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L’exemption du gain en capital pour résidence principale Anne-Marie Boucher* ABSTRACT Financial advisers have always considered that the acquisition of a home represents the best investment for the Canadian taxpayer. There are three reasons for this: the return on investment, in the form of a shelter, is not taxable; forced savings result from monthly mortgage payments; and, most significantly, the capital gain realized upon disposition of the home is exempt from taxation by virtue of the existing tax provisions governing the capital gain exemption on principal residence. This article presents a three-part analysis of these provisions based on the applicable legislation as at December 31, 1995. In the first part of the article, the author analyzes the formula for calculating the tax-exempt portion of the capital gain realized upon disposition of the principal residence. In the next part, the author examines the definition of “principal residence,” and in the last part, she analyzes the provisions relative to the change in use of a property which affects the admissibility of the capital gain exemption on principal residence. The article does not address the questions of the transfer of a principal residence between spouses or of tax planning with respect to the transitional rules applicable to a residence held before 1982. PRÉCIS Ce n’est pas d’hier que les conseillers financiers sont d’avis que l’acquisition d’une maison constitue pour le contribuable canadien le meilleur investissement qu’il puisse effectuer. Trois raisons principales leur servent d’argument. D’abord, le rendement sur l’investissement, soit le gîte qu’il obtient et qui est non imposable. Ensuite, le paiement hypothécaire mensuel qui constitue pour le contribuable le meilleur moyen de s’obliger à épargner. Toutefois, la raison principale est probablement que le gain en capital éventuel réalisé lors de la disposition de la résidence sera exempt d’impôt en raison des règles fiscales existantes concernant l’exemption de gains en capital pour résidence principale. 348 (1996), Vol. 44, No. 2 / n o 2 * L.L.B., M. fisc., Brouillette Charpentier Fournier, Montréal. L’auteure désire remercier Mme Diane Bruneau, notaire et professeure à l’Université de Montréal, pour son aide et ses conseils judicieux, ainsi que Mme Céline Frenette pour son support technique.

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348 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2

L’exemption du gain en capital pourrésidence principale

Anne-Marie Boucher*

ABSTRACT

Financial advisers have always considered that the acquisition of a homerepresents the best investment for the Canadian taxpayer. There are threereasons for this: the return on investment, in the form of a shelter, is nottaxable; forced savings result from monthly mortgage payments; and,most significantly, the capital gain realized upon disposition of the homeis exempt from taxation by virtue of the existing tax provisions governingthe capital gain exemption on principal residence.

This article presents a three-part analysis of these provisions based onthe applicable legislation as at December 31, 1995. In the first part of thearticle, the author analyzes the formula for calculating the tax-exemptportion of the capital gain realized upon disposition of the principalresidence. In the next part, the author examines the definition of“principal residence,” and in the last part, she analyzes the provisionsrelative to the change in use of a property which affects the admissibilityof the capital gain exemption on principal residence.

The article does not address the questions of the transfer of a principalresidence between spouses or of tax planning with respect to thetransitional rules applicable to a residence held before 1982.

PRÉCISCe n’est pas d’hier que les conseillers financiers sont d’avis quel’acquisition d’une maison constitue pour le contribuable canadien lemeilleur investissement qu’il puisse effectuer. Trois raisons principales leurservent d’argument. D’abord, le rendement sur l’investissement, soit legîte qu’il obtient et qui est non imposable. Ensuite, le paiementhypothécaire mensuel qui constitue pour le contribuable le meilleur moyende s’obliger à épargner. Toutefois, la raison principale est probablementque le gain en capital éventuel réalisé lors de la disposition de la résidencesera exempt d’impôt en raison des règles fiscales existantes concernantl’exemption de gains en capital pour résidence principale.

348 (1996), Vol. 44, No. 2 / no 2

* L.L.B., M. fisc., Brouillette Charpentier Fournier, Montréal. L’auteure désireremercier Mme Diane Bruneau, notaire et professeure à l’Université de Montréal, pourson aide et ses conseils judicieux, ainsi que Mme Céline Frenette pour son supporttechnique.

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Cet article constitue une analyse de ces règles selon l’état du droit endate du 31 décembre 1995. Il comporte trois volets distincts. L’auteurefait d’abord une étude de la formule de calcul de la partie du gain encapital qui est exemptée d’impôt, fait ensuite un examen de la définitionde «résidence principale» et traite enfin des règles relatives auchangement d’usage d’un bien qui affecte l’admissibilité à l’exemption degains en capital pour résidence principale.

Ne sont pas abordées dans cet article, les questions du transfert de larésidence principale entre conjoints et les planifications relatives auxrègles transitoires visant les résidences détenues avant 1982.

INTRODUCTIONPour plusieurs contribuables, les règles d’imposition de la résidenceprincipale d’un contribuable canadien semblent relativement simples. Legain en capital réalisé est exempté d’impôt et la perte en capital n’estpas déductible. Néanmoins, une analyse des règles sur le traitementfiscal applicable à la résidence principale révèle un niveau surprenantde complexité et l’importance d’une bonne planification. La définitionde résidence principale qui se trouve à l’article 54 de la Loi de l’impôtsur le revenu compte à elle seule quelque 600 mots.

Cet article fait un examen des règles touchant l’imposition etl’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition d’unerésidence principale par un contribuable canadien. Il ne vise pas à faireun exposé descriptif du fonctionnement des règles1 mais à enapprofondir le contenu en apportant des précisions à certaines questionssoulevées par leur application à la lumière des diverses interprétationsdonnées par les tribunaux et de la position du ministère du Revenu.L’auteure tente d’apporter des éléments de solution.

Vient d’abord une étude de la disposition particulière de la Loi quicontient la formule de calcul de la partie du gain en capital réalisé lorsde la disposition d’une résidence principale qui est exemptée d’impôt.D’après l’application de cette formule, certains éléments deplanification sont suggérés. L’article fait ensuite l’examen de ladéfinition de «résidence principale», plus particulièrement des différentscritères sur la nature, l’utilisation, la désignation et la propriété de larésidence. Des précisions à l’égard de chacun de ces critères sontapportées.

Enfin, l’article traite des règles relatives au changement d’usage d’unbien qui affecte l’admissibilité à l’exemption de gains en capital sur larésidence principale et des quelques problèmes qui se dégagent del’application des règles.

1 Pour une analyse descriptive du fonctionnement de l’ensemble des règlesd’imposition de la résidence principale au Canada, voir l’ouvrage de Howard S.Simmons, The Family Home and Income Tax (Toronto : Carswell, 1986).

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L’auteure n’aborde pas les questions du transfert de la résidenceprincipale entre conjoints et des planifications relatives aux règlestransitoires applicables lorsqu’une résidence était détenue par uncontribuable avant 1982, alors qu’il était possible pour une mêmefamille de désigner plus d’une résidence principale2.

Par ailleurs, comme les règles d’imposition de la résidence principalecontenues à la Loi sur les impôts du Québec3 sont similaires, aucuneréférence particulière n’est faite aux dispositions de cette loi.

DÉTERMINATION DU GAIN EN CAPITALLa disposition d’une résidence par un contribuable canadien dans uneannée d’imposition est assujettie aux règles relatives à la déterminationdes gains en capital imposables et des pertes en capital déductibles,telles que contenues à la sous-section c) de la Loi de l’impôt sur lerevenu4. Le gain en capital réalisé lors d’une telle disposition estd’abord calculé selon la formule contenue au paragraphe 40(1) LIR. Lemontant ou une partie du montant du gain ainsi calculé pourra ensuitefaire l’objet d’une exemption si la résidence est admissible à titre de«résidence principale» et fait l’objet d’une désignation pour les annéesd’imposition pertinentes.

Calcul de la partie du gain en capital exemptée d’impôtLa partie du gain en capital exemptée d’impôt est déterminée selon lesmodalités de l’alinéa 40(2)b) et de l’article 465 LIR. Selon l’alinéa40(2)b), la partie du gain en capital qui est exemptée d’impôt estobtenue en multipliant le gain autrement déterminé par la fractionsuivante :

le nombre un plus le nombre d’années d’imposition qui se terminentaprès la date d’acquisition pour lesquelles le bien était la résidenceprincipale du contribuable et au cours desquelles celui-ci résidait auCanada,

2 Certains auteurs ont déjà analysé en détail ces questions, plus particulièrementBarbara A.F. Suzuki, «Tax Considerations in Negotiating Matrimonial PropertyAgreements», dans Report of Proceedings of the Thirty-Sixth Tax Conference, 1984Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1985),1096-1125; Robert E. Beam et Stanley N. Laiken, «The Principal Residence DesignationDecision: The New Complexity» (1984), vol. 32, no 3 Revue fiscale canadienne 572-94.

3 LRQ, c. I-3, telle que modifiée.4 Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c. 1 (5e suppl.), telle que modifiée

(ci-après la «Loi» ou «LIR»).5 À titre de «bien à usage personnel», la résidence du contribuable est soumise aux

règles contenues à cet article. La définition de «bien à usage personnel» à l’article 54LIR comprend tous les biens affectés principalement à l’usage ou à l’agrément personneldu contribuable ou d’une personne qui lui est liée. Voir le Bulletin d’interprétationIT-332R, «Biens à usage personnel», le 28 novembre 1984. Par conséquent, la perteréalisée lors de la disposition d’une résidence principale est réputée nulle en vertu dusous-alinéa 40(2)g)(iii) LIR.

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sur

le nombre d’années d’imposition se terminant après la date d’acquisitionau cours desquelles le contribuable était propriétaire du bienconjointement avec une autre personne ou autrement.

Aussi, de façon plus globale, selon l’alinéa 40(2)b), le gain que lecontribuable a tiré de la disposition d’un bien qui était sa résidenceprincipale correspond

• au gain en capital autrement déterminé selon le paragraphe 40(1) LIR;

• moins la partie exemptée du gain en capital calculée à l’aide de laformule déjà décrite;

• moins le montant de l’ajustement calculé à cet alinéa pour tenircompte du choix que le contribuable peut avoir effectué en vertu duparagraphe 110.6(19) LIR à l’égard de la réalisation du gain en capitalaccru au 22 février 1994 pour lequel il désirait bénéficier del’exemption de gain en capital personnelle de 100 000 $ alors éliminée.

Aux fins de cet article, l’intérêt porte sur le calcul de la partieexemptée du gain en capital calculé par ailleurs, soit le deuxième point,qui constitue un calcul distinct du calcul de l’ajustement décrit autroisième point.

Le lecteur peut constater que le gain en capital réalisé lors de ladisposition d’une résidence n’est pas automatiquement exempt d’impôt.Seule la partie exemptée du gain, calculée selon les modalités décrites,n’aura pas à être incluse dans le revenu du contribuable.

La date d’acquisition dont il est fait référence à l’alinéa 40(2)b) estdéfinie comme étant la dernière des dates suivantes : le 31 décembre1971 ou la date à laquelle le contribuable a acquis la résidence pour ladernière fois ou l’a acquise de nouveau. Ainsi, lors d’une dispositionprésumée de la résidence, par exemple dans le cas d’un changementd’usage suivant les règles énoncées à l’article 45 LIR, seules les annéesdepuis la plus récente acquisition seront prises en considération dans lecalcul de la partie du gain en capital exemptée d’impôt.

Utilisation des expressions «pour lesquelles» et «au coursdesquelles»Les expressions «pour lesquelles» («pendant lesquelles» dans la versionantérieure aux modifications de forme qui ont été apportées à la Loi) et«au cours desquelles» utilisées au numérateur et au dénominateur de lafraction qui sert au calcul de la partie du gain en capital exempted’impôt doivent être interprétées comme se rapportant «‹à n’importequel moment de› plutôt que ‹pendant la totalité de› l’annéed’imposition»6. Donc, lorsqu’une résidence est par ailleurs admissible à

6 Bulletin d’interprétation IT-120R4, «Résidence principale», le 26 mars 1993,numéro 13. Au Québec, les bulletins d’interprétation correspondants qui traitent de la

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titre de résidence principale pour toute partie d’une année d’imposition,elle est admissible aux fins de la désignation à titre de résidenceprincipale, pour toute l’année d’imposition.

Une planification simple consisterait à reporter le moment de ladisposition d’une résidence principale, autrement prévue pour la find’une année d’imposition, au début de l’année d’imposition subséquenteafin d’augmenter la fraction. L’utilisation de cette planification supposeque la résidence faisant l’objet d’une disposition ne peut bénéficierd’une exemption totale puisqu’elle n’est pas admissible à titre derésidence principale pour deux ou plusieurs années d’imposition.

Exemple : en 1987, un contribuable acquiert une résidence au coût de60 000 $. Il l’habite normalement durant les années 1989 à 1993 et endispose en 1993 pour un montant de 160 000 $. Comme la résidencen’a pas été normalement habitée par le contribuable au cours desannées 1987 et 1988, elle ne peut être désignée comme résidenceprincipale que pour les années 1989 à 1993. Le calcul de la partie dugain en capital autrement déterminé qui peut faire l’objet d’uneexemption en vertu de l’alinéa 40(2)b) LIR s’effectue comme suit :

100 000 $* × 1 + 5(1989 à 1993) = 85 714 $**7(1987 à 1993)

* gain en capital autrement déterminé

** partie exemptée du gain en capital

Si la disposition de la résidence du contribuable était prévue pourdécembre 1993 et que les contraintes de négociation, financières ouautres, ne constituaient pas un obstacle au report de la date dedisposition, la date de clôture de la transaction aurait pu être reportéeau début de l’année 1994. La fraction aurait été augmentée par l’ajoutd’une année au numérateur et au dénominateur de la formule ayant poureffet d’accroître la partie exempte du gain en capital :

100 000 $* × 1 + 6(1989 à 1994) = 87 500 $**8(1987 à 1994)

* gain en capital autrement déterminé

** partie exemptée du gain en capital

Ajout d’une année au numérateur de la fractionL’ajout d’une année au numérateur de la fraction est prévu afin depermettre à un contribuable qui, au cours d’une même annéed’imposition, aurait disposé d’une première résidence principale et faitl’acquisition d’une seconde résidence en remplacement de la première,de bénéficier de l’exemption pour l’année en question à l’égard des deux

résidence principale sont : IMP. 274-1, «Qualification d’un bien à titre de résidenceprincipale», le 31 mars 1993, et IMP. 277-1/R1, «Résidence principale et terraincontigu», le 24 octobre 1986.

(… suite)

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résidences. Autrement, étant donné que la Loi ne permet de désignerqu’une seule résidence par année d’imposition du contribuable, l’une desrésidences ne pourrait faire l’objet d’une exemption complète7.

Exemple : en 1983, un contribuable achète une résidence au coût de50 000 $. Il occupe la résidence jusqu’en 1988, année où il en disposepour un montant de 85 000 $. En 1988, il acquiert une seconderésidence au coût de 100 000 $ qu’il habite normalement jusqu’enfévrier 1994, année où il en dispose pour un montant de 150 000 $.Pour l’année d’imposition 1988, une seule des deux résidences peut êtredésignée comme résidence principale.

Hypothèse 1 — Le contribuable choisit de désigner sa première résidencecomme résidence principale pour l’année 1988. Le un (1) de la formulen’est pas ajouté au numérateur.

• Première résidence : 35 000 $* × 6(1983 à 1988) = 35 000 $**6(1983 à 1988)

• Seconde résidence : 50 000 $* × 6(1989 à 1994) = 42 857 $**7(1988 à 1994)

* gain en capital autrement déterminé

** partie exemptée du gain en capital

Hypothèse 2 — Le contribuable choisit de désigner sa seconde résidencecomme résidence principale pour l’année 1988. Le un (1) de la formulen’est pas ajouté au numérateur.

• Première résidence : 35 000 $* × 5(1983 à 1987) = 29 166 $**6(1983 à 1988)

• Seconde résidence : 50 000 $* × 7(1988 à 1994) = 50 000 $**7(1988 à 1994)

* gain en capital autrement déterminé

** partie exemptée du gain en capital

L’ajout d’une année au numérateur de la formule prévu à l’élément Bde la formule de l’alinéa 40(2)b) LIR aurait permis l’exemption de latotalité du gain réalisé lors de la disposition de la seconde résidencedans l’hypothèse 1 et de la totalité du gain réalisé lors de la dispositionde la première résidence dans l’hypothèse 2.

La formule de l’alinéa 40(2)b) sert à déterminer la partie du gain encapital exempte d’impôt de toutes les résidences d’un contribuable qui

7 Le ministère du Revenu national (ci-après le «Ministère») reconnaît cet état de faitau numéro 15 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 :

Bien qu’un seul bien puisse être désigné en vertu de l’alinéa 54g) commerésidence principale du contribuable pour une année d’imposition donnée, laformule prévue à l’alinéa 40(2)b) reconnaît que le contribuable peut, de fait, avoirdeux résidences la même année. Cela se produit, par exemple, lorsqu’unerésidence est vendue et qu’une autre est acquise la même année. Le «un +» dansla formule ci-dessus a pour effet de traiter les deux biens comme une résidenceprincipale cette année-là, même si un seul d’entre eux peut avoir été désignécomme tel cette année-là.

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sont admissibles à titre de résidences principales. Comme la définitionde «résidence principale» ne permet de désigner qu’une seule résidenceprincipale par année d’imposition, il peut s’avérer avantageux pour uncontribuable qui détient plus d’une résidence au cours des mêmesannées d’imposition, de désigner une seconde résidence pour au moinsune année d’imposition afin de tirer profit de l’ajout d’une année aunumérateur de la formule. L’exemple simplifié qui suit illustre lebénéfice que peut tirer un contribuable d’une telle planification :

En 1989, le contribuable fait l’acquisition d’une maison de ville etd’une maison de campagne au coût de 75 000 $ et 45 000 $respectivement. Il dispose de la maison de campagne en 1992 pour unmontant de 60 000 $, de la maison de ville en 1993 pour 100 000 $ etchoisit de désigner la maison de ville comme résidence principale pourquatre des cinq années durant lesquelles il y a habité, soit les années1990 à 1993. La maison de campagne est désignée comme résidenceprincipale pour au moins une année d’imposition durant laquelle ildétenait plus d’une résidence, soit pour l’année 1989. La partie exemptedu gain en capital réalisé lors de la disposition de chacune desrésidences principale et secondaire sera déterminée comme suit :

• Maison de ville : 25 000 $* × 1 + 4(1990 à 1993) = 25 000 $**5(1989 à 1993)

• Maison de campagne : 15 000 $* × 1 + 1(1989) = 7 500 $**4(1989 à 1992)

* gain en capital autrement déterminé

** partie exemptée du gain en capital

Cette planification relativement simple permet de réduire de moitiéla partie taxable du gain en capital réalisé lors de la disposition de lamaison de campagne, tout en conservant la totalité de l’exemption dugain en capital réalisé lors de la disposition de la maison de ville. Danscet exemple, il est présumé que toutes les autres conditions relatives àla désignation d’une résidence à titre de résidence principale sontrespectées. Règle générale, il est plus avantageux de désigner larésidence dont le gain en capital moyen accru par année est le plusélevé pour un nombre d’années suffisant à une exemption totale.

Effet de l’application de la formuleL’application de la formule de l’alinéa 40(2)b) LIR établit le gain encapital autrement déterminé au prorata du au nombre d’années dedétention de la résidence par le contribuable. Il est donc pris pouracquis que la valeur de la résidence s’accroît de façon régulière et égaledurant toute la période de détention8. Cette méthode de calcul semblearbitraire en ce sens qu’il n’est aucunement tenu compte des réalités

8 Cette méthode est utilisée possiblement dans le but de simplifier le calcul del’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence principale.Voir Robitaille c. MRN, 89 DTC 599 (CCI).

