l'Hémicycle - #458

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Trois semaines que la France est en guerre au Mali. Trois semaines d’une fragile unité nationale. François Hollande a endossé ses habits de chef de guerre, goûté à une éphé- mère union sacrée. Le « Hollande bashing » a baissé en intensité sur le petit théâtre de la politique intérieure. Toutes les forces politiques – à l’ex- ception du Front de gauche – ont apporté leur soutien au gouvernement lors du très officiel débat à l’Assemblée nationale. Rien de neuf sous le soleil. Nicolas Sarkozy avait connu peu ou prou la même situation lors du déclen- chement de la guerre en Libye en février 2011. Avec des troupes terrestres engagées en première ligne sur le front du Nord-Mali, l’armée française est impliquée dans une opération risquée et probablement plus longue que ne le disent les responsables gouvernementaux. La logique de cette guerre quasi inévitable pour l’ancienne puissance coloniale est pourtant imparable. Et pratique- ment pas discutée au sein de la classe politique hexago- nale à l’exception de Jean-Luc Mélenchon et Noël Mamère. L’unité nationale n’interdit pas néanmoins le débat. Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Louis Borloo, Brice Hortefeux ou encore Laurent Wauquiez l’ont rapidement ouvert. L’un déplorant une guerre au relent néocolonialiste, l’autre dénonçant une « stratégie pas claire ». Un autre encore fustigeant « l’impréparation » et surtout « l’isolement diplomatique ». Inversement, plusieurs ténors à droite ont refusé ces réserves. « Pendant la guerre, je suis derrière les autorités de mon pays », a rappelé l’ancien Premier ministre Jean- Pierre Raffarin, administrant au passage une petite leçon d’unité nationale à son maître Giscard ou à Hortefeux, le sous-marin de Nicolas Sarkozy. Les gaullistes François Fillon, Henri Guaino ou encore l’ancienne ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie ont affiché sans surprise un soutien total au « président Hollande ». Reste une question : le chef de l’État, qui promettait il y a une semaine de rapides soutiens sur le terrain, fait pour l’instant chou blanc. Seules les armées des pays africains voisins répondent logiquement présentes et se déploient sur le terrain. Les Européens, eux, tardent à venir en aide à la France. Anglais et Allemands se contentent d’un soutien symbolique qui se résume à quelques avions et un peu de logistique tandis que les Américains fournis- sent de précieux drones. Si François Hollande s’acquitte correctement de son rôle de chef de guerre, il réussit nettement moins bien sur le terrain diplomatique. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 458 — MERCREDI 30 JANVIER 2013 — 2,15 ¤ REMI PIN/AFP LIONEL BONAVENTURE/AFP DR DR Gérard Cornilleau P. 3 Maurad Rabhi P. 2 La bataille du mariage gay est engagée Assemblée nationale Et aussi La semaine de 4 jours et demi à l’école pose des problèmes aux élus, car elle va peser lourd dans les budgets. Tellement lourd que certains maires pensent ne pas pouvoir la mettre en œuvre dès la rentrée prochaine. Mais au fait, combien va coûter cette réforme ? > Lire l’enquête de Florence Cohen en p. 6 et 7 Dossier C’est au Quai d’Orsay qu’Alain Juppé a montré son savoir-faire avec le plus d’éclat et de sens de l’État. Les relations internationales sont sa passion. Il se définit comme gaulliste avec une certaine idée de l’homme et de la France. Proche collaborateur de Jacques Chirac dès 1976, il en deviendra logiquement son Premier ministre. > Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15 Au sommaire Aux Quatre Colonnes : Non-cumul des mandats : le front socialiste de la discorde par Pascale Tournier >p. 4 Collectivités : comment concilier acte III et contrainte budgétaire ? par Florence Cohen >p. 5 La guerre au Mali est-elle seulement française ? par François Clemenceau >p. 11 Dématérialisation : une révolution aux enjeux multiples par Manuel Singeot >p. 13 L’éphémère unité nationale DR Édito Bruno Jeudy A près les préliminaires, pour les- quels chaque camp a mobilisé ses troupes – avec un avantage pour les opposants au mariage pour tous, mais une manifestation hono- rable pour ses partisans –, l’heure est venue de la bataille parlementaire. Elle s’annonce rude et éprouvante, comme aux plus belles heures du Pacs ou des retraites. Faut-il s’en étonner, quand, au moins d’accord sur ce point, la mi- nistre Christiane Taubira et ses adver- saires les plus déterminés évoquent une « réforme de civilisation ». L’opposition a déposé pas moins de 5 362 amende- ments et 3 motions. Les débats devraient durer deux semaines, nuits blanches et week-ends compris, sans procédure d’urgence ni temps programmé. L’UMP veut faire de ce débat un test de son opposition ferme mais constructive. Jean-François Copé avait appelé à par- ticiper en masse à la grande manifes- tation du 13 janvier. Sa présence dans le cortège lui a permis de redorer son blason après le calamiteux feuilleton des primaires. Le refus du mariage homo- sexuel a également débouché sur une convention de l’UMP sur la famille. Jean-François Copé a souhaité le respect de toutes les opinions. Mais les échanges, très encadrés, ont pour l’essentiel repris les arguments des adversaires les plus remontés contre la réforme. Celle-ci, comme l’ont expli- qué à maintes reprises Henri Guaino ou Laurent Wauquiez, violerait les consciences et marquerait un change- ment de société. Elle bouleverserait la filiation et déboucherait immanqua- blement sur la procréation médicale- ment assistée et la gestation pour autrui, c’est-à-dire les mères porteuses. Gérard Leclerc > Lire la suite en p. 4 Le baiser des députés socialistes Yann Galut et Nicolas Bays. Interviews www.airpublic.tv LA CHAÎNE DES SYNERGIES PUBLIC-PRIVÉ Plateaux TV Reportages Alain Juppé, les surprises du Général, la chaleur de Chirac Une réforme coûteuse

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l'Hémicycle numéro 458 du mercredi 30 janvier 2013 Au sommaire : - Aux Quatre Colonnes : Non-cumul des mandats : le front socialiste de la discorde par Pascale Tournier >p. 4 - Collectivités : comment concilier acte III et contrainte budgétaire ? par Florence Cohen >p. 5 - La guerre au Mali est-elle seulement française ? par François Clemenceau >p. 11 - Dématérialisation : une révolution aux enjeux multiples par Manuel Singeot >p. 13

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Page 1: l'Hémicycle - #458

Trois semaines que la France est enguerre au Mali. Trois semaines d’unefragile unité nationale. François Hollande a endossé ses habits dechef de guerre, goûté à une éphé-mère union sacrée. Le « Hollande

bashing » a baissé en intensité sur le petit théâtre de lapolitique intérieure. Toutes les forces politiques – à l’ex-ception du Front de gauche – ont apporté leur soutien augouvernement lors du très officiel débat à l’Assembléenationale. Rien de neuf sous le soleil. Nicolas Sarkozyavait connu peu ou prou la même situation lors du déclen-chement de la guerre en Libye en février 2011.Avec des troupes terrestres engagées en première lignesur le front du Nord-Mali, l’armée française est impliquéedans une opération risquée et probablement plus longueque ne le disent les responsables gouvernementaux. Lalogique de cette guerre quasi inévitable pour l’anciennepuissance coloniale est pourtant imparable. Et pratique-ment pas discutée au sein de la classe politique hexago-nale à l’exception de Jean-Luc Mélenchon et Noël Mamère. L’unité nationale n’interdit pas néanmoins le débat. ValéryGiscard d’Estaing, Jean-Louis Borloo, Brice Hortefeux ouencore Laurent Wauquiez l’ont rapidement ouvert. L’undéplorant une guerre au relent néocolonialiste, l’autredénonçant une « stratégie pas claire ». Un autre encorefustigeant « l’impréparation » et surtout « l’isolementdiplomatique ».Inversement, plusieurs ténors à droite ont refusé cesréserves. « Pendant la guerre, je suis derrière les autoritésde mon pays », a rappelé l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, administrant au passage une petite leçond’unité nationale à son maître Giscard ou à Hortefeux, lesous-marin de Nicolas Sarkozy. Les gaullistes FrançoisFillon, Henri Guaino ou encore l’ancienne ministre dela Défense Michèle Alliot-Marie ont affiché sans surpriseun soutien total au « président Hollande ».Reste une question : le chef de l’État, qui promettait il y aune semaine de rapides soutiens sur le terrain, fait pourl’instant chou blanc. Seules les armées des pays africainsvoisins répondent logiquement présentes et se déploientsur le terrain. Les Européens, eux, tardent à venir en aideà la France. Anglais et Allemands se contentent d’unsoutien symbolique qui se résume à quelques avions etun peu de logistique tandis que les Américains fournis-sent de précieux drones. Si François Hollande s’acquittecorrectement de son rôle de chef deguerre, il réussit nettement moins biensur le terrain diplomatique.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

www.lhemicycle.com NUMÉRO 458 — MERCREDI 30 JANVIER 2013 — 2,15 ¤

REM

I PIN

/AFP

LIO

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BO

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RE/A

FP

DR DR

GérardCornilleau

P. 3

MauradRabhi

P. 2

La bataille du mariagegay est engagée

Assemblée nationale

Et aussi

La semaine de 4 jours et demi à l’école pose des problèmes aux élus,car elle va peser lourd dans les budgets. Tellement lourd que certainsmaires pensent ne pas pouvoir la mettre en œuvre dès la rentréeprochaine. Mais au fait, combien va coûter cette réforme ?> Lire l’enquête de Florence Cohen en p. 6 et 7

Dossier

C’est au Quai d’Orsay qu’Alain Juppé a montréson savoir-faire avec le plus d’éclat et de sensde l’État. Les relations internationales sont sapassion. Il se définit comme gaulliste avec unecertaine idée de l’homme et de la France. Prochecollaborateur de Jacques Chirac dès 1976, il endeviendra logiquement son Premier ministre.> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Non-cumul des mandats : le frontsocialiste de la discorde par Pascale Tournier > p. 4 • Collectivités :comment concilier acte III et contrainte budgétaire ? par FlorenceCohen > p. 5 • La guerre au Mali est-elle seulement française ?par François Clemenceau > p. 11 • Dématérialisation : unerévolution aux enjeux multiples par Manuel Singeot > p. 13

L’éphémère uniténationale

DR

ÉditoBruno Jeudy

Après les préliminaires, pour les-quels chaque camp a mobiliséses troupes – avec un avantage

pour les opposants au mariage pourtous, mais une manifestation hono -rable pour ses partisans –, l’heure estvenue de la bataille parlementaire. Elles’annonce rude et éprouvante, commeaux plus belles heures du Pacs ou desretraites. Faut-il s’en étonner, quand,au moins d’accord sur ce point, la mi -nistre Christiane Taubira et ses adver-saires les plus déterminés évoquent une« réforme de civilisation ». L’oppositiona déposé pas moins de 5362 amende-

ments et 3 motions. Les débats devraientdurer deux semaines, nuits blancheset week-ends compris, sans procédured’urgence ni temps programmé.L’UMP veut faire de ce débat un test deson opposition ferme mais constructive.Jean-François Copé avait appelé à par-ticiper en masse à la grande manifes-tation du 13 janvier. Sa présence dansle cortège lui a permis de redorer sonblason après le calamiteux feuilleton desprimaires. Le refus du mariage homo-sexuel a également débouché sur uneconvention de l’UMP sur la famille.Jean-François Copé a souhaité le respect

de toutes les opinions. Mais leséchanges, très encadrés, ont pourl’essentiel repris les arguments desadversaires les plus remontés contrela réforme. Celle-ci, comme l’ont expli-qué à maintes reprises Henri Guainoou Laurent Wauquiez, violerait lesconsciences et marquerait un change-ment de société. Elle bouleverserait lafiliation et déboucherait immanqua-blement sur la procréation médicale-ment assistée et la gestation pour autrui,c’est-à-dire les mères porteuses.

Gérard Leclerc> Lire la suite en p. 4

Le baiser des députés socialistes Yann Galut et Nicolas Bays.

Interviews

www.airpublic.tvLA CHAÎNE DES SYNERGIES PUBLIC-PRIVÉ

Plateaux TVReportages

Alain Juppé, les surprises duGénéral, la chaleur de Chirac

Une réforme coûteuse

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Qu’avez-vous pensé desconclusions du rapport dela Cour des comptes sur le régimed’assurance chômage, rendu publicle 22 janvier ?Je tiens à faire une remarque enpréambule : je voudrais soulignerqu’il est quand même très étonnantque les fonctionnaires les mieuxpayés puissent remettre en causeles allocations des demandeursd’emploi, dont je rappelle qu’ils sont80 % à toucher près de 1 000 euros.Ce rapport les stigmatise, les rendresponsables de leur situation.

Quelles sont les causes dudoublement de l’endettementdu régime d’indemnisation, quipasserait de 9 milliards d’eurosen 2010 à 18,5 milliards en 2013 ?La première cause, c’est l’entrée dansle régime d’assurance chômage desprécaires : CDD, intérim et saison-niers. Depuis plusieurs années, laCGT demande que soient taxés lescontrats courts de manière à ce queles entreprises assument leurs poli-tiques d’emploi, qu’elles ne soientpas à la charge de la collectivité.7 milliards sont versés à travers lescontrats précaires. La deuxième cause du déficit del’assurance chômage, c’est la ruptureconventionnelle, et là encore, laresponsabilité du patronat estimportante. La rupture conven-tionnelle avait été mise en placepour favoriser la mobilité. Il y adeux ans, quand j’ai demandé le

coût des 400 000 ruptures conven-tionnelles signées, c’était un mil-liard et demi d’euros. Leur nombrea doublé depuis. Si l’on faisait peserces coûts sur les entreprises, on pour-rait réduire de 50 % le déficit del’assurance chômage.

