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LES LIAISONS DANGEREUSES Laclos

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LES LIAISONS DANGEREUSES

Laclos

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© Hatier, 2002 ISBN 2-218 74127-X

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INTRODUCTION : EXPLOITATIONS POSSIBLES DU DOSSIER DANS LE CADRE DES PROGRAMMES

Dans le cadre de l’étude des Liaisons dangereuses en œuvre intégrale,l’objet d’étude dominant est bien sûr l’Épistolaire, et le travail proposés’adresse donc en priorité à un public de première littéraire, sansexclusivité cependant. Mais ce roman peut aussi être le lieu privilégiéde l’approche d’autres objets d’étude. Ainsi, il permet d’aborder ou decompléter la réflexion sur le mouvement littéraire et culturel des Lumières,soit en tant que tel, soit en prolongement à diverses séquences. Onpeut imaginer par exemple une étude en lecture cursive en parallèled’une séquence centrée sur la figure du libertin (convoquant Dom Juande Molière et des extraits de Saint Amant, Cyrano de Bergerac, Restifde la Bretonne entre autres) pour manifester l’évolution du libertinageérudit au libertinage des mœurs, ou encore d’un groupement de textesstrictement épistolaire.Dans une autre perspective, en raison du motif même du roman qui estl’élaboration d’une stratégie que l’échange épistolaire construit etdéveloppe, l’étude des Liaisons dangereuses peut prendre comme fildirecteur le travail sur l’argumentation : chaque lettre, en tant qu’élémentnarratif et dramatique de la construction romanesque peut être luecomme tentative pour convaincre, persuader ou délibérer, et dans unedimension systématique, la communication entre les personnages, qui estle fondement même de l’écriture ici, est le lieu du développement del’essai et des variations dialectiques. Notons enfin que par sa leçon moraleet sa volonté de faire figure d’exempla, le roman rejoint l’apologue.Par ailleurs, le roman de Laclos permet d’engager la réflexion sur l’objetd’étude des réécritures et ce à deux niveaux : dans une perspectivetextuelle d’abord, puisque d’une lettre à l’autre, d’un destinateur-destinataire au suivant, le rapport de l’événement se modifie, la variationconstruisant la dynamique du récit ; dans le lien du texte à l’imageensuite, puisque nous disposons de plusieurs adaptations cinéma-tographiques qui toutes peuvent être le lieu d’un travail sur cette

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modalité de transposition, en particulier par une approche des registres.Enfin, et c’est un aspect essentiel, parce qu’elle se présente commeune communication intime, qu’elle se développe sur le mode de laconfidence, la construction romanesque des Liaisons dangereuses, estaussi l’occasion d’aborder ou de compléter la réflexion sur l’écriture desoi et les choix esthétiques opérés par l’auteur ; par là, la lecture duroman rejoint l’objet d’étude du biographique, dans ses rapports avecl’autobiographie et la fiction.La richesse du roman étudié invite donc à l’aborder sous desperspectives diverses, qui sont autant d’éclairages possibles. Les pistesde travail que nous suggérons ici tentent de prendre en compte tousces aspects.

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LIRE L’ŒUVRE

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QUESTIONNAIRE DE LECTURE (p. 396)

LE TITRE

1. Dans son acception moderne, et pris absolument, le terme« liaison » désigne une relation amoureuse entretenue hors de toutcontexte conjugal ; « avoir une liaison » relève donc du lexique de larelation sentimentale. Ce sens est bien entendu valide dans le titre desLiaisons dangereuses, que l’on peut comprendre comme program-mateur d’un récit qui relate diverses relations amoureuses (le titre estun pluriel) présentées comme dangereuses pour les héros. Cependant,le sens de l’expression est plus riche au XVIIIe siècle parce que le termea une polysémie aux contours plus étendus. Dans les rapports entre lespersonnes, la liaison définit, depuis le XIVe siècle, le lien par lequel ons’engage moralement avec quelqu’un, on s’oblige mutuellement :Montaigne l’utilise comme synonyme d’amitié. Fin XVIIe siècle, on letrouve sous la plume de Mme de Maintenon, au pluriel, au sens de« relations, accointances » ; le Littré propose comme l’une des douzedéfinitions du terme celle « d’union d’amitié, d’intérêt ». Le mot ressortà la fois du registre sentimental et du code social. Au XVIIIe siècle, desliaisons dangereuses sont à entendre aussi comme des liens sociauxdéstabilisants, des « liaisons contractées imprudemment avec deshommes ou des femmes dangereux » (Littré). Le titre de Laclos signifieainsi ce que l’on appellerait aujourd’hui de « mauvaises fréquen-tations », qu’elles soient amoureuses, amicales, sociales ou morales.En ce sens, le sous-titre développe bien l’un des aspects du titre, donton pense qu’initialement il fut Du Danger des Liaisons.

2. Le sous-titre du roman est « Lettres recueillies dans une société etpubliées pour l’instruction de quelques autres ». La citation deRousseau extraite de la Préface à la Nouvelle Héloïse et qui figure enexergue du roman de Laclos est « J’ai vu les mœurs de mon temps etj’ai publié ces lettres. » Ces deux éléments, par leur position à l’entréede l’œuvre, invitent le lecteur à orienter sa lecture et proposent despistes d’interprétation :

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– La double mention des Lettres d’abord est importante : elle place letexte sous le signe de l’authenticité (« recueillies », « j’ai vu », « demon temps ») et lui affecte une valeur de document et de témoignage.Cette perspective est cependant immédiatement démentie par lapremière phrase de l’avertissement de l’éditeur, où apparaît pour lapremière fois le mot Roman : à l’évidence, Laclos construit unbrouillage générique, qui fait osciller le statut du texte de la réalité àla fiction, sans jamais prendre position. Au lecteur de décider du degréde confiance qu’il attribuera au texte et du pacte de lecture qu’ilconstruira avec l’auteur.– Les deux éléments ensuite interrogent sur la posture de l’écrivain iciramené au rôle de compilateur des lettres : « recueillies »,« publiées », « j’ai publié ». Ainsi, Laclos, s’appuyant sur le modèle deRousseau, affiche la volonté d’une part de présenter une œuvre nonfictionnelle, d’autre part de ne pas prendre à son compte laresponsabilité des propos tenus. Le risque de la censure apparaîtclairement en filigrane.– Par ailleurs, le roman se veut édifiant : « société », « instruction dequelques autres », « mœurs de mon temps ». Si l’on prend en comptela double définition du terme qui désigne à la fois celui qui décrit lesmœurs et habitudes sociales et celui qui prétend les réformer, Laclos,après Rousseau, se pose d’emblée en moraliste. D’une part donc, lafigure de l’écrivain se démultiplie et se dilue, elle est omniprésente,d’autre part elle prétend à une leçon universelle et intemporelle,intention qui légitime la non affirmation de la personnalité de l’auteur.

LE GENRE ET LES REGISTRES

3. Le mode de narration choisi par l’auteur est linéaire etchronologique, puisque le lecteur suit les aventures des personnagesen fonction d’un axe qui va de l’ordre au désordre pour aboutir à unnouvel ordre. Cependant la narration n’est pas continue puisqu’elle seconstruit exclusivement sur un échange épistolaire qui implique desellipses, des sommaires d’action, voire des pauses, lorsqu’un mêmeévénement est relaté plusieurs fois. La forme romanesque choisie par

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l’auteur est donc celle du roman par lettres, dont chacune constitueune unité narrative.

4. Différents conflits animent et structurent le roman de Laclos. Certainssont le fait d’une tension entre un code social et une aspirationsentimentale, comme celui qui se manifeste entre Cécile Volanges et samère. D’autres se construisent sur l’expression de sentiments contra-dictoires voire irréductibles, comme l’amour et l’orgueil par exemple.D’autres encore s’édifient sur des intérêts opposés, comme on le voitentre la marquise et Valmont. Laclos exploite la quasi-totalité despossibles suggérés par son intrigue, en privilégiant cependant, commemoteurs de l’action, les conflits tragiques, c’est-à-dire ceux quis’expriment chez (ou entre) les héros par un sentiment qui oscille entrerévolte, culpabilité et désespoir. Frappés à la fois du caractèreinéluctable de l’engrenage affectif et social dans lequel ils sont aspirés,de la conscience de l’illusion de leur liberté et du silence d’unquelconque recours divin, tous les personnages principaux du romansont à un moment ou un autre agent et/ou victime d’un conflit tragique,et leurs lettres apparaissent bien souvent comme les tentatives de luttecontre un destin qui leur échappe et qui empêche tout retour à unesituation antérieure. On peut retenir ici quelques éléments caractéris-tiques de certaines configurations romanesques ressortant au conflittragique. La première, et la plus lisible, est celle qui s’élabore sur lafigure triangulaire : la relation Valmont-Tourvel est ainsi brisée par lastratégie destructrice de la marquise qui insuffle au vicomte les motsdéfinitifs par lesquels non seulement la présidente n’obtient pas laconversion du séducteur, mais de surcroît celui-ci lui refuse l’imagesalvatrice d’elle-même, celle qui l’autorisait au nom de l’amour absolu,à continuer de vivre. Juge et contempteur, il empêche que se construiseentre eux toute image de grandeur et condamne la jeune femme à unefolie dont l’expression rappelle le délire d’Oreste dans Andromaque. Leconflit est ici tragique en ce que la demande de légitimation par le cœur,que la présidente adresse au vicomte, est niée : l’autre ne donnera passens à l’abandon consenti. Mais la Présidente est par ailleurs l’insti-

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gatrice d’autres conflits tragiques : dans la mécanique régulée du libertinage, qui fonctionne sur le schéma modulable du couple (Valmont-Merteuil/Cécile-Danceny, puis Valmont-Cécile/Merteuil-Danceny, voireMerteuil-Cécile), elle est l’élément isolé, solitaire, l’impair qui empêchela machine de tourner à l’infini. En réclamant à Valmont une relationamoureuse fusionnelle, elle demande l’exclusion de la marquise et samise hors-jeu. Par son imperméabilité au jeu libertin, elle est l’agentprincipal du conflit de même qu’en tant que force d’opposition, elle estresponsable du retournement de l’intrigue dans le sens du tragique.D’autres conflits enfin, plus intérieurs, peuvent apparaître tragiques :celui qui laisse Cécile, partagée entre son goût pour la corruption et saconscience du mal, échouer dans une sorte de désert moral où tout sevaut, celui qui oblige la Présidente à invoquer un Dieu pour se garderdu Diable, sans que l’un ou l’autre ne manifeste sa supériorité, celui quiagite le vicomte, pris un temps au piège de ses sentiments. En définitive,la source des conflits dans le roman semble bien l’absence de toutemétaphysique comme système référent, et le tragique naît de l’absencede sens à donner, autre que conjoncturel, aux relations qui s’établissent.Dans les Liaisons dangereuses, l’autre, réduit à merci, ne peut êtreporteur d’un quelconque avenir du moi, alors même qu’il est le seulmiroir qui soit tendu à chaque épistolier.

5. La polyphonie du texte épistolaire rend par définition difficilel’identification d’un registre dominant dans Les Liaisons dangereuses,la narration confiée successivement aux différents protagonistes étantdépendante des émotions manifestées, elles-mêmes nécessairementvariées pour les besoins de la progression de l’action. Dans uneclassification par personnages, il est aisé de reconnaître que le registrepréféré de Cécile Volanges est lyrique, et que la marquise de Merteuilest volontiers ironique, l’inverse ne se vérifiant pas. L’unité de registredu roman peut cependant se faire autour du délibératif entendu commeexercice de la raison sur les passions. En effet, le texte propose unepalette assez variée des émotions et de leur expression en raison dedeux paramètres liés au roman lui-même ; d’une part, l’écriture

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épistolaire qui favorise la transcription de l’intime et mime sa mise àjour progressive, d’autre part le sujet dominant de l’échange épistolairequi est l’exploration des affects. Dans une lecture globale, selon la plusou moins grande distance que les protagonistes établissent avec leurressenti et leurs réactions, le registre manifesté va du lyrique et dupathétique (Cécile, Danceny, Mme de Tourvel) au polémique et àl’ironique (Valmont, Mme de Merteuil) ; quelle que soit cependant lamodalité retenue – qui permet par ailleurs de caractériser le style dechaque personnage – le point de convergence des discours se fait autourde la conduite à tenir, parce que cette interrogation est elle-mêmeélément de la dynamique du récit épistolaire. Vouloir influer par unelettre sur le choix de l’autre, c’est évaluer pour soi au même titre quepour lui, les enjeux de l’action à engager. Il s’agit bien de délibération.

LA STRUCTURE

6. La situation initiale se construit dans les lettres 1 à 6 dans lesquellesLaclos établit les relations entre les personnages qui amorcent l’action.On y apprend qu’une jeune fille, Cécile Volanges, fraîchement sortie ducouvent fait l’objet d’un projet de mariage avec M. de Gercourt qui setrouve être l’amant de la marquise de Merteuil, amie de la familleVolanges. De dépit, la marquise sollicite l’aide de son ancien amant ettoujours ami, le libertin Valmont, en lui demandant de séduire la promiseet de ruiner ainsi les espérances de Gercourt. Mais le vicomte a d’autresprojets : il entend prendre dans ses filets une proie plus consistante, lavertueuse Mme de Tourvel. En quelques lettres, l’exposition est com-plète : la situation (un cercle fermé, mi-familial, mi-amical : un huisclos), les projets (un mariage, une vengeance, une aventure : trois entre-prises de séduction contradictoires), les valeurs (l’innocence, la rouerie,la vertu), les sentiments (l’espoir, l’inquiétude, la colère, l’orgueil).La situation finale (lettres 168 à 175) nous informe qu’à la suite d’unduel entre Valmont et Danceny, dans lequel la marquise de Merteuil aune part de responsabilité, le vicomte est mort ainsi que la présidente,le chevalier s’est retiré à la Commanderie de ***, Cécile de Volangess’est réfugiée dans un couvent et Mme de Merteuil, défigurée par la

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petite vérole et ruinée, court les routes de l’exil. Le mariage projeté n’apas eu lieu, mais Cécile a été séduite, ainsi que la présidente : la vertuet l’innocence ont donc été corrompues mais l’unité du cercle n’a puêtre préservée et a éclaté. À la fin du roman, la scène s’est vidée de sesacteurs principaux. Seuls restent présents ceux qui assurent lacohérence du récit, la transmission de son sens, et la vraisemblance del’ensemble en justifiant la conservation de la correspondance. D’unecertaine façon, cette fin est celle d’une tragédie qui laisse la scènedéserte et expose les châtiments encourus. On ne peut que noter queles seuls protagonistes encore en scène sont ceux qui incarnent l’ordresocial (Mme de Volanges) et l’ordre moral (Mme de Rosemonde), maisil est aussi remarquable que la fuite de la marquise puisse s’entendrecomme une éventuelle aventure à venir.

