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François Hollande ne pouvait pas zapper le Congrès des maires de France. L’ancien maire de Tulle a trop promis pendant sa campagne pour ne pas clarifier davantage sa vision d’une République « décentralisée ». Trente ans après les lois dites Defferre, le président de la République veut donner une nouvelle impulsion à la décentralisation. Il en a fait une des priorités du début de son quinquennat. Il faut dire que la gauche – le PS en tête –, alors dans l’opposition, a fait feu de tout bois contre la réforme territoriale de Nicolas Sarkozy. À l’époque, les parle- mentaires socialistes dénonçaient la création du conseiller territorial, destiné à remplacer à terme les conseillers régionaux et les conseillers généraux, une tentative de « recentralisation ». Comme il l’avait promis, François Hollande a abrogé ce texte. Exit le conseiller territorial. En attendant la future organisation territoriale et surtout les modes de scrutin, les élections régionales et cantonales, qui devaient avoir lieu en 2014, sont reportées à 2015. D’ici là, François Hollande va devoir passer du flou à la lumière. Les maires, les présidents de conseils régionaux et généraux (pour la plupart estampillés socialistes) s’impatientent et commencent même à grogner. L’annonce de la création d’un Haut Conseil des territoires a été saluée. Le principe d’un « Pacte de confiance » avec les élus locaux va aussi dans le bon sens. Tout comme la promesse d’un allégement des normes (elles seraient au nombre de 400 000), plébiscitée. Ils ont bien entendu aussi que le Président ne souhaitait pas supprimer un échelon. Voilà le département sauvé ! Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, l’avoue sans détour : « Ça, je ne sais pas faire ! » Certes, mais qu’en adviendra-t-il du « mille-feuille territorial » ? Les élus locaux savent que l’exécutif est en quête d’économies. Ils attendent l’addition. Ils savent que le temps des embauches (482 400 postes en dix ans quand l’État en supprimait 114 400) est derrière eux. Autre point d’inquiétude : les ressources des collectivités locales. François Hollande reste évasif sur les contours de la future réforme de la fiscalité locale. Et les maires savent déjà que leurs dotations sont revues à la baisse pour 2013, 2014 et 2015. Le Président n’a, en fait, guère les moyens de faire plaisir aux élus locaux. Les indis- pensables économies et la réforme de l’État, que le Président appelle de ses vœux, passeront à coup sûr par la décentralisation. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 456 — MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012 — 2,15 ¤ MEHDI FEDOUACH/AFP Le congrès qui s’ouvre aujourd’hui s’inscrit dans une démarche prospective pour tracer les perspectives d’une nouvelle législature qui annonce une année 2013 marquée par une nouvelle étape de la décentralisation. L’ambition qui anime ce congrès est de donner aux élus les clés de ce monde en mutation. > Lire p. 6 à 9. PHILIPPE DESMAZES/AFP VALERY HACHE/AFP Christian Estrosi P. 3 François Rebsamen P. 2 Du flou à la lumière 95 e Congrès de l’AMF Les territoires, acteurs d’un monde en mutation Dossier Au sommaire Prix de la viande : les marges de la distribution reviennent au menu >p. 4 et 5 Le pourquoi et le comment de la transition énergétique >p. 19 Mobiliser toutes les sources d’énergie >p. 20 Comment être un acteur du développement régional quand on s’appelle Total ? >p. 21 Développement durable : Ecofolio : une mission d’intérêt général >p. 24 Le recyclage du papier : priorité de la politique des déchets >p. 25 L’admiroir : Chantal Jouanno, les Médicis et les Illustres du Sénat >p. 26 Numérique et Territoires DR Édito Bruno Jeudy Le numérique est une opportunité d’attractivité et de compétitivité pour les collectivités. Personne n’en doute. L’enjeu est désormais de garantir l’accès aux technologies dans les meilleures conditions. Et d’inventer les services de demain les mieux adaptés aux citoyens et au développement des territoires. L’Hémicycle et SFR ont coproduit et coécrit ce cahier spécial « Numérique et Territoires » pour enrichir la réflexion à l’occasion du Congrès de l’AMF et vous faire profiter de ce partage d’expériences. > Lire p. 11 à 18. L’Hémicycle est partenaire du 95 e Congrès des maires et des présidents de communautés de France

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l'Hémicycle numéro 456 du mercredi 21 novembre 2012 Au sommaire : - Prix de la viande : les marges de la distribution reviennent au menu >p. 4 et 5 - Le pourquoi et le comment de la transition énergétique >p. 19 - Mobiliser toutes les sources d’énergie >p. 20 - Comment être un acteur du développement régional quand on s’appelle Total ? >p. 21 - Développement durable : Ecofolio : une mission d’intérêt général >p. 24 - Le recyclage du papier : priorité de la politique des déchets >p. 25 - L’admiroir : Chantal Jouanno, les Médicis et les Illustres du Sénat >p. 26

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Page 1: l'Hémicycle - #456

François Hollande ne pouvait paszapper le Congrès des maires deFrance. L’ancien maire de Tulle a trop promis pendant sa campagnepour ne pas clarifier davantage sa

vision d’une République « décentralisée ». Trente ansaprès les lois dites Defferre, le président de la Républiqueveut donner une nouvelle impulsion à la décentralisation.Il en a fait une des priorités du début de son quinquennat.Il faut dire que la gauche – le PS en tête –, alors dansl’opposition, a fait feu de tout bois contre la réformeterritoriale de Nicolas Sarkozy. À l’époque, les par le -mentaires socialistes dénonçaient la création duconseiller territorial, destiné à remplacer à terme lesconseillers régionaux et les conseillers généraux, unetentative de « recentralisation ». Comme il l’avait promis,François Hollande a abrogé ce texte. Exit le conseillerterritorial. En attendant la future organisation territorialeet surtout les modes de scrutin, les élections régionaleset cantonales, qui devaient avoir lieu en 2014, sontreportées à 2015.D’ici là, François Hollande va devoir passer du flou à lalumière. Les maires, les présidents de conseils régionaux et généraux (pour la plupart estampillés socialistes)s’impatientent et commencent même à grogner.L’annonce de la création d’un Haut Conseil des territoiresa été saluée. Le principe d’un « Pacte de confiance »avec les élus locaux va aussi dans le bon sens. Toutcomme la promesse d’un allégement des normes (ellesseraient au nombre de 400 000), plébiscitée. Ils ontbien entendu aussi que le Président ne souhaitait passupprimer un échelon. Voilà le département sauvé !Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, dela Décentralisation et de la Fonction publique, l’avouesans détour : « Ça, je ne sais pas faire ! »Certes, mais qu’en adviendra-t-il du « mille-feuilleterritorial » ? Les élus locaux savent que l’exécutif est en quête d’économies. Ils attendent l’addition. Ils saventque le temps des embauches (482 400 postes en dix ansquand l’État en supprimait 114 400) est derrière eux.Autre point d’inquiétude : les ressources des collectivitéslocales. François Hollande reste évasif sur les contoursde la future réforme de la fiscalité locale. Et les mairessavent déjà que leurs dotations sont revues à la baissepour 2013, 2014 et 2015. Le Président n’a, en fait, guèreles moyens de faire plaisir aux élus locaux. Les in dis -pensables économies et la réforme de l’État, que lePrésident appelle de ses vœux, passeront à coup sûr par la décentralisation.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

www.lhemicycle.com NUMÉRO 456 — MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012 — 2,15 ¤

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Le congrès qui s’ouvre aujourd’hui s’inscrit dans une démarcheprospective pour tracer les perspectives d’une nouvelle législaturequi annonce une année 2013 marquée par une nouvelle étapede la décentralisation. L’ambition qui anime ce congrès est de donner aux élus les clés de ce monde en mutation. > Lire p. 6 à 9.

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ChristianEstrosi

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FrançoisRebsamen

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Du flouà la lumière

95e Congrès de l’AMF

Les territoires, acteursd’un monde en mutation

Dossier

Au sommaire • Prix de la viande : les marges de la distribution reviennentau menu > p. 4 et 5 • Le pourquoi et le comment de la transitionénergétique > p. 19 • Mobiliser toutes les sources d’énergie > p. 20 •

Comment être un acteur du développement régional quand on s’appelleTotal ? > p. 21 • Développement durable : Ecofolio : unemission d’intérêt général > p. 24 • Le recyclage du papier :priorité de la politique des déchets > p. 25 • L’admiroir :Chantal Jouanno, les Médicis et les Illustres du Sénat > p. 26

Numérique et Territoires

DR

ÉditoBruno Jeudy

Le numérique est une opportunité d’attractivité et de compétitivitépour les collectivités. Personne n’en doute. L’enjeu est désormaisde garantir l’accès aux technologies dans les meilleures conditions.Et d’inventer les services de demain les mieux adaptés aux citoyenset au développement des territoires. L’Hémicycle et SFR ont coproduitet coécrit ce cahier spécial « Numérique et Territoires » pour enrichirla réflexion à l’occasion du Congrès de l’AMF et vous faire profiterde ce partage d’expériences. > Lire p. 11 à 18.

L’Hémicycle estpartenaire du 95e

Congrès des maireset des présidents decommunautés de France

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Le président de la République a reçu le 30 octobre les maires des grandes villes ainsi que les présidents de grandesagglomérations. Plusieurs mairesUMP n’ont pas signé la déclarationcommune, pour condamnernotamment le désengagementfinancier de l’État dans les collectivités. Ont-ils eu tort ? Je regrette cette attitude qui n’est pasconstructive et qui ne correspondpas à la réalité de la situation.Le désengagement financier de l’Étata été la marque du quinquennat pré -cédent : transferts de compétencesmal compensés, gel des dotationsde l’État, engagements non tenusdes contrats de plan, dettes enversles départements non remboursées.En cinq ans, les collectivités ont étéasphyxiées financièrement au pointqu’elles ont dû réduire leurs effortsd’investissement de 73 à 70 %, augmenter leur endettement de 3 %,revoir à la baisse leurs capacités d’au to financement et diminuer leursattributions de subventions. Les éluslocaux n’ont pas cessé d’être stig-ma tisés par l’ancien président de laRépublique, ils ont été fragilisés parune réforme territoriale mal penséeet recentralisatrice, et leur autonomiefinancière a été amputée par la com-pensation tardive de la suppressionde la taxe professionnelle et une fis -calité locale sans visibilité. À l’inverseFrançois Hollande, lors de son dis-cours de campagne présiden tielle àDijon, le 3 mars, a affirmé sa volonté

de renouer le pacte de confiance etde croissance entre l’État et les élus.Lors des états généraux de la démo -cratie territoriale, le 5 octobre dernier,le président de la République a reditson attachement aux collectivitésterritoriales, basant son programmeen matière de décentralisation sur 4 principes : la confiance, laclarté, la cohérence, la démocratie. Néanmoins, dans la situation où se trouve notre pays, il est normal quel’ensemble des acteurs de la puis-sance publique participe à l’effortde redressement. C’est pourquoi legouvernement souhaite réduire la

dotation de fonctionnement des col-lectivités pour la période 2013-2015.Il n’y aura pas d’impact sur 2013et la baisse sera de 750 millionsen 2014 et 750 millions en 2015.C’est sans commune mesure avec les10 milliards sur cinq ans que pré -voyait le candidat Nicolas Sarkozy,auxquels devait s’ajouter une RGPPimposée à marche forcée aux éluspour les fonctionnaires territoriaux.

Quelle est votre analyse sur les projets du gouvernement pourcette 3e vague de décentralisation ?Pour le moment aucun texte n’a étésoumis au Parlement.

Nous connaissons les principes quiguident le gouvernement. Ils sontdictés par les déclarations du prési-dent de la République et sa fibre dé -centralisatrice ne fait aucun doute.Il a été suffisamment longtemps élulocal, maire d’abord, président deconseil général ensuite : il connaîtles territoires, leurs potentialités etleurs capacités d’innovation.Il a pu mesurer l’efficacité de l’actionlocale basée sur la proximité et laconnaissance du terrain. Il est convaincu que la réforme de l’Étatpasse par une nouvelle étape de la décentralisation.

À vouloir tout faire et se mêler detout, l’État perd de son efficacité. Ildoit se concentrer sur ses missionsrégaliennes et laisser les collectivitésagir dans les compétences qui sontles leurs. Le projet de loi de dé cen-tra lisation définira des blocs de com-pétence pour chaque niveau de col-lectivité et il donnera aux élus unevisibilité et une stabilité sur leursressources. Il devra aussi supprimerles doublons État-collectivités, etréduire le maquis des normes en les simplifiant et les diminuant. Ce dernier point est d’ailleurs uneattente importante révélée dans lesréponses aux questionnaires des

états généraux de la démocratie territoriale et que Jean-Pierre Bel, le président du Sénat, a entendupuis qu’une proposition de loi duSénat va être déposée dans ce sens.Ce nouvel acte de décentralisationsera le symbole de la confiance retrou-vée entre l’État et ses collectivités.

Craignez-vous une concurrenceentre grandes collectivités ?Qui doit gouverner les conférencesterritoriales ?Je parlerai plutôt d’une émulationstimulante pour accroître l’attracti -vité et le dynamisme des territoires.D’ailleurs, la clarification des compé-tences, la mise en place de chefs defile, le droit aux expérimentationsper mettra la complémentarité et non la concurrence. Qui plus est,dans le contexte de crise actuel, nousne pouvons pas nous offrir le luxed’opposer les collectivités entre elleset les collectivités territoriales et l’État. La décentralisation ne se ferapas au détriment de l’une ou l’autre.Régions et métropoles ne s’opposentpas, elles se conjuguent, Régions etdépartements se complètent et laconcurrence entre ces deux collec-tivités est totalement dépassée, lesdépartements ont en charge les soli-darités sociales et territoriales, et re -connaissent le rôle de stratège dévoluaux Régions sur l’économie, l’inno-vation, la recherche, la formation.Les conférences territoriales, qui vont être créées dans la logique desconférences d’exécutifs, veilleront à

l’articulation optimale des compé-tences transférées ou déléguées. Lagouvernance territoriale est un élé-ment essentiel pour la coordinationet la complémentarité des stratégiesdes différents niveaux de collecti -vités. À titre personnel je pense quela Région a la légitimité pour prési -der les conférences territoriales, dans les quelles doivent siéger lesdépartements, les agglomérationset les EPCI ruraux ; mais le débat estouvert, il appartient au Parlementd’en débattre et d’en décider.

Qu’attendez-vous du Congrèsdes maires de France ? Je souhaite que ce grand rendez-vousde la démocratie locale soit l’occa-sion pour le gouvernement de ré -affirmer sa volonté de renforcer lepacte de confiance entre l’État et les collectivités, élément détermi-nant pour le redressement de notrepays. Les maires doivent sortir de ce congrès rassurés sur l’avenir deleurs communes, petites ou grandes,communes rurales ou futures métro -poles, confortés dans leurs missionset dans leur rôle, et confiants dansle respect des engagements que leprésident de la République et songouvernement prendront à leurendroit.De tous les élus de la République, lesmaires sont ceux que les Françaisapprécient le plus. Il est temps quel’État partage cette reconnaissance.

Propos recueillispar Thomas Renou

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Agora

FRANÇOIS REBSAMENSÉNATEUR-MAIRE DE DIJON,PRÉSIDENT DU GROUPE SOCIALISTE AU SÉNAT

Selon François Rebsamen, la troisième vague de décentralisation préparée par l’exécutif sera « le symbole de la confiance retrouvée entre l’État et ses collectivités ». Dans le débat qui est né pour savoir quelle collectivité présidera les futures « conférences territoriales », le sénateur-maire de Dijon prend position.

«La Région a la légitimité pour présider les conférences territoriales,dans lesquelles doivent siéger les départements, les agglomérations

et les EPCI ruraux. Il appartient au Parlement d’en décider »

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«L’ÉTAT PERD DE SON EFFICACITÉ.IL DOIT SE CONCENTRER

SUR SES MISSIONS RÉGALIENNES »

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Le président de la République a demandé aux maires des grandes villes et agglomérationsde participer au « redressementde la France ». Vous n’avez pas signé la déclaration communeÉtat-territoires. Pourquoi ?Avec Alain Juppé, maire de Bor-deaux, Jean-Claude Gaudin, séna-teur-maire de Marseille, et AndréRossinot, maire de Nancy et prési-dent de la communauté urbaine duGrand Nancy, nous ne partageonspas l’esprit général de la déclarationcommune État-territoires.Comme l’ensemble des maires etprésidents de structures intercom-munales, nous sommes tous trèsengagés en matière de développe-ment économique, de solidarité, de politique de l’habitat ou dedéveloppement durable et noussommes déterminés à continuer à investir dans ces domaines et àsoutenir l’emploi local et donc l’emploi de notre pays. Cependant,il nous est impossible de signer cette déclaration en l’état, sans avoir davantage d’éclaircissements,notamment sur l’engagement nu -méro 13, relatif au pacte financierde confiance et de responsabi litéentre l’État et les collectivités. Eneffet, nous sommes contraints deconstater que les mesures prisesactuellement par le gouvernementet notamment celles contenues dans le projet de loi de financespour 2013 sont en totale contra-diction avec l’objectif du titre III dela déclaration consistant à préser vernos capacités d’investissement.

La défiscalisation des heures sup-plémentaires et l’augmentation destaux de cotisation pour la retraitedes agents territoriaux, l’annoncedu gel des dotations aux collecti -vités territoriales et la montée enpuissance du fonds de péréqua-tion intercommunale, tout commela modification des rythmes sco-laires et la scolarisation dès 2 ansinduisant des charges nouvelles,ont et auront naturellement delourdes conséquences sur le bud getde nos collectivités.L’augmentation de ces postes dedépenses, imposée par les déci-

sions gouver nementales dans nos bud gets de fonctionnement,aura na turel lement pour consé -quence de baisser nos marges d’investissement.Nous appelons donc l’État à pré-ciser le projet de loi de réforme dela décentralisation renforçant lefait urbain et la métropolisationet à renforcer l’équilibre du pactequ’il nous propose en prenant desengagements fermes sur le soutiende l’État aux collectivités afin denous permettre de continuer àinvestir pour nos concitoyens.

Vous pointez le désengagementfinancier de l’État. Les élus locauxsouhaitent que soit créée

une Agence de financementdes collectivités locales.Y êtes-vous favorable ?Depuis son lancement par le gou-vernement de François Fillon etNicolas Sarkozy, le projet de créa-tion de l’Agence de financementdes collectivités locales est unevéritable ambition nécessaire etdépassant tout clivage politique.Malgré la difficulté du gouverne-ment à « passer le pas », malgré latrop lente venue au monde de cetoutil, la mobilisation des collec-tivités ne faiblit pas et leur attentene fait qu’augmenter.

Bien sûr, la conjoncture actuelle rend l’Agence encore plus nécessairequ’elle ne l’était il y a encore un an,lorsque les collectivités parvenaientencore à lever les volumes nécessairesà leurs investissements. Bien sûr,l’intérêt économique et le succès de ces structures en Europe du Nordne peuvent qu’inciter à franchir lecap en France. Mais cette agence estaussi un gage de solidarité entre collectivités, permettant aux petitescollectivités d’accéder aux marchésobligataires en bénéficiant de la visibilité des plus grosses, et aux plusgrosses de pérenniser leurs investisse-ments en contribuant par la mêmeoccasion au renforcement de la cohé-sion territoriale.

J’attends du gouvernement qu’ilclasse ce dossier dans ses priorités.C’est un texte facile à voter grâceà son caractère transpartisan.

Ne pouvez-vous avoir cette attitudeconstructive sur d’autres sujetsavec la nouvelle majorité ?Je suis un membre de l’oppositionsans concession face à une majoritésocialiste bien décidée à mettre enœuvre un programme qui entraî -nera notre pays vers la faillite.Lorsque le gouvernement demandede voter le traité européen signé parNicolas Sarkozy, alors je lui apportemon soutien. S’il décide demaind’appliquer le rapport Gallois jepourrais lui apporter aussi monsoutien. Mais alors, s’il applique le programme de Nicolas Sarkozy,il devra présenter des excuses ànotre ancienne majorité.En tant que vice-président de l’Asso ciation des maires de France,je travaille avec des élus de gauchecomme de droite sans aucune dif-férence. Lors de notre rencontreavec le président de la République,nous avons tous dénoncé le ma -traquage fiscal des collectivités.

Qu’attendez-vous du Congrèsdes maires de France ?J’attends que le gouvernementécoute les élus locaux. J’avais ludans la presse que François Hol-lande hésitait à venir par peurd’être hué par les maires de France.Sa stratégie de matraquage etd’essorage des finances des collec-tivités locales, qui se ressent sur la

fiscalité des citoyens, est insuppor -table pour les élus locaux.Ce congrès des maires doit être unsignal d’alarme supplémentairepour le gouvernement. Ce gouver -ne ment n’a pas de cap et laisse notrepays à la dérive depuis six mois.

Vous souhaitez « conquérir oureconquérir les territoires perdus »en France par la droite, mais est-cepossible ? Une grande formationde centre droit ne peut-ellepas vous faciliter la tâche ?Dans les trois années qui arriventvont se succéder les élections mu -ni cipales, cantonales, régionaleset européennes.C’est pour ces élections que l’UMPdoit démontrer sa capacité à gou-verner. Pour atteindre cet objectifde reconquête notre famille doitêtre rassemblée. L’UMP est le grandparti de centre et de droite de notrepays. C’est pour cette raison que je me suis engagé aux côtés deFrançois Fillon car il était le seulcandidat capable de rassembler surnotre gauche et sur notre droite.Notre tâche est de reconquérir les territoires de France que nousperdons depuis 1995.Pour atteindre cet objectif, nousmettrons en place un pôle re -conquête qui sera dédié à cesbatailles électorales.La gauche est en train d’envoyernotre pays dans le mur et nousdevons nous y opposer de toutesnos forces et par tous les moyens.

Propos recueillispar T.R.

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Selon Christian Estrosi, le président de la République « n’écoute pas les élus ». Reçu par François Hollande, le 30 octobre, il a refusé, comme quatre maires de grandes villes de droite,de signer la déclaration commune État-grandes villes et agglomérations.

«La stratégie de François Hollande de matraquage et d’essoragedes finances des collectivités locales, qui se ressent sur la fiscalité

des citoyens, est insupportable pour les élus locaux »

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CHRISTIAN ESTROSIDÉPUTÉ-MAIRE DE NICE, PRÉSIDENT DE LA MÉTROPOLE NICE CÔTE D’AZUR

«NOUS APPELONS DONC L’ÉTATÀ PRÉCISER LE PROJET DE LOI DE

RÉFORME DE LA DÉCENTRALISATION »

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Pneus, fumier et parpaingsbloquent l’entrée de l’hyper-marché Carrefour Saint-Serge,

près d’Angers, ce vendredi 5 octobre.« Les producteurs sont dos au mur, lagrande distribution au pied du mur »,proclame une banderole. Confron-tés à la hausse de leurs charges, leséleveurs des Pays de Loire et de Bretagne enchaînent les opéra-tions « commando » depuis la finseptembre. Les syndicats d’agri -culteurs du Maine-et-Loire n’ontpas l’intention de fléchir : « Nouseffectuons des blocages de super-marchés tous les week-ends. Lorsquel’on contacte les sièges pour négocier,la plupart acceptent de discuter avantmême le début des opérations », relateJean-Marc Lézé, président de laFédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles(FDSEA) du Maine-et-Loire.L’objectif des éleveurs : obtenir desgrandes enseignes de distributionune renégociation des prix devente, comme le prévoyait unaccord signé par toutes les parties,le 3 mai 2011, en cas de flambéedes matières premières. Pour laFNSEA, les seuils d’alerte tels quedéfinis dans cet accord sont dé -passés depuis le mois de juillet.« Cet accord, conclu sous l’égide duprécédent ministre de l’Agriculture,Bruno Le Maire, n’a, pour ainsi dire,jamais été appliqué, abonde GuyVasseur, président de l’Assembléepermanente des chambres d’agri-culture (Apca). Il faut se remettreautour de la table, sous la responsa -bi lité des pouvoirs publics, puisquec’est sous leur responsabilité que cetaccord a été signé. »Pour les éleveurs, les données duproblème sont simples : les alimentsde base des animaux d’élevage,

composés essentiellement de cé ré -ales et de soja, représentent environ60 % du coût de production de laviande. Or, depuis un an, les coursdes matières premières ont litté -ralement flambé sur les marchésinternationaux : +23 % pour le maïs en octobre sur un an glissant,+43 % pour le blé, +32 % pour le soja. Et, sur la même période, le prix de vente de la viande, lui, n’a pas suivi la même tendance : le prix de la boucherie en rayons dans les grandes et moyennes sur-faces (GMS) a progressé de 5,4 %.Celui de la volaille en libre-servicede 0,05 %.

