L’ÂGE INDUSTRIEL

18
96 96 MER MÉDITERRANÉE OCÉAN ATLANTIQUE GRANDE- BRETAGNE 1840 1850 1860 1870 1880 96 L’ÂGE INDUSTRIEL L’ÂGE INDUSTRIEL 7 1700 1800 1764 Machine à filer Jenny 1801 Métier à tisser Jacquard 1802 Lois sur les manufactures (GB) 1500-1769 Élaboration de la machine à vapeur 1769 Machine à vapeur de J. Watt 1786 Construction de la Fonderie royale du Creusot 1712 Invention du moteur à vapeur Perfectionnement des machines textiles 1 re révolution industrielle

Transcript of L’ÂGE INDUSTRIEL

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9696

MERMÉDITERRANÉE

OCÉANATLANTIQUE

OCÉANPACIFIQUE

OCÉANINDIEN

GRANDE-BRETAGNE

18401850 1860 1870 1880

96

L’ÂGE INDUSTRIELL’ÂGE INDUSTRIEL

7

1700 1800

1764Machine

à filer Jenny

1801Métier à tisser

Jacquard

1802Lois sur les

manufactures (GB)

1500-1769 Élaboration de la machine à vapeur

1769Machine à vapeur

de J. Watt

1786Construction de

la Fonderie royale du Creusot

1712Invention du

moteur à vapeur

Perfectionnement des machines textiles

1re révolution industrielle

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MERMÉDITERRANÉE

OCÉANATLANTIQUE

OCÉANPACIFIQUE

OCÉANINDIEN

97

EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :

– identifier et expliquer les circonstances ayant permis l’apparition de l’âge industriel en Europe ;

– identifier et décrire les caractéristiques de l’industrialisation ;

– expliquer les résistances et les peurs face à l’industrialisation ;

– identifier et expliquer les conséquences de l’industrialisation selon différentes dimensions (sociale, culturelle, économique et politique).

AU TRAVERS DU THÈME, TU APPRENDRAS AUSSI PROGRESSIVEMENT À :

– comparer différentes sources textuelles (notamment des sources secondes), iconographiques sur un même thème (industrialisation) ;

– analyser des témoignages et mettre en évidence leur intérêt ;

– comparer la diffusion de découvertes scientifiques et technologiques à différentes échelles ;

– analyser les conséquences à court, moyen et long terme d’un processus (industrialisation) à différentes échelles (locale, régionale et internationale).

97

APPRENTISSAGES VISÉS

1900

1848Naissance de l’État fédéral

1885Automobile à essence

1882 Inauguration du tunnel du Saint-Gothard

1838 Bateau à

vapeur trans- atlantique

1877 Loi fédérale concernant

le travail des fabriques

1834Moissonneuses mécaniques et

batteuses

1825Ligne de chemin de

fer à vapeur pour voyageurs (GB)

1817-18181re vague

d’émigration de Suisses

Construction des grandes lignes ferroviaires en Europe

1880 - 18933e vague

d’émigration de Suisses

1850 - 18552e vague

d’émigration de Suisses

2e révolution industrielle

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7

Lewis Hine, Enfants travaillant dans une filature à Macon (Géorgie), photographie, Washington (USA), 1909.

Annonce d’une agence générale pour l’émigration publiée dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel, le 25 août 1883.

« Fabrique de papier de Serrières », chromo-lithographie, Neuchâtel, vers 1892.

Joseph Reichlen, « Tresseuses de paille à Gruyères », lithographie, 1892.

98

Lionel Walden, Les docks de Cardiff, huile sur toile, Paris, 1894.

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De tout temps, les sociétésH ont fabriqué les outils qui leur étaient nécessaires. Durant l’Antiquité, de nombreux ateliers existent dont la production est parfois très importante. Au Moyen Âge, les chantiers des cathédrales utilisent des pierres taillées en série et des machines déjà sophistiquées. Toutefois, au même moment, le système de production de biens manufacturés est plus performant en Chine qu’en Europe : la fabrication de fer et d’outils métalliques y est plus développée.

À partir du XVIe siècle, grâce à  leurs expéditions maritimes,  les Européens tissent des liens commerciaux avec le monde entier.  Ils achètent ainsi des matières premières qui leur manquent : du coton, du bois, du sucre, du blé, etc. Pour leur alimentation, mais aussi pour leur confort, les Européens consomment un grand nombre de produits provenant de Chine et d’Inde. En trois siècles, grâce à leur dynamisme, ils rattrapent une partie de leur retard sur les plans scientifique, technique et commercial.L’essor scientifique et économique est favorisé par les avancées du siècle des Lumières. Philosophes et savants recherchent des loisH expliquant les phé-nomènes naturels et tentent des expériences pour les démontrer. La mul-tiplication des idées, en ce qui concerne la politiqueH, l’économieH, le développement commercial et scientifique, favorise l’INDUSTRIALISATION de l’Europe. La Suisse, au centre de l’Europe et ouverte au monde, par-ticipe à cet essor.

