L'huître

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COLLECTION "NATURE MÉDITERRANÉENNE"

TITRES PARUS

AQUARIUM-MUSÉE, ILE DES EMB IEZ - VAR, FAUNE MÉDITERRANÉENNE, par Pierre Escoubet, 1984. Épuisé.

• LA PARURE VÉGÉTALE DE L' ÎLE DES EMBIEZ, par Roger Molinier, Paul Moutte, 1987.

• L'OURS IN, MÉCONNU ET MENACÉ, par Christian Frasson-Botton, Alain Riva, Pierre Escoubet, avec la collaboration de Marie-Berthe Régis, 1988. Épuisé.

• L'ÉCOLOGIE A LA CROISÉE DES CHEMINS, par Roger Molinier, 1991.

• UN OCÉAN DE VIE POUR NOURR IR, SOIGNER, NETTOYER, par Christi an Frasson-Botton. A lain Ri va, Nardo Vicente, 1991. Épuisé.

• LES EMBIEZ, SENTINELLE AVANCÉE DU PA YS PROVENÇAL, par Albert Degiovani , 1992.

COLLECTION "LES CAHIERS D'OCÉANORAMA" Cette collection reprend des articles importants, révisés, de la revue "Océanorama ".

LES SALINS DES EMB IEZ, UNE HISTOIR E QU I NE MANQUE PAS DE SEL, par Jean Royo, Michèle Pre leur, Albert Degiovani , 1995.

PHILIPPE TAILLIEZ, PIONNIER DE LA PLONGÉE, par Christian Frasson-Bollon, 1995.

• LE PLANCTON par Patrick Lelong, Gérard Seguin, (à paraÎtre).

• ENTRETIENS AVEC JEAN-MARIE PÉRÈS par Chris ti an Frasson-Botton. (à paraître).

Photographie de couverture - Grossissement sur corde de l'huître Crassostrea gigas dans l'étang de Thau (Ph. Thierrv MaÎtre-Allain).

© 12 - 1995 INSTITUT OCÉANOGRAPHIQUE PAUL RICARD

Tous droits de reproduction, par tous procédés de traducti on et d'adaptation réservés pour tous pays.

une vie sédentaire ... qui nI est pas facile

Alain Riva

L' huître se situe dans l 'embranchement des mollusques, classe des bivalves ou lamellibranches, qui ne regroupe pas moins de 10 000 espèces pourvues de deux valves coquilleuses solidaires. Les espèces actuelles sont regroupées en deux genres principaux bien distincts: Ostrea et Crassostrea, ou, plus simplement, par référence aux noms communs de vente, huîtres plates et huîtres creuses dont certaines espèces ne font pas l'objet d'une culture.

Les gisements huîtriers sont observés sur la frange littorale à faible profondeur, rarement au-dessous de douze mètres du niveau moyen de la mer.

L' huître est soumise à de nombreuses agressions, telles que les actions physiques et chimiques du milieu environnant, les préda­tions, les maladies diverses ... , sans compter les manipulations nombreuses et peu délicates que subissent les animaux placés en élevage.

En dégustant une huître crue, il vient rarement à l ' idée de regarder l' animal tel qu'il se présente dans sa coquille.

Dans sa philosophie zoologique, Lamarck annonçait que la fonc­tion crée l'organe. Dans un tout autre esprit, au travers de l'organe, il est intéressant d ' en définir les principales fonctions qui assurent la vie et la pérennité de l' huître. Ce mollusque ne possède qu'un muscle adducteur, contrairement à d ' autres bivalves. Le muscle maintient fortement les deux valves de la coquille: la gauche ou inférieure, plus ou moins concave, adhère à un support qui assure la vie sédentaire de l ' animal. Lorsqu ' on sectionne le muscle adducteur, tout en rabattant la valve supérieure, opération qui s ' appelle l ' écaillage, l ' animal s 'offre dans sa nudité la plus totale. Les différents organes qui assurent les fonctions physiologiques, telles que la respiration et la nutrition, peuvent y être observés.