Afin de préserver leurs revenus, leséleveurs réclament que les prix devente au détail soient relevés, afinqu’eux-mêmes puissent vendre plus cher aux abattoirs et autresintermédiaires (entreprises laitières,transformateurs, salaisonniers pourle porc), sans que ceux-ci aient àrogner sur leurs marges. « En faisantcette action, on a donné un coup de main aux transformateurs pourqu’ils puissent augmenter leurs prixd’achat. Eux ont plus de difficultés que nous à discuter de façon ferme avec la distribution car ils prennent le risque de se faire déréférencer »,souligne Jean-Marc Lézé.

Une situation d’étranglementLa filière porcine est en situationcritique. Le prix de la viande enrayons a certes légèrement aug-menté ces derniers mois, mais pas suffisamment pour compenserles hausses de coûts de produc-tion, affirment les représentantsd’éle veurs. « Il faudrait une haussed’au moins 15 à 20 centimes le kilopour retrouver un minimum de ren -tabilité », estime la Coordinationrurale (CR), un syndicat agricoleindépendant.Mais c’est sur la volaille que la pression est la plus forte. Ce queréclament les éleveurs : « 16 % dehausse, soit quelque 10 centimes dukilo pour absorber la hausse des ali-ments volaillers ces derniers mois »,précise M. Lézé. Mais « la grande dis tribution refuse de passer les aug-mentations nécessaires vis-à-vis de la transformation. Pire, en novembre,il y a eu une baisse du prix d’achat de la volaille, qui ne s’explique pas et qui est injustifiable », s’alarme Guy Vasseur.Affectés par la hausse des matièrespremières mais aussi par la concur-rence étrangère, les éleveursporcins et les volaillers sont deplus en plus nombreux à jeterl’éponge. Résultat : la production

française est en recul. Les volumesde porc « made in France »devraient baisser de 3 % cetteannée et de 5 % à 6 % en 2013,affirme la Fédération nationaleporcine (FNP). La production devolaille s’est quant à elle stabiliséeau premier semestre mais les éle -veurs s’inquiètent de l’augmenta-tion des importations de poulet(lire encadré), tandis que la pro -duction nationale d’œufs et de pintades recule inexorablement.Guy Vasseur, qui représente leschambres d’agricultures, se dit trèspessimiste : « Les marges sont faibles,les éleveurs n’investissent plus. C’estune situation d’étranglement. Pournous les choses sont claires : si lapression est trop forte, ils vont dis-paraître. » Dans un communiquédu 29 octobre, le Syndicat natio -nal de l’industrie de la nutritionanimale (Snia) adopte le même toncatastrophiste : « Un pan entier del’économie est en train de se fissureret menace de s’écrouler, entraînantavec lui la disparition de dizaines demilliers d’emplois et la dévitalisationdes campagnes françaises. »L’organisation professionnelle s’inquiète en particulier d’une augmentation des retards depaiements qui grèvent les comptes

Prix de la viande : les marges de la d

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Dossier

Facteur aggravant pour lesvolaillers français, notre

poulet national est désormaisfortement concurrencé par lespoulets européens, principale-ment allemands, belges ou hol-landais. Dans une note datée de septembre 2012 de l’Agreste,le service des statistiques duminis tère de l’Agriculture, del’Agro alimentaire et de la Forêt,on apprend que « l’excédent des

échanges de viande de poulet de laFrance ne cesse de diminuer depuis2000 ». Entre 2000 et 2011, cetexcédent a été divisé par quatre.C’est un fait, aujourd’hui, « unquart des poulets de chair consom-més en France est importé », résumeThierry Pouch, économiste del’Apca. Et c’est avec nos voisinseuro péens que notre situation sedégrade le plus : « Sur son marchéintérieur, la France est concurrencée

par la Belgique, les Pays-Bas et l’Alle-magne, qui représentent 69 % desimportations de viande de poulet »,précise l’Agreste. Le poulet bleu-blanc-rouge peut-il relever la tête ?Depuis 1997, l’appétit des Fran -çais pour le poulet est resté aubeau fixe, autour de 1,5 millionde tonnes. Mais durant la mêmepériode, la production hexa gonales’est contractée, passant de 2,2 à1,8 million de tonnes par an.

Une nouvelle flambée des prix des céréales étrangle les éleveurs, qui réclament une hausse desprix de la viande. Un an et demi après un premier accord entre représentants de la distribution,de l’élevage et de la transformation, le gouvernement remet le couvert avec les mêmes invités,ce 21 novembre. Par Tatiana Kalouguine

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Le poulet français bat de l’aile

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des éleveurs. « En production porcine,ces retards représenteraient 10 % duchiffre d’affaires des fabricants à finoctobre 2012 », observe le Snia,pour qui 35 % des encours chez les éleveurs sont « particulièrementpréoccupants ».

Retour à la tabledes négociationsMontrée du doigt, la distribution estmoins diserte sur ces questions.Serge Papin, président de Système U,n’est cependant pas prêt à endosserle rôle du bouc émissaire. « Si cetterevendication est justifiée, il faut en discuter, concède-t-il. L’augmentationdes cours des céréales représente for -cément un coût à répercuter, et je tiens à préciser que Système U a été la seule enseigne à augmenter les prixde la volaille cet été. »Toutes les chaînes d’hypers n’ontpourtant pas réagi de la mêmefaçon depuis le début de la grogne,au printemps dernier. « Certaines ontmontré un esprit d’ouverture, maisd’autres, comme Leclerc, ne mettent en avant que le pouvoir d’achat desconsommateurs, sans prendre encompte la situation des producteurs.Ils se comportent en cow-boys ! »s’énerve Guy Vasseur. Contactéepar la rédaction de l’Hémicycle, ladirection de Leclerc n’a pas donnésuite à nos demandes d’interview.Pour ces distributeurs réfractairesaux hausses de prix, il va pourtantfalloir se remettre à la table desnégociations. Un an et demi aprèsle premier accord infructueux, leministre de l’Agriculture, StéphaneLe Foll, a annoncé la tenue, ce21 no vembre, d’une table rondesur les relations commerciales entreproducteurs, transformateurs etdistributeurs. Avec pour objectifaffiché d’améliorer les relationscontrac tuelles dans les filières animales. « Franchement, en France,il y a de quoi amé lio rer les choses »,constatait le ministre le 4 octobre,lors du Sommet de l’éle vage à Clermont-Ferrand, comparant lespratiques françaises et euro -péennes.Guillaume Garot, ministre déléguéchargé de l’Agroalimentaire, se dit lui aussi favorable à une remiseà plat de l’accord de 2011 : « Cetaccord n’est pas satisfaisant, carincomplet. Il ne fixe aucun terme à la négociation », déclarait-il enoctobre dans l’Usine Nouvelle.Mais l’annonce d’une nouvelle réu-nion laisse déjà certains sceptiques.Débouchera-t-elle cette fois sur desengagements contractuels ? « Il y adéjà un accord, il faudrait commencerpar l’appliquer, objecte Guy Vasseur.La loi de modernisation de l’économien’a rien changé des rapports entre les producteurs, transformateurs et

distributeurs. Nous attendons des pouvoirs publics qu’ils fassent res -pecter un équilibre entre les troisacteurs et qu’il n’y en ait pas un qui écrase les autres. »

De nouvelles donnéessur les marges des GMSL’Observatoire de la formation desprix et des marges des produits ali-mentaires, créé par le ministère del’Agriculture et FranceAgriMer etdirigé par l’universitaire PhilippeChalmin, démontrait dans son pre-mier rapport annuel, en juin 2011,un très clair basculement du rap-port de force en faveur des distri -buteurs au cours de la période 1998-2011. L’auteur notait en particulier« une augmentation de 6 points de lapart de la marge brute agrégée [de latransformation à la distribution,NDLR] et une réduction équivalentede la part de la matière première »,dans la filière bovine. À partir dela mi-2010, la marge des GMS s’eststabilisée, quand celle des trans -formateurs a décru. Concernantles éleveurs de bovins, le rapportnotait « une nette diminution durésultat courant avant impôts, liée àune certaine stagnation des prix desbovins alors que les charges d’élevage(alimentation, autres consommationsintermédiaires) augmentent » depuis2002. Et concluait que « le supplé-ment notable de recettes apporté parles aides directes ne permet de couvrirque partiellement la rémunération du travail familial calculée sur labase de 1,5 Smic ».Dans son rapport remis le 13 no-vembre dernier, l’Observatoire démontre que la part de la valeurajoutée revenant à l’agriculturesur 100 euros de dépenses alimen-taires est de seulement 7,60 euroscontre 11 euros aux industriesagro alimentaires, et 21 euros auxdistributeurs. Si les enseignes dedistribution enregistrent des margesnettes négatives dans la boucherie,elles se rattrapent sur la charcu -terie et la volaille. Cette dernièreleur procurant une marge nette de 5,90 euros pour 100 euros dechiffre d’affaires, la plus élevée descinq étudiés. L’Observatoire estparvenu à décortiquer la forma-tion des prix pratiqués dans lesrayons des distributeurs, de lamarge brute à la marge nette, ense fondant sur les déclarations desept enseignes – Carrefour, Casino,Leclerc, Auchan, Intermarché,Système U, Cora – qui ont acceptéde partager leurs données : coûtd’achat des produits, frais de personnel, maintien des rayons,foncier…De quoi aller vers plus de transpa-rence, même si des améliorationspeuvent encore être apportées.

Vous voulez alerter le publicsur la « situation d’urgence » queconnaissent les éleveurs français.Comment en est-on arrivé là ?Pour la première fois, les sourcesprotéiques et énergétiques néces-saires à l’alimentation animale ontsimultanément vu leurs prix dou-bler en l’espace de quelques mois.C’est une situation inédite et dra-matique, et l’on peut comprendreque tous les opérateurs de la filière,des éleveurs jusqu’aux distributeurs,aient été surpris et déboussolés parcet ouragan que personne n’avait vu venir. C’est difficile à acceptermais c’est pourtant arrivé, et celadure. Il faut donc maintenant enprendre acte, car si l’on refuse deprendre en compte cette nouvelledonne, c’est la mort de l’élevage.

Comment pouvez-vous êtreaussi affirmatif ?Le Snia est idéalement placé pour

observer ce qui se passe. La produc-tion d’aliments composés pouranimaux est un excellent indica-teur de la bonne santé de l’élevaged’un pays. Depuis toujours, laFrance était le premier producteurd’aliments composés pour ani-maux en Europe, ce qui reflétaitson leadership. Or, depuis dix ans,nous constatons chaque annéeun recul de nos ventes d’aliments(-15 % sur la période). Et voilà que,il y a deux ans, nous avons perdunotre leadership au profit de l’Alle-magne. De l’autre côté du Rhin lacroissance est là, et la productionde produits carnés augmente.

Ce déclin est-il le résultatd’une perte de compétitivité ?Tout à fait. L’élevage français est néd’une forte demande intérieure,mais parallèlement nos produc-teurs en avaient profité pour sedévelopper à l’export. Or, depuis

quelques années, la tendance s’estcomplètement inversée. Les éle-vages ne se créent plus, voiredisparaissent. La consommationfrançaise reste forte mais on im -porte de plus en plus de viande.Plus grave : dans le monde, la consommation de viande explose– la FAO prévoit un doublement de la demande d’ici à 2050 –, et laFrance est en train de passer à côtéde ce marché alors qu’elle disposedu savoir-faire, de la géographie, duclimat et des infrastructures.

Quelles sont les conséquencessur les entreprises de votre secteur,la production d’alimentationanimale ?La santé de notre professiondépend de celle des éleveurs, quisont nos clients. Nos prix dépendentà 80 % des cours fluctuants desmatières premières, nous n’avonsdonc quasiment aucune marge demanœuvre quand le prix du blédouble : nous n’avons pas d’autrechoix que de le répercuter sur leséleveurs. Donc, s’ils n’ont pas lesmoyens d’acheter nos produits,nous n’existons pas.

Dans un communiqué vousréclamez « un plan d’aide massif »pour les éleveurs. Qu’attendez-vousconcrètement du gouvernement ?Pour que les éleveurs puissent vivrede leur métier il faut que les prixde vente augmentent et que le consommateur accepte une aug-mentation du prix des produitsd’élevage. Ceci est indispensable sil’on veut préserver l’agriculture etles emplois français. Cela engage lemonde de la distribution, mais aussiplus largement tous les citoyens.Il faut ensuite aider les éleveurs à restructurer leur exploitationpour rester compétitifs. Mais il estdevenu très difficile de se mettreaux normes car il y a beaucouptrop de freins administratifs etréglementaires. À titre d’exemple,lorsque l’on souhaite installer uneactivité, le déclenchement d’uneenquête publique se fait à partird’une surface de 400 mètres carrés.En Allemagne, ce seuil est cinq foisplus élevé. Il est donc urgent delever ces barrières qui rendent pré-caire et hasardeux le développe-ment des élevages et l’installationde jeunes agriculteurs.

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a distribution reviennent au menuDossier

« Le consommateur aussi doitaccepter une augmentation du prix des produits de l’élevage »

ALAIN GUILLAUMEPRÉSIDENT DU SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIEDE LA NUTRITION ANIMALE (SNIA)

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95e Congrèsde l’AMF

Le monde bouge… les territoiresen sont les acteurs !

« Des paroles aux actes ! »Au cours du Congrès de l’AMF, André Laignel, secrétaire général de l’association, fera le point sur les actionsmenées depuis un an. S’il considère que l’acte III de la décentralisation sera une étape nouvellepour les collectivités, il craint leur étouffement financier et réclame plus d’audace !

À l’occasion du Congrès de l’AMF, Jacques Pélissard, son président, évoque pourL’Hémicycle, partenaire de cet événement annuel, les sujets d’actualité : partenariat entre l’État et les collectivités, gouvernanceinfrarégionale, mutualisation des moyens, Agence publique de financement et unité de l’AMF.Pourquoi avoir choisi cette année la thématique « Les territoires,acteurs d’un monde en mutation », à l’occasion du 95e Congrès des maires ?Notre société évolue et l’adaptationdes territoires à ce monde en muta-tion nous semblait cette année unethématique importante et d’actu-alité. Les contraintes actuelles sontvécues chaque jour par les maires.C’est important de réfléchir, dansun congrès comme celui-là, auxremèdes que l’on peut apporter,d’autant plus qu’une nouvelle lé -gis lature a commencé.

Comment espérez-vous voirassocier les communes à l’acte IIIde la décentralisation ?L’État décide parfois seul et il fautqu’en amont les collectivités localespuissent engager une négociationavec l’État et un dialogue prenanten compte les aspirations respectives.

Il faut créer un vrai partena riat entre l’État et les collectivités locales,avec la mise en place d’un pacte de confiance. Le Haut Conseil desterritoires devra constituer cetteinstance de dialogue, de négociationet d’expertise associant les collec -ti vités territoriales à la préparationet au suivi des projets et proposi-tions de réformes ayant un impactterritorial. Cela passe aussi par lamise en place d’une gouvernanceinfrarégionale facilitant cette co -cons truction avec l’État pour unebonne répartition des compétences.

Qu’espérez-vous de l’interventiondu chef de l’État ?J’espère plusieurs choses, et certainsdossiers sont urgents. L’État doitfaire confiance aux collecti vitéspar le biais de l’Agence publique de financement pour que le créditsoit moins coûteux et que chaquemaire puisse continuer d’investir.

Une autre demande, qui j’espèresera satisfaite, porte sur la réductiondes normes et l’étude de l’impactfinancier de chacune d’entre elles.

Je vous donne un exemple : lanorme sur l’amiante a encore étéaggravée cet été. Cela crée des coûtssupplémentaires que les collecti vités

ont du mal à assumer. Un autredossier qui me tient à cœur est celuide la mutualisation des moyenspour permettre une meilleure effi-cacité des dépenses publiques.Le président de la République, àl’occasion de son discours du5 octobre dernier en Sorbonne, adéjà apporté des réponses positivesà certaines demandes : instaurationd’un pacte de confiance entre l’Étatet les collectivités territoriales, droità l’expérimentation, améliorationdu statut de l’élu, création du HautConseil des territoires.

Quelle sera la gouvernanceque vous souhaitez pour l’AMF ?L’unité de l’AMF est un élémentessentiel de la force de notre asso-ciation. Quel que soit le gouver -nement nous devons rester unis. Je suis le garant de cette unité.

Propos recueillispar Joël Genard

Quel bilan tirez-vous de cette annéeécoulée depuis le dernier Congrèsde l’AMF ?L’année qui s’est écoulée depuis ledernier Congrès est une année contrastée. Depuis juillet nous avons un nouveau gouvernementqui lance beaucoup de chantiers.Celui de l’intercommunalité a été un gros dossier sur les six premiersmois de l’année. Il reste toutefois untiers des départements sans sché-ma départemental. Et même dansceux où il y en a un, cela ne veutpas dire qu’il se mettra facilementen œuvre. Toute cette procédure aeu un immense défaut. Passez-moil’expression berrichonne, mais onnous a demandé d’acheter un lièvreen sac ! On a redessiné des inter -communalités sans qu’il y ait lamoindre simulation financière. Ilrisque d’y avoir beaucoup de sur -prises. Cela conduira dans certainscas à des baisses de dotations.

L’AMF est sur tous les fronts et il ne peut y avoir de développementéconomique sans le concours descollectivités locales. C’est aussi l’avisdu chef de l’État. Nous sommesaujourd’hui dans une période oùnous exprimons nos souhaits auprèsdes pouvoirs publics en attendantles décisions et les choix politiques.

Comment voyez-vous évoluer les dotations dans ce contexte de crise ?Pour 2013, l’engagement du gou-vernement est que les dotations resteront strictement à l’identique.C’est-à-dire qu’elles seront gelées.Cela conduira à une perte de pou-voir d’achat de 2 % compte tenu de l’inflation. C’est d’ailleurs lapreuve que nous participons à l’effort demandé. Mais on ne peutresserrer le garrot sans cesse. C’esttoutefois moins grave que ce quiavait été annoncé par la précédente

majorité, qui prévoyait une ampu-tation des dotations de 2 milliardschaque année sur cinq ans.Il faut tenter de trouver des solu-tions différentes à celles proposéespar l’actuel gouvernement ainsi que des formes de compensationscomme des baisses de charges. C’estpourquoi les élus souhaitent unpacte de confiance avec l’État quileur apporte des garanties sur ladurée. La première question qui sepose est très clairement celle desavoir si l’on veut étouffer les capa -cités d’investissement des collecti -vités locales. En 2014, je prédis unebaisse importante des communes etcommunautés. L’intérêt nationaln’est-il pas de favoriser l’investisse-ment pour participer à la relance ?La seconde question est de savoir sil’on veut affaiblir le service publiclocal ? La nation ne gagnera pas àvoir fermer des services de proxi -mité. L’avenir sera fait de la réponse

à ces deux questions et j’entendsbien les poser lors de ce congrès.

Qu’attendez-vous de l’interventiondu chef de l’État ?Il faut des réponses de fond. Le pro -blème est de passer des paroles auxactes. Il semble, malheureusement,que parfois les vieilles habitudes aientla vie dure. Est-ce en continuant ànous appliquer ce garrot financier, enaffaiblissant nos capacités d’actionque nous pourrons contribuer avecle plus d’efficacité au redressementde la France ? Pour participer au re -nouveau, nous avons besoin quesoient levées les entraves. Il nous fautune liberté financière marquée parl’accès au crédit et l’autonomie fis cale.Nous réclamons aussi la libertéd’action qui nécessite moins detutelle et moins de normes. Cettenouvelle étape de décentralisationdoit être marquée par l’audace !

Propos recueillis par J.G.

Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France.

ANDRÉ LAIGNELSECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’AMF

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DécentralisationActe III

La gouvernance infrarégionaleet ses outilsLes récents états généraux de la démocratie territoriale et le 95e Congrès des maires et présidentsde communautés de France (du 19 au 22 novembre 2012) donnent au problème de la gouvernancelocale toute son actualité. D’autant que le projet de loi de décentralisation sera en discussion au Parlement au début de l’année prochaine. Quels sont les enjeux et les perspectives de cettequestion ? L’examen de plusieurs notions clés permet d’essayer d’y répondre. Par Éric Maulin

La première est la notion d’in-tercommunalité à fiscalitépropre. Confirmées par la

loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010,2 581 communautés regroupent, au 1er janvier 2012, 35 303 com-munes (96,2 %) rassemblant59,3 millions d’habitants (90,2 %de la population). L’objectif est deparvenir à une couverture complètedu territoire à la fin de l’année2013. Si cet objectif est aussi im -portant, c’est parce que sa réalisa-tion permet tra de ra tionaliser lesmoyens et de per fectionner la miseen œuvre des po litiques publiques.Comment ?Tout d’abord en définissant un cadre contractuel que le présidentdu Sénat, Jean-Pierre Bel, qualifie de « pacte de gouvernance territo -riale », qui sera conclu entre les collectivités et l’État, pour la duréed’un mandat, et centré autour d’unprojet de territoire. Ce pacte préci -sera les compétences et les inter-ventions respectives de chacun et identifiera un chef de file quiassumera la responsabilité princi-pale de sa mise en œuvre. JacquesPélissard, président de l’Associationdes maires de France (AMF), privi -légie pour sa part une gouvernanceinfrarégionale où les communes,les intercommunalités, les dépar -

tements et la Région seront partiesprenantes. La place des intercom-munalités dans ce dispositif est évidente : elles seront des acteurscentraux, agissant de manière coor-donnée avec l’échelon régional. Lecouple des intercommunalités etdes Régions semble ainsi s’imposercomme le cadre privilégié de cettenouvelle décentralisation.Le département, qui semblait me -nacé sous le gouvernement pré -cédent, sera cependant préservé.Conformément à ses engagements,le chef de l’État a confirmé revenirsur la création des conseillers ter-ritoriaux, qui devaient cumuler lesfonctions de conseillers générauxet de conseillers régionaux. Ce re -virement politique (par rapport àson prédécesseur) ne fait pourtantpas disparaître le sentiment d’uninexorable déclin du couple histo -rique de la commune et du départe-ment et d’un dynamisme de celui,mieux adapté au monde contem-porain, de l’intercommunalité et de la Région.

