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Cinquante jours après son élection, le plus dur commence pour François Hollande. C’est vrai qu’il a commencé par le plus facile. Un bref état de grâce qu’il a mis à profit pour distribuer les cadeaux de sa campagne : augmen- tation de l’allocation de rentrée scolaire, élargissement de la retraite à 60 ans, minicoup de pouce au Smic. Instruit par les débuts calamiteux de son prédécesseur, le Président socialiste a ensuite géré au millimètre son entrée en fonction, ses premiers pas internationaux, la formation de son gouvernement et surtout la campagne législative. L’ancien patron du Parti socialiste est un bon manœuvrier politique. On le savait. Il l’a encore prouvé jusqu’à obtenir tous les leviers du pouvoir. Un « Grand Chelem » inédit dans l’histoire de la V e République. C’est entendu : ce Président « normal » n’aura aucune excuse s’il échoue. Mais voilà, l’arrivée au pouvoir de la gauche coïncide avec une nouvelle dégradation de la si- tuation économique et sociale déjà mal en point. Et à la clé une inévitable dégradation des comptes publics. Lundi et mardi prochain, le quinquennat de François Hol- lande va passer de la « normalité » à la réalité. De la prési- dence normale à la présidence réelle. La Cour des comptes rendra son audit en début de semaine prochaine. L’occa- sion pour l’exécutif de s’appuyer sur l’héritage sarkozyste pour justifier le probable tour de vis budgétaire. L’argument est classique à chaque alternance. François Hollande et Jean- Marc Ayrault ne vont pas s’en priver. Ils devraient même en abuser pour laisser en route quelques-unes de leurs coûteuses promesses. Car les factures c’est maintenant. Le Premier ministre les détaillera mardi lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. Avant même d’entendre Jean-Marc Ayrault présenter l’addition, François Hollande a commen- cé à préparer l’opinion en parlant « d’efforts ». Un mot qu’il suffit de remplacer par rigueur ou austérité pour imaginer ce qui attend les Français : un choc fiscal annoncé pendant la campagne. Déterminé à tenir sa parole sur la réduction des déficits, François Hollande ne pourra pas éviter le sale boulot. Dans le même temps, son gouvernement va devoir affronter une vague de plans sociaux. Le volontarisme du ministre Arnaud Montebourg ne suffira pas. François Hollande devra toucher aux coûts de fabrication en France. Sans mesure en faveur de la compétitivité des entreprises, point de redressement productif. Interview Édito Bruno Jeudy Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard DR www.lhemicycle.com C ’est au pied du mur qu’on voit le maçon », dit le dic- ton. Nous y sommes. Et le chantier peut donner le vertige. François Hollande a au moins un atout : il détient plus de pouvoir qu’au- cun de ses prédécesseurs de gauche sous la IV e ou la V e République : l’Assemblée nationale, le Sénat, une majorité de régions, de départements, de grandes villes… Les équipes qui vont diriger le pays ont été constituées à sa main : un gou- vernement essentiellement socialo- socialiste, guetté par l’embonpoint, avec quelques places ou strapontins pour les alliés écologistes et radicaux de gauche. À sa tête, Jean-Marc Ayrault, choisi pour sa fidélité au Président. Gérard Leclerc > Lire la suite p. 5 NUMÉRO 447 — MERCREDI 27 JUIN 2012 — 2,15 ¤ Hollande, du normal au réel JOËL SAGET/AFP PIERRE ANDRIEU/AFP JEAN-PIERRE MULLER/AFP La XIV e législature installée Avec le coup d’envoi de la nouvelle législature, un copieux menu attend les députés avec le vote de la loi de finances rectificative. Quant au projet de loi de finances pour 2013, ce sera le véritable plat de résistance mais aussi le début d’un casse-tête budgétaire. Cahier spécial région Aquitaine JACQUES DEMARTHON/AFP BERTRAND LANGLOIS/AFP Territoires Christian Jacob P. 3 Alain Vidalies P. 2 Au sommaire Les dures réalités économiques et financières par Florence Cohen >p. 6 Une guerre de l’eau à 184 millions d’euros par Tatiana Kalouguine >p. 7 et 8 Les SAFER accompagnent les collectivités par Richard Kitaeff >p. 9 Numérique : Les trois défis du nouveau gouvernement par Manuel Singeot >p. 15 Les députés dans le vif du sujet Alain Rousset : fervent défenseur d’un nouvel acte de la décentralisation Alain Juppé plaide pour un renforcement des régions et des structures intercommunales Le TGV Sud Europe Atlantique presque sur les rails Lacq : du gaz à la « carbone vallée » L’Aquitaine équipée des rames Régiolis Vin : les bordeaux, leaders à l’export Un fin stratège au perchoir Parlementaire depuis plus de trente ans, Claude Bartolone connaît parfaitement tous les rouages de l’Assemblée nationale. Il en est désormais le tout nouveau président. Il entend moderniser l’institution parlementaire en exerçant une présidence de caractère comme il le confie dans sa première interview à l’Hémicycle. >Lire p. 4 «

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l'Hémicycle numéro 447 du mercredi 27 juin 2012 Au sommaire : - Les dures réalités économiques et financières par Florence Cohen >p. 6 - Une guerre de l’eau à 184 millions d’euros par Tatiana Kalouguine >p. 7 et 8 - Les SAFER accompagnent les collectivités par Richard Kitaeff >p. 9 - Numérique : Les trois défis du nouveau gouvernement par Manuel Singeot >p. 15

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Page 1: l'Hémicycle - #447

Cinquante jours après son élection,le plus dur commence pour FrançoisHollande. C’est vrai qu’il a commencépar le plus facile. Un bref état de grâcequ’il a mis à profit pour distribuer lescadeaux de sa campagne : augmen-

tation de l’allocation de rentrée scolaire, élargissementde la retraite à 60 ans, minicoup de pouce au Smic.Instruit par les débuts calamiteux de son prédécesseur, lePrésident socialiste a ensuite géré au millimètre son entréeen fonction, ses premiers pas internationaux, la formationde son gouvernement et surtout la campagne législative.L’ancien patron du Parti socialiste est un bon manœuvrierpolitique. On le savait. Il l’a encore prouvé jusqu’à obtenirtous les leviers du pouvoir. Un « Grand Chelem » inédit dansl’histoire de la Ve République.C’est entendu : ce Président « normal » n’aura aucuneexcuse s’il échoue. Mais voilà, l’arrivée au pouvoir de lagauche coïncide avec une nouvelle dégradation de la si -tu a tion économique et sociale déjà mal en point. Et àla clé une inévitable dégradation des comptes publics.Lundi et mardi prochain, le quinquennat de François Hol-lande va passer de la « normalité » à la réalité. De la prési-dence normale à la présidence réelle. La Cour des comptesrendra son audit en début de semaine prochaine. L’occa-sion pour l’exécutif de s’appuyer sur l’héritage sarkozystepour justifier le probable tour de vis budgétaire. L’argumentest classique à chaque alternance. François Hollande et Jean-Marc Ayrault ne vont pas s’en priver. Ils devraient mêmeen abuser pour laisser en route quelques-unes de leurscoûteuses promesses.Car les factures c’est maintenant. Le Premier ministre lesdétaillera mardi lors de son discours de politique généraleà l’Assemblée nationale. Avant même d’entendre Jean-MarcAyrault présenter l’addition, François Hollande a commen -cé à préparer l’opinion en parlant « d’efforts ». Un mot qu’ilsuffit de remplacer par rigueur ou austérité pour imaginerce qui attend les Français : un choc fiscal annoncé pendantla campagne.Déterminé à tenir sa parole sur la réduction des déficits,François Hollande ne pourra pas éviter le sale boulot. Dansle même temps, son gouvernement va devoir affronterune vague de plans sociaux. Le volontarisme du ministreArnaud Montebourg ne suffira pas. François Hollande devratoucher aux coûts de fabrication en France.Sans mesure en faveur de la compétitivité desentreprises, point de redressement productif.

Interview

ÉditoBruno Jeudy

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

DR

www.lhemicycle.com

C’est au pied du mur qu’onvoit le maçon », dit le dic-ton. Nous y sommes. Et le

chantier peut donner le vertige. François Hollande a au moins unatout : il détient plus de pouvoir qu’au-cun de ses prédécesseurs de gauche

sous la IVe ou la Ve République :l’Assem blée nationale, le Sénat, unemajorité de régions, de départements,de grandes villes…Les équipes qui vont diriger le paysont été constituées à sa main : un gou-vernement essentiellement socialo-

socialiste, guetté par l’embonpoint,avec quelques places ou strapontinspour les alliés écologistes et radicauxde gauche. À sa tête, Jean-Marc Ayrault,choisi pour sa fidélité au Président.

Gérard Leclerc> Lire la suite p. 5

NUMÉRO 447 — MERCREDI 27 JUIN 2012 — 2,15 ¤

Hollande, dunormal au réel

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La XIVe législature installée

Avec le coup d’envoi de la nouvelle législature, un copieux menuattend les députés avec le vote de la loi de finances rectificative.Quant au projet de loi de finances pour 2013, ce sera le véritableplat de résistance mais aussi le début d’un casse-tête budgétaire.

Cahier spécial région Aquitaine

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Au sommaire • Les dures réalités économiques et financières par FlorenceCohen > p. 6 • Une guerre de l’eau à 184 millions d’eurospar Tatiana Kalouguine > p. 7 et 8 • Les SAFER accompagnentles collectivités par Richard Kitaeff > p. 9 •Numérique : Les troisdéfis du nouveau gouvernement par Manuel Singeot > p. 15

Les députés dansle vif du sujet

• Alain Rousset : fervent défenseur d’un nouvel acte de ladécentralisation • Alain Juppé plaide pour un renforcementdes régions et des structures intercommunales • Le TGV SudEurope Atlantique presque sur les rails • Lacq : du gaz à la« carbone vallée » • L’Aquitaine équipée des rames Régiolis• Vin : les bordeaux, leaders à l’export

Un fin stratège au perchoirParlementaire depuis plus de trente ans, Claude Bartolone connaîtparfaitement tous les rouages de l’Assemblée nationale. Il en estdésormais le tout nouveau président. Il entend moderniserl’institution parlementaire en exerçant une présidence de caractèrecomme il le confie dans sa première interview à l’Hémicycle. > Lire p. 4

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Quel bilan tirez-vousdes élections législatives ?Les Français ont choisi d’apporterau président de la République unemajorité large à l’Assemblée na -tio nale. Nous mesurons la confi-ance qui nous a ainsi été accordéeet sommes conscients de notre res -ponsabilité : mettre en œuvre lesengagements pris par François Hol-lande afin de conduire le redres se -ment du pays dans la justice.

Une trop forte majoritéà l’Assemblée peut-elle gênerl’exécutif ?L’idée qu’une majorité bien établiesoit une gêne pour le gouvernementne résiste pas à une comparaisonavec l’idée contraire. Certes, il peutexister des moments où cette ma-jorité est en discussion avec le gou-vernement. Il s’agit simplementdu fonctionnement normal desinstitutions, sauf à considérer quel’Assemblée et le Sénat sont deschambres d’enregistrement. Cen’est pas la vision du présidentde la République et ce n’est pasla vision du Premier ministre.L’essentiel, c’est la mise en œuvrede la politique choisie lors del’élection présidentielle. La majo -rité est l’expression de la souve -raineté populaire, nous n’avonspas à la craindre.

Le PS dispose à lui seul d’unemajorité. Quels vont être lesrapports avec vos alliés à gauche ?

Ce sont des partenaires précieux,qui ont appelé à voter FrançoisHollande lors de l’élection prési-dentielle. Nous souhaitons déve -lopper un partenariat de qualitéavec tous les groupes de gauche,aussi bien à l’Assemblée nationalequ’au Sénat. L’existence d’une ma-jorité au Palais- Bourbon pour le seulgroupe socia liste ne change pasnotre exi gence d’un dialogue per-manent et cons tructif.

L’UMP a pointé, à l’occasionde ces législatives, le risque quele PS concentre tous les pouvoirsen France. Ne doit-on pas craindre« l’État PS » ?Ceux qui ont émis des craintessur cette situation où le Sénat,l’Assemblée, et le gouvernementsont en cohérence, ont la mémoirecourte. Les mêmes ont bénéficiédurant des années de cette situa-tion. Ce qui est vrai, c’est qu’êtremajoritaire dans les deux cham-bres nous donne encore plus deresponsabilités. Nous saurons lesassumer.

Le groupe PS a été très offensifquand il était dans l’opposition.Craignez-vous une « guérillaparlementaire » venant de ladroite ?Je pense que ce n’est pas au gou-vernement d’établir la feuille deroute de l’opposition. Le respectcommande de laisser l’oppositionseule en décider, dans le respect

naturellement du règlement del’Assemblée nationale et de laConstitution.

La réforme des institutions miseen œuvre par la précédente majoritéa changé le travail parlementaire.Qu’allez-vous perpétuer de ceschangements ?Notre objectif n’est pas de faireune politique de la table rase,mais de constater ce qui n’a pasvéritablement fonctionné. Noussouhaitons donner de véritablespouvoirs au Parlement. Nouscomptons notamment modifierles modalités de vote en commis-sion de certaines nominations.C’est un engagement ferme duprésident de la République. Selonla procédure imaginée par la pré -cédente majorité, si la majorité estd’accord avec l’exécutif sur unenomination, l’opposition ne peuts’y opposer. Imposer une majoritéqualifiée dans les commissionscompétentes supposera que la nou -velle majorité devra convaincreune partie de l’opposition du bien-fondé de cette nomination. Il s’agitd’une réforme à mon avis fonda-mentale pour les droits de l’oppo-sition et donc pour la qualité dela démocratie.

Une loi visant à interdire le cumuld’un mandat de parlementaire aveccelui d’un exécutif local est enpréparation. Qui concernera-t-elle ?Elle concernera toute appartenance

à un exécutif local. Les maireset ses adjoints, les présidents deconseils généraux ou régionauxmais aussi les vice-présidents. Elleintégrera également les intercom-munalités.

Vous avez confié la présidencede la commission des financesà l’opposition, usage créépar Nicolas Sarkozy…Naturellement, comme nousl’avons fait en pratique au Sénat,où nous sommes devenus majo -ritaires à l’issue du dernier renou-vellement. Réserver à l’oppositionla présidence de la commissiondes finances de l’Assemblée na-tionale nous semble être unebonne chose.

Lors de la précédente mandature,le groupe PS à l’Assemblées’était vu refuser l’ouverturede commissions d’enquêteparlementaires.Allez-vous étendre la capacitéd’ouverture de ces enquêtes ?La question mérite d’être posée,car c’est un pouvoir importantaccordé aux parlementaires, etce pouvoir doit être renforcé. Àl’ins tar du contrôle des nomina-tions institué par la précédentemajorité, cela avait l’apparenced’un pouvoir nouveau, mais n’enétait pas vraiment un, puisqu’ilétait quasiment impossible pourle Parlement de s’opposer à unenomination.

Allez-vous poursuivre les effortsengagés pour moderniser le Sénat,dont M. Jospin disait qu’il était une« anomalie dans les institutions » ?L’effort de modernisation du Sénata été engagé par son nouveaupré sident, Jean-Pierre Bel. LeSénat doit tenir toute sa placedans notre architecture institu-tionnelle, c’est une revendicationlégitime. Il faut attendre le ré -sultat des « états généraux de ladémocratie locale », pour voircomment la Haute Assembléepourra associer plus largementles citoyens et les corps intermé-diaires à sa mission.

L’utilisation répétée par le précédentgouvernement de la procédured’urgence avait été critiquée.Donnerez-vous aux parlementairesle temps de légiférer ?Nos intentions, en tout cas, sontclaires. La procédure accélérée doitretrouver son objectif initial etne doit en aucun cas devenirune procédure systématique. Dela même manière, l’ordre du journe sera plus pollué par des loisde circonstance, inspirées par desfaits divers, pratique qui avaitgêné le travail parlementairedurant la dernière législature.

Plus de « lois émotionnelles », donc ?Non, il n’y aura plus de « loisémotionnelles ».

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

Agora

Le ministre délégué aux Relations avec le Parlement ne fera pas « table rase » de la réformeinstitutionnelle de 2008. Il entend donner de véritables pouvoirs au Parlement comme s’y est engagé lechef de l’État. Les modalités de vote en commission de certaines nominations devraient être modifiées.

«L’ordre du jour du Parlement ne sera plus pollué par des lois decirconstance, inspirées par des faits divers, pratique qui avait gêné le

travail parlementaire durant la dernière législature. Il n’y aura plus de loisémotionnelles »

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ALAIN VIDALIESMINISTRE DÉLÉGUÉAUX RELATIONSAVEC LE PARLEMENT

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Quel bilan tirez-vousdes élections législatives ?Nous sommes dans l’esprit desins titutions de la Ve République :les Français ont voulu donner unemajorité au Président élu. Le PS ala majorité absolue, ce qui génèrepour lui l’obligation de la clarté.Les socialistes vont devoir mettreen œuvre les promesses démago -giques de leur campagne. Concrè -tement, la réforme des retraites,par exemple, va se traduire par uneaugmentation du coût du travailet une baisse nette du pouvoird’achat. Les masques vont tomberjour après jour, lors du débat sur lecollectif budgétaire. C’est le rendez-vous de la crédibilité.

Vous avez été élu à la présidencedu groupe UMP dès le premier tour,c’est une satisfaction…J’ai présidé et je présiderais legroupe dans un esprit de rassem-blement et d’unité. Plus de 60 %au premier tour, c’est à la fois unegrande satisfaction personnellemais cela confère une responsa -bilité importante.

Comment avez-vous faitcampagne ?Dans une élection pour la prési-dence d’un groupe parlementaire,le sujet n’est tant pas de fairecampagne. Les députés donnentleur suffrage en leur âme etconscience. Les trois candidatsn’avaient pas de problème de

notoriété. Nous sommes connustous les trois, bien identifiés. Pourma part, j’ai été député de l’oppo-sition, de la majorité, président decommission, membre d’un gou-vernement durant cinq ans…

Vous avez eu du mal à faire croirequ’il ne s’agissait pas du premierround entre Jean-François Copéet François Fillon pour la présidencede l’UMP…Cette grille d’analyse n’est pas labonne. Le groupe, ce n’est pas leparti. Porter le groupe, c’est porterle fer contre la gauche, mais c’estaussi être en permanence en ini-tiative : valoriser dans cette pé -riode d’opposition les idées quisont les nôtres. Le parti sera surune réflexion de fond qui dé-marre, et qui aboutira à l’au-tomne. Ce sont des rendez-vousde nature différente. Dans ce mi-lieu, tout le monde se connaît :mes amitiés, mes fidélités ne sontpas secrètes, elles sont assuméeset revendiquées. Celles de XavierBertrand et d’Hervé Gaymard lesont également.

Le comptage de ses soutiensn’est-il pas une donnée importante,dans l’optique de ce congrès ?Imaginez-vous qu’un député at-tende une consigne pour savoirpour qui voter ? Il a généralementson idée sur la question. Les dé -putés connaissent bien le rôle etla responsabilité d’un président

de groupe, ils ne fonctionnent pascomme cela.

Les divisions à l’UMP ne vont-ellespas handicaper le groupe ?Ce ne sont pas des divisions !Nous avons perdu l’élection pré -sidentielle, et les élections légis -latives. Il est normal qu’un grandparti politique comme le nôtre,en s’appuyant sur le bilan duquin quennat précédent, travaillesur un nouveau projet et se mo-bilise pour de nouvelles victoires.Établir le socle qui nous rassem -ble requiert un travail de fond. Ily aura des divergences, maisviendra le temps de choisir lesdiffé rents candidats, et cetteconfrontation sera démocratiqueet ouverte.Le groupe parlementaire, c’estautre chose. Il lui revient demener la bataille contre la gauchedans le cadre des sessions par-lementaires. Le débat qui va sedérouler dans notre parti va ren-forcer le groupe et non l’affai -blir. À son terme, nous pourronsaborder la phase de reconquête,d’abord dans nos territoires puisà l’échelle nationale.

