L’EVALUATION D’IMPACT SUR LA SANTE (EIS) -...

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2015 [L’EVALUATION D’IMPACT SUR LA SANTE (EIS)] Analyse comparée de démarches territoriales et étrangères pour améliorer la santé et l’équité en santé Rédigé par : Gabriel Andrieu Marianne Calès Tristan Pierre Cariou Chloé Chatton Juliette Dané Camille Fouchier Hélène Gettmann Jérôme Lannuzel Agathe Pélissier Lucie Robert Marie Singer Sihang Wang Sous la direction de : Laura Parvu Etude réalisée par les élèves de 4 ème année du Master « Risques, Sciences, Environnement et Santé » de Sciences Po Toulouse

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2015

[L’EVALUATION D’IMPACT SUR LA SANTE (EIS)]

Analyse comparée de démarches territoriales et étrangères pour améliorer la santé et l’équité en santé

Rédigé par :

Gabriel Andrieu

Marianne Calès

Tristan Pierre Cariou

Chloé Chatton

Juliette Dané

Camille Fouchier

Hélène Gettmann

Jérôme Lannuzel

Agathe Pélissier

Lucie Robert

Marie Singer

Sihang Wang

Sous la direction de :

Laura Parvu

Etude réalisée par les élèves de 4ème année du Master « Risques,

Sciences, Environnement et Santé » de Sciences Po Toulouse

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2015

[L’EVALUATION D’IMPACT SUR LA SANTE (EIS)]

Analyse comparée de démarches territoriales et étrangères pour améliorer la santé et l’équité en santé

Rédigé par :

Gabriel Andrieu

Marianne Calès

Tristan Pierre Cariou

Chloé Chatton

Juliette Dané

Camille Fouchier

Hélène Gettmann

Jérôme Lannuzel

Agathe Pélissier

Lucie Robert

Marie Singer

Sihang Wang

Sous la direction de :

Laura Parvu

Etude réalisée par les élèves de 4ème année du Master « Risques,

Sciences, Environnement et Santé » de Sciences Po Toulouse

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SOMMAIRE SOMMAIRE 3

REMERCIEMENTS 7

INTRODUCTION: NOTRE ETUDE, CADRAGE ET METHODOLOGIE D’ENQUETE 9

II. CADRE DE L’ETUDE : ATELIER ET COMMANDE DE L’IFERISS 9

III. RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES 10

IV. LA REALISATION ET LES ETAPES DE L’ETUDE 10

V. ENTRETIENS AVEC LES ACTEURS DE TERRAIN 12

VI. ANALYSE, TRAITEMENT DES ENTRETIENS ET CONSTRUCTION DU RAPPORT 13

VII. DIFFICULTES METHODOLOGIQUES 14

PARTIE 1: SANTE PUBLIQUE ET INEGALITES SOCIALES DE SANTE EN FRANCE 15

I. LA SANTE PUBLIQUE LONGTEMPS EN RETRAIT FACE A UNE « MEDECINE DU

SOIN » 15

II. LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS ET LA MISE EN EVIDENCE DES INEGALITES

SOCIALES DE SANTE 16

III. L’IMPORTATION DE LA DEMARCHE D’EIS EN FRANCE PAR UN RESEAU

D’ACTEURS PUBLICS PROMOTEURS DE LA SANTE PUBLIQUE 19

PARTIE 2 : UNE METHODE D’EVALUATION D’IMPACT SUR LA SANTE DES POLITIQUES

PUBLIQUES 21

I. PRESENTATION DE L’EIS 21

II. LES ETAPES DE L’EIS 22

III. COMMENT METTRE EN ŒUVRE UNE EIS ? 23

III. LE REGARD DE LA SCIENCE POLITIQUE SUR LES EIS 23

PARTIE 3 : INSTITUTIONNALISATION DES EIS A L’ETRANGER : ETUDES DE CAS 25

Territoires non sélectionnés à l’étranger 27

I. PAYS-BAS 27

II. ETATS-UNIS 28

III. THAÏLANDE 30

IV. AUSTRALIE 32

V. DANEMARK 35

VI. SLOVAQUIE 37

Les quatre territoires d’étude sélectionnés à l’étranger 39

L’Angleterre 39

I. LES RAISONS DU CHOIX DE CE PAYS D’ETUDE ET NOTRE METHODOLOGIE 39

II. LES HIAs EN ANGLETERRE : UN DEVELOPPEMENT PAR LE BAS ET UNE

INSTITUTIONNALISATION PROGRESSIVE 41

4

III. POINT METHODOLOGIQUE : QUELQUES SPECIFICITES DES HIAs EN

ANGLETERRE 42

IV. COMMENT LES HIAs ONT TROUVE LEUR PLACE DANS LES PRIORITES DES

POUVOIRS PUBLICS ? 44

V. LES HIAS AUJOURD’HUI, UNE PRATIQUE BIEN IMPLANTEE 45

VI. ILLUSTRATION PAR L’ETUDE DE QUELQUES CAS D’HIAS 47

La Suisse 51

I. PREMIERS ELEMENTS D'ANALYSE 51

II. UN OUTIL A L'ABANDON ? 53

III. LA METHODOLOGIE D'EIS DANS UNE PHASE DE TRANSITION 54

IV. EQUITERRE, ACTEUR DU RENOUVEAU DES EIS EN SUISSE 55

V. UNE IMPLANTATION DURABLE DE L'OUTIL EIS 57

Le Québec 59

I. LE QUEBEC : AU SOMMET SUR LES QUESTIONS DE SANTE PUBLIQUE 61

II. LA QUESTION DU MODELE D’EIS A ADOPTER 64

III. STRATEGIE D’INSTITUTIONNALISATION DE LA DEMARCHE AU QUEBEC :

TRANSFERT DE COMPETENCES, COMMUNICATION ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE

70

La Finlande 71

I. CONTEXTE D’EMERGENCE ET PHILOSOPHIE DE L’APPROCHE FINLANDAISE

EN TERMES D’EIS 73

II. CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET RÉGLEMENTATION 77

III. DIFFÉRENTS OUTILS D'ÉVALUATION COMPLÉMENTAIRES : HIA, SIA et HuIA 81

IV. MISE EN OEUVRE DES EVALUATIONS D’IMPACT 84

PARTIE 4 : 93

LES PREMIERES EIS EN FRANCE : ANALYSE COMPAREE 93

La ville de Rennes 93

LES EIS EN BREF : 94

I. NOTRE METHODE D’ENQUETE 96

II. MISE A L’AGENDA DE L’EIS 98

III. MISE EN ŒUVRE DES EIS 104

IV. BILAN ET RECEPTION DE L’EIS DE PONTCHAILLOU 110

V. PERSPECTIVES SUR LA REGION : QUELLES LEÇONS TIRER DES

EXPERIENCES RENNAISES ? 114

La région Provence - Alpes - Côte d’Azur 117

L’EIS EN BREF : 118

I. NOTRE METHODE D’ENQUETE 119

II. LA MISE A L’AGENDA DE L’EIS EN REGION PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR 122

5

III. LA MISE EN ŒUVRE DE L’EIS EN REGION PACA 128

IV. BILAN ET RECEPTION DE LA DEMARCHE D’EIS MENEE EN REGION PACA 135

V. PERSPECTIVES DANS LA REGION : QUELLES LEÇONS TIRER DE L’EXPERIENCE

EN REGION PACA? 142

La ville de Toulouse 147

L’EIS EN BREF 148

I. NOTRE METHODE D’ENQUETE 149

II. LA MISE A L’AGENDA DE L’EIS 152

III. LA MISE EN ŒUVRE DE L’EIS 157

IV. BILAN ET RECEPTION 161

V. PERSPECTIVES DANS LA REGION : QUELLES LEÇONS TIRER DE

L’EXPERIENCE DANS LA VILLE DE TOULOUSE ? 165

La région Île-de-France 169

L’EIS EN BREF 170

I. NOTRE METHODE D’ENQUETE 173

II. LA MISE A L’AGENDA DE L’EIS 176

III. LA MISE EN ŒUVRE DE L’EIS 182

IV. BILAN ET RECEPTION 194

V. PERSPECTIVES DANS LA REGION : QUELLES LEÇONS TIRER DE

L’EXPERIENCE EN REGION ILE DE FRANCE ? 198

PARTIE 5 : FREINS ET LEVIERS A UNE INSTITUTIONNALISATION DES EIS EN FRANCE 201

I. UN OUTIL MULTIFORME, DONT LA DEFINITION EST ENCORE UN ENJEU 201

II. QUEL PROJET POLITIQUE POUR L’EIS ? DES USAGES VARIES 204

III. QUI IMPULSE LA DEMARCHE ? D’INITIATIVES PERSONNELLES A LA

CONSTITUTION D’UN RESEAU D’ACTEURS PUBLICS 207

IV. ROLE ET FONCTION DES ACTEURS D’UNE EIS : UN PARTAGE ENCORE

INCERTAIN 211

V. L’INTERSECTORIALITE : UN PREALABLE INDISPENSABLE OU UN APPORT DE

L’EIS ? 215

VI. LES ENJEUX DE LA FORMATION, DES RETOURS D’EXPERIENCE ET DU

TRANSFERT DE COMPETENCES 221

VII. UNE (NON) REGLEMENTATION DES EIS ? 226

PARTIE 6 : EN GUISE DE CONCLUSION : QUELQUES RECOMMANDATIONS 231

Domaine 1 : Communication et valorisation de l’outil EIS 231

Domaine 2 : Développer la demande d’EIS au sein des collectivités 234

Domaine 3 : Développer la qualité de l’offre des formateurs de l’EIS 236

Domaine 4 : Faciliter la mise en œuvre des EIS 239

Domaine 5 : Portage institutionnel de la démarche d’EIS 241

6

NOTRE RAPPORT EN BREF… 243

Les étapes de notre étude 243

L’évaluation d’impact sur la santé 244

Type d’EIS 245

Le regard de la science politique sur la démarche d’EIS 246

L’importation des EIS en France 247

Les EIS à l’étranger 248

Les EIS en France 249

Freins et leviers à une institutionnalisation des EIS en France 254

Préconisations 255

ANNEXES 257

Annexe 1 – Prises de contact et entretiens pour la ville de Rennes 257

Annexe 2 – Prises de contact et entretiens pour la région PACA 258

Annexe 3 – Prises de contact et entretiens pour l’Ile-de-France 259

Annexe 4 – Prises de contact et entretiens pour la ville de Toulouse 261

Annexe 5 – Autres prises de contact et entretiens 263

Annexe 6 – Grille d’entretien avec les acteurs impliqués dans des EIS 264

Annexe 7 – Grille d’entretien avec les acteurs non impliqués dans des EIS 266

Annexe 8 - Exemple de grille d’analyse multicritères utilisée pour l’EIS menée en région PACA

267

LISTE DES SIGLES 272

BIBLIOGRAPHIE 276

7

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier Thierry Lang, Mélanie Villeval et toute l’équipe de l’IFERISS pour la

confiance qu’ils nous ont accordée.

Merci à Laura Parvu pour son accompagnement, son aide et ses conseils tout au long de notre

étude.

Merci à ceux qui ont répondu à nos questions, pour le temps accordé et leur patience. Ils nous ont

beaucoup appris et nous ont permis de rassembler de nombreuses informations importantes pour

notre étude.

Merci aux agents de Toulouse Métropole qui ont accordé un après-midi à nous écouter. Cela nous

a permis de faire un point sur notre travail et d’obtenir des conseils importants.

Merci enfin à Julien Weisbein parce que, sans lui, nous ne nous serions pas rencontrés, nous

n’aurions jamais eu l’opportunité fantastique d’entrer en contact avec les acteurs de la santé

publique qui nous ont tant appris et nous n’aurions pas acquis les compétences pour mener une

étude d’une telle ampleur.

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INTRODUCTION: NOTRE ETUDE, CADRAGE

ET METHODOLOGIE D’ENQUETE

I. PRESENTATION DE L’EQUIPE

Dans le cadre de la convention entre l’Institut Fédératif d’Etude et de Recherche Interdisciplinaire Santé et Société (IFERISS) et l’Institut d’Etudes Politique, douze étudiants du Master « Risques, Science, Environnement et Santé » ont participé et réalisé cette étude sur les Evaluations d'Impact sur la Santé entre septembre 2014 et mai 2015.

La vocation de ce parcours est de former des cadres pour gérer les risques liés aux enjeux environnementaux, sanitaires ou industriels et animer les instruments des politiques qui en découlent. Le parcours associe des politistes, des juristes, des sociologues, des économistes, des géographes et des professionnels spécialisés dans les problématiques des risques et du développement durable. Les enseignements académiques sont mélangés avec des formations plus professionnalisantes autour de compétences et de techniques.

Dans ce cadre, nous réalisons tous les ans, un atelier d’étude sur toute l’année universitaire qui est l’occasion de mettre en pratique les connaissances acquises. Nous sommes pour cela encadrés par Laura Parvu, doctorante au Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LASSP –IEP de Toulouse1).

II. CADRE DE L’ETUDE : ATELIER ET COMMANDE DE L’IFERISS

L'IFERRISS est une fédération de recherche interuniversitaire dont l'objectif principal est de promouvoir et de dynamiser l'activité scientifique autour des thématiques « Santé Société » dans une approche interdisciplinaire2. La recherche promue par cet institut s’organise en trois axes:

- Les Inégalités Sociales de Santé (ISS), leurs déterminants sociaux et les chaînes de causalité, - La recherche sur les systèmes de santé, - L’intervention.

Notre étude s’inscrit dans le cadre de la recherche menée pour une des six équipes d’épidémiologie de l’UMR 1027 (Inserm-Université de Toulouse 3). Sous la direction de Thierry Lang, celle-ci s’intitule « Cancer et maladies chroniques : inégalités sociales de santé, accès primaire et secondaire aux soins ». Mélanie Villeval, doctorante et membre de l’équipe a été notre contact de référence au sein de cette institution. Travaillant déjà sur les EIS, l’équipe de l’IFERISS s’est saisie du partenariat avec l’IEP Toulouse pour commander une étude plus approfondie sur cette démarche. Réalisée entre septembre 2014 et mai 2015, notre étude intitulée « Evaluation d’impact sur la santé : quels enjeux et quel développement possible en France ? » consiste en une analyse comparative des EIS menées par des collectivités territoriales françaises ainsi qu'un benchmark sur le développement de la démarche à l'étranger.

1 http://lassp.sciencespo-toulouse.fr/ 2 Selon la présentation de leur site internet : http://www.iferiss.org/index.php/fr/

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III. RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES

Notre étude a réellement débuté par l’étape des recherches bibliographiques. Après la présentation du projet par le commanditaire, nous avons consacré quelques semaines à des recherches générales sur la notion d’EIS ce qui nous a amené à :

- Identifier les 4 territoires français à étudier : Ile-de-France, région PACA, Rennes et Toulouse, - Identifier les 4 territoires étrangers à étudier : Québec, Angleterre, Suisse et Finlande.

