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La rapidité avec laquelle Nicolas Sarkozy et François Fillon ont réglé le cas d’un obscur secrétaire d’État le confirme : il y a bien un avant et un après-DSK. Sur l’aspect poli- tique, on a tout dit, et donc pas grand-chose puisqu’il faudra encore du temps pour mesurer les consé- quences qu’aura l’effacement du leader PS sur son propre parti et sur l’issue des présidentielles. Mais l’af- faire Tron montre que le plus important est ailleurs : dans cet après-DSK qui ne relève pas de la sphère poli- tique mais de l’univers sociétal et plus encore de l’in- time, dans ces paroles de femmes qui se libèrent en évoquant ouvertement les agressions et les violences qu’elles n’osaient avouer pour de multiples raisons. À New York, une jeune femme de condition modeste a eu le courage de dénoncer l’agression d’un puissant, et beaucoup de choses ont changé. Bien sûr il reste à établir que ces accusations sont vraies, mais quoi qu’il arrive cette parole transgressive a déjà encouragé des femmes en France à sortir du mutisme dans lequel elles s’étaient réfugiées. Cette victoire inattendue de toutes celles qui se battent contre le sexisme souvent vulgaire qui structure encore notre société est à saluer sans réserve. Ou presque : la seule condition qu’il faut y mettre, c’est que cette parole libérée ne soit pas l’oc- casion de mensonges à rebours ni de vengeance tar- dive. Et encore moins le prétexte au retour à une forme d’ordre moral où les relations hommes-femmes ne seraient plus codifiées que par des interdits. Si ce n’est pas ce que souhaitent celles qui se battent pour la dignité des femmes et l’égalité des sexes, ce peut être la tentation de certains. Puisqu’il y a un après-DSK dans ces domaines qui touchent à la relation de chacun avec soi et avec l’autre, souhaitons que ce courage de la vérité contribue d’abord à façonner une société dans laquelle le respect des femmes cessera d’être une revendication pour être une réalité. Les propos entendus depuis quinze jours montrent qu’on est loin du compte. Le courage au féminin Le chiffre G 8, G20, régulation financière, aide aux pays européens en dif- ficulté, émergence du Sud, poids de la Chine et puissance de l’Inde, la mondialisation des relations écono- miques est partout. Dissimulée ou affi- chée, critiquée ou revendiquée, elle paraît aujourd’hui inéluctable. Au point que la seule question qui se poserait à ceux qui sont au pouvoir et à ceux qui veulent y parvenir serait de savoir si la régulation de cette forme de libre- échange doit être un peu, beaucoup ou puissamment encadrée. Les chefs d’État et de gouvernement qui étaient à Deau- ville et qui seront à Cannes en novembre ne doutent pas que cette mondialisation soit incontournable et irréversible. Question : Faut-il absolument les croire ? Le Front national de Marine Le Pen, la gauche de la gauche incarnée par Jean-Luc Mélenchon et même une partie du PS autour d’Arnaud Monte- bourg, affirment au contraire que l’on peut gérer la France autrement. Dé- mondialisation, fermeture des fron- tières, refus des délocalisations, autant de credo qui constituent le fond com- mun de ce front du refus hétéroclite mais puissant et qui, à n’en pas douter, rassemble beaucoup de Français. Libé- raux et sociaux-démocrates ne pourront pas l’ignorer. Et du coup ce qui appa- raît aller de soi à certains sera en fait au cœur du débat présidentiel de 2012. Les partisans de la mondialisation qui pensent avoir le bon sens économique avec eux devront redoubler d’argu- ments pour convaincre les 20 ou 30 % de récalcitrants. 20 à 30 %, ce n’est pas rien, et ce sera décisif. R.N. > Lire p. 2, 3 et 15 NUMÉRO 411 — MERCREDI 1 ER JUIN 2011 — 1,30 ¤ Éditorial Robert Namias Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias JULIETTE BOUDRE PHILIPPE HUGUEN / AFP ERIC FEFERBERG / AFP Mondialisation : le débat de la présidentielle lhemicycle.com Symbolisée par le G8 et le G20, la mondialisation sera au cœur de la campagne pour les élections de 2012. De Marine Le Pen à Arnaud Montebourg, les opposants fourbissent leurs armes et entendent peser très lourd dans ce débat. Marine Le Pen P. 2 Jérôme Cahuzac P. 3 MIGUEL MEDINA / AFP FRED DUFOUR / AFP Au sommaire Agora : Marine Le Pen, Jérôme Cahuzac >P. 2-3 Plan large : Démocratie et secret par Michèle Cotta >P. 4 Initiatives : À Nice, l’union fera la force avec Christian Estrosi >P. 6-7 À distance : Terrorisme : après l’enlèvement de trois Français au Yémen, une menace toujours présente par Rob Wainwright >P. 10 Expertise : À propos des autorités administratives indépendantes. Itv de René Dosière >P. 11 2sur3! WPA POOL / AFP Les deux tiers des illettrés dans le monde sont des femmes, selon la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova. Moins de 40 % des pays donnent aux filles et aux garçons un accès égal à l'éducation. Les femmes représentent toujours les deux tiers des 796 millions d'adultes illettrés dans le monde. Les radars en folie Toute la semaine, députés et ministres se sont pris les pieds dans le bitume. Démagogie galopante et grand n’importe quoi au programme des Quatre Colonnes. Par Nathalie Segaunes > Lire p. 4 La tête près du bonnet Le président de la CNIL, Alex Türk, n’est pas homme à s’en laisser conter. Et il le dit. > Lire Focale p. 8 par Jean-François Coulomb des Arts Les chefs d’État et de gouvernement du G8 à Deauville. À leur droite, le président de la Commission européenne. Et aussi

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l'Hémicycle numéro 411 du mercredi 1 juin 2011

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La rapidité avec laquelle NicolasSarkozy et François Fillon ont régléle cas d’un obscur secrétaire d’Étatle confirme : il y a bien un avant etun après-DSK. Sur l’aspect poli-

tique, on a tout dit, et donc pas grand-chose puisqu’ilfaudra encore du temps pour mesurer les consé-quences qu’aura l’effacement du leader PS sur sonpropre parti et sur l’issue des présidentielles. Mais l’af-faire Tron montre que le plus important est ailleurs :dans cet après-DSK qui ne relève pas de la sphère poli-tique mais de l’univers sociétal et plus encore de l’in-time, dans ces paroles de femmes qui se libèrent enévoquant ouvertement les agressions et les violencesqu’elles n’osaient avouer pour de multiples raisons.À New York, une jeune femme de condition modestea eu le courage de dénoncer l’agression d’un puissant,et beaucoup de choses ont changé. Bien sûr il reste àétablir que ces accusations sont vraies, mais quoi qu’ilarrive cette parole transgressive a déjà encouragé desfemmes en France à sortir du mutisme dans lequelelles s’étaient réfugiées. Cette victoire inattendue detoutes celles qui se battent contre le sexisme souventvulgaire qui structure encore notre société est à saluersans réserve. Ou presque : la seule condition qu’il fauty mettre, c’est que cette parole libérée ne soit pas l’oc-casion de mensonges à rebours ni de vengeance tar-dive. Et encore moins le prétexte au retour à une formed’ordre moral où les relations hommes-femmes neseraient plus codifiées que par des interdits. Si ce n’estpas ce que souhaitent celles qui se battent pour ladignité des femmes et l’égalité des sexes, ce peut êtrela tentation de certains.Puisqu’il y a un après-DSK dans ces domaines quitouchent à la relation de chacun avec soi et avec l’autre,souhaitons que ce courage de la vérité contribue d’abordà façonner une société dans laquelle le respect desfemmes cessera d’être une revendication pour être uneréalité. Les propos entendus depuis quinzejours montrent qu’on est loin du compte.

Le courageau féminin

Le chiffre

G8, G20, régulation financière,aide aux pays européens en dif-ficulté, émergence du Sud, poids

de la Chine et puissance de l’Inde, lamondialisation des relations écono-miques est partout. Dissimulée ou affi-chée, critiquée ou revendiquée, elleparaît aujourd’hui inéluctable. Au pointque la seule question qui se poserait àceux qui sont au pouvoir et à ceux quiveulent y parvenir serait de savoir sila régulation de cette forme de libre-échange doit être un peu, beaucoup oupuissamment encadrée. Les chefs d’État

et de gouvernement qui étaient à Deau-ville et qui seront àCannes ennovembrenedoutent pas que cettemondialisationsoit incontournable et irréversible.Question : Faut-il absolument lescroire ? Le Front national de Marine LePen, la gauche de la gauche incarnéepar Jean-Luc Mélenchon et même unepartie du PS autour d’Arnaud Monte-bourg, affirment au contraire que l’onpeut gérer la France autrement. Dé-mondialisation, fermeture des fron-tières, refus des délocalisations, autantde credo qui constituent le fond com-

mun de ce front du refus hétéroclitemais puissant et qui, à n’en pas douter,rassemble beaucoup de Français. Libé-raux et sociaux-démocrates ne pourrontpas l’ignorer. Et du coup ce qui appa-raît aller de soi à certains sera en fait aucœur du débat présidentiel de 2012.Les partisans de la mondialisation quipensent avoir le bon sens économiqueavec eux devront redoubler d’argu-ments pour convaincre les 20 ou 30 %de récalcitrants. 20 à 30 %, ce n’est pasrien, et ce sera décisif. R.N.

>Lire p. 2, 3 et 15

NUMÉRO 411 —MERCREDI 1ER JUIN 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

JULIETTE

BOUDR

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PHILIPPE

HUGU

EN/A

FPERICFEFERB

ERG/A

FP

Mondialisation : ledébatde laprésidentielle

lhemicycle.com

Symbolisée par le G8 et le G20, lamondialisation sera au cœurde la campagne pour les élections de 2012. DeMarine Le PenàArnaudMontebourg, les opposants fourbissent leurs armeset entendent peser très lourd dans ce débat.

MarineLePen

P. 2

JérômeCahuzac

P. 3

MIGUEL

MED

INA/A

FP

FRED

DUFO

UR/A

FP

Ausommaire • Agora :MarineLePen, JérômeCahuzac>P. 2-3 •

Plan large :Démocratie et secret parMichèleCotta>P. 4 • Initiatives :ÀNice, l’union fera la force avecChristianEstrosi>P. 6-7 •Àdistance :Terrorisme : après l’enlèvementde trois Français auYémen,unemenacetoujours présente parRobWainwright>P. 10 •Expertise : À proposdesautoritésadministratives indépendantes. ItvdeRenéDosière>P. 11

2sur3 !

