L’HISTOIRE DOCTEUR BOB 30 ANNÉES AU SERVICE DE LA GLISSE

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SKI CHRONO 49 L’HISTOIRE Docteur Bob parmi quelques-unes de ses œuvres : « Le shape c’est comme la cuisine, tout le monde a les mêmes ingrédients sauf que quelqu’un qui ne sait pas faire à manger ne fera pas un bon plat, alors qu’un grand chef sortira un truc super ». LES SNOWBOARDS ROSSIGNOL MAÏS, LEVITATION, DAVE SEOANE, LES SKIS SCRATCH ET BANDIT, LES SKIS APO, WHITE DOCTOR... LA GLISSE DOIT BEAUCOUP À ERIC BOBROWICZ « AKA » BOB. CE CRÉATEUR-SHAPER-CONCEPTEUR DE GÉNIE A REÇU SKI CHRONO DANS SON FIEF, À SERRE-CHEVALIER. « PENSER AUTREMENT ET DIRE PLUS EN DISANT MOINS », LES MANTRAS DE BOB. QUAND IL PARLE, ON L’ÉCOUTE. VOICI SON HISTOIRE. Par Sandra Stavo-Debauge - Photos Francis Bompard / Zoom. DOCTEUR BOB 30 ANNÉES AU SERVICE DE LA GLISSE

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SKI CHRONO 49

L’HISTOIRE

Docteur Bob parmi quelques-unes de ses œuvres : « Le shape c’est comme la cuisine, tout le monde a les mêmes ingrédients sauf que quelqu’un qui ne sait pas faire à manger ne fera pas un bon plat, alors qu’un grand chef sortira un truc super ».

LES SNOWBOARDS ROSSIGNOL MAÏS, LEVITATION, DAVE SEOANE,

LES SKIS SCRATCH ET BANDIT, LES SKIS APO, WHITE DOCTOR...

LA GLISSE DOIT BEAUCOUP À ERIC BOBROWICZ « AKA » BOB. CE

CRÉATEUR-SHAPER-CONCEPTEUR DE GÉNIE A REÇU SKI CHRONO

DANS SON FIEF, À SERRE-CHEVALIER. « PENSER AUTREMENT ET

DIRE PLUS EN DISANT MOINS », LES MANTRAS DE BOB. QUAND IL

PARLE, ON L’ÉCOUTE. VOICI SON HISTOIRE.

Par Sandra Stavo-Debauge - Photos Francis Bompard / Zoom.

DOCTEUR BOB 30 ANNÉES AU SERVICE DE LA GLISSE

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la tendance. On a recruté Dave Seoane, un freestyler américain. ”La Seoane”, le premier pro modèle sort en 88 ou 89. » Le duo fait rentrer le snowboard dans l’ère moderne appuyé par la tournée en France bap-tisée BBB Jump Circus lancée avec une bande de « ricains » : Damien Sanders, Shawn Farmer, Dave Seoane, Steve Graham. Tous marqueront l’histoire du snow. Bob et Jean-Carl ont carte blanche et elle vient d’en haut, du directeur général Fourneri. « Cet énarque brillant avait compris qu’il fallait qu’on secoue la boite en interne. Plus on mettait le merdier plus il était content ! À cette époque la promo chez Rossignol, c’était le service course alors quand on est arrivé avec les riders, qu’on faisait les salons sponsorisés par une marque de bière, ce fut un choc culturel » ! Le marché leur a donné raison, le business s’est très vite développé. D’autres planches mythiques ont suivi : la « Maïs », puis la « Recycle » (« Sur ce modèle on a utilisé une semelle et un top sheet recyclés, une combine pour justifier le prix de vente attractif. ») . La culture freeride de Bob transpire dans le « Swallow Undertaker » qui marquera également les esprits. En 1998, Rossignol produit 200 000 planches par an. L’homme aux 2 millions de boards vendues, a shapé celles des meilleurs : Travis Rice, Xavier De Le Rue, Jeremy Jones... Bob et le snowboard, le chapitre se clôt en 2007.Revenons 10 ans en arrière, en 1997-98, les freestylers du team ski tannent Bob pour qu’il développe leurs modèles. Une fois encore, il obtient carte blanche de la part du big boss, Laurent Boix-Vives et sort le Scratch, le premier ski twin tip à chants, « ce qui a été révolutionnaire c’est que le Scratch est un produit transculturel : un produit ski avec une philosophie ludique venue du snowboard ». Succès immédiat. Bob shape aussi les skis pour les freerideurs ; les Bandit Triple X récoltent le titre de champion du monde de freeride quatre ou cinq ans de suite avec Hugo Harrison puis Manu Gaidet. « Ces skis avaient une grosse culture alpine, ils étaient faits pour aller vite par rapport à ce qui se fait aujourd’hui. » Philosophie de la vitesse et de la glisse qu’on retrouvera chez White Doctor. Car la page Bob et Rossignol se tourne en 2007 au moment du rachat de cette dernière par Quiksilver…

« Les skis qui tournent avant de vouloir glisser, c’est pas ma phi-losophie. »