Les recherches bibliographiques générales nous ont permis de bien comprendre le sujet, de nous familiariser avec l’outil ainsi que d’identifier les étapes de notre étude et de préciser notre problématique.

Une fois le terrain d’étude identifié, nous nous sommes attachés à une phase de recherche bibliographique plus approfondie par territoire afin d’identifier à la fois pour la France et pour l’étranger les acteurs centraux, les projets réalisés, mais également les freins possibles à leur développement. Pour les territoires étrangers, cette analyse bibliographique nous a permis de réaliser que, selon les pays, les démarches d’EIS peuvent être très différentes, par exemple en termes d’institutionnalisation. La phase de recherche bibliographique a donc été fondamentale pour le travail de terrain qui a suivi et pour pouvoir mener à bien notre étude.

IV. LA REALISATION ET LES ETAPES DE L’ETUDE

Afin de structurer notre réflexion sur le sujet et de proposer un choix des territoires pour lesquels il nous a paru pertinent d’approfondir nos recherches, nous avons appliqué une méthodologie précise nous permettant d’effectuer notre choix sur des critères objectifs.

Dans un premier temps, comme nous venons de l’évoquer, nous avons commencé notre

travail par une recherche bibliographique en s’appuyant notamment sur les références proposées par l’IFERISS. Cela nous a permis d’avoir une première compréhension de l’outil EIS et d’en saisir les principaux mécanismes. Nous avons par la suite approfondi ces lectures en effectuant un travail de recherche bibliographique et de synthèse de nos différentes lectures, dans le but de faciliter la mutualisation de nos recherches.

Les expériences françaises étant peu nombreuses et généralement moins abouties, nous

avons sélectionné les territoires qui étaient les plus présents dans notre bibliographie et qui nous ont paru incontournables. C’est le cas pour l’EIS de Plaine Commune dans la région Ile-de-France dont l’ampleur et l’exemplarité nous sont très vite apparues. Les EIS réalisées à Rennes ont été parmi les premières de France et une littérature importante existe sur ces expériences. La région PACA avec l’évaluation de plusieurs projets situés dans trois villes, Nice, Toulon, Marseille, a également retenu notre attention par l’ampleur des projets évalués. Enfin, l’unique expérience toulousaine en matière d’EIS ne pouvait que faire l’objet de notre attention, étant donné notre implantation dans cette ville. Evidemment, cette sélection de quatre villes françaises n’est pas exhaustive et nous sommes conscients qu’il aurait pu être intéressant d’analyser d’autres expériences, ce qui était néanmoins impossible pour des questions de temps imparti.

Alors que le choix des territoires français a été assez simple et a été principalement guidé par

la visibilité des expériences retenus, nous avons passé beaucoup de temps sur la présence de ce

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dispositif à l’étranger, afin d’avoir un panorama le plus large possible. Nous avons ainsi rapidement identifié dix pays qu’il nous semblait important d’étudier plus attentivement. Pour effectuer ce travail, nous nous sommes répartis en groupes de trois étudiants afin de réaliser une étude plus approfondie de chacun des dix pays. Ainsi, selon les compétences linguistiques ou les affinités culturelles de chacun d’entre nous, nous avons pu nous partager le travail efficacement afin de hiérarchiser l’intérêt d’étude dans le domaine des EIS de ces pays.

Outre les facilités modernes de communication et les outils en ligne de partage et de

mutualisation de documents de travail, l’atelier hebdomadaire avec Laura Parvu nous a permis de confronter nos points de vue sur nos territoires de recherche. Il en a découlé une identification de certaines caractéristiques redondantes tandis que différents travaux d’expertise sur les EIS nous ont permis d’établir des critères de choix pour les pays à retenir en vue de l’analyse comparative finale.

Le rapport de l’OMS intitulé Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’évaluation

d’impact sur la santé3 rédigé par Jennifer Lee, Nathalie Röbbelet et Carlos Dora, publié en 2014, nous a permis d’affiner notre typologie et d’aboutir à une classification des différents pays étudiés. Ce rapport décrit et compare l’institutionnalisation de l’ÉIS dans neuf pays et l’Union européenne. Il offre par ailleurs un cadre d’analyse recouvrant le niveau et les mécanismes d’institutionnalisation, le contexte politique, la forme et le type d’ÉIS, la mise en œuvre, les exigences sur le plan des ressources et les structures, et les effets et résultats des EIS sur les projets ou programmes évalués.

D’autres lectures apportant un cadre analytique différent sont venues enrichir notre analyse

et nous sommes parvenus, en croisant et en combinant plusieurs classifications, à sélectionner cinq critères pour effectuer le choix des territoires à traiter, à savoir : le niveau d’institutionnalisation du dispositif d’évaluation, le type d’acteurs se saisissant de l’EIS selon la typologie de Ben Harris Roxas4, l’étendue des impacts soumis à évaluation (santé, environnement ou des aspects sociaux), le nombre d’EIS réalisées, ainsi que le volume de la littérature sur le sujet et sa disponibilité et enfin l’existence ou non d’un guide national sur l’EIS. Ces critères de choix appliqués à l’ensemble des pays présélectionnés nous ont permis de retenir les territoires où il y avait le plus d’enjeux de comparaison, à savoir : l’Angleterre, le Québec, la Suisse et la Finlande5.

3 Lee, J. H., Röbel, N., Dora, C., OMS. Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’évaluation d’impact sur la santé,Organisation mondiale de la Santé, 2014. Disponible sur Internet : http://www.who.int/iris/handle/10665/128046 4 Harris-Roxas, B., Harris E. « Differing forms, differing purposes: A typology of health impact assessment ».

Environmental Impact Assessment Review. 2011; 31 (4): 396-403. 5 Ces dix pays étrangers feront l’objet d’une présentation plus détaillée dans la partie 3 : « Institutionnalisation des EIS à l’étranger : études de cas ».

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V. ENTRETIENS AVEC LES ACTEURS DE TERRAIN

Après avoir présenté nos travaux de recherche et présélectionné les territoires français et étrangers pour leurs attraits particuliers quant aux EIS, l’IFERISS a validé notre choix d’étude de quatre territoires étrangers (la province du Québec au Canada, l’Angleterre, la Finlande et le canton de Genève en Suisse) et quatre territoires français (l’Île-de-France, Rennes, la région PACA et Toulouse). Afin de mener une étude approfondie quant à l’émergence, la mise en œuvre et la réglementation des EIS sur ces territoires, nous avons mené une enquête de terrain par entretiens avec des acteurs impliqués ou non dans les EIS. Cette enquête de terrain s’est principalement concentrée sur les territoires français, ce qui s’explique par des raisons pratiques (temps de l’étude, difficultés de prise de rendez-vous téléphoniques…). De fait, notre étude des territoires étrangers s’est faite essentiellement par des recherches bibliographiques et un entretien par pays.

La phase d’entretiens a occupé la plus grande part de notre travail, ayant commencé dès novembre 2014 avec les premières prises de contact avec les acteurs, et s’étant terminée début mars 2015 par nos derniers entretiens. Notre groupe de douze étudiants s’est donc réparti l’ensemble des quatre territoires français et quatre territoires étrangers en sous-groupes de trois personnes pour mener à bien cette enquête.

En termes méthodologiques, chaque sous-groupe en charge de l’étude d’un territoire

français a identifié l’ensemble des acteurs ayant participé de près ou de loin à une EIS, ou pouvant être intéressés par cette démarche en France. L’identification des acteurs s’est faite grâce aux rapports publiés sur chaque EIS menée, à la liste des participants à des colloques sur les EIS ou bien au fur et à mesure des entretiens que nous avons menés. A partir de cette liste6, nous avons contacté soixante-et-onze personnes (y compris les quatre acteurs des territoires à l’étranger interrogés). Nous avons tout d’abord pris contact avec ces acteurs par courriel et nous les avons relancés avant de nous entretenir par téléphone avec ceux qui avaient accepté de participer à notre enquête, à l’exception du sous-groupe en charge de Toulouse qui a pu s’entretenir directement avec les acteurs du territoire. Chaque entretien s’est appuyé sur une grille de questions7 commune pour l’ensemble des acteurs impliqués dans les EIS en France. Celle-ci comporte les grands axes de questionnements repris notamment au sein de ce rapport, à savoir:

- Trajectoire personnelle de l’acteur interrogé ; - Définition et perception de la santé selon l’acteur ; - Définition et représentation de l’EIS selon l’acteur ; - Mise à l’agenda de l’EIS sur le territoire concerné ; - Mise en œuvre de l’EIS sur le territoire ; - Résultats et évaluation de l’EIS ; - Institutionnalisation et perspectives quant aux EIS en général.

A la fin de notre enquête, nous avons mené un total de trente-cinq entretiens auprès de quarante-cinq acteurs en France et à l’étranger.

6 Disponible en annexe n°1 à 5. 7 Disponible en annexe n°6.

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VI. ANALYSE, TRAITEMENT DES ENTRETIENS ET CONSTRUCTION

DU RAPPORT Au terme de cette phase d'entretiens, nous disposions d'une base de données extrêmement conséquente : quarante-cinq personnes interrogées au total, pour des échanges dont la durée variait entre quarante minutes et une heure quinze. Il fallait exploiter de la façon la plus efficiente possible chacun de ces entretiens, valoriser notre travail, et ce, non seulement dans l'analyse de chacun des territoires considéré séparément, mais également lors de l'analyse globale, de la formulation de recommandations et d'observations plus générales.

C'est pourquoi les maîtres-mots de notre second semestre d’étude ont été « formalisation » et « mutualisation ».

Formalisation, car nous avons établi une grille d'analyse des entretiens unique, laquelle nous a permis de dégager de ces derniers une « banque » commune d'informations, de tracer les grandes lignes qui devaient ensuite servir la construction du rapport. D'où, la construction des catégories suivantes : la socioanalyse de l'acteur interrogé, sa définition ainsi que sa perception de la santé, sa représentation des EIS, la façon dont cet outil a été inscrit à l'agenda, la manière dont il a été mis en œuvre, les résultats et évaluations qui en découlent, les institutionnalisations et les perspectives pour celui-ci, et enfin une part de l'analyse est spécialement assignée aux acteurs n'ayant pas directement participé à une EIS. Formalisation ensuite, de la présentation des EIS réalisées sur chacun des territoires, sous la forme d'une fiche, permettant de les introduire de façon didactique et permettant de faire ressortir un certain nombre de caractéristiques essentielles : la localisation du projet, ses commanditaires, ses évaluateurs, la méthodologie employée,... Il faut également noter qu'une formalisation similaire a été réalisée de manière à donner un bref aperçu des territoires eux-mêmes, avec des informations relatives à leur population, leur superficie, etc. Formalisation enfin de la proposition d'adopter une structure commune lors de l'analyse des territoires eux-mêmes. Bien évidemment, il ne s'agissait pas d'effacer et diluer les spécificités propres aux régions étudiées, mais de donner toute sa cohérence au rapport, dans son déroulement logique, tout en adaptant les titres et en modulant les sous-parties en fonction de nos besoins. Vient ensuite la mutualisation. Elle était essentielle. En effet, face à la quantité d'informations collectées, nous aurions pu être tentés de nous restreindre à une analyse différenciée, l'ingestion de plusieurs mois de travaux réalisés demandant un investissement certain. D'où l'importance de discuter ensemble des outils qui sont venus alors alimenter notre analyse, et, une fois ce terrain d'entente défini, de croiser les résultats obtenus pour chacun des territoires et devenus exploitables par tous. Il fallait donc croiser les points de vue, les condenser, trouver les similitudes pour mieux souligner les divergences. Cela s'est principalement fait avec l'établissement de registres communs. Que ce soit le registre regroupant l'ensemble des contacts approchés au cours de l'enquête en une liste unique, ou encore la création d'un document commun centralisant l'ensemble des citations en les triant en fonction du plan établi pour le rapport, toutes ces initiatives permettaient de s'extraire de logiques purement territoriales tout en garantissant une plus grande accessibilité des résultats (à travers la relecture des parties des uns et des autres, la discussion constante des critères retenus pour les grilles d'analyse, et principalement au travers de l'établissement de registres communs permettant cette centralisation et cette accessibilité des résultats).

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Il ne nous est enfin pas possible de finir cette partie sans citer Mme Laura PARVU et le travail de correction que celle-ci a réalisé tout au long de notre enquête. En effet, ses remarques et ses commentaires ont guidé notre rédaction et donnent à ce rapport la forme qu'il a aujourd'hui.

VII. DIFFICULTES METHODOLOGIQUES

Au moment de la phase de contact avec les acteurs locaux, nous avons été confrontés à plusieurs difficultés récurrentes.

Tout d’abord, la prise de contact n’a pas toujours été facile, les congés de Noël ont ralenti la prise de rendez-vous et il a parfois été difficile de trouver un créneau horaire qui puisse convenir à tous.

Par ailleurs, dans certains territoires français, il a été très difficile d’entrer en contact avec les acteurs institutionnels et politiques en raison d’un turn-over important au sein des services des collectivités territoriales ou simplement d’une indisponibilité des personnes-ressources (liée au temps).

Enfin, notre statut d’étudiants a pu parfois constituer un frein dans la conduite des entretiens. En effet, ne disposant pas de beaucoup de légitimité pour interroger les acteurs de la démarche d’EIS, il a souvent fallu insister et avoir recours à plusieurs relances afin d’obtenir une réponse de leur part. En dépit de ces difficultés, nous avons pu réaliser trente-cinq entretiens qui nous ont permis de rédiger la présente analyse. Nous remercions à ce titre l’ensemble des personnes ayant accepté de répondre à nos questions.

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PARTIE 1: SANTE PUBLIQUE ET INEGALITES

SOCIALES DE SANTE EN FRANCE

Nous souhaitons dans cette partie remettre en perspective les premières expérimentations d’évaluation d’impact sur la santé au sein de l’histoire plus générale du système de santé et des politiques publiques de santé en France. En effet, nous ne pouvions analyser les possibilités d’institutionnalisation de cette nouvelle méthode sans comprendre le contexte national dans lequel il s’insère. Nous présenterons à grands traits en quoi la santé a longtemps été tenue à l’écart des politiques publiques et comment l’élargissement de sa définition, du soin à la prévention, a conduit au réinvestissement de l’Etat sur de nouvelles problématiques comme les inégalités sociales en santé.