WPA

POOL

/AFP

Les deux tiers des illettrés dans le monde sont desfemmes, selon la directrice générale de l'Unesco, IrinaBokova. Moins de 40 % des pays donnent aux filles etaux garçons un accès égal à l'éducation. Les femmesreprésentent toujours les deux tiers des 796 millionsd'adultes illettrés dans le monde.

Les radars en folieToute la semaine, députés et ministres se sontpris les pieds dans le bitume. Démagogiegalopante et grand n’importe quoiau programme des Quatre Colonnes.ParNathalie Segaunes>Lire p. 4

La têteprèsdubonnetLe président de la CNIL,Alex Türk, n’est pashomme à s’en laisser conter. Et il le dit.>Lire Focale p. 8 par Jean-FrançoisCoulombdesArts

Leschefsd’État etdegouvernementduG8àDeauville.À leurdroite, leprésidentde laCommissioneuropéenne.

Et aussi

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NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 3

Quelbilan tirez-vousduG8?Est-ceunbeausuccèspourNicolasSarkozy?Une aide a été décidée en faveur despays duMaghreb ayant chassé leursdirigeants corrompus. Ces pays enont besoin pour enraciner démo-cratie et prospérité, qui permettrontnotamment de maîtriser les fluxmigratoires en France. Cette poli-tique est évidemment préférable àla politique de garde-barrière queClaude Guéant mène, avec ineffi-cacité d’ailleurs. Mais en dehors decette mesure, rien ne répond auxattentes des peuples.

Cegenredegrand-messesert-ilencoreàquelquechose?Une coordination internationalepermanente est préférable à unepolitique de coups d’éclat qui sur-prend souvent nos partenaires.Mais la médiatisation et le coût deces sommets sont sans doute exces-sifs au regard de leur portée réelle :G8 et G20 coûteront cette année aumoins 50 millions d’euros au pays.La demi-journée créant l’Unionpour laMéditerranée (UPM) a coûté16 millions d’euros, celle du som-met de l’OTAN à Strasbourg prèsde 40 millions d’euros. On peine àdiscerner les conséquences pour lesFrançais de tous ces barnums.

Est-il illusoiredevouloir régulerlamondialisation?La liberté des transports, des com-munications ou de l’informationest une bonne chose.Mais le risquefinancier doit être contrôlé. Or il nel’est toujours pas et d’autres crises,plus graves, menacent donc. De

plus les trois chantiers ouverts parla présidence française ne semblentpouvoir être conclus. La volatilitédes prix des matières premières esttoujours aussi inquiétante. Toutreste à faire pour élaborer un nou-veau système monétaire. Et unenouvelle gouvernance mondialesemble en panne. Qui se souvientd’ailleurs que ces trois chantiers ontété choisis par la présidence fran-çaise du G20 ?

Vouscomprenezquecelle-cisuscite tantdecrainteschezlesFrançais?Pourmaîtriser leurs craintes, encorefaudrait-il que nos concitoyenssachent ou les autorités françaisesles mènent. Or, la communicationprime sur tout le reste et aucun che-min n’est proposé qui permette uncompromis entremondialisation etmodèle social français. C’est l’échecle plus grave du pouvoir actuel.

Danssonprojet, lePSproposeunecertainedosedeprotectionnisme.Est-ceéconomiquement réaliste?L’Europe est unmarchéouvert à toussans contreparties demandées auxpays d’Asie ou d’Amérique. Les né-cessaires et nouvelles règles com-merciales mondiales ne seront pas

créées puisque le cycle de Doha n’aplus aucune chance d’aboutir. La re-prise des échanges va donc se faireau détriment de l’Europe et enparti-culier de la France, dont le commerceextérieur bat des records de déficittous les mois. On aurait pu espérerd’une présidence française du G8et du G20 qu’elle s’en préoccupe.En Europe, il ne s’agit pas d’érigerdes barrières protectionnistes, maisd’empêcher les politiques non coo-

pératives fondées sur le dumpingsocial ou fiscal. Jamais la Francen’aurait dû accepter d’aider l’Irlandeavant que celle-ci ne renonce à sontauxde l’impôt sur les sociétés (15%),qui relève davantage du dumpingfiscal que d’une concurrence loyaleentre partenaires.Enfin, des accords internationauxdoivent permettre de lutter contre leréchauffement de la planète. Or lesommet de Deauville a confirmél’abandon de ce combat dont Nico-las Sarkozy avait pourtant décidéquece serait son grandœuvre.Dénoncerces situations, c’est indiquer tout cequ’il faut faire et que le PS propose.

Quepensez-vousde ladémondialisationdeMontebourg?La mondialisation est inscrite dans

les réalités industrielles. Démon-dialiser est infaisable, mais ceconcept permet de jolis discours.Pour autant, je souscris à la volontéde rejeter la concurrence par le bas,de promouvoir des modèles de dé-veloppement plus respectueux deshommes et de l’environnement,d’affirmer une politique industriellenationale, de réfléchir au modèlecoopératif comme concurrent dumodèle actionnarial. Il serait dom-

mage de gâcher ces belles intuitionspar un slogan simpliste.

Leproblèmen’est-il pasd’abord lafaiblesseactuellede l’Europe?La crise financière aurait dûmontrerà tous que le modèle thatchérienn’est pas viable. Or le pire semblant,peut-être à tort, passé, tout recom-mence comme avant, la démagogieen plus. Nous avions une crise fi-nancière, économique et sociale. S’yajoutent des crises politiques par lerejet massif des gouvernants enplace. En France comme ailleurs.

Querépondez-vousàMarineLePenquiprône lasortiede l’euro?Diaboliser un concurrent politique,quel qu’il soit, est infantile. Expli-quer les conséquences de ce que se-

rait la politique de Mme Le Pen seraplus efficace si l’on veut empêcherson succès. Or, sortir de l’euro au-rait pour effet de rendre le poids denotre dette publique insupportable,renchérirait considérablement leprix de l’énergie, dégraderait notrecompétitivité et contraindrait doncà une dévaluation qui, pour réussir,obligerait au contrôle des salaires etdes retraites. Il m’étonnerait que lesFrançais fassent de tels choix. Maisencore faudrait-il qu’aucun ne pariesur le score de Mme Le Pen pouréliminer dès le premier tour de laprésidentielle un concurrent jugédangereux au deuxième.

LesFrançaisont lesentimentquecettemonnaieaprovoquéunevraiehaussedesprix.À juste titre?Des abus ont existé au moment dupassage à l’euro.Mais l’évolution ul-térieure, avec un euro fort, est plutôtprotectrice par rapport aux prix desimportations, notamment de ma-tières premières telles que le pétrole.La question est en réalité celle dupouvoir d’achat, entamé par lahausse du chômageou le travail pré-caire, et rogné cette année par l’in-flation. Les classesmoyennes paientun tel tribut que leur crainte d’undé-classement pour elles et surtout pourleurs enfants est de plus en plusforte. Leur exaspération grandit enconstatant les rémunérations insen-sées de certains dont la proximitéavec le pouvoir actuel est notoire.

Propos recueillispar Ludovic VigogneChef du service politique

de Paris Match

Agora

«AUCUNCHEMINN’EST PROPOSÉQUIPERMETTEUNCOMPROMIS ENTRE

MONDIALISATION ETMODÈLE SOCIAL FRANÇAIS.C’EST L’ÉCHECDU POUVOIR ACTUEL»

«Lamondialisation est inscrite dans les réalitésindustrielles. Démondialiser est infaisable,mais

ce concept permet de jolis discours»Leprésidentde la commissiondesfinancesdéfend l’euro. JérômeCahuzac craint cependantque les trois chantiers ouverts parNicolasSarkozyà l’occasionduG20 restent lettremorte.

FRED

DUFO

UR/A

FP

JÉRÔME CAHUZACPRÉSIDENTDELACOMMISSIONDESFINANCESDEL’ASSEMBLÉENATIONALE

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011

Agora

LaFrancedoit-elleêtrefièred’avoiraccueilli leG8etdeprésider leG20?Tout cela n’est que de la poudreaux yeux. La vraie fierté en poli-tique, c’est de changer ce qui vamal. Or, le G8 comme le G20 n’ontpas apporté de réponses aux pro-blèmes que posent la financemon-diale, la spéculation, l’effondrementdu pouvoir politique face au pou-voir des puissances d’argent. Cesgrand-messes ne servent qu’à dé-penser de l’argent.

Celanepeut-il pas rassurer lesFrançais sur lamondialisation?Je ne crois pas. Ce sont des opéra-tions de com’. Les Français souffrentau quotidien de lamondialisation etne voient aucune traduction poli-tique de toutes les promesses faiteslors de ces sommets. La vérité, c’estqueNicolas Sarkozy a gâché la crise.Une crise, pour un homme d’État,c’est l’opportunité de changer leschoses. Il ne l’a pas fait. Il a sauvé lesbanques, mais n’a rien fait pouraméliorer le système bancaire inter-national. C’est déplorable.

Quellesmesuresproposez-vouspour lutter contre lesdérivesde lamondialisation?Nous sommes à la fin d’un sys-tème. Il faut organiser les bases decelui qui le remplacera demain. Ilfaut d’abord envisager au niveauinternational le retour de l’étalon-or, seul moyen de mettre fin à laspéculation. Il faut ensuite que lesnations retrouvent leur souverai-neté, notamment monétaire, carl’euro a affaibli l’Europe et n’a enrien été un bouclier face à la crise. Ilfaut enfin mettre en place un pro-

tectionnisme raisonné. Je constatequ’il ne l’a pas été aux frontières del’Europe et qu’il ne le sera jamais.

Enquoi consisteceprotectionnismeraisonné?Ce sont des protections du type decelles qui existent aux États-Unis,en Chine ou au Canada. C’est unmécanisme de primauté donné auxentreprises nationales. Ici, il estinterdit en raison du traité de Lis-bonne, qui a été imposé aux Fran-çais contre leur volonté.

Necraignez-vouspardesmesuresderétorsionpourl’économiefrançaise?Je crois à la diplomatie, égalementen matière économique. Au-jourd’hui les nations peuvent envi-sager ce protectionnisme.

Nerefusez-vouspasdeprendreencomptecertaines réalitéscomme lepoidsde laChine,de l’Indeetceluide l’Europe?Ce continent est en déclin, mais cen’est pas une fatalité. C’est laconséquence d’erreurs politiques etéconomiques très lourdes. Il en fauttirer les conséquences.Mais ce n’estpas la classe politique qui les acommises qui pourra les rectifier.

