépare endeux la grande rue marchande où avaiteu lieu en février un bref mouvement deprotestation des commerçants contreles abus de la police. Contre le droitd’exercer leur commerce, ces vendeursont pour mission d’empêcher tout at-troupement et de rapporter tout inci-dent aux forces de l’ordre postées nonloin de là. Ils gardent un œil sur les ma-gasins et sur les passants –bien moinsnombreux que d’habitude en ces jourstendus.Les différents services de sécurité, diri-gés notamment par le frère et le cousindu président Bachar al-Assad, recru-

tent à tout va informateurs, indics etvigiles. Une aubaine pour les chômeurset journaliers ! S’inquiétant de ne pasvoir revenir sur son chantier deux jeu-nes menuisiers, un architecte d’inté-rieur s’est vu expliquer par ses autresouvriers qu’ils avaient été embauchésdans les «comités populaires» pour un10 000 livres syriennes (15 euros) parjour, soit plus du double de leur salairehabituel.«Malfaiteurs». Formés d’hommes ar-més de fusils ou de revolvers de gros ca-libres, ces «comités» se multiplientdans les quartiers depuis le début de laprotestation. Sous prétexte de protégerles habitants contre les «malfaiteurs»,ils interviennent en amont puis aux cô-tés des forces de sécurité pour réprimerles manifestants. La dissolution de cescomités est d’ailleurs devenue l’une des

revendications des protestataires.La surveillance tous azimuts touchebien évidemment les lieux de rassem-blement incontournables que sont lesmosquées. Selon les habitués des priè-res du vendredi, près d’un fidèle surtrois est un moukhabarat. «On les repèrefacilement, affirme un pieux septuagé-naire damascène. Surtout à la sortie,quand ils s’interposent entre nous et nousbousculent pour hâter notre disper-sion. L’autre jour, je me suis emporté con-tre l’un d’entre eux qui m’empêchait dediscuter avec mon voisin. Je lui ai dit:“Mon fils, je sais que c’est ton travail,mais tu vois bien que je n’ai ni l’âge ni lesjambes de faire la révolution !”»Autre occasion de rassemblement, lescortèges funéraires verraient leursrangs grossir étrangement ces dernierstemps, même quand il ne s’agit pas del’enterrement d’un «martyr», commeon désigne ici les victimes de la répres-sion. Réalité ou paranoïa? Les yeux, lesoreilles et les armes braqués sur eux serévèlent particulièrement efficaces pourentretenir la peur chez les Damascènes.Mais cette omniprésence contribueaussi au ressentiment envers un régimequi doit acheter et armer une grandepartie de sa population pour survivre.

HALA KODMANICorrespondance à Damas

Par VINCENT GIRET

Indulgence«Il faut que tout changepour que rien ne change»,dit le prince Salina dansle Guépard de Lampedusa.Chez les Assad, lemassacre est une traditionfamiliale. Il y a près detrente ans, le tyran Hafezal-Assad, épaulé par sonfrère Rifaat, réprimait dansle sang le soulèvementd’Hama, une ville entièreentrée en rébellion, entreDamas et Alep. Troissemaines d’insurrection etun terrible huis closqui fit 20 000 morts.Ces jours-ci, ses deux filsBachar et Maherdémontrent, en dépit deleur vernis «moderniste»,qu’ils sont les digneshéritiers de leur père. LesAssad matent avec lamême sauvagerie la cité deDeraa, berceau d’unerévolte qui a gagné tout lepays. Comme il y atrente ans, des chars tirentsur une foule aux mainsnues. A l’époque, ledictateur Al-Assad,membre autoproclamé ducamp «progressiste» etami de l’URSS, avaitbénéficié d’une indulgencecertaine. Les chancelleriesdu monde entier avaientpréféré fermer les yeux : lastabilité du pays et de larégion primait sur le destindes Frères musulmans, ferde lance de l’insurrection.Aujourd’hui, au-delà desprotestations officielles, lemême embarras tétaniseles Occidentaux.Les uns redoutentl’éclatement du pays, lesautres l’embrasementrégional, tous s’inquiètentdes coups fourrés iraniens.Mais les images terriblesde la répression tournenten boucle sur la Toile. Lesilence et la complicité nesont plus possibles. Entrel’impossible interventionet les communiquésincantatoires, lesOccidentaux – surtout laFrance qui a beaucoup faitpour Bachar Al-Assad –sont mis au défi d’inventerune autre politique que lelaisser-faire.

ÉDITORIAL

LES RESSORTISSANTS OCCIDENTAUXAPPELÉS À QUITTER LE PAYSLes uns après les autres, les pays occidentaux «conseillentvivement» à leurs ressortissants de quitter la Syrie en raison desviolences en cours. Hier, c’était le tour de l’Allemagne qui«déconseillait tout voyage» dans le pays et incitait les Allemandsprésents en Syrie sur place «à envisager une sortie du territoirepar des vols commerciaux». La Bulgarie a lancé un appel similaireà ses quelque 200 ressortissants vivant en Syrie. L’administrationaméricaine a par ailleurs ordonné hier aux familles de sesdiplomates et au personnel non essentiel de son ambassade àDamas de quitter le pays «en raison de l’instabilité et de lasituation incertaine».

La surveillance tous azimuts toucheles lieux de rassemblement que sontles mosquées. Selon les habituésdes prières du vendredi, près d’unfidèle sur trois est un moukhabarat.

Regardez les vidéos postées surle Net par des protestatairesConsultez notre sélectionde comptes Twitterd’opposants syriens

• SUR LIBÉRATION.FR500 ARRESTATIONS EN CINQ JOURSLa répression s’est intensifiée ces derniers jours. Les démonstra­tions de force du régime depuis vendredi se sont soldées par lamort de plus de 120 personnes et près de 500 arrestations.L’intellectuel Qassem Azzaoui figurait parmi les militants inter­pellés vendredi à Deir Ezzor, dans l’Est. Par ailleurs, l’opposantcommuniste Mahmoud Issa, arrêté à Homs le 19 avril, a été tra­duit devant la justice pour «possession de téléphone satellitaire».

«La situation est devenueinacceptable. On n’envoiepas face à des manifestantsdes chars, l’armée. On neleur tire pas dessus.»Nicolas Sarkozy hier, au sommetfranco­italien de Rome

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 • 3

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des contestataires présumés. Lestanks ne sont ni utiles, ni appropriéspour mettre fin à des manifestations derue, mais l’important est le message.«Deraa commençait à être le théâtre d’unesérie de défections qui a accéléré la déci-sion de frapper un grand coup, expliqueCaroline Donati. Depuis vendredi, quatreélus de la région, deux députés et deuxconseillers municipaux, ainsi que le muftiont démissionné. Cela risquait de faire ta-che d’huile.»

DÉFECTIONS. Des dissensions ont com-mencé à se faire jour dans le régime,comme le note un observateur ano-nyme bien informé (2). «Il existe des dé-saccords croissants au sein du parti Baas[au pouvoir, ndlr] sur le choix de la politi-que du tout répressif qui risque de conduirel’ensemble du régime à sa perte», con-firme Caroline Donati. Même le vice-président syrien, Farouk al-Chareh,dont la charge est un placard doré,aurait fait connaître en mars son désac-cord avec une répression trop brutale.Il aurait subi les foudres de Maher al-Assad, frère cadet du Président encharge des services de sécurité qui, ences heures troubles, dirigent véritable-ment le pays.Ironiquement, la similitude entre Deraaet Hama va jusqu’à la répartition desrôles : le bouillant Maher est à Bacharal-Assad ce que leur oncle Rifaat étaità leur père, Hafez. Maher al-Assad di-rige en particulier la 4e division de l’ar-mée, considérée comme la garde préto-rienne du régime, envoyée à Deraamener les basses besognes du régime.Pour mémoire, Rifaat al-Assad avait étéécarté par son frère et expédié en exill’année suivant le massacre de Hamapour tentative de coup d’Etat…Le pari fait par le pouvoir syrien n’estpas sans risque. A Deraa, des dissen-sions se sont fait jour au sein même del’armée entre les forces spéciales de la4e division et d’autres unités de l’arméerégulière, notamment la 5e division,dont des officiers subalternes auraientporté secours aux habitants ou désobéiaux ordres. Autre effet de cette escaladede la répression: le slogan demandant«la chute du régime» – à l’instar de laTunisie, l’Egypte ou la Libye – s’ests’imposé dans les manifestations.Il ne serait pas étonnant que des armesapparaissent côté manifestants ces pro-chains jours. En misant sur une milita-risation de la contestation, le régimeaura beau jeu de dire qu’il fait face à uneinsurrection armée. Une propagandequi pourrait effrayer les populations hé-sitant encore à se lancer dans la contes-tation, comme les Kurdes, les habitantsde la grande ville d’Alep, elle-même ci-ble d’une dure répression au début desannées 80, ou les classes moyennes etsupérieures de la capitale…La pression internationale, qui montelentement mais sûrement, risque depousser le régime à réprimer encoreplus vite et fort avant que des sanctionsne lui soient imposées. Outre Deraa,ville symbole, des interventions toutaussi violentes ont eu lieu ces deux der-niers jours à Douma et Maadamiyeh,dans la banlieue de Damas, mais aussià Jableh et Banias, sur la côte méditer-ranéenne. •(1) A l’époque, «Libération» était le seulquotidien occidental à publier un reportageréalisé à Hama.(2) Sur le blog http://syrie.blog.lemonde.fr/

Le cas syrien embarrasse le président français et son homologue américain.

Après Washington, Paris dénonceenfin «l’inacceptable»L es mots sont lourds. «La si-

tuation est devenue inaccep-table. On n’envoie pas face à

des manifestants des chars, l’arméeet on ne leur tire pas dessus», amartelé hier Nicolas Sarkozy lorsdu sommet franco-italien deRome. Un changement de tonaprès un long silence où l’Elyséeavait laissé au ministre des Affai-res étrangères le soin de condam-ner l’escalade de la violence enSyrie. Paris, comme le souligne leQuai d’Orsay, exige désormais«des mesures fortes» pour fairecesser l’usage de la force contre lapopulation. Cela signifie œuvrerpour des sanctions ciblées del’Union européenne et des Na-tions Unies.Gel. Washington est désormaissur la même ligne. La MaisonBlanche prépare un décret per-mettant à Obama de geler lesavoirs de certains membres del’entourage du président Bacharal-Assad et leur interdire touteactivité économique aux Etats-Unis. Dès vendredi, BarackObama affirmait dans un com-muniqué :«Il faut mettre fin main-tenant à l’usage scandaleux de laforce pour réprimer les manifesta-tions.» Une résolution de l’ONUest en préparation qui «con-damne la violence et appelle à la re-tenue» mais Washington commeLondres ou Paris savent qu’il seratrès difficile de faire accepter un

texte aux Russes hostiles à touteforme d’ingérence surtout s’ils’agit d’un pays ami comme laSyrie. Ce alors même que Moscouet Pékin sont déjà irrités du pré-cédent libyen. Il est hors de ques-tion d’obtenir un texte musclé ouprévoyant une quelconque inter-vention. Le cas syrien embarrassele président français autant queson homologue américain.

Il y a encore quelques jours, onexpliquait volontiers à Paris queles cas de Muammar al-Kadhafiet de Bachar al-Assad étaient dif-férents. L’un était un dangereuxmégalomane prêt à massacrer sonpeuple, l’autre un autocrate mo-derniste dont la bonne volontéréformatrice était freinée par unentourage et un système héritésde son père. Nicolas Sarkozy avaittenté le pari syrien dès 2008, l’in-vitant au défilé du 14-Juillet enmarge du sommet de l’Unionpour la Méditerranée. Ce tour-nant par rapport à la politique deJacques Chirac, vent debout con-tre le régime de Damas pour sonrôle dans l’assassinat du Premierministre libanais Rafic Harriri enfévrier 2005, n’avait guère donné

les résultats escomptés. Ni au Li-ban, ni pour détacher Damas deTéhéran son principal allié. MaisParis rappelait encore récemment«le rôle important de la Syrie sur lascène régionale» pour justifier laprudence.Le président américain, malgréson changement de ton, reste en-core très en dessous de ses inter-ventions face aux récents soulè-

vements enEgypte ou biensûr en Libye. Iln’appelle pas aurenversement deBachar al-Assadcomme il l’a fait

à demi-mots pour Hosni Mouba-rak ou, bombardements à l’appui,pour Muammar al-Kadhafi.Plus que jamais, la crise syrienneétale au grand jour les incohéren-ces de la politique américaine auMoyen-Orient : après avoir lâchéson allié Moubarak, Washingtonse retrouve aujourd’hui à épar-gner le régime syrien, allié del’Iran et fauteur de troubles au Li-ban, qui fait théoriquement partiede ses pires ennemis. Avec l’Iran,le Soudan et Cuba, la Syrie estl’un des quatre seuls Etats consi-dérés par le Département d’Etataméricain comme «sponsors duterrorisme». Barack Obama est entrain de «rater un moment histori-que» en Syrie comme il a déjà ratécelui des manifestations iranien-

Il sera difficile de faire signer unerésolution musclée aux Russes,hostiles à l’ingérence, surtout dansun pays ami comme la Syrie.

nes en juin 2009, dénonce labloggeuse Jennifer Rubin sur lesite du Washington Post.Pressions. Le problème est quele parti du statu quo a aussi beau-coup de poids aux Etats-Unis. Is-raël, l’Arabie Saoudite et la Tur-quie en particulier, qui ont toustrois d’important relais àWashington, ont fait passer lemessage que l’après-Assad pour-rait être pire encore pour toute larégion que le régime actuel. Cestrois pays, pour des raisons diffé-rentes, craignent une guerre ci-vile à l’irakienne dans ce paysaux nombreuses minorités reli-gieuses et ethniques. Mais lesEtats-Unis ont «très peu de le-viers» sur la Syrie, souligne doncla Maison Blanche, condamnée àl’attentisme par ces pressionscontradictoires.Néanmoins ce profil bas des occi-dentaux n’est plus tenable. Mêmes’il soulignait à Rome qu’on nepeut «dupliquer» les situations, leprésident français a reconnu hierqu’il ne pouvait y avoir «deuxpoids, deux mesures» de la politi-que française entre Libye et Syrie.Mais il a aussi tenu à rappeler que«cela ne veut pas dire que nous al-lons intervenir partout dans lemonde». Et qu’il n’y aurait riensans une résolution du Conseil desécurité des Nations Unies.

LORRAINE MILLOT(à Washington) ET MARC SEMO

Des soldats syriens brandissant des photos de Bachar et Hafez al­Assad pendant une manifestation pro­régime, en mars. PHOTO HUSSEIN MALLA.AP

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 20114 • EVENEMENT

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LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011

Pouvoir d’achat: Georges Tron trop«généreux» avec les fonctionnaires

«Entre 2007 et 2010,l’augmentation dupouvoir d’achat desfonctionnaires a étéde 10% en net.»Georges Tron le 20 avril surBFM TV

L es syndicats de fonc-tionnaires refusent ladécision prise par le

gouvernement de geler lepoint d’indice, qui sert aucalcul du salaire. La Fédéra-tion syndicale unitaire (FSU)explique que les fonctionnai-res ont subi une perte depouvoir d’achat de 9% de-puis 2000. Un chiffre con-testé par Georges Tron, se-crétaire d’Etat chargé de laFonction publique. Il s’estlancé le 20 avril sur BFM TVdans un exercice de «péda-gogie» pour expliquer lefonctionnement de la rému-nération des agents : «C’estun peu comme une baignoiredans laquelle il y aurait quatrerobinets. Le point d’indice,

c’est l’un desquatre robinets.Il y en a trois

autres, dont on a beaucoup fa-cilité le flot pour alimenter lepouvoir d’achat des fonction-naires. Qui le dit? Pas le gou-vernement : ce serait évidem-ment sujet à caution. Non :l’Insee. Entre 2007 et 2010,

l’augmentation du pouvoird’achat des fonctionnaires aé té de 1 0 % en ne t . »Le 19 avril, le ministre duBudget, François Baroin, an-nonçait également que lepouvoir d’achat avait «aug-menté de 10% dans la fonctionpublique depuis 2007».

L es fonctionnaires ont-ils été particulièrementprivilégiés ces derniè-

res années pour afficher unetelle hausse, quand le pou-voir d’achat par personne enFrance a progressé de moins

INTOX

de 2% entre 2007 et 2010? Enréalité, ce dernier chiffre nepeut pas être comparéaux 10% avancés par GeorgesTron. Dans la lutte qui opposegouvernement et syndicats,le mode de calcul de l’évolu-tion du pouvoir d’achat desfonctionnaires est l’objetd’un désaccord récurrent quimérite notre attention.Précisons d’abord que Geor-ges Tron commet deux peti-tes erreurs: l’augmentationqu’il mentionne est une évo-lution entre 2006 et 2011 (etnon entre 2007 et 2010) et cen’est pas l’Insee qui donnece chiffre mais la Directiongénérale de l’administrationet de la fonction publique(DGAFP, rattachée au minis-

tère duBudget),qui a traité

des données de l’Insee pour2006-2009, mais qui se basesur une prévision de la Di-rection du budget pour lesannées 2010 et 2011.Surtout, le secrétaire d’Etatutilise l’indicateur le plus fa-vorable pour mesurer la pro-gression du pouvoir d’achat:la rémunération moyennedes personnes en place(RMPP) qui, corrigée de l’in-flation, a donc augmenté deplus de 10% depuis 2006. LaRMPP permet de suivrel’augmentation moyenne dela fiche de paie des mêmesagents d’une année surl’autre. Elle augmente mé-caniquement pour cause devieillissement de la popula-tion, qui bénéficie d’évolu-tions de carrière (progression

automatiquedans les éche-lons, promo-tions). Parcequ’il ne consi-dère que lesagents qui res-

tent en poste, cet indicateurne tient pas compte du faitque les fonctionnaires quipartent en retraite, mieuxpayés en raison de leur an-cienneté, sont remplacés pardes jeunes en début de car-rière, aux rémunérationsplus basses.Cet effet d’«entrées-sorties»est en revanche pris encompte par un autre indica-teur, le SMPT (salaire moyenpar tête), qui évolue doncmoins vite que la RMPP. LeSMPT correspond au revenumoyen d’un agent à temps

Le mode de calcul del’évolution du pouvoir d’achatdes fonctionnaires est l’objetd’un désaccord récurrent.

DÉSINTOX

DÉSINTOXA

LAIN

BRIL

LON plein. Corrigé de l’inflation,

il est comparable, dans sadéfinition, au pouvoird’achat par personne enFrance. Mais les données leconcernant ne sont pas dis-ponibles après 2008. On peuttoutefois remarquer que lepouvoir d’achat correspon-dant à la RMPP a augmentéde 25% entre 1998 et 2008,

quand celui associé au SMPTa progressé de 7% dans lemême temps. Un chiffre fai-ble par rapport à la hausse dupouvoir d’achat par personnepour l’ensemble de la popu-lation (20%).Le SMPT renferme parailleurs un biais lié à un effetde structure: une partie desemplois peu qualifiés, à sa-

laire faible, a été transféréevers les collectivités territo-riales, ce qui a relevé artifi-ciellement le salaire moyendans la fonction publiqued’Etat. En 2008, l’augmen-tation du SMPT a ainsi été de0,5% en euros constants.Mais en excluant du calculles 47000 agents transférés,c’est une baisse de 0,5% qui

a été constatée cette an-née-là. En corrigeant ce typede phénomène, on observealors une stagnation du pou-voir d’achat entre 1998et 2008, et depuis 2007. Loindes 10% avancés par le gou-vernement, mais aussi de laforte baisse annoncée par lessyndicats.

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Page 6: Libération - Mercredi 27 avril 2011

PachtounsetMohajirs,frèresennemisdeKarachiLes deux communautés se livrentune guerre sanglante pour le contrôlede la capitale économique du Pakistan.Par CÉLIA MERCIEREnvoyée spéciale à Karachi (Pakistan)

U ne balle lui a traversé le bras, etShafiq, jeune Pachtoun de 17 ans,a juste eu le temps de ramper sousune voiture garée devant la gar-

gote où il regardait un match de cricket. Sonfrère et son cousin, attablés avec lui, sonttombés sous la mitraille des tueurs à moto,des hommes masqués surgis de la petite

ruelle en pente qui mèneà la grand-rue commer-çante. Cette artère déli-

mite les territoires à Baldia Town, faubourgterreux de Karachi: d’un côté, les habitantspachtouns, travailleurs pauvres, originairesdu nord-ouest du pays, à la frontière avecl’Afghanistan; de l’autre, les Mohajirs, mu-sulmans qui ont fui l’Inde lors de la partitionen 1947, classe moyenne éduquée et indus-trieuse. Parmi les nombreuses communautés

Des corps a prioriLors de manifestations de Mohajirs du Muttahida Qaumi Movement, le 2 août à Karachi, après l’assassinat d’un cadre du parti. PHOTO ASIF HASSAN. AFP

ethniques de la mégalopole de 18 millionsd’habitants, capitale économique du pays,Pachtouns et Mohajirs sont en concurrencepour le contrôle de la ville, de ses terres et deses leviers politiques. Baldia Town et ses ruesde terre bordées d’habitations déglinguées,où résonne le martèlement des métiers à tis-ser, est l’un des théâtres sanglants de cettelutte de pouvoir.«Ces derniers mois, nous avons encore perducinq Pachtouns. Une fusillade a éclaté dans lebazar, à la veille d’élections. C’était pour nousintimider», raconte Ranjul Afridi, de l’AwamiNational Party (ANP). Des gardes armés sur-veillent l’entrée de son bureau, où sont plan-tés des drapeaux rouge sang, couleur de ceparti nationaliste, laïc et d’inspiration com-muniste. «Les tueurs, on les connaît. Ce sontdes hommes du parti des Mohajirs, le MQM[Muttahida Qaumi Movement, ndlr], ils habi-tent le quartier. Mais la police ne fait rien pourles arrêter, car le gouverneur est lui-même un

REPORTAGE

homme du MQM, assure le vieux Pachtoun. Ceparti veut s’approprier des terrains ici et y ins-taller les siens pour avoir un réservoir de votes.Il a peur que nous, les Pachtouns, gagnions dessièges aux prochaines élections. Comme nousleur résistons, ils nous assassinent.» Ses amis,assis en tailleur, acquiescent en sirotant leurthé. Ranjul Afridi poursuit: «Le MQM essaiede nous diffamer. Il prétend que nous protégeonsles talibans car ils sont aussi pach-touns. Mais, en réalité, nous sommesnous-mêmes sur la liste noire des ter-roristes parce que nous sommes laïcs!»

RACKET. A quelques dizaines de ki-lomètres, le district urbain d’Aziza-bad étire ses immeubles de bétonsous le ciel jaune de Karachi. Le pâtéde maisons qui abrite le quartier général duMQM, surnommé «9.0.», est soigneusementbouclé. Des check-points tenus par de jeunesmilitants bloquent les rues. Dans une guériteprotégée de sacs de sable, un homme enarmes ouvre enfin une barrière décorée del’inscription «rue de l’amour et de la paix».De l’amour, il y en a, certes, pour le leadercharismatique du parti, «notre frère Altaf»,comme l’appellent les habitants du quartier.Des posters géants du gourou sont placardés

partout pour lui souhaiter bon anniversaire.Accusé de meurtre, Altaf Hussain vit en exilet pilote le MQM depuis Londres. Ses affi-ches, livres et discours enregistrés diffusentla propagande du parti à Karachi.Dans la cellule média du MQM, des activistescravatés sont chargés de surveiller une di-zaine d’écrans de télévision qui diffusent leschaînes d’informations du pays, tandis que

d’autres lisent la presse. Le moindre articlesur le MQM qui déplaît, et c’est un rappel àl’ordre immédiat. «Nous passons un coup defil pour dire que nous sommes mécontents etpour réclamer une correction», explique l’undes militants. Des menaces, plutôt, qui rap-pellent aux médias le pouvoir de nuisance duMQM à Karachi.Ce parti très puissant, qui détenait la mairiejusqu’en 2009, dispose d’une réserve de mil-liers de jeunes activistes armés, mobilisables,

«Nous, nous sommes des laïcs, nousne voulons pas de fanatiques ici. Etlorsque nous dénonçons la présencedes talibans en ville, l’ANP hurle quenous discriminons les Pachtouns.»Syed Ali Faisal Sabzwari ministre provincial mohajir

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 20116 • MONDE

Page 7: Libération - Mercredi 27 avril 2011

selon un observateur, en un claquement dedoigts. Selon ses opposants, le MQM pratiqueaussi le racket de nombreuses entreprises ethabitants: «l’argent de la protection» lui rap-porterait des fonds importants chaque année.

TRAFIC DE DROGUE. Mais le MQM a désor-mais des ambitions nationales et tente dechanger son image pour s’implanter danstout le pays. Le développement de la capitaleéconomique, qui s’est métamorphosée cesdernières années grâce à de nouvelles infras-tructures, était une belle vitrine. Jusqu’à ceque le MQM soit privé de son trône par legouvernement, qui a abrogé le système desmairies. La ville est maintenant dirigée parun bureaucrate. Face à la forte communautépachtoune, qui réclame sa part du gâteau, leMQM se sent de plus en plus menacé. Dans

le bureau média, un militant maugrée: «LesPachtouns n’ont pas été capables de développerleur province, alors ils viennent ici, nombreux,ils s’approprient des terrains illégalement, et ilsdirigent des réseaux mafieux de trafics de dro-gue et d’armes.»Syed Ali Faisal Sabzwari, ministre provincialde la Jeunesse (MQM), visage rond et cos-tume impeccable, accuse : «Lorsque notremaire a voulu récupérer les terres squattées parles Pachtouns, les assassinats ont repris. Nousavons perdu plusieurs centaines de sympathi-sants en deux ans !» Etant donné la pressiondémographique, l’occupation illégale desterrains de la ville est toutefois un sportauquel se livrent toutes les communautés.Mohajirs inclus. Mais le ministre dégaine sonargument choc: «L’ANP protège les talibansqui viennent ici et leur économie parallèle : ex-

torsion, braquages, kidnappings… Ils sont par-tenaires du crime, c’est un jeu dangereux !Nous, nous sommes des laïcs, nous ne voulonspas de fanatiques ici. Et, lorsque nous dénon-çons la présence des talibans en ville, l’ANPhurle que nous discriminons les Pachtouns…»Il tient à illustrer son propos: «Par exemple,moi, je ne peux même pas aller dans ma cir-conscription [le quartier à majorité pachtounede Sohrab Goth], c’est devenu comme une“zone tribale” de Karachi. D’ailleurs, quatretalibans y ont été arrêtés aujourd’hui.»Dans le chaudron de Karachi, les assassinatsvont bon train, sur fond d’intérêts mafieux,ethniques, religieux et politiques. Selon lacommission des droits de l’homme du Pakis-tan, plus de 700 personnes ont perdu la viedans des meurtres ciblés en 2010, et une cin-quantaine ont déjà été tués depuis janvier.•

REPÈRES

250 km

Islamabad

AFGHAN

Mer d’Oman

IRA

NIR

AN

IRA

N

INDE

CHINE

PAKISTAN

Sources : FMI, Pnud - chiffres 2010

PopulationEspérance de viePIBPIB par habitantCroissance du PIB125e sur 169 pays sur l’indicateur de développement humain

166 578 00067,2 ans

131 milliards d’euros790 euros

+ 4,8 %

Karachi

LES DEUX ETHNIESw Les Pachtouns sont un peuplede musulmans sunnites hana­fites présents en Afghanistan,mais surtout au Pakistan,notamment dans la région deKarachi, où ils sont 7 millions. Ilssont représentés par l’AwamiNational Party (ANP, socialiste).

w Les Mohajirs («immigrés»)sont des musulmans origi­naires d’Inde, qui ont migréau Pakistan au moment de lapartition entre les deux pays,en 1947. Avec près de 10 millionsd’âmes dans la région de Kara­chi, leur parti, le MuttahidaQaumi Movement (MQM, libé­ral), est majoritaire dans la ville.

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Projet24:Mise en page 1 26/04/11 16:20 Page1

pachtouns, dans une morgue de Karachi, après l’explosion de violence qui a suivi la mort d’un membre du MQM, début août. MAJID HUSSAIN. REUTERS

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 MONDE • 7

Page 8: Libération - Mercredi 27 avril 2011

SRI LANKA Les autorités ontqualifié de «non officiel» unrapport de l’ONU sur les cri-mes de guerre. Le documentimpute au gouvernement deColombo la responsabilité demilliers de morts à la fin de laguerre contre les Tigres ta-mouls (photo), en mai 2009.PHOTO REUTERS

NIGERIA Trois bombes ontexplosé hier à Maiduguri,dans le nord-est du pays,sans faire de blessés. Ces at-tentats interviennent au der-nier jour des élections gé-nérales, consacrées à ladésignation des gouver-neurs. Depuis la prési-dentielle du 16 avril, lesviolences ont fait plus de500 morts.

IRAK Le départ d’environ50 000 soldats américainsprévu d’ici la fin de l’annéeva poser un problème deprotection des frontières,selon Nouri al-Maliki, lePremier ministre irakien.Et ce même s’il n’existe pasde menace extérieure di-recte.

«Mon père, mamère et mon frèreont été arrêtés, pourne pas dire enlevés,comme une prise deguerre, sans aucunmandat de justice. Ilsont été incarcérés etdemeurent dans unlieu tenu secret, dansl’ignorance totaledes charges qu’onleur reproche.»Marie­Antoinette Singletonfille de Laurent Gbagbo, ex­président ivoirien, dans unelettre à Nicolas Sarkozy

A près des semaines detensions autant quede rétorsions, Nicolas

Sarkozy et Silvio Berlusconiont célébré hier leurs retrou-vailles à Rome, sur le dos deSchengen. Convoqué à lasuite des divergences surl’intervention en Libye etsurtout sur l’accueildes 25000 Tunisiens débar-qués sur l’île de Lampedusaentre janvier et début avril,le bref sommet bilatéral s’estconclu par une lettre com-mune adressée au présidentde la Commission euro-péenne, José Manuel Bar-roso, l’invitant à envisager lamodification du traité delibre circulation des citoyensen Europe.«Dans des conditions à défi-nir» mais «en cas de difficul-tés exceptionnelles dans lagestion des frontières extérieu-res communes», le chef del’Etat français et le présidentdu Conseil italien demandent«d’examiner la possibilité derétablir temporairement lecontrôle aux frontières inté-rieures». Les deux dirigeantsespèrent obtenir une avan-cée sur cette question à l’oc-casion du prochain Conseileuropéen, en juin.«Personne ne veut sortir deSchengen, mais face à des cir-constances exceptionnelles,nous croyons qu’il doit y avoirdes modifications du traité», ainsisté Berlusconi, tandis queSarkozy a lancé : «Pour queSchengen vive, il faut que

Schengen soit réformé.» Entoile de fond, les clandestinsdébarqués sur les côtes ita-liennes et qui tentent defranchir la frontière françaiseà Vintimille.Dans l’entourage de Berlus-coni, on explique qu’une ré-vision du traité et la possi-bilité de provisoirementrétablir le contrôle aux con-fins présenteraient aussi pourRome l’avantage de pouvoirbloquer d’éventuelles vaguesd’immigrés venus de Grèce,

de Malte voire, dans le futur,de Roumanie ou de Bulgarie.En attendant, la demande derévision de Schengen, quis’accompagne d’un souhaitdu renforcement de Frontex,l’agence européenne chargéedes questions d’immigration,a permis aux deux respon-sables d’éviter de revenir surla mini-crise des semainespassées.La délivrance par Rome depermis de séjour valablessix mois dans l’espaceSchengen et qui avait en-traîné en retour un contrôleplus sévère côté français n’apas été publiquement abor-dée. En clair, Paris conti-nuera pour l’instant de n’ac-cepter que les Tunisiens quidisposent de ressources

économiques suffisantes(62 euros par jour) pour de-meurer en France. S’ils sefont prendre par la police, lesautres seront rapatriés à Vin-timille. Avant de retenterleur chance.En coulisses, un diplomateveut croire qu’après les ges-ticulations politiques la si-tuation va se régler d’elle-même. Déjà, le dossier li-byen, qui avait fortement re-froidi les relations entre lesdeux pays, n’est plus d’ac-

tualité. Alorsque Berlusconiavait encorerécemment af-firmé «nos avi-ons ne bombar-dent pas et ne

bombarderont pas», il a an-noncé lundi soir que l’Italiechangeait de mission. Lesavions Tornado effectuerontdes «actions ciblées contre desobjectifs militaires sélectionnésdans le but de protéger la po-pulation civile».La décision, contestée par laLigue du Nord, a été prise parBerlusconi à la suite d’uneconversation avec le prési-dent américain, BarackObama. Juste avant le som-met avec le chef de l’Etatfrançais pour éviter, selon lapresse italienne citant dessources gouvernementales,de donner l’impression que«c’est Nicolas Sarkozy qui[les] a contraints à intervenir».