7. Le roman développe cinq intrigues amoureuses principales(auxquelles on peut ajouter les aventures de la marquise – avecBelleroche ou Prévan – et les liaisons du vicomte, avec Émilie parexemple) : l’intrigue Valmont-Merteuil (couple 1), l’intrigue Danceny-Cécile Volanges (couple 2), l’intrigue Valmont-Cécile (couple 3), l’intrigueDanceny-Merteuil (couple 4), l’intrigue Valmont-Tourvel (couple 5). Lapremière existe antérieurement au temps romanesque. La seconde senoue très rapidement dès la lettre 7, alors que la dernière est projetéedès la première lettre du vicomte (lettre 4). La troisième est engagéeégalement dès la première lettre de la marquise (lettre 2). La quatrièmese met en place plus tardivement (lettre 118) : elle est une étape dansun parcours et ne remet pas en cause la relation Danceny-Cécile, maiselle accélère la fin du roman (elle est l’agent du dénouement). Ellepermet également de compléter, dans une figure de miroir, lerenversement des couples amorcé par la séduction de Cécile parValmont. Le roman se construit d’emblée sur ce mouvement de balletqui permute les éléments du couple libertin (1) et du couple ingénu (2).Mais les Liaisons dangereuses ne sont pas un roman d’amour, et lerenversement ne se justifie pas par les sentiments : personne, dans cequadrille, ne tombe amoureux, le jeu est sexuel mais aussi et surtout,

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intellectuel ; l’entreprise de séduction est l’outil d’une stratégie qui viseà satisfaire les intérêts et non le cœur de ceux qui la mettent en œuvre.La corruption de Cécile et Danceny est le fait d’une décision deslibertins, et ils participent tous deux à sa réalisation : la marquise séduitautant Cécile que Valmont par son jeu équivoque et Valmont agit demême, quoique sur un autre terrain avec Danceny. La mise en place descouples 3 et 4 a une incidence sur le cours du récit : la grossesse avortéede Cécile et le jeu ambigu du chevalier sont des rebondissements quidéclenchent entre la marquise et le vicomte un règlement de compte.Ils entraînent le roman vers sa fin en activant les vengeances.Cependant, l’élément réellement perturbateur du récit est la tournureinattendue que prend la relation Valmont-Tourvel (couple 5). Alors queles autres protagonistes évoluent dans un certain relativisme, où,comme dans le théâtre de Marivaux, la situation est toujours réversible,la présidente parle le langage de l’absolu jusqu’au bout, contrecarranttous les projets savamment élaborés. Son échec mystique et amoureuxentraîne la destruction du couple Valmont-Merteuil.

8. Les Liaisons Dangereuses se composent de quatre parties :– Première partie : lettres 1 à 50Deux libertins, anciens amants, le vicomte de Valmont et la marquisede Merteuil, rivalisent d’ingéniosité pour satisfaire leurs ambitions. Lepremier, en villégiature chez sa tante Mme de Rosemonde, a entreprisla conquête de la vertueuse présidente de Tourvel ; la seconde,mortifiée de voir son amant M. de Gercourt en passe d’épouser la jeuneCécile Volanges qui sort de son couvent, imagine de s’en venger en lefaisant cocu avant d’être marié. Elle propose cette curieuse mission àValmont, qui refuse. Jalouse de Mme de Tourvel dont elle sent levicomte amoureux, elle s’offre alors à lui s’il parvient à obtenir lesfaveurs de la présidente. Pendant ce temps, Cécile et Danceny, sonmaître de chant, tombent amoureux et trouvent en la personne de lamarquise une aide précieuse à leurs échanges.Cette partie est celle de l’engagement de l’action par l’exposé descombinaisons projetées et de leurs motifs : chaque personnage confie

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à son correspondant la teneur de ses aspirations, explicitant ainsi pourle lecteur les relations d’amitié ou d’inimitié qui l’animent.– Deuxième partie : lettres 51 à 87Danceny, rendu dangereux aux yeux de Mme de Volanges par les bonssoins de la marquise qui souffle le chaud et le froid sur sa relation avecCécile, demande l’assistance de Valmont que la jeune fille a rejoint chezMme de Rosemonde où sa mère la croit à l’abri des assiduités duchevalier. Pendant ce temps, dans une sorte de défi mutuel, la marquiseet le vicomte rivalisent de rouerie : en réponse au peu galant récit quele second lui fait de la conquête de la vicomtesse de M***, la premièrea entrepris de séduire Prévan, libertin notoire, qu’elle perd deréputation. Valmont n’en oublie malgré tout pas son objectif principal :à grand renfort de lettres, il continue son entreprise de séduction àdistance de la présidente dont les arguments faiblissent.Ce second temps de l’intrigue est celui du libertinage proprement dit :outre le fait que l’intrigue principale se trouve ralentie par le récitd’amours parallèles qui confirment le titre de libertins consommés desdeux protagonistes, cette seconde partie manifeste aussi le talentindéniable de la marquise en matière de manipulation. De complices,les deux libertins deviennent peu à peu rivaux.– Troisième partie : lettres 88 à 124Le vicomte a profité de la confiance que lui vouent les jeunes gens poursoutirer à Cécile une clé de sa chambre dont il fait faire un double. Ils’introduit de nuit chez elle, la séduit, et malgré les scrupules initiauxde la jeune fille s’instaure une relation galante ; dans le même temps,il progresse dans le cœur de la présidente, feint de se repentir et devouloir se convertir, rencontre le confesseur de Mme de Tourvel etobtient un rendez-vous avec la jeune femme. La marquise, piquée dece premier succès, décide de séduire Danceny, irritant par cettemanifestation de liberté le vicomte qui compte bien obtenir le prix deses efforts : récupérer la marquise s’il réussit à vaincre les résistancesde la présidente.Ce troisième temps est celui de l’élaboration de la crise : pris dans lejeu de leurs stratégies respectives, à la fois complices et ennemis,

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Mme de Merteuil et Valmont rivalisent d’assauts libertins : les troisautres protagonistes, séduits, ont capitulé, et ils se retrouvent face àface, vainqueurs, certes, tous deux, mais cherchant celui qui le sera del’autre.– Quatrième partie : lettres 125 à 175Le vicomte a gagné : Mme de Tourvel lui a cédé. Mais le « bonheur » estde courte durée. Pour se prouver qu’il n’est pas amoureux, Valmontpasse une nuit avec une autre femme, Émilie, ce que découvre laprésidente. Humiliée, elle accepte cependant de pardonner la trahison.Le vicomte réclame alors à la marquise le prix de cette conquête, maiscelle-ci tergiverse, et exige qu’il rompe, écrivant même pour lui la lettrede rupture. Bien que le libertin se prête à ce jeu cruel et que Mme deTourvel en tombe malade de désespoir, Mme de Merteuil se donne àDanceny et provoque la colère du séducteur : la guerre est déclarée, etchacun fourbit ses armes ; Valmont rapproche Danceny de Cécile pourl’éloigner de la marquise qui de son côté révèle au chevalier la liaisonde Cécile et Valmont, provoquant un duel meurtrier, à partir duquel leroman s’achemine vers une fin inéluctable : le vicomte meurt entraînantdans son sort celui de la présidente, Danceny dévoile au grand jour laconduite machiavélique de la marquise en rendant publiques des lettrescompromettantes avant de rejoindre la Commanderie de ***, Céciledéshonorée rentre au couvent, et la marquise marquée de la petitevérole et poursuivie de ses créanciers prend la fuite vers la Hollande.

Cette dernière partie est celle de la crise et de son dénouement. Lesdifférents protagonistes, clairement identifiés ici comme instrumentsd’une double stratégie voient leur sort réglé sans scrupule par les héroslibertins qui se retrouvent face à face dans le conflit ouvert préparé dèsla lettre 2.

L’ESPACE ET LE TEMPS ROMANESQUES

9. L’action du roman se déroule sur un peu plus de cinq mois, du 3 août17** (date de la première lettre) au 14 janvier 17** (date de ladernière). On peut noter l’extrême resserrement de l’action en regarddes événements rapportés : la vie réglée, aux rouages bien huilés, d’une

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demi-douzaine de personnages bascule en quelques mois dans latragédie, et cela sans l’intervention d’un quelconque élément extérieurà leur microcosme. La machine s’est autodétruite, victime d’unenchaînement fatal et inéluctable.En tenant compte de la construction en parties du roman, on peut parailleurs étudier le rythme du récit. La première partie se déroule sur unmois (du 3 août 17** au 1er septembre 17**), la seconde sur 24 jours(du 1er septembre 17** au 26 septembre 17**), la troisième sur un mois(du 26 septembre 17** au 25 octobre 17**), et la quatrième sur un peuplus de deux mois (du 29 octobre 17** au 14 janvier 17**). L’accent estdonc mis sur la crise qui construit l’affrontement final entre les deuxlibertins, avec un étirement du temps propice à la valorisation du conflitet à la montée du suspens. Cette longue dernière partie est de surcroîtmise en valeur par la précipitation de sa chute ; le drame final se joue du6 au 15 décembre : en une dizaine de jours, le vicomte et la présidentemeurent, Cécile avorte et se retire au couvent et Mme de Merteuil estdéshonorée. Le temps restant est consacré à exposer au lecteur lescirconstances par lesquelles les lettres ont été recueillies par le soin deMme de Rosemonde et de Danceny. La dernière lettre ramasse dans unrésumé édifiant le sort définitif de chaque protagoniste et la leçon à tirer,confiée à la plume frappée de stupeur de Mme de Volanges.Cette dynamique ascendante est encore renforcée si elle est mise enregard des volumes de lettres, dont la répartition est en chiasme : 50lettres pour la première et la dernière partie, 36 pour les deux partiescentrales, la quatrième partie double donc le temps de la première pourun nombre égal de lettres, le temps s’étire et la correspondances’espace, alors que les événements se multiplient.

10. L’époque qui sert de cadre au roman est celle de la Régence,antérieure d’une cinquantaine d’années au temps de l’écriture. Cettepériode va de la mort de Louis XIV en 1715 à celle soudaine du régentPhilippe d’Orléans en 1723 ; elle se caractérise par la liberté desmœurs, « officialisée » d’une certaine façon par l’attitude ostensi-blement dépravée des Grands, et par l’utilisation du libertinage commemoyen de la promotion sociale.

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« C’est le joli temps de la Régence. Où l’on fit tout excepté pénitence »,dit la chanson populaire. De fait, dégoûtée de l’austérité et de touteespèce de vertu imposée par le Roi Soleil vieillissant, la France, muepar un besoin d’affranchissement, part à la recherche d’un bonheur àla fois collectif et individuel. L’homme de la Régence est un être dedésir, tourné vers la jouissance de la vie, mais à l’intérieur d’un cadresocial qui préserve le bon goût et l’élégance. Cette aspiration ne peutdonc prendre tout son sens qu’au travers de la réflexion qui l’accom-pagne : les facultés de l’intelligence sont largement sollicitées et lelibertin de la Régence est un homme de qualité, chez qui la légèretéde vie n’exclut pas la profondeur du raisonnement.La période manifeste ainsi des goûts qui caractérisent ceux des hérosde Laclos : le goût du faste et du luxe, celui de l’élégance (on saitl’intérêt et le soin que les protagonistes du roman portent à l’allurevestimentaire – voir le quiproquo avec le cordonnier, lettre 1, ou laremarque de la marquise sur la Présidente : « toujours mise à fairerire ! avec ses paquets de fichus sur la gorge, et son corps qui remonteau menton ! » dans la lettre 2), le goût de l’oisiveté et des occupationsgratuites (dans la campagne de Mme de Rosemonde on dîne, on joueau wisk, on converse et l’on écrit), et celui de la culture (Mme deMerteuil a lu les romans, les philosophes, les moralistes, voir lettre 81,et Valmont sacrifie au rite social de l’Opéra où il s’affiche avec « unefille », lettre 135).L’époque peinte par Les Liaisons dangereuses se caractérise donc parun appétit de conquête en réaction à l’austérité ; c’est une période detransgressions et d’excès.

11. On a beaucoup reproché à Laclos d’avoir voulu peindre, et mal, unmilieu qu’il méconnaissait pour n’en être pas issu. Il a cependant uneconnaissance de l’homme qui fait de lui un observateur averti deshabitudes sociales.Les personnages du roman appartiennent à la noblesse et àl’aristocratie bourgeoise, ce dont témoignent leurs noms avec particuleet leurs titres : noblesse d’épée (comte, marquise, vicomte, chevalierde Malte) ou noblesse de robe (la présidente de Tourvel est mariée à

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un parlementaire.) À des degrés divers, c’est un univers social définien grande partie par son oisiveté, à laquelle Louis XIV l’a condamné.Certains marqueurs sociaux permettent de l’identifier : les lieux de viemondaine et privée, la présence auprès de Valmont d’un chasseur –Azolan – et d’un intendant – Bertrand – qui l’a vu naître, l’existenced’un confesseur, la domesticité, etc.