Un manteau pour se couvrir et se protéger

L'ensemble du corps mou de l'huître est revêtu d'un tégument, dont les bords libres, dans la région ventrale, suivent le contour de la coquille pour former une cavité, dite palléale. Si l'on verse quelques gouttes de citron sur l' animal mis à nu, le bord du tégu­ment se rétracte. C'est signe de vitalité et de fraîcheur. Ce tégu­ment sensible correspond au manteau, sorte de feuille de tissu conjonctif contenant des muscles, des vaisseaux sanguins, des nerfs et recouverte d ' un épithélium (*) unicellulaire.

Le bord épaissi du manteau est constitué de trois bourrelets sou­vent pigmentés. Le bourrelet interne, bien développé et garni de tentacules, agit par effet de voile sur l ' entrée de l' eau dans la cavi­té palléale. Les nombreux tentacules du bourrelet médian ont un rôle sensoriel.

LES TROIS COUCHES SUPERPOSÉES DE LA COQUILLE

• Le périostracum ou conchyoline est sécrété par la face inter­ne du bourrelet externe du manteau. Il s'use rapidement et dis­paraÎt chez l'huÎtre adulte.

• La couche prismatique, prismes constitués de cristaux de cal­cite enrobés dans une matrice de conchyoline, est sécrétée par la surface externe du bourrelet du manteau.

• La couche lamelleuse subnacrée ou calcite-ostracum est for­mée de feuillets de lamelles de calcite entre de minces mem­branes de conchyoline. Elle est sécrétée par toute la surface du manteau qui, restant en contact constant avec la coquille, per­met à celle-ci de s'accroÎtre en épaisseur.

Quant au bourrelet externe, il joue un rôle essentiel dans la forma­tion de la coquille et donc dans la croissance du mollusque. La coquille est une superposition de trois couches nettement différen­ciées. Les huîtres trouvent dans la mer le calcium et les autres élé­ments complémentaires qui entrent dans la composition de cette coquille.

L'huÎtre telle qu 'elle se présente

après écaillage.

L'huÎtre creuse. Planche éditée par le Comité

interprofessionnel de la conchyliculture.

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Dans l'entre-bâillement des valves, s'observe la cavité palléale de l'huÎtre formée par les bords du manteau.

Sa form ation est importante et les mécanismes biochimiques de la ca lc if ica ti o n ne so nt pas e ncore tota leme nt ex pliqués. Cette coqu ill e peut être de dim ensions vari ables, caractéristiqu es des espèces et de leur habitat. Sa coloration externe est liée au substrat, à so n environnement immédiat, et peut prése nter, co mm e chez l ' huître japonaise Crassostrea gigas, de larges ray ures brunes ou violacées.

Les défauts de la carapace

Enveloppe crayeuse qui représente en quelque sorte le squelette externe de l ' animal, la carapace constitue également un abri pour certains organismes comme les vers annélides du genre Polydora sp, qui développent sur la coquille des form ati ons va riqueuses avec creusement de galeri es.

Dans le mili eu naturel, où la place disponible est recherchée, la coquille devient support cible pour d 'autres espèces telles que les balanes (crustacés), les ascidies ou les algues. Lorsque les huîtres sont vendues, elles ont déjà été nettoyées de leurs épibiontes (*).

Assez fréquemment, l' inté rieur de la coquille présente une ou plu­sieurs poches, sortes de chambres isolées, chacune, de la cav ité où se tient l ' animal, par une cloison subnacrée.

Cette anomalie structurale (ou chambrage) résulte de di fférentes causes : variation de sa linité, pénétration de Polydora, impossibili­té d 'expulser du matériel contenu en suspension dans l'eau : vase, sable ... , réduction du volume du corps après la ponte. Ces poches qui sont vides ou remplies d 'eau de mer, de matériel sablo-vaseux ou organique sous fo rme de gelée, peuvent quelquefo is être nau­séabondes et influer sur la qualité gustative du mollusque.