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économique et financière du marché immobilier canadien. Elle peut êtreavantageuse pour un contribuable qui a bénéficié de l’accroissement dela valeur de sa résidence principalement durant les années de détentionau cours desquelles elle n’était pas admissible à titre de résidenceprincipale. Par contre, si la plus-value de la résidence du contribuables’est accumulée principalement durant les années où elle étaitadmissible à titre de résidence principale, le contribuable est pénalisépar l’application de cette formule. L’exemple qui suit illustre cettesituation de fait :

En 1985, le contribuable fait l’acquisition d’une résidence pour unmontant de 50 000 $. Il habite normalement cette résidence et ladésigne comme résidence principale de 1985 à 1989. En novembre1989, il fait l’acquisition d’une résidence plus luxueuse qu’il commenceà habiter en janvier 1990. Il dispose finalement de sa premièrerésidence en 1991 pour un produit de disposition de 125 000 $. Étantdonné que le marché immobilier était en pleine effervescence durant lesannées 1985 à 1989, la valeur de la résidence du contribuable s’est viteaccrue au cours de ces années. Elle s’est ensuite maintenue à ce niveaupour les deux années qui ont suivi, dû en partie à la récessionéconomique. Le calcul de la partie exemptée du gain en capitals’effectue comme suit :

75 000 $* × 1 + 5(1985 à 1989) = 64 285 $**7(1985 à 1991)

* gain en capital autrement déterminé

** partie exemptée du gain en capital

Une partie du gain en capital réalisé lors de la disposition de larésidence se trouve inévitablement imposée, malgré le fait que latotalité de la plus-value correspond à la période durant laquelle larésidence était admissible et désignée comme résidence principale. Dansles circonstances, une formule plus équitable consisterait à ne tenircompte, dans le calcul de l’exemption, que de l’accroissement du gainen capital correspondant à la période au cours de laquelle la résidenceest désignée comme résidence principale. Cette façon de procédernécessiterait toutefois que la juste valeur marchande de la résidence soitétablie aux différents moments pertinents, à l’image de la méthodealternative du paragraphe 40(6) LIR à l’égard de la disposition d’unerésidence principale qui appartenait au contribuable avant 1982.

DÉFINITION DE RÉSIDENCE PRINCIPALEGénéralitésL’alinéa 40(2)b) LIR permet d’exempter une partie ou la totalité du gainen capital réalisé lors de la disposition par un contribuable de sarésidence principale dans la mesure où elle est admissible à ce titre.

La résidence d’un contribuable n’est pas automatiquement admissibleà titre de «résidence principale» au sens de la Loi. Un certain nombre deconditions sur la nature, l’utilisation, la désignation et la propriété de la

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résidence doivent être respectées pour chacune des années d’impositiondurant lesquelles le contribuable désire la faire reconnaître comme telle.Ces conditions sont énoncées dans la définition de «résidenceprincipale» à l’article 54 LIR :

S’agissant de la résidence principale d’un contribuable pour une annéed’imposition, bien — logement, ou droit de tenure à bail y afférent, oupart du capital social d’une société coopérative d’habitation acquise dansl’unique but d’acquérir le droit d’habiter un logement dont la coopérativeest propriétaire — dont le contribuable est propriétaire au cours de l’annéeconjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que :

a) le contribuable étant un particulier autre qu’une fiduciepersonnelle, le logement soit normalement habité au cours de l’année parle contribuable, par son conjoint ou ancien conjoint ou par un enfant ducontribuable;

a.1) le contribuable étant une fiducie personnelle, le logement soitnormalement habité au cours de l’année civile se terminant pendantl’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par leconjoint ou l’ancien conjoint de ce bénéficiaire ou par un enfant decelui-ci;

b) le contribuable, étant une fiducie personnelle ou un particulierautre qu’une fiducie, ait fait soit le choix prévu au paragraphe 45(2)concernant le changement d’utilisation du bien au cours de l’année oud’une année d’imposition antérieure (sauf un choix sur lequel lecontribuable est revenu en vertu du paragraphe 45(2) dans sa déclarationde revenu pour l’une de ces années), soit le choix prévu au paragraphe45(3) concernant le changement d’utilisation du bien au cours d’uneannée d’imposition ultérieure.

Toutefois, sous réserve de l’article 54.1, le bien ne peut en aucun casêtre considéré comme la résidence principale d’un contribuable pour uneannée d’imposition :

c) à moins que le contribuable étant un particulier autre qu’unefiducie personnelle, ne l’ait désigné comme étant sa résidence principalepour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires etqu’aucun autre bien n’ait été désigné, pour l’application de la présentedéfinition, pour l’année par le contribuable, par une personne qui a étéson conjoint tout au long de l’année (sauf une personne qui, tout au longde l’année, a vécu séparée du contribuable en vertu d’une séparationjudiciaire ou d’un accord écrit de séparation), par un enfant ducontribuable (sauf un enfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours del’année) ou, dans le cas où le contribuable n’était pas marié ou âgé de 18ans ou plus au cours de l’année, par une des personnes suivantes :

(i) la mère ou le père du contribuable,

(ii) le frère ou la soeur du contribuable qui n’étaient pas mariés ouâgés de 18 ans ou plus au cours de l’année;

c.1) à moins que, le contribuable étant une fiducie personnelle, lesconditions suivantes soient réunies :

(i) la fiducie a désigné le bien, en la forme et selon les modalitésréglementaires, comme étant la résidence principale du contribuablepour l’année,

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(ii) la désignation comporte le nom de chaque particulier (appelé«bénéficiaire déterminé» à la présente définition) qui, au cours del’année civile se terminant pendant l’année :

(A) d’une part, a un droit de bénéficiaire dans la fiducie,

(B) d’autre part, sauf dans le cas où la fiducie n’a le droit dedésigner le bien pour l’année que par l’effet de l’alinéa b), habitaitnormalement le logement ou a un conjoint, un ancien conjoint ouun enfant qui l’habitait normalement,

(iii) nulle société de personnes ou société, sauf un organisme debienfaisance enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans lafiducie au cours de l’année,

(iv) aucun autre bien n’a été désigné, pour l’application de laprésente définition, pour l’année civile se terminant au cours del’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, parune personne qui a été le conjoint du bénéficiaire tout au long de cetteannée civile (sauf une personne qui, tout au long de cette année civile,a vécu séparée du bénéficiaire en vertu d’une séparation judiciaire oud’un accord écrit de séparation), par un enfant du bénéficiaire (sauf unenfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de cette année civile)ou, dans le cas où le bénéficiaire n’était pas marié ou âgé de 18 ansou plus au cours de cette année civile, par une des personnessuivantes :

(A) la mère ou le père du bénéficiaire,

(B) le frère ou la soeur du bénéficiaire qui n’étaient pas mariésou âgés de 18 ans ou plus au cours de cette année civile;

d) par effet de l’alinéa b), dans le cas où, par le seul effet de cetalinéa, le bien aurait été, sans le présent alinéa, la résidence principale ducontribuable durant au moins quatre années d’imposition antérieures.

En outre, pour l’application de la présente définition :

e) la résidence principale d’un contribuable pour une annéed’imposition est réputée comprendre (sauf si le bien est une part ducapital social d’une société coopérative d’habitation) le fonds de terresous-jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacentqu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logementcomme résidence; toutefois, dans le cas où la superficie totale du fondsde terre sous-jacent et de cette partie excède un demi-hectare, l’excédentn’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si lecontribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage;

f ) le bien qu’une fiducie désigne pour une année en application del’alinéa c.1) est réputé être un bien désigné pour l’application de laprésente définition par chaque bénéficiaire déterminé de la fiducie pourl’année civile se terminant pendant l’année.

Nature de la résidenceEssentiellement, la résidence principale du contribuable doit être unlogement, un droit de tenure à bail y afférent ou une action ducapital-actions d’une coopérative d’habitation constituée en corporation.La résidence principale est également réputée comprendre le fonds deterre sous-jacent, ainsi que le fonds de terre adjacent à un tel logement.

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Quel type d’habitation est admissible à titre de logement ?Comme le terme «logement» n’est pas défini dans la Loi, il devientpertinent de tenter d’en définir les paramètres. Les tribunaux ontapporté très peu de précisions sur la question. Néanmoins, il n’est pasimprudent de soutenir, à la lumière de la décision Flanagan9, qu’unlogement s’entend de tout type de construction ou d’installation offrantau contribuable abri et confort, incluant une roulotte ou une caravane.Par ailleurs, l’absence de services publics — aqueduc, égout,électricité — ainsi que la nature mobile de pareille roulotte ou caravanene doivent pas empêcher de les qualifier de «logement». DansFlanagan, les faits pertinents peuvent se résumer ainsi : en 1973, M.Flanagan avait fait l’acquisition d’un terrain vacant en bordure d’un lac.Un permis de construction n’ayant pu être obtenu des autoritésmunicipales, il achète une caravane et une roulotte qu’il installe sur leterrain lors de ses visites durant les fins de semaines et les vacances,sans services publics pour les desservir. Dans son jugement, le juge Ripconclut comme suit :

A “housing unit” need not be a building. A house provides shelter topeople who reside in it, and a building is not the sole means of shelter. Avan and trailer, suitably equipped, are capable of providing the same typeof shelter and comfort as a traditional house. Today one finds more thana few people residing in vans and trailers while some trailers, like thecaravan in Makins v. Elson, op cit, may rest on bricks and be suppliedwith services. Others may be mobile, taking advantage of the very natureof the beast for travel. In either event the van or trailer easily may serveas a housing unit: it is a question of fact whether the van or trailer at anytime is a housing unit. I do not find the lack of services to theappellant’s van and trailer fatal to his appeal.

Cette interprétation relativement large de ce que constitue unlogement semble correspondre à la position administrative du Ministèreexposée au numéro 8 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 :

Le terme «logement» comprend une maison, un appartement dans unduplex, dans un immeuble d’habitation ou dans un immeuble encopropriété, un chalet, une maison mobile, une roulotte ou une maisonflottante.

Il n’est toutefois pas certain que la position du Ministère prévoyaitdes circonstances comme celles qui ont entouré la disposition de larésidence de M. Flanagan. En effet, il semble que seul le terrain ait faitl’objet d’une disposition et que le contribuable ait conservé la roulotteet la caravane qui n’étaient installées sur le terrain que lors de sesvisites durant les fins de semaines et les vacances. Bien qu’il soitpossible qu’une roulotte ou une caravane — qu’elle bénéficie ou nondes services publics — soit considérée comme un «logement» au sensde la Loi, il paraît difficilement concevable, contrairement à l’opiniondu juge Rip, que la nature mobile d’une telle installation n’ait aucune

9 Flanagan c. MRN, 89 DTC 615 (CCI).

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influence sur les conclusions en l’espèce. L’auteure est d’opinion quetoute structure qualifiée de résidence principale devrait avoir uncaractère permanent10. Il serait donc nécessaire qu’une roulotte ou unecaravane soit installée à demeure, soit de façon permanente sur leterrain. Il y a aussi le fait que la mobilité d’une roulotte ou d’unecaravane rend difficile l’identification du fonds de terre sous-jacent àces installations11. Les tribunaux auront sans doute l’occasion de seprononcer à nouveau sur cette question afin d’établir des paramètresplus précis.

Le terme «logement» peut-il inclure plus d’une installation ?Sans le définir, la Loi utilise le terme «logement» — housing unit dansla version anglaise — pour désigner le type de structure susceptibled’être admissible à titre de résidence principale. Terme à sens plutôtlarge, «logement» pourrait inclure plus d’une installation. Par exemple,un bungalow, situé sur le terrain où se trouve la résidence habitée par lecontribuable et servant à loger les domestiques, le concierge et lejardinier, des employés qui entretiennent la résidence et le terrain ducontribuable, pourrait-il faire partie du logement du contribuable ?

Dans son Bulletin d’interprétation IT-120R4, le Ministère n’énoncepas de position sur la question et, à la connaissance de l’auteure, ellen’a fait l’objet d’aucune analyse par les tribunaux canadiens. Deuxdécisions des tribunaux anglais12 pourraient toutefois aider à répondre àcette question. En Grande-Bretagne, comme au Canada, le contribuablebénéficie d’une exemption de gain en capital à la disposition d’undwelling-house et du fonds de terre sous-jacent et adjacent ne dépassantpas 1⁄ 2 hectare qui entoure le logement et qui sert à la jouissance de larésidence. Pour la partie du fonds de terre qui excède the permitted

10 Cette opinion semble être partagée par Robert C. Strother, «Income TaxImplications of Personal-Use Real Estate», dans Income Tax Aspects of Real EstateTransactions, 1983 Corporate Management Tax Conference (Toronto : Associationcanadienne d’études fiscales, 1983), 59-90, à la p. 60 : «Presumably, any structure ofreasonably permanent character suitable for human habitation will qualify».(soulignement ajouté)

11 Windrim c. La Reine, 91 DTC 5221, à la p. 5227 (CF 1re inst.) : «In the presentcase there is a further complication. Where the taxpayer’s/homeowner’s housing unit is amobile home which is capable of going whither [sic] he or she goes, how can onereadily identify any “land subjacent to [that] housing unit and such portion of anyimmediately contiguous land as may reasonably be regarded as contributing to thetaxpayer’s use and enjoyment of [that] housing unit”?»

12 Markey (HMIT) v. Sanders, [1987] BTC 176 (Ch. D.); Batey (HMIT) v. Wakefield(1981), 55 TC 550 (CA). Pour un commentaire sur ces deux arrêts, voir D.H. Moore,«Current Cases» (1987) vol. 35 no 3 Revue fiscale canadienne 702-5. Sans avoir procédéà une analyse de la question mais, en se fondant sur la décision Batey, la Courprovinciale, a accepté d’inclure la résidence des domestiques comme résidenceprincipale bien qu’elle semblait être située sur une partie plus éloignée du terrain : voirYuile c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1988] RDFQ 202 (CP Mtl.).

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area, c’est-à-dire 1⁄ 2 hectare, il appartient aux Commissioners dedéterminer s’il est nécessaire à la jouissance du dwelling-house commerésidence.

C’est l’expression dwelling-house qui a été interprétée par lestribunaux anglais, plus particulièrement pour déterminer si ce termepeut comprendre plus d’une structure.

Dans l’affaire Markey v. Sanders, le contribuable avait disposé de samaison de campagne située sur un vaste fonds de terre incluant unbungalow situé à l’entrée de la propriété, habité par les domestiques etle jardinier. Il avait été nécessaire de construire ce bungalow puisqu’ilétait très difficile d’obtenir l’aide d’employés sans leur offrir delogement. La résidence du contribuable, pour sa part, se trouvait à 130mètres de l’entrée de la propriété. Le contribuable a réclamél’exemption de gain en capital sur la totalité du gain réalisé lors de latransaction, sur la base que le bungalow faisait partie de sondwelling-house. En commentant la décision de la Cour d’appel dansBatey v. Wakefield, le tribunal conclut qu’il était impossible, dans lescirconstances, de considérer la résidence du contribuable et le bungalowdes employés comme une seule résidence. Dans Batey v. Wakefield, lesfaits étaient similaires, sauf que la résidence du contribuable et lebungalow des employés étaient situés sur un fonds de terreconsidérablement plus petit et que la distance qui les séparaient n’étaitpas plus large qu’un court de tennis. La Cour d’appel conclut que lebungalow pouvait raisonnablement être considéré faire partie dulogement du contribuable. L’expression dwelling-house pourrait doncinclure le logement d’une autre personne si la structure estsuffisamment rapprochée de la résidence du contribuable et que lelogement sert au personnel d’entretien de la résidence du contribuable.Dans Markey c. Sanders, les Commissioners étaient d’avis qu’il fallaitplutôt déterminer si l’ensemble des structures, prises comme un tout,pouvait être considéré comme un seul dwelling-house. À cet égard, ilsont considéré que le test développé par la Cour d’appel était tropimprécis puisque «the concept of “very closely adjacent” does not ofitself indicate that the scale of the buildings must be taken intoconsideration»13.

Si un parallèle peut être établi entre l’expression «logement» utiliséedans la Loi et l’expression anglaise «dwelling-house», les décisionsanglaises pourraient servir à interpréter l’étendue du terme «logement».Ces deux causes appuient la conclusion que le logement d’uncontribuable peut inclure plus d’une structure si, examinées dans leurensemble, les différentes structures peuvent être considérées comme unerésidence unique. Il s’agira d’une question de faits laissée àl’appréciation des tribunaux.

13 Markey, supra, note 12, aux pp. 184-85.

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Constructions contenant plus d’une unité d’habitationUn dernier point mérite d’être souligné à l’égard du logementlui-même. Certaines constructions sont initialement érigées pourcontenir deux ou plusieurs unités d’habitation facilement identifiables,tel un duplex, un triplex ou un immeuble à appartements. Il est alorsfacile de distinguer l’unité qui constitue la résidence principale dupropriétaire des autres unités, qui sont le plus souvent louées. Il arriveparfois qu’une construction, dans laquelle se trouve la résidence dupropriétaire et dont une partie est par ailleurs louée, ne soit pas diviséede façon aussi manifeste.

L’affaire Saccomanno14 offre une illustration de cette question. Le jugeTaylor avait à examiner la situation de faits suivante : le contribuableavait fait l’achat d’une maison en 1979 avec l’intention d’en faire sarésidence. À l’origine, cette maison avait été construite dans le but d’enfaire une seule maison d’habitation mais avait par la suite été divisée defaçon simple et non permanente afin d’abriter trois familles. Il était del’intention du contribuable d’éliminer les divisions et d’habiter lasuperficie totale de la maison. Toutefois, ayant accepté un emploi àl’extérieur de la ville, le contribuable dut vendre la maison qui avaitentre-temps été habitée en partie par son épouse et louée pour l’autrepartie. Après avoir examiné les circonstances particulières entourant lasituation du contribuable, le juge Taylor conclut comme suit :

Clearly a taxpayer could acquire a property—primarily as a rentalproperty—and use a portion thereof for a personal residence. That is theview taken by the Minister in this assessment. But I can think of no validobjection to a taxpayer doing exactly the opposite—buying a property forhis own use, as a principal residence, and renting out a part of it. […]The essence of the Minister’s assessment must be that he is consideringthe property as containing three separate “housing units” (paragraph54(g) of the Act). This is as if this taxpayer had purchased a block ofthree “townhouses,” which happened to have certain common physicalelements, such as walls, but were nevertheless distinctly separate—andthen rented two, and lived in one. I do not think that is a reasonableinterpretation of the circumstances of this matter. […] As I perceive thissituation, the entire house was a “housing unit,” not three separate“housing units.”15

La Cour fédérale eut à son tour l’occasion d’examiner une questionsimilaire dans l’affaire Mitosinka16. Les faits pertinents sur lesquels laCour a basé sa décision peuvent se résumer comme suit : en 1957, lecontribuable a fait l’acquisition d’un terrain vacant sur lequel il a érigésa future résidence. L’immeuble a été construit de façon à comporterdeux parties séparées par une cloison vitrée et un petit coin où se

14 Saccomanno c. MRN, 86 DTC 1699 (CCI).15 Ibid., à la p. 1701.16 La Reine c. Mitosinka, 78 DTC 6432 (CF 1re inst.) accueillant l’appel de la

Commission de révision de l’impôt : Mitosinka c. MRN, 77 DTC 13 (CRI).

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trouvait un téléphone commun. Le sous-sol était aménagé de façon àdesservir les deux parties de la maison. Les services publics, àl’exception d’un, étaient installés indépendamment pour chacune desparties de l’immeuble, et chaque partie possédait son propre numérocivique. Durant les premières années, les parents du contribuable ontoccupé l’une des parties de la maison qui a ensuite été louée àdifférents locataires. Dans son avis de cotisation, le Ministre aconsidéré que la moitié du gain en capital seulement pouvait fairel’objet d’une exemption pour résidence principale. Dans son jugement,le juge Collier conclut ainsi :

While the building was not quite a duplex in its construction, it served,to my mind, the same practical function. It could, and did, house separatefamilies, who had separate facilities, and paid for separate services17.

Ces décisions indiquent clairement que les faits particuliers, propresà chaque cas, servent à déterminer si un immeuble contient une ouplusieurs unités d’habitation distinctes. L’auteure peut toutefoisidentifier quelques circonstances qui auront des conséquences, à savoirl’intention du contribuable, la vocation de l’immeuble lors de saconstruction, ainsi que la nature permanente ou non, irrémédiable ounon, des divisions de l’immeuble.

Afin que l’immeuble soit considéré comme maison d’habitationunique constituant la résidence principale du contribuable, il ne doit pasl’avoir acquis avec l’intention d’en tirer un revenu, même si une partiede l’immeuble est louée. Il doit l’avoir acquis dans le but unique d’enfaire sa résidence principale. Quant à la vocation de l’immeuble, unbungalow serait, par définition, davantage perçu comme unitéd’habitation unique, même s’il avait ultérieurement subi certainesmodifications non permanentes, par opposition à un immeuble dont laconstruction initiale prévoyait deux ou plusieurs unités d’habitationdistinctes. En outre, le fait que chacune des parties de l’immeuble soitdesservie de façon indépendante par les divers services publics, ainsique l’existence de numéros civiques distincts, peuvent révéler laprésence d’unités d’habitation distinctes.

Qu’est-ce qu’un fonds de terre «adjacent» ?Aux termes de la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR,la résidence est réputée comprendre «le fonds de terre sous-jacent aulogement, ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il estraisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement commerésidence».