Le ministre délégué aux Relationsavec le Parlement, Alain Vidalies,nous indique qu’il ne serapas fait « table rase » de la réformeinstitutionnelle de 2008.Qu’en pensez-vous ?Je pense que ça a mal commencé :

Jean-Marc Ayrault a sommé saministre, Marisol Touraine, il y aquelques semaines, de ne pas venirse présenter devant une commis-sion parlementaire. Et M. Vidaliesn’a pas pris la peine de m’appeleraprès mon élection à la présidencedu groupe – c’est pourtant l’usage,quand on est ministre des Rela-tions avec le Parlement. Qu’il neveuille pas faire table rase de laréforme de 2008, c’est bien lemoins. À l’initiative de NicolasSarkozy, nous avons donné desdroits importants à l’opposition.

L’ordre du jour, dit M. Vidalies, nesera plus « pollué » par des « loisémotionnelles »…C’est au pied du mur qu’on voitle maçon, nous attendons de voir.C’est le gouvernement qui estmaître de l’essentiel de l’ordre dujour.

Voterez-vous la loi sur l’interdictiondu cumul des mandats ?Je suis totalement opposé à cetteloi. Je pense que c’est vraimentaffaiblir le Parlement que d’allerdans cette voie, car cela suppri -mera l’ancrage territorial du par-lementaire. Si on veut avoir uneAssemblée qui ne soit composéeque d’apparatchiks de tous lespartis, de gens qui n’ont plusaucun lien avec le terrain, il fau-dra voter cette loi. Je suis trèsattaché au maintien du statutactuel.

L’idée d’introduire une dosede proportionnelle dans l’électiondes députés est-elle bonne ?J’ai toujours été opposé à la pro-portionnelle et je le reste. Elle dé-connecte aussi les parlementairesdu territoire. Pour être retenu surdes listes à la proportionnelle, ilfaudra d’abord être apprécié duchef de son parti, quel que soit ceparti. L’expérience du terrain nesera pas prise en compte.

Ne doit-on pas trouver un moyen dedonner une représentation au Frontnational, par exemple, qui a recueilliprès de 20 % à la présidentielle ?Les dernières législatives ont mon -tré que notre mode de scrutinn’empêchait pas à cette formationd’obtenir des sièges. Au-delà detout, le scrutin majoritaire per -met de constituer une majoritésolide, et c’est cela qui doit êtrepréservé.

Durant la dernière législature,le groupe PS avait été très offensif.En sera-t-il de même avec le groupeUMP ?Notre détermination sera sansfaille, d’autant plus que nous nousattendons à des textes qui méri -teront une opposition résolue.Nous serons très vigilants, maiségalement dans l’initiative. En es-pérant que la gauche ne remettepas en cause les droits que nousavons donnés à l’opposition.

Propos recueillis par T.R.

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Agora

CHRISTIAN JACOBDÉPUTÉ DE SEINE-ET-MARNE,PRÉSIDENT DU GROUPE UMPÀ L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Christian Jacob entend présider le groupe UMP dans un esprit d’unité et récuse l’idéeque sa réélection soit la première victoire dans la compétition entre Jean-François Copéet François Fillon. Il préconise le maintien du statut actuel sur le cumul des mandatspour ne pas supprimer l’ancrage territorial du parlementaire.

«Le débat qui va se dérouler dans notre parti va renforcer le groupe UMPet non l’affaiblir. À son terme, nous pourrons aborder la phase

de reconquête, d’abord dans nos territoires puis à l’échelle nationale »

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

Interview

Monsieur le président, vos collèguesdu groupe socialiste vous ontdésigné dès le premier tour de scrutininterne pour être le candidat dugroupe socialiste à la présidence del’Assemblée nationale. Élu député etréélu sans discontinuer depuis 1981,en aviez-vous souvent rêvé ?Quels arguments avez-vous mis enavant pour emporter l’adhésion devos collègues nouvellement élus ?Tout dans ma vie me conduit àcette fonction. Mes origines mo -destes m’ont donné l’amour de laRépublique et la connaissance dece qu’elle peut apporter à tous sesenfants, quelle que soit leur nais-sance. Ma longue expérience deparlementaire m’a permis de gravirtous les échelons de l’Assembléenationale, d’y avoir exercé toutes lesfonctions, d’en connaître les rouages,d’en maîtriser la techni cité.Alors, durant cette campagne, j’aisouhaité non pas me situer parrapport à mes compétiteurs, maisme présenter devant mes collèguessocialistes tel que je suis. Avec monexpérience, avec mon caractère,avec ma loyauté. Sans m’adresserà telle ou telle catégorie d’âge, degenre ou de territoire. J’ai souhaitéêtre un président qui rassembletous les députés : les anciens et lesnouveaux, pour qui je veux être unpasseur d’expérience ; les femmeset les hommes ; les urbains et lesruraux. Tous réunis par une mêmepréoccupation : la République par -tout et pour tous.

Chaque président de l’Assembléenationale a son propre style.Quel sera le vôtre ? Avez-vous déjàune idée des premières mesuresque vous comptez prendrepour imprimer votre marque ?J’entends exercer une présidencede caractère. Présider l’Assembléenationale, c’est faire vivre en sesmurs un débat démocratiqueéquilibré et serein. Pour ce faire,plusieurs conditions doivent êtreréunies : un législateur confortédans son rôle, une oppositionres pectée dans ses droits etune Assemblée reconnue commeexemplaire. Cette triple charge né -

cessite ca ractère et autorité. Mespremières mesures seront orientéesvers deux impératifs : moralisationet mo dernisation. La transparencedans la gestion, la parité et le re -nou vel lement dans la répartitiondes res ponsabilités seront parmimes premiers chantiers. Je veuxque l’Assemblée vive avec sontemps.

Le Parlement est souvent montrédu doigt dans l’opinion, pasuniquement à cause del’absentéisme des députés quine sont présents que deuxou trois jours à Paris ; l’interdictiondu cumul des mandats permettra-t-elle d’y remédier ?Probablement. Mais l’essentiel estailleurs. On semble parfois oublierque la France est une républiqueparlementaire. Mon pari est de ré -installer dans la société l’idée d’unParlement utile. La République atrop souffert du sentiment d’uneassemblée godillot, réduite à unechambre d’enregistrement des de -siderata du gouvernement. Je neveux pas d’une chambre godillotmais d’une assemblée pivot, ca -pable de se mettre au centre dudébat politique, de s’ouvrir davan-tage sur la société, les corps inter -médiaires, les collectivités locales,et de jouer pleinement son rôlede législation et de contrôle. UnParlement utile, voilà la meilleuremanière de remplir l’hémicycle.

Comptez-vous présider les séancesde questions d’actualité ? enmodifier le déroulement ?Oui, je les présiderai. C’est un ritedémocratique et télévisuel auquelje crois les Français attachés. Jene vous promettrai pas de séancesapaisées ni de grands momentsœcuméniques… Ces séances de-meureront vives, âpres. Cela pro -cède d’une tradition politiquefrançaise et c’est un momentimportant pour l’expression del’opposition. Néanmoins, chaquedéputé doit avoir à l’esprit quec’est l’image de l’institution par-lementaire dont il est questionchaque mardi et mercredi.

Le nouveau président du groupesocialiste, Bruno Le Roux, a déclaréque l’Assemblée ne doit pas êtreune « simple chambred’enregistrement des projets de loini l’expression de rapports deforce ». Comment voyez-vous votrerôle en cas de tensions entrele gouvernement et sa majorité ?Les rapports personnels et poli-tiques qui existent entre le Premierministre et moi-même ont l’avan-tage d’être fondés sur le rapportde confiance, et c’est heureux.Ajoutez à cela la parfaite osmosedans laquelle Bruno Le Roux etmoi travaillons, je ne crains fran -che ment pas les tensions.Je conçois le lien entre l’Assembléenationale et le gouvernement defaçon très simple et très saine : enloyauté et en liberté. La majoritéparlementaire a été chargée parles Français de mettre en œuvrela feuille de route présidentielle, etcela réclame donc une parfaiteloyauté à l’égard de l’exécutif. Dansle même temps, j’entends les en-gagements pris par le président dela République quant au nécessairerenforcement du pouvoir législatifet au strict respect du principe de sé-paration des pouvoirs. Aussi, monrôle est de permettre à l’Assembléenationale de jouir de toute sa li -berté. J’ai l’intention de le jouerpleinement, dans une interactionfructueuse avec le gouvernement.

Dans l’opposition, les députéssocialistes critiquaient« une avalanche de lois » votéeset souvent inappliquées. Commenttrouver le bon équilibre ?Les chiffres parlent d’eux-mêmes :264 textes ont été adoptés par le Par-lement sous la XIIIe législature, pour27 % des règles non appliquées. Leconstat est cruel : l’accumulation delois votées couplée au recours abusifpar les gouvernements à la procé-dure accélérée permise par l’article45 de la Constitution ont affaibli laloi et l’État. Pour que la Républiqueretrouve force et respect, la loi doitêtre mieux préparée, mieux dis-cutée, mieux amendée en amont,mieux contrôlée en aval.

Le contrôle de l’action du gou-vernement est essentiel à unedémocratie moderne. J’en ai faitl’expérience en 2010 commeco rapporteur de la mise en appli -cation de la loi pour le dévelop -pement économique des outre-meret comme rapporteur spécial duprojet de loi de finances. Les ins -truments utiles à cette missiondoivent être améliorés pour queles parlementaires se les appro-prient davantage. Je souhaite ainsique le comité d’évaluation et decontrôle des politiques publiques,créé en 2009, devienne un véritableoutil au service des députés et quel’assistance de la Cour des comptesdevienne enfin effective.

Quels seront vos rapports avecles groupes de l’opposition ?Qu’attendez-vous de leur part ?Jean-Marc Ayrault a souventdéploré le manque d’écoute dugouvernement précédent, etfustigé la réforme du règlementissue de la réforme constitutionnelle.Allez-vous proposer une nouvelleréforme ? Faut-il revenir surle temps législatif programmé ?L’opposition n’est pas l’ennemiede la majorité. C’est précisémentleurs rôles respectifs qui font battrele cœur de la démocratie qu’est parnature l’Assemblée nationale.

La modernisation du règlement estdonc un chantier constant qui doitêtre conduit dans la concertation :je conçois le règlement comme unbien commun et non comme unearme contre l’opposition. Le règle-ment évoluera donc à la lumièredes retours d’expérience des par-lementaires. Force est ainsi deconstater que les questions à unministre, réintroduites en 2009 parla conférence des présidents sui -vant des modalités proches des« questions cribles » mises en œuvreentre 1989 et 1992, ont été unéchec puisqu’elles n’ont été misesen œuvre que trois fois en trois ans.Les questions écrites et orales sansdébat ne peuvent cependant plusêtre le cœur de notre mission decontrôle de l’action du gouverne-ment : c’est pour cela que l’amélio-ration des outils de contrôle meparaît fondamentale.Dans la présidence de caractère quej’entends mener, j’estime enfin quela pratique d’un règlement rénovésera tout aussi essentielle que salettre. La durée maximale fixéepour l’examen d’un texte doit parexemple être augmentée par laconférence des présidents lors -qu’elle s’avère insuffisante, ce quele règlement prévoit déjà.

propos recueillispar Anita Hausser

Claude Bartolone :un président de caractèreLe nouveau président de l’Assemblée nationale entend moderniser l’institution parlementaire :son pari est de « réinstaller dans la société l’idée d’un parlement utile ». Claude Bartolonene veut plus légiférer dans l’urgence. Il veut aller plus loin en contrôlant l’action du gouvernementet en renforçant les moyens du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.Il s’en explique en détail pour sa première interview dans l’Hémicycle.

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NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012 L’HÉMICYCLE 5

Jean-Jacques Urvoas estdonné grand favori pour

prendre la tête de la commissiondes lois. Toutefois la décision nesera officialisée que jeudi. Le dé-puté PS du Finistère a déjà sonprogramme en tête pour rendreplus efficace le travail parlemen-taire. Il entend d’abord renforcerla mission d’évaluation du Parle-ment pour lutter contre l’infla-tion législative. « C’est un champqui est investi par l’opposition ouexternalisé, la majorité doit s’en sai-sir », soutient le socialiste. Troisdomaines pourraient être concer-nés : la question prioritaire deconstitutionnalité, la préventionpour la récidive et la procédure

de garde à vue. Urvoas veut aussiaider le gouvernement en amontpour mieux anticiper. Le socia-liste cite plusieurs exemples : « Legouvernement a l’intention d’instau-rer des zones de sécurité prioritaire.Le Parlement pourrait l’aider à défi-nir ce concept. La démarche pourraitêtre la même pour la réforme du sta-tut pénal du chef de l’État. »Pour mener à bien ces change-ments, le spécialiste des questionsde sécurité souhaite s’appuyer surdes outils déjà existants commeles missions d’information, leparlementaire en mission et lesprocédures d’audition. « Il s’agi-rait de les rendre un peu plus solen-nels et de les travailler un peu plus

en amont », détaille-t-il. Pourl’élu, toutes ces modificationssont simples à faire : « Elles ne

nécessitent aucun changementde règlement mais des évolutionsd’accords d’usage. »

La profession de foi de Jean-Jacques Urvoas

L’Assemblée nationale montepeu à peu en régime. Aprèsla bataille pour les postes qui

a défrayé la chronique la semainedernière, place aux rituels. « On estencore dans les figures convenues »,ironise le député PS du FinistèreJean-Jacques Urvoas. Hier, assis parordre alphabétique dans l’hémi -cycle – les places définitives n’ontpas encore été attribuées – les dé -putés ont écouté François Scellier.Tout un symbole : issu du Val-d’Oise,le nouveau doyen de l’Assembléenationale est aussi le plus jeunede l’histoire de la Ve République. Lesquesteurs et les vice- présidentsseront officiellement nommés cetaprès-midi. Jeudi sera arrêtée laconstitution des huit commissionspermanentes. Les noms ont étédéterminés en bureau politiquemardi, mais il peut y avoir encoredes surprises. Gilles Carrez doit nor-malement diriger la commissiondes finances, Jean-Jacques Urvoas,la commission des lois. De son côté,Catherine Lemorton prendra lesrênes des affaires sociales, PatriciaAdam est pressentie pour la défenseet François Brottes aux affaires éco-nomiques.Le véritable coup d’envoi de la nou-velle législature ne sera donnéqu’avec le discours de politique

générale de Jean-Marc Ayrault le3 juillet et l’arrivée du premier texteà l’Assemblée. Le droit de vote desétrangers, la réforme du mode descrutin, l’abrogation du conseillerterritorial, seront examinés plustard, en 2013. Le projet de loi sur leharcèlement sexuel est en revancheune priorité. En vertu d’une procé-dure accélérée, il doit être voté avantla fin de la session extraordinaire.Examiné d’abord au Sénat, le textedevrait passer sans encombre. Mal-gré quelques points de divergence,un relatif consensus entre la gaucheet la droite devrait se dégager. Ce nesera pas du tout le cas sur le collectifbudgétaire, présenté après la publi-cation début juillet de l’audit de laCour des comptes sur les perspec-tives budgétaires. « Aucun accordn’est possible avec la majorité présiden-tielle », avertit tout de go FrançoisScellier. Pour le nouveau gouverne-ment, l’enjeu est de taille. Il s’agitnon seulement de trouver 10 mil-liards d’euros supplémentaires maisd’affirmer sa crédibilité. « Le collectifbudgétaire est notre plat de résistance,parce que c’est là que se traduiront nospremiers engagements », a confirmé leministre délégué aux Relations avecle Parlement, Alain Vidalies. Modifi-cation du barème sur l’ISF, annula-tion des exonérations des charges

sociales des heures supplémentaires,retrait de la TVA sociale, alourdis -sement de la fiscalité sur les do -nations… La loi de financesrectificative sonne déjà commel’anti-loi Tepa, voulue par l’ex-pré -sident de la République NicolasSarkozy. Trop sujette à polémique,la fameuse mesure des 75 % d’im-position appliqués aux revenus su-périeurs à 1 million d’euros est enrevanche reportée à la rentrée. Pourplus d’efficacité, une étude d’impacta été lancée.La déclaration du Premier ministrebritannique David Cameron de lasemaine dernière, qui dit vouloirdérouler le tapis rouge aux entre-prises françaises fuyant le matra-quage fiscal français, n’aide pas lamajorité. Elle se prépare déjà àune séquence de pédagogie. « Ilfaudra montrer que la réforme fiscaleest comprise et juste », précise lenouveau président de l’Assembléenationale, Claude Bartolone. Ducôté de l’opposition, on organisel’offensive. Les anciens ministresFrançois Baroin et Valérie Pécresseseront bien sûr en première ligne.Les slogans sont déjà affûtés. L’an-cienne ministre Nathalie Kos-ciusko-Morizet (Essonne) annonced’emblée la couleur : « Les proposde David Cameron sont une triste

réalité. À nous de limiter les dérapagesde la gauche. » Pour Hervé Mariton(Drôme), le collectif budgétaireconstitue le « premier momentd’alerte ». « On joue gros à un momentoù il faut redéfinir notre modèlede développement et mettre en œuvrel’efficacité de la gouvernance terri -toriale », estime pour sa part ledéputé du nouveau groupecentriste UDI Jean-ChristopheFromantin (Hauts-de-Seine).Si la présentation du collectif bud-gétaire s’annonce houleuse, elleconstitue aussi un bon tour dechauffe pour l’opposition. Ce texteva permettre à l’ancienne majoritéde définir le ton qu’elle voudraadopter pendant la nouvelle légis-lature. Une opposition construc-tive, tel est en tout cas le maîtremot (un peu creux) qui circule ac-tuellement aux Quatre Colonnes.L’objectif est atteignable, à condi-tion que le match Copé-Fillondans la perspective du leadershipde l’UMP ne parasite pas les prisesde parole. Respecter « le temps duparti et celui du groupe », a d’ailleursinvité François Baroin. Mais il apeu de chances d’être entendu. Lejour de la victoire de ChristianJacob à la tête du groupe, on en-tendait déjà : « c’est un point gagnépour Copé ».

Des « hollandais », historiques ouralliés, ont été placés aux postesclés d’une Assemblée féminisée, plusouverte à la diversité, mais guère ra-jeunie : Claude Bartolone à la prési-dence, qui devra faire respecter lesdroits de l’opposition, et Bruno LeRoux pour encadrer le groupe socia-liste. Ce sont les mêmes critères quiavaient prévalu au Sénat avec Jean-Pierre Bel au plateau et FrançoisRebsamen au groupe.François Hollande l’assure : l’hyper-présidence a vécu, les pouvoirs sontrééquilibrés avec un gouvernementqui a les coudées franches, un Parle-ment que l’on veut – comme tou-jours ! – revaloriser, une justice quiserait indépendante : nous verronsbientôt si la réalité se conformeaux intentions.Le dispositif est en place, il reste àpasser à l’action. Les douceurs, toutesrelatives, prennent fin. Après lespostes d’enseignants, un peu deretraite à 60 ans et l’allocation derentrée scolaire, un très léger coupde pouce au Smic servira de soldede tout compte des promesses élec-torales. Nous allons entrer dans ledur des réponses à la crise, sur fondde risque d’explosion de l’euro, decroissance 0, de déferlante de planssociaux et de PME au bord del’asphyxie. Le gouvernement doittrouver la bagatelle de 8 milliardsd’euros cette année et d’une tren-taine l’an prochain. Autant dire quel’on n’échappera pas à une forteaugmentation des impôts. Un « ma-traquage fiscal » selon l’opposition,qui compte bien en faire le péchéoriginel du nouveau pouvoircomme l’avait été le bouclier fiscalde 2007 pour Nicolas Sarkozy.Mais il faudra aussi couper dansles dépenses : non-remplacement defonctionnaires partant à la retraite,réduction drastique des budgets defonctionnement et d’intervention…Le gouvernement est-il prêt à direla vérité et à assumer pleinementune politique de rigueur inévitable,même si elle doit être justementpartagée et ne pas tuer la crois-sance ? Ou préférera-t-il, une foisencore, se cacher derrière des arti-fices, comme la pseudo-parenthèsede 1983 ? On jugera alors de laqualité de sa gouvernance. « Malnommer les choses, c’est ajouter aumalheur du monde », disait AlbertCamus.