L’âge industriel

OCÉAN ATLANTIQUE

MERDU NORD MER

BALTIQUE

MERMÉDITERRANÉE

FRANCE

ESPAGNE

SUISSEEMPIRE AUSTRO-HONGROIS

ALLEMAGNE

EMPIRE RUSSE

SUÈDE

NORVÈGE

ROYAUME-UNI

ITALIE

BELGIQUE

Manchester

Londres

Berlin

Zurich

GenèveLe Creusot

Paris

Vienne

Milan

Barcelone

Liverpool

Munich

Lyon

Lille Cologne Saxe

Lorraine

Silésie

Bohême

Varsovie

Ruhr

0 500 km

L’Europe industrielle vers 1890

TextileSidérurgieRégions industriellesPrincipaux portsGrandes places financières

SECTEURS INDUSTRIELS

99

INDUSTRIALI- SATION

Développement de l’industrie dans

un État, une région.

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7

De nouvelles sources d’énergie

« Moulin hydraulique d’une usine textile », dessin, Springfield, Ohio (USA), 1875.

Au cours du XIXe siècle, la population européenne augmente fortement. En Suisse, elle passe de 2,2 millions d'habitants en 1837 à 3,75 millions en 1910, grâce aux progrès de l’agriculture, de l’alimentation et de l’hy-gièneH. La demande de biens augmente, on produit plus, plus vite et moins cher. Tout cela est possible grâce à de nombreuses innovations techniques, entre autres les machines et les moteurs, qui fonctionnent avec de nouvelles formes d’énergie.

Dès  le Moyen Âge,  le minerai de charbon est utilisé lorsque le bois et le charbon de bois viennent à man-quer. Le défrichement progressif des forêts amène une augmentation de sa consommation dès le XVIIIe siècle. Ainsi,  au XIXe siècle, il devient une source d’énergie importante, aux côtés de l’énergie animale, hydraulique ou éolienne, puis des autres énergies fossiles comme le gaz et le pétrole, dès 1859. Les sources traditionnelles d’énergie continuent à être largement utilisées jusqu’en 1900. Par ailleurs, l'emploi très large du charbon suscite un débat : on craint déjà d'en épuiser les ressources.

Dès 1880, l'électricité est progressivement utilisée pour l'éclairage, les transports (tramway) et les communica-tions (télégraphe, téléphone).

Machine à vapeurUne série d'inventions donne naissance à  la machine à vapeur, qui est perfectionnée en 1769 par un Écossais, James Watt. Les premières machines à vapeur actionnent les pompes évacuant l’eau des puits dans les mines. À la fin du XVIIIe siècle, elles actionnent des bateaux à vapeur, puis dès 1804, les premières locomotives. L’invention de Watt se diffuse rapidement, car elle répond à un besoin : disposer d’une machine permettant de construire des usines là où l’énergie hydraulique n’est pas disponible. De plus, elle per-met d’augmenter encore la capacité des transports sur terre et sur mer. Dans l’agriculture comme dans l’industrie, la machine à vapeur contribue à augmenter la production.

Force hydraulique

En brûlant, le charbon chauffe l’eau dans le bas de la chaudière : elle se transforme en vapeur d’eau.

D’abord (temps 1), la vapeur entre dans le bas du cylindre et fait monter le piston. Puis, (temps 2) la vapeur entre en haut du cylindre et fait descendre le piston (le reste de vapeur est rejeté dans le condensateur). Les clapets A, B, C et D sont actionnés très rapidement, le piston est donc animé d’un mouvement très rapide, qui est transformé par le balancier en mouvement rotatif qui actionne la roue.

Condensateur recueille

la vapeur d’eau et la transforme

en eau.

Cylindre Chaudière

BalancierPiston

Roue

Charbon

Vapeur d’eau

EauA

B

C

D

La machine à vapeur de Watt4

Scie et moulins de Sarreyer (VS).

2 3

1800 1900

Electricité et pétroleCharbon et machineà vapeur

PRODUCTIONDE MASSE

MÉCANISATIONDE L’INDUSTRIE

1re 2e

Deux révolutions industrielles1

Temps 1 : B et C ouverts – A et D fermés.Temps 2 : A et D ouverts – B et C fermés.

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L’âge industriel

« Coupe d’une mine de charbon », dessin tiré de The Illustrated London News, 31 mars 1906.

Production d’électricité et innovationsDépourvue de charbon,  la Suisse recourt principalement à  l’énergie hydraulique pour actionner les moteurs, s’éclairer (éclairage électrique) ou se déplacer (tramway électrique). À Genève, c’est l’énergie hydraulique qui permet de pomper l’eau et d’alimenter les fon-taines, maisons et usines de la ville. À Lausanne, la première installation hydro-électrique de Suisse est inaugurée en 1882, pour alimenter l’hôpital cantonal.

Extraction du charbon

5

1800 – Pile électrique1826 – Photographie1834 – Armoire frigorifique1844 – Télégraphe électrique1876 – Téléphone1877 – Phonographe1879 – Ampoule électrique1892-1895 – Cinématographe

Quelques inventions8

Bâtiment des Forces Motrices, carte postale, Genève, 1903.