Affranchi du géant des sports d’hiver, Bob vole de ses propres ailes et lance sa marque Ride Doctor qu’il rebaptisera White Doctor en 2010 (1). Parti du diagnostic que trop d’offre tue l’offre, il propose d’emblée une gamme simplifiée qui mixe performance et fun, combinaison idéale. Une gamme courte, mais des skis au programme ouvert. Il se lance avec deux modèles : les FS, des skis twin ludiques et les BC, modèle freeride sportif au talon plat pour aller vite, « pas de rocker mais une spatule hyper bien dessinée. Des skis de traffole hallucinants, ils décou-paient la neige ». Pas de skis hyper larges chez Doctor Bob qui ob-serve que « des skis que tu sors quatre fois dans l’hiver, c’est une aber-ration, d’ailleurs on en est bien revenu ! Pour moi les bonnes cotes c’est entre 90 et 100 au patin pour garder en polyvalence ». Autre parti-pris, pas de skis très taillés, « les skis qui tournent avant de vouloir glisser, c’est pas ma philosophie ». Les skis de Doctor Bob ont des rayons de courbes un peu plus longs que la moyenne, « le ski c’est fait pour aller glisser, le reste c’est un peu du détail » ! Fidèle à l’équation, simplicité du design et de la gamme + versatilité + intemporalité = l’alternative qui fait la différence, la gamme White Doctor comptait trois modèles déclinés en trois largeurs, suffisant pour couvrir toutes les attentes des skieurs et toutes les conditions. Simplicité, c’est aussi le postulat du design graphique. Bien avant tout le monde, Bob a d’emblée pris le parti de décos épurées, minimalistes et intemporelles qui tranchaient avec le paysage d’alors du ski.Parce qu’il défend la pluriculture du ski, Bob a un énorme respect pour le racing. « Pour moi les descendeurs sont les rois du ski. » Et oui, Bob est toujours là où on ne l’attend pas.

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Maître shaper depuis 30 ans, Bob est un monument du patrimoine fran-çais du ski et du snowboard. Anticonformiste, ce trublion se plait à bous-culer les idées établies et va souvent à contrecourant des « logiques » du milieu du ski. Savant mélange d’artiste et de technicien, ce créateur a un sacré flair pour sentir l’air du temps. S’il a toujours devancé les ten-dances, c’est que Bob voit loin et large. Et surtout, il voit souvent juste ! On lui doit le Scratch au début des années 2000, le premier ski « fruit de l’union du ski et du snowboard » qui a dépoussiéré le monde conven-tionnel du ski. Avant cela, Bob a commencé par bousculer le milieu du snowboard. « Le shape c’est comme la cuisine, tout le monde a les mêmes ingrédients sauf que quelqu’un qui ne sait pas faire à manger ne fera pas un bon plat, alors qu’un grand chef sortira un truc super. Le shape c’est pareil. »Franc-Comtois d’origine, Bob a toujours bricolé les objets dont il se servait. À l’origine dans l’univers du kayak et l’eau vive. « À l’époque je construisais mes bateaux en résine et mes pagaies en bois. » Monitorat de kayak en poche, l’année de ses 18 ans, il débarque de Montbéliard dans le Briançonnais pour bosser à l’UCPA où il passera aussi son di-plôme de moniteur de ski. En 1986, armé d’un DUT de Génie Mécanique et Productique, il glisse par un concours de circonstances chez Lacroix, à Perrignier, qui fabrique des snowboards asymétriques comme le mo-dèle Eagle Race, champion du monde, mais aussi les mythiques Bert La-

mar pour Look Snowboard. En 1988, Bob devenu technicien recherche et développement quitte Lacroix en difficulté et envoie une candidature chez Rossignol. Il y passera 19 ans !

Bob secoue Rossignol et bouscule le snowboard

Embauché au service développement snowboard, il travaille sur un pro-jet…ski. « Salomon arrivait avec des skis monocoques haut de gamme. En réponse, Rossignol voulait faire un ski injecté entrée de gamme en cap. Après 12 à 18 mois de travail, le procédé innovant et breveté était lancé, il n’y avait plus qu’à industrialiser. Les requins autour de moi ayant voulu récupérer le projet, je me suis barré. » Il travaille six mois à Cognac dans une entreprise de matériel nautique. La montagne lui manque, il rentre pour la saison de rafting et Rossignol le rappelle. « Tu peux atta-quer demain il y a un projet sur le snowboard pour toi », lui lance Jean-Pierre Artus le directeur industriel. Cette fois sera la bonne. La marque voironnaise développe déjà un surf alpin, le modèle « Avion », « une baramine ! ». Il n’y a guère qu’Eric Rey qui arrive à le surfer. Seul athlète snow chez Rossignol, il score sur les Coupes du monde. « La première décision qu’on a prise, c’est de virer Eric Rey. Ça n’a pas été populaire en interne » ! Bob fait tandem avec Jean-Carl Carpano au marketing. « Alors que la mode est au surf alpin, on s’est dit que le freestyle était

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DARK DOCTOR, BACK TO THE DARKSIDEWhite Doctor a connu une année blanche, la collection qui aurait dû être commercialisée l’hiver dernier était prête mais n’est pas sortie (2). Bob a déjà préparé la prochaine sous le nom Dark Doctor (cf. darkdoctor.fr back to the darkside) ! Surtout, Bob a posé un brevet… « Une idée toute bête avec du zicral ». Et toujours cette même vision « une gamme hyper courte qui couvre hyper large. » Elle est prête et se dégustera avec un bon cru, car Bob s’est formé à l’université du vin et a monté « La Cave à Bob ». Il propose de la vente de vins et des dégustations apéritives spéciales chanson française avec son pote Sergio Turbo Dancing qui vient avec sa guitare, une playlist et sa Mercedes Rose !

Visité le garage de Docteur bob, c’est remonter dans le temps au beau milieu des modèles de skis ou de snowboards qu’il a conçu

(1) Lors de son rachat par des investisseurs Russes –Snowide- également propriétaires d’APO, la marque de Régis Rolland pour qui il shapera les collections de skis.(2) Snowide (propriétaire de la marque) a été placée en redressement judiciaire à l’été 2015. Bob garde espoir de récupérer sa marque.