VousvoulezsupprimerleFMI,sortirdel’OMCsicetteinstitutionn’abandonnepasladéfensedulibre-échange,vousnecraignezpasl’isolementdelaFranceetl’affaiblissementdesavoix?

Non. Prenons l’exemple sur le gé-néral de Gaulle et le formidablepouvoir de la volonté en politique.Il n’y a rien de plus néfaste que dese présenter à une négociation encommençant par dire que l’on sesoumet à des diktats. Or, l’existencedu FMI nécessite un débat que per-sonne ne veut voir. Il est devenuune espèce d’huissier international,un supplétif des puissances finan-cières. Il impose de vendre vosbiens, d’arrêter les études des en-fants…On s’est éloigné de l’idée de

1945. Je plaide pour la solidarité in-ternationale et l’existence d’unfonds pour aider les peuples en dif-ficulté mais qui respecte leur sou-veraineté. Il serait géré par lesNations unies.

Quefaites-vouspour combattrela toute-puissancefinancière?Le préalable essentiel est de séparerles banques de dépôt et les banquesd’affaires. L’État doit pouvoir agirpour préserver les banques de dépôt.Les banques d’affaires doivent en re-vanche être traitées comme des en-treprises soumises auxmêmes règlesque les autres. Il convient ensuite derendre à la Banque de France sa pré-rogative essentielle, qui est de prêterau Trésor sans intérêts, pour échap-per aux mécanismes du marché.L’État, enfin,doit êtreunÉtat stratège,présent pour réguler les dérives et lesabus qui sont ceux de la main invi-

sible dumarché. Prenez par exempleles ententes dans la grande distribu-tion. Aujourd’hui elles ne sont passuffisamment combattues par l’État.

Votrescénariodesortiede l’euroadumalàconvaincre? Est-ilvraiment réaliste?Imaginons que je sois élue en2012. Ma première décision seraitd’aller trouver nos partenaires etde leur expliquer que notre res-ponsabilité est de sortir d’un sys-tème – s’il ne s’est pas effondréd’ici là ! – condamné et qu’il estnécessaire de réoxygéner nos éco-nomies. L’euro contribue à la mortdes économies plutôt qu’à leursurvie. Je suis consciente que c’estun saut dans l’inconnu pour beau-coup de nos concitoyens, mais jeleur dis que la France est un grandpays, qu’elle a vécu avec la libertémonétaire pendant des siècles etque cela ne fait que dix ans quel’euro a été mis en place. Des éco-nomistes très sérieux (JacquesSapir, Jean-Jacques Rosa, NormanPalma) préconisent ce scénariomême si on leur laisse peu d’es-pace médiatique. Il n’y a que deuxsolutions. Soit on sacrifie le peu-ple, soit on sacrifie le dogme de lamonnaie unique. Moi, je ne veuxpas sacrifier mon peuple sur ledogme de l’euro.

Dans lessondages, lesFrançaisrestentàplusde70%attachésà l’euro...Je n’y crois pas. La vision de l’eurofluctue en fonction de la visibilitéde la crise. Quand elle est visible,les Français doutent. Quand l’ac-tualité la cache, ils se posentmoins

cette question. Mais ils vont iné-luctablement se la poser car nousallons au-devant de grandes diffi-cultés. La Grèce, l’Irlande, le Portu-gal, peut-être l’Espagne et l’Italie… :nous ne sommes qu’au début dela grande crise de la zone euro. Jeremarque, enfin, qu’en Allemagneil n’y a pas ce tabou et qu’il y a unvrai débat sur l’euro. En France,il est étouffé par des responsablesdécrédibilisés.

Plusieursdevosmesureséconomiques ressemblentàcellesde lagauche(lasuppressiondesstock-options,ou lafiscalité).Comment l’expliquez-vous?Mon sentiment est plutôt que lagauche s’inspire de nous. Nousétions les premiers et les seuls pen-dant longtemps à parler de protec-tionnisme et de démondialisation.Mais le programme du PS reste in-cohérent.

LeFNest-il toujoursunpartid’extrêmedroite?Le FN n’a rien à voir avec l’extrêmedroite. Il n’en a aucundes points quila définit. C’est un parti patriote quis’oppose au mondialisme, qui estl’idéologie qui soutient l’accélérationde la mondialisation. De ce patrio-tisme découlent des pans entiers denotre programme : la souverainetébudgétaire, économique, territoriale,législative. Notre vision est une vi-sion gaullienne. Nous sommes lesseuls à défendre une nation souve-raine, un État fort et stratège.

Propos recueillispar Ludovic VigogneChef du service politique

de Paris Match

«MOI, JE NE VEUX PASSACRIFIER MON PEUPLESUR LE DOGME DE L’EURO »

MARINE LE PENPRÉSIDENTEDUFRONTNATIONAL

PourMarine LePen, le projet duFrontnational, hostile à lamondialisation, est d’inspirationgaullienne. LaprésidenteduFNdéfend la sortie de l’euro et unprotectionnisme raisonné.

«Nicolas Sarkozy a gâché la crise. Il avait l’opportunitéde changer les choses. Il ne l’a pas fait»

MIG

UEL

MED

INA

/AFP

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Cela va-t-il finir, comme leprédit Yannick Favennec(UMP, Mayenne), par un

« printemps des députés » ? La ma-jorité a en tout cas frôlé la sortie deroute la semaine dernière à l’As-semblée. Il suffisait de voir, le 11mai, les mines des élus UMP s’al-longer au fur et à mesure queClaude Guéant annonçait les me-sures prises par le comité intermi-nistériel de la sécurité routière,pour comprendre qu’on n’allait pasen rester là. Le ministre de l’Inté-rieur était hué par les parlemen-taires de la majorité, tandis queceux de l’opposition applaudis-saient, rigolards. Comme si l’on fai-sait déjà le calcul, de part et d’autrede l’hémicycle, que cesmesures, vi-sant à faire baisser la vitesse sur lesroutes, auraient surtout pour effetde faire baisser le nombre d’élec-teurs de la majorité sortante en2012. De là à imaginer que 84 dé-putés (sur 313) réussiraient à faireplier le Gouvernement...C’est pourtant à un incroyable tête-à-queue que l’on aura assisté :«Désormais, il n’y aura plus de signa-lisation des radars », annonçaitGuéant, d’un tonmartial, le 11mai.« Ces panneaux (NDLR : de signali-sation) seront retirés en même tempsque seront déployés des radars pédago-giques, qui rappellent à l’usager la vi-tesse à laquelle il roule sans lesanctionner », rectifiait-il, la voixmoins assurée, trois semaines plustard. En clair, les radars fixes conti-nueront à être signalés, non pluspar de simples panneaux, mais pardes radars pédagogiques ! L’aug-mentation du nombre de tués surles routes de France en avril 2011(+ 20 % par rapport à 2010) n’aguère ému nos 84 députés. « Per-sonne ne nous a fait la démonstrationque c’était lié à une augmentation de lavitesse, affirme ainsi Patrice Calmé-jane (UMP, Seine-Saint-Denis). On

n’est pas des criminels de la route,mais on demande que les causes decette augmentation soient bien analy-sées. Il peut y en avoir bien d’autres,comme l’alcool, l’assoupissement, etc... »« Nous ne sommes pas là pour faciliterla vie des chauffards, assure sans rireJean-Marc Roubaud (UMP, Gard).Mais nous sommes sous la pression denos électeurs. On reçoit des mails, on

est interpellé. Il y a eu de l’émotion, del’épidermique sur cette question ».Prendre un peu de hauteur, fairepasser l’intérêt général avant les in-térêts particuliers des automobi-listes, affronter la « profondeexaspération » des électeurs sansrien céder, telle n’est pas la missionde ces 84 frondeurs, qui ont adresséune lettre ouverte au Premier mi-nistre etmenacé de ne plus voter lestextes s’ils n’étaient pas entendus. «Les députés sont là pour faire remonter

le mécontentement des Français, af-firme Christian Vanneste (UMP,Nord).C’est l’exercice normal de la dé-mocratie ». Le président de la Répu-bliqueNicolas Sarkozy a cru clore ledébat en lançant, lors du dernierconseil desministres : « Il faut savoirsi nous sommes des politiciens ou deshommes d’État ». Las, la remarquen’ébranle pas nos députés. « Ça

pourrait être un sujet au bac de philo »,rigole Calméjane. Qui s’amuse àrenverser le problème : « Pour pou-voir être un homme d’État, il faut bienêtre, à unmoment, élu par le peuple ! »Il s’est pourtant trouvé quelques dé-putés aussi courageux qu’isoléspour aller à contre-courant : « Je pré-fère perdre les élections que voir le nom-bre de tués augmenter sur les routes dema circonscription », a lâché Domi-nique Bussereau (UMP, Charente-Maritime), ex-secrétaire d’État aux

Transports. Chantal Brunel (UMP,Seine-et-Marne) a osé dire qu’ellen’avait pour sa part reçu qu’unetrentaine de mails d’électeurs mé-contents, et a déploré la séquence,« qui donne l’impression de députésUMP seulement préoccupés par leur ré-élection »...L’embardée du gouvernement surles radars aura quoi qu’il en soit

fait deux blessés : Claude Guéantet François Fillon. Leurs dissen-sions et atermoiements, sur unsujet ultra-sensible, sont apparusau grand jour, et n’ont guère faci-lité la sortie de crise. « Il y a eu unpeu de tangage », minimise Rou-baud. « En matière de communica-tion politique, admet ChristianJacob, président du groupe UMP,cette séquence ne sera pas un modèleque l’on enseignera à Sciences-Po ».Un doux euphémisme.

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011

Plan large

Assemblée : une semaine au radarLe gouvernement a dû faire face à la fronde d’une partie de sa majorité.Les déclarations contradictoires de François Fillon et de Claude Guéantont rendu incompréhensibles les décisions du Conseil interministérielsur la sécurité routière. Par Nathalie Segaunes Pourquoi ne l’avez-vous pas dit ?