LES PERSONNAGES

12. Prise dans son sens absolu, la candeur désigne l’innocence et lapureté de l’âme, et relève de la vertu ; elle ne s’applique donc à aucundes personnages du roman. Par un sens plus restreint ; elle évoquel’absence de malignité et de méfiance, qui peut confiner péjorativementà la crédulité : Cécile Volanges et Danceny relèvent alors de cettecatégorie.La galanterie est au centre du roman, si on lui confère son sensd’intrigue amoureuse, issu du sens classique « d’art de celui quicherche à conquérir les faveurs d’une femme » : Valmont, la marquisede Merteuil, mais aussi au cours du récit Danceny et Cécile appar-tiennent à cette catégorie. Il convient d’y ajouter les comparses enlibertinage évoqués par le texte, Prévan par exemple.La vertu caractérise le souci de se conformer, par force d’âme, au devoirmoral, et implique notamment la fidélité conjugale. Elle est illustréedifféremment dans le texte : la vertu par conviction avec le personnagede la Présidente, la vertu par sottise avec Mme de Volanges et la vertupar sagesse avec Mme de Rosemonde.La retraite est la catégorie qui désigne l’action de se mettre hors dujeu social, et ici mondain et galant : on y trouve Mme de Rosemondemais aussi Mme de Tourvel lorsqu’elle fuit la tentation de Valmont ouDanceny dans sa commanderie et Cécile dans son couvent.

13. Mme de Rosemonde est la tante de Valmont et la confidente de laPrésidente. Présentée par Baudelaire comme un charmant « pastel »,cette vieille dame s’exprime dans un style aux tournures archaïsantes,empreint d’emplois anciens ; ce langage qui rappelle celui desprécieuses fait d’elle un personnage du siècle passé.

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Dans le roman, Mme de Rosemonde est un élément de cohérence, surle plan de la narration comme dans sa dimension symbolique. Dans unesphère sociale agitée de perpétuelles transgressions, où les victimesn’ont plus de référents – ou que les leurs sont inopérants – elle est unélément stable ; elle est d’ailleurs le seul personnage du récit à ne paschanger de lieu : son château est le point d’ancrage de l’intrigue maisaussi un lieu de retraite. Cette stabilité se lit particulièrement dans lalettre 103 où, répondant à la Présidente, elle manifeste sa sagesse, sabonté et son intelligence des cœurs. Figure morale mais pas austère,elle assure la continuité des relations entre les protagonistes et assumela difficile charge de dépositaire de la tragédie. Laclos en fait lesubstitut du rédacteur, et son rôle croissant dans la dernière partie durécit invite le lecteur à une interprétation morale du jeu social et deses dysfonctionnements.

14. La marquise et le vicomte ont en commun leur statut de roués : ilssavent maîtriser leur nature et dominer celle d’autrui. Séducteurs etséduisants, stratèges intelligents et orgueilleux, ils partagent cetinstinct de conquête qui est à la base de leur complicité initiale :« conquérir est notre destin » dit Valmont dans la lettre 4. Laclos adonc imaginé ici un couple construit sur la similitude et non lacomplémentarité. Pourtant le cours du récit invite à quelques nuancesqui expliquent le conflit d’influence qui débouchera sur la francherivalité et constitue le sujet réel du roman : si Valmont a tout dulibertin, affichant une froideur cynique, agissant avec comédie et calcul,ne s’embarrassant ni de scrupules ni de discrétion, son personnage n’apas l’envergure de celui de la marquise. Il passe plus de temps àexécuter ordres et conseils de sa comparse qu’à imaginer de réellesstratégies, et il manque parfois singulièrement d’imagination mêmelorsqu’il s’agit de séduction (on le voit par exemple lorsqu’il cherchedans les romans une « solution » pour attendrir Mme de Tourvel.). Sonlibertinage tient du principe posé plus que de la vraie jouissance de laliberté conquise et exercée. Sa sensibilité à la tentation affectivemarque enfin une faille dans le personnage libertin, même si elle lesauve par ailleurs en montrant sa capacité à être touché, comme le

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sauve de l’humiliation la mort en duel, conforme aux exigences de sacaste. Mme de Merteuil a sur le vicomte l’avantage d’être une libertinequi a choisi son libertinage, c’est-à-dire qu’elle le vit comme une forcegagnée sur la nature, comme une dynamique d’existence, non un état :cette conscience la rend à la fois plus perspicace et plus lucide. Capablede s’adapter à l’imprévu – ce que ne sait pas faire Valmont dont elle semoque dans la lettre 106 : « Dès que les circonstances ne se prêtentplus à vos formules d’usage, et qu’il vous faut sortir de la routeordinaire, vous restez court comme un Écolier » – elle observe etréfléchit avant d’agir (et surtout d’écrire) et vit toute rencontre et toutéchange comme un terrain d’expériences. Pour la marquise, lelibertinage est une nécessité, pour le vicomte c’est un luxe.

LES THÈMES

15. Différents thèmes traversent et nourrissent le roman : l’amour,l’argent, l’écriture, la sincérité sont des notions interrogéesrégulièrement par l’échange épistolaire. Pourtant, si l’on s’en réfère àla conduite du récit et à son épilogue, il semble que Laclos ait vouluessentiellement partager avec son lecteur un questionnement sur leséléments de déséquilibre social liés à la corruption morale. Si lelibertinage et ses manœuvres sont abondamment décrits dans le texte,c’est avant tout pour en démonter les mécanismes et montrer commentils s’inscrivent et se coulent avec habileté et discrétion dans les codessociaux ; chaque intrigue développe avec minutie la recherche detransgression d’un interdit : violer une virginité, bafouer la fidélitéconjugale, passer outre la parole et la promesse, travestir les mots etleur sens, perdre une réputation, blasphémer, trahir l’amitié et jouerde la confiance. Comme le disent le titre du roman et la leçon finale,la morale est ici surtout sociale, et entend par la peinture desmachinations imaginées montrer que la corruption des valeurscollectives peut mener à la destruction individuelle.

16. L’idée de bonheur est l’une des plus souvent abordées et dévelop-pées par les lettres : environ 75 mentions sur l’ensemble du roman. Ilest l’objet de toutes les aspirations, mais revêt des définitions

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différentes selon les personnages auxquels Laclos prête lescontradictions et ambiguïtés de ses contemporains. Pour les êtressensibles (Mme de Tourvel, Mme de Rosemonde, mais aussi parfoisValmont ainsi que Cécile et Danceny par innocence), le bonheur est unétat simple de sérénité, de sympathie entre les êtres ; parlant de sa vieavec son époux, Mme de Tourvel dit ainsi : « En est-il de plus doux[plaisirs] que d’être en paix avec soi-même, de n’avoir que des jourssereins, de s’endormir sans trouble et de s’éveiller sans remords ? »(lettre 56). Pour les libertins en revanche, dont la perspective estsensualiste, l’intensité de la sensation prime sur toute autreconsidération : le bonheur est conçu alors comme un état paroxystiquedu plaisir, qu’il soit physique ou intellectuel, comme l’explique Mme deMerteuil à Cécile dans la lettre 105 : « Ce qui pour tout le monde seraitun plaisir, et pourrait n’être que cela, devient dans votre situation unvéritable bonheur ». La rencontre entre ces deux conceptions estl’occasion pour Laclos de montrer qu’elle peut donner lieu à unquiproquo conséquent, comme l’explique Valmont lorsqu’il fait le récitde sa victoire sur Mme de Tourvel dans la lettre 125.

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L’ŒUVRE DANS L’HISTOIRE

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GROUPEMENT DE TEXTES : LIBERTINAGE ÉRUDITET LIBERTINAGE DES MŒURS (page 409)

1. Éléments d’analyse : dans le texte 1, la préoccupation religieuse sembleabsente ; seul « vice » relève de son lexique. Le cours de l’existence y estprésenté comme exempt d’une autorité spirituelle, et même la mort dansle dernier vers du sonnet y est envisagée hors de tout regard divin. Elleest donnée à lire comme une phase naturelle de la vie terrestre,l’aboutissement logique d’un processus de vieillissement : « attendre »,« fort doucement ». Aucune inquiétude ne s’y manifeste, aucun espoirnon plus. On observe un état similaire, mais pour des motifs différents,dans le texte 2 ; la religion n’y apparaît qu’implicitement, à travers lesstratégies développées par Don Juan pour réduire les principes desfemmes séduites : « fidèle », « innocente pudeur », « vaincre lesscrupules ». Le texte 3 en revanche donne la parole à un croyant quis’adresse à des libertins ; l’objet de son discours est de convaincre sonlecteur de la nécessité de parier sur l’existence de Dieu. Avec le terme« théologiens » dans le titre du chapitre, le texte 4 se place d’embléedans une perspective religieuse : la religion chrétienne y apparaît commeune passion excluant, dans une alternative irréductible, la satisfaction dela chair ; le propos exprime le conflit entre l’aspiration spirituelle del’homme – dimension mystique – et le besoin qu’il ressent del’assouvissement des désirs physiques. La vision proposée est ici contraireà toute forme de sérénité : « passion », « agitée », « force », etc. Le textemet en valeur le déchirement de l’être humain, partagé entre son intérêtpersonnel et le renoncement à soi pour l’amour de l’autre, qui le placeraitdans une perspective chrétienne. L’amour de Dieu est en contradictionavec la réalité terrestre de l’individu, comme le montre l’abondance descouples d’antonymes. L’objet du dialogue des personnages du texte 5 estune réflexion sur la relation, notamment sexuelle, entre l’homme et lafemme. Les notions religieuses y sont implicitement convoquées : lesvaleurs chrétiennes sont présentées comme des « préjugés » quiinduisent des codes de conduite, justifiés seulement par l’usage

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(4e réplique) et l’ignorance de la vérité. La vision de la religion s’assimileici à l’hypocrisie (« grimaces », « affecté la vertu ») et le texte construitdes oppositions significatives : goût/vertu ; besoin/sentiment. Dans letexte 6, la religion chrétienne est un support implicite fort : elle estprésentée comme contraire à l’idée de Nature (l. 3 et 4) et vécue commeune agression (« absurdes conseils des hommes faibles [c’est-à-dire lescroyants] ») ; la référence aux premiers chrétiens, traditionnellementimage valorisée, est évoquée par l’expression « imbécile système ». Si lareligion est ainsi proposée comme antinaturelle, le texte engage le débatsur les rapports entre la nature et le mal.Éléments de synthèse : le corpus de textes présente différentes visionsde la religion chrétienne, liées au fait que tous les auteurs sont, àl’exception de Pascal, des libertins :– Elle est d’abord inutile pour accéder à un bonheur complet, parce quele bonheur est perçu comme terrestre et ne se projette pas dans unquelconque au-delà (texte 1). Il peut même se construire sur unevictoire gagnée sur la résistance opposée par la conviction religieuseet les principes qui la garantissent (texte 2).– Elle assoit ensuite son autorité sur des préjugés et des habitudessociales. Elle est donc au service d’une collectivité dont elle assurel’équilibre social, au détriment du bonheur de l’individu (textes 2 et 5).– Elle devient ainsi nocive voire néfaste, parce qu’en contradiction avecla Nature de l’homme. Elle est donc un obstacle au bonheur. (textes 4,5 et 6).– Seul le texte de Pascal (texte 3) tente de montrer que la faiblesse dela Raison, stigmatisée aussi dans le texte 4, ne peut que porter l’hommeà croire, dans la mesure où il n’a rien à perdre.Globalement, ces textes manifestent donc une attitude de rébellioncontre les règles religieuses de la part « d’esprits forts » qui sont lesadeptes d’une pensée libre. Elle s’exprime notamment par le recoursau registre polémique.

2. Excepté l’extrait des Pensées (texte 3), qui convoque davantage celledu bonheur, l’ensemble du corpus s’interroge, en usant de registres

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variés, sur la notion de plaisir. Elle est au cœur même du sonnet deVauquelin des Yveteaux ; dans ce premier texte, le plaisir découle d’uneforme de contentement serein des désirs et besoins quotidiens : lessens, le goût, l’intellect, les affects y sont satisfaits dans un équilibrelié à la mesure. Il se construit en effet sur une exigence minimaliste,comme le montrent l’absence d’exagération et la récurrence des termesrestrictifs : tout le poème affirme que le « peu » est suffisant (« peude parents », « moins de […] que », « exempte », « à rien », « sansbesoin », « à rien qui », « peu de couverts », « sans peine », « peud’enfants », « sans femme »). Le plaisir est ainsi dans l’insouciance(absence de souci) notamment sociale (quatrains) et dans lasatisfaction des désirs esthétiques, gustatifs, affectifs (tercets). Lepoème exprime ce quotidien dégagé d’ambition avec beaucoup delégèreté (identité mètre/idée). Construit sur le renversement del’écriture épique, mais exempt d’ironie, le texte relève du registre« réaliste ».Dans le texte 2, le plaisir est d’abord celui des yeux, il est lié à lacontemplation de la beauté et à la séduction qu’elle exerce : « objetqui nous prend », « n’ait plus d’yeux pour personne », « toutes lesbeautés qui nous peuvent frapper les yeux », « les belles », « nouscharmer », « la beauté me ravit », « je conserve des yeux », « tout ceque je vois d’aimable », « beau visage », « charmes inexplicables ».Le plaisir est ici esthétique, et induit les plaisirs de l’amour : « goûté »,« douceur », « envie », « souhaiter », « réveiller nos désirs ». Associéau vocabulaire de la conquête guerrière, il utilise le registre épique(emploi constant des hyperboles).Dans le texte 4, le plaisir est posé comme une aspiration de l’hommeopposée à son désir de spiritualité ; il est une passion physique,indissociable de l’interdit qui le frappe. Aussi le monologue développe-t-il la notion de péché (référence au Diable, « absolution », « sespéchés ») et la problématique du bien et du mal, dans une conceptionqui se veut métaphysique. Par l’affirmation de la légitimité del’assouvissement du désir – le plaisir est une passion que Dieu a miseen nous : « tenant tout de Dieu, je tenais de lui ces passions » – le