L’opinionde Gérard LeclercPRÉSIDENT DE LCP

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Le copieux menu des députésAux Quatre Colonnes

La session extraordinaire démarre le 3 juillet et se prolongera jusqu’à débutaoût. Le vote de la loi de finances rectificative, le match interneà l’UMP et la crédibilité du nouveau gouvernement domineront les débats.Le collectif budgétaire demeure toutefois le plat de résistance.Par Pascale Tournier

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Défiance. De la chancelièreallemande Angela Merkelqui parle de « médiocrité »

au Premier ministre britanniqueDavid Cameron qui veut dérouler« le tapis rouge » pour accueillir« plus d’entreprises françaises quipaieront leurs impôts au Royaume-Uni », il semble que les débuts deFrançois Hollande sur le terrainéconomique suscitent de la dé -

fiance. À l’intérieur de nos fron-tières, l’UMP dénonce la « folie »des cadeaux électoraux de l’actuelchef de l’État. Même Jean-LucMélenchon ne s’y retrouve pas,pour d’autres raisons…Après avoir annoncé les bonnesnouvelles (revalorisation de l’allo-cation de rentrée scolaire, réta -blissement de la retraite à 60 anspour ceux qui ont commencé à

travailler tôt) et maintenant qu’ila une majorité, le gouvernementAyrault désormais remanié doitmaintenant entrer dans le dur. Lecollectif budgétaire de la semaineprochaine pourrait se solder parun retour à l’ancien barème del’ISF et par un prélèvement surles dividendes versés aux action-naires des entreprises, mais il seraloin d’être suffisant. D’autres me -

sures sont attendues à l’automne,dont la très controversée taxe à75 % sur les revenus de plus de1 million d’euros par an.Mais François Hollande va trèsvite se retrouver pris en tenaillesentre sa promesse de ne viser fis-calement que les plus aisés et lamauvaise situation économiquedu pays. Chaque dixième depoint de croissance de moins que

prévu représente une perte d’unmilliard d’euros de recettes fis-cales. Or l’objectif d’un déficitpublic de 3 % du produit inté rieurbrut (PIB) l’an prochain reste im-muable. Pour l’instant, personnene parle d’un plan de rigueur,qui toucherait inévitablementles classes moyennes. Mais pourcombien de temps ?

Florence Cohen

Comment arrivez-vousà ces 30 milliards ? Pierre Moscovici [le ministre del’Économie et des Finances, NDLR]a déclaré que la tendance pour2012 était à un déficit non de 4,5 %de PIB, mais de 5 %, ce qui re -présente un écart de 10 milliards.En 2013, le gouvernement doitfaire passer la croissance des dé -penses de plus de 2 % par an envolume à un peu plus de 1 %, cequi représente une économie de10 milliards par an, non docu -mentée. Enfin, les conjoncturistesprévoient une croissance de 1 % en2013, contre 1,7 % selon FrançoisHollande, ce qui aggraverait le dé-ficit de 10 milliards.

Cela veut dire qu’un nouveau pland’austérité nous attend ?Le programme de François Hol-lande prévoit déjà 30 milliardsd’augmentation nette de recettesdès 2013. Les 30 milliards supplé-mentaires que j’évoque portentl’effort à 60 milliards. Toutefois,ils comprennent 10 milliards en2012. En 2013 l’effort total seraitde « seulement » 50 milliards.Un effort de 50 milliards, soit 2,5points de PIB, est à ma connais-sance sans précédent en France.

Quid de la réductiondes dépenses ?Le programme de François Hol-lande prévoit pour 2013 un effortreposant presque exclusivement

sur les recettes. Le gouvernementva donc devoir s’attaquer aux dé -penses. Les mesures possibles sontconnues : gel du point d’indice dela fonction publique, des pensionsde retraite de l’État, réductiondes dépenses de fonctionnement,quasi- stagnation des dépensesd’assurance-maladie en volume,non-revalorisation des prestationslégales de retraite et de famille…Toutefois, l’ensemble de ces me -sures risquent de seulement rame -ner la croissance des dépenses à1 % par an. Des mesures doulou -reuses sont donc à prévoir.Du côté des recettes, je ne vois pascomment il serait possible d’allerbeaucoup au-delà des réductions deniches fiscales et sociales prévuespar le programme de François Hol-lande (25,5 milliards d’euros selonTerra Nova). On ne peut donc ex-clure une augmentation de la TVAd’ici la fin de l’actuelle législature…

Quelle frange de la populationrisque d’être la plus touchée parla rigueur ?Il ne faut pas se leurrer : ce sontl’ensemble des Français qui vontsupporter les effets de la réductiondu déficit. En particulier, quand onréduit le déficit, on réduit à moyenterme la croissance et donc on créedu chômage. Si on réduit le déficitstructurel de 1 point de PIB par an(ce que prévoit le programme deFrançois Hollande), on augmentele taux de chômage d’environ0,5 point chaque année.

Les mesures déjà annoncéessont-elles les bonnes ?Le gouvernement souhaite revenirà l’ancien barème de l’ISF sans

rétablir le bouclier fiscal. Ce ba -rème comprenait un taux supé -rieur de 1,8 %, qui correspon daiten pratique à une imposition durevenu de plus de 50 %…Dans le cas des retraites, je ne voispas l’intérêt, dans le contexteactuel, d’une mesure qui coûte3 milliards d’euros par an et qui aun effet désastreux sur l’image quenous donnons à nos partenaires.Dans le cas de la hausse du Smic,c’est de la pure démagogie. Heu -reusement que, selon le gouverne-ment, cette augmentation doit êtreinférieure à 5 % ! Une augmenta-tion de 5 % supprimerait environ100 000 emplois.

Quand vous dites que legouvernement dissimule cet effortde 30 milliards, cela signifie qu’ille fait volontairement ?*Le gouvernement cherche à évitertout débat parlementaire sur laprogrammation des financespu bliques. Contrairement à sesengagements de campagne, il n’yaura cet été ni loi de programma-tion des finances publiques (ren-voyée à l’automne) ni nouveauprogramme de stabilité. Il n’yaura peut-être même pas dedébat d’orientation des financespubliques. Circulez, il n’y a rienà voir !

Faut-il absolument tenirnos engagements budgétairesface à Bruxelles ?Les 3 % de PIB en 2013 sont unobjectif intangible, quelle que soitla croissance. Les années sui -vantes, le pacte de stabilité et letraité signé début mars prévoientque seul importe l’effort que l’on

fait (schématiquement, la Francedevra réduire son déficit structurelde plus de 0,5 point de PIB paran). Si la croissance était négativeen 2013, l’effort nécessaire pouratteindre l’objectif serait trèsdouloureux. Mais ce pourrait êtrele prix à payer pour préserver l’axefranco-allemand.

Maintenant, faut-il conserver l’euroà tout prix ? C’est une autre ques-tion, qui mériterait un vrai débatsans tabou…

Propos recueillis par F.C.

* Le gouvernement a admis la semainedernière être en quête de 10 milliardsd’euros pour boucler le budget 2012.

Les dures réalités économiqueset financièresAlors que le gouvernement doit annoncer ses premières mesures fiscales le 4 juillet prochain,le sénateur UMP Philippe Marini a fait les comptes : il accuse les pouvoirs publics de dissimuler30 milliards d’euros d’effort budgétaire supplémentaire.

Questions à « Des mesures douloureuses sont à prévoir »PHILIPPE MARINISÉNATEUR DE L’OISE,PRÉSIDENT DE LA COMMISSIONDES FINANCES DU SÉNAT JE

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Une guerre de l’eauà 184 millions d’euros

Irrigation

Des retenues d’eau artificielles de très grande taille se multiplient en France à l’exemple de la régionPoitou-Charentes. Cent trente « bassines » seraient en projet. Contestées par les écologistes, ellesprovoquent l’ire de certains élus. Principal grief : leur coût vertigineux, supporté à 70 % par des fondspublics. La nouvelle ministre de l’Écologie Delphine Batho devra trancher dans cet épineux dossier.

Chaque printemps tombentles arrêtés préfectoraux inter-disant le pompage dans les

nappes phréatiques ou les prélève-ments en rivière. Les petits agricul-teurs pestent contre ces décisions,qui font chuter leurs rendements.Mais les « gros » irrigants ont euxtrouvé la parade : stocker l’eau àgrande échelle l’hiver, lorsqu’elleest abondante, pour pouvoir arrosertoute l’année, y compris en périoded’étiage. C’est ainsi qu’en Poitou-Charentes – l’une des régions oùl’on irrigue le plus alors que lasécheresse est plus prégnantequ’ailleurs – apparaissent ici et làd’immenses piscines à ciel ouvertdestinées à l’arrosage des cultures.Le coût de ces ouvrages n’est pasnégligeable. Compter environ 1,75million d’euros pour une de ces« retenues de substitution » de350 000 m3, dont 70 % apportéspar des fonds publics : agencesde l’eau, conseils généraux, Étatfrançais, Europe. Depuis plusieursannées cette subvention aux irri -gants soulève un vent de protes -tation dans la région. Parmi lesplus virulents opposants figureDelphine Batho, députée socialistedes Deux-Sèvres depuis 2007 (lireencadré). Ironie, c’est à cette rebelleque revient désormais de gérer cedossier en qualité de ministre del’Écologie depuis le 21 juin.

Sa nomination tombe à pic, carune vague de nouveaux projetsse profile : 130 de ces « bassines »devraient être construites au coursdes cinq prochaines années, avec184 millions d’euros de fondspublics.

Une assurancecontre la sécheresseSur place, les nouveaux projets deretenues attisent la rancœur contreles grands céréaliers. Les petitsagri culteurs, qui n’ont pas le droitd’arroser en été, les accusent de pri-vatiser des millions de mètres cubesd’eau. « L’idée de stocker l’eau n’est pasidiote en soi, mais à ce prix et pour cetusage ça le devient totalement, affirme-t-on à la Confédération paysanne.Si on remplaçait, en partie, ce satanédieu-maïs par d’autres cultures, mêmeirriguées, on économiserait infinimentplus d’eau en été qu’avec ces bassines. »Les associations éco logistes, en têtedesquelles France nature environ-nement (FNE), déposent recours surrecours, ju geant « ces dispositions ca -tastrophiques pour la gestion de l’eau ».Et les associations de consom ma -teurs montent à leur tour au cré -neau. Dans le département de laVienne, l’UFC-Que Choisir envi -sage de saisir la justice pour contrer25 projets de bassines qui vontmobiliser 50 millions d’euros defonds publics.

Les irrigants qui en bénéficient sedéfendent en expliquant que cemode de stockage est la seuleréponse si l’on sou haite nourrirun maximum de personnes sansporter atteinte à l’écosystème.Dans leur grande majorité, lescéréaliers préfèrent investir dessommes considérables dans cesretenues plutôt que de revoir leurssystèmes de culture centrés surle maïs, plus rentable économi -quement. « Ces retenues, c’est unesé curité pour nous, une forme d’assu -rance », explique Philippe Charles,président de l’association des irri -gants des Deux-Sèvres, coproprié-taire de 5 bassines en 2007 avecun collectif de 20 agriculteurs : « Jesuis aujourd’hui assuré d’avoir uneproduction de 100 quintaux de maïspar hectare, contre 20 à 50 quintauxauparavant, les années de grandesécheresse. »

Une affaire qui diviseles politiquesL’affaire a rapidement pris un tourpolitique. Dès 2004, en prenantle siège de Jean-Pierre Raffarin à latête de la région Poitou-Charentes,Ségolène Royal avait décrété quela Région ne mettrait plus un eurodans le financement des retenuesde substitution. Même décisionpour les présidents des conseilsgénéraux de Charente et des Deux-

Sèvres, les socialistes Michel Bou -tant et Éric Gautier. Aujourd’hui,le sujet divise les élus locaux degauche comme de droite, certainsprenant le parti des grands agri -culteurs, d’autres se rangeant der-rière celui des paysans, des asso-ciations écologistes, pêcheurs etautres ostréiculteurs courroucés.Le gouvernement en revanche y atoujours été favorable. Sans jamaiscéder aux revendications des« anti », les ministres successifs ontpris toutes les mesures nécessairespour encourager la constructionde ces bassines depuis dix ans,au nom de la devise de la FNSEAselon laquelle la France doit sedoter de « moyens permettant derépondre aux défis : produire plus enimpactant moins les milieux ».« On a un problème structurel degestion de l’eau », affirmait ainsiNicolas Sarkozy le 9 juin 2011, envisite chez des agriculteurs cha -rentais, avant d’annoncer un planà cinq ans pour la création de re -tenues d’eau pour « mieux assurerl’équilibre entre les besoins de l’irriga-tion et les ressources disponibles ».Le 29 mars dernier, à Montpellier,à l’occasion du congrès de laFNSEA, le Président en campagneannonçait la parution prochainede deux décrets visant à allégerles barrières administratives à laconstruction de grandes réservesde substitution. L’un de ces dé cretssoumettrait notamment les rete -nues supérieures à 350 000 m3

(7 hectares pour 5 mètres de pro-fondeur) à un régime de « décla -

ration » et non plus « d’autori -sation », ce qui les dispenseraitd’étude d’impact environnemen-tal et d’enquête publique.

Deux décrets en suspensLe changement de majorité etsurtout l’arrivée de Delphine Bathoà l’Écologie vont-ils changer ladonne ? Pour le moment, rien nebouge. Les deux dé crets en suspens« sont actuellement en cours d’examenau Conseil d’État. La décision seraprise ensuite », faisait-on savoir auministère de l’Écologie et du déve -loppement durable de Nicole Bricq.Quant au principe du financementpublic à 70 %, il n’est pas sur latable. « À ce stade, il n’est pas prévude revenir sur cet enga ge ment », ajoutela porte-parole du mi nistère, où laquestion des retenues de substi -tution créait manifestement uncertain embarras.Jusqu’à maintenant, François Hol-lande ne s’était jamais clairementdistingué de son prédécesseur surce sujet délicat. Lors du « grandoral » des candidats à la présiden-tielle devant la FNSEA le 29 mars,il s’était bien gardé de critiquerle stockage de l’eau, cher à XavierBeulin, président du syndicatd’agriculteurs. Mais le Présidentsemble avoir tranché le 21 juin, enchoisissant une personnalité aussimarquée que Delphine Bathocomme ministre de l’Écologie. Unenomination qui sonne commeune fin de non-recevoir adresséeaux céréaliers français.

Tatiana Kalouguine

La surface d’une « bassine » peut atteindre la taille de dix terrainsde football réunis. PHOTO DR

Dossier

Delphine Batho à l’Écologie, mauvaisenouvelle pour les céréaliers

Figure de proue des « anti »,Delphine Batho, députée

des Deux-Sèvres et fraîchementnommée ministre de l’Écologie,du Développement durable et del’Énergie, devrait certainementpe ser dans le dossier des retenuesde substitution. Le 18 avril dernier– avant son entrée au gouver -nement – la députée publiait unelettre ouverte au président del’agence de l’eau Loire-Bretagnepour protester contre la construc-tion de 27 de ces retenues dansson dépar tement (avec 45 millions

d’euros de fonds publics) : « Ce pro -jet s’apparente à une fuite en avant,très onéreuse en termes d’utilisationd’argent public, et qui n’apporterapas la sécurité atten due par lesagriculteurs face à un manque d’eaustructurel », regrette-t-elle. Fin 2010déjà, la socialiste proche de Sé-golène Royal avait interpellé àl’Assemblée le minis tre de l’Éco -logie, Jean-Louis Borloo, lui de-mandant de « bien vouloir indiquersi le gouvernement compt[ait] du ra -blement soutenir la création de re -tenues de substitution alors que leur

impact est contraire aux objectifsde la directive- cadre européenne [surl’eau, NDLR*] ». Un espoir pourles écologistes avant la réuniondu conseil d’administration del’agence de l’eau Loire-Bretagne,le 28 juin, où sera arrêté leprogramme d’intervention del’Agence pour les cinq prochainesannées.

* Directive DCE 2015, qui imposele retour à un bon état qualitatif

des eaux souterraineset de surface pour 2015.

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Pour ou contre le retour des « bassines » ?Les réserves de substitution ressortent la tête de l’eau… Elles présenteraient un impact positifsur l’écosystème selon les spécialistes. Elles constituent selon leurs détracteurs des rentes desituation pour les grands irrigants, qui perçoivent en moyenne 150 000 euros de fonds publicspar « bassine ».

Les retenues de substitutionseraient la meilleure tech-nique existante pour faire

face à la crise de l’eau qui sévitdepuis 2003 dans la région. C’estla conclusion de Francis Bichot,hydrogéologue et directeur ré -gional du Bureau de recherchesgéologiques et minières (BRGM),l’organisme public en charge de lagestion des ressources et des risquesdu sol et du sous-sol : « Les nappesde Poitou-Charentes se caractérisentpar des cycles annuels de recharge-vidange plus importants qu’ailleurs,affirme-t-il. Nous faisons des tests,et c’est un fait, de façon générale lesretenues de substitution soulagent lesnappes et les cours d’eau l’été. Ellesont donc un impact positif sur l’éco -système. » Le scientifique préciseque le sol calcaire perméable em -pêche de construire les retenuescollinaires qui per mettent de stoc kerl’eau des rivières à l’aide de petitsbarrages, comme on le fait ailleurs.

Cent trente « bassines » en projetIl existe une cinquantaine de cesouvrages subventionnés dans lesquatre départements de la régionPoitou-Charentes (sur un totald’environ 500), et 130 nouveaux

dossiers de financement seraientà l’étude. Appelées « retenues desubstitution » ou « bassines derétention », ces réservoirs géantsà ciel ouvert sont creusés en pleinchamp et étanchéifiés par unemembrane synthétique. Leur sur-face peut représenter jusqu’à dixterrains de football pour une pro-fondeur allant de 5 à 10 mètres.Les propriétaires, des agriculteursregroupés pour en mutualiser

l’usage et le coût, les alimententà l’aide de forages qui puisentdans les nappes phréatiques.Parler d’irrigation amène forcé-ment à poser la question de laculture intensive du maïs, plantetropicale gourmande en eau,réputée procurer la meilleuremarge aux exploitants. L’État amis en place des actions pourfavoriser une transition vers dessystèmes culturaux et des filières

moins consommateurs en eau.À l’échelle européenne, un pro-gramme de « désirrigation » permetaux agriculteurs volontaires depercevoir 253 euros d’indemnitépar hectare et par an sur cinq ans.Avec, à ce jour, peu de résultatsprobants. Mais certains irrigantsréussissent quand même à réduiredrastiquement – voire à abolir –l’irrigation, tout en maintenantleurs revenus…

« Le maïs, c’est la formule 1 descultures », considère EmmanuelGerbier, agriculteur et présidentde l’Association des professionnelsde l’irrigation de l’Indre. « Quandon a investi dans un système de pro-duction qui nécessite de l’eau, il esttrès difficile de tout arrêter du jourau lendemain », précise-t-il. Surson exploitation, il a cependantréduit sa surface cultivée en maïsirrigué de 105 à 35 hectares pour

s’adapter à la baisse de pluvio -métrie dans son département :« Si un jour la lame d’eau de lanappe passait sous les seuils depompage, je ne pourrais plus tra-vailler. » Changeant totalementde stratégie il y a une dizained’années, il a opté pour une tech-nique de rotation des culturessur cinq ans avec blé, blé dur,colza, pois et maïs, car celui-ci« enrichit le sol en matière orga -

nique ». Cette diversification aaussi permis d’arrêter insecticideset fongicides, et de réduire demoitié l’apport en azote. Ses re -venus nets sont presque iden-tiques, « avec parfois des années debaisse, mais plus de cohérence surle long terme ». Emmanuel Gerbiern’exclut pas d’investir dans unebassine pour sécuriser son appro-visionnement en eau. « Dansl’Indre, plusieurs projets sont à

l’étude, notamment dans le bassinde la Ringoire », affirme-t-il.Plus radical, Benoît Biteau,agriculteur sur la commune deSablonceaux en Charente-Mari -time, a complètement éradiquéle maïs de l’exploitation familialeet stoppé l’irrigation en moins decinq ans. Ce militant écologiste,vice-président du Conseil régio -nal de Poitou-Charentes, a faitde l’exploitation paternelle unmodèle de reconversion. Utilisantses compétences d’ingénieur agro -nome, il a remplacé 180 hectaresde maïs autrefois irrigués engrand (300 000 m3 par an, soitla consommation d’une ville de8 000 habitants) par des par -celles de lentilles, tournesol, poischiches, pois verts, sarrasin, blé,orge ou sorgho, ainsi que 40hectares de prairies où paissentchèvres, bovins et autres baudetsdu Poitou. Économiquement lemodèle tient la route avec desproduits 100 % bio vendus deuxfois plus cher, aucune dépense eneau ou en produits chimiques :« Mes marges sont proches de cellesde mon père, avec des aides de laPAC réduites à moins de 10 % »,souligne-t-il. T.K.

