l'Hémicycle - #412

24
Les thèmes de campagne, chacun les connaît ou croit les connaître : l’immigration, la sécurité, l’assis- tanat, le pouvoir d’achat, l’emploi, l’éducation sans oublier la dette et les déficits, l’Europe et la mondia- lisation, le nucléaire et le développe- ment durable. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par les écolo- gistes, qui se cherchent, les socialistes, qui ont de sérieuses difficultés à se trouver, et la droite, qui hésite entre la candidature quasi unique de Sarkozy et l’auto- destruction de candidatures multiples, chacun prépare son projet, fourbit ses armes et rédige ses 10, 20 ou 100 propositions. Bref, à onze mois des élections, que du classique, tout juste bousculé il y a quelques semaines par l’effacement pour le moins brutal et inattendu du favori des sondages. Un hors-jeu qui confirme que l’imprévisible demeure la marque heureusement incontournable d’une cam- pagne électorale. Autrement dit on n’en restera pas là et d’autres thèmes vont surgir, nettement moins balisés. La France des années 70 s’est déchirée sur la question de l’avortement, celle des années 80 sur la peine de mort, trente ans plus tard un ancien ministre de l’Intérieur se prononce pour la dépénalisation des drogues douces, les maires se divisent sur le mariage gay et les mora- listes s’interrogent sur les mères porteuses et le droit pour les couples homosexuels d’adopter des enfants. Autant de questions sociétales qui ne pourront plus désormais être balayées d’un revers de main ou se voir seulement opposer le rappel des lois existantes. Surgies dans le débat national, elles vont le nourrir. D’où qu’ils viennent, les futurs candidats auront intérêt à s’en souvenir et ne pas se contenter de répondre que ce sont des débats trop compliqués pour être tranchés d’un mot. Sur ces thèmes comme sur les autres, l’esquive n’est plus de mise. Les Français ne pardonneront pas en 2012 à ceux qui tenteront de s’en sortir par des faux-fuyants. Le chiffre P our certains, ce devait être le début d’une marche triom- phale. Ceux-là n’hésitaient pas à qualifier les primaires socialistes de primaires de confirmation. Pour d’autres, c’était l’espoir de battre sur la ligne d’arrivée le plus présidentiable des présidentiables. Au terme d’un débat à la loyale qui aurait de toute façon valorisé les vainqueurs. Et voici qu’en un mois ces scénarios idylliques annonçant des lendemains qui chan- tent ont volé en éclats. L’effacement de Dominique Strauss-Kahn a laissé K.-O. debout ses partisans et réduit au statut de numéro deux, candidat par défaut tous ceux qui sollicitent les votes des sympathisants de gauche. Dans quelques jours, tous les prétendants seront connus. La plupart, de François Hollande à Arnaud Montebourg en passant par Ségolène Royal et Manuel Valls, ont déjà fait un tour de chauffe. Ne manque à l’appel que la première secrétaire, Martine Aubry, qui n’a plus le choix et ne pourra se dérober. Bref, d’ici deux semaines le décor sera plan- té et le casting définitif. Pour autant les questions qui se posaient déjà avant la chute de DSK sont plus que jamais d’actualité. Comment tous ces postu- lants qui sont censés porter un projet commun vont-ils pouvoir se différen- cier sans se déchirer ? Et même s’ils évi- tent que le choix du porte-drapeau socialiste ne se transforme en machi- ne à perdre, il faudra à ce candidat beaucoup de talent et de force de conviction pour effacer le trouble qui a saisi une partie de l’électorat de gauche. Certes, les sondages ne mon- trent pas jusqu’à présent un rebond significatif de Nicolas Sarkozy et un affaissement mesurable du PS, mais il est inimaginable que les événements qui ont déjà spectaculairement marqué cette année pré-présidentielle ne lais- sent pas de traces. À droite, l’hypothé- tique future candidature Borloo crée déjà de fortes tensions. À gauche, les interrogations de l’après-DSK n’ont pas fini de polluer la vie du Parti socialiste. Et ce n’est pas la vraie-fausse « plaisan- terie » de Jacques Chirac apportant un soutien corrézien à François Hollande qui va clarifier les choses ! R.N. > Lire p. 2, 3, 5, 6 et 23 NUMÉRO 412 — MERCREDI 15 JUIN 2011 — 1,30 ¤ Éditorial Robert Namias Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias JULIETTE BOUDRE FRANCOIS GUILLOT / AFP BERTRAND GUAY / AFP Le PS à l’ère « primaires » lhemicycle.com Jérôme Sainte-Marie P. 2 Caroline Fourest P. 3 BERTRAND LANGLOIS / AFP JACK GUEZ / AFP Au sommaire Rencontre avec Jean-Marie Le Guen >P. 6 Initiatives : Les nouveaux conseils de quartier de Bordeaux avec Alain Juppé >P. 8-9 Focale : Christine Boutin >P. 10 Les petits déjeuners Mazars-l’Hémicycle avec Jean-Pierre Jouyet >P. 12-13 Expertise : Le Grand Paris avec Maurice Leroy >P. 14 40 % ! PHILIPPE HUGUEN / AFP Les dépenses agricoles représentent aujourd'hui plus de 40 % du budget européen. Les États membres doivent s’accorder sur une réforme de la Politique agricole commune (PAC). Celle-ci a été réformée pour la dernière fois en 2003, peu avant l'élargissement de l'UE à dix nouveaux États membres. Il s'agit donc maintenant de l'adapter en modifiant la répartition des subventions destinées aux agriculteurs de tous les États membres. Jorge Semprún ou la résistance dans la peau Pierre Lescure nous raconte cet ami qu’il a côtoyé pendant plus de vingt ans. Une vie marquée de bout en bout par la résistance au fascisme et à l’ordre convenu. > Lire p. 18 Méfions-nous des apparences ! C’est la conclusion de Brice Teinturier un mois après l’affaire DSK. Le directeur général d’Ipsos France estime que le séisme n’a pas encore produit tous ses effets. > Lire p. 5 Ferry par Tesson > Lire p. 20 Et aussi Après l’effacement forcé de DSK, la candidature de Martine Aubry est attendue dans les prochains jours. Et le duel entre l’actuelle première secrétaire et son prédécesseur s’annonce serré. Ces débats auxquels ils n’échapperont pas

description

l'Hémicycle numéro 412 du mercredi 15 juin 2011

Transcript of l'Hémicycle - #412

Page 1: l'Hémicycle - #412

Les thèmesdecampagne, chacunles connaît ou croit les connaître :l’immigration, la sécurité, l’assis-tanat, le pouvoir d’achat, l’emploi,l’éducation sansoublier la dette etles déficits, l’Europe et lamondia-lisation, lenucléaireet ledéveloppe-ment durable.De Jean-Luc Mélenchon à MarineLe Pen en passant par les écolo-

gistes, qui se cherchent, les socialistes, qui ont desérieusesdifficultésà se trouver, et ladroite, qui hésiteentre la candidature quasi unique de Sarkozy et l’auto-destructiondecandidaturesmultiples, chacunprépareson projet, fourbit ses armes et rédige ses 10, 20 ou100 propositions. Bref, à onze mois des élections,que du classique, tout juste bousculé il y a quelquessemaines par l’effacement pour le moins brutal etinattendu du favori des sondages.Unhors-jeuqui confirmeque l’imprévisibledemeure lamarque heureusement incontournable d’une cam-pagne électorale. Autrement dit on n’en restera pas làetd’autresthèmesvontsurgir,nettementmoinsbalisés.La Francedesannées 70 s’est déchirée sur la questiondel’avortement,celledesannées80sur lapeinedemort,trente ans plus tard un ancienministre de l’Intérieur seprononce pour la dépénalisation des drogues douces,les maires se divisent sur le mariage gay et les mora-listess’interrogentsur lesmèresporteuseset ledroitpourlescoupleshomosexuelsd’adopterdesenfants.Autantdequestionssociétalesquinepourrontplusdésormaisêtrebalayéesd’un reversdemainousevoir seulementopposer le rappel des lois existantes. Surgies dans ledébat national, elles vont le nourrir.D’oùqu’ils viennent, les futurs candidatsauront intérêtà s’en souvenir et nepas se contenter de répondrequecesontdesdébats tropcompliquéspourêtre tranchésd’unmot.Surcesthèmescommesur lesautres, l’esquiven’est plus de mise. Les Français ne pardonneront pasen 2012 à ceux qui tenteront de s’en sortirpar des faux-fuyants.

Le chiffre

Pour certains, ce devait être ledébut d’une marche triom-phale. Ceux-là n’hésitaient pas

à qualifier les primaires socialistes deprimaires de confirmation. Pourd’autres, c’était l’espoir de battre sur laligne d’arrivée le plus présidentiabledes présidentiables. Au terme d’undébat à la loyale qui aurait de toutefaçon valorisé les vainqueurs. Et voiciqu’en unmois ces scénarios idylliquesannonçant des lendemains qui chan-tent ont volé en éclats. L’effacement deDominique Strauss-Kahn a laissé K.-O.debout ses partisans et réduit au statutde numéro deux, candidat par défauttous ceux qui sollicitent les votesdes sympathisants de gauche. Dansquelques jours, tous les prétendants

seront connus. La plupart, de FrançoisHollande à Arnaud Montebourg enpassant par Ségolène Royal et ManuelValls, ont déjà fait un tour de chauffe.Ne manque à l’appel que la premièresecrétaire, Martine Aubry, qui n’a plusle choix et ne pourra se dérober. Bref,d’ici deux semaines le décor sera plan-té et le casting définitif. Pour autant lesquestions qui se posaient déjà avant lachute de DSK sont plus que jamaisd’actualité. Comment tous ces postu-lants qui sont censés porter un projetcommun vont-ils pouvoir se différen-cier sans se déchirer ? Etmême s’ils évi-tent que le choix du porte-drapeausocialiste ne se transforme en machi-ne à perdre, il faudra à ce candidatbeaucoup de talent et de force de

conviction pour effacer le trouble quia saisi une partie de l’électorat degauche. Certes, les sondages ne mon-trent pas jusqu’à présent un rebondsignificatif de Nicolas Sarkozy et unaffaissement mesurable du PS, mais ilest inimaginable que les événementsqui ont déjà spectaculairementmarquécette année pré-présidentielle ne lais-sent pas de traces. À droite, l’hypothé-tique future candidature Borloo créedéjà de fortes tensions. À gauche, lesinterrogations de l’après-DSKn’ont pasfini de polluer la vie du Parti socialiste.Et ce n’est pas la vraie-fausse « plaisan-terie » de Jacques Chirac apportant unsoutien corrézien à François Hollandequi va clarifier les choses ! R.N.

>Lire p. 2, 3, 5, 6 et 23

NUMÉRO 412 —MERCREDI 15 JUIN 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

JULIETTE

BOUDR

E

FRAN

COISGU

ILLOT/AFP

BERTRAND

GUAY

/AFP

Le PS à l’ère « primaires »

lhemicycle.com

JérômeSainte-Marie

P. 2

CarolineFourest

P. 3

BERTRA

NDLANGLOIS/A

FP

JACK

GUEZ

/AFP

Ausommaire • Rencontre avec Jean-Marie LeGuen>P. 6 •

Initiatives : Les nouveaux conseils de quartier de Bordeaux avecAlain Juppé>P. 8-9 •Focale :ChristineBoutin>P. 10 •Les petitsdéjeunersMazars-l’Hémicycle avec Jean-Pierre Jouyet>P. 12-13•Expertise : Le Grand Paris avecMauriceLeroy >P. 14

40%!

PHILIPPE

HUGU

EN/AFP

Les dépenses agricoles représentent aujourd'hui plusde 40 % du budget européen. Les États membresdoivent s’accorder sur une réforme de la Politiqueagricole commune (PAC). Celle-ci a été réformée pour ladernière fois en 2003, peu avant l'élargissement de l'UEà dix nouveaux États membres. Il s'agit donc maintenantde l'adapter en modifiant la répartition des subventionsdestinées aux agriculteurs de tous les États membres.

JorgeSemprúnou larésistancedans la peauPierre Lescure nous raconte cet ami qu’il acôtoyé pendant plus de vingt ans. Une viemarquée de bout en bout par la résistanceau fascisme et à l’ordre convenu. >Lire p. 18

Méfions-nousdesapparences !C’est la conclusion deBrice Teinturier unmoisaprès l’affaire DSK. Le directeur général d’IpsosFrance estime que le séisme n’a pas encoreproduit tous ses effets. >Lire p. 5

Ferry par Tesson >Lirep. 20

Et aussi

Après l’effacement forcédeDSK, la candidaturedeMartineAubryest attenduedans les prochains jours. Et le duel entre l’actuellepremière secrétaire et sonprédécesseur s’annonce serré.

Ces débats auxquelsils n’échapperont pas

H412_p01:L'HEMICYCLE 13/06/11 18:12 Page 11

Page 2: l'Hémicycle - #412

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Agora

Unmoisaprès l’affaireDSK, jusqu’àquel point est touché lePS?Il est touché de manière para-doxale. Si on ne regarde que l’opi-nion, les choses sont rassurantespour lui. On mesure sondageaprès sondage que la cote des per-sonnalités socialistes monte nonseulement à gauche, mais chezl’ensemble des Français. Com-ment l’expliquer ? DominiqueStrauss-Kahn écrasait tout le pay-sage et prenait toute la lumière.Les sympathisants de gauche ontéprouvé le besoin de reporter leurconfiance vers un autre candidatpossible. Ils ont eu peur du vide.Mais si le choc immédiat sembleavoir des effets limités, cela ne si-gnifie par pour autant que, sur lelong terme, il ne sera pas nuisibleet que le PS ne le traînera paslongtemps. D’abord, après l’aban-don de Dominique Strauss-Kahn,Martine Aubry et François Hol-lande ont tous les deux profité del’effet « peur du vide », que j’évo-quais, de manière similaire. Ré-sultat, ce sera une difficulté plusgrande pour le PS. Avant, il y avaitun champion, désormais il y adeux challengers à égalité, et celachange tout. Martine Aubry etFrançois Hollande ont le mêmeniveau de sympathie et de légiti-mité. Leur profil idéologique estassez semblable. Ce combat incer-tain risque de provoquer plus deviolence et d’apparaître reposerd’abord, aux yeux des Français,sur des ambitions personnelles. Si

on a deux candidats à peu près aumême niveau, sur quoi se fera ladifférence ?

Qu’est-cequecela changepour lesprimaires?Elle sera plus disputée, il y auraplus de suspense, mais aussi plusde dégâts. Une élection à deuxtours est très probable. Or, un se-cond tour creuse toujours plus les

divisions et laisse toujours plus detraces. Le vainqueur qui en sortirasera donc plus abîmé, plus uséphysiquement et politiquement.Ce sera aussi de ses équipes. Etpuis, il faut ajouter que l’affaireDSK viendra régulièrement d’ou-tre-Atlantique gêner la campagne.La confrontation entre la plai-gnante et l’accusé peut être dé-vastatrice pour la gauche, où ondénonce la justice de classe plutôtque l’on s’en félicite. Il y a déjà dûavoir un premier dégât non négli-geable : les réactions de certainssocialistes auront mis à mal les va-leurs du féminisme que la gaucheest censée défendre. D’un point

de vue général, cela va rendremoins manichéen l’affrontementavec Nicolas Sarkozy.

Lesprimaires sontdevenuesunmatchdesecondedivision?Dans un premier temps au moins,elles vont ressembler aux jeuxOlympiques de Moscou ou de LosAngeles : le manque d’une partiepuissante se fera sentir. Mais rapi-

dement, l’opinion de gauche va seprendre au jeu. Les primaires nelaisseront pas indifférents. DSKétait porteur de deux forces : lapromesse de la victoire quasi as-surée et son image de centregauche. Qui de Martine Aubry etFrançois Hollande les récupérera ?Aujourd’hui, aucun des deux.Mais on peut d’ores et déjà estimerque celui qui sortira des primairesrisque d’être ramené davantage àl’espace classique de la gauche etde moins mordre au centre.

MartineAubryest-elle un recourscrédible?Oui. Martine Aubry bénéficie

d’une image solide. Elle apparaîtcomme un recours pour les sym-pathisants socialistes, comme unefemme qui ne ménage pas ses ef-forts, alors que pourtant elle necache pas ses réticences face à unecandidature. Elle est la candidatede la stabilité et sa casquette depremière secrétaire ne l’handicapepas pour le moment. En revanche,ce que l’on ne mesure pas encore,

c’est si le fait d’être soutenu partous les éléphants du parti ne ladessert pas. Les primaires ne sontpas un congrès socialiste. Ellessont un combat ouvert et public.Il n’est pas certain dans cecontexte qu’une telle coalitionsoit un avantage pour elle.

Pensez-vous, commed’autres,queFrançoisHollandeadumalàpasserdustatutdechallenger àcelui de favori ?Il a été pris à contre-pied par l’évé-nement DSK. Son slogan de « pré-sident normal », utilisé commeune arme anti-DSK, lui a permisde progresser dans les sondages

depuis janvier et de s’affirmercomme un candidat crédible.Mais aujourd’hui sa candidature abesoin d’être repensée quant à safinalité. Il doit présenter une jus-tification forte aux Français face àcelle qui fédère la famille socia-liste. François Hollande a unatout : il est perçu davantagecomme le candidat du mouve-ment que Martine Aubry.

SégolèneRoyal fait, elle, un retourremarqué…Dans ce jeu à trois, le niveau dequalification a baissé. Elle, quiétait pourtant très abîmée, re-trouve de l’allant. On constatepour elle un frémissement favora-ble. Elle aura quand même à com-battre dans l’opinion de gauche lacrainte encore plus grande de ladivision.