Il est à noter que la définition de «résidence principale» a étémodifiée pour les dispositions effectuées après 1990, notamment en cequi concerne le passage pertinent qui traite de l’admissibilité du fondsde terre. Dans la version antérieure de la définition, la résidence du

17 Mitosinka (CF 1re inst.), supra, note 15, à la p. 6435.

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contribuable était réputée comprendre «le fonds de terre sous-jacent aulogement et la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable deconsidérer comme facilitant au contribuable l’usage et la jouissance dulogement comme résidence». La référence au contribuable et à lajouissance ne se retrouve pas dans la présente version de la définition.Tous les termes qui portaient à une interprétation «plus subjective» ontété supprimés de ce passage, c’est-à-dire l’évaluation de «la jouissance»du fonds de terre en rapport avec «le contribuable» lui-même. Cettemodification est donc venue entériner le courant jurisprudentiel qui veutque cette partie de la définition de «résidence principale» soitinterprétée «objectivement», comme il sera démontré plus loin.Neanmoins, comme la jurisprudence étudiée dans cet article interprètela définition de «résidence principale» dans sa version antérieure,l’auteure fait référence aux expressions «usage et jouissance».

Une première remarque quant au fonds de terre concerne ladistinction qui doit être faite entre le fonds de terre sous-jacent et lefonds de terre adjacent à la résidence. Sous-jacent signifie le fonds deterre situé directement sous le logement; adjacent signifie le fonds deterre qui vient directement toucher le fonds de terre sur lequel repose lelogement du contribuable. Cette distinction n’est pas toujours présente àl’esprit de certains juges18.

Avant d’être en mesure d’évaluer la contribution apportée par unfonds de terre particulier à l’usage et à la jouissance du logement d’uncontribuable, il faut être certain, aux fins de la qualification derésidence principale, qu’il s’agit d’un fonds de terre «adjacent». Cettequestion a été abordée par les tribunaux au cours des dernières annéeset il semble que pour être qualifiés d’«adjacents», deux fonds de terredoivent être en contact physique direct. Cet énoncé est appuyé d’unepart, par la définition même du terme «adjacent» qui signifie deuxchoses qui se touchent19 et d’autre part, par l’interprétation que fait lejuge Rip de cette expression dans la décision Flanagan :

Prior to 1983 the land comprising this property was not contiguous to theland comprising the first property which was subjacent to the housing unit.The two properties were separated by a roadway and were not touching.

18 Dans l’affaire Lewis Estate et al. c. MRN, 89 DTC 316, à la p. 322 (CCI) (enappel), le juge Rip confond le fonds de terre sous-jacent et le fonds de terre adjacent :

Paragraph 54(g)(v) provides that a principal residence includes the land notexceeding one acre that is subjacent to the housing unit. […] It is thereforeappropriate for a taxpayer to designate any one acre of land subjacent to thehousing unit to be part of his principal residence. (soulignement ajouté)

Il est question du sous-alinéa 54(g)v) tel qu’il se lisait et qu’il était applicable auxdispositions survenues avant 1982 comme dans l’affaire Lewis Estate. En effet,l’expression «un acre» contenu à cette disposition de la Loi a été remplacé par «undemi-hectare» pour les dispositions survenant après 1981. Cette conversion au systèmemétrique a été légèrement à l’avantage du contribuable étant donné qu’un demi-hectarereprésente une surface plus grande qu’un acre (1 ⁄ 2 hectare = 1,235 acre).

19 Le petit Larousse illustré (Paris : Librairie Larousse, 1987), 15.

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Underground piping under the road connecting the two properties does notmake the properties contiguous20. (soulignement ajouté)

Dans ce dernier cas, il est clair que le juge fait référence à uncontact physique. Ainsi, deux fonds de terre séparés par un élémentnaturel, telle une petite rivière, ou par un élément artificiel, comme enl’espèce une route, ne pourraient être considérés comme «adjacents».

Cette conclusion s’infère également de deux autres décisions21 quiont abordé la question. Si deux fonds de terre ne peuvent être adjacentss’ils sont séparés par un élément physique, une division légale neviendrait pas affecter le caractère contigu d’un fonds de terre quiformerait autrement la continuité d’un autre. Dans l’affaire Fourt, lacontribuable et son époux avaient d’abord fait l’acquisition d’un lot deterre (le lot 76) sur lequel ils ont construit leur maison. Entre-temps, ilsont fait l’acquisition d’une seconde partie du fonds de terre, soit le lot77. Alors que la maison était entièrement située sur le lot 76, un hangarservant à l’entreposage et un incinérateur se trouvaient sur le lot 77. LeMinistère prétendait que seule la partie du fonds de terre comprise dansla plus petite unité légale de division sur laquelle la maison descontribuables avait été érigée (soit un «lot» et, en l’espèce le lot 76)pouvait être considérée comme le fonds de terre adjacent. Sur ce point,le juge Strayer a fait la remarque suivante :

That is not what subparagraph (v) says, however, and I do not think thatan intention can be ascribed to Parliament to limit the natural meaning of“contiguous” in this way. […] In other words the existence of two legallyseparate lots did not preclude the second lot from being contiguous to thelot upon which the house stood. A fortiori it should not in the presentcase, involving less than 1⁄ 2 hectare, preclude Lot 77 from beingcontiguous to the land subjacent to the house on Lot 7622.

Une question similaire s’est posée dans la décision Fraser alors qu’ils’agissait de déterminer si une partie du fonds de terre, par ailleursadjacente à la maison du contribuable, perdait cet attribut en raison dufait qu’elle se trouvait séparée par un droit de passage qui traversait leterrain. Le juge Taylor conclut qu’un droit de passage ne pouvaitconstituer une ligne de démarcation imaginaire ayant pour effet deséparer une partie du fonds de terre sur laquelle se trouvait le terrain dejeu en l’espèce, du reste du fonds de terre immédiatement adjacent à lamaison. À cet égard, il s’exprime comme suit :

With regard to contiguity, the Minister has set up this separation of the“principal residence” and the “garden and play area.” […] Thereby theMinister established the right of way as an imaginary line ofdemarcation. In my view, the “garden and play area” is just as“immediately contiguous” to the housing unit as is the “right of way.”23

20 Supra, note 6, aux pp. 619-20.21 Fraser c. MRN, 83 DTC 448 (CRI); Fourt c. La Reine, 91 DTC 5631 (CF 1re inst.).22 Fourt, supra, note 21, aux pp. 5634 et 5635.23 Fraser, supra, note 21, à la p. 452.

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Attribution du fonds de terre adjacent entre la partie del’immeuble servant de résidence principale et celleservant à produire un revenuUn logement peut faire partie d’un immeuble comprenant plus d’uneunité d’habitation alors que ces unités servent à produire un revenu.Cette situation de fait soulève la problématique particulière del’attribution du fonds de terre adjacent entre la partie de l’immeuble quireprésente la résidence principale du contribuable et celle correspondantà la partie louée.

Exemple : en 1985, un contribuable achète un duplex qui inclut unjardin, un patio et un garage pour un montant de 60 000 $. Depuis cettedate, le deuxième étage du duplex sert à produire un revenu et lecontribuable habite le premier étage avec sa famille. De plus, il s’estréservé l’accès et l’usage du jardin, du patio et du garage qu’il utiliseen exclusivité. Le contribuable dispose de son immeuble en 1990 pourun montant de 100 000 $.

En ce qui concerne l’immeuble, il est facilement concevable que lapartie du gain en capital réalisé s’y rapportant soit attribuée, pour lamoitié à la résidence principale et pour l’autre moitié, à la partie del’immeuble servant à produire un revenu. Ce résultat est conforme avecla position du Ministère à ce sujet, telle qu’exprimée au numéro 36 duBulletin d’interprétation IT-120R4 où il est expliqué que la partie d’unerésidence produisant un revenu est habituellement calculée en fonctionde la superficie en cause.

Cette position ne semble traiter que de l’immeuble, sans donner deprécisions sur le fonds de terre. Est-ce dire que le fonds de terre doitautomatiquement être attribué dans les proportions qui s’appliquent àl’immeuble ? Si tel était le cas, une situation inéquitable résulterait enl’espèce, étant donné que la partie du fonds de terre adjacent étaitstrictement réservée à l’usage du contribuable et de sa famille.L’auteure est d’avis que la relation qui existe entre l’utilisation qui estfaite du fonds de terre adjacent et la résidence principale ducontribuable doit être prise en considération et l’attribution desproportions entre les différentes unités d’habitation de l’immeubleétablie en conséquence. Cette affirmation semble être appuyée par deuxdécisions, dont Mitosinka où le juge Collier s’exprime comme suit :

In respect of the land, the evidence indicates it was common to bothhousing units. Each family had the use of the whole of the land. Itwould, however, be unreasonable to assign or allocate the whole of theland to one housing unit, or to the other. The Minister’s equalapportionment has not, as I see it, been shown by the defendant to beunrealistic or unreasonable24.

Par raisonnement a contrario, si le fonds de terre avait été destiné àl’usage exclusif de la résidence principale du contribuable, il aurait

24 Mitosinka (CF 1re inst.), supra, note 16, à la p. 6435 et Berkovic c. MRN, 83 DTC335 (CRI).

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raisonnablement été possible de démontrer que l’attribution de latotalité du fonds de terre à l’une des deux unités d’habitation, soit larésidence du contribuable, permettrait d’arriver à un résultat pluséquitable. Par ailleurs, dans Berkovic25, le contribuable, propriétaired’un immeuble à appartements dans lequel se trouvait sa résidence,prétendait que le fonds de terre adjacent devait être attribué en totalitéà la partie de l’immeuble correspondant à sa résidence. Le juge Cardin,après avoir fait état de la situation de fait, reprit les conclusions dujuge Collier dans Mitosinka :

On the basis of the evidence, the appellant did not have the exclusivityof use or enjoyment of the land component that he could normally haveexpected if his principal residence had been a single family dwelling.

With respect to the objective test of use of the land component, thetenants had full use of the driveway and the parking area which took upa considerable portion of the land surrounding the apartment building.There were no restrictions to the tenants’ use of the patio; they enjoyed agood view of the landscaped surroundings and used the lawn forsunbathing. […] Applying Mr. Justice Collier’s reasoning to the facts ofthis appeal, it would be unreasonable to allocate the whole of the landcomponent to any one of the housing units including that of the owner ofthe building, the appellant26.(soulignement ajouté)

En définitive, l’attribution du fonds de terre adjacent entre larésidence principale et les autres unités d’habitation de l’immeuble doitêtre résolue d’après les faits pertinents à chaque cas, en visant lerésultat le plus équitable possible. Dans l’exemple qui précède, le calculde la partie du gain en capital exempte d’impôt aurait dû se faire entenant compte du fait que la totalité du terrain servait à l’usage et à lajouissance exclusive des occupants de la résidence principale. Ainsi, ily aurait lieu d’attribuer une fraction supérieure du gain en capital à lapartie de l’immeuble utilisée comme résidence principale par lecontribuable. La méthode préconisée consisterait à évaluer la superficiede la résidence du contribuable et du terrain adjacent par rapport à lasuperficie totale représentée par l’ensemble des deux logements et dufonds de terre adjacent. À défaut, un calcul distinct pour l’immeubled’une part et pour le terrain d’autre part pourrait être effectué. Voiciune illustration de la première alternative :

Hypothèse : • superficie 1er étage du duplex incluantle fond de terre sous-jacent 700 mètres carrés

• superficie 2e étage du duplex 350 mètres carrés

• superficie du fonds de terre comprenantle jardin, le patio et le garage 350 mètres carrés

Calcul : 40 000 $* × 1050 (mètres carrés) = 30 000 $**1400

25 Berkovic, supra, note 24.26 Ibid., aux pp. 336-37.

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* gain en capital total autrement déterminé

** partie du gain en capital attribuable à la résidence principale ducontribuable

Distinction entre le fonds de terre adjacent d’un demi-hectareou moins et le fonds de terre de plus d’un demi-hectareTel que mentionné, aux termes de la définition de «résidence principale»à l’article 54 LIR, le fonds de terre sous-jacent au logement, ainsi que lapartie du fonds de terre adjacent «qu’il est raisonnable de considérercomme facilitant l’usage du logement comme résidence», sont réputésfaire partie de la résidence principale du contribuable. Cette présomptions’applique dans la mesure où la superficie totale du fonds de terresous-jacent et la partie du fonds de terre adjacent n’excèdent pas undemi-hectare. Si le fonds de terre est de plus d’un demi-hectare,«l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidenceque si le contribuable établit qu’il est nécessaire à cet usage».

Cette terminologie employée par le législateur suggère que, dans lesdeux cas (soit celui d’un fonds de terre d’un demi-hectare au moins etcelui d’un fonds de terre de plus d’un demi-hectare), certains faitsdoivent être démontrés afin que le fonds de terre puisse être considéréfaire partie de la résidence principale du contribuable. Quant auMinistère, le numéro 20 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 semblesuggérer une approche différente lorsque la superficie du fonds de terren’excède pas un demi-hectare :

Il n’est habituellement pas nécessaire de faire la preuve que undemi-hectare (1⁄ 2) de fonds de terre ou moins, y compris l’aire surlaquelle est érigé le logement, facilite l’usage et la jouissance dulogement comme résidence. Toutefois, si une partie de ce fonds de terreest utilisée pour tirer un revenu d’entreprise ou de bien, cette partie n’esthabituellement pas considérée comme facilitant l’usage et la jouissancedu logement comme résidence. (soulignement ajouté)

En somme, le Ministère considère que la partie du fonds de terre d’undemi-hectare ou moins est réputée faire partie de la résidence principaledu contribuable, sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il facilitel’usage et la jouissance du logement comme résidence. Cette position estlégèrement différente de celle énoncée à la version antérieure du Bulletind’interprétation, soit le IT-120R3, dont le numéro 11 était rédigé defaçon plus catégorique : «Il n’est pas nécessaire de prouver cet usage etcette jouissance s’il s’agit d’un fonds de terre de 1⁄ 2 hectare oumoins …». Cet énoncé suggérait qu’un fonds de terre d’un demi-hectareou moins faisait «automatiquement» partie de la résidence. Malgré ceci,le Ministère n’a pas toujours donné cette interprétation à l’énoncé de sapolitique administrative. En effet, tel qu’il en est fait état plus loin, lestribunaux ont eu à examiner des cas où le fonds de terre n’excédait pasun demi-hectare. La version anglaise27 contenait toutefois déjà cette

27 Bulletin d’interprétation IT-120R3, numéro 11. Voir (vol. 118, no 9), le 3 mars1984 Gazette du Canada Partie I, à la p. 1792.

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subtilité additionnelle : «No proof of such use and enjoyment isnormally required in respect of 1⁄ 2 hectare of land or less».(soulignement ajouté) Cette dernière version de la position du Ministèresous-entend qu’il peut arriver qu’il exige la preuve de la contributiondu fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement commerésidence, malgré que, de façon générale, une telle preuve ne soit pasnécessaire. Le Ministère n’apporte cependant aucune précision relativeaux circonstances dans lesquelles cette preuve serait requise. Il seraitdonc possible d’une part, dans le cas d’une disposition d’un fonds deterre n’excédant pas un demi-hectare, qu’un contribuable doive faire ladémonstration du caractère contributif du fonds de terre à l’usage de larésidence. D’autre part, dû à l’utilisation du fonds de terre non reliée àl’usage du logement comme résidence principale, il serait égalementpossible que le fonds de terre ne soit pas raisonnablement considéréfaciliter cet usage du logement.

Le test permettant de déterminer si un fonds de terre peut êtreconsidéré faire partie de la résidence principale diffère selon que lasuperficie excède un demi-hectare ou non. Les cas où la superficie estde plus d’un demi-hectare sont soumis à un test davantage rigoureuxétant donné que le contribuable doit faire la preuve de la «nécessité» dela partie excédentaire à l’usage du logement (le test de nécessité). Pourune superficie d’un demi-hectare ou moins, un test moins stricts’appliquerait qui exigerait simplement la démonstration qu’il estraisonnable de considérer le fonds de terre comme «facilitant» l’usagedu logement comme résidence principale (le test de contribution). Ils’agit de deux tests différents qui ne doivent pas être confondus,comme le fait remarquer le juge Strayer dans la décision Fourt :

Thus it will be seen that while the learned judge considered that the useof Lot 77 may well have been convenient and enjoyable for the plaintiffhe dismissed her appeal because that lot was not “necessary” to the useand enjoyment of the housing unit. He thus applied the test appropriatefor the disposition of land in excess of 1⁄ 2 hectare whereas the land inquestion here was less than 1⁄ 2 hectare28.

En outre, le juge fait remarquer plus loin que le test relatif au fondsde terre dont la superficie n’excède pas un demi-hectare en est un quidoit être appliqué de façon «objective». Un test subjectif serait plusapproprié dans le contexte de la disposition d’un fonds de terre dont lasuperficie excède un demi-hectare :

28 Fourt, supra, note 21, à la p. 5633. Cette distinction n’est cependant pas toujoursprésente à l’esprit des juges. Dans Gook et al. c. MRN, 92 DTC 1637 (CCI), le jugeTremblay applique le test de contribution à un fonds de terre de 5,22 acres, soit plus de1⁄ 2 hectare. À la page 1637 du jugement, il déclare :

The first point is whether for the year 1985 a 5.22 acre piece of land located inVictoria, British Columbia, may reasonably be regarded as contributing to Flaviaand Richard E. Gook Sr.’s use and enjoyment of the housing unit as a residencepursuant to the provision 54(g)(v) of the Income Tax Act.

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The word “reasonably” implies some kind of objective test […] It is notfor the officials of the Department of National Revenue, nor for thecourts, to be the arbiters of life-styles chosen by taxpayers. […] inparticular we are not entitled to reject the taxpayer’s claim that certainland contributed to the use and enjoyment of his residence simplybecause in our view such land was not necessary to that use andenjoyment. The latter test is appropriate only for dispositions of holdingstotalling more than 1⁄ 2 hectare29. (soulignement ajouté)

Cette dernière remarque du juge Strayer n’est pas en accord avecl’affirmation qu’avait faite le juge Christie, bien qu’en obiter seulement,quelques années auparavant dans l’affaire Rode. En effet, le juge Christieétait d’avis que le test de nécessité, comme le test de contribution, doitêtre appliqué de façon objective et s’exprima comme suit :

Therefore what an appellant must do in order to establish that his principalresidence exceeds 1 acre is to prove that the excess was “necessary” to theuse and enjoyment of the housing unit as a residence. I believe that in thiscontext this requirement dictates that a stringent test shall be applied indetermining the acreage of a principal residence. I am also of the opinionthat what constitutes a principal residence is to be decided throughout byobjective, not subjective, testing30. (soulignement ajouté)

D’autres ont été d’avis que chacun de ces deux tests contient deséléments qui font appel à une évaluation à la fois objective etsubjective, en particulier l’utilisation de l’expression «usage etjouissance» qui était employée dans les deux cas, notamment ladécision du juge Bonner dans l’affaire Madsen :

[…] I think, that the test as laid down by paragraph 54(g) is not only theobjective test of use, but also the subjective test of enjoyment, being theequivalent of gratification and pleasure31.

En effet, alors que le terme «usage» demande une certaine objectivitépuisqu’il s’agit de vérifier l’existence de certains faits seulement, leterme «jouissance» demande plutôt d’évaluer le plaisir et la satisfactionque retire le contribuable de la possession de son fonds de terre, ce quiajoute une composante subjective à chacun des deux tests.

Toutefois, comme le terme «jouissance» a été retiré de la plusrécente version de la définition de «résidence principale», et comptetenu du plus récent courant jurisprudentiel à ce sujet, il est espéré quel’application des tests de contribution et de nécessité sera dorénavantplus «objective».

29 Fourt, supra, note 21, aux pp. 5633 et 5634.30 Rode et al. c. MRN, 85 DTC 272, à la p. 274 (CCI). Cette opinion du juge Christie

a récemment été réitérée par la Cour fédérale d’appel dans Carlile c. La Reine, 95 DTC5483, où le juge Desjardins mentionnait, à la page 5484, «One way of establishing thatland in excess of one acre is necessary to the use and enjoyment of the housing unit asa residence is by reference to what is known as an objective test».

31 Madsen c. MRN, 81 DTC 1 (CRI) à la p. 2. Ce test objectif de l’usage et le testsubjectif de la jouissance ont été repris dans la décision Berkovic, supra, note 24.