D 'autres causes moins naturelles engendrent également des ano­malies de calcification. Il en est ainsi du tributylétain (TBT), issu des peintures antisalissures(*), qui provoque à dose extrêmement fa ible un chambrage spectaculaire, rendant diffic ilement commer­cialisables les coquillages atteints. En conséquence, l' utilisation de peintures à base de sels o rga nostanneux es t inte rdite dans les régions conchylicoles.

( 'If) Voir définition page 15

Huit feuillets ciliés pour deux fonctions vitales

Les huîtres assurent leurs échanges avec le milieu liquide en main­tenant une circulation quasi permanente à travers des appareils extrêmement perfectionnés: les branchies. Celles-ci, qui peuvent être observées au centre de la coquille, sur toute la longueur de l ' animal, striées perpendiculairement par des filaments accolés les uns aux autres, donnent un aspect plissé. En coupe transversale, chaque branchie représente un "W" qui correspond à deux lamelles formées elles-mêmes de deux feuillets. Lorsque l ' on observe par grossissement une branchie, chaque filament apparaît comme un tube d ' épithélium (*) cilié supporté par des baguettes chitineuses (*). Les cils, très nombreux, se divisent entre cils laté­raux, qui assurent la circulation de l'eau par leur battement, et cils frontaux et latéraux-frontaux, qui interviennent dans le transport des particules inertes et vivantes présentes en suspension dans l ' eau.

C'est l'eau de mer qui, en effet, transporte la nourriture et, en tra­versant l'animal, réalise les échanges respiratoires , ainsi que l'éli­mination des déchets ou des éléments indésirables.

Les huits feuillets ciliés vont donc agir comme une pompe dont le débit peut être régulé par l ' action combinée du muscle adducteur et du manteau.

Une pompe à débit variable

Les quantités d 'eau qui circulent à travers un individu dépendent de son âge, de son poids, de son état de maturité sexuelle et, sur­tout, des conditions extérieures comme la température ou la charge de l'eau en particules. Dans des conditions d'observation pratique­ment identiques, on note l'existence de variations interspécifiques et intraspécifiques. Pour le genre Crassostrea, on enregistre des valeurs de l'ordre de 5 à 40 litres par heure et, pour le genre Ostrea, de 4 à 26 litres par heure. Cette différence dans le taux de pompa­ge s'explique par une différence anatomique entre les deux genres. La durée journalière de l'activité des cils latéraux, qui assurent la

circulation de l ' eau, n'a jamais été étudiée directement avec préci­sion mais seulement d'après le temps d'ouverture et de fermeture des valves.

Quelques évaluations réalisées dans des conditions bien précises: huîtres immergées, température et salinité normales, ont permis de penser que les huîtres sont actives en moyenne de 60 à 80 % du temps, environ 15 à 20 heures par jour ; mais le taux de pompage n 'est certainement pas constant durant l ' activité valvaire.

Avec ou sans ventilation

Les échanges gazeux vont se faire principalement au niveau des branchies et, pour une moindre part, au niveau du manteau assez fortement vascularisé. Aussi, l'eau de la cavité palléale est constamment renouvelée par le courant d'eau ciliaire. La quantité d'oxygène dissous, consommée par l'animal pour son métabolis­me, va dépendre de cette ventilation, ainsi que de la température et de l ' état nutritionnel. Une augmentation de température entraîne une augmentation de la consommation d'oxygène jusqu'à un maximum compris entre 20 et 30°C suivant les espèces. Cepen­dant, les bivalves peuvent survivre hors de l'eau pendant des durées variables en maintenant leurs valves étroitement fermées, ce qui explique le rôle important du couvercle d ' une bourriche qui maintient fortement la pression sur les valves durant le transport. Dans ce cas, la ventilation ne s'exerce plus et, l'animal adapte son métabolisme à l ' anaérobiose (*) pour survivre. Un cas extrême: celui de l'huître américaine Crassostrea virginica qui peut rester en vie 18 jours à des températures de 14° à 23°C et au maximum 7 jours, entre 26 et 32°C.