Que pensez-vous du principede stocker l’eau en hiverpour soulager les rivières l’été ?Ce principe est vérifié dans cer-tains bassins en effet, mais paspartout. À certains endroits, ledébordement des nappes l’hiverpermet des crues utiles des ri -vières qui alimentent les zoneshumides. Une zone humidecomme le Marais poitevin estfaite pour être inondée l’hiver.Si on pompe trop d’eau à cettepériode, elle ne peut plus fonc-tionner normalement. Je déplorequ’il n’y ait pas eu à ce jourd’étude globale à l’échelle de larégion, ou d’évaluation des vo -lumes réellement disponiblespour l’irrigation, hiver commeété. Mais davantage que le stoc -kage en soi, ce qui me choquec’est la rente de situation quece système implique pour lesgrands irrigants.

Qu’entendez-vous par« rente de situation » ?Un agriculteur perçoit en moyenne150 000 euros de fonds publicspar bassine. Or la population d’irri-gants ne représente que 5 % desagriculteurs du bassin Loire-Bre-tagne. À côté de ceux qui en profi-tent pour irriguer des monoculturesde maïs sur plus de 100 hectares,d’autres, bien plus nombreux, peu-vent avoir un besoin vital d’irriguer2 ou 3 hectares pour leur cheptel.C’est totalement inéquitable. Si onmet autant d’argent public sur latable il faut le répartir entre tousles agriculteurs du bassin concerné.

Que peut-on proposer auxagriculteurs qui ne peuvent pasirriguer l’été et attendent unesécurisation de leurs revenus ?Nous considérons que l’eau estun bien public, particulièrementrare et cher en Poitou-Charentes.

Elle doit être distribuée équitable-ment, avec une priorité donnéeà une agriculture qui crée des em-plois, qui n’utilise pas de pesti-cides et ne porte pas atteinte àla ressource elle-même. La puis-sance publique doit s’intéresserà l’usage qui est fait de cette eauchèrement stockée. Et ne pas enabandonner la gestion à une as-sociation d’irrigants, un groupe-ment d’intérêts privé.

L’UFC-Que Choisir de la Viennes’oppose à ces projets. Quel estle coût pour le consommateur ?Le consommateur apporte 70 %du budget de l’agence de l’eau. Lemontant des dossiers de finance-ment en cours à l’agence de l’eauLoire-Bretagne sur les départe-ments de Vendée, des Deux-Sèvreset de la Vienne représentent déjàle double de la ligne budgétaireconsacrée au stockage de l’eau

pour les six prochaines années (cebudget sera validé le 28 juin enconseil d’administration). Ce quiveut dire que si l’on réalise ce quiest annoncé, il va falloir trouverd’autres moyens de financer lesretenues de substitution, en pre -nant sur d’autres lignes budgé-

taires : dépenses d’assainissementde l’eau potable, financement desstations d’épuration, etc. Ce quise traduira par une hausse du coûtde l’eau pour le consommateur.C’est une inversion du principe dupollueur-payeur qui se produit ici.

Propos recueillis par T.K.

SERGE MORINVICE-PRÉSIDENT (EELV) DU CONSEIL RÉGIONAL DE POITOU-CHARENTES,PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EAU, LITTORAL, BIODIVERSITÉ

Questions à« Si on met autant d’argent public, il fautle répartir entre tous les agriculteurs »

DR

«CERTAINS AGRICULTEURS PRÉFÈRENTÉRADIQUER LE MAÏS POUR DIMINUER

LES VOLUMES D’IRRIGATION »

Dossier

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NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012 L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL I

AQUITAINEspécial

par Elsa Nathan

Territoires

Fervent défenseur d’un nouvel acte de la décentralisation, le président de l’Aquitaine milite pour unrenforcement des pouvoirs exécutif et législatif ainsi qu’une plus grande autonomie financière des régions.Vous êtes de ceux qui réclamentdepuis longtemps une étapesupplémentaire de ladécentralisation, qui renforceraitles régions avec des compétencesaccrues qui ne seraient pluspartagées avec l’État. C’est toujoursce que vous espérez ?Et comment ! Le nouveau présidentde la République, François Hollande,a dit à plusieurs reprises au coursde la campagne électorale qu’unenouvelle étape de la décentrali -sation – il a parlé d’un « nouvelacte » – figurait parmi les prioritésdu quinquennat. Il dispose aujour-d’hui à l’Assemblée nationale d’unemajorité nette pour avancer danscette direction. Marylise Lebran chu,ministre de la réforme de l’État, dela Décentralisation et de la Fonc-tion publique, a été chargée au seindu gouvernement de préparer cetteréforme capitale qui s’articuleradonc avec celle de l’État. Elle s’y estattaquée avec une belle ardeur et acommencé à recevoir, à consulterles partenaires de cet immensechantier qui s’ouvre.

À votre avis, quand doit intervenircette réforme ?Il n’y a plus de temps à perdre. Re-gardez ce qui se passe en Europe :partout, les régions jouent un rôlecapital. C’est vrai en Espagne et enItalie mais plus encore en Alle-magne où les länder (16 au total,contre 22 régions en métropole)pèsent d’un poids inconnu cheznous. Leur budget donne la mesurede leur importance : il est treize foissupérieur à celui des régions fran -çaises réunies.Le décalage entre les deux donne lamesure du fossé qui sépare régionfrançaise et land allemand. Côtéallemand triomphe le fédéralisme.

Chaque land est un État, doté d’uneconstitution, d’un parlement (leLandtag), d’un gouvernement, etd’un appareil judiciaire. Les com-pétences du land sont étendues.Et que dire de l’importance durôle économique des länder ? Parle biais des caisses d’Épargne ré-gionales dont ils sont les action-naires de référence, les länder sontles architectes du développementéconomique des territoires. Ils sontau cœur du capitalisme rhénan.Autre « scandale » pour un espritjacobin : l’État régional de Basse-Saxe est l’un des principaux ac-tionnaires du groupe automobileVolkswagen ; plusieurs autres sontactionnaires d’EADS, le construc-teur aéronautique.Rien de tel en France. Les régionsne sont que des collectivités territo -riales dépourvues de compétenceslégislatives. Qu’il s’agisse des outilsfinanciers de capital-risque ; qu’ils’agisse de la formation ou des ou -tils d’aménagement des territoires :les régions françaises font figure denains même si, au fil des années,depuis François Mitterrand, ellesont réussi à arracher des compé-tences accrues.

Qu’attendez-vous dugouvernement en matière derenforcement des compétences descollectivités territoriales ?Qu’il mette la France au diapasondes États modernes ! À mes yeux,décentraliser, c’est plaider pour unpacte renouvelé entre le pouvoirpolitique et les citoyens, entre l’Étatet les territoires.Ce pacte passe tout d’abord parune rupture institutionnelle. Ils’agit de réformer le Sénat de tellesorte qu’il reflète la France urbainede ce début de XXIe siècle et non

plus celle rurale qui prévalait auXIXe siècle.Autre impératif : supprimer lecumul entre fonctions exécutiveslocales et mandats nationaux defaçon à couper ce lien de dépen-dance pervers entre les élus locauxet le pouvoir central. Bien entendu,cette réforme ira de pair avec celledu statut de l’élu. À travers elle, ils’agit d’assurer le renouvellementd’une classe politique aujourd’huidéconnectée de la société fran -çaise, coupée du monde associatifet de celui de l’entreprise dont lescultures, faites de solidarité et d’an-ticipation, sont, ou devraient être,à la source de l’action politique.

Qu’en est-il du transfertde ressources de l’État versles collectivités locales ?Il faut réformer la fiscalité locale ettrancher entre deux conceptionsopposées de la décentralisation :soit continuer à réduire l’auto no -mie financière des collectivités enleur substituant des compensationsou des dotations de l’État ; soitjouer la carte de la responsabilitéen instaurant l’autonomie fiscaledes collectivités.Il ne s’agit plus, comme il y a prèsd’un quart de siècle, de s’en tenirà un réglage technocratique desins titutions, à un banal problèmede clarification, aussi nécessairesoit-il, des compétences dévoluesaux éche lons territoriaux. Mais dese doter, comme dans la plupartdes pays de l’Union européenne,d’un pouvoir local capable d’im-pulser une dynamique au pays.Est-il logique que les services del’État continuent à irriguer nosterritoires comme si une étapemajeure dans la décentralisationn’était pas intervenue en 1982 ?

Il faut mettre un terme à cetteanomalie, à ces doublons de fonc-tionnaires que rien ne justifie.La décentralisation n’est pas anti -nomique d’un État fort. Je suisconvaincu que les deux vont depair. Mais l’État doit être ramassésur ses compétences prioritaires,celles qu’il ne viendrait à l’espritde personne de contester : la sécu-rité, la justice, la santé, l’éducation,la péréquation territoriale…Pour le reste, qu’il s’agisse des ré-gions, des départements ou des com -munautés de communes, les relaisexistent, les compétences sont làqui ne demandent qu’à se déployer.La prise en charge, par exemple,par les régions des lycées, et par les

départements des collèges, a permisde moderniser en quelques annéesles conditions de vie et de travaildes enseignants et des élèves. C’estun défi du même ordre que noussommes en train de relever avec lemonde universitaire.J’en suis convaincu : c’est en jetantles bases d’une décentralisationhardie, synonyme d’une démocra-tie audacieuse, que la France peutespérer crever l’abcès du jacobi -nisme. Et changer la nature de laVe République. Alors, parions surun nouvel acte de la décentralisa-tion. C’est une chance pour notrepays. Les socialistes et ses alliésde la gauche revenus aux affaires,nous allons la saisir.

« Décentraliser, c’est plaider pour un pacte renouvelé entre lepouvoir politique et les citoyens, entre l’État et les territoires »

Alain Rousset, député de la 7e circonscription de Gironde, présidentde la région Aquitaine et de l’Association des régions de France (ARF) :«Il ne s’agit plus, comme il y a près d’un quart de siècle, de s’en tenirà un réglage technocratique des institutions, à un banal problème declarification, aussi nécessaire soit-il, des compétences dévolues auxéchelons territoriaux. » PHOTO PIERRE ANDRIEU/AFP

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C’est le Grand Projet ferrovi-aire du Sud-Ouest (GPSO),lancé en 2005 et inscrit dans

la loi de programmation du 3 août2009 relative à la mise en œuvredu Grenelle de l’environnement.Concernant deux régions, l’Aqui -taine et le Midi-Pyrénées, il s’agitde poursuivre la ligne à grandevitesse entre Tours et Bordeaux(302 km), dont les travaux ontdébuté en 2012 et qui doit mettreParis à un peu plus de deux heuresde Bordeaux dès 2017, par deuxnou velles lignes TGV vers Toulouseet la frontière espagnole à Biriatou.Les 430 km de nouvelles lignespermettront de faire le trajet entreles capitales d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées en une heure, au lieu dedeux actuellement, et de relier Bil-bao en un peu plus de deux heuresdepuis Bordeaux contre près dedix heures aujourd’hui, grâce àla connexion avec l’« Y basque »,la ligne à grande vitesse côté espa -gnol (voir encadré en page III).Ces gains de temps sont très atten -dus par les industriels aqui tains,car ils permettront de dynamiserles échanges et d’attirer les inves -tisseurs dans la région. « Rappro -cher les grandes métropoles donneraune dynamique indispensable auxentreprises », estime Laurent Courbu,président de la Chambre de com-merce et d’industrie de région(CCIR) Aquitaine, qui insiste surle fait que la LGV « rendra possiblela création d’une véritable euro -région entre Bordeaux et Bilbao enpermettant des échanges écono -miques consi dérables ».Les perspectives en termes d’emploisont aussi alléchantes. Le chantierde la LGV Rhin-Rhône (140 kmde lignes nouvelles inaugurées en2009 après soixante-quatre moisde travaux) a généré en moyenne6 100 emplois par an dont plusde 2 000 directs (un tiers occupéspar du personnel local). Pour laconstruction de la LGV Sud Eu-rope Atlantique (SEA) entre Tourset Bordeaux, LISEA, qui s’est vuconfier la concession pour cin -quante ans, prévoit de mobiliser4 500 personnes au plus fort duchantier, dont 1 300 embauches

locales. « Une manne dont l’Aqui -taine ne peut se passer en période decrise », remarque Laurent Courbu.Mais toutes les études réaliséesen France et en Europe montrentque l’arrivée d’une nouvelle infra-structure ferroviaire de ligne àgrande vitesse (LGV) ne produitpas d’effets automatiques mais atendance à accélérer les dyna mi -ques en cours, notamment dansles quartiers accueillant les futuresgares (Agen et Mont-de-Marsan)ou des gares actuelles. Tel estl’enjeu de l’opération d’intérêt na-tional (OIN) Bordeaux Euratlan-tique, construit autour de la gareSaint-Jean. À cheval sur les com-munes de Bordeaux, Bègles etFloirac, elle couvre un périmètrede 738 hectares où, d’ici 2030,2,5 millions de m2 vont être amé-nagés, répartis de façon équilibréeentre logements (15 000 logementsmajoritairement aidés, dont 25 %de locatifs sociaux), bureaux(500 000 m2), commerces et équi -

pements publics, afin d’attirerdes entreprises souhaitant béné-ficier de la nouvelle donne géo-gra phique offerte par la grandevitesse ferroviaire. La gare Saint-Jean, qui a fait l’objet d’un récentréaménagement, va aussi s’agran -dir pour accueillir chaque annéeles 20 000 de passagers estimésà l’horizon 2030, contre 9 000aujourd’hui. La SNCF prévoit de« construire un nouveau bâtimentavec un grand parking, expliqueFré déric Michaud, directeur dudéveloppement de Gares &Connexions à la SNCF. Il sera situéde l’autre côté des voies, à l’opposéde la gare historique qui est désor-mais bien connectée notamment autramway, et accueillera les voyageursdans la grande galerie longitudinaledéjà inaugurée. »Bayonne, qui va devenir « la garedu Pays basque », « va faire àson échelle ce que fait Bordeaux »,annonce son maire Jean Grenet(Union des radicaux, centristes,

indépendants et démocrates). Lagare sera réaménagée avec un pôled’échanges multimodal pour ladésenclaver : un grand parkingpour les voitures et les taxis, ainsiqu’un meilleur accès pour les cir-culations douces (vélos et piétons).Par ailleurs, la requalification ur-baine d’environ 300 hectares surles berges de l’Adour est à l’étudeafin d’y implanter des activités ter-tiaires et des logements de qualité.

Développer le fret ferroviaireLa création d’une nouvelle voiedevrait permettre le report d’unepartie du trafic fret routier vers leferroviaire. En effet, la route arrivesaturation avec 9 000 camionsqui franchissent chaque jour lafrontière franco-espagnole dansle Pays basque. « Seulement 4 % dutrafic international de marchandisessur l’axe atlantique est écoulé par letrain, contre 32 % à travers l’arcalpin, dans des conditions similairesde franchissement d’un massif mon-

tagneux », avance Réseau ferré deFrance (RFF). Selon l’Observatoirefranco-espagnol des trafics dansles Pyrénées, le transport ferroviairede marchandises entre la péninsuleIbérique et l’Europe représentait3,1 millions de tonnes en 2008alors que sur la route transitaient107,8 millions de tonnes. Unrapport que les tenants du projetaimeraient bien voir s’inverser.Or « sur la ligne actuelle, on peutfaire passer toute la LGV, les trainsactuels (Pau-Orthez-Puyoô-Bayonne),le tram-train Bayonne-Saint-Sé bas -tien (qui doit arriver d’ici 2020), lefret en direction du port de Bayonneainsi que celui en direction du centreeuropéen de fret de Mouguerre. Et iln’y a plus de place pour le fret inter-national », indique Jean Grenet. Le projet, chapeauté par RFF etvalidé le 30 mars 2012 par Fran -çois Fillon, prévoit que la voieactuelle accueille les trains devoyageurs régionaux (TER et Euro -cité) ainsi que le fret local. Sur la

II L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL, NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

SpécialAquitaine

Le précédent gouvernement a validé le 30 mars dernier le tracé des futures lignes à grandevitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Bilbao, qui doivent permettre de désenclaver l’Aquitaineà l’horizon 2020. Mais en ces temps de crise, le financement et les réticences de certains éluslaissent planer encore quelques doutes sur le calendrier des travaux.

Le TGV Sud Europe Atlantiquepresque sur les rails

JEFF

PAC

HOUD

/AFP

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nouvelle ligne circuleront les trainsà grande vitesse (13 allers-retoursquotidiens vers Paris et 8 versl’Espagne, selon les estimations deRFF), le service régional à grandevitesse (environ 32 passages jour-naliers en gare de Bayonne) et lefret international entre Bayonneet la frontière. Grâce à ce schéma,ainsi qu’à la mise aux normeseuropéennes par les Espagnols

de l’écartement de leurs voies dechemin de fer en 2017, le ferpourrait ainsi atteindre d’ici2030 25 % des parts de marchédu trafic de fret, soit 20 millionsde tonnes par an.

Pour les anti-LGV, la ligneactuelle suffitMais ces estimations de besoinset ces projets ne font pas l’unani -mité. Roland Hirigoyen, maire(divers droite) de Mouguerre etprésident de la communauté decommunes Nive-Adour, considèreces chiffres bien supérieurs à laréalité, puisque « depuis 2005, letrafic de fret ferroviaire a été réduitde moitié et ne représente plus qu’unmillion de tonnes aujourd’hui ». Auxcôtés de ses collègues des com-munautés de communes Errobi etsud Pays basque, il réclame le gelde la portion de 34 km qui doitcourir au Pays basque, estimantque la voie actuelle est suffisante.Les trois édiles ont fait réaliserdeux études par un cabinet indé -pendant suisse, Citec, qui confor-tent leur position. Le rapport notetout d’abord qu’une fois tous lestravaux réalisés en Espagne, le ré -seau pourra accueillir au maximum124 trains quotidiens de fret enprovenance de France, alors queles voies existantes de ce côté dela frontière pourront en accueillir250. Par ailleurs, le temps de trajetpour les liaisons locales (Bayonne-Saint-Sébastien) serait identique.Le maire de Mouguerre s’interrogedonc « sur l’intérêt d’investir dansces conditions pour une dizaine detrains par jour ne s’arrêtant pas auPays basque ».Dans le Lot-et-Garonne, les oppo -sants font aussi entendre leursvoix. Le collectif d’associationsanti-LGV Coordination 47 a en-voyé fin mai à la ministre de l’Éco -logie et des Transports d’alors,Nicole Bricq, un recours gracieuxpour une annulation de la valida-tion du tracé LGV Bordeaux-Tou -louse, en s’appuyant sur l’article

L.121-12 du Code de l’environ-nement qui prévoit qu’une en-quête d’utilité publique doit êtreréalisée dans les cinq ans maxi-mum après le débat public. Orle débat sur le GPSO a eu lieuen 2005 et l’enquête d’utilitépu blique ne devrait être lancéequ’à la mi-2013, à la suite ducomité de pilotage sur les dernierstracés en suspens (au Pays basque,

en Lot-et-Garonne et dans le Tarn- et-Garonne) prévu pour septembre2012. De plus la Coordination 47souligne douze points de modifi-cations ou d’incohérences entrece qui a été débattu en 2005 et cequi a été validé en 2012, commela fréquentation « surestimée » parRFF (entre 34 et 40 trains parjour sur l’axe Bordeaux-Toulouse),les perspectives de saturation dela ligne actuelle ou le coût destravaux, évalué à 2,5 milliards en2005 contre plus de 12 milliardsaujourd’hui. L’association a d’oreset déjà prévenu que si elle n’ob-tient pas gain de cause, à savoirle lancement d’un nouveau dé -bat public avec tous les acteursconcernés, elle déposera une re-quête devant le Conseil d’État.

