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La scène européenne a de plus en plus des allures de Foire du Trône. Malheureu- sement on n’y trouve ni grande roue, ni manège, ni train fantôme. Un seul stand est offert aux 500 millions d’Européens. Partout le même : quelques figurines sur fond de crise, et pour quelques milliards d’euros chacun peut s’offrir la tête du dirigeant le plus détesté du moment. Il y eut d’abord l’Irlandais Cowen, puis le Portugais Sócrates, il y a quelques jours le Grec Papandréou, suivi de peu par l’Italien Berlusconi. Quant à l’Espagnol Zapatero, son sort est déjà scellé. « Sortez les sortants » semble devenu le leitmotiv de la politique européenne. Au point que chacun se demande maintenant « À qui le tour ? ».Comme si la parole politique était à ce point dévaluée que seuls les marchés seraient en mesure de fixer les règles du jeu. Mais, dans ce cas, quelles règles? Puisque dès qu’un plan est proposé par un gouvernement pour se désendetter et lutter contre les déficits, il est balayé d’un revers de main. Qui par la commission de Bruxelles,qui par les agences de notation ou bien même par des personnalités dont la parole retentit comme un coup de canon. À ce jeu de massacre les derniers dirigeants européens en poste, dont Sarkozy et Merkel, auront bien du mal à résister. Mais au profit de qui et pour quoi faire tant on subodore que, dans ce moment de folie, les remplaçants des massacrés seront cloués au pilori à leur tour. Face à cette dictature des marchés, symbolisée par les agences de notation,les politiques ont le devoir impératif de reprendre la main.Contrairement à ce que voudrait faire croire l’idéologie à la mode, laissant entendre que l’économique a définitivement tué le politique, c’est possible. C’est affaire de courage plus que d’imagination. Nicolas Sarkozy et François Hollande seront jugés à l’aune de ce courage nécessaire. Le premier a au moins le mérite de se battre, on peut lui contester les solutions mais l’opinion lui sait gré de tenir la barre. Le second va devoir prouver qu’il la tiendrait tout aussi fermement avec un autre projet.C’est bien l’enjeu de 2012.Avec une certitude : c’est que la démagogie ne ferait qu’attiser les flammes d’un incendie qui a déjà pris des proportions impressionnantes. Encore maîtrisable ? Ce sera la question majeure de l’élection présidentielle. Le chiffre NUMÉRO 424 — MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 — 1,30 ¤ Éditorial Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com Jeu de massacre Laurent Wauquiez P. 3 Cécile Duflot P. 2 THIERRY ZOCCOLAN/AFP JODY AMIET/AFP PHILIPPE WOJAZER/AFP De Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, les candidats à l’élection présidentielle s’interrogent sur les institutions de la V e République. Chacun dénonce une forme de « malgouvernance » et propose des aménagements au système actuel. L e débat sur le fonctionnement des institutions, c’est-à-dire le rapport entre l’exécutif et le législatif, le statut des élus et l’équilibre à trouver entre pouvoir central et ré- gional (autrement dit entre Jacobins et Girondins) n’est pas d’aujourd’hui. Dès les années soixante, Pierre Mendès France et quelques autres dénonçaient déjà une république qui avait aban- donné le parlementarisme au profit d’un pouvoir présidentiel qualifié volontiers de pouvoir personnel. L’ancien président du Conseil enten- dait ainsi répondre à de Gaulle lui- même, qui justifiait les institutions de la Cinquième en dénonçant l’im- périalisme du « régime des partis ». Plus récemment, des voix se sont élevées pour souhaiter l’instauration d’une VIe République qui donnerait aux pouvoirs locaux et législatifs un poids qu’ils auraient abandonné depuis des années au profit du seul Élysée. Depuis, le Pre- mier ministre a réapparu !… Et Nicolas Sarkozy semble avoir abandonné cette forme d’hyperprésidence qui parfois ressemblait plus à de l’agitation fébrile qu’à une saine gouvernance. Pour au- tant, chacun sait bien que la pratique du pouvoir n’est pas réglée en France. Du cumul des mandats à la répartition des rôles entre Président et Gouverne- ment en passant par la nécessité de garantir plus et mieux qu’aujourd’hui l’indépendance de la justice et des médias, il y a beaucoup à faire. Ce ne sera pas à coup sûr au cœur des prési- dentielles s’il est vrai que ces questions apparaissent souvent secondaires aux yeux des Français. Ce n’est pas une raison pour ne pas s’en préoccuper et tenter d’apporter des réponses à ce qui s’apparente à une « malgouvernance ». « Malgouvernance » franchement plus pernicieuse et génératrice de désordre que la « malbouffe » devenue, semble- t-il, une préoccupation essentielle de ceux qui nous gouvernent ! R.N. > Lire p. 2 et 3 La malgouvernance François Hollande et Nicolas Sarkozy. Sortir de la « malgouvernance », gouverner autrement ? Est-ce possible ? Et aussi MEHDI FEDOUACH/AFP Goude au musée Avec l’exposition « Goudemalion », le publicitaire Jean-Paul Goude a les honneurs du musée des Arts décoratifs. Une rétrospective qui témoigne de trente ans d’histoire > Lire p. 13 Au sommaire François Rebsamen répond au questionnaire de l’Hémicycle >P. 5 Les cahiers de campagne de Michèle Cotta >P. 6 L’admiroir d’Éric Fottorino >P. 7 Roland Dumas le pamphlétaire >P. 14 Retrouvez RTE sur son stand au Salon des Maires 2011 Stand K40, Hall 3 Autour du réseau électrique, il y a toujours un enjeu local à partager 37 % Nous ne sommes que 37 % en Europe à donner régulièrement notre sang. Avec des différences notables entre les pays. L’Autriche est la plus solidaire avec 66 % de donneurs. La France n’est pas mal placée avec plus de 50 %. Ce sont les jeunes qui sont les moins impliqués. Ce qui pourrait créer des difficultés à l'avenir. Une directive européenne de 2002 stipule que « les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager les dons volontaires et non rémunérés ».

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l'Hémicycle numéro 424 du mercredi 16 novembre 2011

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La scène européenne a de plus en plusdesalluresdeFoireduTrône.Malheureu-sement on n’y trouve ni grande roue, nimanège, ni train fantôme. Un seul standest offert aux 500millions d’Européens.Partout lemême :quelques figurines surfond de crise, et pour quelquesmilliardsd’euros chacun peut s’offrir la tête du

dirigeant le plus détesté dumoment. Il y eut d’abord l’IrlandaisCowen, puis le Portugais Sócrates, il y a quelques jours le GrecPapandréou, suivi de peu par l’Italien Berlusconi. Quant àl’Espagnol Zapatero, son sort est déjà scellé.« Sortez lessortants»sembledevenu le leitmotivde lapolitiqueeuropéenne. Au point que chacun se demande maintenant« À qui le tour ? ». Comme si la parole politique était à ce pointdévaluée que seuls les marchés seraient en mesure de fixerles règles du jeu. Mais, dans ce cas, quelles règles? Puisque dèsqu’unplanestproposéparungouvernementpoursedésendetteret lutter contre les déficits, il est balayé d’un revers de main. Quipar la commission de Bruxelles, qui par les agences de notationou bien même par des personnalités dont la parole retentitcomme un coup de canon. À ce jeu de massacre les derniersdirigeants européens en poste, dont Sarkozy et Merkel, aurontbiendumalà résister.Maisauprofitdequietpourquoi faire tantonsubodoreque,danscemomentde folie, les remplaçantsdesmassacrés seront cloués aupilori à leur tour.Face à cette dictature desmarchés, symbolisée par les agencesde notation, les politiques ont le devoir impératif de reprendrela main. Contrairement à ce que voudrait faire croire l’idéologieà lamode, laissant entendreque l’économiqueadéfinitivementtué le politique, c’est possible. C’est affaire de courage plus qued’imagination.NicolasSarkozyetFrançoisHollandeseront jugésà l’aunedececouragenécessaire.Lepremieraaumoins leméritede se battre, on peut lui contester les solutionsmais l’opinion luisait gré de tenir la barre. Le second va devoir prouver qu’il latiendrait tout aussi fermement avec un autre projet. C’est bienl’enjeu de 2012. Avec une certitude : c’est que la démagogie neferait qu’attiser les flammes d’un incendie qui a déjà pris desproportions impressionnantes.Encoremaîtrisable?Cesera la questionmajeurede l’électionprésidentielle.

Le chiffre

NUMÉRO 424 —MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

L’HÉM

ICYCLE

www.lhemicycle.com

Jeu de massacre

LaurentWauquiez

P. 3

CécileDuflot

P. 2

THIERR

YZO

CCOLAN/AFP

JODY

AMIET/AFP

PHILIPPE

WOJAZER/AFP

DeMarine LePenà Jean-LucMélenchon, les candidats à l’électionprésidentielle s’interrogent sur les institutionsde laVe République.Chacun dénonce une formede«malgouvernance » et proposedes aménagements au systèmeactuel.

Le débat sur le fonctionnementdes institutions, c’est-à-direle rapport entre l’exécutif et le

législatif, le statut des élus et l’équilibreà trouver entre pouvoir central et ré-gional (autrement dit entre Jacobinset Girondins) n’est pas d’aujourd’hui.Dès les années soixante, Pierre MendèsFrance et quelques autres dénonçaientdéjà une république qui avait aban-donné le parlementarisme au profitd’un pouvoir présidentiel qualifiévolontiers de pouvoir personnel.L’ancien président du Conseil enten-dait ainsi répondre à de Gaulle lui-même, qui justifiait les institutionsde la Cinquième en dénonçant l’im-

périalisme du « régime des partis ». Plusrécemment, des voix se sont élevéespour souhaiter l’instauration d’une VIeRépublique qui donnerait aux pouvoirslocaux et législatifs un poids qu’ilsauraient abandonné depuis des annéesau profit du seul Élysée. Depuis, le Pre-mier ministre a réapparu !… Et NicolasSarkozy semble avoir abandonné cetteforme d’hyperprésidence qui parfoisressemblait plus à de l’agitation fébrilequ’à une saine gouvernance. Pour au-tant, chacun sait bien que la pratiquedu pouvoir n’est pas réglée en France.Du cumul des mandats à la répartitiondes rôles entre Président et Gouverne-ment en passant par la nécessité de

garantir plus et mieux qu’aujourd’huil’indépendance de la justice et desmédias, il y a beaucoup à faire. Ce nesera pas à coup sûr au cœur des prési-dentielles s’il est vrai que ces questionsapparaissent souvent secondaires auxyeux des Français. Ce n’est pas uneraison pour ne pas s’en préoccuper ettenter d’apporter des réponses à ce quis’apparente à une « malgouvernance ».« Malgouvernance » franchement pluspernicieuse et génératrice de désordreque la « malbouffe » devenue, semble-t-il, une préoccupation essentielle deceux qui nous gouvernent !

R.N.>Lire p. 2 et 3

La malgouvernance

François Hollande et Nicolas Sarkozy. Sortir de la « malgouvernance », gouverner autrement ? Est-ce possible ?

Et aussi

MEHDIFEDO

UACH/AFPGoudeaumusée

Avec l’exposition « Goudemalion », le publicitaireJean-Paul Goude a les honneurs dumusée desArts décoratifs. Une rétrospective qui témoignede trente ans d’histoire>Lire p. 13

Au sommaire •François Rebsamen répond au questionnaire del’Hémicycle>P. 5 • Les cahiers de campagne deMichèle Cotta>P. 6 •

L’admiroir d’ÉricFottorino>P. 7 •RolandDumas le pamphlétaire>P. 14

Retrouvez RTE sur son standau Salon des Maires 2011

Stand K40, Hall 3

Autour du réseau électrique,il y a toujours un enjeu local à partager

37 %Nous ne sommes que 37 % en Europe à donnerrégulièrement notre sang. Avec des différences notablesentre les pays. L’Autriche est la plus solidaire avec 66 %de donneurs. La France n’est pas mal placée avec plusde 50 %. Ce sont les jeunes qui sont les moins impliqués.Ce qui pourrait créer des difficultés à l'avenir. Une directiveeuropéenne de 2002 stipule que « les États membresdoivent prendre toutes les mesures nécessaires pourencourager les dons volontaires et non rémunérés ».

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Lapolitiqueposeaujourd’huiproblème, indépendammentmêmede la lignesuivie.Cesontdespratiques,descomportements,desdérivesqui interpellent, bref,unegouvernancequi semble faillir.Quelledevrait être lapremièrechoseàmodifier?La franchise dans l’expression. Onsouffre vraiment d’une maîtriseabsolue de la Communicationavec un grand C, qui décrédibilisel’ensemble de la parole publique.

Toujoursentermesdegouvernance,faites-vousapriori unedifférenceentreNicolasSarkozyetFrançoisHollande?Ces jours-ci, la question est vrai-ment d’actualité ! A priori, oui,je fais une différence, j’ai vu ceque François Hollande proposait entermes de république contractuelle.Mais la tentation est toujoursprésente de s’arroger les pleinspouvoirs institutionnels. FrançoisHollande est-il capable de résisterà cette tentation ? C’est seulementlorsque la tentation est là que l’onconnaît la réponse à la question !

Dequellepratiqueprésidentielle laFrancea-t-ellebesoin selonvous?Un responsable qui décide de tout,c’est par nature inhumain. Il fautune dimension collective, c’estpourquoi nous plaidons pourune république parlementaire, àl’exemple de l’Allemagne. Onnous dit que c’est instable ? On avraiment tort de le penser. Il y aeu, dans les dernières décennies,

moins de chanceliers à Berlin quede Premiers ministres à Paris.

Lesministres sont-ils, par lefonctionnementde laviegouvernementale,déconnectésdu réel?C’est moins une question de pra-tique qu’un problème de person-nel politique. Moi, je prends le RERtous les jours, et j’aimaintenant unepetite notoriété. J’ai eu quelquesmoments où je me suis retrouvéeseule face à des gens pas trèsdélicats, et ce n’était pas simple àgérer. Je ne dis pas qu’un ministre

doit vivre comme tout le monde.Mais il faut qu’il ait une vraie per-ception de la réalité du pays, etc’est là que le bât blesse. L’enjeu,c’est le recrutement, pour éviterd’être dans l’autoreproductiond’un modèle défaillant.