I. LA SANTE PUBLIQUE LONGTEMPS EN RETRAIT FACE A UNE

« MEDECINE DU SOIN »

L’Etat a longtemps délaissé la santé publique à la profession médicale, quand bien même l’histoire politique est émaillée de tentatives pour remédier à cet état de fait8. Un regard en arrière nous apprend en effet que l’activité du soin a longtemps prévalu sur la prévention de la maladie, du fait de l’échec d’un certain nombre de décisions politiques. Ainsi, la Loi municipale du 5 avril 1884 qui entérina la compétence municipale pour les questions d’hygiène publique, fut accueillie avec une grande méfiance tant par les municipalités elles-mêmes que par le corps médical. Ce dernier était alors particulièrement réticent à l’intrusion de l’Etat dans le gouvernement des normes de comportement individuelles. Plus tard, le Ministère de l’hygiène, de l’assistance publique et de la prévoyance sociale, créé en 1920 à la suite de la grippe espagnole, ne parvint pas à s’enraciner durablement dans l’administration d’Etat et eut tôt fait d’être absorbé au sein d’autres ministères. Ce n’est qu’à la toute fin du vingtième siècle qu’un Ministère de la santé a été institué et que s’est opéré un retour de l’investissement public en santé, dû aux nombreux scandales sanitaires (l’affaire du sang contaminé, notamment). « L’hospitalo-centrisme » hérité de l’après-guerre fut alors remis en cause face à la nécessité d’élaborer des politiques publiques de prévention (les premières furent essentiellement centrées sur les comportements individuels tels l’alcoolisme, le dépistage des cancers, ou la conduite automobile).

Systématiquement interrogés sur leur vision de la santé publique, les personnes ayant participé à notre enquête se sont fait l’écho de sa reconnaissance tardive. La chargée de mission pour la promotion de la santé à la Direction Régionale de la Jeunesse, du Sport et de la Cohésion Sociale (DRJSCS), nous a fait part de son constat : « L’Hôpital ne connaissait pas les besoins des populations locales, il avait des crédits pour le fonctionnement de ses services mais pas de réponses à apporter aux patients nécessitant un suivi de long terme. Dans le même temps, le Maire ne connaissait pas non plus l’état de santé de sa population. Il finance des associations mais ne sait pas quels effets elles ont sur la santé. L’Etat ne s’en occupait pas non plus ». L’ancien élu à la santé de la mairie de Nanterre, aujourd’hui président de l’association Elus, Santé publique et Territoires, le confirme, lui aussi : « la Santé n’a jamais été une priorité pour les villes car elles n’avaient pas de 8 Tabuteau Didier, « Santé et politique en France », Recherche en soins infirmiers 2/2012 (N° 109), p.6-15.

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vraies compétences. Pour autant, les villes avaient des élus à la santé… vous voyez l’ambiguïté ? […] Que peut faire un élu à la santé ? La première chose à faire est de se pencher sur ce qui fait la spécificité du territoire : quel est l’accès aux services, l’offre d’accompagnement des personnes. Il faut englober tout ce qui est en amont du soin, mais aussi en aval, par exemple, comment faire pour que les malades mentaux puissent vivre dans la ville. On n'est plus sur du soin, on est sur de la santé publique. Ma conviction est que pour que ça marche, cela doit venir du local. Il faut donc que le maire s'implique ».

C’est sans doute l’épisode dramatique de la canicule de l’été 2003 qui a marqué un nouveau tournant dans les politiques de santé publique, avec la promulgation un an plus tard de la Loi du 9 août 2004 relative à la santé publique. A ce titre, le champ de la politique de santé publique fut considérablement élargi, avec en particulier l’objectif de réduire les inégalités sociales de santé (ISS), comme le remarque le Chef de la Mission, Prospective et Recherche de la Direction Générale de la Santé que nous avons interrogé : « Autour de la Loi du 9 août 2004 sur la politique de santé, il y a eu notamment tout un travail autour de la rédaction du rapport annexé à la loi avec la définition d’objectifs d’amélioration de la santé. Dans cette loi, une des trois finalités majeures exprimées dès le départ, pas forcément dans le texte de loi mais dans tout le discours qui allait avec, était la réduction des ISS (avec la réduction de la mortalité prématurée et l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques) ». Cependant, l’émergence de cette question a longtemps été réduite à une approche centrée sur les populations les plus précaires, comme nous allons le voir.

II. LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS ET LA MISE EN EVIDENCE DES

INEGALITES SOCIALES DE SANTE

Deux rapports, publiés en 1987 mettent la lumière sur les liens entre précarité, exclusion et grande pauvreté, et santé. La Mission France de Médecins du Monde qui venait alors de se créer, fit alors remonter ses observations de terrain témoignant de l’existence d’une population plongée dans la plus grande précarité9, ayant très peu voire pas d’accès aux soins de santé. Cette même année, le rapport Wresinski10 mit en exergue les déterminants sociaux de la santé (DSS)11, comme facteur explicatifs de la pauvreté et de l’exclusion. Le rapport du HCSP sur « La santé en France» publié en 1994, met en exergue pour la première fois dans un rapport de santé publique la problématique des inégalités sociales de santé en France. Les données statistiques de mortalité présentées dans ce rapport montrent l’existence d’un gradient très net, entre la catégorie des ouvriers-employés à une extrémité et celle des cadres supérieurs et professions libérales à l’autre »12. La distribution des ISS

9 Revol J., Strohl H. Groupe de travail sur l’accès aux soins des personnes en situation de précarité, Rapport général IGAS, Paris, nov. 1987, 45p. 10 Wresinski J., Grande pauvreté et précarité économique et sociale, Rapport au Conseil Economique et Social, Journal Officiel Ed., Paris, 1987, n° 4074. 11 L’OMS définit les déterminants sociaux de la santé comme les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent et vieillissent, ainsi que les systèmes mis en place pour faire face à la maladie. Ces circonstances, qui reflètent des choix politiques, dépendent de la répartition du pouvoir, de l’argent, et des ressources à tous les niveaux, mondial, national, local. (Cf. www.who.int/social_determinants/fr/). 12 Lang, T., Lombrail P., Kelly-Irving M. « Des inégalités sociales de santé : mieux connues mais toujours présentes ».

Dossier : 20 ans de santé publique, Actualité et dossier en santé publique, 2012, 80: 51‑53.

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suit un gradient continu qui traverse l’ensemble de la population française, des ouvriers aux cadres en passant par les professions intermédiaires13.

En 1998, un nouveau rapport du HCSP note que les inégalités de santé n’ont pas diminué,

mais est axé davantage sur les liens entre précarité, pauvreté et santé, que sur les ISS. Ainsi, la reconnaissance publique des DSS suite à la publication des rapports de 1994 et 1998 du Haut Comité de la santé Publique, ont conduit à la Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions14, centrée sur l’accès aux soins des plus démunis, et pas sur la lutte contre les inégalités qui traversent l’ensemble de la population : « Les lois contre l’exclusion ont donné lieu aux programmes régionaux d’accès à la prévention et au soin (PRAPS), c’est la préfiguration des contrats de ville, et puis, peu après, il y a eu la couverture médicale universelle », nous fait part l’ancienne chargée de mission santé publique à la Délégation Interministérielle de la Ville (DIV). Alors que la première génération de PRAPS fut lancée au début des années 2000, cette même chargée de mission de la DIV lança dans le même temps un nouveau dispositif : l’Atelier Santé Ville15. A bien des égards, ce dispositif a été une opportunité pour réinsérer la santé publique au sein de la politique de la ville. Qui plus est, la démarche partenariale et intersectorielle inscrite au cahier des charges de l’ASV, a pu être plus tard un terreau favorable à l’expérimentation de l’EIS, comme nous le verrons dans le chapitre suivant.

Les Ateliers Santé Ville

L’Atelier Santé Ville (ASV) est un dispositif initié en 2000 par le Comité Interministériel à la Ville pour accompagner la Loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Le dispositif a été intégré à la Loi de santé publique de 2004 et constitue, depuis 2006, le volet santé obligatoire des Contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) : « L’objet des Ateliers a été inspiré par les problématiques d’accès aux soins et de prévention rencontrées dans le domaine de la santé et du développement dans les pays du Sud, mais aussi par mon expérience à Médecins du Monde, à la mission banlieues. […] La santé publique n’était pas développée en France et l’approche collective non plus. Là, il s’agissait d’avoir vision globale de ce qui se passait dans la ville et entre ses membres » (selon la Chargée de mission à la Direction Interministérielle à la ville en charge de la création des ASV16).

L’ASV permet une coordination d’acteurs (élus, préfets, DDASS, habitants, etc.) dont le rôle

est la mise en œuvre d’une politique de santé publique adaptée au contexte local, en tenant compte du Plan Régional de Santé Publique (PRSP)17. Dans ce cadre, l’Atelier Santé Ville a pour but d’élaborer des programmes d’actions (notamment sur les inégalités sociales en santé et l’accès aux soins), sa méthodologie reposant sur une approche populationnelle, afin de connaître les problèmes de santé sur un territoire à travers un diagnostic territorial : « Quelles sont problématiques des habitants et leurs usages des services? Quelles applications des règlements au guichet? Comment créer une dynamique territoriale pour divulguer une information qui corresponde aux politiques publiques ? », s’interroge la Chargée de mission à la Direction Interministérielle à la Ville que nous avons

13 Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Les inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité. Paris: Haut Conseil de

la santé publique, 2009. 14 Potvin L., Moquet M.-J., Jones C. (sous la dir.) Réduire les inégalités sociales en santé. Saint-Denis : INPES, coll. Santé en action, 2010, p.90. 15 Circulaire du 13 Juin 2000, DIV. 16 Aujourd’hui en poste à la DRJSCS d’Île-de-France. 17 « La santé et la politique de la ville », Catherine Richard, Les Cahiers de Profession Banlieue, 2009.

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interrogée. Afin d’illustrer le succès de ce dispositif, on peut noter qu’en 2013 on dénombrait 286 Ateliers Santé-Ville en France18.

Enfin, d’après l’ancien élu à la santé de Nanterre, les ASV sont venus formaliser une démarche pour réduire les ISS dans les quartiers sensibles : « Pour un élu à la santé qui n’est pas très puissant, cela vient légitimer son action. […] Cela créé une mobilisation de plusieurs acteurs, du soin (mais pas seulement) autour des questions de santé ». Ainsi, dans le prolongement des ASV, l’EIS pourrait devenir un outil supplémentaire à portée des municipalités volontaires dans leur politique de santé, comme le suggère la coordinatrice de l’EIS menée à Plaine Commune : « [l’ASV] c’est une approche très participative, un diagnostic local participatif avec une vision de la santé large, c’est la mentalité propice à l’EIS ».

Lutte contre les ISS : une mise à l’agenda politique récente et la nécessité d’articuler les niveaux d’action En 2009, le rapport du HCSP intitulé « Les inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité » souligne l’importance de ne pas réduire la question des inégalités à celle de la grande pauvreté et de la précarité, de mettre en œuvre des approches intersectorielles et transversales centrées sur les déterminants structurels de santé, et de suivre de manière statistique ces ISS, afin de pouvoir les décrire et mieux les comprendre. Leur construction est aujourd’hui mieux comprise, notamment grâce aux approches épidémiologiques « life-course », permettant d’explorer les chemins par lesquels les inégalités s’accumulent tout au long de la vie, dès la petite enfance et même la vie intra-utérine19. Au niveau politique, plusieurs textes viennent témoigner d’une réelle mise à l’agenda politique de l’impératif de lutte contre les inégalités sociales de santé (outre ce rapport du HCSP, on peut citer les Plan Cancer n°2 et 3, les objectifs des Agences régionales de santé, etc.). Cependant, les acteurs à qui l’on assigne cet objectif de réduction des ISS sont encore assez démunis quant aux moyens d’action concrets permettant d’y parvenir. Lorsque l’on adopte une approche centrée sur les déterminants de santé, l’enchaînement des causalités tout au long de la vie et le gradient social, des choix se posent en matière d’intervention. Aujourd’hui, la plupart des interventions visant à améliorer la santé de la population sont mises en œuvre dans le cadre du système de santé, et constituent des stratégies axées sur les modifications des comportements individuels (en matière d’alimentation, de consommation de tabac, etc.). Ces interventions méritent d’être évaluées du point de vue de leurs impacts potentiels sur les inégalités sociales de santé, au moyen d’Evaluation d’Impact sur l’Equité en Santé par exemple. D’autres cherchent à agir sur l’environnement de vie des personnes, en coordonnant une action intersectoriel sur un territoire, comme les ASV décrits plus haut. Ces environnements, ainsi que les comportements dits « individuels » sont influencés par des déterminants plus structurels, tels que les politiques (et les projets qui en découlent) économiques, urbaine, de transport, etc. En évaluant les impacts de ces déterminants hors du système de santé sur la santé, ainsi que la distribution sociale de ces impacts, l’EIS est un outil concret permettant d’agir sur une partie des causes des inégalités sociales de santé. Il s’agit ainsi, plutôt que des créer un projet qui à lui seul aurait la capacité de réduire ces inégalités, d’influencer les décisions dans les différents secteurs qui constituent les déterminants de santé, en introduisant une préoccupation pour la santé et l’équité dans toutes les politiques.

18 http://www.plateforme-asv.org/ consulté le 11 avril 2015. 19 Kelly-Irving, M., Lepage B., Dedieu D., et al « Adverse childhood experiences and premature all-cause mortality ».

European Journal of Epidemiology, 2013 ; 28 (9): 721-34.

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III. L’IMPORTATION DE LA DEMARCHE D’EIS EN FRANCE PAR UN

RESEAU D’ACTEURS PUBLICS PROMOTEURS DE LA SANTE PUBLIQUE

D’après nos recherches bibliographiques et le recoupement avec nos entretiens, « l’importation » de la démarche d’EIS remonte à l’année 2010 où la méthode avait été présentée lors d’un séminaire national organisé par la Direction Générale de la Santé, le Centre d’analyse stratégique et la Société française d’évaluation, et relayé par un discours de la Ministre de la Santé20. Il y avait été rappelé les fondements de l’EIS, à savoir la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (1986), la deuxième conférence internationale à Adélaïde qui institua l’objectif de « santé dans toutes les politiques publiques » et enfin les principes du consensus de Göteborg : « La charte contient la recommandation d’élaborer une politique publique saine, mais surtout les deux finalités de l’évaluation des impacts sur la santé : la promotion de la santé inscrit la santé à l’ordre du jour des responsables politiques des divers secteurs en les éclairant sur les conséquences que leurs décisions peuvent avoir sur la santé et en leur faisant admettre leurs responsabilités à cet égard21 ».