Qui va financer ? La LGV pourrait se trouver nez ànez avec un autre problème capablede la faire dérailler : le financementdes deux lignes. Alors que le modede financement du GPSO (entiè re -ment public ou par le biais d’unpartenariat public-privé) n’a pasencore été arrêté et que le tour detable financier est prévu durantl’année prochaine, les élus s’in-quiètent de leurs contributions.Les grandes collectivités de Midi-Pyrénées ont accepté de payer pourle tronçon reliant Tour à Bordeauxfinancé par un partenariat public-privé avec RFF, en tablant surson prolongement vers Toulouse.En échange, celles d’Aquitainese sont engagées à contribuer àcette ligne.Mais la réduction des dotationspubliques aux collectivités dans lebudget 2012 a mis à mal cette soli -darité. Le président (PS) du Lot-et-Garonne, Pierre Camani, a jeté unpremier pavé sur les rails en an-nonçant qu’il n’était « pas envi -sageable » pour le conseil général,qui est déjà engagé à hauteur de34 millions d’euros, de participerdavantage au financement destronçons de Bordeaux-Espagne et

Bordeaux-Toulouse. Le Gers lui aemboîté le pas : son président,Philippe Martin (PS), estimant qu’ils’agit « d’un chantier d’État […] quine relève pas de nos compétences ».Alertée par ces désistements, larégion Midi-Pyrénées, la ville deToulouse et le département de laHaute-Garonne ont tout de suiteproposé par courrier au Premiermi nistre François Fillon de consi -dérer leur contribution à Tours-Bordeaux (environ 250 millionsd’euros) comme une avance queles collectivités d’Aquitaine rem-bourseraient quand commen ce -raient les travaux de Bordeaux-Toulouse, soit de cesser de payerpour Tours-Bordeaux pour ensuiteassumer la totalité de la participa-tion des collectivités à Bordeaux-Toulouse. Quelques jours plus tard,Alain Rousset, président (PS) del’Aquitaine et de l’ARF, s’adressaità son tour au Premier ministre,l’enjoignant à prendre « une initia-tive majeure pour reprendre le rôlede pilotage qui lui revient », tout enpointant du doigt « la fragilité dumécanisme financier » choisi parl’État, « consistant à faire porter lamoitié de la charge sur un très grandnombre de collectivités locales ». Resteà savoir si le nouveau gouverne-ment arrivera à stopper l’effetdomino afin que les travaux dé -butent comme prévu en 2017 etque la LGV ne déraille pas avantson inauguration au début de ladécennie 2020.

NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012 L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL III

SpécialAquitaine

Quelques semaines avant lavalidation du tracé du GPSO,Alain Rousset s’interrogeait

publiquement, lors d’une réunionde soutien au projet organisée àla Chambre de commerce et d’in-dustrie de Bayonne, sur l’imageque donnerait la France si elle nese dotait pas de cette nouvelle ligneà grande vitesse : « Nous serionsbeaux avec l’arrivée de nos TER àHendaye, tandis que l’Espagne et lePays basque vont arriver à quelqueskilomètres. » Car en effet, la ligne àgrande vitesse espagnole devraitrejoindre en 2016 ou 2017 Biriatou,située à moins de 15 km d’Hendaye.C’est là que se connectera ulté -rieurement la LGV française, cequi permettra de relier Paris àBilbao en moins de six heures. Leprojet espagnol, appelé commu -nément « Y basque » car les lignesdessinent cette voyelle, reliera grâceà une nouvelle ligne de 172 km lestrois capitales basques de Bilbao,San Sebastián et Vitoria-Gasteizdans un parcours moyen de trente-cinq minutes. Au Sud, il sera connec -té à la ligne allant à Valladolid etMadrid.La crise ne semble pas refroidir lesardeurs espagnoles. Dans le bud -get général de l’État pour 2012,le projet est toujours qualifié de

« prioritaire », même si en avrildernier la ministre espagnole del’Équipement, Ana Pastor, se refu-sait à donner une date de fin detravaux. Il faut dire que pour l’Es-pagne ce projet est vital, puisqu’ilpermet de désenclaver la régionet de relier enfin le Pays basque auréseau européen à grande vitesse.Dans un paysage très accidenté,qui a imposé de construire 80tunnels et 71 viaducs, pour uncoût esti mé à 6 milliards d’euros,les premiers coups de pioche ontété donnés en 2006, sans attendrela France qui venait seulement declore son débat public. Malgréquelques retards, qui ont pousséla Commission européenne à di -minuer une partie de ses aides,les travaux continuent donc et lalivraison des premiers tronçons seprécise.Côté méditerranéen, la jonctions’est faite en décembre 2010 avecl’inauguration par la SNCF et sonhomologue espagnol, la Renfe,d’une ligne TGV entre Paris etFigueras. À la même époque, l’Es-pagne détrônait la France en de-venant leader européen du trainà grande vitesse, avec à l’époque2 200 km de lignes. Pour faire faceà la crise, elle a donc choisi le railet ses liens avec l’Europe.

De l’autre côté de la frontière,les Espagnols sont prêts

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IV L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL, NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

SpécialAquitaine

Alain Juppé, ex-ministre d’État en charge des Affaires étrangères et européennes, ne s’est pasprésenté aux élections législatives. Il se consacre à sa ville de Bordeaux. Dans le débat qui s’ouvresur la réforme des collectivités territoriales, il plaide pour un renforcement des régions et desstructures intercommunales.

Aujourd’hui forte de 730 000 âmes, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) devraitatteindre le million d’habitants en 2030.

« La question de la pertinence de l’échelondépartemental devra être posée sans tabou »

Bordeaux se rêve millionnaire… en habitants

Afin de respecter la future loi sur lenon-cumul des mandats, vous avezdécidé de ne pas vous présenteraux élections législatives de juin.Pourquoi ce choix ? J’ai souhaité me mettre, par anti -cipation, en accord avec le non-cumul des mandats. Il étaitques tion de l’adoption d’unetelle mesure avec le précédentgouver nement. L’actuel Présidentl’a incluse dans son programme,même s’il semble que son appli-cation soit reportée à 2014. C’estpar ailleurs ce qui m’avait étéreproché en 2007 : vouloir êtreélu député alors que j’occupaisdéjà d’autres fonctions. J’ai doncanticipé et décidé de me consa -crer pleinement à la belle ville deBordeaux.

Le nouveau gouvernement aannoncé une nouvelle étape dansla décentralisation. Commentvoyez-vous à l’avenir les relationsavec vos partenaires de lacommunauté de communes, ledépartement et la région ?Trente ans après les premièreslois de décentralisation et aprèsles réformes portées par Jean-Pierre Raffarin, une nouvelle étapeest nécessaire. Il ne s’agit pas dedonner de nouvelles compétencesaux collectivités locales, mais derationaliser et de simplifier lepaysage institutionnel. Aujour -d’hui, les citoyens sont perdus,

ils ne savent plus qui fait quoi etles regroupements intercommu-naux, loin de simplifier la gestion,ont rajouté une couche au mille-feuille des institutions locales.Cela pose un double problème :- un problème de légitimité dé-mocratique, puisque l’exécutif desstructures intercommunales, quigèrent des budgets considérables,n’est pas élu par les citoyens.- un problème de lisibilité del’action publique locale du fait dela pratique des cofinancements,mais aussi, et surtout, de l’absenced’autonomie fiscale des collecti -vités et établissements intercom-munaux. Leur financement pro - vient en majorité des dotationsde l’État.De mon point de vue, les compé-tences de chaque niveau devrontêtre clarifiées et la question de lapertinence de l’échelon départe-mental posée sans tabou, commele prévoit la réforme engagée parle gouvernement Fillon. Deuxpôles doivent se renforcer : larégion, compétente pour le dé -ve lop pement économique, et lesstructures intercommunales per-mettant de mutualiser les moyensen termes d’urbanisme, de réseauxet de transports locaux. Celles-cidevront évoluer dans le futur versune gouvernance plus démocra-tique.Bordeaux est membre d’une destoutes premières communautés

urbaines. Une réflexion est menéesur un éventuel élargissementdes compétences. C’est un enjeuimportant pour la ville-centre quirassemble un tiers de la popula-tion de l’agglomération et assumed’importantes charges de centra -lité dans le domaine de l’aide so-ciale, de l’hébergement d’urgence,du sport et de la culture. Dans cedomaine, il ne faut pas se préci -piter, mais, avec des expérimen -tations, se donner le temps detrouver le meilleur équilibre.

Bordeaux a connu ces dernièresannées une croissance rapide quidevrait perdurer avec notammentl’arrivée de la LGV. Comment voyez-vous l’avenir de la métropole ? Bordeaux a une croissance sou -tenue. La population croît de 1 %par an, après des décennies derecul. L’arrivée de la ligne à grandevitesse Bordeaux-Paris, dans unpremier temps, puis Bordeaux- Espagne et Bordeaux-Toulouseren forcera encore l’attractivité dela ville. Nous avons la chance dedisposer d’un foncier importantavec les anciennes friches portu-aires et ferroviaires. L’opérationd’intérêt national Euratlantique,mais aussi plusieurs autres opé -rations sur la rive droite – au borddu lac et aux bassins à flots, parexemple – nous permettront d’ac-cueillir une nouvelle populationdans la ville de demain.

Alain Juppé, maire de Bordeaux : «Il ne s’agit pas de donner denouvelles compétences aux collectivités locales, mais de rationaliseret de simplifier le paysage institutionnel. » PHOTO JEAN-PIERRE MULLER/AFP

En dix ans (1999-2008), lacommunauté urbaine deBordeaux, qui regroupe 27

communes, a vu arriver 25 000nouveaux habitants. C’est parailleurs une population qui rajeu-nit, 43 % de ses habitants ayantmoins de 29 ans, 62 % moins de43 ans (chiffres de 2009). Après unpremier projet urbain centré surune rénovation des quartiers his-toriques et des berges, la ville alancé en 2009 un nouveau plan,baptisé Bordeaux 2030, qui vise à

faire de Bordeaux une métropoleeuropéenne, forte d’un milliond’habitants pour lesquels elleprojette de construire 60 000 lo -gements d’ici 2030.Plus d’une dizaine de quartiersfont ainsi l’objet de renouvellementurbain dans la capitale girondine,avec deux impératifs : la densifi-cation de la ville et le développe-ment durable. « Au cours des troisdernières décennies l’étalement ur-bain a été la règle […]. Le phénomèneest aujourd’hui en passe de s’inverser

avec, prise de conscience écologiqueou nécessité économique, un vrairetour vers les villes et, donc, l’obli -gation de repenser l’agencement etle développement de nos cités », ex-plique Alain Juppé, maire (UMP)de Bordeaux. Les nouveaux pro-jets portent donc ces exigencesdu projet Ginko. Premier éco-quartier de Bordeaux, ses 32,6hectares accueilleront 40 % d’es -paces verts – dont un parc de4,5 hectares – et 2 200 logementsrépondant aux impératifs de

Haute qualité environnementale(HQE).Le secteur économique connaît lamême vitalité. Entre 1999 et 2007,16 480 emplois ont été créés etle taux de chômage est passéde 12,6 % en 1999 à 9,2 % en2011 (chiffres de l’Insee). Mais lespers pectives de croissance dé -mographique imposent d’attirertoujours plus d’investisseurs,puisque « 250 000 habitants sup-plémentaires c’est aussi 75 000 nou-veaux emplois à créer », comme

l’explique Robert Ghilardi deBenedetti, directeur général del’agence Bordeaux-Gironde In-vestissement. Pour attirer les en-treprises dans le département,Bordeaux mise donc sur sa qua -lité de vie, mais aussi sur ses pôlesde compétitivité comme l’aéro-nautique, les technologies de lasanté, les énergies renouvelables,la construction durable et lesecteur tertiaire, qui à lui seulreprésente actuellement 90 % del’emploi à Bordeaux.

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NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012 L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL V

SpécialAquitaine

L’histoire industrielle de Lacq aurait pu s’arrêter en 2013 avec la fermeture des puits de gaz,exploités depuis 1957 par Total. Mais l’anticipation du groupe, des industries de la région etdes élus locaux a permis d’éviter cette fin annoncée. Le lancement du « Cluster Chimie 2030 »et l’arrivée du groupe japonais Toray permettront d’inscrire Lacq dans la durée.

Du gaz à la « carbone vallée »

Le bassin industriel de Lacqne mourra pas avec la fin del’exploitation commerciale

du gisement gazier prévue parTotal en décembre 2013. Total etses partenaires Sobegi et Arkemaont en effet décidé d’investir154 millions d’euros, avec l’aide del’État et des collectivités territo -riales (qui apporteront plus de10 millions d’euros), dans le projetindustriel « Cluster Chimie 2030 »,une unité destinée à extraire un« filet gazier » de 350 000 m3 parjour (à la place de 3 millions dem3 aujourd’hui) pendant encoretrente ans.« Et avec un fort atout industriel,puisque le Cluster Chimie distribueradu gaz en circuit fermé, ce qui permetune économie quasi indépendantedes marchés mondiaux », expliqueFrançois Virely, le président dela Sobegi, l’opérateur de la plate-forme qui entrera en service dèsla mi-2013. Le prix du gaz fournipar Sobegi restera donc stable surtoute la période. La plate-forme vaainsi permettre de sauvegarder les

activités d’une trentaine d’indus-triels dépendants de l’extractiondu gaz et consolidera les emploisde près de 2 000 personnes. Maiscette installation a aussi permisl’ancrage régional de Toray, déjàprésent dans la région à Abidos,

où il produit de la fibre de car-bone. Le groupe japonais va ainsiinvestir 130 millions d’euros dansune usine de production de poly-acrylonitrile, matière premièredans la fabrication de fibres decarbone, implantée à Lacq.

« Grâce à un alignement de toutesles parties prenantes – l’État, les col-lectivités territoriales, les industriels,mais aussi les riverains – le plateau asu se diversifier », souligne NicolasTerraz, directeur de Total Exploi -tation et Production France. Cette

évolution a été anticipée dès 1957avec la mise en place du « franc duSud-Ouest ». Pendant des années,à chaque fois que Total a extrait1 m3 de gaz, le groupe a mis 1 francsur un compte bloqué, afin definancer des projets de dévelop -pement locaux. Aujourd’hui, leplateau compte 19 entreprises,dans des domaines aussi variésque la pharmaceutique, la cos mé-tique, la thiochimie, les biocarbu-rants et le carbone.La création du Cluster Chimie etl’arrivée de Toray marquent doncun tournant important dans l’évo-lution du plateau. « Mais ce n’estpas suffisant pour assurer l’avenir,remarque Didier Rey, maire deLacq et vice-président de la com-munauté de communes de Lacq.Il faudrait une entreprise supplé -mentaire pour que l’on parle de réus-site totale. » Un vœu semble-t-ilpar tagé. Comme l’assure NicolasTerraz, « Total travaille déjà sur leprochain projet », ce qui laisse es-pérer l’arrivée d’un nouvel indus-triel sur le plateau.

Lacq

Le plateau industriel de Lacq entreaujourd’hui dans une nouvellephase de son développement.Selon vous, quels ont étéles éléments déterminantsde sa reconversion ?Lacq est une réussite dans la me -sure où ce redéploiement conju -gue à la fois un effort historiquede soutien à la création d’entre-prises et de PME, mais aussi àl’aide et à la reconversion d’en-treprises. Il est naturel pour Totalde soutenir l’activité et l’emploi.Un grand groupe est toujoursconcerné par son territoire entant qu’utilisateur de ressourceset de sous-traitances. In fine, c’estla conjugaison des talents dechacune des parties (les pouvoirspublics, la région et des acteursindustriels) qui a permis ce re -déploiement. Car c’est mieuxqu’une reconversion, c’est un re -déploiement. D’autres activitésvont venir se greffer sur le pla teau

non pas par rapport au métierd’origine de la plate-forme, maispar rapport aux métiers de de-main, tirés par le carbone etl’aéronautique que nous apporteToray. Une nouvelle aventurecommence, probablement aussiriche que celle du gaz, la « car-bone vallée ».

Lacq a su diversifier ses activitéspour survivre, grâce, entre autres,au soutien du groupe Total.Est-ce une démarche nouvellepour le groupe ? « Total Développement Régional »a été créé il y a trente ans pouraccompagner ces évolutions. Nousavons plusieurs objectifs. Toutd’abord, l’aide nécessaire dansle cadre des vitalisations ou revi-talisations des bassins d’emploilorsque le groupe est confronté àdes situations de restructura tionet de redéploiement industriel,comme à Lacq. De plus, nous

accompagnons la création d’em-plois, autour des sites existants,par l’octroi de prêts à des PME.Chaque année, l’ensemble desdispositifs à la fois technique etde financement de prêts contribueà la création de 2 000 emplois,pour un engagement de 6 millionsd’euros. Par ailleurs, depuis sixmois, nous avons développé uneactivité complémentaire, car nousavons souhaité aller un peu plusloin dans l’appui aux PME. AvecOséo et le Centre Technique desindustries mécaniques, nous tes -tons une aide aux PME inno-vantes. Nous identifions deschampions qui sont en phase dedéveloppement industriel, à quinous prêtons 200 à 300 000 eurosen avance avec un rembourse-ment différé dans le temps. L’idéeest de leur permettre de dévelop-per leur technologie et faire ensorte qu’elles puissent continuerà se déployer.

Un certain nombre de régionssont aujourd’hui confrontéesà la nécessité de se redéployer.La méthode utilisée à Lacqpeut-elle être appliquée ailleurs ?Le savoir acquis à Lacq est au-jourd’hui appliqué à Carling ouDunkerque. Au demeurant, cesavoir est construit sur une his-toire, une habitude d’évolutiondans la région. Je suis sûr quedans les régions Rhône-Alpes ouNord-Pas-de-Calais, là où il y aune culture industrielle, cela doitaussi pouvoir fonctionner. Laplate-forme de Dunkerque, parexemple, devient un centre desmétiers techniques du raffinage.À terme, elle pourra probable-ment héberger une activité mé-tallurgique différente associée àla plate-forme. Il faut maintenantcapitaliser sur nos savoirs et essayerd’attirer des talents nouveaux aulieu de vouloir refaire ce qui sefaisait hier.

YVES TOURNIÉDIRECTEUR DE TOTALDÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

3 questions à«Un grand groupe est toujours concernépar son territoire »

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VI L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL, NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

SpécialAquitaine

Les huîtres meurent, le bassin s’inquiète

La région achète des droits carbonepour reboiser les Landes

Près d’un tiers des 320 entreprises ostréicoles du bassin d’Arcachon pourraient être menacées dedisparition après les diverses crises qui frappent la filière et notamment la mortalité massive desjeunes huîtres. Un espoir pourrait venir d’un ambitieux programme de recherche sur la sélectiongénétique des huîtres, lancé cette année.

L’Aquitaine a inauguré début juin le premier marché du carbone forestier de France, afin de contribuer,via l’association Aquitaine carbone, au reboisement de 220 000 hectares de forêt sinistrés en 2009par la tempête Klaus.