La responsabilité des collectivités chefs de fileAu nombre des notions pivots decette gouvernance infrarégionale,celle de « collectivité chef de file »occupe une place prépondérante.Afin de clarifier la répartition des

compétences entre les collectivités,et sortir de l’émiettement que gé -nère le mille-feuille administratif, il est envisagé de préciser la respon-sabilité d’un chef de file qui, pourchaque politique publique, per -mettra de rationaliser et d’accélé -rer le travail. La possibilité pourune collectivité d’être chef de file est déjà inscrite dans le texte de laConstitution (art.72), depuis 2003,mais sa mise en œuvre reste diffi-cile en raison, notamment, de l’interdiction pour une collectivité territoriale d’exercer, sur une autre,

une tutelle. Lors de son discoursaux états généraux de la démocra-tie territoriale, le chef de l’État adéclaré que l’objectif était à présent« d’identifier clairement la collectivitéresponsable d’une politique de façon à faire en sorte que toute autre collec -ti vité qui en aurait l’envie ne puisseintervenir que dans le cadre qui auraété fixé par l’autorité qui en a la com-pétence ». C’est reconnaître impli -ci tement la nécessité d’assouplirl’interprétation actuelle de l’in -terdiction des tutelles.

La responsabilitédes agglomérationsUne innovation particulièrementimportante consiste dans la recon-naissance du fait urbain et métro-politain. Lors d’un entretien avecles associations représentatives desagglomérations et des grandesvilles, le 30 octobre 2012, le chef de l’État a précisé que, dans laprochaine loi de décentralisation,le fait urbain et métropolitain serareconnu, notamment les métro -poles, aux compétences élargies parrapport aux pôles métropolitainscréés par la loi 16 décembre 2010.Il n’est cependant pas prévu detransformer les métropoles en collectivités territoriales, commele préconisait le rapport Balladur.Il est seulement envisagé de créerdes communautés métropolitaines

(à côté des communautés d’agglo -mération et des communautésurbaines), sur le fondement decritères de rayonnement définispar la loi, dont on peut penser qu’ilstiendront compte de la présenced’universités, de sièges sociaux degrands groupes ou d’organisationsinternationales, d’un CHU ou d’unaéroport international, d’un portindustriel ou de gares TGV.

L’élection au suffrage universeldes représentants des intercommunalitésLast but not least, l’élection desreprésentants des intercommuna -lités au suffrage universel direct.Dans son discours en Sorbonne du 5 octobre 2012, le chef de l’Étatrappelait que l’ampleur des respon-sabilités des intercommunalitésimplique que leurs représentantssoient désignés par le suffrage uni-versel, en même temps que les conseillers municipaux. Mais leprojet peut-il pleinement organiserune démocratie locale si les inter-communalités à fiscalité propre nesont pas transformées en collecti -vités territoriales ? Il est urgent derepenser la démocratie locale endémocratie de bassin de vie. Cettedimension est pour le momentabsente de l’intercommunalité,pourtant pièce maîtresse de la gou-vernance infrarégionale.

Intercommunalité à fiscalité propreLa notion d’intercommuna -lité est une notion générique

qui permet de regrouper toutes lesformes d’associations entre les com-munes pour répondre à des besoinsd’équipement, d’infrastructure, degestion des ressources en eau oud’assainissement, d’enlèvement des ordures, etc. Elles prennent des noms variables, qui répondentà des sous-catégories : syndicatsintercommunaux, communautésd’agglomération (loi du 12 juillet1999, dite Chevènement), com-munautés de communes (loi du6 février 1992), communautés ur -baines (loi du 31 décembre 1966)

et, prochainement sans doute,communautés métropolitaines.Toutes ces associations sont desétablissements publics de coopé -ration territoriale. Il faut cepen-dant distinguer ceux qui ont desressources propres – autrement ditune capacité à prélever directementl’impôt, sous la forme de centimesadditionnels aux impôts locaux –et ceux qui dépendent des dota-tions des communes qui en sontmembres. Il est bien évident que les intercommunalités à fiscalitépropre ont une plus grande au to -nomie et peuvent prendre des ini-tiatives. C’est pourquoi cette voie

est encouragée, surtout depuis la loi du 16 décembre 2010. Ces inter-communalités à fiscalité propre ne sont pas loin d’être des supra-communalités. Toutefois, la notionmême d’intercommunalité à fisca -lité propre soulève des questionspolitiques en raison du principeselon lequel il ne saurait y avoird’imposition sans consentementde la population. Le fait que lesintercommunalités ne soient pasdes collectivités territoriales et que leurs représentants ne soientpas élus au suffrage universel directles empêche d’avoir une réellelégiti mité démocratique.

Le Président François Hollande aux états généraux de la démocratie territoriale, les 4 et 5 octobre 2012.

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Àl’heure où l’environnementtechnologique prend le passur l’environnement tout

court, certains osent désormais parler d’« écologie industrielle ». Ils’agit en premier lieu de constaterle changement de paradigme. Sil’environnement au sens strict resteà protéger, les collecti vités territo -riales et les entreprises sont de plusen plus nombreuses à considérerque notre société technologique,qui suscite bien des inquiétudesquant à l’épuisement des ressourcesnaturelles, de la pollution, et descoûts générés par ce modèle de production, porte en elle-même sespropres solutions. De même que la nature crée à la fois le poison etl’antidote, la société technologiquedoit inventer son propre circuit in tégré de production. Un circuit quivalorise les sous-produits des acti -vités humaines, mutualise les trans-ports et suscite un développementlocal créateur d’emplois pérennes.Forcément un circuit court. Au planinternational, le mouvement des« territoires en transition » ou « ré -silients », lancé en Grande-Bretagneen 2006, favorise les échangesd’expériences pour construire unavenir moins vulnérable aux crises écologiques, énergétiques et éco nomiques1.La prise de conscience a été lentemais elle est venue du terrain, et sonsuccès croissant indique qu’elle apris racine. Depuis quatre ans,AgroParisTech2, Institut de recherchedes sciences et industries du vivantet de l’environnement, organiseune formation sur les circuits courtset, plus largement, sur le dévelop -pement local. Car l’objectif est deconcevoir une économie à la foisancrée dans le territoire et éco -nome en énergie et en empreinteécologique.À travers les déchets inhérents àleur mode de production, mais aussi leurs modes de transport(fleuve, route, rail), les entreprisessécrètent en effet ce qui s’apparenteà un « écosystème industriel ». Unenvironnement composé d’infra-structures de transports, de techno -logies et de sous-produits, qui peutlui-même être utilisé comme une

ressource renouvelable à l’infini.C’est le cas par exemple de « la sy -nergie des sables », proposée parl’association Orée3, qui permet ausable non épandable issu de bette -ravières d’être utilisé par une en -treprise de travaux publics. Chaqueentreprise économise ainsi un re -traitement (pour les betteravières)ou l’extraction de sable d’une carrière pour l’entreprise de tra -vaux publics. Un modèle souventreproductible.Raccourcir les circuits, c’est, pour les territoires et pour les entre -prises, gagner sur tous les tableaux.Préserver les ressources naturellesencore disponibles localement, parexemple des carrières, valoriser cequi n’est plus un « déchet » maisun « sous-produit », produire moinscher et mieux, réduire l’impact sur l’environnement. Et minorerle risque de délocalisation en tissantdes liens de production entre en -treprises voisines, dans des sec -teurs différents. Car le circuit court est avant tout alimenté par desressources non délocalisablespuisque générées sur le territoire.Même si, dans le circuit court – quilimite drastiquement le nombred’intermédiaires –, la réduction de la distance n’est qu’un critèreparmi d’autres. Une perspectivesécurisante depuis que la successiondes crises (immobilière, financière,économique), commencée en 2008,a révélé la fragilité d’un système to -talement dépendant de multiplesfacteurs : énergie, transports, entre-prises sans lien avec le territoire…D’où le succès des maraîchages de proximité, la mise en place defilières (pour le bois, le chanvre, lapierre…), et le recours aux entrepre-neurs du cru, dans le respect, biensûr, de la réglementation commu-nautaire à travers un cahier descharges bien rédigé.Le développement local passe, danscertains cas, par le soutien à des fi lières traditionnelles stimulées par l’innovation. C’est le cas dudéveloppement des éco-industrieset de la filière chanvre pour l’habi-tat en Poitou-Charentes, impulsépar le Conseil régional. En misantsur l’exemplarité dans les domaines

de l’écologie et de l’innovation, leterritoire a attiré des projets indus-triels : véhicules électriques, bâti-ments industrialisés, nouveauxmatériaux pour le bâtiment, tech-niques de chauffage… Sans oublierl’accompagnement financier : unebanque publique d’investissementdes PME a été créée, qui centralisetous les acteurs privés et publics dufinancement.Ce changement de focale, pourpasser aux synergies de proximité,est le plus souvent permis par uneanalyse extérieure. L’associationOrée anime ainsi des groupes detravail à la demande des collecti -vités territoriales, car elle connaîttous les acteurs d’un territoire ence qui concerne l’écologie indus-trielle. La mise en place d’uneorganisation en réseau ouvre denouvelles perspectives (mutuali-sation des services ou des trans-ports, achats groupés), qui peuventdéboucher sur des créations d’em-plois valorisant les ressourceslocales.

Une vision systémique sur laquelletravaille également l’Arene (Agencerégionale de l’environnement et des nouvelles énergies) en collabo-ration avec les collectivités locales.Comme la ville de Fontainebleau et sa communauté de communesqui ont pour objectif l’écologie et la mise en place d’une certaineindépendance énergétique et ali-mentaire pour le territoire : éco-quartiers, maraîchages locaux,réduction de la circulation auto -mobile (covoiturage, autopartage).En matière d’économie de proxi -mité, la formation et la recherchejouent un rôle dans la création de filières qui seront étayées par le savoir-faire et l’innovation. Lesentreprises locales voient ainsi sa -tisfaits (voire anticipés) leurs besoinsen salariés qualifiés, et n’hésitentpas à prendre les étudiants en stage ou pour des formations en alternance. Tel est le résultat dela création de formations post-bacsoutenues par le conseil généralde Vendée, dans des spécialités

telles que BTS de design ou BTS de commerce, qui attirent les étu-diants bien au-delà de la région.L’association 4D (Dossiers et débatspour le développement durable4)appuie les collectivités territorialesdans cette démarche selon troisaxes : développer des économies deservices (location plutôt qu’achat) ;relocaliser des activités ; dévelop-per l’écoconception avec la créationde filières associées à une politiqued’achat des collectivités qui donnela prio rité aux entreprises locales.Le but est d’accompagner la tran-sition écologique des territoires àtravers la territorialisation de l’éco -nomie, un néologisme qui n’a sansdoute pas fini de revenir dans lespréconisations économiques.

Sonja Rivière

1. Voir www.villesentransition.net

Il y a 250 « territoires en transition »

à travers l’Europe

2. www.agroparistech.fr

3. www.oree.org

4. www.association4d.org

Les circuits courts : ancrerl’économie dans les territoires

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95e Congrèsde l’AMF

Lorsque les ressources naturelles et financières se raréfient, les collectivités territorialesréfléchissent à de nouveaux modèles de développement. On parle ainsi d’« écosystèmeindustriel », d’« économie circulaire » ou de « circuits courts ». Un changement de perspective qui s’inclut dans la transition écologique et la production à coûts maîtrisés.

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Peut-on conjuguer égalité desusagers et diversité des territoires ?Dans l’histoire de France, la libertéa toujours été confrontée à l’égalité.Par principe, la libre administrationsuggère plus la diversité que l’uni -formité, en ce qu’elle est une priseen charge de spécificités locales, de réalités diverses et qu’elle metl’accent sur une relative autonomieou « liberté » des décisions des au -torités locales. Cette diversificationimpliquée par la diversité des col-lectivités territoriales est de nature à heurter nécessairement l’égalitéentre les usagers. Ces derniers,lorsqu’ils ont à faire à un servicepublic rendu par une collectivité territoriale, risquent d’être sensiblesau respect du principe d’égalité etd’exiger d’être traités de la mêmema nière que ceux de la collectivitévoisine. N’oublions pas que le prin -cipe d’égalité devant le service public– corollaire du principe de l’égalité« en droits » proclamée à l’article 1er

de la Déclaration des droits del’homme – est une norme de valeurconstitutionnelle, après avoir été l’undes premiers principes généraux dudroit dégagés par le Conseil d’État.La question est directement placéesur le terrain de l’égalité en ce quiconcerne l’accès au service public eten matière tarifaire, car les autoritéslocales sont tentées de traiter diffé -remment les administrés. Les diffé -rents usagers d’un même servicepublic entendent être traités de lamême manière lorsqu’ils utilisentune piscine ou une école de mu -sique, y compris sur le plan tarifaire.Or, ils peuvent être considérés demanière différente par la collecti vitégestionnaire. Les causes de discri -mination sont nombreuses, notam-ment du fait des ressources de cesadministrés, mais aussi du point de vue du lien qui les unit à la col-lectivité locale pour des raisonsstrictement territoriales.Le conflit entre égalité et diversitése retrouve aussi dans l’hypothèsede la création d’un service public.Si, très souvent, la liberté du com-merce et de l’industrie est invoquéepour contester la légalité de ces créations, par exemple en cas decréation de services destinés à com-penser une carence de l’initiativeprivée, en réalité c’est l’égalité quiest au cœur des préoccupations

de ceux qui estiment que la collecti -vité territoriale les place dans unesi tuation défavorable par rapportaux commerces et activités profes-sionnelles protégés par cette liberté.

De quelle manière peut-on y arriver ?Plusieurs voies sont possibles. Dansun État unitaire comme la France,il existe une solution étatiste car laloi peut encadrer l’accès des usagersdevant le service public et régle-menter les conditions d’utilisationde ce dernier. Au nom du principed’égalité, la loi ne peut pas laisserune totale liberté de décision auxautorités locales et celles-ci doiventprendre en compte le principe d’égalité lorsqu’elles sont amenéesà « administrer librement ». Un telencadrement législatif implique le contrôle de légalité de la part du représentant de l’État et l’inter-vention du juge administratif encas de contestation.Mais il existe une autre voie, car laloi elle-même peut être la source de discriminations. Dans ce cas,c’est le respect de droits et libertésconstitutionnellement garantis quiest en jeu. De ce fait, c’est aussi aujuge constitutionnel d’intervenir,notamment lorsque sont en causedes libertés protégées par la Consti-tution. Si on a cru, dans les années1980, que cette question n’inté -ressait que le respect de la liberté del’enseignement dans des communesqui entendaient mettre en avant lapossibilité de financer l’école libre,l’évolution de la jurisprudence duConseil constitutionnel montrebien une tendance à privilégier leprincipe d’égalité lorsqu’est en causeune liberté fondamentale, y comprislorsqu’il s’agit de droits sociaux.Il est vrai que la tradition centrali sa -trice française n’épargne sans doutepas les plus hautes juridictions. Mais elle n’épargne pas non plus leconstituant ; dans deux innova-tions constitutionnelles majeuresins crites en 2003, en ce qui concerned’une part la possibilité reconnue aux collectivités territoriales d’expé -rimenter, c’est-à-dire d’adopter desdispositions différentes de la loi, et ence qui concerne, d’autre part, les déro-gations aux lois et règlements dansles collectivités relevant, outre-mer,de l’article 73, il a entendu introduiredes exceptions lorsqu’est en cause une

liberté publique ou un droit consti-tutionnellement garanti (art. 72, alinéa 4) ou les garanties des libertéspubliques (art. 73). C’est dire si ceslimitations sont fortement ancrées !

Dans ce domaine, la France fait-ellefigure de bon élève ou non en comparaison avec d’autres payseuropéens ?Tout dépend de ce qu’on entendpar « bon élève » et par rapport àquoi. L’égalité des usagers ou ladiversité des territoires ? Il est évi-dent que le goût très français pourl’égalité, souvent qualifié de manièrecritique d’égalitarisme républicain,est plutôt favorable à un traitementégalitaire des usagers devant les ser vices publics mais aussi devant les charges publiques. Si l’on com-pare la France avec les États fédé -raux ou les États autonomiques ou régionaux, il est certain que laFrance est un mauvais élève. Encorefaudrait-il observer, dans ces États,le degré de satisfaction des usagersdevant les services publics locaux,tant en termes d’accès que de tari-fication.

Quelles sont les solutions innovantesqui peuvent être mises en place ?Là encore, les solutions sont diverses.La question de la discriminationsociale, qui veut qu’une collectivitépuisse ou non introduire des condi -tions d’accès différenciées à ses ser -vices publics en fonction d’un critèretiré des revenus des usagers, corres -pond à la volonté, d’une collectivitéà une autre, de traiter les usagers différemment, en vertu d’une poli-tique locale plus ou moins socialeà l’égard des usagers, et elle s’inscritdans la logique de la libre admi -nistration, conçue comme la libregestion des collectivités.La différenciation tarifaire en rela-tion avec le territoire est encore plusdirectement liée à la libre adminis-tration, car elle illustre la volonté deprivilégier les habitants d’un terri-toire. Il y a ici une application directedu conflit qui oppose la libre admi -nistration et le principe d’égalité, les collectivités mettant en avantle lien privilégié que certains admi -nistrés entretiennent avec la collec-tivité, c’est-à-dire avec le territoirede celle-ci. Poussé à l’extrême, ce lienrespecte l’égalité entre les habitants

d’un territoire, en les isolant desautres mais en les traitant de façonidentique, au nom d’une solidaritéet d’une identité territoriales, quisont sans doute les limites duprincipe de libre administration,allant jusqu’à l’ostracisme. Cettevolonté conduit à « l’exclusion »des administrés extérieurs, ou dumoins à les traiter différemment,et à ne pas respecter l’égalité entreles deux catégories d’administrés.La solution adoptée par le Conseild’État consiste à admettre que le ser -vice public ne peut être offert auxadministrés que s’ils ont un lien suffi -sant avec la commune, mais à consi -dérer en même temps que le critèrede la résidence constitue une discri -mination illégale. Le lien territorialdoit alors être conçu de façon pluslarge, englobant les usagers qui ontdans la commune leur travail et ceuxdont les enfants y sont scola risés. LeConseil d’État a ainsi toléré la discri -mination fondée sur le « lien parti-culier » avec la commune, mais celien ne doit pas être trop étroit. Lerisque peut être grand de transfor -mer les collectivités territoriales en« alvéoles étanches ». Le Conseil d’État a donc cherché à encadrer lepouvoir des collectivités territorialeset l’examen de sa jurisprudence montre une fois encore que le prin -cipe d’égalité est, malgré la libre admi -nistration, la garantie que les admi -nistrés ne sont pas traités de manièretrop différente sur tous les pointsdu territoire et que même si unedécision locale conduit à certainesformes de discrimination, celle-cireste dans les limites du tolérable, au nom de l’application uniforme dela loi sur l’ensemble du territoire, aunom du caractère unitaire de l’État.D’autres solutions plus institution-nelles peuvent exister. Le dévelop -pement de l’intercommunalité ou de la coopération entre collectivitésest aussi un moyen de réduire lafracture territoriale au sein d’uneagglomération et de conjuguer ladiversité des territoires communauxet l’égalité devant le service public.Bien sûr, cette solution a un coût fis-cal pour les usagers, qui deviennentalors des contribuables.

Jusqu’où faut-il aller ?La jurisprudence du Conseil d’État,sur ce point, a évolué dans un sens

plutôt favorable à la libre adminis-tration, puisqu’elle a reconnu que lacollectivité, pour des services publicsfacultatifs, pouvait prévoir des tarifsdifférents en fonction des revenus,qu’il s’agisse de services publics ad -ministratifs ou industriels et com-merciaux, et qu’il s’agisse désormaisde services publics à caractère socialou culturel, à propos des conserva-toires municipaux de musique. Cettejurisprudence, qui remonte à 1997,mettait fin à la distinction opéréeantérieurement entre les servicespublics culturels et les services publicsà caractère social. La limite à ne pasdépasser est que les droits d’inscrip-tion les plus élevés restent inférieursau coût par élève du fonctionnementde l’école. Si la libre administrationest admise, mais pas à n’importequel prix, l’égalité formelle est plusmalmenée au nom d’une certaineéquité ou de la recherche d’une éga lité réelle qu’en vertu du principede libre administration.

Que préconisez-vous ?Des pistes existent. La premièreconsiste à reconnaître un pouvoirnormatif plus étendu au profit descollectivités qui pourraient ainsiêtre amenées à décider dans uncadre législatif plus souple. Une tellereconnaissance va à l’encontre denotre tradition juridique. Maispeut- être cette dernière montre- t-elle ses limites.La seconde réside dans une réflexionsur la diversité des territoires. C’esttoute la question de la réduction du nombre des échelons adminis-tratifs et, au sein de ces derniers, decelle du nombre de collectivités.Mais encore faut-il s’entendre surles échelons et les collectivités quel’on veut supprimer. La questionn’est pas simple au moment duCongrès annuel des maires et desprésidents de communautés !Et n’oublions pas que, si le principed’égalité s’apprécie entre les usagers,il peut aussi se conjuguer entre collectivités de même niveau etaussi entre collectivités de niveaudifférent. Cette question est aussiau cœur de l’interdiction de latutelle d’une collectivité sur uneautre, elle aussi inscrite dans notretexte constitutionnel.

Propos recueillis par Joël Genard

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Les services à la population

Comment et jusqu’où ?

Services

La question des services à la population est d’une acuité pour les maires et présidents de communautés,que ce soit pour les services directement rendus par les collectivités locales comme ceux relevant de grands opérateurs publics ou privés. Peut-on conjuguer égalité des usagers et diversité des territoires ?Quelles sont les solutions innovantes ? Michel Verpeaux, professeur de droit public, y répond.

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Les Nations unies sont for-melles, depuis 2007, la moi-tié de la population de la

pla nète vit dans un environnementurbain. Les prévisions des expertsestiment qu’il faudra moins d’unegénération pour que ce taux passeaux deux tiers. Cinq milliards d’humains en ville ! Ce genre dechiffres fait peur et déclenche lespires spéculations. Le réchauffe-ment climatique aidant, l’opi -nion publique fantasme sur des flux migratoires Sud-Nord ou sur des agglomérations devenues si

grandes que la police ne puisseplus y assurer la sécurité. Pourtantces mégapoles existent déjà. Tokyo, Séoul, Los Angeles, Mos-cou, Téhéran : y serait-ce déjà uncauchemar au quotidien pour lesquelque 150 millions de personnesqui vivent dans ces seules villes-là ?À Naples, les délégations ont lon-guement débattu. La croissancedes grands pôles urbains peut-elleconnaître un effet de seuil à partirduquel elle n’est plus tenable entermes de sécurité collective, d’accèsnon dégradé aux ressources natu-

relles ou de pollution atmosphé-rique et de santé publique ?Comme le dit avec optimisme lesecrétaire général de l’ONU, BanKi-Moon, « imaginer les villes dufutur, c’est imaginer le futur de l’hu-manité ». Les organisateurs duForum de Naples rappelaient deleur côté que l’habitat urbain n’estpas uniquement un refuge pour les candidats à la prospérité et au développement. « Il est devenuaussi pour près d’un milliard d’êtreshumains un immense taudis », pourne pas dire parfois un mouroir.

D’où les trésors d’imagination etd’échanges d’expériences néces-saires pour rendre les mégapoles de demain plus sûres et vivables.Quel que soit le degré de déve -loppement. Car les villes richesconnaissent les mêmes problèmesque les villes pauvres : difficultéd’accès, densification de l’habitat,raréfaction des espaces de circula-tion, augmentation des coûts del’énergie, problématique de gou-vernance par rapport à l’État cen-tral et des mégapoles entre elles…Le groupe des femmes, une cin-

quantaine d’une douzaine de paysdifférents, venues de New York,d’Istanbul ou de Manille, a misen lumière à quel point leurs pré -occupations étaient semblables :comment faire de la ville ou desgrandes villes des lieux où lesenfants puissent y grandir avecdes chances comparables d’oppor-tunité. Leurs recommandationspour que leurs voix soient plus en -tendues et leurs capacités à gérer,mieux satisfaites, ne trouvent mal-heureusement pas grand écho.