La crise a contribué à dégrader lasituation financière de l’assurancechômage, « mettant en causela soutenabilité du régime »,expliquent les « sages ».La Cour des comptes méconnaît lerégime d’assurance chômage. Sasituation financière est très défici-

taire quand la situation va mal, maisquand la situation va bien, que l’éco-nomie repart, on peut se retrouvertrès vite excédentaire. Si la crisen’avait pas eu lieu en 2008, nousserions excédentaires de 5,3 mil-liards d’euros. Ça va vite dans unsens, comme dans l’autre. Je sou-haiterais donc que tout le monde secalme et qu’on puisse protéger lesdemandeurs d’emplois dans les

périodes difficiles. Le rôle des par-tenaires sociaux et de l’État est deprotéger les chômeurs. Arrêtonsde les culpabiliser, de les rendre res-ponsables de la situation.

« Le régime d’indemnisationdu chômage mis en œuvre depuisla nouvelle convention de 2009est plus protecteur que dansbeaucoup d’autres pays : plusaccessible en raison d’une duréeminimale de cotisation courte etd’une période de référence assezlongue », explique la Cour descomptes…

Certes on peut penser qu’il est faciled’entrer dans le système, mais il nefaut pas oublier qu’on pousse plusrapidement les demandeurs d’em-ploi vers les minima sociaux, avecla filière unique. Aujourd’hui, on aun million et demi de personnesen fin de droits, alors qu’il y enavait un peu moins d’un million ily a deux ans. C’est ça qu’il s’estpassé ! Les conventions ont accéléré

les sorties de l’ensemble des deman-deurs d’emploi pour mieux proté-ger les précaires. Donc le problèmene se pose pas comme ça. On tentede nous faire croire que le systèmeest trop généreux, et qu’il faut lechanger. Je rappelle qu’en Belgiqueou dans les pays scandinaves, le sys-tème est beaucoup plus protecteur.La France est dans la moyenne despays européens.

Y a-t-il un accord tacite entre lessyndicats et le patronat pour ne pastoucher au régime ?À l’issue de la dernière conventiona été actée une clause de revoyurequi permettait, si le déficit était tropimportant, de renégocier, de voir sile système était en danger. La pro-chaine convention se tiendra dansun trimestre, il n’y a pas d’urgenceà se mettre autour de la table.

La Cour a également pointé le faibleeffort de formation desdemandeurs d’emploi…Nous avons mis en place le Fondsparitaire de sécurisation des par-cours professionnels pour lesdemandeurs d’emploi, doté de plu-sieurs milliards d’euros. La ques-tion est : comment l’alimenter pluspour mieux aider les demandeursd’emploi à se former, c’est un sujetà mettre sur la table.

Le régime des intermittentsest aussi pointé du doigt parles « sages »…

C’est un sujet discuté depuis un cer-tain nombre d’années. Nous avonsfait de nombreuses propositionspour sauver le régime. Nous avionsdémontré la responsabilité de l’Étatdans les problèmes qui se posent.Nous sommes encore ouverts à ladiscussion, mais il ne faudrait pasque la CFDT et le patronat en fas-sent un point d’affrontement avecla CGT...

Les organisations syndicales vont-elles être à l’unisson, lors desprochaines négociations ?Un grand nombre de probléma-tiques nous unissent face à un patro-nat hostile : la précarité, le problèmedes ruptures conventionnelles…Nous connaissons les solutions pré-conisées par le patronat : dégressi-vité, diminution des droits, des allo-cations… Le débat sera vif. Le butreste de mieux protéger les deman-deurs d’emploi tout en étant sou-cieux des déficits du régime.

Comment avez-vous jugé laréaction du gouvernement à cerapport de la Cour des comptes ?Il a été prudent. Le ministre duTravail, Michel Sapin, a simplementrappelé qu’il n’était pas anormalque les déficits soient plus impor-tants en période de crise. Il a ren-voyé la balle aux partenaires sociaux.Nous aborderons tous ces sujets entemps et en heure.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 458, MERCREDI 30 JANVIER 2013

Agora

MAURAD RABHISECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL DE LA CGT,CHARGÉ DE L’EMPLOI

Pour Maurad Rabhi (CGT), en charge des négociations patronat-syndicats sur l’assurance chômage,la première cause de l’aggravation de l’endettement du régime est l’entrée des chômeurs précairesdans le système d’indemnisation. La seconde est le coût des ruptures conventionnelles.

«Le rôle des partenaires sociaux et de l’État est de protégerles chômeurs. Arrêtons de les culpabiliser, de les rendre

responsables de la situation !»

DR

«LE BUT RESTE DE MIEUXPROTÉGER LES

DEMANDEURS D’EMPLOITOUT EN ÉTANT SOUCIEUXDES DÉFICITS DU RÉGIME »

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Qu’avez-vous pensé desconclusions du rapport de la Courdes comptes sur le régimed’assurance chômage, rendupublic le 22 janvier ? « La duréede la crise a contribué à dégraderla situation financière de l’assurancechômage, mettant en causela soutenabilité du régime »,explique-t-elle.Il y a d’abord un point du rapportde la Cour des comptes qui est àmon avis extrêmement contesta-ble : c’est l’idée que l’assurancechômage devrait être en perma-nence à l’équilibre, et que l’évolu-tion actuelle du déficit témoigned’une insoutenabilité du régime àlong terme. Ce n’est absolumentpas vrai. Aujourd’hui, si le régimede l’assurance chômage est en défi-cit, c’est bien à cause du chômage.

La nécessité de réduire lesindemnités versées auxdemandeurs d’emploi n’est pasinéluctable, selon vous ?Il serait tout à fait inapproprié deréduire l’indemnisation des deman-deurs d’emploi au moment mêmeoù, justement, le nombre de chô-meurs explose. Pour cette mêmeraison, il est également contestablede penser que les chômeurs ne trou-vent pas d’emploi parce qu’ils n’encherchent pas assez activement. Enpériode de plein emploi, il seraitadmis de penser qu’une réduction

de l’indemnisation pourrait inciterles chômeurs à chercher plus acti-vement un emploi, mais lorsquele marché du travail va mal, cetteidée ne tient pas la route. Il y a uneerreur de diagnostic profonde.

Vous jugez cette erreur étonnante ?Je considère qu’il y a une différenceentre le raisonnement comptableet le raisonnement économique.Mais il y a d’autres raisonnementsde la Cour qui sont encore plus

étonnants, car ils sont comptable-ment erronés. Par exemple, celui devouloir faire des économies sur lesindemnités les plus hautes.

La Cour des comptes a en effetpointé le problème de hautsniveaux d’indemnisation…Les cadres de haut niveau reçoiventune indemnité de l’ordre de6 000 euros parce qu’ils gagnent12 000 euros brut par mois. Lescadres qui gagnent plus de5 000 euros par mois cotisent beau-coup plus que ce qu’ils ne coûtent

en prestations. Le fait qu’il y ait unplafond très élevé de l’assurancechômage, qui permet une redis-tribution verticale – des plus richesvers les plus pauvres –, est à monavis très important.Si on s’alignait sur le régime alle-mand, en divisant par deux le pla-fond, et bien on augmenterait ledéficit, car on réduirait plus lescotisations que les prestations. Lescadres de haut niveau qui n’au-raient pas l’assurance d’avoir un

taux de remplacement de l’ordre de60 / 65 % auraient intérêt à sortirdu régime, et à préférer une assu-rance privée. Le régime d’assurancechômage, en ce cas, coûterait alorsbien plus cher à la collectivité.La Cour des comptes a donc éga-lement commis une erreur…comptable.

Les sages de la Cour des comptesont également pointé le problèmedu régime des intermittents… Selon eux, la dégradation de lasituation financière de l’assurance

chômage est « le résultat de ladérive persistante du régimed’indemnisation des intermittentsdu spectacle »…Ce problème existe depuis de nom-breuses années. Il manque effecti-vement dans le dispositif un mil-liard d’euros de subventions del’État pour assurer l’équilibre dusous-régime des intermittents duspectacle. Ce système reste quandmême efficace pour subventionnerla culture.

« La France a abordé la crise avecdes instruments de politique del’emploi parfois obsolètes, dontl’efficacité s’est révélée décevante »,explique la Cour des comptes…Les politiques de l’emploi ont pourcaractéristique de ne pas pouvoircréer des emplois. Seules les poli-tiques économiques générales ontun impact sur le chômage. On peutmême se demander si les préconi-sations de la Cour des comptes enmatière de politique économiquegénérale ne sont pas… génératricesde chômage. On sait aujourd’hui

que l’austérité généralisée est lacause de l’aggravation du chômage.Le traitement social n’est là quepour adoucir l’impact social decette aggravation du chômage.

Les partenaires sociaux vont seréunir dans quelques mois pourdiscuter du régime d’indemnisationgénéral. Y a-t-il un accord taciteentre le patronat et les syndicatspour ne rien changer ? Qu’est-cequi, selon vous, ne sera pas sur latable et qui devrait y être ?Il y a une question institutionnellequi ne sera pas abordée lors de cetteprochaine convention. L’assurancechômage, par nature, est le plusimportant des amortisseurs macro -économiques, c’est le plus puissantstabilisateur de l’économie. C’estcelui qui permet d’assurer le mini-mum de revenus pour ceux quiperdent leur emploi en période deforte crise, comme celle que nousconnaissons aujourd’hui. Ce régimeconnaît naturellement des périodesdifficiles durant ces périodes de crise,et il revient donc à l’État, en réalité,de gérer ce régime. Les partenairessociaux sont incapables de gérerdans la durée un système qui estalternativement en excédent et endéficit. Voilà la question fonda-mentale qui ne sera certainementpas abordée lors de la prochaineconvention…

Propos recueillis par T.R.

NUMÉRO 458, MERCREDI 30 JANVIER 2013 L’HÉMICYCLE 3

Agora

L’économiste Gérard Cornilleau juge sévèrement le rapport explosif que la Cour des comptes a rendupublic le 22 janvier, intitulé « Marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques ».Dans ce rapport, la Cour jugeait le déficit de l’assurance chômage « insoutenable » en période de crise,et assurait qu’il était inéluctable de réduire les indemnités versées. Selon Gérard Cornilleau, les « sages »de la rue Cambon ont commis une « erreur de diagnostic profonde ».

«L’idée que l’assurance chômage devrait être en permanenceà l’équilibre est extrêmement contestable »

DR

GÉRARD CORNILLEAUÉCONOMISTE À L’OFCEET AU CEVIPOF

«LES PARTENAIRES SOCIAUX SONTINCAPABLES DE GÉRER DANS LA DURÉE

UN SYSTÈME QUI EST ALTERNATIVEMENTEN EXCÉDENT ET EN DÉFICIT »

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 458, MERCREDI 30 JANVIER 2013

Plan large

L’opposition a cependant évité lesdérapages, exception faite dequelques affiches ou déclarations fai-sant le lien entre mariage gay et poly-gamie ou inceste. Comme preuve deson refus de l’homophobie, l’UMPpropose un contrat d’union civile,sorte de Pacs rénové, celui-là mêmeque la droite combattait en 1998.Mais elle réclame surtout un réfé-rendum, car, insiste Henri Guaino, leParlement ne serait pas légitime pourtrancher une question aussi grave. Legouvernement répond que la Consti-tution ne le permet pas. Les juristesne sont pas tous d’accord, mais detoute façon le pouvoir ne veut pas enentendre parler. Pour deux raisons. La première, c’est que le mariagepour tous constitue l’une de cesgrandes réformes de société qui, aumême titre que l’abolition de la peinede mort ou le Pacs, sont des mar-queurs de gauche, d’autant plus pré-cieux qu’avec la crise les socialistessont démunis en matière sociale. Àla conception traditionnelle de lafamille, défendue par la droite et lesreligions et constituée « d’un papa,d’une maman et d’un enfant », lagauche oppose la réalité des famillesrecomposées, monoparentales ethomoparentales, avec 40 000 enfantsélevés par des couples de même sexe.Cette vision qui se veut « moderne »de la société a aussi ses défenseursà droite. Ainsi le copéiste Franck Riester, qui a été rejoint par les cen-tristes Borloo et Lagarde et par l’UMPApparu, au nom de la reconnais-sance de l’amour homosexuel et dela sécurisation des enfants de coupleshomosexuels. Une dizaine d’élusUMP pourraient voter le texte ous’abstenir.La deuxième raison est politique. Lemariage pour tous était dans le pro-gramme du candidat Hollande, et lamajorité veut le voter. Y renoncerserait donner raison à tous ceux quidénoncent l’indécision et les hésita-tions du Président. Un procès auquelle chef de l’État a voulu tordre lecoup avec l’intervention au Mali etla réaffirmation d’une prochaine loisur le cumul des mandats. Il a faitbaisser la pression en faisant retirerdu projet la procréation médicale-ment assistée – dont l’adoption n’estpas acquise au printemps prochain –et en recevant à l’Élysée FrigideBarjot. Mais le texte sera bien débattuet voté au Parlement, le lieu où s’écritla loi et qui est, faut-il le rappeler, lecœur de la démocratie.

L’opinionde Gérard LeclercPRÉSIDENT DE LCP

MAR

TIN

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/AFP

Aux Quatre Colonnes

Non-cumul des mandats :le front socialiste de la discorde

Suite de la page 1Applicable d’ici à la fin du quinquennat, la promesse de campagnede François Hollande divise les socialistes en deux camps bien distinctset difficilement réconciliables. Près de 150 parlementaires PS sont contre.Par Pascale Tournier

Comment voyez-vous le débatsur le non-cumul des mandats ? Il est posé dans les mauvais termes.L’idée est de réfléchir sur la réno-vation de la vie politique et denos institutions. Or on attaquecette question en se focalisant surle sujet populiste et vendeur dunon-cumul des mandats. La res-ponsabilité incombe à quelqueséminents responsables du PS don-neurs de leçons. Je me félicitequ’avec Harlem Désir le sujet soitabordé sereinement. Il faut parlerdu cadre global. Le président de laRépublique souhaite conférer auParlement un nouveau rôle, dansun contexte à venir de décentra-lisation accrue et une montée enpuissance du pouvoir des régions.Demain, un conseiller régionald’Île-de-France, qui compte 11 mil-lions d’habitants, aura l’autorisa-tion de cumuler et pas un maire

d’une ville de 30 000 habitants,qui aura moins de compétences,les intercommunalités et les métro-poles ayant pris le pas. C’estabsurde et incohérent.