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Application par les tribunaux du test de contribution lors de ladisposition d’un fonds de terre mesurant un demi-hectare ou moinsComme il s’agit d’un jugement récent de la Cour fédérale et donc d’unpoids certain en la matière, la décision Fourt32 est celle qui mérited’être soulignée comme exemple de l’application du test de contributiondans les cas où la superficie du fonds de terre ayant fait l’objet d’unedisposition n’excède pas un demi-hectare. De plus, Il s’agit de l’unedes rares décisions ayant eu à appliquer le test de contribution.

Le lecteur se souviendra que dans cette affaire, les contribuablesavaient fait l’acquisition de deux lots de terre, érigé leur résidence lelot 76 tandis que le lot 77 servait de stationnement, d’espace vert etd’emplacement pour un hangar servant à l’entreposage, un incinérateuret une cabane extérieure. Il fut d’une part décidé que les lots 76 et 77devaient être considérés comme des fonds de terre adjacents. D’autrepart, il s’agissait de savoir si, à ce titre, le lot 77, dont la superficietotale additionnée à celle du lot 76 ne dépassait pas un demi-hectare,pouvait raisonnablement être considéré comme facilitant l’usage et lajouissance du logement comme résidence (test de contribution). Voici laconclusion du juge Strayer :

In the present case the plaintiff gave very credible evidence that she andher husband bought Lot 77 to provide them with additional space andprivacy. Although they had intended to build a house on it, they kept itand did make use of it. While its use as space for a storage shed, anouthouse, an incinerator, some lawn and parking was obviously notessential to the use and enjoyment of the house on Lot 76, it clearlycontributed to that use and enjoyment. It is true, as counsel for thedefendant implied, that all of these uses could have been accommodatedon Lot 76. […] Nevertheless, that is not the test for whether a portion ofland may reasonably be regarded as contributing to the taxpayer’s useand enjoyment of his or her housing unit. What is important is that Lot77 did in the plaintiff’s view contribute to her use and enjoyment of herhouse and that view cannot be characterized as exaggerated, fanciful, orunnatural33. (soulignement ajouté)

Tel que mentionné précédemment, le Ministère est d’avis que lefonds de terre sous-jacent et adjacent au logement qui n’excède pas undemi-hectare est réputé faire partie de la résidence principale ducontribuable sans qu’il ne soit nécessaire (habituellement) de faire lapreuve qu’il facilite l’usage et la jouissance du logement commerésidence. Toutefois, dans le cas Fourt, le Ministère a exigé une preuvede la contribution à l’usage et à la jouissance puisqu’un premier lotavait été acquis sur lequel la maison avait été construite, le lot adjacentn’ayant été acquis qu’ultérieurement34.

32 Fourt, supra, note 21.33 Ibid., à la p. 5634.34 Mémorandum interne de la Division générale et des entreprises, le 4 mai 1995,

dans Window on Canadian Tax (Don Mills : CCH Canadian) (feuilles mobiles),(page suivante s.v.p.)

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Cette décision peut servir à circonscrire les limites d’application dutest de contribution. En somme, le test requiert d’abord qu’il soit faitusage du fonds de terre adjacent. Bien que cette utilisation du fonds deterre n’ait pas à être caractérisée «d’essentielle», le test demande ensuiteque l’usage puisse être considéré faciliter ou contribuer à l’usage et à lajouissance du logement comme résidence. Il est à noter que cettecontribution n’exige pas que l’usage du terrain soit «exclusivement»relié au logement. Il doit toutefois être rattaché à la nature des fonctionsd’une résidence. Dans l’affaire Fourt, il a été considéré que le lot 77 quiservait d’espace de stationnement, d’espace vert, et d’emplacement pourle hangar, la cabane et l’incinérateur, pouvait raisonnablement êtreconsidéré contribuer à l’usage et à la jouissance du logement commerésidence. D’autres exemples types pourraient être l’utilisation du fondsde terre comme potager ou roseraie, ou encore pour l’installation d’unepiscine. Il s’agit d’un test facile à respecter et l’auteure soupçonne que,dans la majorité des cas, les tribunaux devront donner raison aucontribuable dans la mesure où une contribution est apportée par lefonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence,du moins à son «usage» depuis les modifications apportées à la Loi.

Application par les tribunaux du test de nécessité lors de ladisposition d’un fonds de terre excédant un demi-hectareRemarques préliminairesLe test pour un fonds de terre dont la superficie excède un demi-hectareest considérablement plus exigeant, principalement pour les deuxraisons qui suivent. D’une part, le contribuable a la charge de tenter deréfuter la présomption établie par la Loi. Le présent texte de l’article 54LIR stipule que «l’excédent [d’un demi-hectare] n’est réputé faciliterl’usage du logement comme résidence que si le contribuable établitqu’il était nécessaire à cet usage35». D’autre part, le test exige quel’excédent du fonds de terre soit «nécessaire» à l’usage de la résidencepar opposition à simplement «contributif», ce qui ajouteconsidérablement au fardeau de preuve imposé au contribuable.L’interprétation du Ministère se lit comme suit :

L’excédent du fonds de terre doit être clairement nécessaire, et nonseulement souhaitable, pour que le logement puisse remplirconvenablement son rôle de résidence36.

Les tribunaux ont également tenté de définir le terme «nécessaire». Ànoter, l’affaire Fraser 37 où le juge Taylor indique ce qui suit concernant

paragraphe 3662, à la p. 4669. Il est à noter que ces mémorandums internes, ainsi queles interprétations techniques émises, bien qu’utiles pour apprécier la position duMinistère, ne constituent pas des énoncés qui lient ce dernier.

35 Paragraphe 54e) LIR.36 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 21. Le ministère du Revenu du Québec

décrit le test de nécessité dans les mêmes termes : IMP. 227-1/R1, numéro 5.37 Fraser, supra, note 21.

(… suite)

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le sens à attribuer au terme «nécessaire» dans le contexte du test établià l’article 54 LIR :

I consider “necessary” in this context to be virtually synonymous with“vital” or “essential.” […] for this appellant to bring himself within thisstrict limits of the exception provision “necessary to such use andenjoyment,” it is important to perceive of the excess area in dispute asindispensable in its direct relationship to the residential properties of thehousing unit38.

Pour sa part le juge Christie, dans la décision Rode39, s’inspire de ladéfinition du terme «nécessaire» fournie par le dictionnaire afin d’enétablir les paramètres. Il s’exprime de la façon suivante :

Among the interpretations assigned to the word “necessary” in the OxfordEnglish Dictionary is: “Indispensable, requisite, essential, needful; thatcannot be done without.” From this selection I believe that the phrase“that cannot be done without” best epitomizes what a taxpayer must meetin order to establish that his principal residence can properly be regardedas greater than 1 acre40.

Des synonymes proposés, le juge choisit l’expression «cannot bedone without» qui constitue le plus strict des termes susceptibles dedécrire le sens du mot «nécessaire», par opposition aux termes requisiteet needful. En conséquence, le test de nécessité reçoit une interprétationtrès étroite. D’autres décisions ont suivi le raisonnement du jugeChristie dans l’interprétation du test de «nécessité», notamment lesdécisions Cox41 et Beaton42. L’affaire Cox fait explicitement référence àla décision Rode :

The dugout or fish pond was quite capable of contributing to the use andenjoyment of the housing unit as a residence, but it does not meet thetest of necessity enunciated in Rode43. (soulignement ajouté)

De même, dans l’affaire Beaton, le juge Brûlé, après avoir cité lescommentaires du juge Christie, conclut de la façon suivante : «TheAppellant did indeed “do without” the 2.1 acres while using andenjoying his residence44».

Exemples d’applicationSelon l’interprétation donnée au test de nécessité contenu à la définitionde «résidence principale» de l’article 54 LIR, il n’est pas imprudentd’affirmer que la tâche imposée au contribuable est très exigeante et

38 Ibid., aux pp. 452-53.39 Rode, supra, note 30.40 Ibid., à la p. 274.41 Cox et al c. MRN, 85 DTC 320 (CCI). Il s’agit d’une décision du même juge, soit

le juge Christie.42 Beaton c. MRN, 87 DTC 243 (CCI).43 Supra, note 41, à la p. 322.44 Supra, note 42, à la p. 246.

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qu’il n’aura gain de cause que dans de rares cas. La jurisprudencedémontre que les tribunaux ont appliqué le test de nécessité de façontrès stricte. L’auteure attire d’abord l’attention du lecteur sur les cas oùles tribunaux ont refusé de considérer l’excédent d’un demi-hectare defonds de terre comme «nécessaire» à l’usage et à la jouissance dulogement du contribuable.

L’espace d’un fonds de terre servant de potager pour le contribuableou de terrain de jeu pour ses enfants pourrait être considéré comme«contribuant» ou «facilitant» l’usage et la jouissance de sa résidencemais ne respecterait certes pas le test de nécessité45. Dans l’affaireRode46, il était également question d’un fonds de terre utilisé commepotager mais à plus grande échelle. Les contribuables, dont le style devie était autosuffisant, utilisaient le fonds de terre de 9,3 acres adjacentà leur résidence pour cultiver les aliments dont ils avaient besoin pourvivre. En appliquant le test de nécessité (cannot be done without) defaçon objective, le juge Christie conclut que, aussi louable que puisseêtre considéré le style de vie des contribuables, ils n’avaient pudémontrer qu’à défaut du fonds de terre en question, ils n’auraient puutiliser et tirer profit de leur logement comme résidence. Au mêmeeffet, la décision Raper Estate47 s’ajoute à titre d’exemple d’unecontribuable qui, afin de répondre aux besoins découlant de son stylede vie rural, utilisait le fonds de terre adjacent à sa résidence pourcultiver ses légumes et garder quelques animaux. Après avoir cité lamajorité des passages de la décision Rode, le juge Tremblay conclutque le style de vie de la contribuable ne suffisait pas à démontrer quel’excédent d’un demi-hectare de terrain était nécessaire à l’usage et à lajouissance de sa résidence.

Par ailleurs, il est à noter que l’usage du fonds de terre doit être reliéà la nature des fonctions de la résidence. Ainsi, un contribuable nepourrait soutenir que le fonds de terre sur lequel sont situées quelquesbâtiments qui servent à des assemblées religieuses peut être considéré«nécessaire» à l’utilisation de la résidence48. La destination d’un telfonds de terre serait certes nécessaire à la conduite des activitésreligieuses du contribuable, mais ce serait là appliquer un test différentde celui établi à l’article 54 LIR49.

45 Fraser, supra, note 21.46 Rode, supra, note 30.47 Raper Estate c. MRN, 86 DTC 1513 (CCI).48 Madsen, supra, note 31.49 Ibid. Au même effet, voir la décision Watson et al. c. MRN, 85 DTC 270 (CCI).

La preuve démontrait que le contribuable avait fait l’acquisition d’une résidence,incluant un fonds de terre sur lequel se trouvaient une grange, une écurie et un atelier,dans le but d’y établir une pension pour chevaux. Cette partie du fonds de terre nepouvait être considérée nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence car sonutilisation n’était pas reliée aux fonctions d’une résidence mais plutôt aux occupationsdu contribuable.

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La décision YatesMalgré le caractère restrictif du test de nécessité, les tribunaux ontparfois accepté de considérer l’excédent d’un demi-hectare de fonds deterre comme «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement d’uncontribuable. La décision qui est considérée établir un précédent en lamatière est celle du juge Heald de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêtYates50. Dans cette affaire, le contribuable avait acquis, en 1964, unfonds de terre d’une dimension de 10 acres. À l’époque, le règlement dezonage en vigueur exigeait que les terrains résidentiels soient de cettedimension minimum. Une modification au règlement municipal a par lasuite porté la dimension minimum à 25 acres. Le contribuable utilisaitun acre de terrain pour sa résidence, l’excédent étant loué à un fermier àdes fins agricoles. En 1978, sous menace d’expropriation, lecontribuable a disposé de 9,3 acres de terrain en faveur de la ville deGuelph. Il a conservé la partie du terrain sur laquelle était située samaison et a continué d’y vivre. Dans un bref jugement oral, le jugeHeald a confirmé les conclusions du juge Mahoney de la Cour fédérale51

qui avait conclu qu’étant donné l’existence, au moment de la dispositionde la résidence principale, d’un règlement de zonage exigeant que lefonds de terre du contribuable soit d’une dimension minimum, lasuperficie totale de ce fonds de terre, en l’occurrence 10 acres, devaitêtre considérée faire partie de la résidence principale. Il était d’avis quele contribuable s’était déchargé, de ce fait, du fardeau de prouver quel’excédent d’un acre de terrain (aujourd’hui un demi-hectare) étaitnécessaire à la fois à l’usage et à la jouissance du logement ducontribuable comme résidence principale.

Le juge Mahoney était d’avis que le règlement de zonage constituaitun facteur déterminant :

The Defendants could not legally have occupied their housing unit as aresidence on less than ten acres. It follows that the entire ten acres,subjacent and contiguous, not only “may reasonably” be regarded ascontributing to their use and enjoyment of their housing unit as aresidence; it must be so regarded. It also follows that the portion inexcess of one acre was necessary to that use and enjoyment52.

Règlements municipauxLa décision dans l’affaire Yates est d’importance significative pour troisraisons. Premièrement, elle établit que la partie excédant un demi-hectare

50 La Reine c. Yates et al., 86 DTC 6296 (CF Appel). Cette décision, qui établit leprincipe que la partie du fonds de terre excédant un demi-hectare serait considéréenécessaire à l’usage et la jouissance de la résidence lorsqu’un règlement municipalrequiert qu’un fonds de terre soit d’une dimension minimale, a été reprise par lestribunaux de façon constante, plus particulièrement récemment dans l’affaire Carlile,supra, note 30. Cette décision, du même tribunal, vient confirmer le principe.

51 La Reine c. Yates, 83 DTC 5158 (CF 1re inst.).52 Ibid., à la p. 5159.

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de terrain sous-jacent et adjacent à la résidence serait «nécessaire», doncfaisant partie de la résidence principale, lorsqu’un règlement municipalrequiert qu’un fonds de terre soit de cette dimension minimale53. LeMinistère est prêt à reconnaître que ce genre de restriction constitue unfacteur qui doit figurer dans l’évaluation du caractère nécessaire de lapartie excédant un demi-hectare du fonds de terre. En effet, le numéro 22du Bulletin d’interprétation IT-120R4 énonce :

Un bien utilisé à des fins résidentielles peut être visé par une loi ou unrèglement d’une municipalité ou d’une province fixant la dimensionminimale du lot pour un emplacement résidentiel. Si la dimensionminimale de lot pour fins résidentielles imposée par la loi étaitsupérieure à un demi-hectare (1⁄ 2) au moment où le contribuable avait faitl’acquisition du bien, cette dimension minimale est généralementconsidérée comme la superficie minimale de fonds de terre nécessaire àl’usage et à la jouissance du logement comme résidence, et ce, tout aulong de la période où le contribuable a possédé le bien d’une façoncontinue depuis la date de son acquisition.

À la suite de la décision de la Cour fédérale d’appel dans Yates, leMinistère avait émis un Communiqué sur cette position54 mais ilsemblerait qu’il désire en limiter son application aux cas où les faitsprésentés sont virtuellement identiques à ceux de l’affaire Yates55.

Par ailleurs, le Ministère indique, dans son Bulletin d’interprétationIT-120R4, ainsi que dans le Communiqué du 13 avril 1987 qui a suivi ladécision Yates, que les restrictions de morcellement imposées par lesrèglements de zonage en vigueur peuvent également constituer unfacteur à peser pour déterminer de la «nécessité» de l’excédent d’undemi-hectare du fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement,et donc considéré faire partie de la résidence principale ducontribuable56.

53 Dans Wideman c. MRN 83 DTC 531, à la p. 535 (CCI), le juge Cardin en étaitdéjà venu aux mêmes conclusions après avoir examiné une situation similaire :

The by-law requiring that residential lots consist of two acres and 200 ft. frontageappears to me to be not only reasonable but, in instances such as this one,necessary for the access as well as the use and enjoyment of the principalresidence. The municipal by-law, with respect to the size of residential lots,should in my opinion be applied here and the allocation of land to the principalresidence should be 2 acres with a 200 ft. frontage on one of the roads.54 Ministère du Revenu, Communiqué, le 13 avril 1987. Ce Communiqué est discuté

par Arthur B.C. Drache, «Principal Residence Change Announced», dans The CanadianTaxpayer, vol. IX, no 11 (Toronto : DeBoo, 1987), 82.

55 Mémorandum interne de la Division générale et des entreprises, le 22 février 1991,dans Claude Désy, Access to Canadian Income Tax, vol. 3 (Montréal : DAFCO) (feuillesmobiles), paragraphe 91 RCT 226, à la p. 808,204.

56 La politique du Ministère concernant les restrictions de morcellement est énoncéeau numéro 21 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui se lit comme suit :

Des restrictions quant au morcellement ou à la subdivision du fonds de terre […]sont d’autres facteurs qui doivent être pris en considération, dans certains cas,

(page suivante s.v.p.)

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Comme facteur pertinent lors de l’application du test de nécessité, lareconnaissance d’un règlement municipal ou d’une loi provincialeexigeant qu’un terrain résidentiel soit d’une dimension minimalesupérieure à un demi-hectare est en accord et tire sa source de ladécision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Yates. Pour sa part,la reconnaissance des restrictions quant au morcellement ou à lasubdivision d’un fonds de terre comme facteur pertinent pourdéterminer le caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant undemi-hectare, émane du Ministère lui-même. Jusqu’à récemment, lestribunaux rejetaient cette considération comme facteur pertinent.

Il est important de distinguer un règlement municipal qui requiertqu’un fonds de terre soit d’une dimension minimale d’un règlementmunicipal qui impose des restrictions de morcellement. D’une part, siun règlement municipal fixe la dimension minimale d’un lot pour unemplacement résidentiel (15 hectares, par exemple), il est à présumerque le contribuable ne pourrait légalement faire l’acquisition et habiterune résidence située sur un fonds de terre plus petit. Il est donc logiqueque les tribunaux et le Ministère évitent de pénaliser un contribuablequi fait face à cette situation, bien qu’elle risque davantage de seproduire en milieu rural qu’en milieu urbain et qu’il serait alorspossible d’y voir un avantage pour le contribuable habitant en banlieuepar rapport au citadin. D’autre part, le contribuable dont le fonds deterre (15 hectares, par exemple) est soumis à des restrictions demorcellement se trouve dans une situation différente. S’il ne peutlégalement subdiviser son lot et disposer d’une partie, il peut parailleurs, légalement, faire l’acquisition et habiter une résidence situéesur un fonds de terre déjà subdivisé et d’une dimension inférieure.

Les tribunaux ont réitéré à quelques reprises la nécessité d’établirune telle distinction et rejeté les restrictions de morcellement commefacteur pertinent dans l’évaluation du test de nécessité. Dans l’affaireWatson, le juge Bonner rappelle ce qui suit :

Mr. Watson stated that both when the property was acquired and when itwas expropriated it could not be severed. He referred, I assume, to theprohibition contained in subsection 29(2) of the Planning Act.2 Theargument seemed to be that in order to use the house and in particular tohave access to it the whole parcel was necessary because it was notpossible to convey the house and a strip of land required for thedriveway without at the same time, conveying the rest of the parcel. In myview the definition of “principal residence” contained in paragraph 54(g)is such that considerations as to what can lawfully and effectively beconveyed are irrelevant. The amount of land which contributes to the use

pour déterminer si la portion du fonds de terre de plus d’un demi-hectare (1⁄ 2) estnécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Toutefois,dans tous les cas, il s’agit d’une question de faits lorsque vient le temps dedéterminer quelle part, le cas échéant, de l’excédent de fonds de terre estnécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence.

(… suite)

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and enjoyment of a housing unit is not, by paragraph 54(g) of the IncomeTax Act, made to depend on what can lawfully be bought and sold57.