7

6

9M. l’ingénieur Raoux ayant bien voulu inviter la Société à assister aux essais du nouvel éclairage électrique de l’hôpital cantonal [de Lausanne], l’assembléeH se transporte d’abord au local des machines dynamo- électriques, système Edison, situé en Couvaloup, puis au nouvel hôpital cantonal. Deux machines, actionnées par l’eau de Bret, suffisent à fournir l’électricité suffisante à l’éclairage de tout l’hôpital. La transmission de l’électricité jusqu’à l’hôpital se fait au moyen de câbles souterrains. Cet éclairage, très bien combiné et fort réussi, fait honneur à la Société suisse d’électricité, et fut beaucoup admiré par tous les assistants.Adapté du Bulletin de la Société des ingénieurs et architectes, Lausanne, décembre 1882.HAVAGE : technique qui

consiste à entailler le charbon dans une mine.

Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles [les gouttes] battaient sa face, s’écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d’un quart d’heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d’une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s’acharnant dans son œil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu’un puce-ron pris entre deux feuillets d’un livre, sous la menace d’un aplatissement com-plet. […] Et il semblait que les ténèbres fussent d’un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux.

Adapté de Émile Zola (1840-1902), Germinal, 1885.

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7

Le développement des transports

Depuis le Moyen Âge, les voies de communication connaissent une lente amélioration. Grâce aux différentes innovations, elles bénéficient d’un rapide développement à partir du XVIIIe siècle.

En France,  l’acheminement du courrier nécessite des routes élargies et améliorées. Le temps de trajet entre les grandes villes est réduit de moitié entre 1750 et 1770. Ainsi, le prix du transport diminue et la quantité de marchandises transportées augmente. Le chemin de fer amplifie ce phénomène. Quand la première ligne de chemin de fer (25 km) est inaugurée en Suisse en 1847, 

la Grande-Bretagne exploite déjà plus de 10 000 km de voies ferrées. Destiné d’abord au transport du charbon et des marchandises, le chemin de fer s’étend rapide-ment au transport des passagers. Les premières lignes se développent, reliant centres urbains, mines de charbon et  régions  industrielles. Leur financement va de pair avec le développement des banques.

Jean-Louis Beuzon, « Les Premiers Chemins de fer », lithographie, vers 1830.

0 500 1000 km

Brindisi

Turin

Bâle

Lyon

BruxellesLondres

Berlin

Bordeaux

Paris

Lille

Rome

Vienne

MER DU NORD

OCÉANATLANTIQUE

MERMÉDITERRANÉE

12

Sierre

Brigue

Genève

Bellinzone

Coire

St-Moritz

Lucerne

Berne

Spiez

La Chaux-de-Fonds

Bâle

Olten

Soleure

SarnenLangnau

Altdorf

St-GothardLausan

ne

Winterthur

Schaffh ouse

Wattwil

Scuol

Sion

Fribourg Thoune

Zoug

Glaris

Engelberg

St-GallZurich

Neuchâtel

Delémont

Réseau ferroviaire en 1870

Lignes alpines en 1914Réseau ferroviaire en 1914

14

« Chacun des voyageurs du wagon où nous étions assis exprimait à sa manière ses impressions. Celui-ci s’étonnait que, malgré tant de rapi-dité, il lui fût aussi aisé de respirer que s’il eût marché sur terre à pas lents ; celui-là s’extasiait à la pensée qu’il ne sentait aucun mouvement ; il lui semblait être assis dans sa chambre ; un autre faisait remarquer qu’il était impossible d’avoir le temps… de reconnaître les traits d’un ami. De plus graves déclaraient incalculables les bienfaits de cette invention. »

Magazine Le Magasin pittoresque (F), 1837.

11

En Europe, en 1845, les lignes atteignent 23 000 km et, en 1900, plus de 282 000 km.

10 Évolution du réseau ferroviaire européen

13 Construction du réseau ferroviaire suisse

« Inauguration des chemins de fer à Saint-Imier », gravure, Jura bernois, 29 avril 1874.

Réseau ferréen 1840en 1880

Noeuds ferroviaires

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L’âge industriel

« Les rails se rapprochent de la Suisse de tous côtés mais les projets présentés prévoient de la contourner. Elle risque ainsi de se retrouver isolée et de constituer un triste ermitage au milieu de l’Europe. »

Alfred Escher, président du Conseil national et directeur de la Compagnie du chemin de fer du Gothard, le 12 novembre 1849.

« Appelé l’année dernière à visiter les bords de votre lac, je ne pouvais considérer sans un senti-ment de surprise toutes les facilités que la nature a déployées autour de vous pour la navigation nouvelle, et voir d’autre part une nationH libre, éclairée, ingénieuse, placée au centre de l’Europe, demeurer jusqu’à présent privée de ce bienfait des sciences et des arts, tandis que par une bizarrerie inconcevable, plus de cinq cents de ces bateaux répandent la grande découverte de Fulton dans les quatre parties du monde. »Edward Church, consul des États-Unis d’Amérique, 1822.

15

19

Les nouveaux défis en matière de transportDes hommes politiques tels qu’Alfred Escher encouragent le développement du réseauH ferroviaire suisse. On construit d’abord grâce à des capitaux privés : onze compagnies tra-vaillent sans plan d’ensemble jusqu’en 1865. La ConfédérationH organise alors les Chemins de fer fédéraux (CFF) en rachetant, au début du XXe siècle, les cinq principales compagnies. Le relief accidenté de la Suisse nécessite de bâtir des ponts et ceux-ci doivent être sus-ceptibles de supporter le poids des trains et de leurs marchandises. Les ponts en acier répondent le mieux à ce besoin, car ils résistent effica-cement au vent. Les travaux de Gustave Eiffel révolu-tionnent ce type de pont et favorisent la multiplication des viaducs ferroviaires.