Vous semblez tout aussi critiquesur le rapport de la commissionJospin, qui sert de point de départà la réflexion ?Tout est loin d’être clair. Il est évo-qué dans un premier temps que lesmaires des grandes villes, les pré-sidents de Conseils généraux etrégionaux puissent être membresde droit du Sénat. Puis finalementpour des raisons liées plus à l’airdu temps que politiques, il est pré-conisé une loi sur le non-cumuldes mandats. La Commissioninsiste sur l’urgence de mettre enplace un statut de l’élu commecondition sine qua non du non-cumul, pourtant elle ne propose

rien… Je pense qu’il y a une hypo-crisie sur le statut de l’élu, c’estun serpent de mer comme le ditJean-Pierre Sueur, car nous n’au-rons pas au Parlement les moyensde le voter.

Que souhaitez-vous ?Puisqu’on est dans le non-cumul,allons jusqu’au bout. Il faut unmandat unique. Mais renforçonsalors les moyens alloués aux par-lementaires, notamment au niveaudes collaborateurs. Pourquoi nepas réduire le nombre de parle-mentaires pour financer ces chan-gements, mais aussi pour éviterque la machine n’explose ? Imagi-nez sur simplement une petitedemi-journée tous les 577députésou les 348 sénateurs présents tousen même temps au Parlement ?Mais ce que je défends véritable-ment reste un cumul limité dans

le temps d’un mandat de maire etde parlementaire. Qu’on le veuilleou non, avoir un ancrage local,c’est un plus. Quand vous êtesdéputé, on vous demande dansvotre permanence toujours lamême chose : des logements, desplaces en crèche et un travail. Vousn’êtes pas confronté à la réalité dela gestion quotidienne d’une ville.Je prône aussi un non-cumul desindemnités et des fonctions. Ilserait anormal qu’un maire soitaussi vice-président de Conseilgénéral et président de tous lessyndicats mixtes. Quelque chose necolle pas, si ce n’est la promotiond’un système de barons locaux.Bref, si on veut oxygéner notresystème, il faut parler de tout et passeulement sous un seul angle.Sinon, il en coûtera à notre avenirinstitutionnel.

Propos recueillis par P.T.

Luc Carvounas, sénateur-maire d’Alfortville, regrette que le débat sur le non-cumul des mandatsse réduise au « cumulard bashing » et élude les vraies questions d’ordre institutionnel.

« C’est un sujet populiste et vendeur »

François Hollande a lancé leprocessus lors de ses vœux.Les présidents des deux

assemblées, Claude Bartolone etJean-Pierre Bel, et le patron desdéputés PS, Bruno Le Roux, ontappuyé dans le même sens. Le non-cumul des mandats devra s’appli-quer d’ici à la fin du quinquennat.Mais sous quelle forme ? Le sujetdivise les parlementaires socialistesautant sur le fond que dans sesmodalités. Seule certitude : le pro-jet sera soumis avant l’automne etpour lever la menace de législativespartielles, l’échéance de 2014 seravraisemblablement enjambée. À l’Assemblée nationale, la pro-messe de campagne de FrançoisHollande est loin de faire l’unani-mité. Le porte-parole du groupe PSThierry Mandon en veut pourpreuve le fait que sur les quelque300élus, plus de 130 restent cumu-lards, malgré la règle sur le non-cumul prônée par le PS. « Ces élusrestent campés sur leur position »,

constate l’élu de l’Essonne. Un peuinquiets de voir les lignes peu bou-ger, certains observent même avecsatisfaction les prises de parole desdéputés UMP Bernard Accoyer etdu benjamin de l’Assemblée GéraldDarmanin (Nord) en faveur du non-cumul. « On n’aura peut-être pasbesoin des voix des récalcitrants »,glisse-t-on. Les réticences s’expri-ment de plus en plus dans les cou-loirs. Nombreux sont ceux, qui, àl’instar du député-maire de CaenPhilippe Duron, émettent de vraiesréserves : « On dit que la loi peut aiderau renouvellement du personnel poli-tique : je ne crois pas à l’émergenced’une génération spontanée. » PascalCherki (Paris), Henri Emmanuelli(Landes), Laurent Cathala (Val-de-Marne), Pascal Popelin (Seine-Saint-Denis) ont aussi exprimé leurmusique discordante. Emmenés parla députée de Corrèze Sophie Dessus, une soixantaine de députésont manifesté plus franchementleur désaccord, auprès de Bruno

Le Roux. Au rang desquels CaroleDelga, (Haute-Garonne), HuguesFourage (Vendée), et Hervé Féron(Meurthe-et-Moselle). Et leur enviede faire entendre leur point de vuedifférent ne faiblit pas. « Il ne fautpas se précipiter sur cette loi. Il estnécessaire de tout remettre à plat, le sta-tut de l’élu, la rémunération des prési-dences de syndicat pour un meilleurfonctionnement de notre démocratie »,estime Sophie Dessus, qui a fait partde ses propositions au Premierministre Jean-Marc Ayrault mi-jan-vier. L’élue de Corrèze préconiseune limitation dans le temps et desindemnités, et l’instauration de seuilde population. Au Sénat, le front de la discorde estencore plus important qu’au PalaisBourbon. Sur les 129sénateurs quecompte le groupe, près de 80 suiventla position de François Rebsamen,considéré comme le chef de file des« pro-cumuls ». Au centre des griefstrône la perspective d’un traitementnon différencié entre députés et

sénateurs. La pilule ne passe pas etréveille de mauvais souvenirs. Beau-coup gardent en tête les propos deLionel Jospin, qui avait qualifié leSénat « d’anomalie démocratique ».« Si le Sénat ne représente plus les col-lectivités territoriales, pourquoi ne pasle supprimer ? », lâche avec provoca-tion le sénateur-maire PS GérardCollomb. « Allons jusqu’au bout dela logique : pourquoi ne pas fusionnerla Haute Assemblée avec le Conseiléconomique et social ? », s’agace lesénateur Luc Carvounas. FrançoisRebsamen appelle, de son côté, àune « réflexion institutionnelle surnotre bicamérisme » en s’inspirant« du modèle allemand du Bundesrat ».Plus généralement, les sénateursdéplorent la tournure du débat, quiocculte par exemple la mise enœuvre d’un statut de l’élu. Pouressayer d’amadouer les sénateurs,l’idée de faire passer le projet de loien première lecture au Sénat fait ducoup son chemin. Mais pas sûr quecela suffise.

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Faut pas jouer les riches quand onn’a pas le sou »… Il doit deve-nir bien lassant pour le gou-

vernement d’entendre les mots deBrel résonner à ses oreilles à chaquefois qu’il se penche sur le finance-ment d’une mesure. C’est on ne peutplus vrai en ce qui concerne le futurprojet de loi sur la décentralisation,qui doit en principe être présenté enConseil des ministres au mois demars, avant son examen au Parle-ment au cours du printemps. LaCour des comptes a été très claire, lorsde son audience de rentrée débutjanvier : « L’effort concerne tous lesacteurs de la dépense publique : l’État(…) mais également d’autres acteurs quiy ont jusque-là plus ou moins échappé(opérateurs de l’État, administrationsde sécurité sociale et collectivités terri-toriales). » Le grand mot est lâché.

Mais comment ? Pour l’État, l’ob-jectif est affiché depuis longtemps(et maintenu malgré les mises engarde de certains acteurs poli-tiques et économiques) : ramenerle déficit public à 3 % du PIB à lafin de cette année. Alors, il n’estpas interdit de se poser la questionde la finalité réelle de cet acte IIIde la décentralisation : vise-t-iluniquement à clarifier les compé-tences des collectivités ou bien va-t-il permettre à l’État de faire deséconomies ? À cet égard, la possi-ble création de trois eurométro-poles (Lille, Lyon et Marseille) etde communautés métropolitaines(les agglomérations de plusde 400 000 habitants, commeautour de Bordeaux, Nantes etToulouse) va alléger le fardeaufinancier des ministères.

Par ailleurs, il est sûr que vouloirdéfinir nettement, sans doublons,les prérogatives de chaque échelonadministratif est fort louable. Lescontours se dessinent, d’ailleurs :aux régions la formation profes-sionnelle, le développement éco-nomique et les transports ; auxdépartements l’aide au handicap ;

aux communes et aux intercom-munalités les plans d’urbanisme.Mais il faut de l’argent pour assu-mer toutes ces responsabilités et ilne viendra pas des dotations del’État : elles sont gelées pour la troi-sième année et la mesure sera, sansaucun doute, prorogée.Les collectivités territoriales ont entout cas le mérite d’avoir des fi-nances saines : leur contributionau déficit du pays est nulle (vuqu’elles se doivent d’avoir des bud-gets de fonctionnement à l’équili-bre) et leur dette est sous contrôle,elle ne représente au total qu’unpetit 10 % de la dette publique.Néanmoins, il est un sport que lesterritoires n’ont pas encore apprisà pratiquer, c’est celui de la maî-trise des dépenses. Or, la Cour descomptes s’est montrée sans nuanceà ce sujet : « Le gel puis la réductionen valeur d’une partie des concours del’État doivent s’accompagner d’unedémarche incitant les collectivités àrenforcer l’efficience de leurs dépensesde fonctionnement et à mieux appré-cier la pertinence de leurs dépensesd’investissement. » Bref, il va falloirtailler dans la masse… et dans leseffectifs. Depuis 1998, les collec -tivités ont embauché plus de500 000 personnes et les recrute-ments se sont poursuivis même

quand la rigueur s’est annoncée.Ce chiffre est en partie expliquépar les transferts de compétencesliés à la précédente loi de décentra-lisation, mais, parallèlement, lanaissance des intercommunalités acréé des redondances au niveau decertains postes ; des doublons quin’ont pas été gommés. La masse

salariale de nos territoires est donctrès importante aujourd’hui.En plus de la diète, la transparencefinancière sera de mise. Avantl’examen du budget annuel, lesprésidents d’exécutifs locaux de-vraient avoir à présenter un rapportsur la gestion de la dette, l’évolu-tion des dépenses et celle des effec-tifs. Le document sera ensuitetransmis au représentant de l’État.Cela s’appelle rendre des comptesà l’administration centrale.Dans leur défi que constitue la ré-duction des dépenses, nos collecti-vités pâtissent d’un handicap : ellesont perdu en autonomie financièreau cours des quinze dernières an-nées. La suppression de la vignetteautomobile et celle de la taxe profes-sionnelle s’apparentent pour elles àla disparition d’une manne, difficileà compenser. Augmenter les impôtslocaux ? Délicat alors que la pressionfiscale est déjà très élevée pour lescontribuables, que le président de laRépublique a déclaré ne pas vouloirl’alourdir davantage et que les élec-tions municipales doivent avoir lieudans un peu plus d’un an… La sanc-tion dans les urnes serait impi -toyable. Une réforme fiscale estnéanmoins indispensable au niveaulocal, pour apporter une boufféed’air frais à des administrations qui

doivent gérer de plus en plus dedossiers. Elle pourrait passer, no-tamment, par une révision des va-leurs locatives qui servent à calculerles taxes sur les propriétés bâties etnon bâties.Si l’acte III de la décentralisationest un virage ardu économi -quement, il est aussi difficile à

négocier politiquement. FrançoisHollande va devoir batailler avecdes élus de gauche qui dirigentla quasi-totalité des régions, bonnombre de départements et decommunes… et qui n’entendentpas se laisser lier les mains parde désagréables décisions venuesd’en-haut. D’où les concertationsactuelles intensives entre le gouver-nement et les associations d’élus.De plus, ce projet de loi aura uneautre symbolique politique : commele texte de 2003 s’était attaché àaller à rebours des années Jospin,le prochain texte veut en finir avecla tonalité du quinquennat Sarkozy.L’ancien président s’était montré,à plusieurs reprises, plutôt critiqueenvers la gestion des administra-tions locales. François Hollandeveut maintenant arrondir les angleset pacifier les relations.La décentralisation est désormaistrentenaire. Elle a grandi, mûri,fait sa crise d’adolescence pleinede changements et d’incertitudes.La voilà maintenant adulte, quidoit gérer ses responsabilités, sonargent et son ego. Son évolutionsera maintenant l’un des axes fon-dateurs du gouvernement, danssa première année d’existence. Au-tant dire que les caciques locauxl’attendent au tournant.

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Décentralisation

Comment concilier acte IIIet contrainte budgétaire ?

Collectivités

Le gouvernement peaufine actuellement son projet de loi sur la décentralisation. Le texteest ambitieux, mais il va se heurter à la nécessaire contrainte des restrictions budgétaires.L’équation s’avère ardue.