Cette même espèce, sur la côte atlantique du Canada, peut être conservée vivante hors de l ' eau durant plusieurs semaines à une température inférieure à 5°C et, même, 4 mois à 1°C, si les ani­maux sont en bonne condition au moment du ramassage et sous réserve d ' une hygrométrie maintenue constamment élevée.

Des essais de conservation des huîtres par le froid ont montré qu'elles pouvaient survivre plusieurs jours à des températures infé­rieures à 0°, pourvu que le refroidissement s ' effectue par palier.

Vue rapprochée sur les lamelles branchiales comprises entre les bourrelets pigmentés du manteau.

Schéma d'ensemble du filament branchial avec ses différents cils.

Disposition des cils sur la branchie (microscopie électronique à balayage). Ph . C. 8arker Jorgensen

reproduite de l'article "On gill fonction in the mussel".

Un tamis branchial pour piéger les particules

Le courant d ' eau apporte également la totalité de la nourriture à ces animaux sessiles (*), qui sont adaptés pour capter par filtration les petites particules en suspension dans l ' eau et les véhiculer jusqu ' à leur bouche et les ingérer.

Il convient de différencier la notion de pompage ou courant d'eau de la notion de filtration. En effet, les valeurs correspondantes ne sont égales que lorsque l ' animal retient toutes les particules trans­portées par le courant d ' eau qui le traverse (efficacité à 100 % du filtre branchial). Or ce n 'est que rarement le cas. Seule la filtration se trouve impliquée dans le mécanisme de nutrition des coquillages. Celle-ci varie en fonction de nombreux facteurs, et principalement de la température et de la charge en particules du milieu.

Les mailles du tamis branchial des huîtres sont telles qu'elles peu­vent retenir les particules qui ne mesurent que quelques millièmes de millimètre. Aussi , une bonne partie des éléments figurés qui se trouvent dans l ' eau pompée est susceptible d ' être ar~êtée.

Cette rétention des particules peut facilement être mise en éviden­ce par la clarification d'une eau turbide dans laquelle les animaux ont été placés. Le courant d'eau créé à l' intérieur des valves suit un circuit bien établi et le cheminement des particules sur les fila­ments branchiaux est observable à l ' aide d ' une loupe binoculaire. En fait, la taille des particules inertes et vivantes retenues avec une bonne efficacité va de moins d ' une dizaines à plus d ' une centaine de microns, mais les particules inférieures à 50 microns prédomi­nent. Pour diverses espèces de filtreurs, les scientifiques ont obte­nu des courbes d'efficacité de rétention qui expriment en pourcen­tage la quantité de particules extraites du milieu par rapport à la taille de celles-ci. On a ainsi déterminé que l 'huître commence à retenir plus de cinquante pour cent des éléments en suspension à partir d ' une taille particulaire de quatre microns. En comparaison, la moule placée dans les mêmes conditions expérimentales, retient une forte proportion d ' éléments voisins du micron comme les bac­téries, par exemple. C'est pourquoi, lorsque l ' on veut consommer des moules crues, il vaut mieux être prudent si on n' en connaît pas la provenance.

Quatre palpes pour faire le ménage

Les particules sont donc capturées par la branchie et piégées dans un mucus, sécrétion cellulaire mucilagineuse. Elles sont entraînées par des courants locaux, dus aux cils frontaux et latéro-frontaux, vers les sillons nourriciers, situés à l'extrémité de la branchie, puis, le long de ces sillons, vers la bouche. Cependant, avant d ' atteindre cette dernière , les particules piégées sont prises en charge par les quatre palpes labiaux , qui correspondent à des petits appendices charnus pourvus , eux aussi, de champs ciliaires complexes.