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texte développe l’idée du plaisir sur le registre polémique, mais par lesinterrogations incessantes, l’enchaînement rationnel qui mime lemouvement de la pensée, le débat intérieur qu’il soulève, le monologueest essentiellement délibératif.Aucune polémique explicite en revanche dans le développement del’idée chez Crébillon : la perspective plus triviale et plus directe donneune définition du plaisir dénuée de toute considération d’affect ; sexuel,l’objet de désir est objectivé : « avez eue », « les plaisirs », « on seprend », « on s’est pris », « on se reprend ». La tirade de Clitandredénonce l’illusion d’une dimension morale ou affective dans l’attiranceamoureuse : « un désir qu’on se plaisait à exagérer, un mouvement dessens », « le goût seul existe ». Comme dans le premier extrait, le plaisirest ici donné à vivre avec sérénité et sans remords, composantenaturelle de l’être humain ; il se construit sur un refus de tout lyrisme,dans une dimension prosaïque qui relève de l’écriture réaliste.S’il présente la notion dans la même perspective que l’extrait deThérèse Philosophe, le texte 6 pose le plaisir comme explicitementindissociable de la douleur infligée, laquelle parce qu’elle satisfaitl’égoïsme au détriment de l’altruisme, est dite naturelle. La récurrencedu terme « délecter » dans le texte associé alternativement au plaisiret au déplaisir montre l’ambivalence de cette nature humaine. Encoreune fois, en plaçant la question sur le terrain de la morale àreconsidérer dans ses fondements, l’auteur développe un propospolémique, d’autant plus virulent ici que l’attaque contre la religion etsa responsabilité dans la conduite humaine sont explicitementformulées.Ainsi le corpus propose-t-il deux perceptions de la notion de plaisir,avec des registres variés ; d’une part, on note que certains textesl’abordent sous l’angle de la sérénité, comme une composante dubonheur de l’homme et comme une ambition légitime, à travers unregistre ou « réaliste » ou épique ; d’autre part, d’autres extraitsévoquent le trouble que son aspiration génère ; le plaisir est alors perçucomme subversif et déstabilisant, source de conflit intérieur (registredélibératif) ou de conflit exposé (registre polémique). Les intentions

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des auteurs sont alors diverses : pour les uns, il s’agit de développerune sorte de philosophie épicurienne, pour les autres de dénoncerl’hypocrisie de la morale chrétienne qui ne reconnaît pas les ambitionslégitimes de la nature humaine.

3. La lucidité définit la faculté de l’homme à voir clairement ce qu’il fautpenser ou faire. Elle désigne par extension l’activité normale des facultésmentales, en opposition au leurre (aveuglement) ou à la folie. Dans lecontexte des Lumières, l’attitude lucide participe de l’exercice de laRaison qui permet d’identifier, caractériser, voire maîtriser les passions.Le corpus convoque à des titres et degrés divers cette lucidité qui relèveaussi de la philosophie. Si elle a peu de place dans le texte de Vauquelin,c’est que le mode de vie qui y est exposé ne relève pas de la remise encause et du questionnement ; la sérénité de l’atmosphère dépeinte dit lapleine conscience du poète du regard lucide posé sur l’existence.Les cinq autres extraits en revanche, par leur nature interrogative,montrent que le (ou les) locuteur(s) est à la recherche d’une forme devérité. La lucidité de Don Juan est dans la vision qu’il propose del’homme : il pose comme postulat son goût du changement et lavalorisation opérée par la conquête et le nombre de ses élues. La moraleest absente d’un propos placé sous le signe de la nature (« la naturenous oblige »). Les phrases assertives et les procédés de généralisationmontrent que le discours est érigé en principe et assumé avecobjectivité. L’idée de Nature, et les problèmes qu’elle soulève, prévautaussi dans les textes 4, 5 et 6 ; ici, la lucidité consiste à poser l’idée deplaisir comme naturelle mais inconciliable avec la morale religieuse, quianéantit – voire nie – la nature humaine. Dans Thérèse philosophe, lalocutrice est lucide en ce qu’elle manifeste à la fois son dilemme, cequ’il a d’irréductible : « les deux passions dont j’étais combattue,l’amour de Dieu et celui du plaisir de la chair », et le malaise, voire lafolie, qu’il installe en elle : « est-ce la nature ou le diable ? ». Avecinsistance, le monologue revient sur l’idée de la lumière à faire sur leconflit : « vous éclairer », « apercevoir », « m’éclairait », « sedémontrer à soi-même », « faire connaître », « connaissance acquise

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par la raison ». Dans La nuit et le moment, nous retrouvons la mêmerecherche nécessaire : « rectifié nos idées », « appris à connaître »,« les motifs », « avant […] nous le faisions […] sans connaissance decause », « le bonheur d’arriver au vrai », « on sait aujourd’hui que » ;cette quête au nom de la lucidité s’oppose aux préjugés (« affecté lavertu »). Dans le texte de Sade enfin, l’exigence de lucidité est amorcéepar le questionnement anaphorique initial. L’idée est développée par ladénonciation de l’illusion et de l’erreur : « voix chimérique », « absurdeconseil », « un tel langage », « imbécile système », « inconséquencesans exemple », avant qu’apparaisse le message explicite : « ce quenous reconnaissons de plus clair est l’immuable et saint conseil qu’ellenous donne de nous délecter ».Chacun de ces textes se veut lucide en faisant appel à la Raison contreles passions, ce que Pascal porte au plus haut point : ici leraisonnement se met au service de la foi, et être lucide consiste àreconnaître la Raison insuffisante, impuissante à répondre, et devantla nécessité de la réponse, à parier sur l’existence de Dieu.

4. Les libertins se sont d’abord affranchis d’un certain nombre decontraintes, sans pour autant heurter la morale, ce que montre letexte 1. La retraite de la cour ouvre au poète une vie où les fraisoccasionnés par la représentation sociale sont absents, où n’existe plusla nécessité d’apporter la preuve de sa valeur et de ses biens, ni cellede se justifier. Le tableau évoque une vie de jouissance sereine et sansobligations, qu’elles soient publiques ou privées. La même idée estdéveloppée dans le texte 6. Le corpus suggère égalementl’affranchissement de la tutelle permanente et toute-puissante de lareligion chrétienne (textes 1, 2, 3, 5 et 6), le rejet de l’opinion commune,de la doxa (textes 2, 4, 5 et 6) et le dégagement de la tyrannie dupouvoir (1, 4 et 5). Les libertés conquises sont essentiellement cellesde penser, y compris hors d’un système (qu’il soit philosophique, moralou religieux) et de jouir des plaisirs terrestres. Cependant l’on ne sedégage pas si aisément de certaines conventions qui régissent lacollectivité ; la liberté conquise se heurte en particulier à l’aspiration

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spirituelle, qui est une composante légitime de l’homme (textes 3 et 4)et dont la permanence se manifeste dans l’agressivité des propos (textes4 et 6). D’autre part, la possibilité de rejeter totalement la morale sous-entendrait qu’elle soit imposée initialement à l’individu, ce qui reste àprouver (textes 3 et 4).

5. L’expression libertine n’a pas toujours exploré « les ressources del’ironie, le langage à double entente ». L’ironie, en effet, ne se justifie,par la mise à distance qu’elle instaure, que dans la volonté decontourner la censure ou, plus ouvertement, de polémiquer. Cettesituation n’est pas celle des auteurs des textes 1 et 3. En revanche, ontrouve l’ironie sous la plume de Molière dont le propos est d’installerla vision détachée sentimentalement que Dom Juan se fait de l’amour.Elle est prise en charge ici par le biais de la métaphore (conquêteamoureuse/conquête guerrière). Dans le texte de Crébillon, elle reposesur l’emploi de sous-entendus, qui font appel à l’intelligence du lecteur(lignes 4,5 et 6 « comme en beaucoup d’autres choses »/« avant quenous sussions raisonner si bien »). Dans le texte 4, l’ironie construitclairement la polémique : « l’amour de Dieu et celui du plaisir de lachair », et Thérèse le dis explicitement : « pur jeu de mots » (1.14). Letexte de Sade est plus déterminée et sans ambiguïté.Dans les Liaisons dangereuses en revanche, l’emploi de l’ironie est laressource habituelle des libertins, qu’elle s’exerce entre eux, lamarquise ironisant sur les « exploits » du vicomte, ou contre lesvictimes de leurs agissements : ironie de Mme de Merteuil à l’encontrede l’allure et du mode de vie de la Présidente, ironie du vicomte aprèsla conquête de Cécile, ironie mordante de la lettre 48.

6. Du XVIIe au XVIIIe siècle, la pensée libertine a beaucoup évolué. Sil’on peut sommairement la considérer comme une attitude de rébellion– pacifique ou agressive – contre les règles établies, on doit aussisignaler une évolution sensible. Le libertinage a d’abord été un étatd’esprit et un goût (textes 1 et 2), qui mettent en avant l’individualismeet l’esprit critique. Le libertinage de mœurs, associé à l’impiétéspécialise peu à peu cette pensée (textes 4, 5, 6), alors que

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parallèlement au désir de jouissance et de liberté se développe le goûtde la réflexion philosophique, qui fera des philosophes du siècle desLumières les héritiers des premiers libertins (textes 4 et 6).

7. Les textes du corpus peuvent tous être mis en regard des Liaisonsdangereuses. Le poème de Vauquelin, par son refus des soucis, le goûtde la culture et la perception égocentrique du plaisir, renvoie à l’oisivetéet la légèreté de la vie que mènent les libertins du roman. Le parallèleentre Don Juan et Valmont (mais plus encore peut-être entre Don Juanet la marquise ?) pourrait être riche de sens : par-delà leurs similitudes(conquêtes amoureuses en nombre, maîtrise du langage, rivalité avecDieu), leurs différences sont notables, dont la plus évidente est queValmont reste un personnage là où Don Juan est devenu un mythe. Latirade de Don Juan peut être comparée à la lettre 125 du roman.Lorsque l’on entend raisonner les libertins de Laclos, on comprendégalement l’angle choisi par Pascal qui se donne pour mission de lesconvaincre de croire : l’analogie du jeu convoque une activitécommune, aux règles définies et maîtrisées, et le goût de ladélibération et de la rigueur intellectuelle sont propres à séduire lamarquise ou le vicomte. Le combat évoqué par Thérèse contre elle-même (texte 4) renvoie à celui de Mme de Tourvel, et le monologueprésente force similitudes avec certaines lettres à Mme de Rosemonde.On y retrouve aussi le motif de la volonté et de la détermination. Letexte de Crébillon pose le problème de la vertu comme préjugé infondé,développé aussi dans les lettres de la marquise et de Valmont ; laliberté de mœurs, la transgression de la notion de couple sont au cœurdu roman de Laclos comme du dialogue de Clitandre et Cidalise. Si l’onretrouve enfin le propos cynique et l’égoïsme affiché tout autant chezLaclos que chez Sade, on peut cependant constater que dans LaPhilosophie dans le boudoir, ces sentiments sont portés à l’extrême, etpour ainsi dire mis à nu, dégagés de l’élégance de style qui faittraditionnellement du libertin un homme de qualité.

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L’ŒUVRE DANS UN GENRE

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GROUPEMENTS DE TEXTES : LES FONCTIONS DE LALETTRE DANS LES LIAISONS DANGEREUSES (page 430)

LA LETTRE, OUTIL DE DOMINATION (textes 7, 8 et 9, pages 174-184, 249 et335-336)

1. La lettre 81 exploite largement le champ lexical de la guerre :« armes », « vaincre », « combattre », « se rendre », « je me rends »,« avantage », « elle vous bat », « être vaincues », « trop de forces »,mais il s’applique aux « combats » amoureux. La marquise conçoitl’entreprise de séduction comme une attaque en règle, la femme àséduire comme une ville ou un ennemi qui doit se rendre. Cette visiondu rapport amoureux peut être mise en parallèle avec celle qu’enpropose Don Juan dans sa célèbre tirade. Un certain nombre de phrasesmarquant la dimension stratégique du propos de Mme de Merteuil vontdans le même sens : « Je sais assez […] qu’une occasion manquée seretrouve, tandis qu’on ne revient jamais d’une démarche précipitée »,« prévoir où ceci peut vous mener », « il y règne un ordre qui vousdécèle à chaque phrase », « l’effet n’en est pas moins manqué », « jeprévois qu’elle les épuisera ».

2. Selon la marquise de Merteuil, les protagonistes d’un combat amoureuxdisposent d’armes qui relèvent de l’éloquence : la parole et la lettre. Dansle texte 7, compte tenu des circonstances, l’écriture d’une lettre parValmont est présentée comme une faiblesse : « vous être laissé aller àécrire » ; en effet, pour vaincre ici, il fallait attendrir et non raisonner ;Mme de Tourvel est une femme d’expérience, non une ingénue, et elleraisonne bien, l’écriture qui mise sur le différé constitue alors un obstacleparce qu’elle lui laisse le temps de se reprendre. Pour pousser sonavantage, il eût mieux valu que le vicomte usât de l’art de la parole, et qu’ilexprimât la sensibilité par la voix, les yeux, les larmes, entraînant « troubleet désordre ». Ainsi, la faiblesse de Valmont n’est pas tant d’avoir écrit unelettre que de n’avoir pas écrit une « bonne lettre », de celles qui sonnentjuste : « il n’y a rien de plus difficile en amour que d’écrire ce qu’on nesent pas. Je dis écrire d’une façon vraisemblable. » L’écriture épistolaire

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est présentée par la marquise comme un art et une arme dont l’efficacitédépend de l’habileté de l’épistolier. Valmont ne semble pas encore, aumoins aux yeux de la marquise, un maître en la matière.Cécile Volanges est elle aussi encore loin du compte : dans le texte 8, lamarquise lui explique le bon usage et les bonnes manières de lacorrespondance, et c’est le style qui devient une arme à utiliser à bonescient : s’il retranscrit les sentiments, il est une faiblesse ; s’il exprimece que le destinataire veut entendre, il devient une force.On comprend donc que pour Mme de Merteuil, la lettre efficace n’estpas la lettre sincère – elle donne des armes à l’adversaire – mais cellequi ment en ayant l’air de dire vrai. L’art de la manipulation par l’écriten somme. On constate enfin que la force du raisonnement de lamarquise vient de ce qu’elle envisage comme paramètre premier dansla correspondance la figure du destinataire : la lettre est une armelorsqu’elle se donne un but argumentatif, qu’elle est centrée sur lafonction impressive et non expressive.