Un peu plus tard, dans Lewis Estate58, le juge Rip a repris lesconclusions du juge Bonner. En 1981, les contribuables, monsieur etmadame Lewis, ont disposé de leur résidence principale et du fonds deterre adjacent de 2,11 acres. Dans leur déclaration d’impôt pour l’annéeen question, les contribuables n’ont inclus aucun montant provenant dela vente de leur résidence ayant considéré que la totalité des 2,11 acresfaisait partie de la résidence principale. Au moment de la disposition deleur résidence située dans un secteur zoné résidentiel, les règlementsmunicipaux en vigueur ne leur permettaient pas de subdiviser leur fondsde terre. Les contribuables s’étaient appuyés sur la décision de la Courd’appel fédérale dans l’affaire Yates pour en arriver à la conclusion etsoumettre l’argument que la totalité du fonds de terre devait êtreconsidérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de leurlogement comme leur résidence principale. Le juge Rip a soulevé ladistinction qui devait être faite entre la situation de faits entourantl’affaire Yates et celle en l’espèce se rapprochant davantage descirconstances de faits entourant l’affaire Watson et a statué comme suit :

Where a by-law prohibits subdivision of an existing lot, except undercertain conditions, there may be no relationship between such aprohibition and the requirement in paragraph 54(g)v) of the Act that forthe land in excess of the one acre subjacent to the housing unit (“excessland”) to be included as principal residence, the land must be establishedto be necessary to the use and enjoyment of the housing unit as aresidence to the taxpayer: See Watson v. M.N.R., 85 DTC 270. However,where the by-law prohibits use and occupation of the property forpurposes of a residence of lots having less than a minimum area, as wasthe case in Yates, op cit, the by-law prohibition has obvious relevance tothe words of paragraph 54(g)v) since the “use and enjoyment of thehousing unit as a residence” is dependent on the area of the property.[…] The evidence did not establish the legal prohibition of use andoccupation on land of less than a minimum size for a residence; theevidence only established that the 2.11 acres could not be subdivided andsold. The facts fall within Watson, op cit, and not Yates, op cit59.

Plus récemment, la Cour fédérale a eu l’occasion de confirmer, sousla plume du juge Muldoon, les conclusions auxquelles étaient arrivésles juges Bonner et Rip dans les décisions Watson et Lewis Estaterespectivement. Dans Windrim60, il s’agissait encore une fois d’unesituation où le contribuable, ayant disposé d’un fonds de terre excédantun demi-hectare, prétendait que la totalité de ce fonds de terre devaitêtre considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de son

57 Watson, supra, note 49, à la p. 271.58 Supra, note 18.59 Ibid., aux pp. 319 et 320.60 Supra, note 11.

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logement comme résidence principale, étant donné qu’au moment de ladisposition il lui était impossible, légalement, de subdiviser son fondsde terre en plus petits lots. Le juge Muldoon dispose du litige de lafaçon suivante :

So, the property, by operation of law could not be subdivided. On theother hand, there was no legal minimum size of the taxpayer’s residentialproperty prescribed either by municipal by-law, provincial legislation orby restrictive covenant. […] The restrictive covenant H48269 filedagainst and running with the property from and after June 14, 1979(exhibit 3(2)) establishes that subdivision of the land is prohibited, as theplaintiff has known since he bought the property, but its existence andoperation do nothing to establish that the additional 12.66 acres or 5.122hectares were necessary to the plaintiff’s use and enjoyment of the unit61.

Il faut constater que, malgré l’énoncé du Ministère sur la questiondes restrictions de morcellement imposées par les règlementsmunicipaux ou autres, les tribunaux ont préféré jusqu’à maintenantappliquer le libellé de la Loi telle que rédigée et ont refusé deconsidérer les restrictions de morcellement applicables à un fonds deterre dont la superficie est supérieure à un demi-hectare, comme facteurpertinent dans l’application du test de nécessité. Cette attitude destribunaux semble toutefois vouloir prendre une nouvelle orientationpour rejoindre l’opinion du Ministère à cet sujet. En effet, à deuxreprises, la Cour fédérale d’appel a reconnu les restrictions demorcellement imposées par les règlements municipaux comme facteurpertinent dans l’évaluation du test de nécessité. Premièrement, dansl’affaire Augart 62 dont il est question plus loin, puis dans l’affaireCarlile où le juge Desjardins conclut comme suit :

I conclude that the appellant, both on V-Day and at the time ofdisposition, has met the objective test not only vis-à-vis the 25-acreminimum allotment size for her property, but also for the remainder sincethe local authority would not have authorized a partition of her lotbetween 25 acres and the remainder. She should, therefore, be exemptedfrom tax on capital gains for the whole of her parcel of land63.

Autres facteursLe Ministère fournit des exemples additionnels de facteurs pertinents àconsidérer dans l’évaluation du test de nécessité au paragraphe 21 duBulletin d’interprétation IT-120R4 :

Le fonds de terre de plus de un demi-hectare (1⁄ 2) pourrait être nécessaireà cette fin si la dimension ou la nature du logement de même que son

61 Ibid., aux pp. 5224-25 et 5227-28. Il est à noter toutefois que dans La Reine c.Joyner, 88 DTC 6459 (CF 1re inst.), la Cour fédérale, bien que ne l’appliquant pas pourd’autres raisons, accepte indirectement de prendre en considération les restrictions demorcellement comme facteur pertinent dans l’évaluation du caractère nécessaire de lapartie excédentaire du fonds de terre.

62 Augart c. La Reine, 93 DTC 5105.63 Carlile, supra, note 30, à la p. 5487.

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emplacement sur le lot font que cet excédent de fonds de terre estessentiel à son usage et à sa jouissance comme résidence ou sil’emplacement d’un logement exige cet excédent de fonds de terre pourpermettre au contribuable d’avoir accès aux chemins publics.(soulignement ajouté)

Lorsque la partie du terrain excédant un demi-hectare sert d’accès auchemin public, les tribunaux ont reconnu que cette étendue de terrainétait «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement ducontribuable comme résidence principale. L’affaire Fraser fournit unexemple de cet état de fait. Voici les commentaires du juge Taylor :

I must conclude that the Minister is in agreement that “access” must beprovided to the housing unit in order that it fill the function of a residenceeven if, according a taxpayer this “access” (in this case the right of way)produces a total area in excess of the one acre general limitation providedin the relevant section of the Act. The access is clearly “necessary to sucha use …” (of the housing unit as a residence)64.

Compte tenu du fait que l’utilisation du fonds de terre pour l’accèsau chemin public est un facteur pesé et jugé pertinent, suffirait-il que lecontribuable construise sa résidence le plus loin possible du cheminpublic afin de maximiser son exemption de gains en capital pourrésidence principale ?

D’une part, à moins que l’emplacement éloigné pour la constructionde la résidence ne soit choisi pour une raison précise, par exemple pourêtre en bordure d’un lac, procéder de la sorte ne serait pas très«pratique» pour le contribuable. D’autre part, après avoir énuméré lesexemples de facteurs pertinents à considérer dans l’application du testde nécessité, le Ministère précise ainsi au numéro 21 du Bulletind’interprétation IT-120R4 :

… dans tous les cas, il s’agit d’une question de faits lorsque vient letemps de déterminer quelle part, le cas échéant, de l’excédent de fondsde terre est nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement commerésidence.

Le Ministère laisse donc la porte ouverte à l’appréciation des faitsentourant chaque cas et reconnaît que certaines circonstances, telles ladimension, la nature d’un logement ou son emplacement sur le fonds deterre peuvent rendre l’excédent de fonds de terre essentiel à l’usage et àla jouissance de la résidence. Les tribunaux ont également considérécertains faits autres que l’existence d’un règlement municipal exigeantque les terrains résidentiels soient d’une dimension minimale supérieureà un demi-hectare, comme pertinentes à l’application du test denécessité.

L’affaire Mintenko65 est particulièrement instructive à cet égard,d’autant plus qu’il s’agit d’une décision de la Cour fédérale. En 1977,

64 Fraser, supra, note 21, à la p. 452.65 Mintenko c. La Reine, 88 DTC 6537 (CF 1re inst.).

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le contribuable avait disposé de sa résidence, ainsi que de dix acres deterrain qui lui étaient adjacents. Sur trois de ces dix acres de terrainnon cultivables se trouvaient notamment, un puits, quelquesdépendances, des arbres et un espace vert. Ayant à appliquer le test denécessité à ces trois acres de terrain, le juge Martin conclut de la façonsuivante :

Bearing in mind that this is farm land and, for the most part, sales are inminimum areas of 160 acres and that, because there are no municipalwater and services, additional land is essential to the proper enjoyment ofthe residence, I have concluded that the plaintiff has discharged theobligation on him under paragraph 54(9)(v) and has established that threeacres were necessary for the use and enjoyment of the Duke farmhouseand should be included as part of the plaintiff’s principal residence66.(soulignement ajouté)

L’absence de services municipaux essentiels à l’utilisation d’unerésidence rend l’excédent du fonds de terre adjacent nécessaire,lorsqu’il sert à donner accès aux ressources habituellement fournies parles services publics. Cet énoncé semble demeurer vrai, même sil’excédent de terrain ne sert pas entièrement à ces fins.

Disposition partielleLe deuxième aspect intéressant qui ressort de la décision Yates est lefait que la Cour n’ait apparemment pas suivi la position administrativedu Ministère à l’effet qu’une résidence principale ne puisse faire l’objetd’une disposition partielle, c’est-à-dire que si une partie seulement dufonds de terre excédant un demi-hectare fait l’objet d’une disposition etque le logement peut continuer de servir de résidence, cette venteindique que le terrain vendu n’était pas nécessaire à l’usage et à lajouissance de la résidence. Cette position est énoncée au numéro 23 duBulletin d’interprétation IT-120R467 :

66 Ibid., à la p. 6538. Voir également la décision du juge Tremblay dans Michael c.MRN, 85 DTC 455, à la p. 459 (CCI) où, en obiter, il remarquait qu’étant donnél’emplacement de la résidence, la topographie du terrain et la condition du sol, lemeilleur usage pouvant être fait du fonds de terre était en fonction de la résidence :

The description of the subject property given in paragraph 3.02 and, amongothers, the fact that the house is situated 600 feet back from the road, in the rearportion of the property, it seems to the court that the highest and best use of thewhole land is for the use and enjoyment of the principal residence. The wholedescription in 3.02 is to be read. Moreover because the subject land is Dumfriessoil, its best use, with the other elements (trees, pond, etc.) is for the enjoymentof the residence. (soulignement ajouté)

Le juge Tremblay conclut alors que la totalité du fonds de terre excédant undemi-hectare était nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence principale.Cette dernière décision semble aller au-delà des critères énumérés au numéro 21 duBulletin d’interprétation IT-120R4 qui peuvent, selon le Ministère, être pris enconsidération dans l’évaluation du caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant undemi-hectare.

67 Ancien numéro 13 du Bulletin d’interprétation IT-120R3.

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Lorsque le logement d’un contribuable est situé sur un fonds de terre deplus de un demi-hectare (1⁄ 2) et qu’une partie ou la totalité de cetexcédent de fonds de terre est détachée du bien et vendue, le fonds deterre vendu est généralement considéré comme ne faisant pas partie de larésidence principale à moins que le logement ne puisse plus servir derésidence en raison de la vente du fonds de terre. Si le logement peutcontinuer de servir de résidence, cette vente indique que le fonds de terrevendu n’était pas nécessaire à l’usage et à la jouissance du logementcomme résidence.

Dans Yates, le juge Mahoney a toutefois fait remarquer quel’argument à l’effet que, de par sa nature, une résidence principale nepeut faire l’objet d’une disposition partielle, ne lui avait pas étéprésenté pour débat. Monsieur et madame Yates ont néanmoins puconserver l’usage et la jouissance de leur résidence située sur le 0,7acre du fonds de terre, tandis que le 9,3 acres du fonds de terre venduont été considérés nécessaires à l’usage et à la jouissance du logementcomme résidence.

Sur ce point, la décision Yates n’a toutefois pas toujours été suivie.Dans Baird68, le juge Taylor a opté pour l’application du principeénoncé au numéro 23 du Bulletin d’interprétation IT-120R4. En 1951,le contribuable avait acquis un fonds de terre d’une dimension de 2,41acres du «Director, Veterans’ Land Act». À cet époque, les 2,41 acresreprésentaient la dimension minimum de terrain qu’un vétéran pouvaitacquérir comme résidence afin de bénéficier de l’aide financière fournieen vertu de cette loi. En 1978, le contribuable a vendu une partie dufonds de terre, 1,66 acre, et conservé la partie du terrain sur laquelle setrouvait sa résidence. Il cherchait à exempter, au titre de résidenceprincipale, le gain en capital réalisé lors de cette vente. Le juge Taylora pris la position qu’une exemption ne pouvait être réclamée lorsqu’ils’agissait, comme en l’espèce, d’une disposition partielle du fonds deterre et que la résidence du contribuable était conservée sur l’autrepartie du terrain. Alors que dans l’affaire Yates l’argument sur ladisposition partielle n’avait pas été plaidé, les procureurs du Ministèrel’ont spécifiquement avancé dans l’affaire Baird. Le juge Taylor aconclu ainsi :

In the instant case, counsel for the respondent specifically argued thatsuch a “partial disposition” was not possible and that, had that argumentbeen made at the Yates trial (supra), the judgement might have beendifferent. This argument of counsel for the respondent is very persuasive,as I see it69. (soulignement ajouté)

Il serait imprudent à ce stade de tirer des conclusions à ce sujet. LaCour fédérale d’appel devra ultimement apporter des précisions pouréclaircir la question d’une disposition partielle.

68 Baird c. MRN, 83 DTC 582 (CCI).69 Ibid., aux pp. 584-85.

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La question du timingLe troisième point qui ressort de la décision Yates est celui du timingde l’application du test de nécessité. Cet arrêt énonce clairement que lemoment immédiatement avant la disposition de la résidence constitue lemoment critique aux fins de la détermination du caractère nécessaire dufonds de terre excédant un demi-hectare, à l’usage et à la jouissance dela résidence. Plusieurs décisions ont par la suite suivi les conclusionsdu juge Mahoney à cet égard70. De ces décisions, l’arrêt Joyner a méritéle plus d’attention puisqu’il s’agit d’une décision de la Cour fédérale etque la question du timing de la démonstration du test de nécessitéconstituait les motifs du jugement, par opposition à un obiter commepourraient être interprétés les commentaires sur le sujet contenus dansles autres jugements.

Monsieur et madame Joyner ont acquis une résidence située sur 14acres de terre agricole, qu’ils ont habité jusqu’au moment de sadisposition en 1980. Quelques années après l’achat, le gouvernementprovincial imposait des restrictions de morcellement applicables aufonds de terre des contribuables qui ont alors demandé une exemptionaux restrictions. Ils ont réussi, de façon partielle, et procédé à ladisposition en 1980 de 7,9 des 14 acres de terrain, incluant larésidence. Le Ministère a calculé l’exemption de gain en capital en neconsidérant qu’un seul acre de terrain faisait partie de la résidenceprincipale. Les contribuables ont prétendu que leur avis de cotisationdevait être diminué afin de tenir compte que, durant un certain nombred’années, la totalité du fonds de terre était soumise à des restrictionscontenues à un règlement de zonage, les 6,1 acres restants demeuranttoujours assujettis aux restrictions de zonage. La question était desavoir à quel moment évaluer l’impact des restrictions imposées par legouvernement provincial sur la détermination du caractère nécessaire del’excédent du fonds de terre.

Le juge Reed a d’emblée rejeté la notion voulant que la résidenceprincipale puisse avoir an elastic existence. En s’inspirant de ladécision Yates, Madame la juge en est arrivée aux conclusionssuivantes :

I have come to the conclusion that it is the time of the disposition of theproperty which is significant for the purposes of ascertaining whether ornot land in excess of one acre should be deemed to be part of thetaxpayer’s principal residence71.

Le moment critique serait donc la date de disposition par oppositionà la date d’acquisition ou encore, à un moment donné au cours dechacune des années de désignation. Toutefois, la décision RaperEstate72, rendue par la Cour canadienne de l’impôt, avait établi, deux

70 Rode, supra, note 30; Joyner, supra, note 62; Lewis, supra, note 18 et, encorerécemment, Gook, supra, note 28.

71 Joyner, supra, note 61, aux pp. 6463-64.72 Supra, note 47.

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années auparavant, un principe différent. Les faits en sont relativementsimples : la contribuable avait, durant les dix années précédant sondécès, habité sa résidence située sur 2,46 acres de terrain. Durant toutesces années, à l’exception des deux années précédant son décès, desrestrictions contenues aux règlements de zonage en vigueurs’appliquaient au fonds de terre de la contribuable. Ainsi, la Courétablit que, pour une période de huit ans, la totalité des 2,46 acresdevait être considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance dela résidence de la contribuable. Dans sa décision, le juge Tremblays’exprime ainsi :

The designation of principal residence status being made for each year ofownership, it seems equitable that the critical time for demonstratingnecessity would be also on a yearly basis73.

Devant ces deux opinions divergentes, le Ministère a pris position en198874 en faveur des conclusions du juge Reed dans l’affaire Joyner.

Toutefois, la Cour fédérale d’appel se prononçait récemment sur ledébat dans l’affaire Augart 75 dont les faits pertinents se résumentcomme suit : en 1966, le contribuable faisait l’acquisition d’unerésidence située sur un fonds de terre de 8,99 acres. À cette époque, lesrèglements municipaux exigeaient qu’un bâtiment soit situé sur unfonds de terre d’une dimension minimale de 3 acres et les restrictionsde morcellement empêchaient la subdivision des terrains de moins de10 acres. Peu avant que le contribuable dispose de sa résidence enfaveur de la municipalité en 1980, un nouveau règlement municipal estentré en vigueur stipulant qu’une résidence devait dorénavant êtresituée sur un fonds de terre d’une dimension minimale de 80 acres, lesfonds de terre existants d’une dimension inférieure étant réputésconformes au nouveau règlement.

Étant donné l’existence du règlement municipal au moment de ladisposition, le contribuable prétendait que la totalité du fonds de terreétait nécessaire à l’usage et à la jouissance de sa résidence. Pour sapart, le Ministère soutenait que le contribuable pouvait «légalement»habiter sa résidence sur 3 acres et que l’excédent de 5,99 acres nepouvait donc être considéré nécessaire à l’usage et à la jouissance de larésidence. Il s’agissait de déterminer le moment critique pour apprécierla pertinence de l’existence d’un règlement municipal. À cet égard, lesjuges Heald et Robertson, majoritaires, ont décidé comme suit :

A determination regarding the area of land to be deemed a principalresidence should not, in my opinion, be resolved by the mechanicalapplication of a single criterion such as a minimum lot size on the date

73 Ibid., à la p. 1519.74 «Table ronde de Revenu Canada», dans Report of Proceedings of the Fortieth Tax

Conference, 1988 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1989), 53:9-188, question 55, aux pp. 53:154-55.

75 Supra, note 62.

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of disposition. […] In conclusion, the minimum amount of property,zoned for residential use, that the appellant was legally required to haveboth at the time of purchase and at the moment before disposition was8.99 acres76.

Il découle de cette décision que le moment critique pour évaluer lecaractère nécessaire du fonds de terre excédant un demi-hectare est nonseulement le moment de la disposition mais également le moment del’acquisition. Par ailleurs, ont été pris en considération non seulementles règlements municipaux imposant une dimension de fonds de terreminimale mais, indirectement, ceux imposant des restrictions quant aumorcellement. En effet, pour justifier 8,99 acres comme dimension dufonds de terre nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence ducontribuable, les juges ont conclu qu’au moment de l’acquisition, lecontribuable devait acheter la totalité du fonds de terre s’il voulaithabiter cette résidence particulière située sur 8,99 acres de terrain étantdonné l’existence du règlement interdisant la subdivision des fonds deterre d’une dimension inférieure à 10 acres. De plus, au moment de ladisposition, les 8,99 acres étaient également nécessaires à l’usage et àla jouissance de la résidence puisqu’il existait un règlement municipalexigeant que les fonds de terre résidentiels soient d’une dimensionminimale de 80 acres.

Les juges majoritaires considéraient que ces conclusions n’étaientpas en contradiction avec la décision Yates. En effet, dans Yates, bienque le juge n’avait pas pris en considération le moment de l’acquisitionde la résidence, la totalité du fonds de terre sur lequel elle était située àcette date, soit 10 acres, était soumis à l’application d’un règlementmunicipal exigeant cette dimension minimale. Les contribuables avaientdonc dû faire l’acquisition des 10 acres de terrain.

Pour l’auteure, le fait que les restrictions contenues dans lesrèglements municipaux sur la superficie minimale d’un fonds de terrede même que celles sur le morcellement soient considérées commecritère pertinent dans l’application du test de nécessité semble donnerdes résultats plutôt arbitraires. Comme les règlements municipaux envigueur varient d’un endroit à l’autre au Canada, ce critère est certessusceptible d’être appliqué de façon variable selon l’endroit particulieroù se trouve la résidence du contribuable. De plus, ces règlementsmunicipaux ne sont pas statiques dans le temps. Ainsi, en appliquant leraisonnement qui se dégage de la décision Yates et qui a été suivi àplusieurs reprises, notamment par le juge Reed dans la décision Joyner,il en résulte de graves iniquités.

