L'Homme de René Descartes (éditions de 1662 et 1664 ... · PDF fileDescartes...

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  • L'Homme de Ren Descartes

    (ditions de 1662 et 1664):

    Physiologie et mcanisme*

    par Georgette LEGE**

    L' Homme fut crit par Descartes en franais, et publi pour la premire fois en traduction latine Leyde, en 1662. En 1664, Cl. Clerselier publia le texte franais. Une prface importante prcde chaque texte. Les figures des deux ditions ont t inventes.

    La signification du trait est explique par Descartes lui-mme. Il s'agit de dcrire uniquement les mouvements ou fonctions des organes du Corps matriel, sans considration de l'Ame immatrielle. C'est un organicisme, dans lequel il fait preuve de notions de physiologie positives, mais expliques par un mcanisme invent.

    Le trait de l ' H o m m e de Ren Descartes eut deux ditions, toutes deux pos-thumes. Il fut publi pour la premire fois en 1662, Leyde, par Florent Schuyl (1619-1669), docteur en philosophie d'Utrecht (1639) et docteur en mdecine de Leyde (1664) qui traduisit en latin une copie d u texte franais de Descartes sous le titre:

    De Homine figuris et latinitate donatus (1)

    D e u x ans plus tard, Claude Clerselier (1614-1684), avocat au Parlement de Paris et philosophe cartsien, publia le texte franais prcd d'une importante prface et suivi de la traduction de la prface latine de F. Schuyl. D a n s sa prface, Clerselier adresse quelques critiques et reproches, plus o u moins modrs, F. Schuyl. C e dernier, dit-il, a utilis une copie peu fidle du texte de Descartes pour faire sa version (2). D'autre part, il a considr le trait de l ' H o m m e dtach de tout autre, alors qu'il

    * Communication prsente la sance du 19 dcembre 1987 de la Socit franaise d'Histoire de la Mdecine.

    ** 24 bis, rue Tournefort, 75005 Paris.

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  • n'est qu'une suite d u livre dont Descartes parle dans sa M t h o d e , et que l'original que j'ai, ajoute-t-il, a pour titre, Chapitre 18. C e livre a t depuis peu publi m o n insu, avec ce titre :

    Le Monde de Monsieur Descartes ou Trait de la Lumire.

    Cependant, Clerselier confesse qu'il est en partie responsable des fautes de M . Schuyl, tant l'un de ceux qui l'avaient sollicit de travailler cet ouvrage. Sur sa d e m a n d e , Schuyl lui avait c o m m u n i q u ses figures et u n double de la copie dont il s'tait servi pour les inventer. Mais il croyait que ce dernier ne publierait pas aussitt son ouvrage, et lui laisserait la priorit.

    Pour l'dition en franais, Clerselier ne s'est pas servi des figures de Schuyl, bien qu'il les considre suprieures graphiquement celles de son livre. N'tant pas capable d'inventer lui-mme des figures correspondant au texte, un jeune h o m m e se rendant aux Pays-Bas, fut charg de rechercher si des figures grossirement traces par Descartes pouvaient se trouver chez quelqu'un, puisque Descartes dsigne ses figures par des lettres, et de rechercher aussi u n habile dessinateur. A Louvain, ce jeune h o m m e rencontra M . de Gutschoven, grand anatomiste et mathmaticien, qui poss-dait cette sorte d'esprit mcanique que la philosophie de Descartes d e m a n d e . U n e lettre lui fut adresse. Aprs un an sans nouvelles, il accepta de travailler aux figures. Mais Monsieur de No m a n c o u r t , qui tait venu annoncer l'acceptation de M . de Gutschoven, arriva lorsque M . de L a Forge (3) venait aussi d'accepter, car dans le second volume des lettres de Descartes, avait t annonc le besoin d'un h o m m e habile pour faire ce travail. Il fut dcid de laisser les deux h o m m e s travailler aux figures, l'insu l'un de l'autre. E n moins d'un an M . de L a Forge envoya ses figures et ses remarques, ainsi qu'un Trait de l'Esprit. C'est ainsi que dans l'dition de Clerselier les figures de M . de Gutschoven sont indiques par la lettre G., celles de M . de L a Forge (moins nombreuses) par la lettre F. (4).

    D e u x figures seulement, sans lettre, sont de Descartes. Pour les muscles, il avait griffonn une figure.

    L a fin de la prface est philosophique et se rapporte aux deux substances, corporelle pour le m o u v e m e n t et spirituelle pour le vouloir.

    Q u a n t la prface de Schuyl, elle est essentiellement philosophique, base sur la diffrence entre l'Ame et le Corps, sur la signification de l'Ame des Btes, selon Descartes qui a rejet les ides fausses en rformant les premiers fondements de la philosophie. Il a montr, dit-il, quelles sont les fonctions de l'entendement et de la volont et en quoi consiste la perfection de l'un et de l'autre. Il a nettement distingu les ides ou les notions qui sont nes avec nous, et qui sont produites par l'esprit seul, de celles qui sont trangres ou qui viennent d u dehors ; et les unes et les autres, de celles qui ne sont faites et inventes que par notre fantaisie .

    Quelle est la signification du trait de l'homme?

    On y dcouvre des notions de physiologie positives et un mcanisme invent.