3. Dans les textes 7 et 8, la marquise développe un raisonnementstructuré par les connecteurs logiques. Elle vise ainsi, pour ses deuxdestinataires, à construire un exposé qui est une sorte de « cours surl’art épistolaire » ; aussi développe-t-elle un propos propre à enseigner,largement nourri de phrases assertives et injonctives, ponctué de sesinterventions : le « je » assène ses certitudes, commente l’attitudeépistolaire de ses destinataires écrivant à d’autres : « je crains »,« vous reproche », « vous défie », « m’étonne », « veux croire »,« vous renvoie », et exprime son avis : « il me semble », « me paraît »,« ce qui me paraît ». La subjectivité affichée est justifiée par la postureadoptée par la marquise : elle parle en spécialiste et en professeur, cequ’elle va confirmer dans le troisième extrait (texte 9).

4. L’extrait de la lettre 141 s’élabore autour d’une énonciationcomplexe ; la double énonciation qui est celle du roman épistolaire, sedémultiplie ici dans une double énonciation fictive qui construit la miseen abyme : la marquise écrit à Valmont en insérant dans son courrier,encadrée par un récit qui la met en scène, copie d’une lettre envoyée

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par « un homme de [sa] connaissance » à « une femme qui lui faisaitpeu d’honneur ». Le parallélisme de situation explicite (« commevous ») donne à ce texte statut de parabole, puisque sa relation doitinduire chez le vicomte l’idée d’une leçon à tirer : « raconter unehistoire », « y faire assez attention pour la bien entendre ». Paranalogie, la marquise invite ainsi Valmont à envoyer cette lettre àMme de Tourvel pour s’en débarrasser ; en soufflant cette manœuvre,Mme de Merteuil entend mettre entre Valmont et la Présidente un acteirréparable, elle en conviendra du reste dans la lettre 145 : « c’estdommage […] que par une seule démarche inconsidérée, vous ayezmis vous-même un obstacle invincible à ce que vous désirez le plus »,« la blessure est incurable ». Cette histoire parallèle, la lettre inséréeentièrement rédigée sans qu’elle en assume la responsabilité, serventau plus haut point les intérêts de la marquise : elle s’est substituée àValmont, elle a rompu elle-même avec la Présidente et de la manièreodieuse qui la vengeait, elle a donc doublement gagné sur le vicomte :« ce n’est pas sur elle que j’ai remporté cet avantage ; c’est sur vous :voilà le plaisant et ce qui est vraiment délicieux », « je n’ai pas oubliéque cette femme était ma rivale » (lettre 145).

5. Dans ces trois textes, l’intention générale de la locutrice est demontrer que l’écriture épistolaire est une arme redoutable, pour peuqu’elle soit maniée avec adresse, ce que démontre avec brio le texte 9(doublement redoutable ici : par la lettre de la marquise au vicomte etpar la lettre assassine imaginée pour la présidente) ; dans le cascontraire, elle manque sa cible, et mieux vaut s’en tenir à laconversation (textes 7 et 8). Pour manifester cette intention, lamarquise recourt à différents procédés : dans le texte 7, elle proposeune démonstration commentée, dans le texte 8, elle prodigue desconseils, dans le texte 9, elle illustre son propos par un exemplerédigé : l’ensemble relève donc du registre didactique.

6. L’objectif de Laclos peut se lire à deux niveaux : du point de vuenarratif, le discours qu’il prête à la marquise met en avant la supérioritéde ce personnage : en maîtrisant avec cette perfection le jeu épistolaire,

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elle domine tous les autres protagonistes dont elle manipulesentiments, gestes, actions et réactions ; l’auteur a fait de Mme deMerteuil un chef d’orchestre exceptionnel. Mais Laclos prête aussi àMme de Merteuil un discours qui, retourné, peut mettre en gardecontre les dangers de l’écriture bien maîtrisée et le risque demanipulation (voir la lecture que Laclos fait du roman de Richardson,livre élève, p. 440). Mais on ne peut oublier pour autant combien sonsiècle fut celui qui utilisa avec pertinence les écrits épistolaires commeoutils de dénonciation ; comme toute arme, la lettre peut donc être àdouble tranchant.

LA LETTRE, MOYEN DE PLAISIR (texte 10, pages 103-105)

1. Cette lettre se compose de deux paragraphes inégaux qui répondentà une logique inaccessible à sa destinataire, mais pas au lecteur. Lepremier paragraphe développe deux messages : du début de la lettreà « interrompre », le vicomte expose à la présidente les circonstanceset motifs de son écriture, l’ensemble témoignant du trouble dans lequelil se trouve ; puis le destinateur expose l’origine de ce trouble qui estcelui des tourments amoureux (jusqu’à « que moi »). Le secondparagraphe développe la requête de Valmont : faute de vous voir,acceptez au moins de m’écrire. L’organisation du texte est donc desplus banales dans un contexte d’échange amoureux. Mais satypographie ménage un blanc entre les deux paragraphes, qui estl’indice du double langage et matérialise le temps écoulé entre larédaction des deux parties. Il donne tout son sens au « je reviens àvous » qui répond au « moi » terminal du paragraphe précédent, parlequel le vicomte glisse de la galanterie à la goujaterie.

2. Le vocabulaire du sentiment amoureux est omniprésent dans cettelettre. On peut relever pour exemple « ardeur dévorante », « puissanceirrésistible de l’amour », « le trouble que j’éprouve », « bonheur »,« passions », « tourments », « heureux », « tant de plaisir », « émo-tion si douce », « transports », « brûlant de volupté », ainsi que lestermes qui signalent le désespoir de l’amoureux transi : « agitation »,« anéantissement », « rigueurs désolantes », « délire », « désespoir »,

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en notant l’usage quasi systématique des intensifs qui renforcentl’expression hyperbolique de ce sentiment.À un niveau littéral, et dans l’ignorance des circonstances d’écriture,la présidente ne peut recevoir la lettre que comme une brûlantedéclaration d’amour, dont le message serait en substance : j’ai maldormi en raison du trouble incessant dans lequel l’amour que je nourrispour vous et que vous ne partagez pas me laisse. Votre insensibilité nepeut cependant m’empêcher de vous aimer. Vous me rendez fou, maisje garde l’espoir de vous séduire un jour. En attendant, et même si mesefforts restent vains, je vous supplie au moins de me répondre.3. Informé par la lettre 47 de la réalité de la situation, le lecteuridentifie cependant le double langage avec lequel Valmont s’amuse ;presque toutes les phrases sont à double entente, mais on peuts’attarder plus spécifiquement sur : « nuit orageuse », « agitation d’uneardeur dévorante », « un calme dont j’ai besoin et dont pourtant jen’espère pas jouir encore », « déjà je prévois que je ne finirai pas cettelettre, sans être obligé de l’interrompre », « si vous le connaissiez bienvous n’y seriez pas complètement insensible », « dans ce moment jesuis plus heureux que vous », « jamais je ne ressentis, dans cetteoccupation, une émotion si douce », « l’air que je respire est brûlantde volupté », « la table même sur laquelle je vous écris, consacrée pourla première fois à cet usage devient pour moi l’autel sacré de l’amour »,« il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse quis’augmente à chaque instant », « après tant d’efforts réitérés, laconfiance et la force m’abandonnent à la fois ».Ainsi, le texte est-il à deux niveaux d’écriture, et donc de lecture : lepremier, qui prétend transcrire l’élan du cœur, semble reposer sur uneexpression lyrique, que le second, qui dit la satisfaction concrète dessens, renverse en registre satirique. La situation elle-même, déjàexploitée par les devanciers de Laclos, est portée ici à son extrême parla souillure dont elle éclabousse la destinataire.

4. Le libertinage se manifeste de différentes manières dans cette lettre.Celle-ci exploite d’abord le goût libertin de l’équivoque et du double

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sens. On y reconnaît aussi l’invitation directe aux plaisirs de la chair :« Ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le troubleque j’éprouve en ce moment ? » Libertin aussi le recours aublasphème, et plus largement le culte que Valmont rend à l’énergie,signe de son goût pour la durée qui renforce l’intensité desmouvements ; d’une certaine façon, l’écriture de cette lettre doubleson temps de plaisir.

LA LETTRE COMME ÉPANCHEMENT DE SOI (texte 11, pages 207-209)

1. Le champ lexical dominant de cette lettre est celui du sentiment,notamment dans son expression sereine, ce que résume la phrasecentrale : « Ah ! ne parlons plus de bonheur, mais laissez-moi reprendrequelque tranquillité. » La perspective est donc celle des modalités de larelation amoureuse : Mme de Tourvel exprime son aspiration à unerelation stable, sincère, sans « trouble et anxiété ».

2. L’étude des pronoms personnels montre l’omniprésence du « je » :50 occurrences. L’objet de la lettre est manifeste : il s’agit de seraconter, d’exprimer le « ressenti » d’une situation en suspens aumoment où le vicomte se fait plus distant. Aussi le discours est-ilambigu : explicitement, il réclame une séparation que Valmont a déjà,de fait, installée, elle est donc inutile : « je vous conjure donc, […]ne nous voyons plus ; partez » ; implicitement en revanche le proposest un aveu ; la présidente n’écrit cette lettre, qui réclame ce qu’ellea déjà, que pour opérer un changement de situation, pour relancerl’échange. Les dix paragraphes qui la composent disent, sous desangles variés que le vicomte occupe tout son esprit, ce qu’elle luiprouve en lui faisant part de ses réactions, sentiments, désirs, regrets,espoirs.

3. Le conflit qu’expose Mme de Tourvel est moral et intérieur : elle nesouhaite pas rompre avec le vicomte, mais instaurer une relationmoralement vertueuse : « fuyons ces entretiens particuliers et tropdangereux », « si je continuais à manquer de prudence », « votre idéemême m’épouvante : quand je ne peux la fuir, je la combats ; je ne

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l’éloigne pas, mais je la repousse ». La présidente demande au vicomte,de jouer contre son intérêt, d’avoir la force qu’elle n’a plus, fût-ce decombattre : « je n’ai plus le courage de les combattre », « mafaiblesse », « cet empire que j’ai perdu sur mes sentiments », « je n’aiplus de force ». En apparence donc, elle cherche à le convaincre ; enréalité, c’est elle-même qu’elle protège en mettant entre eux les motsde la vertu, en masquant sous le visage de l’amitié le sentimentamoureux que le texte dit par ailleurs. Bien qu’adressé à Valmont, cettelettre s’apparente ainsi au monologue délibératif.

4. Le temps qui domine dans les paragraphes 6 et 7 est le futur : dansl’épanchement de ses sentiments quelle cherche pourtant à maîtriser,la présidente montre qu’elle envisage un avenir à sa relation avecValmont. L’écriture épistolaire rejoint ici l’autobiographie dans sacapacité à laisser s’exprimer l’espoir, les attentes, les projets conçuspar l’imagination. Le registre est nettement lyrique, et tranchesingulièrement sur le registre général des libertins, ironique et distanciéle plus souvent, dont il est le contrepoint. L’écart majeur tient dans laposture du locuteur : Mme de Tourvel écrit pour parler d’elle, Valmontou Mme de Merteuil pour parler de l’autre.

LA LETTRE, OUTIL NARRATIF (textes 12, 13 et 14, pages 221, 222-223 et 246-247)

1. Le texte 12 est construit sur le registre ironique, que la lettreexploite dans ses diverses modalités ; on y lit la moquerie : « comme ilarrive toujours, ils ont cessé dès que je me suis occupé à y donner lieude nouveau », « c’était un embarras dans le maintien ! une difficultédans la marche ! des yeux toujours baissés, et si gros, et si battus ! »,l’antiphrase : « la tendre amoureuse » et le burlesque qui fait de lapremière nuit d’amour de Cécile une « occasion », motif cher auxlibertins. L’ensemble manifeste le cynisme de Valmont qui fait à lamarquise le rapport circonstancié de la scène avec le froid détachementde l’observateur. C’est presque un regard d’entomologiste qui prend encharge le récit.La même modalité expressive se retrouve dans la lettre de Mme deMerteuil (texte 14), avec cette fois le choix du registre satirique : la

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marquise caricature en la mimant sa destinataire : « ce monsieur deValmont est un méchant homme », « ces procédés là sontimpardonnables », « la pauvre enfant, comme elle est à plaindre »,« elle avait les yeux battus le lendemain ! » et ironise explicitement :« comment ? il vous apprend ce que vous mouriez d’envie de savoir ! »,« que de belles choses », « ce brillant cortège ».Entre les deux, le regard de Cécile (texte 13) sur son aventure estpathétique, tout autant par le malaise qu’elle exprime : « ah, mon Dieumadame, que je suis affligée ! », « je suis bien coupable » que par songoût pour l’histoire qu’elle ne cache pas : « j’ai peur de ne pas m’êtredéfendue », « il y avait des moments où j’étais comme si je l’aimais ».Le rapprochement des trois regards met en évidence la machinationdes libertins et l’idée que Cécile Volanges est un jouet entre leursmains.

2. Ce triple éclairage permet à Laclos d’approfondir l’analysepsychologique de Cécile : il donne une vue complète de la réaction dupersonnage : vue intérieure (texte 13), vue extérieure, sous forme dediscours sur (texte 12), vue extérieure sous forme de discours à (texte14). Les traits essentiels de sa personnalité y sont cernés : une vertufragile parce qu’elle ne repose que sur l’ignorance, la naïveté etl’innocence ne pouvant combattre la prédisposition à la sensualité et àla dépravation ; une attitude faible qui ne dénote aucune force d’âmeou de caractère, la résistance à l’assaut de Valmont n’ayant pus’appuyer ni sur des principes qui restent inefficaces (« Vous jugez bienque ça ne m’empêchait pas de lui dire toujours que non : mais jesentais bien que je ne faisais pas comme je disais »), ni sur la forced’un sentiment pourtant avoué (« non, l’idée de Danceny me met audésespoir », « dénué de tout secours étranger »).