Lors de ce séminaire, des représentants québécois et suisses avaient été invités pour faire un

retour d’expérience sur la conduite de la démarche d’EIS. Suite à cette première journée d’échange, deux acteurs ont été à l’initiative de deux EIS que nous présenterons plus tard dans ce rapport : une EIS à Rennes et une autre dans la région Provence-Alpes-Côte-D’azur. Par ailleurs, de nombreuses administrations d’Etat présentes ce jour-là (Direction Générale de la Santé, Inspection des Affaires sociales, DRJSCS PACA) ont poursuivi un travail de promotion de l’EIS comme un nouvel outil d’aide à la décision et forment en ce sens « un réseau d’action publique22 » qui se consolide d’autant plus que la plupart des acteurs interrogés dans le cadre de notre étude se connaissent personnellement ou ont travaillé dans les mêmes structures23.

Enfin, il nous paraît important à ce stade de réflexion de mentionner les changements

majeurs apportés par la récente Loi Hôpital Santé Patients et Territoires (HSPT) du 21 avril 2009, qui pourraient conduire à une reconnaissance plus large des objectifs de santé publique à travers une nouvelle organisation territoriale du système de santé24. Ainsi, deux nouvelles institutions ont été créées par le regroupement d’institutions existantes25 et se partagent désormais les compétences pour la santé et les affaires sociales :

20 Journée d'échange sur les EIS, 29 Janvier 2015, organisée par l'EHESP, le pôle santé du CNFTP et l'INPES 21 Actes du séminaire « Évaluation d’impact sur la santé : méthodes diverses d’analyse », Centre d’analyse stratégique – 28 janvier 2010. 22 Cette notion de réseau d’action publique signifie que les politiques publiques ne sont pas uniquement produites par l‘Etat mais par un ensemble d’acteurs publics et privés en interaction beaucoup plus large : « Les réseaux d’action publique sont le résultat de la coopération plus ou moins stable, non hiérarchiques entre les organisations qui se connaissent et se reconnaissent, négocient, échangent des ressources et peuvent partager des normes et des intérêts. Ces réseaux jouent un rôle déterminant dans la mise sur agenda, la décision et la mise en place de l’action publique. » Massardier Gilles. P. Le Gales, M. Thatcher, dir. Les réseaux de politique publique. Débat autour des policy networks. In: Politix. Vol. 10, N°37. Premier trimestre 1997. pp. 177-183. 23 Ces différentes administrations seront détaillées dans le chapitre suivant selon le rôle qu’elles ont occupé dans la mise en place des premières évaluations d’impact sur la santé en France. 24 LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Titre IV « L’organisation Territoriale du système de santé ». 25 « Les ARS se substituent aux ARH, aux URCAM, aux MRS, aux GRSP et elles vont conduire à une profonde reconfiguration des DDASS et DRASS et du niveau régional des trois régimes. » Rapport sur la création des Agences régionales de santé (ARS), présenté à Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN Ministre de la santé, de la jeunesse et des sports par Philippe Ritter, préfet honoraire, Janvier 2008.

20

Les Agences Régionales pour la Santé (ARS) ont désormais la charge de piloter et de mettre en œuvre la politique de santé. Elles doivent promouvoir entre autres une meilleure articulation entre l’hôpital et la ville26 ;

Les Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) regroupent les pôles sociaux des Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), les Directions régionales de la jeunesse et des sports (DRJS) et les Directions régionales de l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé)27.

Dorénavant, c’est aux DRJSCS et aux ARS qu’incombe la tâche de guider les collectivités

locales dans la conduite de politiques favorables à la santé. Pour ce faire, elles proposent un certain nombre de dispositifs et d’outils tels que les Contrats locaux de santé ou les Ateliers Santé Ville dont les objectifs sont de créer une culture commune de la santé entre différents acteurs d’un territoire : « Les territoires sont un véritable enjeu d’articulation de la politique de santé avec des politiques menées au niveau local, que ce soit la politique de la ville ou la politique d’aménagement du territoire. Il y a un rôle et une responsabilité de l’ARS pour un déploiement de son projet régional de santé au niveau des territoires de la politique de la ville, des communes et de leurs groupements avec des instruments de contractualisation existants (contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), contrats locaux de santé28...) ». Cette nouvelle organisation se veut au service d’objectifs dont on retiendra pour notre analyse, la réduction des inégalités de santé, sociales et territoriales et la démocratie sanitaire. En effet, les évaluations d’impact sur la santé revendiquent les mêmes objectifs en fondant leur démarche sur la prise en compte de l’ensemble des déterminants sociaux de la santé et en promouvant la participation citoyenne. Dès lors certaines Agences Régionales de Santé sont aujourd’hui fortement impliquées dans la conduite des premières EIS en France (Plaine Commune, Lille, Nantes,…).

26 Le projet régional de santé mis en place par l’ARS court pour cinq ans, selon la loi il « définit les objectifs pluriannuels des actions que mène l’Agence régionale de santé dans ses domaines de compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre » Loi du 21 juin 2009. 27 http://www.drjscs.gouv.fr/ (consulté le 7 avril 2015). 28 Nicolas Prisse, « Les inégalités sociales de santé : un vade-mecum pour les agences régionales de santé (ARS) », in Les Actes du Colloque « Réduire les Inégalités sociales de santé », du 11 Janvier 2010, DGS, IReSP, Ministère de la santé et des sports (Cf. www.sante.gouv.fr/ consulté le 7 avril 2015).

21

PARTIE 2 : UNE METHODE D’EVALUATION

D’IMPACT SUR LA SANTE DES POLITIQUES

PUBLIQUES

I. PRESENTATION DE L’EIS

La définition la plus usée et courante des EIS a été admise et donnée lors du Consensus de Göteborg en 1999. Le consensus de Göteborg (sous l’égide du bureau régional de l’OMS pour l’Europe) avait produit un document destiné aux politiques afin de mettre en œuvre la démarche d’EIS et de pointer les outils qui serviront à leur exécution.

L’EIS consiste en un ensemble de procédures, méthodes et outils, qui visent à évaluer les

effets positifs et négatifs potentiels d’un projet sur la santé, ainsi que la distribution de ces effets au sein de la population.

Les EIS encouragent ainsi les politiques et les aménageurs à ce que leurs projets aient le moins

d’effets négatifs sur la santé de la population pour en favoriser les effets positifs. Nombreux gouvernements étrangers, comme notamment au Québec ou en Angleterre, se sont déjà attachés à intégrer les indicateurs de santé dans le développement de projets, ce qui montre une force d’intérêt pour les EIS ainsi que leur caractère universalisable.

Au début, si les EIS étaient plutôt intégrées dans les Evaluations d’Impact sur l’Environnement plus classiques, elles se sont émancipées grâce à l’émergence d’une méthodologie propre, s’appuyant sur une définition large de la santé et une prise en compte des déterminants sociaux de la santé Cela reflète la prise de conscience des conséquences sur la santé des décisions politiques et des projets publics. En Europe, le Traité d’Amsterdam indique dans son article 152, qu’« un haut niveau de protection de la santé humaine doit être assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et activités communautaires ». On voit par-là que les questions de santé doivent être au cœur des ambitions des pays membres de l’UE, les EIS pouvant être l’outil permettant de réaliser cet objectif.

Ainsi, une EIS est requise au sein même de la démarche politique, lorsque sont faites des propositions de modifier un projet existant, lorsqu’une consultation a mis en évidence des désajustements, ou lors d’amorce des nouveaux projets.

Une démarche d’EIS associe de manière presque systématique, les décideurs politiques et

promoteurs de projets, les citoyens potentiellement touchés par le projet et des experts. Ainsi, une EIS s’inscrit dans une approche holistique qui doit s’intégrer dans une démarche multidisciplinaire et intersectorielle29. Les EIS ne sont jamais identiques car leurs paramètres varient selon les contextes de réalisation. Les groupes qui travaillent sur une EIS peuvent en effet être de composition variable.

29 Louise Saint-Pierre, Évaluation préalable des impacts des politiques sur la santé des populations : une démarche nouvelle, La santé en Action n°424 – Juin 2013.

22

II. LES ETAPES DE L’EIS :

Nous avons observé qu’il existe un consensus entre beaucoup de pays pratiquant des EIS sur la méthode générale utilisée pour les réaliser. On parle en effet de 5 grandes étapes, à savoir :

LE DEPISTAGE (screening) : il s’agit de déterminer si la proposition doit faire l’objet d’une EIS et quels déterminants de santé pourraient être impactés. Sélectionner les programmes ou projets qui peuvent avoir un impact sur la santé est la première étape d’une EIS, ceux-ci seront retenus sur preuves scientifiques démontrées.

LE CADRAGE (scoping) : il faut ensuite déterminer le type de ressources et l’ampleur de l’EIS qui sera nécessaire pour l’analyse. Il s’agira par exemple de déterminer la durée nécessaire et la profondeur d’analyse requise. L’ANALYSE (appraisal) : la troisième phase est l’étape de l’évaluation des impacts qui est réalisée à l’aide de revues de littérature avec des données de terrain à la fois qualitatives et quantitatives.

LES RECOMMANDATIONS : l’étape des recommandations est la communication de l’analyse aux décideurs et des recommandations. Ils peuvent faire pleinement partie de tout le processus d’EIS et ainsi réaliser des ajustements de la proposition au fur et à mesure. La prise en compte du contexte de décision est nécessaire. Cette étape est très importante car il s’agit de faire de l’EIS un outil d’aide à la prise de décision.

L’EVALUATION : elle permet d’observer les effets de l’EIS sur la proposition du projet initial (modifications, ajustements, directement liés aux recommandations) et également les effets indirects de l’EIS sur les décideurs (sensibilisation).

Comme indiqué précédemment, ce cadrage reste très général et doit donc s’adapter à

chaque contexte. Il existe par ailleurs plusieurs types d’EIS. On peut ici présenter les trois différentes EIS qui sont classées selon leur durée et leur profondeur d’analyse : - on distingue d’une part les EIS « desktop », réalisées à partir de données existantes et exécutées en quelques jours. - les EIS rapides de leur côté, utilisent des informations existantes ou facilement accessibles sur le terrain et sont réalisées en quelques semaines. - enfin, il existe également des EIS complètes qui requièrent des recherches plus approfondies sur le terrain et sont menées sur plusieurs mois. => Notre enquête de terrain concerne ces trois types d’EIS.

23

III. COMMENT METTRE EN ŒUVRE UNE EIS ? Mettre en œuvre une EIS requiert des compétences scientifiques et analytiques dans le

traitement des données notamment. La méthode nécessite des compétences en gestion de projet, mais aussi des compétences rédactionnelles et relationnelles. L’apprentissage de la démarche et de la méthode d’EIS peut faire l’objet d’une formation (grâce à la structuration d’un réseau national et international via l’association Equiterre en Suisse, le groupe IMPACT à Liverpool, et le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé (CCNPPS) du Québec, initiateurs des EIS dans les autres pays). Des réseaux se développent également en France, notamment dans la ville de Rennes avec le Réseau Bretagne Urbanisme et Santé, R-BUS.

Ce qu’il faut retenir c’est que l’EIS est bel et bien un outil innovant permettant d’instaurer la

santé dans toutes les politiques. Il s’agit par ailleurs d’un dispositif qui tient compte de l’équité et de l’égalité en santé, puisqu’elle s’attache à évaluer la distribution des impacts des politiques au sein de la population. En outre, elle vise à favoriser l’empowerment des populations, et notamment des populations vulnérables, de par son processus même. En France, cette démarche relève encore d’un défi, même si l’on constate un contexte favorable à son évolution, en ralliant tous les secteurs à la démarche pour en faire un réel outil d’aide à la décision.

III. LE REGARD DE LA SCIENCE POLITIQUE SUR LES EIS

Il s’agit ici de vous présenter comment nous nous sommes saisis de cet objet de recherche en tant qu’étudiants en Science Politique. De manière générale, l’EIS nous intéresse en tant qu’instrument d’évaluation de la décision publique. A ce stade de notre parcours universitaire, il nous apparaît que cette évaluation s’inscrit au cœur de trois grands paradigmes actuels de l’action publique que nous étudions à Science Po, à savoir :

La transversalité :

L’EIS reprend l’exigence de transversalité que l’on retrouve au cœur du discours politique actuel. En effet, la place accordée à la santé dans les politiques transparaît dans nombreux domaines de l’action publique : aménagement du territoire, environnement, éducation, action sociale, … On peut alors parler en termes de transversalité au sujet de l’EIS, puisque cette démarche s’attache à évaluer la distribution des effets d’une politique en tenant compte des déterminants sociaux de la santé. Dès lors, quelle possibilité d’intégration de l’EIS au sein de pratiques de prise de décision encore fortement cloisonnées en France ? Le partenariat:

L’EIS invite d’autre part au partenariat puisqu’elle fait travailler ensemble une pluralité d’acteurs privés, publics ou parapublics. Plus qu’une évaluation normative, on recherche une forme de consensus acceptable. Or, cette acceptabilité résultante du dialogue est tenue pour être un gage d’efficacité, un autre axe fort des discours politiques actuels.

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La participation citoyenne

Enfin, l’EIS peut faire appel à la participation citoyenne et rejoint en cela un mouvement beaucoup plus large que celui de la « démocratie technique ». Chacun peut légitimement se prévaloir de son expérience et de ses connaissances pour évaluer un projet. A l’inverse, l’EIS peut également être mobilisée comme un outil de sensibilisation des populations dans une perspective plus top-down. C’est donc un instrument politique chargé de représentations.

C’est pourquoi, en tenant compte de ces trois paradigmes, l’EIS est pour nous un objet d’étude aussi intéressant que éminemment complexe, puisqu’elle se situe au croisement de plusieurs disciplines des sciences politiques : les sciences de l’administration publique, les sciences de la délibération et de la participation et, dans une moindre mesure, l’étude des mouvements sociaux dépendamment des acteurs qui se saisissent de cette évaluation.

25

PARTIE 3 : INSTITUTIONNALISATION DES

EIS A L’ETRANGER : ETUDES DE CAS

Dans cette partie, nous allons présenter notre étude sur dix pays étrangers dans lesquels

l’Evaluation d’Impact sur la Santé est présente, en s’intéressant plus particulièrement à quatre

territoires qui l’ont fortement développée : l'Angleterre, la Finlande, le Québec et la Suisse30.

Dans le cadre de cette étude, nous avons essentiellement mené une recherche

bibliographique en ce qui concerne la présence et les caractéristiques de la démarche d'EIS à

l'étranger. A cela s'ajoutent cinq entretiens que nous avons réalisés (un pour l’Angleterre, un pour

la Finlande, un pour le Québec et deux pour la Suisse) avec des acteurs porteurs de cette démarche

à l'étranger.

A la différence des territoires français pour lesquels nous allons garder l'anonymat des

acteurs interrogés (afin de respecter notre engagement auprès d'eux), pour les entretiens à

l'étranger, nous avons fait le choix de révéler l'identité complète des acteurs investis dans le domaine

de l'EIS et mondialement reconnus.