De notre correspondantà Rome ÉRIC JOZSEF

Le contrôle aux frontièrespermettrait aussi à l’Italiede bloquer de possibles vaguesde migrants grecs ou maltais.

RomeetPariss’allientcontreSchengenDIPLOMATIE Après des semaines de tensions, Berlusconiet Sarkozy ont demandé hier que le traité soit aménagé.

Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy, hier à Rome. PHOTO ALESSANDRO BIANCHI. REUTERS

La ville de Steytlerville,dans la province du Caporiental en Afrique du Sud,reçoit depuis plusieurssemaines la visite d’uneétrange créature. Diman­che soir, des témoins ontexpliqué à la police avoiraperçu un homme sanstête, vêtu d’une vestenoire, qui s’est transforméen énorme chien avant dedisparaître. Apparue pourla première fois il y aun mois lors de deuxenterrements, la créature adepuis été aperçue à plu­sieurs reprises. Toujoursparé d’une veste sombre,l’inconnu se transformeensuite en gros singe, enchauve­souris ou encochon. Priée par les habi­tants apeurés de se saisirde l’affaire, la police aréclamé une photo.Un cliché du monstreassoupi sous sa formehumaine a bien été réalisémais, après développe­ment, un animal inconnuy figurait. Même si aucunevictime n’est à déplorer,le mystère qui entoure cemonstre polymorphe per­turbe quelque peu la quié­tude de la petite ville.

Y A­T­IL UNMONSTRE ÀSTEYTLERVILLE ?

L’HISTOIRE

600000C’est le nombre de per­sonnes à avoir quitté laLibye depuis le début duconflit, selon un bilanrendu public hier parl’organisation internatio­nale des migrations.Une vague supportée engrande partie par la Tuni­sie, l’Egypte, le Tchad et leMali, qui ont laissé leursfrontières ouvertes, et,dans une moindre mesure,par l’Europe.

Par RAGIP DURAN

L’amitié turco-arménienne en morceaux

L es bulldozers ont com-mencé la destructionde l’immense sculp-

ture, hier matin, avec dumatériel spécial acheminédepuis la capitale, Ankara,jusqu’à cette périphérie de laville de Kars, tout à côté de lafrontière avec l’Arménie.Symbole d’une possible ré-conciliation turco-armé-nienne, le «monument del’humanité», avec ses 25 mè-tres de hauteur et ses90 tonnes, avait suscité l’iredu Premier ministre islamo-conservateur, Recep TayyipErdogan, qui lors d’une vi-site, le 8 janvier à Kars,l’avait défini comme «unemonstruosité».

Tout est bon pour gagner lesvotes de l’extrême droite, àquelques semaines des légis-latives du 12 juin, y compriscette destruction lancée ausurlendemain du 24 avril,date où chaque année les Ar-méniens commémorent lamémoire des massacres de1915-1917, qui ont exterminéplus d’un million des leursvivant dans l’Empire otto-man. Un génocide que laTurquie se refuse toujours àqualifier comme tel, mêmesi, désormais, le tabou se fis-sure.«J’ai fait ce monument contrela guerre et pour la paix. S’ilsle détruisent, ce sera un crimecontre l’humanité. Et il n’yaura plus de différence entre lerégime turc et les talibans»,déclarait quelques jours plustôt son maître d’œuvre, Me-hmet Aksoy, le plus presti-gieux sculpteur contempo-rain turc.

La sculpture montre unhomme coupé en deux. Sesmains se tendent. «Ce grandtas de pierre fait ombre aumausolée d’un saint musul-man», a estimé le Premierministre, alors que le sanc-tuaire se trouve à 2 kilomè-tres de là. Le nouveau mairede Kars, membre de l’AKP, leparti au pouvoir, a déclaréque le monument était «érigésur un site historique», annu-lant les autorisations don-nées par son prédécesseur dela gauche laïque, Naif Ali-beyoglu. «Le coût du monu-ment s’élève à 225 000 euros,Mehmet Aksoy a trouvé dessponsors et c’est un très bonsymbole pour la promotion dela ville», explique l’ancienpremier citoyen de Kars.

Le 23 avril, 200 artistes ontorganisé une manifestationdevant le monument. TurgutKazan, l’avocat d’Aksoy,avait demandé que la statuene soit pas détruite dans unelettre adressée à son ex-ca-marade de prison, aujour-d’hui ministre de la Culture,Ertugrul Gunay. «Sinon vousserez accusé d’ennemi de lapaix, de l’art et de la culture»,prévenait-il. Sans succès.Les enfants ont accueilli leséquipes chargées de la dé-molition à coups de pierres.La police a renforcé la sécu-rité autour du monument.Lundi, un vent fort a empê-ché les grues et les bulldozersde commencer la destruc-tion. Ce n’était qu’un jour desursis. Le monument seradécoupé en 18 morceaux quiseront remisés dans un han-gar de la municipalité. •

VU D’ISTANBUL

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 20118 • MONDEXPRESSO

Page 9: Libération - Mercredi 27 avril 2011

XavierdeLigonnès,unejeunesseplusfêtardequebigotePour «Libération», un ami d’enfance du Nantais suspecté d’avoir tué safamille fait le portrait d’un ado «populaire», blessé par l’absence de son père.

L e profil «inhabituel» de Xa-vier Dupont de Ligonnèsqui, à 50 ans, disparaît enlaissant «cinq cadavres sous

sa terrasse», intrigue la police judi-ciaire qui le traque et mise – selonun enquêteur– sur ses finances enbaisse: «S’il n’a pas d’argent liquide,il ne tiendra pas. Mais cet homme quin’a jamais de thunes s’est toujoursdébrouillé pour en trouver. Il a vécuavec l’argent de sa femme puis les50 000 euros qu’une maîtresse lui aprêtés.» Cette chef d’entreprise duVal-d’Oise, amie de jeunesse avecqui il avait renoué en 2009, vientd’engager une procédure en recou-

vrement contre l’homme qui l’amenacée dans une lettre reçue le9 avril : «On a eu du bon temps en-semble, mais maintenant tu vas con-naître le malheur.»

«ABASOURDI». Issu de la vieille no-blesse et natif de Versailles, XavierDupont de Ligonnès a traversé tou-tes ses années lycée avec son amiBruno. De 1975 à 1978, les deux ga-mins font les 400 coups à«Saint-Ex», le lycée catholique deVersailles. Aujourd’hui à la têted’un cabinet de conseil à Boulo-gne-Billancourt, Bruno est forcé-ment «abasourdi par cette histoire».Trente ans le séparent des bancs dulycée, mais Bruno accepte pour Li-bération de se souvenir du Xavier de

Ligonnès adolescent. Par flashs, luireviennent l’immense poster desrues de Paris qui cachait la tapisse-rie de la chambre de Xavier, oucette phrase que répétait le provi-seur, M. Rouart, à propos du petitLigonnès : «S’il attachait autantd’importance à ses études qu’à sa te-nue, ce serait parfait.» Sociable,joyeux, sympa, Xavier a leprofil du parfait camarade,toujours prêt pour une fêteaprès les cours. «Bien entendu, onparle d’un milieu versaillais tradi-tionnel, où la notion “d’éclate” étaitdifférente d’aujourd’hui. Les sortiesétaient plus tenues, les règles plusstrictes», tempère Bruno.Il n’empêche, Xavier peut se vanterde recueillir un certain succès. Sé-

ducteur bien dans ses baskets, ilcompte parmi les «populaires du ly-cée», ceux qui ont le bonheur defaire tomber les Versaillaises enfleur. Bref, pas vraiment l’image dujeune catho coincé qui rythme sesjournées par la prière et le bénédi-cité. Bruno s’est d’ailleurs étonnéde lire dans la presse que Xavier de

Ligonnès avait grandi dansle cocon de la religion, etqu’il avait reçu «une édu-

cation catholique intégriste». «Je nevois absolument pas en quoi», rétor-que-t-il. «Oui, les Ligonnès étaientcatholiques pratiquants, mais commel’immense majorité des Versaillais del’époque.»Au lycée, Xavier ne manque doncpas à l’appel au cours d’enseigne-

ment religieux, mais sans plus. «Denotre bande, c’était bien le seul quirefusait d’être scout. Beaucoup d’en-tre nous rêvaient d’une carrière mili-taire couronnée d’un parcours sansfaute, des louveteaux jusqu’à Saint-Cyr, pas Xavier. Il n’abordait pas lesujet, c’était simplement pas sontruc, pas son univers.» Insouciantcomme un gamin, Xavier n’aqu’une obsession : s’éclater. Etpour ça, rien de mieux que saSpeedfire. Un bijou de décapotablebleue, qu’il se plaît à exposer auxyeux du tout-Versailles.«A ma connaissance, cette voitureétait bien sa seule passion», confieBruno. La passion Speedfire luivient de son père qui, un matin, luimet les clés du bolide entre lesmains. Puis plus rien. Xavier neparlera jamais de «papa» à sesamis. Sans vraiment savoir s’ils’agit d’un décès ou d’un départ,Bruno choisit de taire ses ques-tions. Manifestement, le sujet,«douloureux», reste tabou dans lafamille. Sa mère en revanche,Bruno la croisait souvent, seuledans son appartement du centre-ville, rue du Maréchal-Foch. Sou-dés comme de vrais amis, Bruno etXavier passent le bac, puis s’éloi-gnent. «En 1979, je suis entré àl’école des cadres, à Neuilly, et lui estparti suivre une cure d’un an dans unsanatorium près de l’île de Bréhat,dans les Côtes-d’Armor.» Les deuxcompères se perdent de vue.

CHIMÈRES. Des années plus tard,Xavier rencontre Agnès, une fille deVersailles qui allait au lycée Notre-Dame de Granchamp. Elle a déjà unfils, Arthur. Ils habitent d’abord àLorgues (Var) en 1992, puis emmé-nagent à Pornic (Loire-Atlantique)avant de s’installer à Nantes. Xavierde Ligonnès ne cesse de monter desentreprises chimériques «dans letourisme ou l’hôtellerie», telle laSelref en 2003, et la «Route descommerciaux», un projet de guidepour VRP. Il y engloutit l’héritagede son épouse.Il donne le change en partant sur lesroutes, soi-disant travailler du di-manche au vendredi. Il ne déclarealors que 4 000 euros de revenusannuels aux impôts. Son père quiavait fait faillite, avait choisi de fuirVersailles pour se réfugier en Afri-que afin d’échapper au fisc, laissanttomber sa femme et ses enfants.Xavier Dupont de Ligonnèsaurait-il décidé d’effacer ses det-tes, ses mensonges et sa familleavec la carabine 22 long rifle héri-tée de son paternel ? •

Par MATHIEU PALAIN etPATRICIA TOURANCHEAU

RÉCIT

Hier, à Nantes, lors d’une marche en hommage aux cinq membres de la famille Dupont de Ligonnès tués par balles. PHOTO JEAN­SÉBASTIEN EVRARD. AFP

17projectiles de calibre 22 longrifle ont été utilisés pour tuerles cinq membres de la familleLigonnès et les deux chiens.

Le 21 avril, l’achat d’une pelle,de sacs de jute et de chaux vivepar Xavier Dupont de Ligonnèsont conduit à la découverte sousla terrasse de sa maison à Nantesdes cadavres de sa femmeAgnès, 49 ans, de sa fille Anne,16 ans, de ses fils Arthur, 20 ans,Thomas, 18 ans, et Benoît, 13 ans.

REPÈRES «S’il est en Italie avec defaux papiers et un autrevéhicule, s’il a une barbeet met des lunettes desoleil, on risque de courirlongtemps.»Un commissaire parlant du suspect

LES OBSÈQUESDEMAINLa cérémonie funéraire d’AgnèsDupont de Ligonnès et deses enfants aura lieu demainà Nantes et leur inhumation àNoyers­sur­Serein dans l’Yonne,berceau de la famille maternelle.

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011

FRANCE • 9

Page 10: Libération - Mercredi 27 avril 2011

2012 En tenant son premier meeting ce soir à Clichy-la-Garenne, le députéde Corrèze espère prendre de vitesse ses concurrents à la primaire du PS.

Hollandecontinuesacourseàlaprimeur

«V ous avez remarquéque la mode est plu-tôt aux petites en-

treprises qu’aux multinationa-les ?» Goguenard et sûr deson bon droit, François Hol-lande met les deux piedsdans la primaire socialiste cesoir, au grand dam des parti-sans de Dominique Strauss-Kahn, toujours condamné ausilence à la tête du FMI. Unmois après l’officialisation desa candidature et à un an pilede la présidentielle, le députéde Corrèze organise son pre-mier grand meeting de cam-pagne - 600 personnes at-tendues pour 800 sièges- enbanlieue parisienne.«Il fallait se lancer», confie àLibération l’ancien premiersecrétaire du PS, qui assureverser sa réunion publiquede Clichy-la-Garenne(Hauts-de-Seine) au potcommun du PS. «Il est im-portant que les socialistes par-lent du projet pour 2012, pourle valoriser. En tant que candi-dat, il est normal que j’apportemon éclairage et mes proposi-tions pour l’enrichir.»Beau fixe. Son discours authéâtre Rutebeuf - où sontpassés François Mitterrandavant sa candidature en 1981et, plus récemment, Ségo-lène Royal venue écouter leslameur Grand Corps Ma-

lade - reprendra ses thèmesde prédilection - jeunesse,fiscalité, pouvoir d’achat– etparlera d’une «France con-quérante et réconciliée» oppo-sée à la «France en repli» deNicolas Sarkozy.«Il faut mettre les Français enconfiance», répète le prési-dentiable socialiste, dont lacote est au beau fixe. Dans ledernier baromètre Ifop-ParisMatch, à paraître demain, ilfait désormais jeu égal avecNicolas Sarkozy au premiertour, tout en restant encore

derrière Dominique Strauss-Kahn. «On va lentement maissûrement», savoure MichelSapin, complice et conseillerdepuis plus de trente ans, quivante la «crédibilité économi-que et la capacité de rassem-blement» de son poulain. En-tendre : étiqueté sociallibéral, le directeur généraldu Fonds monétaire interna-tional divisera la gauche.Pour les partisans de DSK, latortue Hollande est partie«trop tôt» et «montre ses bi-ceps» à contretemps, alors

que les militants socialistesplanchent sur le projet prési-dentiel, qui doit être adoptéfin mai. Les candidatures of-ficielles à la primaire doiventêtre déposées ensuite, entrele 28 juin et le 13 juillet.«Chez Hollande, ils sont pas-sés de la détermination à l’en-têtement à l’heure où il y a unegrosse demande de collectif»,s’agace un secrétaire natio-nal strauss-kahnien. Et sur lefond, les proches de l’ancienministre de l’Economie esti-ment qu’Hollande se trompe

de part demarché élec-torale en fai-sant des jeu-n e s l e f i ldirecteur de sac a m p a g n e ,alors que les

plus de 65 ans seront la clédu scrutin de 2012. «Une odeà la jeunesse permanente, çacrée des tensions dans une so-ciété vieillissante. Sanctuariser“Tanguy”, c’est une erreurélectorale majeure», tacle unlieutenant de DominiqueStrauss-Kahn.Les critiques glissent sur lesplumes des hollandais, qui yvoient autant une reconnais-sance du chemin parcourudepuis dix-huit mois que dessignes de fébrilité. «S’ilsétaient sûrs d’eux-mêmes et

de la candidature de Strauss-Kahn, ils seraient peut-êtreplus apaisés», sourit FrançoisHollande. Pour Michel Sapin,la seule chose qui peut pous-ser DSK à renoncer, «ce se-rait un terrain d’atterrissageoù Hollande serait fort. Il est leseul à bousculer l’ordre établiquand Martine Aubry se pré-pare à envahir le terrain au casoù, Ségolène Royal tourneautour en courant, et lesautres candidats sont dans leshangars».Artisanal. Même si Hollandes’en défend – «je ne regardepas la campagne desautres»–, le coureur de fondva continuer son échappéeen mai: poursuite du tour deFrance avec des étapes dansle Doubs et en Basse-Nor-mandie, journée européenneà Bruxelles et visite à Berlinpour parler du couple fran-co-allemand. La Tunisie esten préparation, mais la pistede la Grèce a été abandon-née, «trop compliquée».La PME Hollande revendiquepresque le côté artisanal de lacampagne, se démarquantune nouvelle fois des «planscom» prêtés au boss du FMI.«Nous, on n’est pas nourris,on fait avec les moyens dubord», balance le députéeuropéen Kader Arif.

LAURE BRETTON

Le président d’honneur du FN, Jean­Marie Le Pen, sauraaujourd’hui si sa condamnation pour des propos dansl’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol, où il minimisaitles crimes nazis en France sous l’Occupation, est ou nondevenue définitive. La Cour de cassation, qui a examinéson pourvoi le 15 mars, dira si elle le rejette, ou au con­traire si elle annule la décision contestée. Le 21 jan­vier 2009, la cour d’appel de Paris avait condamné Le Penà trois mois de prison avec sursis et 10000 eurosd’amende pour «complicité de contestation de crime con­tre l’humanité». Il avait notamment déclaré: «En France dumoins, l’Occupation allemande n’a pas été particulière­ment inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitablesdans un pays de 550000 km2.» PHOTO AFP

JEAN­MARIE LE PEN,LA JUSTICEET LES CRIMES NAZIS

LES GENS

François Hollande, au parc de la Villette à Paris, le 9 avril, jour du conseil national dédié au projet socialiste. SÉBASTIEN CALVET

«S’ils étaient sûrs d’eux-mêmes et de la candidaturede Strauss-Kahn, ils seraientpeut-être plus apaisés.»François Hollande à propos du clan DSK

Par ONDINE MILLOT

Un roman-enquêtesur l’enfance maltraitée

J ulie est amoureuse. Elle a24 ans, elle est serveuse,elle vient de rencontrer

David, de quatre ans son ca-det. Il est beau, il est atten-tionné, il est tellement mieuxque tous ceux quisont passés et ontfui sa vie de mèrecélibataire un peupaumée. Celui-là,elle va «se battre»pour le garder.L’histoire se passedans l’apparte-ment 24 d’une citétranquille. Julie yvit seule avec Théo, 4 ans,petit garçon vif et curieux, etDavid va emménager.Le récitdémarre par l’installation deleur trio, dans ce cadre rela-tivement standard. Mais lelieu, les occupations de cha-cun importent peu. L’auteur,journaliste spécialisée dansles questions familiales, saitque l’indifférence aux en-fants n’a pas de milieu. Quela surdité des voisins, la dé-mission de l’entourage, lesatermoiements des servicessociaux, l’acharnement desadultes à préférer toujours serassurer n’ont rien à voiravec la beauté ou l’épaisseurdes murs.

Gaëlle Guernalec-Levy achoisi la forme du roman,pour livrer, finalement, undocument, fruit ou synthèsedes insomnies provoquéespar ses enquêtes sur la mal-traitance infantile. On penseà l’histoire de Dylan, 4 ans,torturé à mort par son beau-père sous les yeux passifs desa mère, en 2003, à Tou-louse ; ou à celle de Marc,5 ans, quasiment identique,

à Auby, dans le Nord,en 2005. Les personnages dulivre sont ceux que l’on re-trouve dans chacun de cesfaits divers. David, le beau-père tortionnaire. Julie, la

mère, qui fait unenfant pour sesentir exister, etoubl ie dansl’équation l’exis-tence propre deson fils. Les pa-rents de Julie qui,sentant confusé-ment le danger,préfèrent fuir plu-

tôt que d’oser l’analyser. Lavoisine qui se persuadequ’elle a mal entendu. Et Ca-therine Langet, l’assistantesociale qui refuse de signalerune famille parce que, si onleur retire les enfants, les pa-rents «vont sombrer». C’estle courage du livre, aussi,d’oser s’attaquer aux dys-fonctionnements des servi-ces sociaux avec connais-sance et subtilité.

En décidant de s’abstraire du«vrai» tout en collant auréel, Gaëlle Guernalec-Levypermet une analyse utile etrare des mécanismes de laviolence. Il ne s’agit plus dejuger, de s’indigner de tel faitdivers en le présentant im-plicitement comme excep-tionnel, mais de montrercomment, de léger compro-mis sur le bien-être de l’en-fant en refus d’envisager lepire, la violence s’installegraduellement, jusqu’à endevenir une voisine tout àfait banale.«Appartement 24», GaëlleGuernalec­Levy, Bourin Editeur,151 pp., 19 euros.

EN HAUT DE LA PILE

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201110 • FRANCEXPRESSO

Page 11: Libération - Mercredi 27 avril 2011

DISNEYLAND Le parquet deMeaux (Seine-et-Marne) aouvert hier une informationjudiciaire contre Eurodisneypour blessures involontaires.Un rocher du décor du trainde la mine à Disneyland Pariss’est décroché, faisant unblessé grave et quatre blesséslégers.

GÉOLOCALISATION La po-lice a sauvé du suicide unefemme de 24 ans en la locali-sant grâce à son téléphoneportable. Elle avait com-mencé à ingurgiter des mé-dicaments sur le parking

d’un supermarché à Mon-tauban (Tarn-et-Garonne).Sa mère avait donné l’alerteune heure plus tôt.

BAC Un policier a été légère-ment blessé à la tête aprèsavoir reçu un projectile, hieraprès-midi, à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis).Un véhicule de la brigadeanticriminalité (BAC) a étéencerclé par cinq personnesqui ont jeté des projectiles, aprécisé une source judi-ciaire. Le policier a été tou-ché alors qu’il avait baissé savitre.

L e dernier bilan de laDéfenseure des en-fants, Dominique Ver-

sini, est accablant pour legouvernement. Faute d’avoirété entendue pendant sescinq années de mandat, ellea réglé ses comptes, hier,lors d’une conférence depresse. Dimanche, son postedisparaît, il sera remplacépar celui de Défenseur desdroits – dont la nominationpourrait avoir lieu cette se-maine.Dominique Versini n’a étéreçue «qu’une seule fois» parNicolas Sarkozy, tandis queClaire Brisset, à qui elle asuccédé, et qui qualifie lasuppression du Défenseurdes enfants d’«évolution ré-gressive», bénéficiait del’oreille attentive de JacquesChirac. Dominique Versini,ex-ministre des Affaires so-ciales sous Raffarin, égraineles recommandations igno-rées ou rendues inapplica-bles, parle de la dégradationde la situation des enfants,du recul de leurs droits, dumanque de moyens… Et tou-jours, en ligne de mire, legouvernement qui n’a pas,selon elle, «la maturité démo-cratique ni l’humilité pourcomprendre que le rappel desconventions internationales estutile et nous aide à progres-ser». Ce qui pose surtoutproblème, explique-t-elle,ce sont «les domaines réga-liens : l’immigration, la délin-quance, la justice», où sontmenées des «politiques res-trictives».

La majorité des réclamationsfaites par les enfants ou leursreprésentants à leur Défen-seure cette année concernela discrimination : 17% desenfants dont elle a dû étudierles dossiers sont étrangers.Aussi s’inquiète-t-elle dusort des enfants placés avecleurs parents en centres derétention. Si la dernière loisur l’immigration est adop-tée, l’allongement des sé-jours et la création de zonesd’attente itinérantes «ris-quent d’aggraver encore lesmanquements aux droits fon-damentaux des enfants» : sé-

paration avec les adultes,examen d’âge osseux, pré-sence de traducteurs.Quand la volonté politiquene lui est pas «contraire»,elle est «absente». Un exem-ple : l’objectif de réductionde 30% de la pauvreté d’icià 2012, fixé par le comité desdroits de l’enfant des Nationsunies. Aujourd’hui, 2 mil-lions d’enfants vivent sous leseuil de pauvreté en France(1233 euros pour une femmeseule avec un enfant demoins de 14 ans). «Avec ledroit au logement opposable etla loi SRU, nous avons une desplus belles batteries de lois.Mais on préfère construire deslogements intermédiaires plu-

tôt que de développer deslogements sociaux et très so-ciaux», déplore-t-elle. Do-minique Versini met égale-ment en garde contre uneinflation des placements àl’aide sociale, depuis la loisur la protection de l’enfancede 2007: «Quand des parentsperdent leur travail, puis leurlogement, au lieu de leur veniren aide, on leur enlève leursenfants.»Question justice enfin, «lavolonté de traiter les enfantscomme des adultes fait partiedes exceptions de plus en plusnombreuses à la priorité édu-

cative, au profitde la répres-sion». La Con-vention inter-nationale desdroits de l’en-fant stipulepourtant que

les 18-21 ans doivent êtretraités comme des mineurs.«En France, on fait exacte-ment l’inverse», avec notam-ment le nouveau projet de loidu garde des Sceaux, adoptéen Conseil des ministres le14 avril, qui prévoit la créa-tion d’un tribunal correc-tionnel pour les mineurs ré-cidivistes. Elle cite encore lesrapports Bénisti et Bockel surla prévention de la délin-quance où «l’enfant difficilen’est pas un enfant en dangermais un futur délinquant. Onoublie qu’il est le citoyen de de-main. Il est réduit à un phéno-mène et ce, à des fins politi-ques».

NOÉMIE ROUSSEAU

DernierassautpourlaDéfenseuredesenfantsDROITS A quelques jours de la disparition de son poste,Dominique Versini s’en est prise au gouvernement, hier.

Une ancienne adjointe aumaire de Trappes (Yveli­nes) a été condamnée hierà deux ans de prison pouravoir proposé à huit res­sortissants marocains deleur obtenir des papierscontre de l’argent,31500 euros, selon la jus­tice. Ne voyant rien venir,ils ont réclamé qu’elle lesrembourse. La sexagénairea alors utilisé deux chè­ques de l’association Fem­mes de Trappes qu’ellepréside pour régler sadette… A la barre,l’ancienne élue, en proie àdes difficultés financièresà l’époque des faits, a dit«regretter» les faits.

TRAFIC RATÉ POURUNE EX­ÉLUEDE TRAPPES

L’HISTOIRE

Dominique Versini, Défenseure des enfants, en septembre 2009. PHOTO LIONEL CHARRIER.M.Y.O.P

«Quand des parents perdentleur travail, puis leur logement,au lieu de leur venir en aide, onleur enlève leurs enfants.»Dominique Versini Defenseure des enfants

1083944

PROCIREPSociété des Producteurs de Cinéma et

de Télévision11 bis, rue Jean Goujon – 75008 Paris

Société civileCapital variable au 31/12/2010 : 8 550

RCS Paris D 300 575 305

L’Assemblée Générale Ordinaire de la PROCIREP aura lieu le : LUNDI 27 JUIN 2011 A 10 HEURESà l’Elysées Biarritz – 22/24 rue Quen-

tin Bauchart – 75008 PARIS

Pour délibérer de l’ordre du jour sui-vant : 1. Approbation du procès verbal de l’As-semblée Générale du 28 juin 20102. Rapport de gestion 2010 - Bilans des Commissions Cinéma et Télévision3. Comptes de l’exercice 2010 - Rapports du Commissaire aux comptes4. Rapport de la Commission de Contrôle des SPRD5. Renouvellement partiel de la Commis-sion de l’article R.321-6-3 du C.P.I.6. Admissions - Radiations de membres7. Résolutions

1083940

ANGOAAgence Nationale de Gestion des

Œuvres Audiovisuelles11 bis, rue Jean Goujon – 75008 Paris

Société civileCapital variable au 31/12/2010 : 6 735

RCS Paris D 322 961 012

L’Assemblée Générale Ordinaire de l’ANGOA aura lieu le : LUNDI 27 JUIN 2011 A 11 HEURESA l’Elysées Biarritz – 22/24 rue Quen-

tin Bauchart – 75008 PARIS

Pour délibérer de l’ordre du jour suivant : 1. Approbation du procès verbal de l’As-semblée Générale du 28 juin 20102. Rapport de gestion 2010 - Bilans des Commissions Cinéma et Télévision3. Comptes de l’exercice 2010 - Rapports du Commissaire aux comptes4. Rapport de la Commission de Contrôle des SPRD5. Renouvellement partiel de la Commis-sion de l’article R.321-6-3 du C.P.I.6. Admissions - Radiations de membres7. Résolutions

1084022

LA PETITE GRAINESociété à Responsabilité Limitée au

capital de 7000 EurosSiège social : 231 rue Saint Honoré

75001 PARIS482 505 732 RCS PARIS

Aux termes de l’AGE du 10/04/2011, il a été décidé de nommer Pascal MENUT, demeurant 9 route des Mazades 24750 CHAMPCEVINEL en qualité de gérant à compter de ce jour en remplacement de la co-gérance, constituée de Pascal MENUT et de Alain CLAVIER, demeurant 5 rue Jumin 75019 PARIS, démissionnaire.Aux termes de la même assemblée, il a été décidé de modifier la répartition des parts sociales comme suit:- Ancienne mention : Pascal MENUT : 68 parts ( 48.6 %) , Alain CLAVIER : 68 parts (48.6 %), Romuald UZEL : 4 parts ( 2.8 %),- Nouvelle mention : Pascal MENUT : 94 parts ( 67.2%), Alain CLAVIER : 42 parts ( 30.0%), Romuald UZEL : 4 parts ( 2.8 %).L’article 8 des statuts a été modifié en conséquence.Mention sera faite au RCS de PARIS.Pour avis.