Quel est le point commun aux plusgrandes villes du monde ?Elles se situent pour la plupart enAsie, en Amérique ou en Afrique, et elles ont pour dénominateur commun de devoir leur croissanceà une forte orientation sur l’inter -national. C’est le cas de Shenzhenet de Shanghai en Chine, de SãoPaulo au Brésil ou de Mexico. Enbénéficiant d’un afflux migratoireconjugué à un fort apport en capi-tal en raison d’un renforcement de l’activité tertiaire, elles se nour-rissent d’un fort vecteur d’emploisqui contribue à l’accroissement de leur taille et de leur prospérité.

Existe-t-il un seuil au-delà duquella mégapole risque de s’étouffer ?Dans les années 1980 et 1990, c’estun fantasme qui s’est répandu. AuMexique par exemple, beaucoup despécialistes pensaient que Mexicofinirait par s’écrouler sous le poidsde sa population en augmentationconstante. Sauf que les chiffresn’étaient pas fiables et que le pro-cessus, qu’on croyait inexorable,s’est arrêté autour de 20 millions. En fait, la plupart des grandes méga-poles finissent par se déconcentrer,par déplacer à leurs périphéries, ou beaucoup plus loin, des pôlesd’activité secondaire. Une partie del’économie de Mexico s’est ainsidélocalisée à Monterey ou Guada-lajara. On observe la même chose en Chine ou aux États-Unis. À Los Angeles, 16 millions d’habi-tants, le tournant des années 1970et 1980 a vu se créer des pôles se -condaires comme Irvine, Burbankou Ventura. À Shanghai, BuenosAires ou Rio, on constate le même

phénomène de décongestion. Parisn’est pas en reste si l’on prendl’exemple des villes nouvelles crééesdans les années 1970 autour de lacapitale.

Mais vivre à 20 millions comportedes risques ?Oui, notamment sur le plan de lasanté publique. Que l’on vive dansdes pays modernes et développésou dans des nations sous-dévelop-pées ou émergentes, c’est la masseen soi qui véhicule des risques.Au Caire par exemple, dans lesannées 1990, la moitié des res-sources en eau était perdue dansdes fuites de canalisation. La ques-tion de l’adduction d’eau ou du traitement des eaux usées est donccruciale. Car les épidémies frappentles riches comme les pauvres.Lorsque le virus H1N1 est parti d’un hôtel de Hongkong, il a frappépar la suite des villes aussi diffé-rentes que New York, Toronto ouPékin par le seul biais des voyagesinternationaux. À New York, on voitrevenir des maladies comme latuberculose et, à la moindre inon-dation comme celle du mois dernier,le risque épidémiologique est fort.

Est-ce qu’une mégapoleest forcément polluante ?Pas forcément. Parce qu’au fur et à mesure qu’elle grandit et qu’elledéconcentre son activité elle envoiesur ses périphéries ou plus loinencore une grande partie de sesindustries et de son secteur artisanal,tous les deux étant par nature pol-luants. Dès que vous voyez unemégapole se développer, l’une despremières choses qui en disparaît

c’est son activité artisanale au pro-fit du tertiaire. C’est ce qui s’estpassé à Pékin en moins de vingt ansavec des quartiers entiers rasés etl’arrivée à la place de tours debureaux ou d’habitation. La vraiepollution vient en revanche desautomobiles. Cette problématiquen’est pas réglée. Chacun a essayéde limiter cette pollution liée auchauffage et à la circulation. Maisavec des résultats inégaux : à Hong-kong par exemple, on respire, àMexico, la situation s’est améliorée,en Californie, le gouverneur Schwar-zenegger a fait bouger les choses.Mais à Londres ou Paris, il faudratrouver des recettes plus efficacesque le seul péage ou le ralentisse-ment provoqué de la circulation.

Reste la gouvernance : commentfaire pour que ces immensescentres urbains, certains plus peuplés qu’un pays moyen,soient dirigés efficacementet démocratiquement ?C’est vrai que certaines villes sontaussi riches que des États car ellesprofitent d’une manne fiscale grâceaux nombreuses entreprises qui s’y sont installées. D’autres restentprisonnières et dépendantes d’unÉtat central. L’idéal est de resterinventif pour que le processusd’émancipation se fasse en bonneintelligence. C’est ce qui s’est passéà New York avec la création du Port Authority of New York & NewJersey, qui a permis de confier à cetorganisme la totalité de la gestiondu réseau de transport public : desmétros aux aéroports en passant par les ponts et les tunnels. Il est bonque les maires de ces grandes villes

à travers la planète échangent leursexpériences. L’ONU coordonne éga-lement de nombreuses initiatives.Paris, Johannesburg, Quito et Can-ton ont ainsi pu se lancer dans deséchanges d’idées avec Bombay ouNairobi. L’avenir est dans la coopé-ration internationale.

Propos recueillis par F.C.

Faut-il avoir peur des mégapoles?

« Les mégapoles finissent par se déconcentrer »Renaud Le Goix

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Urbanisme

Le Congrès des maires de France suit de quelques semaines le Forum urbain mondial qui s’est tenuà Naples au mois de septembre. La question du vivre ensemble dans des villes de 5 à 20 millionsd’habitants se pose chaque année avec de plus en plus d’acuité.Par François Clemenceau

Renaud Le Goix est maître deconférences à l’université Panthéon-

Sorbonne, agrégé et docteur engéographie, coauteur avec AnneBretagnolle et Céline Vacchiani-

Marcuzzo de Métropoles etMondialisation (La Documentation

française, 2011, 64 pages).

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Quelles opportunités représente le numérique pour la France ?La révolution numérique peutjouer un rôle de levier économique.Mais à certaines conditions seule-ment… La France doit rester inno-vante. Cela passe par des mesuresen faveur du financement de l’in-novation, mais aussi par la capa-cité des entreprises à créer un éco-système favorable à l’innovation.La deuxième condition est de dé -ployer des infrastructures réseauxfixe et mobile, afin que la Francene rate pas le tournant du très hautdébit (THD). Pour ce faire, le cadreréglementaire doit être clairementposé et rester stable, tout commeles règles du jeu. Il est à présent né -cessaire de revaloriser le rôle desélus locaux dans le déploiement du THD et rétablir un principe desolidarité dans les zones de couver-ture territoriale, en particulier surles zones moyennement denses.Une péréquation des tarifs est éga-lement à envisager pour garantirun accès égal à la fibre.C’est en restant mobilisés autour deces questions que le numériquepourra devenir le nouveau moteur del’ascenseur social : l’ascenseur digital.

Concrètement, qui peut profiterde cet « ascenseur digital »en France ?

On doit donner à chacun la possi -bilité de maîtriser les ingrédientsde la culture numérique. Cette maî-trise du numérique devient un facteur clé dans le développementpersonnel et professionnel de cha-cun. Prenons quelques exemples :pour une personne en situationpré caire, augmenter son capitaldigital, c’est être connectée, joi-gnable, pour chercher un emploiou effectuer des démarches. Pourune entreprise, c’est accroître saproductivité, à travers le cloud com-puting notamment. Pour une ville,c’est optimiser la gestion de sesservices et développer son attrac-tivité. Quant aux territoires ruraux,être connecté leur permet de sedésenclaver et de favoriser leurdéveloppement de façon durable.C’est aussi faciliter le quotidien deleurs habitants en leur donnantaccès à des services en ligne sansavoir à se déplacer.

Quels sont, selon vous,les grands chantiersnumériques à mener ?Il faut poursuivre le déploiementdu très haut débit fixe et mobile(4G). Nous bénéficions en Francede réseaux de télécommunicationsde qualité. Il est impératif que nousne soyons pas distancés pourgarantir la compétitivité du pays.

Le développement du numériquepassera par une contributionaccrue des grands acteurs du Web,qui utilisent les infrastructures pour diffuser leurs contenus sansapporter les contreparties à hauteurdes bénéfices perçus. Sur ce sujet,la discussion avec le gouvernementavance dans le bon sens.On peut aussi s’interroger sur lapertinence de notre système fiscalpour le secteur du numérique, qui tend à défavoriser les acteursfrançais.Enfin, il faut anticiper sur l’aveniren misant sur l’éducation au numé-rique et en identifiant les compé-tences dont nous aurons besoindemain. L’idée de développer une

filière numérique publique dansl’en seignement supérieur me semble être une bonne piste.

Quel est l’intérêt, pourles collectivités, de misersur le numérique ?Plus personne ne doute du fait quele numérique soit une opportu-nité sans précédent pour les collec-tivités. La logique de partenariatpublic-privé, déjà développée surles sujets de déploiement via lesdélégations de service public (DSP),pourrait être réinventée sur d’autressujets.Je vois trois grands sujets d’oppor-tunité à court terme : la digitalisa-tion des services et du commerce,

la relocalisation de l’activité pro-fessionnelle et enfin la valorisa-tion des données.La numérisation des services per-met d’établir de nouvelles rela-tions entre les citoyens et les col-lectivités. En rendant l’accès àl’in formation plus fluide, ces der-nières peuvent non seulement faciliter les démarches des admi -nistrés mais aussi les faire inter-agir dans une approche de démo-cratie participative. Les PME quimisent sur le numérique peuventrenforcer leur ancrage local et leurcompétitivité dans leurs relationscommerciales, tout en s’ouvrantau marché international.La relocalisation de l’activité pro-fessionnelle s’envisage par l’émer-gence de « tiers-lieux » en péri -phérie urbaine et du télétravail ;cette nouvelle forme de travail plusdurable plébiscitée par les colla-borateurs et rendue possible parles connexions haut débit et lecloud. Les acteurs privés ont unrôle à jouer notamment pour aider les collectivités à favoriserces nouvelles pratiques.Dernier point, l’open data, quioffre l’opportunité d’utiliser etvaloriser les données du territoire,stimulant le développement deservices innovants, accessibles à tous.

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Si nous montions dans« l’ascenseur digital » ? Le numérique bouleverse en profondeur tous les secteurs de la société. État, collectivités et entreprisesdoivent s’adapter à cette nouvelle vie connectée. Pour Stéphane Roussel, PDG de SFR, il s’agit làd’un nouvel « ascenseur digital » : une opportunité pour la France et les collectivités. Entretien.

Numériqueet Territoires

spécial

avec

Dossier

JEAN

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SCAN

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AFP

Dossier à retrouver sur lhemicycle.com et sur sfr.com

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Pourquoi le numérique est-ilimportant pour la compétitivitéde votre territoire ?La généralisation des technologiesnumériques fixes et mobiles,connues et à venir, facilite l’inven-tion de nouveaux services et de nouveaux usages. De fait, elle révo-lutionne la gestion des servicespublics et privés. Ainsi, la métropoledoit offrir à tous, sur son territoire,les meilleures conditions d’accèsaux réseaux et aux services numé-riques les plus performants et lesplus ouverts possibles. Elle doit êtreà la pointe de cette évolution pourrester attractive, créer de nouveauxemplois et accueillir de nouveauxhabitants.

Quels sont vos chantiersnumériques prioritaires ?Dès 2006, la communauté urbainea mis la question de la couverturehaut et très haut débit pour tous aucœur de ses préoccupations. Dansun premier temps, il s’est agi, via laDSP Inolia, de garantir l’attractivitééconomique de l’ensemble du terri -toire en proposant sur la totalité de

celui-ci l’accès à la fibre optiqueavec des services performants pourles entreprises et les sites publics.Ensuite, devant la persistance desdifficultés d’accès à Internet pour le grand public, la communautéurbaine a décidé de s’attaquer à lacouverture des zones mal desserviesde son territoire. C’est aujourd’huinotre principal chantier.Mais au-delà des « tuyaux », il s’agitaussi de porter une ambition pluslarge à travers la promotion d’unemétropole 3.0, « intelligente » et res-pectueuse, dans un esprit d’innova-tion et d’expérimentation associantcitoyens, producteurs de la ville, collectivités et acteurs du numérique.Avec une triple vocation : développerl’offre de services numériques autourdes services urbains que chaquecitoyen utilise quotidiennement,favoriser la participation des usagerseux-mêmes à l’évolution de ces ser-vices, et alimenter le dynamisme économique de l’écosystème local.

Vous avez fait en sorte de développerle très haut débit de façon équilibréeentre les différentes villes.

Comment y êtes-vous parvenu ?Pour que l’accès à ces services dansdes conditions tarifaires acceptablesne soit pas limité aux établissementspublics et privés situés à proximitéde l’infrastructure de ce réseau, lacommunauté urbaine a mis enœuvre une politique « travaux =fourreaux », qui permet de densifierle réseau métropolitain très hautdébit et donc de se rapprocher denouveaux utilisateurs. La mise enplace de ce réseau a permis d’appor-ter des niveaux de services très haut débit identiques dans plus de120 zones d’activité et d’en offrirl’accès à de très nombreux établis -sements publics répartis sur l’en -semble du territoire, et non unique-ment sur les zones les plus rentablespour les opérateurs privés.

Vous avez le projet de créer une « Cité numérique » :en quoi consiste-t-elle ?La Cité numérique a vocation à devenir un pôle d’excellence éco -nomique, culturelle et sociétale fondé sur les usages numériques. Leconcept, qui trouvera corps dans un

ancien centre de tri postal situé aucœur du territoire de projet BordeauxEuratlantique, apportera à la diver-sité des acteurs du numérique lesmoyens matériels et immatériels deleur développement. La Cité numé-rique est conçue comme un accélé-rateur de projets, qui doit permettrel’épanouissement des porteurs, qu’ils’agisse d’entrepreneurs, d’artistes ou du grand public, qui les conduiraà s’implanter en sortie de site sur leterritoire local ou régional.

En quoi tous les chantiers que vousmenez peuvent-ils améliorer in finele quotidien des habitants ?C’est bien le citoyen qui est dans laligne de mire de l’ensemble de ces pro-jets, visant à mettre en œuvre notre« métropole 3.0 » : améliorer la ges-tion des services publics, dé velopperdes services pratiques pour les usagers,développer la participation de chacunà la conception des services, sansperdre de vue que l’ensemble de cesservices doivent être accessibles àtous, sur tout le territoire commu -nautaire… Propos recueillis

par Morgane Tual

Le numérique, une opportunitéà saisir pour les territoires

« Une métropole 3.0, intelligente et respectueuse »Bordeaux

Si l’accès aux équipements et la réduction de la fracture numérique ont longtemps dominéle débat et restent primordiaux, l’heure est venue de la réflexion sur les usages et servicesinnovants à mettre en place. Être connecté ne suffit plus aux collectivités ; désormais,le numérique est synonyme de nouveaux usages qui facilitent le quotidien des administréset renforcent l’attractivité des territoires.

Sur l’aménagement numérique du territoire, la communauté urbaine de Bordeaux, engagée surle très haut débit et initiatrice de services innovants, fait office de modèle pour les collectivités.Car pour son président, Vincent Feltesse, il faut « être à la pointe » pour rester attractif.

Territoires etcompétitivité

L’aménagement numériqueest aujourd’hui plus quejamais un enjeu de dévelop-

pement territorial, moteur de l’in-novation avec un objectif en fili-grane, la compétitivité du territoire.

Image et fluiditéEn proposant des services inno-vants, les territoires peuvent jouersur deux leviers d’attractivité. Toutd’abord gagner une image de mo -dernité qui répond aux attentesdes entreprises, des universités etdes citoyens. Mais aussi et surtoutgagner en fluidité, à tous les niveaux.

À commencer par l’accès aux ser-vices publics. La possibilité d’accé-der à des services dématérialisés etd’effectuer des démarches en ligne,24h/24h, facilite la vie des citoyens,notamment dans les zones rurales.Les transports également peuventdevenir plus fluides, avec une opti-misation de leur organisation et le développement de « l’intermo-dalité ». Le système Optimod’Lyon,par exemple, centralise en tempsréel toutes les données liées autransport, afin d’améliorer lesconditions de déplacement desvoyageurs et des transporteurs de

marchandises, informés minutepar minute.

Des services imaginéspar les citoyensIl est possible d’aller encore plus loin.Et si les citoyens eux-mêmes créaientleurs propres services ? C’est ce quepermet le mouvement de l’open data,qui consiste à mettre à disposition detous les données publiques. Rennesest la première ville à s’être lancée, dès2010, en libérant des lots de donnéesextrêmement variés : liste des arrêtsde bus, statistiques de fréquentationdes bibliothèques, emplacement des

jardins. Avec un concours d’appli -cations à la clé. Résultat, 43 ont vule jour, développées par des profes-sionnels ou des amateurs. Handimappermet par exemple de faciliter lesdéplacements des personnes handi-capées tandis que Parking Guru aideles automobilistes rennais à trouverune place de stationnement sans difficulté. L’implication des usagersdans la définition des services numé-riques est la clé. Une conviction par-tagée par Florence Durand-Tornare,fondatrice et déléguée générale del’association Villes Internet et cofon-datrice de la Cité des services, une

structure créée pour accompagnerles collectivités dans la création et ladiffusion de services innovants :« L’approche vertueuse est que la villeexprime son besoin en se concertantavec les habitants. Et une fois ce besoinvalidé, qu’elle construise un cahier descharges avec une réalité d’usages avérée.À l’issue seulement de cette étape, les en -treprises peuvent développer le service etle diffuser, dans le cadre d’une relationpartenariale par exemple. »L’aménage -ment numérique du territoire a doncun potentiel sans limites, si ce n’estl’imagination des services publics et des citoyens. Evelyne Héard

VINCENT FELTESSEPRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉURBAINE DE BORDEAUXET DÉPUTÉ DE LA GIRONDE

Questions à

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NUMÉRO 456, MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 13

« L’enjeu pour la France est le numériquedans toutes les PME »

La France prête pour le très haut débit mobile !

Laure de La Raudière, députée d’Eure-et-Loir, s’est engagée depuis de nombreuses années sur les sujets numériques, en particulier la lutte contre la fracture numérique et les enjeux du très haut débit pour le territoire français. Elle a récemment déposé une proposition de loi relative à la neutralité de l’Internet. Laure de La Raudière s’intéresse ici à la couverturenumérique du territoire, soulignant le rôle de l’État dans la péréquation entre les territoires et l’importance de sécuriser les projets publics de déploiement du très haut débit.

Alors que la France compte plus de 20 millions d’utilisateurs de smartphones, le mobile aussi a droit à son très haut débit.Dès la fin du mois, Lyon sera la première ville française à bénéficier de la 4G, bientôt rejointe par Montpellier et d’autres villes.

Comment le numérique peut-ilcontribuer au développementéconomique des territoires ?La filière de l’économie numériqueest une filière en croissance. L’utili-sation du numérique est facteur de productivité et de compétitivité pour nos entreprises. Plus on accé-lérera le développement des outilsnumériques et plus on contribueraau développement des territoires.Le projet de déploiement du trèshaut débit répond à cette logiquede compétitivité mais aussi à unepo litique nécessaire d’aménage -ment du territoire. Il faut penser ledéploiement du très haut débit pourla France entière, y compris dans lessecteurs les plus reculés en milieu

rural. Sinon on créera encore plus de zones désertifiées. Il faut enfinque l’État joue son rôle dans la péré-quation entre les territoires. Il n’y apas dans la loi de finances de mesuresenvisagées pour alimenter le fondspécial. Mais peut-être que le chef del’État l’annoncera lors du Congrèsdes maires en novembre.

Quelles sont les préconisations devotre rapport sur le très haut débitque vous souhaiteriez voirappliquer ?La première préconisation est qu’ilfaut sécuriser les projets publics dedéploiement du très haut débit etles infrastructures. Il y a beaucoupd’interrogations dans les collecti -

vités à propos des technologies àdéployer et la nature des investisse-ments à faire. La rentabilité se poseet le schéma d’organisation fait que les opérateurs sont présents surles zones préemptées. Le reste seraà la charge des collectivités. Il fautdonc pouvoir garantir que les opé-rateurs vont faire leur travail et que, sur les projets des collectivités,il y aura bien une offre de service de ces mêmes opérateurs.Si on développe le très haut débitsur un territoire et que les opérateursne sont pas présents, ce sera undrame pour les collectivités. Il fautqu’il y ait un cadre technique na -tional avec un comité de pilotagepour définir le cahier des charges.Cette négociation ne peut pas sefaire région par région. Nous espé-rons que ce choix sera égalementannoncé lors du Congrès des maires.Il faut aussi pouvoir louer la fibreoptique mais la rentabilité des inves-tissements des collectivités resteracompliquée dès lors que l’on conti-nuera de maintenir deux réseaux enparallèle : le cuivre et la fibre. Il fautdonner de la visibilité aux opérateurs.

Le très haut débit c’est aussi le trèshaut débit mobile avec la 4G. Quelssont les principaux enjeux de son déploiement en France ? Que

peut-elle apporter aux collectivités ?La 4G est complémentaire. Les usa-gers veulent accéder à Internet enmobilité. C’est un enjeu écono-mique et d’aménagement du terri-toire. La 3G est saturée et c’est unenécessité d’offrir ce très haut débit,y compris en zone moins dense.

La dynamique de déploiement de cette 4G vous semble-t-elle bienlancée en France ?Les opérateurs manifestent un réelintérêt pour le développement de la4G en France. Les choix qui ont étéfaits de les obliger à la déployer danstoutes les zones en parallèle sontaussi un facteur de développement.Cela va mobiliser les opérateurs. Ilfaut voir cependant les premiersrésultats car nous en sommes seu-lement à la phase expérimentale.C’est prématuré de tirer des conclu-sions sur la réussite ou non.

Au-delà de l’accès, quels sont lesvéritables leviers des collectivitéspour tirer au maximum parti du numérique ?Les collectivités doivent réfléchir àl’usage du numérique dans la rela-tion avec le citoyen notamment en matière d’offre. Les applicationsinteractives sur les smartphones sont très utiles pour faciliter les

échanges avec le citoyen. La popu-lation s’approprie très facilement cesnouveaux outils. Les collectivitéspeuvent aussi être partie prenante en matière de services d’assistanceaux personnes âgées. Ces servicespeuvent être mis en place à meilleurcoût pour la collectivité et pour unmeilleur service à la population.

Quelles sont les meilleurespratiques observées selon vous ?C’est la ville de Nice qui est la plusavancée dans les services à la popu-lation. C’est une ville qui a su uti-liser ces nouvelles technologies et toutes les informations sont ac cessibles, par exemple, à un arrêtde bus ou devant un cinéma.

Peut-on parler de retard de la France dans ce domaine ?La France n’avait pas de retardjusqu’à présent sur l’accès à Internetde façon générale, ce ne sera pas le cas pour l’étape suivante qu’est le très haut débit, notamment parrapport aux pays asiatiques. L’ADSLcouvre 98 % de la population au -jourd’hui. L’enjeu pour la Franceest le numérique dans toutes lesPME comme facteur de compétiti-vité. Là, il y a un écart entre la Franceet les autres pays européens.

Propos recueillis par J.G.

Le 29 novembre, la premièreoffre commerciale 4G seralan cée à Lyon par SFR. D’autres

villes devraient suivre courant 2013.Leurs habitants pourront bénéficierdu très haut débit mobile, qui leurpermettra d’accéder à Internet surleur téléphone portable avec le mêmeconfort que sur leur ordinateur fixe.La 4G offrira des débits allant jusqu’à100 mégabits par seconde, soit desvitesses de téléchargement presquetrente fois supérieures pour vos films

et vos musiques préférés compara -tivement à la 3G traditionnelle. Il seraégalement possible de discuter parvidéo de façon totalement fluide et de transmettre d’importants vo -lumes de données, un atout nonnégli geable pour les entreprises etleurs travailleurs nomades. Les pre-miers terminaux sont prêts, c’est le cas du Motorola RAZR HD ouencore du HTC One XL 4G. Et lesexpérimentations grandeur naturesont déjà en place, c’est le cas par

exemple à Lyon où 400 habitantstestent la 4G avec SFR.