Par Florence Cohen

«

«FRANÇOIS HOLLANDE VA DEVOIR BATAILLERAVEC DES ÉLUS DE GAUCHE QUI DIRIGENT

LA QUASI-TOTALITÉ DES RÉGIONS, BON NOMBREDE DÉPARTEMENTS ET DE COMMUNES… ET QUIN’ENTENDENT PAS SE LAISSER LIER LES MAINS PARDE DÉSAGRÉABLES DÉCISIONS VENUES D’EN-HAUT »

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Le changement, c’est sou-vent. La semaine de quatrejours à l’école, mise en place

par l’ancien ministre de l’ÉducationXavier Darcos, aura vécu. Un quin-quennat. En 2008, son entrée envigueur avait suscité une bellebronca, rebelote aujourd’hui. L’ac-tuel locataire de la Rue de Gre-nelle, Vincent Peillon, a beau espé-rer ouvertement que la nouvelleorganisation du temps scolaire,avec quatre jours et demi de classehebdomadaires, verra le jour par-tout à la rentrée prochaine, le chefde l’État, François Hollande, laissele choix aux maires : ce sera 2013ou 2014. Et ce n’est pas du luxe :les municipalités se débattentactuellement avec les problèmesde coût que cette réforme engendre.Elles ont d’ailleurs commencé àchiffrer la charge. La Ville de Lyonavance le montant de 5 millionsd’euros par an, ce qui, rapportéaux 34 000 élèves de maternelleet primaire, représente un prixavoisinant 150 euros par enfant.Le Conseil municipal de Pau(Pyrénées-Atlantiques) annoncela même somme, pour un budgetannuel de 720 000 euros. Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais(Indre-et-Loire, 4 000 habitants), sesitue dans le même ordre d’idées.Un peu plus imprécis et économe,il table sur « 100 à 150 euros parenfant, soit 1 % du budget de fonc-tionnement ».Et encore, ces chiffres ne sont pasles plus vertigineux. À Brest, où lademi-journée supplémentaire est

déjà testée dans une école, la mai-rie n’exclut pas de devoir allerjusqu’à 250 euros par bambin aumoment où il faudra la généraliser.Toujours plus haut, Lomme, dansle Nord, a aussi franchi le pas…pour 800 euros par an et par (chère)tête blonde, que la Ville de Lilleaide à financer. Impossible à péren-niser. À l’opposé, les plus petitescommunes sont loin de pouvoir

envisager de telles sommes. Orbais-l’Abbaye (Marne) se contente d’unefourchette allant de 50 à 70 eurospar élève. Globalement, les représentants desélus, du secteur associatif et lesspécialistes des collectivités localess’entendent sur un coût moyen de100 euros par enfant. La Francecomptant 6,7 millions d’élèvesdans le premier degré, le prix totalde la réforme se monte à 670 mil-lions d’euros. Difficile à assumer entemps de crise, même si, pour lestenants du « quatre et demi », laréforme coûte moins cher quel’échec scolaire au long cours,qu’elle est censée endiguer.Pour faire passer la pilule, l’Étatdébloque une enveloppe de50 euros par élève, auxquels il fautajouter 40 euros pour les com-munes les plus en difficulté. Aide

supplémentaire : les Caisses d’allo-cations familiales (CAF) prendronten charge une partie du finance-ment des activités culturelles et deloisirs qui verront le jour.Car voilà le nœud gordien : l’orga-nisation des quelques dizaines deminutes quotidiennes, qui, c’estla volonté du gouvernement, neseront pas de l’enseignement pur,mais de l’éveil, de l’à-côté. Il faut

recruter du personnel pour les ani-mer. Le recours à des professionnelsrémunérés fait grimper la note,alors que la participation de béné-voles issus des associations ou dejeunes en service civique l’adoucit.La Ligue de l’enseignement, confé-dération d’associations d’éduca-tion, a travaillé sur quelques simu-lations. Son secrétaire généraladjoint, Éric Favey, invite à faire ledistinguo : « Dans une école où lesactivités scolaires seront prises encharge à la fois par des animateursprofessionnels rémunérés, des anima-teurs venus de structures associatives(indemnisés) et des retraités béné-voles qui assurent des lectures auxenfants, on va arriver à un coût de l’or-dre de 40 à 70 euros par élève. À l’in-verse, nous avons aussi l’exempled’une collectivité qui, spontanément,s’est dit « Nous ne pouvons offrir

qu’une réponse professionnelle » ;évidemment, son chiffrage était à110 euros ! »Mais le statut des animateursn’épuise pas le problème : se poseaussi la question du temps de tra-vail. Philippe Laurent, le maire deSceaux (Hauts-de-Seine) s’étran-gle : « Si on fait quelque chose de clairet qu’on veut prendre des gens unejournée par semaine, on trouve. Mais

pas une heure par-ci, par-là ! On rêve !Les vacataires, étudiants, ou autres nevont pas faire une demi-heure ou uneheure de transport pour venir travail-ler deux heures. Donc les animateurs,ce sont forcément des emplois perma-nents qui font leur nombre d’heures parmois. » En milieu rural, mettre enplace une telle architecture va s’avé-rer compliqué, car le vivier associa-tif et universitaire est faible et lesdifficultés d’accès évidentes.Le recrutement est donc le gouffrefinancier le plus abyssal pour lesélus, mais il n’est pas l’uniquecasse-tête. Il faut aussi réaména-ger les horaires de cantine (avec, làaussi, des questions de personnel),prévoir des repas supplémen-taires… et repenser le transportscolaire. Il est pris en charge par ledépartement et, douloureuse sup-plémentaire, la TVA sur ce service

est passée l’an dernier de 5,5 % à7 %. Conséquence : de plus en plusde Conseils généraux reviennentsur la gratuité du ramassage scolaireet la tendance risque de s’accentueravec la demi-journée en plus.Pour toutes ces raisons, les mairesdes communes les plus en diffi-culté s’arrachent les cheveux. Poureux, Pierre-Alain Roiron, égale-ment vice-président de l’Associa-tion des maires de France chargéde l’éducation et de la culture, aune solution : que les grandes villespaient pour les petites : « Dans lesgrandes villes, il y a des moyens finan-ciers beaucoup plus importants quedans des villes rurales. Il est donc unpeu logique qu’il y ait une solidaritédes territoires. » Mais certains deses collègues lui répondent que cepartage existe déjà, qu’il s’appellel’intercommunalité et qu’il est lemoyen le plus équitable de lisserles disparités.Pendant que les élus tapotentnerveusement sur leur calculatrice,les parents restent perplexes. Quandle gouvernement a commencé àenvisager publiquement la réforme,une étude Ifop a montré que 55 %des parents d’enfants du primaireétaient contre le retour à quatrejours et demi. Localement, lacommune d’Issy-les-Moulineaux(Hauts-de-Seine) a mené sa propreenquête. Il en ressort que 52 % desparents avouent une nostalgie pourla semaine de quatre jours ! Déci-dément, en matière d’éducation,rien n’est simple…

Florence Cohen

Une réforme coûteuse

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Dossier

La semaine de 4 jours et demi à l’école pose des problèmes aux élus, car elle va peser lourddans les budgets. Tellement lourd que certains maires pensent ne pas pouvoir la mettreen œuvre dès la rentrée prochaine. Mais au fait, combien va coûter cette réforme ? Enquête.

Que va coûter cette réformeà votre collectivité ?Ça va se situer autour de 50 à70 euros par enfant, c’est-à-direbeaucoup, puisque cela représentequasiment 10 % des dépenses quenous accordons déjà à l’éduca-tion qui est le plus gros budget dela collectivité.

Ce changement va-t-il êtresupportable pour vous ?Nous n’avons pas les moyens,l’État non plus. Or, le personnelque nous mettons autour de l’école(pour le transport, la cantine)coûte de l’argent. De plus, on nous

demande de prendre une demi-heure ou trois quarts d’heure aprèsla classe. Il faut donc trouver desanimateurs, qu’en milieu ruralnous ne trouverons pas... Sanscompter le personnel de l’écolequi reste pour assurer du service.Résultat : pour mes trois petitsgroupes scolaires, il me faut pra-tiquement 30 personnes en plus,pour de tout petits laps de temps.Et ça, ça va coûter.Néanmoins, le fait d’être en criseprofonde est-il un argument suf-fisant pour dire aux enfants : « Oncontinue à vous laisser dans unesituation de catastrophe ? » Le pré-

sident de la République a tenu àfaire de l’école une priorité, je suiscomplètement d’accord avec lui.

Ce type de réforme est doncpénalisant pour de petitescommunes comme les vôtres…Les petites municipalités consa-crent déjà 30 % à 50 % de leurbudget au scolaire, c’est quandmême énorme. Si là-dessus onprend les 10 % dont je vous aiparlé, ça fait un trou… Pour lespetites villes, cette réforme estbeaucoup plus sensible que pourles plus grandes...

Propos recueillis par F.C.

«Une réforme pénalisante »

PIERRE-YVES JARDELMAIRE D’ORBAIS-L’ABBAYE (MARNE), PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DECOMMUNES DE LA BRIE DES ÉTANGS (4 000 HABITANTS SUR 21 COMMUNES)

Questions à

«LE RECRUTEMENT EST DONC LE GOUFFREFINANCIER LE PLUS ABYSSAL POUR LES ÉLUS,MAIS IL N’EST PAS L’UNIQUE CASSE-TÊTE »

DR

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Qu’est-il ressorti de l’expérienceSanquer en termes de coût ?Le coût a été la première année deplus de 28 000 euros. Aujourd’hui,on doit être aux alentours de14 000 euros, la charge pour lamunicipalité a donc été divisée pardeux. Je pressens d’ailleurs que leschoses se passeront de la mêmefaçon pour les villes qui vont main-tenant devoir mettre en place laréforme.

Vous allez généraliser la semainede quatre jours et demi dès larentrée prochaine. Vous avezeffectué des chiffragesà l’échelle de la Ville ?Nous ne savons pas pour combiennous en serons de notre poche, lesécarts peuvent être énormes : dansle meilleur des cas, cela peut êtrezéro euro ; dans le pire des cas,

2 millions d’euros. En tout cas,nous sommes prêts à faire un effortfinancier parce que nous en fai-sons une priorité politique.

La Ville ne devra pas supporterle financement toute seule…La première année, il y aura l’aidede l’État, de 50 euros par enfant. Lesannées suivantes, nous espéronseffectivement, comme c’est le caspour l’école Sanquer, une partici-

pation de la Caisse d’allocationsfamiliales pour cofinancer les ate-liers du soir. Se pose également laquestion de la participation desparents. Nous, à Sanquer, nous enavons fait un temps gratuit pour lesparents. Pour l’élargissement à Bresttout entière, nous voulons un vraipartage entre tous ; nous allonsrencontrer les parents, les ensei-

gnants, mais aussi les associations,les structures de quartiers… Moi,j’aimerais qu’il y ait des temps quirestent gratuits pour que tous lesenfants puissent y participer.

Comment les choses se profilent-elles pour le recrutement ?À Sanquer, les choses se sont bienpassées, car une association qui tra-vaille avec l’école depuis longtempsa été intégrée au processus. Nous

aurons cette chance-là pour d’au-tres écoles, mais pas pour toutes.Pour beaucoup d’autres établisse-ments se pose la question : qui varentrer ? Est-ce du municipal, del’associatif ? Nous sommes en trainde travailler sur le sujet. Je pense entout cas que l’associatif a toute sapart dans cette mise en œuvre.

Propos recueillis par F.C.

Combien le retour à la semainede quatre jours et demi va-t-ilcoûter à votre municipalité ?Cela dépend essentiellement de la

demi-journée supplémentaire quisera choisie. Si c’est le samedi, lecoût pour la Ville est relativementnégligeable, car les parents vont cher-cher leur enfant à la fin de la classe,il n’y a pas de coût de cantine en plus,il y a juste un peu de frais (faibles)pour faire fonctionner les locaux.

Si c’est le mercredi, c’est tout à faitdifférent, car on estime que deuxtiers des parents vont vouloir lais-ser leur enfant à l’école l’après-

midi. Là, les coûts de cantine aug-menteront et nous aurons descoûts de garde, même si les parentsen paient une partie.

Vous avez tout de mêmeune idée chiffrée ? Nous estimons ce coût entre 100

et 150 euros par enfant et par an.Comme nous avons à peu près2 000 enfants scolarisés, cela faitplus de 200 000 euros, ce qui repré-sente 1,5 % d’impôts. La majeurepartie de ce coût passera dans lerecrutement de personnel de can-tine et d’animateurs, ainsi que dansl’achat de repas.

Quand allez-vous mettre en placele nouveau dispositif ?Nous avons fait en décembre unepremière enquête auprès desfamilles, qui a montré que près de60 % des foyers sont opposés àtout changement !Ceci étant, nous allons soumettrequatre options aux parents : lesamedi matin, le mercredi matin,un samedi sur deux avec diminu-tion des vacances, des plageshoraires différentes pour les jour-nées existantes.

Si le samedi est choisi, nous pour-rons le mettre en place en 2013 ;si c’est le mercredi, nous ne pour-rons pas le faire, du fait des activi-tés sportives et culturelles déjà enplace l’après-midi.

Cette réforme pourra-t-ellese traduire par une haussedes impôts locaux ?Compte tenu de la situation finan-cière de la plupart des communes,avec la diminution des dotationsde l’État et la baisse des recettes dedroits de mutation, on commenceà tirer la langue. Je ne vois donc pastrès bien comment on va pouvoirs’en sortir sans qu’il y ait un jour uneaugmentation fiscale. Je pense quecela n’aura pas lieu cette année,avant les municipales, peut-être pasnon plus en 2014… Mais moi, je pré-vois en 2015 un réajustement fiscal.

Propos recueillis par F.C.

Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine),est sceptique sur les conditions de mise en place de cetteréforme. Il ne croit pas à une mise en place du dispositifen 2013.

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Dossier

Marc Sawicki est adjoint à la Politique éducative locale à la mairiede Brest (Finistère). Une collectivité qui teste la semaine de 4 jourset demi depuis la rentrée 2009 à l’école élémentaire Sanquer (180 élèves).La ville compte 8 000 élèves inscrits à l’école publique.