Arcachon

L’huître pourrait bientôtde venir un produit rarissimeet inabordable. En effet, de -

puis 2008, les naissains (jeuneshuîtres de moins d’un an) suc-combent à un mal encore peuidentifié, l’herpès juvénile. Lamaladie est d’une ampleur plusqu’inquiétante puisque 80 à 90 %des naissains meurent chaqueannée en France. Première éclose-rie naturelle d’Europe, le bassind’Arcachon n’échappe pas à cettehécatombe qui met en péril les320 entreprises du secteur et leurs1 000 emplois. Depuis quelquesannées, le comité régional conchy-licole d’Arcachon-Cap-Ferret (CRC)a mis en place un observatoirede ces mortalités. Quatre lots denaissains d’huîtres ont ainsi étédisposés par des ostréiculteursvolontaires sur les parcs, dans cinqendroits du Bassin, et étudiés.Le cycle de production des huîtresétant de trois ans, les premierseffets sur le chiffre d’affaires se

sont fait sentir dès l’année der-nière. Ces mortalités ont réduitau plus bas les stocks d’huîtres ar-cachonnaises : alors que le bassinproduit en moyenne 8 à 10 000tonnes par an, ce chiffre tomberabientôt de 4 à 5 000. Pour OlivierLaban, président du CRC, « il estgrand temps que les pouvoirs publicsmettent les moyens et que les scien-tifiques se mettent au boulot afin denous permettre de proposer des pro-duits sûrs et en quantité suffisantetous les ans ».Son appel semble avoir été enten -du. En effet, le comité nationalconchylicole a lancé en avril sonprojet Score (Sélection collectivede l’huître creuse Crassostrea gi -gas à des fins de captage orienté).Réunissant les instances repré-sentatives de la filière ostréicolefrançaise – 7 comités régionauxconchylicoles, l’Institut françaisde recherche pour l’exploitationde la mer (Ifremer), le syndicat dessélectionneurs avicoles et aqua-

coles français (Sysaaf), les centrestechniques régionaux et départe-mentaux) –, ce projet vise à « réin -troduire dans le milieu une huîtrenaturelle, et de restaurer ainsi lescapacités de reproduction sur les gi-sements de captage ». Les scienti-fiques de Score sélectionnent doncactuellement « les souches présen-tant des caractères de survie amélioréepouvant être introduites dans le milieunaturel ». Estimé à plus de 6,5 mil-lions d’euros, le projet Score estfinancé à 90 % par des fonds pu-blics (Fond européen pour la pêche25 %, État 37,5 % et 37,5 % parles 6 régions concernées). Lors dela séance du Conseil régional du21 mai dernier, l’Aquitaine a dé-cidé de débloquer 228 600 euros.En attendant, les ostréiculteursd’Arcachon n’ont pas d’autrechoix que d’augmenter leurs prix,mais ils ne pourront le faire indé-finiment au risque que les huîtresdeviennent « un produit de luxe »,prévient Olivier Laban.

Plus grande forêt cultivéed’Europe avec 1,8 milliond’hectares, la forêt des Landes

de Gascogne, qui s’étend sur troisdépartements (Landes, Gironde etLot-et-Garonne) ne s’est pas encorerelevée de la tempête Klaus, quiaffecta 600 000 hectares de la forêtaquitaine, dont 220 000 hectaresdétruits à plus de 40 %. Quarantemillions de m3 de bois ont été déci-més, soit près de 50 % de la surfaceforestière du massif. Grâce auxaides de l’État (415 millions d’eurossur huit ans, jusqu’en 2017, accor-dés dans le cadre du plan chablis),quelque 15 000 hectares ont déjàété reboisés, selon le syndicat des

sylviculteurs du Sud-Ouest, alorsmême que le reboisement vientjuste de commencer après trois ansde nettoyage de la forêt.En attendant que les arbres re pous-sent, la région Aquitaine, le Centrerégional de la propriété fores tièred’Aquitaine, l’Office national desforêts et la Caisse des dépôts etconsignations ont créé, en mai 2011,l’association Aquitaine carbone,dans le but de créer un marché desdroits carbone de la forêt. Présidéepar la conseillère régionale BéatriceGendreau, cette association achètedes droits carbone aux sylviculteurs.Après certification, elle les revendaux collectivités territoriales, par -

ticuliers ou entreprises souhaitantcompenser volontairement leursémissions de gaz à effet de serre(GES). Tout en aidant financière-ment les sylviculteurs, elle permetdonc de favoriser des projetscapteurs de CO2. Selon diversesétudes, la forêt stocke et absorbe25 % des émissions de gaz à effetde serre en Aquitaine, soit 6 mil-lions de tonnes de CO2. Sur cettebase, on considère que les proprié-taires qui s’engagent à développerune sylviculture orientée vers lebois d’œuvre, c’est-à-dire inscritedans la durée, disposent de droitsmonnayables au regard du servicerendu.

La première convention a étésignée au cours du salon Forexpode Mimizan, le 7 juin dernier, entrela région et deux propriétairesforestiers, la mairie de Trensacq(une commune des Landes) et unpropriétaire privé, pour respec -tivement 1 800 et 1 120 euros. Enattendant que le marché s’éta-blisse, le conseil régional d’Aqui-taine s’est engagé à financer leprojet à hauteur de 500 000 eurospar an.Un coup de pouce non négli -geable pour la filière qui emploie34 000 personnes, dans les ex-ploi tations forestières, les scieriesou encore les fabriques de papiers

et cartons, et génère un chiffred’affaires de plus de 3,5 milliardsd’euros. Bien que le stockage de7,2 millions de tonnes de chablis,les bois tombés pendant la tem-pête, ait permis de revaloriser unepartie de la matière première, lesindustriels du secteur s’inquiètenten effet de la vitesse à laquelle sereboise la forêt. Stéphane Latour,directeur général de la Fédérationdes industries du bois d’Aquitaine(Fiba), prévoit ainsi « un désé -quilibre entre la capacité forestièreet la capacité industrielle d’ici 3 à4 ans ». Le spectre du manque debois plane donc bien sûr la forêtlandaise.

Olivier Laban, président du comité régional conchylicoled’Arcachon-Cap-Ferret : « Il est grand temps que les pouvoirs publicsmettent les moyens et que les scientifiques se mettent au boulotafin de nous permettre de proposer des produits sûrs et en quantitésuffisante tous les ans. » PHOTO JEAN-PIERRE MULLER/AFP

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NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012 L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL VII

SpécialAquitaine

La région Aquitaine bénéficiait déjà de la technologie Alstom grâce au tramway Citadis implantéà Bordeaux. En juin 2013, elle sera la première région à être livrée en rames Régiolis, plus confortableset plus performantes. Interview du Président d’Alstom Transport, Henri Poupart-Lafarge,qui contribue au développement de la compétence industrielle française.Pouvez-vous présenter AlstomTransport France ?Alstom est un groupe actif dansles transports et dans l’énergie ;il réalise 21 milliards de chiffred’affaires et emploie 93 000 per-sonnes réparties dans le mondeentier, l’activité Transport re -pré sentant environ un quart del’acti vité et des effectifs.Alstom Transport compte 8 500collaborateurs en France et y réa -lise un chiffre d’affaires de près de2,5 milliards d’euros. Nous avonsdix sites localisés dans neuf régions.Ce maillage nous permet d’êtreau plus près de nos clients françaiset de leur garantir ainsi un serviceà la hauteur de leurs attentes toutau long du cycle de vie – qui peutatteindre quarante ans ! – de leurssystèmes ferroviaires. La Franceest notre berceau et y pérennisernotre présence est une prioritépour nous. C’est pour cette raisonque plus de 600 personnes ontété recrutées en 2011 et que nousavons investi 56 millions d’eurosdans la modernisation de nossites. Nous avons d’ailleurs récem-ment inauguré notre tout nou-veau site de Tarbes, qui bénéficiedes dernières avancées en termesde gestion de flux et de normesenvironnementales. La Franceconstitue clairement une vitrinequi accompagne la croissance àl’export de l’industrie ferroviairefrançaise. Les succès d’AlstomTransport France sont ceux de noscollaborateurs mais aussi et sur -tout ceux des 30 000 personnes et

5 000 PME-PMI de toute la filière.Entretenir et soutenir ce réseau detalents installé sur l’ensemble duterritoire, avec lequel nous avonstissé une solide relation de par -tenariat au sein d’une dizaine debassins d’emplois, contribue dema nière significative au déve -lop pement de la compétence in-dus trielle et de l’emploi en France.

En quoi consistent les activitésd’Alstom Transport ? La gamme de produits et de ser -vices d’Alstom Transport est la pluscomplète du marché ferroviaire.Les trains régionaux, les trains àtrès grande vitesse, les métros, lestramways que nous concevons etdéveloppons sont performantset éprouvés, ont un design unique,sont tous tournés vers le confort etl’accessibilité des voyageurs. Nousproposons aussi des systèmes designalisation, des infrastructures,des services de maintenance etde modernisation. Alstom Trans-port associe tous les savoir-faire.Nous intervenons sur l’ensembledu cycle de vie des produits etrecherchons en permanence à in-nover au service de nos clients,notamment dans un esprit d’éco-conception.L’un des meilleurs exemples pourillustrer cette démarche, c’est Co -radia Polyvalent, baptisé Ré giolispar les régions françaises. Dotéd’une grande modularité, c’est untrain régional à un niveau quioffre plusieurs types de configu -rations techniques et d’aména -

gements pour les passagers. Sonplancher bas intégral permet auxvoyageurs de bénéficier d’uneaccessibilité maximale et d’unevisibilité totale en tout pointrenforçant la sécurité. CoradiaPolyvalent consomme environ15 % d’énergie de moins que sesconcurrents – d’où une réductiondu CO2 émis – et est conçu avecdes matériaux écodurables.Un autre exemple, récemmentprésenté aux agglomérations parAlstom Transport, est Citadis Com-pact. Il s’agit du premier tramwayissu de la gamme Citadis NouvelleGénération. La proximité des cen-tres de compétence R&D d’AlstomTransport, localisés en France, avecle marché hexagonal des tram -ways particulièrement dynamiquea permis l’aboutissement de cettenouvelle gamme. Elle s’appuie surle succès et la qualité reconnuepar nos clients des 1 600 tramwaysCitadis déjà vendus à près de 40villes dans le monde – dont 20en France – et sur les technologieset les équipements qui font leurpreuve depuis plus de quinze ans.Les dimensions du Citadis Com-pact, 22 mètres au lieu de 30 ou

40 mètres habituellement, rendentpossible l’acquisition d’un tramwaypour les agglomérations de taillemoyenne. En France comme enEurope, nombre d’entre elles mar-quent un intérêt certain pourcette nouvelle forme de Transporten Commun en Site Propre (TCSP)capacitaire, écologique et souple.Citadis Compact ouvre aussi denouvelles perspectives pour lesgrandes agglomérations en leurpermettant de déployer un réseausecondaire complémentaire deleurs lignes de tramway.

Quelles sont les réalisationsd’Alstom Transport dans la régionAquitaine ?La région Aquitaine est une régiondans laquelle de nombreux trainsAlstom circulent, que ce soit nosTGV qui s’arrêtent en gare de Bor-deaux ou nos TER qui desserventla région. Il y a aussi bien sûrle tramway Citadis de Bordeauxqui est pour nous une référencemondiale puisque nous y avonsdéveloppé en partenariat avecl’agglomération le système d’ali-mentation par le sol APS. Il s’agitd’un système éprouvé d’alimen -

tation électrique des tramwayspar le sol grâce à un troisième railencastré qui permet – à niveau deperformance et de confort égal – lasuppression des réseaux électriquesaériens, limite la pollution visuelleet préserve notamment l’authen-ticité architecturale des sites tra-versés par le réseau. En servicedepuis déjà huit ans à Bordeaux,il a depuis séduit Reims et Angersoù les résultats sont excellents.Orléans mettra son système enservice le 29 juin prochain et nousl’exporterons ensuite à Dubaï.

Quels sont les projets à venir ?La région Aquitaine sera la pre-mière à être livrée en juin 2013de ses rames Régiolis, dont nousvenons de parler. La région estd’ailleurs notre deuxième clientepour ce train, en nombre de rames,et je tiens à la remercier pour cetteconfiance qui nous honore et nousengage. Nous serons au rendez-vous de cette mise en servicequi, nous le savons, a beaucoupd’importance pour les passagersqui souhaitent bénéficier le plusvite possible de ce nouveau train.

L’Aquitaine équipée des rames Régiolis

Henri Poupart-Lafarge, Président d’Alstom Transport. PHOTO DR

Régiolis. Le nouveau train régional d’Alstom. PHOTO DR

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VIII L’HÉMICYCLE CAHIER SPÉCIAL, NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

Vin : les bordeaux, leaders à l’exportAprès avoir souffert en 2008, les ventes de vin de Bordeaux ont confirmé leur reprise en 2011avec 728 millions de bouteilles de vin vendus, portées par l’export et notamment vers la Chinequi est devenue son premier marché en volume.

Dans le vignoble aquitain,premier producteur mon -dial de vin d’Appellation

d’origine contrôlée (AOC), les bor-deaux se portent bien. Après labaisse de 2009, qui avait vu lesventes diminuer de 3,8 % à la suitede la crise économique, les indi -cateurs sont clairement revenusau vert. Selon le dernier bilan duConseil interprofessionnel du vinde Bordeaux (CIVB), les ventes ontcontinué de progresser en 2011 envolume, à 5,45 millions d’hectolitres(soit 8 % de plus que l’année pré -cédente), et en valeur (3,9 milliardsd’euros, soit 16 % de plus). Cettecroissance est portée par l’exportpour la seconde année consécutive,avec un nouveau record enregistréen valeur : 2,16 millions d’hecto -litres pour 1,97 milliard d’euros,en progression de 30 %.

La Chine est devenue le premiermarché pour le bordeauxParmi les acheteurs, la Chine faitfigure de locomotive. Les médocs,premiers crus classés en 1855 etles châteaux bordelais, font en effetrêver les Chinois férus d’histoire.

Depuis le début de la décennie, lesventes ne cessent d’y augmenteret, en 2011, ce marché est devenuleader en volume, avec 446 000hec tolitres vendus pour 682 mil-lions d’euros (Hong Kong compris).Si bien que le bordeaux paye larançon de sa gloire avec le dé ve -loppement de la contrefaçon. Pourla combattre, le CIVB a mis enplace 33 écoles du vin dans 21 paysafin d’éduquer au goût. 90 % dela contrefaçon venant de Chine, ilse tourne surtout vers les autoritéschinoises pour qu’elles reconnais-sent l’AOC, afin que de réellessanctions pèsent sur les faussaires.Toutefois ces bons résultatsgénéraux cachent des disparités.Comme le remarque Laurent Ber -nos, directeur du service Vigne etVin de la Chambre d’agriculture deGironde, « les grands crus, commetous les produits de luxe, se portenttrès bien. Après pour le gros de latroupe, ce n’est pas aussi simple. »La crise économique de 2008 estpassée par le vignoble bordelaiset a mis certains opérateurs dans« une situation difficile voire pré-caire » avec une baisse des cours

et une augmentation des stocks,explique le CIVB.

Redorer la marque pour encoremieux se vendrePour sortir la prestigieuse appella-tion de la crise, l’interprofessionviticole bordelaise a donc mis enplace un plan de relance en 2010,Bordeaux Demain, afin de repo -sitionner les bordeaux comme« les plus beaux vins du monde »,en portant bien sûr une attentiontoute particulière à ses marchésporteurs (la Chine, les États-Uniset le Royaume-Uni), mais aussi àses « bastions historiques » quesont la France, l’Allemagne ou laBelgique. Une démarche qui sembleavoir porté ses fruits puisque, enEurope, les exportations ont pro-gressé de 10 % en volume (979 000hecto litres) et de 15 % en valeur(672 millions d’euros).Le CIVB a aussi pour objectif unemontée en gamme des produitsbasiques, en poussant certainsproducteurs de moindre qualité àquitter l’AOC, ce qui « leur permet-tra d’être moins contraints par lesnormes de production et leur coûteradonc moins cher », insiste-t-on auCIVB. De plus, à côté des grandscrus, le CIVB met en avant des vinsmoins connus mais très attractifspour une clientèle plus jeune, àl’exemple du rosé, dont les ventesen France ont augmenté de 7 %en 2011.

La recherche au secoursdu merlotPrincipal cépage cultivé dans lesvignobles bordelais (environ 40 %des surfaces plantées), le merlot

pourrait disparaître et, dans unemoindre mesure, le cabernetsauvignon. Avec le changementclimatique (hausse constante destempératures et sécheresses ac-crues), les récoltes se font plus tôt,la teneur en sucre augmente,l’acidité baisse et le taux d’alcoolest passé de 13,5 à 14° au lieu de12° il y a à peine trente ans. Àtel point que les viticulteurs – quiont fortement développé l’encé-pagement depuis le milieu duXXe siècle, parce qu’il mûrissaitmieux, plus vite et avait unemeilleure teneur en sucre – sontparfois obli gés de désalcooliserleur vin après la fermentation,et ce malgré des récoltes de plusen plus précoces.À l’ombre de la vigne, les cher -cheurs se sont donc attelés auproblème. Dans le cadre du projeteuropéen Innovine, qui débuteraen janvier 2013, Serge Delrot,directeur scientifique de l’Institutdes sciences de la vigne et du vin(ISVV), s’est vu confier la directiondu groupe de recherche sur leschangements climatiques avecune dotation d’1,2 million d’eurossur les 4 millions alloués à larecherche.

À la recherche d’autres cépagesPlusieurs solutions sont déjà àl’étude. À court terme, de nouvellespratiques agricoles sont préco -ni sées pour ralentir le déclin dumerlot (limiter l’effeuillage pourlaisser les grappes à l’ombre,changer l’orientation des vignes,etc.). Une autre piste consiste àadapter la plante aux changementsclimatiques. La recherche s’oriente

d’une part vers les porte-greffe,la racine sur laquelle sont greffésles cépages, pour les rendre plus ré-sistants à la sécheresse. Une autresolution consiste à réutiliser desclones de merlot plus anciens,moins précoces et donc produisantmoins de sucre.Mais pour Serge Delrot, ces actionsrisquent de ne pas suffire : « Il sembleque les températures vont continuerd’augmenter et à un rythme plus ra -pide que prévu initialement. Le mer-lot pourrait disparaître d’ici quelquesdécennies. » Avec les profession -nels du secteur aquitain, il étudiedonc la possibilité de changer decépages. Son laboratoire compareles effets du changement clima-tique sur 52 d’entre eux, présentsen Aquitaine (merlot, cabernetfranc, cabernet sauvignon, sauvi-gnon blanc, petit verdot, etc.) etdans des zones plus chaudes (tem-pranillo en Espagne, sangioveseen Italie ou touriga nacional auPortugal), pour, s’il fallait rempla -cer le merlot, trouver le cépage s’enrapprochant le plus.Une solution radicale qui ren -contrera sans doute des réticences.D’une part, les vignerons conti -nuent à planter du merlot. D’autrepart, l’encépagement est lent àmodifier dans le Bordelais. « C’estune culture de terroir, indique Marie-Catherine Dufour, responsabled’expérimentation à la Chambred’agriculture de Gironde, où l’onn’a pas l’habitude d’arracher etde replanter. » Toutefois, NathalieOllat, chercheuse à l’ISVV, se veutconfiante : « l’évolution de l’encé-pagement bordelais n’est pas unphénomène nouveau ».

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NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012 L’HÉMICYCLE 9

Une Safer a comme objectifprincipal de dynamiser lesespaces forestiers et agri-

coles, de protéger l’environnementet les ressources, et d’accompagnerle développement de l’économie lo -cale. Mais, en ligne de mire, il y a lapermanence d’un objectif constantcompte tenu de la crise de l’agricul -ture : aider les jeunes agriculteursà s’installer. D’ailleurs, le syndicatdes Jeunes Agriculteurs a été partieprenante lors de la création desSafer, en 1960, sous l’impulsion duPremier ministre Michel Debré. Ilen existe aujourd’hui 26 sur toutela France dont 3 dans les départe-ments d’outre-mer. La Fédérationnationale des Safer (FNSAFER) re -groupe tout l’ensemble avec prèsde 1 000 collaborateurs. Pouraméliorer les structures foncièresdu secteur agricole, et optimiser lescritères de gestion de la politique

agricole, la loi du 5 août 1960précise que les Safer « peuvent êtreconstituées en vue d’acquérir des terresou des exploitations mises en ventepar leurs propriétaires, ainsi que desterres incultes destinées à être rétro -cédées après aménagement éventuel ».Autrement dit, l’axe majeur de l’in-terventionnisme desdites sociétésest l’aménagement de l’espace ruralau service de l’avenir de l’agriculture.Le rôle du politique est essentielcar des élus siègent dans le conseild’administration de la Safer de leurrégion, et leurs pairs peuvent se rap-procher d’eux pour attirer l’atten-tion de la structure sur tel ou telproblème qu’il faut prendre encompte au regard d‘un territoiredonné. La Safer est ainsi un opéra-teur foncier des collectivités localeset 86 000 hectares de terres sonturbanisés chaque année dans lecadre de ses missions.