    L a premire partie de l ' H o m m e de 1664 s'intitule :

    De la Machine de son corps (5).

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  • Descartes crit : Les h o m m e s sont composs, c o m m e nous, d'une A m e et d'un Corps. Et, il faut que je vous dcrive, premirement le corps part... je suppose que le corps n'est autre chose qu'une statue o u machine de terre... Il ajoute que son but n'est pas de dcrire les organes qui sont connus par les savants anatomistes, mais d'expliquer leurs m o u v e m e n t s . Il va donc donner une explication mcanique des fonctions qui rsultent uniquement d u jeu des organes, c o m p a r au jeu des parties d'un automate. D a n s sa conclusion, il insistera sur cette signification. L e corps ne saurait tre soustrait la G r a n d e mcanique qui est la loi d u m o n d e .

    Le mcanisme fondamental invent par Descartes pour expliquer les m o u v e -ments des organes, ou fonctions, concerne le rle qu'il fait jouer la glande pinale et aux esprits animaux . Bien que Descartes, dans son Discours de la mthode, ait secou le joug de la scholastique, il adopte ici la notion d'esprits animaux hrite de l'antiquit. A son poque, cette notion, encore bien vivante, est fort utilise, mais elle voluera progressivement. Ces esprits, dit-il, sont u n vent subtil (esprit ou p n e u m a des anciens), une flamme trs vive et trs pure, forms dans le cur et vhiculs par le sang. Autour de la glande pinale existe un tissu de petites artres qui apportent les esprits. Ces derniers pntrent dans la glande grce aux pores de son tissu. L a glande pinale jouera ainsi le rle de rservoir d'esprits animaux, et sera le Sensorium commune c'est--dire le centre o aboutissent toutes les impressions sensorielles et d'o part la c o m m a n d e de tous les mouvements. L a structure d u cerveau considr c o m m e u n rseau de fibres, dlimitant des pores, ainsi que celle des nerfs considrs c o m m e des tuyaux, vont jouer un rle important dans le mcanisme physiologique (6).

    Descartes donne le plan qu'il va suivre :

    I o Action des esprits animaux pour dterminer des m o u v e m e n t s simples et ordinaires (mouvements des m e m b r e s , m o u v e m e n t s respiratoires).

    2 Action des objets extrieurs sur les organes des sens.

    3 Explication de ce qui se fait dans les cavits et les pores d u cerveau ; c o m m e n t les esprits y prennent leur cours ; quelles sont celles de nos fonctions que la machine peut imiter par leur m o y e n .

    C'est au cours d u dveloppement de ce plan que d'importantes notions positives de physiologie vont apparatre, m m e si le mcanisme invent, corrlatif des struc-tures errones, est le reflet de notions encore plus o u moins admises au XVIL sicle et qui, d'ailleurs, se perptueront jusqu'au dbut d u XIX e sicle. Cependant, ds 1664, T h o m a s Willis (1621-1675) donnait pour la premire fois l'expression d'influx, m a -ne de celle d'esprits animaux. Pour Descartes, les esprits animaux s'coulent d u cerveau dans les muscles par les nerfs qui sont creux. Ils font mouvoir les muscles, c o m m e l'eau des fontaines, a m e n e par des tuyaux fait mouvoir des machines. L a force des esprits est comparable celle de l'eau. C'est encore l'hydraulique qui lui fournit une comparaison pour les m o u v e m e n t s respiratoires, m o u v e m e n t s continus c o m m e ceux d'une clepsydre ou d'un moulin eau. Mais les explications mcaniques de Descartes vont au-del. U n muscle qui se contracte est gonfl par l'afflux des esprits animaux ; pendant la dcontraction le muscle se dgonfle et s'allonge en expulsant les esprits. Cette observation lui permet d'expliquer l'action des muscles antagonistes, grce un jeu de valvules inventes qui rglent le passage des esprits dans l'un o u l'autre muscle (muscles flchisseur et extenseur d'un m e m b r e , muscles antagonistes

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  • des m o u v e m e n t s oculaires, des m o u v e m e n t s respiratoires, action des muscles d u pharynx lors de la dglutition o u de la respiration). Cette notion d'un passage pouvant tre ouvert o u ferm aux esprits, c o m m e plus tard l'influx nerveux, donnera naissance bien d'autres thories, dont celle des chronaxies de Lapicque, au dbut d u X X e sicle.

    L'action des objets extrieurs sur les organes des sens a conduit Descartes dcrire des actes qui seront qualifis de rflexes et m m e de rflexes coordonns, c o m m e le montre la citation suivante qui dcrit les m o u v e m e n t s conscutifs l'action de la chaleur sur la peau :

    Comme par exemple si le feu A se trouve proche du pi B, les petites parties de ce feu, qui se meuvent comme vous savez trs promptement, ont la force de mouvoir avec soi l'endroit de la peau de ce pi qu'elles touchent ; et par ce moyen tirant le petit filet c c que vous voyez y tre attach, elles ouvrent au mme instant, l'entre du pore d, e, contre lequel ce petit filet se termine ; ainsi que tirant l'un des bouts d'une corde, on fait sonner en mme temps la cloche qui pend l'autre bout. Or l'entre