Les navires à vapeurEn Europe, à partir du XVIIIe siècle, le nombre de navires construits est multiplié par deux. Les bateaux sont plus gros, leur équipage est réduit, les routes maritimes plus sûres et le transport moins coûteux. En Suisse, une navigation de plaisance se développe sur les lacs. Edward Church, ami de Robert Fulton, l’inventeur du bateau à vapeur, en est l’instigateur.

Viaduc de Grandfey (FR), construit en 1862, carte postale, XIXe siècle.

« Le bateau à vapeur Guillaume Tell sur le lac Léman devant Genève », gravure, 1823.

Eiffel étudie l’ingénierie à une époque où l’acier devient fondamental dans la

construction. Diplômé en 1855, spécialisé dans la métallurgie, il bâtit des ouvrages

métalliques dans le monde entier et réalise, pour l’Exposition universelle de 1889, la célèbre tour qui porte son nom.

GUSTAVE EIFFEL (1832-1923)17

16

18

ERMITAGE : ici, lieu isolé.

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104

7

« Le hall de montage de l’usine de machines Escher Wyss, à Zurich, dans le Nouveau Moulin », gravure, 1875.

23

Les effets de l’industrialisation

Dans l’industrie textile, plusieurs inventions, dont le métier Jacquard (1801), entraînent la mécanisation du tissage. Celle-ci amène une demande accrue de fil et le filage se mécanise à son tour avec la Spinning Jenny, une machine à filer inventée déjà en 1764. Le besoin de main-d’œuvre s’accroît. Apparaissent alors des filatures actionnées par un moulin hydraulique, puis par une machine à vapeur.

En Suisse, l’industrialisation se développe surtout dans le « triangle d’or » (Bâle, Saint-Gall, Zurich) et le long du Jura. Les industries se situent aussi dans quelques lo-calités ou régions des cantonsH de Vaud, Genève, Berne et Glaris. Elle touche faiblement Fribourg, la Suisse cen-trale, le Valais, les Grisons et le Tessin. Dans les centres urbains comme Zurich, Winterthour, Baden ou Bâle, des 

usines de plus en plus  importantes sont construites. On  compte 18 entreprises de plus de 500 ouvriers dans la région bâloise. Les secteurs économiques qui fournissent le plus d’emplois sont : la construction, le textile, les machines (chemin de fer, etc.), l’horlogerie, l’alimentation (chocolat, lait condensé, farine lactée) et la chimie (colorants et produits pharmaceutiques).

Pour lutter contre les importations de tissu en Grande-Bretagne, les fabriques imitent ce qui se fait en Inde et produisent leur propre tissu, appelé « indiennes ». En 1801, à son tour, la Suisse achète des machines à tisser aux Britanniques.

1000

1695–

17251725

–1755

1755–

17851815

–1834

1835–

1864

2000

3000

4000

5000

0

par la Compagnie anglaise des Indes orientales de 1695 à 1864, en milliers de pièces.

Textiles importés d’Asie en Europe22

Ouvrières dans une usine de filature, Arbon (TG), photographie, fin du XIXe siècle.

« Fileuse utilisant la Spinning Jenny », premier métier à filer mécanique inventé en 1764 par James Hargreaves, gravure, XVIIIe siècle.

2120

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105

L’âge industriel

Face aux innovationsDans toute l’Europe, on s’enthousiasme et on s’interroge sur le bienfait des innovations. Le développement des industries, la pollution due à l’emploi massif du charbon, ainsi que la transformation du paysage inquiètent peu à peu. L’industrialisation de l’Europe, triom-phante pour certains, ne se fait pas sans heurts, faillites ou souffrances. Les innovations successives rencontrent des résistances, animées par des craintes diverses.

Là-bas, devant nous, un nuage s’élève, tout noir, opa-que, qui semble monter de la terre. […] C’est la fumée du Creusot. Cent cheminées géantes vomissent dans l’air des serpents de fumée noire […] ; tout cela […] couvre la ville, emplit les rues, cache le ciel. […] Une poussière de charbon voltige, pique les yeux, tache la peau, macule le linge. Les maisons sont noires, […] les vitres poudrées de charbon. Une odeur de cheminée flotte, contracte la gorge, oppresse la poi-trine, et parfois une âcre saveur de fer […] coupe la respiration. C’est le Creusot. Entrons dans l’usine de MM. Schneider. Quelle féerie ! C’est le royaume du Fer, où règne sa majesté le Feu !

Adapté de Guy de Maupassant, « Petits Voyages, Le Creusot », Gil Blas, le 28 août 1883. « Vue de la fonderie et cristallerie du Creusot »,

gravure, vers 1820-1830.

« Les usines Krupp », gravure sur bois, Essen (D), vers 1865.