EtValls,Montebourg,Moscovici ?Il n’y a aucun réel mouvement fortautour de ces trois personnalités.Pierre Moscovici a une vraie diffi-culté à être perçu comme l’héritierstrauss-kahnien. Manuel Valls estidentifié à un sujet, la sécurité,mais celui-ci l’isole plutôt à gauche,car il n’est pas au cœur des préoc-cupations. Seul Montebourg, grâceà son positionnement détonant,pourrait vraiment tirer son épingledu jeu.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

«L’AFFAIRE DSK VIENDRA RÉGULIÈREMENTD’OUTRE-ATLANTIQUE GÊNER LA CAMPAGNE.

D’UN POINT DE VUE GÉNÉRAL, ÇA VA RENDREMOINS MANICHÉEN L’AFFRONTEMENT AVECNICOLAS SARKOZY »

JÉRÔME SAINTE-MARIEDIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINTDE L’INSTITUT CSA

Pour Jérôme Sainte-Marie, quels que soient les sondages du moment, le PS risque de traîner l’affaireDSK comme un boulet. Le directeur général adjoint de l’institut CSA estime que sans DominiqueStrauss-Kahn les primaires socialistes seront plus disputées mais, du coup, feront plus de dégâts.

«Avant, il y avait un champion, désormais il y a deuxchallengers à égalité, et ça change tout»

BERT

RAN

DLA

NGL

OIS

/AFP

H412_p02-03:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:27 Page 2

Page 3: l'Hémicycle - #412

NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 3

Unmoisaprès l’affaireDSK,commentva lePS?Il est toujours un peu sonné, maisplus ouvert à la compétition. Lechoix de DSK aurait pu être faitpar dépit, parce qu’il apparaissaitcomme le mieux placé pour assu-rer la victoire face à Nicolas Sar-kozy. Cette affaire va redonner dupiment aux primaires, qui intéres-seront, il faut l’espérer, les Fran-çais. Deux types de candidats s’ysoumettront. Il y a ceux qui repré-sentent un peu le choix de la rai-son, François Hollande et MartineAubry. Et puis il y a ceux qui re-présentent un pari plus osé, Ma-nuel Valls et Arnaud Montebourg.

Celane l’affectepasplusquecela?Cela a été un bouleversementsincère et affectif pour ceux quiavaient vuDominique Strauss-Kahnquelques jours auparavant. Aupointde vue politique, c’est un vraiséisme. Mais il est arrivé assez tôtdans la campagne pour permettreau PS de s’en relever. D’où l’intérêtpour le PS de traiter cette affairecommeun accident personnel, d’es-sayer d’avancer sur le débat de fondet de ne pas nier les sujets que cetteaffaire a soulevé : les questions deharcèlement sexuel, demachisme…Le plus dur pour le PS sera de faireoublier qu’ils ont failli remettre ledestin du pays entre les mains dequelqu’un qui donne le sentimentd’incarner davantage la dominationque la défense des opprimés.

Enquoi cetaccidentaffaiblit-il lagaucheet sonprochainchampiondanssoncombat faceàNicolasSarkozy?Ceux qui avaient un problème avecle côté bling-bling de DominiqueStrauss-Kahn et qui le trouvaient unpeu éloigné du quotidien des Fran-çais pouvaient se consoler en sedisant qu’avec lui la France conser-verait une place dans le monde. Lescandidats restant en lice n’ont pas

cette envergure. Or, le bilan inter-national deNicolas Sarkozy est sansdoute la meilleure partie de sonbilan. Et puis, c’est un animal poli-tique redoutable. Surtout dans l’ad-versité et en campagne. Pour lemoment, on ressent le besoin d’unecandidature alternative plus « nor-male », en tout cas plus simple etplus proche des Français,mais il fautêtre certain que cette posture tien-dra le choc jusqu’au bout face àNicolas Sarkozy. Plus près del’échéance, l’envie de hauteur qui vaavec la fonction présidentielle re-prendra le dessus.

LematchannoncéentreMartineAubryetFrançoisHollandeest-ilà lahauteurd’uneprésidentielle?On a le sentiment que l’on va vivre

d’abord une compétition entre despersonnes qui feraient d’excellentspremiers ministres. Mais ce qui estintéressant dans ce match, c’estque, contrairement à la dernièreprimaire, ce n’est pas la candidatefemme qui souffre d’un manqued’expérience. Cette critique faite àSégolène Royal en 2006 ne pourrapas l’être à Martine Aubry. Elle al’expérience gouvernementale, pasFrançois Hollande. Nicolas Sarkozy

a considérablement rajeuni etmême parfois rabaissé la fonctionprésidentielle. La question est desavoir si les Français veulent plus dehauteur et de dignité ou s’ils veu-lent, finalement, continuer sur unmode hyperactif.

Voussemblez trèssceptiqueausujetdeFrançoisHollande…Son bilan commepremier secrétairedu Parti socialiste ne plaide pas vrai-ment en sa faveur. Même s’il plaît àceux qui n’ont pas envie de pren-dre de risque. C’est la candidaturetranquille qui donnera le moinsprise à ses adversaires. Soulèvera-t-elle durablement l’enthousiasmeau-delà des cercles journalistiquesoù on le trouve très sympathique ?À la télé, il ne parvient pas à trans-

mettre la sympathie qu’il inspire enprivé. C’est un vrai handicap.

Quellessont les forceset faiblessesdeMartineAubry?Elle a de grandes qualités de proxi-mité, de sincérité. Elle a une imageanti-bling-bling qui tranche avecNicolas Sarkozy. Ses choix budgé-taires ne promettent pas d’être no-vateurs, mais au moins ils serontredistributeurs. Reste une faille de

taille : à Lille, elle a beaucoupcomposé avec les composantescommunautaires. Elle a cru trèslongtemps au multiculturalismenaïf. Le projet du PS, notammentsur l’égalité réelle, est davantagerecadré autour d’une vision plusuniversaliste et laïque de la Répu-blique. Si elle arrive à persuaderqu’elle a tiré les leçons de sa pra-tique locale et croit à ce position-nement universaliste, républicainet laïc au niveau national, ellepourra gommer cette faiblesse, surlaquelle ne manquera pas d’ap-puyer Marine Le Pen. Sinon…

EtSégolèneRoyal?Son sens du timing la rapproche deNicolas Sarkozy. Son positionne-ment un peu Jeanne d’Arc ferait sé-

rieusement de l’ombre à MarineLe Pen. Peut-être trouvera-t-elle del’oxygène et reviendra-t-elle ? Il nefaut rien exclure. Mais son profiln’apparaît pas toujours rassurant etcrédible quand tant de défis lourdset angoissants nous attendent.

Comment jugez-vous leschancesdeManuelVallsetd’ArnaudMontebourg?Valls a un positionnement très cou-rageux sur les questions de laïcitéet d’ordre public. C’est un mairequi a un vrai bilan à Évry. Mais ilmanque d’ancrage à gauche, parlepeu d’économie, et les militants PSne sont pas vraiment sensibles àson côté Nicolas Sarkozy degauche. Tout dépend donc de quivotera aux primaires.Montebourg a écrit deux livres pas-sionnants, riches de propositions,d’utopies et d’idéaux. Sa démon-dialisation pourrait servir de pontvers la gauche de la gauche. Il a unehistoire personnelle intéressante,un vrai métissage républicain, maisaussi une image de procureur dontil a dumal à se défaire. L’un et l’au-tre feraient certainement respecti-vement un très bon ministre del’Intérieur et un très bon ministrede la Justice. À eux de convaincrequ’ils peuvent incarner plus.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

Agora

«L’INTÉRÊTDU PS EST DE TRAITER CETTEAFFAIRE COMMEUNACCIDENT PERSONNEL »

«D’unpoint de vue politique, l’affaire DSKest un vraiséisme.Mais il est arrivé assez tôt dans la campagne

pour permettre auPSde s’en relever»Cependant, CarolineFourest penseque la revendicationdenormalité affirméepar FrançoisHollandepeut constituer un risque faceà lapostureprésidentielle que sedonneraNicolasSarkozy. La journaliste estimeque l’actuel Présidentdemeureunanimal politique redoutable.

JACK

GUEZ

/AFP

CAROLINE FOURESTJOURNALISTE ET ÉCRIVAIN

H412_p02-03:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:27 Page 3

Page 4: l'Hémicycle - #412

Quel mois de folie, Mes-dames ! Depuis l’arrestationdeDominique Strauss-Kahn

à New York le 14 mai, et la démis-sion du gouvernement de GeorgesTron le 29, il paraît que « la parolese libère » à l’Assemblée nationale.À entendre certains récits, ons’est demandé si le Palais-Bourbonn’était pas subitement devenu unlieu de perdition, de harcèlement etde luxure, entre plaisanteries grave-leuses et gestes déplacés (à propos :quand verra-t-on une femme giflerun homme dans l’hémicycle ?). Ils’est même trouvé une ministre,Chantal Jouanno, pour affirmerqu’elle n’osait plus venir en jupepour répondre aux questions augouvernement.Au bout d’une semaine de confi-dences qui n’étaient pas faites surl’oreiller, les députés de sexe mas-culin étaient à cran, observantdans les couloirs, mi-goguenards,mi-exaspérés, leurs consœurs ré-pondre aux micros qui ne man-quaient pas de se tendre, deChantal Brunel (UMP, Seine-et-Marne) à Aurélie Filippetti (PS, Mo-selle). Du coup, certaines députées,emmenées par Bérengère Poletti(UMP, Ardennes) et Valérie Boyer(UMP, Bouches-du-Rhône), ont prisle contre-pied. C’était le 31 mai,et elles étaient venues en jupe. « Jene voudrais pas que les Français pen-sent que l’Assemblée nationale est unbarnum. Est-ce que j’ai souffert dansmon travail d’attitudes machistes ?Oui. Est-ce que je me suis sentie har-celée ? Non. Nous avons été l’objet decaricatures ces derniers jours », décla-rait ainsi Valérie Boyer, ajoutant :« On n’est pas des gamines. J’aime-rais bien que ma vie soit comme àl’Assemblée nationale, où tous les dé-putés arrivent de la même manière,

par le suffrage universel, et où il y aégalité de salaire, ce qui n’est pas lecas dans la plupart des entreprises. »Le président de l’Assemblée natio-nale, Bernard Accoyer, a fini partaper du poing sur la table : « Jem’insurge contre les allégations qu’il yaurait à l’Assemblée des comporte-ments différents de ce qu’ils sont danstous secteurs de la société [...]. Il n’y ena pas plus qu’ailleurs ». De son pro-pre aveu « interloqué », il a demandéque cesse cette « stigmatisation » dela maison sur laquelle il veille.Mais ce coup de chaud antisexiste

ne cache-t-il pas le vrai problème,celui de la place réelle des femmesau Parlement ? Il y a 107 femmesà l’Assemblée sur 577 sièges, soit18 %. Elles étaient 33 en 1945, 8 en1958, 63 en 1997. On progresse.Lentement, trop lentement. LeSénat est mieux loti : 75 femmessur 343, soit 21 %, grâce au scrutinproportionnel en vigueur dans les

départements où il y a quatre séna-teurs ou plus. Encore la parité est-elle parfois contournée. JacquelineGourault (Union centriste, Loir-et-Cher) remarque que pour le renou-vellement sénatorial de septembreprochain, la tête de liste est unhomme dans 95 % des cas. Ce quientraîne certains candidats de sexemasculin, déçus de n’être que troi-sième de liste, à constituer une listedissidente. Pour l’Assemblée, c’estconnu, les partis politiques préfè-rent payer des indemnités que pré-senter des femmes…

Et une fois élues, où sont lesfemmes ? Pardi ! surtout à la com-mission des Affaires sociales, unbon vieux sujet « pour les filles » (26sur 72, soit 36 %). Beaucoupmoinsau sein de la prestigieuse commis-sion des Finances (7 femmes sur 73,soit 9 %). Ni aux Affaires étrangères(9 sur 73). Une seule femme, Mi-chèle Tabarot (UMP, Alpes-Mari-

times) est présidente d’une com-mission, et elle l’est devenue encours demandat grâce à la créationde la commission des Affaires cultu-relles. Au Sénat, Muguette Dini(Union centriste, Rhône) préside lacommission… des Affaires sociales.Nicole Borvo préside le groupe dessénateurs communistes.Mais à l’As-semblée, la femme présidente degroupe reste une espèce à inventer.Et bien sûr, aucune femme n’a ja-mais présidé aucune des deuxchambres, où elles se contentent dedeux vice-présidentes.Membre de la commission desFinances, Aurélie Filippetti ajouteencore du noir au tableau, en sedésolant, toutes opinions poli-tiques mises à part, du probabledépart de Christine Lagarde dugouvernement : « Dans les gensqu’on auditionne, il n’y a que deshommes, raconte-t-elle. Un jour, uneprésidente de chambre de la Cour descomptes est venue : elle a été à peineécoutée. On entend peu la voix desfemmes et le pire, c’est que les hommesne s’en rendent même pas compte ! »Plus optimiste, la Marseillaise Va-lérie Boyer affirme que « quand onveut travailler à l’Assemblée, per-sonne ne vous en empêche. » Ses pro-pres déboires sont ailleurs : élue en2007 dans une circonscription ré-putée perdue d’avance (celles quel’on donne souvent aux « bonnesfemmes »), elle avait gagné dans lefief historique de la famille Masse.Mais sa circonscription, depuis, aété redécoupée. Valérie Boyer en-visage de s’exiler vers le Parlementeuropéen, où le sexisme est quasiabsent. « Avec les Nordiques, çane risque pas ! », s’amuse MarineLe Pen. Ça ne consolera pas Valé-rie Boyer, qui soupire : « J’ai étéflinguée. »

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Plan large

Les femmes à l’Assemblée :le compte n’y est pas

Non aux baignadesinterditesPeut-onréclamer lanationalité françaiseet interdire la piscine à sa femme ?La réponse est non. Leministre de l’In-térieur vient, on le sait, de refuser la na-turalisation à un Algérien marié à uneFrançaise. Motif : refus d’intégration.L’homme empêchait sa femme de tra-vailler,des’exprimeret l’empêchaitégale-ment de sortir librement. Cerise sur legâteau, il cherchaitàse faireoctroyerplusou moins frauduleusement une pen-sion d’invalidité, ce qui, bizarrement,n’était d’ailleurs pas l’obstacle majeur.Qu’est-ce finalementque l’intégration?En résumé, c’est le droit pour unefemme d’aller se baigner même si sonmari n’est pas d’accord. Autrefois c’é-tait de la jalousie, aujourd’hui c’est uneatteinte aux droits civiques.À juste titre d’ailleurs, car pourquoiempêcherait-on une femme d’aller serafraîchir ? Peut-on raisonnablementdéfendre à une Française digne de cenom de parler sans l’accord de sonmari, peut-on la priver de jogging oud’essayer un régime –même inefficace.Peut-on enfin lui interdire deporter unbermuda au risque d’être ridicule ?Réponse, non. Ou alors il faut qu’elley trouve du plaisir, ce qui n’est pas lesujet de cette chronique.Le code de la nationalité réclame ladémonstrationd’unvrai désir d’assimi-lationauxvaleursde laRépubliquepourdevenir Français. Assimilation, intégra-tion,cesontdesmotstropflouspourêtrebien compris et surtout bien appliqués.D’autant que les réponses ne sont pastoujours faciles. Question : peut-onrefuser la naturalisation à un hommemarié qui a reconnu les enfants de sesmaîtresses. Oui, si l’on considère qu’ils’agit, c’est courant, de polygamie clan-destine. Non, si l’on considère cesfemmes comme des parents isolés depetits Français ? Peut-on admettre quedesaspirantscitoyensnepuissent lireenFrançais ni expliquer ce qu’est laDécla-rationde1789?Peut-onadmettrequ’unFrançais refusequ’unmédecin-hommesoigne sa femme, peut-on admettrequ’unFrançaisoblige sa femmeàporterla burqa ? Réponse, non. Pourquoi ?Parce que la République, la nôtre, estfondée sur le principe majeur de l’Éga-lité, l’égalité des sexes, qui ont, tous lesdeux, les mêmes droits à vivre dans ladignité et l’indépendance.Onn’apeut-être pas été très vigilant ces dernierstemps. Personne ne peut venir s’abritersous le drapeau tricolore sans accepterque l‘autreait lamême libertéquevous.Il nous a fallu des siècles – et l’ouvragen’est pas terminé – pour considérerqu’une femme vaut un homme et nonpas douze chameaux. Tant qu’on n’estpasd’accord sur ceprincipe, cen’estpasla peine de venir vivre avec nous.

L’opinionde Paul Lefèvre

DR

Aurélie Filippetti à la pointe du combat pour les femmes à l’Assemblée.Approuvée par beaucoup, elle en agace certaines. PHOTOPATRICKKOVARIK/AFP

Boudée par les syndicats et le patronat,cette initiative a pour l’opposition des

allures de « miroir aux alouettes », tandis qu’ellesuscite des réticences dans la majorité. Lancéemi-avril dans une certaine confusion, cette primedevrait concerner quatre millions de salariés.Pour le ministre de l’Emploi, Xavier Bertrand, ils’agit de « satisfaire le principe d’équité » plusque « résoudre le problème du pouvoir d’achat ».Selon les projections calculées notamment encomparaison du bonus versé en 2006, cette

prime, dite de « partage de profit », atteindrait700 euros. Il est prévu que le montant de laprime soit fixé par la négociation. Si celle-ciéchoue, elle le sera unilatéralement. « En réalité,ce dispositif très aléatoire concernera très peude salariés, et le patronat envisage déjàouvertement de le contourner », a jugéJacqueline Fraysse (GDR) au cours des débats encommission, tandis que Jean Mallot (PS) parlede « loterie » et « de miroir aux alouettes ».De l’aveu du député UMP Yves Bur, rapporteur

du projet de loi rectificatif de la Sécurité socialequi inclut le dispositif, « il y a au sein du groupeUMP beaucoup de réticences à accepter cemécanisme ». « Cela favorise les salariés desgrandes entreprises », analyse-t-il. Pour essayerde rétablir un peu l’équilibre, la commission desAffaires sociales a adopté la semaine dernière unamendement UMP pour les entreprises de moinsde 50 salariés. Celles-ci pourront conclure unaccord d’intéressement pour une durée d’un an,contre trois ans actuellement. J.G.