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu

de l’arrêté préfectoral n° 2010-357-1

«Faute d’autres possibilités», l’avocat de Dany Leprince,Yves Baudelot, a déposé hier à Nicolas Sarkozy unedemande de grâce pour son client. Condamné en 1997 àla perpétuité pour le quadruple meurtre de son frère, desa belle­sœur et de leurs deux filles, Dany Leprince avaitété libéré provisoirement, fait rarissime, le 8 juillet 2010dans le cadre d’une procédure de révision. Mais la justicea finalement décidé de ne pas refaire son procès, et l’arenvoyé en prison le 6 avril. Une décision qui a surprisceux qui s’intéressaient à son dossier, tant il semblait quede nombreux «éléments nouveaux» avaient été mis à jour,notamment concernant les erreurs de l’enquête. Au télé­phone hier, Yves Baudelot expliquait avoir «bon espoir»pour la grâce. «Parce que la décision de ne pas réviser estinjuste et indéfendable. Le recours en grâce existe pources cas­là, a­t­il ajouté. De Gaulle l’a fait pour Seznec,Chirac pour Raddad.» O.M. PHOTO MIGUEL MEDINA.AFP

DANY LEPRINCE DEMANDESA GRÂCE À NICOLAS SARKOZY

LES GENS

1500C’est le nombre de classes de primaire et de mater­nelle supprimées à la rentrée 2011. Luc Chatel, le minis­tre de l’Education nationale, a ainsi confirmé, hier matinsur RMC, les prévisions du SNUipp­FSU, principal syndi­cat du secteur. Les fermetures sont liées à la suppressionde près de 9000 postes dans le primaire à la rentréeprochaine. En parallèle, les écoles devraient accueillir4900 élèves supplémentaires, selon le ministère. Malgréles suppressions de poste, le ministre assure qu’il y auradans le primaire «plus de professeurs et moins d’élèves»qu’il y a quinze ans. Une affirmation contestée par leSNUipp­FSU. Venue apporter son soutien aux parentsd’élèves mobilisés d’un établissement du XIIIe arrondisse­ment de Paris, mardi après­midi, Ségolène Royal a réagisans tarder aux propos du ministre, lançant un «appel à larésistance» des parents d’élèves et les invitant à «conti­nuer à occuper les écoles». «Même une entreprise privéene se permettrait pas cela sans que les salariés ne se met­tent en grève» a­t­elle déclaré au sujet des suppressionsde poste, avant de rappeler que «l’école sera au cœur duprojet socialiste en 2012». MATHILDE BOUSSION

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 FRANCEXPRESSO • 11

Page 12: Libération - Mercredi 27 avril 2011

L e chiffre a été publié, maissur le moment, les obser-vateurs n’ont pas tropvoulu s’y attarder. Puis il

s’est confirmé l’année suivante. En2009, puis en 2010, près de 9 inter-nes sur 10 ont choisi de ne pass’installer à leur compte à la fin deleurs études de médecine. Commes’ils disaient «non» à la médecinelibérale – en tout cas, à celled’hier– préférant exer-cer leur métier sousd’autres formes, engroupe ou, pour la plupart, commesalarié.La bonne vieille médecine de villeserait-elle menacée? Un des deuxpiliers du monde de la santé hexa-gonale –avec l’hôpital– serait-il envoie d’extinction? Pour reprendrel’analyse de Dominique Dupagne,généraliste et concepteurd’Atoute.org, un site original sur lamédecine, l’heure est grave: «C’esttoute la médecine libérale qui est entrain de devenir un désert médical…»

«DÉSINTÉRÊT». La froideur des sta-tistiques peut paraître sans appel,selon les données publiées dansl’Atlas de la démographie médicalefrançaise 2010. En finissant leurécole de médecine, très peu s’ins-tallent. En 2009, «le nombre de nou-veaux inscrits à l’Ordre a augmentéde 1,8% contre 1,2% l’année précé-

dente. Dans le même temps, les dé-parts à la retraite ont été en hausse de6,6%.» Ou encore : «Ce désintérêtimpacte tant la médecine générale queles autres spécialités», précise leconseil national de l’Ordre des mé-decins qui pointe un autre symp-tôme de ce désenchantement :«L’évolution préoccupante du nombrede médecins remplaçants.» Au1er janvier 2010, l’Ordre recensait10 006 médecins remplaçants,«dont 6003 ne se sont jamais instal-

lés». Comme si les jeu-nes voulaient s’installerun peu mais pas trop,

juste pour faire des remplacements.Que se passe-t-il donc? «Ne cari-caturons pas trop, réagit BertrandJoly, président de l’intersyndicalenationale des internes des hôpitaux(ISNIH). Ce chiffre de 9 internessur 10 est à manier délicatement. Carlorsqu’on termine nos études, laquestion de notre installation ne sepose pas; elle se posera quelques an-nées plus tard.»Là, en effet, réside le vrai change-ment. Il y a encore trente ans, leparcours de l’étudiant en médecineétait très fléché: à la fin de ses étu-des, il choisissait soit la voie trèsvalorisée d’une carrière hospita-lière avec en point de mire une pos-sibilité d’être nommé professeur,soit l’installation en ville.«Aujourd’hui, c’est différent, pour-suit Bertrand Joly. Nous ne sommespas tous pressés. Certains vont choisir

de faire des remplacements. D’autresvont vouloir rester à l’hôpital, et là,faute de postes de chefs de clinique, ilsdoivent attendre parfois un an. Il y ena, aussi, qui vont vouloir faire unethèse de sciences, d’autres partir enmission dans des ONG, d’autres en-core travailler dans l’industrie phar-maceutique.» Bref, les jeunes pren-nent leur temps. Scrutent leuravenir avec précision. Ils veulentchoisir. Et la médecine libéralen’est plus qu’une option parmid’autres.

«FÉMINISATION». Une analyse quepartage Elisabeth Hubert, anciennesecrétaire d’Etat à la Santé, chargéerécemment d’un rapport sur l’ave-nir des jeunes médecins : «Prenezles jeunes femmes. Elles sont deve-nues majoritaires.La féminisation esttrès forte, aujourd’hui. Mais rien n’estfait pour les aider. A la fin de leursétudes, elles ont 25-27 ans. Arrive laquestion des enfants. Si vous êtes ins-tallée, l’indemnité maternité est indi-gente, elle ne permet même pas depayer les frais. Elles se disent qu’ellesvont faire des remplacements, gérerleurs maternités, et ensuite seulementse décider ou pas à s’installer.»Autre facteur qui, à ses yeux, blo-que l’envie de s’installer à soncompte: les jeunes sont mal prépa-rés et ont eu peu de stages en cabi-net de ville durant leurs études.«Alors, ils hésitent, tentent d’autresexpériences, analyse Elisabeth Hu-

Lamédecinelibérale,

cenouveaudésert

Pour les jeunes diplômés,s’installer à son compte n’est

plus qu’une option parmid’autres. Et beaucoup la fuient,

préférant les remplacementsou l’exercice en groupe.

Par ÉRIC FAVEREAU

ANALYSE

En 2009 et 2010, près de neuf internes sur dix ont choisi de ne pas poser une plaque à leur nom en sortant de leurs études de médecine. PHOTO SOPHIE CHIVET.AGENCE VU

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201112 • FRANCE

Page 13: Libération - Mercredi 27 avril 2011

bert. Ils sont moins insouciants quenous ne l’étions, ils sont plus raison-nés, plus inquiets sûrement.» L’in-tersyndicale nationale autonomereprésentative des internes de mé-decine générale vient de terminerune étude inédite sur les souhaitsdes internes généralistes. Et ce tra-vail, sur plus de 1400 jeunes inter-nes dans toute la France, se révèlepassionnant.D’abord, la plupart des jeunes mé-decins veulent exercer là où ils ontfait leur internat. Ils n’ont pas labougeotte. Plus de 80% ont choisi

la médecine générale volontaire-ment et non par défaut. La totalitéestime indispensable de s’installerprès d’autres lieux de soins, commeune pharmacie ou un laboratoired’analyses médicales.A la question, «combien d’heuresvoulez-vous travailler par jour?»,la moyenne est de neuf heures, etcela sur quatre jours et demi dans lasemaine. Bref, travailler mais passoixante-dix heures par semaine.L’argent ? Une diversification deleur rémunération est largementsouhaitée (78%): nombre d’entre

eux évoquent le paiement au forfait.En tout cas, plus de la moitié veu-lent faire des remplacements avantde s’installer pour de bon, même si23% ont déjà un projet précis. Plusétonnant, 95% des internes décla-rent ne pas connaître les aides àl’installation.

CADRE. La situation est un peu dif-férente pour l’installation des mé-decins spécialistes. «Le souhait deceux-ci, dit Elisabeth Hubert, est detravailler de façon organisée. C’est lagrande différence: le jeune qui s’ins-

talle veut désormais le faire dans uncadre, dans une organisation. Et nonplus comme un électron libre qui posesa plaque.» Et elle précise : «Maiscette organisation dépend des spécia-lités. Certains nécessitent des filières,la radiologie par exemple. En ophtal-mologie, il est facile de s’installer. Endermatologie aussi. Cela étant,n’oublions pas que la France est lepays au monde où l’on a le plus despécialistes par rapport aux généra-listes.»On le voit, progressivement maiscontinuellement, l’exercice de la

médecine a changé. Les jeunesaussi. «S’installer? s’interroge l’in-terne Bertrand Joly. Il n’y a pas deraison de refuser, mais on fait la partdes choses.» La liberté d’installa-tion reste un critère important.«Aujourd’hui, le métier de médecinest peut-être moins valorisé qu’il nel’a été, poursuit-il. Mais nous avonsplus de choix. C’est à la médecine deville d’être attractive et de s’adapterà nos souhaits. Ce serait illusoire quede vouloir nous contraindre à nousinstaller là où il n’y a pas de méde-cins. Car on n’ira pas». •

Les mesures pour amener les généralistes à s’installerdans les zones «déficitaires» s’avèrent peu concluantes.

I ls en ont marre d’être seuls, de travailler sansdiscontinuer. Alors, ils ne viennent plus dansles creux de la France, en tout cas ne s’y instal-

lent plus. Ils préfèrent aller dans les centres-villesou dans des territoires ensoleillés. Et c’est ainsi quese constituent ces fameux déserts médicaux, cesterritoires où il manque terriblement de médecins.On en comptabilise plus de 190 en France. Ils semultiplient. Ils sont de tailles variées. On croitbien souvent qu’on ne les trouve qu’au fin fond dela Lozère. Nullement. Allez chercher un médecingénéraliste ou un dermatologue en secteur 1 enplein Paris…Obstinés. Pour tenter d’inverser la tendance, lespouvoirs publics ont joué doucement: surtout, nepas brusquer. Ils se sontobstinés sur des mesuresincitatives, ils n’ont jamais voulu toucher à lasacro-sainte règle de la liberté d’installation. Maisvoilà, cela ne marche pas. Ou très peu. La semainedernière, l’assurance maladie a ainsi présenté unbilan des incitations financières octroyées aux jeu-nes médecins qui décident de s’installer dans unezone sous-dotée.Bilan maigrichon : depuis 2007, les médecinsexerçant dans des zones «déficitaires» et prati-quant en cabinet de groupe peuvent voir leurs ho-noraires majorés de 20%: plus de 4000 commu-nes sont actuellement concernées. «En quatre ans,les zones défavorisées ont bénéficié d’un apport netd’environ 50 médecins, a indiqué l’assurance mala-die. Même si les ordres de grandeur restent modestes,il s’agit d’une inflexion par rapport à la période pré-cédente.» Ajoutant, néanmoins: «Le coût du dispo-sitif est cependant assez élevé au regard de l’apportnet en médecins.»Que faire, alors? Le gouvernement n’en démord

pas. Et continue d’écarter la remise en cause de laliberté d’installation ou de recourir à des pénalitésfinancières.La semaine dernière, l’Assemblée nationale a votéla suppression de l’amende qui menaçait les méde-cins refusant d’exercer en zones vides, revenantainsi sur le contrat instauré par la loi Bachelot de2009. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, asoutenu la suppression de cette amende: «On nousdit qu’un peu de régulation et de coercition ne ferontde mal à personne, et que cela fera même du bien auxpatients… Mais attendez, vous ne faites pas le bon-heur des gens malgré eux. Vous ne prévoyez pas unsystème de santé sans les professionnels de santé.»De fait, Xavier Bertrand est lancé dans une politi-que de reconquête des médecins de ville qui, de-puis quelques années, se montrent très opposés àtoute forme de contrainte.Autoritaires. A sa décharge, les pays comme lesEtats-Unis, qui ont essayé des mesures contrai-gnantes, n’ont pas eu de résultats convaincants.En France, le Parti socialiste, dans son programmeadopté pour l’élection présidentielle, a décidé deprendre des mesures autoritaires. «Pour la santé,nous remettrons l’hôpital au cœur du système, et nousdemanderons aux jeunes médecins libéraux d’exerceren début de carrière dans les zones qui manquent depraticiens.»Certes, mais comment exactement? Bizarrement,alors qu’on est en pleine discussion sur la nouvelleconvention qui doit aborder cette question, lessyndicats des médecins ont refusé que les syndi-cats d’internes y participent. Ce n’est sûrementpas le bon moyen pour que les jeunes médecinss’engagent.

É.F.

Des incitations vaines

REPÈRES

Cécile Duflot & Nathalie Kosciusko-Morizet«Après Fukushima? »

Les controverses du progrès, une émission de Max Armanet. - A écouter sur France Culture de 18h 20 à 19 heures vendredi 29 avril - A lire dans Libération vendredi 29 avril - A voir sur franceculture.com et sur LibéLabo (www.libelabo.fr)

un débat mensuel à lire dans «Libération»et à écouter sur France CultureLes controverse

du progrès

Le nombre de médecins enFrance baissera de 10% d’ici à2019 selon le ministère de laSanté. La moyenne nationale estaujourd’hui de 1322 patients parmédecin. La Manche, l’Eure,l’Eure­et­Loir, la Haute­Marne etla Corrèze sont les départe­ments les plus désertés.

210000C’est le nombre de médecinsactifs en France à compareravec les 112000 de 1979. Laprofession se féminise: oncompte 57% de femmesparmi les moins de 34 ans.

Médecins en activité régulièrepar région, en 2009

- 3,3%

290 médecinspour 100 000habitants

Moyenne nationale

Densité forteDensité moyenneDensité faible

Sources : Atlas de la démographie médicale en France, Ordre national des médecins

LA DENSITÉ RÉGIONALE DES MÉDECINS

320

277

274

249259

272

319

336

326

310311

375

276

238

373

245

275

260

256281

258

sur un an

Evolution des effectifs de médecinsinscrits par mode d'exercice

Salarié

Libéral

615 000

108 000

46 000

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 FRANCE • 13

Page 14: Libération - Mercredi 27 avril 2011

NouveausuicideàFranceTélécomL’immolation par le feu de Rémi L., hier à Mérignac, ranime les mauvais souvenirs de l’ère Lombard.

U n bouquet de fleurs dansun seau, quelques tracesde fumée noire sur ungrand mur beige sans fe-

nêtre. C’était, hier après-midi, lesseules marques encore visibles dugeste désespéré de Rémi L., salariéde France Télécom-Orange et mili-tant CFDT, qui s’est immolé par lefeu tôt dans la matinée au pied d’unimmeuble de l’entreprise, à Méri-gnac (Gironde). Agé de 57 ans,l’homme s’est suicidé vers 7 heuressur le site encore désert. Le premieremployé est arrivé sur place unquart d’heure plus tard.

DÉSILLUSION. Aussitôt alerté, lesiège parisien dépêche le directeurdes ressources humaines, BrunoMettling, et la directrice exécutivedu groupe, Delphine Ernotte. Unevisite rapide, d’abord à l’endroit oùtravaillait l’employé, puis là où ilest passé à l’acte (son ancien lieu detravail). Avant un point presse dansune salle de réunion de l’hôtel Qua-lity Suites, dans la zone aéropor-tuaire de Mérignac.Visage grave et vêtue d’un long vê-tement noir, Delphine Ernotte as-sure qu’elle est venue voir «les col-lègues et partager leur chagrin»,affirmant qu’«une enquête sera dili-

gentée avec lespartenaires so-ciaux pour faire

toute la lumière sur ce drame atroce».Rien, en revanche, sur le parcoursprofessionnel du salarié. La direc-trice se contente de rappeler que leschoses ont déjà changé, que «lanouvelle organisation se met en place,avec l’arrêt de la mobilité et la reprisedes recrutements», mais qu’«onne transforme pas une entreprisede 100 000 salariés comme FranceTélécom en quelques mois».Pour Florence Baillard, responsablerégionale CFDT qui l’a côtoyé ausein du syndicat, si Rémi L. n’alaissé aucun écrit, «beaucoup d’élé-ments laissent néanmoins penser queson geste est lié à son activité profes-sionnelle». Le lieu du suicide, quicorrespond à son dernier poste fixeau sein de l’entreprise, est en effetlourd de symboles. «Quand sonposte de contrôleur de gestion a été

supprimé en 2007, il a refusé de chan-ger de département. Ils l’ont alors ba-ladé pendant quatre ans de mission enmission.» Quatre ans pendant les-quels «il postulait sur d’autres postessans jamais être retenu». Une pé-riode «qu’il a très mal vécue, et où ilétait manifestement en grande souf-france». Rémi est alors la victimetype de la gestion Didier Lombard(ex-PDG), qui alliait coupes dans leseffectifs et mobilité forcée.L’homme souffre, mais tient bon. Etl’arrivée à la direction générale deStéphane Richard, en mars 2010, val’aider à s’en sortir. Le nouveauresponsable de France Télécom-Orange développe les ressourceshumaines de proximité et crée des«préventeurs», en charge des ris-ques professionnels dans l’entre-prise. Une nouvelle fonction toutetrouvée pour Rémi L., ex-élu CFDTau comité d’hygiène, de sécurité etdes conditions de travail (CHSCT),et qu’il finit par obtenir, il y a

six mois. «C’était un vrai soulage-ment, témoigne Florence Baillard.Il allait bien mieux et croyait vraimentà cette nouvelle affectation.»Très vite, c’est la désillusion. Lesaccords sur la prévention desrisques psychosociaux, signés auplan national, pei-nent à s’appliquersur le terrain. «Ilétait très amer, avaitl’impression que toutceci n’était que de lapoudre aux yeux.» Ilvivait sa situation comme «un DonQuichotte épuisé de se battre contredes moulins à vent». Qui auront finipar l’emporter.

«CYNISME». Tout au long de lajournée d’hier, responsables syndi-caux, salariés ou anciens salariéssont venus spontanément devant lesite, afin de «rendre hommage».Ainsi, cette petite femme frêled’une cinquantaine d’années, ac-

compagnée de son mari, qui s’ap-proche doucement des grilles.Tremblante, elle se hisse sur ses ta-lons pour regarder par-dessus,tente d’apercevoir quelque chose.Très émue, cette employée deFrance Télécom, qui préfère rester

anonyme, ne connaissait pas per-sonnellement Rémi L. Elle «[avait]dû le croiser» sur le site de Pessac,où elle travaille. Mais elle s’est re-connue dans son parcours. La gorgeserrée, elle raconte «les méthodes demanagement qui détruisent les gensjusqu’à l’extermination, l’absence desuivi». Elle qui occupait un poste deresponsabilité, il y a trois ans, s’estretrouvée déplacée du jour au len-demain, sans aucune justification.

«Quand ça vous arrive, c’est unesouffrance terrible. On culpabilise.On se pose des questions sur des ob-jectifs qu’on n’aurait pas atteints, onessaye de comprendre. Depuis un an,j’allais mieux, je refaisais surface.Mais ce geste terrible, ça réveille dessouffrances.» Jean-Paul Giudicelli,venu aussi «en soutien», dénonce,lui, le «cynisme» qui règne dansl’entreprise. Cet ancien employé deFrance Télécom, en procès avec legroupe, estime que «les conditionsde management n’ont pas changé»depuis l’époque Lombard. Ce queconfirme Patrick Monnier, respon-sable régional CGT, qui rappelle queles directeurs «sont toujours auxmêmes postes, même si on leur de-mande désormais de dire bonjour enarrivant le matin».Deux rassemblements sont prévusce matin, l’un à Bordeaux, sur lesite où travaillait l’employé, l’autreà Mérignac, où il a mis fin à sesjours. •

Par STÉPHANIE LACAZE(à Bordeaux) et LUC PEILLON

«Quand son poste a été suppriméen 2007, ils l’ont baladé pendantquatre ans de mission en mission.»Florence Baillard responsable régionale CFDT

REPORTAGE

REPÈRES «La raison de sonsuicide, c’est clairementla manière dontFrance Télécom-Orangea fait dérouler sacarrière.»L’un des quatre fils de la victime

Nommé PDG de France Télécomen février 2005, Didier Lombard,dont la gestion des ressourceshumaines a été fortement miseen cause suite à la vague de suici­des, a laissé sa place de directeurgénéral à Stéphane Richard enmars 2010, puis celle de prési­dent en janvier 2011.

Le lieu où Rémy L. a commis son geste, hier, sur le parking du site de Mérignac (Gironde). PHOTO PATRICK BERNARD. AFP

27C’est le nombre de suicides desalariés de France Télécom­Orange en 2010. Cette année, ondénombre un suicide à domicile.

«Les efforts réalisés parla nouvelle direction sontincontestables, mais lacapacité du managementlocal à faire vivre lechangement est limité.»Communiqué de Force ouvrière

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201114 • ECONOMIE

Page 15: Libération - Mercredi 27 avril 2011

A vant que le lait netourne, Lactalis alancé l’offensive fi-

nale sur Parmalat. Alors que,sous l’impulsion du gouver-nement italien, plusieursgroupes financiers et indus-triels de la Péninsule ten-taient au cours des derniersjours de mettre sur pied unealliance pour éviter que l’en-treprise française n’avale sonconcurrent transalpin, Lac-talis a annoncé hier matinqu’elle présentait une offrepublique d’achat (OPA)sur 100% du capital de Par-malat. Avec 29% des parts, lasociété française est d’ores etdéjà l’actionnaire principaldu colosse d’Emilie-Roma-gne. Mais, au nom de la dé-fense de «l’italianité», leministre de l’Economie etdes Finances, Giulio Tre-monti, a multiplié les initia-tives pour tenter de repous-ser l’assaillant.Fin mars, le ministre a no-tamment fait passer un textepermettant à la Caisse desdépôts italienne (CDP) de«prendre des participationsdans des sociétés d’intérêt na-tional en termes de stratégiesectorielle, de niveau de l’em-ploi, de volume de chiffre d’af-faires». Auparavant, GiulioTremonti avait fait approuveren Conseil des ministres unemesure permettant sous cer-taines conditions de prorogerde cent quatre-vingts joursle terme pour les assembléesgénérales des sociétés. Ladisposition a ainsi permis derenvoyer la réunion généralede Parmalat à la fin juin, letemps d’organiser la contre-offensive.Hier matin, le quotidien éco-nomique Il Sole 24 Ore an-nonçait d’ailleurs que «l’al-liance italienne, formée par la

Caisse des dépôts et des ban-ques, qui devrait relever la ma-jorité des actions Parmalat,doit être formalisée mercredi».Le groupe de la famille Bes-nier a donc décidé de pren-dre tout le monde de court.Et pour le coup, Lactalis nelésine pas sur les moyens. Enproposant 2,6 euros par ac-tions (soit 21% de plus que lecours moyen de Parmalat surles douze derniers mois)pour s’emparer de 71% du

capital restant, la sociétéfrançaise met pas moinsde 3,37 milliards d’euros surla table.Dans un communiqué, la so-ciété normande indique quela décision de lancer l’OPA aété prise «à la suite du chan-gement de la situation et de lapossible évolution de l’action-nariat de Parmalat». En clair,la famille Besnier a décidé demontrer les muscles en ré-ponse aux manœuvres deTremonti.Coïncidence ou pas, l’OPAa été annoncée quelquesheures avant le sommet bila-téral franco-italien, à Rome,entre Nicolas Sarkozy et Sil-vio Berlusconi (lire aussipage 8). Dans l’entourage duprésident français, on plai-dait hier la surprise. «On l’asu à la descente d’avion», ajuré un membre de la déléga-tion, affirmant que l’embar-rassante concomitance avecle sommet est «la preuve quele gouvernement n’est pasderrière l’action de Lactalis».«Il est singulier que l’OPA aitété lancée le jour de notre ren-

contre», a néanmoins relevéBerlusconi. Fair-play, il atout de même «exclu quel’exécutif français ait été aucourant». «Nous travailleronsavec l’Italie pour trouver unesolution», a enchaîné NicolasSarkozy, rappelant toutefoisque Lactalis était une entre-prise privée et qu’elle agis-sait sans se concerter avecl’Etat.Hier, la presse italienne sem-blait douter qu’une telle opé-

ration puisse êtredéclenchée sansavert issementpréalable desautorités gouver-nementales. LaLigue du Nord,

très proche du ministre del’Economie, a souhaité deson côté que «l’alliance ita-lienne puisse encore entre-prendre des initiatives pourdéfendre l’italianité de la mar-que Parmalat».

De notre correspondantà Rome ÉRIC JOSZEF

Au nom de «l’italianité»,le ministre de l’Economiea multiplié les initiativespour repousser l’assaillant.

Parmalat:Lactalisattaque, l’ItalieboutENTREPRISE Malgré les hauts cris de Rome, le français aannoncé hier une OPA sur 100% du capital de l’italien.

À CHAUD LE SALAIRE DE MICHEL ROLLIER A AUGMENTÉ DE 505% EN 2010

Michelin a le patron le mieux payé du CACVoila de quoi booster les revendica-tions des salariés. Avec 4,5 millionsd’euros de salaire et 505% d’augmen-tation, le gérant de Michelin, MichelRollier, est le patron le mieux payé deFrance en 2010, selon le palmarès pu-blié hier par les Echos. Il devanceFranck Riboud (Danone, 4,4 millions)et Bernard Arnault (LVMH, 3,9 mil-lions). La rémunération totale des pa-

trons du CAC40 a augmenté de 24%en moyenne (contre -20% en 2009),et retrouve son niveau d’avant lacrise: 2,4 millions d’euros chacun enmoyenne, soit 152 Smics.Ce chiffre s’explique par la hausse deleur rémunération variable, indexéesur les résultats, et relance la polémi-que sur le plafonnement du salaire despatrons. «L’autocensure ne fonctionne

pas», a déploré Pierre-Henri Leroy,de la société de conseil Proxinvest.Prenons le cas de Carlos Ghosn, qui arenoncé à son bonus suite à la vraie-fausse affaire d’espionnage chez Re-nault. Les Echos le classe dernier, avec1,2 million. Mais oublie qu’il toucheen plus 8 millions comme PDG deNissan. Ce qui en fait le patron lemieux payé de France.

E

ESSENCE La Russie fait faceà une pénurie d’essence dansplusieurs régions. Sous lapression des autorités pourdiminuer les prix, les com-pagnies préfèrent exporter.

NÉGOCIATION Les discus-sions concernant le partagede la valeur ajoutée ont pro-gressé entre patronat et syn-dicats. Les négociations por-teront sur le rôle du CE dans

la rémunération des salariés,des dirigeants et des action-naires ainsi que sur les inves-tissements dans le domainesocial et de la production.

ISF Le relèvement du seuild’entrée de l’impôt sur lafortune sera appliqué dèscette année. Cela concerne300 000 contribuables. Lereste de la réforme sera ap-pliqué en 2012.

«Notre politiquea été et seratoujours, tant queje serai en fonction,qu’un dollar fortest dans l’intérêtdu pays.»Timothy Geithner,secrétaire au Trésordes Etats­Unis.Depuis le début de l’année,le dollar a perdu 6,5% parrapport à un panier desmonnaies de ses principauxpartenaires commerciaux.

La France a adoubé l’Ita­lien Mario Draghi pour pré­sider, dès novembre, laBCE. «Nous soutenons lacandidature de Mario Dra­ghi pour succéder à Jean­Claude Trichet», a affirmé,hier, Nicolas Sarkozy àl’issue d’un sommet italo­français. Mario Draghi,qui a gagné une statureinternationale pendantla crise comme présidentdu conseil de stabilitéfinancière, s’est lancé dansune opération séduction,soulignant notamment quel’Allemagne était un«modèle» et insistant surl’importance de la stabilitédes prix dans la zone euro,une question chère auxAllemands. Quant à sonpassé dans la banqued’affaires Goldman Sachs,mise en cause dans la crisefinancière de 2008 et dontl’Italien a été vice­prési­dent pour l’internationalet membre du comité exé­cutif, il ne constitueraitapparemment plus unobstacle aux yeux de Paris.PHOTO AP

MARIO DRAGHISE RAPPROCHEDE LA BCE

LES GENSL’Office national des forêts (ONF) veut produire plus debois, à partir des surfaces qui sont sous sa responsabilité,tout en préservant la biodiversité. Entre les forêts doma­niales et communales, la production peut ainsi augmenterde 10 à 30%, a précisé son directeur général. Le toutdans le respect du protocole signé avec France NatureEnvironnement (FNE) dans la foulée du Grenelle del’environnement. L’association écologiste rappelle toute­fois que cette politique était alors assortie d’une haussedes surfaces forestières. PHOTO NICOLAS TUCAT. AFP

L’ONF AUGMENTERA SAPRODUCTION DE BOIS DE 10 À 30 %

L’HISTOIRE

+0,58 % / 4 045,29 PTS2 947 586 580€ -3,99%

MICHELINPEUGEOTALCATEL-LUCENT

DEXIAARCELORMITTALACCOR

+0,98 %12 601,69+1,05 %2 855,65+0,85 %6 069,36

-1,17 %9 558,69

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 ECONOMIEXPRESSO • 15

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Construction du premiersarcophage autour duréacteur numéro 4,en octobre 1986. PHOTOVLADIMIR REPIK. REUTERS

Tchernobyl,l’éternel

périlLes présidents ukrainien et russe

ont commémoré hier le25e anniversaire du drame nucléaire.

A quelques centaines de mètresd’une centrale toujours dangereuse.

Par ALEXANDRA SCHWARTZBROD

A 1 h 23, hier, le glas d’une usine ukrai-nienne a retenti 25 fois. Une façon demarquer le 25e anniversaire de l’explo-sion du réacteur numéro 4 de la centrale

nucléaire de Tchernobyl, un drame qui avait étéenfoui au plus profond de la conscience collectivejusqu’à ce que, le 11 mars, l’accident de la centralenucléaire de Fukushima, au Japon, ne vienne ré-veiller la vieille peur de l’atome. Dans le feude l’émotion, la commémoration de Tcher-nobyl –d’ordinaire discrète– a pris une di-mension particulière, ce qui explique que DmitriMedvedev ait effectué hier la première visite d’undirigeant russe sur le site de Tchernobyl !

OISEAUX. Témoin de l’abandon dans lequel la ré-gion a été laissée, le Premier ministre ukrainien,Mykola Azarov, a imploré hier la communauté in-ternationale d’aider davantage l’Ukraine à sur-monter les conséquences de la catastrophe. «Mal-gré les circonstances économiques difficiles, au coursdes vingt dernières années, l’Ukraine a financé seuleles dépenses», a-t-il précisé en chiffrant à 180 mil-liards de dollars (123 milliards d’euros) les perteséconomiques du pays à la suite du drame de Tcher-nobyl. Celui-ci «a laissé derrière elle des problèmessociaux et économiques qui vont persister pendant desannées», a-t-il déploré. Sans compter le finance-

ment du sarcophage accidenté qui, aussi incroyableque cela puisse paraître, n’est toujours pas réglé(lire ci-contre) ! De quoi doucher les envolées desprésidents russe et ukrainien qui, après une céré-monie religieuse, ont rendu hommage hier, à quel-ques centaines de mètres de la centrale, aux victi-mes de la catastrophe dont le nombre suscitetoujours la controverse (lire aussi pages 30 et 31).Medvedev a même annoncé avoir envoyé hier à seshomologues étrangers des propositions visant à

préparer de nouvelles conventions interna-tionales pour «assurer le développement né-cessaire de la sécurité nucléaire dans le

monde». Sous un soleil printanier, sur une placeentourée de verdure inspirant les oiseaux, le prési-dent russe s’est toutefois empressé de préciser quele nucléaire restait une source d’énergie essen-tielle, notant que «personne, jusqu’ici, n’avait pro-posé une autre source d’énergie».

STRATÉGIE. Tchernobyl et Fukushima, de touteévidence, ne suffiront pas à refroidir les ardeurs despays occidentaux sur le nucléaire. Si l’Allemagnese montre assez volontariste sur le sujet, pour desraisons politiques (les Verts ont de bonnes chancesde décrocher la chancellerie aux prochaines élec-tions), la France ne remet en aucun cas en questionsa stratégie nucléaire et l’Italie se tâte. Hier, jourde commémoration, Berlusconi n’a pas hésité à af-firmer que le nucléaire était l’«avenir». •

RÉCIT

En 2007, un consortium français, Novarka,réunissant Bouygues et Vinci, a remportél’appel d’offres pour construire une nouvelleenceinte de confinement qui servira à recouvrirle réacteur numéro 4. Initialement prévupour 2012, ce sarcophage ne devrait être prêtqu’en… 2015, car les fonds manquent. De500 millions d’euros au début, son coût estpassé à 1,5 milliard.