Unministredoit-il rester à la têted’unexécutif ?Et sinon, commentéviter l’hypocrisiede 1997,quandlesmembresdugouvernementJospindevenaientpremier adjointaumaire tout engardant leurbureau?Il n’y a rien de pire que l’hypocri-sie. Un ministre ou un parlemen-taire doit exercer sa fonction ou sonmandat à plein temps. S’il garde unmandat local de base, conseillermunicipal ou conseiller d’arrondis-

sement – en aucun cas, une chargeexécutive – cela ne me choque pas.

Jusqu’où faut-il pousserl’interdictionducumuldumandatpour lesparlementaires?Un mandat local de base, et riende plus – y compris au sein desintercommunalités, ne jouons pasavec les institutions locales.

Faut-il légiférer sur l’interdictionducumuldans le temps?Je suis plutôt favorable à cette piste,qui facilite le renouvellement.Mais,là encore, gare à l’hypocrisie. Si

c’est pour passer d’un mandat àl’autre, ce n’est pas forcément unprogrès. C’en serait un, en revanche,de faciliter une évolution qui per-mette, par exemple, à un parle-mentaire d’intégrer, au bout dedeux ou trois mandats, un corpsd’inspection générale des servicesde l’État : il continuerait d’exercerson expertise, mais sous une autreforme d’engagement.

Peut-être faudrait-il un statutdel’élu.Ena-t-on lesmoyens?Il faut savoir ce que l’on veut. Lespasserelles avec le privé n’existentpas. Aujourd’hui, les fonctionnaireset les professions libérales sontnettement avantagés. Avec le sta-tut de l’élu, on aurait le couraged’être transparent. Oui, il faut

l’équivalent d’un droit au chômage– sous condition de ressources,évidemment. Certains élus se re-trouvent, à la fin de leur mandat,sans rien, c’est très brutal. Cela fa-vorise une pratique tout aussicontestable, qui consiste à sauterd’un mandat à un autre, voire àen cumuler, pour se protéger ets’assurer que l’on aura toujoursquelque chose.

L’élu local sembleaussi confrontédeplusenplusàuneaccusationde«malgouvernance».Commentyremédier?

On assiste, pour les chefs d’exécutif,à une professionnalisation, une«masculinisation » et une homogé-néisation. À cela s’ajoute l’extrêmeconcentration des pouvoirs, qu’ils’agisse de la tête d’unemairie, d’undépartement, d’une région – au-delà, je l’ai dit tout à l’heure, dupouvoir central. La vie politiquefrançaise manque de débats collec-tifs, elle est victime d’une présiden-tialisation à tous les niveaux. Ladécisionne peut pas venir d’une dis-cussion confinée à l’intérieur d’uncabinet de président d’exécutif !

Faites-vousde lapolitiquedifféremmentdesautres?Je suis un accident de l’histoire,je n’étais pas programmée pourexercer ces fonctions de secrétaire

nationale d’Europe Écologie-LesVerts. Mais mon parti dispose declés qui permettent à des spéci-mens de mon genre d’accéder àdes responsabilités – grâce, notam-ment, à la parité à tous les niveaux.Pour ma part, jusqu’aux régio-nales de 2010, j’ai continué à tra-vailler dans le secteur privé : celamodifie forcément mon rapportavec la politique.

Est-cequevouséprouvez ladécrédibilisationde lapolitique?Qu’être élu ne soit pas valorisant,oui, je le vois ! L’image des poli-tiques, c’est désormais, au mieux,d’être des hypocrites, au pire, desmagouilleurs accrochés à leursprérogatives.

Vousavezditvotrevolontédevousprésenterauxlégislativesen2012,peut-êtreendehorsdevotredépartementd’élection.Saurez-vousêtredifférentedansvotreapproche?L’accusation de parachutage mefait rigoler. Je rappelle que le RERest direct entre le Val-de-Marneet Paris, pas besoin de parachute.Mais je n’annonce rien. J’incarneEurope Écologie-Les Verts, j’écoutedonc les avis autour de moi.J’ajoute juste que mon parti prônela proportionnelle et combat lalogique territoriale poussée à sonextrême, qui fait du député-maireun modèle.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011

Agora

CÉCILE DUFLOTSECRÉTAIRE NATIONALE D’EUROPEÉCOLOGIE-LES VERTS

«Laviepolitique françaisemanquededébatscollectifs, elle est victimed’uneprésidentialisation

à tous lesniveaux »

THIERR

YZO

CCOLA

N/AFP

Parcequ’elle craint que tout candidat élu à laprésidence cèdeà la tentationde s’arroger lespleinspouvoirs institutionnels, la secrétaire générale d’Europe Écologie-Les Verts plaide pour le retour àune république parlementaire. Cécile Duflot dénonce l’hypocrisie des doubles ou triplesmandatspour unministre ou un parlementaire, qui doit exercer sa fonction à plein temps.

«FRANÇOIS HOLLANDE EST-IL CAPABLEDE RÉSISTERÀCETTE TENTATIONDES PLEINS POUVOIRS ?»

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La France semble atteinte depuisdes années par une forme de« malgouvernance », qui menacetous les niveaux de l’État.Au sommet, Nicolas Sarkozylui-même a évolué dans sa pratiquedepuis 2007. Avons-nousdésormais besoin d’un présidentarbitre ou d’un hyperprésident ?Le président absent, diaphane, c’estfini. Mais le fantasme de l’hyper-président ne fonctionne pas davan-tage. Je crois que Nicolas Sarkozy asu trouver le bon équilibre. On levoit notamment à l’international,que ce soit pendant la présidencede l’Union européenne ou la pré-sidence du G20 cette année. Heu-reusement qu’il était là. Prenonsaussi la lutte contre la maladied’Alzheimer : si Nicolas Sarkozyne s’était pas engagé, les chosesn’auraient pas avancé. Mainte-nant, il passe le relais.

L’interrogationexisteaussiauniveaudel’efficacitégouvernementale.Lapratiqueministérielleàlafrançaiseest-elledépassée?Oui. Elle reste d’inspiration mo-narchique. Les voyagesministérielssont parfois en apesanteur, c’est àla fois la faute du système et celledes membres du Gouvernement.

S’il fallait changer en priorité unechose dans le comportement desélus, quelle serait-elle ?La modestie et l’écoute. Je détestele modèle de l’intelligence arro-gante. Dansmaméthode de travail– et là,monmodèle va de Pompidou

à Mendès France – je cherche uneconciliation systématique entre laréflexion de terrain et la réflexionintellectuelle. Le politique doitégalement arriver à rompre avecsa passion de la « surpromesse ».L’environnement aujourd’hui estbeaucoup plus complexe, notrecapacité à convaincre à l’échelleeuropéenne n’est pas sans limites,et en conséquence le responsabledoit accepter de recentrer son actionsur quelques points. Cessonsd’avoir un rapport prométhéenavec la politique. Moins de pro-messes, plus d’objectifs identifiéset réalisés. S’engager à faire baisserle chômage, c’est un pari très aléa-toire. Dire que l’on va multiplier

par deux le nombre de jeunes chô-meurs qui auront un permis deconduire, c’est concret et palpable.

La dernière étude du Cevipofmontre que la défiance vis-à-visdes hommes politiques ne faitque s’accroître.Est-ce que vouséprouvez,dans votre rapport avecles gens,cette décrédibilisation ?Non. Et je conteste même le ré-sultat : on est dans une périodedifficile, mais les Français saventqu’ils peuvent compter sur leursélus locaux.

Peut-être y a-t-il aussi une« malgouvernance » locale.

Que doit changer l’élu localdans sa pratique ?L’enjeu, c’est une vraie prise deresponsabilité par rapport à sesdépenses : il faut arrêter d’aug-menter les dépenses de fonction-nement et mieux définir sesinvestissements. L’élu local doitdevenir un vrai manager. J’ajouteun point : dans les grosses collec-tivités locales, il ne peut pas setransformer en un roitelet quise bat contre le pouvoir central,en oubliant toute notion d’intérêtgénéral.

Jusqu’où faut-il pousserl’interdiction du cumul du mandat ?Avoir un ancrage local, nourrir

sa vision du terrain, c’est indis-pensable. Mais il y a un principede réalité : gérer Marseille ou l’Île-de-France, ce n’est pas s’occuperd’une ville de 30 000 habitants.Je remarque que les plus absentsau Parlement ne sont pas ceux quin’ont pas de mandat local.

Faut-il légiférer sur l’interdictiondu cumul dans le temps ?C’est une piste. Mais apprendreà exercer une fonction politiqueprend du temps. Cela dit, à unmoment, s’éloigner de son inves-tissement politique pour s’enga-ger dans autre chose me paraîtsain.

Combien coûterait au pays un vraistatut de l’élu ?Cela ne peut pas coûter. On ne peutpas demander des efforts à tout lemondeetnepas s’appliquer lamêmeexigence. En m’engageant en poli-tique, j’ai choisi de servir l’État. Mescamarades de promotion gagnentdix à quinze fois plus que moi. Cechoix, je l’ai déjà fait. Alors je vou-drais aumoins que les conditions dela vie démocratique dans notre paysnous permettent d’être considéréscomme des gens intègres.

Vous avez 36 ans. Diriez-vousque vous faites de la politiquedifféremment des générationsprécédentes ?

En tout cas, j’essaie. Deux axes sontfondamentaux pour moi. D’abord,le rapport à l’argent. L’image dela politique a été ternie par lasuccession d’affaires. Aujourd’hui,quelqu’un qui s’engage doit êtretotalement clair dans sa tête sur cesujet. Un homme politique se doitd’avoir un comportement exem-plaire et responsable. Sur ce point, jesuis proche dumodèle nordique. AuPuy-en-Velay, je conduismavoiture.Je refuse les apparats du pouvoir, jesépare vies privée et publique. Je suisaussi favorable à améliorer l’exigencede transparence. Je ne prétends pasêtre un saint,mais c’est vraiment unélément majeur de la crédibilité.

Justement, la Cour des comptesvous épingle pour des sondagesfinancés sur fonds publics etréalisés quand vous étiezsecrétaire d’État à l’Emploi :certaines questions ne portaientpas sur l’action gouvernementale,mais sur votre notoriété et votreimage…Cela n’a rien à voir. Dans unesociété médiatique, il est évidentque, parmi les aides à la décision,figure l’analyse de la compréhen-sion de l’opinion. Et l’adéquationentre la personnalité et l’actiond’un ministre est nécessaire pourqui cherche, précisément, à com-prendre comment on est perçu.

Quelle est l’autre différence dans lecomportement qui vous distinguede vos aînés ?Le refus du conformisme et la re-cherche constante d’idées neuves.Les générations précédentes ontpu donner l’impression d’être in-capables de renouveler le débatd’idées alors que le monde autourd’eux changeait et de s’être laisséesenfermer dans des tabous. Un der-nier point : je ne suis pas systé-matiquement dans l’affrontementdroite-gauche. Sur le RSA, sur l’in-terdiction des stock-options, je neme suis pas placé dans une logiquede l’opposition entre un camp etun autre. Ce refus est un moyend’oxygéner la vie publique.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Leministre de l’Enseignement supérieur, qui ne nie pas que la France est victimed’une formede« malgouvernance »notamment au niveau local, considère queNicolas Sarkozy a trouvé enfindemandat lebonéquilibre entreprésident absent et hyperprésident. LaurentWauquiez regretteen revancheque la pratiqueministérielle reste encore bien souvent d’inspirationmonarchique.

«Des objectifs identifiés et réalisables, le politique doitarriver à rompre avec sa passion de la“surpromesse”.

C’est le fondement d’une nouvelle gouvernance »

JODY

AMIET/AF

P

LAURENT WAUQUIEZMINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURMAIRE UMP DU PUY-EN-VELAY

«UNHOMMEPOLITIQUE SEDOITD’AVOIRUNCOMPORTEMENT EXEMPLAIRE»

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011

Plan largeAux Quatre Colonnes

Ce n’est pas le moindre desparadoxes qu’en ces tempsde crise économique et de

crise financière de la zone euro lesdéputés de la majorité retrouventun peu le sourire. Le ciel s’éclaircitpour Nicolas Sarkozy et ceux quicroyaient que tout était perdu

renouent avec l’espoir d’une victoirede leur champion – prélude à leurpropre réélection – enmai prochain.Ce regain de popularité du chefde l’État, ils l’avaient perçu sur leterrain avant qu’il ne se traduisedans les sondagespubliés cesderniersjours. Des plus sceptiques aux plusenthousiastes, tous l’admettentà des degrés divers : en dépit del’inquiétude des Français, le climata changé ; on ne peut pas parler deretournement de tendance, maisd’un véritable frémissement, « une

hirondelle d’automne », résumel’ancien ministre Dominique Bus-sereau, ce qui en d’autres termesveut dire que les choses sontloin d’être définitivement acquises.Tous en conviennent, pour Nicolas