24

25

27

26

28

Birmingham est une ville des plus curieuses de l’Angleterre par l’activité de ses manufactures et de son commerce. […] Avec ces vastes ateliers où l’on fabrique les pompes à vapeur, ces machines étonnantes, les lamineries de cuivre sans cesse en activité, de tôle et de fer, cette partie si étendue, si variée qui occupe […] plus de trente mille bras oblige l’Europe entière et une partie du Nouveau- Monde à s’approvisionner ici.C’est l’abondance du charbon qui a fait ce nouveau miracle et a produit au milieu d’un désert aride une ville de quarante mille habitants, qui vivent au sein de l’aisance et de toutes commodités de la vie.

Adapté de Barthélemy Faujas de Saint-Fond, géologue et vulcanologue, Voyage en Angleterre, en Écosse et aux îles Hébrides…, 1797.

En 1826, elle reprend les usines en difficulté financière que son mari lui a laissées. Elle redresse

l’entreprise, qui profite ensuite de l’essor des chemins de fer en Alle-

magne, dans les années 1850. Après sa mort, son fils en fera l’un des plus grands complexes d’aciéries du monde.

THERESE KRUPP (1790-1850)29

[Les artisans] constatent qu’une seule machine, surveillée par une personne adulte et ser-vie par cinq ou six enfants, fait autant de besogne que trente hommes travaillant à la main selon l’ancienne méthode. […] L’introduction de ladite machine aura pour effet presque immédiat de priver de leurs moyens d’existence la masse des artisans.

Adapté de la pétition des peigneurs de laine, extrait du journal de la Chambre des communes (Parlement de Londres), 1794.

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106

7

Les mouvements de population

L’âge industriel est marqué par l’exode rural, d’importants déplacements de population de la campagne vers les villes. Par ailleurs, de nombreux Européens sont amenés à migrer vers d’autres continents.

Au XVIIIe siècle, la population européenne s’accroît de 50 % , elle double encore au siècle suivant. Les progrès en matière d’hygiène et de médecine mettent progressi-vement fin aux grandes épidémies. La population trouve à se nourrir grâce à la généralisation de la culture de la pomme de terre. Avec la MÉCANISATION, l’amélioration

des  techniques  agricoles  augmente  la  productivi-téH mais diminue les besoins en main-d’œuvre.La population rurale, trop nombreuse, doit chercher du travail dans les fabriques, plus proches des villes. Les nouveaux venus s’installent dans les quartiers popu-laires, plutôt pauvres.

« Agriculture et labourage », gravure tirée de Encyclopédie, sous la direction de Diderot et d’Alembert, vers 1750-1790.

« Moissonneuse-batteuse à vapeur », dessin tiré de The Illustrated London News, 1861.

31

30MÉCANISATION

Emploi généralisé de la machine pour remplacer

l’usage de la force humaine et augmenter

la production.

32

100

1800 1850

195mio

265mio

422mio

1900

200

300

400

500

0

Population européenneen millions

33

Sein

e

Boisde

Vincennes

Boisde

Boulogne

Parc Montsouris

Buttes Chaumont

Boulevard Hausmann

Halles

TrinitéSt-Augustin

Louvre

Opéra

Préfecture de police

Caserne duChâteau d’EauBibliothèque

Nationale

Palais del’Industrie

1km0

Limite de Paris avant 1859

L’extension de la ville

Travaux effectués sous le Second Empire(1852-1870)

Principaux quartiers

Nouvelle limite de la ville après 1859

Principaux édifices construitsou agrandis

Gares et voies de chemin de fer

Voies nouvelles

Espaces verts aménagés

Quartiers d’affaires

Quartiers bourgeois★

Quartiers populaires

Banlieue

L’extension de la ville de Paris au XIXe siècle34

Une population plutôt jeune, célibataire, peu qualifiée s’en-tasse dans des logements surpeuplés. Tous espèrent y trouver un emploi sûr et s’y marier, signe de la réussite et de l’inté-gration.

Adapté de François Walter, Histoire de la Suisse, Neuchâtel, 2010.

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L’âge industriel

Nova Friburgo, un exemple d’émigration des SuissesEn 1815, une éruption volcanique en Indonésie est à l’origine d’une « année sans été ». La chute de température dans tout l’hémisphère Nord a pour conséquences de mauvaises récoltes qui entraînent des famines. Les cantons suisses encouragent l’émigration vers des coloniesH. En 1816, un accord est trouvé entre la Suisse et le roi du Portugal, désireux de peupler ses colonies du Brésil. Il autorise et pousse même des colons suisses à venir s’établir au nord de Rio. 2006 personnes partent, espérant un avenir meilleur. Cependant, après l’attente du bateau dans des camps de fortune en Hollande, la traversée et la longue marche au Brésil, seuls 1617 colons arrivent à destination. Fondée dans des conditions difficiles, Nova Friburgo compte aujourd’hui plus de 100 000 habitants.

« Vaisseaux de fortune pour trouver meilleure fortune », Fribourgeois émigrant au Brésil, ex-voto, gouache, Fribourg, 1819.

Extraits d’une liste d’objets nécessaires pour l’émi-gration à Nova Friburgo, établie par les autorités fribourgeoises, 1819.

35

EX-VOTO : tableau placé dans une égliseH

à la suite d’un vœu ou en remerciement.