Sexisme,harcèlement, histoires grivoises, gestesdéplacés : depuis les affairesDSKetTron, les femmesparlent dans les couloirs de l’Assembléenationale.Quitte àénerver leurs collèguesmâles... etmêmed’autres femmes.Par Béatrice Houchard

La prime « dividendes », très décriée, examinée à l’Assemblée

H412_p04-05:L'HEMICYCLE 13/06/11 18:09 Page 4

Page 5: l'Hémicycle - #412

Le déclenchement de l’affaireDSK a suscité unemultitudede commentaires à chaud

sur ses conséquences politiques.Un mois après, et même si elle estloin d’être finie, tant dans sondéroulement judiciaire que dans cequ’elle peut générer en terme d’opi-nion, un premier bilan peut néan-moins être tenté.

Des évolutions

d’opinion plus que

des bouleversements

En première lecture, l’affaire DSKn’a pas ou peu modifié quatregrands éléments : les rapports deforce électoraux, l’image du PS,celle de la classe politique et la po-pularité du Président.Les rapports de force électoraux :les enquêtes d’intentions de voteréalisées avant et après le 15 maifont apparaître un léger tassementen faveur du vote PS plutôt qu’unbouleversement. Dans les en-quêtes Ipsos-Logica BusinessConsulting pour France Télévi-sions, Radio France et Le Monde,François Hollande obtiendraitainsi 29 % des intentions de voteet Martine Aubry 27 %, là où DSKse situait plutôt à 32 %. Cettebaisse est toutefois plus impor-tante si l’on raisonne en rapportsde force gauche-droite. Deux phé-nomènes se sont en effet cumu-lés : un amoindrissement du blocde gauche, mais aussi un change-ment de nature : avec le retraitd’Olivier Besancenot de la compé-tition, le NPA passe dans la mêmepériode de 6 % à moins de 2 %,sans que cela profite à Jean-LucMélenchon. Il semble donc queles électeurs du NPA se soient re-portés sur les candidats du PS,Hollande ou Aubry, compensantainsi une perte en réalité plus im-portante, et de l’ordre de 5 à 6points, d’électeurs votant pourDSK quand il était là et quittant lagauche quand il ne l’est plus.C’est pourquoi il faut parler d’unréel affaiblissement potentiel, àdéfaut d’un bouleversement.L’image du PS, contrairement à ce

qui avait été annoncé par cer-tains, n’a pas fondamentalementvarié : certes, 11 % des Françaisdéclarent que leur opinion àl’égard du PS s’est détériorée et1 % qu’elle s’est améliorée, mais

l’immense majorité (85 %) qu’ellen’a pas changée et que cela n’arien à voir avec l’affaire DSK. Il ya donc, là aussi, un affaiblisse-ment, non un retournement.L’affaire DSK ne semble pas nonplus avoir éclaboussé la classe po-litique en général : après la ten-dance baissière observée en avril,le baromètre Ipsos-Le Point estmarqué par un rebond généralisédes cotes de popularité : on y me-sure 29 hausses contre seulement3 baisses, et 4 personnalités sta-bles. En hausse de 2 points, cen’est pas Marine Le Pen qui « pro-fite » le plus de l’affaire DSK, maisbel et bien François Hollande etMartine Aubry. Avec 52 % d’avisfavorables, le premier cumule unehausse de 18 points depuis l’été etobtient son meilleur score depuis

son entrée dans ce baromètre en1998. Quant à Martine Aubry, ellebénéficie de la même dynamiquepositive, gagne 6 points et enre-gistre son meilleur résultat en dixans.

Enfin, Nicolas Sarkozy ne bénéfi-cie pas, au moins à court terme,de l’affaire DSK : sa popularité re-monte légèrement mais demeurebasse ; par ailleurs, ce phénomènede remontée, également percepti-ble dans les intentions de vote,démarre avant le 15 mai et ren-voie à d’autres causes.Sur la base des enquêtes réaliséesdepuis un mois, tout porte doncà croire que la gauche et le PSsortent certes affaiblis de cette sé-quence, mais plutôt « un peu »que « beaucoup », comme si unphénomène de résilience étaitdéjà à l’œuvre. Pour autant, ilnous semble que les consé-quences de cette affaire sont enréalité bien plus profondes que ceque ces seuls indicateurs laissentenvisager.

Le Parti socialiste était en passe decombler deux faiblesses fondamen-tales qu’il avait jusque-là : se doterd’une plate-forme programmatiqueconstituant un socle de proposi-tions conséquent et acceptable parl’ensemble de ses candidats aux pri-maires : c’était chose faite.

Se doter par ailleurs d’un leaderfort et légitime. C’était ce qui sedessinait au travers des primairesqui, tout en opposant de vérita-bles candidats – DSK, FrançoisHollande, Ségolène Royal peut-être – prenaient des allures de pri-maires apaisées et orientées enfaveur de Dominique Strauss-Kahn. Or, c’est l’ensemble de ceprocessus qui est totalementremis en question. DSK hors jeu,la crise de leadership du Parti so-cialiste revient par la grandeporte : des légitimités fortes et denature différente s’affrontent :celle de Martine Aubry, de Fran-çois Hollande, de Ségolène Royal ;des candidats supplémentairesentrent en jeu : Manuel Valls,Arnaud Montebourg, Pierre Mos-covici peut-être. On s’orientedonc vers des primaires d’affron-tement, à l’issue incertaine, etsans que le processus escompté delégitimation accrue du candidatainsi sélectionné soit assuré.L’autre conséquence forte del’éviction de DSK concerne laquestion de la mondialisation :avec Dominique Strauss-Kahn, cedébat aurait eu lieu lors de la pri-maire. Mais il n’aurait pas consti-tué un thème dominant, neserait-ce que parce que FrançoisHollande et DSK n’étaient pas enopposition frontale sur ce sujet.Sans ce dernier, il en va tout au-trement. Le risque pour le PS est

donc celui d’une réactivationd’un clivage profond, voire d’unefracture centrale, tout cela sous leprojecteur des primaires.Dominique Strauss-Kahn disposaitdans l’opinion d’un atout très spé-cifique pour un affrontementfutur contre Nicolas Sarkozy : uneprésidentialité avérée, issue de sacompétence supposée dans le do-maine économique mais aussi, etsurtout, de son expérience en ma-tière de crises internationales, desa connaissance des rouages de lamondialisation et du niveau de ses

interlocuteurs habituels : des chefsd’État. Or, traditionnellement, laprésidentialité ne s’obtient qu’unefois élu. Ne pas l’avoir n’est doncpas un handicap insurmontable,mais l’avoir avant d’être élu est unatout considérable.

Retour d’un

affrontement

gauche-droite

Enfin, Dominique Strauss-Kahnattirait au-delà de la gauche tradi-tionnelle et séduisait aussi unefraction d’électeurs plus âgés et decentre droit. Cette capacité à fairebouger les lignes est aujourd’huiamoindrie pour le candidat du PS,même si François Hollande l’in-carne un peu plus que MartineAubry – mais qui ne s’est pasencore déclarée – et donc le posi-tionnement peut évoluer.Il est donc possible que la prési-dentielle de 2012 se joue davan-tage autour d’un affrontement« bloc contre bloc », « gauchecontre droite » que cela n’auraitété le cas dans l’hypothèse d’unDSK candidat.Plus que jamais, et même siaujourd’hui le PS fait la courseen tête, la présidentielle de 2012reste donc une élection ouverte.

NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 5

Méfions-nous des apparences !Un mois après l’affaire DSK

Pour le directeur général d’Ipsos France, les conséquences de l’effacement de l’ancien patrondu FMI sont bien plus profondes que les indicateurs ne le laissent envisager aujourd’hui.Le PS est plus touché qu’il n’y paraît.

PATR

ICKKO

VARIK/A

FP

Plan large

Par Brice Teinturier

«LE PROCESSUS ESCOMPTÉDELÉGITIMATIONACCRUEDU

CANDIDAT PSN’EST PLUS ASSURÉ »

Une nouvelle crise

de leadership au sein

du PS

H412_p04-05:L'HEMICYCLE 13/06/11 16:57 Page 5

Page 6: l'Hémicycle - #412

Ah ! C’est un coup de foudre !...– oui, mon règne est passé,Gudiel ! – renvoyé, disgracié,

chassé ! –Ah ! Tout perdre en un jour ! – L’aven-ture est secrèteEncore, n’en parle pas. – oui, pourune amourette,– Chose, à mon âge, sotte et folle,j’en conviens ! –Avec une suivante, une fille de rien ! »Ce n’est pas DSK qui parle, maisDon Salluste (Ruy Blas, Acte I,scène 1), et Victor Hugo poursuit :« Mon crédit, mon pouvoir ; tout ceque je rêvais,Tout ce que je faisais et tout ce quej’avais,Charge, emplois, honneurs, tout enun instant s’écrouleAu milieu des éclats de rire de lafoule ! »Jean-Marie Le Guen finit de lire letexte. Serre les mâchoires. L’émo-tion est palpable. Les images sebousculent. Cette terrible nuit du15 mai. DSK menotté, hagard, en-touré de policiers dans la nuitnew-yorkaise. « Un uppercut !Un choc d’une violence extrême »,avoue-t-il. Cette nuit-là touts’est écroulé. Tragédie humaine.

Tsunami politique. Leur cham-pion n’est plus. Rêves brisés.Atomisés plutôt. Le roi est nu.L’état-major de DSK, déboussolé.« Devait-on ou non s’exprimer ? Ons’interrogeait... On a vécu quatrejours sous le feu roulant d’une infor-mation extrêmement violente... J’aiété le premier à parler. »

Ces convictions n’ont pas varié.« Je ne crois pas du tout à la vio-lence... On ne devient pas un violeurà 62 ans. Je sais... je le connais ! »Aujourd’hui, le député de Pariss’interroge. « Comment Dominiquepeut-il faire face psychologiquementà cette situation ? » Le médecinqu’il est n’a pas la réponse. L’aminon plus d’ailleurs. « Je fais passerdes mots d’amitié à Anne... » C’est

tout ce qu’il peut faire. C’est peuet beaucoup. Le Guen ronge sonfrein. Il voudrait faire plus, êtreaux côtés de son ami de trenteans. « Je n’exclus pas d’aller le voirfin juillet. » Faudrait-il encore quela justice américaine le permette.Jean-Marie Le Guen est économede ses émotions. Un regard qui se

voile l’espace d’une seconde, unserrement de mâchoires, plusprononcé... L’homme est atteintau plus profond de lui-même.L’animal politique reprend vite ledessus. Question de pudeur, oud’élégance.« Ce qui m’a frappé, c’est la façondont les Français ont réagi. En fait,ils avaient déjà voté... On étaitdéjà élu ! Ils ont réagi, parce que

Dominique était porteur d’espérance.Une espérance brisée qui va avoirdes conséquences. » En clair, Jean-Marie Le Guen est à la manœuvre.« Il faut reconstruire ! tonne-t-il. Ilne faut pas que les primaires soientune espèce de congrès du PS, mais undébat d’orientation politique. Ceuxqui pensent que l’on peut gagner avec

le projet PS se trompent. Cela ne suf-fit plus ! » Autrement dit, lesstrauss-kahniens se posent enfaiseur de roi, ou de reine. Alorsqui, de François, Martine, ou Sé-golène ? « Je fais fi des a priori quej’ai pu avoir à un moment. » L’œilse fait matois.« J’existe indépendamment deDominique... » Il reconnaît sanspeine qu’il était « surprogrammé »

pour être ministre de la Santé ;mais la Défense l’intéressait beau-coup... Il jette un œil sur son télé-phone qui vibre. « Je m’intéresseaussi à la mairie de Paris. »Le sourire est carnassier. AnneHidalgo, la dauphine de Delanoë,a du souci à se faire. Sans l’avouer,il doit déjà rêver d’un duel LeGuen / Fillon.Trente ans de politique. Poidslourd du PS. À près de soixanteans, Le Guen repart à l’attaque.Tel un phœnix, il espère bien re-naître de ses cendres. Le bûcherdes vanités, allumé par l’ami DSK.

Jean-FrançoisCoulomb des Arts

Rencontreavec

JEAN-MARIE LE GUENDÉPUTÉ PS DE PARIS

Comment allez-vous ? « Ça va... parce qu’il est nécessaire que ça aille ! »Avec Jean-ChristopheCambadélis etPierreMoscovici, Jean-Marie LeGuenétait l’undesdirigeantsduPS trèsprochesdeDSK. Il nedoutait pasde la candidaturedudirecteur général duFMI,nimêmede sonélection enmai 2012. Le 14mai dernier, ce n’est pas seulement ledestindeDominiqueStrauss-Kahnqui s’est brisé.

L’homme blessé

3 dates

197311 septembre : « Le coupd’État au Chili, qui

déclenchemonadhésion auPS. »

198110mai : « J’étaisl’organisateur de la fête

de la Bastille... »

201115mai : « Dominique engarde à vue àNewYork,

le choc sidéral. »

PHOTOMEHDI FEDOUACH/AFP

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

«LE GUEN RONGE SON FREIN. IL VOUDRAITFAIRE PLUS, ÊTRE AUXCÔTÉS DE SON AMI

DE TRENTE ANS. “JE N’EXCLUS PAS D’ALLERLE VOIR FIN JUILLET.” FAUDRAIT-IL ENCOREQUE LA JUSTICE AMÉRICAINE LE PERMETTE »

«

H412_p06:L'HEMICYCLE 13/06/11 17:03 Page 6

Page 7: l'Hémicycle - #412

SERVICE

MONDECROISSANCE

FINANCEVISIONDEBATS

ENGAGEMENT

PUBLIC

EXPERTISEMazars est un groupe international d’audit et de conseil qui rassemble les compétences de 13 000 professionnels présents dans 61 pays.

Grâce à ses équipes pluridisciplinaires, Mazars accompagne les grandes sociétés internationales et les PME

dans/à toutes les étapes de leur développement : création, gestion, développement, cotation, transmission,

expansion internationale, fusions…

Depuis sa création, Mazars s’est toujours affirmé comme une organisation intimement liée à la société dans

laquelle elle évolue et a toujours eu la volonté de s’impliquer dans le débat d’idées.

C’est dans cet esprit qu’en 2004 Mazars a créé avec L’Hémicycle des rendez-vous privilégiés, réunissant personnalités politiques et dirigeants d’entreprises afin d’échanger et de réagir

sur l’actualité législative et réglementaire, de contribuer au débat, autour de thèmes aussi variés que

la gouvernance, les politiques publiques, la fiscalité des entreprises, la régulation financière, les problématiques

juridiques ou encore l’attractivité du territoire.

Parce que, pour Mazars, tout engagement doit s’inscrire dans la durée, nous sommes heureux de poursuivre

notre action auprès de l’Hémicycle et avons le plaisir de vous donner rendez-vous dans ces pages pour de prochaines rencontres autour d’invités passionnants.

IP_hemicycle_mars2011.indd 1 31/03/2011 15:56:14

Page 8: l'Hémicycle - #412

Créés pour établir un lieu dedialogueentre leshabitants etlesmunicipalités, les conseils

dequartier affichent leur renouveau.Dix mille Bordelais y auraient déjàparticipé. « Nous avons souhaité leurdonner un nouvel élan », souligneAlain Juppé. Dans le nouveau dis-positif actuellement testé dans deuxquartiers deBordeaux, il y auradeuxfois par an l’assemblée générale duquartier et dans les intervalles, aurythmed’une fois tous lesdeuxmois,un conseil de quartier stricto sensu.Une structure collégiale composéede 39 membres issus pour un tiersde personnalités « qualifiées » desquartiers (présidents d’association,des établissements scolaires, descommerçants), un tiers de partici-pants proposés par les maires-adjoints, et enfin un tiers d’élec-teurs tirés au sort. Une particula-rité qui a dû vaincre les réticencesd’Alain Juppé. « Ça va bousculer unpeu. Il faudra accepter la critique »,admet Jean-Louis David, maire-adjoint en charge de l’expérimen-tation dans le quartier de Saint-Augustin – Victor Hugo. AlainJuppé de confier : « On fera le bilanen fin d’année. L’idée est de favoriserencore plus les citoyens aux décisionsqui les concernent. »

«Unbelexercicededémocratieparticipative»Dans la pratique, toutes les ques-tions liées à la vie quotidienne sont

abordées, qu’il s’agisse de propreté,de sécurité, de voirie, de circulationou encore d’aménagements ur-bains. « Nous voyons bien qu’au-jourd’hui, on ne peut plus décider leschoses d’en haut, ne serait-ce de l’hô-

tel de ville ou du conseil municipal.Avant de prendre les décisions, il estbon de faire participer chacun et cha-cune », estime le maire bordelais.

Une ambition qui ne convainc quepartiellement l’opposition.Au-delà de la déclaration de bonneintention, Jean-Louis David perçoitun réel engagement civique. Desgroupes de travail autour du déve-

loppement durable, de la solida-rité, de l’action éducative, ou en-core du monde associatif ont étémis en place. Des conseillers qui

ont désormais en charge l’attribu-tion de subventions locales desti-nées à soutenir des associations etdes projets comme la création dejardins partagés.Antichambre des conseils munici-

paux, les conseils de quartier of-frent « un bel exercice de démocratieparticipative. La nouvelle formuleapporte également une vraie valeurpédagogique grâce à des formationssur le fonctionnement de l’adminis-tration, la ville et la municipalité »,explique Jean-Louis David.