REPÈRES «Nous commémorons une datetragique, vingt-cinq ans ont passéet nous avons comprisque les accidents nucléairesont des conséquences immensespour la population.»Viktor Ianoukovitch le président ukrainien, hier

Lire aussi le texte de l’eurodéputéeCorinne Lepage: «Pourquoi le gouverne­ment fait le choix d’une électricité chère etdangereuse»

• SUR LIBÉRATION.FR

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201116 • TERRE

Page 17: Libération - Mercredi 27 avril 2011

L’abri, qui doit durer cent ans, est construit par le français Novarka et sera prêt en 2015.

Le sarcophage, projet pharaoniqueL e 25e anniversaire de la ca-

tastrophe de Tchernobyl nesert pas qu’à célébrer les li-

quidateurs ou à inaugurer de nou-veaux monuments commémora-tifs. C’est aussi l’occasion deremettre sous les projecteurs lesproblèmes de la centrale meur-trière, qui demeure une source dedanger onze ans après avoir étémise hors d’exploitation.La chape de béton, confectionnéeà la hâte au lendemain de l’explo-sion pour étouffer les radiationsémises par le réacteur numéro 4endommagé, montre depuis plu-sieurs années des signes de corro-sion et de décrépitude. Elle prendl’eau –les substances radioactivesdissoutes s’infiltrent dans les nap-pes phréatiques – et laisses’échapper par certaines faillesune infime poussière contaminée,source d’irradiation interne lors-qu’elle est inhalée.Ossature. Dans l’urgence del’après-catastrophe, cet abri n’aété conçu et confectionné quepour une durée limitée, de vingt-cinq à trente ans. Il arrive donc na-turellement à sa date de péremp-tion. «Nous l’avons restauré et sta-bilisé pour qu’il tienne encorequinze ans, ce qui nous laisse letemps d’achever le nouveau», assureVolodymyr Kolocha, l’administra-teur de la zone d’exclusion (30kmde rayon autour de la centrale misen quarantaine après l’accident),et ministre adjoint des Situationsd’urgence. En 2007, le consortiumfrançais Novarka, réunissant lessociétés Vinci Construction GrandsProjets et Bouygues Travaux pu-blics, a remporté l’appel d’offrespour construire une nouvelle en-ceinte de confinement qui vien-drait recouvrir l’ensemble duréacteur numéro 4. Cette mise

sous cloche permettrait de déman-teler l’ancien sarcophage et cequ’il recouvre en minimisant lesémissions radioactives.Pour réduire les risques d’irradia-tion des ouvriers constructeurs etaugmenter le rendement, l’archedoit être montée à 200 mètres duréacteur. Sur une grande dalle debéton coulée au préalable, les1000 ouvriers pourront travailleren sécurité, isolés des déchets ra-dioactifs enterrés un peu partoutdans la zone. Une fois monté àl’écart, le nouveau sarcophage– une ossature métallique de105 mètres de haut, 257 mètres deportée, pesant 18000 tonnes et re-

couverte d’une «double peau» enacier– sera glissé sur des rails mo-numentaux jusqu’au-dessus duréacteur. Il est prévu pour tenircent ans. «C’est un projet inédit etunique. Il n’y a pas d’exemple quenous pourrions suivre, et nousn’avons pas le droit à l’erreur», ex-plique Kolocha pour justifier le re-tard pris par le chantier.A l’origine, la nouvelle enceinteaurait dû être livrée en 2012. Lesdélais viennent d’être repoussésà 2015. La raison de ce retard seraitéconomique, les coûts étant sanscesse revus à la hausse. Si le pre-mier contrat avait été évalué à500 millions d’euros, le fonds in-ternational géré par la Banqueeuropéenne pour la reconstruc-tion et le développement (BERD),

qui finance le projet, doit désor-mais réunir plus de 1,5 milliardd’euros pour le mener à bien.En 1997, un fonds international aété constitué et abondé à hauteurde 856 millions d’euros pour faireface à ce défi. À la veille du 25e an-niversaire de la plus grande catas-trophe de l’histoire du nucléairecivil, une conférence internatio-nale des donateurs s’est réunie àKiev. Sur les quelques 700 millionsd’euros manquants, la commu-nauté internationale s’est engagéeà réunir 550 millions, dont110 millions octroyés par l’UE,86 millions par les Etats-Unis,47 millions par la France et

45 millions par laRussie. A la grandesatisfaction del’Ukraine, écraséedepuis des annéespar la note nu-cléaire. «La finali-sation de ce projetest importante pourle peuple ukrainien,

mais a une dimension mondiale et lacrise nucléaire au Japon a montréque la sûreté nucléaire ne connaissaitpas de frontières nationales», a dé-claré Viktor Ianoukovitch, le pré-sident ukrainien.«Coquille». L’Ukraine n’est tou-tefois pas au bout de ses peinespuisque le démantèlement de l’an-cien sarcophage et le stockage desdéchets seront à sa discrétion.C’est ce qui inquiète les experts in-dépendants. «Novarka livre un pa-rapluie, une coquille vide», s’alarmeNikolai Kapran, ingénieur à la cen-trale de Tchernobyl à partirde 1969 puis liquidateur, actuelle-ment directeur des programmesd’expertise du Parti pan-ukrainiende Tchernobyl (fondé par les liqui-dateurs). Ce sera aux Ukrainiens

d’organiser le démantèlement del’ancien sarcophage, via un pontroulant téléguidé à distance. Deplus, «la construction du nouvel abrine règle pas le problème du stockagedes déchets actuels et futurs, c’est-à-dire les morceaux de l’ancien sar-cophage démonté», renchérit Vla-dimir Tchouprov, directeur du dé-partement énergétique deGreenpeace Russie.Pis, l’attention portée au projet deNovarka a éclipsé un autre pro-blème, autrement plus grave selonles experts. Les combustibles usésdes trois réacteurs de Tchernobylqui ont fonctionné jusqu’en 2000sont aujourd’hui entreposés dansdes cuves de stockage (ISF-1, Inte-rim Storage Facility). «Ces “pisci-nes”, pleines à ras bords, présententun danger vingt fois supérieur à celuide l’accident de 1986», prévientTchouprov.L’ISF-2, un centre d’entreposageà sec des combustibles, est enchantier depuis la fin des an-nées 90. En 2004, la société fran-çaise Framatome, qui s’en étaitchargé, a été écartée avec fracasdu projet et obligée de verser despénalités (35 millions d’euros, se-lon Nikolai Kapran). C’est l’entre-prise américaine Holtec qui a re-pris le flambeau. L’ISF-1 n’estcensé pouvoir fonctionner quejusqu’en 2016, mais la construc-tion de l’ISF-2, prévue pour 2009,reste incertaine. «Cette partie del’Ukraine est sujette à des tremble-ments de terre, tous les vingt ans en-viron, c’est-à-dire que nous sommesentrés dans la période à risque,avertit Kapran. La radioactivité deces piscines se compte en millions decuries, c’est-à-dire assez pouranéantir la moitié de la planète.»

Envoyée spéciale à TchernobylVERONIKA DORMAN

UNEARCHEDECONFINEMENTDETONNESD’ACIER… …POURUNCOÛTDEMILLIARDD’EUROS

Sarcophagevétuste restantà démanteler

Le projet devraitêtre terminéà l’été 2015

Ossaturemétalliqueprévue pourrésister cent ans

Structure réalisée en plaques d’acier qui glisseront de chaque côté du réacteur numéro 4sur 150 mètres de long

105 m

Structureà l’échelle

Répartition du financementpar dons internationaux

Source : Reuters

MILLIONSD’EUROS

MILLIONSD’EUROS

Premier fonds, levé en 1997 :

Deuxième fonds, collecté à la conférencede Kiev du 19 avril 2011 auprèsde 23 pays donateurs :

Somme restant à trouver :

MILLIONSD’EUROS

BERD(banqueeuropéenne)

Etats-UnisUnion

européenne

France

Russie

Roy.-Uni

Ukraine

Allemagne

Autres

257 mètres de portée

«La construction du nouvel abri nerègle pas le problème du stockagedes déchets actuels et futurs,c’est-à-dire les morceaux del’ancien sarcophage démonté.»Vladimir Tchouprov de Greenpeace Russie

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est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

[email protected]

CARNET

DécèS

"C'était un Français Libre"

MmeLouisDeblé, son épouse,M. etMmeMichelCochydeMoncan,M. JacquesDeblé,

M. etMmeHervé LeGuellec,ses enfants,

Guillaume, Sibylle, Laurent,Raphaëlle, Arthur, Thibault,

ses petits-enfants,Capucine, Gustave,Margaux,ses arrière-petits-enfants,

Mme IsabelleDeblé,M. etMmeFrancois

Ambrosini,MmeBrigiteAmbrosini,

ses soeurs, beau-frère etnièce,

ont la grande tristessed'annoncer le décès de

M. Louis DEBLErésistant, déporté, ancienAmbassadeur de France,

Commandeur de la Légiond'Honneur, MinistrePlénipotentiaire E.R

survenu le 23 avril 2011,dans sa 88e année.

La cérémonie religieuse seracélébrée ce jour

mercredi 27 avril à 15 heures,en l'église de Sarbazan.

Cet avis tient lieude faire-part.

40120 Sarbazan

Fernand NIDERMANpsychanalyste

nous a quittés Jeudi 21 Avril

Son épouse Josée,Ses filles Juliette, Cécile,

Clémence,Son gendreMichel Nguyen,

Ses petites fillesEmmaetAlice,

Son frère Léon et sa femme,Leurs enfants

et petits-enfants,Toute la famille en France,enAllemagne, enAmérique,

auCanada,et ses très nombreux Amis,

sont très tristes.Il nous avait prévenus : il nous

manquera beaucoup.Son enterrement aura lieu ceVendredi 29Avril à 15h.

Cimetière de Saint-MandéSud (M° PorteDorée)25, avenue duGénéralArchinard - 75012 Paris

SouvenirS

PIERRENous ne pensons qu'à toi :

Tu es toujours ici.Houréa etGérardVERMERSCH.

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 TERRE • 17

Page 18: Libération - Mercredi 27 avril 2011

CINEMA •

FLIPPEKANGOUROUTRIBU «Animal Kingdom», ou ladéliquescence d’une famille mafieuseà Melbourne sous l’œil d’un jeuneCandide. Un polar chromé et australde David Michôd.

«LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE»

LE RÊVE FÉTICHISTED’UN DUO DE FRANÇAISÀ HONGKONG

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LIBÉRATIONMERCREDI 27 AVRIL 2011

MO

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ANIMAL KINGDOM de DAVID MICHÔDavec James Frecheville, Guy Pearce, Ben Mendelsohn,Jacki Weaver… 1h52.

Quand des types baraqués, tatoués et velus com-mencent à se promener torse nu dans la maisonen éructant comme des dingues, on peut considé-rer que les ennuis ne vont pas tarder à arriver.C’est du moins la sorte de détail qui semble avoirtraversé le cerveau du cinéaste David Michôd pourinventer un genre de nouvelle symptomatologiede la menace au cinéma. Déjà, dans son court-métrage Crossbow, le père de l’adolescent-narra-teur ne porte ni tee-shirt ni chemise, dedans oudehors, toujours en train de se défoncer ou de bai-ser maman qui elle-même, disons-le, n’est pastrès habillée.Animal Kingdom est la grosse surprise série B de lasaison. Un thriller australien qui a fait les beauxtitres de la presse anglo-saxonne après sa présen-tation au festival de Sundance l’an dernier, où ila reçu le prix du meilleur film étranger, tandis queWinter’s Bone recevait celui du meilleur film amé-ricain. Stephen Holden soulignait alors dans lescolonnes du New York Times «l’intensité nihiliste»d’un film que Todd McCarthy dans Variety plaçaità mi-chemin entre le Parrain de Coppola et Un pro-phète d’Audiard: «Une ambitieuse et puissante étudede la désintégration d’une famille de criminels austra-liens.» Michôd n’a cessé d’écrire des versions à lachaîne de son scénario pendant une dizaine d’an-nées jusqu’à en connaître par cœur les plus fineslignes de dislocation. Quand est venu le temps demonter le casting et de passer à l’action, il auraitpu flancher, sentir le projet tomber en poussièreentre ses doigts comme un rêve trop longtempstrituré. Au lieu de quoi, l’énergie contenue moisaprès mois en réserve dans les starting-blocks,tous freins rongés, s’est violemment libérée dansl’espace fictionnel et à l’intérieur du corps despersonnages, saturant l’atmosphère.

VERTIGE. Le royaume des animaux du titre, c’estla famille Cody, une sacrée nichée de chiens galeuxayant nidifié dans la dope, le braquage de banqueet rassemblé autour de la reine mère pourrie SmurfCody (la géniale Jacki Weaver, star du théâtre aus-tralien), la soixantaine bien sonnée mais tenantson clan d’une main de fer. Elle tire les ficelles ettient les comptes. Elle adore ses fils, Baz, Craig,Darren, qu’elle embrasse régulièrement sur labouche. Elle s’est fâchée pour un motif absurdeavec sa seule fille qu’on n’aura pas l’occasion deconnaître : dès l’ouverture, elle gît overdosée àl’héroïne sur un canapé à côté de Josh (James Fre-cheville), son fils, un ado de 17 ans un peu ralentimais on comprend qu’il a ses raisons.Josh est adopté par mamy Smurf et s’installe dansla villa Cody. Il devient alors le Candide que l’en-grenage mortel du scénario se charge de définitive-ment déniaiser. A de nombreuses reprises au coursdu film, le spectateur est mis dans la situation dedécouvrir un fait en même temps que l’ado quipromène sur les choses un air semi-imbécile, labouche ouverte, les bras ballants. On croit avoirune longueur d’avance sur lui, et c’est le momentoù le film se paie une accélération et nous coupeles jarrets. Cette identification désynchroniséeavec l’innocent crée de nombreux effets de vertige:

le sol du récit n’est jamais tout à fait fiable, on nepeut plus poser le pied nulle part sans risquer detomber dans un trou à reptiles. C’est de l’un d’euxau fait que surgit Pope (Ben Mendelsohn, visqueuxà souhait), l’aîné des Cody, un psychopathe con-vaincu que les flics vont bientôt serrer la famille aucomplet et dépecer leur petit commerce.Il n’a l’air de rien, Pope, dos voûté et blême au mi-

lieu de la fratrie viriloïde roulant des mécaniquesdans le salon, mais la frustration et la trouille quilui nouent le ventre, son agressivité de bête tra-quée vont véritablement être au cœur du drame.

Pope, qui semble tout droit sorti despages les plus sales et malaisantes duSanctuaire de Faulkner, ne sait se libérerde ses erreurs qu’en en commettant deplus graves encore. Quand il aime, ilétrangle. Tout ce qu’il touche, il le dé-truit. Si on demande par mail à David

Michôd qui est le plus diabolique de ses deux per-sonnages, la mère Smurf ou le fils Pope, il répond:«Aucun des deux. Si je jugeais mes protagonistes ences termes, je ne pourrais pas m’identifier à eux et,du coup, ils ne seraient au fond ni intéressants nicomplexes. Or j’aime ces personnages, peu importequ’ils soient nuisibles parce que je connais leurs bles-sures secrètes.»

Autour de Pope, les allégeances familiales tiennentle choc en dépit du bon sens. Seule énigme: Josh,la pièce rapportée, le nigaud qu’il faut constam-ment surveiller, attendrir et manipuler. Mais luiaussi attend son heure, pour se hisser à son toursur le trône du royaume en décomposition une foisque tout le monde se sera entre-devoré.

ALERTE SENSORIELLE. La mise en scène de DavidMichôd est élégante. On n’est pas étonné de dé-couvrir que lui et son chef opérateur ont regardéen boucle Heat de Michael Mann et Magnolia dePaul Thomas Anderson pour s’échauffer avant letournage. La composition des plans, la gammeharmonieuse des ralentis et des ellipses, l’utilisa-tion du mixage (bruits, musique, voix assourdis)comme moyen de dresser entre l’action et nousune épaisse paroi liquide, tout conspire à mettrele spectateur en état d’alerte sensorielle maxi-

«J’aime ces personnages, peu importequ’ils soient nuisibles parce queje connais leurs blessures secrètes.»David Michôd réalisateur australien d’Animal Kingdom

Une tribu de gangstersmiddle­class dominée parSmurf, reine mère pourrie(en bas), et comptantquatre frères agités du fusilà pompe (en haut).PHOTOS DR

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011II • CINÉMA À L'AFFICHE

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COUP D’ÉCLAT de JOSÉALCALA avec Catherine Frot,Karim Seghair… 1h32

Ne dites pas clandestins,sans-papiers, sans-abri. Nedites pas prostitution, cor-ruption, trafic. Ne dites pasnon plus services publics aubout du rouleau, fatigue gé-nérale, acteurs sociaux dévi-talisés. Ou alors dites-le toutbas, parce qu’aucun de cessujets ne garantit des ques-tions de cinéma intéressan-tes. Or Coup d’éclat est unvrai film de cinéma, quipourrait avoir l’air de tropbien correspondre aux ca-nons français du filmd’auteur mais qui les trans-cende de sa vigueur, de sa ri-gueur et de son originalité.José Alcala n’est pas inconnude nos services: son premierfilm, Alex, portrait de femme

en rupture avec le monde,frappait déjà par son énergiepugnace et déclassée. AvecCoup d’éclat, le poing n’estpas moins ferme ni rageur, ilest au contraire plus haut etplus solennellement dressé.Fil. L’histoire est celle d’unecapitaine de police du bordde la Méditerranée, dont lamission consiste à traquerles immigrés clandestins etles travailleurs sans papiers.Sans zèle ni malveillancemais sans états d’âme, Fa-bienne applique la loi. Lamort d’une prostituée slave,sa connexion avec un réseaumafieux et la disparition deson petit garçon vont détour-ner Fabienne de sa routine.La rapprochant un peu plusd’un monde où les lois sontmafieuses, où les emploissont partiels, où les usinessont des ruines et les maisonsdes caravanes. Entre le regis-tre du polar et celui du dramesocial, Alcala fait palpiter unevie aux confins des territoiresvisibles de la société, dansces fossés pas si lointains oùont été renversés toutes lesmisères. Celles des vieux, desfemmes seules, des sans-boulots, des fin-de-droits,des étrangers et des putains…en attendant que nous y fi-nissions tous.Certaines cruautés du mondeapparaissent ici dans leursaillante absurdité, qui foutautant la trouille que certainsfilms d’horreur : le drame

social, induit Alcala qui n’arien inventé, ne serait-il pasdéjà devenu cauchemar ?Une peur profonde sous-tendCoup d’éclat. Chaque person-nage vit sur le fil, au bord de

dégringoler lesquelques marchesqui le séparentencore du hors-jeu. La précaritérègne partout etpartout l’on vit

dans l’effroi paralysant, gé-néralisé, de devenir plus pré-caire encore.Mais alors, et ce Coupd’éclat? C’est elle, Fabienne,qui sort du lot, redresse latête, avance sous l’averse.Aucune articulation politiqueconsciente dans ce processusqui la transfigure: juste uneforce humaine vitale, sobre,démunie mais têtue. Il neservirait à rien d’avoir uncœur trop tendre dans unmonde aussi blessant. Unefois établies ces qualités quifont de Coup d’éclat un filmen prise directe avec le réel leplus proche, un film qui al’air de se faufiler clandesti-nement entre nos murs, unfilm dont la force tient à cetteimprégnation documentée etdont on croit sentir le soufflesur notre épaule, on peut ex-pliquer la valeur encore plussingulière que lui donne Ca-therine Frot.L’aura nécessairement so-phistiquée qui accompagneune telle actrice pourrait êtreencombrante dans un projetqui fonde son crédit sur lasobriété. Loin d’une vignettedu star-system cachetée surun ouvrage marginal, l’illus-tre actrice illustre aussi d’unjour resplendissant l’étenduede ce que son métier veutdire. Actrice, parfaitement.En l’espèce, une virtuositéde caméléon dans l’immer-sion et une capacité à pro-duire les étincelles de l’ex-

ceptionnel d’un coup d’œil,d’un pas, d’une inflexion devoix. Cette dextérité et cettetendance à l’éclat juste, Frotsemble pouvoir de surcroîtles assumer, en jouer commed’une dimension seconde,sans rameuter les grandesorgues mais au contraire enpianotant sur les notes es-sentielles de l’une et l’autregamme, à la façon humble etdépouillée d’un vieux maîtreauquel la maîtrise ne suffitplus. Pas encore introniséeparmi les reines mères (De-neuve, Moreau), mais déjàsortie du lot de sa généra-tion, celle des quinquagé-naires, Frot trouve en Alcalale metteur en scène qui l’a le

mieux regardée depuis Pas-cal Thomas.Fondue. Certes, le film estassez fort pour prétendre te-nir tout seul, par son écri-ture, la réflexion dont il pro-cède ou sa mise en scène, etsans doute aurait-il pu iden-tiquement émouvoir si sonrôle principal avait été confiéà une autre actrice. Du pre-mier plan (Karim Seghair,Marie Raynal) au second (Li-liane Rovère, Nicolas Giraud),ceux qui croisent l’héroïneont été choisis pour être à lahauteur. Mais c’est Frot quis’est fondue en Fabienne, etcet alliage est d’une miracu-leuse adéquation.

OLIVIER SÉGURET

CERTAINS L’AIMENT FROTSANS­PAPIERS La comédienne transcende «Coup d’éclat».

Frot trouve en Alcalale metteur en scènequi l’a le mieux regardéedepuis Pascal Thomas.

mum. Après les années d’université à Sidney etune école de cinéma à Melbourne, Michôd devientcritique de cinéma, rédacteur en chef du Inside FilmMagazine avant de se décider à écrire un scénario,qui reste l’activité la moins onéreuse quand oncherche à faire des films. Il a noirci des pages maissans imaginer réaliser le projet lui-même. C’est laparticipation au collectif polyvalent Blue Tongue(lire ci-dessous) qui finit par lui donner confianceen sa propre capacité à signer intégralement Ani-mal Kingdom : histoire, casting et mise en scène.La facture chromée de ce polar vibrant tient aussià son ancrage dans la ville de Melbourne et auxrapports ambigus que le cinéaste entretien avecelle. Il n’y est pas né, il s’y est installé deux fois (ila 18 ans quand il la découvre, il ne connaît per-sonne), l’a deux fois quittée. Il compare Sidney àune sorte de San Francisco semi-tropical ; Mel-bourne, plus froide et mal entretenue, est plutôtun mini-Chicago où les repris de justice finissentpar devenir des vedettes de sitcom ou de reality-show: «Melbourne, une grosse ville, très cosmopo-lite, avec un centre décati datant du XIXe siècle en-touré par une immense ceinture urbaine érigée aucours du XXe siècle, explique le cinéaste. C’est à lafois la capitale de la culture et du crime en Australie.J’en aime tous les recoins étranges et malpropres etj’ai essayé de rendre cette impression à l’image.»

ASPIRATEURS. La même histoire, le même styleimplanté à Los Angeles ou New York perdrait pro-bablement une part de son originalité. Mais le ci-néaste tiendra-t-il longtemps face aux appels dupied des studios hollywoodiens, aspirateurs à ta-lents qui se transforment souvent en sani-broyeurscréatifs (remember John Woo, ou les compatriotesMathieu Kassovitz et Olivier Dahan)? «C’est diffi-cile de résister. Vous êtes mieux payé, on vous donneplus de moyens pour faire des films qui seront vus parplus de gens que les films australiens. Et il est culturel-lement simple pour nous de nous adapter au systèmeaméricain. Les grands cinéastes australiens des an-nées 70 – Peter Weir, Phil Noyce, Fred Schepisi –,avaient le temps de faire quatre ou cinq films en Aus-tralie avant de filer à Hollywood. Maintenant, letransfert s’opère dès le premier film, et je ressens cettepression-là aussi, même si j’ai encore envie de racon-ter des histoires spécifiquement australiennes.»On attend la suite avec une grande curiosité en es-pérant que le brio, le panache stylistique du ci-néaste ne se galvaude pas trop vite au contact decommandes standardisées. Qu’il rôtisse encorequelques lustres au soleil noir d’une Australie ma-lade, ça nous convient parfaitement.

DIDIER PÉRON

LES «BLEUS» AUSTRALIENS

Le collectif australien Blue Tongue («languebleue», en référence à un lézard local) a étécréé en 1996 par Nash Edgerton, à l’époquecascadeur sur des blockbusters, avec son frèreJoel et Kieran Darcy­Smith, deux acteurs fraî­chement émoulus d’une école d’art dramatique.Considérant que l’union fait la force, ils ontagrégé d’autres aspirants acteurs ou cinéastes,tels David Michôd, Luke Doolan et Spencer Sus­ser. «Nous avons commencé à faire des courts­métrages, raconte Michôd. Nous n’avons aucunstatut officiel, il y a bien un bureau Blue Tongue,mais je n’y ai jamais mis les pieds. Nous sommesjuste des amis qui nous entraidons à différentspostes sur chaque film.» Ce n’est pas une boîtede prod ni un mouvement structuré (typeDogma), mais un gang qui a compris qu’il fallaitbouger en groupe, valorisant «la mise en com­mun des idées et des moyens techniques et lesencouragements mutuels». Kieran Darcy­Smithtermine son premier long métrage, Say Nothing(avec Joel Edgerton), Spencer Susser a signéHesher, qui sort en mai aux Etats­Unis (scénariocoécrit avec Michôd). De son côté, Nash Edger­ton sera présent au Festival de Cannes en com­pétition avec un court­métrage, Bear.

Catherine Frot,un éclat juste.PHOTO DR

THE FRENCH CONNECTION ET RED EAST PICTURES PRÉSENTENT

Julien Carbon & Laurent CourtiaudUN FILM DE

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ACTUELLEMENT AU CINÉMA

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 À L'AFFICHE CINÉMA • III

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LES NUITS ROUGESDU BOURREAU DE JADEde JULIEN CARBONet LAURENT COURTIAUDavec Carrie Ng, Frédérique Bel… 1h38.

Avec son titre qui rappelle les richesheures des cinémas des Grands Bou-levards, les Nuits rouges du bourreaude jade forment un territoire familier–énième tentative de résurrectiond’un cinéma de genre– mais, pourune fois, lesté d’agréables surprises.Le film est avant tout une généreusecollection de fantasmes, de pelliculeou simplement sexuels, dans la-quelle les femmes sont fatales et ré-férencées au panthéon des légendesde l’écran tandis que les hommes ensont réduits au statut de brutes qu’ils’agit de contourner, à coups deflingues s’il le faut.Outre l’histoire alambiquée pour pasgrand-chose, c’est surtout la jubila-tion de Carbon et Courtiaud à mettreen scène les cruelles performancesde la belle Carrie Ng qui constitue lecharme le plus contagieux du film.Et ce dès la scène inaugurale, où unepauvre fille passe un sale quartd’heure dans une machine infernalequi la transforme en statue de latexavant que Carrie ne s’occupe de soncas. A l’évidence, les deux cinéastesaiment éperdument cette folle sadi-que dont l’imagination et la dexté-rité à manier des griffes de métal fe-raient passer Jack l’éventreur pourun charcutier humaniste.Elle campe une richissime excentri-que de Hongkong qui aime le drymartini, l’opéra cantonais et tran-cher en rondelles des prostituéesnubiles. Surtout, elle poursuit unrêve érotique ultime: se procurer unpoison mythique qui décuple lessensations de celui ou celle qui l’ab-sorbe. Le plaisir ou la douleur abou-tissent à la mort, dans un orgasmede calibre feu d’artifice ou dansd’indicibles souffrances. De toutemanière, ce n’est pas la fin qui im-porte mais bien le raffinement féti-chiste pour y parvenir. C’est ici laparabole de tout l’univers des réali-sateurs. La belle Carrie, génie dumal forcément solitaire, déambu-lant sur ses talons de quinze dans unHongkong déserté (une des plusbelles idées du film), traquée dansune maison coloniale à l’abandonpour un finale à la Johnnie To ouécrasant une larme en écoutant unair d’opéra sont des scènes qui suffi-sent largement à former un film.

BRUNO ICHER

UNE IDÉE DERRIÈRE LATEXFÉTICHISME «LesNuits rouges dubourreau de jade»,série B sadiquede deux cinéastesfrançais installésà Hongkong.

P hysiquement, ils se ressemblent un peu.Et, quand ils parlent, on finit par confon-dre Laurent Courtiaud et Julien Carbon.

Depuis près de quinze ans, ils vivent à Hong-kong après avoir écrit dans diverses publica-tions, comme HK dont ils sont cofondateurs, leCinéphage ou Mad Movies. A Hongkong, ils onttravaillé comme scénaristes pour Tsui Hark(Black Mask 2: City of Masks), Peter Pau (le Talis-man), Kit Wong (The Black Door) ou Johnnie To(Running out of Time). Après un court métrage,Betrayal, ils signent leur premier long qui enlaisse augurer d’autres.Comment vous êtes-vous retrouvés à Hongkong?Vers le milieu des années 80, la nouvelle vaguehongkongaise disait que tout se passait là-bas.Il fallait que nous y soyons, et nous avons débar-qué en 1996. Avec notre cinéphilie extrêmementéclectique, nous avons perçu une industrie ducinéma très énergique, dépassant toutes les cha-pelles qui, en Europe, nous semblent de plus enplus imperméables les unes aux autres. Ensuite,nous nous sommes accrochés.Dans le film, vous rendez hommage à des ciné-mas très différents. Le torture porn, Bava, Mel-ville ou le Chu Yuan de Confessions intimes d’unecourtisane chinoise…C’est ce que nous sommes. A la fois un cinémafait de références à ce que nous aimons mais enfaisant toujours en sorte de ne pas être dans lepastiche. Pour le personnage incarné par Frédé-rique Bel, par exemple, nous lui avons mis lechignon de Vertigo et l’imper du Samouraï deMelville. Même son arme, un Mauser, colle bien

à son look un peu désuet. Cela correspondait aufantasme asiatique des femmes occidentales.D’où sort cette machine épouvantable de la pre-mière scène?Ça existe. C’est un lit d’étouffement, une prati-que SM relativement courante mais pas très ci-nématographique. Il s’agit d’une en-veloppe de latex dont on vide l’air quiy est contenu, immobilisant la per-sonne à l’intérieur. Pour rendre lascène plus spectaculaire, nous avonsfait construire une machine qui fonc-tionne parfaitement. Nous l’avons es-sayée et, franchement, ce n’est pastrès agréable. Ce qui nous a séduits,c’est qu’elle met, littéralement, saproie sous un blister. Comme ces col-lectionneurs qui possèdent des figu-rines sans les enlever de leur embal-lage.L’opéra qui constitue la mythologie del’histoire existe-t-il vraiment?Nous avons écrit le livret et nousdevons être les seuls Occidentauxdans ce cas. Nous avons tournédans la dernière salle de Hongkongqui donne ce genre de pièces, le Sun Beam.Cela réunissait de nombreux éléments défi-nissant le caractère de Carrie. Elle est culti-vée, jouisseuse, raffinée, et sa vie est un en-chaînement de «performances». En faisantcoïncider son existence avec l’opéra, cela luidonnait une origine et un but. Enfin, les répé-titions auxquelles elle assiste agissent comme

un chœur antique qui nous raconte les sour-ces de sa folie.D’où vient l’idée de montrer Hongkong désert?Les lieux où nous voulions tourner au départ ontdéjà été utilisés et nous ne voulions pas un re-gard occidental de touriste. Or, la ville peut être

d’une densité énorme, mais il suffitparfois de faire quelques dizaines demètres pour atterrir dans un coin dé-peuplé. Cela accentue le fait que nospersonnages sont à moitié dans laville et un peu en dehors. Comme lamaison abandonnée de la fin, avecses escaliers ombragés pour y accé-der et sa végétation dense. Cela ren-dait palpable la solitude de notrepersonnage et le fait que personne necomprenne rien au monde qu’elle avoulu créer toute sa vie.Dans une scène de torture, Carrie Ngse fait un dry martini raffiné… C’estune autre de vos fantaisies?On ne va pas dissimuler notre féti-chisme pour les femmes, ce cinémaou les cocktails. C’est un art très dé-licat. A Hongkong, vous trouvez des

bars où ils sont faits sublimement.Le dry martini parfait ?La glace dans un shaker, le vermouth, du Dolinde Chambéry, puis cinq fois le volume de gin,du Martin Miller ou du Beefeater. Enfin, unegoutte d’orange bitter. On secoue et on verseavec un zeste de citron, une olive ou un oignon.