A ce niveau , s ' opère un tri selon la taille et la qualité des particules. Des récepteurs sensitifs ont été mis en évidence à la surface de ces palpes labiaux. Cet animal est donc capable de faire la différence entre les particules organiques: partie vivante ou morte des élé­ments en suspension , et inorga­niques: partie inerte ou minérale des éléments en suspension.

Certaines espèces d ' organismes planctoniques comportant des

Si on retourne le capuchon céphalique, on distingue à proximité des palpes, la bouche de l'animal.

structures épineuses ou des cornes de taille supérieure à 200 microns sont refusées. On admet en général que la sélection ne va pas au-delà et que dans les contenus stomacaux, on retrouve prati­quement tous les éléments en suspension dans l'eau: Dinoflagel­lés (*), Diatomées (*), Bactéries, Zoospores (*), Flagellés (*), Ciliés, détritus organiques, soit 80 à 90 % de la part nutritive. Le reste représente la part des substances organiques dissoutes qui peuvent être absorbées directement par les branchies et le man­teau.

En cas d ' apport très abondant au niveau des palpes, beaucoup parmi les éléments les plus gros se trouvent dirigés, tout comme

les éléments indésirables, vers les bords externes et inférieurs des palpes et tombent dans la cavité ventrale, aboutissant à un rejet informe dénommé pseudofécés, différent des rejets alimentaires du système digestif.

Les particules, une fois sélectionnées, sont conduites vers l'orifice buccal, puis progressent dans le système digestif par des mouve­ments ciliaires et non pas par des mouvements péristaltiques (ondes de contraction musculaire typique de l ' intestin).

Le transit oesophagique est de courte durée et le mélange particu­laire débouche immédiatement dans l'estomac. Là, une deuxième sélection s'opère grâce à l' action mécanique et chimique du sty let cristallin. La rotation de ce dernier (10 à 80 fois par minute) va tri­turer par frottement à la manière d ' un pilon les aliments ingérés. Les particules les plus grosses sont entraînées directement vers l ' intestin et les pl us fines vers la glande digestive ou hépato pan­créas qui entoure l ' estomac. Toute cette structure anatomique est le siège d ' une activité enzymat ique importante. Les aliments sont ainsi prédigérés, digérés et absorbés par la paroi stomacale et par la glande digestive. Les résidus de cette digestion constitueront 90 % des fécès, qui avant d ' être évacués vers l 'extérieur, vont pro­gresser dans l 'intestin, lui-même perméable aux substances dis­soutes utiles au métabolisme de l'animal. La durée de la traversée du tube digestif est variable suivant les espèces ; on l' estime de trois à cinq heures chez Crassostrea gigas, l ' huître actuellement cultivée sur nos côtes.

Les éléments ingérés, puis digérés, sont assimilés dans les cellules pour permettre le maintien énergétique de l'organisme, favoriser la reproduction, et surtout la cro issance des individus, le plus intéres­sant pour l'éleveur.

L' huître se nourrit donc en grande partie d ' a lgues planctoniques qui d'un point de vue spécifique n'apportent pas toutes la même valeur alimentaire, ni le même degré d'innocuité. En effet, une trentaine d'entre elles so nt reconnues comme produisant des toxines. Si e ll es présentent peu d 'i nconv é ni e nt pour le s coquillages, ell es sont dangereuses pour le consommateur. C ' est le cas de la DSP (Diarrehic Shellfish Poison) produit par le Dynophy­sis, et ·Ia PSP (Parai y tic Shellfish Poison) produit par Alexandrium et qui développe une intoxication du type paralysant. La parti cula-

ri té de ces toxines est qu'elles ne sont pas thermolabiles ; elles demeurent donc toujours actives après chauffage, et, actuellement, seule l 'autoépuration peut les éliminer. La mise en stabulation des animaux en eau propre doit durer un mois, au minimum. La toxine accumulée dans la chair du filtreur est la résultante d ' une prolifé­ration intense de cellules végétales dans le milieu marin. Cette prolifération en mer ou en étang, dont on ignore pour l ' instant les raisons profondes, survient à n'importe quelle période de l 'année.