Exemple : deux contribuables détiennent chacun, pendant une périodede huit ans, une résidence située sur 4 hectares de terrain. Dans le casdu premier contribuable, les règlements municipaux en vigueur durantles quatre premières années de détention exigent cette dimension

76 Ibid., aux pp. 5209 et 5210.

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minimale pour le fonds de terre. Dans le cas du deuxième, un règlementmunicipal similaire est en vigueur, cette fois pour les quatre dernièresannées de détention. Selon la décision Joyner, le deuxième contribuablebénéficierait d’une exemption totale du gain en capital réalisé lors de ladisposition de sa résidence, ainsi que du fonds de terre qui lui étaitadjacent. Par contre, pour le premier contribuable, une partie de songain en capital réalisé lors de la disposition de sa résidence ne seraitpas exemptée étant donné que l’excédent d’un demi-hectare de sonterrain ne pourrait être considéré faire partie de sa résidence principale.

Il semble que la décision Augart apporte un élément de solution enpréconisant que les règlements municipaux, pour être considéréspertinents comme facteur d’évaluation du test de nécessité, devront êtreexaminés à la fois à la date d’acquisition et au moment de ladisposition. Toutefois, malgré cette solution, il demeure des iniquitéspossibles. Exemple : deux contribuables font chacun l’acquisition d’unerésidence située sur un fonds de terre de 10 hectares alors qu’unrèglement municipal en vigueur exige cette dimension minimale. Lerèglement est par la suite aboli et le premier contribuable dispose de sarésidence. Deux ans plus tard, le deuxième contribuable dispose à sontour de sa résidence, immédiatement après que le règlement en questionait été remis en vigueur. En se fondant sur la décision Augart,faudrait-il conclure que le fonds de terre excédant un demi-hectare dudeuxième contribuable serait considéré nécessaire à l’usage de sarésidence alors que celui du premier contribuable ne respecterait pas letest de nécessité ?

Pour ces raisons, l’auteure préconise une application uniforme de cetest à tous les contribuables canadiens et souscrit aux conclusions dujuge Tremblay dans Raper Estate77 à l’effet que le caractère nécessaired’un fonds de terre excédant un demi-hectare s’évalue sur une baseannuelle. Il en va de l’équité. De plus, cet argument est appuyé par lefait que la formule d’exemption contenue à l’alinéa 40(2)b) LIR requiertque le statut de résidence principale d’un bien soit déterminé sur unebase annuelle; il devrait en être de même pour l’application du test denécessité78.

Utilisation de la résidencePour être admissible à titre de résidence principale durant chacune desannées d’imposition pertinentes, la résidence doit être «normalement

77 Supra, note 47.78 Cette opinion est partagée par divers auteurs notamment, R.B. Thomas, «Recent

Developments in Federal Taxation», dans Report of Proceedings of the Thirty-Fifth TaxConference, 1983 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1984), 689-705, à la p. 705 : «Because the designation of principal residencestatus is made for each year of ownership, one wonders why the critical time fordemonstrating necessity would not also be on a yearly basis.» et W.D. Gray, «CurrentCases» (1989), vol. 37, no 1 Revue fiscale canadienne 113-18.

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habitée» dans l’année par le contribuable, son conjoint ou ex-conjointou par un de ses enfants. Des exceptions à cette condition sont prévuesà l’alinéa b) de la définition de «résidence principale» contenue àl’article 54 LIR, qui fait en sorte qu’à défaut d’avoir été normalementhabité, un bien à l’égard duquel le contribuable a fait un choix pourl’année conformément aux paragraphes 45(2) ou (3) peut êtreadmissible comme résidence principale. Ces deux paragraphesconcernent le changement d’usage dont le bien peut avoir fait l’objet,sujet traité plus loin dans cet article.

Remarques préliminaires concernant la condition relative àl’utilisation de la résidenceLa Loi exige que le logement soit habité «au cours de l’année» paropposition à «pendant toute l’année», ce qui signifie qu’un contribuablepeut être considéré avoir habité plus d’une résidence dans la mêmeannée, à condition qu’il ait habité chacune d’elles «au cours del’année». Ainsi, le contribuable qui a vendu sa résidence principaledans une année et fait l’acquisition d’une autre résidence dans cettemême année respecterait cette condition puisqu’il aurait habité chacuned’elles «au cours de l’année». Il pourrait alors désigner la résidence deson choix comme résidence principale durant cette année, à conditionévidemment que les autres critères d’admissibilité soient respectés. Parailleurs, le libellé de cette condition fait en sorte qu’un logement habitésur une base périodique seulement (telle qu’une résidence saisonnièrehabitée durant les vacances) respecterait cette exigence, malgré qu’ellen’ait été habitée que durant une courte période de temps.

Outre cette exigence, la Loi stipule que le logement doit être«normalement» habité par le contribuable sans fournir de définition duterme. Il peut s’avérer intéressant de considérer l’interprétation que lestribunaux ont donnée, par le passé, à l’expression ordinarily residentcontenue au paragraphe 250(3) LIR (qui se rapproche sensiblement del’expression ordinarily inhabited) et particulièrement l’interprétation dela Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson79. Selon cettedécision, «habiter normalement» une résidence signifierait unehabitation qui s’inscrit dans le cours «normal» ou «habituel» du modede vie du contribuable, compte tenu des circonstances particulières etdu type de résidence en question.

Cette condition relative à l’utilisation de la résidence comporte doncdeux volets, l’un exigeant que le logement soit habité «au cours del’année» et l’autre exigeant qu’il soit «normalement» habité. Dans lecas particulier de l’exemple d’une résidence saisonnière, les deux volets

79 Thomson c. MRN, [1946] CTC 51, à la p. 64 (CSC) : «It [the expression“ordinarily resident”] is held to mean residence in the course of the customary mode oflife of the person concerned, and it is contrasted with special or occasional or casualresidence. The general mode of life is, therefore, relevant to a question of itsapplication.»

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de cette exigence, telle que libellée, sont respectés. En effet, outre lefait que la résidence est habitée à un moment «au cours de l’année»,une telle habitation peut certes être qualifiée de «normale», compte tenuqu’il s’agit d’une résidence saisonnière accessible en dehors despériodes de travail seulement.

Dans le Bulletin d’interprétation IT-120R4, le Ministère fournitquelques précisions sur cette condition relative à l’utilisation de larésidence principale. Il indique qu’il n’est pas nécessaire qu’unerésidence soit habitée «durant toute l’année» afin de respecter le critère;il suffit qu’elle ait été habitée suffisamment, compte tenu des faitspertinents reliés à chaque cas. Aucune distinction n’est faite quant auxdeux volets que comporte la condition, tels qu’exposés. Il semble mêmequ’ils soient assimilés de façon à n’en faire qu’une seule exigence. LeMinistère ajoute par ailleurs une condition supplémentaire :

Pour déterminer si un logement est “normalement habitée” dans uneannée d’imposition par le contribuable ou par le conjoint, l’ancienconjoint ou un enfant du contribuable, il faut s’appuyer sur les faitspropres à chaque cas. Si une de ces personnes occupe un logementpendant une courte période au cours d’une année d’imposition (p. ex.,dans le cas d’une résidence saisonnière occupée pendant les vacances ducontribuable ou d’une maison qui a été vendue tôt ou achetée tard dansl’année d’imposition), selon le Ministère, le contribuable habitenormalement le logement dans l’année, pourvu que le bien n’ait pas étéacquis principalement dans le but d’en tirer ou de lui faire produire unrevenu80. (soulignement ajouté)

La position administrative du Ministère apparaît plus généreuse pourle contribuable que le libellé de la Loi, étant donné que le Ministèreassimile l’exigence de l’habitation «normale» à celle qui veut que larésidence soit habitée «au cours de l’année». Le Ministère sembledavantage préoccupé par les raisons motivant la détention de larésidence que par l’exigence elle-même. Exemple : un contribuable quipossède un appartement en copropriété au centre-ville de Montréaldevrait l’habiter «normalement» durant toute l’année étant donné qu’iltravaille dans cette ville. Le contribuable habite cependantl’appartement durant quelques mois dans l’année et en fait la locationle reste du temps — sans pour autant l’avoir acquis dans le but d’entirer un revenu — alors que normalement, compte tenu descirconstances, il pourrait l’habiter durant toute l’année. L’appartementpeut-il alors être considéré comme normalement habité par lecontribuable au cours de l’année ? Il serait certes considéré commehabité «au cours de l’année» mais serait-il possible de le considérercomme «normalement» habité compte tenu des circonstances et du typede résidence ?

À la lumière de l’interprétation du Ministère il y aurait lieu derépondre dans l’affirmative. Toutefois, si le libellé de la Loi, telle que

80 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 12.

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rédigée, devait être appliqué relativement à l’exigence que la résidencesoit «normalement» habitée, il n’est pas certain que l’habitation de larésidence du contribuable soit jugée s’inscrire dans le cours normal ouhabituel du mode de vie du contribuable. Une résidence, dans la villeoù travaille le contribuable est habituellement habitée par ce dernier defaçon continue durant l’année. Toutefois, si le contribuable cessed’occuper sa résidence de ville pour une période de chaque année dansle cours habituel de son mode de vie, la résidence devrait êtreconsidérée «normalement habitée» par lui durant son absence.

Pour sa part, dans l’exemple de la résidence saisonnière, ellerespecterait à la fois les deux volets de la condition relative àl’utilisation de la résidence, même si elle devait être louée durant lapériode où le contribuable ne s’y rend pas, dans la mesure toutefois oùle but principal de son acquisition n’ait pas été d’en tirer un revenu.

Le fait que le Ministère ne dissocie pas les deux volets bien distinctsde la condition relative à l’utilisation d’une résidence diminuel’importance de l’exigence que la résidence soit «normalement» habitée.Le Ministère a choisi de ne pas mettre l’accent sur l’exigence del’habitation «normale», préférant plutôt laisser la porte ouverte àl’appréciation des faits de chaque cas particulier81.

Interprétation donnée à l’expression «normalement habité aucours de l’année» par le contribuableComme pour le terme «logement», aucune définition de cette expressionn’est fournie par la Loi. Par ailleurs, tel que l’indique le Ministère, laquestion de savoir si une résidence a normalement été habitée au coursde l’année par le contribuable dépend des faits propres à chaque cas.

Les tribunaux ont à quelques reprises examiné la question etinterprété l’expression, sans toutefois apporter de distinctions sur sesdifférentes composantes tel que l’auteure suggère. Dans l’affaireEnnist82, le juge Taylor est d’avis qu’une visite d’une durée de 24heures ne suffirait pas à respecter la condition relative à l’utilisation dela résidence. Les contribuables, monsieur et madame Ennist, ont faitune offre d’achat sur un appartement en co-propriété à Toronto avecl’intention d’en faire leur résidence principale. L’appartement était enconstruction et devait être prêt pour habitation quelques mois plus tard.Avant que la transaction ne soit conclue, monsieur Ennist, fonctionnaire

81 Le Ministère estime que cette question «dépend des faits propres à chaque cas».Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 12. La charge de l’appréciation des faitsparticuliers à chaque cas est laissée aux tribunaux qui ont eu à quelques reprisesl’occasion de se pencher sur la question. Le Ministère a également eu l’occasiond’interpréter une situation de faits particuliers. Voir l’Interprétation technique de laDivision générale et des entreprises, le 31 décembre 1990, dans Désy, supra, note 55,paragraphe 90 RCT 231, à la p. 805,871, ouvrage dans lequel il confirme la positionexprimée au numéro 12 du Bulletin d’interprétation IT-120R4.

82 Ennist et al. c. MRN, 85 DTC 669 (CCI).

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fédéral, était promu et devait dorénavant s’acquitter de ses fonctions àpartir d’Ottawa. Plutôt que de demander un remboursement de leurdépôt du constructeur pour l’achat de l’appartement, les contribuablesont conclu la transaction d’achat et pris les dispositions nécessairespour le vendre. Étant donné le contexte économique favorable àl’époque, l’appartement s’est vendu à profit. Il a été démontré qu’unefois la transaction d’achat conclue et avant la vente de l’appartement,les contribuables l’ont occupé pour une période de 24 heures. Il estégalement pertinent de mentionner qu’après le départ de monsieurEnnist pour Ottawa, madame Ennist est demeurée à Toronto dansl’appartement que les époux louaient jusqu’à ce moment. Après avoirexaminé la définition des mots «normalement» et «habité» le juge estarrivé à la conclusion qui suit :

However, when one combines the two critical words in the phrase“ordinarily inhabited,” and puts forward as a definition the expression “inmost cases, usually or commonly occupied as an abode” (a combinationof the definitions provided above), I am quite prepared to say that the“24-hour stay” did not fill that requirement83.

Par ailleurs, dans l’affaire Shlien84 où le juge Couture avait àexaminer cette condition voulant que la résidence d’un contribuable soit«normalement habitée» pour être admissible à titre de «résidenceprincipale», il était d’avis que l’habitation doit constituer plus qu’unevisite occasionnelle, ce qui était le cas du contribuable en l’espèce :

Paragraph 54(g)(i) refers to housing unit which is “ordinarily inhabited”in the year by the taxpayer. This to me implies much more than a placewhere one would visit occasionally or use for certain purposes other thanordinary habitation. The determination of which one of many residencesmay be a taxpayer’s “principal residence” must be done in the light of allthe circumstances85.

Il se dégage de ces décisions, comme dénominateur commun, quel’expression «normalement habité» requiert que le contribuable occupela résidence de façon permanente, par opposition à des visitesoccasionnelles86. Aussi, un séjour d’une courte durée mais qui

83 Ibid., à la p. 673. Au même effet, le juge Martin dans Mintenko, supra, note 65,indique qu’une brève visite ne suffirait pas à remplir la condition voulant que larésidence du contribuable soit «normalement habitée».

84 Shlien c. MRN, 88 DTC 1152 (CCI).85 Ibid., à la p. 1154. Au même effet, voir la décision récente dans Standhaft et al. c.

La Reine, 94 DTC 1543 (CCI).86 Voir à ce sujet les commentaires du juge Taylor dans Andronis c. MRN, 77 DTC

134, à la p. 137 (CRI) :

Without coming to any final conclusion on this point, the Board would putforward the view that to comply with the term “ordinarily resident” wouldnecessitate an occupancy of some more obvious permanence and duration thanthat implied by merely taking up temporary residence for the express purpose ofproposing that this transitory act should, in itself, fulfill the requirements andqualifications under the Income Tax Act for a “principal residence.”

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impliquerait un certain degré de permanence suffirait à qualifier larésidence du contribuable de «normalement habitée dans l’année».Néanmoins, une période trop courte, par exemple une visite de 24heures ou un séjour de quelques fins de semaines, ne suffirait pas àsatisfaire aux conditions de ce critère. Un séjour d’une trop courtedurée démontre habituellement le caractère non permanent ouoccasionnel de la visite.

Après avoir conclu que le critère d’utilisation de la résidenceprincipale exige que le contribuable l’habite pour une période de tempsminimale, il s’ensuit que la simple intention d’aller habiter unerésidence particulière sans qu’il n’y ait effectivement habitation, nepourrait être considérée. Le contribuable doit en effet habiter larésidence dans les faits pour une période de temps afin qu’elle puisseêtre admissible à titre de résidence principale. La seule intention initialede l’habiter et d’en faire sa résidence principale, ayant par la suite étéfrustrée pour diverses raisons, ne suffirait pas à satisfaire l’exigence dela Loi87.

La question de savoir si le contribuable, qui a fait l’acquisition d’unerésidence dans le but d’en faire sa résidence principale sans qu’il luisoit possible de le faire, peut être considéré l’avoir normalementhabitée, s’est posée à quelques reprises devant les tribunaux. À cetégard, ils sont unanimes à dire que l’intention du contribuable dans untel contexte n’est pas pertinente. La question de l’intention ducontribuable lors de l’achat d’une résidence ne sera pertinente que pourdéterminer si le bien a été acquis à des fins spéculatives ou non. Dansles cas où telle n’était pas l’intention du contribuable, le gain réalisélors de la disposition ultérieure de la résidence serait considéré denature capitale par opposition à un revenu. Le juge Tremblay rappellecet état de fait dans la décision Woods88 où il s’agissait d’uncontribuable qui avait entrepris la construction d’un immeuble dans lebut d’en faire sa résidence principale. Avant que le contribuable nepuisse aménager la résidence, il était muté dans une autre province parson employeur. Les commentaires du juge Tremblay à l’égard de cettesituation sont les suivants :

The intention of the appellant however in the present case had not thesame influence as if the crux of the matter would be to know whether theprofit is a capital gain or a revenue. Then the intention at the time ofacquisition of a property can become an important factor89.

En définitive la question de savoir si une résidence a éténormalement habitée pendant une année d’imposition par lecontribuable doit être examinée à la lumière des faits entourant la

87 Voir Haber c. La Reine, 83 DTC 5004 (CF 1re inst.).88 Woods c. MRN, 78 DTC 1576 (CRI).89 Ibid., à la p. 1578. À l’appui de cette assertion, voir la décision Ennist, supra, note 82.

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situation, sans prendre en considération l’intention du contribuabled’habiter effectivement la résidence.

Construction d’une résidence principale sur un terrain vacantUn terrain vacant acquis par un contribuable dans le but d’y construiresa résidence principale, n’est admissible à ce titre qu’à partir de l’annéeoù la résidence y est érigée. Cette affirmation tire sa justification d’unepart, du fait que la définition de résidence principale, contenue àl’article 54 LIR, stipule qu’elle doit d’abord être un «logement» qui estréputé comprendre le fonds de terre sous-jacent et adjacent. D’autrepart, un terrain vacant ne pourrait être considéré comme «normalementhabité» par le contribuable dans l’année. Ainsi, un contribuable quiacquiert un terrain vacant dans une année et qui, par la suite y construitsa résidence principale, ne pourrait la désigner à ce titre que pour lesannées où elle a été normalement habitée. Par ailleurs, le contribuableserait considéré être propriétaire de la résidence depuis l’année del’acquisition du terrain vacant, aux fins de l’application de la formulede calcul de la partie exemptée du gain en capital énoncée à l’alinéa40(2)b) LIR. Or, dans ces circonstances, une partie du gain en capital serapportant à l’immeuble, réalisé lors de la disposition de la résidence etdu fonds de terre sur lequel elle est située se trouverait inévitablementassujettie à l’impôt.

Exemple : en 1985, un contribuable acquiert un terrain vacant pour lasomme de 20 000 $. Il y érige sa résidence principale en 1988 etcommence immédiatement à l’habiter. Le coût total de la constructions’élève à 50 000 $. En 1993, le contribuable dispose de la résidence etde la totalité du fonds de terre sur lequel elle avait été érigée pour uneconsidération totale de 100 000 $ répartis comme suit : 75 000 $ estattribuable à la résidence, 25 000 $ correspond au terrain.

Étant donné que le contribuable a normalement habité sa résidencedurant toutes les années de détention, il serait raisonnable de considérerque la partie du gain en capital se rapportant à l’immeuble, enl’occurrence 25 000 $, soit totalement exempte d’impôt. Quant au gainen capital se rapportant au fonds de terre lui-même, c’est-à-dire5 000 $, il devrait être exempté pour les 7/9 selon la formule contenueà l’alinéa 40(2)b) LIR, à savoir :

5 000 $* × 1 + 6(1988 à 1993) = 3 888 $**9(1985 à 1993)

* partie du gain en capital correspondant à la disposition du terrain

** partie exemptée du gain en capital

Au total, 28 888 $ du gain en capital total de 30 000 $ devraient êtreexempts d’impôt. Mais, comme la formule opère le calcul sansdistinction entre le gain en capital correspondant à l’immeuble et celuicorrespondant au fonds de terre, une partie du gain en capitalcorrespondant à l’immeuble se trouve assujettie à l’impôt dans cescirconstances particulières :

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30 000 $* × 1 + 6(1988 à 1993) = 23 333 $**9(1985 à 1993)

* gain en capital total

** partie du gain en capital total exemptée d’impôt

Cette façon de calculer produit des résultats inéquitables pour lecontribuable. Conscient de ce problème, le Ministère énonce dans sonBulletin d’interprétation IT-120R4 qu’il s’agit néanmoins de la méthodede calcul appropriée :

Si un contribuable acquiert un fonds de terre au cours d’une annéed’imposition et y construit un logement au cours d’une année subséquente,il ne peut désigner le bien comme une résidence principale pour les annéesqui précèdent l’année où le contribuable, son conjoint, son ancien conjointou son enfant commence à habiter normalement le logement. Les annéesprécédentes (au cours desquelles le contribuable n’était propriétaire que dufonds de terre vacant ou du fonds de terre sur lequel il y avait unlogement en construction) ne figureraient pas dans le numérateur […].Toutefois, toutes les années à compter de l’année au cours de laquelle lecontribuable a acquis le fonds de terre vacant figureraient dans ledénominateur […]. Par conséquent, il est possible que, au moment de ladisposition ultérieure du bien, l’exemption pour résidence principaleélimine une partie seulement du gain calculé par ailleurs90.