Recueilli par B.I.

INTERVIEW Julien Carbon et Laurent Courtiaud, réalisateurs des «Nuits…» :

«FAIRE UN CINÉMA DE RÉFÉRENCESSANS TOMBER DANS LE PASTICHE»

DR

DR

Un lit d’étouffement,«pratique SMrelativement courante»,selon les réalisateurs.PHOTO DR

Julien Carbon.

Laurent Courtiaud.

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011IV • CINÉMA À L'AFFICHE

Page 22: Libération - Mercredi 27 avril 2011

THORde KENNETH BRANAGHavec Chris Hemsworth, NataliePortman, Anthony Hopkins… 2h10.

Pendant que Spider-Man secasse la gueule (au sens propre)à Broadway, ses camarades del’écurie Marvel continuent leurOPA hollywoodienne: annoncél’an dernier à grands coups demarteau dans la scène post-gé-nérique d’Iron Man 2, Thor dé-barque sous l’objectif de Ken-neth Branagh quelques moisavant Captain America. L’ac-teur-réalisateur de Frankens-tein, plus connu pour ses adap-tations shakespeariennes quepour ses délires pyrotechni-ques, s’en tire avec les hon-neurs, d’autant que les premiè-res images faisaient craindreune kitscherie cadrée commeun clip de Mylène-je-je-suis-libertine-Farmer. Les critiquesdes geeks, Branagh sait gérer.«Les ados fans de comics ne sontpas plus fous que moi à 16 ans,quand je partais en auto-stoppour aller voir des festivals dethéâtre», nous confie-t-il lorsde son récent passage parisien,entre deux gorgées de thé, pré-cisant avoir l’habitude «desopinions de puristes» sur sontravail.Trêves. Pour les recalés en my-thologie superhéros, résumonsl’affaire: Thor s’apprête à pren-dre le trône du royaume d’As-gard quand une petite incartadeguerrière chez d’anciens enne-mis lui vaut d’être exclu par sonroi de père, Odin, plutôt à che-val sur le respect des trêves. Levoilà condamné à errer surTerre (et sans pouvoir) jusqu’àson inévitable rédemption.Sur place, au Nouveau-Mexi-que, le Dieu du tonnerre déchuva trouver de quoi s’occuper :

récupérer son arme fétiche gar-dée par l’armée, draguer unescientifique mignonne (NataliePortman, pas mal non plus sanstutu) ou encore anéantir unmaximonstre en ferraille cra-cheur de feu, etc.De toutes les adaptations de co-mics déferlant depuis le débutdes années 2000, Thor est sansconteste le personnage le plus«fantastique», comprendrecasse-gueule, à traduire àl’écran sans verser dans le ridi-cule : aucune excuse pseudo-scientifique (overdose de rayons

gamma, mutation génétique…)pour justifier ses pouvoirs, voilàjuste un blondinet body-buildévenu d’un monde parallèle quise trimballe en cape rouge etcasque à plumes parce que chezlui, c’est la norme.Bisbille. La performance del’Australien Chris Hemsworth,impeccable dans le rôle-titre dubranleur divin, est doncd’autant plus remarquable.Thor évoque parfois le Hulk deAng Lee (2003), notammentdans ses scènes de bisbille père-fils ou de super-idylle contra-

riée. On se souvient que cinqans après sa sortie, Marvel re-niait son existence et chargeaitle Français Louis Leterrier de li-vrer une version plus musclée.Si un tel désaveu devait frapperBranagh, il l’envisagerait avecphilosophie: «Je ne me sens pasplus garant de Thor que deShakespeare, qui a inspiré bienplus talentueux que moi !D’ailleurs, j’ai appris qu’un nou-veau Henry V allait être produiten mode science-fiction. Je leursouhaite bonne chance.»

ALEXANDRE HERVAUD

«THOR»: BRANAGH,MÊME PAS CAPECOMICS Le Britannique délaisse Shakespearepour pister le fils d’Odin au Nouveau­Mexique.

LE PREMIER RASTA de Hélène Leeest un documentaire qui retrace l’exis­tence de Leonard Percival Howell(1893­1981), qui deviendra le maîtrespirituel du reggae. Hélène Lee,ancienne journaliste world music pourLibération, avait déjà écrit un livre surlui mais la version filmique permetd’approfondir encore la généalogie dumouvement rasta (lire Libé d’hier).Un inexcusable foirage d’agendaélectronique nous a privé de la joied’assister à la dernière projo de B.A.T.des frères Farrelly avec Owen Wilsonet Christina Applegate, une comédiesur deux mecs mariés qui se voientdélivrer l’autorisation par leurs fem­mes de draguer qui ils veulent pen­dant une semaine. Elles­mêmes vontprofiter de leur absence pour rencon­trer des joueurs de base­ball. Les Far­relly sont les auteurs de Mary à toutprix, Dumb and Dumber et autre Deuxen un, soit les trucs les plus barrés etdrôles sortis des usines hollywoodien­nes ces dix dernières années.Nettement moins marrant, LA LISIÈREde Géraldine Bajard, un premier filmd’une grande maîtrise formelle mais ona eu du mal à capter le pouvoird’envoûtement. On y suit des adosdans un complexe de résidence neuvedans une zone forestière qui focalisentleur ennui et leurs pulsions torves surun nouveau venu, jeune médecin inter­prété par Melvil Poupaud.Découvert avec Sexy Boys, un genred’American Pie à la française, Sté­phane Kazandjian signe MOI STÉ­PHANE G., MILLIARDAIRE, MAÎTREDU MONDE, faux docu sur un patrondu CAC40 (François­Xavier Demai­son) emblème de la France ultralibé­rale dont rêvent les sarkozystes.IL ÉTAIT UNE FOIS UN MEURTREest un polar stylisé allemand de BaranBo Odar sur des jeunes filles assassi­nées en été.

D’AUTRESFILMS

Thor, blondinet body­buildé condamné à errer sur Terre. PHOTO MARVEL

un fi lm de Céline Sciamma

HOLD-UP FILMS & PRODUCTIONS présente

BERLIN 2011PANORAMA

ACTUELLEMENT AU CINÉMAZoé Héran Jeanne Disson Malonn Lévana Sophie Cattani Mathieu Demy

Scénario et réalisation Céline Sciamma Production Bénédicte Couvreur Casting Christel Baras Image Crystel Fournier Son Benjamin Laurent/Sebastien Savine Montage Julien Lacheray Mixage Daniel Sobrino 1ère assistante réalisatrice Valérie Roucher Décors Thomas Grézaud Directrice de production Gaëtane Josse Maquillage Marie Luiset Une production Hold up fi lms En coproduction avec Lilies Films et ARTE France Cinéma

Avec la participation de Canal + et ARTE France Avec le soutien de la Région Ile-de-France en partenariat avec le CNC En association avec ARTE/Cofi nova6 et Films Distribution Ventes internationales Films Distribution Distribution Pyramide

LE COUP DE CŒUR DE LA PRESSE !Merci pour ce fi lm !

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LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 À L'AFFICHE CINÉMA • V

Page 23: Libération - Mercredi 27 avril 2011

UN MONDE DE MACHINES Cycle auForum des Images, Porte St­Eustache, 75001,jusqu’au 22 mai.Rens.: Forumdesimages.fr, 0144766300.

U n monde de machines. Vaste sujet. Ilfaudrait presque le prendre à l’enverspour en jauger la démesure : pour-

rait-on vivre dans un monde privé de tousprolongements machiniques? Leur omnipré-sence explique le spectre à 360° du cycle queleur consacre le Forum des images jusqu’au22 mai. Près de 150 films ont été program-més, agrémentés de tables rondes où l’on adéjà pu entendre parler de néo-luddites(contre les nouvelles technologies), du travailen usine et de son abrutissement avec legroupe Nigwal, spécialiste en sociologie dutravail, ou du documentaire de Harun Fa-rocki sur la fabrique de briques dans diffé-rents pays (En Comparaison, 2009). Cemois-ci, il sera question de l’homme-ma-chine (l’écrivain Ariel Kyrou, parrain du cy-cle, dialoguera le 5 mai avec Enki Bilal), desinteractions entre imaginaire et science-fiction (le 11 mai), de cyberféminisme (le13 mai) ou de l’exploration de Mars avec desrobots mobiles (le 18 mai).Cuisine. La thématique part de l’utilitarismemécaniste, de ces robots dont l’homme nepeut désormais se passer pour son quotidien,à l’interrogation existentielle sur leur deve-nir, de l’évolution de cet autre qui n’est pasmoi et qui pourrait bien devenir plus véloceque je ne le suis. Entre joie et frisson, entresurvie et mort de l’humanité. Sur les robotsménagers, on songe à l’air primesautier etgrinçant de Boris Vian. La mécanique a cecide bien qu’elle allège les corvées. Le rêve setrouve dans la cuisine du futur de la publicitéDesign for Dreaming de William Beaudine en1956. Ou dans la télévision dont Jim Carreys’empresse d’équiper tous les foyers (Dis-joncté de Ben Stiller, 1996). La religion duprogrès peut basculer du côté de l’absurdité,décrite par Jacques Tati dans Mon Oncle(1958) ou du pittoresque dans le dessin animéWallace et Gromit de Nick Park.Elle devient plus trouble lorsqu’elle investitles territoires de l’intime, abolissant les fron-tières individuelles. L’androïde de Iku l’or-gasme de Shu Lea Cheang (2000) collecte desdonnées sur le plaisir sexuel pour les restituersous formes de capsules multicolores. L’éro-tisme mécanique, lui, peut faire fantasmer et

côtoyer la violence dans Crash de David Cro-nenberg (1996), projeté le 8 mai. La voiture,véhicule de valeurs symboliques, a aussi étélargement explorée, comme dans la publicitéSublime Automobile (2010). Quand l’obsessiontechniciste semble avoir totalement disparude l’écran, c’est parce que le «cinéma lui-même regarde sa propre machine», souligneZeynep, la programmatrice du cycle.Ainsi des Ensorcelés de Vincente Minnelli(1953), tableau doux-amer de l’usine à rêvesde Hollywood ou de l’Homme à la caméra de

Dziga Vertov (1929), histoire du démiurge quirecrée le monde artificiellement en le redé-coupant au prisme de l’œil. En extrapolant,la réussite des studios Pixar peut tenir dansce paradoxe de la médaille et ses deux faces.

Si Wall-E d’Andrew Stanton(2008) est associé au techno-pessimisme, prenant commeun héros le dernier robotnettoyeur de déchets sur uneTerre-poubelle, il est lui-même généré par un ordina-teur, comme le souligne lecritique Hervé Aubron (1).

Altérité. Paradoxe presque similaire dans latrilogie Jason Bourne (Doug Liman pour lepremier volet en 2002, puis Paul Greengrassen 2004 et 2007), adaptée des romans de Ro-bert Ludlum. C’est le «cinéma d’action améri-cain, où il n’existe plus aucune autre machineque le cinéma lui-même», a avancé le critiqueEmmanuel Burdeau lors d’une conférencedébut avril, à réécouter sur le site du Forumdes images. Jason Bourne, amnésique repê-ché au large de Marseille, espion de la CIAconditionné, recèle dans sa hanche une cap-

sule avec un numéro de compte. Arme depointe du gouvernement américain à 30 mil-lions de dollars, est-il pour autant une ma-chine ? Sa faculté de s’étonner de ce qui nelui correspond pas et le fait ainsi concevoirl’altérité pousse à dire non. L’homme restefinalement faillible, rassure Minority Reportde Steven Spielberg (2002), adapté d’unenouvelle de Philip K. Dick.La société technologique moins. L’instinctparanoïaque de l’auteur de science-fictionaméricain a beaucoup inspiré les réalisateursces quinze dernières années avec plus oumoins de bonheur (dernier film en date,l’Agence). La machine est donc loin d’avoirrattrapé l’homme, être d’émotions. Quandc’est le cas, c’est pour lui donner des leçonsd’humanité. Ainsi du petit robot de Wall-E,machine sentimentale et miroir culpabili-sant de nous-même. Gerty, le robot de Moonde Duncan Jones (2009), va désobéir aux or-dres qu’il suit à la lettre depuis des annéesface à la détermination de Sam. De leur face-à-face dans la station lunaire depuis troisans, Gerty semble avoir gagné en empathie.Mais sa quasi-perfection d’intelligence arti-

ficielle ne compense pas la solitude de l’as-tronaute.Câbles. «Trois ans, c’est long. Je parle toutseul régulièrement. Il est temps que je rentre»,dit Sam, qui ne sait pas ce qu’il attend. Unclone n’est-il pas aussi qu’une machine? Lamachine qui prend les apparences humaines,de l’automate (sujet d’une conférence le28 avril à travers la Règle du jeu – 1939 – deJean Renoir, le Limier – 1972 – de JosephMankiewicz et Pickpocket –1959– de RobertBresson) au cyborg (Teknolust de Lynn Hers-man-Leeson, 2002) jusqu’à l’avatar (JamesCameron, 2009). L’issue philosophique setrouve peut-être dans Sleep Dealer d’Alex Ri-vera (2008), qui exhale des relents d’eXistenzet de Matrix, tout en critiquant l’exploitationimmigrée. Connecté dans sa chair par descâbles, l’homme corvéable peut désormaisconstruire un immeuble à distance, sans êtresur place, grâce à l’énergie de sa concentra-tion. Ou bombarder de l’autre bout dumonde. Au risque d’imploser ou de se trom-per. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

FRÉDÉRIQUE ROUSSEL(1) Génie de Pixar, éditions Capricci.

C’EST JOUR DE MACHINESERROR Le Forum des images propose près de 150 films retraçant l’histoire des robots au cinéma.

La thématique va de l’utilitarismemécaniste à l’interrogation existentiellesur l’évolution de cet autre qui n’estpas moi et qui pourrait devenir plusvéloce que je ne le suis.

En haut: Sleep Dealer, d’Alex Rivera. Ci­dessus: l’Homme à la caméra de Dziga Vertov, et Mon Oncle de Jacques Tati. PHOTOS PROD DB

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011VI • CINÉMA ZOOM

Page 24: Libération - Mercredi 27 avril 2011

L’officière de SOURCE CODE, Vera Farmiga, est prenante.Comme on dit campus film ou road-movie, Source Codeest un film d’écran. En abîme, à l’écran (figurant un écranen capture d’écran, etc.) apparaît régulièrement au hérosle visage de la gradée Colleen Goodwyn. Héroïne du jouren rappel à l’ordre. Qui recadre, briefe ou débriefe, posé-ment, sans passion comme il sied à l’uniforme, le person-nage hagard de Colter Stevens au rapport.Lui-même est sergent, ou quelque chose de ce tonneaude sardines. Ses souvenirs datent d’un engagement en hé-licoptère au fin fond de l’Afghanistan, et le voilà du côtéde Chicago deux mois après, avec un vide entre, flippé etplissé face à une espèce de Michael Jackson intime (Mi-chelle Monaghan, toujours gênante à voir), se réveillantà un train d’enfer.Entre Cube et Triangle, The Jacket, l’Effet Papillon et autresHors du temps, la problématique K. Dickienne de ce «Joursans fin-rewind» est: «Peut-on revivre le passé sans altérerle continuum spatio-temporel, du big-bang à l’apocalypseen désintégrant le présent au passage ?»

Pour jouer le gradé déphasé, le chéri des jeunettes JakeGyllenhaal. Moins scolopendre langoureux à regard debasset ébahi que d’usage, le giton de «Bareback Moun-tain», qui se travestissait, dans la foulée de son largagerécent par Reese Witherspoon, en prince péplum de1001 Nuits, Gyllenhaal en résumé se tient bien, dans unfilm noir SF qui fait de même.Contre un principe de cette colonne, on peut signaler auvol, convoi se ruant cependant à sa perte, que l’opérateurest fils du chanteur Bowie, ce qui l’un dans l’autre nouslaisse froid.La tiède Vera Farmiga, pour y revenir, qui saisissait viaEsther dans In the Air face à Clooney au top (avant chutelibre de The American), échappe au type. C’est une figureverlainienne, à la grâce labiale et oculaire un peu défor-mée, aqueuse, sur l’air idéel d’«Est-elle brune, ou blondeou rousse, je l’ignore…»Apparentable à une Deborah Unger teintée de Cate Blan-chett et de Patricia Arquette mongole, Vera-Colleen,38 ans stricts marqués, exerce ce charme raide et capiteuxsur le héros littéralement régressif. Car «les moiteurs deson front blême / Elle seule les sait rafraîchir en pleurant».On n’en est pas là instantanément, sans approches, repri-ses, réglages de focale, intuitions, contractions, décodage,en révision de l’ABC de la relativité. Affaire de paliers dedécompression ou de montée dramatique, à tombeauouvert. L’affaire du thriller ferré un peu quantique SourceCode.On aurait bien traité, après tout cela, du cas princier albi-nos de Détective Dee (titre erroné ignare pour: le Juge Ti).Soit Chao Deng, dandy martial asiate de haut vol qu’unevoisine séduisante identifie d’autorité à Raphael (la voixétrange de Pacific 231), mais il n’est plus temps. C’est déjàla fin.

VERAFARMIGA,JAKEGYLLENHAAL& CHAODENGPar BAYON

BOBINES

Colter­Gyllenhaal, otage de Source Code. PHOTO J. WENK

I l y a écrit version beta,mais ce n’est pas du toutteubé. Le site Festival-

scope.com est la premièreplateforme internet consa-crée aux festivals ciné dumonde entier. On y mate desfilms rares en très beaustreaming et sous-titrés enanglais. En plus c’est gratuit.Oui, mais réservé aux pro-fessionnels. A l’occasion deCannes, Festival Scope estpar exemple partenaire de laSemaine de la critique et dela Quinzaine des réalisateurs.Il ne s’agit pas de griller leschefs-d’œuvre avant la Croi-sette, mais de permettre auxacheteurs potentiels ou auxcritiques de se faire une idéedes films précédents (pre-mier long ou courts-métra-ges) des réalisateurs présen-tés: entre autres Involuntaryde Ruben Ostlund et Capi-taine Achab de PhilippeRamos. Après Cannes, onpourra regarder certainsfilms du cru 2011.L’idée de cette plateforme estvenue il a deux ans à un triode stratèges des ventes et dela distribution internatio-nale: Alessandro Raja, Ma-thilde Henrot et Lucie Kal-mar. Ils l’ont lancée l’anpassé en mettant en ligneune partie des sélectionsalternatives de la Mostra deVenise. Leur but est de per-mettre aux films inaperçusde s’exporter, c’est donc cequ’on appelle dans le sabirvirtuel du B2B (business tobusiness).Comme dans un vrai festival(il y en a pour l’instant42 représentés), tous lesfilms présents sur le site nesont pas visibles aux mêmesdates par les différentes ca-tégories d’adhérents. Et lesayants droit ont accès auxstatistiques de visionnage deleurs poulains ainsi qu’auxcommentaires que les vi-sionneurs veulent bien lâ-cher. En effet, le spectateurdu site peut, outre contacterles réalisateurs ou les ayantsdroit et obtenir du matérielde promo, se faire ses listesde shopping perso annotées.Si les candidats à s’exposersont nombreux, le site cibleses choix afin de ne pas«noyer les œuvres», expliqueMathilde Henrot. «Nous vou-lons aussi créer le désir de voirles films.» Pas question deremplacer la projection ensalles. Ainsi, pour le festivalinternational Transilvania de

Roumanie ne seront dispo-nibles que les films rou-mains. De Clermont-Ferrand, seulement les pri-més. Et comme l’équipe

écume forcément les festi-vals, se créent des projetsspéciaux, telle une rétros-pective exclusive du DigitalProject du JIFF de Jeonju (en

Corée) avec des Pedro Costa,des Naomi Kawase et desApichatpong Weerasethakulincunables.

ÉRIC LORET

FESTIVAL SCOPE,CANNES À LA MAISONPRO Un site pour visionner certaines œuvres sélectionnées.

Involuntary, du Suédois Ruben Ostlund, visionnable sur Festivalscope.com. PHOTO CHRISTOPHEL

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LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 ZOOM CINÉMA • VII

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Film Semaine Ecrans Entrées Evolution CumulRio 2 667 386 041 ­16% 986 919

La Fille du puisatier 1 513 344 955 ­ 344 955Source Code 1 272 226 720 ­ 226 720

Scream 4 2 440 209 305 ­49% 742 361La Croisière 1 380 190 496 ­ 190 496

190 496 personnes sont montées àbord de la Croisière. Ce qui fait dumonde sur une seule galère. Avecpeut­être Titanic en vue, rapport aunombre moyen de spectateurs parcopies (501 pour 380 écrans). Pro­portionnellement, Tomboy de Cé­

line Sciamma fait mieux (45078 en­trées pour 77 copies). Comment ça,vous n’avez pas encore vu Tomboy?Mais à quoi ça sert que Libé se dé­carcasse? Qui a dit : «A rien»? Fu­sillé à l’aube! A propos de se décar­casser, au rayon «Ducros, Thym et

farigoulette, mélange brochette», laFille du puisatier a ravi de nombreuxamateurs de shampoing aux herbes.Ugolin­Auteuil, il a le sourire quec’est comme un rayon de soleil dansla garrigue. Grillons­en une pouroublier.

LE BOX­OFFICE (SOURCE «ÉCRAN TOTAL»)

DR

B.C

HIL

DS

DR

TOMBOYde Céline Sciamma, 1h22.Au jeu des 7 familles, dans la famille«moderne», je demande Laure, lafille. C’est Michaël qui sort. Bonneou mauvaise pioche ? CélineSciamma se garde bien de répondreà ce genre de questions d’un drôlede genre, dans ce film sur un garçonmanqué (ou «garçon tanké» commela cinéaste se souvient l’avoir en­tendu à son compte dans son en­fance) qui bouscule les représenta­tions gagas sur l’enfance et lesquestionnements mornes sur l’iden­tité. A voir absolument.

DÉTECTIVE DEEde Tsui Hark, 2h03.The Blade, Time and Tide, Il étaitune fois en Chine, on connaît leHongkongais Tsui Hark pour quel­ques chefs­d’œuvre du cinéma d’ac­tion ou de sabre. On l’avait perdu devue depuis quelque temps mais ilréapparaît en pleine forme avec cefilm en costume complètement ba­roque. L’intrigue, alambiquée, se dé­roule à la cour impériale de Pékin,circa le VIIe siècle, avec l’impéra­trice Wu qui soupçonne à peu prèsl’intégralité de son entourage devouloir l’assassiner. Et elle a raison.

JE VEUX SEULEMENT QUEVOUS M’AIMIEZde Rainer W. Fassbinder, 1h50.Téléfilm inédit en France, tourné parle cinéaste allemand en 1976, cedrame décrit l’inexorable descenteaux enfers d’un jeune maçon qui neparvient jamais à percer la muraillede froideur que le monde érige de­vant lui à chaque fois qu’il tented’étreindre autre chose qu’une pro­messe de boulot, de mariage, de viebien rangée, de famille un peu plusattentive. L’acteur principal, VitusZeplichal, est proprement halluci­nant. A découvrir.

LES CHOIX DE «LIBÉ»

CINEMA

Ce n’est pas le premier coffret «définitif» sur Apo­calypse Now de Coppola, mais celui­ci est bien leplus complet en rayon. Le film de légende sortenfin en Blu­ray dans ses deux versions (l’originaleet la redux), plus scènes coupées, interviews réali­sées en 2010 (Coppola, Martin Sheen, John Milius),commentaires du réalisateur. Surtout, il y a Heartsof Darkness, making­of dantesque du film en perdi­tion aux Philippines, un document signé Fax Bahr,George Hickenlooper et Eleonora Coppola,

l’épouse de Francis, qui a passé une bonne partiedes quelque deux cents jours de tournage à filmerle chaos. Parmi les grands moments, Brando qui, endépit du million de dollars de salaire, ne connaîtpas son texte, les scènes tournées en plein typhonou encore Coppola obligeant Martin Sheen(photo) à se saouler à mort pour l’ouverture enva­pée. Le lendemain, l’acteur faisait une attaque car­diaque. PHOTO RUE DES ARCHIVESApocalypse Now, Fox Pathé Europa, 25€.

DVD L’«APOCALYPSE» EST COMPLÈTE

w La première image?J’avais 7 ans. Après Champs-Elysées de Drucker, ils diffusaientThriller de John Landis avec Mi-chael Jackson. Mon premier clip,mon premier film, mes premierszombies.w La séquence qui a traumatisévotre enfance?C’est une scène de Hitchcock Pre-sents. L’histoire d’une femme en-terrée vivante. Depuis, les enterrésvivants de Tarantino (Uma Thur-man dans Kill Bill) et Nick, le flicdes Experts à Las Vegas, me re-plongent dans le même flip…w Le film que vos parents vous ontempêché de voir?Possession de Zulawski avecAdjani. A la première gifle infli-gée par son mari, ils m’ont en-voyé au lit.w Une scène qui vous hante?L’homme coupé en deux, dansParanoid Park de Gus Van Sant.wVous dirigez un remake? Lequel?Anchorman avec Michel Denisot[dans les années 70, un présentateurtélé –Will Ferrel– voit débouler unejournaliste émancipée – ChristinaApplegate –qui veut prendre saplace, ndlr].w Le film que vous avez le plus vu?Sans hésiter: Breakfast at Tiffany’s.Audrey Hepburn, Blake Edwardset Truman Capote : la classe.w Qui ou qu’est-ce qui vous faitrire?La scène de la fête dans Breakfastat Tiffany’s. Quand la dame à lacoiffure compliquée prend feu.w Votre vie devient un biopic. Quidans votre rôle? Et qui derrière lacaméra?Comme ma vie est un peu speed etparisienne, j’aimerais bien qu’uncinéaste contemplatif et thaï-landais en donne sa version. AlorsApichatpong Weerasethakul. Jevise haut.wLe personnage qui vous fait le plusrêver?Peter Sellers dans Bienvenue MisterChance de Hal Ashby. Il ne connaît

la réalité qu’à travers les images detélévision. J’ai parfois l’impressionque c’est moi…w Le cinéaste absolu à vos yeux?Alfred Hitchcock.w Le film que vous êtes le seul àconnaître?A partir des rushes non diffusés,le film interdit des électionsde 2007 avec Ségolène Royal etNicolas Sarkozy dans les rôlesprincipaux.wUne réplique que vous connaissezpar cœur?Les «Je ne vous aime pas, je ne vousaime pas, je ne vous aime pas», quidisent le contraire dans Madamede… d’Ophüls avec Danielle Dar-rieux (la chanson de FrançoiseHardy Je ne vous aime pas estchouette aussi).w L’acteur ou l’actrice que vousauriez aimé être?Catherine Deneuve.w Dernier film vu ? Avec qui ?C’était comment?Dans un avion: Morning Glory avecHarrison Ford et Diane Keaton. Lecommandant a interrompu le filmpour annoncer la descente. Dieusoit loué.w Un décor de cinéma, un lieu fictifdans lequel vous auriez aimé vivre?Le petit village japonais dans Monvoisin Totoro de Miyazaki. Une fo-rêt, le Japon, des rizières, de lapoésie, de la magie et un gros To-toro en fourrure qui peut éven-tuellement se transformer en mi-nibus quand on en a besoin. Quefaut-il de plus pour vivre ?wLe cinéma disparaît à tout jamais.Une épitaphe?Nul pour les épitaphes. Maisj’adore celle que Jack Lemmon achoisie pour sa pierre tombale.Aucune date mais seulementtrois mots: «Jack Lemmon in…» eten dessous, il y a la terre, satombe, son dernier rôle.w La dernière image?Le visage de Zoé Héran dans Tom-boy.

Recueilli par DIDIER PÉRON

Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.

«JE SUIS LE SEULÀ CONNAÎTRE LE FILMINTERDIT DESÉLECTIONS DE 2007»

SÉANCE TENANTEYANN BARTHÈSNé en 1974 à Chambéry (Savoie),le journaliste Yann Barthès estdevenu la vedette duGrand Journal de Canal + via sonPetit Journal quotidien qui faittrembler l’Elysée et la classepolitico­people dans son ensemble.PHOTO CANAL+

Page 26: Libération - Mercredi 27 avril 2011

Real-Barça:lescoachsen1contre1Le Real Madrid accueille ce soir le FC Barcelone en demi-finale aller de Ligue des champions.Gros plan sur José Mourinho et Josep Guardiola, leurs entraîneurs charismatiques.

Josep Guardiola. PHOTO JAVIER SORIANO.AFP José Mourinho. PHOTO CARL RECINE.DPPI

C lasicos de printemps, part III.Ce soir, les deux géants du footespagnol s’affrontent à Madriden demi-finale aller de la Ligue

des champions, dix jours après s’êtreneutralisés en Liga (1-1) et une semaineaprès la victoire du Real en Coupe duRoi (1-0). Jamais ces deux clubsn’avaient été autant dominés par la fi-gure de leurs entraîneurs. Portraitscroisés de José Mourinho dit «Mou»,l’intransigeant du Real, et de Josep(«Pep») Guardiola, l’élégant du Barça.

Trajectoire«Pep». L’enfant du club est une lé-gende vivante. Ce fils de maçon deSantpedor est un Catalan pur jus, culé(fan du Barça) depuis sa prime enfance.A 12 ans, il était ramasseur de balles auCamp Nou et n’avait d’yeux que pourson idole, Johan Cruyff, dont il devien-dra l’émule. Comme la star néerlan-daise, Guardiola fut le cerveau del’équipe (entre 1991 et 2000), puis sonentraîneur talisman: lors de sa premièresaison, en 2008-2009, il réussit le tri-plete (Liga-Coupe du Roi-Ligue deschampions). A 40 ans, il n’a quasimentconnu que Barcelone, s’exilant à la finde sa carrière de joueur en Italie, à Bres-cia –où il sera contrôlé positif à la nan-drolone puis blanchi – et au Qatar.«Mou». Le mercenaire par excellence.Cet ancien défenseur sans grand talenta explosé comme entraîneur en 2003.Cette année-là, à la tête du FC Porto, ilremporte le championnat du Portugalavec 11 points d’avance sur l’archirivalBenfica, et gagne en 2004 la Ligue deschampions (3-0 contre Monaco). Il iraensuite de succès en succès avec Chel-sea, puis l’Inter Milan qui, l’an dernier,remporte sous sa houlette le premiertriplé de son histoire. Il a débarqué cettesaison à Madrid, recruté (pour 10 mil-lions d’euros par an) par le mégaloma-niaque président Florentino Pérez, ungéant du BTP, selon qui Mourinho «peutrendre à lui tout seul la gloire au meilleurclub du XXe siècle».

Philosophie de jeu«Pep». «Il y a trois manières de jouer aufootball, ironise-t-il. La possession, lapossession et la possession.» A l’imagede son gourou Johan Cruyff (qui vit enCatalogne et ne cesse de lui donner desconseils), Guardiola est obsédé par lecontrôle de la balle, qui passe jusqu’à75% de la durée d’un match sous lescrampons catalans. «Avec le ballon dansles pieds, tu cours moins que l’adversaire,et tu choisis le moment pour percer la mu-raille adverse», dit-il.«Mou». La tactique du Portugais se si-tue aux antipodes. Il parie sur un jeu di-rect, nerveux et vertical. Pour lui, la

possession du ballon est secondaire; lapriorité, c’est le pressing pour faire suf-foquer l’adversaire. «Mourinho a troisgrandes qualités tactiques, dit le chroni-queur Diego Torres. Il sait créer l’unitéentre les joueurs, il ne laisse pas d’espaceà l’adversaire dans lequel il plante sescrocs à la moindre faiblesse.»