UneévolutionculturelleL’initiative constitue « une réformecapitale » enmatière de rapproche-ment entre les citoyens et lesélus. Maire-adjoint de Saint-Michel– Nansouty – Saint-Genès, FabienRobert reconnaît : « Cela bouleversenos habitudes. » Pour le jeune élu,la refonte des conseils de quartier,véritable conseil consultatif, sup-pose une évolution culturelle. Ilobserve : « C’est un changement im-portant. Le passage de la démocratiereprésentative à la démocratie partici-pative ne se décrète pas. Il doit seconstruire petit à petit. Je crois quecela va améliorer la qualité de nos dé-cisions. Les citoyens vont désormaisco-construire avec nous la politiquepublique. »Des conseils de quartier renforcéspour présenter et enrichir les pro-jets des municipalités, ou partir encampagne électorale avant l’heure.

Ludovic Bellanger

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Initiatives

…larefontedesconseilsdequartier« Une formule antidémocratique, unrisque de verrouillage et des réunionsà huis clos », dénoncent MatthieuRouveyre et Emmanuelle Ajon,conseillers municipaux PS à Bor-deaux.

…l’avenirduphotovoltaïque« La politique industrielle du gouver-nement français ressemble à un im-mense gâchis ! » Vincent Feltesse neretient pas ses mots après l’an-nonce d’une baisse du prix de ra-chat de l’électricité photovoltaïqueen France. « Cette décision signe pro-bablement le quasi-arrêt de mort del’usine First Solar de Blanquefort, quidevait être la première usine française

de fabrication de panneaux solaires àcouche mince. » Et emporte avecelle la perspective d’un investisse-ment de 95 M d’euros, et la créa-tion de 420 emplois. Le présidentde la communauté urbaine de Bor-deaux et maire de Blanquefort dedénoncer : « Là où nos voisins euro-péens, à l’instar de l’Allemagne, l’Es-pagne ou encore l’Angleterre, affichentà la fois des ambitions fortes et lisi-bles et font le pari du développementd’une filière spécifique aux énergies re-nouvelables, la France s’arrête auxbonnes intentions du Grenelle de l’en-vironnement ».

…lanominationdePatrickStéfa-nini,préfetde la régionAquitaine

« Son arrivée interroge la pratique ré-publicaine du gouvernement et vienten contradiction de l’essence même dela fonction préfectorale, qui est le ser-vice d’un État impartial. Cette nomi-nation est à l’évidence la décision et lechoix d’Alain Juppé dont Patrick Sté-fanini fut le proche collaborateur puisle successeur désigné dans la circons-cription du 18e arrondissement deParis. Elle interroge également lesusages politiques du maire de Bor-deaux », estime Michèle Delaunay,députée PS de la Gironde.

Des conseils de quartierà la sauce bordelaise

L’opposition PS réagit à…

La démocratie participative prend ses quartiers à Bordeaux. Les nouveaux conseils serontappelés à émettre des avis consultatifs sur toutes les questions liées à la vie quotidienne :propreté, sécurité, voirie ou circulation. Alain Juppé espère ainsi rapprocher les Bordelaisde leur conseil municipal.

MICHÈLE DELAUNAYDÉPUTÉE PS DE LA GIRONDE

PHOTO MEHDI FEDOUACH/AFP

«LA RÉFORMEDES CONSEILS DE

QUARTIER MARQUELE RAPPROCHEMENTENTRE LES CITOYENSET LES ÉLUS»Jean-Louis DavidMaire-adjoint de Bordeaux

PHOTO THOMAS SANSON/MAIRIE DE BORDEAUX

H412_p08-09:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:28 Page 8

Page 9: l'Hémicycle - #412

Vous revendiquezpourBordeaux«unevillegrandeàtaillehumaine»:commentest-cequecelavase traduire?Notre objectif est de faire de Bor-deaux, d’ici 2030, une métropoleeuropéenne millionnaire. Unmillion d’habitants, comme à Co-penhague, Rotterdam, Valence ouZurich, c’est la taille souhaitablepour peser sur la scène interna-tionale. Nous avons les espacesnécessaires pour franchir ce cap,mais nous voulons aussi préserverla qualité de vie. Cela passe parun frein à l’étalement urbain etl’intensification du développe-ment du cœur de l’aggloméra-tion. Il est très important queBordeaux conserve cette taille hu-maine, mais le développementd’une grande métropole peut per-mettre de donner un coup defouet à l’activité économique,source d’emplois.

Soutenez-vous toujours leprojetdemosquéeàBordeaux?Dès l’origine les conditions ontété claires et n’ont pas varié : nousmettons à disposition un terrain àLa Bastide, sous forme de bail em-

phytéotique, et la communautémusulmane prend à sa charge lefinancement de l’édifice. Il sem-ble qu’il y ait, pour l’heure,quelques difficultés à avancer dece côté-là.

Maireetministre : versquel destinbalanceaujourd’hui votre cœur?Chacun sait, moi le premier,qu’un poste ministériel peut êtred’une grande brièveté et pourl’heure je m’applique à assumerau mieux ces deux fonctions.Quant au mandat de maire, je nefais pas mystère de mon intentionde me présenter aux élections mu-nicipales de 2014. La fonctionde maire est enthousiasmante, carelle permet un contact permanentavec la population et donne lesentiment d’agir vraiment sur lequotidien de nos concitoyens, quisavent, d’ailleurs, nous faire sa-voir, et de manière très directe, siles décisions leur conviennent, oupas. De plus, j’aime cette proxi-mité avec les Bordelais. Leur avisnourrit en permanence la ré-flexion du ministre que je suis.

Propos recueillis parLudovic Bellanger

NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 9

AUVERGNEUN PACK JEUNE À LA RENTRÉE� Destiné à donner la parole aux jeunes,l’Auvergne amis enplace le 16-30.fr.Le sitewebpermet aux 16-30ans de fairedes suggestions, d’exposer leurs idées,et de remplir un questionnaire traitantdes questions sociales, du logement,de la santé…Une large concertationqui débouchera dès la rentrée sur lamiseenplace d’un pack jeune regroupant unensemble d’aides spécifiques (enmatièrede transport, d’emploi, d’études…)développépar la région.

ÉDUCATIONLES MAIRES S’OPPOSENTÀ LA CARTE SCOLAIRE 2011� L’Association desmaires de France(AMF) a annoncé son intention dedemander au gouvernement l’arrêt dessuppressions de postes à l’école primaire.Lesmaires souhaitent faire part de leur« vifmécontentement » concernant laréduction de8967postes d’instituteurset la suppression de 1 500 classes prévuespour la rentrée 2011. JacquesPélissard,député-maireUMPde Lons-le-Saunieret président de l’AMF, estimeque« s’il est trop tard pour 2011, il faut éviterde nouvelles suppressions en 2012. »

LIMOUSINÉPARGNER AU SERVICEDES PME RÉGIONALES� La Région propose aux Limousinsde faire fructifier leur épargne avecun placement obligataire. Elle assurele remboursement complet du capitalà l’échéance, tout en favorisant ledéveloppement de l’emploi régional.Lemontant de l’emprunt, qui pourraitatteindre 30millions d’euros, sera utilisépour inciter les entreprises locales à investir.

ÎLE-DE-FRANCEPARIS TESTE LA VOITUREÉLECTRIQUE� Alors queNice vient de lancer le premierservice de voiture électrique en auto-partage, Paris poursuit la préparationde l’e-voiture. Lamairie testera au coursdes sept prochainsmois unmodèle 100%électrique. « L’intégration de ce nouveauvéhicule dans notre parc existant vapermettre à nos services de préparerles équipes enmatière de formation etd’infrastructures de recharge. Il est denotre rôle d’anticiper ces nouveaux usagesmoins polluants, conformément à notrePlandedéplacement de l’administrationparisienne», confieMaïté Errecart,adjointe aumaire deParis.

ALPES-MARITIMESLE PRINTEMPS DU CONSEILGÉNÉRAL� « J’ai souhaité engager une grandeconsultation publique sur la vision qu’ontnos concitoyens de l’avenir du Conseilgénéral.»Organisé dans les Alpes-Maritimes, le premier printempsdel’institution ouvre le débat. « L’ensemblede nos compétences sont passées enrevue dans unquestionnaire ouvert,maisnous tenons également plusieurs réunionspubliques à travers tout le département »,annonce sonprésident Éric Ciotti.

En bref

Alain Juppé :«Unmilliond’habitantsàBordeauxd’ici 2030»Maire deBordeaux à temps partiel depuis sa nomination commeministredes Affaires étrangères, Alain Juppé confie ses projets locaux sur fondd’ambitions nationales.

MAR

TINBU

REAU

/AFP

D’abord présents à Lille,Mons-en-Barœul et LaMadeleine, les 110 pre-

miers espaces V’lille seront amé-nagés tous les 300 mètres, àproximité des équipements spor-tifs, culturels et en complémentdu réseau de transports en com-mun. « Nous voulons que chacunait le réflexe vélo, partout et pourtous », déclare Martine Aubry.La maire de Lille d’espérer unemultiplication par cinq de sonutilisation en dix ans, pour repré-senter 10 % des déplacementsen 2020.

Un nouveau rapport à la villeAfin de « réussir une métropole cy-clable, les efforts vont se poursuivre »,souligne EricQuiquet, premier vice-président en charge des transports.Le projet V’lille va ainsi se traduirepar la création de 3 520 placesde stationnement pour vélos et de210 stations. À terme, une flotte de10 000 bicyclettes rouge et noiresillonnera les rues lilloises. Quantaux représentants des communesconcernées par les premiers chan-tiers – le maire de Mons-en-Barœul, Rudy Elegeest, et GuySarels, adjoint au développement

durable de LaMadeleine – ont salué« le nouveau rapport à la ville qui sedessine », et l’importance « de lavoirie partagée ». Sept autres com-munes accueilleront le dispositif dèsl’an prochain : Villeneuve-d’Ascq,Marcq-en-Barœul,Lambersart, Croix,Roubaix, Tourcoing et Wattrelos.

Location courte et longue duréeLe V’lille en libre-service (VLS)s’adresse aux utilisateurs ponc-tuels (touristes et visiteurs) quin’auront pas une utilisation jour-nalière du deux-roues. Grâce à unabonnement et à une caution, les

amateurs pourront accéder à 2 000vélos équipés d’une accroche ma-gnétique, qui seront disséminésdans les stations d’une douzainede communes de la métropole.Pour compléter le dispositif, lacommunauté urbaine prévoit demettre en location longue durée(VLD) 8 000 bicyclettes de ville,pliables ou électriques.Pour accompagner l’essor de lapetite reine, des Maisons du véloseront également inaugurées dèsla rentrée à Lille et Tourcoing, auxcôtés de relais V’lille et de futursgarages sécurisés.

Premiers coupsdepédalepourV’lilleLille semetendanseusepour l’arrivéedesonV’lille.MartineAubrya lancéunambitieuxprogrammede transport àbicyclette.Dès la rentrée, les Lilloispourront utiliser en libre-service les vélos rougeet noirmis àdispositionnon seulementàLille,mais aussi dans les communes voisines.

H412_p08-09:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:29 Page 9

Page 10: l'Hémicycle - #412

La marque de fabrique demon engagement, c’est lafragilité. » C’était doncça. Toutes ces années àdénoncer, à tempêter,

les coups d’éclat à l’Assemblée, cetteimage compliquée dans l’opinion.C’était celle d’une femme qui pro-testait. Son engagement pour l’amé-lioration des conditions de vie dansles prisons, pour les sans domicilefixe, trop à gauche ? Son engage-ment pour la défense des embryons,trop à droite ? Derrière des lunetteschics, Christine Boutin lance unregardmi-désespéré,mi-amusé. «Ladroite, la gauche, ce sont des notionsanciennes. Mon fil rouge c’estl’Homme. L’Homme et sa dignité. »Après vingt ans demandat commedéputée de la circonscription trèsconservatrice des Yvelines, où elleprit le siège d’un député socialisteen 1986, l’ancienne élue UDF, puisUMP, profite aujourd’hui de saliberté. « En 2007, j’ai annoncé àmes électeurs que je ne serai plus can-didate comme députée, je voulais lais-ser la place. Transmettre et passer àautre chose. »L’embryonde cette car-rière commence en 1949. Âgée decinq ans, Christine Boutin perd samère. Son père se remarie. Sa jeu-nesse se déroule dans une pauvretécertaine. « Je l’ai vécue dansma chairà l’adolescence. Je sais ce qu’est leregard du riche sur le pauvre. C’est

insupportable. »De ces souffrances,Christine Boutin construira sonenvie d’agir enpolitique. Élue locale,maire, présidente du conseil géné-ral des Yvelines, ministre du Loge-ment et de la Ville, puis chargée demission par l’Élysée sur « les consé-quences sociales de la mondialisa-tion », elle expérimente les nom-breuses facettes de la vie publique.« J’ai toujours travaillé pour étayermes convictions. J’ai étudié les ques-tions de bioéthique de 1986 à 1993pour avoir un avis. » Pasionaria desmilieux catholiques, elle affirme

que toutes ses positions sontd’abord le fruit d’une expérienceet d’une réflexion avant d’être dic-tées par sa foi. Et de reconnaître sachance puisque aucune d’elles n’esten contradiction avec la doctrine del’Église. « Je ne suis pas schizophrène,il n’y a pas de différences entrema pen-sée et mes engagements. Cela donneune vraie cohérence àmonmessage. »Et de la cohérence, il en faut pourtenir le cap. Christine Boutin a eu

son lot deméchants coups. Mêmesa sortie duministère du Logementa été brutale, quatre jours seule-ment après avoir créé son propreparti politique, le Parti chrétien-démocrate (PCD). « Il y a une vraieplace en France pour cette famille,j’étais déçue que ce message ait étéabandonné, j’ai donc relevé le gant. »ChristineBoutin ?Combiendedivi-sions ? demande-t-on à l’UMP.10 000 adhérents, 250 élus locaux,7 conseillers régionaux, 7 conseil-lers généraux et la prochaine fois…des députés ! … répond-elle. Avec

1,19%des voix aux présidentiellesde 2002, Christine Boutin peut coû-ter cher à l’UMP. Dans un premiertour serré, pourrait-elle empêcherune qualification du présidentSarkozy ? Être le Chevènement deLionel Jospin ? « Cela n’a rien àvoir », se défend-elle. « Jospin a perduparce qu’il était mauvais, c’est tout. »Un scénario qu’elle avait pourtantdéjà pris en compte en 2007, vou-lant éviter un 21 avril à l’envers.

Aujourd’hui encore, elle affirme :« Je ne suis pas celle qui fera perdremoncamp, si la situation l’oblige je pren-drai mes responsabilités. Mais jeconnais bien le président Sarkozy, il esttrès doué en campagne… » La prési-dente du PCD compte peser dansle débat et son parti présentera uncandidat. Ira-t-elle ? Christine Bou-tin en prend la posture : « Je suis unefemme comblée. Je ne pensais pas quece temps pouvait exister. Je suis à unmoment de plénitude, je suis dans l’âgede la maturité. C’est une périodemagnifique de ma vie que je veux par-

tager. » Au programme, de la poli-tique avec unPmajuscule.Des idéesde fond, des idées qui demandentdu recul. Avec son rapport sur « lesconséquences sociales de lamondia-lisation », Christine Boutin veut unmiracle.Oui, lamondialisation « estun phénomène inévitable, il faut ytrouver les points communs qui réunis-sent les hommes. » Et de proposerl’adoption, par tous les dirigeants duG20, d’une déclaration solennelle

disant que nous partageons unecommune humanité. « Cela veutdire qu’il n’y a pas de sous-hommes –le milliard d’hommes et de femmesqui crèvent de faim– et des surhommes,les autres qui ont du fric et qui exploi-tent tout le monde. Une déclaration dece type aurait lesmêmes conséquencesque celles de 1789. La politique c’estle monde de la parole. »Autre thèmemajeur que l’ancienne députéeentend bien défendre, l’Europe.InconditionnelledeRobertSchuman,un autre chrétien-démocrate dontelle défend l’héritage. « En refusantd’inscrire dans la constitution euro-péenne les racines judéo-chrétiennes denotre continent, nous avons commisune grave erreur. Nous devons assumernotre histoire. » Et c’est bien ce quefait Christine Boutin. Elle assumeson histoire et ses choix. Envers etcontre beaucoup.

Antoine Colonna

Focale

CHRISTINE BOUTINPRÉSIDENTE DU PARTICHRÉTIEN-DÉMOCRATE

Souvent provocatrice, parfois iconoclaste, Christine Boutin compte bien faire entendre sa petitemusique. L’ancienneministre du Logement pourra-t-elle le faire dans le sillage deNicolasSarkozy dès le premier tour de la présidentielle ?Ou choisira-t-elle au contraire d’être candidate ?Pour l’heure, l’anciennedéputéeUMPdesYvelines cultive l’ambiguïté.

La femme inattendue

3 dates

1949«Le 9 août, lamortdemamère, j’avais

cinq ans. »

1967«Monmariage,le 29 juillet. »

2011«C’est aujourd’hui… ! Jesuis dans une période de

plénitude,unepériodeporteused’avenir.»