« La Suisse connaît à partir de 1847 de mauvaises récoltes auxquelles s'ajoutent une baisse des prix des produits agricoles et l'apparition progressive du chômage dans le secteur industriel. La men-dicité se développe dans les villes. De plus, l'in-terdiction du service étranger en 1848 laisse les anciens mercenairesH sans travail et met les auto-rités suisses dans l'embarras. Après avoir vécu une première vague migratoire entre 1817 et 1818, la Suisse voit une partie de ses enfants émigrer nombreux, d'abord vers les États-Unis, le Brésil et la Russie, puis vers l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay entre 1850 et 1855. La dernière grande vague migratoire se situe aux alentours de 1880 et 1893. »

notrehistoire.ch

39

« Quelques-uns purent connaître exactement l’endroit où leur petit domaine est situé, mais la plupart n’en savaient encore rien ; les subdivi-sions n’étant pas faites, et à travers les bois aussi touffus, dans une situation qui ne consiste que de collines et de ravins, elles seront un ouvrage considérable […]. »

Journal de Pierre Schmidmeyer, parti pour Nova Friburgo, 29 juin 1821.

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Fribourg 830 Genève 3

Berne/Jura 500 Argovie 143

Valais 160 Lucerne 140

Vaud 90 Soleure 118

Neuchâtel 5 Schwytz 17

Nombre de migrants par canton sur les premiers bateaux pour Nova Friburgo

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7

Intérieur d’un magasin Coop : « L’épicerie où l’on trouve de tout », photographie, Strasbourg (F), vers 1910.

Rue Rousseau, quartier

populaire de Saint-Gervais, photographie, 

Genève, vers 1900.

45

L’industrialisation et l’urbanisme

En Europe, alors que les campagnes se dépeuplent, les villes génèrent un grand nombre d’emplois et attirent ainsi les populations rurales les plus modestes. De nouveaux défis s’imposent aux autorités en matière de sécurité et d’hygiène.

Entre 1888 et 1910,  la population  suisse  augmente de 73 % en zone urbaine contre 7 % en zone rurale. L’espace urbain grandit et voit surgir des constructions et des aménagements de toutes sortes : des bâtiments 

prestigieux, des espaces verts mais également des épice-ries de quartier. Le secteur tertiaire se développe et crée de nouveaux métiers. Les populations ouvrières, quant à elles, s’établissent dans des quartiers surpeuplés.

Jacques Élysée Goss, architecte, « Façade principale du Grand-Théâtre », gravure, Genève, 1880.

44

600m4002000

La population double entre 1843 (29 289 hab.) et 1910 (58 337 hab.).

Plan de Genève en 186440 Genève vers 190041

« De pareils bouges, il n’y a pas besoin de le dire, sont des terrains merveilleusement préparés pour le développement et la prolifération des germes infectieux. L’expérience a du reste démontré que c’est presque toujours par là que débutent les épidémies. Ces habitations ne sont donc pas seulement une honte pour une ville ; elles constituent un danger public auquel l’autorité a mission de parer. »

Dr Louis Guiraud, Manuel pratique d’hygiène à l’usage des médecins et des étudiants, 1890.

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L’âge industriel

0 100 200 m

´ Répartition de la population au Locle, fin du XIXe siècle50

Immeubles ouvriers avec ateliers au dernier étage, rue des Fleurs, La Chaux-de-Fonds (NE), construits au milieu du XIXe siècle.

46

En-tête de la marque horlogère Moser, carte postale, Le Locle (NE), 1914.

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Terr

asse

/ J

ardi

n

Excavage

Remblayage

Rue

Rue

Terr

asse

/ J

ardi

n

Barre d’immeubles construite en pente afin de mieux capter la lumière.

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L’urbanisme lié à l’industrie horlogèreLes villes comme Le Locle ou La Chaux-de-Fonds se développent de façon très organisée. Les immeubles d’habitation comportent des ateliers. On les repère encore aujourd’hui par leurs fenêtres serrées du dernier étage, tournées vers le soleil. Pour avoir suffisamment de lumière, le plan de la ville est lui-même adapté par une dis-position de barres plutôt que d’îlots, urbanisme peu fréquent au XIXe siècle. Le patron de l’usine loge par-fois dans un bel immeuble, mais toujours à proximité de son lieu de travail et du logement des ouvriers. La séparation entre quartiers bourgeois et populaires est moins marquée qu’ailleurs. Les usines servent parfois d’image de marque, d’où leur architecture soignée.

47

Ouvriers dans un atelier d’horlogerie à La Chaux- de-Fonds (NE), photographie, début du XXe siècle.

Habitat ouvrier

Usine

Immeuble mixte,habitat ouvrier et atelier

Immeuble mixte, habitat patronalet unité de production

Habitat patronal

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7

À l’origine des industries, les entrepreneurs

À la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, les entrepreneurs ne sont pas encore des spécialistes. Ce sont en général des marchands-fabricants sans formation particulière. Au début de l’âge industriel, n’importe qui ou presque peut s’improviser entrepreneur.

Il suffit pour cela de disposer d’un peu d’argent, sou-vent fourni par la famille ou les proches, de trouver un terrain bien situé pour y installer une petite fabrique au fil d’une  rivière, de  recruter quelques ouvriers et d’avoir un peu d’imagination. Mais pour réussir, il faut 

avoir le sens de l’organisation et du travail, être capable d’inventer ou de perfectionner des machines et savoir aussi vendre ses produits. Il faut surtout fournir beau-coup d’efforts et avoir un peu de chance.