Vous le saviez et vous êtes restéssilencieux, pourquoi ? Cette séried’interrogations posées, opposées auxjournalistes français depuis le coupde tonnerre de l’affaire Strauss-Kahnnous interpelle tous, jeunes etmoinsjeunes, débutants ou confirmés. Quesavions-nous que nous n’avons pasdit ? Que DSK aimait les femmes, etqu’il en faisait une grande consom-mation, certes. Est-ce en soi condam-nable ? Y a-t-il une faute pénale dontnous ayons entendu parler, uneplainte déposée ? Des bruits, des ru-meurs, des on-dit : rien qui jusqu’àprésent ne mettait en cause l’actionde DSK ni plus tôt, quand il était mi-nistre des Finances de Jospin, ni aumoment où Nicolas Sarkozy lui-même – qui pourtant, venu du mi-nistère de l’Intérieur, devait être aucourant de bien des ragots – a appuyésa candidature à la direction du FMI.Rien alors ne permettait de dire à quique ce soit d’entre nous : ne le faitespas, c’est trop dangereux.Pendant longtemps, notre positionde journalistes a été celle-ci, claire :tant que la vie privée n’empiète passur la vie publique, tant qu’elle n’in-fluence pas les choix, les volontés po-litiques des hommes ou des femmesaux commandes, nous ne lamettonspas en cause.Quand, en revanche, une décisionpolitique prise l’était en fonction deconsidérations privées, quand vie pri-vée et vie publique se mêlaient, lesjournalistes faisaient leur travail. Enprenant du temps, parfois, en s’assu-rant d’avoir la preuvematérielle de cequ’ils avançaient, mais ils l’ont fait.Internet, les réseaux sociaux, Face-book, les téléphones portables, lesGPS fournissent aujourd’hui à quiveut les rechercher les instrumentsnécessaires à une filature généralisée.Là encore, oui, quand il s’agit d’inté-rêts publics, ou semi-publics, commedans l’affaire Bettencourt. Mais non,cent fois non, s’il s’agit de révéler dessecrets d’alcôve ou de dénoncer descomportements privés comme au-tant d’atteintes à la morale. Sanscompter qu’en abreuvant les lecteursd’images et de reportages dignesde séries roses, on les amusera, sansdoute comme lorsqu’il est questiondes amours de Brad Pitt et d’AngelinaJolie, mais il y a fort à parier qu’oncréera deux sortes de citoyens : ceuxqui s’intéressent à la marche dumonde, à l’Histoire telle qu’elle sefait, et ceux qui ne s’intéressentqu’aux affaires intimes de ceux quinous entourent. Je ne suis pas sûreque la démocratie ait à y gagner.

L’opinionde Michèle Cotta

DRPI

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VERD

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Démocratieet secret

� LeCSAn’estdécidément jamaisàcourtd’imaginationpourplacer toujoursplushaut labarredu ridicule. Il yadeuxsemainesdéjà, ils’étaitmécaniquement indignéde ladiffusiondes imagesdeDSKsortantd’uncommissariatnew-yorkais, sansseposer laseulequestionquivaille : et si, endiffusantcesdocuments, sidurssoient-ils, les télévisons françaisesne faisaient làque leurmétier?Nepas lesmontrereûtétésansdouteunecoupablecensure,unedangereuse

trahisondudevoir d’informer,mais cedébat estcertainement trop subtil pour leCSA.Lemondemédiatique d’aujourd’hui, toutcomme lemonde politique ou lemondeéconomique, n’a rien à voir avec ce qu’il était ily a seulement dix ans. Ne pas le voir est fairepreuve d’un inquiétant et disqualifiantaveuglement qui a conduit cette semaine leConseil supérieur de l’audiovisuel à interdireaux radios et aux télévisions de citer Twitteret Facebook, sous le prétexte que ce pourraitêtre de la publicité déguisée. En décidant

ainsi, les éminents sages, décidémentadeptes du surréalisme, ont franchi une étapesupplémentaire : ils sont passés du ridicule augrotesque, fort heureusement brocardés dèslundimatin par toutes les radios. L’audiovisuela besoin d’un organisme de régulation qui leprotège contre les interventions de toutesorte, politiques ou financières, enmatière deprogramme ou d’information. L’audiovisueln’a que faire d’un organismequi ne s’intéressequ’à l’accessoire pour ne pas affronterl’essentiel. Robert Namias

Ridicule

Page 4: l'Hémicycle - #411

«Je ne suis pas vraiment libre si jeprive quelqu’un d’autre de sa li-

berté, aussi certainement que je nesuis pas libre si l’on me prive de maliberté. L’opprimé et l’oppresseur sonttous deux dépossédés de leur huma-nité. »Gravé au cœur du futur mé-morial de l’abolition de l’esclavage

en France, le témoignage de Nel-son Mandela résonne avec l’his-toire du premier port négrierfrançais du XVIIIe siècle.Dévoilé par Jean-Marc Ayrault,maire de Nantes, et ChristianeTaubira, députée et conseillère ré-gionale de Guyane, le mémorialde la ville présentera au public unparcours méditatif et historique.Creusé sur le quai de la Fosse,d’où partaient les bateaux du

commerce triangulaire, le mémo-rial, de par son architecture, rap-pellera l’ambiance et le cadred’une cale de navire. « Cette his-toire a existé, elle ne nous écrasepas, elle nous donne de l’empathiepour le monde d’aujourd’hui » a es-timé Christiane Taubira, lors de la

commémoration de l’abolition del’esclavage. « J’admire depuis long-temps ce que fait Nantes dans sonface-à-face avec son histoire. » Jean-Marc Ayrault ajoutant qu’il nes’agissait « pas d’une démarchede repentance », mais d’une re-cherche de « la conscience de ce quis’est passé avant nous ». Véritableprojet politique, artistique et ur-bain, le mémorial sera inauguré àla fin de l’année. �

NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011 L’HÉMICYCLE7

RHÔNE-ALPESLA PAROLE AUX JEUNES� Dans le cadre de la concertationrégionale sur l’accès à lacontraception et la préventiondes infections sexuellementtransmissibles (IST), la régionRhône-Alpes a lancé sur Internet uneenquête auprès des 14-25 ans.L’objectif est demieux identifierles besoins et les difficultés desjeunes enmatière de sexualité et decontraception, et demettre en placeles actions qui leur facilitent la vie.

VENDÉEOUI À L’ÉOLIENOFFSHORE� Dans le cadre de la sélection parl’État des sites pouvant accueillirdes parcs éoliens offshore, le conseilgénéral deVendée a donné son avalà leur installation au large des îlesd’Yeu et deNoirmoutier. Un avisfavorable assorti de conditions pourque le futur projet soit conformeà l’intérêt général du départementenmatière d’emploi et d’écologie.

BASSE-NORMANDIEUN CHÈQUE CONSEILAGRICOLE� Afin d’inciter les agriculteurs àmener une réflexion stratégique surleur exploitation, la Basse-Normandievient demettre en place le chèqueconseil agricole. Cette subventionaccordée par la Région permet auxexploitants de financer une expertisepersonnalisée destinée à améliorerleur systèmede culture (sur le plantechnique, économique,environnemental et social), en vue des’orienter vers une agriculture durable.

BRESTÉLECTION DU NOM DESSTATIONS DE TRAMWAY� Unan avant lamise en servicedu tramway de la ville, Brest a soumisau vote sur Internet le nomde sesfutures stations. Les internautespeuvent ainsi choisir entre deuxou trois propositions pour 18 des 27stations du réseau. Les noms ontété définis à l’issue d’une réflexionmenée par les conseils consultatifsde quartier.

HAUTS-DE-SEINEÀ LA DÉFENSE, LESBUREAUX LES PLUSHAUTS DE FRANCE� Symbole du renouveau du célèbrecentre d’affaires, la tour First (née dela rénovation de la tour AXA) et ses231mde haut détient désormaisle record de la plus haute tour debureaux française, détrônant aupassage la tourMontparnasse.« Contrairement à cette dernière,qui n’a pas su se rénover, la tour First– certifiéeHQE– répond aux besoinsdumarché » a souligné PatrickDevedjian, président du conseilgénéral desHauts-de-Seine, lorsde son inauguration.

En bref

Nantes rendhommageàsesesclaves

ChristianEstrosi : ànous« laFrancedesbâtisseurs»

«J’ADMIRE DEPUISLONGTEMPS CE QUE FAIT

NANTES DANS SON FACE-À-FACE AVEC SONHISTOIRE»

Christiane TaubiraDéputée de Guyane

Unmémorial de l’abolition de l’esclavage ouvrira ses portes sur les quaisde Loire à la fin de l’année.

Entre priorités locales et enjeux nationaux, le député-maire deNiceChristian Estrosi prépare la campagne de 2012.Quelest l’enjeude lamétropoleNiceCôted’Azur?« Aujourd’hui, tant au plan euro-péen que mondial, tous les expertsl’affirment : le meilleur modèle dedéveloppement équilibré est celuide l’archipel urbain. Ce modèlen’est pas celui de l’hégémonie ten-taculaire des mégapoles sur lesterritoires avoisinants. Il est aucontraire celui d’une ville qui s’or-ganise avec ses voisines, de toutestailles. La gestion en commun desressources, des besoins et des ser-vices, offre rapidement un modèlede développement humain et viva-ble. En rejoignant la métropole, lescommunes pourront concrétiserdes projets indispensables qu’ellesne peuvent supporter, mais aussibénéficier chacune d’une dotationde solidarité communautaire (DSC).

Êtes-vousfavorableauxpropositionsdeBruxelles

pour réformerSchengen?Très clairement, oui. Et je souhaiterappeler que c’est à l’initiative dela France que Bruxelles a élaboréces propositions. Les révolutionsarabes et la vague d’immigrationtunisienne et libyenne nous ontdémontré qu’il existe une failledans la gouvernance de Schengen.Cette situation prouve que Schen-gen doit s’adapter en renforçant,en situation de crise, les contrôlesnationaux.

Àtravers les régions,entendez-vous jouerunrôlepour laprésidentiellede2012?Je compte prendre toute ma part àl’élaboration d’un programme pourque les idées auxquelles je crois entant que gaulliste social y figurent.Je sillonne actuellement le sud-estde la France afin de proposer auxélus des territoires se situant desAlpes à laMéditerranée, c’est-à-dire

Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon,Corse et Provence-Alpes-Côted’Azur, d’organiser « la France des

bâtisseurs » pour faire des proposi-tions concrètes proches des préoc-cupations des Français. �

Jean-MarcAyrault etChristianeTaubira. PHOTOPATRICKGARÇON/NANTESMÉTROPOLE

JACQUESMUNCH/AFP

PATRICKALLEMANDCONSEILLERMUNICIPALPSDENICEETPREMIERVICE-PRÉSIDENTDUCONSEILRÉGIONALPACA

VALE

RYHA

CHE/

AFP

En juin 2013, toutes les com-munes françaises devrontfaire partie d’un établisse-

ment public de coopération inter-communale (EPCI). Après lacréation des communautés decommunes, des communautésd’agglomération et des commu-nautés urbaines, le projet demétro-pole présenté par le maire de Nice,Christian Estrosi, vise à « renforcerla solidarité entre les territoires, touten améliorant leur compétitivité etleur cohésion ».