Style«Pep». Elégant, impeccable, il a troquéle jean de ses débuts d’entraîneur pourdes costumes de marque; il a même dé-filé pour le créateur catalan AntonioMiro. Sa calvitie naissante, vécuecomme un drame en Catalogne (dixitl’écrivain J.J. Millas), Guardiola a sul’assortir d’une barbe poivre et sel trèssoignée. C’est un introverti assumant lanotoriété tout en évitant ses excès. Iln’accorde jamais d’interview, exercicequ’il délègue à son «second», Tito Vila-nova, fidèle d’entre les fidèles qui ma-nie avec brio l’ironie et le fair-play.«Mou». Plus sexy qu’élégant, il joue lerôle du fauve lâché dans le cirque mé-diatique. Si, dans le privé, il est décritcomme un homme affable et chaleu-reux, il offre à l’extérieur l’image oppo-sée: hargneux, outrancier et arrogant.Touché dans son orgueil par la domina-tion du Barça en Liga, il invoque sanscesse l’arbitrage, l’état du terrain, le ca-lendrier ou la malchance. «La manipu-lation, les effets d’annonce, font partie deson style, écrit le quotidien Marca. Il enjoue pour intimider l’adversaire.»

Personnalité«Pep». En bon Catalan, c’est un fauxcalme. Le pur-sang qui bout à l’inté-rieur se laisse observer lorsque, au borddu terrain, il s’emporte, donnant descoups de pied sur son abri ou écrasantses bouteilles d’eau. Marié, trois en-fants, c’est un perfectionniste ultraner-veux et réputé très intelligent. Il prépareses matchs à la manière d’un joueurd’échecs et gare à celui qui ne respectepas les consignes! Idolâtré au Barça, oùl’on voudrait faire de lui un Alex Fergu-son catalan (attaché à vie au club), il semontre plus dubitatif: «Je suis plus prêtde la sortie que de mon arrivée.»«Mou». «Sur le plan privé, j’applique lerisque zéro, dit-il. Mais côté foot, je misele maximum.» Ce père de famille con-servateur, qui a rencontré sa femmequand ils étaient adolescents, a semé lazizanie au Real. Dans un club qui faitvalser les entraîneurs, il s’est imposécomme le chef incontesté. Quitte à pro-voquer, en 2010, un duel avec Jorge Val-dano, le directeur sportif, sur la néces-sité d’un nouvel avant-centre. «Jamaisun entraîneur n’a eu autant de pouvoir auReal», écrit le journal As. Mourinho,qui parlait de rejoindre l’Angleterre, achangé d’avis. «Il faudra encore compteravec moi. La deuxième saison, mes équi-pes sont encore meilleures !» •

Par FRANÇOIS MUSSEAUCorrespondant à Madrid

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201118 • SPORTS

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Le CENTQUATRE 104 rue d’Aubervilliers Paris 19E - M° Riquet Achat des places : Billetterie du CENTQUATRE 01 53 35 50 00 et www.104.fr Magasins Fnac et sur www.fnac.com | www.digitick.com

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Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP : C 80064.ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments

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MOTCARRÉSUDOKU

Docker

MOTCARRÉ

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7 5 6 3 8 4 2 9 1

6 3 9 2 4 7 1 8 5

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H. I. Cloche. - II. Plus que pressant. - III. Peuventfinir par faire tout un drame. Envoi de dragées pastoujours très apprécié. - IV.On y travaille pour rienoupresque,mais logéet nourri quandmême.Rade.- V. La présence, ou plutôt la non-présence de cecher et charmantM.Hessel l’amise dans tous sesétats au début de l’année.Mise. - VI. Un seul parmiquelques milliards. - VII. Suit calices et bassinet. -VIII. A quelquemal à s’en sortir. Sicilienne centraleautant que sulfureuse. - IX. Saute fort allègrement.Se retrouve très isolé après blutage. - X.Nomadeséleveurs de rennes dans la toundra du nord-ouestsibérien.A la têted’une longue lignéedecardinaux.- XI. Bien mouillée.V. 1.Cloche. - 2. En 1955, ce grand séminaristedevintle dernier propriétaireprivéde l’Originedumonde.Bien soutenue par son tuteur. - 3.Non sans goût. -4. Admis les pieds en l’air. Tailler tout en hauteur. -5. Toujours assez secoués dans leur petit cornet.Vif avec le suivant. Cf. le précédent. - 6. Pronom.Confortablement installé. Sedisperse tous azimutsà l’épellation. - 7.Devront aFendreonze ans encoreavant d’accueillir la coupe du monde de football.- 8. Rend cohérent. Lie. - 9.Manquer.

IIIIIIIVVVIVIIVIIIIXX

LES MOTS D’OISEAU E A@BC

H: I. Sonnaille. II.Orienteur. III.Maniées. IV. Blog.Ming.V. Renée.Nui. VI. Es. Urbain. VII. Assiste. VIII. Douées.Ou. IX. IMD. Soins. X.Oeil. Urne. XI. Tropismes.V:1. Sombre idiot. 2.Orales.Omer. 3. Ninon. Audio. 4.Neigeuse. LP. 5. Ane. Erses. 6. Item. Bisous. 7. Lésinas.IRM. 8. Lu.Nuitonne. 9. Erugineuses.

XI

w LES MOTS D’OISEAU DDeeuuxxiièèmmee ppeettiitt ssoonn ddee cclloocchheess ppaassccaalleess......

A B C D E F G H

8

7

6

5

4

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1

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Masters féminin de Chine, 2011Les Blancs jouent et gagnentB.Ding Yixin N.Hou YifanCht de France des jeunes à Montluçon Au niveau des ligues, l’Alsace a ceOe année unebonne longueur d’avance sur l’Ile-de-France. Cepen-dant, le mode de calcul est rudimentaire: on ajou-te les points acquis par les 5 premiers. Si l’on prendles 10 premiers, c’est l’Ile-de-France qui repassedevant avec 73,5 pts contre 71,5 pts. C’est ainsi queCécile Haussernot, du club Mulhouse Philidor, laseule à accomplir 9 points sur 9 possibles, pèselourd dans la balance malgré sa frêle silhoueOe. CCllaasssseemmeenntt ppaarr LLiigguuee:: 1er Alsace (108 qualifiés)39 pts; 2e Ile-de-France (140) 37,5 pts; 3e Côte d’A-zur (79) 36,5 pts; 4e Pays de Loire (65) 36,5 pts; 5eDauphiné Savoie (27) 34,5 etc. CCllaasssseemmeenntt ppaarr cclluubb:: 1er Mulhouse Philidor: 29qualifiés, 36,5 pts; 2e Sautron 13 qualifiés et 36 pts;3e Cannes-Echecs: 20 qualifiés et 34 pts; 4e Clichy-echecs 14 qualifiés et 34 pts; 5e Bischwiller 21 qua-lifiés et 34 pts, etc.Kortchnoï: toujours vert. Au tournoi de Saint-Sébastien, l’ex-n° 2 mondial des années 80 démon-tre qu’il est toujours d’aOaque: VVKK ((22555577)) -- LLiilllloo CC..((22228811)) 1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cc3 Fb4 4.e3 0–0 5.Cge2d5 6.a3 Fe7 7.Cf4 c6 8.Fd3 Cbd7 9.cxd5 exd5 10.Df3Te8 11.g4 Cf8 12.g5 Ce4 13.h4 Da5 14.Fd2 Cxd215.Rxd2 Db6 16.Rc2 a5 17.Thg1 Dd8 18.Dg3 b5 19.h5Fd6 20.Df3 Ta7 21.g6 fxg6 22.hxg6 h6 23.Ch5 De724.Tg2 Fe6 25.Ce2 b4 26.Cef4 Fc8 27.Cxg7! 1–0

11..TTxxbb77!!!! TTxxbb77 22..CCcc66++ Oncques ne vit, dans la colon-ne échecs de Libé telle cavalcade d’équidés: 22......RRff77 33..CCdd66++ 11--00.. Et ça continue de galoper dans lescommentaires: 3... Rg6 4.Ce7+ Rg5 5.Cf7+ Rh4 Leroi a enfin semé ses poursuivants, mais le dangerest maintenant devant lui: 6.g3+ Rh3 7.Fg2+ Rg48.h3+ Rh5 9.Ff3+ mat.

SOLUTIONNLMK

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Brest

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MontpellierMarseille

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Ajaccio

NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréfort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

0,3 m/11º

MMAATTIINN Le ciel se charge sur l'extrêmenord avec quelques averses vers laLorraine. Grisaille au pied des Pyré-nées, ailleurs soleil.

AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Le temps devient plus instable du nord-est au Massif central.Risque d’orages sur les Alpes. Tempéra-tures en baisse.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

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FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

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MERCREDI

Alors que le temps devrait rester secprès de la Manche et du Finistère auLanguedoc, un temps instable domi-nera ailleurs.

JEUDILe temps pourrait rester instable àl'est, notamment en montagne, tan-dis qu'un temps plus calme domine àl'ouest.

VENDREDI

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LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 JEUX­METEO • 19

Page 28: Libération - Mercredi 27 avril 2011

Dans un rapport mis en ligne le 31 mars,nous rendons publics les premiers ré-sultats d’une évaluation du CV ano-nyme expérimenté par Pôle Emploientre novembre 2009 et novem-bre 2010. Il ne nous appartient pas, entant que chercheurs, de tirer les consé-

quences politiques de ces résultats. Mais il nous sem-ble utile de préciser ce que l’étude dit, ce qu’elle nedit pas, et les pistes qu’elle ouvre.L’évaluation permet de mesurer de façon fiable ettransparente l’effet du CV anonyme sur les chancesd’accès aux entretiens et aux recrutements des can-didats, pour un ensemble d’entreprises dont les recru-teurs ont accepté le principe de l’expérimentation.L’objectif est d’améliorer notre connaissance des mé-canismes de recrutement, afin de mieux comprendrele rôle joué par l’information présente ou manquantesur les candidats.Pour comprendre la portée des résultats, un bref rap-pel sur la méthode est nécessaire. Dans huit dépar-tements, les entreprises de plus de 50 salariés dépo-sant une offre d’emploi se sont vu proposer par PôleEmploi d’expérimenter le CV anonyme. Si le recruteuracceptait, un tirage au sort déterminait si les CV cor-respondants à l’offre lui étaient envoyés tels quels, ouaprès anonymisation, c’est-à-dire après suppressiondu «bloc état civil» (nom, prénom, adresse, âge, na-tionalité et genre). Réalisée sur 1000 offres, l’opéra-tion a permis de constituer deux ensembles d’entre-prises, statistiquement identiques, les unes recevantdes CV nominatifs, les autres des CV anonymes. Lacomparaison des recrutements dans ces deux groupespermet donc d’isoler les effets de l’anonymisation duCV. Un tel protocole d’évaluation par «affectationaléatoire» est conforme aux standards internationauxd’évaluation des politiques publiques.

Cependant, il est des questions auxquelles, par cons-truction, ce protocole ne répond pas. Non, l’étude nepermet pas de conclure sur les effets complets d’unegénéralisation du CV anonyme : pour cela, il auraitfallu rendre la participation des entreprises obliga-toire, et inclure tous les candidats, et pas seulementceux qui passaient par Pôle Emploi. Non, l’étude nepermet pas de tester l’existence de discriminationsà l’embauche: il serait paradoxal pour cela de se limi-ter à un échantillon d’entreprises qui acceptent d’ex-périmenter un outil de lutte contre les discrimina-tions! De fait, les discriminations existent, mais c’est

un autre type d’études qui le prouve: le «testing» qui,sur un échantillon représentatif d’entreprises et à leurinsu, compare le devenir de CV fictifs sur lesquels onfait varier par exemple le nom, le prénom ou l’adressedu candidat.Des trente tableaux de résultats de notre rapport, ilnous semble possible de retenir trois faits. Un résultatgénéral d’abord: masquer ou afficher le bloc état civildu candidat modifie non seulement la liste des candi-dats convoqués en entretien, mais aussi le recrute-ment final. Autrement dit, un anonymat temporaire,même s’il est levé lors de l’entretien, a des effets dura-bles. Deuxième fait : le CV anonyme annule la ten-dance qu’ont les recruteurs masculins à sélectionnerdes hommes, les recruteurs féminins à sélectionnerdes femmes. Sur cette dimension, l’objectif visé estatteint: égaliser les chances des candidats, quel quesoit leur genre et celui du recruteur. Le troisième fait,

inattendu, concerne les candidats d’origine étrangèreou de quartiers sensibles (quartiers en zone urbainesensible, ZUS, ou en contrats urbains de cohésionsociale, CUCS). Dans les entreprises participantes,lorsque le CV est nominatif, ces candidats ont légère-ment moins de chances d’accéder à un entretien queles autres candidats. Au lieu de se réduire, cet écarts’accroît si le CV est anonymisé. L’anonymisation jouedonc, pour ces candidats, à rebours de l’objectif pour-suivi. Ce troisième résultat surprend. Il faut le resi-tuer: il porte sur les entreprises qui ont accepté d’en-trer dans l’expérimentation. Il est tout à fait possible

que, sur d’autres entreprises, le CV ano-nyme ait des effets favorables aux can-didats d’origine étrangère ou des quar-tiers sensibles. Cela, l’évaluation nepermet pas de le dire. Ce qu’elle dit,c’est qu’une partie des entreprises per-çoit favorablement l’origine étrangère

d’un candidat ou le fait qu’il réside en ZUS-CUCS. Soitces entreprises ont au départ une politique de recher-che de la diversité. Soit elles réévaluent favorablementle CV lorsqu’elles savent, grâce au bloc état civil, quele candidat a été confronté à un contexte plus difficile.Finalement, le CV anonyme ressort comme un outildont l’utilité peut varier selon les entreprises et les for-mes de discrimination. Mais il n’apparaît pas commeun remède universel. Les pratiques des entreprises ap-paraissent en effet hétérogènes, complexes au pointqu’il est difficile de les classer comme discriminantesou pas: les mêmes recruteurs qui traitent favorable-ment les candidats d’origine étrangère privilégient lescandidats de leur sexe. Ces pratiques ne s’avèrent pasirréversibles, en particulier lorsque l’information surles candidats est modifiée. Autant de pistes ouvertesà la recherche ; autant de paramètres à prendre encompte par les entreprises et les pouvoirs publics.

Le CV anonyme ressort comme un outil dontl’utilité varie selon les entreprises et les formesde discrimination. Mais il n’apparaît pas commeun remède universel.

Par LUCBEHAGHELEcole d’économiede Paris et Crest(Centre derecherches enéconomie etstatistique),BRUNOCRÉPON etTHOMAS LEBARBANCHON(Crest) sontchercheursen économie,et auteursdu «Rapportsur l’évaluationd’impact du CVanonyme» dansle cadre deJ­PAL Europe,laboratoired’action contrela pauvreté

CV anonyme: ce que dit l’évaluation

Retour sur «Des hommes et des dieux»

Le film Des hommes et des dieux aeu un grand succès public et cri-tique. Au-delà du message appa-rent de tolérance religieuse, peu

de critiques se sont interrogés sur la re-présentation donnée de l’histoire ré-cente et particulièrement de l’imagedonnée de la colonisation.Plusieurs séquences du film véhiculentune image condescendante du rapportentre moines français et villageois algé-riens. Les moines fournissent aide mé-dicale et administrative, pallient les ca-rences d’un Etat «corrompu». Mais lefilm ne dit rien sur le fait que les terresdu monastère étaient cultivées en com-mun dans le cadre d’une coopérative,rien sur le dialogue interreligieuxdéfendu par Christian de Chergé, qui estreprésenté sans interlocuteur théologi-que à sa hauteur, rien sur la présenced’un muezzin appelant à la prière aucœur du monastère. Sous le prétexte dedécrire la grande abnégation et la pro-fondeur de la vie spirituelle de ces moi-nes, qu’il ne s’agit pas de mettre encause, c’est une image complaisante,non exempte de clichés coloniaux, quiest donnée d’une relation entre un éta-blissement de Français et un villagealgérien. On peut bien sûr souligner que

ce n’est pas le propos du film, que ce-lui-ci concerne uniquement la passiondes moines, et qu’il s’agit de détailssecondaires qu’il est malséant de venirrelever. Mais c’est la réflexion sur l’his-toire, plus généralement, qui est écar-tée. Le point de vue choisi par le film,qui gomme toute dimension historiqueet particulièrement tout arrière-plancolonial, signifie que cet arrière-plann’importe pas à l’intelligibilité du destinde ces moines. C’est faux: il est néces-saire à sa compréhension, comme à cellede toute histoire algéro-française.Pour s’en convaincre, il suffit de pren-dre connaissance des propos de l’ancienmoine cistercien Henry Quinson.Celui-ci connaissait les moines de lacommunauté de Tibéhirine, dont il a ra-conté le destin dans plusieurs livres, eta conseillé Xavier Beauvois dans la réa-lisation du film. Il confiait à Thierry Le-clère (Télérama, n° 3165) son regret dene pas voir prise en compte «la raisonprofonde» de la présence des moines enAlgérie: «Christian de Chergé, l’intellec-tuel de la communauté, féru de dialogueislamo-chrétien, avait été sous-lieutenantpendant la guerre d’Algérie. Son amiMohammed, un garde champêtre, s’étaitinterposé et l’avait sauvé de la mort face

au FLN. Quelques jours plus tard,Mohammed avait été retrouvé égorgé.Christian en avait été marqué à jamais.Frère Paul, comme parachutiste, avait fait– ou au moins vu – des choses horribles.Quant à frère Luc, “le toubib”, il avait déjàété enlevé, en 1959, par des membres duFLN. Amédée était pied-noir et frèreChristophe était venu faire la coopérationaprès 1962.» Presque tous les moinesétaient donc marqués par l’horreur des

rapports coloniaux et de la guerre d’in-dépendance; c’est un élément essentielde leur histoire, un élément essentiel àla compréhension de leur choix et deleur passion. C’est leur rendre un piètrehommage que de dissimuler ce stigmatede leur humanité. Plutôt que de repré-senter cette dimension, le film choisitd’insister sur des questions malsaineset oiseuses d’attachement à la terre, jus-qu’à représenter, avec une lourdeurdémonstrative, frère Christian caressantl’écorce d’un arbre centenaire pour

Par SYLVAINLOISEAULinguiste,universitéde Caen

signifier son enracinement en Algérie.Ce point de vue an-historique dessineune situation totalement compatibleavec la vision des nostalgiques de l’Al-gérie française: les Algériens auraientsouhaité, au fond, le maintien de la pré-sence française; celle-ci leur aurait ap-porté de façon désintéressée les avan-tages matériels d’un niveau decivilisation plus élevé ; les colonsauraient eu un sincère intérêt pour la

culture musulmane etpouvaient arguer d’uneforme d’autochtonie.En définitive, on ne peutpas exclure que le succèsde ce film, au-delà de sesbonnes intentions appa-

rentes, s’explique par sa complaisancepour l’histoire française et par l’imagequ’il permet de contempler d’une rela-tion irénique et fantasmée entre Fran-çais et Algériens où seul l’amour désin-téressé aurait motivé les premiers et oùles seconds leur en auraient gardé unereconnaissance éperdue. Xavier Beau-vois est bien sûr libre de choisir unpoint de vue, le fait est que le point devue choisi ne risque pas de servir laconnaissance critique de notre histoirerécente.

Les moines étaient marqués parl’horreur des rapports coloniaux;c’est un élément essentiel àla compréhension de leur choix.

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201120 • REBONDS

Page 29: Libération - Mercredi 27 avril 2011

Le quitteou doubledesPalestiniens

C’est une idée qui fait bouger les choseset suscite de larges approbations.Plusieurs des plus prestigieux intel-lectuels israéliens s’y sont ralliés jeudien appelant «tous ceux qui aspirent àla paix et à la liberté» à soutenir le pro-jet des Palestiniens de proclamer unEtat dans les frontières de 1967 et dedemander sa reconnaissance, en sep-tembre, à l’Assemblée générale del’ONU. France en tête, les pays euro-péens envisagent désormais de soute-nir cette démarche, d’ores et déjà sus-ceptible d’être entérinée par lesNations unies à une claire majorité etde bouleverser, alors, la donne israélo-palestinienne.Non seulement un tel vote marqueraitun isolement diplomatique d’Israël sansprécédent mais l’occupation des Terri-toires palestiniens deviendrait, du jourau lendemain, l’occu-pation d’un pays souve-rain reconnu parl’ONU. Israël tomberait ainsi sous lecoup de sanctions internationales qu’illui serait difficile d’éviter et serait, sur-tout, autrement plus mal placéqu’aujourd’hui pour négocier leséchanges territoriaux que tous les plansde paix avaient envisagés et définisdepuis deux décennies dans le butd’éviter que les grandes colonies israé-liennes ne se retrouvent en terre pales-tinienne et de permettre, parallèlement,aux Palestiniens de créer une continuitéentre Gaza et la Cisjordanie.Comme le dit Benyamin Nétanyahou,c’est un «tsunami diplomatique» quimenace Israël et tout son intérêt estd’obliger les parties concernées à tenterde surmonter le blocage du processusde paix car personne, en fait, ne sou-haite en arriver là. Même les plus aveu-gles des Israéliens ne le voudraient pascar ils ne peuvent pas souhaiter que leurpays se retrouve dans la situation del’Afrique du Sud d’avant la fin del’apartheid. Les Palestiniens ne le veu-lent pas non plus, et le disent, puisqueleur admission à l’ONU ne signifieraitpas la fin de l’occupation, qu’ils en sontconscients et que leur objectif n’est pasde marquer un point contre Israël maisd’être enfin maîtres chez eux, disposantde l’Etat dont leurs erreurs les avaientprivés avant que l’intransigeance israé-lienne ne le leur dénie.Les Palestiniens veulent la paix etnon pas la poursuite de la guerre, fût-elle diplomatique, et les grandes puis-sances ne visent évidemment pas à af-faiblir Israël et compliquer encore ceconflit mais à parvenir à son règlementdéfinitif –la coexistence de deux Etats

dans des frontières mutuellementacceptées – afin d’éliminer l’une desplus grandes causes d’instabilité de larégion. A bas bruit, sans qu’il y soitprêté grande attention tant le «prin-temps arabe» et ses conséquencesoccupent le devant de la scène inter-nationale, la direction palestinienne estainsi parvenue à faire une réalité dudessein qu’elle avait forgé en annon-çant de longue date que, si le gou-vernement de Benyamin Nétanyahoune permettait pas la relance desnégociations bilatérales en gelant ledéveloppement des colonies, elleappellerait l’ONU à se prononcer surune proclamation d’indépendance uni-latérale.C’est un quitte ou double politique queles Palestiniens jouent là et il n’est pasimpossible qu’il soit gagnant pour cinq

raisons. La première estque l’image d’Israëls’est si considérable-

ment dégradée de par le monde depuisl’offensive contre Gaza que l’Assembléegénérale votera la reconnaissance de laPalestine si rien n’a bougé d’ici à sep-tembre. La deuxième est que l’idée dela coexistence de deux Etats s’est assezimposée pour que Benyamin Nétanya-hou, Premier ministre du gouver-nement le plus à droite qu’ait jamaisconnu Israël, en ait admis le principedepuis bientôt deux ans. La troisièmeest que les Etats-Unis considèrent, sansle dire, que la perspective d’une recon-naissance de la Palestine exerce une ef-ficace pression sur la coalition israé-lienne. La quatrième est que l’Autoritépalestinienne a procédé à de si pro-fondes réformes économiques enCisjordanie qu’un rapport des Nationsunies vient d’estimer qu’elle avaitdésormais jeté les bases d’un Etatviable.Quant à la cinquième raison jouant enfaveur de ce quitte ou double, c’est le«printemps arabe». Les Palestiniens nel’avaient pas prévu mais l’insurrectiondémocratique en cours au sud et à l’estde la Méditerranée a conduit les Occi-dentaux à plus que jamais vouloir en fi-nir avec ce conflit de crainte que saréactivation et une énième guerre neconsolident à la fois les mouvementsislamistes et les dictatures en place. Lerèglement du conflit israélo-palestinienest devenu l’une des conditions majeu-res du succès de la démocratisation desmondes arabes et c’est pour cela que lesinitiatives diplomatiques se multi-plieront d’ici à septembre, sans garantiede résultat mais avec de vraies chancesd’aboutir.

DIPLOMATIQUES

Par BERNARDGUETTA

Cessons d’avoir peurdes Tunisiens!

La Tunisie a accueilli sur son sol quelque200 000 réfugiés de Libye, sans crierà l’invasion.En Europe, 25 000 Tunisiens débar-

quent et nous imaginons déjà le retour desBarbaresques! Si ce chiffre de 25 000 est im-pressionnant à l’échelle de la petite île deLampedusa, il n’est pas représentatif d’undépart massif (la Tunisie comptant 10 mil-lions de Tunisiens) et encore moins d’une in-vasion de l’Europe (qui totalise tout de même500 millions d’habitants et dont le vieillis-sement est autrement plus préoccupant).En France, rappelons que 90% des migrantsen situation irrégulière sont arrivés avec unvisa Schengen de tourisme, et que ces visasSchengen représentent eux-mêmes 90% desvisas délivrés, soit 2 millions par an: difficilede toucher à un secteur si lucratif! Les imagesd’un touriste faisant tamponner son pas-seport sont bien moins spectaculaires quecelles de ces migrants qui débarquent, trem-pés, de leur bateau, non par plaisir, maisparce qu’ils n’ont pas accès, faute demoyens, au fameux sésame (une demande devisa coûte 60 euros non remboursables, soitdeux à trois semaines de travail, sans comp-ter le coût de l’assurance santé obligatoire,les justificatifs d’hébergement, les billetsd’avion, etc.).Aujourd’hui, ces jeunes en partance peuventdifficilement contribuer à relever l’économie

de leur pays dans la mesure où ils n’ont pasles capacités d’investir. Alors ils fuient l’at-tente, l’ennui, l’inaction, car ils veulent fairequelque chose de leur vie.«Si je pars, disent-ils, j’ai une chance surmille. Mais si je reste, j’ai zéro chance.» Letaux de chômage est très important, le travail(quand ils en trouvent) est payé 50 centimesd’euro de l’heure pour un ouvrier. Impos-sible de trouver un logement avec si peu. Im-possible également de se marier, de vivreailleurs que chez les parents qui vieillissentet qui comptent sur leur fils pour les aiderfinancièrement. Ils étouffent et ils ont le de-voir de réussir. Précarité, manque de pers-pectives, soif de reconnaissance, poids ducarcan social, religieux et familial… Les so-ciétés transforment en harragas ceux quisouffrent avant tout de ne pas trouver leurplace. Alors ils partent et ils reviendront,peut-être, comme certains Tunisiens quirentrent actuellement pour monter une af-faire dans leur pays une fois qu’ils en ont ac-quis les moyens. Cessons donc d’avoir peuret de semer la haine entre les peuples, cardans quelques années, nous pourrions biennous plaindre du manque d’attrait des étran-gers pour notre vieille Europe et de l’exodede nos jeunes vers des pays plus attrayants:depuis 1995, le nombre de Français à l’étran-ger augmente chaque année de 3,5%.Dernier ouvrage paru: «Traversée interdite! Lesharragas face à l’Europe forteresse», éditions lePassager clandestin.

Par VIRGINIE LYDIE Ecrivaine

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 REBONDS • 21

Page 30: Libération - Mercredi 27 avril 2011

MANAGEMENT Pour soulager les salariés stressés, un cabinet les emmène dans un parc,où, entre platanes et aubépines, la parole se délie et les griefs pleuvent.

Labeur et labour libèrentG érer le stress des hommes au

travail en les envoyant au jar-din observer les arbres et lesplantes ? C’est une blague ?

Pas du tout. C’est même, après le sautà l’élastique pour apprendre à dépasserses émotions ou la pratique du chevalpour mieux diriger les hommes, la der-nière toquade du management.Voilà donc, sous nos yeux circonspects,par cet après-midi d’hiver, une dou-zaine de salariés qui patientent devantle portillon d’entrée du parc de Bercy,dans le XIIe arrondissement de Paris. Ilstravaillent pour une entreprise du Val-de-Marne qui réalise des signalétiquespour les supermarchés. Leur directionleur a accordé cette journée de «prome-nade» de santé dans un jardin. Chef deprojet, responsable de fabrication, se-crétaire, habillés friday wear, ils sontprêts à s’égayer dans la nature pour se«libérer» sur leurs vies quotidiennes auboulot.

Dans leur boîte, la situation est tendue.Victime de son succès, l’entreprise agrandi de façon exponentielle ces deuxdernières années, passant de 5 à 45 sa-lariés. Ses responsables se trouvent dé-passés. Au final, ambiance tourmentéeet autoritaire, démissions, licencie-ments. Ne sachant comment s’y pren-dre, la direction a commencé par créer

un potager à l’attention de ses salariés.Ou comment oublier son stress en bi-nant et papotant. Cette fois, elle estpassée à la vitesse supérieure et a faitappel à Jean-Luc Chavanis, 51 ans,«jardinier-psychologue».

AIR DU TEMPS. Jean-Luc est responsa-ble de la société «Métanature». C’est la

filiale d’un cabinet nommé «Technolo-gia» (1), spécialisé dans la «préventionet l’évaluation des risques profession-nels». Cet homme, qui a longtemps tra-vaillé avec des détenus, a inventé unenouvelle forme de «coaching», biendans l’air du temps, tant le travail vamal. Sa méthode : utiliser le jardin,l’environnement extérieur (le soleil, le

froid) comme médiateurspour faire baisser la pressionet favoriser l’échange et lacommunication, souvent ab-sents sur les lieux profes-sionnels (2). En un mot, il estlà pour dire aux employés dese «lâcher mentalement», etles aider à faire émerger, for-

maliser leurs problèmes. Pour tenterd’y apporter des solutions.Voilà comment on emmène ces mes-sieurs-dames se promener dans les bois.Le temps est gris. Les promeneurs glis-sent un peu sur les allées. Ils lèvent lenez au ciel. Il y a là des arbres à feuillespersistantes, et d’autres, un peu plusdécharnés, comme peuvent l’être des

arbustes en janvier.Rapidement deux groupes se forment.Par âge et par sexe, le groupe des «ro-ses» plutôt féminin, celui des «aca-cias», à dominante masculine. Premierdéfi, trouver un arbre ou une plante quiressemble le plus à leur entreprise. Ilsont du mal. Roseau ou platane? La mé-taphore file bon train. «C’est sombre etrabougri, comme notre boîte», dit Vin-cent devant un arbre pas au meilleur desa forme. Face à de mordantes aubépi-nes, cette jeune femme tranche: «Moi,l’entreprise, je la vois plutôt là avec les pi-quants, les coupes (licenciements et turnover) et les bourgeons (l’avenir de l’en-treprise).» Jean-Luc Chabanis expliqueque la nature et ses caprices (pluie, so-leil, froid) aident souvent à identifier lesimprévus et les obstacles, quotidien dessalariés. On a eu un peu de mal à voir celien-là, mais en tout cas, très vite, lesparticipants sont passés aux griefs.Et ils sont nombreux. Ils se plaignentdes ordres et contre-ordres d’une direc-tion bicéphale. Ils regrettent leur «isole-ment» dans l’entreprise, un vaste

Par DIDIER ARNAUDDessin RÉMI MALINGRËY

«Moi, l’entreprise, je la vois plutôtlà avec les piquants, les coupes[licenciements] et les bourgeons[l’avenir de l’entreprise].»Une employée

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VOUS

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espace, ancienne usine désaffec-tée, où les gens travaillent chacun dansleur coin. «On n’a pas le droit d’aller lesuns chez les autres. La direction pensequ’on en profite pour blablater», dit l’un.Ils voudraient qu’on leur parle de cequ’ils font bien. «Quand on réussit quel-que chose. Personne ne nous dit rien.Quand ça merde, on en entend parler…»explique un autre. Et puis, souffle l’und’eux, il y a l’absence d’humanité dansle management. «Si on n’est pas d’ac-cord, Manuel [l’un des deux directeurs,ndlr] nous montre la porte.» Oubliés lesarbres, disparus les bourgeons. Ils sontinquiets, c’est flagrant.