Une transition progressiveaprès la 3GLa première offre 4G du monde a été lancée fin 2009 en Suède, rapi -dement suivie par les États-Unis,puis par l’Allemagne, l’Autriche,la Pologne ou encore le Portugal. S’il a fallu attendre autant de tempsen France, c’est que la 3G+, versionaméliorée de la 3G, remplissait déjà

parfaitement son objectif et que sonévolution, appelée dual carrier, peutdéjà permettre de surfer dans desconditions proches de la 4G notam-ment à Paris, Marseille, Lyon ou en core Toulouse. Actuellement, la3G+ couvre plus de 98 % des Fran-çais alors qu’aux États-Unis ce ré -seau 3G+ était extrêmement limité,rendant le déploiement de la 4G plusurgent. En France, l’Arcep a conduitfin 2011, dans la bande de fréquencesà 800 MHz, une procédure d’attri -

bution des licences 4G retenant, enparticulier, un objectif prioritaired’aménagement du territoire. Le ca lendrier de déploie ment imposeaux opérateurs de couvrir, en 2024,98 % de la population au plan natio-nal ainsi qu’un taux de couvertureminimal de la population danschaque dépar tement métropolitainde 90 %. Des zones de déploiementprioritaire sont également définiesen territoire rural ou périurbain.

Claire Caillaud

LAURE DE LA RAUDIÈREDÉPUTÉE D'EURE-ET-LOIR

Questions à

Territoires etcompétitivité

PIER

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/AFP

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5,5milliards de dollars :c’est l’argent éco no -misé annuellement

par le gouvernement américaindepuis la mise en place du cloud,en 2009. Une somme non négli -geable quand on sait que son bud -get informatique s’élève, chaqueannée, à près de 80 milliards dedollars. Comment « l’informatiquedans les nuages » a-t-elle rendu celapossible ?Concrètement, le cloud est unenouvelle manière d’utiliser l’infor-matique. Jusqu’ici, dans l’admi -nistration, les données et les logi-ciels étaient stockés sur des serveursinternes ou sur les ordinateurs dupersonnel. Avec le cloud, toutesces applications sont déportées sur des serveurs extérieurs, gérés par des prestataires de services etaccessibles par Internet. En clair, le cloud rend possible, à partir den’importe quel ordinateur, d’utili -ser sa messagerie, d’éditer des do -cuments partagés et de travaillersur tout type de logiciel.

L’informatique à la demandePar conséquent, en passant aucloud, les services publics n’ont plus

à se préoccuper des infrastructuresinformatiques et de leur mainte-nance, entièrement gérées par lesprestataires extérieurs. L’Utah estainsi passé de 1 900 serveurs en2010 à 500 aujourd’hui, lui per met -tant d’économiser 14,5 millions dedollars par an. Car au lieu d’acheterdes serveurs, logiciels et autres ou -tils numériques, l’admi nistrationles loue. Le cloud transforme doncl’informatique en ser vice à lademande. Au final, l’uti lisateur paieuniquement ce qu’il consomme.Et cela est bien pratique quand il faut gérer des augmentationsbrutales de l’activité, comme lorsde la publication de résultats d’exa -mens par exemple. Jusqu’ici, uneadministration devait disposerd’assez de serveurs pour suppor -ter une telle charge. Il fallait doncpayer, toute l’année, la mainte-nance d’un matériel inutilisé laplupart du temps. Ce n’est plus lecas avec le cloud, suffisammentpuissant pour gérer, instantané-ment, ce genre de situation.

La France s’y met aussiUne flexibilité qui permet aussi de moderniser très facilement les

outils informatiques. Faire passertout un service sur un nouveaulogiciel de traitement de texte, par exemple, pouvait auparavant prendre des semaines. Grâce aucloud, cette opération peut êtreréalisée dans l’heure. Tous cesaspects ont séduit, parmi d’autres,l’Australie, l’Angleterre, les Pays- Bas mais surtout les États-Unis. Et pour cause : c’est là-bas qu’aémergé le cloud computing, aveccomme chefs de file Amazon etMicrosoft. Les ex périmentationsmenées à l’étranger ont fait leurspreuves, mais quel ques inquié-tudes demeurent chez les aspirantsau cloud. Délocaliser ses donnéesimplique une dépendance à unprestataire privé. Dans quelle me -sure sont-elles en sécurité ? Unequestion d‘autant plus essentiellequ’elle concerne les informationsdes citoyens…Aujourd’hui, les leaders du marchésont aux États-Unis et soumis auPatriot Act, qui permet aux ser -vices de sécurité d’accéder à n’importe quelle donnée présentesur le cloud américain. C’est pour -quoi la France a décidé de rééqui -librer le marché en investissant

150 millions d’euros dans un cloudà la française, desti né au secteur pu blic et privé.

Une opportunité pour l’Étatet les territoires« La question de la localisation desdonnées en France est un point impor-tant pour l’hébergement des donnéessensibles en provenance de l’État, desadministrations et des collectivitésmais aussi des grandes entreprises oudes PME », affirme Corinne Erhel,

députée PS des Côtes-d’Armor.Pour cette spécialiste des questionsd’aménagement numérique du territoire, « la conversion numériquede la société est en marche et le cloudcomputing doit être considéré commeune opportunité pour l’État et les terri -toires, afin de garantir une accessibi -lité permanente et sûre des données,en tous lieux. »D’autant plus que le cloud semblerépondre aux nouvelles attentesdu gouvernement, qui a créé finoctobre un secrétariat général pour la modernisation de l’actionpublique, visant notamment àdévelopper l’e-administration. Ildevra proposer, selon le décret, desmesures « tendant à la dématé ria -lisation des procédures administra-tives » et inciter « au développementde services numériques ».Ce nouveau « cloud souverain »devrait permettre de répondre àces attentes, grâce à des serveursplacés en France, dépendant inté-gralement du droit français etrépondant aux normes maximalesde sécurité. De quoi rassurerl’administration et lui permettrede s’envoler sans risque vers lesnuages. M.T.

L’ambition de Numergy est deconcevoir, bâtir et opérer une« centrale d’énergie nu -

mérique » de confiance et sécurisée.C’est un projet stratégique pourdonner un nouvel élan à la compé -titivité et l’innovation des entre-prises et institutions françaises grâce au numérique.Numergy est une société lancée en septembre par SFR, Bull et laCaisse des Dépôts. Jusqu’ici, lesprincipaux services de cloud se

situaient aux États-Unis, ce qui n’était pas sans poser de questionssur la sécurité et la confidentia litédes données. Qui plus est, d’ici à2016, le marché du cloud pourraitpeser plus de 3 milliards d’euros en France. Il serait dommage delaisser les entreprises américaines,en pointe sur ce secteur, capter cettemanne financière… C’est pourquoila France a décidé de se lancer dansle cloud en investissant, via la Caissedes Dépôts, 150 millions d’euros

dans deux nouvelles entreprises,dont Numergy. Cette dernière,dotée de 225 millions d’euros,compte trois actionnaires : la Caissedes Dépôts (33 %), SFR (47 %) et Bull (20 %).Numergy propose aux administra-tions et aux entreprises « une infra-structure extrêmement sécurisée, lamise à disposition de modalités de cal-cul et de stockage compétitifs et perfor-mants », explique Philippe Tavernier,président exécutif de Numergy.

Le tout, bien entendu, sur le terri-toire français. Pour le moment,l’entreprise dispose de deux datacenters, « mais nous avons l’ambi-tion de créer une quarantaine de datacenters units à l’horizon 2020 »,affirme Philippe Tavernier.La Ville de Paris utilise d’ores et déjà les services de Numergy pourl’infrastructure de la plate-formed’e-éducation déployée en parte-nariat avec SFR. Mais l’entreprisene compte toutefois pas s’arrêter

aux frontières de l’Hexagone etespère bientôt devenir un acteurincontournable du cloud à l’échelleeuropéenne.« Cela démontre la célérité et la perti -nence de ce partenariat public-privé »,se réjouit Philippe Tavernier. « Nousavons réussi, en six mois, à monter unevision commune, tracer un projet avecdu sens et apporter les capitaux. Aprèsen avoir beaucoup parlé, c’est désormaisune réalité. » M.T.

Le cloud, solution d’avenirpour l’administration

Numergy, le cloud à la française

Économique, flexible et réactive, « l’informatique dans les nuages » pourrait bien transformeren profondeur le fonctionnement de l’administration. Expérimenté avec succès à l’étranger,notamment par le gouvernement américain, le cloud séduit désormais la France, qui vient d’y investir 150 millions d’euros.

Les Américains ont beau être les leaders de « l’informatique dans les nuages », pas question de se laisser distancer et de dépendre de leurs services. C’est pourquoi la France a investi dans deux projets de cloud, parmi lesquels Numergy.

Innovation

CORINNE ERHELDÉPUTÉE DES CÔTES-D’ARMOR

LECA

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Aujourd’hui, nous transpor -tons sur nous en perma-nence de l’argent, des tickets

de bus, notre permis de conduire,des cartes de fidélité, voire même un ou deux coupons de réduction.Et si tout était réuni dans un seul et même outil, notre mobile ?Nice, Mulhouse, Marseille, Saint-Mandé, Strasbourg, Lille, Caen…Toutes ces villes s’essaient à desservices qui constitueront demainle m-wallet, version numérique de notre portefeuille.À Strasbourg par exemple, plus de 2 000 commerces sont équipésd’un terminal de paiement NFC(Near Field Communication) capablede communiquer à courte distance

avec un autre appareil. Ce qui permet aux personnes disposantd’un mobile équipé de la mêmetechnologie de payer leurs coursesavec leur téléphone par simple passage devant le terminal depaiement. Ce nouveau moyen de paiement pourrait remplacer, à terme, les cartes de crédit, et fluidifier le passage en caisse. Etdès 2013, les titres de transportseront dématérialisés et intégrésaux mobiles des Strasbourgeois.Mais le portefeuille mobile à pro-prement parler va plus loin. Lesopérateurs visent notamment àcommercialiser dès 2013 ou 2014des portefeuilles complets, compre -nant une multitude de services

dépassant le paiement et les titresde transport : carte bancaire, cartevitale, permis de conduire, carte d’identité, cartes de fidélité, cou -pons de réduction…

Des services à inventerPour en arriver là, les opérateursdoivent inventer leurs propres ser -vices, en synergie avec les acteursdu secteur bancaire notamment.Mais aussi en intégrant ceux d’orga -nismes tiers, comme les régies detransport, les collectivités ou lesentreprises commerciales. Leursatouts : des transactions sécuriséesgaranties par la carte SIM et le liendirect avec les propriétaires desmobiles. Leurs difficultés : mettre

en place et fédérer l’écosystèmequi permettra d’embarquer tousces services dans le mobile.En attendant, Vodafone en Italie,mais aussi O2 au Royaume-Uni etSFR avec sa SFR PayCard com -mercialisent déjà leurs premiers ser vices bancaires sous forme d’une carte plastique prépayée.Cette carte permet de payer sesachats comme avec un mobileNFC. Sauf que cette fois-ci, la cartebancaire est pro posée… par l’opé -rateur lui-même, en partenariatavec Master card. Objectif : habituerles consom mateurs à cette nou-velle gestion de leur argent, avantd’embarquer le service dans lesmobiles d’ici 2013-2014.

Un nouvel EldoradoLes opérateurs téléphoniques ne sontpas les seuls à ambitionner de révo-lutionner nos moyens de paiementet notre bon vieux portefeuille. Dansla Silicon Valley, les géants Microsoft,Google ou encore PayPal et Apple,ont eux aussi lancé leur propre ser vice, déclenchant une véritable« guerre des wallets ». Le cabinetJuniper Research estime quant à luiqu’en 2017 un consommateur surquatre effectuera des paiements parNFC aux États-Unis et en Europe del’Ouest, contre moins de 2% aujour-d’hui. Un marché juteux, estimé à180 milliards de dollars en 2017, soitsept fois plus qu’en 2012. Et les entre-prises l’ont bien compris. C.C.

Dorénavant, plus besoin dese rendre à l’horodateuret de chercher de la mon-

naie pour régler son station-nement : un simple SMS suffit.Depuis le 15 mars, la ville de Mulhouse expérimente le « SMSParking », en partenariat avecSFR et les deux autres principauxopérateurs mobiles. Concrète-ment, l’automobiliste envoie lenuméro de sa plaque d’immatri -culation à un numéro court. Lemontant est alors automatique-ment prélevé sur sa facture télé-phonique ou décompté de soncompte prépayé. Quelques mi -nutes avant la fin de sa périodede stationnement, l’usager estprévenu et peut la prolonger àdistance. « Cela permet de faire face à des retards impondérables »,se réjouit le maire de Mulhouse,Jean Rottner. « Plus de crainte d’uneverbalisation pour dépassement etplus de contrainte de devoir allerremettre de la monnaie. »

Une initiative économeVingt-cinq agents municipaux ont été équipés de smartphonespour contrôler le paiement dustationne ment à partir de la plaqued’immatriculation. Au final, le« SMS Parking » permet à la muni -cipalité de faire des économies.« Cette mesure à l’avantage de dimi -nuer la charge de prélèvement et decomptage de la monnaie, ainsi que

l’alimentation des horodateurs en tickets », explique Jean Rottner.Depuis mars, déjà plus de 30 000paiements ont été effectués de cette manière, et le nombre depaiements SMS progresse de plusde 20 % par mois. Un succès qui a poussé plusieurs villes à tenter à leur tour l’expérience, parmilesquelles Saint-Mandé, qui s’estlancée le mois dernier. M.T.

Cap vers le portefeuille mobile !

Mulhouse expérimentele « SMS Parking »

Peu à peu, le mobile est en train de remplacer notre bon vieux portefeuille. Payer ses courses,valider son ticket de bus ou présenter une carte de fidélité avec un simple téléphone est en passede devenir une réalité. Plusieurs villes de France expérimentent déjà quelques-uns de ces services,avec succès.

Depuis le mois de mars, les automobilistes de Mulhouseont la possibilité de payer et de prolonger leurstationnement par SMS. Une première en France,qui s’élargit à d’autres collectivités.

Innovation

La NFC s’apprêteà révolutionnerle mobileLa technologie NFC, ou « sanscontact », est au centre du futurportefeuille mobile. Reste à la développer sur notre territoire.

En 2011, la France asouhaité encourager lesexpérimentations de la

NFC en lançant l’appel à projets« Villes intelligentes / NFC » au -près des collectivités, dans le cadredes investissements d’ave nir. En octobre dernier, quinze villesont été sélectionnées parmi les -quelles Bordeaux, Caen, Grenoble,Mulhouse, Strasbourg ou encoreMarseille. Elles bénéficieront de66 millions d’euros d’investisse-ment public afin d’imaginer denouveaux services qui, peut-être,deviendront bientôt des clas-siques du portefeuille électro -nique. Car la technologie NFCcommence à envahir nos mo -biles… Si, pour le moment, lenombre de téléphones équipésNFC en France reste relative-ment modeste, cela ne devrait

pas du rer. Partout dans le mondecette technologie explose. Selonle ca binet d’études Berg Insight,700 millions de mobiles NFCdevraient être vendus dans lemonde en 2016. Un booménorme, comparé aux 30 mil-lions d’unités écoulées en 2011.De leur côté, les principauxopérateurs ont annoncé la sys-tématisation des cartes SIM avecfonctionnalité NFC permettantde payer avec son mobile. À titred’exemple, SFR a annoncé qu’ilgénéraliserait cette technologiedans toutes les nouvelles cartesSIM de ses clients dès fin 2012.Côté équipement des magasins,on estime aujourd’hui qu’untiers des terminaux de paiementdes commerçants sont prêts àaccepter les paiements sanscontact. M.T.

Mulhouse. Payer son stationnement avec un simple SMS.

DR

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Éducation

On ne peut pas refonder l’écolede la République et faire laRépublique du XXIe siècle si

nous ne prenons pas en compte claire-ment, volontairement et efficacementla dimension nouvelle introduite parle numérique dans notre culture et dansnotre civilisation. » Pour le ministrede l’Éducation nationale, VincentPeillon, qui s’exprimait le 28 aoûtà l’université d’été Ludovia, « detrès nombreux secteurs de la sociétésont modifiés par le numérique et leseront encore plus demain, et parti -culièrement par Internet ». Impossible,donc, de laisser le numérique « àla porte de l’école ».Et pourtant, c’est bien ce qu’il sepasse aujourd’hui en France. Si lesjeunes de 13 à 17 ans passent cinqheures par jour connectés à Inter-net, deux sur trois ne l’utilisentjamais sur leur lieu de scolarité,selon les chiffres de l’Arcep (Au -torité de régulation des télécom-munications électroniques et despostes). Surconnectés, à Facebook,Twitter, Google, sur ordinateur,mobile ou tablette, ils voient naîtrerégulièrement de nouveaux outilsqui transforment leurs usages etleur quotidien. Mais tout cela resteen dehors de la salle de classe. Lesjeunes Français ne bénéficient d’aucun accompagnement, oupresque, dans leur dé couverte etleur utilisation du numérique.

L’autre fracture numériqueEt pour cause : selon un rapportrécent de l’Éducation nationale,seul un professeur sur vingt utilisele numérique au quotidien dans sonenseignement. Pire, un sur cinqn’est « pas du tout convaincu » del’intérêt des nouvelles technologies.Par ailleurs, en matière d’équipe -ment, la France est en retrait parrapport à ses voisins européens : leDanemark compte trois fois plusd’ordinateurs par collégien et laGrande-Bretagne deux fois plus !Dans ce pays, l’usage du numériqueest obligatoire dans toutes les ma -tières. D’après le rapport du maired’Élancourt, Jean-Michel Fourgous,

la France se place au 24e rang eu ro -péen en ce qui concerne « l’accès àl’outil numérique »mais aussi « sa maî -trise dans un contexte péda gogique ».En effet, le matériel ne suffit pas.Aujourd’hui, la question de la frac-ture numérique concerne moinsl’équip ement, désormais accessibleà la grande majorité de la popu-lation, que la culture numérique.Il existe aujourd’hui un fossé entreles personnes capables de com-prendre le numérique, de s’a ppro -prier ses outils, voire même dedévelopper les leurs et celles quin’effectuent que quelques mani -pulations basiques et répétitivessur leur ordinateur. Savoir faireune recherche efficace d’informa-tion, échanger sur un forum, ou vrirun blog, connaître les codes et laculture du Web… Toutes ces compé -tences deviennent de plus en plusnécessaires dans notre société, et de plus en plus deman dées dans le monde professionnel.

Former les enseignantsC’est que le chantier est vaste et lesdifficultés, nombreuses. Quand uncollège se retrouve doté de matérielinformatique performant, encorefaut-il former les professeurs… Et s’ilsle sont, encore faut-il qu’ils dis -posent de ressources pédagogiquespertinentes. Et tout cela doit serenou ve ler régulièrement. En nu -mérique, les outils, les usages et lematériel sont rapidement obsolètes.La maintenance des équipementsest trop rare, et quand un professeurdécide d’utiliser le numérique lorsd’un cours, il se retrouve souventconfron té à différents problèmes :incompatibi lité de certains maté -riels, logiciels trop vieux, connexiontrop lente… De quoi décourager laplupart d’entre eux.Afin de donner un nouveau souffle au numérique éducatif, legouvernement souhaite lancer denouveaux projets, dont VincentPeillon a déjà donné les grandes

directions. Selon lui, il faut formertous les enseignants à l’usage dunumérique à l’école, mais aussileur fournir des ressources pédago -giques. Il souhaite même dé ve -lopper une « offre de services publicsnumériques éducatifs » pour le sou-tien scolaire en ligne, et pour queles enseignants échangent entreeux et mutualisent leurs produc-tions. Vingt millions d’euros serontattribués à ces projets lors de cesprochaines années.

Une option « Sciencesdu numérique » au lycéeSur le plan de la formation disci-plinaire, un grand pas a déjà étéfranchi à la rentrée, avec la mise en place d’une option « Sciences dunumérique » pour les Terminales S.Pendant deux heures par semaine,les lycéens découvriront les rouagesde leurs ordinateurs, l’utilisation delangages informatiques ou encore le fonctionnement des algorithmes.

C’est la première fois qu’une tellematière trouve sa place dans unefilière générale de l’enseignementpublic. Pour l’instant, seuls 500 ly -cées sur 2 400 la proposent, maisdès la rentrée prochaine cette optionsera étendue à toutes les terminalesgénérales.Et le secteur de l’enseignementsupérieur pourrait bien, lui aussi,proposer de nouvelles formations.La ministre chargée des PME, del’Innovation et de l’Économie nu -mérique, Fleur Pellerin, a notam-ment annoncé qu’elle réfléchissaità créer une filière consacrée auxnouvelles technologies. Aujour-d’hui, les grandes écoles formantaux métiers du numérique sontessentiellement privées. L’Étatcompte donc s’y faire une place,pour contribuer à former les cen-taines de milliers de professionnelsdont le secteur numérique européenaura besoin dans les années à venir.

M.T.

Au-delà de l’équipement,miser sur la formation

Numérique éducatif

L’intégration du numérique dans le parcours scolaire des jeunes Français doit encore progresser.Il s’agit en effet d’un enjeu essentiel dans notre société de plus en plus connectée, dont l’écolene peut être exclue. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de s’emparer du problème en évoquant plusieurs projets.

«

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en visite dans une école primaire à Aubevoye (Eure), le 4 septembre 2012. PHOTO CHARLY TRIBALLEAU/AFP

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Éducation

Pas facile, pour les écoles primaires, de se lancer dansle numérique éducatif. Quel

matériel utiliser ? Comment for-mer le personnel ? Quels outilsutiliser pour exploiter au mieux le potentiel pédagogique dunumérique ? Ces questions sontd’autant plus complexes qu’ellesimpliquent généralement une mul-titude d’acteurs, comme les four-nisseurs de matériel informatique,les éditeurs de contenu éducatif, les organismes de formation…C’est pourquoi SFR vient de lancerle projet « e-école pour tous », enpartenariat avec itslearning, lease -com, Maxicours et Smart, quatreentreprises qui répondent, chacune,à ces différentes questions.

L’objectif : réunir, dans un seulservice, tous les éléments néces-saires à la mise en place du nu mé -rique à l’école. À commencer parl’installation d’un tableau blancinteractif, outil phare de la numéri-sation de l’éducation, qui fait ren-trer les nouvelles technologies dansle quotidien de la salle de classe.

100 000 exercicesdisponibles en ligne« e-école pour tous » inclut aussiune connexion Internet à hautdébit et la mise à disposition d’unenvironnement numérique de tra-vail. Cette plate-forme en ligne,disponible en permanence, estaccessible aux écoliers, à leurs parents et aux enseignants où

qu’ils se trouvent. Il est possible d’y consulter les devoirs à faire,les documents déposés par les professeurs ou encore les actualitésde l’établis sement.Mais pas seulement. Cet envi -ronnement met à disposition denombreuses ressources pédago -giques réalisées par des enseignantsde l’Éducation nationale. En tout,100 000 exercices, 20 000 fichesde cours, 5 000 vidéos et 1 200 ani-mations interactives conformesaux programmes scolaires sontaccessibles. Pratique pour les éco -liers, qui peuvent bénéficier d’unservice de soutien scolaire, pourles parents, qui aideront plus facile-ment leurs enfants à faire leursdevoirs et pour les enseignants,

qui y trouveront de quoi enrichirleurs cours et les adapter à l’ère du numérique.