« Créer une entité fortede sa diversité et de sescomplémentarités »Tirant partie de la loi du 16décembre dernier relative à laréforme des collectivités territo-riales, 45 communes des Alpes-Maritimes ont décidé d’unir leuravenir au sein de la future métro-pole azuréenne.Pour Fernand Blanchi, maire deValdeblore, « la fusion des troiscommunautés de communes de LaTinée, Vésubie-Mercantour, et des

stations du Mercantour avec la com-munauté urbaine de Nice va permet-tre de créer une entité forte de sadiversité et de ses complémentarités.À un moment où les petites com-munes ne peuvent plus assurer seulesla charge de leur avenir au servicedes habitants, cette intercommuna-lité est le gage de perspectives de dé-veloppement économique durable. »Outre la politique de la ville et del’habitat, l’aménagement urbain,la métropole regroupera égale-ment la gestion de la voirie

départementale, des transportsscolaires et organisera la promo-tion économique du territoire àl’international. Pour les com-munes, elle permettra de concré-tiser des projets d’envergure telsque des stations d’épuration àIsola 2000 et à Saint-Martin-Vésubie, ou encore des travauxd’assainissement à Roquebillière.

« Un virage indispensable »« La communauté de communesVésubie-Mercantour a encore besoin

d’être aidée pour continuer à s’équi-per. Nos villages ont des stationsd’épuration obsolètes et un réseaude distribution d’eau potable insuffi-sant. La solution est de mutualiserles moyens au sein de la métropole »témoigne Gérard Manfredi, mairede Roquebillière.Nouvel atout pour rivaliser par ail-leurs avec les grandes aggloméra-tions européennes, « il m’apparaîtindispensable de prendre ce viragepour améliorer l’attractivité et lacompétitivité de notre territoire »

ajoute Jean-Marie Bogini, maired’Isola.Portée par la complémentaritéavec le littoral dans les activitéssportives, de loisirs et touristiques,la démarche permet d’offrir « unensemble cohérent. Nous comptonsaussi sur la solidarité financière pourla réalisation des grands projets.Nos communes pourront bénéficierdu savoir-faire technique et juridiquede lamétropole pour les faire aboutir. »

Ludovic Bellanger

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011

Initiatives

Quel regardportez-voussur leprojetdemétropoleNiceCôted’Azur?Nous avons voté contre. Non pasque nous soyons opposés auprincipe de métropole, mais nousrefusons l’« Estropole ». Le projetproposé ne correspond pas àla réalité des territoires et desbassins de vie. Il manque decohésion et d’homogénéité ens’étendant duMercantour jusqu’àla baie des Anges, en passant parles vallées de la circonscription

électorale de Christian Estrosi. Parailleurs, la solidarité territorialeavancée comme argument existedéjà à travers le conseil général etle conseil régional.

Quevous inspire l’initiative lancéeparÉricCiotti,baptisée«LePrintempsduconseil général»,qui viseàdéfinir l’avenir dudit conseil ?Le concept mis en place par leconseil général est la traductiondes « Fabriques de la démocra-tie » initiée par la Région. Je suis

toujours favorable à l’idée defaire parler les citoyens, à condi-tion toutefois de les écouter. Lesdémarches qui permettent de ré-duire la fracture entre les citoyenset les politiques sont toujours in-téressantes.

Nice fait partie, avecStrasbourg,Poitiers etMantes-la-Jolie,desvillesqui expérimententlespatrouilleurs : quel est votrepointdevuesur ladémarche?En matière de sécurité, Nicolas

Sarkozy avait fait le choix de pri-vilégier une politique d’interven-tion par rapport à la prévention.Les patrouilleurs sont une ma-nière de reconnaître que suppri-mer la police de proximité étaitune erreur. Mais nous sommesaujourd’hui face à un effet d’an-nonce. Les patrouilleurs n’ontpas les moyens d’agir. Une ap-proche sécuritaire qui a eu pourconséquence de faire du FN lepremier parti lors des dernièresélections cantonales.

«Un projet qui manque de cohésion ! »

3 questions à

ÀNice, l’union fera la forceDes rives de la Méditerranée aux crêtes du Mercantour, 45 communes des Alpes-Maritimesdonneront naissance, au 1er janvier 2012, à la métropole Nice Côte d’Azur.

«L’INTERCOMMUNALITÉ EST LE GAGEDE PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT

ÉCONOMIQUE DURABLE»Fernand Blanchi

Maire de Valdeblore

Une rueduVieux-Nice. PHOTO TRIPELON-JARRY/AFP

Page 5: l'Hémicycle - #411

SERVICE

MONDECROISSANCE

FINANCEVISIONDEBATS

ENGAGEMENT

PUBLIC

EXPERTISEMazars est un groupe international d’audit et de conseil qui rassemble les compétences de 13 000 professionnels présents dans 61 pays.

Grâce à ses équipes pluridisciplinaires, Mazars accompagne les grandes sociétés internationales et les PME

dans/à toutes les étapes de leur développement : création, gestion, développement, cotation, transmission,

expansion internationale, fusions…

laquelle elle évolue et a toujours eu la volonté de s’impliquer dans le débat d’idées.

C’est dans cet esprit qu’en 2004 Mazars a créé avec L’Hémicycle des rendez-vous privilégiés, réunissant personnalités politiques et dirigeants d’entreprises

juridiques ou encore l’attractivité du territoire.

vous donner rendez-vous dans ces pages pour de prochaines rencontres autour d’invités passionnants.

J’enrage sur cette histoired’eG8 ! Nous n’avons pasété conviés ! Nous, lesrégulateurs des donnéespersonnelles de la vie

privée. Tout cela pour faire plaisiraux Américains ! » Alex Türk n’estpas content.Mais alors pas du tout.Pour un peu cette histoire d’eG8lemettrait en colère. « Mark Zucker-berg veut que les enfants de moinsde treize ans accèdent à Facebook,s’indigne-t-il. Et les grands patrons,ça les émoustille d’avoir la considé-ration des acteurs majeurs de l’Inter-net… »Alex Türk, c’est un gars du Nord.Un type chaleureux. Avec sonfranc-parler. Taper du poing sur latable n’est pas inutile.Le titre de son livre donne le ton :La Vie privée en péril. Des citoyenssous contrôle. Une lecture qui faitfroid dans le dos. Filmer, épier,écouter, tracer, géolocaliser… Bigbrother is watching you. Le cau-chemar est en marche. Son com-bat, c’est David contre Goliath. Ilen a conscience. Avec parfois l’im-pression de prêcher – un peu –dans le désert. « Le sujet intéressele gouvernement, mais ce n’est pas la

priorité… » Un autre que lui bais-serait les bras. C’est mal le connaî-tre. L’adversité est pour lui unaiguillon. À la tête de la CNIL de-puis sept ans, il voit bien com-ment les technologies dunumérique s’immiscent chaquejour un peu plus dans l’intimitéde chacun. Le respect de la vie pri-vée, voilà l’enjeu. Le combat à ne

pas perdre. Surtout pas. Face ànous les Américains, qui mépri-sent nos principes, qui s’affran-chissent de nos lois sous couvertde libre-échange. La dictature dudollar. « Il y a un fossé philoso-phique entre eux et nous. Pour lesEuropéens l’identité est invariable,mais la personnalité est variable, elleévolue. Pour les Américains c’est lecontraire ! » Son interrogation dumoment : dans quel camp va bas-culer l’Asie. Au final, ce sont euxqui feront pencher la balance

d’un côté ou de l’autre. Alex Türkrêve d’une architecture juridiquecommune qui partout protégeraitla vie privée. Un rêve difficile àréaliser. Ces questions préoccu-pent certains acteurs de la vie po-litique. « J’ai été saisi par l’UMP, lesVerts et Terra Nova. Quand on medemande de venir, je viens ! »Empêcheur de tourner en rond.

Pour le président de la CNIL uncompliment, pour le sénateurnon inscrit aussi. En ce moment,son emploi du temps tient ducasse-tête. Il est en campagnepour les sénatoriales de septembreprochain. Il est confiant. Le calmedes vieilles troupes avant la ba-taille. Dans le Nord, chez lui, il amis en place – entre autres – un ré-seau de défibrillateurs cardiaquesdans 420 communes. « On a sauvé9 personnes », dit-il pudiquement.Réélu, il devra choisir le Palais du

Luxembourg ou la CNIL. Unequestion qui le laisse muet. Ga-geons qu’il optera pour le Sénat.En sept ans, il a transformé laCNIL en acteur majeur. La maisonest en ordre de marche. « Un beloutil », dit-il non sans fierté. Unepage se tourne.Alex Türk a le gène de l’indépen-dance. En 1992, il quitte le RPR.

« Je n’étais pas libre de mes mouve-ments. » Depuis, il s’épanouit sousl’étiquette non inscrit. Il a mêmecréé la FENIN. Comprenez la Fé-dération des élus non inscrits duNord. « Ce n’est pas un parti poli-tique. On aide les maires indépen-dants à exister sans passer sous lacoupe des partis. Ça doit énerver ladroite et la gauche », dit-il en sou-riant avec l’air de celui qui vientde faire une bonne blague. Sur sesterres du Nord, il est bien sûr dansl’opposition. « À la communauté

urbaine de Lille, c’est beaucoup plustendu qu’avant. L’opposition estplus marginalisée que du temps deMauroy. » Que la maire de Lillesoit rigide n’est un secret pourpersonne. Le docteur en droitqu’il est se sent bien à l’université.Maître de conférences à la facultéde Lille, il aime « la liberté de pen-sée de ce milieu ». Il s’arrête. Sou-rit. « Je suis si bien en indépendantnon inscrit. » Il aurait pu ajouter« en homme libre ». Au sensnoble du mot.

Jean-FrançoisCoulomb des Arts

Focale

ALEX TÜRKPRÉSIDENTDELACOMMISSIONNATIONALEDEL’INFORMATIQUEETDESLIBERTÉS

Indépendant en politique, empêcheur de tourner en rond à la tête de la CNIL, Alex Türk estau front, fort d’une certitude. Le respect de la vie privée est l’un des piliers de la démocratie.

La colère d’un gars du Nord

3 dates

1969Le départ du généralde Gaulle. « Cela m’a

accablé durant des mois. »

1971Rencontre avec mafemme. « Ma première,

ma seule et dernière femme ! »

1992Mon élection au Sénat,qui me donne « le poids

et l’indépendance nécessaire pourmener ma vie politique ».

PHOTO MIGUEL MEDINA/AFP

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011

«J’ENRAGE SUR CETTE HISTOIRE D’eG8.LA CNIL N’A PAS ÉTÉ CONVIÉE. TOUT CELA

POUR FAIRE PLAISIR AUX AMÉRICAINS !»