Voici d’abord, une brève présentation de la démarche d’EIS dans six pays que nous avons

présélectionnés mais que nous n’avons pas étudiés plus en profondeur, par manque de temps

principalement, à savoir : les Etats-Unis, l’Australie, la Slovaquie, le Danemark, les Pays-Bas et la

Thaïlande.

A la suite de ces présentations viendront celles, plus détaillées, de la présence de l’EIS en

Angleterre, en Finlande, au Québec et en Suisse.

30 Ces pays ont été sélectionnés sur la base de cinq critères présentés dans la partie 1 de ce rapport.

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27

Territoires non sélectionnés à

l’étranger I. PAYS-BAS

Au cours de nos premières recherches sur la démarche d’EIS dans le monde, les Pays Bas

semblaient être un pays avancé sur la question, notamment du fait que ce pays apparaisse dans

l’analyse comparative de l’OMS consacrées aux EIS. Nous avons dès lors décidé d’étudier plus

amplement la mise en place de l’EIS aux Pays Bas.

Nos recherches31 montrent que le développement de cette démarche aux Pays Bas s’explique

par un intérêt croissant pour les questions de santé au cours des années 1980. En effet, les Pays Bas

ont été un pays au cœur du développement de l’industrie lourde en Europe, or on le sait, cette

industrie est une des plus nuisibles au niveau sanitaire et environnemental. De ce fait, les différents

gouvernements ont, en contrepartie à ce développement, tenté d’élaborer différents indicateurs de

santé (odeur, bruit, qualité de l’air, etc.). Par cette approche de longue date en matière de systèmes

d’information sur la santé conjuguée à l’impulsion des procédés internationaux, les Pays Bas se sont

révélés être une terre d’accueil favorable à l’institutionnalisation de l’ÉIS, notamment au niveau

national.

D’autre part, en 1986, le Secrétaire d’Etat à la Santé a mentionné au sein d’un mémorandum

l’intérêt d’une politique plurisectorielle pour le développement des politiques de santé. A partir de

ce constat, en 1992, un rapport sur les politiques préventives en matière de santé mettant en avant

cette idée de travail intersectoriel à l’échelle nationale a été envoyé au Parlement.

C’est grâce à l’intérêt croissant pour les questions de santé et à l’intervention du Ministère de la

Santé pour impulser les politiques intersectorielles et les procédés internationaux, que l’on a assisté

à l’institutionnalisation de l’EIS aux Pays Bas. Dès lors, en 1993, le Ministre de la Santé s’est adressé

à un groupe d’experts de l’Ecole Nationale de Santé Publique afin d’établir un rapport sur la

possibilité de mener des EIS. Ce rapport conclue sur la nécessité d’une mise en place préalable des

EIS à titre expérimental sur des politiques nationales. Ce premier constat permet à ce groupe

d’experts d’étudier plus en profondeur entre 1993 et 1995 la question de la mise en place de l’EIS

aux Pays Bas. Les objectifs étaient alors de :

- Faire un inventaire des méthodes et des outils utilisés jusqu’alors dans le monde pour les EIS ;

- Travailler sur une méthodologie d’EIS au niveau des politiques nationales ;

- Développer les EIS ;

- Mettre en place des EIS à titre expérimental ;

31 Nos recherches s’appuient notamment sur deux rapports de l’OMS, à savoir : « Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’évaluation d’impact sur la santé » (2014) et « Experience with HIA at national policy level in the Netherlands : A case study » (2001).

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- Etudier la possibilité d’institutionnalisation de l’EIS aux Pays Bas.

Par la suite, c’est une somme de 230 000 euro par an (élevée à 340 000 euro par an) qui a été

allouée pour la mise en place de ce plan entre 1996 et 2001.

A partir de 1996, le groupe d’experts a sollicité le Ministère de la Santé afin de lancer des EIS

sur des politiques nationales, à chaque fois sous réserve d’acceptation de la part du Ministère. Une

fois que le Ministère donnait son aval le groupe d’experts se chargeait de la mise en place de l’EIS en

collaboration avec des instituts de recherches. Ainsi, entre 1996 et 2001, une petite vingtaine d’EIS

ont été effectuées sur des politiques nationales et notamment sur les politiques budgétaires et du

logement. Cependant, la mise en place des EIS aux Pays Bas se limite à l’action du groupe d’experts

et du Ministère de la Santé, parfois en opposition avec les secteurs dans lesquelles les EIS sont

appliquées, ce qui explique pourquoi le développement de la démarche d’EIS ne se soit pas poursuivi.

D’autre part, le recours à cet outil n'est en rien obligatoire mais seulement facultatif. Même si l’EIS

apparaît notamment dans la loi sur la santé publique, ce n’est que pour l’intégrer en tant que

démarche facultative au sein des EIE ou des EES32. De plus, le cadrage de la démarche reste flou car

ni la méthodologie ni les responsabilités ne sont définies au sein de cette loi.

Enfin, depuis 2001, il n'y a pas vraiment eu de nouvelles ressources sur les EIS et nous n’avons

pas pu avoir accès aux rapports sur les EIS effectuées entre 1996 et 2001 en langues anglaise ou

française.

Par conséquent, la limite du développement de l’EIS aux Pays Bas, la rareté des ressources

et leur manque d’actualité ne nous ont pas permis de conduire un travail plus précis sur ce sujet.

C’est donc la raison pour laquelle ce pays n’a pas été retenu dans le cadre de notre analyse

comparative sur les EIS.

II. ETATS-UNIS

Aux États-Unis, l’Évaluation d'Impact sur la Santé (EIS) ou Health Impact Assessment (HIA) est intégrée à l’Évaluation d'Impact sur l'Environnement (EIE) dans le cadre du National Environment Policy Act de 1970. Ce n'est donc pas une pratique très récente, mais le fait qu'elle soit réduite à un simple volet d'une étude plus large limite sa portée ainsi que les moyens qu'elle reçoit pour sa mise en œuvre. De plus, les EIE n'intègrent pas systématiquement une EIS.

Il n'existe pas de dispositif réglementaire contraignant les acteurs à produire des EIS, seulement des recommandations tandis que le cadre législatif relatif au dispositif en lui-même a peu évolué depuis 1970. Pourtant, le dispositif suscite un intérêt particulier : des groupes de travail sur les EIS existent, en partenariat avec des agences fédérales telles que l'EPA (Environmental Protection Agency) ou le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) et des manuels ont été publiés (Minimum Elements and Practice Standards for Health Impact Assessment par le North American HIA Practice Standards Working Group en 2010 par exemple) , mais les méthodologies utilisées ne sont pas homogènes, pouvant varier grandement d'une EIS à l'autre, y compris pour des EIS de même forme.

32 Evaluation d’Impacts Environnementale et Evaluation Environnementale Stratégique.

29

Par ailleurs, les EIS ne pas sont organisées au niveau fédéral, mais par les états ou au niveau

local par des acteurs aussi bien privés que publics. Les états qui en commandent le plus sont l'Alaska (à cause des préoccupations sur les effets environnementaux, sanitaires et culturels des activités minières entre autres) et la Californie. Toutefois, la propension à utiliser ou non l'EIE (et par extension l'EIS) varie énormément entre états, près de la moitié d'entre eux n'en ayant quasiment jamais commandé.

Une étude en particulier, commandée par l'EPA et conduite en 2011 sur 81 EIS portant sur 4

secteurs-clé aux États-Unis (transport, logement/construction/infrastructure, utilisation des terres, gestion des déchets/revitalisation des sites) avait pour objectif d'identifier les carences du processus, et les améliorations que l'on pouvait lui apporter en vue de sa promotion. Cette étude était basée sur la concordance avec les critères du manuel cité, mais les résultats montraient globalement que d'importants progrès étaient nécessaires (moins de 20 % des EIS ainsi évaluées remplissant les critères fixés par le manuel, dont le titre même précise qu’il s’agit des critères minimaux qu’une EIS devrait remplir).

Le rapport final met en évidence :

- Des problèmes méthodologiques récurrents concernant la collecte, le choix, l'utilisation et l'interprétation des données, un manque de terminologie commune, une implication souvent insuffisante (voire inexistante dans plus de 20 % des cas étudiés) des acteurs, stakeholders et des communautés concernées ; - Un déficit important dans la préparation d'un processus de communication des résultats des EIS afin d'informer le processus décisionnel et la population (5 % des EIS étudiées seulement avaient un tel plan), des problèmes de transparence quant au processus lui-même dans 35 % des cas (sources et documentations, méthodologie, résultats, financement, participants et leurs rôles...). - Une efficacité difficilement discernable avec un effet impossible à évaluer dans presque 40 % des cas, bien que les EIS dont les effets ont pu être évalués montrent généralement des résultats encourageants ; - Une intégration tardive des déterminants socio-économiques dans les données traitées par le processus.

En conséquence, bien que le cadre législatif et le dispositif lui-même existent aux États-Unis depuis 1970, que de nombreuses EIS y aient été pratiquées, qu’une littérature scientifique ainsi qu’un intérêt des autorités y soient reconnus, le manque d'indépendance du processus, les variations d'utilisation entre états qui empêchent de trouver une tendance nationale, le manque d'homogénéité méthodologique du processus, et la qualité variable des EIS en elles-mêmes nous ont conduits au final à ne pas choisir les États-Unis parmi les pays étudiés.

30

III. THAÏLANDE

Au début de nos recherches bibliographiques, nous avons intégré la Thaïlande dans la liste

des pays faisant l’objet de notre étude, car ce pays de l’Asie du Sud-Est fait preuve d’une très forte

particularité dans le contexte où la plupart des pays ayant mené des EIS sont des pays développés

et occidentaux.

En effet, le concept d’EIS a été pour la première fois présenté en Thaïlande en 2000, dans le

cadre de la Réforme du système national de la santé (National Health System Reform).33 L’année

suivante, la recherche et le programme de développement au sujet de l’EIS ont été établis sur le

territoire thaïlandais.34 Enfin, en 2002, le Ministère de la santé publique a créé, sous le Département

de la santé, la Sanitation and Health Impact Assessment Division dans le but de développer le

système d’EIS et de renforcer des textes et des outils vis-à-vis de la santé publique aux niveaux

national et local35.

Sur le plan législatif, en 2007, le système d’EIS a été défini de manière claire dans l’Acte

national de la santé B.E 255036 (National Health Act B.E 2550) qui lui a accordé un article, ainsi que

dans la Constitution du Royaume de la Thaïlande B.E 255037. Cette Constitution précise que les

programmes ou les activités qui pourraient avoir des conséquences négatives pour l’environnement,

les ressources naturelles ou la santé ne doivent être mis en œuvre sans qu’une évaluation d’impact

sur la santé et l’environnement soit menée38.

Il existe 4 niveaux différents de mise en place d’une EIS en Thaïlande39, à savoir :

L’EIS appliquée dans l’Evaluation d’impacts sur l’environnement (EIA-based HIA) ;

L’EIS appliquée dans les communautés ou au niveau local (community-based HIA) ;

L’EIS appliquée pour les politiques publiques de la santé (HIA for HPP) ;

L’EIS appliquée pour la gestion transfrontalière des impacts sur la santé et le

développement transfrontalier de la politique publique de la santé (HIA beyond the

border).

Etant donné cette hiérarchisation, les acteurs impliqués dans une EIS sont multiples : Etat,

administrations locales, communautés locales, organisations non-gouvernementales, instituts

académiques et citoyens. En effet, selon la Constitution de la Thaïlande, un individu ou un groupe

d’individus a le droit de demander une EIS auprès de l’Etat et d’y participer40.

33 The Academic Working Group on HIA 2008,Thailand’s HIA development report 2007-2008, 2008, p.8. 34 Ibid. 35 Ibid. 36 B.E 2550 désigne l’année 2007. 37 The Academic Working Group on HIA 2008, op. cit., p.9. 38 Jennifer H. Lee, Nathalie Röbbel, Carlos Dora, Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’évaluation d’impact sur la santé, 2014, p7. 39 The Academic Working Group on HIA 2008, op.cit., p.10. 40 Ibid, p.19.

31

Avec l’institutionnalisation progressive de l’EIS, les établissements de l’enseignement

supérieur jouent un rôle très important dans son développement et sa promotion. En Thaïlande, des

cours sur l’EIS (optionnels ou obligatoires) sont dispensés dans un certain nombre d’universités.41En

se regroupant en réseaux régionaux, (le réseau du nord basé à la Chiang Mai University, le réseau du

nord-est basé à la Khon Kaen University, le réseau du centre basé à la Mahidol University et le réseau

du sud basé à la Prince Songkhla University), ces universités offrent des structures d’analyse et des

ressources humaines dans la recherche sur l’EIS42.

Par ailleurs, force est de constater que la Thaïlande est très active dans la collaboration

régionale sur l’EIS. Ainsi, en 2001, 2003 et 2005, trois workshops internationaux ont eu lieu avec la

participation de la Thaïlande et de ses pays voisins qui avaient des expériences en la matière : Laos,

Vietnam, Cambodge, Malaisie et Australie43.

Enfin, depuis l’introduction de l’outil EIS, un certain nombre d’évaluations ont été menées

sur le territoire thaïlandais. A l’issue de nos recherches bibliographiques, nous avons trouvé une

huitaine d’études de cas d’EIS réalisées. Ces EIS couvrent des domaines divers : agriculture,

transport, aménagement, etc. Cependant, faute de données précises en langues anglaise et

française, le nombre total des EIS menées en Thaïlande reste inconnu. Par ailleurs, selon les

documents que nous avons analysés, deux agences étatiques de l’Etat thaïlandais - le Disease Control

Department du Ministère de la santé publique et l’Office of the Natural Resources and Environment

Policy and Planning du Ministère des ressources naturelles et de l’environnement - ont commencé

à élaborer des guides sur les EIS dans les Evaluations des impacts sur l’environnement (en général

ou spécifiques à un domaine précis) à partir de l’année 200744. Une fois de plus, lors de nos

recherches bibliographiques, nous n’avons trouvé qu’un seul guide EIS au sujet des ressources en

eau.

En somme, même si la Thaïlande apparaît comme un pays intéressant à étudier,

notamment du point de vue législatif et grâce à son dynamisme dans la recherche et la

collaboration internationale au sujet des EIS, le nombre limité de ressources en langues anglaises

et françaises et le manque de données, à la fois précises et récentes, ont constitué des obstacles

insurmontables dans le cadre de notre travail. Ainsi, ce pays ne fait pas partie de la liste des

territoires sur lesquels nous avons mené une recherche approfondie dans le cadre de notre étude.