Dans le calcul de la partie du gain en capital exemptée aux fins del’alinéa 40(2)b) LIR, il n’est pas logique d’inclure au dénominateur dela formule les années d’imposition au cours desquelles le contribuablepossédait le terrain alors qu’il était vacant. En effet, l’exemptionaccordée à l’alinéa 40(2)b) se rapporte à une «résidence principale». Envertu de la définition de ce terme contenue à l’article 54 LIR, larésidence principale du contribuable est son «logement» et est réputéecomprendre le fonds de terre sous-jacent et adjacent à ce logement. Or,tant qu’un logement n’est pas érigé sur le terrain il ne saurait êtrequestion de parler d’une résidence principale, qui par ailleurs ne seraitpas admissible à ce titre étant donné l’absence d’habitation normale. Endéfinitive, un calcul distinct devrait être effectué pour les annéespré-construction et post-construction. Dans l’exemple, la partie du gainen capital se rapportant à l’immeuble pourrait alors faire l’objet d’uneexemption totale, alors que seule une partie du gain en capital serapportant au terrain serait exemptée, ce qui serait une solutionbeaucoup plus équitable.

Désignation de la résidenceLa définition de résidence principale contient une condition relative à ladésignation qui doit être respectée pour chacune des années

90 Numéro 16. Cette position se retrouve également dans «Revenue Canada RoundTable», dans Report of the Thirty-Second Tax Conference, 1980 Conference Report(Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1981), 591-628, question 24, auxpp. 609-10.

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d’imposition où le contribuable cherche à qualifier une résidence derésidence principale. Elle doit être désignée comme résidence principaledu contribuable pour chacune des années, en la forme et selon lesmodalités réglementaires, soit en remplissant le formulaire T-2091(IND)91. L’article 2301 du Règlement de l’impôt sur le revenu92 prescritles modalités de désignation :

Toute désignation effectuée par un contribuable en vertu du sous-alinéa54g)(iii) de la Loi doit être faite dans la déclaration de revenu qu’il esttenu, en vertu de l’article 150 de la Loi, de produire pour chaque annéed’imposition au cours de laquelle

a) il a disposé d’une propriété devant être désignée comme sarésidence principale; ou

b) il a accordé une option relativement à l’acquisition de laditepropriété.

La désignation en question est donc effectuée en produisant leformulaire T-2091 avec la déclaration d’impôt du contribuable pourl’année de la disposition de la résidence ou l’année où une optiond’achat est accordée93. Il est à noter toutefois que la positionadministrative du Ministère est à l’effet que la désignation n’a pas àêtre produite avec la déclaration d’impôt du contribuable lorsque latotalité du gain en capital réalisé lors de la disposition de la résidenceprincipale est exemptée d’impôt. Cette position est énoncée au numéro13 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 :

[I]l n’est pas obligatoire de remplir et de produire la formule T2091 avecla déclaration de revenus du contribuable, à moins qu’il ne reste un gainen capital imposable réalisé au moment de la disposition du bien aprèsutilisation de l’exemption pour résidence principale.

Curieusement, et contrairement à sa pratique habituelle, le ministèredu Revenu du Québec exige pour sa part que soit produit le formulaireprescrit (TP-274) avec la déclaration d’impôt du contribuable pourl’année d’imposition pendant laquelle la résidence principale a étéaliénée, que le gain en capital qu’il réalise soit ou non exempté entotalité après soustraction du montant du gain exempté94.

Par ailleurs, le contribuable, de même que tous les membres de safamille, ne doivent avoir désigné, directement ou indirectement parl’entremise d’une fiducie, aucune autre résidence pour ces mêmesannées d’imposition. Aux de la définition de «résidence principale» àl’article 54 LIR, le terme «famille» comprend deux conjoints, qui nevivent pas séparés en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord

91 Le formulaire à compléter aux fins de la Loi sur les impôts du Québec est le TP-274.92 CRC (1978), c. 945, tels que modifiés.93 Voir l’article 49 LIR.94 «Table ronde sur la fiscalité provinciale», dans Congrès 1994 (Montréal :

Association de planification fiscale et financière, 1995), 30:1-53, question 1.5, à lap. 30:6.

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écrit de séparation95, ainsi que tous les enfants de ces conjoints qui nesont pas mariés et qui ont moins de 18 ans. Une seule résidence parfamille pourra faire l’objet d’une désignation pour chaque annéed’imposition, limitant ainsi la possibilité de doubler l’exemption degains en capital réalisés lors de la disposition d’une résidenceprincipale, à l’intérieur d’une même famille.

Une seule résidence principale par famille ne veut pas dire quelorsque deux conjoints détiennent leur résidence en copropriété indivise,un seul de ces derniers pourra effectuer une désignation pour la moitiéde la résidence. Ils pourront chacun désigner le bien comme résidenceprincipale et bénéficier de l’exemption. De plus, si l’un des conjointsdésigne un tel bien détenu en commun comme résidence principale,l’autre conjoint aura tout avantage à le faire étant donné que, depuis1982, une seule résidence par famille peut faire l’objet de ladésignation96.

Dans ce dernier cas toutefois, il doit s’agir d’un «même bien» détenu«conjointement» par les deux membres de la famille. Exemple : si uncontribuable était propriétaire d’une résidence située sur un lot de terre(no 100) et que son épouse était propriétaire du lot (no 101)immédiatement adjacent (et dont la superficie totale ne dépasserait pasun demi-hectare) ce dernier lot ne pourrait être désigné commerésidence principale pour une année d’imposition dans la mesure où lecontribuable désigne lui-même sa résidence située sur le lot no 100comme résidence principale. D’une part, le fonds de terre détenu parl’épouse ne respecterait pas les critères de la définition de «résidenceprincipale» à l’article 54 LIR étant donné qu’il ne s’agit pas d’un«logement» et, d’autre part, il ne pourrait pas faire l’objet d’unedésignation puisqu’une seule résidence par famille ne peut être désignéecomme résidence principale pour une année d’imposition97. Si les deuxlots avaient été détenus conjointement par les époux et que le lot no 101immédiatement adjacent était aliéné, pourrait probablement faire l’objetd’une désignation (sujet aux commentaires précédents concernant les

95 Des conjoints qui vivraient séparés pendant une année d’imposition, sansséparation judiciaire ni accord écrit de séparation, ne pourraient désigner qu’une seulerésidence comme résidence principale entre eux pour ladite année d’imposition. Voirl’Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 1er octobre 1992,dans Désy, supra, note 55, paragraphe 92 RCT 230, à la p. 810,553.

96 Voir le numéro 10 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui énonce :

Lorsqu’un gain est réalisé au moment de la disposition d’un bien appartenant à uncontribuable et à son conjoint […] les conjoints ont chacun un gain au moment dela disposition. Si l’un des conjoints désigne le bien comme sa résidenceprincipale pour une année d’imposition après l’année d’imposition de 1981,l’autre conjoint doit aussi envisager de désigner de la même façon le même bien,car […] nul autre bien ne peut être désigné comme résidence principale de cetautre conjoint pour cette année-là.97 Voir Can-Am Realty Limited et al. c. La Reine, 94 DTC 6293, à la p. 6303 (CF 1re

inst.) (en appel).

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dispositions partielles) avec le reste de la résidence, comme dispositiond’une partie de résidence principale et, lors de la disposition de larésidence, elle serait également reconnue comme résidence principalepour les années d’imposition pour lesquelles la désignation aurait étéfaite98.

Propriété de la résidenceLa quatrième condition à respecter à l’égard de la définition d’unerésidence principale à l’article 54 LIR a trait à la propriété de larésidence. La résidence doit «appartenir» au contribuable conjointementavec une autre personne ou autrement afin de se qualifier de résidenceprincipale.

Sens attribué au terme «propriété»La Loi ne définit pas le terme «propriété». En principe, la significationde ce terme devrait tirer sa source dans le droit civil applicable dans laprovince de Québec ou dans la Common Law si l’on se trouve dans lesautres provinces.

Au Québec, la propriété d’un bien est désignée en fonction de sondémembrement, c’est-à-dire le droit d’usage ou d’habitation lorsqu’unepersonne n’a que le droit d’utiliser le bien (l’usus), l’usufruit du bienlorsque cette personne a à la fois le droit d’utiliser le bien et d’en tirerles revenus (l’usus et le fructus), et la nue-propriété d’un bien quicomporte le droit de l’aliéner (l’abusus) et qui s’assimile au legalownership de la Common Law.

Le législateur, ainsi que le Ministère, reconnaissent les particularitésdu système de droit civil applicable au Québec par opposition auxjuridictions de Common Law en ce qui concerne les principes de lapropriété d’un bien. Le numéro 6 du Bulletin d’interprétation IT-437R99

apporte cette précision :

Puisque la province de Québec est une juridiction de droit civil et nonune juridiction de common law, le paragraphe 248(3) de la Loi de l’impôtsur le revenu prévoit une série de règles spéciales, aux fins de l’impôtsur le revenu, en ce qui a trait à cette province.

Le paragraphe 248(3) LIR vient réputer un usufruit, un droit d’usageou d’habitation et une substitution (institutions du droit civil) commeétant des fiducies aux fins du droit fiscal, et les biens sujets à cesinstitutions sont réputés être détenus en fiducie. De plus, les personnesqui ont le droit immédiat ou futur et conditionnel ou non de recevoirtout ou partie du revenu ou du capital relativement à un bien sujet à unusufruit, un droit d’usage ou d’habitation ou à une substitution sontréputées avoir un droit de bénéficiaire dans ladite fiducie. Aussi, si le

98 Voir le numéro 24 du Bulletin d’interprétation IT-120R4.99 «Propriété d’un bien (résidence principale)», le 21 février 1994.

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bien détenu en fiducie est admissible à titre de résidence principale, lafiducie réputée qui en dispose peut demander l’exemption de gains encapital pour résidence principale afin de réduire tout ou partie du gainen capital réalisé, dans la mesure où toutes les autres conditions del’article 54 LIR sont respectées. En effet, aux termes des modificationsapportées à la définition de «résidence principale» à l’article 54, unefiducie personnelle peut réclamer le bénéfice de l’exemption de gainsen capital pour résidence principale, tel qu’il sera discuté ci-après.

Ainsi, un droit d’usufruit100 est réputé être une fiducie, même s’il nes’agit pas d’une fiducie en droit civil, et les biens assujettis à unusufruit sont réputés être détenus en fiducie101. Les usufruitiers et lenu-propriétaire sont assimilés aux bénéficiaires de la fiducie car ils sontréputés avoir un droit de bénéficiaire dans la fiducie102. Or, l’usufruitierserait considéré comme détenteur d’une participation au revenu de lafiducie et le nu-propriétaire serait considéré détenir une participationdans le capital de la fiducie. À ce titre, la disposition par un usufruitierde son droit d’usufruit correspondrait à la disposition de son intérêtdans la fiducie et non du bien détenu par la fiducie réputée et quiconstitue une résidence principale. L’usufruitier ne pourrait donc pasbénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale.Il en serait de même pour le nu-propriétaire qui disposerait de lanue-propriété du bien car il serait considéré disposer de sa participationdans la fiducie aux fins de la Loi103.

Selon l’ancien paragraphe 248(3) LIR, une personne ayant un droitd’usufruit était réputée détenir la propriété effective du bien assujetti àl’usufruit. Étant donné que le bénéficiaire d’un usufruit sur un bienimmeuble est habituellement la personne qui l’habite normalement et,qu’aux fins de la Loi, l’usufruitier était considéré détenir la propriétéde fait de l’immeuble, les conditions énoncées à l’article 54 LIR étaientconsidérées être respectées et il pouvait bénéficier de l’exemption degains en capital pour résidence principale lors de la disposition de sondroit d’usufruit. Quant au nu-propriétaire, il était considéré, avecl’usufruitier, avoir la propriété du bien immeuble, situation qui respectele libellé de la définition de résidence principale à l’article 54 quistipule que le bien doit appartenir «au contribuable conjointement avecune autre personne ou autrement». Toutefois, le nu-propriétaire nepouvait bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidenceprincipale lors de la disposition du bien immeuble qu’à la condition où

100 Pour un exposé plus détaillé sur l’usufruit voir Luc Massé, «L’usufruit et l’impôtsur le revenu» (1992), vol. 14, no 1 Revue de planification fiscale et successorale 1-45.

101 Alinéa 248(3)a) LIR.102 Alinéa 248(3)e) LIR.103 Ces conclusions sur le droit d’usufruit sont conformes à l’Interprétation technique

en date du 30 juillet 1991 émise par la Division des services bilingues et des ressourcesindustrielles que l’on retrouve dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 240, à lap. 808,216.

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il habitait normalement la résidence. Cette situation pouvait donc seproduire lorsque le contribuable qui était le nu-propriétaire de larésidence l’habitait avec son conjoint et/ou ses enfants qui étaient eux-mêmes usufruitiers de la résidence. Le droit d’un usufruitier acquis après1990 est toutefois maintenant soumis aux règles exposées plus haut.

Détention par une sociétéLe libellé de l’article 54 ne permettrait pas la détention indirecte d’unerésidence principale par l’entremise d’une société qui ne pourrait parconséquent réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pourrésidence principale lors de la disposition d’une résidence qu’elledétient.

Néanmoins, le Ministère indique, au numéro 11 de son Bulletind’interprétation IT-120R4, qu’en dépit du fait que la société elle-mêmen’ait pas droit à l’exemption de gains en capital pour résidenceprincipale, un membre de la société pourrait y avoir droit :

Un logement, un droit de tenure à bail y afférent ou une action ducapital-actions d’une coopérative d’habitation constituée en corporationpeut être un bien de société. La société n’est pas un contribuable et nepeut pas utiliser l’exemption pour résidence principale au moment de ladisposition de ce bien. Toutefois, un membre de la société pourraitutiliser l’exemption pour résidence principale pour réduire ou éliminer lapartie de tout gain réalisé au moment de la disposition du bien qui lui estattribué conformément à la convention de société, pourvu qu’il satisfasseaux autres exigences de l’alinéa 54g) (p. ex., l’associé a résidé dans lelogement de la société pour les années en question).

Ainsi, un associé qui habiterait normalement, comme résidenceprincipale, un immeuble détenu par la société, pourrait réclamer lebénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale,dans la mesure où le gain réalisé lors de la disposition de cet immeubleest attribué à cet associé en particulier aux termes de la convention desociété.

Détention par une fiducieJusqu’en 1990, seules les fiducies établies au profit du conjoint au sensdu paragraphe 70(6) ou 73(1) LIR avaient droit à l’exemption de gainsen capital pour résidence principale à l’égard d’un bien qu’elledétenait104. Avant 1991, lorsqu’une fiducie personnelle quelconquedétenait une résidence qui devait faire l’objet d’une disposition, lafiducie devait, pour avoir droit à l’exemption de gains en capital pourrésidence principale, distribuer d’abord la résidence à un bénéficiaire ducapital de la fiducie. En vertu du paragraphe 40(7) LIR, lorsqu’unefiducie personnelle remet un bien à un bénéficiaire en acquittement de

104 «Table ronde de Revenu Canada», dans Report of Proceedings of the Forty-FirstTax Conference, 1989 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1990), 45:30-60, question 25, aux pp. 45:45-46.

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tout ou d’une partie de sa participation au capital de la fiducie et quecette distribution s’effectue sur une base de roulement selon leparagraphe 107(2) LIR, le bénéficiaire qui en dispose par la suite estréputé, aux fins du calcul de l’exemption de gains en capital pourrésidence principale, avoir été le propriétaire de la résidence depuis quela fiducie l’a acquise pour la dernière fois. Ainsi, si le contribuable quireçoit la résidence l’a normalement habitée durant les années précédantla distribution ainsi qu’après, la résidence peut être admise et désignéecomme résidence principale pour toutes les années où elle était détenuepar la fiducie et par le contribuable lui-même et donc, la totalité dugain en capital réalisé peut être exemptée.

À la suite des modifications apportées à la définition de «résidenceprincipale» à l’article 54 LIR105 et applicables aux dispositionseffectuées après 1990, les fiducies personnelles, en plus des fiducies auprofit du conjoint, peuvent bénéficier de l’exemption de gains en capitalpour résidence principale. La fiducie personnelle peut désigner, pourune année d’imposition, un bien qu’elle détient comme résidenceprincipale lorsqu’elle est normalement habitée au cours de l’année parun «bénéficiaire déterminé» de la fiducie, par le conjoint ou l’ancienconjoint de ce bénéficiaire ou par un de ses enfants. Un bénéficiairedéterminé de la fiducie est un particulier qui a un droit de bénéficiairedans la fiducie106 et qui habite normalement le logement ou dont leconjoint, l’ancien conjoint ou un enfant l’habite.

Afin que la fiducie personnelle puisse avoir droit à l’exemption degains en capital sur la résidence qu’elle détient, les conditions suivantesdoivent être réunies :

• le bien doit faire l’objet d’une désignation, dans la forme et selonles modalités réglementaires107, comme étant la résidence principale dela fiducie pour l’année;

• la désignation doit comporter le nom de chacun des bénéficiairesdéterminés;

• aucune société ou corporation, à l’exception d’un organisme decharité enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans la fiducie aucours de l’année; et

• aucune autre résidence n’a fait l’objet d’une désignation pourl’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie ou par toute autrepersonne membre de la famille du bénéficiaire.

Ainsi, une seule résidence principale pourra être désignéedirectement ou indirectement par l’entremise d’une fiducie par unemême famille pour une année d’imposition.

105 LC (1994), c. 7, annexe VIII, paragraphe 16(1).106 C’est-à-dire un bénéficiaire du revenu ou du capital de la fiducie : paragraphe

248(25) LIR.107 Formulaire T1079.

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Les nouvelles règles qui permettent à toutes les fiducies personnellesde réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pourrésidence principale, offrent dorénavant une plus grande souplesse dansla planification entourant la détention d’une résidence qu’uncontribuable habite normalement et qu’il veut désigner comme sarésidence principale.

RÈGLES RELATIVES AU CHANGEMENT D’USAGED’UN BIENÀ la section du calcul des gains et pertes en capital, la Loi prévoit desrègles particulières concernant le changement d’usage d’un bien,notamment concernant le choix que peut effectuer un contribuable lorsd’un tel changement d’usage.

Changement complet d’usage d’un bien utilisé àune seule finLorsqu’un contribuable a acquis un bien à une autre fin et commence, àun moment ultérieur, à l’utiliser en vue de gagner un revenu ouvice-versa, le paragraphe 45(1) LIR prévoit qu’il est réputé avoirdisposé du bien et l’avoir réacquis aussitôt pour un montant égal à sajuste valeur marchande. Il s’agit d’une disposition présumée qui résultede l’application de la Loi et qui implique nécessairement la réceptionpar le contribuable du produit de disposition réputé. Bien que ce dernierprincipe semble être logique, il a néanmoins fait l’objet d’un litige dansl’affaire Derlago108. Il s’agissait d’une situation où les règles relativesau changement d’usage d’un bien s’appliquaient et où le contribuableétait réputé avoir disposé d’un bien qu’il utilisait pour gagner un revenuqu’il a commencé à utiliser comme résidence principale. Il prétendaitque l’alinéa 45(1)a) LIR ne prévoyait pas expressément que le produitde disposition présumée était réputé reçu au moment de la dispositionprésumée mais qu’il était plutôt reçu à un moment ultérieur. Devant cetargument, le juge Martin conclut :

As applied to this matter it means that when the plaintiff changed thepurpose for which he was using the property in 1980, he was deemed tohave sold it in 1980 for an amount equal to its fair market value. I canfind nothing in that which would lead me to conclude that some portionor all of the deemed proceeds should be deemed to be payable after theend of the plaintiff’s 1980 taxation year. If I am to deem that theplaintiff sold his property in 1980 for a specific sum of money, I wouldassume, in the absence of any provision to the contrary, that he receivedthe proceeds at the time of the disposition. My view in this respect isreinforced by subparagraph (iv) of section 45(1)(a) which provides thatimmediately after the taxpayer is deemed to have sold the property, he isdeemed to have reacquired it for the same price. This indicates to me, inthis fictional world of taxation, that Parliament must have intended thedeemed proceeds to have been received by the plaintiff because it

108 Derlago c. La Reine, 88 DTC 6290 (CF 1re inst.).

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provided for the expenditure of the proceeds by the plaintiff immediatelyafter their creation109.