«

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Lorsd’unpetit déjeunerMazars-l’Hémicycle, leprésidentduConseilconstitutionnel Jean-LouisDebrés’était prononcépour lasuppressiondenombreusesautoritésadministrativesindépendantes (AAI).Partagez-vouscetavis?Lorsque l’on constate qu’uneautorité administrative indépen-dante remplit une tâche utile etfonctionne de manière satisfai-sante, la tentation est automati-

quement de vouloir en créer uneautre pour résoudre un problèmespécifique. Pratiquement, il s’encrée deux par an. Il faut faire at-tention à cette inflation et évitercette dispersion. Dans notre rap-port, nous donnons quelquesexemples de regroupements pos-sibles sans considérer qu’ils doi-vent être pris au pied de la lettre.En tout cas, c’est une interpella-tion claire que nous faisons auParlement et à l’exécutif pour évi-ter de multiplier les AAI.

N’est-il pasnécessairedecontrôlerplus cesAAI?Les situations sont très diversespuisque certaines AAI ne font pasde rapports au Parlement. D’au-tres AAI ne sont pas auditionnéesrégulièrement. Nous préconisonsdésormais que chacune puisserendre des comptes et, qu’à cetteoccasion, les présidents de ces au-torités puissent être entendus parles commissions compétentes du

Parlement. Il y a le cas particulierde celles qui sont dotées de la per-sonnalité morale et d’une autono-mie financière, et pour lesquellesil n’y a pas non plus de contrôlebudgétaire… Nous réclamons queces autorités spécifiques (les auto-rités publiques indépendantes),qui restent des autorités adminis-tratives, puissent être soumises aucontrôle d’un rapporteur spécialnommé par la commission des fi-nances.

Doit-on revoir lemodedenominationdesprésidentsdesAAI ?Votre question est pertinente ettrès directement je réponds oui !Le Parlement devrait les nommer.Les présidents devraient au moinsêtre désignés par les commissionscompétentes. Notre mission est deplacer ces autorités sous la protec-tion du Parlement. La plupart desprésidents des AAI sont nomméspar l’exécutif, sous réserve d’unvote négatif des deux tiers descommissions compétentes. Nousconsidérons, avec mon collègueChristian Vanneste, que cette pro-cédure n’est pas suffisante. Il fau-drait franchir unpas supplémentaire.Les présidents devraient être élus àla majorité des trois cinquièmes,aussi bien donc par la majorité quepar l’opposition, afin de renforcerleur légitimité.

Ona le sentimentque les critiquescontre lesAAIportent surtout sur

leurmanquede transparence.Partagez-vouscetavis?Il y a deux choses. Les rémunéra-tions des présidents des autoritésne sont pas cohérentes dans les cri-tères de détermination des mon-tants. L’exécutif doit revoir cettequestion. En ce qui concerne lechoix d’implantation, nous avonsconstaté que les AAI se sont instal-lées dans les beaux quartiers deParis où les prix dum2 sont exorbi-tants. On pourrait avoir des AAI lo-gées dans des quartiers moinschers et par ailleurs on pourrait,sans les fusionner, faire en sortequ’elles partagent des locaux. Enrègle générale, les budgets doiventaussi être clarifiés. Rendez-vouscompte que la moitié de cessommes ne sont pas comptabili-sées par le ministère du Budget…!

Ne faudrait-il pasdanscecascréerunesuper autorité administrativeindépendantechapeautantlesautres?Oui, c’est l’une des préconisationsfortes du rapport. Nous souhai-tons que, pour les divers aspectsde la vie politique, une nouvelleautorité soit créée. Elle aurait pourmission de regrouper les autoritésqui s’occupent du financementdes campagnes, la commissionpour la transparence de la vie po-litique. Elle comprendrait la com-mission des sondages et la futureautorité qui doit s’occuper de ladéontologie. Son président seraitnommé lors d’un vote solenneldu Parlement pour bien montrerqu’elle est sous le contrôle de lareprésentation nationale.

Pourmener àbienvotre rapport,vousêtesallésà l’étranger afindecomparer.Avez-vous trouvédesidéesoriginales transposablesenFrance?Au Québec, pour un certainnombre d’autorités spécifiquesconcernant les libertés et le fonc-tionnement de la démocratie, nousavons constaté que les responsablesnommés par le Parlement dispo-saient d’une légitimité et d’une in-dépendance sans égal. Mais nousne remettons pas en cause le travailaccompli par les AAI françaises, nimême leur indépendance. Nouspensons qu’il y a un pas à franchiret que le Parlement, comme repré-

sentant de la souveraineté popu-laire, doit retrouver un rôle qu’il aun peu perdu.

Propos recueillispar Antoine Colonna

NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 11

Expertise

Autoritésadministrativesindépendantes : toutn’estpasclairUn rapport parlementaire salue le travail de ces organismes,mais pointe de nombreuses zonesd’ombre. Interviewde l’un des auteurs : le député apparenté socialiste RenéDosière, qui acoécrit ce rapport avec le députéUMPChristian Vanneste.

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La première est l’une des pluscélèbres : la CNIL, créée en

1978 pour veiller sur les donnéesinformatiques recueillies sur lescitoyens. Trente-trois ans plus tard,ce sont 40 autorités administrativesindépendantes (AAI) qui ont vu lejour. Au rythme initial d’une par an,et avec une certaine accélération cesdernières années. Ces AAI traitent detoutes les grandes questions de notreépoque. Autorité desmarchésfinanciers, Autorité de sûreténucléaire, Conseil supérieur del’audiovisuel, Haute Autorité de luttecontre les discriminations et pourl’égalité (HALDE)…Une seule d’entre

elles a été supprimée en 1986.Il s’agissait de la CNAC (Commissionnationale d’aménagementcommercial).Agissant au nomde l’État sansdépendre d’unministre, les AAIdisposent d’un réel pouvoir et debudgets importants sans pourautant être transparentes. Il estdifficile d’ailleurs de dresser un bilanprécis de ce que coûtent les AAI. Lerapport parlementaire, très fouillé,cite cependant deux chiffres qui fontréfléchir. Les crédits consommés entrois ans ont augmenté d’aumoins27,4%et les effectifs ont progresséquant à eux de 16,8%… A.C.

Ce que sont les AAI

ALAINJULIEN/AFP

Est-ceque lamortdeBenLadenpeutavoir un impact sur la sécuritéenEurope?À court terme, nous nous atten-dons à une augmentation des me-naces sur notre sécurité. La mortd’Oussama Ben Laden est psycho-logiquement un coup très fortpour les groupes dans la mou-vance d’Al-Qaïda, et certains au-ront très envie d’y répondre, pardésir de vengeance. Cependant,nous pensons que la disparitionde cette figure symbolique, quiavait échappé aux recherchespendant dix ans et inspiré denombreuses attaques terroristes,aura un impact politique impor-tant à long terme, notammentdans le monde arabe.

LaFranceest considéréecomme lasecondecibledes terroristes, justederrière lesÉtats-Unis.Pourquoi?La France est l’un des leaders del’Union européenne. Pour des rai-sons historiques, elle est l’un dessymboles de la démocratie occi-dentale. La France est aussi l’unedes anciennes puissances colo-niales européennes, et cela restedans les mémoires en Afriqueet dans le monde arabe. Enfin,la France est l’un des alliés desÉtats-Unis les plus impliquésdans la lutte contre le terrorisme,et cette implication date despremiers jours suivant le11-Septembre. Toutes ces raisonscréent une image, un profil parti-culier de la France aux yeux desorganisations terroristes, isla-miques notamment.

Quelles sont les cibles françaises?Les terroristes veulent-ils frapperle territoirenational?Nos ressortissantsetnos intérêtsà l’étranger?Les organisations terroristes sontavant tout opportunistes, elles vi-sent ce qui est à leur portée. Sielles peuvent frapper la France surson sol, elles le feront, mais celaest rendu très difficile par l’effica-cité du dispositif de sécurité misen place par les autorités. Les res-sortissants ainsi que les intérêtsfrançais et occidentaux, en parti-culier en Asie et en Afrique, sontalors une bonne cible.

Le«printempsarabe»génèreune immigrationvers l’Europeenprovenanced’AfriqueduNord.Celacrée-t-il unemenacesécuritairepour l’Unioneuropéenne?La situation actuelle dans plu-sieurs pays de la rive sud de la Mé-diterranée a créé une instabilité

politique dont essaient de profiterdes organisations terroristes et cri-minelles. Par exemple, l’Égyptedoit reconstruire son appareil desécurité, touché par le mouve-ment démocratique du début del’année. Durant cette période, lesorganisations criminelles veulent

utiliser cette désorganisation pouraugmenter leurs activités. Ellesfournissent, entre autres, des ser-vices illégaux aux candidats àl’immigration. Europol apporteson expertise aux pays européensen première ligne. Nous sommesnotamment aux côtés de l’Italiepour l’aider à gérer cette situationexceptionnelle. Cependant, nousn’avons pas d’indicateur spéci-fique qui permette de penser àune menace terroriste précisecréée par cette situation.

Les servicesdesécurité françaissontparmi lesplus réputésaumondepour leur efficacité.Cetteréputationest-elleméritée?Souvenez-vous de la menace d’ETAet des attaques terroristes isla-miques en France dans les annéesquatre-vingt et quatre-vingt-dix.La France a tiré les leçons de cepassé et dispose d’une expertisetrès importante dans le traitementde la menace terroriste. Elle met

cette expertise au service de la sé-curité en Europe, et le dialogueentre les autorités françaises et Eu-ropol nous est précieux.

Internet est utilisépar lesorganisations terroristes commeoutil depropagandeetderecrutement.Quelles sont lesmesurespour contrer cesactions?Europol a mis en place un projetspécifique pour traiter cette me-nace : « Check theWeb ». Par exem-ple, nous estimons qu’il existe

environ 2 000 sitesWeb islamistes.Ces sites sont sous surveillancevingt-quatre heures sur vingt-quatre. Bien entendu, nous met-tons ce travail à la disposition desautorités nationales. Un travail deveille est par ailleurs fait afin quenous puissions découvrir et suivreles sites qui peuvent apparaître surInternet et être utilisés par les or-ganisations terroristes.

M.S.

«LA FRANCE DISPOSED’UNE EXPERTISE TRÈS

IMPORTANTE DANS LETRAITEMENTDE LAMENACETERRORISTE. ELLE AMIS CETTEEXPERTISE AU SERVICE DELA SÉCURITÉ EN EUROPE »

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011

Àdistance

Terrorisme : unemenacetoujoursprésente

Les groupes terroristes sontde plus en plus flexibles.