41 Ibid, p.14. 42 Ibid, p.32. 43 Ibid, p.34. 44 Ibid, pp.22-24.

32

IV. AUSTRALIE

L’Australie fait preuve d’un intérêt sensible pour l’intégration de la protection de la santé et la réduction des inégalités de santé dans ses politiques publiques. Lors de l’émergence internationale de la démarche d’EIS, les Etats australiens se sont particulièrement engagés dans ce processus : des workshop se sont tenus notamment à Brisbane et Sydney et ont constitué une arène de discussions transdisciplinaires autour de l’EIS. Elles ont été l’occasion de mettre en lumière la méthodologie ainsi que des questionnements (intérêts et limites) de la démarche des EIS.

Le fait que le New South Wales ait élaboré un projet de « Health Assessment Impact Act » et rédigé un guide pratique en 2007, montre que la question est bien débattue dans le pays. Par ailleurs, à la différence d’autres pays, l’Australie a mis en avant l’importance de considérer les populations aborigènes dans son approche de la santé.

Au début de nos recherches bibliographiques, nous pensions donc que l’Australie serait

probablement retenue parmi les quatre territoires d’étude à l’étranger car elle apparaissait souvent comme référence en termes d’EIS. Finalement, il s’est avéré très complexe de trouver des informations claires et détaillées sur les EIS en Australie. Ces informations peuvent être résumées comme suit :

Des EIS intégrées aux Évaluations d’Impact sur l’Environnement (EIE)

Il convient d’abord de souligner le fait que la plupart des EIS en Australie, telles qu’on les perçoit en France, font partie intégrante des Évaluations d’Impact sur l’Environnement (EIE). En effet, la plupart des EIS en Australie sont mises en place dans le domaine de l’aménagement du territoire (urbanisme) et intégrées à ces EIE pratiquées par l’Australie depuis les années 1970. C’est en 1999 que la National Environmental Health Strategy a permis d’introduire les EIS dans les EIE.

Selon le NSW Public Health Bulletin, les EIS « ne sont pas un pré requis obligatoire dans les politiques ou programmes de développement dans aucun Etat ou territoire en Australie ».45 De fait, comme l’indique le guide des EIS en Australie de septembre 200146, les EIS permettent de compléter les démarches d’EIE afin de pallier à leur manque de structure concernant la santé, puisque les EIE ne reconnaissent pas les effets positifs que peuvent avoir certains projets d’aménagement. Ainsi, les EIS ne sont jamais conduites pour elles-mêmes mais bien intégrées à des études plus larges d’évaluation des risques ou impact sur l’environnement. Les EIS en Australie sont réalisées pour s’assurer que les considérations liées à la santé soient prises en compte dans les préconisations d’un projet d’aménagement.

Si l’on en vient à leur définition, les EIS sont considérées comme en France, selon la définition

de l’OMS, c’est-à-dire comme « une combinaison de procédures et méthodes par laquelle une politique, un programme ou un projet [est] jugé selon les effets qu’il [peut] avoir sur la santé d’une population ».

45 “Health impact assessment is not a mandated part of the policy or program development process in any state or territory in Australia” NSW Public Health Bulletin, juillet -août 2005, vol. 16, no. 7/8, page 107. 46 Health Impact Assessment Guidelines, septembre 2001, page 5.

33

En effet, en Australie, les EIS peuvent être mobilisées dans des projets de grande ampleur tout comme dans les projets de construction individuels, (émanant de l’État ou des cabinets d’urbanismes) ce qui aboutit à l’utilisation de diverses méthodes et techniques pour les mener à bien.

Par ailleurs, les EIS sont prévues pour être engagées avant le début de construction d'un

projet afin que les impacts sur la santé soient réduis au maximum. Elles auront toujours vocation à faire partie d’une démarche d’EIE puisque, comme l’indique le guide sur les EIS en Australie, « la santé humaine est un concept central du développement durable ». Le National Health and Medical Research Council Act de 1992 avait mis en évidence la nécessité de conduire des EIS dans les projets d’aménagement. En 1996, la Tasmanie fut le premier État à légiférer pour qu’une EIS soit un prérequis nécessaire à une EIE.

Un autre élément à prendre en compte, est que les EIS n’évaluent pas seulement les éléments dégradant la santé mais aussi les éléments qui vont dans le sens de l’amélioration des conditions de santé.

Enfin, la méthode employée pour mener des EIS en Australie s’inspire grandement de celle

employée en Grande Bretagne, pour la définition de la santé comme pour les étapes de l’EIS (screening, scoping, profiling, assessing health impacts, decision making, monitoring and evaluation). On considère que les EIS peuvent agir sur l’état de santé selon quatre critères :

- Les impacts potentiels sur l’environnement comme les projets qui augmentent ou diminuent

le risque d’incendies ;

- Les impacts potentiels sur la santé physique comme l’exacerbation ou la réduction de

certaines maladies ;

- Les impacts sociaux sur la santé comme certaines politiques qui vont créer ou détruire des

emplois ;

- Les impacts de santé sur une population précise comme les enfants ou les personnes âgées.

Le problème majeur que l’on peut relever est qu’en incluant systématiquement les EIS dans les EIE, certains projets d’aménagement n’ayant pas d’impacts environnementaux ne seront jamais évalués alors qu’ils peuvent avoir des impacts sur la santé. Autrement dit, il y a une véritable dépendance des EIS par rapport aux EIE, comme le précise le NSW Health Bulletin : « Les EIS prennent racines dans d’autres formes d’évaluations comme les évaluations d’impact sur l’environnement ou les évaluations de risques sur la santé ».47 Cela constitue un frein aux EIS, qui ne se sont toujours pas constituées en démarche autonomisée bien que, pendant la période 1999 – 2003, l’Australie ait cherché à renforcer le critère de santé dans les EIE. Par exemple, dans les années 2000, un programme fédéral de recherche s’est penché sur la question de l’autonomisation des EIS dans les EIE mais le projet n’a pas abouti.

47 “HIA has its roots in other forms of assessment such as environmental impact assessment and health risk assessment”, NSW Public Health Bulletin , juillet-août 2005. Vol. 16, no. 7/8, page 105.

34

Des données difficilement accessibles

D’autre part, nous avons constaté un manque de données sur les EIS en Australie. Il semble y avoir une littérature scientifique développée ainsi que des recherches spécifiques et précises sur les EIS, mais les articles scientifiques sont pour la grande majorité, non accessibles. Nous avons aussi noté une faible communication de la part de l’État sur le processus d’EIS. Ainsi, même après de nombreuses recherches, nous n’arrivons pas à déterminer exactement combien d’EIS ont été menées à ce jour et à quelle échelle. Par ailleurs, le guide réalisé au niveau national sur les EIS date de 2001, ce qui semble être assez ancien en termes d'informations à exploiter dans le cadre de notre étude.

Enfin, l’Australie ne dispose pas de plate-forme des EIS comme dans certains autres pays et nous n’avons trouvé aucun accès aux rapports des EIS réalisées jusqu'à ce jour.

Une législation morcelée

L’Australie est un territoire très décloisonné, sans véritable unité entre les différents États

qui fonctionnent de manière autonome. Cela aboutit à un manque de visibilité au niveau de la

gouvernance des EIS en Australie et sur le plan législatif. Il est important par ailleurs de noter qu’en

Australie, la mise en place de démarches d’EIS ne relève pas d’une responsabilité gouvernementale.

Ainsi, chaque État assume la responsabilité juridique des EIS (par exemple, en 1996 la Tasmanie a

institué un prérequis législatif pour inclure les EIS dans les EIE). L’État du Victoria a incorporé, quant

à lui, les EIS dans le Public Health and Wellbeing Act de 2008, ce qui aboutit à des enquêtes

systématiques sur le positionnement des EIS comme outil des politiques de santé publique par les

gouvernements locaux. Enfin, selon le New South Wales, l’Australie méridionale et l’Australie

occidentale ne disposent pas de législation concernant les EIS.

35

V. DANEMARK

Au fil de nos recherches sur le recours aux EIS dans le monde, nous nous sommes intéressés au cas danois.

En effet, le Danemark possède un important Réseau Villes Santé (Sund By Net), émanant de l’Organisation Mondiale de la Santé et membre actif de son European Healthy City Networks. Créé en 1991, « la mission du SBN est de renforcer la cohésion et le développement dans le domaine de la santé publique pour améliorer la santé de la population ». Ce forum professionnel indépendant a pour vocation la mutualisation des réseaux, des connaissances et des capacités de ses membres. Cela lui permet d’élaborer des modèles, des méthodes mais aussi d’offrir des cours et des conférences à leurs membres et aux acteurs publics importants. Aujourd'hui, environ deux tiers des gouvernements locaux font partie de ce réseau. Nous pouvons voir dans cet intérêt porté à la santé publique un terreau pour le développement des EIS au Danemark.

En 2005, une première étude sur l’utilisation des EIS au Danemark est menée conjointement

par l’Administration de la Santé et des Soins et l’Administration de la Technologie et de l’Environnement. Elle apporte des éléments de définition et un état de l’art des EIS au Danemark et à l’étranger. Cette étude est basée sur un questionnaire soumis à 271 municipalités et 14 régions pour connaître leur recours aux EIS ou à des outils semblables. Seules 141 municipalités ont répondu, dont 21 ayant déjà eu recours à des EIS. Les politiques soumises à ces EIS concernaient, par exemple, le rôle de la nutrition et de l’activité physique dans la promotion de la santé, l’impact du bruit sur la santé (énervements, troubles du sommeil, pression artérielle, maladies cardiovasculaires, facultés cognitives des enfants…) ou encore la diminution du tabagisme et l’augmentation du cyclisme en ville à Copenhague.

De manière générale, le niveau local danois apparaît comme un acteur très important dans

le domaine de la santé : il s'agit d'un système décentralisé. Si les communes n’ont que peu de pouvoirs en matière de santé, elles sont en charge de la prévention et de la promotion de la santé publique. En effet, la Health Law de 2005, révisée en 2007, délègue aux municipalités les politiques de santé publique et de promotion de la santé. Les régions, quant à elles, sont en charge du système de santé (health care). Cela explique l’implication relativement importante du niveau local dans le recours aux EIS. A ce sujet, nous pouvons citer l’exemple de la ville de Nordborg qui, depuis 2003, incorpore une EIS à la majorité de ses décisions politiques. D’autre part, un rapport de santé publique de 2008 montre que 25 % à 30 % des municipalités aspirent à avoir recours aux EIS de façon régulière. Enfin, en 2009, sous l’impulsion de la commune d’Horsen, les villes utilisant ou développant des EIS ont décidé de former un groupe informel pour réfléchir aux moyens de généraliser les EIS et afin d'échanger sur leurs expériences et leurs méthodes. Ce forum est soutenu par le Conseil National de la Santé danois, qui y voit le moyen de développer des méthodes et des outils indispensables aux EIS. Ainsi, le Danemark a une approche par le bas des EIS.

Par ailleurs, l’existence de très nombreux registres civils au Danemark facilite beaucoup la

mise en place d’EIS. En effet, depuis 1968, des registres sont tenus dans de nombreux domaines (logement, santé, éducation…) de la vie des citoyens danois, chacun ayant un numéro national propre.

Au niveau national, on note une certaine réticence face à l’institutionnalisation des EIS. En

effet, dès 1996, le ministère de la santé tente d’introduire les EIS dans les politiques nationales, mais

36

il se heurte au refus du gouvernement. Douze ministères danois ont signé une charte concernant la santé publique, mais ils ne semblent pas abonder dans le sens d’une mise en œuvre systématique d’EIS. Des villes, soutenues par des associations, ainsi que certains partis politiques (comme le Parti Socialiste Danois) ont tenté d’introduire le recours aux EIS dans la législation, sans succès. De plus, certaines instances de l’État (tel un comité de prévention des maladies) recommandent le recours aux EIS pour toute politique pouvant avoir un impact sur la santé.

Ainsi, depuis 2005, la situation des EIS au Danemark ne semble pas avoir vraiment changé.

Cela peut en partie s’expliquer par des réticences dues aux coûts financiers et aux délais souvent longs que cette démarche suppose : en effet, le travail d’évaluation peut par exemple retarder la prise de décision et allonger les discussions entre les décideurs et les parties prenantes. L’investissement financier est d’autant plus rejeté que les conclusions des EIS ne sont pas automatiquement intégrées aux processus de décision. En revanche, le fait que les conclusions des EIS soient rendues publiques apparaît comme une marque de transparence : les citoyens peuvent ainsi voir si la décision a été prise en tenant compte des résultats de l’EIS menée.

Enfin, l’implantation de l’EIS au Danemark reste lente car les travaux reposent davantage sur des recherches universitaires et sur l’infrastructure sanitaire locale, qui est peu développée en ce sens.

En conclusion, nous pouvons avancer que la situation danoise reste relativement similaire

à la France, malgré un nombre plus important d’EIS effectuées localement. Il n’y a pas de franche volonté au niveau national pour l’institutionnalisation de cette démarche. Comme en France, le recours aux EIS semble être davantage le fait de quelques acteurs concernés par le développement de politiques locales de santé publique (au sens de prévention et de promotion de la santé) plutôt que le résultat d’une injonction gouvernementale ou européenne. De plus, il n’y a que très peu de littérature en langue anglaise ou française sur les EIS. Ainsi, au vue du peu de ressources disponibles et du recours aux EIS peu développé par rapport à d’autres pays, il nous a paru judicieux de ne pas concentrer nos recherches et nos analyses sur ce pays dans le cadre de notre étude.

37

VI. SLOVAQUIE

Peu d’études ont été menées sur le développement des Evaluations d’Impact sur la Santé en

Slovaquie, pourtant cette démarche y est bel et bien implantée. Dans le cadre de notre étude, c’est

la consultation du rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé intitulé Analyse transnationale sur

l’institutionnalisation de l’Evaluation d’Impact sur la Santé et publié en 2014 qui nous a amenés à

traiter de ce pays.

Les recherches que nous avons effectuées sur la Slovaquie ont malheureusement été assez

brèves : en effet, après consultation du rapport de l’OMS, il nous a rapidement semblé que l’étude

approfondie de ce pays pour la suite de notre enquête ne serait pas bénéfique. Néanmoins, voici

quelques détails sur les informations que nous avons trouvées.

L’Evaluation d’Impact sur la Santé en Slovaquie est récente, elle a été institutionnalisée en

2010 par la Loi sur la Santé Publique (LSP) pour les principaux projets de politique publique. C’est

l’Agence de la Santé Publique qui détermine si les EIS sont nécessaires et qui accrédite les experts

qui les réalisent (chaque EIS est réalisée par un groupe de 21 experts). Par conséquent, la mise en

place de la démarche est due uniquement à une volonté politique. On peut noter également qu’une

réglementation contraignante sur la méthodologie et la procédure relatives à l'EIS est actuellement

en cours de rédaction.

L’EIS est souvent pratiquée dans le cadre d’une Evaluation d’Impact sur l’Environnement (EIE)

et, selon l’OMS, elle est souvent « noyée » dans une étude plus générale et donc peu approfondie.