Sarkozy cette embellie est à la foisle fruit des efforts de représidentia-lisation entrepris depuis quelquesmois et de sa gestion de la crisefinancière pendant les sommetseuropéens et le G20, avec pourpoint d’orgue son intervention surTF1 et France 2. Mais il y a autrechose : ce que le filloniste MichelBouvard appelle « l’absence » deFrançois Hollande. L’élu de Savoiese montre catégorique : « Il y aune véritable intelligence populaire,les Français ont pris conscience du

flottement qui existe en face, et lessilences de François Hollande accré-ditent l’idée qu’il n’y a pas d’autrevoie possible que celle proposée parle président de la République et lePremier ministre. Le PS, ajoute-t-il,est prisonnier de ses alliés ; un tiersdes électeurs socialistes ont voté contrela mondialisation. »François Cornut-Gentille (UMP,Haute-Marne) note, lui, que Fran-çois Hollande apparaît « tendre »et, argue-t-il, « François Bayroun’est pas audible ». Pour SébastienHuyghe (UMP, Nord), « FrançoisHollande a raté sa séquence et n’apas trouvé la réponse adéquate » à lacrise financière. Argument reprispar Pascal Clément (UMP, Loire),qui pointe du doigt le fait que lecandidat socialiste a qualifié de« bricolage » le nouveau plan derigueur avant qu’il ne soit connu :« Ce n’est pas sérieux ! » Le sérieux,pour la majorité, c’est NicolasSarkozy qui l’incarne : « Le paysa bien compris que le Président estcomplètement mobilisé sur la crise »,appuie Bernard Accoyer, le prési-dent de l’Assemblée nationale.S’il se veut « très prudent » car éludans une circonscription un peuspéciale, qui compte « surtout desCSP + », Christian Blanc (NouveauCentre, Yvelines) recueille des ré-flexions d’électeurs qui considèrentque « Nicolas Sarkozy est le seul àpouvoir mener la barque parce qu’ila le leadership, le charisme, la dimen-sion internationale ».Même le députédu Morbihan François Goulard,plus villepiniste que sarkozyste,admet que l’électorat reconnaît àNicolas Sarkozy « une certaine cohé-rence dans l’action, certes imposée parles circonstances, mais plus consistanteque précédemment ».Comment se traduit ce regardnouveau sur celui qui préside auxdestinées du pays depuis plus dequatre ans ? « On ne se fait plus en-gueuler comme avant. Les électeurs,qui, il y a deux-trois mois, clamaientqu’ils ne revoteraient jamais pourSarkozy, sont en train de se raviseret nous disent maintenant qu’ils vontréfléchir et peut-être quand même luidonner leur voix », constate l’élu

UMP de la Loire Yves Nicolin.« L’idée qu’il fait le travail là oùd’autres baissent les bras remobilisenos troupes ; nos militants recom-mencent à y croire. Les électeurs de lamouvance centriste qui avaient votépour lui en 2007, et qui ne voulaientplus entendre parler de Nicolas Sarkozy,se posent à nouveau des questions »,relève François Cornut-Gentille.Même approche chez DominiqueBussereau ; sans cacher « la réelleinquiétude » de l’électorat, le députéde Charente-Maritime constateavec plaisir « un renouvellementdes cotisations des adhérents ». Maissurtout, il voit avec satisfactiondes électeurs (très convoités) « quine trouvent pas chez FrançoisHollande le social-démocrate pourqui ils avaient envie de voter revenirpar raison ».Tous voudraient bien sûr que cetteéclaircie se prolonge, car « dire queles choses sont acquises est excessif.Elles se cristallisent très tard. La crisea amené Nicolas Sarkozy à faire untravail sur lui-même ; il a aujour-d’hui une capacité d’écoute. À lalimite il vaudrait mieux qu’il soitdans l’angoisse jusqu’en janvier-février car, comme Jacques Chirac, iln’est jamais aussi bon que dans ladifficulté », analyse François Cornut-Gentille, tandis que DominiqueBussereau redoute « les histoiresparisiennes [ndlr : la rivalité Copé-Fillon] : il ne faudrait pas qu’ellesviennent encombrer la place pu-blique ! » gronde l’élu charentais,qui espère que Nicolas Sarkozysaura préserver cette bonne imageretrouvée. Cet optimisme tempéréest cependant refroidi par levillepiniste Jean-Pierre Grand qui,dans son département, voit surtoutle pessimisme des électeurs faceaux « entreprises qui ferment ». Pourlui « cela aurait été à désespérer siNicolas Sarkozy n’avait pas prisquelques points après son émissiontélé », mais « les gens ont tourné lapage, ils ne croient plus à ce que nousdisons. Leur vote d’indigné, ils ledonneront soit à Marine Le Pen, soità François Hollande parce qu’ils sedisent qu’en matière d’endettementil ne peut pas faire pire ! »

Nous avions déjà en magasin la candi-dature de témoignage, la candidaturenormale, la naturelle, la spontanée,voici donc… la candidature pédago-gique ! Fort logiquement, celle-ci émaned’un ex-ministre de l’Éducation, en lapersonne du ci-devant citoyen Jean-Pierre Chevènement. Pédagogique parcequ’à 72 ans l’homme d’action a cédéla place à l’homme de réflexion, àqui le présent a souvent donné quitusde ses visions et jugements d’hier,notamment sur les dangers de l’euro,les logiques allemandes ou les erre-ments des financiers. Un homme in-dépendant et devenu aussi libre quele loyer de son appartement de larue Descartes, le père de la raison, etce n’est sans doute pas un pur hasardsi M. Chevènement, par attache-ment à la symbolique qui s’y rap-porte, n’entend pas pour l’heurechanger d’adresse. Le « Che », ainsi lesurnomme-t-on, comme s’il avait unquelconque rapport avec le « cigarillo »de la révolution cubaine (devenuicône de jeunes générations qui croientgénéralement voir dans l’illustre barbuà casquette l’image d’une star de lapop trop vite disparue, tout commeelles pensent d’ailleurs que CCCP estle signe d’un club de sport ou d’uneuniversité branchée) ; le « Che », donc,fait partie de ces hommes qui n’in-diffèrent pas. Séduisant parce qu’iln’a plus rien à prouver ni à gagner,parce qu’homme de convictionfaisant partie de ce cercle fermé deceux qui savent au nom du bienpublic dépasser les clivages abêtissantsde la droite et de la gauche. Intel-lectuellement turbulent. Son origina-lité, c’est d’apparaître selon les anglesde prise de vue comme proche de cer-tains républicains de droite ou héritierde grands penseurs de gauche. Ony ajoutera un certain art du contre-pied ou de la performance, celle parexemple d’avoir laissé le souvenird’un bon ministre de l’Intérieur et dela Défense, ce qui n’était pas forcé-ment gagné pour un socialiste, etcette autonomie de pensée qui nele convaincra jamais de troquerl’indépendance énergétique de laFrance contre une salade verte ou luifera éternellement dénoncer un élar-gissement de l’Europe passé avant lanécessaire définition d’une gouver-nance cohérente de l’Union. La can-didature de JPC ne fera sans doute paslong feu. Qu’importe. Le but est defaire réfléchir. Et pas seulement à ladéfaite des Prussiens en 1870 devantla citadelle de Belfort. Mais à d’autrescombats à mener. Pédagogique, vousdit-on.

L’opinionde Marc Tronchot

DR

Chevènementle retour

Des larmes au sourireChangementdeclimatà l’Assemblée.Persuadés il yapeuencoreque lapartien’étaitplus jouable, lesdéputésUMPsont revenusde leur circonscriptionenconstatantqueletonavaitchangé.Ducoup, ilsseprennentàycroiredenouveauet scrutentavecgourmandise les sondages,qui notentun regaindepopularitépourNicolasSarkozy.Par Anita Hausser

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Plan large

Quel événementvousadécidéà fairede lapolitique?Le bombardement de Haïphongen 1965. J’avais 14 ans et j’ai étéscandalisé par l’impérialisme amé-ricain. Depuis je me suis toujoursbattu contre les dictatures.

La réformequevous rêvezde faireadopter?Un accord de croissance État-collectivités locales.

La loi quevousauriez aimévoter?L’abolition de la peine de morten 1981.

Quelle femmepolitiqueadmirez-vous leplus?L’opposante birmane Aung SanSuu Kyi, Prix Nobel de la paixen 1991, qui a voué sa vie à ladéfense de la démocratie malgréla persécution du régime.

Dequel adversairepolitiquevoussentez-vous leplusproche?FrançoisBayrou, car commelui je suispour une République irréprochable.

Quel livreêtes-vousentrainde lire ?HHhH, de Laurent Binet, consacréau « boucher de Prague », le naziReinhard Heydrich. Une réflexionpassionnante sur les rapportsentre réalité historique et fiction.

LelieudeFrancequevouspréférez ?Dijon et la Côte-d’Or. Ce sont mesracines, ma famille, mes amis,mes paysages, là que j’aime vivreet me ressourcer. Là que j’aimeagir au service des Dijonnais. Jen’oublie pas et n’oublierai jamaisla confiance que les Dijonnaism’ont accordée et qu’ils metémoignent encore. Ce capital deproximité et d’estime réciproquedonne une grande force dans lecombat politique.

Quandvous fredonnez, c’estquelair ?Love Me Tender, d’Elvis Presley, unpeu de romantisme et de nostalgie.

Quellephotoavez-voussur votrebureau?Celle de ma fille, Léa.

Onvousproposededéjeuner entête-à-têteavecunepersonnalitédisparue.Qui choisissez-vous?François Mitterrand.

VousêtesprochedeFrançoisHollande.Quelles sont lesqualitésqui feront de lui unbonprésidentde laRépublique, s’il est élu?Son opiniâtreté : il ne renoncejamais, il l’a prouvé en Corrèzeet dans son chemin de reconquêtede l’opinion pour la course à laprésidentielle.Son authenticité : il saura resterlui-même en toute occasion. Aveclui, on ne risque pas de dérivesbling-bling ! C’est aussi un réa-liste pragmatique : tout en étantprofondément enraciné dansles valeurs de gauche, il saits’adapter aux contraintes etaux exigences des situations. Làencore, cela contrastera avecle Président actuel, qui a main-tenu contre vents et maréessa politique fiscale injuste etdévastatrice pour les finances denotre pays.

Vousvoulezdirequ’il serait plusrassembleur?François Hollande est un hommede rassemblement. Comme il a surassembler les socialistes après lesprimaires, il saura rassembler toutela gauche et s’ouvrir au-delà de soncamp pour gouverner avec unema-jorité large, ce qui est indispensableen temps de crise et compte tenu del’ampleur des réformes à accomplir.Enfin, il a une vraie qualité d’écouteet une humanité qui lui donnentd’emblée une proximité avec lescitoyens. Nul doute qu’il saura êtrele Président de TOUS les Français.

VotreregardsurleSénata-t-ilchangédepuisquelagaucheyestmajoritaire?L’alternance a donné au Sénat unenouvelle modernité. Face à uneAssemblée nationale conserva-trice, le nouveau Sénat, grâce à sanouvelle majorité, est maintenantune instance progressiste et uneforce de proposition en charged’animer le débat démocratique.

Propos recueillispar Béatrice Houchard

Le questionnaire

FRANÇOISREBSAMENSÉNATEUR-MAIRESOCIALISTE DE DIJONPHOTO JEFFPACHOUD/AFP

L’effraction est un délit,assure le Larousse. Dansl’enceinte de l’Assemblée

nationale, il n’y a pas de délit.Seulement de ces incidents de

séance que les députés affection-nent. En accusant, le 8 novembre,la gauche d’être arrivée au pouvoir« par effraction » en 1997, FrançoisBaroin a cogné dur. C’est faux,évidemment, et pas très gentilpour le suffrage universel. Maisc’était avant la journée de la gen-tillesse. Bernard Accoyer, parfoisaccusé de présider tropmollement,a promptement interrompu lesquestions au Gouvernement. Çane rigole plus au perchoir. Était-ceune boulette de la part du mi-nistre de l’Économie ? Pas dutout : François Baroin a persisté,signé, ne s’est pas excusé. Et a rat-trapé au vol une vraie boulette,que lui avait lancée le député socia-liste Christian Bataille, et qui étaiten papier. L’agence Standard andPoor’s a commis une autre belleboulette, le 10 novembre, endégradant par erreur (vraiment ?)

le triple A de la France. Ce qui afait dire à François Hollande queles marchés anticipaient laditedégradation. Tollé à droite. Mêmeles cérémonies du 11-Novembreont été prétextes à désaccord. Lagauche ne veut pas duMemorialDaydeNicolas Sarkozy.LePrésident,qui plaide pour un 11-Novembredédié à tous les morts pour laFrance, en a profité pour donnerle coup d’envoi du centenaire dudéclenchement de la PremièreGuerre mondiale, en 2014. Unanniversaire évoqué par FrançoisHollande dans laMarne, où il étaitallé rêver de bataille victorieuse.Preuve que commémoration rimeaussi avec élection.

RebsamenchantePresley !

Les mots de la semaine

ERRATUMUnephrase est venuemalencontreusement s’ajouter à ladernière réponse de Laurent Fabiusdans l’interview réalisée par ÉricMandonnet et publiée dans leprécédent numéro de l’Hémicycle.Dans le dossier consacré à ladéfense, on pouvait lire à la fin decette interviewdu leader socialiste :« Çame convient parfaitement. »Ces quelquesmots ont été ajoutéslors de la transcription. Ils n’ont pasété tenus par l’ancien Premierministre. L’Hémicycle prie LaurentFabius de l’excuser pour cet ajoutinvolontaire.

Soutien très proche de SégolèneRoyal en 2007, François Rebsamen, qui n’a pas sa langue danssa poche, défend aujourd’hui avec autant de conviction François Hollande. Bourru aux alluresde grognard, il sera un homme clé du dispositif de campagne et à coup sûrministre si soncandidat est élu. Il répond au questionnaire de l’Hémicycle et avoue son goût nostalgiquepour LoveMeTender, de Presley.

Effraction,boulette, commémorationParBéatriceHouchard

François Baroin. Leministrede l’ÉconomieetdesFinancesdevant lesdéputés, le8novembre.PHOTOMARTINBUREAU/AFP

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ParMichèleCotta

Lundi 7 novembreConférence de presse de FrançoisFillon monté au créneau ences temps de rigueur annoncés.Curieux retour des choses : c’est àlui qui le premier, à peine arrivéà Matignon, avait osé parler defaillite que revient l’insigne hon-neur d’annoncer les « sangs et leslarmes » churchilliennes.Finalement, l’austérité est davan-tage dans le ton et dans le voca-bulaire employés par le Premierministre (unnombre incalculable defois le mot « effort », par exemple)que dans la réalité. L’augmentationde 5,5 à 7 % de la TVA sur les res-taurants, notamment, l’accéléra-tion de la retraite, rien d’inattenduet rien non plus de bouleversant.Sept milliards dégagés, certes aprèsles onze il y a quelques semaines,est-ce à la hauteur des sacrificesnécessaires ? D’autant que sur lessept milliards, cinq proviennentsans grande originalité de haussesd’impôts, et pas des économies dansles dépenses de l’État : FrançoisFillon, malgré la dramatisationvolontaire de ses propos, est unChurchill gentil.