Ils diversifient leursméthodes.Ils utilisent de plus en plus Internetà des fins de propagande et derecrutement et font preuve d’un vraiprofessionnalisme. Par ailleurs,

les groupes séparatistes comme leParti des travailleurs duKurdistan(PKK) et les Tigres de libération del’Îlam tamoul (LTTE) financent leursactivités grâce au trafic de drogue etd’êtres humains, selon les donnéesd’Europol. EnAfrique de l’Ouest,

les organisations terroristes auraientdes liens avec le trafic de drogueinternational. En Espagne, l’ETAserait en relation avec les Forcesarmées révolutionnaires de Colombie(FARC), toujours selon le directeurd’Europol. Certains paradis fiscaux

sontmêmeutilisés par les groupesterroristes dans le financement deleurs activités. Si Europol estconscient du problème, l’agence nedispose pas encore de suffisammentd’informations sur le sujet, indiqueRobWainwright. J.G.

Alors que trois Français ont été enlevés au Yémen, unmois après lamort d’OussamaBen Laden,le directeur d’Europol RobWainwright craint une recrudescence des attentats enAfriqueet enAsie. L’Europe, en revanche, ne lui paraît ni plus nimoinsmenacée qu’auparavant.

NIKO

LAYDO

YCHINO

V/AF

P

249 50% 611Les chiffres du terrorisme en 2010

7attaques dans 9 États

membresde baisse des attaquespar rapport à 2009

personnes arrêtées (dont 219en France et 118 enEspagne)morts

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Le Centre des monumentsnationaux conduit, cetteannée encore, un pro-

gramme ambitieux de restaurationet d’aménagement de la centainede monuments qui partout enFrance sont de sa responsabilité.Douze chantiers seront menés.C’est ainsi qu’au Panthéon les tra-vaux de restauration du dôme etdu péristyle sont programmés. À laSainte-Chapelle, la restaurationdes verrières commencée en 2008se poursuivra. La province n’estpas en reste. Le château d’Angers,dont le logis royal a été gravementendommagé par un incendie en2009, fait l’objet d’une restaura-tion importante. Le donjon duchâteau de Pierrefonds sera refait.

La villa CavroisLe Centre des monuments natio-naux a acquis le mobilier du bou-doir créé par Robert Mallet-Stevenspour la villa Cavrois dont il étaitégalement l’architecte, ainsi qu’unepaire d’appliques exceptionnellede Jacques Chevalier et RenéKoechlin. Cette acquisition s’ins-crit dans le projet ambitieux d’ou-verture au public de « ce châteaude la modernité », véritable arché-type architectural que l’État asauvé d’une destruction certaineen le rachetant en 2001.

Une saison culturelle très richePlus de 200 manifestations cultu-relles sont programmées jusqu’en

octobre. Parmi ces grands rendez-vous, on peut noter l’exposition« Gisants » d’Antoine Schneck

à la basilique de Saint-Denis,la présentation de la collectionCougard-Fruman d’ornementsliturgiques au cloître de la cathé-drale du Puy-en-Velay ou encorela création d’un nouveau voyagenocturne, « Chant d’ombres à laMerveille » à l’abbaye du Mont-Saint-Michel durant tout l’été.

Joël Genard

Culture

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Je trouve que la télévisionest très favorable à la cul-ture. Chaque fois que

quelqu’un l’allume chez moi, jevais dans la pièce à côté et je lis. »Groucho Marx aurait été étonnéde constater que certains pro-grammes réconcilient, au-delà deses espoirs, petit écran et cultureau sens large.C’est l’objectif qu’ « Au Field de laNuit », magazine de TF1, s’estdonné. Semaine après semaine,Michel Field reçoit, en compagniede lycéens (qui ont lu des livres,vu des films ou assisté à des piècesde théâtre), des écrivains et des ar-tistes d’univers variés. Mieux en-core : en septembre dernier, laproductrice Anne Barrère a lancédans ce cadre un concours d’écri-ture sur le (fameux !) modèle ducadavre exquis ; proposant ainsi

aux téléspectateurs de sortir d’unrôle traditionnellement passifpour devenir des acteurs à part en-

tière de l’émission – et de l’édition.La romancière Ingrid Desjours ainauguré le bal en composant lepremier chapitre de ce « polar in-teractif » intitulé Connexions : unmédecin séduisant enfermé dansune pièce murée, sans autre lienavec l’extérieur qu’une messagerieInternet. Qui le séquestre, pour-quoi, et comment en sortir ? C’estl’énigme qui a été offerte à l’imagi-nation et au talent d’un public quin’a pas boudé l’opération, loin delà. Tous les quinze jours environ,le comité de lecture a dû choisir lemeilleur des nombreux textes en-voyés par les participants.Le résultat est là : 14 chapitres àsuspense, soit 8 nouveaux auteurspassionnés qui se sont retrouvéssur le plateau du dernier numérod’ « Au Field de la nuit* » de cettesaison. Un roman aux styles colorés

mais dans le respect d’une unitéd’ensemble, publié chez Plon le9 juin et qui a été adoubé par degrands noms du thriller – MaximeChattam, Thierry Serfaty, etc.Oui, la télévision peut être favora-ble à la culture etmême au partage.

D’ailleurs, face à un espace dont lavirtualité n’est que nominale, peut-elle aujourd’hui se contenter d’êtretransmetteur d’information ou vec-teur de divertissement ?

Jessica Nelson*Le6 juin surTF1.

Connexions : unenfantde la télévisionetd’Internet«Au Field de la nuit », l’émission culturelle de TF1 a proposé aux téléspectateurs d’écrire unromanpolicier via Internet. Autant de chapitres, autant d’auteurs. Résultat : un livre qui pourraitbien être le polar de l’été.

Restauration, rénovation,manifestationsculturelles : leCentredesmonumentsnationauxsemetà l’heured’été

� Voici une parution qui voudrait faire dubruit : Le livre noir du CSA. Enquête sur lesdérives et les gaspillages du Conseilsupérieur de l’audiovisuel, de Guillaume Evin(éditions duMoment). « Livre noir », uneexpression désormais galvaudée ?Onapprend ici que le Conseil est inféodé à l’Étatet que son pouvoir a fortement déclinédepuis 2009 ; que ses guéguerres intestinesn’améliorent guère son ambiance « crypto-stalinienne » ; que son président roule dansune voiture à gyrophare et qu’on y fait uneconsommation excessive de papier ; que lestêtes pensantes sont, au choix, parfaitementincompétentes à ces postes ou au contrairetrop liées aumonde de l’audiovisuel…Les erreurs, lamajorité des propos « off »,l’anonymat des témoignages et le pétardmouillé que sont lesdites révélations,donnent encore au CSA de beaux jours.

� Du 6 au 8 juin : deuxième forummondialde l’Unesco sur la culture et les industriesculturelles, avec pour thème « le livre dedemain : futur de l’écrit ». Les rencontresauront lieu à la Villa Reale deMonza(près deMilan), et rassembleront 200spécialistes dumonde entier : auteurs,éditeurs, sociologues, chercheurs, libraires,etc. – dont Bruno Racine, de la BNF. Leséchanges tourneront autour de l’économiedu livre numérique, des évolutions du droitd’auteur et de la bibliothèque numérique.Une vaste réunion qui a pour vocationd’encourager le débat et la création…

� Le Robert fête ses soixante ans cetteannée, et notamment en juin à l’occasionde la publication de l’édition 2012 duRobert illustré & Dixel. J.N.

En bref

MichelFieldsur leplateaude l’émissiondeTF1produiteparAnneBarrère.

LavillaCavrois, dessinéepar l’architecte françaisRobertMallet-Stevensen 1930.

PHILIPPEHUGUEN/AFP

MARTINBUREAU/AFP

Le Centre desmonuments nationaux est présidé par Isabelle Lemesle. C’estun établissement public administratif placé sous la tutelle duministre de laCulture et de la Communication. Avec près de 9millions de visiteurs par an,le Centre desmonuments nationaux est le premier opérateur public culturelet touristique français. Son budget est de 130millions d’euros.

«

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Plusieurs scandales ontrécemment frappé lesgéants américains du Web.

Dernier en date : une affaire con-cernant la collecte d’informationspersonnelles par les systèmesd’exploitation pour téléphonesmobiles touche Apple,Microsoft etGoogle.

Qu’est-ce que lapersonnalisation ?L’interactivité est l’essence d’In-ternet, à la différence des autresmédias. Pour accéder à un siteWeb, visionner une vidéo ousuivre un fil d’information surTwitter, un internaute – en cli-quant sur un lien – fait une de-mande à laquelle le site répond.Cette demande peut être enre-gistrée avec d’autres informationspersonnelles, comme l’adresse IP– un numéro d’identification à12 chiffres. Au fil du temps, c’esttoute la navigation de l’internautesur le site Web qui peut être con-servée, ce qui permet de savoirce qu’il a consulté et d’en déduireses centres d’intérêt. Certains

systèmes de publicité permettentmême de retracer la navigationd’un internaute sur plusieurs sitespour mieux le connaître et luidélivrer une publicité jugée plus àmême de les intéresser.De même, les messages postés oules contributions sur les réseauxsociaux peuvent être retracéset attribués à une personne. Aufinal, c’est toute l’activité en ligned’une personne qui peut êtrestockée, permettant aux déten-teurs de ces informations d’ensavoir beaucoup – trop disent cer-tains – sur les internautes.

À quoi servent ces données ?Ces dispositifs permettentd’adapter le contenu des sites Webaux centres d’intérêt des lecteurspour gagner leur fidélité : le siteprésente en priorité l’informationque recherche l’internaute. Cettepersonnalisation peut aussi toucherles publicités en ligne, en affichantpar exemple une publicité dans lalangue de l’internaute même si cedernier surfe sur un site étranger.L’internaute a tout à y gagner, enpremier l’accès rapide à l’informa-tion qu’il recherche. La personna-

lisation pourrait aussi éviter lamultiplication des espaces public-itaires, l’aspect informatif descampagnes prendrait alors le passur les campagnes de marketingmassives et non ciblées.

Quels sont les risques ?Le risque est la constitution debases de données personnellesdont le contenu échappe au con-trôle des internautes. Ne sachantpas qu’il est tracé dans sa naviga-tion, un internaute ne peut pass’opposer à ce que ses données

soient collectées et exploitées. Deplus, ces informations peuventêtre utilisées par des sociétés oudes États sans le consentement del’internaute. Ce risque, peut-êtrebénin dans un régime démocra-tique, peut se révéler redoutablelorsque l’on vit dans un régimeplus autoritaire, voire dictatorial.Enfin, ces bases de données per-sonnelles peuvent être enre-gistrées sur des serveurs hébergésdans des pays qui ne disposentpas de législation protégeant lescitoyens de leur emploi abusif.