PHOTOALAIN JOCARD/AFP

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

«EN REFUSANT D’INSCRIRE DANS LACONSTITUTION EUROPÉENNE LES RACINES

JUDÉO-CHRÉTIENNES DE NOTRE CONTINENT,NOUS AVONS COMMIS UNE GRAVE ERREUR»

«

H412_p10:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:30 Page 10

Page 11: l'Hémicycle - #412

LE CONT-RAIRE DE SEUL AUMONDE

Seul au monde ? C’est le sentiment que chacun éprouve quand il s’agit de préparer l’avenir, protéger ses proches, anticiper les risques de la vie. Le contraire de seul au monde, c’est la promesse que nous vous faisons. Vous accompagner tout au long de votre vie et pour tous vos besoins en prévoyance, santé, épargne et retraite afin de vous apporter le soutien et la sérénité que vous attendez. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.ag2rlamondiale.fr

PRÉVOYANCESANTÉ

ÉPARGNE RETRAITE

Page 12: l'Hémicycle - #412

Jean-Pierre Jouyet est avanttout le spécialiste reconnudesmarchés financiers. C’est

aussi un pédagogue.Même devantses pairs banquiers. Il évoque lebilan duG20 en remarquant « qu’ilreste d’abord plus à faire, qu’il n’aété fait ! » Et de constater qu’il y ades problèmes de régulation de plusen plus difficiles à évaluer.Toutefois, pour le président de l’Au-torité desmarchés financiers (AMF),le G20 a lemérite d’exister : « Il s’estimposé comme l’organe de régula-tion des enjeux financiers, alors quepersonne n’en voulait. Il s’appuiesur les deux piliers importants quesont, d’une part, le conseil de stabi-lité financière et, d’autre part, leFMI, en charge de la surveillance etde la résorption des déséquilibresmacroéconomiques et de résolu-tion des dettes souveraines. »

Unefinancede l’ombresedéveloppeLe bilan est donc plutôt positifpour Jean-Pierre Jouyet, à condi-tion qu’à l’avenir ce G20 disposed’un secrétariat ou d’un orga-nisme doté de pouvoir de surveil-lance et de monitoring, pour faireen sorte de s’assurer que les prin-cipes retenus sont bien appliqués.Le progrès le plus notable indiquépar le président de l’AMF a étécelui du renforcement des règlesde solvabilité. Mais en matièrede liquidités, les ratios très élevéssont extrêmement pénalisants,constate Jean-Pierre Jouyet. « Ona ainsi pris des règles de liquiditéfavorables aux institutions améri-caines et britanniques. »L’autre point qui passionne le pré-sident de l’AMF est celui de la priseen compte des aspects systémiquesdes fonds monétaires. La crise amontré que ces fonds pouvaientêtre touchés par les phénomènesde « run-to-the-fund », c’est-à-diredes situations dans lesquelles unfonds fait face à unemultiplicationde demandes de remboursement,contribuant ainsi à la déstabilisa-tion des secteurs financiers et ban-caires.Mais c’est surtout la « financede l’ombre » qui semble préoccu-per le président de l’AMF. Un sujetqui est pour lui à explorer d’ur-gence : « Nous devons travailleravec le régulateur prudentiel pour

mieux cerner l’ampleur du phéno-mène et le circonscrire, avec, parexemple, de nouvelles règles sur lesfonds monétaires. »

UnefaillitegénéraliséeévitéeLe point le plus notable pourJean-Pierre Jouyet est que leG20 a permis d’éviter les risquesd’une faillite généralisée en2008. Les agences de notation,à l’origine de la crise, fontdésormais l’objet de règles enmatière de régulation et d’uncontrôle, tout comme les fondsd’investissement spéculatif.Toutefois pour le président del’AMF, « il s’écoule encore untemps trop long dans la mise enœuvre des principes de contrôleeffectif de régulation. Nousnous trouvons confrontés auprincipe d’application, qui estdifférent d’un continent à l’au-tre. Le meilleur exemple étant lecontrôle de la rémunération destraders. »

Quefaut-ilaméliorerencore…?Dans la conception de la régula-tion internationale, Jean-PierreJouyet est convaincu qu’entre les

États-Unis et l’Europe, certainesrègles doivent être précisées oudiscutées pour mieux détecter lesrisques et mieux se coordonner,afin de jeter les bases d’une nou-velle gouvernance économique etfinancière mondiale. Car leconstat est qu’aux États-Unis leCongrès a opté pour un processusde décision plus rapide qu’en Eu-rope. « Un seul et unique texte, leDodd-Franck Act, englobe tous lesaspects, à charge pour les régula-teurs concernés de préciser lesmodalités pratiques des grandsprincipes arrêtés. En Europe, nousavons découpé en autant de règle-ments et de directives chacune deces recommandations. Il en ré-sulte un risque d’inégalité d’appli-cation. Il faut éviter de se tirer uneballe dans le pied. À force d’être

exemplaire, on court le risqued’avoir un marché financier tropfragmenté, pénalisant ainsi le fi-nancement de l’économie. »

Pour le président de l’AMF, il fautaussi regarder de près l’organisationdes marchés. « Je crois que les ori-gines systémiques de la crise sontrésolues, mais il y a d’autres risquesde bulles qui naissent de cettemême fragmentation des marchés.D’une manière générale, j’espèreque le G20 permettra d’améliorerce fonctionnement. »

L’enjeudesmarchésdematièrespremièresSur ce point, Jean-Pierre Jouyetconsidère que la tâche de « refon-dation » des règles de base dubon fonctionnement des mar-chés passe par une prioritéconsistant à s’intéresser à ceuxqui sont les moins régulés. Ilsamènent beaucoup de liquidités,mais leurs dysfonctionnementspeuvent affecter la vie de chacund’entre nous. « Ces marchés dematières premières (matières pre-mières agricoles et pétrole no-tamment) ont une volatilitéassez forte et la financiarisationest ainsi de plus en plus grande.Ils sont à très haut rendementsans que l’on ait une vision com-plète de la chaîne. »Le président de l’AMF préconisedonc la création d’un observa-toire, d’ici la fin de l’année, de cesphénomènes et de leur traductionpar les acteurs financiers, afin deréduire la spéculation sur ces mar-chés de matières premières.« Il faut décliner pour ces marchésles mêmes recettes que cellesmises en œuvre pour les marchésfinanciers, à savoir des règles de

bonne conduite, d’organisation etprudentielles pour les opérateurs.Il faut aussi un encadrement desabus de marché. Cette régulation

peut ainsi permettre de réduirel’inflation. »

L’endettementdesÉtatsJean-Pierre Jouyet ne pouvait pasfaire l’impasse en conclusion surune questionmajeure au cœur desdébats du G20 : celle de l’endette-ment des États. « Je vois que l’onparle de la nécessaire assistanceaux pays dans le monde arabe quiont choisi la démocratie. C’estbien. Mais il ne faut pas oublier deparler des endettements publics,en France ou ailleurs. À ce titre, leproblème grec est de savoir si l’Eu-rope peut faire face seule et si elleest capable d’honorer ses engage-ments. Le vrai problème politiqueest de savoir comment réguler celaaujourd’hui. » L’Europe sera jugéed’abord et avant tout par les mar-chés financiers !

Lesquestionssoulevéespar :

VIVIEN LÉVY-GARBOUASENIOR ADVISOR, BNP PARIBAS

Comment peut-on mieux secoordonner entre les différentsacteurs et comment se structurerefficacement avec les mêmesstandards d’un pays à l’autre ?

Jean-Pierre Jouyet : Pour prévenirles dérapages, chaque institutiona mis en place une cartographiedes risques. Au niveau régional, lacréation du conseil européen desrisques systémiques a permis detraiter des conflits de régulation.Aux États-Unis cette structure

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Débat

Le G20 peine à mi-chemin

«LE G20 S’EST IMPOSÉCOMME L’ORGANE DE

RÉGULATION DES ENJEUXFINANCIERS, ALORS QUEPERSONNE N’EN VOULAIT »Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchésfinanciers (AMF) PHOTO ERIC PIERMONT/AFP

La présidence française, qui a fixé une feuille de route ambitieuse, devra compter avec un certainnombre d’États participant au G20 plus convaincus par la politique du « chacun pour soi » que parla solidarité internationale. C’est le constat fait par Jean-Pierre Jouyet, le patron de l’Autorité desmarchés financiers, qui était l’invité d’un petit déjeuner organisé par et .

H412_p12-13:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:30 Page 12

Page 13: l'Hémicycle - #412

existe aussi et la régulation est trèssegmentée. Mais il faut une coor-dination plus forte. L’architecturemise en place ne fonctionneraque si l’on dispose d’un secrétariatdu G20. Il faut que l’on développeces aspects de conseil sur lesrisques systémiques pour que cesoit le bras armé des chefs d’Étatet de gouvernement.

SYLVAIN DE FORGESDIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉD’AG2R LA MONDIALE

Il y a une ironie de l’Histoire.Est-ce que le balancier de larégulation n’est pas allé trop loin ?Est-ce qu’il se rééquilibrera ?

Jean-Pierre Jouyet : C’est la volontéde la présidence française et le sujetdevra êtremis sur la table. Il faut ar-river à développer un diagnosticcommun. Il n’est pas interdit defaire des groupes de réflexion pourpréparer les décisions de la fin del’année. C’est ce que j’ai dit auxmi-nistres et à l’Élysée.

PIERRE BOLLONDÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’ASSOCIATIONFRANÇAISE DE LA GESTION FINANCIÈRE

On a l’impression que toutes cesréformes ont été réalisées au couppar coup et qu’il n’y a pas deglobalité dans les mesures prisespar le G20…

Jean-Pierre Jouyet : L’extraterritoria-lité est un vrai sujet. Les États-Unis vont plus vite que lesEuropéens. Ils vont imposer leursrègles. C’est à l’Europe d’avoir uneréponse unie et très structurée surles mesures extraterritoriales amé-ricaines. Il est aussi évident qu’ilfaut une réflexion plus cohérentesur les substituts et sur le finance-ment de l’économie.

GONZAGUE DE BLIGNIÈRESPRÉSIDENT FRANCE, COPRÉSIDENTEUROPE DE BARCLAYS PRIVATE EQUITY

La France a besoin de 5 milliardsde fonds propres par an.Où va-t-onles trouver ? Et par ailleurs enAllemagne on parle peu derégulation !

Jean-Pierre Jouyet : En matière defonds propres, c’est au Conseil eu-ropéen de corriger cela. Quant à larégulation allemande, celle-ci restecomplexe. Plus on unifie au ni-veau européen et plus il se main-tient des particularismes commeen Allemagne avec les landers. Onrisque avec ce système d’arriver àune gestion à deux niveaux. Laseule vraie régulation en Alle-magne est faite par la Bundesbank.

FABRICE DEMARIGNYDIRECTEUR DES ACTIVITÉS MARCHÉSDE CAPITAUX CHEZ MAZARS

Comment faciliter l’accès des PMEaux marchés ?

Jean-Pierre Jouyet : Il y a eu des pro-grès réalisés en France. Cette pro-blématique a été prise en compte.Les régulateurs nationaux ontaussi des efforts à faire en matièrede transparence et d’information.C’est un vrai sujet politique de ré-flexion dans le cadre de la prési-dentielle de 2012 !

CHRISTOPHE DE BACKERDIRECTEUR GÉNÉRAL DE HSBC FRANCE

On comprend bien la différence derégulation faite d’un continent àl’autre.Mais comment se fait-ilqu’on en soit à ce niveaud’incompréhension sur ce sujetévidemment porté par lesrégulateurs ?

Jean-Pierre Jouyet : On a fait desprogrès sur la connaissance desencadrements des effets de levier.Mais ce n’est pas suffisant. Sur lastructure des banques, les Britan-niques sont allés trop loin. Il fautplus de pédagogie sur les avan-tages de la banque universelle.

OLIVIER SICHELPARTENAIRE, SOFINNOVA

Y a-t-il un risque de nouvelle bulleen particulier pour Internet ?

Jean-Pierre Jouyet : Nous nesommes pas à l’abri de nouvellesbulles. On voit réapparaître desvalorisations étonnantes et quisont surpayées. La France restetoutefois un peu à l’écart. Il fautsurveiller ce domaine de près toutcomme pour les marchés de ma-tières premières.

ROBERT NAMIAS

N’y a-t-il pas un risque de retour enarrière si un Européen n’est plusà la tête du FMI ?

Jean-Pierre Jouyet : La crise et DSKont redonné du poids au FMI.Avant la crise, plus personne nevoulait aller au FMI. J’estime quec’est un Européen qui doit resterà la tête du FMI ou alors il fautrebattre les cartes et revoir leconsensus initial. Je suis extrême-ment ferme sur le sujet. Les pro-blèmes les plus urgents sont ceuxdes dettes européennes. Si l’ondevait céder à la mode des émer-gents, ce serait, de fait, des Améri-cains déguisés en Singapouriensou en Mexicains !Il faut être d’une extrême fermetésur ce sujet. Car sinon nous assis-terons à une nouvelle baisse d’in-fluence de l’Europe.

Compte rendupar Joël Genard

avec

NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 13

1

4

6

9

10

12

7

8

5

3

2

13

14

PHOT

OSJU

LIET

TEBO

UDRE

MonsieurSylvaindeForges(8)Directeur général délégué, AG2RLaMondialeMonsieurOlivierSichel(9)Partenaire SofinnovaMonsieurPhilippeOddo(10)Associé gérant, Oddo&CieMadameSophieQuatrehomme(11)Conseillère pour les relationsparlementaires et institutionnelles,AMFMonsieurFabriceDemarigny(12)Associé, Directeur des activitésmarchés de capitaux,MazarsMonsieurPierreBollon(13)DéléguéGénéral, Associationfrancaise de la gestion financière

PETITDÉJEUNERMAZARS-L’HÉMICYCLEMERCREDI25MAI2011

Invité d’honneurJean-Pierre Jouyet,Président de l’Autorité desmarchésfinanciers

MonsieurRobertdeNicolay(1)Conseillermaître, Cour des comptesMonsieurPhilippeTastevin(2)Directeur, Direction de la stratégie,NYSE EuronextMonsieurVivienLévy-Garboua(3)Senior Advisor, BNPParibasMonsieurPhilippeCastagnac(4)Président et Directeur généraldeMazars en FranceMonsieurGonzaguedeBlignières(5)Président France, CoprésidentEurope, Barclays Private EquityMadameSandrineVerdelhan(6)Directrice des Affaires publiqueset des relationsmédia,MazarsMonsieurChristophedeBacker(7)Directeur général, HSBC France

MonsieurRobertNamias(14)Directeur de l’HémicycleMonsieurRolandBellegarde(15)Vice-Président Exécutif Groupe,en charge desmarchés cashet de la cote, NYSE Euronext

15

11

H412_p12-13:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:31 Page 13

Page 14: l'Hémicycle - #412

L’Hémicycle :Vousavezencharge leGrandParis. Lespremiers coupsdepiochevont commencer.Comments’est réalisé cecompromiséquilibréentre l’État, la région Île-de-Franceet les collectivités locales?Quelleaété la«recette»pour trouver ceconsensusqui débouchesurunprojet dépassant les clivagespolitiques?Maurice Leroy : Le Grand Paris estun projet voulu par le président dela République, Nicolas Sarkozy.L’objectif final, c’est d’accroître lacompétitivité de notre pays en fai-sant de Paris une ville-monde, at-tractive et durable. Pour y parvenir,nous travaillons par étapes et cha-cune d’elle est un but. Immédiate-ment, nous améliorons la vie desFranciliens, et cela passe par lamodernisation des transports. LeGrand Paris avance sur deux axes :le plan de mobilisation et la créa-tion d’un nouveau réseau, GrandParis Express.Vous le comprenez, par son enver-gure le Grand Paris est un projetqui nous dépasse tous. Je ne seraiplus ministre lorsqu’il sera achevé,Jean-Paul Huchon ne sera plusle président de la région Île-de-France, et pourtant nous auronsfait avancer le projet ! L’accord quenous avons scellé découle de ceconstat que j’ai fait partager partous les acteurs. Je ne sais pas si,comme le dit l’architecte RolandCastro, il existe une « méthodeMomo », mais aujourd’hui nousavons un accord unanime. C’estune formidable réussite, tout lemonde est gagnant, et avant toutles Franciliens !

Ceprojet représenteuninvestissementde20,5milliardsd’eurospour lemétroautomatiqueauxquels s’ajoutent12,5milliardsdestinésauplandemobilisationpour ledéveloppementd’activités etdelogements,ainsiqueleraccordementauxautresmodesde transport.Est-cequecela sera suffisantpourpermettreundésenclavementdesbanlieues?M.L. : Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, le gouvernement s’engageaux côtés de la Région pourmoder-niser les transports publics dès cetteannée. Nous finançons près de5 milliards d’euros pour cela. Danslemême temps, la Société duGrandParis (SGP), que préside André San-tini, et le Syndicat des transportsd’Île-de-France (STIF) – pour l’Arc

Est proche – ont la responsabilité demettre enœuvre le nouveau réseau.Je vous rappelle qu’aujourd’huiParis compte environ 200 km demétro… Nous allons créer 160 kmsupplémentaires. Ainsi, nous dou-blons presque l’offre demétro dansla région Capitale, c’est colossal !L’impact de ce chantier sera donctrès important sur le terrain et sur-tout dans les quartiers populaires.

Les liaisons de banlieue à banlieuevont désenclaver le tissu urbain dela proche couronne. Il sera plusfacile de se déplacer, d’aller à sontravail sans passer par Paris. Nousaméliorons la compétitivité de nosterritoires et la qualité de vie pourles habitants.