Le contribuable est donc présumé avoir disposé du bien faisantl’objet d’un changement d’usage complet, avoir reçu un produit dedisposition réputé égal à la juste valeur marchande du bien et l’avoirréacquis aussitôt pour un coût égal à cette somme. Il réalise donc à cemoment un gain égal ou une perte égale à la différence entre la justevaleur marchande du bien et son prix de base rajusté.

Changement d’usage de résidence principale à un bienproduisant un revenuLorsqu’un contribuable a complètement converti un bien utilisé à uneautre fin, notamment comme résidence principale, en un bien produisantun revenu, les règles sur le changement d’usage d’un bien décrites plushaut sont applicables et le contribuable peut utiliser l’exemption desgains en capital pour résidence principale afin d’éliminer ou de réduirele gain réalisé au moment de la disposition présumée. Le contribuablepeut toutefois faire un choix en vertu du paragraphe 45(2) LIR aux finsd’être réputé ne pas avoir effectué le changement d’usage du bien etpeut donc reporter la réalisation de tout gain à une année ultérieure,possiblement au moment de la disposition réelle de la résidence oujusqu’à une année d’imposition ultérieure où il révoque ce choix. Lechoix est également considéré révoqué le 1er jour de l’annéed’imposition pour laquelle le contribuable demande une déduction pouramortissement à l’égard du bien.

La Loi ne précise pas la façon dont ce choix doit être effectué.Toutefois, le Ministère indique, au numéro 31 de son Bulletind’interprétation IT-120R4, que le choix s’effectue au moyen d’unelettre signée par le contribuable et produite avec sa déclaration derevenus pour l’année au cours de laquelle le changement d’usage a eulieu. La politique actuelle du Ministère, ainsi que celle du ministère duRevenu du Québec, sont à l’effet d’accepter un choix produittardivement dans la mesure où aucune déduction pour amortissementn’a été demandée pour le bien depuis le changement d’usage et pendantla période où le choix demeure en vigueur110.

Bien qu’en principe le contribuable puisse, en vertu du choix duparagraphe 45(2) LIR, éviter l’application des règles relatives auchangement d’usage d’un bien, à partir de ce moment, le bien nepourrait être admissible à titre de résidence principale. En effet, lecontribuable ayant commencé à utiliser le bien en vue de gagner unrevenu, le bien ne pourrait être considéré comme «normalement habité»durant ces années d’imposition. La définition de résidence principale à

109 Ibid., à la p. 6291.110 Numéro 31 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 et paragraphe 5 du IMP. 281-1,

«Règles relatives au changement dans l’usage d’un bien aux fins du calcul des gains etpertes en capital», le 30 novembre 1994.

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l’article 54 permet toutefois qu’un bien soit admis et désigné commerésidence principale du contribuable pour un maximum de quatreannées d’imposition au cours desquelles un choix effectué en vertu duparagraphe 45(2) est en vigueur. Il est à noter que pour tirer avantagede cette possibilité, le contribuable doit être résident canadien ou réputérésider au Canada étant donné le libellé de la formule de calcul de lapartie exemptée du gain en capital pour résidence principale prévue àl’alinéa 40(2)b). Évidemment, si le bien faisant l’objet d’un choix envertu du paragraphe 45(2) est désigné comme résidence principale ducontribuable au cours d’une année, aucun autre bien ne pourra, au coursde cette même année d’imposition, être désigné comme tel par lecontribuable ou par un autre membre de l’unité familiale.

En vertu du choix effectué selon le paragraphe 45(2), «lecontribuable est réputé ne pas avoir commencé à utiliser le bien en vuede gagner un revenu». Tout revenu, par exemple un revenu de locationà l’égard du bien, devra cependant être déclaré aux fins de l’impôt etles dépenses afférentes, incluant les intérêts sur un prêt hypothécaire111

mais à l’exception de la déduction pour amortissement, pourront êtredéduites, tant et aussi longtemps que le choix est en vigueur112.

Un choix effectué en vertu du paragraphe 45(2) permet aucontribuable, d’une part, d’être réputé ne pas avoir commencé à utilisersa résidence en vue de gagner un revenu et, d’autre part, de désignercette résidence comme résidence principale pour quatre annéesd’imposition au cours desquelles le choix est en vigueur. Dans uneinterprétation technique récente113, le Ministère émet l’opinion à l’effetque «Where the four-year principal residence designation expired priorto a sale, the property would be deemed to have been disposed off andreacquired under the change-in-use rules». Cette opinion semble étrangepuisque rien dans la Loi ne prévoit que lorsqu’une résidence fait l’objetd’un choix en vertu du paragraphe 45(2) et qu’elle peut par ailleurs êtredésignée comme résidence principale pour une période de quatre ans,une disposition présumée surviendrait nécessairement à l’expiration deces quatre ans. Selon cette interprétation, si le contribuable choisit dedésigner la résidence faisant l’objet du choix du paragraphe 45(2)comme résidence principale, ce choix ne pourrait s’appliquer que pourune période maximale de quatre ans. Le libellé du paragraphe 45(2) neprévoit aucune telle règle.

Lorsque le changement d’usage de résidence principale à bienproduisant un revenu résulte du fait que le contribuable a changé delieu d’emploi, la limite de quatre années pour lesquelles un bien faisant

111 Interprétation technique de la Division des industries financières, le 28 mars1991, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 184, à la p. 807,918.

112 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 32.113 Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 28 mai

1991, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 234, à la p. 808,210.

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l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) peut être désignécomme résidence principale est supprimée. En effet, selon l’article 54.1LIR, cette limite est étendue indéfiniment si les conditions suivantessont réunies :

• le contribuable n’habite pas normalement sa résidence pendant uneannée visée par le choix prévu au paragraphe 45(2) en raison duchangement du lieu de son emploi ou de celui de son conjoint;

• l’employeur n’est pas lié au contribuable ou à son conjoint;

• la résidence est plus éloignée d’au moins 40 kilomètres de sonnouveau lieu d’emploi ou de celui de son conjoint selon le cas, que sonnouveau lieu de résidence; et

• le contribuable recommence à habiter sa résidence pendant la duréede son emploi (ou de celui de son conjoint) chez cet employeur ouavant l’année d’imposition qui suit immédiatement celle au cours delaquelle cet emploi se termine ou encore, le contribuable meurt pendantla durée de cet emploi.

Le paragraphe 45(1) LIR prévoit des règles qui s’appliquent «lorsd’un changement d’usage». Dans certains cas, il est plus difficile dedéterminer s’il y a eu ou non un changement d’usage au sens de la Loi.Exemple : en 1990, un contribuable acquiert une résidence pour en fairesa résidence principale. Il l’habite normalement jusqu’en novembre1992 et, à ce moment a l’intention de la mettre en location. Toutefois,il ne la loue qu’à partir de janvier 1994. Étant donné que lecontribuable n’habite plus normalement la résidence depuis novembre1992, elle ne pourrait en principe être admissible à titre de résidenceprincipale à partir de l’année d’imposition 1993, à moins qu’elle nefasse l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2), choix qui ne peutêtre effectué que dans la mesure où il y a eu un changement d’usage. Àcet égard, le sous-alinéa 45(1)a)(i) LIR stipule qu’il y a changementd’usage d’un bien acquis à une autre fin à un moment postérieur où lecontribuable commence à l’utiliser en vue de gagner un revenu. Dansce contexte, l’intention du contribuable en novembre 1992 serait-ellepertinente ?

Les tribunaux se sont prononcés à deux reprises114 à l’effet quel’intention du contribuable lors de l’acquisition d’un bien ne peutprévaloir sur l’utilisation effective qui en est faite. Dans ces deux cas,les contribuables cherchaient à éviter l’application des règles dechangement d’usage en prétendant qu’un bien qu’ils avaient utilisérespectivement durant plusieurs années pour gagner un revenu ne faisaitpas l’objet d’un changement d’usage au moment où ils ont commencé àl’utiliser comme résidence principale, étant donné qu’ils l’avaientacquis expressément dans ce but.

114 Woods, supra, note 88 et Derlago c. MRN, 86 DTC 1503 (CCI), confirmée par leCour fédérale, Division de première instance, supra, note 108.

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Pourtant, dans une rare décision québécoise traitant de ce sujet, laCour provinciale en est venue à une conclusion différente115. Dans cetteaffaire, le contribuable avait fait l’acquisition d’une propriété enoctobre 1977 aux fins d’en faire sa résidence principale. Il nel’emménagea néanmoins qu’en mai 1978. Entre-temps la résidence étaitlouée à la venderesse moyennant un loyer mensuel. En ce qui concernela question de savoir s’il y avait eu changement d’usage du bien en mai1978 le juge Verdy en vint à la conclusion suivante :

L’appelant ayant admis qu’il a acheté sa propriété en vue d’en faire sarésidence principale ne peut, selon ces articles, prétendre qu’il y a eudisposition présumée de ce bien par changement d’usage le 1er mai 1978,le 18 mai ou le 29 mai. Le fait que la venderesse soit demeurée dansl’immeuble en attendant que l’appelant puisse emménager, “par la forcedes choses”, constitue une situation strictement temporaire etcirconstancielle qui n’a rien à voir avec l’intention première de l’achatqui était de faire de la propriété une résidence principale. C’est ladistinction qu’on doit faire d’avec l’arrêt Woods c. M.R.N.(4) où, aucontraire, le contribuable avait loué son immeuble pendant neuf ans etavait même acheté dans une autre province une maison qu’il a habitéedurant sept ans. On a décidé alors qu’à son retour pour occuper sarésidence il y avait disposition présumée116.

Étant donné que l’usage qui a été fait de la résidence necorrespondait pas à l’intention du contribuable, c’est-à-dire au but del’achat, et s’avéra «strictement temporaire et circonstanciel», l’intentiondu contribuable a prévalu et il n’y eut aucun changement d’usage enmai 1978.

Une analogie pourrait être établie entre cette dernière décision et lecas du contribuable dans l’exemple précité et prétendre qu’il n’y auraiteu, en novembre 1992, aucun changement dans l’usage de la résidencepuisque le contribuable avait l’intention de tirer un revenu de larésidence à partir de novembre 1992; le fait qu’il n’ait pu la louer avantjanvier 1994 constituait une circonstance strictement temporaire etl’intention du contribuable devrait prévaloir. La résidence pourrait alorsfaire l’objet du choix prévu au paragraphe 45(2) et être désignée commerésidence principale pour quatre années d’imposition après 1992.

Changement d’usage d’un bien produisant un revenu à unerésidence principaleLorsqu’un contribuable a converti un bien qu’il utilisait pour gagner unrevenu à une résidence principale (par opposition à d’autres fins), lesrègles prévues à l’alinéa 45(1)a) LIR concernant le changement d’usaged’un bien sont applicables. Cette disposition réputée peut donc donnerlieu à la réalisation d’un gain en capital imposable. Toutefois, à l’instardu choix prévu au paragraphe 45(2), le contribuable peut choisir de

115 Côté c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1982] RDFQ 90 (CP).116 Ibid., à la p. 93.

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différer la réalisation de ce gain jusqu’à une année ultérieure enchoisissant, selon le paragraphe 45(3), de n’être pas réputé avoirdisposé du bien et l’avoir acquis de nouveau à ce moment. Le choix esteffectué au moyen d’une lettre signée par le contribuable et produiteavec sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition au cours delaquelle une disposition réelle du bien survient ou plus tôt lorsque leMinistre en fait la demande formelle. Le choix prévu au paragraphe45(3) ne peut être effectué que dans la mesure où aucune déductionpour amortissement n’a été réclamée à l’égard du bien pour les annéesd’imposition précédant la date du changement d’usage117.

La définition de résidence principale contenue à l’article 54 LIRpermet au contribuable de désigner comme telle un bien faisant l’objetd’un choix exercé en vertu du paragraphe 45(3) pour un maximum dequatre années d’imposition, soit les années d’imposition antérieures auchangement d’usage, bien que la résidence n’ait pas été «normalementhabitée» par le contribuable durant ces quatre années. Encore une fois,comme dans le cas du choix exercé en vertu du paragraphe 45(2), lecontribuable devra avoir été résident canadien ou réputé résider auCanada pendant les années visées par le choix s’il veut tirer avantagede l’exemption des gains en capital pour résidence principale étantdonné le libellé de la formule de calcul de la partie exemptée de cegain. Le contribuable ou un autre membre de sa famille ne pourradésigner aucun autre bien comme résidence principale pour les annéesd’imposition au cours desquelles le bien faisant l’objet d’un choix envertu du paragraphe 45(3) est désigné comme telle.

Les choix prévus aux paragraphes 45(2) et 45(3) ne peuvent êtreexercés que dans la mesure où il y a changement «complet» d’usaged’un bien par opposition à un changement partiel, c’est-à-dire lorsque lecontribuable convertit une partie de l’usage de son bien.

Changement partiel d’usage d’un bien utilisé à une seule finLorsqu’une partie d’un bien utilisé pour gagner un revenu commence àêtre utilisée à une autre fin, et vice-versa, le contribuable est réputéavoir aliéné et réacquis à ce moment la partie du bien qui a fait l’objetd’une conversion d’usage. Exemple : si un contribuable convertit unepartie de sa résidence principale en un bien produisant un revenu, lapartie du bien ainsi convertie est réputée, en vertu du paragraphe 45(1)LIR, avoir fait l’objet d’une disposition présumée pour un produit dedisposition égal à la part de la juste valeur marchande du bienattribuable à cette partie. Cette même partie du bien est réputée avoirété immédiatement acquise de nouveau pour un coût égal à ce montant.Le contribuable est donc susceptible de réaliser un gain lors de ladisposition présumée, qui peut être éliminé ou réduit par l’exemption degains en capital pour résidence principale.

117 La Loi prévoit expressément cette règle au paragraphe 45(4), contrairement au casdu choix selon le paragraphe 45(2) pour lequel il s’agit d’une politique du Ministère.

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Bien que dans le cas d’un changement partiel d’usage d’un bienutilisé comme résidence principale le gain réalisé lors de la dispositionprésumée peut être éliminé grâce à l’exemption des gains en capitalpour résidence principale, la partie du bien convertie ne pourraultérieurement faire l’objet d’une désignation comme résidenceprincipale. Cependant, pour qu’il soit considéré y avoir eu changementpartiel d’usage d’un bien utilisé comme résidence principale, lechangement doit être important et de nature permanente, c’est-à-dire unchangement structurel118. À cet égard, le Ministère est d’avis que :

Un changement structurel se produit, par exemple, avec la conversion del’avant d’une maison en magasin, la conversion d’une partie de maisonen établissement domestique autonome en vue de gagner un revenu delocation (un duplex, un triplex, etc.) ou des modifications apportées àune maison afin d’aménager des locaux commerciaux distincts. Dans cescas-là et dans d’autres cas semblables, le contribuable déclare le revenuet peut déduire les dépenses concernant la partie modifiée du bien(c.-à-d. une partie raisonnable des dépenses relatives à l’ensemble dubien) ainsi que la DPA sur cette partie modifiée.

Lorsqu’il n’y a pas de changement structurel du bien, qu’aucunedéduction pour amortissement n’a été demandée et que l’usage commebien produisant un revenu est accessoire à l’usage principal du biencomme résidence, la pratique du Ministère, énoncée au numéro 38 duBulletin d’interprétation IT-120R4119, est à l’effet que les règles dedisposition présumée ne soient pas appliquées. Ainsi, la résidenceprincipale du contribuable qui n’aurait pas subi de changementstructurel mais qui par ailleurs serait utilisée en partie pour gagner unrevenu accessoire conserverait, dans son ensemble, son caractère derésidence principale et pourrait être désignée en totalité commerésidence principale aux fins de l’exemption des gains en capital. Telserait le cas, par exemple, si le contribuable «exploite une entreprisepour la garde d’enfants dans sa maison, qu’il loue une ou plusieurspièces de la maison ou qu’il a un bureau ou un autre espace de travaildans la maison qu’il utilise dans le cadre de son entreprise120». Parcontre, le contribuable doit déclarer le revenu tiré de l’utilisation decette partie de sa résidence et peut déduire les dépenses afférentes, àl’exception de la déduction pour amortissement.

Malgré ce dernier énoncé très clair de la position du Ministère, uneopinion contraire a été émise lors d’une demande d’interprétationtechnique où certaines questions étaient posées concernant une partied’une résidence principale utilisée par la corporation du propriétaire121.

118 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 37. Voir aussi IMP. 281-1, numéro 10.119 La politique du ministère du Revenu du Québec est au même effet : IMP. 281-1,

numéro 11.120 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 38.121 Interprétation technique de la Division des services bilingues et des ressources

industrielles du 16 juillet 1990, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 90 RCT 91, à lap. 805,662.

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406 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2

Le Ministère a émis l’opinion que la partie de la résidence utilisée parla corporation ne serait pas considérée comme résidence principale auxfins de l’exemption du gain en capital pour résidence principale, que lecontribuable ait réclamé ou non la déduction pour amortissement àl’égard de cette partie de la résidence. Donc, au moment de ladisposition, le gain en capital réalisé sur cette partie de la résidencepour la période au cours de laquelle elle était utilisée par la corporationdu contribuable ne pourrait être exempté en vertu de l’alinéa 40(2)b)LIR. Cette interprétation n’est toutefois pas conforme à la plus récenteposition du Ministère énoncée au numéro 38 du Bulletind’interprétation IT-120R4 qui a été émis à une date ultérieure, soit le26 mars 1993.

CONCLUSIONÉtant donné que le gain en capital que réalise un contribuable canadienlors de la disposition de sa résidence peut potentiellement faire l’objetd’une exemption totale d’impôt, il a tout avantage à connaître les règlesfiscales sur l’application de l’exemption de gains en capital pourrésidence principale. Plus particulièrement, le libellé de la formule decalcul de la partie du gain en capital exemptée contenue à l’alinéa40(2)b) LIR permet d’effectuer des planifications relativement simples,parfois retarder la transaction de quelques jours, pour ainsi maximiserl’accession à cette exemption.

De plus, pour être admissible à l’exemption, la résidence ducontribuable doit constituer une «résidence principale» au sens attribuéà cette expression à l’article 54 LIR. Cette définition étant rédigée defaçon large, les tribunaux ont dû s’y pencher et préciser l’interprétationde certaines notions, notamment les termes et expressions «logement»,«normalement habitée» et «fonds de terre nécessaire à l’usage et à lajouissance du logement comme résidence». Outre le fait d’apporter desprécisions, ils n’ont pas restreint l’interprétation de ces notions oul’application des tests d’appréciation. Or, un contribuable qui connaîtl’interprétation de la portée de cette définition faite par les tribunaux etpar le Ministère dans son Bulletin d’interprétation IT-120R4, estdavantage en mesure de planifier a priori l’achat, la détention et ladisposition de sa résidence pour s’assurer de bénéficier au maximum del’exemption du gain en capital pour résidence principale qui pourra enrésulter.

Par ailleurs, il est possible de constater l’ouverture par le législateurà une plus grande souplesse dans les règles pour les adapter à la réalitééconomique canadienne, plus particulièrement au niveau des dernièresmodifications apportées à la définition de «résidence principale» àl’article 54 LIR afin de permettre à toute fiducie personnelle deréclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidenceprincipale. Cette nouvelle règle tient compte des différents modes dedétention juridique possibles d’un bien et les traite sur un piedd’égalité; elle permet également la mise en place de planifications pour

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L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE 407

(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2

un particulier (par exemple pour mettre ses actifs à l’abri descréanciers) sans compromettre pour autant sa possibilité de bénéficierde l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Cettesouplesse se dégage également des règles applicables au changementd’usage d’une résidence, en ce sens qu’elles permettent de faireexception aux critères d’admissibilité à l’exemption de gains en capitalpour résidence principale.

La politique fiscale actuelle, qui tend à vouloir éliminer ou limiter leplus possible les abris fiscaux — exonération cumulative des gains encapital de 100 000 $, règles concernant les régimes enregistrésd’épargne-retraite, règles touchant les fiducies familiales — ne semblepas, jusqu’à maintenant, vouloir viser l’exemption de gains en capitalpour résidence principale. Elle demeure donc un outil certain d’épargnefiscale.