Sur notre littoral , il existe un réseau de surveillance scientifique lié à ce problème: le REPHY, qui prév ient et protège ainsi le consom­mateur.

D 'autres espèces peu dangereuses induisent par prolifération des eaux colorées, souvent en rouge. C'est le cas de l ' espèce Proro­centrum micans, dont les pigments, fortement concentrés dans la glande digestive, peuvent, lors de l 'écaillage, donner un écoule­ment coloré rappelant un saignement. Bien qu ' inoffensif, cela conduit souvent à un rejet de la part du consommateur. Cependant, la qualité du plancton ingéré peut modifier de façon positive l 'aspect du produit commercialisé. La coloration verte des huîtres de Marennes-Oléron affinées en claires est liée à l ' accumu­lation du pigment bleu-vert de la diatomée Navicula ostrearia.

Une vie libre avant de se fixer

La vie et la croissance des bivalves isolés ou en élevage ne peuvent être assurées que s'ils trouvent dans le milieu où ils se développent des conditions physico-chimiques compatibles avec leur survie, mais aussi, en quantités suffisantes, des éléments capables d 'assu­rer leur alimentation. Les huîtres à l ' état adulte ne peuvent plus se déplacer dans le milieu à la recherche de la nourriture comme c'est le cas au stade du développement larvaire. En effet, l' huître passe par une phase planctonique libre de plusieurs semaines; à l'approche de la métamorphose , la larve mesure, suivant les espèces, de 260 à 320 microns.

Quand arrive la période de la fixation, la larve nage grâce à son velum (*), à la recherche d ' un support solide. Elle y fixe son pied, rampe pour se placer convenablement, puis expulse le contenu de

TROIS PHASES DU DÉVELOPPEMENT DE L'HUÎTRE

Larve planctonique d 'huître avant la métamorphose.

Naissain (jeunes individus) .

Huître plate adulte.

sa glande byssogène (*). L'animal se tourne aussitôt sur la valve gauche qui s 'applique à la goutte de ciment. Celle-ci va durcir en quelques minutes et la maintiendra attachée. Une fois ce ciment­colle émis, la larve ne pourrait plus se fixer si elle venait à être détachée de son support.

La métamorphose s ' achève et les branchies indispensables à la vie de l'animal se développent. Le naissain est né et il va sécréter une coquille qui s ' attache, par étalement, au support.

C'est l'évolution biologique qui a conduit l ' huître vers une vie sédentaire pendant laquelle elle profite, au rythme des saisons, de la nourriture produite par le milieu naturel , sans avoir à fournir d' autre effort que celui de faire circuler de l 'eau entre ses valves pour trier les particules qu ' elle contient. L' avantage pour nous,

consommateurs, est que l 'on obtient, en mode d 'élevage, un pro­duit "poussé" naturellement.

A l' heure actuelle, il n' existe pas d'autre façon de les engraisser en dehors d ' une production naturelle, au contraire des poissons et des crustacés que l'on peut nourrir avec des granulés industri els, mais cela est une autre hi stoire.

Dans tous les cas, il est importa nt de signaler qu 'auj ourd ' hui , l'ensemble des activités humaines rendent les mili eux littoraux fragiles, particulièrement sensibles à toute agression. C'est pour­quoi a été mise en place une surveillance continue, des écosys­tèmes conchylicoles aux moyens de réseaux d 'observation, ratta­chés aux laboratoi res de l ' In stitut fra nçais de recherche po ur l'exploitation de la mer.

(*) QUELQUES DÉFINITIONS

• Anaérobie : développement en l'absence d'oxygène. • Antisalissures (peintures) : appliquées sur les coques de bateau

pour empêcher la fixation d'organismes marins. • Bactéries : appartiennent au groupe des Procaryotes correspondant

à des cellules isolées que l'on peut assimiler à des organismes complets et autonomes. La taille de la cellule bactérienne varie de 0,1 à 20 microns.