Quelles complémentaritéspeuventnaître entre le chantier

métropolitain et la rénovationdesquartiers?M.L. : La politique de la ville et leGrand Paris sont consubstantiels !C’est justement cette cohérenceque le président de la République,Nicolas Sarkozy, et le Premier mi-nistre, François Fillon, ont voulumettre en avant enme confiant unministère de plein exercice qui réu-nit les deux sujets. 50 % des créditsde la politique de la ville sont dis-tribués en Île-de-France, et leGrand Paris, c’est améliorer la viedes Franciliens dès aujourd’hui enconstruisant une métropole mon-diale pour demain. Le deuxièmechapitre du Grand Paris, c’est celuidu logement. Avec Benoist Apparu,nous allons construire 70 000 loge-ments de plus chaque annéejusqu’à l’horizon 2025 et pendantce temps, la rénovation urbainecontinue. Je travaille actuellementà la mise en place d’un deuxièmeProgramme national de rénova-

tion urbaine (PNRU) et je remettraimes conclusions à François Fillonà l’automne.

Deuxdécrets serontprochainementpubliés. L’unconcerne les contratsdedéveloppement territorial (CDT)et l’autre le schémade transportduGrandParis.Quepeuventenattendre concrètement lesélusdescollectivités locales?

M.L. : Le décret concernant lesCDT est en cours de signature,celui sur le schéma de transport vaêtre transmis au Conseil d’Étatdans les prochains jours, pour unepublication en juillet prochain. Enapprouvant l’acte motivé de la So-ciété du Grand Paris, nous démar-rons officiellement le Grand Parispar le volet transport. En mettanten place les contrats de développe-ment territorial, nous offrons auxélus locaux, et notamment auxmaires, un formidable outil de dé-veloppement et d’aménagement. Ilest important que chacun se sai-sisse de cet outil, car c’est par lesCDT que nous allons ouvrir lacroissance de l’offre de logementset favoriser le développement éco-nomique au service de l’emploi.D’ailleurs, de très nombreuxmairesl’ont bien compris et sont déjà trèsengagés avec Daniel Canepa, le pré-fet de région. Vous l’avez compris,le Grand Paris est un projet dépas-sionné, nous sommes dans une lo-gique de partenariat. Je me plaissouvent à dire que le Grand Parisnous fera tous grandir ensemble etqu’au final ce sont les Français quiseront gagnants !

L’aménagement duGrandParis sera normalement terminépour 2023. Pensez-vous que tousles financements seront réunis ?M.L. : Le plan de mobilisation estcofinancé par les collectivités, aupremier rang desquelles la Régionet l’État. Concernant le Grand ParisExpress, un financement spéci-fique est affecté à la Société duGrand Paris. Une fois n’est pas cou-tume et, malgré la tradition d’an-nualisation budgétaire, je vousconfirme aujourd’hui que tous lesfinancements du volet transportdu Grand Paris sont assurés jusqu’àla dernière réalisation.

Propos recueillispar Joël Genard

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Expertise

LeGrandParis : risquémaisgagnéNicolas Sarkozy l’a voulu, l’État et la région Île-de-France l’ont fait. Les premiers travaux pourl’édification duGrandParis commenceront cet été, ils se termineront en 2023. Explicationsduministre de la Ville,Maurice Leroy.

«LE GRAND PARIS AVANCE SUR DEUX AXES :LE PLAN DE MOBILISATION ET LA CRÉATION

D’UN NOUVEAU RÉSEAU, GRAND PARIS EXPRESS.L’OBJECTIF FINAL, C’EST D’ACCROÎTRE LACOMPÉTITIVITÉ DE NOTRE PAYS EN FAISANTDE PARIS UNE VILLE-MONDE, ATTRACTIVEET DURABLE »

«LE GRAND PARIS NOUS FERATOUS GRANDIR ENSEMBLE

ET AU FINAL CE SONT LESFRANÇAIS QUI SERONTGAGNANTS »Maurice Leroy

MauriceLeroy,ministrede laVille. PHOTOLIONELBONAVENTURE/AFP

H412_p14:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:32 Page 14

Page 15: l'Hémicycle - #412
Page 16: l'Hémicycle - #412

JoëlGenard : LePremierministrevousaconfiéunemissionparlementaire sur lapréventiondeladélinquance.Vous remettrezà lafindumois vosconclusions.Vousaviezdéjà rédigéen2010un rapportsur ladélinquance juvénile.Qu’est-cequi vousaamenéàacceptercettedémarche?Jean-Marie Bockel : J’ai été, en tantquemaire deMulhouse, confrontéaux problèmes de délinquance etd’insécurité. Je me suis donc en-gagé avant l’heure sur les planslocaux de sécurité, et cela dès les

années 1990. Je fais partie desmaires qui, s’impliquant sur cesquestions, ont réussi à innover.Comme secrétaire d’État à la Jus-tice, j’avais demandé un rapportsur cette problématique et plusparticulièrement sur la délin-quance juvénile. En 2010, j’aipoursuivi ce travail. FrançoisFillon et Claude Guéant m’ontconfié cette mission. J’ai acceptécar j’avais le sentiment d’un tra-vail inachevé.

Quelle est aujourd’hui votreanalysesur la façonde lutter contre cetteaugmentationde ladélinquance?J.-M.B. : Je pense que la préventionet la sécurité vont de pair. Il y a eutrop souvent un débat entre lespréventionnistes et les sécuritaires.Or, il faut sortir de cette logique.La prévention de la délinquancepasse par la prévention de basepour éviter qu’un jeune ne basculeet ne récidive. On peut résumer lasituation en disant qu’il y a eu unéchec global au niveau national eten revanche des réussites locales

pour traiter de ces questions. Dèslors que l’approche des mairestraite de la prévention et de la sé-curité, cela marche. Il ne peut pasy avoir de politique réussie, s’il n’ya pas enmême temps cette logiquequi consiste à mener de front lesdeux.

Mais ceconstat adéjàétédressépardes sociologueset cen’estpasunenouveauté?J.-M.B. : Le principal reproche que

je peux faire aux différentes poli-tiques menées jusqu'à présent estqu’il n’y a pas eu d’approche suf-fisamment globale. Un certainnombre de politiques locales ont

permis la mise en réseau demoyens très divers. Il faut mettreautour de la table tous les acteursconcernés sur la base du secretpartagé. Grâce à cela, tous les in-tervenants peuvent avoir une ca-pacité de réaction en temps réel.Le maître mot est cette mise en ré-seau qui permet d’obtenir des ré-sultats.Cela nécessite de globaliser lesproblématiques et de travailler surles questions de parentalité, surl’école. Partout où ces actions ontété menées sur ces différentsfronts, cela a porté ses fruits.Je vous donne un exemple : enAllemagne, les phénomènes debandes se sont accentués ces der-nières années. Localement, desstages de sortie de la violence ontété organisés. Il y a 80 % de réus-site ! Chaque fois que des disposi-tifs de prévention ont été mis enplace en réseau, les résultats ontété au rendez-vous. Mais il fautaller plus loin, notamment sur laquestion de la parentalité, car la si-tuation s’est fortement dégradée.

Commentaider ces familles endifficulté?J.-M.B. : Il faut traiter cette difficilequestion de la parentalité. Nosschémas classiques ne peuventplus fonctionner. Il faut prendreen compte la réalité des famillesmonoparentales. La question de laresponsabilité familiale se pose.Soit on lâche prise, soit on sedonne les moyens pour aider cesfamilles à faire face. Il faut, le plusen amont possible et dès les pre-mières difficultés de l’enfant, asso-

cier la famille à toutes les mesuresmises en œuvre.Mais dans le même temps, il fautcorriger des injustices au niveaude certains territoires qui sont dé-

munis et qui ne disposent pas detoutes les structures pour aider cesfamilles.

Quellessontlesautrespistesquevousallezproposerdanscerapport ?J.-M.B. : Il faut une méthode ainsiqu’une évaluation des politiquesde prévention et enfin une généra-lisation des bonnes pratiques, qui

sont actuellement trop disparates.Cette méthode consiste comme jel’ai dit à travailler en réseau, enmutualisant les moyens avecbeaucoup de volontarisme. Il n’y

a pas besoin de faire une loi.Pour l’évaluation, nous devonsmettre en place cette démarchepour se concentrer sur les actionsqui portent leurs fruits.Enfin, cette généralisation desbonnes pratiques doit permettreà moyens constants de se mettreau même niveau que nos voisinseuropéens.

16 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Expertise

Lapréventionde ladélinquance :unequestionde réseau !

«SOIT ON LÂCHE PRISE, SOIT ON SE DONNELES MOYENS POUR AIDER LES FAMILLES

À FAIRE FACE. LA QUESTION DE LARESPONSABILITÉ FAMILIALE SE POSE »

Jean-Marie Bockel

Jean-Marie Bockel remettra son rapport sur la délinquance début juillet au Premierministre.L’ancien secrétaire d’État à la Justice voit dans lamise en réseau des informations concernantles familles les plus fragiles la clé d’une prévention efficace. Selon le sénateur GauchemoderneduHaut-Rhin, lamutualisation desmoyens et le volontarismedoivent constituer les deuxpiliers de cette politique.

� OUI je m’abonne pour 42 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnelde 43 ¤ TTC au lieu de 55 ¤ TTC.

Nom

Prénom

Société

Fonction

Adresse

Code postal Ville

Tél. (facultatif) Fax e-mail

42 numéros* pour 43 ¤au lieu de 55 ¤

Tarif étudiant :33 ¤ pour 42 numéros* au lieu de 55 ¤

� Je vous joinsmon règlement par chèque à l’ordre de l’Hémicycle.� Je souhaite recevoir une facture acquittée.� Je préfère régler par mandat administratif.

Date et signature

Offre valable en France métropolitaine jusqu’au 31/07/11

Bulletin d’abonnement à retournersous enveloppe affranchie àl’Hémicycle, 44, rue Blanche, 75009 Pariscourriel : [email protected]

Bulletin d’abonnement

Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

*Soitenvironun

an,enfonction

ducalendrierparlem

entaire.

� OUI je m’abonne pour 42 numéros et je souhaite bénéficier du tarif « Étudiant »à 33 ¤ TTC. Je joins une photocopie de ma carte d’étudiant de l’année en cours.

JOHANNALEGUERRE/AFP

H412_p16-17:L'HEMICYCLE 13/06/11 15:33 Page 16

Page 17: l'Hémicycle - #412

Sortir dunucléaireousortird’undébat tronqué?Après la décision des Allemands, la question du nucléaire est plus que jamais d’actualitéen France. Elle sera au cœur du débat présidentiel. Un point aumoins fait consensus :la question de l’énergie dépasse largement celle de l’atome.

Débat

Le nécessaire débat sur l’éner-gie est bien mal parti ! L’en-fermer dans une simple

question « pour ou contre lenucléaire ? » n’est pas à la hauteurdes enjeux.Le nucléaire ne représente qu’en-viron 3 % de l’énergie consom-mée dans le monde (17 % enFrance) ! L’importance prise par lesujet depuis Fukushima n’a donc

pas de réalité physique. On estdans l’émotionnel et il faut entenir compte, mais il faudrait aussiremettre les choses à plat, parlerchiffres, échéances, échelles et dé-battre sereinement des énergiesqui, sans exception, présententdes avantages et des risques. Beau-coup évoquent à juste titre la ca-tastrophe de Fukushima, mais, àtitre de comparaison, depuis letremblement de terre il y a troismois, les seuls accidents de la cir-culation routière (qui se nourritde pétrole) ont fait 250 000 mortssur Terre. Autre comparaison :200 000 personnes ont été éva-cuées de la zone contaminée parla centrale japonaise. Le barragedes Trois-Gorges en Chine (éner-

gie catégorie renouvelable) en adéplacé 6 fois plus. La paranoïaautour de l’atome s’est doncconsidérablement renforcée. L’in-dustrie nucléaire et les politiquesont sur la question une responsa-bilité historique car ils ont tropmanipulé les chiffres et les réali-tés. Les mensonges ne favorisentjamais la confiance. Mais sur latransparence, il est très facile de

progresser, ce qui est d’ailleurslargement le cas. Les rapports an-nuels des incidents dans les cen-trales françaises sont par exempleconsultables sur le site de l’ASN(Autorité de sûreté nucléaire). Lessecteurs à risques comme la chi-mie ou les énergies fossiles enfont-ils autant ? Non.Le point le plus sensible en termed’énergie est en ce moment com-plètement occulté alors que lasituation n’a jamais été si préoc-cupante. Les énergies fossiles(80 % de notre consommation)sont en train de casser l’équilibredu climat. Les émissions de gaz àeffet de serre ont encore aug-menté en 2010 après une pausedue à la crise en 2009 : plus 5 %

par rapport à 2008, précédentrecord. Nous sommes sur le pirescénario des experts du GIEC(groupe international des expertssur l’évolution du climat). Il de-vient quasiment impossible de nepas dépasser la barre des deux de-grés de hausse à la fin du siècle.On est plus près des quatre ! Lenucléaire n’y est pour rien et pourbeaucoup, il ferait plus partie de

la solution : l’électricité sans CO2permet un abandon du pétrole(pour la voiture ou le chauffagepar exemple).En raison de l’augmentation de lademande (pays émergents) et dubesoin de fournir en électricité lesdeux milliards d’humains qui ensont privés, il va falloir multiplierpar deux la production d’énergiemême si les pays riches divisentpar deux leur propre consomma-tion. Les termes d’un vrai débatsont donc les suivants : de quoiavons-nous besoin ? Commentproduit-on l’énergie ? Et, en défi-nitive, quels risques sommes-nousprêts à prendre pour satisfaire cesbesoins ?

Jean-Louis Caffier

«LES ÉNERGIES FOSSILES (80 % DE NOTRECONSOMMATION) SONT EN TRAIN

DE CASSER L’ÉQUILIBRE DU CLIMAT »

NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 17

Lespartisansde la sortiedunucléaireprônent les économiesd’énergie. Est-ce suffisant?CN : Évidemment non et cela coûte très cher, commel’isolation des bâtiments. Le gouvernement ferait mieuxd’ailleurs de financer davantage l’isolation que l’énergiesolaire, ce serait plus efficace. N’oublions pas que nousdevons réduire de 20 % en 2020 nos émissions de gaz àeffet de serre et donc nos recours aux énergies fossiles. Cesera très compliqué, mais avec en plus une sortie du nu-cléaire, c’est rigoureusement impossible.

Maisonpeut favoriser les énergies renouvelables?CN : Bien sûr, mais il faut être réaliste sur les quantités !La France lance un plan pour l’éolien offshore de 3 000mégawatts à l’horizon 2020. Mais attention, il s’agit de

puissance installée. En raison des sautes d’humeur desvents, une éolienne en mer ne produit que 25 % de sescapacités (15 % sur terre). Cela signifie que les 600 éo-liennes qui seront installées dans les dix ans qui viennentne produiront qu’à peine l’équivalent d’un des 58 réac-teurs nucléaires présents dans l’Hexagone. Les renouve-lables seront un jour dominantes, mais patience…

C’estdoncunevraiepistepour l’avenir ?CN : Clairement, mais si on accepte d’y mettre le prix. Lekilowatt issu des renouvelables aujourd’hui c’est de 5 à10 fois plus cher que le nucléaire. En fait, l’énergie, c’estd’abord un problème économique. Si on savait faire durenouvelable pas cher et stocker l’électricité, on le ferait,bien sûr. Mais pour le moment, ce n’est pas possible.

Mais l’Allemagnes’engagesur la sortiedunucléaire,c’estdoncpossible?CN : C’est n’importe quoi. C’est juste un choix politi-cien. Il y a six mois, Angela Merckel disait que l’aban-don du nucléaire était impossible. Et cela devientpossible parce que les Verts ont remporté les électionsdans le Bade-Wurtemberg ? L’Allemagne n’y arriverapas. Ou alors en construisant des centrales thermiquesau gaz à la chaîne, en contradiction totale avec les en-gagements européens du paquet climat-énergie. Et enplus, l’Allemagne va accroître sa dépendance vis-à-visde la Russie. Enfin, pour la France, qui utilise quatre foisplus de nucléaire que l’Allemagne, le problème est justequatre fois plus compliqué…

Propos recueillis par J.-L.C.

« Les renouvelables seront un jour dominantes, mais patience… »Une interviewde l’ancien directeur scientifique du Commissariat à l’énergie atomique, ChristianNgô.

JEAN

-PIERR

EMUL

LER/AF

P

H412_p16-17:L'HEMICYCLE 13/06/11 18:12 Page 17

Page 18: l'Hémicycle - #412

Dans la cour du lycée Henri-IV, samedi dernier on rendaithommage à Jorge Semprún.

Et l’ancien Premier ministre espa-gnol, Felipe González, racontaitqu’unmois plus tôt, alerté par la fillede Jorge que la fin de son ancienministre de la Culture approchait,il a fait un saut à Paris pour s’arrê-ter dans l’appartement de la rue del’Université, à deux pas de Saint-Germain-des-Prés, où Jorge a vécuses vingt dernières années.Semprún avait cru il y a quinze ansque deux opérations des hanches lemettaient à l’abri des douleurs quivous font sentir l’âge. Mais depuisquatre ans, depuis lamort deColettesa femme, c’était le dos qui le clouaitsur place. À 87 ans, il avait optépour une nouvelle opération. Et ill’a supportée. Mais on a décelé unetumeur au cerveau, et pour la pre-mière fois, après tant d’échecs, lamort allait l’emporter sur FedericoSánchez (son nom de clandestindans l’Espagne franquiste). Ques-tionde jours, de semaines, il le savaitmais n’en disait mot. Il ne quittaitplus son lit où il sommeillait. Cen’était plus tout à fait une vie, plusla sienne en tout cas.Plusieurs fois par jour, il ouvrait sonœil noir, sombre, farouche et affec-tueux à la fois. Il offrait auxvisiteurs,à sa fille, à sa famille et à ses proches,ce regard dans lequel depuis tou-jours nous avons été des milliers àvenir chercher un morceau de samémoire, de sa culture, de sa jeu-nesse, de son courage, de sa lucidité,de sa raison, de ses passions, de sanoblesse et de son amitié.Quel visage ! Si beau en cette fin, tra-gique commeunvieil arbre, si beautout au long de sa vie et tellementséduisant.« Ce jour-là, racontait Felipe Gon-zález, je suis monté chez Jorge. Safille l’a réveillé. Il s’est dressé sur uncoude, on s’est donné l’accolade etilm’ademandé : “Alors Felipe, qu’es-tu venu faire à Paris ?” Et j’ai dûinventer précipitamment un quel-conque colloque… »Oui, on souriait aussi dans cettecour du lycée Henri-IV, à deux pasdu Panthéon, où Semprún adoles-cent apprit à écrire le français, poserles bases de son talent d’écrivain,nourrit sa passion de la poésie etcommença à construire les fonde-ments de sa culture philosophique.