En fait, les débuts de l’industrialisation furent sévèrement sélectifs. […] Les crises économiques furent fatales à un grand nombre d’entreprises. De sorte que les industriels qui surent se maintenir […] purent affermir leur empire.

Adapté de Jean-François Bergier, Histoire économique de la Suisse, Lausanne (VD), 1984.

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Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la nécessité de combiner compétences tech-niques et commerciales s’impose. Des scientifiques ou des ingénieurs s’associent parfois avec des négociants pour fonder des entreprises. Le développement des industries exigeant des capitaux de plus en plus  importants,  les  industriels font appel à des banquiers ou fondent leur propre banque. Cette évolution entraîne un écart croissant entre ceux qui n’ont que leur force de travail et ceux qui possèdent les capitaux et les moyens de production. C’est ce que l’on appelle le CAPITALISME.

Heinrich Kunz, surnommé « roi des filateurs » (Spin-nerkönig), est considéré, vers 1850, comme l’entre-preneur le plus important de la branche en Europe. Il dirige personnellement ses neuf fabriques.

Richard Kissling, monument commé-moratif d’Alfred Escher, place de la Gare, Zurich, 1889.

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CAPITALISMEOrganisation économique et sociale où les capitaux et les moyens de production (mines, usines, infrastruc-tures, etc.) appartiennent

à des propriétaires privés.

Des personnages tout-puissantsAlfred Escher (1819-1882) est un Zurichois, libéral puis radical, qui joue un rôle très important sur le plan politique et économique. Il est l’exemple même du dirigeant qui réalise des projets de grande envergure. Une de ses principales préoccupations est de développer les transports en Suisse afin de faciliter le développement économique. Persuadé de la nécessité d’avoir une liaison Nord-Sud passant par la Suisse, il œuvre pour le perce-ment du tunnel ferroviaire du Gothard. Pour assurer le financement de la construction des chemins de fer, il crée le Crédit Suisse.

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En raison du cumul de ses charges politiques, du lien entre ses fonctions politiques et économiques, et du recours au pouvoir pour protéger les intérêts de ceux qui possédaient la richesse et le savoir, Escher essuya de bonne heure les feux de la critique. […] Les classesH sociales désavantagées s’éle-vèrent massivement contre le « système Escher » à partir de 1860. […]

Adapté de Markus Bürgi, « Alfred Escher », Dictionnaire historique de la Suisse, 2005.

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L’âge industriel

1. Respect de Dieu, propreté et ponctualité sont les règles d’une maison bien ordonnée.

2. Dès maintenant, le personnel sera présent si possible de 6 h du matin à 6 h du soir. Le dimanche est réservé au service religieux. Chaque matin, on dit la prière dans le bureau principal.

3. Chacun est tenu de faire des heures supplé-mentaires si la direction le juge utile.

7. Il est permis de prendre de la nourriture entre 11 h 30 et 12 h. Toutefois, le travail ne doit pas être interrompu.

Extrait d’un règlement de bureau, France, deuxième moitié du XIXe siècle.

L’esprit visionnaire d’Escher se manifestait dans sa faculté de com-prendre les [relations] entre les phénomènes, plutôt que dans l’ap-plication des mesures de détail. Escher […] redoubla d’efforts pour obtenir l’École polytechnique [à Zurich]. Il savait que les sciences techniques seraient déterminantes pour l’avenir du pays. Il était simultanément membre de nombreux organes politiques influents et dirigeait de grandes entreprises. […] Il siégeait dans d’innombrables commissions et connaissait ses dossiers à fond. Alfred Escher ne réussissait ce tour de force qu’en travaillant avec acharnement, voire jusqu’à l’épuisement.

Adapté de Joseph Jung, historien, « Visionnaire et entrepreneur », Magazine du Crédit Suisse, 2006.

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À Zurich, Auguste Weidmann (1842-1928) crée une crèche, un hôpital, une caisse d’assu-rance vieillesse et survivants pour ses ouvriers.

L’économie a le soutien du monde politiqueEn 1848 naît la Suisse moderne. Plusieurs mesures sont prises au niveau fédéral pour créer un espace économique commun à toute la Suisse. La première École polytechnique fédérale, au service de la science et de l’industrialisation, s‘ouvre à Zurich en 1855. De nouvelles lois sont promulguées pour encourager le développement des chemins de fer, pour protéger les ouvriers, les marques et les inventeurs.

Les relations avec les travailleursBien des industriels songent surtout à augmenter leur bénéfice, pour le réinvestir dans l’entreprise et la développer, sans se soucier du sort des ouvriers, au risque de renforcer les tensions sociales. D’autres se montrent paternalistes et, parce qu’ils ont compris que la production des ouvriers dépend d’un relatif bien-être, ils leur fournissent une nourriture et un logement convenables. Ils créent ainsi avec leurs employés un rapport d’autorité, de respect mais aussi de dépendance.Les industries grandissant, elles nécessitent une administrationH plus  importante. Une autre catégorie de travailleurs se développe alors, celle des employés de bureau.

Une employée de bureau de poste, Zurich, entre 1905 et 1923.