«JE NE VOIS DONC PAS TRÈSBIEN COMMENT ON VA

POUVOIR S’EN SORTIR SANSQU’IL Y AIT UN JOUR UNEAUGMENTATION FISCALE »

«NOUS NE SAVONS PAS POUR COMBIENNOUS EN SERONS DE NOTRE POCHE,

LES ÉCARTS PEUVENT ÊTRE ÉNORMES »

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Notre objectif était d’atteindredes conditions de finance-ment compétitives par rap-

port aux solutions alternatives »explique Jérôme Pellet, directeurau sein du département marchéde dettes et de capitaux de HSBC

France, à propos des conditionsde l’emprunt obligataire levé par44 collectivités locales. Avec untaux d’intérêt annuel de 4,30 %,le coût est légèrement inférieur àcelui facturé par la Caisse des dé-pôts, qui avait débloqué, fin 2011et début 2012, deux enveloppesde prêts à la demande du gouver-nement. « Malheureusement, c’est1,50 % au-dessus de ce que l’on au-rait obtenu si on était passé parl’agence de financement des collecti-vités, dont nous prônons la création »regrette Olivier Landel, déléguégénéral de l’Association des com-munautés urbaines de France.Parmi les collectivités qui ont par-ticipé à l’emprunt groupé figurent4 régions, 9 départements, 12 com-munautés d’agglomération, 8 com-munautés urbaines, 10 communeset un syndicat mixte. On y retrouvenotamment la région Lorraine,le département de la Manche,les communautés urbaines de Lille,Lyon, Marseille et Strasbourg, ainsi

que les villes de Rennes, Saint-Étienne, Le Havre, Grenoble etLevallois. L’opération est inédite,tant par le montant levé sur lesmarchés financiers que par le nom-bre d’administrations engagées.Les deux précédentes initiatives

analogues, menées en 2004 puis en2008, concernaient respectivement11 et 22 collectivités locales.Aux côtés de la Communautéurbaine de Marseille Provence Métro-pole, qui estime avoir recueilli « laconfiance des investisseurs », la Com-munauté d’agglomération de Cergy-Pontoise s’est également lan cée dansla démarche. Une première pour unetelle administration. DominiqueLefebvre, président de l’aggloméra-tion de Cergy-Pontoise et député duVal d’Oise, explique : « À l’heure oùles collectivités territoriales rencontrentde plus en plus de difficultés pour sefinancer auprès des banques, Cergy-Pontoise a fait un choix précurseur, qui,j’espère, ouvre la voie à de nouvellessolutions de financements pour d’autrescollectivités en France. »En l’espace d’un an, les collectivi-tés locales françaises aurontemprunté sur les marchés 2,37 mil-liards d’euros. Un record qui repré-sente le triple des montants levésen 2011 (796 millions).

2012, une cuvée historiqueOutre la possibilité de diversifierleurs sources de financement, lescollectivités sont séduites par desconditions financières souvent meil-leures que celles proposées par lesbanques. L’émission d’obligations

par une collectivité, qui était unerareté il y a encore deux ans, estdevenue très courue. Outre la régiondes Pays de la Loire, l’Auvergne, leLimousin et la région Rhône-Alpes,pour ne citer qu’elles, se sont lan-cées dans l’aventure. « Il y a désor-mais une forme de pression pour les col-lectivités (à se positionner sur le marchéobligataire, N.D.L.R.), qui sont tenuesd’optimiser la gestion de leur trésore-rie » explique encore Jérôme Pellet.Des administrations qui pourrontbientôt se lancer sur le marché duschuldschein, un placement privé(emprunt direct auprès d’un ou plu-sieurs investisseurs sans appel aumarché) de droit allemand. « Noussommes très sollicités par les collecti-vités locales pour réfléchir à des finan-cements de diversification et leur appor-ter un accès au marché obligataire aumoins une fois dans l’année » confirmeAlain Gallois, responsable mondede la plate-forme dette chezNatixis. L‘assèchement du créditbancaire devenu manifeste en 2011

avec le retrait de nombreux établis-sements, au premier desquels Dexia,qui pesait encore près de 40 % dumarché en 2008, alimente la fréné-sie. « Ce sont les collectivités locales quiposent désormais le plus de problèmesen termes de financement » reconnaît

le président de la Fédération bancairefrançaise (FBF), Frédéric Oudéa. Pour justifier leur désengagement,les banques évoquent l’entrée envigueur cette année du nouveaucadre réglementaire dit Bâle III.Une application qui dissuade for-tement les prêts à très long terme,dont les collectivités sont friandes.

Les collectivités plaidentpour la future agencede financementFace à ce durcissement, le marchéobligataire offre désormais unealternative. « Beaucoup hésitaient àfranchir le pas tant qu’il n’y avait pasde bénéfice de coût. Mais aujourd’hui,la différence est substantielle » pour-suit Jérôme Pellet. Les collectivitésse pressent d’autant plus au gui-chet que, depuis un an, les inves-tisseurs ont montré de l’appétitpour ces emprunts dont le risqueest très faible. Les investisseurs alle-mands et autrichiens en particulier,se révèlent très amateurs de dette

française, même si par le passél’Essonne a sollicité l’Asie via uneopération en dollars de Hong Kong(avec des instruments couvrant lerisque de change). Cependant, le montant minimumdes émissions étant évalué à 15

ou 20 millions d’euros, la grandemajorité des communes et desrégions restent écartées du dispo-sitif. Déjà fragilisées pour plus de8 000 d’entre elles par des prêtstoxiques, les collectivités locales,dont les dépenses d’investissements’élevaient en 2010 à 51,7 milliardsd’euros (soit plus de 70 % de l’in-vestissement public en France)comptent donc sur l’arrivée pro-chaine de la nouvelle banque descollectivités. Fruit de la BanquePostale et de la Caisse des dépôts,elle pourrait allouer 5 milliardsd’euros de prêts par an. Une étapedécisive vers la future agence definancement des collectivités,que l’ensemble des acteurs locaux(régions, départements, com-munes…) appellent de leurs vœux.Des avancées qui ne devraienttoutefois pas réduire de manièresignificative la dynamique desemprunts obligataires attendueencore cette année.

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Face à la raréfaction des crédits bancaires, un groupe de 44 collectivités a émis cet automneun emprunt obligataire de 610 millions d’euros à échéance de dix ans. Une démarche initiéedès 2008 par les Pays de la Loire, alors que la mise en place de la banque des collectivitéslocales est attendue au cours de l’année.

Financement

L’âge d’or des empruntsobligataires

«

« À L’HEURE OÙ LES COLLECTIVITÉSTERRITORIALES RENCONTRENT DE PLUS

EN PLUS DE DIFFICULTÉS POUR SE FINANCERAUPRÈS DES BANQUES, CERGY-PONTOISEA FAIT UN CHOIX PRÉCURSEUR, QUI, J’ESPÈREOUVRE LA VOIE À DE NOUVELLES SOLUTIONSDE FINANCEMENTS POUR D’AUTRESCOLLECTIVITÉS EN FRANCE »Dominique Lefebvre, président de l’agglomérationde Cergy-Pontoise et député du Val d’Oise

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Les sénateurs du Nord (PS), René Vandierendonck, et du Cher (UMP),François Pillet, préconisent de créer une police territoriale englobantles policiers municipaux et les gardes champêtres.

Un an après la publication d’un arrêté anti-mendicité, la mairie marseillaiseestime que la mesure a sécurisé la ville, contre l’avis des associations.

L’AIN NE REMBOURSERAPAS SON PRÊT TOXIQUE�À l’image d’une soixantaine decollectivités, le Conseil général de l’Aina décidé de ne pas rembourser les intérêtsd’un emprunt toxique contracté par ledépartement en 2006. Son président,Rachel Mazuir (PS) précise : « J’ai inscritles intérêts au budget, mais je ne paieraipas. » Le département a égalementassigné la banque en justice en raison dupréjudice subi. Rachel Mazuir affirme queson « devoir est de défendre les citoyens,qui n’ont pas à subir les conséquencesdes prêts toxiques ».

À METZ, DES CANTINESDE 7 À 77 ANS�Afin de diminuer la fréquentationde ses restaurants scolaires et de limiterles déplacements des enfants les plusjeunes, trois établissements « seniors »de Metz accueillent une centained’écoliers issus de trois établissementsde la ville lors de la pause déjeuner.Menée depuis l’an dernier, l’expérience dupartage d’un même lieu de restaurationoffre l’occasion d’un dialogue pleinde fraîcheur entre les personnes âgéeset les écoliers.

DES FABRIQUES D’ARTISTESEN ÎLE-DE-FRANCE�« C’est une première en France,et une première innovante, carexpérimentale » souligne Julien Dray,vice-président (PS) de l’Île-de-France.Le concept regroupe des lieux de création,baptisés les Fabriques, pour les artistesconfirmés ou en devenir, du spectaclevivant, des arts visuels ou numériques,de la littérature, du cinéma et del’audiovisuel. D’accès gratuit, les espacesseront ouverts vers les habitants.À terme, la région a pour ambitiond’installer une Fabrique dans chaquedépartement de la région.

TOURCOING CONÇOITLE TEXTILE DU 21E SIÈCLE� Inauguré sur une ancienne fricheindustrielle, le Centre européen destextiles innovants (CETI) promet àTourcoing un nouvel avenir de ville dutextile. Un concentré de recherches, quitrouve ses applications dans la santé,l’hygiène, le sport, le bâtiment…Présidente (PS) de Lille Métropole,Martine Aubry y voit la preuve « qu’uneindustrie en déclin peut renaître enutilisant les savoir-faire anciens avecdes méthodes tout à fait nouvelles ».

CRÉATION DE QUATREGRANDS PORTSD’OUTRE-MER�Afin de répondre aux exigencesde compétitivité du commerce fluvialinternational, le gouvernement a annoncéla création de quatre Grands portsmaritimes (GPM) ultramarinsen Guadeloupe, Martinique, Guyane età la Réunion. La gestion des nouveauxétablissements publics portuairessera confiée à un directoire adosséà un conseil de surveillance dans lequelsiégeront obligatoirement des élus locaux.

En bref

Chargés « d’assurer le bon ordre,la sûreté, la sécurité et la salu-brité publique », les maires

doivent étoffer leurs services de po-lice pour palier le retrait de l’État,constatent les sénateurs FrançoisPillet et René Vandierendonck dansleur rapport sur les polices munici-pales. Au nombre de 25000,les agents territoriaux « assumentdésormais des missions auparavant as-surées par la police et la gendarmerienationales ».Prônant la mise en place d’une policeterritoriale qui « fusionnerait réellementles deux corps existants - policiers muni-cipaux et gardes champêtres - non seu-lement au plan statutaire mais aussi parleurs missions », le futur policier ter-ritorial « serait tout aussi bien chargéd’assurer l’exécution des arrêtés de policedu maire, que de constater les infractionsau régime de l’eau ou aux dispositionsrégissant la pratique de la chasse ».

Les sénateurs qui ont interrogé l’en-semble des 3935 collectivités dotéesd’une police municipale excluent enrevanche de transférer de nouvelles

compétences de police judiciaireaux agents municipaux. La limitedoit être fixée par « de vraies conven-tions équilibrées » avec la police natio-

nale, afin que « les maires et leurs poli-ciers municipaux ne se sentent pluscomme des forces supplétives ».

L.B.

Pour Caroline Pozmentier,adjointe au maire (UMP)de Marseille en charge de

la sécurité et de la prévention dela délinquance, il n’est pas ques-

tion de revenir sur un texte qui a« fait ses preuves » en aidant à sé-curiser la ville. Après avoir suscitéune vive polémique lors de samise en place, elle analyse :

« Cet arrêté a facilité le travail dela police. Il y a eu, en un an, à peuprès 900 interventions, qui dans10 % des cas ont donné lieu àdes verbalisations. » Les associa-tions d’aide aux sans-abri dénon-cent pour leur part une mesure« stigmatisante » et réclamentson abrogation. « Cet arrêté n’a pasinstauré une chasse permanenteaux mendiants » reconnaît toute-fois Fathi Bouara, directeur régio-nal de la Fondation Abbé Pierre.« Mais il sonne comme une volontéde lutter contre les pauvres, et noncontre la pauvreté, c’est pour cela quenous demandons son abrogation. »

Un arrêté non reconduit à ParisPublié le 17 octobre 2011, le texteprohibe « toute forme de sollicita-tion ou appel à la quête de natureà entraver la libre circulation despersonnes, la commodité du passage

dans les voies et espaces publics,l’accès aux immeubles ou, de manièregénérale, à porter atteinte parces comportements au bon ordre,à la tranquillité et à la sécuritépublique ». La Ligue des droits del’Homme, qui dénonce le dispo-sitif, a déposé un recours auprèsdu tribunal administratif deMarseille, mais reconnaît aussique le texte n’a pas bouleverséla donne. « Je n’ai pas vu de chan-gement » estime Caroline Godard,pour qui cet arrêté vise surtoutles Roms.À Paris, des arrêtés similairesavaient été instaurés dans plusieursquartiers touristiques, mais en juindernier, le nouveau préfet de policede la capitale a décidé de ne pasles reconduire « dans l’immédiat »,faute d’efficacité. Le taux de paie-ment des amendes étant prochede zéro. L.B.

Les premiers pasd’une police territoriale

Face à la baisse du nombre deses policiers nationaux,

Cannes a renforcé cet automne sapolice municipale. Une réorganisa-tion destinée à privilégier la proxi-mité en impliquant davantaged’agents à pied dans les quartiers.« Nous voulons mettre en place unepolice citoyenne » résume le député-maire (UMP) de Cannes, BernardBrochand. Il observe : « La société esten train de changer, le monde de la

délinquance se transforme », et celanécessite « un rapprochement des popu-lations ». L’élu poursuit : « On a remisla police dans la rue. Les gens à pied,à disposition, cela change la perceptionde la police : c’est fondamental pour éta-blir un lien social. » Composée de206 agents et de 40 agents de sur-veillance sur la voie publique, lapolice municipale cannoise « ne doitpas se substituer à la police nationale »,rappelle néanmoins son maire.

À Marseille, la lutte contre lamendicité ne fait pas recette

Bernard Brochand, maire UMPde Cannes.