Un problème lorsqu’on saitqu’Internet n’est pas régi parune législation unique maisdépend des diverses législationsnationales.

Quelles protections ?La Commission nationale de l’in-formatique et des libertés, crééeen 1978, a pour mission de sauve-garder les libertés et la vie privéeen France. Ses équivalents eu-ropéens sont regroupés au seindu G29, qui conseille la Commis-sion européenne sur tous les su-jets relatifs au traitement desdonnées personnelles et la pro-tection de la vie privée. Un arse-nal législatif donne à ces autoritésles moyens de contrôler l’activitédes éditeurs et de demander, lecas échéant, que les données col-lectées soient détruites.Mais ces autorités peuvent sem-bler bien démunies face à la tâche.La CNIL dispose en tout et pourtout de 143 agents pour menerà bien ses missions, alors qu’onestime qu’il existe plusieurs cen-taines de millions de sites Inter-net. Et la surveillance du Webn’est que l’une des missionsdévolues à cette institution.George Orwell, dans son roman1984, avait imaginé un Étattotalitaire contrôlant tous sescitoyens via « Big Brother ». LeWeb possède désormais la capa-cité d’assurer ce contrôle sur lesinternautes. La grande différenceréside dans le fait que ces tech-nologies de surveillance sonten grande partie dans les mainsde compagnies privées. Et, pourl’essentiel, non françaises.

2.0

Alerte rouge sur les données personnelles :les « Big Brothers » vous regardent

Le chiffre

90 %des annonceurs en ligneintègrent du ciblagecomportemental auxÉtats-Unis (source IAB)

Communiqué de la CNIL,octobre 2010.

La citation

«LA PLUPARTDE CES PAYS

NE DISPOSENT PASD’UN NIVEAU DEPROTECTIONDES DONNÉESPERSONNELLESÉQUIVALENT À CELUIDES PAYS DE L’UNIONEUROPÉENNE. »

La seule consultation d’un site permet d’identifier le visiteur. La plupart des donnéespersonnelles envoyées par un ordinateur sont stockées et risquent d’être réutilisées.D’où cette question : y a-t-il encore une vie privée sur Internet ?

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011

La généralisation del’utilisation d’Internet à des

fins professionnelles et privéesavec un même ordinateur conduità fournir beaucoup d’informationssur soi. Il existe des techniquespour réduire ces traces. L’exemplele plus connu est de passer parun service de « proxy » (serveurmandataire en français) quimasque votre adresse IP :les ordinateurs du proxy relaient

la navigation sur un site etdissimulent ainsi l’adresse del’ordinateur personnel. Cependant,ces ordinateurs sont eux aussi àmême d’enregistrer votre activitéet d’amasser les informationsque l’on souhaite dissimuler.Il existe également des sociétés demandataires chargées d’intervenirauprès des moteurs de recherche,sites marchands et, le cas échéant,des autorités de contrôle afin

d’obtenir l’effacement de cesinformations des bases dedonnées. Mais, au-delà du fait que,souvent, l’action de cesmandatairesn’aboutit qu’à un résultat partiel,là encore se pose le problème de laconfiance. Il est impératif depouvoir contrôler ces mandataires,et donc d’éviter autant quepossible des sociétés basées àl’étranger et qui ne relèvent pasdu droit français.

Effacer ses traces sur Internet ? Pas si évident.

Internet. Une liberté sous surveillance constante ? PHOTOPAULVENNING/AFP

NUMÉRO 411, MERCREDI 1ER JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 15

Déblogage

Chaquesemaine,le tourdu mondedes blogspar Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 85 890¤. RCS : Paris 443 984 117.44, rue Blanche - 75009 Paris. Tél. : 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEURDELAPUBLICATIONBruno Pelletier ([email protected]). DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEURENCHEFJoël Genard([email protected]). ÉDITORIALISTESGérardCarreyrou,MichèleCotta,Axel deTarlé,BrunoJeudy,Paul Lefèvre, CatherineNayAGORA LudovicVigogneONTCOLLABORÉÀCENUMÉROLudovic Bellanger, Antoine Colonna, Jean-François Coulomb des Arts, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot CORRECTIONAurélie CarrierMAQUETTEDavid Dumand STAGIAIREDiane Ferrandez DIRECTRICE COMMERCIALEViolaine Parturier ([email protected])PARTENARIATS JulietteBoudre ([email protected]) IMPRESSIONRoto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70.Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE0413C79258 ISSN 1620-6479

Sur Internet comme ailleurs,il y a les pro- et les anti-, lespour et les contre : la mon-

dialisation n’oppose pas la droiteet la gauche, mais divise dans lesdeux camps. Qu’elle soit défendueou attaquée, c’est avec des argu-ments souvent différents selon laplace que l’onoccupe sur l’échiquierpolitique.Parmi les opposants de droite, ontrouve notamment la NouvelleDroite populaire, créée dans lamouvance du Front national. Cemouvement lie clairement sur sonblog les thèmes de la mondialisa-tion et de l’immigration.

Nouvelle Droite populaire« La Nouvelle Droite populairea ouvert le traditionnel défilédes forces nationalistes quia rassemblé plus de 1 500personnes. Le thème de cettemanifestation était : « Contrele mondialisme, la France estde retour ». Robert Spieler, anciendéputé et délégué général dela NDP, a pour sa part exigé ledépart d’une majorité d’immigrésafricains et maghrébins présentssur notre sol, contre la volontéde notre Peuple, et désigné laresponsabilité du capitalismemondialiste et cosmopolitedans cette invasion. »> ndp-infos.over-blog.com

Jean-FrançoisAuvergne, ex-soixante-huitard et blogueur engagé, nousdonne une définition de gauchede la mondialisation :

Jef« L’humanité a d’abord été menéeuniquement par la force. Les chefsde bandes se sont fait seigneursféodaux et monarques. Avec lamondialisation financière, dèsles années quatre-vingt, les“libéraux” renouent avec ceux-là :laissez-moi faire ce que je veux.Spéculations effrénées, paradisfiscaux, fiscalités à leur entieravantage, au détriment del’économie réelle, causantd’immenses dégâts sociaux,

mais surtout, refusant touterégulation et toute contrainteà leur droit du plus fort, usantde presque tous les moyens pource faire. Lénine, si ma mémoireest bonne, disait qu’en dernierressort, l’État se réduisait aupolicier. L’État domestiqué par lafinance a trouvé un intermédiairemoins voyant : mobiliser lesmécontentements sur des boucsémissaires, variables selonles époques et les lieux. »> blogajef.blogspot.com

Certains, comme Eva R-sistons,blogueuse très controversée, fontmême la jonction entre les ex-trêmes de gauche et de droite enmêlant les arguments des antisdes deux bords.

SOS-Crise« La mondialisation actuellementen œuvre est une forme avancéede l’impérialisme capitalisteapparu au début du XXe siècle.Étant donné ses conséquencesconstatables et prévisibles(mort des cultures, avènementdu positivisme néo-kantienbêtifiant, anéantissement de lapensée critique, dressage cognitif,crises économiques et guerresrécurrentes, désintégrationdes religions occidentales etmoralisme morbide subséquent,etc.), la mondialisation apparaît,à sa limite, comme un « holocaustemondial », ainsi que l’a définieJean Baudrillard. Du côtéde la résistance organisée etspectaculaire – les mouvementsaltermondialistes qui défilentdans les médias – règne laconfusion la plus grande.L’ambiguïté de la critique qu’ilsadressent à la mondialisationet la limite des solutions qu’ilsproposent se révèlent patentessi on les passe au tamisd’une critique impartiale.Pétris de bonnes intentions,les altermondialistes sont aussi,au fond, les meilleurs alliés dela mondialisation capitaliste. »> sos-crise.over-blog.com

Les blogueurs favorables à la mon-dialisation font aussi entendreleur voix sur le Web mais gardentleur sensibilité politique propre.Henri Moreigne, plume de laToile, dénonce l’attitude d’unepartie de la majorité qui s’attaqueà la mondialisation.

LaMouette« Courage fuyons. Sortie de l’euro,protectionnisme, réductiondrastique des flux migratoires,la douce France prend des alluresde fort Chabrol. Le discourspolitique dominant ne vise plusà faire rêver mais bien àcauchemarder. La crise est certespassée par là mais elle n’expliquepas tout. L’agitation stérile duprésident de la République a finipar tuer les derniers espoirs en lacapacité du politique à modifierle cours des choses. À défaut decroire dans des hommes politiquesvisionnaires et bâtisseurs, les

Français se laissent tenter parceux qui promettent le grand bonden arrière, le retour au charmedésuet de la France d’avant. Lamondialisation sur laquelle notrepays a construit sa richesse depuisle XVIIIe siècle devient soudainementsynonyme d’appauvrissement et demise en concurrence déloyaledes peuples entre eux. »>www.agoravox.fr

Georges Kaplan, sur son blogOrdre Spontané, défend les thèseslibérales et libre-échangistes, etsigne un article qui cherche à dé-monter les arguments des anti-mondialistes.

Ordre Spontané« L’économie n’est pas une guerremais un processus de compétitionentre ces différentes chaînes deproduction où vous constaterez,dans bien des cas, que ces mêmesentreprises chinoises que nous

accusons de nous faire uneconcurrence déloyale sont aussides maillons essentiels de lacompétitivité des entreprisesfrançaises – et donc de nosemplois. Pourquoi devrions-nous“redévelopper l’emploi industriel” ?Si venir à bout du chômagestructurel est un objectif que jepartage pleinement, pourquoidevrions-nous souhaiter desemplois industriels plutôt que desemplois en général ? D’autant plusque l’idée selon laquelle la France,victime de la concurrence de pays àbas salaires, se désindustrialiseraitest un mythe. En 2010, laproduction de nos industriesmanufacturières était 140 % plusélevée qu’en 1970 (net d’inflation)et la valeur ajoutée – c’est-à-dire larichesse économique – générée parce secteur de notre économie a plusque doublé sur la même période. »> ordrespontane.blogspot.com

Mondialisation :je t’aimemoinonplusParadoxe : lieu symbolique de la communicationmondiale,la Toile est déchirée par lamondialisation.

Forum de Davos.Unsymbolede lamondialisation. PHOTOFABRICE COFFRINI/AFP

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