Mardi 8novembreNon, on ne va pas arrêter complè-tement la production d’énergienucléaire, oui, la dernière tranchede l’EPR sera achevée à Flaman-ville : on ne pourra pas reprocher àFrançois Hollande d’avoir été clair ;d’accord pour ramener le nucléaireà 50 % de la production nationaled’électricité, pas d’accord pouraccepter l’oukase des écologistes.En pleine négociation entre le Partisocialiste et EELV, la phrase, évidem-ment, est prononcée pour êtreretenue par les verts. Elle permetà François Hollande de donner delui une image contraire à cellequ’entendent donner de lui sesadversaires : l’hommequi ne choisitpas. Sur le nucléaire, il a tranché.Reste son absence sur la scènepublique pendant le G20. Aux pre-mières critiques qui fondent sur lecandidat socialiste, jusqu’à présentsur unpetit nuage,Hollande répondque, ne pouvant pas sonner à laporte du palais des festivals deCannes pour s’y inviter, il a laisséla séquence se dérouler sans lui.Il n’empêche : il comptait com-mencer sa campagne à son heure,en janvier. La réalité est allée plusvite. Il sera obligé d’accélérer lepas, d’être, comme on dit, plusréactif. Les quelques points gagnéspar le président de la République,à l’issue d’un G20 qui n’a pourtantpas été une réussite, montrent

bien que, dans la bataille qui aen fait déjà commencé, personne,ni à gauche ni a droite, ne peutbaisser sa garde.Incident rare : François Baroin, quidéfend son budget à l’Assembléenationale, accuse, au détour d’unephrase, la gauche d’être arrivée aupouvoir, en 1997, « par effraction ».Diable, le mot est grave : les socia-listes ont-ils, à l’issue de la dissolu-tion de 1997, que Jacques Chiracavait choisi de prononcer malgrél’avis de la plupart de ses fidèles,forcé la porte du pouvoir ? Si

Baroin fait de la provocation sim-plement pour chercher le clash,c’est assez inutile. Révélateur desurcroît d’un vrai mépris pour lesuffrage populaire. S’il veut direque la gauche a eu la majoritéparce qu’elle a profité, à cemoment-là, du maintien des listes du Frontnational au second tour, la mise encause de François Baroin montreque ce risque-là, pourtant réel,Jacques Chirac, dont il était leconseiller et le poulain à l’époque,ne l’avait tout simplement pasmesuré à sa juste valeur.

Mercredi 9novembreAutour de François Hollande, ungroupe d’économistes a planchétoute la matinée. On voit l’inten-tion : d’abord crédibiliser les pro-positions de la gauche, ensuitede ne pas laisser Nicolas Sarkozyutiliser Cannes, et ses faiblesrésultats – hormis celui de ladémission de Papandréou –, pourmontrer qu’il est le meilleur,sinon le seul, protecteur des

Français. Argument de Hollande :après avoir creusé le déficit, Nico-las Sarkozy, demande-t-il fausse-ment benoît, serait-il le seul àpouvoir le combler ?Après la Grèce, l’Italie est l’objet del’assaut des marchés. Après Papan-dréou, Berlusconi. Celui-ci, visagetendu, au comble de la fureur,sinon de l’humiliation, avait malvécu la condescendance dont leduo Merkel-Sarkozy avait faitpreuve publiquement à son égardà Cannes. Il a choisi aujourd’huide jeter l’éponge. Il était devenu,

ces derniers mois, une sorte decaricature de lui-même : les multi-ples scandales sexuels, le « ruby-gate », et autres bunga-bunga ontfait rire ou désolé le monde entier.Les Italiens pourtant ont longtempssupporté ses écarts, sa mainmisesur les antennes de télévision ita-liennes, les trois procès dont il faitl’objet, son absence dans le règle-ment des problèmes européens. Ilsont accepté d’être représentés dansle monde par un personnage à lalimite, dépassée, du grotesque.Pourtant, cette démission annon-cée, ils n’y croient pas encore toutà fait : l’homme, craignent-ils, aplus d’un tour dans son sac. Cen’est pas faux.Au moment où il annonce son dé-part, la dette italienne est équiva-lente à 120 % du PIB. Elle est cinqfois supérieure à la dette grecque.

Jeudi 10novembreC’est le dixième anniversaire de laLOLF, loi organique relative aux loisde finances. François Fillonenprofite

pour exhorter toutes les forcespolitiques à faire leur objectif zérodéficit. On en est loin. L’accumula-tion des plans d’économies succes-sifs laisse au Gouvernement unesubstantiellemarge pour y parvenir.D’autant que Bruxelles gronde.« La France doit prendre des me-sures supplémentaires pour corri-ger son déficit public excessif en2013 », vient de préciser le commis-saire européen aux affaires écono-miques, qui annonce, si elle restesur la même tendance, un déficitde 5 % du PIB, soit 2 % de plus que

le résultat annoncé : un écart dedeux points correspondant au troude 40 milliards d’euros dans lescomptes français. Pourquoi cettedifférence entre l’appréciation de

Bruxelles et celle de Paris ? Selon lesexperts de Bruxelles, la croissancefrançaise ne sera l’année prochaineque de 0,6 %. La France, elle, vienttout juste de s’aligner sur l’hypo-thèse de 1 %.Bourde, erreur technique ou véritéprématurément annoncée : hierl’agence de notation Standard andPoor’s a envoyé au monde entierun message alarmiste sur la situa-tion de la France, annonçant unedégradation de sa note de crédit,son précieux. Le démenti a beauêtre tombé au bout d’une heureet demie, on mesure le préjudicecausé par la nouvelle. Le triple A,certes, n’est qu’un symbole : maisles taux de crédit en dépendent.Ils en dépendent déjà, a insistéJacques Attali, bientôt relayé parFrançoisHollande, au grand damdeValérie Pécresse et de bien d’autresministres, accusant le candidat so-cialiste de se réjouir de la situation.À vrai dire, personne ne s’en réjouit,ni ceux qui gèrent le pays, ni ceuxqui se déclarent prêts à le gérer.Quant aux Français, ils se divisenten indifférents, inconscients de lagravité des choses et impuissants.Ce qui domine la semaine, dansl’accélération de l’Histoire, c’estcette impression que rien ne faitrien à rien. À peine un planmagique est-il rendu public qu’ils’effondre. À peine un accord est-ildéfinitif qu’il explose.

Samedi 12NovembreL’ancien président de la BCE prendles rênes en Grèce, un ancien com-missaire européen, Mario Monti,remplace Berlusconi parti sous leshuées. Voici venu le temps des éco-nomistes. On verra s’ils sont plusavisés que les politiques.

CahiersdecampagnePlan large

Mario Monti. LenouveauPremierministre italien.«Voici venule tempsdeséconomistes.» PHOTO ANDREAS SOLARO/AFP

ManifestationàRome, le 12novembre. PHOTO BERTRAND GUAY/AFP

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L’admiroirPour P-Y. Le Borgn’, candidat socialiste à la députation des Français de l’étranger

PMF, un sigle qui ne se démode pas

Pierre-Yves Le Borgn’ est né dix ans après quePierreMendès France quitta le pouvoir.Il n’a jamais approché PMFmais il se compte pourtant fidèle parmi les fidèles. Aujourd’huivice-président d’une société américaine, il va porter les couleurs du Parti socialiste pourreprésenter les Français de l’étranger, avec une seule conviction : la visionmendésistede la société est plus que jamais d’actualité.

Pierre-Yves Le Borgn’ est uncitoyend’Europe. Voyageantsans cesse entre Bruxelles

et Mayence, il est vice-présidentd’une société américaine, First Solar,spécialisée dans la constructionde panneaux solaires. Premier secré-taire de la fédération socialiste desFrançais à l’étranger, ce chantre desénergies renouvelables sera enjuin prochain candidat à la dépu-tation, dans une circonscriptionqui comprend l’Europe germaniqueet centrale. Quand il reçoit à Paris,c’est sous la passerelle de Solférino,à deux pas du PS, sur une péniche-restaurant d’où l’on voit la Seineonduler, creusée parfois par delourds chalands remplis de charbon.À Bruxelles, cité sans fleuve, pareillerespiration lui manque.Ces boulets noirs qui glissent surl’eau, son héros Pierre MendèsFrance ne les aurait pas jetés parle fond, lui qui fut le chantre d’uneéconomie fortement industriali-sée, orchestrée par un État stratègecapable de voir le temps long, lesinvestissements d’aujourd’hui pourles jeunes de demain. C’est avecde la houille et de l’acier que l’Eu-rope s’édifia jadis, et le discours dePierre-Yves Le Borgn’ fleure bonce volontarisme économique despères fondateurs de la Commu-nauté, quand il s’agissait de dé-passer les égoïsmes nationauxpour bâtir un espace plus granddu « vivre ensemble ».

Une véritable modernitéMendès, il a appris à le connaîtrepar tous les bouts. La discussionroule d’emblée sur le terrain in-dustriel, car ce militant socialistene voit aucune fatalité à ce que laFrance se désindustrialise. À sesyeux, le discours de PMF dans lesannées 1950 exprimait une véri-table modernité en s’attachant aulong terme, au rôle de l’État ensoutien de l’économie de marché.Devant le repoussoir que repré-sente pour lui la Grande-Bretagne,devenue un « gigantesque super-marché » après la destruction deson industrie sous l’ère Thatcher,

il en appelle de toutes ses forcesà cet esprit mendésiste mâtinéde pensée keynésienne : allier larigueur de la gestion aux potentia-lités futures de l’investissementproductif, reconnaître les vertusde la dépense publique orientéevers les activités structurantespourvoyeuses d’emplois. Représen-tant de la France à Bretton Woods– où il rencontra Lord Keynes –celui qui fut le plus jeune avocatde France mesura très tôt le poidsde l’économie réelle et de lamonnaie, sur fond de dominationaméricaine qui rendait impérieusela construction européenne.

Un diable d’hommeMais le Mendès France de Pierre-Yves Le Borgn’, c’est d’abord cepersonnage un peu décalé, librede ses attaches partisanes, unevoix d’ailleurs, libre et forte, qu’ilentendit un dimanche soir auClub de la presse d’Europe 1, justeaprès la mort de Pompidou. Aprèsle 10 mai 1981, il sera marqué

par la cérémonie d’investiturede François Mitterrand où, âgéet malade, Pierre Mendès France,saisi d’une émotion intense, écrasaune larme devant le nouveauPrésident, son ancien ministrede l’Intérieur. À cette époque,Le Borgn’ dévora la biographieque Jean Lacouture venait deconsacrer à l’ex-président duConseil de la IVe. Il y découvritla combinaison de tout ce qu’ilaimait dans le combat poli-tique : la rigueur, la modernité,la droiture, le refus de la dé-magogie électorale, une laïcité fa-rouche, l’attachement aux valeurs

émancipatrices de la Républiquechez ce descendant d’une famillejudéo-portugaise qui alla se faireélire député – le plus jeune deFrance cette fois encore – dans laNormandie rurale.Et puis la fibre socialiste de LeBorgn’ ne pouvait que vibrerdevant l’obstination de Mendèsd’ancrer à gauche un Parti radicalqui glissait vers le centre et sesimprobables coalitions. Au boutdu compte, plus il avança dansla connaissance de ce diabled’homme, plus il fut marqué parle prodige de sa fulgurance : latrace profonde laissée par cettefigure morale qui ne gouvernaque sept mois et dix-sept jours,du 18 juin 1954 au 5 février 1955.Un autre souvenir remonte dansla mémoire de notre hôte : sonpremier cours de droit constitu-tionnel eut lieu précisément le18 octobre 1982, jour de la mortde Mendès. Le professeur, unhomme de droite, ne pouvaittrouver meilleur sujet pour

inaugurer son enseignement.Et Le Borgn’, nourri au socialismede ses parents, se prit d’affectionpour ce personnage si singulierde la vie politique. Avait-il euraison ou tort de refuser les insti-tutions de la Ve République ?« Tort ! » avait conclu le profes-seur. « Raison ! » affirme à présentle représentant des socialistes del’étranger. « Il contestait les condi-tions de l’arrivée au pouvoir de DeGaulle en 1958 et aussi l’élection duprésident au suffrage universel directen 1962. Car pour lui, l’exercice dela démocratie était d’abord parle-mentaire. »

Avec le recul, impliqué commeil l’est dans la vie économique,malheureux du désengagementde l’État dans l’énergie solaire,convaincu aussi que la transitionénergétique pourrait créer descentaines de milliers d’emplois,comme en Allemagne, pour lesgénérations futures, Pierre-YvesLe Borgn’ brûle d’une flammemendésiste. Ce n’est pas pour rienqu’après notre entretien, il gravirala pente de la montagne Sainte-Geneviève pour aller s’acquitter desa cotisation annuelle à l’InstitutPierre-Mendès-France. « Mendèsavait la volonté de mettre les gens en

capacité d’agir. Il les encourageait às’assumer eux-mêmes, par exempledans l’action municipale, comme ille fit à Grenoble. » La décentralisa-tion, le mouvement antijacobin, lareconnaissance du potentiel descommunes, autant de notions clésauxquelles l’ancien président duConseil apporta sa réflexion et sonénergie.

Parler vraiAu final, c’est ce « parler vrai »de Mendès France qui séduitet marque Pierre-Yves Le Borgn’ :la lucidité, « promettre ce qui est te-nable, mettre en adéquation l’objectifavec le réel ». S’il n’était pas néquand elles furent diffusées, il parleavec passion des Causeries aucoin du feu que PMF, président duConseil, livrait sur les ondes pourexpliquer sa politique aux Français,simplement, sans intermédiaire.Une pédagogie patiente, la clarté del’expression pour éclairer l’actionen Indochine puis au Maghreb.Le souci des autres.