Le Ministère de la Santé et de l’Environnement joue un rôle important dans la promotion de l’EIS

mais la définition de la santé reste restreinte aux impacts environnementaux (la réglementation sur

l’EIS est en effet intégrée aux lois sur l’EIE).

Par ailleurs, d’un point de vue plus formel, nous avons été confrontés à un manque de

ressources accessibles, autres qu’en slovaque. En effet, les ressources en anglais se font rares. Quant

à un contact possible, nous n’avons trouvé que le nom de Monica O’Mullane, une universitaire qui

a travaillé sur la question de l’institutionnalisation de l’EIS en Slovaquie, en se basant sur l’étude du

modèle irlandais.

Enfin, la Slovaquie souhaite proposer des formations sur l'EIS au niveau national et renforcer

les capacités des experts et du personnel des autorités de santé publique.

Il n’existe pas d'université enseignante, le nombre de professionnels est limité et aucune méthode

n’a encore été unanimement approuvée pour l’EIS. La Slovaquie compte aussi sur l’UE pour

promouvoir l’EIS. Malgré cette volonté, l’institutionnalisation de la démarche y est manifestement

encore trop jeune pour être exploitable.

38

39

Les quatre territoires d’étude

sélectionnés à l’étranger

L’Angleterre

Les Evaluations d’Impacts sur la Santé en Angleterre : Health Impact Assessments48

I. LES RAISONS DU CHOIX DE CE PAYS D’ETUDE ET NOTRE

METHODOLOGIE

L’étude du cas anglais dans nos recherches sur les évaluations d’impacts sur la santé à

l’étranger s’est rapidement imposée à nous. Comme nous allons le voir, la documentation disponible

est foisonnante et il semble que l’Angleterre soit un promoteur majeur de l’EIS, notamment du point

de vue méthodologique. Les HIAs y sont implantés depuis plus de vingt ans et le pays a su développer

un modèle d’évaluation dont se servent aujourd’hui d’autres pays, à commencer par la France, pour

expérimenter eux aussi l’évaluation d’impacts en santé.

Pour ce qui est de notre méthode de travail, l’Angleterre est l’un des quatre pays (hors

France) que nous avons choisi d’étudier plus en détail. Nous avons d’abord effectué des recherches

bibliographiques et nous avons été tout de suite frappés par le nombre de guides anglais disponibles

en ligne sur les évaluations d’impacts, ce qui nous a amenés à supposer que l’apport qualitatif et

méthodologique du pays serait sans doute intéressant pour l’étude-même des EIS en France.

Nous nous sommes d’abord renseignés sur le Royaume-Uni dans son ensemble. Il nous est

alors apparu que les HIAs n’étaient pas développés qu’en Angleterre mais également au Pays de

Galles. Cependant, étant donné le temps imparti à la réalisation de notre étude, il fallait faire un

choix et finalement c’est l’Angleterre que nous avons sélectionnée.

48 Dans cette partie, nous emploierons l’abréviation HIA, Health Impact Assessment, (traduction de l’Evaluation d’Impacts sur la Santé en anglais) afin de ne pas commettre d’erreur de sens.

40

En renseignant un tableau de données que nous avions préalablement créé, destiné à tester

les différents pays auxquels nous nous sommes intéressés et à sélectionner les plus représentatifs

en matière d’EIS, nous avons pu obtenir un premier aperçu du niveau d’institutionnalisation des HIAs

en Angleterre, du contexte politique dans lequel ils évoluent et du type-même de HIAs réalisés

principalement sur le territoire. Nous avons également listé les différents auteurs que nous avons

croisés au cours de nos recherches et nous avons établi une liste de contacts possibles. Parmi eux,

trois noms reviennent régulièrement, ainsi que certains de leurs ouvrages :

- John Kemm, spécialiste des études d’impacts et de la santé publique. Il a d’abord suivi une

formation scientifique en médecine. Enseignant dans plusieurs universités, il a travaillé pour

plusieurs administrations de santé publique (comme la South Birmingham Health Authority). Il a

pratiqué lui-même de nombreux HIAs et est aujourd’hui directeur de l’Observatoire de la Santé

Publique du West Midlands49. Il dirige également une société de consulting en santé publique qui

porte son nom : JK Public Health Consulting. Nous pouvons brièvement citer quelques-uns de ses

ouvrages : « Health Impact Assessment : Concepts, Theory, Techniques and Applications » (2004), ou

« Health Impact Assessment : Past Achievement, Current Understanding, and Future Progress »

(2013). Enfin, ce spécialiste est souvent appelé à participer à des conférences sur les évaluations

d’impacts et paraît être un acteur phare de leur pérennisation ;

- Alex Scott Samuel, enseignant à l’université de Liverpool, auteur de plusieurs guides sur les

HIAs, a lui aussi bénéficié d’une formation scientifique en médecine. Il a travaillé pour la Liverpool

Health Authority et, depuis 1994, apparaît comme très impliqué dans le Département de la Santé

Publique de l’université de Liverpool (University of Liverpool’s Department of Public Health and

Policy). Il y dirige notamment deux formations sur ce thème : la première, appelée IMPACT50

(International Health Impact Assessment Consortium), et la seconde, EQUAL (the Equity in Health

Research and Development Unit). Alex Scott Samuel est enfin directeur de l’Observatoire de la Santé

Publique de Liverpool (Liverpool Public Health Observatory), rattaché à l’université. Parmi ses

ouvrages, nous citerons « The politics of health. Community Medicine » (1976), « The Merseyside

Guidelines for Health Impact Assessment » (publié par IMPACT en 2001), ainsi qu’un guide à

destination de l’Union Européenne : « EPHIA – European Policy Health Impact Assessment » (coécrit

en 2004 avec de nombreux autres auteurs) ;

- Enfin, il convient de présenter Hilary Dreaves, qui nous a accordé un entretien téléphonique

sur les HIAs en Angleterre. Egalement enseignante-chercheuse à l’université de Liverpool avec Alex

Scott Samuel, Hilary Dreaves a rejoint la formation IMPACT en 2005. Auparavant, elle a travaillé

pendant vingt-sept ans pour le Système de Santé Publique du Royaume-Uni51. Elle dispose, elle aussi,

d’une formation en médecine (dentaire) et a participé à la réalisation de nombreuses études

d’impacts sur la santé grâce au groupe IMPACT en rédigeant de nombreux comptes-rendus sur les

49 West Midlands Public Health Observatory 50 Voir partie 3 institutionnalisation des EIS à l’étranger : étude de cas / L’Angleterre 51 NHS : National Health Service

41

expériences menées52. En effet, nous avons réalisé avec elle un entretien au mois de décembre qui

nous a permis, sur la base d’une grille d’entretien spécialement traduite, d’obtenir des précisions sur

la vision anglaise du HIA et sa définition en tant que concept méthodologique, ainsi que sur

l’influence d’IMPACT sur la promotion des évaluations d’impacts sur le territoire français. C’est ainsi

que nous avons, par exemple, appris que Hilary Dreaves s’était rendue en France (à Paris) pour

former les acteurs de l’EIS qui y a été menée.

Enfin, nous avons choisi quelques études de cas afin de pouvoir rendre compte plus

précisément de la variété, de la diversité et du degré de publicisation des HIAs en Angleterre, ainsi

que des difficultés qui se posent encore à leur développement sur le territoire. Nous avons ainsi

sélectionné six rapports d’évaluation que nous avons lus et analysés, pour en tirer des points

communs et des divergences et en proposer un aperçu, non exhaustif.

II. LES HIAs EN ANGLETERRE : UN DEVELOPPEMENT PAR LE BAS

ET UNE INSTITUTIONNALISATION PROGRESSIVE

Nous allons à présent nous intéresser à la façon dont les HIAs ont su trouver leur place en

Angleterre. Ce n’est pas d’une quelconque volonté politique ou réglementaire qu’y est né l’intérêt

pour la santé publique et les inégalités sociales de santé. Ce souci, ainsi que celui de l’évaluation des

politiques, a d’abord été instauré par le bas, par les universitaires de Liverpool, qui dès le début des

années 1990 ont mis en place et proposé une méthodologie précise des HIAs : la méthodologie de

Merseyside53. Celle-ci a été reprise et promue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et

inspire aujourd’hui de nombreux pays souhaitant expérimenter la démarche, dont la France, comme

nous allons le voir dans la suite de ce rapport.

Historiquement, l’Angleterre est un pays pionnier dans la mise en pratique des Health Impact

Assessments, avec une des premières expériences menée à Manchester en 1994, au sujet de la

création d’une nouvelle piste d’atterrissage pour l’aéroport de la ville.

Plus généralement, la naissance des HIAs en Angleterre s’inscrit dans un processus

d’élargissement de la compréhension de la notion de santé. La considération est en effet passée du

soin individuel et médical à la recherche et à l’étude des différents facteurs globaux pouvant

influencer la santé de l’ensemble des individus et des populations. Cette nouvelle définition s’est

développée dans un objectif d’aide à l’amélioration des décisions publiques.

52 Rapports disponibles en ligne (http://www.liv.ac.uk/psychology-health-and-society/staff/hilary-dreaves/publications/). 53 Utilisée également comme méthodologie pour mener les deux EIS de la ville de Rennes.

42

Les auteurs suivants, connus à l’international pour leurs théories notamment comme étant à

l’origine de l’intérêt porté aux conséquences des décisions publiques sur la population, ont inspiré

ce changement de perspective en Angleterre54:

- Le rapport Lalonde, qui en 1974 fait d’un mode de vie plus sain le principal objet d’étude

de la notion de santé, au détriment des soins médicaux individuels ;

- Le diagramme de Dahlgren et Whitehead, proposé en 1991 et utilisé pour décrire selon

différentes strates successives les déterminants de la santé d’un individu ;

- Un article de Nancy Milio, daté de 1986, dans lequel l’auteur énumère les voies par

lesquelles les politiques publiques ont un impact sur la santé des individus55.

Ce très bref résumé de la prise de conscience des impacts des politiques sur la santé des

individus inspire la méthodologie aujourd’hui prônée par l’Angleterre en matière de HIA.

III. POINT METHODOLOGIQUE : QUELQUES SPECIFICITES DES HIAs

EN ANGLETERRE

A. Le terme assessment En Angleterre, il existe une variété d’études, désignées en français par le terme

« évaluation », mais qui sont en anglais des « assessments, judgements, studies ». Selon Hilary

Dreaves, « la définition d’une EIS et d’un HIA est différente », au sens où la définition et la

méthodologie françaises restent très globales, alors que l’utilisation anglaise de ce terme est précise

et différenciée56. Il existe une multitude d’études d’impacts (« a spectrum ») et leur compréhension

dépend du vocabulaire utilisé.

B. La dimension participative des HIAs L’ « Impact Assessment », ou l’évaluation d’impacts, n’est pas une méthode scientifique, nous

l’avons déjà souligné dans l’étude du territoire français. C’est un procédé adaptable et l’un de ses

aspects primordiaux, souligné par Hilary Dreaves lors de notre entretien, est celui de la participation

(« HIA is highly participative »). Jean Simos, directeur du réseau S2D en Suisse, insiste également

dans l’entretien que nous avons réalisé avec lui sur l’importance de la dimension participative du

système anglais : « Il est commun chez les anglo-saxons de faire participer le citoyen, la participation

communautaire y est traditionnellement directe ».

Hilary Dreaves a également illustré son propos en citant l’exemple de la Thaïlande, où ce n’est pas

l’EIS elle-même qui est imposée par la loi, mais bien le droit dont dispose chacun de demander la

réalisation d’une EIS. La place du citoyen est ainsi mise en avant.

54 L’influence de ces auteurs sur la prise en considération de la santé dans les politiques publiques n’est évidemment pas spécifique à l’Angleterre, mais ces éléments ont joué un rôle dans la sensibilisation des acteurs actuels de la santé publique et plus spécialement des HIAs dans le pays. 55 Ces trois points sont cités dans l’article de John Kemm publié dans la revue Télescope, volume 14 n°2 printemps-été 2008, « Les expériences d’évaluation d’impact sur la santé au Royaume-Uni et leur traduction dans les politiques publiques », p.1-15. 56 Ce point est exposé dans la partie sur les freins et leviers au développement des EIS du présent rapport.

43

A posteriori, il semblerait que pour les anglo-saxons ce n’est pas la réalisation de l’évaluation

elle-même qui est importante mais la question de savoir si ses recommandations sont prises en

compte (cette question se pose aussi dans le cas français, comme nous allons le voir dans la suite de

ce rapport). A titre d’exemple, Hilary Dreaves a évoqué l’un des HIAs qu’elle a réalisé et pour lequel

elle a reçu deux ans après une lettre l’informant que ses recommandations allaient être prises en

compte. Or, le délai montrait bien que l’évaluation n’avait pas été prise très au sérieux, voire mise

de côté.

« L’efficacité du HIA est mesurée a posteriori par l’application qui en est faite », nous dit Hilary

Dreaves. De plus, elle dépend de la politique menée. Les mandats électoraux en Angleterre ne sont

pas longs, les élus changent régulièrement : cela limite le bon développement des HIAs, qui sont

longs à mettre en place. Leurs recommandations ne sont donc pas toujours bien appliquées ou prises

au sérieux. Ce problème lié à la vision à court-terme se retrouve également dans le cas français.

C. L’évolution de l’intérêt porté à la démarche Toujours selon Hilary Dreaves, à l’exception du domaine commercial, de plus en plus de

personnes s’intéressent aux HIAs car ils sont considérés comme une « bonne pratique » (« good

practice »). C’est une politique de prise en compte de la santé d’autrui.

En revanche, le secteur de l’entreprise ne semble pas sensible à cette philosophie : les représentants

ce secteur sont moins intéressées par ce qui se passe « à l’extérieur de leurs murs » (donc par les

conséquences de leurs actions en dehors de l’entreprise). Les entreprises s’intéressent en revanche

aux EIA, Environmental Impact Assessments 57, plus anciennes, plus structurées et qui relèvent de la

planification, de ce qui est inhérent à un projet, alors que les HIAs se préoccupent des conséquences

d’un projet.

57 L’équivalent des EIE françaises.

44

IV. COMMENT LES HIAs ONT TROUVE LEUR PLACE DANS LES

PRIORITES DES POUVOIRS PUBLICS ?

Lors d’une conférence donnée à Genève sur les HIAs en octobre 201358, John Kemm a relaté

l’apparition historique dans les textes officiels du souci de la santé publique, encourageant ainsi la

réalisation de HIAs. Le mouvement fut particulièrement fort à la fin des années 1990.