3. L’information a d’abord été donnée par Valmont, ce qui met en valeurl’idée d’une stratégie, voire d’un complot. Lorsque Cécile écrit à lamarquise, celle-ci a déjà pris de la distance avec l’événement, etdéveloppe un propos à la fois moqueur et presque moralisateur : « tousles hommes ne sont pas des Valmont ».

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LA LETTRE COMME CLAUSULE ROMANESQUE (texte 15, pages 392-394)

1. L’épilogue du récit est confié à Mme de Volanges pour assurer l’unitédu roman et la cohérence de l’intrigue. Ce personnage est en effetétroitement lié aux trois figures féminines principales : Mme de Tourveldont elle est la confidente, Cécile, dont elle est la mère, Mme deMerteuil, dont elle est parente. D’autre part, par sa sensibilité et sonabsence de rouerie, elle apparaît dans les Liaisons dangereuses commeune force anti-libertine, même si ses efforts échouent à modifier lecours des événements. Sa posture est celle de la stabilité : conformiste,elle incarne la préservation de l’ordre social. En ce sens, lui confier lemot final permet à Laclos de proposer une lecture de l’ensembleconforme aux attentes du groupe social et partageable par un grandnombre ; ainsi la fin est-elle didactique, ce que montre la constructionde la lettre : 7 paragraphes d’abord pour régler le sort des différentsprotagonistes (le ton est celui de l’anecdote, le propos est presque, à lamanière de Mme de Sévigné, celui du chroniqueur : « les gens disent »,« on croit », « on dit », « on m’a dit », « tout le monde trouva que ».Le locuteur recense les faits à travers l’opinion générale, reconstruisantde ce fait une sorte de doxa.). Puis 3 paragraphes centrés cette fois surle destinateur (utilisant les marques de la subjectivité : « triste »,« affreuse certitude », « j’éprouve », etc.) avant d’ouvrir sur un proposgénéralisant qui sert de leçon à l’ensemble du roman.Par ailleurs, cette lettre s’adresse à Mme de Rosemonde. En contrepointde la figure sociale qu’est Mme de Volanges, elle est par sa sagesse,son âge, son expérience, la mesure de ses propos, la gardienne del’ordre moral. Du point de vue de la cohérence romanesque, elle estaussi la dépositaire de l’ensemble de la correspondance qui constitue lamatière du texte : elle reçoit ainsi la fin de l’histoire, en assure laclôture comme elle induit celle du livre, et légitime, par son silence –qui est le mime du secret gardé – la sanction infligée aux protagonistes.Cet échange final entre Mme de Volanges et Mme de Rosemonde figuredonc le rétablissement de l’ordre social et des valeurs morales, untemps mis en danger par la stratégie destructrice des libertins.

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2. Le sous-titre du roman invoquait « une société » et « l’instruction dequelques autres ». On retrouve cette visée didactique dans la lettrefinale qui développe le champ lexical de la morale : « indignation qu’ellemérite », « pitié qu’elle inspire ». Le comportement de la marquise estblâmable et blâmé, sa punition est terrible et l’atteint à double titre ;dans sa beauté : « affreusement défigurée », « perdu un œil »,« vraiment hideuse » et dans son statut : « c’est une véritablebanqueroute », autrement dit dans les deux ressources qu’elle exploitaitet qui constituaient son existence. Ce qui doit servir les sociétés à venir,c’est l’exemple des « dommages que peut causer une seule liaisondangereuse » et le danger des « mœurs inconséquentes ». Laclos établitdonc explicitement un lien entre la moralité d’une société et sa viabilité,en mettant en scène la mort sociale de tous les dépravés : mort violentedu vicomte, mort sociale de la marquise, de Cécile, de Danceny.

3. La fin du roman relève en effet du registre tragique : par letruchement de l’éviction sociale quasi définitive des protagonistes, quiest une mort symbolique générale, Laclos donne à lire le sentimentd’impuissance de l’homme confronté à une machine dont les rouageslui échappent : « une seule liaison dangereuse » suffit à faire basculerle destin d’un individu, et si les responsables – les libertins mais aussiles faibles – sont punis, les victimes n’en sont pas dédommagées : lesort de Mme de Tourvel est à ce titre exemplaire.Les deux derniers paragraphes du texte le disent : le tragique est dansl’impossibilité humaine d’anticiper l’événement par la réflexion qui esttoujours « tardive », et la délibération est ici pathétique dans sa vanité ;la raison humaine est impuissante à « prévenir les malheurs » et à« nous en consoler », l’homme livré à ses passions est voué au malheur.

4. La leçon du texte a pu paraître paradoxale : dans un roman où l’on neparle quasiment que de recherche du bonheur (voir première partie« Lire l’œuvre », p. 17, question 16), l’envolée finale laisse un goûtamer de menace, à tout le moins de mise en garde : « qui pourrait nepas frémir […] ? », « quelle mère pourrait sans trembler […] ? », lafigure du destinataire recouvre aisément ici celle du lecteur, sommé de

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s’interroger. Car la leçon est aussi un appel à la réflexion, à laméditation, que martèle le lexique utilisé par Laclos : « en songeant »,« en y réfléchissant », « réflexions », « vérités », « raison ». Certes,les libertins de cette histoire ont été mis hors d’état de nuire, maisd’autres sont susceptibles de réapparaître, comme peut le suggérer lafuite de Mme de Merteuil, qui reste une ouverture possible sur uneautre histoire. Des dangers dont il faut se garder, Laclos en retientessentiellement deux, dont on peut remarquer qu’ils guettent surtoutles femmes : la séduction masculine et la mauvaise éducation desenfants, notamment des filles.

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VERS L’ÉPREUVEARGUMENTER, COMMENTER,RÉDIGER

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GROUPEMENT DE TEXTES : JUGEMENTS CRITIQUES (page 438)

Texte 16 • Charles Baudelaire Sur les Liaisons dangereuses(vers 1866) (page 438)

1. Le lexique dominant utilisé par Baudelaire est celui de la carac-térisation, qui passe ici par la qualification subjective. L’abondance desadjectifs qualificatifs, tantôt appréciatifs, tantôt dépréciatifs, en témoigneet renvoie à l’intitulé des notes : « caractères ». Traditionnellement, leterme caractère désigne en littérature la description morale d’uncomportement humain : derrière la singularité d’un personnage sedessinent des traits caractéristiques qui construisent l’idée d’un « type »,terme que l’on retrouve deux fois sous la plume de Baudelaire. On litdans les Principes de Littérature du jésuite Mestre, publiés en 1882 cettedéfinition : « Le caractère est un portrait général qui peint sous un nomemprunté, dans un seul et même personnage, tous les individus atteintsdes mêmes défauts ou doués des mêmes qualités. Dans ce sens, le motde caractère est plus usité au pluriel qu’au singulier. ». La qualificationconstruit ainsi l’éloge (pour Mme de Rosemonde, Mme de Merteuil, laPrésidente, et à certains égards Danceny) ou le blâme (pour Cécile etValmont). Le registre convoqué est donc celui de l’épidictique. On peutnoter aussi que l’éloge de Baudelaire s’adresse tantôt aux qualités dupersonnage lui-même, tantôt à l’auteur et à ses qualités de constructiondu caractère : « type parfait », « type simple, grandiose, attendrissant »,« admirable création », « vieux pastel ».

2. Le commentaire de Baudelaire propose deux parenthèses : l’uneconcerne la marquise, l’autre la présidente. Réflexions à part soi d’unauteur sur le texte d’un autre, elles manifestent le regard aiguisé duspécialiste sur les choix du romancier.La première remarque approfondit l’analyse des relations entre lespersonnages et met l’accent sur la rivalité entre la marquise et laprésidente : « jalouse », « supériorité » ; elle met en évidence l’idéequ’à travers ces deux personnages Laclos peint deux caractères

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féminins, à la fois antagonistes et complémentaires, deux versants dela féminité. Baudelaire installe ainsi une lecture qui peut se construiresur l’idée d’un « couple » qui donne à chaque membre la mêmedimension : dans ce jugement, Mme de Tourvel est l’égale de Mme deMerteuil. Cette lecture couplée se retrouve dans le parallèle établiautour du personnage biblique : « La présidente, une Ève touchante.La Merteuil, une Ève satanique », qui dit en même temps la cohérencede l’une et le paradoxe de l’autre.La seconde parenthèse inscrit le roman dans une perspective sociale :en marquant l’isolement de la présidente (« seule ») dans l’univers del’intrigue, Baudelaire établit une tension (sur laquelle il renchérit parla mention « observation importante ») qui vient doubler la rivalitépsychologique en instaurant un clivage lié à des valeurs sociales,invitant le lecteur à interpréter l’opposition entre Mme de Tourvel etles autres personnages comme un conflit entre la « bourgeoisie » etl’aristocratie.

3. Dans ces ébauches de portraits, certains personnages sontcaractérisés par des rapprochements intertextuels. Le premier renvoieau théâtre classique dans l’analogie établie entre la Merteuil et Tartuffed’une part, Valmont et Don Juan de l’autre. Les deux typesmoliéresques convoqués éclairent les personnages de Laclos sousl’angle de l’artifice et du mensonge, mais aussi du pouvoir. Ils mettenten valeur leur dimension stratégique de manipulateurs : « femelle »,« mœurs », « pouvoir », « dandysme », « feinte de la dévotion ». Ainsi,Tartuffe et Don Juan jouant dans la même « pièce », c’est un coupledynamique de roués qui orchestre le roman.La seconde référence est de nature biblique et associe la présidente àune « Ève touchante » et la marquise à une « Ève satanique ». Lamention renvoie au Paradis perdu et à la faute originelle, et sa valeursymbolique est double. D’une part, la première femme est le symbolede la vie naturelle contraire à l’artifice, l’état d’avant le péché ; d’autrepart, elle porte traditionnellement la responsabilité de la chute. À travers ce rapprochement, Baudelaire note l’ambivalence de la femme

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dans le roman, et les deux adjectifs ont une valeur différente :« touchante » relève de la réception et d’une lecture émotive dupersonnage, c’est une qualification subjective. « Satanique » est unjugement critique construit sur un oxymore qui souligne efficacementl’ambiguïté du personnage : la marquise est à la fois charmante,séduisante, intelligente, et diabolique et perverse.

4. Tous les caractères amorcés par Baudelaire sont intéressants àdévelopper. On pourra par exemple suggérer le développement duportrait de la marquise en l’organisant selon deux axes :

I. Un personnage intelligent et compétent

– « Excelle aux portraits » – voir lettres 2, 5,10, 81 ou 38.– « Toujours supérieure à Valmont, et elle le prouve » (voir enparticulier la « guerre déclarée » en quatrième partie).– « Elle a d’ailleurs du bon sens et de l’esprit » (« Ce que la Merteuildit des vieilles femmes »).

II. Un personnage libertin

– Elle est « jalouse de Mme de Tourvel » : la rivalité, sa posture face àla présidente, sa conception du « couple ».– « Tartuffe femelle. Tartuffe de mœurs. Tartuffe du XVIIIe siècle » (voirpar exemple lettre 104).– « Une Ève satanique » : l’ambivalence du personnage.

TEXTE 17 • André Malraux « Préface » in Laclos, Les Liaisonsdangereuses (1939) (page 439)

1. Le champ lexical dominant est ici celui de la réflexion : « lucides »,« prémédités », « idée », « intelligence », « idée », « pensent »,« déterminés », « idéologie ». Malraux invite à lire Les Liaisonsdangereuses comme le roman de la Raison (en ce qu’elle est unemaîtrise des passions), la mise en œuvre d’un projet.

2. Avant d’être l’ensemble des idées et des croyances d’un groupe humain,l’idéologie désigne l’étude des mécanismes logiques de la pensée. À cetitre, on peut dire que Valmont et Merteuil ont une vision globale de lasociété dans laquelle ils évoluent. Ils connaissent et ont étudié :

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– Les rouages sociaux, les codes qu’ils utilisent à leur profit en lesdétournant (voir par exemple le gain que Valmont tire auprès de laprésidente de sa mise en scène avec les pauvres, lettre 21.)– Les méandres de l’âme humaine : ils savent ainsi manœuvrer par lelangage une « prude sensible, une innocente, une sotte, un naïf ».– L’idéologie implique aussi l’idée de système, et l’on voit comment,lorsque la règle du jeu n’est pas respectée, l’ensemble se met àdysfonctionner.

3. Ce roman peut être lu comme celui de la préméditation à traversquelques arguments dont on peut retenir :– Le fait que l’intrigue initiale, celle qui motive le récit rapporté par leroman repose sur une stratégie de manipulation.– Le constat que chacun des actes assumés par le couple libertin estpensé et ne laisse aucune place à la spontanéité.– L’intention manifestée explicitement de faire le mal et de détruire leséquilibres avérés ou potentiels : mariage d’intérêt ou sentimentpartagé.

TEXTE 18 • Roger Vailland, Laclos par lui-même (1953) (page 439)

1. Le champ lexical : « ennemi de classe », « bourgeoisie », « classemontante », « aristocratie », « classe privilégiée », auquel on peutajouter le procédé de généralisation : « des Valmont », invite à unelecture sociale, voire politique du roman. Il donne au récit de Laclosune dynamique fondée sur le conflit de pouvoirs (économique etpolitique) dont le conflit moral ne serait que l’expression littéraire.