• Bivalves ou lamellibranches : la taxonomie tient compte de plu­sieurs critères: anatomiques, physiologiques, embryologiques ... Cette discipline évolue parallèlement aux recherches biologiques et peut aboutir obligatoirement à des modifications terminolo­giques. Ainsi , la classe des Bivalves (bivalvia) adoptée par Linnée, en 1758, peut-elle également correspondre à la classe des Lamelli ­branches (dont les branchies sont en forme de lamelle), proposée par Blainville en 1814, ou encore à la classe des Pal écypodes (dont le pied est en forme de hache), proposée par Goldfuss en 1820.

• Byssogène (glande) : sécrète le byssus , faisceau de filaments soyeux qui permet à certains Lamellibranches comme la moule de s'attacher à un support.

• Chitineuse : substance organique complexe qui forme une cuticule rigide du même type que le squelette des insectes.

• Diatomées : classe d'algues unicellulaires à squelette externe sili ­ceux. Leur taille atteint de 2 à 400 microns. Pélagiques ou ben­thiques, elles jouent un rôle très important dans la production marine et dans la formation des sédiments.

• Dinoflagellés : classe de végétaux unicellullaires, libres, plancto­niques ou benthiques, parfois parasites, caractérisée par la présen­ce de deux flagelles battant dans deux plans perpendiculaires.

• Epibiontes : êtres vivants fixés sur des supports ou sur d'autres organismes . Les rapports entre épibiontes et hôte sont très variables et vont depuis le simple support ou le transport jusqu'au commensalisme et au parasitisme.

• Epithélium : tissu mince formé de cellules juxtaposées revêtant les surfaces du corps.

• Flagellés : super-classe de Protozoaires qui assurent leur locomo-tion à l'aide d'organes spécialisés en forme de fouet : les flagelles.

• Naissain : jeune coquille de quelques millimètres. • Sessile : fixé sur un support, immobilisé. • Stylet cristallin : structure cristalline semi-rigide, interne à l'estomac

dont la taille varie en fonction du rythme alimentaire. Il permet un broyage des aliments et une prédigestion enzymatique des sucres. Bien visible chez certains coquillages comme la coque.

• Zoospores : cellules de reproduction asexuées.

BIBLIOGRAPHIE

Elzière-Papayanni P. , coordonateur, 1993 - Coquillages. Informations techniques des serv ices vétérinaires fra nça is.

Grelon M., 1978 - Sa intonge, pays des huîtres vertes. Edit. Rupella, La Rochelle. Hamon P.Y. et Y. Pichot, ] 994 - La conchyliculture en Méditerra née (1ère et 2e

parties). Equinoxe n° 52 et 53. Institut scientifique et technique des pêches maritimes, 1976 - La conchyliculture

française (Fasc. 1,2,3). Service documentation IFREMER. Lesne J., coordonnateur, 1992 - Coquillages et santé publique, du risq ue à la pré­

vention. Editions Ecole nationale de la Santé publique. Pigeot J., 1994 - L ' huître, un produit phare de l' aquaculture française. CRDP de

Poitou-Charentes (publication destinée à l' enseignement). Rai mbault R., 1975 - Plancton et coquillages, Revue des travaux de l 'Institut

scientifique et technique des pêches maritimes. Service documentation IFRE­MER.

Ranson G., 1951 - Les huîtres (biologie-culture). Savoir en histo ire nature lle, Vol. XIII, Edit. P. Lechalier.

Tanchoux S. , 1995 - L ' huître racontée aux enfants. Les petits cahiers d 'Oléron. Edit. du Local (livre pour les enfants).

Walne P.R., 1979 (seconde édition) - Culture of bivalve molluscs (59 years of experience at Conway. Fishing news book Ltd Sarnham Surrey (England).

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