Abordable pour les municipalitésCar il n’est pas toujours évidentpour les professeurs d’apprivoiserces nouveaux outils. C’est pour -quoi le programme « e-école pourtous » comporte une part d’accom-pagnement de l’équipe pédago -gique. Les enseignants sont for-més à la prise en main du tableaublanc interactif, de l’espace nu -mérique de travail et des nouveauxcontenus éducatifs. Enfin, « e-écolepour tous » assure la maintenancedu matériel et propose une hotlinetechnique pour répondre en casde difficulté.

Une aide concrète pour les muni -cipalités qui souhaitent numériserleurs écoles : le projet est simple etrapide à mettre en place, pour destarifs abordables et mensualisés.La commune n’a plus à se soucierde la gestion des équipements in -formatiques et de leur fin de vie.Expérimenté depuis le mois der -nier, ce programme « clés en main »espère contribuer au développe-ment du numérique à l’école.Aujourd’hui en France, seuls 2,6 élèves de primaire sur 1 000ont accès à un tableau blanc inter-actif. Soit dix fois moins qu’enGrande-Bretagne… M.T.

Plus d’informations sure-ecolepourtous.fr

Terra Nova a formulé sept propositions relatives au numérique à l’école.Pourquoi y accorderune telle importance ?Parce que le numérique est de plusen plus fondamental. Il a totale-ment bouleversé nos rapports aux autres, que ce soit en termesde communication, de politique,d’économie, de production, dedistribution ou de diffusion, maisaussi d’accès au service public. Parconséquent, plus il y aura unefrange de la population en margedu numérique, plus cette frangesera en marge de la société. Larévolution numérique a débuté il y a vingt ans, c’est au-delà mêmede la capacité humaine à intégrerces modifications. Ce qui endécoule est la nécessité absoluede sensibiliser et de former au

numérique dès le plus jeune âge,en l’intégrant dans le parcoursscolaire.

Vous prônez la mise en placed’une nouvelle pédagogie.En quoi consiste-t-elleet quel rôle y joue le numérique ? À court terme, il faut absolumentformer les professeurs aux enjeuxdu numérique, pour que les élèvesse l’approprient, du primaire ausupérieur. Mais à moyen et longterme, il faut repenser entièrementla pédagogie à travers le numérique.Comment ? C’est encore à conce -voir, mais de nombreuses ques-tions se posent. Quel usage faire des tablettes ? Faut-il encore uneprésence systématique et continuedes élèves en classe ? Si oui, sousquelle forme ? Et qu’en est-il ducontenu ?

Concrètement, a-t-on déjàdes pistes ?On peut imaginer des plates-formescollaboratives de création et departage de contenu libre, commeSésamath, lancé par des pro-fesseurs de mathématiques et qui fonctionne très bien. Il fautrepenser et décloisonner notremodèle pédagogique, renforcerl’interactivité de l’enseignement,qui ne doit plus être descendant.Imaginez un professeur très grandpédagogue, délivrant un cours pas-sionnant… Pourquoi ne pas dupli-quer ce message dans toutes lesclasses ? Le rôle des enseignantsserait alors de faire médiation entrece message et les élèves.

Selon Terra Nova, il fautenseigner le numériquedu primaire au supérieur,

dans toutes les filières.Comment y parvenir ?Il faut avant tout sensibiliser lesprofesseurs à l’outil numérique.Pour des raisons générationnelles,beaucoup ont une certaine mé -fiance envers ces technologies,contrairement à leurs élèves qui,eux, sont nés dans cet environ-nement. Il faut montrer aux en -seignants tout ce qu’ils peuventfaire avec le numérique, leur rappeler que ce n’est qu’un ou til,qui n’est ni bon ni mauvais. Etréfléchir avec eux à la manièred’intégrer cet outil en classeplutôt que de l’interdire. Plusgénéralement, nous proposonsaussi de refonder le Brevet Infor-matique et Internet et définirpour chaque niveau et chaque fi -lière des compétences numériquesà placer au cœur du parcours.

Le gouvernement souhaite refonderl’école en accordant une large placeau numérique. Un plan de plus ?Il est important que les hommes etles femmes politiques s’emparent de la question du numérique, car sinous ne faisons rien, nous resteronsdans le suivisme. Et dans le cadrede la réflexion lancée sur l’école,j’ai pu remarquer que la question laplus récurrente et la plus constanteétait celle du numérique… Mais cequi est fondamental, c’est la volontépolitique, qui doit être ferme etdéterminée. Cela dit, dans touteréforme, la difficulté est que chacundoit y trouver son compte et y êtreassocié. Nous sommes dans un paysde révolutions plus que de réformes.Alors, est-ce que la révolutionnumérique va nous conduire à devéritables réformes ? J’espère bien !

M.T.

« e-école pour tous », un service clés en main pour les établissements

« Il faut repenser entièrement la pédagogie à travers le numérique »La fondation Terra Nova a formulé 123 propositions relatives au numérique pour « renoueravec les valeurs progressistes et dynamiser la croissance ». Dans ce rapport, une large placeest consacrée à l’éducation. Précisions avec Nelly Fesseau, coordinatrice des pôles Cultureet Numérique de Terra Nova et coauteure du rapport.

Installation du matériel, mise à disposition de contenu pédagogique interactif, formation desenseignants, maintenance… En prenant tout en main de A à Z, le projet « e-école pour tous »veut faciliter le passage des établissements du primaire vers le numérique éducatif.

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De quel constat est née l’idée d’unprogramme de téléphonie solidaire ?Plus on est pauvre, plus on paie cherl’accès aux biens et services : loge-ment, crédits, assurances… et télé-phone. Car les offres les moins chèresne sont pas adaptées aux modes de consommation des personnes en grande précarité, qui n’ont niInternet, ni compte bancaire et nepeuvent pas s’engager sur la durée.Elles se tournent donc vers les cartes prépayées, bien plus chères…Ré sultat, leur budget téléphonique est complètement démesuré par rapport à leurs ressources. Il repré -sente environ 15 % de leurs revenus,contre 2 à 5 % pour la moyenne de la population. Nous avons doncété voir SFR pour réfléchir ensembleà cette problématique.

Concrètement, commentcela fonctionne ?Nous permettons à des personnes engrande précarité d’accéder à la télé-phonie à très bas prix. SFR nousdonne des cartes prépayées que nousrevendons 5 euros l’heure, contre20 euros dans un bureau de tabac.Mais cette offre ne suffit pas. Quandune personne dépense 120 euros par mois dans la téléphonie alorsqu’elle ne gagne que 600 euros, c’estqu’il y a un problème. Cela peutvenir d’appels vers des numéros sur-taxés, vers l’étranger, vers des ser -vices payants comme la CAF… Nous

aidons ces personnes à mieux com-prendre leur utilisation du téléphoneet nous les conseillons sur commentaméliorer leur pratique. Toutefois,nous ne voulons pas créer de dépen-dance envers ce programme. Au boutde neuf à dix-huit mois, la personnedoit retourner vers une offre de téléphonie commune. Pour cela,nous l’aidons à s’y retrouver dans la jungle des offres, afin de trouverla plus adaptée à sa consommation.

En quoi le téléphone est-il si importantpour les personnes démunies ?Dans l’inconscient collectif, la possession d’un téléphone portableest encore un luxe. Et pourtant, queferait un SDF sans son mobile ? C’estsa dernière adresse. Sans lui, il est in -joignable. Le mobile lui permet degarder le lien avec ses proches, d’êtrecontacté par son assistante sociale, ou d’appeler en cas de souci. Pensezaussi aux personnes frappées de pleinfouet par la nouvelle vague de pau-vreté : les mères célibataires, qui tra-vaillent souvent en horaires décalées.Le téléphone n’est pas un luxe pourelles. Elles ont besoin de savoir sileur enfant va bien, s’il est rentré à la maison et il doit pouvoir la joindre à tout moment. Quant auxpersonnes qui recherchent un emploiou un logement, sans mobile, mêmepas en rêve ! Nous sommes dans unesociété connectée, sans téléphoneportable, nous sommes encore plus

exclus. Idem pour le numérique engénéral. Nous en sommes tellementimprégnés que les personnes qui n’y ont pas accès sont totalementlarguées. Cela leur crée même desdifficultés budgétaires supplémen-taires, car Internet apporte des offresmoins chères, des promotions et des comparateurs de prix.

Emmaüs Défi, SFR, la Ville de Paris…Quel est le rôle de chacun dansce programme ?SFR apporte la technologie et lescompétences de ses collaborateurs,Emmaüs Défi est un peu le chefd’orchestre du programme et la Villede Paris est prescriptrice. Quand nousavons commencé, les travailleursso ciaux de la ville étaient complète-ment démunis. Ils savaient vers quelsorga nismes orienter les gens sur lesquestions d’emploi, de santé, d’ali-

mentation… Mais sur la téléphoniemobile, rien. Pourtant, de nombreusespersonnes croulent sous les facturesnon réglées, les problèmes de conten -tieux et les poursuites liées au télé-phone. Quand nous sommes arrivésavec notre projet, les travailleurs so -ciaux ont trouvé cela génial ! Ce sonteux, ainsi que 120 associations, quinous envoient des personnes. Cepartena riat entre le secteur public,SFR et Emmaüs Défi est la force denotre projet. Associations, collecti -vités, entreprises : chacun détient unepartie de la solution et nous devonsla mettre en place ensemble.

Quel bilan depuis 2010 ?Les retours sont très positifs, beau-coup de collectivités nous solli -citent. Nous avons pour le momentdeux antennes, dans les XIVe etXIXe arrondissements de Paris.Nous allons bientôt en ouvrir unedans le sud de la ville. Deux millepersonnes bénéficient en ce mo -ment de ce programme, qui a prouvé sa viabi lité économiquegrâce aux cinq euros demandés.Une solution qui fonctionne aussibien socialement qu’économique-ment, c’est rare !

Comptez-vous aller plus loin,développer d’autres services ?Pour répondre aux demandes desautres collectivités locales, nousavons « packagé » ce programmepour qu’elles puissent le mettre enœuvre facilement chez elles. Nousaimerions nous développer danstoute la France, et pourquoi pasexporter le concept à l‘étranger !Le Maroc, la Norvège et la Belgiquenous ont déjà sollicités. Nous comp-tons aussi lancer l’an prochain un programme d’accès à Internet.

Propos recueillis par M.T.

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Téléphoniesolidaire

1. Des conditions d’accèsmoins restrictives� Les offres sociales labellisées par l’État en 2011 ne sont accessiblesqu’aux allocataires du RSA (Revenude solidarité active) ne travaillantpas. Les offres solidaires doivent être à disposition d’un public pluslarge, en proie à des difficultés avec le téléphone dans le cadre d’un parcours d’insertion.

2. Une proposition adaptéeaux besoins, aux usageset aux capacités financières�Deux heures de téléphonie par moissont nécessaires, notamment pourles démarches administratives,

coûteuses en temps. Le tout pour 10 euros. L’offre doit pouvoir être payée a priori, en liquide ou par chèque.

3. Une offre accessibleet visible� Les offres solidaires doivent êtreconnues des structures sociales.Il faut garantir aux personnes en difficulté une information claireet fiable auprès des personnesqu’elles côtoient dans leur parcours.

4. Une mission de diagnosticet de conseil� Les structures qui proposent lesoffres de téléphonie solidaire doivent

être en mesure de diagnostiquer lesbesoins des personnes en insertion.Elles doivent aussi les conseillersur leur utilisation du téléphone,et éventuellement les orienter versdes offres du circuit classique, si elles répondent à leurs besoins.

5. Un parcoursd’accompagnement� Les véritables offres solidairesdoivent être prescrites dans un parcours d’accompagnementlarge. Les personnes concernées parles problématiques téléphoniquesont souvent d’autres difficultés et l’aide dont elles disposent ne se limite pas au téléphone.

La téléphonie mobile reste inaccessible aux plus démunis. Et pourtant, ce sont souvent ceux qui en ontle plus besoin. C’est pourquoi Emmaüs Défi a lancé, en 2010, avec SFR et la Ville de Paris un programmede téléphonie solidaire. Explications avec Charles-Édouard Vincent, directeur d’Emmaüs Défi.

En quoi se distingue la téléphonie solidaire type programme Emmaüs Défi-SFRd’une offre dite « sociale » ou low cost ? Pour mieux s’y retrouver, l’Agence nouvelle des solidarités actives, qui accompagne des projetsd’innovation sociale visant à lutter contre l’exclusion, a défini cinq conditionspour qu’une offre soit considérée comme réellement « solidaire ».

20 novembre 10h20 SFR aux côtés

des collectivitésStéphane Roussel, SFR

11h30 La fibre optique : unechance pour demain

Yves Rome, conseil général de l’OiseCyril Luneau, SFR Collectivités

14h20 Open data : l’avenircitoyen

Jean-François Laplume, AgenceNumérique Aquitaine

Stéphane Martayan, Région PACA

Jean-Baptiste Roger, La Fonderie

16h20 La place et le rôledes réseaux d’initiativepublique

Hervé Rasclard, conseil généralde la Drôme, Ardèche Drôme numérique

Fabien Bazin, conseil général de la Nièvre, Niverlan

21 novembre 12h00 Le rôle du numérique

pour le développementéconomique

Éric Kerrouche, communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud

Alain Lagarde, mairie de Tulle, syndicatmixte Dorsal

Cyril Luneau, SFR Collectivités

12h20 Vers le portefeuillemobile

Jean Rottner, mairie de Mulhouse

Hugo Salaun, SFR

14h40 Numérique et égalitédes chances

Antonella Desneux, SFR

Jean-François Bourdon, ministèrede l’Éducation nationale

16h20 La ville à l’heurede la NFC

Daniel Sperling, mairie de Marseille

Antoine Veran, Nice Côte d’Azur,commission des nouvelles technologies

Pierre-Emmanuel Struyven, SFR

22 novembre 10h20 Quoi de neuf pour

l’e-santé ?Christian Bordais, SaaS, FujiFilm

Frédéric Forni, SFR Business Team

11h00 Les applications M2Mpour les collectivités

Frédérique Liaigre, SFR Business Team

* sous réserve de modifications

Collectivités et numérique

« Sans téléphone mobile, nous sommes encore plus exclus »

La téléphonie solidaire en cinq critères

Pour en savoir plus sur les sujets abordés dans ce numéro,suivez les débats organisés* par SFR sur le stand G70.

Charles-Édouard Vincent, directeur d’Emmaüs Défi.

DR

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Alstom est un acteur majeur dansles équipements de productiond’électricité. Ce qu’on appelle« la transition énergétique »fait-elle partie de vos réflexionsstratégiques ?Notre stratégie consiste à proposertoutes les solutions de générationd’électricité. Dans le thermique,nous proposons des centrales aucharbon et au gaz performantes et propres. Nous sommes très pré -sents dans le nucléaire : un tiers descentrales en service dans le monde– près de 140 unités – utilisent noséquipements. Dans les renouve-lables, nous sommes leader mon-dial dans l’hydro électricité et actifsdans la biomasse et la géothermie.Nous nous développons égalementdans l’éolien et nous travaillonsaux solutions de demain : énergiemarine, solaire thermique… Noussommes donc capables de répondreà tous les modèles de productiond’électricité. Nos dépenses en re -cherche et développement reflètentcette stratégie : nous investissonsdans les éoliennes offshore degrande puissance ou dans leshydroliennes, mais nous venonsaussi de sortir de nouvelles tur-bines à gaz. En ce qui concerne la lutte contre le réchauffementclimatique, auquel renvoie la« transition énergétique », noustravaillons aussi sur l’améliorationdu rendement des centrales, carconsommer moins de carburant à production équivalente offre un double avantage, économiqueet environnemental.

Il n’existe donc pas à vos yeuxun modèle global de productionénergétique ? Le modèle choisi par le gouvernement est-il le bon ? L’équilibre entre les différentessources de production d’électricité– ce qu’on appelle le mix énergé-tique – dépend d’abord, pourchaque pays, de l’accès auxressources. Il n’y a aucune raisonpour que la Chine, qui détient les plus grandes réserves de char-bon au monde, fasse les mêmeschoix énergétiques que le Brésil,

qui dispose d’immenses capacitésde production hydroélectriques,ou encore que le Danemark, dontles côtes sont particulièrementfavo rables à l’éolien offshore. Cetéquilibre dépend bien entenduaussi des choix politiques, en fonction de l’importance accordéeà l’indépendance énergétique, descoûts acceptables de l’électricité et de la sensibilité de l’opinionpublique. Il n’y a donc pas de mo dèle universel. La France a faitle choix historique de l’électri -cité d’origine nucléaire, qui a étépayant, en termes d’indépendance,d’efficacité économique et de constitution d’une filière indus-trielle française. Peut-on rééqui -librer le mix énergétique, avecmoins de nucléaire et plus derenouvelables ? Oui, bien sûr. C’estun choix politique. Alstom par-ticipera à ce titre pleinement audéveloppement des énergies re -nouvelables en France.

Le nucléaire a donc encoreun avenir ?Le nucléaire représente aujourd’huiun peu plus de 15 % du mix éner -gétique mondial. Après Fukushima,quelques pays, comme l’Allemagne,la Suisse ou le Japon, ont déclarérenoncer. Mais beaucoup d’autres– plus de trente – poursuivent des programmes nucléaires, à plusou moins long terme. C’est le casdu Royaume-Uni, de la Pologne, de la Finlande, de la Républiquetchèque, de la Turquie, de l’Inde,de la Chine ou de la Russie. LaFrance a la chance d’avoir troisleaders mondiaux dans le nucléairecivil à haut niveau de sûreté, avecEDF, Areva et Alstom, sans oublierleurs nombreux sous-traitants.Nous n’avons pas trop de cham -pions industriels ! Il est donc essentiel de soutenir une filière qui emploie en France beaucoup de collaborateurs très qualifiés et travaille massivement pourl’expor tation. Lorsque nous rem-portons un contrat pour la futurecentrale russe de Kaliningrad,comme cela a été le cas au début

de cette année, ce sont des milliersd’heures de travail pour notre usinede Belfort.

Vous avez remporté avec EDFÉnergies nouvelles une grandepartie du premier appel d’offreséolien offshore français. Quereprésente ce projet pour Alstom ? Ce projet est une triple opportunité.Il nous a permis de développer unemachine nouvelle, robuste et degrande puissance, qu’il aurait étédifficile de lancer sans contrat. Nousallons ensuite fournir 240 éolienneset pour cela nous allons cons truirequatre usines, deux à Saint-Nazaireet deux à Cherbourg, et créer ainsi5 000 emplois, dont 1 000 emploisdirects. Enfin, il nous permet decréer une base d’exportation, pourservir les besoins du marché euro -péen, notamment britannique.

Une de vos divisions – Alstom Grid –est spécialisée dans la transmissiond’électricité. Quelle est la place decette activité dans votre stratégie ?

Elle est très importante, non seule-ment parce qu’elle représente4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais aussi parce queGrid développe des technologies de pointe, qu’on appelle « réseauxintelligents » ou smart grid enanglais. Sans ces technologies, il ne sera pas possible d’intégrer àgrande échelle dans les réseauxl’électri cité d’origine éolienne ousolaire, qui est intermittente pardéfinition, ou de pilo ter l’équilibreentre la production et la demandeau niveau d’un quar tier, d’une villeou d’une région. Le réseau doitêtre de plus en plus flexible et in -telligent. Il s’agit d’une dimensionessentielle de la politique d’effica -cité énergétique.

Ces technologies permettentaussi d’interconnecter les paysentre eux ?Oui, c’est ce qu’on appelle les super grid, qui permettent d’abordde transporter, à très haute ten-sion et en courant continu, de

l’électricité sur de grandes dis-tances avec des pertes minimumsentre les centres de production etles zones de consommation. C’estle cas par exemple au Brésil, entreles centrales hydroélectriquessituées dans l’ouest du pays et lesgrandes villes de l’est, ou encoreen Allemagne, où se pose le pro -blème du transport de l’électricitéque produiront les éoliennes enmer du Nord ou dans la Baltiquevers les centres industriels eturbains du centre et du sud dupays. Le super grid est un élémentessentiel de la transition éner -gétique, car il permet de résoudredeux problèmes : la distance – carles sources d’énergies renouve-lables sont rarement à proxi mitédes centres de consommation – etla stabilité – car les renouvelablessont pour la plupart intermittenteset il faut donc pouvoir allerchercher le complément d’élec-tricité nécessaire.

Propos recueillispar Joël Genard

NUMÉRO 456, MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 19

Transitionénergétique

Le pourquoi et le commentde la transition énergétiqueLe président de la République l’avait promis, le gouvernement Ayrault l’a lancé : le grand débatsur la transition énergétique doit aboutir au printemps prochain à une loi de programmation.À charge pour l’industrie de s’imposer grâce à son savoir-faire. La France peut devenir un géant énergétique. Certaines entreprises comme Alstom ont déjà peaufiné leur stratégie du mix énergétique. Revue de détail avec son PDG, Patrick Kron.

Patrick Kron, Président-directeur général d’Alstom. PHOTO ÉRIC PIERMONT/AFP

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Comment concevez-vous latransition énergétique chez Total ?Nous avons une vision globale etinternationale de la transitionénergétique. Le mix énergétique nepeut donc pas être perçu du strictpoint de vue français. Ce mix dif-fère selon les régions et les paysen fonction des ressources dispo -nibles sur leur territoire, des besoinsà couvrir, du contexte économique,social, environnemental…Ainsi, au Brésil, l’hydroélectricitéreprésente 15 % du mix énergé-tique et plus des deux tiers de la production électrique. En Chine, lecharbon couvre plus des deux tiersdu mix et près de 90 % de la généra-tion électrique. Le mix énergétiquepeut également résulter d’un choixpolitique. En France, le nucléaire està l’origine de 80 % de l’électricitéproduite et de 40 % de l’énergieconsommée aujourd’hui.En termes de production énergé-tique, plus de 80 % de l’énergie pri-maire est de l’énergie fossile pro-duite à partir du charbon, du gaz et du pétrole. Nos scenarii ne sontpas très éloignés de ceux de l’Agenceinternationale de l’énergie (AIE),qui considère qu’en 2030 cette partdevrait diminuer pour passer à 76 %.Les changements ne peuvent doncpas se faire de façon brutale.La demande en énergie mondiale va augmenter chaque année de 1 %à 1,5 %. C’est beaucoup moins quela part du développement éco no -mique mondial. Dans le même tempson constate un développement del’efficacité énergétique, c’est-à-direla capa cité à mieux utiliser l’énergietout en ayant les mêmes capacitésde confort, voire plus.

Dans ce mix énergétique, est-ce quevous tenez compte des difficultésde production mondiale et des conséquences des gaz à effet de serre ?La demande mondiale en énergie,comme je vous le disais, va conti -nuer d’augmenter dans les décen-nies à venir. Tous les scenarii deprospective à l’horizon 2020-2030

concordent sur ce point. Commentsatisfaire cette demande en intégrantsystématiquement dans nos choixcollectifs l’impératif de lutte contrele changement climatique ? PourTotal, il n’existe pas de réponseunique à cette question devenuecentrale. La première urgence est deprogresser en termes d’efficacitéénergétique, de consommer moins,partout où c’est possible.

Et pour le mix énergétiquefrançais ?Il faut considérer que la France aune situation particulière avec une

présence très forte du nucléaire. Ilfaudra réfléchir aux substituts àvenir grâce aux énergies nouvelles.Mais ce sont des énergies quidemeurent chères. Il faut toute-fois investir dans ces énergies carelles seront complémentaires.Mais la question est surtout celledu coût de ce mix énergétique. Ilfaut tout faire pour baisser les coûts.Quant au gaz de schiste, noussommes sidérés de constater quel’on s’empêche de savoir si nousdisposons de ressources ou non.La France ne sait donc pas si ellepeut faire diminuer le coût de

son gaz. Mais nous respectons leschoix politiques.Dans le choix d’un mix énergé-tique, il est important de réfléchiraux différentes solutions en ima -ginant les étapes pour y arriver etdans un cadre européen.Pour nous, le débat doit se fairesous plusieurs angles : écono -mique, environnemental et so -ciétal, en tenant compte du jeu decontraintes internationales. Or, ilmanque aujourd’hui une réflexionsérieuse et un travail global. Lescoûts d’accès, la manière d’arriverà telle ou telle solution, le coûtsocial lié à la transformation d’uneactivité ne sont pas étudiés. Il fautmesurer les impacts de ces choixet les décider en tenant compteaussi des avis des industriels. Ce qui n’a pas été fait, y compris aumoment de la conférence environ-nementale. Nous n’y avons mêmepas été invités !