Cannes réorganisesa « municipale »

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Le but essentiel de l’ANR estde soutenir le tissu de larecherche française, qu’elle

soit publique ou privée. La com-munauté scientifique dans sonensemble, peu importe ses strati-fications internes, peut bénéficierdu soutien de l’ANR afin de faireémerger de nouveaux modèles etcontribuer à l’essor de la valorisa-tion des travaux. Les partenariatspublic-privé, nous le verrons, vontjouer un rôle essentiel. Universités,laboratoires de recherche, entre-prises… les structures sont nom-breuses et les alliances diversifiées.Les collectivités territoriales,notamment les départements etles intercommunalités, jouent unrôle d’appel. Leur participation àun projet peut conforter le choixde l’ANR et, réciproquement, ellesont tendance à soutenir un projetdéjà porté par l’ANR. Mais encorefaut-il que le projet ait une dimen-

sion publique réelle et révèle unintérêt général partagé entre lasociété civile et la recherche. Lesappels à projets compétitifs (AAP)permettront ainsi à l’Agence de fil-trer les projets les plus adaptés.Créés en 2002 pour optimiserla compétitivité nationale par« grappes d’entreprises », les pôlesde compétitivité sont le point d’an-crage de l’ANR dans l’univers ter-ritorial. 71 pôles sont reconnuscomme tels et se divisent en « pôlesmondiaux », « à vocation mon-diale » et « nationaux ». Un pôleréunit un ensemble d’entreprises etd’organismes d’enseignement etde recherche hyperspécialisés dontle but est de procurer un avantagecompétitif sur leur thématiqueprécise, une fois atteinte une taillecritique (Cap Digital à Paris, Lyon-biopôle en Rhône-Alpes pour lapharmacologie, Céréales Vallée enAuvergne, Mer Bretagne à Brest…).

Modes de calcul de l’aide ANRet lien avec les collectivitésEn 2011, l’ANR a soutenu les pôlesà hauteur de 183 millions d’euros.Sur les 297 projets de recherchesoutenus, 61 avaient été labellisés.67 % de l’aide porte sur les labo-ratoires publics, 19 % sur les entre-prises, et 13 % sur des associationsou centres techniques. L’aideapportée par l’ANR est tradition-nellement segmentée en troispaliers : inférieur à 50 000 euros ;entre 50 000 et 200 000 euros ;supérieur à 200 000 euros. Il estpossible que le projet soumis àl’ANR soit labellisé auprès d’un ouplusieurs pôles de compétitivité,ce qui sera de bon augure pour êtresubventionné. En effet, la certifi-cation par un pôle démontre à lafois l’intérêt social, économiquemais aussi scientifique du projet.Il en résulte une majoration del’aide si le projet est conçu en par-tenariat public-privé : 6 % de l’aideinitialement accordée par l’ANRpour le deuxième segment, et12 000 euros pour le segment supé-rieur à 200 000 euros. Il existe aussiun « bonus pôle » qui peut couvrirdes frais supplémentaires concer-nant notamment la communica-tion du pôle et le développementde la recherche partenariale.De très nombreuses collectivitéssoutiennent l’ANR. Le but est decréer une synergie des moyens pouraméliorer le potentiel scientifiquedes territoires. Par exemple, le clus-ter Lyonbiopôle (qui rayonne aussisur Grenoble et toute la régionRhône-Alpes) vient de lancerl’appel à projets 2013 de l’ANR etsa procédure de labellisation. Lestravaux sur lesquels portent cesprojets de recherche recouvrent lechamp des maladies infectieuses,les cancers, les désordres immuni-taires… Parmi les membres insti-tutionnels de Lyonbiopôle figurentl’agglomération du Grand Lyon,la région Rhône-Alpes, l’État…À savoir que les orientations 2013de l’Agence sont d’ores et déjà

connues : d’abord, la possibilitéplus large qu’auparavant de soute-nir tous les contrats doctorants, peuimporte les champs disciplinaires,mais à condition qu’ils concernentles thématiques de l’ANR, ensuite,le quota de 30 % d’emplois nonpermanents (post-doc, CDD, inté-rimaires…) que doit contenir leprojet, afin de dynamiser l’emploià l’échelle d’un bassin de vie.Quelques axes thématiques pour

les projets 2013 issus des collecti-vités : « Environnement, santé men-tale et addictions », « Stratégiesthérapeutiques innovantes »,« Identification de biomarqueursdiagnostiques »… Dans cette pers-pective, l’ANR peut jouer un rôleindispensable aux collectivités :promouvoir la science grâce auxpôles de compétitivité, promouvoirle développement social grâce àla recherche scientifique.

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Pratiques

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L’Agence nationale de la rechercheet les pôles de compétitivité

� Le porteur du projet peut d’abord tenter de faire labelliser son projetpar un pôle de compétitivité, ou plusieurs, ce qui constituera un actelégitimant pour l’ANR.

� L’obtention d’un « label pôle », en fonction des critères internes dechaque pôle de compétitivité, sera appréciée par l’ANR en fonctiondes retombées socio-économiques potentielles et permettra deconsidérer la qualité d’ensemble de la proposition de projet.

� Au moment de faire le choix entre les différents projets, l’ANRappréciera surtout l’excellence scientifique du projet.

� Le porteur de projet demande la labellisation de son projet enpassant par la procédure de soumission de l’appel à projets de l’ANR.

� En cas de labellisation et de financement par l’ANR, les partenairesinforment régulièrement le pôle et ses représentants du suivi duprojet.

� La procédure de soumissionnement s’effectue sur le site de l’ANR,rubrique « Appels à projets » (www.agence-nationale-recherche.fr).

Comment bénéficierd’une aide de l’ANRau niveau d’un pôlede compétitivité ?

Créée en 2005 sur la base du Fonds national pour la science et du Fonds pour la recherchetechnologique, l’Agence nationale de la recherche (ANR) est devenue un établissementadministratif en 2007. Les chercheurs publics et privés sont les premiers receveurs desaides de l’ANR. Mais il existe aussi d’autres acteurs liés aux collectivités territorialesqui peuvent en bénéficier sous certaines conditions : les pôles de compétitivité.De nombreux élus inscrivent leurs territoires dans cette nouvelle synergie.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff, Maître

de conférences de l’IEP Paris

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À distance

Lorsque le président de laRépublique apprend mer-credi dernier, juste avant le

déjeuner, l’ampleur de la prised’otages sur le site gazier d’In Ame-nas dans le Sud algérien, c’est unchoc. Mais pas une totale surprisenon plus. Cela fait des mois, par-fois même des années pour la seuleAQMI, que les services de rensei-gnements français recueillent desinformations sur la facilité aveclaquelle les groupes djihadistes sejouent des frontières sahariennes,s’approvisionnent en armes eten carburant en Libye comme enAlgérie et prennent des otages à lamoindre occasion. Notre ancienambassadeur au Sénégal, Jean-Christophe Ruffin, en a même faitun best-seller très bien documenté,dès 2010, sous le titre de Katiba.Le coup de l’émir Belmokhtarsur l’usine de gaz de BP « était dansles cartons depuis un bon moment »,confie un spécialiste haut placé.Depuis qu’AQMI, le MUJAO etAnsar Dine se sont emparés desgrandes villes du nord du Mali,les services français ont partagé laplupart de leurs informations avecleurs partenaires européens et occi-dentaux pour qu’ils comprennentla gravité de la menace. Néan-moins, l’activisme diplomatiquefrançais aux Nations unies et àBruxelles pour organiser uneriposte a été freiné. D’abord par lavolonté des autorités algériennes etburkinabées d’entamer des négo-ciations avec certains chefs desfactions. Ensuite, lorsque les toua-reg du MNLA se sont retirés del’alliance au sein de laquelle ilsavaient participé à la conquête de l’Azawad. Enfin, parce que lestentatives des Français visant à per-suader les Américains et le secréta-riat général de l’ONU de la néces-sité d’une opération militaire sesont heurtées à un mur, ce qui acontribué à une perte de tempsqui jouait en faveur des terroristes.

Les arrière-pensées meurtrièresD’autant que dans cette partiediplomatique, nombre d’acteursétaient motivés par des arrière-

pensées. Les États-Unis, qui,jusqu’en novembre, étaient foca-lisés sur la réélection du présidentObama et qui mettaient en avantle manque de solidité et de légiti-mité des institutions politiquesmaliennes. L’Algérie, qui, aprèsavoir manipulé le groupe AnsarDine pour pouvoir souffler le chaudet le froid à ses frontières, ne tenaitpas à ce que la France intervienneà ses portes. Les États de l’Afriquede l’Ouest, sous la présidence de laCôte d’Ivoire, qui ne tenaient pasà ce qu’éclatent au grand jourcertaines complicités de leursresponsables avec les narcotrafi-quants. Bref, la France s’est sentiebien seule. Si bien que lorsque lesgroupes armés islamistes ont vouluentamer leur descente éclair versBamako, il a bien fallu agir.Sous mandat de l’ONU, la Franceet la MISMA (Mission internatio-nale de soutien au Mali) vont donctenter de « reconquérir la totalité duMali » selon les mots de Jean-YvesLe Drian. Son collègue LaurentFabius s’est félicité samedi dernierà Abidjan de voir que les paysde la Communauté des États del’Afrique de l’Ouest répondaientenfin présents. Sous le commande-ment d’un état-major nigérian quise coordonnera avec la France etle Mali, des troupes ivoiriennes,burkinabées, béninoises, togolaises,nigériennes et sénégalaises serontréparties sur l’actuelle « ligne defront », si tant est que ce vocableait un sens tant les groupes djiha-distes disposent encore d’unegrande capacité de mobilité. Plusde 2 000 soldats tchadiens ont étémis à disposition également à par-tir du Niger : « c’est du robuste »,confie un proche de Jean-Yves LeDrian. Mais il subsiste un granddoute sur la capacité des autrestroupes africaines à « tenir » leslocalités qui leur seront confiées.Quid par exemple de Markala oùsont arrivés les Burkinabés à la finde la semaine dernière ? Selon l’afri-caniste Albert Bourgi, « les seulestroupes à faire preuve d’un esprit répu-blicain et à bénéficier d’une expé-rience militaire de maintien de la

paix sont celles du Sénégal. Laplupart des autres se sont fait plutôtconnaître par leurs putschs, leursmutineries ou leurs exactions, notam-ment dans les tragédies du Liberiaou de la Sierra Leone lorsqu’elles y sontintervenues. » Est-ce avec ce genred’armées que l’on lutte contre leterrorisme ? Contre des groupesqui risqueraient de se dissoudre ausein des populations civiles ?

Le Sahel : Afghanistandes Français ?La comparaison avec l’Afghanis-tan a ses limites. S’il est vrai qu’ilsera difficile de restaurer un gou-vernement doté de tous les bre-vets démocratiques et de reforma-ter une armée malienne à même dedéfendre elle-même sa souverai-neté (en Afghanistan, ce n’est tou-jours pas le cas après dix ans derecrutement et d’entraînementintensif), il est faux de prétendreque l’intervention de la France etdes Africains est vouée à l’échec. Demême, vouloir comparer l’attitudede l’Algérie avec celle du Pakistans’arrête à mi-chemin. Constaterque le régime algérien a « joué avecle feu » ces dernières années, enlaissant certains de ses acteurséconomiques et militaires liés auxservices de sécurité traiter avec lesnarco-djihadistes, est une chose.Croire que l’Algérie jouerait enpermanence double jeu face à sespartenaires européens et surtoutaméricains en est une autre. Lavérité est que les généraux algé-riens sont divisés sur le sujet duterrorisme. Ils le tolèrent lorsqu’ilpermet de déstabiliser leurs voisinsà moindre frais, ils le réprimentimplacablement dès lors qu’il n’apas le soutien d’une populationtraumatisée par la décennie noiredes années 90 et que cela leur donnel’image d’une puissance « éradica-trice » face aux régimes islamistesissus des printemps arabes.

L’Europe est vraiment menacéeUne guerre dispersée, contradic-toire, dans laquelle l’on s’engageà reculons… c’est vrai que lesFrançais auraient aimé voir leur

gouvernement soutenu et encou-ragé au plus haut niveau parl’Union européenne pour lancerce combat au Mali. N’est ce pas àHambourg, Londres ou Madridqu’Al-Qaida a déjà frappé tout aulong des années 2000 ? Pourquoiserait-ce différent maintenant avecAQMI ? L’Européen Jean-YvesLe Drian, qui tente de ranimerle concept d’une Europe de laDéfense, est pragmatique. Depuisle sommet qui a réuni ses homo-logues des 27 à Chypre l’automnedernier, il fait son marché : deuxavions de transport par-ci, des sou-tiens logistiques par-là, du rensei-

gnement en masse fourni par nosalliés américains, qu’on n’aillepas croire que la France est lâchéepar ses amis. Il aurait juste fallu affi-cher une unité sans failles. Dans leseul but de convaincre les terro-ristes que leur aventure fanatiqueet criminelle au Sahel menacenotre démocratie européenne, nosvaleurs, notre sécurité et celle d’uncontinent noir où réside une par-tie de notre croissance future. SelonLaurent Fabius, dont la missionconsiste aussi à convaincre lesEuropéens de s’associer davantageà cette entreprise, « il n’est jamaistrop tard ».

La guerre au Mali est-elleseulement française ?Les autorités françaises espèrent que la méga-prise d’otages de la mi-janvier en Algérie feraprendre conscience au monde entier que le narco-djihadisme dans la bande sahélienneest l’affaire de tous et pas seulement en Europe.

Par François Clemenceau

Diabaly, le 23 janvier 2013. PHOTO ÉRIC FEFERBERG/AFP

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Barack Obama vient de renouveleren partie la composition de songouvernement et de son équipeà la Maison Blanche. Or, vous nevous êtes intéressé dans votre livrequ’à son premier cercle de Chicago.Pourquoi ?François Clemenceau : Parce queceux de Chicago permettent demieux saisir la personnalité pro-fonde d’Obama ainsi que son par-cours politique et sa vision. Quandvous voyez aujourd’hui John Kerryau Département d’État, s’il estconfirmé par le Sénat, le seul lienqui le relie à Obama, c’est 2004,lorsqu’il a pris la décision de le lais-ser parler en tant que keynote spea-ker à la Convention démocrate deBoston. C’était une décision impor-tante, puisque l’histoire a montréque ce speech d’Obama a permis dele propulser dans la cour des grandset de le révéler au grand publicaméricain, quatre ans seulementavant de devenir Président. Si vousprenez Chuck Hagel, nommé auPentagone, il y a un lien profes-sionnel et personnel entre le démo-crate Obama et le républicainHagel. Ils ont servi ensemble auSénat et travaillé sur les mêmessujets de politique étrangère et desécurité. Alors qu’avec ceux deChicago, il y a un esprit de clan, unefusion de sentiments identiques etune proximité de cheminementqui leur donne une influence bienplus considérable sur le Président.