Par Éric Fottorino

«PIERRE MENDÈS FRANCE, C’EST LACOMBINAISON DE TOUT CE QU’IL AIME

DANS LE COMBAT POLITIQUE : LA RIGUEUR,LA MODERNITÉ, LA DROITURE, LE REFUSDE LA DÉMAGOGIE ÉLECTORALE »

DR

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Expertise

Rigueur », « faillite », « sacri-fices » : des mots, commeautant de menaces sur

l’avenir de la France. Les plansd’austérité annoncés par FrançoisFillon sont caducs, ils ne suffirontpas à résorber notre dette publiqueni à assurer la pérennité de notretriple A auprès des agences de nota-tion : le taux de chômage est élevéet la croissance, exsangue ; donc lesrecettes fiscales affaiblies réduirontpeu notre déficit.Si nous sommes dans cette impasseaujourd’hui, c’est qu’il manqueun gros maillon à notre politiqueéconomique : une vaste réformefiscale, comme l’ont menée avecsuccès certains de nos voisins. Lequinquennat qui s’achève laisseune impression de confusion enmatièred’impôt : d’abordunebaisse,puis une hausse. En 2007, NicolasSarkozy a concrétisé ses promessesde campagne dans la loi TEPA1,peu à peu démantelée ensuite : lebouclier fiscal et le crédit d’impôtsur les intérêts d’emprunt sont sup-primés ; l’exonération de chargessur les heures supplémentairessubsiste, quoiqu’écornée dans la loide finances 2012. Le mandat deNicolas Sarkozy a commencé parune baisse d’impôts pour les parti-culiers d’environ dix milliardsd’euros, selon le rapporteur dubudget à l’Assemblée, Gilles Carrez,mais de façon disparate, sans véri-table ligne directrice. Ensuite estarrivée l’ère de la crise, des calculsserrés et des augmentations d’im-pôts masquées : niches fiscalesrabotées, création de taxes diverses,hausse du taux réduit de TVA.Au final, en cinq ans, le taux deprélèvements obligatoires sera passéde 43,5 % à 44,5 %.

Le modèle allemandLa France se retrouve ainsi aucinquième rang des pays les plustaxés au sein de l’OCDE. L’Alle-magne, bienmeilleur élève, pointeà la douzième place, après le vastechantier fiscal lancé au cours de ladernière décennie. L’impôt sur lerevenu a été réaménagé : la tranchela plus élevée a été abaissée de51 % à 42 % ; la plus basse estpassée de 23 % à 15 %. La fiscalitédes entreprises a été nettement

allégée : l’impôt sur les sociétés estdésormais plus faible en Allemagnequ’en France (c’était l’inverse il y adix ans) : 29,8 % contre 34,4 %,sans compter la majoration excep-tionnelle pour les grandes entre-prises contenue dans le dernier plande rigueur français. Cette réforme,accompagnée d’un plan d’éco-nomies drastique de 80 milliardsd’euros, a doublement avantagél’économie allemande : la consom-mation des ménages a été dopéeet la compétitivité des entreprises,soutenue.Plus globalement, le constat est là :au sein des pays développés, ceuxqui ont une fiscalité inférieure àla moyenne, plus attractifs, ontvu leur taux de chômage reculeret leur croissance grimper. À cetteaune, la convergence franco-allemande voulue par l’Élysée estlouable, et doit se concrétiser dès2013 par un impôt commun surles sociétés.Néanmoins, les chemins pourparvenir à une moindre pressionfiscale sont nombreux, de la baissede l’impôt sur le revenu à une fortetaxation du capital, en passantpar un allégement des cotisationssociales. Complication supplé-mentaire : un recul des prélève-ments obligatoires doit forcément

s’accompagner d’une forte réduc-tion des dépenses publiques. Maispénaliser tel ou tel secteur devientun choix politique fort, à uneépoque où l’argent manque déjàdans l’Éducation, la Solidarité, lapolitique de la Ville ou la Santé.

La bataille de 2012Le complexe dossier fiscal sera l’undes enjeux de la présidentielle.François Hollande a déjà fait sespropositions. En plus de s’attaqueraux niches fiscales à hauteur de50 milliards d’euros, le candidatsocialiste veut fusionner l’impôtsur le revenu (IR) et la contributionsociale généralisée (CSG), de façonà rendre la note plus lourde pourles ménages aisés. Le nouvel impôtfonctionnerait avec le barème pro-gressif de l’IR et non selon le sys-tème proportionnel de la CSG. Enclair, plus on gagne d’argent, pluslourdement on est taxé.Mais un teldispositif suppose un prélèvementà la source, sur la fiche de paie, unevéritable révolution !Par ailleurs, François Hollandesouhaite que les cotisations patro-nales (qui alimentent la brancheFamille de la Sécurité sociale) soientdiminuées, en contrepartie d’unprélèvement écologique destiné àl’État. En plus de la caution verte,

cette idée évite d’alourdir le coût dutravail, préserve l’emploi et peut ré-duire notre déficit commercial, quiculminera cette année à 70 milliards

d’euros. Parallèlement, le candidat PSentend réduire de moitié l’impôtsur les sociétés pour les petitesentreprises.Nicolas Sarkozy – s’il est candidat –n’a pas exposé ses vues sur le sujet,mais un groupe de travail planchedepuis plusieurs mois. De toute évi-dence, les intentions de la droiteseront identiques à celles de lagauche (équité, rééquilibrage entre

petites et grandes entreprises…),mais comment se différencier ?Dans son interview télévisée du27 octobre, le chef de l’État a indi-qué implicitement que la mise enplace d’une TVA sociale ferait sansdoute partie de son programme(elle est en place depuis quatre ansen Allemagne). L’idée de financernotre protection sociale par unehausse de la TVA, en échange d’unallégement des cotisations socialespour plus de compétitivité, fait sonchemin à droite, même si certainsy sont réticents, comme leministredu Travail, Xavier Bertrand, quicraint de voir les prix grimper.Mais, quel qu’il soit, le prochainPrésident devra garder une idée àl’esprit : une réforme fiscale, c’estbien, une harmonisation europé-enne, ce serait mieux ! Commentaccepter qu’une grande entrepriseaille héberger ses bénéfices dans sesfiliales des pays à la fiscalité légère ?Seulement, rendre les législationshomogènes n’est pas chose facile,quand on sait que les décisionssur l’impôt doivent être ratifiéesà l’unanimité des Vingt-Sept. Reste

alors une solution, unique : tendrevers la fiscalité plus douce de l’Alle-magne ou, encore plus ambitieux,du Royaume-Uni et du Luxem-bourg. C’est le prix à payer pourêtre compétitif et éviter la fuite descapitaux. Et il y a urgence.

1. Loi en faveurdu travail, de l’emploi

etdupouvoir d’achat, également

appelée« paquet fiscal».

Douceur, justice et fiscalitéLa réforme fiscale sera lamèrede toutes lesbatailles en2012.Peut-onconcilier une fiscalitédouceet la justice?Cesera l’undesenjeuxmajeursde laprochainecampagne.Pari difficilemaispasimpossiblepuisque réussi enAllemagne.La journalisteéconomiquedeRTLexpliqueenquoicette réforme fiscale seraunpassageobligéquelquesoit lePrésident.

Par Florence Cohen

François Fillon et Angela Merkel. Selon le Premier ministre, la fiscalité française doit se rapprocherde la fiscalité allemande. PHOTO JEAN-CHRISTOPHEVERHAEGEN/AFP

François Hollande. Pour le candidat socialiste,une priorités’impose :la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. PHOTOPATRICKKOVARIK/AFP

«

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C’est une résolution, quelqu’en soit son avenir im-médiat, qui marque un pas

important en matière d’applica-tion de la législation du travailpour les pays récemment entrésdans l’Union.« Les chiffres officiels, notammentceux de la Commission, prouventque les travailleurs des pays del’Europe de l’Est n’ont pas entraînéune hausse du chômage, ni exercéde pression sur les systèmes deprotection sociale. Au contraire,ce flux a stimulé la croissanceéconomique dans les pays de desti-nation, une croissance évaluée àenviron 1 % du PIB », considèrele Roumain Traian Ungureanu(Parti populaire européen), lepremier convaincu et à l’originede ce texte adopté.

Il est vrai qu’il n’y a pas eu d’ar-rivée massive de Bulgares et deRoumains, même si certains paysfont appel à des entreprises desous-traitance de ces deux pays.Avec cette résolution votée auParlement, les 27 pays devrontdonc gommer les dispositionssur les périodes transitoires quiavaient été mises en place. Etcela dès la fin de l’année, avantla date butoir de 2013 prévuedans le traité d’adhésion.Il est vrai que ces restrictionsn’étaient pas forcément trèsjudicieuses, voire légales. Elless’opposaient au principe mêmede la libre circulation, de lanon-discrimination, ou encorede la solidarité et de l’égalité desdroits, expliquent les députéseuropéens.

Mettre en œuvre les droitssur la libre circulationdes travailleursDans le texte adopté à main levée,les députés expriment aussi leursinquiétudes quant à la transpo-sition et la mise en œuvre in-complètes des règles européennesactuelles sur la libre circulationdes travailleurs au sein de l’Unioneuropéenne. Si nécessaire, la Com-mission pourrait exercer son droitd’engager des procédures d’in-fraction contre les États membresmanquant à leurs obligations.

Reconnaître les qualificationsprofessionnellesMais il est clair que ces disposi-tions votées par le Parlement nepourront réellement s’appliquerque si, dans le même temps, les

procédures actuelles de reconnais-sance des qualifications profes-sionnelles sont modifiées. C’estpour l’instant l’obstacle le plusimportant à l’arrivée d’une main-d’œuvre qualifiée. La Commissiondevra donc revoir les règles euro-

péennes actuelles en la matière,pour que demain un Bulgare ouun Roumain puisse facilementarriver sur le marché du travailavec toutes les qualificationsrequises.

Joël Genard

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LeParlementeuropéenaadoptéun texte soutenant l’entréedelaBulgarie etde laRoumaniedans l’espaceSchengen.Quellesconséquencespour lemarchédutravail si cette entréeétait acceptéepar l’Union?Il faut rappeler que ces deux paysont rejoint l’Union européenne en2007. Ils ne sont pas dans l’espaceSchengen, mais ils font déjà bel etbien partie de l’espace européen.Concrètement, aux termes de l’ar-ticle 39 qui établit la Communautéeuropéenne, ces pays bénéficientde la libre circulation de leurscitoyens dans l’Union. Malgrécela, les pays membres ont ledroit de limiter la liberté de cesmouvements s’ils pensent qu’ilspeuvent engendrer une détério-ration de leur marché du travail.C’est ce qui s’est passé avec toutel’Europe de l’Est, notamment laBulgarie et la Roumanie. La plupartdes pays ont adopté une périodedite « transitionnelle » pour limi-ter ces mouvements migratoires.Précisons cependant que plusieurspays de l’Union, la République

tchèque, la Pologne, les paysbaltes, la Finlande et la Suède ontdécidé de ne pas restreindre l’accèsde leur marché du travail pourles nouveaux membres. Quelquespays comme l’Espagne, la Grèce,la Hongrie, le Portugal et le Dane-mark ont limité l’accès à leurmarché du travail jusqu’en 2009.D’autres pays comme la Francevont garder des dispositions tran-sitoires jusqu’enmai 2014. Aujour-d’hui, nous observons que l’entréede la Bulgarie et de la Roumaniedans l’espace Schengen ne chan-gera pas grand-chose pour lestravailleurs bulgares et roumainsqui voulaient quitter leur pays,puisqu’ils l’ont déjà fait assezlibrement depuis 2007.

Si laBulgarie et laRoumanieentrentdans l’espaceSchengen,la frontièrede l’Unioneuropéennevas’élargir unpeuplus.Yaura-t-ilplusdemouvementsmigratoiresenprovenancedeMoldavieetd’Ukraine?La Bulgarie et la Roumanie ontconsenti des efforts très importants

pour renforcer leurs frontièreset se mettre en accord avec lesexigences imposées par Bruxelleset par les réglementations pré-vues par les accords de Schengen.La Roumanie a dépensé plus d’unmilliard d’euros pour protéger sesfrontières. Elle a créé des zonesde protection, elle a acquis deséquipements de surveillance et aformé ses gardes-frontières. Toutcela a été fait en coordinationavec les différentes agences del’Union et notamment Frontex.Sur le plan de la sécurité, ces paysrespectent toutes les conditionsdepuis déjà un an. Les Bulgaressont sûrs d’avoir aujourd’huiune frontière mieux surveilléeque la Grèce. Il n’y aura donc pasd’impact incontrôlé sur le marchédu travail. D’autant plus queles candidats à l’immigrationconnaissent bien l’état du mar-ché du travail. Ils n’ont pas enviede venir en ce moment. Avec lacrise, il y a aujourd’hui un mou-vement de retour et une diminu-tion du nombre des candidats audépart.

Lemarché français a-t-ildesparticularitésqui pourraientattirer plusde travailleurs venantdeBulgarie etdeRoumanie?Non, au contraire, nous avonsconstaté ces dernières annéesque les flux migratoires en pro-venance de ces deux pays ontaugmenté vers les pays commel’Espagne et l’Italie, notammentpour des questions culturelleset linguistiques. L’italien et leroumain sont des langues trèsproches. De plus, en Espagneet en Italie, on observe la pré-sence de communautés bienimplantées qui aident leurs com-patriotes à s’installer et à trouverdu travail. Les flux s’organisentdonc plus facilement vers cespays. Pour ce qui est de la France,le marché du travail est beau-coup plus régulé, avec une listede métiers précise. Il possèdeaussi un secteur informel trèsréduit par rapport à ses voisins.Cela limite les possibilités detravail au noir.