2. À la lecture du jugement de Vailland, on peut être tenté de faire duroman un texte contestataire. La vision d’après-guerre a favorisél’association entre le libertinage du XVIIIe siècle et la liberté ; de là àpromouvoir le roman de Laclos et la peinture qu’il fait de la sociétédépravée d’Ancien régime en précurseur de la contestation sociale, il n’yavait qu’un pas que Baudelaire, après Tilly, a amorcé, et l’on s’est plu à lirele plaidoyer de Mme de Merteuil comme un manifeste féministe. Certes,Les Liaisons dangereuses soulèvent le problème de l’éducation des

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femmes et de leur soumission à un ordre social qui ne leur est pastoujours favorable, loin s’en faut ; certes, Laclos moque avec brio unmicrocosme où s’épanouit un égoïsme social caricatural ; certes la leçondu roman est sévère pour ces aristocrates trop sûrs de leurs prérogatives.Cependant, faire du chef-d’œuvre de cet officier d’artillerie une« bombe destinée à servir d’arme à la bourgeoisie […] contrel’aristocratie […] » est une opération discutable et anachronique. La« bourgeoisie » de Mme de Tourvel n’a rien à voir avec celle qui connaîtraune ascension fulgurante après la révolution : un président au Parlementde Paris a une importance au moins égale, socialement parlant, à celled’un petit vicomte qui évolue dans une sphère au final assez marginale :la seule incursion de Valmont à la cour est rapportée à la lettre 53 où ilcompte présenter Danceny. Mais le roman ne manifeste pas de conflitentre la « classe » des Merteuil et Valmont et celle des « Tourvel », dontle mariage a du reste été arrangé par Mme de Volanges, montrant ainsidavantage la complicité et le pied d’égalité que l’antagonisme social. Sil’on ne peut nier l’intérêt documentaire que présente, pour lacompréhension de la société, un roman paru sept ans avant la révolution,rien n’autorise cependant à en faire une œuvre révolutionnaire.

TEXTE 19 • Jean Rousset Forme et signification (1963) (page 440)

1. Le jugement de Rousset part du constat que Valmont et Mme deMerteuil, seuls, ont accès par détournement de la correspondance àdes connaissances supérieures à celles des autres protagonistes. C’estce savoir qui les met en position de « metteur en scène » de l’intrigue :« tout savoir » = « tout prévoir, tout conduire ». Acteurs, ils sont doncaussi lecteurs du roman ; c’est par cette posture que s’établit l’analogieentre les deux personnages et la figure réelle du lecteur du roman.Celle-ci, complice à la fois de leur écriture et de leur lecture, se trouvealors de connivence avec le couple libertin dans les intentions duquel ila les moyens d’entrer.

2. La thèse de Rousset pourrait se formuler ainsi : le lecteur desLiaisons dangereuses se trouve, par la posture que Laclos offre à sesroués d’être lecteurs en même temps que le lecteur, pris dans un

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phénomène d’adhésion permanente avec le couple libertin qui le rendcomplice de toutes les malversations commises.

3. L’idée de la complicité entre le lecteur et le couple libertin reposesur leur position identique de « lecteurs ». Tout roman met en jeu lesprocessus d’identification ; dans un roman par lettres, ce phénomèneest aiguisé par le fait que l’auteur, déléguant la parole à sespersonnages en permanence, s’efface et rompt l’éventuelle adéquationauteur/personnage, renforçant du même coup celle personnage/lec-teur. La dynamique de la lecture est donc modifiée. Dans les Liaisonsdangereuses, le lecteur ne cherche pas Laclos, mais se trouve emportédans une logique d’empathie avec ceux des personnages qui affirmentle plus souvent leur « existence » par la prise en charge du récit, àsavoir le couple Valmont/Merteuil.On peut donc justifier cette idée par les arguments suivants :– l’effacement de la voix de l’auteur au profit de celle du couple quifacilite une identification complète ;– l’absence de commentaire auctorial établit « l’égalité » dont parleRousset et autorise une forme de mimétisme par laquelle le lecteurpeut, sans risque d’être jugé, se projeter dans les désirs et attentes deslibertins, ne fussent-ils pas guidés par une « bonne intention » ;– la complicité est encore facilitée par le procédé de la mise en abîme :la lettre et sa double énonciation voient l’effet de réel (qui est ici unleurre) amplifié par la situation de couple des deux libertins ; les deuxfigures renchérissent l’une sur l’autre, malgré leurs différences, etconstruisent un discours d’autant plus crédible qu’il est doublementvalidé.Mais cette complicité est cependant démentie par la dynamiquecontradictoire établie par la polyphonie du texte : face au couplelibertin se font entendre la voix de la sagesse (Mme de Rosemonde),ou de la vertu (Mme de Tourvel), voire de la bienséance sociale (Mmede Volanges). La fin du roman enfin – plus exactement l’enchaînementdécrit dans la quatrième partie – invite à la rupture de cetteconnivence. S’il y a identification très forte, la perspective tragique danslaquelle s’inscrit le dénouement suppose une séparation brutale entre

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le personnage et le lecteur, ce que disent explicitement les deuxderniers paragraphes du roman.

UN TEXTE ARGUMENTATIF DE LACLOS

TEXTE 20 • Choderlos de Laclos De l’éducation des femmes (1783)(page 440)

La progression argumentative

1. Du début du texte à « utilité », Laclos développe l’idée selonlaquelle on enseigne traditionnellement la conduite morale et socialeà travers le modèle des personnages historiques. Or le lecteur – et afortiori le lecteur féminin – n’y reconnaît ni son quotidien, ni sesinterrogations. L’inefficacité de cette lecture est implicitementexprimée. Au contraire, la lecture du roman est utile : la vie qui y estpeinte permet au lecteur de se retrouver dans les personnages et d’entirer des leçons profitables. Par l’effet de réel il est un modèled’identification crédible.

2. Le roman comme le théâtre sont donc utiles ou dangereux, selon que leur lecture satisfait ou non à l’une des deux conditionssuivantes :– « l’adresse du guide », c’est-à-dire la moralité et le projet« éducatif » du romancier ;– « le bon esprit de la personne qui lit », c’est-à-dire la nature honnêteet non dépravée ou perverse du lecteur.L’un de ces points étant satisfait, il reste à exclure la littératurecomplaisante aux mœurs légères pour elles-mêmes et non en vue deleur dénonciation.

3. et 4. Dans cet extrait, Laclos utilise un raisonnement par déduc-tion :– Il propose d’abord une thèse, selon laquelle d’un point de vueéducatif, la lecture de l’Histoire est insuffisante, celle du romannécessaire. Perspective générale (l. 1 à 10).– Il spécifie ensuite son point de vue en le rapportant au cas particulierd’une jeune personne. Spécification de sexe et d’âge (l. 10 à 12).

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– Il illustre son propos par l’exemple de la lecture du roman deRichardson, Clarisse Harlowe (l. 12 à 27).– Il élargit son propos à d’autres œuvres de fiction pour déterminer lesconditions de validité de son exposé (l. 27 à 35).

L’articulation des données argumentatives

1. Ce passage est une illustration de la thèse proposée, il a dansl’ensemble de l’argumentation valeur d’exemple.

2. « respecter », « faute », « séducteur », « craindre », « crainte »,« mépris », « dangereuse », « avantages naturels », « vertus »,« innocente », « raisonnable », « malheurs », « victime » : le champlexical est celui de la morale et donne au propos une valeur didactique.

3. Ce passage est construit sur une comparaison qui oppose deuxlectures (deux « explications de texte ») du roman de Richardson,articulées autour du « mais ». Chacune de ces lectures est présentéesous la forme d’un syllogisme, construit sur l’enchaînement logique desidées, dont la majeure est identique et la mineure différente :• Première lecture : une lecture dangereuse1. Clarisse est une héroïne estimable et respectable (valorisation dumodèle).2. Mais elle commet une faute (autorisation).3. Donc, on peut être estimable et respectable et commettreimpunément une faute.• Deuxième lecture : une lecture utile1. Clarisse est une héroïne estimable et respectable (valorisation dumodèle).2. Mais sa désobéissance, malgré son « bon naturel » l’entraîneinéluctablement au malheur (mise en garde).3. Donc, il ne faut pas désobéir (lecture utile).On peut noter que la conclusion du second raisonnement étantimplicite, on a affaire à un enthymême.

4. Les éléments qui relèvent de la tentative de persuasion sont ceuxqui expriment l’admiration pour le roman et l’héroïne : ils légitiment le

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succès du texte de Richardson et autorisent sa lecture en lui donnantune finalité morale, à une époque où la lecture romanesque estconsidérée avec suspicion (vocabulaire subjectif). Ceux qui relèventde l’entreprise de conviction tiennent à la démarche adoptée parl’auteur : le raisonnement déductif construit sur deux syllogismes estpropre à convaincre en ce que l’analogie y est immédiatementsaisissable.

L’interprétation du texte

5. La première lecture du roman de Richardson est littérale : ladésobéissance de Clarisse peut être comprise comme une invite à larébellion. L’identification au personnage se fait alors dans l’imagevalorisante du geste que semble autoriser la fiction. La seconde est unelecture interprétative dont la portée est moralisatrice : il s’agit demontrer que le roman met en œuvre une logique inéluctable dont lepersonnage initialement innocent sera la victime.L’explication proposée par Laclos de la logique des événementsromanesques met en évidence le rôle de la correspondance dans lesdangers encourus par Clarisse : elle s’est « permis une seule démarchecontre la volonté de ses parents (celle de porter au bûcher sa réponseà Lovelace) » : accepter une correspondance est le premier des actesqui instaurent une « liaison dangereuse ». Cette imprudence lui serafatale, et dans son roman, Laclos place la même crainte sous la plumede Mme de Tourvel, qui, dans la lettre 26, manifeste par trois fois saméfiance sur ce type de relation : « Sûrement, monsieur, vous n’auriezeu aucune lettre de moi », « vous ne vous seriez pas cru autorisé àm’écrire une lettre que je ne devais pas lire », « je joins à cette lettrecelle que vous m’avez écrite, et j’espère que vous voudrez bien demême me remettre celle-ci ; je serais vraiment peinée qu’il restâtaucune trace d’un événement qui n’eût jamais dû exister. » Lespremières « liaisons dangereuses » sont donc les « liaisonsépistolaires ».

6. Laclos confère ici au roman un rôle éducatif : en peignant avecréalisme des situations périlleuses, il permet par le phénomène

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d’identification d’inspirer la crainte et de prendre conscience desdangers qui menacent l’innocence. Il est ainsi porteur d’une morale,en ce qu’il propose une leçon qui sert les intérêts de la société, ce queconfirme l’épilogue des Liaisons Dangereuses, dont les protagonistes,innocents ou responsables subissent tous un châtiment qui les exclutde l’échiquier social. La fonction du roman est ici didactique.

7. On pourrait proposer comme titre à cet extrait, qui mette l’accentsur la thèse développée par Laclos : « De l’utilité du roman quand il estbien lu ».

SUJETS (page 442)

INVENTION ARGUMENTATION (page 442)

Sujet 1

On pourra retenir comme consigne d’écriture les marques de la lettre,notamment énonciatives, en prenant en compte le respect de la figuredu destinataire : l’auteur du roman. Il conviendrait également que laproduction présente à un moment de son développement unrécapitulatif des éléments qui construisent la fin qu’il s’agit decontester : situation finale des protagonistes, rôle de la dernière lettreet des personnages qui en assument écriture et lecture.Les éléments de contestation possibles pourraient être le choix d’unefin tragique et le sens moral et social qu’elle implique, et les ouvertureslaissées par le texte qui propose une injustice : la fuite de Mme deMerteuil, même défigurée et ruinée en regard de la mort de Mme deTourvel par exemple.Exemple de pistes pour une autre fin :– La vengeance de l’une des victimes, qui modifie l’enchaînementinéluctable.– L’intrusion d’un élément lié au hasard, qui remette en cause laresponsabilité des libertins.

– L’écriture d’une lettre coup de théâtre.

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Sujet 2

La rédaction du monologue passe par l’emploi de la première personne,et la conformité à la délibération implique un propos qui s’interrogesur la conduite à tenir, manifeste incertitude et hésitation, expose unealternative avec les conséquences potentielles des choix.

Il est important que l’ensemble respecte la décision finale : le retrait aucouvent et que celui-ci soit logiquement préparé par le développement.On pourra aussi valoriser les productions qui respectent les aspectsétudiés du personnage : le tempérament faible, spontané, émotif deCécile, et son expression par le style.L’ensemble du monologue pourra s’appuyer sur les expériences vécuesqui motiveront le choix final : l’amour pour Danceny, sincère mais fra-gile, la relation avec Valmont, la grossesse et la conscience de latrahison, la manipulation de la marquise qui se présente sous le visagede l’amie bonne conseillère, le rôle de la mère, bonne mais incom-pétente.

Sujet 3

Les consignes d’écriture impliquent le passage du récit au dialogue ;la production devra donc comporter la formulation de répliques etinsérer en didascalies des jeux de scène, et l’expression des sentimentsou choix d’attitude.De nombreuses « scènes » sont ainsi exploitables dans le roman, envoici quelques exemples :– Lettre 10 : la marquise et Belleroche (de « ce même jour » à la finde la lettre).– Lettre 21 : la générosité intéressée de Valmont (à mettreéventuellement en parallèle avec la scène du pauvre dans Dom Juande Molière).– Lettre 85 : l’humiliation de Prévan.– Lettre 125 : la victoire de Valmont sur la Présidente (de « il était sixheures du soir » à « m’en distraire »).

– Lettre 165 : la mort de Mme de Tourvel.

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Sujet 4

Il s’agit ici de construire un texte à charge contre le roman : laproduction devra donc utiliser le registre épidictique relevant du blâme.Suggestion d’arguments à retenir :– L’immoralité de conduite des personnages/plus largement de lasociété peinte dans le roman.– Le soupçon porté sur la sincérité de l’échange épistolaire.– L’incitation à la débauche occasionnée par la peinture du vice (valeursuggestive).– L’image dévalorisante de la femme, de l’homme, de la notion decouple (remise en cause de l’institution du mariage).– Le recours au blasphème et la désacralisation.