C’est le cas de ses deux conseillers,David Axelrod et Valerie Jarrett,dont on a beaucoup entendu parler…F.C. : Oui, Obama les considère unpeu comme des frères et sœursaînés. Axelrod a vu très tôt enObama le prototype de l’hommepolitique postmoderne, postracialet post religieux, autrement dit unsuccesseur de ceux qu’on a appe-lés à Chicago dans les années 70des « indépendants », des figurespolitiques locales qui ont refuséde faire allégeance totale à lamachine démocrate, au pouvoirdepuis 1932 sans interruption. Cesindépendants, comme le premiermaire noir Harold Washington, oule sénateur Paul Simon, ont essayéde bâtir des coalitions en dehors

des clivages traditionnels. CommeObama, ils ont vendu aux élec-teurs un cheminement personnelet un storytelling avant l’heure plu-tôt qu’un programme d’idées clas-

sique et clivant. Quant à Valerie Jarrett, née en Iran, métissée elleaussi, c’est elle qui, depuis le début,protège Obama de Washingtonpour l’éloigner le plus possible dela politicaillerie traditionnelle oùl’on se salit les mains. S’il y en a unequi mérite le plus le titre d’ange gar-dien, c’est elle.

Avec Rahm Emanuel, anciensecrétaire général de la MaisonBlanche devenu maire de Chicago,c’est une autre histoire…F.C. : C’est vrai que Chicago rap-proche les deux hommes. Rahm,c’est d’abord le copain d’Axelrod,qui a été son témoin de mariage.Mais Rahm est aussi le clintoniende la bande, raison pour laquelleil n’est arrivé dans le premier cer-cle qu’après la grande bagarre desprimaires de 2008 contre Hillary.Il n’est donc pas tout fait de la

« famille ». Il n’a pas vécu cetteincroyable saga depuis le débutavec les autres. Et pourtant, il a suse rendre incontournable pour fairevoter la réforme de l’assurance

santé, à laquelle il ne croyait paset selon une méthode qui ne l’ins-pirait pas. Depuis son retour à Chicago, il a su mobiliser l’Illinoiset les États riverains rescapés de lacrise de l’industrie automobile pourles mettre au service de la réélec-tion d’Obama.

On découvre aussi un grandinconnu, le ministre de l’ÉducationArne Duncan…F.C. : Duncan aurait dû être bas-ketteur, un grand basketteur. Maisil a été happé par une vocationfamiliale, l’éducation. Sa mère avaitété la première blanche à créer uncentre de tutorat pour les jeunesnoirs des ghettos à Chicago. Dun-can a révolutionné le système del’éducation publique à Chicago. Ila fait la même chose au niveaunational en se servant des 100 mil-liards libérés par le Plan de relance

pour réformer le système, avecsalaire au mérite pour les profs etsa fameuse « Race to the Top », quipermet aux États porteurs de pro-jets pertinents visant à relever leniveau des élèves de recevoir desfonds fédéraux. Le grand essayisteTom Friedman me dit, dans le livre,qu’il ne comprend pas commentune réforme aussi cruciale a étéaussi peu « vendue » pendant lacampagne de 2012.

Vous évoquez aussi le rôle des vraisamis, ceux qui ne sont pas à laMaison Blanche, mais qui sonten quelque sorte ceux qui relientle Président au monde extérieur…F.C. : Éric Whitaker, un brillantmédecin qui travaille sur les mala-dies des minorités ethniques, etMarty Nesbitt, un self-made-man

devenu le patron de la premièreentreprise de parkings d’aéroports,sont tous deux des clones d’Obamahors du monde politique. Commeeux, Obama a été éduqué dans leculte de la méritocratie. Commeeux, il refuse de se laisser embar-quer dans les revendications iden-titaires de la communauté noireaméricaine. Comme eux, il com-prend que les noirs doivent don-ner l’exemple pour se libérer d’uneposture victimaire dans laquelletrop de noirs se complaisent. Avecles Nesbitt et les Whitaker, lesObama ont créé des modèles defamilles noires très éduquées etdécomplexées par rapport auxblancs. C’est ce qui a laissé croireaux vieux cercles du tout Washing-ton que c’était un peu du racismeà l’envers alors qu’il ne s’agit aucontraire que d’aller au-delà de lacouleur de peau.

Très surprenant aussi, la relationd’Obama avec les grandes famillesjuives de Chicago…F.C. : Obama ne serait jamaisdevenu président sans Betty LuSaltzman et Penny Pritzker. La pre-mière est la fille de l’ancien patrondu Congrès juif mondial, ladeuxième l’héritière des hôtelsHyatt. Le réseau de l’une et lesfonds de l’autre ont permis de faireconnaître Obama aux grandesfamilles juives libérales de la troi-sième ville des États-Unis. Laplupart de ses amis juifs sont pro-gressistes, en faveur du processusde paix, admirateurs de Rabin etdes accords d’Oslo. Obama voitdans le judaïsme et la minoritéjuive quelque chose du combatqu’ont mené les noirs pour luttercontre la discrimination et leracisme. C’est cette fraternité-làqui fait qu’il est capable de dépo-ser ses filles dans une halte-garde-rie juive pour faire ensuite ducovoiturage jusqu’au sénat de l’Illinois avec une sénatrice juiveorthodoxe sans qu’il s’inquiètede savoir si cela fera jaser ou pas.Dépasser les religions, c’est sa laï-cité à lui.

Propos recueillis parPierre-Henry Drange

Culture

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Notre collaborateur, François Clemenceau, vient de publier Le clan Obama, les anges gardiensde Chicago. Une galerie de portraits des proches du président américain. Connus ou inconnus,ils méritent le détour pour mieux comprendre ce que sera son deuxième mandat.

Avec Obama et les sienspour quatre ans de plus

Le clan Obama, les angesgardiens de Chicago,

Éditions Riveneuve,288 pages, 15 euros.

«OBAMA NE SERAIT JAMAIS DEVENUPRÉSIDENT SANS BETTY LU SALTZMAN

ET PENNY PRITZKER. LA PREMIÈRE EST LAFILLE DE L’ANCIEN PATRON DU CONGRÈSJUIF MONDIAL, LA DEUXIÈME L’HÉRITIÈREDES HÔTELS HYATT »

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ATSO

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NUMÉRO 458, MERCREDI 30 JANVIER 2013 L’HÉMICYCLE 13

Dématérialisation. Le motfait fantasmer bon nombred’élus locaux. Il est syno-

nyme de progrès, de modernité etprésente aux yeux des politiquesdeux avantages : l’informatique vapermettre de générer des écono-mies ; elle va aussi permettre derapprocher la collectivité locale deses administrés.

Un outil générateurd’économies ?La dématérialisation des collecti-vités locales touche en premier lieules services internes. Comptabi-lité, gestion financière, ces deuxactivités sont en cours d’informa-tisation poussée. Les échanges sontfluidifiés et accélérés, la masse dedocuments papier est réduite. Parexemple, un bordereau de paie-ment peut facilement être infor-matisé et transmis instantanémentaux services comptables. Cependant, pour réaliser de subs-tantielles économies, la dématé-rialisation doit aller beaucoup plusloin. Par exemple, les pièces jus-tificatives associées à un docu-ment administratif doivent ellesaussi être numérisées faute dequoi, la transmission, la gestion etl’archivage de ces documentsnécessiteront le maintien des ser-vices dédiés à cette activité. Cesdocuments associés doivent doncdevenir eux aussi des fichiersinformatiques, ce qui impliquesouvent d’établir des modèles ainsique des protocoles de transmis-sion avec des entreprises exté-rieures, souvent créatrices de cesdocuments. Il est aussi possiblede les scanner même si cette solu-tion est un pis-aller.L’une des clés de la réussite d’unprojet de dématérialisation est sou-vent la mise à plat des procéduresde travail de plusieurs services. Uneinformatisation réussie ne repro-duit pas sous un format numé-rique les méthodes de travail del’ère papier. Une nouvelle organi-sation doit être inventée pour cor-respondre aux possibilités et limitesdu numérique. Cela demande du

temps, des compétences et biensûr, un investissement financiersubstantiel.

Se rapprocher des administrésLa dématérialisation des collecti-vités locales peut aller beaucoupplus loin qu’une révolution desservices. L’informatisation bienmenée d’une ville ne crée pas seu-lement des économies, elle génèreégalement une masse considéra-ble d’informations nouvelles quipeuvent être mises à disposition dupublic sous la forme de nouveauxservices. Cela commence biensûr par la mise en place d’un siteWeb régulièrement mis à jour.Ce site peut devenir un portaild’informations et d’accès à des ser-vices très complet comme s’en sontdotées de grandes villes commeParis, Toulouse ou Rouen. Étatdu trafic routier en temps réel,démarches administratives - tellesque la demande d’un extrait d’actede naissance -, présentation desprojets urbains, transmission vidéodes conseils municipaux ne sontque quelques exemples des ser-vices complexes que les grandesmétropoles ont mis en place surleur plate-forme Web. Certaines, avec des projets d’opendata, vont plus loin. Les donnéespubliques sont mises, sous un for-mat standardisé, à disposition d’en-treprises privées, qui les utilisentpour créer par exemple des appli-cations pour smartphones. Autourde la vie numérique des collecti-vités locales se met en place toutun écosystème d’entreprises, syno-nymes d’emplois nouveaux et sou-vent qualifiés. N’oublions pas nonplus que ces données peuvent êtremises à disposition en plusieurslangues, ce qui, pour de grandscentres touristiques, représente unatout majeur pour mieux satisfairele visiteur étranger et renforcer l’at-tractivité de la ville ou de la région.

Une révolution inégalitaireLa dématérialisation coûte cher àmettre en place, c’est le revers dela médaille. Les investissements

initiaux sont importants, leur renta-bilité dépend beaucoup de la massede données que le système devratraiter. Si cette révolution prendtout son sens pour des collectivités

territoriales telles que les départe-ments, régions ou grandes villes,les communes rurales ont peu dechance de pouvoir y accéder unjour. Comment une commune de

moins de 5 000 habitants peut-elleenvisager un passage complet aunumérique de ses services et de sarelation avec ses administrés ? Or les services rendus par ces com-munes digitales vont entrer pro-gressivement dans les mœurs. Lescommunes qui en seront dotéesverront leur attractivité renforcéepar rapport à celles qui n’aurontpas les moyens de les mettre enplace. À terme, la dématériali sationpourrait accentuer le déséquilibreentre communes riches et com-munes pauvres et accélérer la déser-tification des campagnes.Il existe heureusement une solu-tion possible à ces déséquilibres :la communauté de communes oula communauté d’agglomération.En mutualisant leurs ressourceslimitées et en concevant des pro-cessus de travail communs, lescommunes peuvent se doter d’ou-tils numériques performants carrentabilisés par le traitement d’unemasse suffisante de documents etd’informations. Cela nécessite bienévidemment que des outils infor-matiques minimums soient pré-sents dans les mairies de chaquecommune, notamment un ordi-nateur et une connexion à Inter-net en haut débit, mais ces inves-tissements sont sans communemesure avec l’achat d’outils logi-ciels complexes et donc coûteux. Cette solution pourrait mêmepermettre à des communes ruralesde jouer quasiment à égalité avecde grandes métropoles. Offrir lesmêmes services que Paris tout enoffrant un cadre de vie verdoyantet un habitat moins coûteux, voilàqui pourrait séduire beaucoup defamilles toujours plus confrontéesaux difficultés d’obtenir un loge-ment à la fois spacieux et d’uncoût raisonnable. Les élus de ces collectivités localesvont cependant devoir faire unpas de plus dans une gestion col-lective de leurs ressources. La perted’indépendance est sans doutele prix à payer pour garder nos36 000 communes.

Manuel Singeot

Une révolutionaux enjeux multiples

Dématérialisation

L’informatisation ne révolutionne pas que les entreprises et les particuliers. Les pouvoirs publicsutilisent aussi largement l’outil numérique. Les communes dématérialisent une partie de leursservices. Mais auront-elles toutes les moyens financiers de le faire ?

Grenoble. Un employé de la mairie surveille les serveursinformatiques. PHOTO JEAN-PIERRE CLATOT/AFP

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Àgauche, les députés onttwitté leur satisfaction àpropos des débats mis en

place au niveau local.« Compte rendu de mandat àThorigné. Échanges vifs maisrespectueux. #mariagepourtous.Qui peut dire sérieusement qu’iln’y a pas de débat ? »> Nathalie Appéré (@nathalieappere)

« Très bon débat #mariagepourtousce soir à St-Étienne, chaud maischaleureux ! Merci @regisjuanicoet tous ceux qui l’ont rendupossible. »> Erwann Binet (@erwannbinet)

De même, ils ont relayé la mobili-sation de ce week-end.

« Avec le MJS nous avonsmanifesté ce matin à Bayonne.Plus de 1 000 personnes ontdéfendu l’égalité des droits. »> Colette Capdevielle

(@c_capdevielle)

« Forte mobilisation pour#mariagepourtous. Socialistes trèsprésents. Mardi nous légiférons.La France deviendra un paysnormal #égalité. »> Philip Cordery (@PhilipCordery)

« En famille à la manif pour lemariage pour tous. Raz de maréepour le mariage, l’adoptionet la PMA ! »> Éva Sas (@EvaSasAN)

Cependant, ils attendent un débatdur et virulent. En cause, la trèsgrande quantité d’amendementsdéposés par l’opposition.