Propos recueillispar Antoine Colonna

Les députés européens ont voté le 25 octobre le principe du libre accès au marché du travaildes États européens de l’espace Schengen aux citoyens bulgares et roumains. La résolutionadoptée prévoit que cette mesure devrait être effective d’ici la fin de l’année. Faudrait-il encoreque les pays qui n’ont pas ouvert leurs frontières à ces travailleurs appliquent la résolution.

Àdistance

Marchédu travail : bienvenueauxBulgareset auxRoumains

C’est la seconde fois en deux semaines que le Parlement eu-ropéen adopte une résolution sur la Roumanie et la Bulgarie.

La première date du 13 octobre. Le Parlement demandait aux paysmembres d’« éviter le populisme et de décider de l’adhésion de la Bulgarieet de la Roumanie à l’espace Schengen uniquement sur la base des critèresexistants ». Il est vrai que le 22 septembre, les Pays-Bas et la Finlandeavaient bloqué l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espaceSchengen, évoquant des lacunes dans leurs dispositifs d’appli-cation des lois et, dans le cas de la Bulgarie, l’importance du crimeorganisé.

Bis repetita

MARIYAALEKSYNSKAÉCONOMISTE AU CEPII

3 questions àPour Mariya Aleksynska, économiste au Centre d’études prospectiveset d’informations internationales, cette ouverture aux Roumains et auxBulgares ne devrait pas avoir d’impact incontrôlé sur le marché du travail.

DR

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Pour Claudy Lebreton, prési-dent depuis 2004 de l’As-semblée des départements

de France (ADF), qui regroupe les101 départements français (majo-ritairement à gauche), le 81e congrèsqui s’est tenu à Besançon se situedans « un contexte particulier decrises et de fin d’un cycle électoral ».Le président du conseil généraldes Côtes-d’Armor explique : « Jeconçois l’ADF comme un laboratoired’idées et je souhaite en faire unevitrine des politiques départemen-tales. Elle doit dégager des propositionssur l’évolution de nos assemblées,leurs relations avec les autres collec-tivités locales, l’État, mais aussi avectous les partenaires, qu’ils soient asso-ciatifs, acteurs économiques ou encoreavec les autres associations d’élus. »

Clarifier les compétencesdes collectivitésSurfant sur le basculement duSénat à gauche, qui traduit selonle PS « une volonté de changement »,les socialistes appellent égalementà « une clarification des compétencesentre collectivités ».Une préoccupa-tion partagée par le ministre desCollectivités territoriales, l’alsacien

Philippe Richert, qui s’interroge :« Comment mieux appréhenderles compétences déjà transférées auxcollectivités ? Quelle redéfinition descompétences entre niveaux de collec-tivités ? Quelles relations entre Étatet collectivités ? Quels financementsprivilégier, entre d’une part des dota-tions risquant de diminuer l’autono-mie des collectivités et d’autre partdes ressources fiscales pas toujoursadaptées ? »Auteur d’un récent rapport surla répartition des compétences etdes services entre régions et dé-partements initiée par la réformedes collectivités territoriales, Jean-Jacques de Peretti, maire (UMP)de Sarlat-la-Canéda, recommanded’élaborer de nouveaux schémasde coopération dès 2012.Il souligne : « Les régions et lesdépartements s’organisent déjà entreeux. Parfois même, ils mutualisentcertains de leurs services. Mais lalogique qui préside à ces rapproche-ments, dans la plupart des cas, tientà la personnalité des élus, à desmodes de financements ou à desspécificités locales : ils ne s’inscriventpas toujours dans une stratégie deterritoire. »

Outre la mise en place de guichetsuniques région/départements (bap-tisés aussi « unités territoriales »)afin d’offrir aux usagers un accèssimplifié aux services organiséssur leur territoire, il soutient lerecours aux technologies de l’in-formation et de la communica-tion pour permettre aux citoyensde participer à l’élaboration deces nouveaux schémas.Quant au rôle de l’État, « il seraappelé à évoluer pour garantir undéveloppement cohérent et équilibrédu territoire », souligne Jean-Jacquesde Peretti, qui propose la créationd’un Haut Conseil des collectivi-tés territoriales (HCCT).De « bonnes intentions mais peu deréponses aux problèmes posés. Rienn’est réglé », tempère cependantl’Assemblée des départements deFrance. Et de regretter « l’absencede définition claire des missionsdévolues à l’État, préalable indis-pensable à toute clarification descompétences entre collectivités ».Yves Krattinger, coauteur avecClaude Belot du rapport sur« l’organisation et l’évolution descollectivités », analyse : « Avantde parler directement de compétences,il faut fixer la mission de chaqueniveau de collectivités : le service publicde proximité pour les communes etles intercommunalités, la solidarité

sociale et territoriale pour les dépar-tements, la préparation de l’avenirdes hommes et des territoires pour lesrégions. »

Un « manifeste pour ledépartement de demain »Une réflexion partagée par lenouveau président de la HauteAssemblée, Jean-Pierre Bel. Entouréde trente-six sénateurs égalementprésidents de conseils généraux,il a annoncé l’organisation dansles prochaines semaines des étatsgénéraux des élus locaux. Une

démarche qui réunira toutes lesassociations d’élus et les acteurs dudéveloppement local, associatif,économique et social. « Majorité et

opposition y prendront toute leurpart », explique l’élu de l’Ariège,précisant qu’il s’agira d’abord de« réaliser un état des lieux dela situation des collectivités », car« en réalité, on manque d’élémentsobjectifs. C’est la cohérence, la visiond’ensemble, qui fait souvent défaut. »Jean-Pierre Bel souhaite « quechaque élu de notre pays se senteconcerné, écouté, entendu, avant quenous ne construisions ensemble lespolitiques d’avenir. C’est à partir denos territoires eux-mêmes que despriorités pourront être ainsi dégagées

pour une relance de la démocratieterritoriale. »Courtisée de toutes parts à sixmoisd’échéances électorales majeures,

l’ADF entend par ailleurs préparerun « manifeste pour le départe-ment de demain » qui sera soumisaux candidats à l’élection prési-dentielle. Prônant un nouvel actefort de décentralisation, ClaudyLebreton conclue : « La questionn’est plus aujourd’hui de savoir sile département est un échelon encorepertinent et viable, mais bien dedécider ensemble comment renforcerson rôle, approfondir certaines deses compétences, et imaginer sonavenir. »

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Brouillardannoncésur lesdépartementsLa réformedes collectivités territoriales inquiète la gauche et ne satisfait pas la droite. Les élusdes 101 départements, réunis au 81e congrès de l’Assemblée des départements de France,souhaitent que dès le début du prochain quinquennat soient redéfinies les relations entreles différentes collectivités territoriales. Notamment enmatière de compétences financières.

«LA QUESTION N’EST PLUS AUJOURD’HUIDE SAVOIR SI LE DÉPARTEMENT EST UN

ÉCHELON ENCORE PERTINENT ET VIABLE,MAIS BIEN DE DÉCIDER ENSEMBLE COMMENTRENFORCER SON RÔLE, APPROFONDIRCERTAINES DE SES COMPÉTENCES,ET IMAGINER SON AVENIR » Claudy Lebreton

«

Jean-Jacques de Peretti.LemaireUMPdeSarlat-la-Canédaproposelacréationd’unHautConseildescollectivités territoriales. PHOTOPIERREVERDY/AFP

Claudy Lebreton, présidentde l’AssembléedesdépartementsdeFranceetprésident socialisteduconseil général desCôtes-d’Armor.Il souhaiteque l’ADFdevienneunevéritablevitrinedespolitiquesdépartementales. PHOTOBERTRANDGUAY/AFP

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Attendue depuis dix ans parles 250 000 musulmansdeMarseille, la grandemos-

quée phocéenne vient de subir unnouveau revers après l’annulationpar le tribunal administratif de sonpermis de construire. Un nouvelépisode lié cette fois aux incertitudesentourant la réalisationd’unparkingde stationnementde 450places prèsde l’édifice. « Sa réalisation n’a pasencore fait l’objet d’un engagementformel ou d’une programmation » dela part dumaître d’ouvrage, a estiméla juridiction.LeprésidentPSdeMarseille ProvenceMétropole, Eugène Caselli, s’est dit« très étonné » d’une telle décision,rappelant que toutes les dispositionsavaient été prises« pour qu’un parkingsoit en service une fois la mosquéeconstruite ».Desdiscussions vont êtrerelancées afin « d’asseoir le nouveaupermis sur des bases solides », a précisélamunicipalité, qui espère un débutdes travaux cet hiver.

Les défenseurs de lamosquée n’ontpas caché leur déception. « Je trouveassez hallucinant qu’on nous annulele permis de construire pour unehistoire de parking alors qu’oncherche à sortir l’islam du garageet qu’on veut arrêter les prières derue », a déclaré son architecteMaxime Repaux.Malgré l’opposition du FN, àlaquelle s’est ajoutée celle d’asso-ciations de riverains et de com-merçants, le futur édifice cultuelsera doté d’un minaret de 25 m dehaut. La mosquée, qui abriteraune salle de prière de 2 500 m2,pourra accueillir quelque 7 000 fi-dèles. Elle comprendra égalementune école coranique, un restaurant,une librairie et une bibliothèque.Estimé à 22 millions d’euros,le financement du projet n’esttoutefois pas encore bouclé, etprovoque aujourd’hui des dissen-sions dans la communautémusulmane. L.B.

Ce fonds a été institué pourvenir en aide aux départementsdont la situation financière

est la plus dégradée », soulignePhilippe Richert. En tête de liste,la Corrèze, présidée par FrançoisHollande, et le Haut-Rhin avec

près de 12millions d’euros d’aides,tandis que le Tarn, le Cher et leVal-d’Oise toucheront entre 8 et10millions d’euros. LaNièvre et lesArdennes bénéficieront quant àelles de 6 à 7millions d’euros. « Cesdépartements ont une marge quasinulle entre leurs dépenses de fonc-tionnement et les recettes », poursuitleministre. Unemesure exception-nelle qui s’ajoute aux 75 millionsd’euros versés précédemmentaux trente départements les plusfragiles, pris en ciseaux entre la

stagnation de leurs recettes etl’envolée de leurs dépenses, enparticulier sociales.À Besançon, les présidents deconseils généraux ont dénoncé« les pansements » pour compenserdes recettes fiscales départemen-

tales qui sont passées de 34 %à 17 %. Toujours en cause : l’im-possible financement des troisallocations de solidarité (APA, RSA,PCH), dont le coût augmente deprès d’un milliard d’euros par an.Selon Claudy Lebreton, seuls7 milliards sur les 13 milliardsd’euros que représentent l’APA(allocation personnalisée d’auto-nomie), la PCH (Prestation decompensation du handicap) et leRSA (revenu de solidarité active)ont été remboursés.

« Le système est en train de prendrel’eau de toutes parts », résumepour sa part Arnaud Montebourg,président du conseil généralde Saône-et-Loire. Bruno Sido,président du groupe de la droite,du centre et des indépendants

(DCI) de l’ADF, estime : « Fairetoujours plus en ayant toujoursmoins… On ne peut plus continuerainsi. À des problèmes nationaux,seules des évolutions nationalespeuvent être trouvées. »

L.B.

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Solidaritépour lespluspauvresLe fonds de solidarité créé cette année pour aider les départementsen difficulté devrait contribuer au financement de sept d’entre eux.

Dix-huitmois après la pose de la première pierre, le projet, soutenupar lemaire deMarseille Jean-ClaudeGaudin, est de nouveau bloqué.

UNECRÈCHEPOURENFANTSHANDICAPÉSETVALIDES� Depuis la rentrée, Besançonaccueille dans l’une de ses crèchessix enfants polyhandicapés auxcôtés d’une vingtaine d’enfantsvalides. Le projet, soutenu par laville, favorise l’éveil, la socialisation,l’autonomie et l’épanouissementde chaque enfant. Une démarcheinnovante aussi pour les parents, quibénéficient d’un accueil en crècheclassique adapté aux besoinsdes handicaps de leur enfant.

DESVOITURESENLIBREACCÈSÀLYON� Initiée àHambourg, l’opérationCar2go sera lancée pour la premièrefois en France, à Lyon, cet hiver.Le concept de location à laminutes’appuiera sur 200Smart accessiblespar simple géolocalisation à partird’un smartphone. Particulièrementflexible, le service, disponiblesur abonnement dans les neufarrondissements de la ville,complétera l’offre de transportspartagés lyonnais, Vélo’V et Autolib’.« Ces dispositifs vont amener leshabitués à se demander s’ils ontréellement besoin d’un véhiculepersonnel », estime le président duGrand Lyon, Gérard Collomb (PS).

UN«TICKETPARKINGPOUROUAGADOUGOU»� Jumelée avec la capitale duBurkinaFaso, la ville deGrenoble a instauréune écoparticipation sur les ticketsde stationnement afin de financerla protection de la ceinture verte deOuagadougou et le conservatoirebotanique du parc urbain deBangr-Weoogo.Une opération qui permetun financement citoyen de cesactions de coopération décentralisée.

UNPLANRÉGIONALENFAVEURDUCOVOITURAGE� LaBasse-Normandie a présentéun dispositif inédit destiné à favoriserle covoiturage des salariés sur le trajetdomicile-travail. Outre lamise enplace d’une convention entre lesassociations locales et les entreprises,la région soutien l’aménagementd’une trentained’airesdecovoiturages.Une démarche relayée sur le sitewww.covoiturage-basse-normandie.fr

SAINT-NAZAIRETESTEL’APPARTEMENT-HÔTELIERD’URGENCE� Expérimenté pour la premièrefois en Loire-Atlantique, le dispositifdéveloppé par l’Apuis, Accueilpour l’urgence et l’insertion sociale,repose sur une douzained’appartements aménagés au seind’un logement social. Moins cherque l’hôtel, il permet à deux outrois personnes de bénéficierd’une chambre temporaire, avecplus d’autonomie et d’intimité.L’initiative ne bénéficie pas pourl’heure du soutien définitif de l’État.