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Intérieur d’un logement ouvrier, photographie, Zurich, avant 1909.

Le cours de la rivière Birsig dans le centre de Bâle (actuelle-ment Falknerstrasse). Vue de l’arrière des maisons de l’époque avec, suspendus aux façades, des cabanons de bois renfermant des cabinets d’aisances, photographie, Bâle, 1895.

Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; […] mais je suis de ceux qui pensent et qui affir-ment qu’on peut détruire la misère.[…] Je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelli-gence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière.

Adapté de Victor Hugo (1802-1885), « Détruire la misère », discours à l’Assemblée

nationale, Paris, 9 juillet 1849.

« Le revenu par habitant passe de 560 francs par an en 1850, à près de 1200 en 1910, chiffres glo-baux qui cachent bien sûr des disparités. »

« Si prodigieux qu’ait pu être le progrès indus-triel au XIXe siècle, il ne doit pas tromper. Il a enrichi la Suisse. Il n’a pas fait le bonheur de tous les Suisses. »

Jean-François Bergier, Histoire économique de la Suisse, Lausanne (VD), 1984.

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Le monde ouvrier et les luttes sociales

La vie quotidienne des familles d’ouvriers se déroule dans des conditions très difficiles, que ce soit sur le lieu de travail ou en dehors. Ces situations engendrent des tensions et contestations qui prendront des formes diverses et se prolongeront durant le XXe siècle.

Attirées par  les  emplois  créés par  les usines ou  se regroupant près des mines de charbon, les personnes s’entassent dans des quartiers surpeuplés, propices à la misère sociale. Les conditions de travail, elles aussi

très dures, sont parfois dénoncées par des associations, des  syndicatsH,  des politiciens ou dans des œuvres d’auteurs tels que Victor Hugo ou Émile Zola.

Les fenêtres ferment mal ; les poêles sont si mauvais qu’ils chauffent difficilement mais répandent beaucoup de fumée dans les pièces. […] La mère doit aller travailler et ne peut donc pas faire très attention à son intérieur, et même si elle fait des efforts, elle manque de temps et de moyens. […] Les enfants traînent dans l’appartement ou dans les rues et sont toujours sales ; ils manquent des vêtements nécessaires pour se changer plus souvent, et il n’y a pas suffisamment de temps et d’argent pour les laver fréquemment.

Adapté de A. Schneer, Sur les conditions d’existence des classes laborieuses à Breslau (PL), 1844.

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L’âge industriel

Des luttes syndicales pour améliorer les conditions de vieLes  richesses engendrées par  l’industrialisation sont mal  réparties et provoquent de grandes inégalités, amplifiées par des conditions de travail très dures. La main-d’œuvre, abondante, est très mal payée puisque les machines permettent d’engager des ouvriers sans qualification pour un travail pénible et répétitif. Afin de protester contre leurs condi-tions de travail, ceux que l’on appelle  les  « prolétaires »  se mettent en grèveH malgré les risques  de  répression,  avec l’aide de syndicats ou de partis politiques. Les premières lois sociales,  inspirées  du  SOCIA-LISME,  sont  adoptées dans  la seconde moitié du XIXe siècle, notamment pour limiter le tra-vail des enfants.

DÉBRAYAGE : grève de courte durée (quelques heures).

« La foule en colère incendia une filature et un atelier de tissage mécanique à Ober-Uster », lithographie, Berne, 1832.

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La grève apparaît déjà au XVIIIe siècle, comme en témoigne l'exemple d’une grève dans une fabrique d’indiennes de Bâle en 1794. Et si leur nombre progresse lentement au cours de la première moitié du XIXe siècle, la situation change sensiblement à partir des années 1860. Avec la croissance d’une classe ouvrière soumise à des conditions de travail extrêmement dures, le recours aux débrayages devient en effet de plus en plus fréquent. De sorte qu’au début du XXe siècle, avec une pointe de près de 300 grèves en 1907 et deux grèves générales (à Genève en 1902 et à Zurich en 1912), de tels mouvements atteignent un premier pic. Ainsi, à comparer avec la Grande-Bretagne où l’on compte quelque 900 grèves en 1911 pour une classe ouvrière dix fois plus nombreuse, on constate que la Suisse ne se distingue nullement en ce domaine des autres pays industrialisés.

Adapté de Hans U. Jost, « À propos de l’histoire des grèves en Suisse », Cercle d’études historiques de la Société jurassienne d’émulation, 2006.

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« Contrairement à ce que l'on pourrait croire, on observe entre 1880 et 1914 un taux de grève plus élevé dans certains districts campagnards ou dans de petites villes que dans les agglomé-rations de Bâle et Zurich. […] Souvent, les reven-dicationsH étaient multiples : elles portaient sur le salaire, sur la durée du travail, sur les droits syndicaux. De graves tensions pouvaient appa-raître ; les autorités faisaient appel à la police, voire à l'armée (qui intervint trente-huit fois). »

Bernard Degen, « Grèves », Dictionnaire historique de la Suisse, 2012.

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Jules Adler, Grève au Creusot, huile sur toile, Pau (F), 1899.

SOCIALISMEMouvement politique qui lutte contre l’exploitation des ouvriers et les inéga-lités sociales, vise l’intérêt

collectif avant les intérêts privés.