« La violence des tweets decertains opposants au#mariagepourtous laisse augurerde sacrés débats dans l’hémicycleà partir de mardi... »> Yann Galut (@yanngalut)

« Place au débat parlementairemardi. L’#UMP a choisi la voiede l’obstruction et donc celle dupourrissement #mariagepourtous#UMPathetique. »> Philippe Bies (@PhilippeBIES)

« #MariagePourTous Nombretotal d’amendements déposés pourl’examen du texte en hémicycle :5 362. Le groupe socialiste en adéposé 1. »> Corinne Narassiguin

(@CorinneNara)

La majorité ne s’est pourtant pasprivée d’égratigner les leaders d’opi-nion du camp des « anti ».

« 63 % des Français favorablesau #mariagepourtous. Mercià Frigide Barjot, aux évêques,à Copé d’avoir aidé à lesconvaincre.#EgalitéDesDroits »> Michel Menard (@Michel_MENARD)

« #mariagepourtous@frigidebardot « convaincued’avoir ébranlé FrançoisHollande »... après l’amour,la rage fait des dégâts ! »> Christophe Castaner (@CCastaner)

Ou de railler la droite qui, aprèsavoir combattu le Pacs, le paredésor mais de toutes les vertus.

« D’ici peu seront donc pour#mariagepourtous“@frederiqueTa : Les personnalitésde droite sont aujourd’hui les pluschauds partisans du Pacs.” »> Denis Baupin (@Denis_Baupin)

L’opposition s’est elle aussi mo bi-lisée sur les réseaux sociaux àl’approche du débat parlementaire.La manifestation de soutien à laréforme a été scrutée, analyséevoire raillée.

« C’est clair, ceux qui ont votéavec leurs pieds ont préfiguré le

résultat du référendum concernantle #mariagepourtous. C’est 2/3contre. »> Philippe Cochet

(@PhilippeCochet)

« #MariageGay.#flopourtous.Quand le ridicule et la provoctiennent lieu de politique : baiserde Y. Galut et N. Bays députés PSen tête de manif. »> Philippe Gosselin (@phgosselin)

Mais, si elle est prête à en décou-dre dans l’hémicycle, comme ledisent certains, elle continue toutde même à appeler à la tenue d’unréférendum.

« + de 5 000 amendementsdéposés sur le PJL ouverture du#mariage aux couples de mêmesexe ! La semaine prochaineva être longue #Assemblée. »> Hervé Mariton

(@HerveMariton)

« Mariage pour tous :une opposition fermemais constructive. »> François Sauvadet (@sauvadet)

« J’ai proposé que nous organisionsun référendum sur le sujetdu mariage pour les couplesde même sexe #Cpolitique. »> Jean-François Copé (@jf_cope)

« Le peuple français doit déciderlui-même de l’avenir du“changement de civilisation” (cf. C. Taubira!) induit parle mariage homosexuel. »> Patrick Ollier (@patrick_ollier)

« Pourquoi craindre l’avis dupeuple français sur le mariagepour tous ? Chiche ! NVB ne doitpas le craindre puisqu’elle ditqu’il y a majorité. »> Maurice Leroy (@MauriceLeroy)

Malgré les nombreuses manifesta-tions sur les réseaux sociaux de lamobilisation croissante des élus,des lignes de fracture apparaissentau sein de chaque camp. Par exem-ple, le référendum n’est pas sou-tenu par tous à droite.

« Sur la question du référendum ?Cela relève de la responsabilitéparlementaire. #mariagepourtous#BFMpolitique »> Jean-Louis Borloo (@JLBorloo)

De même, certains députés de l’op-position ont fait publiquementsavoir leur soutien au projet deréforme.

« Mariage pour tous ! Manif pourtous ! Tous à Paris à DenfertRochereau. »> Philippe Baumel

(@philippebaumel)

« Je serai cet après-midi à 14h30dans Dimanche +, à 15hsur@BFMTV et à 16h sur @itele#mariagepourtous#droitepourlemariage. »> Franck Riester

(@franckriester)

À gauche aussi, des voix discor-dantes, bien que plus rares, se sontfait entendre, signe que le projetvisant à donner les mêmes droits

aux couples hétérosexuels et homo-sexuels ne fait pas l’unanimité.

« J’ai fait partie de ceux qui ontjugé inopportun, maladroit etinsuffisant l’amendement sur laPMA tel qu’il avait été proposé. »> Jean-Marie Le Guen (@jm_leguen)

Fait rare, et signe tout de même dela tension sur ce dossier, certainsdéputés n’hésitent pas à mettre encause publiquement l’impartialitédu traitement de la réforme parles médias audiovisuels

« Sur #canal+ @aslapix sembleconfondre militantisme etjournalisme. Mais c’est vrai qu’onest sur #canal+... #mariagegay »> Gérald Darmanin

(@GDarmanin)

« Vu les JT de 20h, je fais biende saisir le CSA pour mieuxcomprendre la différence detraitement médiatique des2 manifs#mariagepourtous. »> Sébastien Pietrasanta

(@S_PIETRASANTA)

Le risque de connaître à nouveaules dérapages verbaux entendusà l’Assemblée nationale lors del’examen de la loi créant le Pacs estréel. Ce que craignent de nom-breuses associations LGBT.

Politicsonline

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINTDE VUE François Clemenceau, François Ernenwein, Thierry Guerrier, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin AGORA Sébastien Petitot, Thomas Renou DOSSIERSJean-Marc Engelhard, Tatiana Kalouguine INTERNATIONAL Guillaume Debré L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Tariq Befnec-Curiel, Ludovic Bellanger, Florence Cohen,Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Brice Teinturier, Pascale Tournier CORRECTION Maïté Simoncini MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09/06 74 25 28 81) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan.Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 458, MERCREDI 30 JANVIER 2013

Projet de loi sur le mariage pour tous

De farouches joutesoratoires en perspectiveDepuis des semaines, partisans et opposants à la réforme s’affrontent dans les médias etdans la rue. À l’issue de la manifestation des partisans du « mariage pour tous », l’Assembléenationale a pris le relais. Majorité et opposition ne sont pas scindées en deux camps bien distincts.

Chaquesemaine,le tourdes blogsdes éluspar Manuel Singeot

> Hervé Morin (@Herve_Morin)

Le tweet de la semaine

« DISCOURS DE #CAMERON :LES ANGLAIS EN DEHORS

DE L’EUROPE, CE NE SERAIT PASUNE SI MAUVAISE NOUVELLE… »

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L’admiroir

On sent chez Alain Juppé uncontrôle de soi permanent,une légère tension qui se

cache dans un sourire sans jamaisdisparaître tout à fait. Un mélangede distance et de chaleur conte-nue. L’homme a toujours l’œil vif,le verbe facile et volontiers enjoué.Comme ce jour où il nous reçoitdans le salon du cercle Interallié,à Paris, après s’être exprimé devantles responsables de l’ETHIC, lemouvement des entrepreneurs àtaille humaine. « Il faut laisser letemps au temps », dit-il en conclu-sion de son exposé, reprenant uneformule dont usa – en son temps –un certain François Mitterrand.« Peu de référents illustres m’ont guidéen politique, » commence l’ancienPremier ministre de Jacques Chirac.Lui viennent à l’esprit Alexandre,pour le voyage, Napoléon, qu’il serefuse à voir en tyran sanguinaire,et dont l’action et l’œuvre l’ontmarqué. Mais pour celui qui présidedésormais aux destinées de Bor-deaux, c’est le personnage du géné-ral de Gaulle qui, selon ses termes,« ne laisse pas de me surprendre ». Cesparoles… peuvent surprendre, plusde soixante-dix ans après l’Appel du18 juin 1940. C’est pourtant à cettedate que remonte Alain Juppé,comme un saumon remonterait,par exemple mais pas au hasard,l’estuaire de la Gironde.

De Gaulle à la BBC« Lors de cette journée du 18 juin, pré-cise-il, de Gaulle veut parler à laBBC. » Arrêtons-nous un instant.Pour avoir la sonorité à l’oreille.Juppé ne dit pas « BiBiCi » commele presque commun des mortelsquand il évoque la célèbre stationde radio britannique. L’ancienministre des Affaires étrangères,dont on ne doute pas un instantdu parfait anglais parlé, prononce« BéBéCé ». Une manière commeune autre de rester français, demener le combat de la langue, sanscéder aux modes du franglish oudu globish. Jusque dans la dictiondes sigles, Juppé est gaulliste, ougaullien. Le Général souhaite donc

s’exprimer à la « Bébécé ». Ildemande l’autorisation au gou-vernement de guerre dirigé parLord Halifax, ancien vice-roi desIndes, qui refuse. « Il se démène,poursuit le maire de Bordeaux. Ilcontacte Churchill, qui finit par luidire oui. Voilà un homme qui soudaindit : je suis la France. Il en fut uneincarnation fascinante, même si touta été difficile, avec Churchill, et sur-tout avec Roosevelt. »

Ces leçons d’histoire ont à l’évi-dence pesé dans les choix d’AlainJuppé. « En politique, dit-il, je me suisdéfini comme gaulliste. Avec une cer-taine idée de l’homme et une certaineidée de la France. » S’il se souvientd’avoir serré la main au général deGaulle, « c’était en 1968 à Mont-de-Marsan, j’avais treize ans », son« grand homme » est celui qui serévèle dans l’épreuve de la guerre.Avec ce qu’il appelle son « coup de

folie ». Il reste admiratif aussi de sonretour au pouvoir en 1958. Il yvoit « courage et lucidité, même sion ne saura jamais si tout cela étaitprémédité ». Avec le recul, le fon-dateur de l’UMP souligne l’audaced’un homme qui sut « aller à l’en-contre de l’opinion publique et sortitla France du pétrin ». Il n’efface paspour autant les taches du tableau :cette « forme d’insensibilité » dufondateur de la Ve République,caractérisée notamment par le mas-sacre des harkis.

Mendès-FranceS’il ne fut pas de sa famille poli-tique, Alain Juppé tient à saluer « lerôle décisif que joua Pierre Mendès-France en Indochine ». Avant deGaulle en Algérie, Mendès le radi-cal, icône de la gauche et du cen-tre-gauche, retira nos troupes du« marécage » indochinois. Pétrin,marécage : les admirations dumaire de Bordeaux vont vers ceshommes qui ont su prendre leursresponsabilités, endosser un des-tin plus grand qu’eux-mêmes,pour servir au mieux les intérêts deleur pays en pleine déconfiture.De manière assez attendue, Juppérend bien sûr à Jacques Chirac cequ’il lui doit, « un mélange d’ad-miration et d’affection », dit-il sansdétour. « Après l’Inspection desfinances, je me destinais à devenirbanquier ou à travailler dans unesociété d’assurances. Chirac m’aengagé dans la politique. » Le liens’établit à travers l’industrielJérôme Monod, alors directeur ducabinet du Premier ministre. Noussommes en 1976. Jusqu’ici, lejeune énarque et normalien n’ajamais milité. Son premier faitd’armes est isolé. Il remonte à1971, lorsque « l’amphi de garni-son » de l’Ena veut baptiser sa pro-motion « Commune de Paris »,un siècle après ce mouvementinsurrectionnel qui devint unmarqueur clé de la gauche. Lejeune homme refuse et se bat pourque la promo s’appelle Charlesde Gaulle. Il obtiendra gain decause…

Le début d’une collaborationet d’une complicitéChargé de mission de Chirac en1976 : c’est le début d’une colla-boration doublée d’une compli-cité qui mènera plus tard les deuxhommes au sommet de l’État, l’unà l’Élysée, l’autre à Matignon. « Jene l’ai pas quitté », observe sobre-ment celui qui pouvait nourrir delégitimes ambitions présidentielles,avant que les procès de la Villede Paris, en 2004, le dévient desa logique et l’obligent, selon saformulation, « à passer son tour ».Ce qu’il aimait chez Chirac ? Àl’écouter, on voit bien que ce« meilleur d’entre nous », commele qualifia un jour son mentor,n’a voulu garder que le meilleur. Àsavoir « le courage, un dynamismeextraordinaire, une humanité tou-chante, qui se passait de publicité ».L’ancien Premier ministre évoquel’aventure politique de la mairiede Paris après sa conquête électorale,la capacité de Chirac à susciterdurablement l’enthousiasme popu-laire. « Chirac était très Pompidou,avec une forme de radicalisme. » Ilrevit ces moments intenses de 1995où la foule écrase littéralementPhilippe Séguin, Jacques Toubonet lui quand ils rejoignent la placede la Concorde quelques minutesaprès la victoire de leur candidat…Celui qui s’est attelé à la rédactiond’un dictionnaire amoureux deBordeaux voue encore une ten-dresse particulière à Montaigne,son lointain prédécesseur à la mai-rie, et à qui les Bordelais repro-chèrent jadis d’être absent de laville quand éclata l’épidémie depeste. « Montaigne est l’auteur detrès beaux textes sur le vin. Il écritcomment l’ardeur se déploie au fil dela vie, des pieds au sexe, puis au ven-tre, et enfin à la tête, avec le vin pourgriser. » Familier de la pensée poli-tique de Pascal, Alain Juppé saluechez lui « la force des mots, le sensde l’ellipse ». Et de citer la célèbreformule : « Qui veut faire l’ange faitla bête. » À méditer sans doute aupurgatoire de l’UMP…

Par Éric Fottorino

Alain Juppé, les surprises duGénéral, la chaleur de ChiracC’est au Quai d’Orsay qu’Alain Juppé a montré son savoir-faire avec le plus d’éclat et de sens de l’État.Les relations internationales sont sa passion. Il se définit comme gaulliste avec une certaine idéede l’homme et de la France. Proche collaborateur de Jacques Chirac dès 1976, il en deviendralogiquement son Premier ministre. Une complicité qui perdure encore aujourd’hui.

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