Une composition mi-politique,mi-professionnelleLe statut des Safer est précisé dansles articles L.141 à L.143 du Coderural. Ses principaux actionnairessont les organisations profession-nelles agricoles (FNSEA, Mutualitésociale agricole…) et sont placéssous le contrôle de l’État avec deuxcommissaires du gouvernement(le directeur du Trésor public etcelui de l’Agriculture et de laForêt). Sans but lucratif, les Saferont comme originalité (vu leurstatut juridique) de rassembleraussi des élus, représentant leurscollectivités territoriales (conseilsgénéraux et régionaux) en tantqu’« actionnaires » de la société.C’est cet élément organisationnelqui permet au politique d’inter-venir au cœur des pouvoirs (nom-breux) des Safer.Orienter l’activité agricole françaisedans ses déterminants économiqueset environnementaux nécessite, eneffet, de disposer d’une véritableforce d’imposition juridique : undroit de préemption entendu ausens large. Lors des ventes de fermesou de terrains agricoles, les Saferutilisent ce droit pour les rétrocéderaux tenants de l’activité, qu’ils’agisse de jeunes ou d’agriculteursdéjà installés. Observer le foncierrural est donc le premier voletdu travail d’une Safer, qui se réalisepar la connaissance en temps réeldes projets de vente et l’état dela consommation de l’espace. S’in-former du prix des terres, des présou des vignes est également utilecomme le fait de mesurer les zonesde pression foncière.La Safer se révèle être le meilleurpartenaire des élus lorsqu’il estquestion de mettre en place unepolitique foncière durable : étudierla faisabilité d’un PLU, éviter lesconflits d’usage, gérer des biensen attente, anticiper l’organisationdu territoire communal…

Le droit de préemption commesoutien directToute intention d’aliéner à titreonéreux une terre classée en zoneagricole ou naturelle doit êtrenotifiée, par l’officier ministérielcompétent, à la Safer du ressortterritorial concerné. Celle-ci dis-

pose de deux mois pour se pronon-cer et, éventuellement, utiliser sonpouvoir préemptif. Elle appuierason droit de préemption sur desobjectifs fixés par le législateurdans le Code rural : installation etmaintien des agriculteurs ; remem -brement des exploitations exis-tantes ; sauvegarder le caractèrefamilial de l’exploitation ; luttercontre la spéculation foncière ;pro téger la forêt ; projets de miseen valeur des paysages approuvéspar les collectivités territoriales…Dans certains cas, la préemptionne pourra pas être effective. C’estle cas si l’État désire se porter ac-quéreur ou si des fermiers locauxsont évincés (parents du vendeur,etc.). Les terres préemptées par laSafer doivent être revendues cinqans maximum après la préemption.Il existe aussi l’hypothèse d’uneacquisition amiable.Ce droit de préemption est souvent,pour de nombreux élus alertantune Safer, le meilleur moyen d’aiderles agriculteurs de leur territoire.Ils agissent ainsi en bloquant touteutilisation ou destination non agri-cole de terres qui doivent le resterpour des raisons historiques ousociétales. Par le biais de la Safer,les élus fournissent un coup depouce au monde agricole tout ens’assurant de protéger la nature etla vitalité des territoires.

Les réalisations des SaferDe ce point de vue, la Safer peutdégager des terrains pour les projetsdes collectivités ou acquérir desbiens ruraux dans le but d’installer

des porteurs de projets viables. Lesélus sollicitent souvent une Saferpour protéger la biodiversité, luttercontre la déprise agricole, déve -lopper les énergies renouvelablesou lutter contre les inondations.La Safer Languedoc-Roussillon, parexemple, a contribué à développerl’agriculture biologique dans denombreux départements. Les Sa -fer investissent aussi le terrain del’agriculture biologique et traitentles candidats « biologiques » commeles candidats « traditionnels ».Récemment, la Safer PACA a si -gné un partenariat de protectionde l’eau, le 27 mai 2012, avecl’agence de l’eau Rhône-Méditer-ranée-Corse. La Safer du Centrea revendu des espaces à des orga -nismes comme les Conservatoi -res régionaux d’espaces naturels.En 2009, le groupe Safer aura ac-compagné 1 180 premières instal-lations sur le territoire national.Les Safer sont également sollici -tées par des élus pour installerdes centrales solaires et aidentprio ritairement le secteur photo-vol taïque. La Safer Bretagne a par-ticipé à la généralisation d’uneagriculture périurbaine de qualité,notamment dans le départementdu Morbihan…Par ailleurs, les Safer disposentaussi d’autres outils techniquestels que la régularisation de permisde construire, des études liées àl’activité foncière de la Safer ou dela cartographie pour des besoinsopérationnels.

Richard KitaeffProfesseur à Sciences-Po Paris

Instituées par la loi d’orientation agricole de 1960, les sociétés d’aménagement foncier etd’établissement rural (Safer) sont investies par le législateur d’une mission de service public.Ces sociétés, à l’échelle régionale, soutiennent le monde agricole dans la préservationde ses équilibres politiques et sociaux. Le rôle des élus y est essentiel.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff

Les SAFER savent faire pour accompagnerles collectivités dans leurs projetsd’aménagement durable

Pratiques

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Un éleveur de charolais installé à Saint-Firmin (Saône-et-Loire) grâceà la Safer. PHOTO JEFF PACHOUD/AFP

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C’est un outil exceptionnel » quipermettra « une plus granderéactivité » des forces de po-

lice et de la justice, et « un meilleurcontrôle », affirme Jean-ClaudeGaudin, sénateur-maire (UMP) deMarseille. Confrontée à une netteaugmentation de la délinquance,la Cité phocéenne a inauguré sonnouveau centre de supervisionurbaine (CSU). Celui-ci s’articuleautour de 53 caméras de vidéo -surveillance déjà installées dans lecentre-ville. Une première étape.D’ici à la fin 2014, 1800 camérasscruteront l’ensemble des arron -dissements marseillais. « Les imagessont des supports de preuves remar-quables », analyse Marc Labouz,directeur de la police municipalede Marseille, précisant qu’à Paris,en trois mois, près de 700 inter -pellations en flagrant délit ont étéréalisées grâce à un tel système.Afin de combler le retard en lamatière sur les grandes capitaleseuropéennes, plus d’un millier decaméras y sont installées depuissix mois. À l’été, quelque 13500dispositifs fourniront des imagesvisibles dans les commissariats etcentralisées à la préfecture de po-lice, comme le prévoit le plan devidéosurveillance de la capitale.Le maire (PS) de Paris, BertrandDelanoë, a néanmoins refusé « quele déploiement de ces caméras puisses’accompagner d’une baisse des effec-tifs de police ».« On pense que la caméra sansl’homme est aveugle », poursuit My-riam El Khomri, en charge de laprévention et de la sécurité de laville. Président du groupe EELVau Conseil de Paris, Sylvain Garela pour sa part affirmé ressentir« une double tristesse », témoignantde la division de la majorité muni-cipale. « Ce plan est installé avec la

complicité des élus socialistes. Pournous c’est contraire à toute l’éthiquede la vie en collectivité d’être surveillésà notre insu par des caméras. »

Dans la ligne de mire de la Courdes comptesÉternel objet de controverse entrela droite et à la gauche, la vidéo-surveillance – initiée à Levallois-Perret au cours des années 1990 –poursuit son essor dans de nom-breuses villes françaises, à l’instarde l’Angleterre. Et si l’objectif affi-ché par le précédent gouverne-ment de tripler le nombre decaméras destinées à la protectiondes espaces publics ne sera pasatteint après avoir été reportéd’un an, près de 40000 installa-tions, contre 20000 en 2008, sontaujourd’hui opérationnelles. Face àcette escalade, la Cour des comptesa d’abord dénoncé dans un rapportpublié l’été dernier une « connais-sance approximative du nombre decaméras ». Elle souligne également« une répartition géographique iné-gale », la région PACA se révélantparticulièrement friande d’un telinvestissement.Précisément, la Cour fustige le coûtde tels dispositifs pour les collecti-vités locales. Elle estime que le plannational d’équipement représente300 millions d’euros d’investis -sement, financé à 60 % par lescollectivités locales, auxquelss’ajoutent 300 millions d’euros encoût de fonctionnement entière-ment à la charge des communes.Dans ce contexte, les magistrats es-timent qu’il aurait été « souhaitablequ’une évaluation de l’efficacité de lavidéosurveillance accompagne, sinonprécède, la mise en œuvre de ce plande développement accéléré ». Quantaux études menées à l’étranger,elles « ne permettent pas globalement

de conclure à l’efficacité de la vidéo-surveillance de la voie publique ».Sans concession, la Cour descomptes pointe par ailleurs la fai-ble professionnalisation des agentscommunaux chargés d’exploiterles images.

Des caméras rejetéespar référendumSi certaines communes restentrétives à la vidéosurveillance,d’autres ne jurent que par l’œil deBig Brother. La palme revenant auvillage de Baudinard-sur-Verdon(Var), avec 12 caméras pour 156habitants. Moins anecdotique, laville de Nice – où 85 % des habi-tants plébiscitent la vidéosurveil-lance (avec 1 caméra pour 553 ha - bitants) – s’est dotée d’un véritablelaboratoire de la vidéoprotection.Un dispositif qui tisse aujourd’huisa toile dans les Hauts-de-Seine.Sous l’impulsion de son maire(DVD) Jean-Christophe Froman-tin, la commune de Neuilly-sur-Seine a présenté ses 24 caméras,devenant la 22e commune du dé-partement à être équipée d’un telsystème. Saint-Cloud et Le Plessis-Robinson devraient prochaine-ment suivre. « Neuilly est déjà biensécurisée », reconnaît son maire. Laville dispose en effet de 40 policiersmunicipaux et de 120 policiersnationaux. « La prévention et la vi-

gilance restent néanmoins nos prio -rités, c’est pour ça que ces camérasnous semblent être une bonne idée »,poursuit Jean-Christophe Froman-tin, qui justifie son choix par une« étude de pertinence ».À Nérac (Lot-et-Garonne) en re-vanche, la municipalité a renoncéà cette solution après un référen-dum local qui a vu 59 % des vo-tants se prononcer contre le projetl’automne dernier. Un scrutin boy-cotté par l’opposition. « Pour que laquestion du choix de l’installationd’un système de vidéoprotection nese transforme en référendum pro ouanti-municipalité, nous avons fait lechoix de ne pas prendre positionpubliquement sur le sujet », souligneNicolas Lacombe, maire (PS) dela commune. « Dans la vie de nosconcitoyens, ce sont les incivilités duquo tidien qui peuvent donner par -fois ce sentiment d’insécurité. Dansle cadre du conseil intercommunalpour la sécurité et la prévention de ladélinquance (CISPD), nous propose-rons des actions certes moins média-tiques, mais plus efficaces que la miseen place de caméras. »

Une sécurité « low cost »À Bayonne, la démarche fait aussidébat. Pour Henri Etcheto, conseil-ler municipal socialiste, « la vidéo-surveillance renvoie à une conceptioninquiétante de la société, notamment

du point de vue des libertés publi ques ».Son recours tend « plutôt à susciter ouamplifier les paranoïas individuellesou sociales qui vont à l’encontre dece que doit être une société sereine ». Ilestime: « C’est de la sécurité illusoire,de la sécurité “low cost”. »La Commission nationale de l’in-formatique et des libertés (Cnil)hausse également le ton face aurisque de dérives. Elle a ainsi mis endemeure cinq établissements sco-laires de revoir leurs dispositifs decaméras de surveillance jugés exces-sifs. La Cnil s’est vue aussi confier enmars dernier, par la loi d’orientationet de programmation pour la per-formance de la sé cu rité intérieure(LOPPSI), le contrôle des dispositifssur la voie publique et dans les lieuxouverts au public. « S’il est illusoirede vouloir contrôler l’ensemble des dis-positifs de vidéoprotection », reconnaîtla commission, elle plaide en faveurdu contrôle « d’un pourcentage rai-sonnable de ceux-ci ».Selon le ministère de l’Intérieur, sile nombre de caméras mises enœuvre par les collectivités a consi-dé rablement progressé, il représen-terait à ce jour moins de 5 % de lavidéosurveillance soumise à auto-ri sation (banque, commerce, gare,parking…). Un parc que la Cnilchiffre à 835000 caméras. Souriez,vous êtes filmés!

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Cinq ans après son lancement, le plan national d’équipement génère le développement sansprécédent de la vidéosurveillance des espaces publics. Plébiscité dans les régions du Sud, l’œilde Big Brother – dont l’efficacité fait débat – s’invitera dès cet été dans la capitale.

Un œil rivé sur la ville37 981 caméras de surveillance scrutent la voie publique en France

À partir d’une interface de programmation (API ou ApplicationProgramming Interface) Google Maps, le site owni.fr a géolocalisé

chaque dispositif de surveillance futur et existant de la capitale. En cliquantsur un Google Pin, on accède grâce au Street View à l’angle de vuedes installations. Il est ainsi possible de se représenter les images prisesà partir d’une caméra. Le site annonce par ailleurs la mise en ligne d’unecarte des villes sous surveillance réactualisée grâce aux internautes.

Des caméras localisablessur Internet

Nice. La vidéosurveillance est l’un des outils de contrôle et de verbalisation utilisés par la police municipale.PHOTO SÉBASTIEN NOGIER/AFP

«

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Le stationnement sauvage en double file est dans le collimateur de la régiedes transports marseillais. À la clé, pas moins de 5 millions d’eurosd’économies par kilomètre-heure gagné.

Au prix d’un ticket de métro,le nouveau quartier deLa Confluence – situé au

sud de la presqu’île de Lyon – estrelié depuis le printemps au centre-ville par une navette fluviale.

Le Vaporetto navigant sur la Saônevise à fluidifier le trafic tout enjouant la carte de la séduction. Lebateau à moteur hybride et pro-pulsion électrique complète les ser-vices offerts par le pôle commercial.

À défaut de rentabilité, la navettequi assure la liaison toute l’année,sauf en période de crue, « peut deve-nir un vrai moyen de transport », noteson capitaine Christian Desbois,dont la navette séduit les Lyon-nais. À condition que leur maire(PS) Gérard Collomb fasse claire-ment le pari du transport fluvialde passagers.

À l’automne, des catamaranssur la GaronneUn pari que relève aujourd’huila métropole marseillaise malgrél’opposition de l’UMP locale. De-puis le 1er mars, une navette mari-time est à l’essai entre le Vieux Portet le quartier de la Pointe-Rouge.Avec un taux de remplissage de52 %, soit le double de celui es-compté, le « batobus » a transporté1300 passagers dès le premier jour.Un succès confirmé depuis, Eu-gène Caselli, président (PS) de lacommunauté urbaine, soulignant

que « seules 62 traversées n’ont puêtre effectuées, pour raisons météo -rologiques ».À Paris, après l’échec de l’expéri-mentation Voguéo, une consulta-tion publique vient d’être lancée.Le nouveau projet attendu pour2013 prévoit 31 escales dont unequinzaine dans la capitale. Leparcours proposé s’étend sur 13communes, du Val-de-Marne auxHauts-de-Seine. L’UMP demandantque « soit étudiée la possibilité d’uti-liser des bateaux électriques avec unsystème de recharge sur les quais deSeine comme c’est le cas sur la chausséepour Autolib’ ».De son côté, Bordeaux a entamé laconstruction de deux catamaransqui navigueront sur la Garonne,venant compléter le réseau de buset de tramways. La mise en servicedes navettes, capables de transpor-ter 45 passagers, est prévue à l’au-tomne. Et l’initiative fait à présentdes émules à Martigues… L.B.

LA HAUTE-VIENNE MISESUR LE COVOITURAGE� Avec plus de 4 000 personnesinscrites sur le site Internet decovoiturage du département et prèsde 5 000 trajets réalisés, laHaute-Vienne confirme sa préférence.Revers du succès, les lieuxde covoiturages improvisés se sontmultipliés. Trente espaces spécifiquesverront donc le jour d’ici à 2015. Situéà proximité immédiate des axesroutiers majeurs et des transportsen commun, le premier d’entre euxouvrira en fin d’année.

« LE VOYAGE À NANTES »� Soucieuse de s’imposer dans leconcert des villes européennes,Nantes mise sur la culture et sonpatrimoine à travers un parcoursurbain de 8,5 km. Pour séduireles visiteurs potentiels, un étonnantcombiné van a fait la promotionde l’événement au cours du printempsdans chacune des villes directementconnectées à Nantes par l’avion etle TGV. Le roadshow a ainsi fait étapeà Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lyonou encore Paris et Lille.

RENNES LANCE LE LABELNOVOSPHÈRE� Initié par Rennes Métropole,le réseau social dédié à l’innovationa pour objectif de soutenirle développement sur l’agglomérationdes projets créatifs, collaboratifset d’utilité sociale. Grâce au soutiend’une trentaine de partenaires(économiques, sociaux et culturels),la Novosphère accompagne lescréateurs sélectionnés dans la miseen valeur de leur projet.

ORLÉANS SE CHAUFFEÀ LA BIOMASSE� Intérêts économiques, sociaux etenvironnementaux : Orléans préparesa transition énergétique. Dès 2014,25 000 équivalents logements (lesécoles, les commerces et les hôpitauxsont aussi concernés) seront chauffésà la biomasse. Prélevées dans unrayon de 150 km autour de la ville,les briquettes de bois économiserontprès de 100 000 teq CO2 par an.Signataire du pacte de Mexico 2011,Orléans figure parmi les cinq villeset agglomérations françaises(avec Paris, Nantes Métropole, lacommunauté d’agglomération PlaineCommune, Brest Métropole)qui illustrent les initiatives localespour lutter contre le changementclimatique.

LE DOUBS EN E-TRICKS� Afin de développer l’attractivité« 4 saisons » des stations de skidu Doubs, le conseil général a investidans une trentaine d’e-tricks. Unepremière en France. Disponibles à lalocation au départ de Métabief toutl’été, les vélos électriques tout cheminaffichent une autonomie de 40 km.Ils ne nécessitent aucun pédalage,et sont rechargeables en deux heures.

En bref

Malgré l’échec de l’expérimentation parisienne, les bateaux-bus lancésà Nantes s’étendent à présent à Marseille et à Lyon.

Les villes séduites parles navettes fluviales

Marseille adopte la vidéoverbalisationpour fluidifier la circulation des bus

Après Nice, Valenciennes,Cannes ou encore Asnières-sur-Seine, la deuxième ville

de France fait un nouvel usage deses caméras. Installées pour luttercontre la délinquance, elles ser-vent désormais à faire la chasseaux incivilités routières, notam-ment aux stationnements en dou-ble file dans les rues. Pour EugèneCaselli, président de MarseilleProvence Métropole, « La vidéo-verbalisation permet d’enrayer cephénomène, et donc d’augmenter lavitesse commerciale des bus et destramways, et d’améliorer la sécuritésur le réseau en évitant les conflits liésà la circulation. »

Du temps et de l’argentMarseille veut aussi tirer profit decette opération. Le directeur général

de la régie des transports espère ga-gner 1 km/h sur la moyenne com-merciale de circulation du réseau.Chaque kilomètre-heure gagnégénère ainsi 5 millions d’eurosd’économies.Comme à Nice, la vidéoverba li -sation a permis de faire diminuerles embouteillages : « les émissionsde CO2 ont chuté de 60 % et le recoursà cette technologie a permis à nospoliciers municipaux de se consacrerà d’autres tâches comme des missionsd’îlotage », souligne son maire(UMP) Christian Estrosi. Un sys-tème testé à présent à Cagnes-sur-Mer, Antibes et Aix-en-Provence.Pour que la contestation reste pos-sible par l’automobiliste, les villesont l’obligation de conserver lesimages de verbalisation pendantun an.