En bref

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ArnaudMontebourg. Leprésident socialisteduconseil généraldeSaône-et-Loireestimeque« le systèmeest en traindeprendre l’eaude toutesparts ». PHOTO JOËL SAGET/AFP

LemaireUMPdeMarseille,Jean-ClaudeGaudin, lance laconstructiondelamosquée,accompagnédurecteurDalilBoubakeur.PHOTOMICHELGANGNE/AFP

Nouveau reverspour lamosquéedeMarseille

«À DES PROBLÈMESNATIONAUX, SEULES DES

ÉVOLUTIONS NATIONALESPEUVENT ÊTRE TROUVÉES. »Bruno Sido

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Un million, c’est le nombred’emplois qui seraientperdus selon Henri Pro-

glio en cas de sortie du nucléaire.Dans le détail, le PDG d’EDFaffirme que la filière représente400 000 emplois directs et in-directs. Cette estimation estconfirmée par la seule étude enprofondeur à notre disposition.Elle a été réalisée pour le compted’Areva par le cabinet d’expertsPwC (PricewaterhouseCoopers).Le nombre d’emplois directsserait de 125 000, ce que necontestent pas les antinucléaires.Se pose ensuite la question desemplois indirects ou induits.Selon PwC, les effets indirectssont calculés sur les achats de lafilière nucléaire dans d’autressecteurs d’activités et sur les dé-penses des salariés du nucléaire.Cette méthode est contestée maisil faut préciser qu’en matièred’énergies renouvelables aussi lecalcul inclut les emplois indirects.

En revanche, le chiffre avancé parHenri Proglio de 500 000 emploisperdus dans l’économie françaiseen raison de la hausse du prixde l’électricité ne correspond,à notre connaissance, à aucuneétude sérieuse. L’Agence inter-nationale de l’énergie (AIE) metcependant en garde les pays occi-dentaux qui voudraient sortir dunucléaire en rappelant que lesgéants asiatiques développentau contraire l’énergie atomique(Inde, Chine et Corée du Sud)et que cela peut leur permettred’accroître leur compétitivité.Enfin, Henri Proglio chiffre à100 000 le nombre d’emploisperdus par la filière française àl’étranger. Difficile à confirmer.Toujours selon l’étude de PwC,un EPR vendu à l’étranger, c’est8 350 emplois directs et indirectspendant la phase d’étude et deconstruction. C’est ensuite 1 650emplois pendant quatre-vingts ans(exploitation et démantèlement).

Conclusion, le chiffre le plus cré-dible n’est ni le million d’HenriProglio ni les 140 000 de CécileDuflot, mais plutôt 400 000 encomptabilisant les emplois directset indirects générés par l’atome.

Renouvelables : attentionà ne pas voir double emploi !Face au nucléaire, que peuventreprésenter les énergies renouve-lables en termes d’emplois ? Làencore, il faut faire la part deschoses. Le porte-parole d’Eva Joly,Yannick Jadot, a commis unebelle bourde, que l’on a du malà imaginer involontaire, et quepersonne n’a relevée, en affirmantil y a deux semaines que la sortiedu nucléaire en Allemagne avaitcréé… 370 000 emplois. En faitce chiffre correspond au totaldes emplois créés par les renou-velables en Allemagne depuis lacréation de la filière. Pour faireplus simple encore, le ministèreallemand de l’Écologie avance,lui, le nombre de 264 000, soitun chiffre inférieur d’un tiers !Et reste encore à savoir si l’on parlebien de « création d’emploi », ce

que conteste fermement le spécia-liste de l’énergie Christian Ngô1 :« Les énergies renouvelables necréent par énormément d’emplois !

En fait, ce sont des emplois existantsqui changent. Par exemple, un arti-san qui laisse tomber ses chaudièresau fuel pour des pompes à chaleur,cela compte pour un emploi crééselon le ministère, mais en faitl’emploi existait déjà ! »Il n’est donc pas du tout certainque les renouvelables « créent »beaucoup d’emplois. Selon le Syn-dicat des énergies renouvelables(SER), les objectifs du Grenelle– 23 % d’énergie renouvelable en2020 – représenteraient 100 000postes de travail.Le débat sur l’énergie est évidem-ment indispensable dans la cam-pagne présidentielle. Il serait urgentde préciser quelques chiffres et lesméthodologies suivies. La com-mission « Énergie 2050 », crééepar Éric Besson, est faite pour celamais elle est hélas boycottée parles antinucléaires, qui la soup-çonnent d’être orientée. C’est re-grettable, d’autant que l’intégritéet la compétence des membres quila composent ne font aucun doute !

Jean-Louis Caffier

1 Voir sonouvrageDemain l’énergie,Dunod,2009.Et sonsite :

www.edmonium.fr

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011

Enquête

Emplois et énergie : quand les chiffress’en mêlent et s’emmêlent !Le président-directeur général d’EDF, Henri Proglio, affirme que la sortie du nucléaire coûteraitunmillion d’emplois. Chiffre immédiatement contesté par les écologistes, qui prétendentde leur côté que les énergies renouvelables créeraient des centaines demilliers d’emplois.Jean-Louis Caffier démêle le vrai du faux.

Vent ou nucléaire,là n’est pas la question !Avec ses 58 réacteurs en service, le nucléaire français produit environ 60 giga-watts1. Le plan éolien offshore représente, lui, 3 gigawatts en puissanceinstallée.Mais il faut bien savoir que l’éolien est une source d’énergieintermittente et que, enmer, elle ne fonctionne qu’un tiers du temps. Doncce plan de 10milliards d’euros ne va produire qu’un gigawatt. De son côté,l’EPR de Flamanville,même s’il coûte aumaximum6milliards d’euros,produira 1,6 gigawatts. Autrement dit, l’électricité produite par l’EPR seraitun peu plus de deux foismoins chère que celle de l’éolien. S’il fallaitremplacer l’ensemble du parc nucléaire français par de l’éolien, il faudraitdonc créer un parc d’éoliennes pouvant produire l’équivalentde 180 gigawatts. Cela signifie une facture de 1 800milliards d’euros.Cette perspective est évidemment inimaginable,mais elle donne une justemesure des alternatives. La France a certes besoin de rééquilibrer sonmixénergétiquemais il faut tenir compte également des dépenses que toutchangement peut impliquer. Il serait également irresponsable d’oublierqu’il ne s’agit pas seulement de « remplacer » le nucléairemais de fournirenmême temps davantage d’électricité appelée à remplacer le pétrole(véhicules électriques ou abandon du fuel pour le chauffage, entre autres).1Ungigawatt=unmilliondekilowatts.

Arrêtons de rêver : pour lemoment, et pour des décen-

nies encore, c’est le gaz qui estet restera la première filière deremplacement du nucléaire, lesénergies renouvelables venant loinderrière. L’exemple du Danemarkest édifiant : le pays a fait le choixdu « tout éolien » au moment oùla France se lançait dans le nu-cléaire. Résultat, le Danemark,couvert d’hélices, produit aujour-d’hui près de 80 % de son électri-cité avec des énergies fossiles !L’Allemagne, après l’annonce desa sortie du nucléaire, va suivrele même chemin. Les énergiesrenouvelables vont certes bénéfi-cier d’un vaste plan de relance(20 000 mégawatts en puissanceinstallée pour l’éolien à l’horizon2020 contre 3 000 actuellementen France), mais l’Allemagne aégalement prévu de construire20 centrales au gaz et 10 au char-bon. Pour le gaz, la dépendancesera quasiment totale vis-à-vis dela Russie, avec tous les risques que

cela comporte. En cas de besoinou de problèmes techniques, lastation russe a l’habitude de couperles robinets. Il y a cinq ans, aprèsquelques mois de bras de fer,l’Ukraine en avait fait la doulou-reuse expérience avant de se plieraux exigences financières de laRussie.En ce qui concerne le charbon,le sous-sol allemand ne contientque du lignite, le charbon le plussale et le plus émetteur de CO2.Enfin selon l’Agence internatio-nale de l’énergie, un recul de lapart du nucléaire entraînerait mé-caniquement une augmentationdes émissions de gaz à effet deserre, qui ont déjà battu un recordl’an dernier avec une hausse his-torique de 6 %.Autre contrainte, les prix. Si laFrance remplaçait ses centralesnucléaires par des centrales augaz, il lui en coûterait pourl’approvisionnement et par an60 milliards d’euros, plus que lebudget de l’Éducation nationale !

Gaz à tous les étagesHenri Proglio, PDG d’EDF. PHOTOVALÉRYHACHE/AFP

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NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 L’HÉMICYCLE 13

Le Théâtre national populaire a retrouvé droit de cité à Villeurbanne. La salle légendairede Roger Planchon a fait peau neuve et son successeur, Christian Schiaretti, y officie de nouveau.Inauguré le 11 novembre, le théâtre a coûté chermais il permet à la région lyonnaise d’offrirpour un prixmodeste unemultiplicité de spectacles comme l’avait imaginé JeanVilar.

Villeurbanne ressuscite le TNP

Culture

Était-ce bien le moment ? Àl’heure où la France traverseune grave crise économique,

que son triple A semble en péril,était-il bien raisonnable de sortirprès de 33 millions d’euros pourla rénovationd’un théâtre ?C’est ensubstance à ce genre de question-nements que se sont confrontésles dirigeants de l’historiquementpopulaire TNP, dont on a sabré lesescaliers, agrandi le hall, refait unesalle principale de 667 places, créédes salles de répétition et aménagéune brasserie-cabaret approvision-née par lesmeilleurs chefs cuisinierslyonnais. La bataille commenceen 2002, à l’arrivée de ChristianSchiaretti, appelé à remplacerle légendaire Roger Planchon. Àl’époque, les lieux sont vétustes,l’électricité, pas aux normes. « Làoù les autres pensaient pinceau, nouson pensait pioche », dit le directeur-metteur en scène. Le projet de réno-vation est en route. Les architectesclermontois Fabre/Speller et leMilanaisMassimoScheurer veulentréinterpréter le bâtiment deMôriceLeroux sans pour autant le déna-turer. De l’extérieur, on change lesfenêtres, pour retrouver les ouver-tures de 1930. À l’intérieur, onagrandit la cage de scène, crée des

passerelles métalliques sur troisniveaux, et confère à la salle la forme« coquille Saint-Jacques », une ré-partition audacieuse des fauteuilsqui permet à chacun de bien voir.Démocratique. C’est le mot quirevient. Mais tout cela a un coût.32,8millions d’euros financés pourun tiers par la ville, unautre tiers parl’État etundernier tierspartagé entrela région Rhône-Alpes et le GrandLyon. Trois ans et demi de travauxnécessitant 30 corps de métier et110 entreprises. À cela s’ajoutent lescoûtsdefonctionnement :unetroupepermanente de douze comédiens,

des intermittents mais au travailrégulier. Ça se joue à la confiance.Certains gagnent 1 500 euros brutmensuels, d’autres 1 800. Il y a égale-ment les acteurs invités. « On doitse priver de ceux qui veulent trop cher »,regrette Jean-Pierre Jourdain, ledirecteur artistique. « On a dû réduirela voilure sur plein de choses ! » ajoute-t-il avec une sincère tristesse. Carsi leministère de laCulture a donnéson feu vert, il a en revanche étaléla subvention de fonctionnementsurquatre ans.Ainsi, exit leprojetde«grandthéâtredesnations» : fairevenirde grands théâtres internationaux,

mettre en place un concours decompagnies, installer un centrede recherche et de création etcommander des textes, notammentsur des sujets d’actualité. Des inno-vations qui ne mettront pas pourautant en péril lamission sui gene-ris à la fois du Théâtre national po-pulaire et du Palais du Travail, hisséàVilleurbannedans les années 1930.Le premier, créé par FirminGémier,mais surtout sous l’impulsion deJeanVilar, voulait un théâtre acces-sible à tous. Résultat, dans les annéesd’après-guerre, les ouvriers de chezRenault découvraientBrecht,Gorki,

Giraudoux, Strindberg. Le second,imaginé par Lazare Goujon (mairesocialiste de Villeurbanne de 1924à 1935) comme un temple laïqued’activité intellectuelle indispen-sable, avait pourobjectif l’éducationde la classe ouvrière. Aujourd’hui,l’aspect social estpréservé. Leprixdesplaces s’étale de 7 à 22 euros, et labrasserie – qui ouvrira en janvier –pratiquera des prix raisonnables.« C’est sûr qu’on fera plus de lasardine que du homard ! » plaisanteMathieu Viannay, deux étoiles auMichelin pour La Mère Brasier àLyon, l’un des trois chefs sélection-nés. De même, le théâtre garde samission de recherche du public.Malgré unnombre impressionnantde 8 200 abonnés, des équipesse déplacent dans les écoles, lesprisons, leshôpitaux, les entreprises,pour promouvoir les activités duTNP. Enfin, en programmant RuyBlas,deVictorHugo, pour l’inaugu-ration, Christian Schiaretti n’offre-t-il pas une leçon de démocratie etde politique : n’est-il après toutpas question d’un laquais éprisd’une reine, ayant le génie pourcouronne, qui deviendra duc avantde mourir en prolétaire qu’il est,victime de la tyrannie des Grands ?

Pierre de Vilno

Il a transfiguré les femmes, sesmuses, révolutionné la publi-cité autant que le défilé du 14-

Juillet : à 71 ans, Jean-Paul Goudes’expose aux Arts décoratifs à Paris,première rétrospective consacrantquarante ans de carrière d’un artistequi a dompté l’image de la beauté.C’est l’une de ses somptueusesvalseuses noires créées pour ledéfilé du bicentenaire de la Révo-lution française, en 1989 – poupéeautomate dotée d’une immensejupe en forme de demi-sphère –,qui accueille le visiteur à l’entréede l’exposition, programméejusqu’au 18 mars 2012.Des poupées russes lui succèdent,glissant sur le plancher devantla locomotive du Bicentenaire(en contreplaqué), qui trône aucentre de la grande nef. Tout deblanc vêtues, les jeunes femmesse prêtent à un jeu de face-à-facedans un miroir d’où semble jaillir

le feu : une reconstitution féeriqued’un film publicitaire réalisé parJean-Paul Goude en 2002 pourChanel Joaillerie.