Samedi on écoutait Piccoli lisant cepoème de Baudelaire (« Ô Mort,vieux capitaine... ») que Semprúnrécitait à Maurice Halbwachs, sonprof d’Henri-IV, agonisant à ses côtésà Buchenwald. Avec Piccoli, Cécilia,la petite-fille de Jorge, reprend elle-même les vers de Baudelaire. Elle lessait par cœur, Jorge les lui disaitcomme d’autres racontent les féesquand elle avait cinq ans.

C’est, je crois, ce qui a fait uniqueet irremplaçable la fréquentationde Semprún. C’est unique de ren-contrer un tel être, absolument euro-péen : né en Espagne, de parentsrépublicains qui devront s’exiler enHollande puis à Paris, où Jorge ral-lie Henri-IV. Puis c’est la guerre, enFrance, la Résistance, l’arrestation,le train pour deux ans à Buchen-wald. Buchenwald qui construit àjamais sa pensée, ses réflexions, sa

poésie, sonœuvre future. ÀBuchen-wald, il dirige avec d’autres commu-nistes prisonniers politiques l’orga-nisation clandestine du camp,sauvant bientôt des enfants et desparents juifs qu’on entassera dansdes baraques voisines jusqu’à la finde la guerre.La résistance, Jorge, il l’avait dans lapeau.Après Buchenwald, la Libération et

puis la clandestinité dans l’Espagnede Franco, le retour à Paris, saseconde patrie, sa base. 1964, l’ex-clusion du PC de Santiago Carrillo,le rejet de cette illusion cruelle.Maisil ne regrette pas ces années : Jorgeétait inépuisable « sur l’absoluenécessité de l’équilibre entre l’enga-gement indispensable et la luciditénécessaire. »En 1963, il publie Le Grand Voyage,vingt ans après le camp. Il ne

cessera plus de mêler Histoire,roman, essai, dans ces livres telle-ment réels, magnifiquement litté-raires, d’une poésie splendide et tra-gique, avec humour et distanceaussi. Il ne cessera pas de dire la vieduMal, la SURVIEdes uns aux côtésde la mort des autres. Jusqu’à sonchef-d’œuvre : L’Écriture ou la Vie,en 1994.J’étais alors P.-D.G. de Canal+ etJorge m’a appelé : « C’est toi qui asdemandé à de Caunes dem’inviterà “Nulle Part Ailleurs” ? » Je l’en-tends vaguement soupçonneux etsouriant. « Non, lui dis-je, je l’ap-prends, je te rappelle. » Cinqminutes plus tard, je lui confirme :« C’est tout simple, de Caunes a luL’Écriture ou la Vie et il veut que tuen parles dans cette émission dejeunes adultes pour jeunes de tousâges. » Et il y fut magnifique,comme lors desmilliers de rencon-tres, de conférences, de discours,où son charme, sa force physique,si belle, son épaisse tignasse blanche,le chant doux et saisissant de savoix forte, toutes ces occasionsjamais perdues d’échanger, deraconter, de signifier, bref de rappe-ler hier pour analyser aujourd’hui.Et ce à Paris, à Madrid, à Berlin ouà Londres.C’est avec luiministre de laCulture,en 1988, que Canal+ a négocié sonpendant espagnol. Avec lui et legroupe du journal El País. Ministrede la Culture, il était consulté sanscesse aussi bien par FelipeGonzálezque par Juan Carlos.Que ce soit à l’occasion d’une pre-mière oud’unemillième rencontre,Jorge écoutait intensément et puis

il attrapait un mot, reprenait l’his-toire dans l’Histoire, il parlaitcomme il écrivait. Accessible tou-jours, tellement vivant. Je gardecette image de nos incessantsvoyages, sillonnant l’Europe, mul-tipliant rencontres et conférences.Peu après je l’ai fait entrer au conseild’administration de Canal, et plustard au conseil de surveillance, enaccord avec Jean-Marie Messier,conscient du poids que donnait

Jorge à nos ambitions de dévelop-per cette forme de télévision à tra-vers l’Europe.Je revois Jorge cerné par tous ceshommes de télé, lui habituéd’ “Apostrophes” mais guettantaussi les meilleurs matchs de foot,Jorge profitant de chaque quartd’heure de vol oude pause pour lire.Je n’ai jamais rencontré un autrehomme d’action et de vie ayantun tel appétit et une telle curiositéde la littérature sans jamais oubliersa passion pour la politique. Et sapassion pour l’Europe.Pendantnos annéesCanal, il a lancéavecnousuneopérationmajeure endirection de l’immigration euro-péenne (« LesLumièresdeBrindisi »),il était avec nous à Birmingham,où les télés et les politiques ten-taient de comprendre et d’équilibrerle raz de marée Murdoch. Puis ilfilait en direction des Balkans, pouranimer à Sarajevo en ruine labibliothèque André Malraux toutjuste inaugurée. Un symbole deplus de la flamme littéraire et cultu-relle, ferment, survie et avenirdes hommes et de l’Europe. Je neconnais pas d’autres hommes dusiècle qui aura autant fait par sa vieet par ce qu’il a dit et écrit pourque l’Espagne retrouve sa noblesse,que la France garde sa dignité, et quel’Allemagne soit à jamais celle deGoethe.C’est cela qu’évoquait samedi dansla courd’Henri-IVEdmondeCharles-Roux, belle et fragile, sur l’estradedressée. Avec sa voix profonde, ellea confié auxétudiantsde ce lycéequil’aimait et qui l’a révélé l’œuvre etla mémoire de Jorge Semprún.Les livres, les films aussi. Car leton, le sens politique étincelantde Jorge, son sens du récit, ont étédécisifs dans la force des filmsde Resnais (La Guerre est finie), deCosta-Gavras (Z et L’Aveu), de Bois-set, de Deray, ou de Losey. Il y futplus qu’un scénariste, il était unauteur et un créateur.Il était trop faible ces dernièressemaines pour suivre les confronta-tions entre le Real et le Barça. Jen’ai pu l’entendre tonner contre« son » Real au réalisme rugueux etinutile et s’enflammermême rageurpour le football génial et démocra-tique du Barça.Car, n’est-ce pas, Jorge ? « Tout estpolitique. »

18 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

Culture

Pendant plus de vingt ans, l’ancien président de Canal+ a croisé presque quotidiennementla route de Jorge Semprún. Il raconte ici le destin exceptionnel d’un républicain qui avait faitde l’Europe sa patrie. Et qui avait la résistance dans la peau et la littérature dans le sang.

Mon ami Jorge SemprúnPar Pierre Lescure

«QUELVISAGE ! SI BEAU ENCETTE FIN, TRAGIQUECOMMEUNVIEIL ARBRE, SI BEAUTOUTAULONG

DE SAVIE ET TELLEMENT SÉDUISANT.»

MIGUE

LMED

INA/AF

P

H412_p18:L'HEMICYCLE 13/06/11 17:38 Page 18

Page 19: l'Hémicycle - #412

Permettre l’accès à l’éducation des enfants défavoriséspar la culture, c’est, depuis 2005, l’engagement de la Fondation HSBC pour l’Education.

Depuis sa création, plus de 9000 enfants et près de 80 associations et institutions ont bénéficié de l’aide financière d’HSBC France et du soutien humainde ses collaborateurs.

http://www.hsbc.fr/fondation-education

Publié par HSBC France © Corbis

Page 20: l'Hémicycle - #412

L’affaire Luc Ferry – commeon l’appelle depuis le jour oùil crut bon d’évoquer sur

Canal+ les turpitudes marocainesd’un ancien ministre sans dire pré-cisémentqui, ni quoi, ni comment –devrait faire réfléchir les intellectuelsde profession qui acceptent de figu-rer à tort et à travers sur les plateauxde télévision. Certes l’exercice n’estpas nouveau. Dès la fin des annéescinquante, la télévision, qui n’étaitalorsqu’unservicepublic, eut recoursà des philosophes, à des penseurs, àdes essayistes, pour la plupart venusdu monde universitaire, pour rele-ver le niveau de ses programmes, etl’on s’en est réjoui. Ce fut l’époquedes grandes émissions et des grandsdébats dits culturels, qui nous valu-rent des moments de haute tenue.On se rappelle des plateaux où s’il-lustraient des personnalités commeBarthes, Jankélévitch,Clavel, Sartre,etc. Ces moments se sont au fil dutemps raréfiés, àmesure que la télé-vision se vulgarisait. Mais parallèle-ment et paradoxalement, lenombredes intellectuels convoqués par leschaînes n’allait cesser de croître. Eten même temps la nature de leurscontributions semodifia. Ils avaientété longtemps là pour apporter àl’émission la valeur ajoutée propreà la qualité de leur savoir et de leurréflexion. Désormais, ils seraient làà toutpropos,mais commedesorne-ments secondaires, tirant leur légi-timité non plus de leur supérioritécognitive mais de leur fonctionsociale, celle d’« intellectuels ». Tantil est vrai qu’aujourd’hui dans unegrande émission il faut toujours unintellectuel, comme il faut toujoursun jeune, unvieux, unhomme,unefemme, un exclu et quelques ano-

nymes. Pour la figuration. C’est cequ’on appelle les différents repré-sentants de l’opinion publique.Parmi ce panel, l’intellectuel estchargéd’apporter son commentaire

nonplus forcément sur les sujets desa compétence, mais sur tous lessujets, notamment les plus ordi-naires, les plus quotidiens, les plusanecdotiques, c’est-à-dire sur n’im-porte quoi, et d’assurer cettebesogne le plus brièvement possi-ble car l’horloge tourne, alors qu’au-trefois on leur donnait le tempsqu’il leur fallait.

Dans un petit essai brillant parurécemment chez Gallimard sousle titre Le Philosophe de service,Raphaël Enthoven analyse avechumour cette nouvelle fonction

dévolue par la télévision à l’intel-lectuel, et il le fait avec d’autantplus de lucidité qu’il est lui-même,et non des moindres, l’esclavecomplaisant du phénomène qu’ildénonce, le peintre et le modèle seconfondant ici, ce qui est aumoinsun signe de sincérité. Luc Ferryn’est pas moins emblématique decette nouvelle espèce d’intellec-

tuels qui, sous couvert de gouver-ner l’opinion, fonction tradition-nellement propre au philosophe,ne font en général, chacun selonson tempérament, ou que la suivre

ou que la provoquer, pour respec-ter la règle du jeu théâtral qu’im-pose la télévision. Enthovenl’avoue : le philosophe de service,« c’est le balourd chargé d’élever ledébat ». Ou encore : « il faut desbouffons au peuple comme il en fal-lait aux rois. »Aumoins, dans le zoomédiatique,ces bêtes-là ont-elles du talent, et ilest en général agréable de les regar-der et de les écouter, même lorsqueleur pensée ne va pas beaucoupplus loin que la nôtre, s’agissantde sujets qui, le plus souvent, ne lesconcernent ni ne les intéressentparticulièrement. Ils sont là pour laforme, auxdeux sensdumot, c’est-à-dire à la fois par respect de laconvention établie et parce qu’ilssavent mieux que quiconque s’ex-primer. C’est ainsi. Ne portons pasici de jugement de valeur sur le sys-tème médiatique qui veut qu’il ensoit ainsi.En revanche, inquiétons-nousdevant une menace. Celle-ciconcerne ce qu’on pourrait appe-ler la dépréciation des fonctions,phénomène qui au demeurant

n’est pas particulier à la conditiondes intellectuels, mais qu’on peutobserver à tous les étages de notrevie sociale, où les hiérarchies, lesqualifications, les légitimités ont

de moins en moins de sens. Sansfaire de l’intellectuel un hommesupérieur, on doit convenir que samaîtrise de la connaissance est,elle, supérieure à celle de l’hommequelconque. Or il y a de sa partune espèce de dévoiement, voired’abaissement, à se mettre au ni-veau de sujets qui sontmoins de safonction que de celle du journa-liste, commentateur de l’instant etmessager de l’opinion. Et par là-même, dévoiement à se mettre auniveau de l’opinion elle-même,sauf à penser qu’il occuperait dansles émissions dont il s’agit une po-sition dominante, celle du sage,mais on vient de le voir ce n’est pasle cas. La voix de l’intellectuel estdevenue une voix parmi d’autres.Si bien que, puisqu’on le confonddans la masse, ravalé au rang de« participant », il risque de perdrela conscience de son état, de sa res-ponsabilité. C’est ce qui est arrivéà Luc Ferry. Il n’était pas à sa place,comme on dit, ce soir-là à Canal+.Alors il a dit ce qu’il ne fallait pasdire. Au sens propre, il a commisun pas de clerc.

Culture

Pour le passionnéde journalismequ’estPhilippeTesson, les intellectuels dévalorisent leur fonctionen parcourant les plateaux de télévision et les studios de radio. Les penseurs se transformenten piètres commentateurs.

Un pas de clerc

20 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

«ENDEVENANTUNE VOIXPARMI D’AUTRES,

L’INTELLECTUEL RISQUE DEPERDRE LA CONSCIENCE DE SONÉTAT ET DE SA RESPONSABILITÉ »

UN VENT D’INGÉNUITÉET D’EFFRONTERIE…�Deuxdictionnaires sont lesbienvenus, après ceprintempsderévolutionsdiverses.Humour,économie etpolitique seraient, selondeux livres récemmentparus, toujourscompatibles…MichelMarcheteau,agrégéet ancienprofesseur d’anglais,proposeLaMondialisationexpliquéeauxnaïfs (L’Éditeur). Soit une série dedéfinitionsdécalées, volontairementsimplistes et caustiques, allantd’Acquis sociaux («Gueusede fonteattachéeaux chevilles de l’économieet l’empêchantdeprendre sonessor»)àZinzins (ces acteurs qui

contribuent au«délire financier »contemporain). Tandis que deuxanciens diplômés de Sciences Po,Paola de La Baume et EmmanuelGiannesini, se sont attelés à unDictionnaire impertinent de lapolitique (François Bourin Éditeur).Où l’on apprend que Gouvernancerime avec « gouvernement enpartance » ; queMafia équivautà « L’État, Hegel enmoins » ;ou encore que la Diversité est un« euphémisme des années 2000,destiné à faire passer l’idée queles Noirs, les Arabes etmêmeles femmes ont leur place dansla société »…

EN BREF� Le tout dernier texte signé parSemprún paraîtra au Cherche Midile 18 août. Il s’agit d’une préfaceà un livre qui lui tenait à cœur,La Nueve, 24 août 1944 : cesRépublicains espagnols qui ontlibéré Paris d’Evelyn Mesquida. Unetombe au creux des nuages : essaissur l’Europe d’hier et d’aujourd’hui,son dernier ouvrage (Flammarion,2010), sera disponible en pochele 5 octobre.� Anniversaires : Gallimard fêterases 100 ans le 15 juin, dans le jardincélèbre de la rue Sébastien-Bottin.On pourra découvrir en octobre la

Correspondance de GastonGallimard avec Paulhan et Gide.L’Olivier célèbre ses 20 ans avec unalmanach qui retrace son histoire etdeux soirées cet automne,organiséespar le CNL et le Centre Pompidou.� Prix littéraires d’été : le prix Marie-Claire du roman d’émotion a étéremis le 7 juin à Jérôme Garcin pourson récit Olivier (Gallimard) ; le prixde la Coupole (anciennement prixVaudeville) a couronné JosephMacé-Scaron le 8 juin pour sonspirituel Ticket d’entrée (Grasset).Le prix Drouot, qui récompenseune fiction en rapport avec l’universde l’art, sera attribué le 16 juin.

� 23-26 juin : le 7e Marathon desMots à Toulouse proposera plusde 120 rendez-vous et performanceslittéraires. Les débats et conférencestourneront autour du « Printempsarabe », avec des écrivains etspécialistes (Boualem Sansal,Elias Sanbar, etc.) venus derégions diverses.Les « écrivains de la route »,François Mauriac, Milan Kunderaet les éditions de l’Olivier, serontégalement à l’honneur de cefestival qui accueillera Jean-PierreMarielle, Anouk Aimée, DidierSandre et bien d’autres comédiens,pour des lectures. J.N.