Comment voyez-vous le paysageénergétique de demain ?Le pétrole et le gaz vont demeurerpour longtemps au cœur de nosactivités. Mais notre engagementdans les énergies renouvelables etautres énergies complémentairesa débuté depuis plus de vingt ans.Aujourd’hui, nous avons pourambition de contribuer plus forte-ment encore à l’avènement d’uneoffre énergétique plus innovante,plus diversifiée et plus durable, de proposer une pépinière de nou-velles solutions, d’accélérer leurarrivée à maturité.

Quelles sont, à partir de là,vos priorités ?Nous avons choisi d’investir enpriorité dans deux filières d’aveniroù nous pouvons jouer un rôle significatif, où nos compétencespeuvent faire la différence, au service de tous : le solaire et la valorisation de la biomasse.Dans le solaire, nous prenons appuisur une expertise reconnue dansla filière photovoltaïque pourapporter à ce secteur en pleine

effervescence nos capacités d’inno-vation. Les rendements sont encorefaibles et le solaire, énergie trèsabondante sur certaines zones géographiques, prendra une partplus importante dans le futur.Notre position de troisième acteurmondial nous donne aujourd’huiune véritable légitimité.Nous travaillons activement audéveloppement des bioénergies,en investissant dans des filièresqui valoriseront de la biomasse de deuxième génération, pourcompléter l’offre biocarburantsmais aussi l’offre biomatériaux.Ces choix, clairement affirmés,sont guidés par trois grandscritères : lutte contre le change-ment climatique, rentabilité in -trinsèque des activités concernées,proximité avec nos savoir-faire.L’industrie nucléaire présenteégalement un fort potentiel decroissance, mais l’accident deFukushima a un fort impact surson acceptabilité.En parallèle, nous continuons d’explorer d’autres voies encoremoins matures sur de nouveauxdomaines du paysage énergétique.Parmi ceux-ci : la filière hydro -gène-pile à combustible et ses dif-férentes applications, le méthanol,exploi table sous de multiplesformes, et le diméthyl éther (DME),molécule propre et polyvalente qui peut servir de carburant, decombustible, de charge pétrochi -mique ou alimenter des centralesélectriques. Nous exerçons aussiune veille active, sur les possibi -lités qu’ouvrent des start-up inno-vantes, en les accompagnant dansleur développement (le stockagede l’énergie, l’efficacité énergé-tique, l’écomobilité, les bioéner-gies, etc.). Le Groupe s’associe àdes start-up innovantes centréessur des concepts technologiquesou des business nouveaux maissusceptibles de se concrétiser à plus large échelle, dans le paysageénergétique.

Propos recueillispar Joël Genard

Mobiliser toutesles sources d’énergieComment préparer l’avènement d’un monde durablement doté des énergies nécessairesà son développement ? Comment faire face aux enjeux de la croissance démographiqueet économique tout en réduisant les émissions globales de gaz à effet de serre ? Par uneutilisation efficace et raisonnée de l’énergie en premier lieu. Mais il importe aussi, en parallèle,de définir ce que doit être ce mix énergétique à la française. Explications de Manoelle Lepoutre

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20 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 456, MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012

Transitionénergétique

Manoelle Lepoutre, directrice du développement durable et de l’environnement chez Total.

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Peut-on dire que Total est aujourd’hui un acteur du développement local ?Total s’inscrit dans une politiquede développement durable, en par-ticulier en France. Cette démarcheest notamment portée par notre fi -liale Total Développement Régional(TDR), qui assure un ancrage éco no -mique dans les régions tradition-nelles d’implantation du Groupe.Nous veillons aussi à ce que les ter-ritoires conservent leur dynamique,y compris en cas de restructurationindustrielle, comme à Dunkerqueoù nous avons dû fermer une raffi -nerie. Et puis, la bonne santé d’unterritoire, c’est aussi la bonne santéd’un grand Groupe qui travaille aveclui ! Il s’agit bien d’un intérêt mutuel.Notre raison d’être est la créationd’emplois au sein des PME, par desaides financières ou de conseil dansl’accompagnement de leur déve lop -pement. C’est ainsi que nous avonsdéjà aidé plus d’un millier d’entre-prises : au cours des seules dix der -nières années ce sont 15 000 em -plois qui ont été programmés oucréés, 60 millions de prêts qui ontété accordés, dont 20 millions pourla revitalisation des territoires.

Quels sont les critères de sélectiondes entreprises qui bénéficientde cette démarched’accompagnement ?Il y a deux niveaux d’intervention.Le premier concerne l’aide à la créa-tion, au développement ou à la

reprise d’activité. Cette démarches’adresse à des entreprises de taillemodeste. Nous leur permettons de bénéficier d’un prêt de trois àcinq ans, sous forme d’avances remboursables à taux zéro, jusqu’à50 000 euros. Ce sont des entre -prises qui ont moins d’un an oumoins de cinq ans de reprise. Cetappui concerne tous les secteursd’activité, sans lien avec nos activités.La seconde démarche consiste àapporter un appui financier pour lesentreprises innovantes dans leurphase de développement, qu’ellessoient matures ou start-up. C’est uneaction menée notamment avecOséo* ou le Cetim**, qui identifientdes « champions » de l’innovation.Oséo en repère environ 400 chaqueannée en France. Nous en sélec-tionnons une quarantaine par an,dans des secteurs spécifiques intéres-sant le Groupe, avec lesquelles nousprolongeons ainsi l’action d’Oséopour leur permettre de passer le capdifficile du passage de la phase derecherche à la phase de production.Nous pouvons leur accorder jusqu’à300 000 euros. Ce prêt s’effectuesur une durée de cinq à six ans, avecun différé de remboursement. Cetappui concerne des entreprises quiont une démarche pertinente dansdes hautes technologies utilisablesdans le secteur de l’énergie, pétroleou gaz par exemple.

Cette démarche se limite à la France ?Nous aidons des entreprises fran -

çaises susceptibles d’intervenir àl’export. Plusieurs de nos filiales à l’étranger peuvent permettre d’accompagner cette volonté. Nousmettons à leur disposition notreconnaissance du pays et des acteurslocaux, ainsi que, localement, desVIE [Volontariat international en entreprise, NDLR] qui leur sontdédiés. Il faut toutefois que cettedémarche à l’international profite à la création d’emplois en France.Nous faisons en sorte que cettedémarche soit en cohérence avecnotre ancrage territorial.

Est-ce que toutes ces démarchess’inscrivent avec les politiquesmenées par les Conseils régionaux,certaines villes ou départements ?Ces entreprises nous arrivent par le biais du Réseau Entreprendre,d’Oséo, des Chambres de commerceet d’industrie (CCI), mais aussi parles régions d’implantation. C’est le cas en Aquitaine, Pays de Loire,Normandie, vallée du Rhône, Nordet l’Est et PACA. L’État fait beaucoupavec Oséo, UbiFrance, la Caisse desdépôts et consignations. Mais l’in-tervention d’un acteur privé est sou-vent utile pour évaluer la pertinencedu soutien sur le plan de l’expertiseéconomique ou industrielle.Nous conjuguons nos talents avecles Régions et nous utilisons le le vierde l’État. Car je pense qu’il est né -cessaire, comme en Allemagne oudans les pays anglo-saxons, d’avoirrecours à des fonds privés. Cela

permet de restreindre la prise derisque par un banquier. C’est uneimpulsion qui conforte les Conseilsrégionaux, l’État, et qui permet ainsi à des projets de voir le jour oud’être confortés. Nous échangeonsaussi sur ces bonnes pratiques avecplusieurs grandes entreprises duCac 40 qui adhèrent à cettedémarche, au sein de l’initiative« Pacte PME », et cela permet dedévelopper cette approche fondspublics-fonds privés. C’est ainsi quedes dossiers qui ne seraient pas per-tinents avec notre propre logiqued’ancrage régional peuvent êtretransmis à d’autres grands Groupes.C’est une dynamique qui doit êtreamplifiée, car, au-delà de l’appuifinancier, la caution est indispen -sable à l’entreprise qui présente son dossier aux banques.

Avez-vous un exemple significatifd’entreprise qui existe ou continued’exister grâce à votre démarche ?Il y en a beaucoup ! Je citerai l’entre-prise OTech, dans les Landes. Audépart il s’agissait d’un atelier agricolesemi-industriel dans le secteur del’arrosage. Nous trouvions sa dé -marche pertinente et nous l’avonsaidée. Elle souhaitait élargir sonchamp d’action compte tenu de lasaisonnalité de son activité. Nousl’avons emmenée en Australie afin de trouver une activité à contre-cycle.Et dans un second temps nous luiavons permis d’être présente au Kaza-khstan. Elle réalise désormais 40 %

de son chiffre d’affaires avec ce pays.Il s’est agi uniquement d’une mise en relation avec les entreprises localesde ce pays. Il faut s’appeler Total pouravoir cette capacité de contact.

C’est donc un engagementde solidarité… ?C’est d’abord un engagement d’an-crage économique auprès des terri-toires. C’est une démarche de soli-darité. La bonne santé des territoires,comme je l’ai déjà dit, c’est la bonnesanté de Total. Depuis que je suisdans ce métier, j’observe une grandequalité de dossiers, en particulierdans l’innovation. En France, onmanque de crédibilité dans les soutiens et il faut plus de solidaritéentrepreneuriale. Nous sommesdans cette démarche qui permetd’insuffler une dynamique entrefonds publics et fonds privés auprèsdes entreprises françaises parcequ’elles le méritent ! C’est pourquoi,ainsi que je vous l’ai dit, nous ironsencore plus loin en faveur des PMEinnovantes en octroyant des prêtssignificatifs. Nous réfléchissons à la possibilité de faire de nos PMEles plus innovantes des ETI [Entre-prise de taille intermédiaire, NDLR].Ce sera le nouveau front d’action de Total pour permettre de renforcerla compétitivité de nos entreprises.

Propos recueillis par J.G.

* Epic qui finance les PME françaises pour

l’emploi et la croissance.

** Centre technique des industries mécaniques.

Quel est le type de partenariat que votre réseau entretient avecTotal Développement Régional ?Total Développement Régional(TDR) nous permet de faire entrer des créateurs d’entreprise dans notreréseau et que nous accompagnons.À l’inverse, TDR finance des entre-prises qui ont fait appel à nous. Celapermet ainsi de doubler la mise pour « booster » ces jeunes créateurs.Pour leurs besoins à l’export, ces entre -pri ses font appel au réseau de Totaldans le monde afin de faciliter leursbesoins de développement. Notremission est de contribuer à la réussitede nouveaux entrepreneurs signi-ficativement créateurs d’emplois etde richesses en France. Le cœur demétier de Réseau Entreprendre, c’est :

- l’accompagnement par des chefsd’entreprise. L’engagement de ceschefs d’entreprise au sein de RéseauEntreprendre est alimenté par leurpassion de l’entrepreneuriat et leurenvie de la transmettre à de nou-veaux entrepreneurs dans un espritde citoyenneté économique. Ainsi,les membres donnent bénévo -lement de leur temps pour étudierles projets, participer aux comitésd’engagement, accompagner deslauréats et animer leur associa -tion… Ce qui représente plus de70 000 heures de bénévolat par an.- un financement sous forme deprêts d’honneur, particulièrementintéressants pour leur effet de leviersur les autres financements, notam-ment bancaires.

Le soutien de Total estindispensable dans votre mission ?Total accompagne les entreprisesdepuis longtemps. Cette action nedate pas d’hier. Ils ont un sens aigudes besoins des PME qui se dévelop-pent. Nous avons la même finalitéque Total Développement Régionalpour créer des emplois dans les ter-ritoires. Nos missions sont donctrès proches et cela conforte notreaction de chef d’entreprise d’accom -pa gner des jeunes créateurs ou repre-neurs. Cet accompagnement reposesur des prêts d’honneurs de 15 000 à50 000 euros pour permettre l’effetde levier des banques. Ensuite nousavons une démarche de partaged’expériences obligatoire entre cescréateurs. Chacun de nos lauréats

est accompa gné individuellementpar un de nos chefs d’entreprisemembres. Total DéveloppementRégional adhère à cette façon defaire.

Quelles sont les valeursque vous défendez ?L’accompagnement de RéseauEntreprendre est fondé sur troisvaleurs indissociables : l’importancepremière accordée à la personne ;la seconde est celle de la gratuité desconseils, de l’accompagnement etdu prêt d’honneur ; la troisième estcelle de l’esprit de réciprocité, leslauréats étant invités à rendre àd’autres demain ce qu’ils reçoiventaujourd’hui. Nous avons la passionde l’entrepreneuriat.

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Économie

Comment être un acteur du développementrégional quand on s’appelle Total ?Total Développement Régional soutient des Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui se créent, se développent, se transmettent ou s’exportent. Le Groupe Total contribue ainsi, en partenariat avec les acteurs socio-économiques locaux, au dynamisme des Régions où il intervient, et à la créationou au maintien d’emplois. Les enjeux avec Yves Tournié, directeur de Total Développement Régional.

3 questions à

DAVID POUYANNEPRÉSIDENT DU RÉSEAUENTREPRENDRE

DR

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Tornio-Haparanda à la fron-tière finno-suédoise, mar-quée par le fleuve Torne,

l’Eurométropole Lille-Kortrijk- Tournai entre France, Wallonie etFlandre belge, l’Eurodistrict Stras-bourg-Ortenau au cœur de la voiede circulation du Rhin, le massifalpin entre France, Italie et Monaco,l’Eurotunnel… Voici quelques grandsaxes convergents de cette partie du continent. C’est que le territoiretransfrontalier est situé à l’estuaired’une volonté politique et d’uneréalité physique – pour ne pas parlerd’une chronicité géographique.

Il est le petit lieu d’un grand projet,l’occasion de nouvelles transver-sales linguistiques et culturelles,l’hypothèse institutionnelle pourconstruire demain un territoireidentitaire encore en dormition. Seforger ce type de destin, à deux outrois États, suppose des référencescommunes et c’est d’elles que tientcompte la coopération territorialeeuropéenne, notamment avecl’actuel Interreg IV 2007-2013. La convention-cadre de Madrid du 21 mai 1980 fut l’acte inauguralde la volonté transfrontalière desautorités territoriales en Europe.

Selon l’article 2 de la convention,signée au niveau du Conseil de l’Europe, « est considérée commecoopération transfrontalière, au sens de la présente convention, toute concertation visant à renforcer et àdévelopper les rapports de voisinageentre collectivités ou autorités terri -toriales relevant de deux ou plusieursparties contractantes, ainsi que la conclusion des accords et des arrange-ments utiles à cette fin. La coopérationtransfrontalière s’exercera dans le cadredes compétences des collectivités ouautorités territoriales, telles qu’ellessont définies par le droit interne. »Depuis 2004, l’Union européenneet le Conseil de l’Europe tentent de déterminer une structure de co -opération unique, nouvelle formede personne morale qui ferait l’una nimité en s’adaptant à tousles contextes locaux. On a eu lesGroupements transfrontaliers decoopération territoriale (GTCT), lesGroupements de coopération ter-ritoriale (GCT), l’Eurorégion Trans-manche ou celle des Carpates, lesGroupements européens de co -opération territoriale (GECT) etenfin les « districts européens »,dotés de l’autonomie financière etde la personnalité juridique (voirl’article 1115-4-1 du code généraldes collectivités territoriales). Onpasse ainsi progressivement desstructures de fait aux structures de coopération, véritable portagepolitique de la logique européennetransfrontalière.

La subvention de la coopérationentre frontières internes de l’Europe : le fonds Interreg IVLa coopération territoriale euro -péenne n’est plus un programmed’initiative communautaire spéci-fique mais est intégrée désormais auFonds européen de développementrégional (Feder), sous l’objectif 3. Le but est de promouvoir des solu-tions communes pour les autoritésvoisines, qu’elles soient de niveauinterrégional ou transnational. Huit cent cinquante-sept millionsd’euros ont été alloués à la Francepour réaliser ce volet des fonds structurels. Les thèmes finançablessont très généraux : culture,

coopération maritime, développe-ment éco nomique, espaces naturels,santé, tourisme, travailleurs… Enmatière d’aménagement du terri-toire transfrontalier, il est naturelque les partenaires souhaitent passer d’une existence cloisonnée à un espace partagé. Il en résulte la mise en place d’instances régu-latrices comme l’Eurocité basque,l’espace franco-valdo-genévois, laconcertation entre outils locaux de développement (Schéma decohérence territoriale…), la créa-tion d’équipements communs(comme la gare d’Annemasse, enHaute-Savoie), etc. Concernant un exemple parmid’autres – l’alliage entre les nou-

velles technologies de l’informa-tion et la santé –, on peut citer lebiocluster Sud de l’Europe, répartientre initiatives privée et publique.Grâce à l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée, six bioclusters etréseaux entrepreneuriaux se sontréunis (après six ans d’activités communes) au sein d’une nou -velle entité rassemblant plus de 1 000 en treprises et 1 000 labora-toires (spécialisés en biotechno -logies) du sud de l’Europe. Inter -venue en 2010, la signature de laconvention vise à faciliter « l’émer-gence de projets transrégionaux » et de programmes communs derecherche et déve loppement sur la base de l’Eurorégion.

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Pratiques

22 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 456, MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff, Maître

de conférences de l’IEP Paris

Les fonds transfrontaliers : une aide européenne pour les Régions

� Le projet doit concerner au moins deux pays, dont un de l’Union européenne.� Les porteurs de projet et leurs partenaires doivent se trouver dans le même

espace de programmation opérationnelle (documents « Orientationsstratégiques communautaires » et « Cadre de référence stratégique national »).

� Les bénéficiaires peuvent être des opérateurs privés ou publics de l’Unioneuropéenne, n’importe quel organisme, des collectivités locales…

� Les opérations doivent respecter au moins deux des critères suivants : avoir un développement conjoint, une mise en œuvre conjointe, une dotationconjointe en effectifs, un financement conjoint.

� Le porteur de projet doit avoir d’autres sources de financement que les fondsstructurels européens.

� Les partenaires au projet doivent désigner un « premier partenaire », chef defile chargé de la responsabilité de l’opération et de la gestion des subventions.

� Dans le cadre de l’Interreg IV, l’objectif principal est le développementd’activités économiques, sociales et environnementales transfrontalières au moyen de stratégies conjointes en faveur du développement territorialdurable. Le développement du tourisme, la protection des ressourcesnaturelles ou l’amélioration des transports constituent des initiativesappréciées.

� La France est concernée par 12 espaces Interreg IV. Les coopérationstransnationales et interrégionales font l’objet de programmations spécifiques,et certains espaces Interreg antérieurs à 2007 continuent à pouvoir êtreprogrammés avec des dotations maintenues.

� En France, c’est la MOT (Mission opérationnelle transfrontalière) qui estchargée d’encourager les projets de ce type et de renseigner les futurspartenaires sur les formalités à suivre. Elle est dotée d’un comité de pilotageinterministériel qui permet de recueillir les avis compétents sur les diversprojets transfrontières.

Comment bénéficierd’un financement« Objectif 3 Feder –coopérationtransfrontalière » ?

L’articulation entre territoires transfrontaliers et politiques régionales (et nationales) est un enjeu central au regard de la logique européenne « de cohésion » 2014-2020. La coopérationterritoriale européenne est désormais intégrée au Fonds européen de développement régional (Feder). Les futures structures de coopération permettront à l’avenir de créerun portage politique de cette logique européenne transfrontalière.

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Avez-vous le sentiment que lecitoyen est devenu incontournablepour la réussite des grands projetsurbains ?Le citoyen est un expert de la ville,qu’il vit au quotidien. Il revendiquele fait d’être un acteur à part entièredes projets qui le concernent. Ils’in téresse à son cadre de vie etsouhaite participer à la construc-tion de sa ville. Il entend donc direson mot. Ses moyens d’expression,qui ont profondément évolué et sont aujourd’hui plus faciles et plus audibles, participent de ce phénomène. Chacun peut ex -primer son point de vue notam-ment via les médias et les réseauxsociaux, sans passer par les struc-tures institutionnalisées. L’appa -rition des nouvelles technologiesde l’information et de la communi -cation (NTIC) bouleverse les choses.Elles permettent une expressionen temps réel des opinions et de les partager largement. Il y a descommunautés spontanées qui secréent autour d’une idée, autour de la défense d’un intérêt. Voilàdonc un contexte qui change et qui rend peut-être la recherched’adhésion difficile parce qu’il fautfédérer probablement des opinionsbeaucoup plus diverses mais quidonne également des opportunitésextraordinaires pour mobiliser lescitoyens et répondre à leur volontéde participation.

Mais est-on efficace en donnantle pouvoir direct aux habitants ?Le citoyen est devenu incontour -nable et d’ailleurs on a tous en têtedes expériences de projets urbainsqui ont échoué par manque d’adhé -sion. Ils se sont traduits par descoûts importants. On peut men-tionner à titre d’exemple, parcequ’il a été extrêmement médiatisé,le projet de Stuttgart 21 (la réno-vation de la gare de Stuttgart), quis’est traduit par des délais et éga -lement par un coût sociétal trèsimportant parce qu’il a donné lieuà des manifestations violentes,donc à une division de la société.

On constate un coût de la non-adhésion extrêmement élevéchaque fois qu’un projet urbain,faute d’adhésion, est altéré danssa réalisation ou abandonné. C’estun coût financier lié au change-ment de projet, aux reports, autemps perdu. C’est également unaffaiblissement de la cohésionsociale, qui se traduit par un coûtpolitique et par un coût d’image.Bref, c’est un coût collectif sup-porté par l’ensemble des partiesprenantes. Cette adhésion est donc indispensable pour la réussited’un projet urbain. Il s’agit d’unmouvement de fond et les élus ensont conscients. Le degré de mobi -lisation ou de refus est cependantvaria ble en fonction de la taille de l’agglomération.

Peut-on parler d’expertisecollective des citoyens ?Amsterdam a mis en place cetteexpertise collective de façon àdéfinir les grands axes de plani-fication urbaine pour faire adhé -rer la population. C’est l’une des

villes les plus en avance dans ce processus. Ce n’est plus l’éluqui cherche à valoriser un projetdéfini avec des experts, mais c’estle projet qui se construit avec lescitoyens.

C’est une manière de coconcevoirdes projets urbains ?On est sorti de la consultation sur le projet où viennent ceux quiveulent venir et où la grandemajorité reste silencieuse. On entredans un processus où chacun estcapable désormais de réagir, defaire des suggestions et d’alimenterun débat. On voit se développertoute une série d’initiatives nou-velles, de processus nouveaux quireposent très largement sur l’utili -sation des nouvelles technologiesde l’information et de la commu-nication et qui visent à associerles citoyens très en amont auxprocessus de définition, de déci -sion et d’exécution des projets.Partir de ces données nous per-mettrait de construire la ville àpartir des usages.