RETOUR DE BÂTON. Une fois la prome-nade expédiée, on rentre au lounge d’unrestaurant proche. Fauteuils mauves,tables blanches, jus d’orange, eau mi-nérale et thé. L’argumentaire est peau-finé avec Jean-Luc. Quels sont les pro-blèmes, les solutions ? Comment diretout cela sans se prendre un retour debâton ? Qui va porter la bonne paroledevant le chef? «Je veux bien le faire ditSteve, mais si, demain, je suis viré, c’estvous qui allez me réembaucher?» Chacuns’interroge. Va-t-on enfin avoir le cou-rage de dire ses quatre vérités à la direc-tion ?Car voilà le clou de la journée. Mathias,l’autre directeur, est attendu devant sessalariés. Il est 16 h 30. 42 ans, pull colroulé, chauve, assez direct dans sonpropos. Il donne d’emblée l’impressionde ne pas vouloir se laisser déborder parles critiques, comme s’il les avait antici-pées avec le coach. Et il propose sa solu-tion : «Inventons un système où le chefd’atelier arrive à savoir combien de tempsil doit travailler sur un projet, cela rassu-rera tout le monde.» Et puis il relance:«Sur quoi pourrait-on progresser ?»Il reconnaît son indisponibilité chro-nique, et la difficulté qu’il a à déléguer.«Vos salariés vous ont-ils tout dit ?»questionne un journaliste présent. «Nonmais ils se sont lâchés par rapport à d’ha-bitude», répond Mathias, conscientqu’en faisant appel à un «médiateur»comme «le jardin» de Jean-Luc Chava-nis, il a déjà effectué une bonne partiedu travail.Cela sera-t-il suivi d’effets ? Finale-ment, le responsable de l’entreprise ex-plique: «Quand quelqu’un prend une dé-cision, c’est dans l’urgence. Cela signifiequ’elle n’a pas été prise en amont. Et là jen’ai pas le temps de faire une réunion.»Dans la boîte, pas de syndicats pourfaire tampon entre la direction et lesemployés. Heureusement, il y a le jar-din. Peut-être devrait-on suggérer audirecteur d’aller y faire un tour, s’il entrouve le temps… •

(1) Technologia a réalisé et remis, endécembre 2009, une enquête sur lesrisques psychosociaux à France Télécom.(2) Le budget d’une journée de «jardinage»est d’environ 1500 euros.

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Par ÉRIC FAVEREAU

Victoria, miracle né d’unegreffe de tissus ovariens

D ans le monde de lagynécologie, la mé-decine a le mérite de

faire des miracles, provoquerdes naissances invraisem-blables, voire susciter desconceptions inattendues.Ainsi, la naissance de la pe-tite Victoria, le mois dernier.Voilà une étonnante histoirequi montre les incroyablesarrangements avec le corpsque les médecins arrivent àfaire désormais. Victoria a vule jour grâce à une greffe detissus ovariens entre sœursjumelles, toutes deux attein-tes du syndrome de Turner.

Ce syndrome est une maladiechromosomique rare (1 nais-sance sur 5 000 environ)dans laquelle il n’y a qu’unseul chromosome sexuel X(ou monosomie X). Dans en-viron 50% des cas, il s’agiten fait d’une «mosaïque»,c’est-à-dire une forme unpeu moins grave. Il n’empê-che, bien souvent les femmesqui en sont atteintes ont desproblèmes de croissance,sont stériles. Si elles ne lesont pas, elles peuvent con-naître des grossesses à hautsrisques pour elles (notam-ment une dissection aortiquegravissime). Récemment enFrance, deux femmes attein-tes de ce syndrome sontmortes, ce qui conduit lesmédecins à déconseillertoute grossesse.

Dans le cas de nos jumelles,la situation était particulière.L’une, Karine, a présenté uneménopause précoce, avecune absence d’ovaires, maissa sœur jumelle avait uneforme plus atténuée : elle ades ovaires normaux et

d’ailleurs a eu deux enfants.Karine, pendant des années,s’est démenée pour avoir unenfant, suivant tout le longparcours de l’assistance mé-dicale à la procréation etcherchant sans succès à bé-néficier d’un don d’ovocyte.C’est ainsi qu’elle s’estadressée à cette équipebelge, autour du professeurJacques Donnez, gynécolo-gue réputé de l’université ca-tholique de Louvain, qui ainitié des greffes de tissusovariens.

En l’occurence, en prélevant,à travers une «mini-ouver-ture» de l’abdomen, du tissuà l’une pour le greffer àl’autre. Comme il s’agit de«vraies» jumelles, il n’y apas risque de rejet. La greffea pris, et tout naturellementKarine est tombée enceintequelques semaines plus tard.«Nous l’avons reçue à vingtsemaines d’aménorrhée, nousa dit le docteur Guy Kerbrat,qui exerce à l’hôpital deParly II-Le Chesnay (Yveli-nes). La suite de la grossesse?Sans souci. Elle s’est très bienpassée.» Le bébé est né parcésarienne.

Une jolie histoire, mais leslois françaises sur la bioéthi-que ne l’autorisent pas. Aussil’opération a-t-elle eu lieu enBelgique, car en France lagreffe de tissus ovariens di-recte, c’est-à-dire entre deuxpersonnes qui se connais-sent, n’est pas autorisée, carconsidérée comme un don degamètes. Heureusement il ya l’Europe. Quant à Victoria,tout va bien, et elle n’est pasaffectée par le syndrome deTurner. •

CARNET DE SANTÉ

B énéficier en toute confiden-tialité d’une contraceptiongratuite en s’adressant à

l’infirmière du lycée, c’est désor-mais une possibilité offerte aux159 000 élèves d’Ile-de-France.Pour expliquer les modalités deson «pass contraception», Jean-Paul Huchon, le président PS de larégion, s’est rendu hier dans unlycée du XIIe arrondissement encompagnie du ministre de l’Edu-cation nationale, Luc Chatel. Uneintéressante pi-rouette puisqu’en2009, lorsque Sé-golène Royal avaitlancé un dispositiftrès ressemblanten Poitou-Cha-rentes et demandésa généralisation à tous les lycéesde France, Luc Chatel l’avait toutbonnement retoquée. Le pass cha-rentais est donc seulement dispo-nible chez des généralistes et desgynécologues locaux.Coupons. En Ile-de-France, ilsera bel et bien distribué à l’inté-rieur des lycées, uniquement auxélèves qui en feront la demande àl’infirmière. Elle leur remettra descoupons qui donnent accès à desconsultations de médecins, à desanalyses médicales, mais aussi à ladélivrance de contraceptifs, pourune durée de trois à six mois.C’est la réalité des chiffres qui aconduit la région à cette mesurepragmatique. A l’échelle natio-

nale, 13200 interruptions volon-taires de grossesse ont été réali-sées sur des mineures en 2006,d’après l’Inspection générale desaffaires sociales. Un chiffre sensi-blement en hausse (10722 IVG en2002), sous-estimé selon cer-tains.Bénéficiaires. Les élèves de se-conde des lycées publics et privés,ainsi que ceux inscrits dans lescentres de formation des apprentis(CFA) seront les premiers bénéfi-

ciaires de ce pass. «C’est au coursde l’année de seconde que la majo-rité des filles ont leur premier rap-port», soutient-on le conseil ré-gional. La PEEP, fédération desparents d’élèves de l’enseigne-ment public, plutôt classée àdroite, a déjà dit son désaccord.Pas tant sur la réalité des grosses-ses adolescentes non désirées, in-contestables, que sur l’évictiondes parents du dispositif. De fait,le pass permet aux 77000 filles et82000 garçons concernés en Ile-de-France de prendre en mainleur contraception sans avoir à endiscuter en famille.

MARIE-JOËLLE GROSwww.iledefrance.fr

PRÉVENTION Mise en place d’un dispositifanonyme et gratuit en Ile-de-France.

Contraception: lepass entre au lycée

159000 élèves pourront avoir accès au pass. PHOTO MYCHELE DANIAU. AFP

13200 IVG ont été pratiquées àl’échelle nationale sur des mineuresen 2006, d’après l’Inspectiongénérale des affaires sociales.Un chiffre en hausse.

76%des Français plébiscitent le barbecue comme loisir deplein air, devant le pique­nique (62%) ou le jardinage(55%), selon une étude TNS­Sofres pour Campingaz.

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COMÉDIE MUSICALE Présent à Paris lors des dernières répétitions de son gothiqueet sanglant «Sweeney Todd», l’auteur-compositeur, 81 ans, évoque ses influences.

Stephen Sondheim,ponte du «musical»S tephen Sondheim est le dernier grand

compositeur vivant de la comédiemusicale. Ses chansons Some People,I’m Still Here, Losing My Mind, ou

l’encore plus ironique Send In the Clowns,extraites de fameux musicals comme Gypsy,Follies, A Little Night Music, ont été reprisespar des dizaines de vocalistes, de LizaMinnelli à Frank Sinatra, en passant parShirley McLaine, Grace Jones, Shirley Basseyou les Pet Shop Boys.

OBSERVATION. Né Stephen Joshua Sondheimle 22 mars 1930, il a grandi dans l’Upper WestSide de Manhattan – les tours jumelles SanRemo, sur Central Park West – jusqu’à ses10 ans. A cette date, suite à la rupture avecson père (parti refaire sa vie avec une autrefemme), il déménage à Bucks County (Penn-

sylvanie) avec une mère «hystérique» qu’ildétestera toute sa vie. Voilà pour l’origine dusens acéré de l’observation psychologiquequi va faire le succès de ses «pièces pouradultes», comme les a souvent qualifiées lacritique.Exigeant avec les chanteurs, Sondheim aaussi une façon bien à lui de retarder cetterésolution harmonique qui caractérise lesgrands songwriters américains –Gershwin,Cole Porter…– et qui trouve son origine dansle Tristan et Isolde de Wagner.«Comme tout juif de bonne famille des an-nées 30, j’ai appris le piano classique, mais jen’ai jamais eu d’intérêt pour le lied romantiqueou l’opéra, que je n’aime pas particulièrement,nous expliquait l’octogénaire voici quelquesjours. Ma seule influence, c’est la musique desfilms hollywoodiens du passé, donc RichardStrauss qui a inventé le genre sans le savoir[rires], Bernard Herrmann, pour Citizen Kane

et les films de Hitchcock. J’ajouteraiaussi Ravel, mon compositeur clas-sique favori, dont je suis allé visiterhier la maison à Montfort-l’Amaury[dans les Yvelines, ndlr].»

«PRÉCISION». Concernant lesouci de l’interprétation juste dechaque mot, qui caractérise lecompositeur, il l’attribue cette fois à OscarHammerstein II, auteur de Show Boat et dela Mélodie du bonheur. «Mon ami d’enfanceétait son fils, Jimmy, et Oscar fut pour moi unpère d’adoption. S’il avait été géologue, j’auraisembrassé cette profession ! A 15 ans, j’ai écritune comédie musicale à propos de mon lycée,intitulée By George. Je l’ai donnée à Oscar enlui demandant ce qu’il en pensait. Il m’a ré-pondu : “C’est la pire chose que j’aie jamaislue.” En un après-midi, il m’a inculqué tout monmétier. Il m’a dit: “Une chanson dans un musi-

cal est une pièce en un acte. Elle doittraduire la psychologie du person-nage et faire avancer l’action d’unpoint A à un point B. Chaque phraseest une scène, chaque mot doit êtrechoisi avec précision. Contrairementà un poème, qui peut concentrer uneriche matière, une chanson de musi-cal doit dire assez pour captiver

mais pas trop, pour ne pas étouffer l’auditeurqui entend les mots sur de la musique.»L’autre professeur de Sondheim fut MiltonBabbit, le Boulez américain: «Il enseignait àPrinceton, mais il m’a donné quatre heures decours particuliers par semaine à New York, oùj’étais retourné vivre avec mon père, à 15 ans.Babbit était fou de jazz et de baseball. Je voulaisqu’il m’apprenne la musique dodécaphonique;il a refusé en me disant: “Il te reste encore pleinde choses à explorer dans le système tonal.”».On ne le remerciera jamais assez. •

Par ÉRIC DAHAN

JERR

YJA

CKS

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Sweeney Todd,au théâtre du Châtelet

jusqu’au 21 mai. PHOTOPASCAL VICTOR; ARTCOMART

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CULTURE

Page 33: Libération - Mercredi 27 avril 2011

le résultat qu’il agrandit etrecopie à l’identique, mais àune taille qu’il ne pourraitatteindre avec un geste,même très ample.La démarche n’apparaît pasmoins calculée chez la New-Yorkaise Carissa Rodriguez(née en 1970). D’un tableauà l’autre, elle décline unetache rouge de circonférencevariée avec quelques cou-lures, rouges également, surune sorte de toile de Jouy. Sichaque tache ressemble ef-

fectivement à un vrai pâté,leur déclinaison révèlequ’elles sont en fait apposéesau pochoir et donc le fruit,là encore, d’un processusréfléchi.Les tableaux de Benoît Le-mercier forment, eux, ungrand écart entre un appa-rent chaos visuel et un évi-dent travail de compositionstrès étudiées. Du désordre àla rigueur, en somme – unconstat qui vaudra aussi pourune toile de Bernard Frize,ou un alphabet de tachesqu’Aurélie Godart a dessinésur l’un des murs.Manifeste. De la sorte, «In-cidents maîtrisés» réunitdouze noms, tantôt reconnus(Dominique Figarella, CédricTeisseire…) tantôt moins(Vincent Dulom, ThomasVinson…) créant en défini-tive une agréable diversité depropositions. L’expositionrappelle en outre que danstout chaos réside une vraiegéométrie. Une géométriecertes particulière, mais quis’inscrit parfaitement dans laligne du mouvement de l’artconcret dont l’un des pointsdu manifeste (paru en 1930)précise que «l’œuvre d’artdoit être entièrement conçue etformée par l’esprit avant sonexécution».

Envoyé spécial à Mouans-Sartoux HENRI-FRANÇOIS

DEBAILLEUX

Au Châtelet, une créationfrançaise remarquablede la comédie musicaleécrite en 1979.

«SweeneyTodd»,au poilSWEENEY TODDde STEPHEN SONDHEIMd’après l’adaptation théâtrale de Christopher Bond,ms Lee Blakeley, dir. musicale David Charles Abell.Théâtre du Châtelet, 1, place du Châtelet, 75001.Jusqu’au 21 mai. Rens.: 01 40 28 28 40.

L e thème du barbier tranchant la gorge de sesclients et fournissant un pâtissier en chairhumaine –pour farcir des tourtes à succès–

remonterait à un fait divers qui défraya la chroni-que française du XIVe siècle. Mais c’est en Grande-Bretagne qu’une histoire similaire a donné lieu àune nouvelle, puis à une pièce de théâtre en 1847,intitulée Sweeney Todd, the Demon Barber of FleetStreet. Adaptée plusieurs fois au cinéma et à latélévision depuis 1926 – encore récemment parTim Burton avec Johnny Depp dans le rôle-titre–,l’histoire de ce serial killer ayant entraîné sescontemporains au cannibalisme a inspiré àStephen Sondheim un musical qui remportapas moins de huit Tony Awards (les molières amé-ricains) lors de sa création à New York, en 1979.En choisissant de partir de l’adaptation théâtralesignée en 1973 par Christopher Bond, croisanthabilement le motif de l’innocent injustementcondamné qui revient se venger (le Comte de MonteCristo, de Dumas), le réalisme social et la comédienoire, Sondheim a réalisé un chef-d’œuvre, acces-sible à tous les publics, si on le compare à A LittleNight Music –son adaptation, en 1973, du Souriresd’une nuit d’été, d’Ingmar Bergman, créée au Châ-telet l’an dernier – ou Sunday in the Park WithGeorge, inspiré en 1985 par un tableau de GeorgesSeurat, et toujours inédit en France.

Une fois de plus, notre Châtelet subventionné aoffert à Sondheim des moyens que les théâtresprivés de Broadway et du West End londonienn’ont plus depuis des lustres, à commencer par unvéritable orchestre en fosse: l’Ensemble orchestralde Paris et l’Orchestre Pasdeloup qui se partagentun mois de représentations, sous la baguette ex-perte du chef américain David Charles Abell, tan-dis que son assistant, Stephen Betteridge, dirigeun chœur du Châtelet autant investi dramatique-ment que musicalement.Tout aussi efficaces et évocateurs sont les décors,costumes, lumières permettant au metteur enscène Lee Blakeley de déployer un professionna-lisme et une inventivité sans faille tout au long destrois heures –et des 32 chansons écrites et compo-sées par Sondheim. Si la distribution est remar-quable, avec Rod Gilfry et Franco Pomponi incar-nant le héros en alternance, le public réserve uneovation debout à Caroline O’ Connor, dont l’ac-cent britannique authentique et la performancede chanteuse et d’actrice en Mrs Lovett fontoublier la créatrice du rôle, Angela Lansbury.

E.D.

INCIDENTS MAÎTRISÉSEspace de l’Art concret, châteaude Mouans, à Mouans­Sartoux(06). Jusqu’au 5 juin.Rens.: 04 93 75 71 50.

Q u’advient-il quandon dépose une bullede savon sur unefeuille de papier,

qu’on répartit sciemment del’encre noire à la surfacede la bulle et qu’on la fait ex-ploser? Comme le montrentles œuvres réalisées seloncette technique par RolandFlexner, on se retrouve à lafois dans la tache et dans ledessin. Autrement dit, dansl’aléatoire et dans l’inten-tion. Tel est le propos d’uneexposition qui se penche,non pas sur les accidents depeinture, mais sur les «Inci-dents maîtrisés» – titre del’accrochage.Giclées. Rappelant en in-cipit les mots de Jackson Pol-lock «Je nie l’accidentel», Fa-bienne Fulchéri, la directricede l’Espace de l’Art concret,dans les Alpes-Maritimes, aainsi décidé de porter un re-gard sur ces événements pic-turaux que sont la coulurecanalisée, la goutte guidée,l’éclaboussure construite, ledérapage contrôlé.Le meilleur exemple est sansdoute celui de Jean Dupuy.De ce dynamique artiste de85 ans, dont on a pu voir une

exposition personnelle à lagalerie Loevenbruck à Parisà l’automne, on retrouve icides dessins et des toiles. Lespremiers sont typiques del’abstraction lyrique et lessecondes de l’art conceptuel,alors que visuellement, ils’agit exactement de lamême image, simplementd’un format différent. Dupuytravaille en effet d’abord surpapier de façon gestuelleavec giclées de peinture. Ilrétroprojette ensuite sur toile

EXPO Douze peintres à l’Espace d’Art concret, dans les Alpes-Maritimes.

Parcours d’«Incidents»

Points trompe­l’œil, deJeanDupuy. PHOTO EAC. GAL. LOEVENBRUCK

Avec l’histoire de ce serial killerayant entraîné ses contemporainsau cannibalisme, Sondheim aremporté huit Tony Awards.

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Page 34: Libération - Mercredi 27 avril 2011

Samy Naceri en septembre. PHOTO BRUNO CHAROY

C ondamnée en série, lastar de l’écran SamyNaceri (Taxi, la Men-

tale, Indigènes…) joue peut-être sa dernière carte demainau tribunal correctionnel deParis, susceptible de le ren-voyer en prison pour uneagression armée en jan-vier 2009. «Je passe pour unepourriture aux yeux de tout lemonde, disait l’ac-teur à l’audiencele 15 mars, larmesaux yeux. Je suisblacklisté par-tout.» Le procu-reur requérait unepeine «aménageable», decinq ans, dont trois avecsursis : de fait, si Naceri sevoyait condamné à une tellepeine, il pourrait ne pas êtreréincarcéré, car une sen-tence inférieure à deux ansferme est négociable.A 49 ans, Samy Naceri a13 condamnations à son ac-tif. Ses démêlés avec la jus-tice lui ont valu d’être écartédes plateaux. Parallèlementà sa carrière, il a multiplié lesviolences, esclandres, excèsde vitesse sans permis maisavec alcool. Les condam-nations s’accumulent de-

puis 2000, avec amendes etprison à la clé. En décem-bre 2006, six mois de prisonpour outrages et injures ra-cistes envers des policiers.En 2007, trois mois de prisonaprès une bagarre dont il sortdéfiguré, devant une disco-thèque cannoise, puisdix mois pour avoir agresséun styliste au restaurant.

En 2008, six mois pour avoirdéséquilibré une policièreda n s u n p a rk i n g …«Aujourd’hui, je me relève, a-t-il plaidé le 15 mars. Cela faitdeux ans et demi que je n’aipas pris une goutte d’alcool,un gramme de drogue. Je suisen pleine reconstruction. Jevais travailler avec Arcady,avec Lelouch, écrire un livre.Deux ans et demi de galère,j’ai payé ce que je devaispayer. Laissez-moi profiterdes années qui me restent…»Malgré ces bonnes résolu-tions, Naceri, qui devaittourner un téléfilm, le Gang

de la banlieue sud, mais aquitté le projet, s’est montréagressif à l’audience, refu-sant de présenter des excusesà sa victime. Dans ce dossier,les faits remontent à jan-vier 2009. A cette époque,l’acteur n’accepte pas de seséparer d’une petite amie.Elle affirme qu’il la harcèleau téléphone, la menaçant demort et de viol. Epuisée,semble-t-il, elle aurait de-mandé à un ami, Nadal, de sefaire passer pour son com-pagnon dans l’espoir d’éloi-gner enfin le comédien. Unjour, dans ce contexte, Nadalappelle Samy Naceri pour lesommer de cesser d’impor-tuner la jeune femme.Un entretien houleux a lieudans la foulée, dans une ruedu VIIIe arrondissement pa-risien. Samy Naceri agacéplonge soudain un couteaudans la gorge dudit Nadal,l’entaillant apparemmentsur 16 centimètres, blessureassortie d’une incapacité detravail de quinze jours offi-cielle pour le faux petit amide l’ex-copine. Face au tri-bunal, le comédien a expli-qué son geste par la jalousie.

Avec AFP

JUSTICE Déjà condamné plusieurs fois, l’acteur devrarépondre demain d’une agression armée.

Samy Naceri jouesa carrière au tribunal

«Deux ans et demide galère, j’ai payéce que je devais payer.»Samy Naceri le 15 mars en audience

Jean­Louis Aubert Chansonfrançaise téléphonée Zénith,211, av. Jean­Jaurès, 75019.Jusqu’au 30 avril, 20 heures.

The Congos & The AbyssiniansReggae pure souche Gaîtélyrique, 3 bis, rue Papin, 75003.Ce soir, 20 heures.

Hushpuppies Rock françaisjuvénile Alhambra, 21, rue Yves­Toudic, 75010. Ce soir, 19h30.

MÉMENTO

660ans, c’est l’âge d’unepeinture chinoise, del’époque de la dynastieYuan. Séparée en deuxil y a trois cents ans,l’œuvre de 6 mètres delong a été reconstituéepour la première fois lorsd’une exposition à Taiwan.

Colin Firth, roi des célébrités influentesDans le très éclectique classement des personnalités les plusinfluentes du monde en 2011, publié par le magazine Timejeudi, l’acteur britannique Colin Firth, oscarisé pour le Dis-cours d’un roi, arrive à la 12e place, suivi des chanteurs JustinBieber (39e) et Bruno Mars (62e). La liste distingue ceux dontles «idées provoquent dialogue, dissensions, et parfois mêmerévolutions», selon le site du magazine.

«Rio» voit grandLa dernière production des studios Blue Sky anime le box-of-fice nord-américain. Après deux semaines d’exploitation,les recettes de Rio avoisineraient les 300 millions de dollars(205,2 millions d’euros), faisant pour l’instant dudit dessinanimé le film le plus lucratif de l’année.

Une statue de pharaon découverteUne sculpture en quartzite d’Amenhotep III a été découverteen sept morceaux près de Louxor, au sud de l’Egypte, par desarchéologues, selon un communiqué du secrétariat d’Etataux Antiquités daté d’hier. Haute de treize mètres, il s’agitde la plus grande statue jamais trouvée de ce pharaon à ladescendance prestigieuse –père d’Akhenaton et grand-pèrede Toutankhamon. Elle figurait autrefois à l’entrée du templefunéraire d’Amenhotep III au côté d’une autre statue et auraitété détruite lors d’un tremblement de terre en 27 avant J.-C.

Décès de Poly Styrene, chanteuse punkFigure du punk britannique, Poly Styrene est décédée lundià l’âge de 53 ans d’un cancer. De son vrai nom MarianneElliot-Said, elle avait sorti le mois dernier un dernier album,Generation Indigo, et surtout créé à 18 ans son groupe, X-RaySpex, qui avait produit un seul album (remarqué), en 1978,avant de se séparer. Poly Styrene avait ensuite rallié le groupeHare Krishna.

«Je ne suis pas invité à la noce.Du fait de ma relation avec Diana,les gens pensent automatiquement queje vais être invité, mais ce n’est pas le cas.»Le chanteur anglais sir Elton John dans une interviewdonnée à Reuters et reprise lundi sur le site de Paris Match.

Le cinéaste américainJames Cameron mène lafronde anti Direct TV.En compagnie d’autrespoids lourds (Kathryn Bige­low, Michael Bay, GuillermoDel Toro, Peter Jackson ouTodd Philipp), Cameron asigné la lettre de la Natio­nal Association of TheatreOwners protestant contrela proposition de Direct TVde diffuser des films envidéo à la demande huitsemaines après leur lance­ment en salles. Actuelle­ment, le délai est de quatremois, comme en France.Or, ce raccourcissementpourrait, selon les signatai­res, «malmener le modèleéconomique de l’industriedu film. Les grands studiossont étranglés par la baissedes revenus provoquée parle déclin du DVD. Mais ceproblème ne pourra pasêtre résolu en adoptant unnouveau modèle dedistribution dans la fenêtrede tir des salles. Celacannibalisera les ventes debillets». La lettre a étéadressée aux majors Sony,Universal, Fox Searchlightet Universal, qui avaientaccepté la propositionde Direct TV. PHOTO AFP

JAMES CAMERONCONTRE LA VoDAVANCÉE

LES GENS

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201126 • CULTURE

Page 35: Libération - Mercredi 27 avril 2011

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LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 ANNONCES • 27

Page 36: Libération - Mercredi 27 avril 2011

RADIO Après le Crédit agricole qui rachète 30% du groupe Skyrock, Orangeet le Fonds stratégique d’investissement lorgnent la filiale web de la station.

Les skyblogs sousassistance publiqueM ais qu’ont-ils donc tous à se

presser au chevet de la conva-lescente Skyrock ? Après leCrédit agricole, qui a annoncé

la semaine dernière le rachat de 30 % desparts d’Axa Private Equity dans la radiorap, Orange et le Fonds stratégique d’inves-tissement (FSI) étudieraient une prise departicipation dans la branche internet dugroupe, selon la Tribune. Entre confirma-tions anonymes et mutisme complet, diffi-cile de saisir les termes de cette coopérationentre ces gros poissons que sont le FSI –in-tégralement public, placé sous le contrôlede la Caisse des dépôts et consignations–,Orange, dont l’Etat détient toujours 27%,et la radio des jeunes.Marketing. Jusqu’au 12 avril, le groupeSkyrock (la radio et son pôle web, porté parla plateforme de blogs Skyblog), était dé-tenu à 30% par son fondateur, Pierre Bel-langer, et à 70 % par Axa Private Equity(PE). Le fonds d’investissement, qui cher-chait à se désengager, avait proposé un pland’économie de 2 millions d’euros à Bellan-ger, tout en lui imposant une rentabilité de30% (le groupe est aujourd’hui à 10%). Re-fus catégorique de Bellanger : Axa PE dé-cide donc, mi-avril, de lui retirer ses fonc-tions opérationnelles. C’est le point dedépart d’une forte mobilisation de la sta-tion, des auditeurs, du monde de la musi-que et de politiques de tous bords, de Ben-jamin Lancar (UMP) à François Hollande(PS). Le mouvement prend fin avec l’arri-vée au capital du Crédit agricole, qui réta-

blit Bellanger dans ses fonctions. Et réalisedu même coup une formidable opérationmarketing auprès de la radio des djeuns(«Merci banquier!» et le nom de la banquemartelé gratos à l’antenne).Le pôle web du groupe représente près dela moitié de la valorisation de Skyrock, soit40 millions d’euros environ. Des sous quipourraient bien permettre à l’ex-ex-PDGde Skyrock de racheter les 40% des partsdu groupe toujours en possession d’Axa PE.Les négociations entre Skyrock et le FSI nedateraient pas d’hier. C’est Bellanger qui

aurait pris contact. Dans cette affaire, les«appuis politiques de Bellanger», à gauchecomme à droite, sont fréquemment cités,certains glissent même que c’est «directe-ment l’Elysée» qui serait à l’origine de l’ar-rivée du FSI. Car que vient faire le FSI danscette histoire ? Le fonds public, lancé enjanvier 2009 sous l’impulsion de NicolasSarkozy, se décrit comme la «réponse initiéepar les pouvoirs publics aux besoins en fondspropres d’entreprises porteuses de croissanceet de compétitivité pour l’économie fran-çaise». Or, si la plateforme Skyblog étaitpionnière et rentable à sa création en 2002,elle est déficitaire au niveau opérationnelen 2010, et son influence a beaucoup reculésur la Toile, largement concurrencée par les

réseaux sociaux, passant du 17e rang mon-dial en pages vues en 2007 au 46e rangen 2009…Outil. L’alliance du FSI avec Orange, elle,est plutôt logique. A son lancement, leFonds a été abondé en partie avec les 13%de titres que l’Etat possède dans l’opérateurde télécoms. Les deux acteurs s’étaient déjàassociés il y a quelques mois pour une prisede participation dans Dailymotion. «Dansce cas-là, il y avait une vraie stratégie indus-trielle de la part d’Orange», notamment surles projets de plateforme de télé connectée,

note Sébastien Crozier, élu dela CFE-CGC/Unsa au comitéd’entreprise de France Télé-com.Ici c’est l’inverse : côtéOrange, pourquoi ne s’inté-

resser qu’au pôle web de Skyrock? Est-ce,comme le suggère la Tribune, pour atténuerle caractère politique de ce montage?«D’unpoint de vue industriel, c’est curieux de nes’intéresser qu’à une seule partie de la mar-que, répond Crozier. En ces temps de conti-nuum média, Internet-radio-télé, c’est uneposition peu cohérente.» Skyrock représenteen effet un formidable outil de communi-cation pour s’adresser aux moins de 25 ans,public que les politiques ont du mal à ci-bler. Et ça, l’Etat le sait déjà: depuis l’annéedernière, le gouvernement est associé à laplateforme Skyblog pour Waka, sa campa-gne de communication gouvernementaleauprès des jeunes.

ISABELLE HANNE

MEURTRE À KINSHASA. QUI ATUÉ LAURENT DÉSIRÉ KABILA?de MARLÈNE RABAUDet ARNAUD ZAJTMANFrance Ô, ce soir à 20h35.