« Mode, show-biz et publicité »« La femme c’est tout, je n’existe quepar rapport à elle et à ce qu’elle pensede moi », dit l’intéressé, qui sedéfinit lui-même comme « auteurd’images ». « Je ne veux pas lachanger, je veux la faire aimerpar les autres. »L’exposition, qui se décline entrois parties, met en lumière un« parcours » exceptionnel, celuid’un homme à la pointe del’avant-garde : « c’est l’occasion deprouver aux gens que mon travailn’est pas seulement publicitaire.C’est un travail alimenté par lapublicité, mais je pense avoir été l’undes premiers à mélanger la mode, leshow-biz et la publicité », conclut-il.

J.G.

MEH

DIFEDO

UACH

/AFP

CHRIST

IANGA

NET

«Goudemalion», Jean-Paul Goude au musée

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Culture

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011

Pilier dumitterrandisme, RolandDumas, retraité du pouvoir, ne peut s’empêcher de donnerde la voix. Son registre : le politiquement incorrect. Après Coups et Blessures, le titre de sesMémoires, il récidive avec Sarkozy sous BHL, coécrit avec Jacques Vergès. Un pamphlet ?Non, du vitriol.

Roland Dumas :profession pamphlétaire

Roland Dumas s’amuse. À89 ans, il joue les papysflingueurs. Avec gourman-

dise. Il tire – presque – sur tout cequi bouge. À droite comme àgauche. Il y a du Talleyrand chezcet homme-là. Il rosit de plaisir.« Oui ! Comme lui je boite, et j’aiune canne… »Discuter avecDumas,c’est plonger dans un autre siècle.La répartie est vive. Le trait d’esprit,saillant. La courtoisie, exquise,l’anecdote, délicieuse… L’art de ladiscussion du gentilhomme. Il n’apeur de rien, sauf de la mort : « Cenéant dans lequel on va plonger. »Croit-il ? « C’est difficile à dire. C’estle pari de Pascal… » Il s’en tiendralà. La pudeur en guise d’armure.« Cela fait un peu de bruit, vous netrouvez pas ? » Son nouvel appar-tement de l’île Saint-Louis est entravaux. Les peintres s’activent.Avant lui, Camille Claudel habi-tait les lieux. L’atelier de l’égérie deRodin est aujourd’hui son bureau.Une petite pièce aux boiseriesEmpire peintes en vert d’eau. Uneporte-fenêtre donne sur la rue.« Camille avait fait ouvrir la façadepour sortir l’une de ses sculptures. »Sur la cheminée, une photo deson père. Résistant, comme lui.L’homme de sa vie, fusillé par lesnazis en mars 1944. La blessure nes’est jamais refermée.Visage buriné, yeux rieurs et cri-nière argent, le vieux lion portebeau, et son coup de patte restevif. DSK ? « Grotesque ! » Les pri-maires socialistes ? « Un cirque !Cela a permis un défoulement… »Le sourire se fait matois. Son télé-phone n’arrête pas de sonner.Le grand reproche qu’il fait au

programme de la rue de Solférino :« Pas une allusion à la place de laFrance dans le monde. » Cela irritel’ancienministre des Affaires étran-gères, il a raison.

Il a choisi Hollande. « C’était monchef de cabinet quand j’étais porte-parole du Gouvernement. Gallo mel’avait recommandé. Un jour Hollande

me dit : “Je veux faire de la poli-tique.” J’étais à l’époque député dela Dordogne. Je lui ai mis le piedà l’étrier en Corrèze… » La suite onla connaît. Il jette un œil sur son

téléphone. « Petit à petit, Hollandedevient présidentiable. » Dans unsoupir, il ajoute : « C’est très diffi-cile de gouverner la France. » Parole

d’orfèvre. Dumas s’attend à unecampagne présidentielle très dure.Il met au crédit de Nicolas Sar-kozy le fait d’avoir fait bougerle pays, notamment la réforme

des retraites. Mais il est beaucoupplus réservé sur sa politiqueétrangère. La réintégration de laFrance dans l’Otan, ce n’est passa tasse de thé. Et l’interventionfrançaise en Libye, il l’a en traversde la gorge. Il laisse place à soncourroux dans un petit livreassassin qu’il a signé avec JacquesVergès, Sarkozy sous BHL ; le titrea le mérite de donner le ton. Dansces pages, Sarkozy devient « Attilale Petit » et BHL « un mythomanequi se prend pour Lawrence d’Ara-bie… Lévy d’Arabie, il y a de quoirire ! » La charge est féroce. Etnos deux compères d’accuserNicolas Sarkozy de crime contre

l’humanité. « Un pamphlet », dit-ilen souriant. En quelques phrases,Dumas s’offre un rapide tour dumonde en quatre-vingts secondes.« Obama nous a déçus. La progres-sion des Chinois peut inquiéter, aupoint qu’on leur fasse la guerre. Jesuis pessimiste sur les affaires duProche-Orient, cela peut exploser àtout moment… Le grand projet c’estde faire avancer l’Europe fédérale.Occupons-nous de la fiscalité, dujuridique, le reste viendra après. »On ne passe pas dix ans au Quaid’Orsay pour rien. En lui confiantles clés de la diplomatie française,Mitterrand lui a dit : « “Je vous aidonné le plus beau ministère”…Je ne l’ai jamais eu. »En soixante ans de vie publique,Roland Dumas a résisté à tout ;et est passé à travers tous lesorages. Sa vie est un roman. Lesfemmes ? « Je les adore ! » Un cridu cœur. Il confesse que cela n’apas toujours été simple pour sesenfants. L’un de ses fils est sculp-teur, l’autre courtier en vin. Safille travaille au Quai d’Orsay.« Elle est parfois sévère avec moi »,dit-il en souriant. Il rattrape letemps perdu, avec ses quatrepetits-enfants. Un grand-pèreespiègle, à n’en pas douter.Journaliste, avocat, homme poli-tique, eh bien, il rêvait d’une car-rière à l’Opéra. Il vient de voirFaust de Gounod avec InvaMula dans le rôle de Marguerite.« Magnifique ! C’est une histoireamusante : avec Plácindo Domingoj’étais à l’époque président d’uneassociation, Les Nouvelles Voixd’opéra. Une jeune femme menue,blonde, vient passer l’audition. Unevoix sublime. “Je suis dans le chœurde l’Opéra-Comique, me dit-elle.Mais en France je suis clandestine.”C’était Inva Mula. J’ai arrangél’affaire avec le préfet de police. C’estaujourd’hui l’une des plus grandeschanteuses françaises ! »Dandy, dilettante, secret, coura-geux, persifleur, épicurien, cour-tois et cultivé… Roland Dumasl’avoue : « J’ai eu une belle vie…une belle vie ! »

Jean-FrançoisCoulomb des Arts

«SARKOZY C’EST “ATTILA LE PETIT”ET BHL “UNMYTHOMANE QUI SE PREND

POUR LAWRENCE D’ARABIE… LÉVY D’ARABIE,IL Y A DE QUOI RIRE !” »

MAR

TINBU

REAU

/AFP

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Le temps est loin où les jeuxvidéos n’étaient qu’unamusement pour quelques

adolescents, un phénomènemarginal sans réelle importancesociale ou économique. Cemarchéa connu une croissance très faiblede 0,1 % en 2009 et même unetrès légère baisse en 2010. La criseéconomique est l’une des causesde cette stagnation, mais passeulement.Le secteur connaît surtout uneprofonde mutation et la phaseactuelle est qualifiée de « transitionvers de nouvelles générations demachines » par Laurent Michaud,responsable de la practice DigitalHome Entertainment au sein del’Idate1. En réalité, les jeux vidéossont en train de migrer vers denouveaux supports. Certes, ilsexistent sur les smartphonesdepuis plusieurs années, maisl’arrivée des tablettes change ladonne d’une manière significa-tive, en raison de la taille, de la ré-solution de leur écran, de leurcapacité en mémoire et égalementde la vélocité de leur processeur.Ces capacités n’ont, à bien deségards, rien à envier aux ordina-teurs classiques. Les tablettesouvrent la porte à des jeux so-phistiqués et donc attractifs. Mais,plus encore que les capacités deces outils tactiles, c’est le modede vente de ces nouveaux jeux quiest en train d’opérer la profondemutation de ce secteur informa-tique. Les jeux sont de moinsen moins achetés en magasinsur CD ou DVD ; les utilisateurs seles procurent en ligne sur des plates-

formes de commerce électronique,téléchargés et installés directe-ment sur la tablette et disponiblesquasi instantanément.Afin de s’adapter aux capacitésde stockage plus limitées de cestablettes, les nouveaux jeux vidéossont moins lourds, plus courts.Donc moins chers. Et cette baissedes prix influe sur le comporte-ment du consommateur, quiva plus aisément céder à unachat d’impulsion, d’autant quel’immense majorité de ces jeuxont des fonctionnalités de réseauqui permettent de jouer avec – oucontre ! – d’autres joueurs. Cesjeux ont enfin une caractéris-tique qui, sans être entièrementnouvelle, n’en devient pas moinsla norme : ils peuvent être en-richis avec des capacités accrues,des extensions ou de nouvellesaventures. Là encore, l’achat n’estpas coûteux.Du coup, le modèle économiqueest en train de changer du toutau tout. Alors qu’auparavant leprix d’entrée dépassait souvent les

vingt ou trente euros pour un jeulong et complexe, le joueur achètedésormais un jeu par petits boutsà des prix excédant rarement lescinq euros. Certains vont mêmedevenir des services permanentspayés par abonnement.Un paiement perçu commeindolore, un jeu en évolution

constante, une tablette qui peutaccompagner le joueur partout :voilà une excellente recette pourfaire de ces jeux vidéos nouvellegénération des produits addictifs,générateurs de revenus impor-tants. Laurent Michaud estimed’ailleurs que les ressources issuesde la vente de ces jeux dématé-rialisés devraient générer les deuxtiers des rentrées de ce secteurà l’horizon 2014.

Manuel Singeot

NUMÉRO 424, MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 L’HÉMICYCLE 15

2.0

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTESMichèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Paul Lefèvre, Catherine Nay, Marc TronchotAGORA Ludovic Vigogne, Éric Mandonnet L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLELudovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau,Florence Cohen, Antoine Colonna, Jean-François Coulomb des Arts, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, ManuelSingeot, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSIONPARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479

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UBISOFT MISESUR FACEBOOK� Les réseaux sociaux sont aussiun des nouveauxmodes deconsommation de jeux vidéos.Ubisoft, après avoir testé le conceptavec quelques jeux, dont un basésur l’univers des Schtroumpfs, vientd’annoncer le développement de troisnouveaux jeux basés sur des sériesaméricaines à succès. Si la sociétéfrançaise n’a pas encore révélé lesdates de lancement officielles, cesnouveaux produits seront cependantdisponibles rapidement, entre la finde l’année 2011 et le début de 2012.

COMMENT FINANCERLES JEUX VIDÉOS ?� C’est le sujet d’un débat que valancer le Syndicat national du jeuvidéo (SNJV) lors duDigiWorld GameSummit qui se tiendra àMontpellierdu 15 au 18 novembre 2011.Les professionnels vont se penchersur lesmutations dumarché et leursconséquences sur l’innovation dansles entreprises, afin d’identifier leursbesoins en investissement, s’informer,échanger leurs expériences et voircomment rentrer dans le cadre duprogrammegouvernemental des« investissementsd’avenir»enFrance.

NOËL : LA COURSEEST LANCÉE PARMILES ÉDITEURS� Noël est une période stratégiquepour les éditeurs de jeux vidéos,cadeaux dont raffolent enfantset adolescents. Afin de rentrer dansles listes de souhaits de nos têtesblondes, les grands studios lancentdèsmaintenant leurs prochainsproduits phares sur PC et consolesde jeux. Les supportsmobiles sontlargement absents de ces grandesmanœuvres en raison de laconsommation différente des jeuxsur ces plates-formes.

MICROSOFT KINECTVEUT DEVENIR UN OUTILPROFESSIONNEL� Kinect, la technologie dereconnaissance gestuelle développéeparMicrosoft, a connu un succès nondémenti depuis son lancement fin2010. Lamultinationale veutdésormais faire de ce périphériquepour la console de jeu Xbox 360un outil plus professionnel et va livrerdébut 2012 les spécificationstechniques afin de permettre à desmilliers de développeurs de créer desapplications de travail, notammentpour animer des présentationsinformatiques.

En bref

Le chiffre

Dans le marché du jeu vidéo,l’économie françaisen’estpasabsente, loin de là, elle abrite

même l’un des leaders mondiaux :Ubisoft. Fondée en 1986 par cinqfrères originaires du Morbihan, lacompagnie s’est hissée en vingt-cinq ans au second rang mondialavec des filiales dans 26 pays etun chiffre d’affaires qui dépasse le

milliard d’euros pour le dernierexercice fiscal. Quelques-uns desjeux présents sur les ordinateurs etconsoles des adolescents dumondeentier sont sortis de ces studios decréation, comme Assassin Creed,Prince of Persia ou les célèbres Lapinscrétins.Une success story qu’Ubisoftcompte bien décliner désormaisdans l’univers mobile.

Ubisoft, un poids lourd français

Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

38milliardsd’euros, c’est lemarchéactuel des jeux sur CDetDVD.Unmarchéqui stagnedepuis deuxans.Pour le relancer, les fabricantsde logicielsmisentdésormais sur les supportsmobiles : smartphones et tablettes.

Les jeux vidéos passent sur mobileet changent de modèle économique

63 %des Français de 10 anset plus ont déjà joué à un jeuvidéo (Source SNJV, octobre 2011).

ÉRICAUDRAS/AFP

1 Centred’étudesetdeconseil sur le secteurdesmédias,de l’Internetetdes télécommunications.

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