COMMENTAIRES (page 443)

Sujet 5Texte 21 • Lettre 9, madame de Volanges à la présidente de Tourvel(pages 28-30)

Réponses aux questions

1. Les champs lexicaux qui interviennent dans la construction duportrait du vicomte sont celui du calcul « rare candeur/candeur […]rare », « encore plus faux », « sans avoir un projet », « sa conduite estle résultat de ses principes », « il sait calculer », « de la cruauté »,« dangereux », « horreurs », « cruel », « méchant », « frémir », de laséduction « victimes », « séduites », « perdues », « scandaleusesaventures », « rendu ses soins ». Au total, le portrait brossé parMme de Volanges est celui d’un homme dangereux et pervers dont laréputation n’est pas usurpée.

2. Pour mettre en garde la présidente de Tourvel, Mme de Volanges neménage pas sa peine et a recours à de nombreux procédés rhétoriques :les hyperboles « mille autres », anaphores, gradations « Je ne m’arrêtepas à compter celles qu’il a séduites : mais combien n’en a-t-il pasperdues ? », procédés d’insistance (répétition du terme « jamais »)abondent dans cette lettre dont l’objectif est de convaincre ladestinataire du danger encouru.

55VERS L’ÉPREUVE

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3. Le premier paragraphe est introductif et motive la réponse. Lesecond est consacré à la peinture du personnage de Valmont, letroisième à sa conduite avec les femmes, le quatrième à l’exposé deconseils qu’autorisent « l’âge, l’expérience et l’amitié », et le dernierà renouer avec le cours du récit (le mariage de Cécile).La lettre de Mme de Volanges est donc organisée selon une logiquedémonstrative. Elle pose d’abord l’idée qu’elle va défendre : Mme deTourvel et Valmont n’ont rien à partager ; puis elle se justifie : cepersonnage est vil et dangereux parce qu’agent malfaisant, et toutesles femmes qu’il côtoie sont en danger, à plus forte raison une « âmepure » comme la présidente. Dans un dernier temps, elle donne sonavis sur la conduite à suivre : le salut pour Mme de Tourvel est dans lafuite immédiate.

4. Cette lettre est donc avant tout un exemple de la fonctionargumentative de la lettre. Mais elle assure aussi une fonctionnarrative : en laissant à la plume de Mme de Volanges le soin denoircir au plus haut point ce portrait, Laclos justifie la réponse deMme de Tourvel qui ne peut, devant la subjectivité que manifestel’épistolière, que prendre la défense de Valmont dans un plaidoyeréloquent (lettre 11).

Quelques pistes pour l’élaboration du commentaire

I. Le portrait de Valmont

– Un portrait sévère.– Un portrait séduisant.– Le portrait du libertin.

II. Une lettre ambiguë

– Une démonstration d’amitié.– Une lettre plus suggestive que convaincante (rôle de la subjectivitédu destinateur).– Une lettre charnière : conseils et conséquences.

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Sujet 6Texte 22 • Lettre 52, le vicomte de Valmont à la présidente de Tourvel(pages 112-114)

Réponses aux questions

1. Dans le premier paragraphe dominent des phrases interrogatives quisont autant de questions rhétoriques. Dans ce développement, Valmontcherche, en se peignant sous les traits de la victime (« languissant »,« condamné », « tourments », « douloureux », « trouble »,« amertume »), à culpabiliser Mme de Tourvel en la harcelant d’un feude questions enchaînées.

2. Dans le troisième paragraphe, l’énonciation met en évidence le rôledu « vous », c’est-à-dire du destinataire, par sa répétition qui confineau martèlement. Cette adresse est associée à des verbes qui exprimentle pouvoir et l’erreur de jugement : « forcer », « chercher des torts »,« vous vous plaisez », « vous y joignez un persiflage cruel », « vous necroyez », alors que le « je » s’attache à la sincérité, au sentiment : « jeconsacre », « je vous ai fait l’aveu », « je ne vous demande », « jeconsens », « j’en gémirai ». Dans ce passage, Valmont tente depersuader la présidente qu’il a changé et qu’elle le juge sur uneréputation plus que sur des faits : c’est une forme d’accusation qu’ilexprime contre elle pour présenter son propre plaidoyer.

3. Le sentiment amoureux est peint de deux façons dans cette lettre :d’une part Valmont retranscrit le trouble qu’il entraîne « languissant »,« privations », « regrets », « tourments », « pleurs », « sacrifices »,« maux », « pénibles » et d’autre part, il en expose les bonheurs« amitié tendre », « douce confiance », « peines adoucies », « plaisirsaugmentés », « espoirs enchanteurs », « souvenirs délicieux ». Aprèss’être posé en victime de la « cruelle indifférence », le vicomte parleici le langage de la tentation, utilisant le double procédé de l’hyperboleet de l’accumulation, sensé mimer l’émotion ; il adopte le style propreà attendrir la femme de cœur sensible qu’est sa correspondante.

4. Pour persuader la présidente, Valmont doit la convaincre qu’il estvictime de sa réputation et du regard qu’elle pose sur lui ; il ne niera

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donc pas, mais arguera de circonstances atténuantes (§ 5, 6, 7) pourfaire prévaloir sa bonne foi ; c’est donc sur les valeurs de cœur qu’ilmise, cherchant par une peinture pathétique de son histoire àprovoquer l’attendrissement de la jeune femme. Il ne néglige pas nonplus d’en appeler à son sens moral (!) : « devoir », « exemple »,« punir », « constance », « honteux », « méprisables », « âme »,« vertu ». Le plaidoyer débouchera sur l’aveu qu’il est « un hommedélicat et sensible », et qu’il lui est également impossible « et de nepas [l’]aimer, et d’en aimer une autre ».

Quelques pistes pour l’élaboration du commentaire

I. Une lettre plaidoyer

– La position de victime.– L’accusation de l’autre.– La stratégie de persuasion (appel au sentiment).

II. La stratégie d’un libertin

– Le langage de la tentation.– La caricature du lyrisme amoureux.– La séduction de l’entreprise.

Sujet 7Texte 23 • Lettre 104, la marquise de Merteuil à madame de Volanges(pages 242-246)

Réponses aux questions

1. Cette très longue lettre est composée de 14 paragraphes. Dans unpremier temps, Mme de Merteuil pose la correspondance sur le tonde l’amitié et, de façon concessive, justifie son intervention dansl’affaire du mariage de Cécile (§ 1 et 2) ; suit un panégyrique de laconduite vertueuse qui doit être celle de la mère, fait deconsidérations générales, et placé sous le signe de la sagesse (§ 3, 4,5 et 6). Elle aborde ensuite le cas particulier de Cécile et le choix àfaire entre Danceny et Gercourt (§ 7 à 11) : le début est consacré auxmérites respectifs de chacun (fortune, § 7 ; qualités personnelles,§ 8) ; puis vient l’exposé des risques de la passion (une prolepse

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imaginaire, § 9, anticipant les regrets de Cécile ; l’illusion et lesdangers de l’accord entre passion et mariage, § 10 et 11). Dans les§ 12 et 13, Mme de Merteuil plaide en faveur du mariage de raison,et le dernier est conclusif, invitant Mme de Volanges à répondre encas de désaccord.Cette lettre est une entreprise de manipulation très bien montée : enfaisant appel d’abord à l’amitié, puis à la sagesse, puis à l’opinioncommune avec une affectation d’objectivité, la marquise rassurel’inquiétude de la mère sur le mode du raisonnement (appel au bonsens). Dans un second temps (à partir du § 9), c’est une entreprise depersuasion : Mme de Merteuil peint l’avenir malheureux d’une Cécilemal conseillée, avec des procédés qui visent à toucher la mère sensible.Ainsi, qu’elle fasse appel à sa raison ou à son cœur, Mme de Volanges nepeut que se ranger à l’avis de sa correspondante : Cécile doit épouserGercourt.

2. Le paragraphe 9 est construit sur le procédé de la prosopopée. Enfaisant parler Cécile, en anticipant son discours au moment de ladésillusion, la marquise rend sensible à la mère indécise lesconséquences funestes d’un choix guidé par la faiblesse maternelle.Les termes mis dans la bouche de la jeune fille contribuent à effrayer lamère : « séduite », « erreur », « malheur », « folle », de même que lereproche qu’ils contiennent de n’avoir pas été bonne conseillère :« pourquoi donc, oubliant votre prudence, avez-vous consenti à monmalheur ? ». La responsabilité de la mère est ici mise en pleine lumière,et l’on pourra remarquer que la marquise se garde bien du mêmeexposé éloquent concernant l’union avec Gercourt.

3. Ce discours permet aisément de faire un portrait psychologique dudestinataire. On connaît le point de vue de la marquise sur cettequestion : on écrit pour l’autre et non pour soi, et on peut donc misersur le fait qu’elle mette en pratique les conseils qu’elle a prodigués.Dans cette lettre, Mme de Merteuil s’adresse à Mme de Volanges enmettant l’accent sur les arguments propres à la convaincre : la moralesociale et la sensibilité maternelle.

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Quelques pistes pour l’élaboration du commentaire

I. L’art épistolaire de Mme de Merteuil

– L’organisation de la lettre.– La variation des registres.– Une entreprise argumentative.

II. Une lettre piège

– L’art de la manipulation.– La prise en compte du destinataire.– La prise en charge abusive de la décision.

Sujet 8Texte 24 • Lettre 161, la présidente de Tourvel à… (pages 368-370)

Réponses aux questions

1. L’énonciation brouillée de la lettre en signale le dysfonctionnement.On peut d’abord remarquer l’absence nominative du destinataire dansl’adresse ; puis cette absence se mue en omniprésence mal définie surle mode de l’impératif : le « tu » semble recouvrer dans un premiertemps Valmont (§ 1), puis le président de Tourvel (§ 3) alors que lafigure du vicomte s’éloigne pour devenir un « il » (§ 3 et 4). Ensuite,la confusion du propos fait se superposer derrière le destinataire lesfigures de Valmont et de Dieu, puis du diable. L’extrême délire qui saisitici la locutrice permet à Laclos une certaine ambiguïté sur soninterlocuteur : dans cette lettre de folie, la présidente retrouve lespersonnages importants de son existence : le vicomte, son époux, sesamies, Dieu et le diable.

2. La ponctuation et le rythme des phrases dans cette lettre sont ceuxde la très grande émotion : interrogations, exclamations, injonctions.Ils n’empêchent pas cependant le lyrisme qui se traduit par l’emploi defigures éloquentes : anaphores invocatives « toi » (§ 3), « oh », « oùsont », et images « ce séjour de ténèbres », « ensevelir », « ellecorrode le cœur qui la distille ».

3. Les champs lexicaux dominants sont ceux du sentiment « haine »,« mépris », « amour », « pleurer », « pitié » et de la désespérance,

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ainsi que celui de la morale « dégradée », « avili », « criminelle »,« faute », « punir », « remords », etc. Ils donnent à la lettre une viséemoralisatrice, montrant les égarements et la perte de repèresqu’entraîne la passion.

4. Le texte est tour à tour accusateur, éploré, résigné, inquiet,menaçant. Les registres sont variés : lyrique, polémique, pathétique,délibératif se relayent, mais l’ensemble, en disant l’impuissance del’homme à comprendre le sens de sa vie, le vain combat qu’il mènecontre un sort qui s’acharne, relève bien du registre tragique.

Quelques pistes pour l’élaboration du commentaire

I. L’expression du délire

– Le dysfonctionnement de l’énonciation.– Les marques de l’émotion et de la folie.– La figure perdue du destinateur.

II. Une lettre symbole

– L’expression de la sensibilité et de ses dangers.– La perte des repères.– Le début de la tragédie.

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DISSERTATIONS (page 445)

Sujet 9

Suggestion de plan

I. L’écriture épistolaire ou l’expression de l’authenticité– Une situation énonciative privilégiée. (Centrée sur le « je », ellesuppose l’implication du destinateur dans un sentiment ou unecause ; destinée au « vous », elle est à la recherche d’une clartéd’exposé).– L’absence du destinataire comme facteur favorable à l’expansionlyrique.– La prise en compte du passé, du présent et de l’avenir dans lasimultanéité.

II. L’écriture du soupçon

– L’écriture du différé.– Le travail du style.– Le poids de l’inconscient (même dans la spontanéité, les mots sontchoisis).

III. Entre explicite et implicite : le rôle du lecteur

– L’adaptation au destinataire.– L’illusion de la fusion : lit-on ce qui nous est écrit ?– La place du non-dit.

Sujet 10

Suggestion de plan

I. Un pacte de lecture particulier

– La double énonciation.– L’absence de l’auteur.– La complicité avec les personnages.

II. La manipulation du lecteur

– Les choix de l’auteur dans les procédés d’adhésion.– L’illusoire liberté d’interprétation.– Les fausses pistes.

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III. La richesse didactique du roman épistolaire

– Une lecture par recoupement.– Une lecture dans les marges du texte (rôle du temps hors lettres).– L’ouverture interprétative.

Sujet 11

Suggestion de plan

I. Les conditions privilégiées de l’expression polémique

– Les ressources de l’éloquence (rôle des registres et des styles).– La possibilité de l’exposé argumenté de l’opinion.– Le rôle du masque (fictions, utopies).

II. Une facilité qui ne favorise pas le débat constructif

– L’absence du contradicteur.– L’auto-persuasion.– Le manque de dynamisme dans le débat (le dialogue favorisedavantage l’enchaînement des arguments).

Conclusion : une vision pertinente mais réductrice de la fonction del’écriture épistolaire.

Sujet 12

Suggestion de plan

I. Le lieu privilégié de l’analyse intérieure

– Une écriture à la première personne.– Une écriture libérée de la contrainte du temps : écriture et réécriture.– Une écriture de la réflexion.

II. Une écriture à destination explicite

– La mise en scène du « moi » avec l’autre.– La relation du « moi » au monde.– La reconstruction du « moi » par l’écriture.

Conclusion : une écriture aux marges de l’autobiographie ; similitudeset différences avec l’autobiographie.

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Imprimé en France par EMD s.a.s. - 53110 Lassay-les-Châteaux - N° 10082 - DL n° 28813 - Avril 2005