Cela implique-t-il à votre avisque les élus mettent en place desnouveaux modes de gouvernance ?Et y sont-ils préparés ?Nous vivons dans des régimes dedémocratie représentative. C’est lesystème institutionnel qui fait queles décisions appartiennent aux élus.La question est de savoir commentfaire coexister, en totale synergie,le système institutionnel et un autreplus transversal qui permet de faireéme rger des idées et d’orienter infine les décisions pri ses. Un systèmede gouvernance ne doit pas en rem-placer un autre. Il faut donc qu’ilssoient complémentaires. Grâce àcela les projets s’enrichissent et laville construite recueille l’adhésiondes citoyens. Le citadin n’est plusseulement spectateur, même s’il estconsulté et participe à des concer-tations, mais véritablement acteur,à l’origine d’un certain nombre deprojets urbains, ce qui évidemmentest la forme ultime de l’adhésionpuisque, dans ce cas-là, la ville émanedu citoyen lui-même et non plusuniquement des experts et des élus.

Avez-vous d’autres exemplestrès avancés en matièred’émergence de projetsgrâce aux citoyens ?Je vous citerai le cas par exemplede New York, avec « Change By Us NYC », un site Internet qui solli cite les idées des citoyens pour améliorer leur cadre de vie– pour faire émerger des projets quisont dans une logique bottom-up.Parfois cela va encore plus loin,c’est-à-dire que le citoyen devientun véritable acteur du changementet du projet de ville. Les effets sontde construire l’adhésion et de prendre en compte les usages qui setransmettent ainsi aux décideurs.

Est-ce que cela peut allerjusqu’au financement participatif ?Il y a des expériences en la matière.L’une des expériences qui est pra-tiquée en Allemagne est le BusinessImprovement District (BID) selonlequel certains citoyens prennenten main et prennent partiellementen charge, financièrement, auxcôtés de la municipalité, l’amélio-ration d’un quartier, en étant à l’origine de la définition du projet.Ils y vont de leur poche !On trouve également cela dans lesprocédures que l’on appelle deCrowd funding où, là encore, descitoyens, des habitants, se fédèrentet acceptent d’apporter des fondsautour d’une idée qu’ils ont eux-mêmes promue pour essayer defaire sortir un projet.En conclusion, je dirai que larecherche d’adhésion n’est pasle problème d’une municipalité,d’un donneur d’ordre public, despouvoirs publics ou des entreprisesou des citoyens ou des associationsmais c’est en fait la responsabilitéde tous pour enrichir la transfor-mation urbaine.

Propos recueillispar Joël Genard

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Urbanisme

Les enjeux de l’adhésioncitoyenne aux projets urbainsL’engagement citoyen est au cœur de la construction des villes. Le citoyen souhaite donner sonavis et proposer des solutions. Les collectivités vont devoir intégrer cette donnée, à l’exempled’Amsterdam qui innove avec l’open planification ou en favorisant l’émergence d’initiativesbottom-up. Remi Dorval, président de La Fabrique de la Cité, un forum de réflexionsur la ville de demain créé à l’initiative de VINCI, est persuadé qu’un projet d’infrastructureou d’aménagement urbain ne peut réussir qu’avec l’acceptabilité du citoyen.

Remi Dorval, président de La Fabrique de la Cité. PHOTO LUC BENEVELLO

Pour en savoir plus surLa Fabrique de la Cité

www.lafabriquedelacite.com

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Créée en 2006, Ecofolio est une société privée à but nonlucratif, agréée par l’État. Elle

exerce une mission d’intérêt général.Plus qu’une entreprise, Ecofolio estun écosystème qui réunit l’ensembledes acteurs de la filière dans une dé -marche de responsabilité collective.L’ambition ? Construire la fi lièrepapiers de demain, en dépassant lesintérêts particuliers. Trois « grandesinstances » se complètent pourétablir une feuille de route définie etacceptée par l’ensemble des acteursde la filière, régulée et contrôlée parl’État, déployée par la gouvernancede l’éco-organisme.La commission consultative d’agré-ment (CCDA) rassemble tous lesacteurs de la filière : ministères d’agrément, collecti vités, opérateurs,recycleurs, metteurs sur le marché,ONG, associations environnemen-tales et de consommateurs… Véri -table instance de concertation, ellese réunit trimestriellement pour sui vre l’activité et valider les orien-tations stratégiques.Les trois ministères d’agrément sontles mi nistères de l’Écologie, de l’Éco -nomie et de l’Intérieur. Leur rôle estdouble : définir les objectifs ; réguleret contrôler ; valider l’agrément del’éco-orga nisme et donc sa capa citéà appliquer la feuille de route établiepar les mi nis tères en concertationavec la CCDA.

La gouvernance de l’éco-organismeLa gouvernance d’Ecofolio est com-posée de représentants de tous lesémetteurs de papiers qui contri-buent au dispositif de la responsa -

bilité élargie du producteur (REP).Son rôle est d’appliquer la feuillede route définie par les ministèresd’agrément et de la décliner enstratégie d’actions. Les associés

d’Ecofolio sont au nombre de 48.Quatre collèges représentatifscomposent cette gouvernance :commerce et distribution ; annu-aires ; fabricants et distributeurs

de papiers à copier et enveloppes ;autres assujettis. Le conseil d’admi -nistration est composé de 13 mem-bres élus pour une durée de trois ans.Comme le prévoit l’article L.541-10du code de l’environnement, uncenseur d’État siège également pour renforcer le contrôle de l’État et s’assurer notamment dumaintien des capacités financièresde l’éco- organisme. Le conseilnomme le président, vote l’éco-contribution et les barèmes, et seréunit très régulièrement.

Du papier « déchet »au papier « ressource »Pour répondre à la transition éco -logique qui s’impose aux acti vitéséconomiques (croissance décar bon-née et épuisement des ressources),Ecofolio fait primer l’économie cir-culaire des papiers sur la logiqued’élimination des déchets. En effet,les tensions sur la ressource « bois »impactent fortement son prix etobligent à recentrer le recours à cettematière première sur les utilisationsincontournables : production d’é ner -gie, ameublement, construction. Ilfaudra toujours du bois à l’originepour produire du papier vierge.

Une chancePour autant, le papier se recyclecinq fois en papier et tous les papiersse recyclent. C’est une chance consi dérable ! Nous devons doncutili ser nos vieux papiers commedes matières premières (aujourd’hui,moins d’un papier sur deux est trié).Faire du déchet une ressource dansun modèle organisé en circularité,

c’est faire émerger la société du recyclage. Ecofolio, après cinq ansd’études, d’analyses et d’observa-tions, se veut support de la filière du recyclage des papiers. Il exerceune responsabilité collective et oriente tous les acteurs de la filièrevers l’industrie de demain.

Intégrer la contrainteéconomiqueAfin d’impulser la dynamique decroissance verte garante d’avenirpour les papiers, l’intégration de la contrainte économique est in -dispensable. La matière première re présente 50 % des coûts de pro-duction pour une usine papetière.Aussi, pour que les vieux papierssoient utilisés à la place du bois, il faut que ceux-ci soient compétitifs.Faire émerger la société du recyclageen considérant les vieux papierscomme une matière première procheet régulière est la solution qui per-mettra de disposer d’une ressourcecompétitive pour nos industries.

L’économie circulaire commemodèle de croissanceMieux consommer et mieux fabri-quer le papier sont les clés de sa crois-sance durable. En initiant des solu-tions (meilleur financement, maîtrisedes coûts, écoconception), Ecofolioœuvre à la préservation de l’envi-ronnement, à la conservation desindustries de production de papierset de produits dérivés de la fibre quireprésentent 3 milliards d’euros dechiffre d’affaires, à la consolidationde plusieurs milliers d’emplois dansnos territoires. Joël Genard

Développementdurable

24 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 456, MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012

Elle consiste à mobiliser, orienter, financer et accompagner tous les acteurs de la filière papiersen vue de faire progresser le recyclage.

Ecofolio : une missiond’intérêt général

Pour atteindre l’objectif de recyclage fixé par l’État et servir l’intérêtgénéral, trois missions indissociables sont confiées à Ecofolio

1 2 3Soutenir et accompagner

le service public

Ecofolio collecte l’écocontribution versée par les émetteursde papiers, puis la reverse sous forme de soutiens financiers

aux collectivités locales en charge du service public de gestion des déchets. Les barèmes incitent en amont à l’écoconception des papiers et en aval au recyclage des vieux papiers.

Protéger l’environnement

Ecofolio investit en R & D, met à disposition des acteurs sonexpertise (audit, études, analyses techniques et environ -

nementales, etc.), pilote des expérimentations pour améliorer les performances du tri, de la collecte et du recyclage des papiers.Elle propose aussi des pistes d’innovation pour toutes les opérations(écoconception des papiers, précollecte dans les foyers ou lesentreprises, bacs de collecte sélective, centres de tri, recyclage, etc.).

Sensibiliserles Français

Ecofolio mène des campagnes de communication et desensibilisation au tri et au recyclage des papiers auprès

de tous les Français. Il s’agit de remettre les papiers au cœur dugeste de tri des citoyens et d’encourager un geste responsable et quotidien, au foyer, au bureau, dans la rue.

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Comment arriver à cet objectifde 60 % de papiers recyclésd’ici à 2018 ?C’est un défi qui ne pourra êtrerelevé que collectivement. L’éco-organisme est un « assemblier » :sa force réside dans la confianceque lui accorde l’ensemble desacteurs de la filière, au premierrang desquels se trouvent les col-lectivités. Il y a trois choses à fairepour faire progresser le recyclagedes papiers.D’abord il faut que chaque citoyentrie plus efficacement. Aujourd’hui,il n’y a pas suffisamment de sensi -bilisation sur ce sujet alors que lespapiers sont les premiers déchetsde la poubelle des Français. Pourque les Français passent à l’acte du tri, il faut qu’ils comprennenttout l’enjeu de ce tri sélectif : de laprotection de l’environnement à la création d’emplois de proximité.Le deuxième axe d’améliorationest donc la communication. Il fautredonner un sens au geste des Français. Ce sens est la promessede recyclage. L’éducation des en -fants au développement durableet à l’importance du recyclage estcapitale ; ce sont les écocitoyens dedemain. Ecofolio a déjà touchéplus de 350 000 élèves grâce à desprogrammes pédagogiques enmilieu scolaire et, au total, ce sontplus de 2 millions d’enfants sen-sibilisés au tri et au recyclage despapiers depuis 2009. Toutes nosactions de communication visentà encourager un geste de tri res-ponsable et quotidien, au foyer, àl’école, au bureau, dans la rue…Le troisième point est que, pourprogresser, il faut que nous fassionsun vrai diagnostic avec les collec-tivités locales sur le mode de col-lecte. Celui qui a cours actuelle-ment avec les emballages n’est pas forcément le plus approprié et le plus performant pour arriverà cet objectif ambitieux de 60 % de papiers recyclés. Il faut donc au diter les modes de collecte et de tri. N’oubliez pas que la gestiondes déchets est la première dépensedes collectivités, environ 9 milliardsd’euros au total en 2010.

Vous allez aussi sensibiliserles collectivités locales ?Cette année nous avons négociéavec l’État et l’ensemble des partiesprenantes de la filière le réagré-ment d’Ecofolio, qui est la lignedirectrice de notre action. Nous

avons notamment discuté avec lescollectivités locales de ces modesde collecte et de tri. Nous allons, dès2013, créer des outils d’accompa-gnement des collectivités localespour faire un diagnostic completet proposer des solutions de ratio-nalisation innovantes. Nous ironsà la rencontre des collectivitéslocales, au printemps 2013, lors de grandes rencontres régionalesqui auront vocation à écouter lestémoignages des élus et des habi-tants, coconstruire des solutionspour recycler plus les vieux papierset partager les bonnes pratiques.Des formations plus techniquesseront possibles pour les collecti-vités qui le souhaiteront.

Avec les collectivités, quelle peutêtre l’incitation au recyclage ?Il faut aller plus loin. L’argent n’estqu’un des moyens. Il faut aussiun projet et celui-ci est le projet del’économie circulaire où les papiersne sont pas des déchets mais desressources. Les collectivités localess’engageront à 100 % dans cettedémarche lorsque nous aurons faitla démonstration que le recyclagedes papiers préserve l’environne-ment et crée des emplois. La colla -boration avec les collectivitésva bien au-delà de la dimensionfinancière. C’est un nouveau pacteéconomique.

Durant les quatre années du pro-chain agrément (2013-2016), l’en-ve loppe des soutiens financiersversés aux collectivités est revalori-sée de près de 25 % pour atteindreenviron 70 millions d’euros paran. L’enjeu du nouveau barème

c’est de soutenir davantage le recy-clage et moins l’incinération. Notreambition est de travailler avec lescollectivités locales dans une lo -gique de rationalisation des coûtsdu déchet papier. Aujourd’hui,nous devons rationaliser la filièreet les modes de collecte et de tri.Car collecter les papiers seuls dansun bac d’apport volontaire revientà 100 euros par tonne. Lorsque l’oncollecte le papier avec les embal-lages en porte à porte, cela coûte500 euros la tonne. La question,qui ne doit donc pas être taboue,est celle de savoir s’il ne vaut pasmieux collecter les papiers avec un coût maîtrisé plutôt que decontinuer dans la voie actuelle. Enrecyclant nos papiers, nous écri-vons l’histoire de la croissanceverte. Plus qu’un déchet dans nosbacs de collecte, nos papiers d’hiersont des forêts urbaines à cultiver.

Vous préconisez donc une collectesélective du papier ?Nous croyons même à une collecte« très » sélective ! Il faudra que l’ondéfinisse avec les collectivités lo -cales et l’État ce schéma industrielde référence pour maximaliser lestonnes collectées et pour que cesdéchets ne soient pas abîmés, pourqu’ils puissent être recyclés plus facilement. Le mieux serait donc de les collecter en flux dédié.

C’est un déchet propre comme le verre et la même démarche pourrait être engagée.Le déchet papier n’est pas undéchet comme un autre. C’est unetrace de vie. Les Français eux-mêmesne souhaitent pas mé langer leurspapiers avec d’autres déchets, ycompris les emballages.

Avez-vous le sentiment d’êtreentendue des pouvoirs publics ?Je crois qu’il y a trop de fragmen-tation à l’heure actuelle. Pour mettre en œuvre un projet d’éco-nomie circulaire autour des papiers,il faut que les acteurs convergentvers des objectifs communs. Il y abeaucoup de bonnes idées mais

qui ne figurent pas dans une feuillede route commune. L’État stratègeet la décentralisation stratégiquedoivent jouer ce rôle en permettantà l’État et aux territoires d’impulserle changement.

N’y a-t-il pas un risque de voirapparaître de nouvelles taxespour financer cette démarche ?Je crois que le papier est un desmodèles vertueux en matière dedéchet. Les collectivités locales lesrevendent en moyenne 50 euros la tonne. Plus on rationalisera lesopérations et plus les tensions infla-tionnistes sur la fiscalité locale etl’écocontribution seront évitées.

Propos recueillis par J.G.

Le recyclage du papier : prioritéde la politique des déchetsEcofolio organise et coordonne le recyclage des papiers en accompagnant financièrementles collectivités responsables de leur collecte. L’objectif ambitieux affiché est d’atteindre 60 %de papier recyclé d’ici à 2018. Pour cela, il faudrait revoir les modes de collecte et définirun projet d’économie circulaire où les papiers ne seront plus des déchets mais des ressources,assure Géraldine Poivert, directrice générale d’Ecofolio.

Géraldine Poivert, directrice générale d’Ecofolio.

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«POUR METTRE EN ŒUVREUN PROJET D’ÉCONOMIE

CIRCULAIRE AUTOUR DESPAPIERS, IL FAUT QUE LESACTEURS CONVERGENT VERSDES OBJECTIFS COMMUNS »

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Chantal Jouanno est unegrande lectrice de biogra-phies historiques. Avec une

prédilection pour les parcours defemmes. Sans doute l’anciennechampionne de karaté puise-t-elledans ces leçons de vie quelquesrègles de conduite (et de courage)pour affronter un monde politiqueaux codes et aux usages encore trèsmasculins. « Nous sommes marquéspar deux axes forts, le monarchique etle militaire, observe la sénatrice deParis, désormais vice-présidente de l’Union des démocrates et in -dépendants (UDI) fondée par Jean-Louis Borloo. Le discours politique ne se prononce pas, il s’envoie. Il fautque la salle se lève, que les troupes soientmenées au combat. Rien à voir avec,par exemple, un discours prononcé enSuède, qui en appelle d’abord à la rai-son. Chez nous, cette culture militairesuppose une certaine arrogance. Ça nese dit pas, c’est sûrement inconscient,mais c’est très marquant. Je n’avaisjamais connu cela avant d’entrer dansla vie politique. » En quelques mots,l’ancienne ministre des Sports deNicolas Sarkozy, de sa voix posée,rentre dans le vif.Par ses lectures et ses admirations,Chantal Jouanno s’est inscrite à bonne école en se passionnant pour les Médicis, en particulier pourCatherine, cette grande reine avecqui « l’histoire a été injuste », dit-elled’emblée. « Elle a mené un combat difficile à la tête du royaume. Son filsCharles IX était fou et impossible àmaîtriser. Son mari la trompait avecDiane de Poitiers. Mais comme toujoursen France, puisqu’elle était étrangère et femme de surcroît, elle portait laresponsabilité de tout ce qui arrivait de mauvais en France. » Catherine deMédicis reste en effet mal jugée parceux qui lui imputent le massacrede la Saint-Barthélemy, bien que

son action en faveur de la liberté de conscience des protestants soitétablie. On la méprisa aussi parcequ’elle était « fille de marchands »,héritière d’une fortune ne devantrien aux arts nobles et héréditaires…« Pour moi, poursuit ChantalJouanno, ce fut une grande reine, unefemme forte, solide, combative, quidéfendit avec fermeté son clan fami-lial. » Des qualités qu’elle prête aussià Marie de Médicis.L’autre figure qui émerge sponta-nément dans son esprit est Cle-menceau. « J’aime cette période de lafin du XIXe siècle qui constitue la basede tout ce qui a fondé la France mo -derne. Dans ce paysage, Clemenceauapparaît typique de son époque : pro-fondément athée, gros travailleur, combatif à l’excès, avec bien sûr tousles défauts de son caractère… »Suivant l’ordre chronologique deses affinités, la vice-présidente del’UDI ne voit personne de très sail-lant jusqu’à… Georges Pompidou.Ou, plus exactement, jusqu’auxPompidou, lui et elle, elle et lui.« Leur couple est symbole de pro -gressisme, juge-t-elle. L’homme et lafemme incarnent un équilibre fami-lial. L’un ne va pas sans l’autre. »Chantal Jouanno est très sensible àl’esprit visionnaire qu’ils incarnent,chacun à sa façon. Airbus et le pro-gramme autoroutier pour l’un. Lavalorisation de l’art moderne pourl’autre. « En mettant en avant l’artcontemporain, Claude Pompidou aestimé qu’on n’avait pas à juger s’ilnous plaisait ou non, mais que le devoirdes dirigeants était de le mettre envaleur. Ils ont exprimé un message trèsfort pour la société d’alors, pour qui lepassé était forcément meilleur que le pré-sent : l’idée au contraire que le contem-porain et le futur pouvaient être mieuxque le passé. » Si elle n’occulte pasles défauts du président Pompidou,

elle admire sa capacité à « aller del’avant », dans un temps de pouvoir« très court et très digne ». Lui nonplus, estime-t-elle, « n’a pas été re -connu à sa juste valeur ».Poursuivant sa réflexion sans inter-dit, Chantal Jouanno estime impor-tant que se dégagent des référencesféminines en politique, là où tropsouvent les hommes sont les mo -dèles d’autres hommes. « Il faut pouvoir se dire que des femmes ont étédes femmes de pouvoir et pas seulementdes seconds rôles ou des femmes d’in-fluence, comme au XIXe siècle, dans

les salons. Une femme doit pouvoirincarner le pouvoir sans être ramenéeà un archétype masculin. Combien de fois ai-je entendu : Angela Merkelest un vrai mec. Mais ce n’est pas cequ’on attend de nous ! »L’ancienne ministre à une idée précise de la femme politique depouvoir : « Nous devons l’exercer avecnotre caractère. » Les qualités fémi-nines qu’elle discerne tiennent enquelques mots : « Une très grandedétermination. Une plus grande fidé-lité à ce qu’on pense. » Et de préciseraussitôt : « ces qualités peuvent être des

défauts : nous acceptons moins le com-promis et le dos rond, si cela heurte notreconviction. Nous faisons preuve dedroiture. » Parmi les femmes quiincarnent cette force de caractère,Chantal Jouanno cite… SégolèneRoyal ! « Cela va vous étonner »,lance-t-elle, mais c’est ainsi. Ellevoit dans la présidente de Poitou-Charentes un modèle du genre car« elle a réussi à conserver une formede féminité tout en faisant preuve d’uneréelle force de caractère ». Elle évoqueaussi Christine Lagarde, même sicette dernière « ne s’est jamais définiecomme une femme politique ».Au bout du compte, ChantalJouanno se reconnaît dans la dé -fense d’un « idéal un peu naïf » quiest celui du combat politique, pleinet entier. « Mon rêve, comme sénatrice,ce serait qu’une plaque à mon nomvienne rejoindre les quatorze autresplaques dédiées à des personnalités quiont accompli des œuvres illustres dansleur action. » Parmi eux, si l’on seréfère à l’ouvrage de Paul Marcus Les Quatorze du Sénat (Bruno Leprinceéditeur), on trouve les deux Victor– Hugo pour sa conversion républi -caine, Schœlcher pour l’abolition de l’esclavage –, Clemenceau ou lePère la Victoire pour sa fougue deTigre, ou encore Waldeck-Rousseaupour son action en faveur du droitsyndical. Figurent aussi quelquesanciens sénateurs devenus prési-dents de la République : René Cotyet François Mitterrand, sans oublierAlain Poher, qui assura l‘intérim àdeux reprises, ou l’ancien prési dentde la Chambre haute Gaston Mon-nerville. On relève encore les nomsde Michel Debré, d’Émile Combeset de Raymond Poincaré. Pas uneseule femme ne figure dans ce pres-tigieux petit panthéon… Raison deplus, estime Chantal Jouanno, poury laisser sa trace.

L’admiroir

Chantal Jouanno, les Médiciset les Illustres du SénatCombattante, Chantal Jouanno a été championne de France de karaté. Énarque, elle a longtempsété rattachée au service du ministère de l’Intérieur. L’ancienne ministre des Sports a su affronterun monde politique marqué par des codes et des usages très masculins. Féminité et force de caractère sont ses deux atouts.

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GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINTDE VUE François Clemenceau, François Ernenwein, Thierry Guerrier, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin AGORA Sébastien Petitot, Thomas Renou DOSSIERSJean-Marc Engelhard, Tatiana Kalouguine, Elsa Nathan INTERNATIONAL Guillaume Debré L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLELudovic Bellanger, Florence Cohen, Antoine Colonna,Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTEDavid Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09/06 74 25 28 81) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevardRobert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

Par Éric Fottorino

26 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 456, MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012

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des Idées neuves POuR l’eau

L’eau pour tous :QueLLes nouveLLes

tarifications ?3ème Forum des Idées neuves sur l’eau

PrésIdé Par martIn HIrscH

Dès lors qu’une collectivité souhaite mettre en œuvre une tarification sociale et/ou environnementale, l’équation est complexe et les questions nombreuses.

Pour y voir plus clair, Lyonnaise des Eaux a organisé en 2012 un nouveau forum d’experts, présidé par Martin Hirsch. L’ambition ? Traiter les questions clés du prix de l’eau dans

leur globalité et leur complexité et proposer de nouvelles pistes de réflexion.

Pour poursuivre le dialogue, conférence débat au salon des maires mardi 20 novembre 2012, de 12h15 à 13h15

Pour recevoir la revue, écrire à :[email protected]

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