Par Philippe TessonMIGUELMEDINA/AFP

H412_p20:L'HEMICYCLE 13/06/11 17:29 Page 20

Page 21: l'Hémicycle - #412

H403_p05-PUB:Mise en page 1 21/03/11 19:02 Page 1

Page 22: l'Hémicycle - #412

Internet est souvent qualifié dezone de « non-droit ». Outil depiratage desœuvresmusicales et

cinématographiques en violationdu droit d’auteur, propageantrumeurs et propos diffamatoires, leWeb n’a pas bonne presse. Le gou-vernement français tente demettrebon ordre à tout cela. Mais le droitnational est-il le bon échelon pourréguler le Web ?Pour appréhender la difficulté dece débat, il convient de rappelerqu’Internet est un réseau mondialqui permet d’interconnecter deséquipements informatiques pourleur permettre d’échanger des don-nées. Il est basé sur un certain nom-bre de protocoles de transfert dedonnées, protocoles qui sont stan-dardisés donc communs.Ce réseau est né aux États-Unis et aimmédiatement servi à l’échanged’informations entre différentslaboratoires de recherche. Au fur età mesure que ces centres de re-cherche américains ont connectédes systèmes informatiques de plusen plus puissants, Internet a pu pro-gressivement accueillir de plus enplus d’usagers et s’est ouvert augrand public lors des années quatre-

vingt-dix, lorsque l’infrastructureen a eu les capacités et que les pro-tocoles régissant leWorld Wide Web(ou Web) ont été mis en place. Cemédia s’appuie donc sur une struc-ture matérielle dispersée autour duglobe et qui appartient à unemulti-tude d’acteurs très différents.Il est régi par quelques organismesen charge de ce qu’on appelle la« gouvernance d’Internet », char-gés de faire respecter les protocolesd’architecture technique, de com-munication ainsi que l’assignationdes noms de domaines (noms desitesWeb). Cette dernière fonctionest assurée par une société améri-caine sous contrôle du départe-ment du commerce américain.Mais ces organismes de régulationn’ont aucune fonction de contrôlesur l’usage qui est fait d’Internet. Etces usages sont extrêmement variés.Qui dit alors quels sont les usageslégaux et illégaux ? Les Nationsunies ont créé un forum pour cettegouvernance, mais les États sontsource du droit. Internet, réseaumondial unifié sur un point de vuetechnique, est donc soumis à unemultitude de droits nationaux.C’est là que le bât blesse : noussommes en présence d’un outilunique sur lequel s’exercent des ju-ridictionsmultiples, chargées d’ap-pliquer des droits différents etantagonistes. Une informationhébergée sur un ordinateur russerelève du droit russe. Mais elle estaccessible depuis n’importe quel

ordinateur connecté de la planète.Elle peut, selon les cas, être légaledans un pays, illégale ailleurs. EnFrance, il est illégal de divulguerdes résultats ou sondages un jourde scrutin tant que tous les bureauxde vote n’ont pas fermé.Mais d’au-tres pays n’ont pas cette législation.Stocker et mettre à dispositiondes sondages « sortie des urnes »concernant un scrutin françaisn’est pas illégal sur un serveur

russe, par exemple. Ces différencesentre les législations nationales lais-sent des espaces flous dans lesquelss’engouffrent, par exemple, lesspammeurs, les fabricants decontrefaçons etmême les organisa-tions criminelles et terroristes.

À l’autre bout du spectre, la tenta-tion est désormais grande, pourcertains États, de mettre en placedes législations et des outils restrei-gnant l’usage d’Internet, limitantla liberté d’expression ou surveil-lant leurs concitoyens via la col-lecte de données personnelles.

Que faire ?Internet pose un problème juri-dique évident : peu d’objets juri-

diques sont comparables et chacunfait l’objet de traités internatio-naux : le continent antarctique, l’es-pace, ou l’océan. Comment traiterjuridiquement un média uniqueaux utilisations quasi illimitées ?Créer une instance internationale

souveraine ? Qui contrôlerait unetelle instance ?Qui s’assurerait de labonne application des règles ?Questions complexes auxquellesles États essaient encore de répon-dre efficacement. Hadopi, autoritéfrançaise chargée de lutter contrele piratage, considérée par certainscomme un progrès, par d’autrescommeun frein, est démunie contreles téléchargements illégauxdesœu-vres françaises à l’étranger.

2.0

Droit etWeb : uncouple infernal

Le chiffre

2dans le monde au 31 mars 2011(source Internet World Stats)

milliardsd’internautes

John Barlow lors du forume-G8 à Paris

La citation

«IL NE PEUT PASY AVOIR DE

CONTRÔLE PARTIEL.ON COMMENCEAVEC LA PROPRIÉTÉINTELLECTUELLEET L’ON CONTINUEAVEC DES PROPOSQUE L’ON N’APPRÉCIEPAS »

22 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011

MarkZuckerberg, fondateurdeFacebook, reçuà l’Élyséeà l’occasionde l’e-G8. PHOTOBERTRANDGUAY/AFP

FRANCE : TOUJOURSPLUS D’ABONNÉSEN HAUT DÉBIT� La croissance dumarchéfrançais de la connexion à Interneten haut débit n’est pas terminée.Avec près de 22millions d’abonnésau 31 mars, cette croissance estde 8%, soit 460 000 nouveauxabonnements. Si les abonnementsen ADSL sont les plus nombreux(plus de 20millions), le très hautdébit poursuit sa croissanceet représente plus de 500 000abonnements, dont 55 000nouveaux abonnements pourle seul premier trimestre 2011.

COMPARER LES PRIXDES SERVICES DETÉLÉCHARGEMENTLÉGAL ?� C’est le service que proposedepuis quelques mois une start-upfrançaise, Hubluc.com. Conçuepour être un hub culturel, la jeuneentreprise a signé des accordsde partenariats avec les grandesplates-formes de téléchargementet démarre son activité avec unmoteur permettant de comparerles prix des fichiers musicauxproposés en ligne par la Fnac,Amazon ou encore Apple. À terme,Hubluc compte étendre sonactivité à toute l’offre culturellenumérique, notamment les films.

WI-FI GRATUIT DANSLES TGV ? TROP CHER !� Proposé depuis 2008 à borddes Thalys, l’accès à Internet hautdébit enWi-Fi à bord des TGVfrançais va se généraliser. Mais ceservice continuera à être payant,a annoncé le PDG de la SCNF,GuillaumePepy. Les investissementsnécessaires pour généraliserces accès sont trop lourds pourpermettre un accès gratuitet illimité, malgré l’espérancedes clients. Le surcoût seraitde plusieurs dizaines demillionsd’euros. À l’heure actuelle, seulesles premières classes du Thalysbénéficient de cette gratuité.

CLASH ENTRE GOOGLEET LES AUTORITÉSCHINOISES� Le directeur de la sécurité deGoogle, Éric Grosse, a récemmentdénoncé des tentatives depiratages de comptes Gmail, leservice d’email en ligne de Google.Ces attaques ciblées seraientparties de la ville de Jinan, enChine, et auraient visé des officielsdes gouvernements américainet sud-coréen ainsi que desjournalistes et des activistes chinois.Les autorités chinoises ont toutde suite démenti et accusentGoogle de mensonge et d’avoirdes motifs politiques cachés.Ce nouvel incident a provoquédes tensions diplomatiques entrela Chine et les États-Unis.

En bref

Hadopi,malgré ses failles et ses difficultés d’application, a permis de limiterle téléchargement illégal.Mais, réunis en e-G8, les chefs d’État et degouvernement des pays les plus développés ont constaté qu’aucune loinationale ne pourra endiguer un phénomène qui se nourrit du caractèreanonyme et international d’Internet.

«LES DIFFÉRENCES ENTRE LES LÉGISLATIONSNATIONALES LAISSENT DES ESPACES FLOUS

DANS LESQUELS S’ENGOUFFRENT LES SPAMMEURS,LES FABRICANTS DE CONTREFAÇONS ET MÊMELES ORGANISATIONS CRIMINELLES ET TERRORISTES »

H412_p22-23:L'HEMICYCLE 13/06/11 16:58 Page 22

Page 23: l'Hémicycle - #412

NUMÉRO 412, MERCREDI 15 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 23

Déblogage

Chaquesemaine,le tourdu mondedes blogspar Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 85 890¤. RCS : Paris 443 984 117.44, rue Blanche - 75009 Paris. Tél. : 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONBruno Pelletier ([email protected]). DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard([email protected]). ÉDITORIALISTESGérard Carreyrou, Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Paul Lefèvre, Catherine Nay AGORA Ludovic Vigogne ONT COLLABORÉ ÀCE NUMÉROLudovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Antoine Colonna, Jean-François Coulomb des Arts, Béatrice Houchard, Pierre Lescure, Jessica Nelson, Manuel Singeot, BriceTeinturier, Philippe Tesson CORRECTIONAurélie CarrierMAQUETTEDavidDumand STAGIAIREDiane Ferrandez DIRECTRICE COMMERCIALEViolaine Parturier ([email protected])PARTENARIATSJuliette Boudre ([email protected]),Marine Durand-Ruel ([email protected])IMPRESSIONRoto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaquemercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE0413C79258 ISSN 1620-6479

Fabrice Letailleur, dans unblog collectif, exprime sonpessimisme sur ces primaires

et doute de la volonté du PS d’or-ganiser une consultation démo-cratique.

Fabrice Letailleur« L’affaire DSK laisse K.-O. deboutles socialistes qui pensaient queles primaires seraient une simpleformalité pour choisir leurcandidat à l’élection présidentiellede 2012.Ces primaires sont en réalité unaveu de faiblesse des socialistes,qui fait penser à un déficit dedémocratie d’un parti incapablede dégager en son sein un leaderincontestable. Le candidat natureldes socialistes – DSK – étantéliminé, les éléphants du PS vontse déchirer et montrer au peuplede gauche une image pitoyabled’un parti. Il suffit de se rappelerle lamentable congrès de Reimsde novembre 2008 pour seconvaincre que les socialistes,qui crient à tout boutde champ les louangesde la démocratie, nes’embarrassent pas de principequand il s’agit d’éliminer uncandidat qu’ils ne voulaientabsolument pas à la tête du Parti.Ségolène Royal a payé cher savolonté de se démarquer du partides éléphants. »> lebloglaicdechamps.over-blog.com

Profencampagne, un blog consacréà l’actualité éducative et poli-tique, met en cause le poids dessondages dans ces primaires, ac-cusés de fausser la démocratie duscrutin.

Profencampagne« La campagne n’a pascommencé, le débat d’idées nonplus, tous les candidats ne sontpas déclarés, mais les sondages sesuccèdent et se nourrissent d’eux-mêmes. Ils nous disent tous les

jours qui sera la ou le vainqueurdu scrutin dont le panel estpourtant inquantifiable (tousles Français qui le souhaitentpourront venir voter). Cesenquêtes d’opinion nous affirmentqui l’emportera sans interroger lesFrançais quant aux propositionsdes différents candidats. Lesmédias n’en parlent pas non plusou bien peu. En 2011, on assisteà une tentative grossière d’écrirel’Histoire. Si les sondages étaientsérieux, c’est Bertrand Delanoëqui serait aujourd’hui chargéd’organiser les primaires à la têtedu PS. Ce qui est navrant, c’estque loin de se décourager, malgréleurs échecs, certains « apprentissorciers » de la fabrique del’opinion continuent de le faire,de manière toujours plus violenteet manipulatoire. »>www.profencampagne.com

Mais au-delà de ce regard scep-tique, on pressent surtout en con-sultant les sites que la blogosphèreva devenir dans les prochaines se-maines un lieu d’affrontement,voire d’insultes entre partisans desdifférents candidats. Par exemple,Lucien Pambou, sur son blog,la République en mouvement, seconcentre sur la candidatureAubry pour en montrer les failles.

Lucien Pambou« Des électeurs du centre gaucheet du centre droit étaient prêtsà voter pour DSK en plus desélecteurs socialistes et ceux duFront de gauche et quelquesécolos. Quel est le discours deMartine Aubry en direction deces électorats alors qu’elle estconsidérée de façon typiquecomme étant à gauche ?Comment Martine Aubry va-t-ellegérer le pacte brisé qui la liait àDominique Strauss-Kahn si elle seprésente à la course des primairessocialistes ? Martine Aubry devrase faire violence : la Martine

candidate devra surpasser laMartine Aubry secrétaire généraldu PS et montrer sa capacitéà exister par elle-même au-delàdu pacte brisé. »> larepubliqueenmouvement.blogs.

nouvelobs.com

Un autre blog, lui aussi hébergépar Le Nouvels Obs, dont l’intitulé« Hollande pour 2012 » ne laisseplaner aucun doute sur son affi-liation politique, fait un portraitdes autres candidats qui laisse au-gurer de la violence future querisque de générer ces primaires.

Hollande pour 2012« On s’y attendait depuis fin maimais Manuel Valls a attendu queDSK plaide non-coupable, sedirigeant ainsi vers un procès, pourannoncer sa candidature. Sonpropos va sûrement être, duranttoutes les primaires, de taper sur lescandidats représentant le plus le

Parti (soit Hollande et Aubry).Est-ce que ses positions sur les35 heures (qu’il veut détricoter) ousur la sécurité vont donner du crédità sa candidature ou provoquer untir de barrage à gauche des autrescandidats ? Et Martine dans toutça ? Ben rien, ou presque. Toujourspas de candidature à l’horizon etune présence réduite dans le débatpolitique. L’attente devient suspecte.Martine est, elle, la digne fille deson père. »> hollandepour2012.blogs.nouvelobs.com

Un autre supporter de FrançoisHollande dénonce les rancunes ausein du PS vis-à-vis de son candidat.

Amertume« On a déjà une petite idée de laphysionomie que va prendre lacampagne électorale. Entre lesfaux amis du PS avec Fabius etautres langues de fiel en coulisses,et ensuite s’il est sélectionné dans

les urnes face à Nicolas Matuvu,qui pour se donner de ladimension tape dans le dosd’Obama en se dressant sur sesergots et pelote à tout-va Angelala Teutonne. Comment voulez-vous braves gens que ce soit facilepour François ! Le bon peuplede France, qui n’est pas loinde ressembler à celui de l’AncienRégime, n’aurait-il pas uneprédilection pour le bling-blingaprès l’avoir tant dénoncé. Est-cequ’il ne priserait pas chez lesgouvernants potentiels l’odeurdu faisandé ? Bref, il va falloirque Hollande fasse gaffe à sapartition et qu’il se la pètedavantage. Pas forcément qu’il sestrauss-kahnise, mais qu’il donneun peu plus dans le glamour.François, il va falloir la jouersexy ! Ton scooter, remise-le augarage, et change de montre ! »> Amertume.over-blog.com

Primaires socialistes : armede division massive sur la ToileIl y a ceux qui croient aux primaires et ceux qui n’y croient pas. Sur Internet,les partisans de chacun des candidats doutent de la sincérité des autreset de l’honnêteté du scrutin. La bataille des primaires s’annonce violentesur les blogs.

BERT

RAND

GUAY

/AFP

H412_p22-23:L'HEMICYCLE 13/06/11 17:01 Page 23

Page 24: l'Hémicycle - #412

Si nous fournissons une énergie plus propre aux transports en commun de Lille,nous pouvons aussi le faire pour le petit train de Marius.

Pour réduire l’impact sur l’environnement des transports en commun de Lille,

Gaz de France Provalys approvisionne les bus de la ville en Gaz Naturel Véhicules,

un carburant faiblement émetteur d’oxydes d’azote. Et pour que, vous aussi, vous puissiez faire un geste en

faveur de l’environnement, Gaz de France DolceVita vous propose l’offre de marché 2 énergies Nature qui

associe une électricité compensée 100 % hydraulique et un gaz naturel 100 % compensé carbone(1).

Dans votre ville, votre entreprise, comme chez vous, GDF SUEZ vous apporte une énergie plus sûre, plus respectueuse, mieux consommée.

(1) Les conditions de souscription de cette offre de marché DolceVita 2 énergies Nature sont disponibles sur le site www.dolcevita.gazdefrance.fr. Pour 100 % de l’électricité que vous achetez, GDF SUEZ achète son équivalent en électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable d’origine hydraulique. Les émissions de CO2 issues de la consommation de gaz naturel sont compensées par l’achat par le client de crédits carbone.

L ’ É N E R G I E E S T N O T R E A V E N I R , É C O N O M I S O N S - L A !

©JA

SO

NH

IND

LEY

GIB

LIN

-!"

"#$%&(

!""#$%&)G

DF

SU

EZ

:SA

AU

CA

PIT

AL

DE

225

029

575

7€

-R

CS

NA

NTE

RR

E54

210

765

1

Si nouus fournissons une énergie plus propre aux transports en commun de Lille,s une énergie plus propre aux transports en commun de Lille,plus propre aux transports en commun de Lille,en commun dde Lille,nous pouvons auss

gi le faire pour le petit train de Marius.

p p ple petit train

pde Marius.

,

carbun

dfaveur

associe

éfaiblementburant

l’environnement,de

célectricité une

lréduirePour

FrancedeGaz

dd’oxydesémetteur

DFrance deGaz

%100compensée

l’environnement sur’impact

approvisioProvalys

qupourEtd’azote.

propose vous DolceVita

ethydraulique %

trandesonnement

vladebuslesonne

vouaussi,vousue,

madel’offre pose

1naturel gaz un

communennsports

NaturelGazenville

unfairepuissiezus

énergies2arché N

compensé %100

Lille, den

éhicules,V

engesten

iuqerutaN

carbone(1).

votrDans

itidnocseL)1(éenéquivalent

entreprisevotreville,e

ederfffoettttecednoitpircsuosedsnosourcesdepartiràproduiteélectricité

GDFvous,chezcomme,

rutaNseigrgené2atiVecloDéhcramehydrad’origine renouvelable d’énergie

une apporte vousSUEZF

d.wwwwwwwetiselrusselbinopsidtnosereCOdeémissions Lesaulique. 2 dsseussi2

plus sûre,plus énergie e

%001ruoP.rr.f.ecnarafedzag.ativeclodnoslereutanzzaggaeednoitammosnocaled

mieux respectueuse, s

G,zetehcasuoveuqéticirtcelé’ledneilceelrrapttahca’lrrapseesésnepmocttn

consommée.

nosetèhcaZEUSFD.enobrbacsttsidérécedttn

L ’ ONTSEEIGRENÉ CÉ,RINEVAERT !AL-SNOSIMONO !

H410_p16-PUB:Mise en page 1 23/05/11 19:41 Page 1