A utant ne pas tourner autour du«cadavre enfoui dans le placard»,comme le dit l’un des interve-

nants de ce docu fouillé: à l’arrivée, letéléspectateur ne saura pas qui a tué, enjanvier 2001, l’éphémère successeur dumaréchal Mobutu à la tête de la répu-blique démocratique du Congo (ex-Zaïre), feu Laurent-Désiré Kabila.Mais les efforts consentis par les auteursde l’enquête – Marlène Rabaud et Ar-naud Zajtman– sont presque aussi pas-sionnants à suivre que le contenu deleur investigation. On avance pas à pasà leurs côtés, procédant par éliminationet par recoupement. Ainsi muni despièces du puzzle, chacun pourra se faireson intime conviction sur les raisons del’élimination du «mzee» (le «vieux» enswahili) et sur l’identité de ses com-manditaires. Comme tout assassinatpolitique digne de ce nom, ce dernierimplique une myriade d’acteurs. Il estacquis que la cinquantaine de per-sonnes condamnées à Kinshasa danscette affaire, au terme d’un procèstronqué, ne sont que des lampistes.Militaires ou agents secrets, ils crou-pissent toujours en prison parce que– comme le dit l’un d’entre eux, An-toine Vumilia– «il ne peut pas y avoir decrime sans criminel». Son témoignageest d’ailleurs l’un des moments forts dufilm : à l’aide d’une caméra cachée, ildénonce l’iniquité de sa détention etlivre au passage des images de la prisonsurpeuplée de Kinshasa, aux allures decour des miracles. Les deux enquêteurspassent ensuite en revue les différenteshypothèses en présence qui, loin des’exclure, pourraient bien se compléteret dessiner les contours d’un complotpolitique impliquant pêle-mêle desgardes du corps de Kabila comme exé-cutants, un diamantaire libanaiscomme possible financier et les servicessecrets rwandais comme commandi-taires. Porté au pouvoir en 1997 par lerégime de Paul Kagame, le «mzee»Kabila avait rapidement échappé aucontrôle des Rwandais, à leur granddam. Ces derniers ont-ils voulu lui fairepayer sa «trahison», avec la bénédic-tion de leur meilleur allié, Washington?C’est ce que suggère fortement ce film,construit comme un polar. Il faut par-fois s’accrocher pour ne pas perdre lefil, mais, en cela, le docu reflète bien lacomplexité du théâtre d’ombres congo-lais, où un fils – Joseph Kabila - necherche pas à faire la lumière sur lamort de son père, auquel il a succédé àla tête du Congo. Bien au contraire.

THOMAS HOFNUNG

TÉLÉ France Ô diffuseun docu fouillé surle meurtre de l’ex-président de la RDC.

Kabila,sombre polarcongolais

Pionnière et rentable à sa création,en 2002, la plateforme est déficitaireau niveau opérationnel en 2010.

Pierre Bellanger, le 14 avril, occupant son bureau après l’annonce de son débarquement par Axa Private Equity. PHOTO JEAN­MICHEL SICOT

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201128 • ECRANS&MEDIAS

Page 37: Libération - Mercredi 27 avril 2011

A LA TELE CE SOIR20h35. Football : Real Madrid / FC Barcelone.1/2 finale aller de laLigue des Champions.Sport.22h50. Espritscriminels.Série américaine :Duel de maîtres.Avec Joe Mantegna.23h40. Forgotten.3 épisodes.Série.2h05. 50 mn inside.

20h35. ChezMaupassant.Boule de suif.Téléfilm avec MarilouBerry.21h35. ChezMaupassant.Mon oncle Sosthène.Téléfilm.22h05. Au siècle deMaupassant : Conteset nouvelles du XIXe.Série.23h05.Face aux Français...

20h35. Des racines & des ailes.Du palais des rois auplus grand musée dumonde.Magazine présenté parLouis Laforge.22h30. Soir 3.22h55. Générationreporters.Le 3e souffle.Documentaire.0h05. Tout le sport.0h10. Couleursoutremers.

20h45. Ensemble,nous allons vivre unetrès, très grandehistoire d’amour.Comédie française dePascal Thomas, 99 mn,2009.Avec Marina Hands,Guillaume Gallienne.22h30. Habillée(s)pour l’hiver 2011-2012.Documentaire.23h25. Coursier.Film.1h00. L’autre Dumas.

20h40. Nuremberg, le procès des nazis.1 - Hermann Goering &2 - Albert Speer.Documentaire.22h40. Le dessous descartes.Magazine.22h50. Evet, je le veux.Comédie de SinanAkkus.Avec HeinrichSchafmeister, IngeborgWestphal.0h25. En retard.

20h45. Pékin express -La route des grandsfauves.Dans la folie des ruesdu Caire.Magazine présenté parStéphane Rotenberg.23h30. Enquêteexclusive.Mafia, combines etcorruption : les démonsde Naples.Magazine.0h45. Journal intimed’une call-girl.

20h35. Astéroïde.Téléfilm de BradfordMay :Épisodes 1 & 2/2.Avec Michael Biehn,Annabella Sciorra.23h40. Les pilotes dechasse del’Aéronavale.1 & 2/4.Documentaire.1h25. Rock dans tousses états 2008.Hushpuppies.Spectacle.

20h35. La maisonFrance 5.Magazine pr&senté parStéphane Thebaut.21h25. Silence, çapousse !Magazine.22h10. C’est notreaffaire.Magazine.22h45. C dans l’air.Magazine.23h50. Sandwich etsans limites.Documentaire.

20h35. La revue depresse.Invité : Jean Lassalle.Divertissementprésenté par Jérômede Verdière.22h45. Juste pour rire :comment bien rater savie de famille ?Divertissement.0h10. Monty Python’sflying circus.2 épisodes.Série.1h15. Cinéquin.

20h35. CommissaireMoulin.Téléfilm français :Le petit fugitif.Avec Yves Rénier,Clément Michu.22h25. CommissaireMoulin.Téléfilm français :Le profil d’un tueur.Avec Yves Rénier,Clément Michu.23h55. Poker le duel.0h50. Drop’in.

20h40. Les Inconnusde A à Z.Divertissementprésenté par Laurence,Boccolini, DenisMaréchal et Jean-Michel Zecca.1h00. Incroyable maisvrai, le mag.Magazine.2h30. TMC Météo.2h35. Music in the city.Magazine.3h00. Manuela oul’impossible plaisir.

20h40. Glee.Série américaine :Home sweet home, La mauvaiseréputation.Avec Ryan Murphy.22h20. Le meilleur des tubes.Spéciale années 90-2000.Divertissementprésenté par FaustineBollaert.0h00. Relookingextrême.

20h35. L’instit.Téléfilm français :Le réveil.Avec Gérard Klein.22h10. L’instit.Téléfilm français :L’enfant caché.Avec Gérard Klein.23h40. Corneil etBernie.Un ami de trop.Jeunesse.23h55. Le monde foude Tex Avery.Jeunesse.

20h40. Lesconstructeurs del’extrême.Travaux gigantesquessur le pont de SanFrancisco.Documentaire.22h30. Lesconstructeurs del’extrême.Documentaire.23h30. Les enfantsd’Abraham.0h30. Morandini !

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Sans retourFrance 3, 15h05Les amis, n’allez pas tra­vailler cet aprèm et regar­dez la Rivière sans retour(et le «no return, no return»de Marilyn Monroe).

Eternel retourFrance 2, 20h35Trois épisodes du «Sièclede Maupassant», dontl’inédit Boule de suif? Fautarrêter maintenant, Caro­lis est parti, z’êtes gentils.

Retour de flammeParis Première, 0h15Si un rire vaut un bonsteak, alors le MontyPython’s Flying Circus–en trois épisodes ce soir–c’est du bœuf de Kobé.

LES CHOIX

«Un peu de rêve,un peu d’amour,un peu de glamour.»Colombe Pringle,directrice de la rédactionde Point de vue décrivant,auprès de l’AFP, le cadeauà la presse people queconstitue le mariage princier.

Par ANABELLE NICOUD

Sun News, l’ombrecanadienne de Fox News

D epuis l’annonce de sacréation, Sun Newspromettait de mar-

quer un virage à droite dansl’histoire de la télévisioncanadienne. La chaîne d’in-formations a été lancée engrande pompe la semainedernière au Canada :«Noussommes différents, et nous ensommes fiers.» Dès les pre-mières minutes, la journa-liste Krista Erickson expliqueque la chaîne alternerafranc-parler et informationsbrutes (c’est d’ailleurs le slo-gan de la chaîne :«Straighttalk, hard news»), patrio-tisme et populisme. Uneligne éditoriale qui a valu àSun News, dès sa création, lesurnom de «Fox NewsNorth», en référence à lachaîne américaine de RupertMurdoch, Fox News.

Pensée par un proche dugouvernement conservateuret Quebecor Média, unconglomérat qui possèdenotamment le tabloïd Sun auCanada, Sun News veuts’opposer à la télé publique,l’ennuyeuse CBC, rendueresponsable de l’exodetélévisuel des spectateurscanadiens vers les grandeschaînes d’info américaines.«Nous n’avons aucun liend’affaires avec Fox News.Mais si on devait avoir autantde succès, on en serait heu-reux, expliquait dans une ré-

cente interview Luc Lavoie,l’une des têtes pensantes deSun News. La comparaisonavec Fox, c’est que nousavons, le soir, des émissionsd’opinion qui vont provoquer ledébat.» En guise de débats,les spectateurs n’ont pas eugrand-chose à se mettre sousla dent jusqu’à présent. SunNews est plutôt moquée pourses prises de positions datées(les caricatures danoises), etses invités de deuxièmeordre, telle Samantha Ar-dente, une secrétaire d’écolequébécoise, virée pour sesapparitions dans des films X.

«L’événement majeur est plu-tôt devenu un non-événement,remarqué pour ses décors basde gamme et les tenues de sesanimatrices plus que pour lesaffaires nationales», com-mente un chroniqueur duquotidien Winnipeg FreePress. «Sun News passe beau-coup de temps à lire les mailsqui lui sont envoyés, ce qui estaussi excitant que ça en al’air», raille le respectablequotidien Globe and Mail.Malgré tout, Sun News croitque sa naissance va marquerl’histoire de la télé cana-dienne. Sa parente franco-phone, LCN, a triplé sonaudience au Québec depuisqu’elle a adopté le modèleinfos le jour, débats le soir.Plus de 6 millions de foyersont accès à Sun News. •

VU DE MONTRÉAL

libération est partenaire

partenaire122X111:Mise en page 1 26/04/11 11:42 Page1

C’est un homme del’ombre sur lequel ontvoulu enquêter deux jour­nalistes de Paris Match.Alexandre Djouhri est unhomme d’affaires et deréseaux, à qui l’on prêtedes amitiés chez NicolasSarkozy, Dominique de Vil­lepin ou DominiqueStrauss­Kahn (Libérationdu 29 janvier 2011). Il est aucœur d’un livre de PierrePéan, en cours de rédac­tion, et c’est cet ouvrageque comptaient évoquerles journalistes. Mais lepapier a tourné court, indi­que le Monde, selon lequell’article a été «annulé parLagardère». Et le journalde citer l’auteur de l’inter­vention: Ramzi Khiroun,porte­parole de Lagardèreet conseiller de DSK, qui a«empêché la publication del’article» (il n’a pas donnésuite aux appels de Libéra­tion). Selon d’autres sour­ces, la direction de Matchaurait demandé à ses jour­nalistes d’attendre la sortiedu livre de Péan pourécrire leur article.

ENQUÊTEINTERDITE À«PARIS MATCH» ?

HISTOIRE

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 2011 ECRANS&MEDIAS • 29

Page 38: Libération - Mercredi 27 avril 2011

L’ une des dernières nou-velles scientifiques enprovenance de Tcher-nobyl est une histoired’oiseaux. Anders PapeMoller, du CNRS, et trois

compères chercheurs s’en vont chassersur les terres contaminées des abords dela centrale, attrapent 500 volatiles de48 espèces, mesurent leur périmètrecrânien, constatent qu’il tend à êtreplus petit que la norme dans les zonesles plus irradiées. Et concluent : «Celaconfirme l’hypothèse que la contaminationradioactive altère le développement céré-bral.» L’observation est publiée en fé-vrier dans une revue internationale dehaut niveau, Plos One, rarement atten-tive aux crânes de piafs. Mais cesoiseaux-là sont d’exception.Ils chantent en sourdine les millionsd’habitants qui vivent en Ukraine, Bié-lorussie et Russie, sur les terres conta-minées par l’explosion de la centraleLénine, le 26 avril 1986. Ils nous chu-chotent que «ces troubles de la santémentale», qu’un rapport de l’ONU pu-blié en 2005 attribuait à «la détresse psy-chologique» générée par la catastropheet décrivait comme «le problème de santé

publique le plus important suscité par l’ac-cident», pourraient être dus à des effetsneurobiologiques insoupçonnés de l’ir-radiation. Ces oiseaux jivaros, que la ri-gueur scientifique impose de ne pasconsidérer comme une préfigurationd’un «homme de Tchernobyl» à petitetête, apportent un énième caillou à lapolémique revigorée par Fukushima:combien de morts et de malades a faitet fera la catastrophe ukrainienne?

Le grand écartVingt-cinq ans après l’explosion qui arelâché 6,7 tonnes de matière radioac-tive, son impact sur la santé reste ungeyser de controverses nourries parl’affrontement des lobbies pro et anti,la suspicion face à une industrienucléaire chevillée à la sphère politique,

le tout sur fond de défiance populaire àl’égard des institutions, y comprisscientifiques. «Les organisations inter-nationales ont organisé la non-récolte desdonnées», nous dit Corinne Lepage, dé-putée européenne. «On ne sait rien,renchérit le physicien Roland Debordes,président de la Commission de recher-che et d’information indépendantes surla radioactivité (Criirad). Parce qu’on neveut pas savoir. C’est trop gênant pour lelobby nucléaire, les politiques.»Taper le mot «Chernobyl» sur Pubmed,la plus vaste banque de données de lalittérature biomédicale, fait pourtantremonter 3593 travaux publiés par deschercheurs américains, européens, rus-ses, biélorusses, ukrainiens, japonais…3593 depuis 1986, contre 1513 sur Hi-roshima depuis 1946. L’ONU recensequant à elle 230 projets de recherchesacadémiques sur l’impact de la catas-trophe. Mais malgré toute cette science,

les bilans s’entrechoquent.Soixante-deux morts à cejour, annonce le rapport pu-blié en février par le Comitéscientifique des Nationsunies sur les effets desrayonnements ionisants

(UNSCEAR), comité fâcheusement dé-pendant de l’Agence internationale del’énergie atomique (AIEA). «200000»affirmait en 2006 Greenpeace. Tandisqu’à la veille de ce 25e anniversaire,buzze un chiffre lourd comme un holo-causte : «9 millions de victimes».Le grand écart. «Il a fallu attendrel’an 2000 et les déclarations du secrétairegénéral de l’ONU pour reconnaître9 millions de victimes», écrit CorinneLepage dans l’Express du 20 avril. 9millions? «Ce sont les morts, les mala-des, nous explique-t-elle. Et puis lessuicides, il y en a eu beaucoup!» Le chif-fre qui circule provient en réalité d’unecitation déformée d’un texte de KofiAnnan publié en avril 2000 pour attirerl’attention mondiale sur les 9 mil-lions d’habitants des 200000 km2 des

zones contaminées.«Il y a deux raisons pour lesquelles cettetragédie ne doit pas être oubliée, écri-vait-il. La première : si nous oublionsTchernobyl, nous augmentons le risque devoir se reproduire de tels désastres. La se-conde : plus de 7 millions de nos frèreshumains n’ont pas le luxe de pouvoiroublier. Ils souffrent chaque jour de cequ’il s’est passé il y a quatorze ans.»«Deux millions d’enfants nécessitent untraitement, et nous ne saurons pas avant2016 au plus tôt le nombre d’entre euxsusceptibles de développer une maladiesévère», ajoutait le secrétaire général del’ONU qui cherchait alors à lever 9 mil-lions de dollars pour Tchernobyl.

Les pics introuvablesOn passe aux 62 morts du dernier bilande l’UNSCEAR. Comment tombe-t-onsi bas ? En rétrécissant l’horizon de lacomptabilité aux seuls décès indiscuta-blement attribuables à la catastrophe.A savoir 47 morts sur les 134 personnesappelées pour éteindre le réacteur enfeu, et qui ont souffert d’irradiationaiguë. Auxquels s’ajoutent 15 enfantsmorts d’un cancer de la thyroïde sur les6848 cas dénombrés. Ce cancer, raris-sime chez les moins de 18 ans (1 cas surun million), est en tel «excès statisti-que» qu’il est sans conteste une retom-bée directe de la catastrophe. Et drama-tique: il se soigne au prix d’une ablationde la thyroïde et d’un traitement hor-monal à vie.«Je suis sidéré qu’on cite ce nombre demorts et de malades comme bilan. C’estla partie émergée de l’iceberg.» C’estJean-René Jourdain qui parle. Il estchercheur à l’Institut de radioprotec-tion et de sûreté nucléaire (IRSN), spé-cialiste de l’effet des radiations ionisan-tes sur l’organisme. Il est allé enquêterune vingtaine de fois dans les répu-bliques concernées. «Les 600 “pom-piers” sont assez bien suivis. Je suis plusréservé sur les liquidateurs.» Ces600000personnes employées à cons-

truire le sarcophage (lire aussi en Terre,pages 16-17) et enterrer le matériel con-taminé constituent la population la plusexposée après les pompiers. «Il y a làbeaucoup de perdus de vue, des gens quiont décidé d’oublier.»«Perdus de vue». «Données parcel-laires». «Pièces de puzzle». Ces mots re-viennent chez les chercheurs et chez lesmilitants comme autant d’obstacles àune vision globale des effets sanitairesde la catastrophe. On rêve, dans lemonde idéal des «y a qu’a», que la lu-mière jaillit des enquêtes de terrain, desexpériences en labo et des archives. Quel’on se plonge dans les registres recen-sant les causes de décès et les cas decancers et autres maladies, et que l’onvoit apparaître, après avril 2006, despics pour tel cancer, maladie immuni-taire, cardio-vasculaire, des pics dontla puissance est proportionnelle à lacontamination des lieux. Et que, de lacause à l’effet, du rayonnement à la ma-ladie, le sentier est lumineux. Las.L’épidémiologie environnementale neconnaît jamais ce bonheur simple. EnFrance, pays au système de santé dotéet ordonné, la corrélation entre l’expo-sition à un produit chimique – le bis-phénol A ou l’aspartame, au hasard –

La catastrophe a fait de façoncertaine, selon l’ONU, 62 morts. Il y en a eu 200000, répondGreenpeace, tandis que circule le chiffre de «9 millions de

victimes». Le bilanest plombé parles polémiques,et l’étenduedes inconnues.

«On ne veut pas savoir. C’est tropgênant pour le lobby nucléaire,les politiques.»Roland Debordes président de la Criirad

200000 KM2 DE ZONES CONTAMINÉESMoscou

Bryansk

Smolensk

Gomel

Minsk

Kiev

Tchernobyl

Zones ferméesZones de contrôle permanent

Zones de contrôle périodiqueZones faiblement contaminées

UKRAINE

RUSSIE

BIÉLORUSSIE

POLO

GNE

100 km

TCHERNOBYL, 25 ANS APRÈS (1/3)

Chocsde chiffresPar CORINNE BENSIMON

LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL 201130 • GRAND ANGLE

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réalisés dans les régions polluées pourdocumenter ces questions. Ces donnéesont servi à alimenter des projections demortalité et morbidité. Résultat: selonla rigueur des modèles utilisés et les hy-pothèses retenues, des divergencesahurissantes. En 2005, l’UNSCEAR pré-dit «4 000 morts prévisibles par cancerparmi les 600 000 liquidateurs».Greenpeace assène : «90000 décès à ve-nir par cancer dans les trois républiques».Et accuse l’agence de l’ONU de minimi-ser le bilan en étudiant les seuls liquida-teurs. «C’est pourtant cette population degens les plus exposés qu’il faut étudier defaçon aussi systématique que possible sil’on veut vraiment mettre en lumière unimpact», dit Elisabeth Cardis. Souli-gnant qu’«aucune étude n’est complète»,elle soutient le lancement d’Arch, unambitieux programme international derecherches épidémiologiques sur la ca-tastrophe. L’UNSCEAR, pour sa part, aannoncé dans son dernier rapport que«vu l’importance des incertitudes», il re-nonce à estimer «en valeur absolue»l’impact des faibles doses. Rideau sur labataille des chiffres. •

et des cancers est une source de lon-gues polémiques. Mettre en évidenceun excès dans une maladie aussi fré-quente (quatre personnes sur dix déve-loppent un cancer dans leur vie) et lecorréler à un polluant diffus est unexercice probabiliste, laborieux. Dansle contexte de Tchernobyl, il est encoreplus acrobatique. La centrale explosealors que l’URSS et son système sani-taire sont en décomposition. «Seule laBiélorussie avait des registres de cancersbien tenus», relève Elisabeth Cardis,épidémiologiste du Centre internationalde recherches sur le cancer (Circ).Mikhaïl Gorbatchev ne demande – etn’autorise – l’aide de l’ONUqu’en 1990, quatre ans après l’accident.S’ensuivent en 1991 les indépendancesdes trois républiques touchées. Auxruptures des systèmes de santé s’ajou-tent des inconnues scientifiques: sur ladispersion des contaminants, et leurseffets.Pour estimer l’impact de l’irradiation,il faut connaître les doses d’expositionde la population. Evaluer le cumul desradionucléides selon la consommation

d’aliments issus des zones les plus pol-luées. Et calculer la dose de chaque typede radionucléide absorbée par l’orga-nisme. La thyroïde, qui fabrique deshormones iodées, a «pompé» l’iode ra-dioactif. «Mais le césium 137 pourrait,lui, se fixer dans les muscles et provoquerdes troubles cardiaques», relève Jean-René Jourdain, responsable d’un pro-gramme de recherche lancé par l’IRSNpour tester cette corrélation. Cette hy-pothèse a été suggérée par Youri Banda-jevsky, médecin biélorusse devenu lehéraut des antinucléaires. Mais elle n’ajamais été validée de façon indépen-dante. «Les études, dit Jourdain, se sontpolarisées sur le cancer.» D’autres pa-thologies pourraient apparaître.Lesquelles? La seule référence, c’est Hi-roshima et Nagasaki. «Mais elle ne collepas. Les Japonais ont été exposés à uneradioactivité riche en rayon gamma, enneutrons, dit Nicolas Foray, radiobiolo-giste à l’Inserm. A Tchernobyl, les princi-paux contaminants sont des particules ra-dioactives: iode, césium, strontium…» Lesdeux bombes ont tué 200000 personnesdans les premiers mois: traumatismes,

brûlures, irradiation aiguë. Ensuite,sont arrivés des leucémies, des cancersdes os –et pas de taux significatifs demalformations chez les descendants desurvivants. «A Tchernobyl, on attendaitles leucémies, on n’a eu pour l’instant quedes cancers de la thyroïde de l’enfant»,relève Elisabeth Cardis. Aucun autre«pic» statistique n’apparaît.

«Aucune étude complète»Reste l’incertitude la plus discutée, celledu rapport entre la dose d’irradiation etson effet. Evolue-t-il de façon propor-tionnelle, même lorsque les doses sontfaibles? En creux, est posée l’épineusequestion de l’effet des faibles dosesauxquels sont soumis de façon chroni-que les 9 millions de personnes deszones contaminées. «Il y a des lieux, auJapon, où l’on reçoit naturellement0,5 millisieviert par an contre 70 en Iran,140 fois plus. Or il n’y a pas 140 fois plusde cancers en Iran. En-deçà d’un certainseuil de radioactivité, il ne se passe doncrien», estime Nicolas Foray,Des dizaines de cohortes ont été étu-diées, des milliers de mesures ont été

En 2006,à l’hôpital de Kiev.

Vika Chervinska,une Ukrainienne

de 8 ans, atteinted’un cancer

de la thyroïde.PHOTO

ODED BALITY. AP

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PORTRAIT BOB WOODWARD

fermé la fenêtre, pour cause de travaux bruyants. Du coup,de nouveau calé dans son fauteuil, le voilà un brin goguenard:«Bon, on a fermé la fenêtre, on a débranché le téléphone, la lu-mière est éteinte… La séance psy peut commencer, je crois.»Alors, trop cool, Bob, par ailleurs doté d’une belle gueule,burinée juste ce qu’il faut, d’un regard perçant et d’une pres-tance de col blanc? Non. S’il réfute l’option dernier des Mo-hicans («il reste des journalistes qui prennent le temps de creu-ser»), Woodward n’est pas non plus Jim Carrey, et il saitsonner la fin de la récréation en manitou pas du tout prêt àêtre détrôné. A propos de WikiLeaks par exemple: «Jusqu’ici,les informations que ce site a publiées n’ont pas été déterminan-tes, plutôt de niveau intermédiaire. Elles n’ont pas mené à la Mai-son Blanche. Par ailleurs, avec leur façon de tout balancer, cer-taines de leurs sources se sont retrouvées en danger.»Moyennant 6000 dollars par an, Woodward stocke dans «unlieu hors de Washington, très sûr et à l’abri de l’humidité», desdocuments, «enregistrements, transcriptions, notes» qu’il aconservés tout au long de sa carrière. Que fera-t-il de cettecaverne d’Ali Baba journalistique? «Franchement, je me de-mande. Il faudrait attendre que toutes les sources concernéessoient mortes pour pouvoir rendre tout ça public.»Présentement, il se dit prêt à «parler de tout ce que vous vou-

lez», admettant que de toute façon, même le refus est signi-fiant: «Comme on dit dans la CIA: “Laissons le silence aspirerla vérité.”» Il n’y aura pas de silence. Woodward est plutôtdu genre à marteler en force tranquille, suavement mais sûre-ment. A commencer par «dossiers», son mot-clé, son man-tra. Files en VO –prononcer «faïlz», comme dans X Files. Dé-terrer des files, et constituer les siens, aura été et reste lagrande affaire de Woodward qui, à 68 ans, creuse et creuseencore, toujours au Post où il n’écrit plus mais qu’il conseillepour la partie investigation et qu’il alimente en bonnesfeuilles de ses livres, les Guerres d’Obama étant le seizième.Une sorte de guest star.Tout a commencé, dit-il, dans le cabinet d’avocats où officiaitson père, qui deviendra ensuite juge. «J’y travaillais commeportier, et un jour, je devais avoir 14 ou 15 ans, j’ai commencéà feuilleter certains dossiers, dans la pièce où ils étaient réunis.J’ai découvert des secrets des gens de la ville, des gens que je croi-sais parfois, des histoires de divorce, d’abus sexuels.» La villeétait Wheaton, dans l’Illinois, «où régnait une culture conser-vatrice, de la satisfaction de soi et de la pureté autoproclamée»,elle est connue pour son campus privé où a notamment étudiéle prédicateur protestant Billy Graham.«J’ai été saisi par lacontradiction qu’il y avait entre ce qui était montré, visible, et cequi était dissimulé.» Qu’enétait-il de sa propre famille,recomposée après le divorcede ses parents ? L’aîné desept enfants élude : «Elleavait ses secrets, comme toutesles familles.» Un seul autrethème fera louvoyer l’exhu-meur de vérité : la religion.«Si je crois? Disons que je suissceptique : où sont les dos-siers ? Où sont les preuves ?»C’est son passage dans l’ar-mée, cette Grande Muette,qui mène l’admirateur deJohn Le Carré au journa-lisme. Entré à Yale grâce àune bourse militaire (ROTC)qui suppose un certain pa-triotisme, Woodward, une fois diplômé en histoire et littéra-ture anglaise, sert cinq ans dans la Navy. «A la fin, j’ai travailléau Pentagone, en pleine guerre du Vietnam, et j’ai vu passer desdocuments qui disaient des choses très différentes de la versionofficielle.» La carrière du lieutenant Woodward s’arrête là.Il envisage un temps d’étudier le droit, avant de candidaterau Washington Post, qui le remercie après deux semainesd’essai. Repli sur un petit hebdomadaire du Maryland. Unan plus tard, il redémarche le Post qui, cette fois, l’embauche.Le cambriolage de l’immeuble du Watergate, siège du Partidémocrate, a lieu neuf mois plus tard. Woodward ne bougeraplus du Post quand le plus flamboyant Bernstein a rejoint latélévision dès 1976. La deuxième madame Woodward, ElsaWalsh, est une signature du très select New Yorker.A quoi carbure Woodward? On penche pour l’aversion onto-logique à l’hypocrisie. Ce serait le parer d’une dimensionmorale voire moraliste qui perce ici et là, à propos de Berlus-coni par exemple («non, je n’aimerais pas avoir à enquêter là-dessus, il y aurait trop d’aspects sordides»). Il ne la revendiquepas, assure que «le journalisme est un job, pas une mission».De fait, au final, quelque chose de beaucoup plus basique,et orgueilleux, émane de ce saint Thomas made in USA quine croit qu’«aux faits, rien qu’aux faits», qui n’a jamais étéintéressé par l’éditorialisation («c’est juger et interpréter lesfaits»), qui cite comme dernière cinématographique le Dis-cours d’un roi, «mais bon, le discours originel était moins in-tense, et le roi bien moins beau que Colin Firth». Woodward nesupporte pas l’idée d’être roulé dans la farine, point à la ligne.D’où sa monomanie pour les présidents: «C’est là où se trouve,où s’exerce vraiment le pouvoir.» Woodward place si haut sapropre souveraineté qu’il en laisse sa fille cadette, 14 ans,décider de son vote: «Ça contribue à son éducation de citoyenneet ça me permet de rester neutre.» L’élection d’Obama?«Oui,ça a été quelque chose, mais avec Carter et Clinton aussi, on acru voir la mer Rouge s’ouvrant devant Moïse. La vraie questionest : que va-t-il vraiment accomplir ?» Il va «probablement»continuer à tenir le 44e président des Etats-Unis sous son«microscope». «Je suis la personne la plus patiente qui soit»,assure Woodward dans un sourire carnivore •

Par SABRINA CHAMPENOISPhoto PATRICK SWIRC

EN 8 DATES

26 mars 1943 Naissanceà Geneva (Illinois).Juin 1972 Enquêteavec Carl Bernstein surun cambriolage dansl’immeuble du Watergate.9 août 1974 Le présidentNixon démissionne.1974 Les Hommes duPrésident. 1976 Les DerniersJours de Nixon. 1987 CIA:guerres secrètes, 1981­1987.2007 Mensonges d’Etat.Comment Bush a perdula guerre. 2011 Les Guerresd’Obama, éditions Denoël.

L a veille, on avait revu les Hommes du Président d’AlanJ. Pakula, starring Robert Redford et Dustin Hoffman.Alors évidemment, quand Bob Woodward soudainse faufile sous la table pour débrancher le téléphone

qui n’en finit pas de sonner, saisissement. Une scène du filmmontre exactement ça, un type en train de bidouiller sousun bureau. C’est presque trop beau. Car si l’occasion de larencontre est un livre sur le bras de fer entre Obama et le Pen-tagone avec la CIA en embuscade, au fond, en vrai, c’est l’undes deux héros du Watergate qu’on est venu voir. Ce monu-ment du journalisme qui, en 1972, à même pas 30 ans, s’estentêté avec un collègue du Washington Post tout aussi jeune,Carl Bernstein, à enquêter sur un cambriolage. Le fait diversallait déboucher sur la démission du président des Etats-Unis,Richard Nixon. Indépendance, opiniâtreté, précision, mêmepas peur : Woodward et Bernstein, dans le genre, sont desgénéraux cinq étoiles. Qui plus est immortalisés à l’écran pardeux des acteurs les plus charismatiques des années 80.Commentaire de Woodward, sous la table: «Vous me mettezà genoux…» Juste avant, toujours à notre demande, il avait

Le journaliste starisé par le scandale du Watergate,continue de passer la présidence américaine au tamis.

Fidèle au «Post»

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