Lyon. Le Vaporetto relie le nouveau quartier de la Confluenceau sud de la presqu'île de Lyon. PHOTO JEFF PACHOUD/AFP

Marseille. Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaineMarseille Provence Métropole, est partisan de la vidéoverbalisation.PHOTO GÉRARD JULIEN/AFP

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12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 447, MERCREDI 27 JUIN 2012

Ce jour-là, un jour au tout dé -but du mois de mai, HenriGuaino nous avait donné

rendez-vous dans son bureau del’Élysée encombré de cartons. Unepetite pendule sonnait discrète -ment les quarts d’heure de sonca rillon aigrelet. Le temps était belet bien compté pour le conseillerspécial du président de la Répu -blique sortant. Une heure plus tard,la « plume » de Sarkozy rejoindraitune réception donnée par son« patron », une sorte de verre d’adieuavant que chacun ne s’égaie sansgaîté vers de nouveaux horizons.Pour Henri Guaino le séguiniste,le gaulliste social, l’ombrageux,Guaino l’homme aux accents deMalraux, l’homme du « non » àMaas tricht (rayer ou non les men-tions inutiles…), le point de chutedevait être non celui d’une chutemais une manière de renaissance,de nouveau départ. Ses espoirs secris tallisaient dans l’onction en -core jamais connue pour lui dusuffrage universel. Précisémentla 3e cir conscription des Yvelinesqu’il allait remporter le 17 juin,qui fut un peu son 18-Juin.Ce jour de mai, avec son batte mentd’œil caractéristique et sa voix tran-quillement posée, Henri Guainoévoquait, serein, ses « grandes fi gu -res ». Ce ne fut pas une surprise del’entendre d’abord citer le nom dugénéral de Gaulle. Plus étonnanteétait en revanche sa précocité enla matière. « Je suis devenu gaullisteenfant », précisa ainsi l’auteur detant de discours du candidat puisdu Président Sarkozy. Et de revivreces moments toujours vivaces danssa mémoire où, à 11 ans, il décou-vrit dans ses manuels d’Histoire lafigure du Général. « Pas des photosmais des dessins en forme d’imagesd’Épinal. » Écoutant cette formule,comment ne pas rapprocher son deGaulle né de l’enfance de l’hommed’Épinal, Philippe Séguin, qui devaitenrichir plus tard son imagier et sageste politique ? Mais pour en resterau fondateur de la Ve République,Henri Guaino se souvenait qu’en

primaire il lut cette phrase associéeà son héros : « La France a perdu unebataille, elle n’a pas perdu la guerre. »Plus tard, ce contempteur de CharlesMaurras dont il récuse « la conceptionféodale de la France » exprima ainsison adhésion au de Gaulle né del’histoire : « Il n’y a pas le gaullismede guerre, puis le gaullisme politique,puis le gaullisme de gouvernement. Legaullisme, c’est comme la Révolutionpour Clemenceau, c’est un bloc. La lé -gende napoléonienne ne serait pas lalégende napoléonienne si elle s’étaitarrêtée en 1802 ou en 1810. Le gaullismene serait pas non plus le gaullismes’il s’était arrêté en 1946 ou en 1957. »Dans son bureau de l’Élysée, HenriGuaino revint sur cette vision de« bloc gaulliste » par une image inat-tendue tirée d’une pièce d’un grand

dramaturge français : « De Gaulle,insista-t-il, est comme ce Louis XVIII

auquel Jean Anouilh fait dire en 1815aux émigrés à peine rentrés : “Lesguerres de l’Empire, je les prends à moncompte ! Et la Révolution pareil. Je ladigère. Je suis l’estomac de la France. Ilfaut que je digère tout.” De Gaulle luiaussi digérait toute l’histoire de la France.“On dirait que l’Histoire de France s’estengouffrée dans ce dernier vivant !”s’exclamait Mauriac. Il aimait la Francecomme Michelet et comme Péguy, c’est-à-dire comme une personne. »Nul doute que pour Henri Guaino,de Gaulle avait « de l’estomac »pour transcender toutes les frac-tures de notre pays, pour se situerau-dessus de la mêlée si souventsanglante de l’histoire, se refusantd’incarner la « France de l’Ancien

Régime contre celle de la Révolution,le parti de l’ordre contre le parti dumouvement », récusant le clivagegauche droite, ne croyant « ni àla lutte des classes, ni aux partis po -litiques ». Henri Guaino s’est per-suadé que « le gaullisme en acteétait un accomplissement de l’histoirede France ». Il y a vu cette capacitéunique à rapprocher le peuple, lesféodalités (on dirait aujourd’hui« les corps intermédiaires »), etl’idée de Nation dans sa diversité,rejetant le repli sur soi du pétai -nisme. « Le gaullisme, lança aussiGuaino, c’est une histoire qui com-mence et qui finit avec de Gaulle. »C’est ainsi que notre entretien pritrésolument une tonalité historique,sous ces ors de la République quele conseiller spécial s’apprêtait à

quitter. Il parla de sa « passion del’histoire » incarnée par ces per-sonnages qui construisirent et re -présentèrent l’État, celui-ci « seconfondant avec l’idée de Nation ». Ilcita dans un même souffle Saint-Louis, Louis XIV, Henri IV, et Riche-lieu. Ajouta que la connaissancedu « roman national » exigeait l’en-seignement de l’Histoire. Avantd’avouer avoir à une époque « toutlu sur Napoléon ». Il exprima encoreson aversion pour Robespierre,pour « ces excès de la vertu qui mènentà la guillotine », pour « la pureté dan -gereuse débouchant sur la terreur, letotalitarisme et l’absolutisme ».De la Révolution, Henri Guaino agardé une tendresse particulière pourLazare Carnot qui représentait à sesyeux « l’homme des Lumières, la rai-son, la science, l’engagement au ser vicede l’État, le génie de l’organisation, lavision d’une grande école publiquequi sera l’embryon des lois Ferry ». Iln’a pas oublié que Carnot sut refu -ser les honneurs et n’eut pas de sangsur les mains. On pourrait encoreajouter ses dons de visionnaire, luiqui jeta les bases de la première…armée de l’air, croyant aux aérostatsqui permirent la victoire à Fleurusen 1794, grâce à l’observation sanspareille des mouvements de l’arméeennemie…Pour terminer par un grand bonddans le temps, le « provençal » Guai -no ne pouvait oublier deux per-sonnages méditerranéens : CharlesPasqua et Philippe Séguin. Au pre-mier il reconnaît « son sens de l’Étatet de l’autorité », son « authenticité ».« Si on peut discuter sur les moyens,ses fins sont toujours limpides »,affirme-t-il à propos de ce mentor« attachant, venu de la Résistance ».Quant à Séguin, empli de « l’orgueildu pauvre », Guaino est convaincuque « par son être, il apportait quel -que chose à l’idée républicaine »,une manière d’idéal, de destin col-lectif, de défense de la Nation, avecla conscience de l’ancien mi nistredes Affaires sociales que « le problèmedu mouvement gaulliste était de résis-ter à la droitisation ».

L’admiroir

Henri Guaino a quitté les ors de la République pour le Palais-Bourbon après avoir passé cinq anscomme conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Il ne cache pas son admiration pour le généralde Gaulle, qui avait « de l’estomac » pour transcender toutes les fractures de notre pays.Il a aussi une tendresse particulière pour Lazare Carnot, l’homme des Lumières.

Par Éric Fottorino

Henri Guaino : de l’ombreà la lumière

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Les travaux de gros œuvresont en cours d’achèvement.Terminé, le musée s’étirera

dans un jardin au bord du pitonrocheux sur lequel est construiteRodez. Ouvrant sur le paysageaveyronnais, il constituera un longsocle sur lequel s’élèveront desparallélépipèdes bardés d’acierCorten prenant une teinte rouilleavec le temps.Le projet voit le jour grâce à ladonation faite, en 2005, à Rodezpar Pierre et Colette Soulages de500 pièces : des peintures sur toileet sur papier, dont de précieuxBrous de noix, toute l’œuvre im-primée ou encore les cartons pré-paratoires aux fameux vitraux

de Conques, l’abbatiale voisineoù, tout jeune, Soulages décidaque « l’art serait la chose la plusimportante de [sa] vie ».Le musée présentera la vie etl’œuvre du peintre de L’Outrenoir.Mais, loin de devenir un mauso -lée, il sera un lieu vivant pour desexpositions temporaires consa -crées au processus de créationartistique contemporaine, selonle souhait de Soulages, 92 ans.« Il y aura très certainement unedeuxième donation » de la part deSoulages, et très probablementavant l’ouverture du musée, pré-cise le conservateur en chef, BenoîtDecron. Il invoque le souci ex-trême que l’artiste a de la gestion

et de la représentation de sa pro-duction. M. Decron escompte ainsique Soulages voudra voir verseraux collections ruthénoises desOutrenoirs qui y manquent.Quant aux travaux, le présidentsocialiste de la communautéd’agglomération du Grand Rodez,Ludovic Mouly, a demandé aumaître d’œuvre, l’étude espagnoleRCR Arquitectes, « de tout fairepour que les délais soient respectés »,à commencer, si nécessaire, partravailler en août.Le cabinet invoque des « misesau point » indispensables au lan -cement des travaux, la décou-verte, lors du terrassement, quela roche était fissurée ou encore

les intempéries. Du côté de lacollectivité, on ajoute les ater-moiements dus au changementpolitique à la mairie, passée dedroite à gauche en 2008, au mo-ment où RCR était désignépour réaliser le projet. Mais, plusdiscrètement, on souligne sur -tout les défaillances du bureaud’études avec lequel travaillaitRCR. Cependant, les enveloppesbudgétaires sont tenues pourl’instant, indique-t-on.L’opération est chiffrée à environ25 millions d’euros, supportés pourl’essentiel par l’agglomération etles collectivités locales avec l’aidede l’État.

Pierre-Henry Drange

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Le musée Soulages de Rodez escompteune deuxième donation de l’artisteLe futur musée Soulages de Rodez devrait bénéficier d’une nouvelle donation qui conforterait sonstatut unique d’établissement dédié à l’un des plus grands artistes français vivants. En revanche,l’ouverture de ce qui est l’un des grands projets muséaux français en cours ne devrait pas avoir lieuen juin-juillet 2013 comme cela était initialement prévu, mais fin novembre 2013.

Culture

Pierre Soulages sur le chantierde construction du muséede Rodez. PHOTO ÉRIC CABANIS/AFP

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La victoire de François Hol-lande et l’arrivée au pouvoirde la gauche ont des consé-

quences importantes dans le petitmonde de la politique en ligne. LeWeb n’est pas encore soumis auxrègles strictes imposées aux médiasaudiovisuels par le CSA et l’oppo-si tion a su y trouver un relais utileà ses prises de position.Nicolas Sarkozy a bénéficié d’unetrès forte présence sur les réseauxsociaux durant les cinq annéesde son mandat. Plus de sept centmille personnes sont abonnéesà sa page Facebook et son filTwitter compte plus de deuxcent soixante mille followers. Enoutre, le site officiel de l’Élysée etle compte Twitter de la présidenceont également relayé son actionpolitique. Cependant, en accordavec sa décision de retrait de la viepolitique, ses comptes Facebooket Twitter semblent en sommeil,aucun message n’a été posté de-puis le 8 mai.Après cinq années passées à Mati-gnon, François Fillon a débarquésur Twitter le 18 mai. L’ancien Pre -mier ministre a, comme beaucoupde candidats aux législatives, relayésa campagne personnelle sur ceréseau social. Quatre cent soixante- deux messages en un mois lui ontpermis de gagner plus de dix milleabonnés. Cependant, le comptede François Fillon est inactif de-puis le 18 juin. Twitter ne serait-ilutile qu’en période électorale ?Nathalie Kosciusko-Morizet est unautre poids lourd de la politiqueen ligne. Avec près de cent millefollowers sur Twitter et treizemille sur Facebook, l’ancienne mi-nistre a régulièrement fait le buzzavec des messages exprimant lefond de sa pensée sur des dossiersimportants, démontrant sa capa-cité à maîtriser cet outil délicatque sont les réseaux sociaux. Ce-pendant, là encore, les comptes

sont en sommeil depuis la fin desélections législatives.Nadine Morano est elle aussi unefigure de poids de la Toile poli-tique. Avec près de cent milleabonnés à son compte Twitter,l’ancien membre du gouverne-ment est une « twitta » influente.Loin du langage policé et soigneu -sement contrôlé de la plupart deses collègues, Nadine Morano achoisi au contraire d’utiliser le tonbadin, léger et souvent polémiquequi règne sur Twitter. Très citée,elle est cependant aussi très criti-quée pour ses dérapages en centquarante caractères qui ont ali-menté un buzz quasi constant.Cependant, l’ancienne ministre achoisi de continuer l’aventure surles réseaux sociaux, son compteest régulièrement mis à jour, maisd’une manière nettement moinsfréquente par rapport à la périodeprécédant la défaite de la droite.Ces silences temporaires ou défi-nitifs, le ralentissement de lacommunication sur les réseauxsociaux qui pourtant poussent àla multiplication des messagessont autant de signes de l’hésita-tion des responsables politiquesde droite sur la conduite à tenirvis-à-vis de la communication surInternet. Certes, les campagnesélectorales présidentielles puislégislatives ont été longues etrudes et la nouvelle donne poli-tique conduit naturellement àprendre du recul. Conjugué avecl’envie légitime de repos, celapeut expliquer en partie ce silencesoudain des anciens membres dugouvernement. Mais d’autres res-ponsables politiques de l’Unionpour un mouvement populaire,notamment Jean-François Copé,continuent à utiliser le Web pourrelayer leur action politique.Une chose est sûre : le principaldanger du moment pour la droiteest de voir ses responsables régler

leurs comptes sur Internet. Lesmessages désobligeants serontplus retenus et enregistrés queles autres.À gauche, la situation est diffé-rente mais présente cependantdes points communs. Beaucoupde responsables politiques ontobtenu des responsabilités im -portantes. Le premier d’entre eux,François Hollande, était suivi parplus de quatre cent mille per-sonnes sur Twitter, et près de troiscent mille sur Facebook. Cependant,ces deux comptes ont été mis ensommeil et renvoient désormaisvers les sites et comptes officielsde l’Élysée.

Or, le compte Facebook de la pré-sidence ne compte que trente-cinq mille abonnés et le fil Twittercent quarante-deux mille. Le nou-veau Président se coupe ainside centaines de milliers d’inter-nautes, signe d’une lacune dansla stra tégie de communication surInternet. Lacune partagée par lePre mier ministre Jean-Marc Ayrault,qui a lui aussi choisi de mettre ensommeil ses comptes sur les ré-seaux sociaux, alors que l’hôtelde Matignon ne dispose pas de

comptes sur ces médias en ligne.Le poids médiatique de la com-pagne du président de la Répu-blique, Valérie Trierweiler, est unautre signe de la difficulté – pourla gauche – de l’alternance sur laToile. Son compte officiel est eneffet suivi par plus de cent vingt-cinq mille personnes alors qu’ellen’a posté que deux cent trentemessages. La twittosphère est enréalité à l’affût du prochain mes-sage polémique, attitude sansdoute renforcée par le silence

soudain des comptes des respon-sables en charge de l’État.À droite comme à gauche, AlainJuppé est peut-être celui qui a lemieux compris le fonctionnementdu Web. Son blog, ouvert en 2004,est régulièrement alimenté etl’ancien Premier ministre estégalement présent sur les réseauxsociaux. Sur Facebook depuis2010, il a su fédérer plus de dixmille personnes. Utilisant Twitteravec parcimonie mais constancedepuis mars 2011, il y comptetrente-deux mille abonnés. Parcette présence constante depuisdes années, Alain Juppé s’est forgéune image de blogueur aguerriet influent. Qu’il soit au gouver-nement ou non, dans la majoritéou l’opposition, l’ancien Premierministre s’exprime sans excèsmais avec beaucoup de liberté.Constance, sincérité, en dehorsdes polémiques, et s’il détenaitla recette de la véritable influ -ence sur le Web ?

Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINT DEVUE François Clemenceau, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin, Marc Tronchot AGORA Thomas Renou DOSSIERS Tatiana Kalouguine, Elsa Nathan INTERNATIONALPhilippe Dessaint, Patrick Simonin L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Florence Cohen, Antoine Colonna, Axel de Tarlé,Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTEDavid Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

L’alternance rebat les cartessur la Toile politiqueLes uns arrivent aux manettes, les autres quittent le pouvoir. L’alternance change aussi la donnesur Internet, brisant les habitudes et les stratégies de communication forgées durant les cinqdernières années. Voici venu le temps des hésitations.

Politicsonline

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François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont tous les deux misleurs comptes Twitter et Facebook en sommeil.

François Fillon et AlainJuppé. Des deux anciensPremiers ministres, seulle maire de Bordeauxest un blogueur influent.

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Si le nombre d’internautescontinue de croître au ni veaumondial, cette croissance se

fait de plus en plus via les techno-lo gies mobiles qui permettent à despopulations entières d’accéder auréseau mondial malgré l’absence oula vétusté du réseau téléphonique.Près d’un milliard d’habitants ontdéjà accès à une connexion 3G, unchiffre en hausse de 37 % en un an.Au Brésil, la croissance est de 99 %et en Inde, le pourcentage atteintle chiffre vertigineux de 841 %.Cependant, l’Internet mobile n’apas encore trouvé un mode de fi-nancement stable. Si les revenusgénérés par ses supports sont enforte croissance (+ 153 % en troisans), le CPM (coût pour mille, ba-rème de calcul des prix des espacespublicitaires) sur terminaux mo-biles est encore cinq fois moinsélevé que sur l’Internet fixe ; un

chiffre jugé encore trop faible parles analystes. Plus grave, les reve-nus par internaute sont eux aussien forte baisse.Cette nouvelle donne a des consé-quences sur le marché françaisalors que les opérateurs mobilesfont face à la recomposition dumarché suite à l’arrivée d’un qua-trième opérateur. Alors que desinvestissements sont nécessairespour le passage en 4G – BouyguesTélécom se déploie à Lyon, Oran geà Marseille –, la faiblesse des reve-nus engendrés par l’Internet mo-bile, couplée à une tension sur lesprix des abonnements, va avoirdes conséquences sur les chiffresd’affaires des entreprises du sec-teur et donc sur l’emploi. Unedonnée inquiétante lorsqu’on sesouvient que depuis quinze ans unemploi sur quatre créé en Franceest lié à Internet.

Livres et journaux électroniques,défis pour les éditeursLe secteur des médias et des loisirsva connaître une croissance mon-diale entre 2011 et 2016, selonune récente étude de Pricewater-houseCooper, mais à des taux trèsva riables selon les pays. Si les BRIC(Brésil, Russie, Inde et Chine) ver-ront leur marché croître d’environ12 % par an d’ici 2016, la Franceaura une croissance annuelle plusmodeste de 3,4 %.Avec la très forte croissance dumar ché des tablettes électroniques,le secteur de l’édition va connaîtreun bouleversement qui pourraitêtre comparable à celui qu’a connul’industrie du disque. En effet, dèscette année, près d’un Américainsur trois dispose de ce nouveau ter-minal et la tendance européenneest équivalente. Elle s’accompa-gnera d’une baisse continue de la

diffusion papier, dont l’augmen -tation des prix de vente devraitlimiter quelque peu l’impact. Ce-pendant, c’est tout le monde del’édition qui est désormais en facedu défi de la dématérialisation :la part de marché des livres élec-troniques va passer de 4,9 % en2011 à 17,9 % en 2016.Là encore, c’est tout un pan del’économie française qui va devoirfaire face à un bouleversementmajeur. En 2010, le marché dulivre réa lisait un chiffre d’affairesde 4,19 milliards d’euros pour prèsde 8 000 entreprises.

Bulle Internet ou manque deconfiance des investisseurs ?Face à ces défis, l’industrie numé-rique rencontre des difficultés pourse financer auprès des marchés.L’introduction en Bourse mouve-mentée de Facebook n’est que le

cas le plus médiatique de la dé-fiance des investisseurs face à unsecteur en pleine restructuration.Des nouveaux poids lourds dusecteur que sont Zynga, Grouponou Pandora, seul LinkedIn, réseausocial professionnel, a réussi à fairecroître la valeur de son titre au- dessus de son cours d’introduction.Le risque de bulle Internet n’estpour le moment pas d’actualité,au contraire, ces sociétés ont ten-dance à tirer les marchés financiersvers le bas. Va-t-on alors assister àune crise du financement privé del’économie numérique ? Là encore,le gouvernement va devoir suivrece dossier de très près, les financespubliques n’étant pas en état defaire le relais pour assurer à ce sec-teur économique stratégique pourla France une croissance soutenueet durable, synonyme d’emplois.

Manuel Singeot

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Les trois défis du nouveau gouvernementNumérique

À peine installé, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault devra se pencher sur les trois dossiersclés de l’économie numérique : l’explosion du trafic mobile et son financement, la confiancedes investisseurs dans ce secteur et l’avenir de l’édition. Revue de détail.

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