En effet, en 1998, le Ministère de la Santé (Department of Health) publie un plan de santé

publique du gouvernement britannique, intitulé Our Healthier Nation (« Notre nation en meilleure

santé », littéralement), qui stipule que « le gouvernement appliquera l’évaluation d’impact sur la

santé à ses principales politiques lorsque cela s’avère pertinent, de sorte que, lorsqu’elles sont

élaborées et mises en œuvre, les conséquences de ces politiques sur la santé soient prises en

compte59 ». A la suite de cette publication, des conférences ont eu lieu et des subventions ont été

accordées par le Ministère de la Santé, afin de soutenir la réalisation d’évaluations d’impacts sur la

santé.

On constate depuis une place grandissante du souci de la santé publique dans la mise en

œuvre des politiques locales et nationales. Initialement instauré par le bas, le HIA est aujourd’hui

institutionnellement reconnu. Dans les années 2000, les documents officiels, principalement publiés

par le Ministère de la Santé, portant sur les bienfaits des HIAs et sur leur méthodologie, se sont

multipliés60.

Finalement, l’évaluation d’impact en Angleterre est aujourd’hui institutionnalisée à l’échelle

nationale. Elle est même rendue obligatoire dans certains cas à l’échelle locale, depuis le Health Act

de 200761. En effet celui-ci, précisément intitulé Local Government and Public Involvment in Health

Act 2007, dispose dans son chapitre 28, partie 5, chapitre 1, d’une section 116 titrée Health and

social care : joint strategic needs assessments, qui traite de la santé publique et des évaluations

d’impact à l’échelle locale. Cette section impose les évaluations d’impact aux collectivités locales

dans leur domaine d’action respectif62, donne le pouvoir au Secrétaire d’Etat (Secretary of State)

d’exiger la mise en place d’une étude d’impact, et l’encourage de manière générale, même dans les

cas où celle-ci n’est pas exigée par une autorité.

58 13ème Conférence Internationale sur l'Evaluation d'impact sur la santé, du 2 au 4 octobre à Genève, Suisse. Liste des intervenants et programme disponibles en ligne : http://www.unige.ch/medecine/eis2013/Programme_en.html 59 Citation traduite de l’anglais par la revue « Télescope » précédemment citée, p.1. 60 Nous avons par exemple consulté des guides destinés aux décideurs publics et disponibles en ligne sur le site du Ministère (Choosing Health, Making healthy choices easy de 2004, plusieurs documents de 2010 tels que Quantifying health impacts of government policies, ou les trois volumes du guide Health Impact Assessment Tools). 61 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2007/28/pdfs/ukpga_20070028_en.pdf 62 “An assessment of relevant needs must be prepared in relation to the area of each responsible local authority », chapitre 28, partie 5, chapitre 1, section 116 (1).

45

Ainsi, le portage politique a permis le développement de la pratique des HIAs, tout en laissant

à la méthode sa souplesse et sa richesse pratique. En d’autres termes, les textes officiels encouragent

la pratique de la démarche, sans contraindre sa méthodologie. Nous noterons par ailleurs que les

évaluations peuvent tout autant être menées dans un cadre non-règlementaire63, ce qui est souvent

le cas en Angleterre.

Enfin, le guide Health Impact Assessment Tools de juillet 2010, publié par le Département

britannique de la Santé et mentionné ci-dessus, souligne l’importance de la participation commune

des différents acteurs de la démarche HIA, comme les autorités, les économistes, les spécialistes des

différents points d’étude sur lesquels portent les HIAs (santé publique, urbanistes, …) ou encore les

citoyens, afin que ces évaluations soient menées efficacement. En effet, qui que soit le

commanditaire de l’évaluation, celle-ci doit être menée en collaboration avec les différentes parties

prenantes. Cet aspect intersectoriel et participatif est véritablement primordial dans la

méthodologie anglo-saxonne. L’action commune de plusieurs acteurs permet d’atteindre différents

objectifs, comme l’a souligné Hilary Dreaves en entretien, en affirmant que « l’EIS rassemble trois

aspects : la justice sociale, une participation massive et une volonté d’influencer les décideurs ».

V. LES HIAS AUJOURD’HUI, UNE PRATIQUE BIEN IMPLANTEE

Comme nous l’avons vu, grâce à l’impulsion universitaire et à la prise de conscience des

pouvoirs publics, les HIAs sont désormais très bien implantés en Angleterre.

Selon Hilary Dreaves, il existerait aujourd’hui plus de quatre-vingt-quatre guides sur les HIAs.

En effet, de nombreuses villes ont officialisé au niveau international leur volonté d’agir en faveur de

la santé pour tous et ont rejoint le réseau des Villes-Santé de l’OMS, comme Liverpool, Sheffield,

Manchester, Brighton, Sunderland, Newcastle, etc. Il faut d’ailleurs noter que la phase six du

programme Villes-Santé 2014-2018,64 vise à accompagner les gouvernements locaux dans la

valorisation de la santé pour tous et la réduction des inégalités sociales de santé. Deux objectifs

globaux sont en effet annoncés par cette sixième phase :

- « Lutter contre les inégalités en santé ;

- Promouvoir le leadership et la gouvernance participative des villes pour la santé65 ».

La ville de Londres est un bon exemple de promotion de la santé pour tous à l’échelle locale.

De fait, des HIAs y sont menés régulièrement depuis 2002. En 2013, une initiative a été lancée par le

maire de Londres, Boris Johnson, qui a mis en place la London Health Commission66, une commission

qui a pour objectif d’examiner comment la capitale peut agir pour favoriser la santé de ses habitants.

Nous avons trouvé cette commission intéressante à étudier parce qu’elle est indépendante (c’est-à-

63 Par exemple, en 2012, les responsables de l’aéroport Luton de Londres ont porté eux-mêmes une EIS sur le projet de son agrandissement dans le but d’accueillir dix-huit millions de passagers annuels d’ici 2028. 64 Evoquée dans la partie du rapport sur les EIS dans la ville de Rennes. 65 Phase VI (2014-2018) du Réseau européen des Villes-santé de l’OMS : objectifs et conditions, tableau récapitulatif des objectifs et thèmes de la phase VI, p.16. 66 http://www.londonhealthcommission.org.uk/

46

dire que ses rapports et recommandations sont adressés directement au maire) et parce qu’elle met

directement en lien les autorités locales avec le grand public londonien qui a accès par internet aux

différents travaux menés et est invité à participer aux débats en répondant à un certain nombre de

questions sur le domaine de la santé. Ces éléments montrent bien que les impératifs de participation

citoyenne et d’action locale sont liés et se veulent ainsi d’autant plus efficaces.

Dans la pratique, les HIAs sont principalement menés au niveau local. Ils sont souvent

associés aux plans locaux de transport ou d’aménagement de l’espace. Il faut également préciser

que les HIAs appliqués aux politiques locales sont considérés comme des HIAs de projet (project), à

distinguer des HIAs portant sur des mesures politiques (policy) ou des programmes (strategy). Même

si la distinction entre ces trois termes reste imprécise, c’est néanmoins selon ces trois catégories que

sont divisés les rapports de HIAs disponibles sur le site du HIA Gateway67. La plupart des HIAs réalisés

au Royaume-Uni sont des HIAs de projet.

Au niveau national, le pays dispose d’un portail dédié aux Evaluations d’Impact sur la Santé,

le HIA Gateway, où toutes les expériences menées sont répertoriées, classées et analysées. Il y a

également sur ce portail des guides de HIAs, des informations sur les conférences internationales

portant sur ce thème, une bibliographie récente et même des propositions de formation à cette

démarche.

Concernant la formation des professionnels des HIAs, l’université occupe toujours une place

importante. Il existe par exemple l’Institut pour la Santé et le Développement Humain (ou IHHD) de

l’université de Londres-Est, ou la formation IMPACT de l’université de Liverpool, précédemment

citée. Selon Hilary Dreaves, ce groupe est d’une importance majeure en Angleterre et à

l’international. Elle nous a affirmé en effet que « la formation IMPACT à Liverpool a créé l’EIS et toute

sa méthodologie sur laquelle se basent tous les pays du monde, y compris la France». Le site qui lui

est dédié68 contient lui-même une base de données sur toutes les HIAs réalisées et propose même

des ateliers et séminaires ouverts à tous, ainsi qu’un parcours universitaire et un diplôme de master

sur le thème de la santé publique et des HIAs.

Ce travail d’analyse a été un préalable nécessaire à la compréhension du contexte dans lequel

les évaluations d’impact ont pu se développer en Angleterre. Il nous est ensuite apparu

indispensable de nous intéresser à quelques cas concrets de mise en pratique des HIAs en

Angleterre.

67 http://www.apho.org.uk/default.aspx?RID=44538 68 http://www.liv.ac.uk/psychology-health-and-society/research/impact/about/

47

VI. ILLUSTRATION PAR L’ETUDE DE QUELQUES CAS D’HIAS

Comme nous l’avons annoncé en introduction, nous avons sélectionné six rapports de HIAs

disponibles sur la plate-forme du HIA Gateway afin de nous rendre compte concrètement des étapes

de réalisation de cette démarche en Angleterre et des différents objets qu’elle peut concerner.

Pour ce faire, nous avons choisi des projets différents pour chaque HIA, à partir de la liste

présente sur le site, répertoriant plus de deux-cent expériences. Voici un tableau récapitulatif de

notre analyse :

Nom de l’étude et année de

réalisation

Lieu et échelle de réalisation

Nature de l’objet évalué

Thème concerné

Type d’HIA réalisé

Temporalité du HIA par rapport au

projet

Acteurs porteurs et

associés

1- London low emission zone HIA,

200669

Ville de Londres

Stratégie (strategy)

Qualité de l’air Complète Prospective Transports for

London, et AEA Technology

2- HIA of High Town East Village

Design Codes, 201070

Quartier de la ville de

Luton

Stratégie (strategy)

Planification, logement et services de

santé

Complète Concomitante

Membres du Borrough

Council (conseil municipal)

3- HIA of the Exeter Prospects Project,

200471

South West, comté de

Devon

Projet (project)

Drogue, réinsertion

« intermediate » Prospective

Devon Health Forum (groupe de pilotage de six personnes)

4- HIA of the Liverpool Healthy Homes Program,

201372

Ville de Liverpool

Projet (project)

Aménagement logement

Rapide Rétrospective Université de Liverpool, HIA

Research Fellow

5- HIA of the Patient Choice Agenda, 200673

Echelon régional –

North West

Mesure politique (policy)

Santé Complète Prospective Liverpool Public

Health Observatory

6- Clarendon Square at Haringey Heartlands Outline

Planning Application, 200974

Ville de Londres

Mesure politique (policy)

Urbanisme Rapide Prospective NHS, Haringey

Heartlands

Nous avons essayé de constituer un panel diversifié des HIAs réalisés, tant par leur échelon,

les acteurs qui les ont portés et la nature de l’objet évalué, que par le type d’évaluation menée. Il est

difficile de rendre compte en profondeur et en seulement quelques lignes de l’efficacité de ces HIAs,

mais voici quelques points d’analyse que nous avons relevés.

69 http://www.apho.org.uk/resource/item.aspx?RID=120505 70 http://www.apho.org.uk/resource/item.aspx?RID=121544 71 http://www.apho.org.uk/resource/item.aspx?RID=44169 72 http://www.apho.org.uk/resource/item.aspx?RID=133471 73 http://www.apho.org.uk/resource/item.aspx?RID=54648 74 http://www.apho.org.uk/resource/item.aspx?RID=73461

48

Tout d’abord, chaque HIA vise à identifier toutes les conséquences d’un projet, afin de limiter

les impacts négatifs et de développer les impacts positifs. L’évaluation s’intéresse essentiellement à

l’« après-projet » et a ses apports possibles pour une ville et sa population. Prenons l’exemple du cas

n°2 : le plan évalué porte sur le logement, l’emploi, la vente, la communauté, les fonds pouvant

répondre aux besoins locaux et améliorer l'image et le fonctionnement de High Town (quartier de la

ville de Luton). Cette démarche s'inscrit en partie dans l'idée que Luton participe à la croissance des

emplois et des logements à l'échelle de la région. Le HIA prend donc en compte les apports que

peut avoir le plan, a posteriori, sur l’ensemble de la communauté.

Dans le cas n° 3, le programme mis en place porte sur la réinsertion de prisonniers ayant

purgé leur peine. Le HIA souligne l'importance de pouvoir suivre ces personnes et de continuer à les

soutenir, notamment dans leur accès au logement, à l’emploi ou dans leur mode de vie, même une

fois le programme terminé. L'objectif général est d'aider les personnes ayant réalisé des peines de

moins de douze mois à reprendre une vie normale, à se réinsérer dans la société et à vivre sans les

drogues qui, pour la plupart, les ont conduits en prison. Les prisonniers participent de façon

volontaire à ce programme considéré comme une sorte de thérapie. Enfin, ce programme veut aussi

privilégier la communication avec la population locale pour éviter les perceptions négatives qu'elle

pourrait avoir d’un tel projet.

Les objectifs poursuivis par les HIAs sont clairement expliqués dans chaque rapport des HIAs

elles-mêmes. En revanche, pour ce qui est du suivi des HIAs et de leurs recommandations

notamment, nous remarquons que peu d’informations sont disponibles. Nous n’avons trouvé qu’un

seul rapport d’évaluation de HIA, concernant le sixième cas de notre tableau75, qui indique que,

même si certaines recommandations ont été prises en compte, beaucoup d’autres ont été rejetées

ou sont toujours à l’étude, deux ans après le HIA (le rapport d’évaluation ayant été publié en 2011

et le HIA ayant été réalisé en 2009). Pour les autres cas que nous avons regardés, nous considérons

soit qu’aucun rapport d’évaluation n’a été rédigé, soit qu’il n’a pas été publié.

Bien que les rapports eux-mêmes soient relativement complets, certaines limites récurrentes

auxquelles les acteurs des HIAs doivent faire face y apparaissent. Par exemple, le rapport n°3

regrette le manque d’accessibilité des ressources et des données utiles à l’étude. Le rapport n°5

souligne, quant à lui, le poids de la volonté individuelle dans le suivi de ses recommandations et

appréhende la non-applicabilité de certaines d’entre elles. Enfin, l’utilisation des résultats mis en

avant reste l’apanage des responsables du projet évalué et de leur bon vouloir.

Pour ce qui est du bilan des HIAs, celui-ci apparaît comme étant positif dans quasiment

chaque rapport. Le compte-rendu du cinquième cas, par exemple, souligne le large panel de

déterminants de santé pris en compte dans les recommandations. Le quatrième rapport explique,

quant à lui, qu’à l’origine, le HIA réalisé devait être assez simple et court, mais que dès les premières

recherches, de nouveaux éléments d’étude sont apparus et ont augmenté la charge de travail

nécessaire. Cet élément souligne la capacité d’enrichissement d’un projet dont dispose le HIA. Il

permet donc de découvrir des intérêts non-identifiables « à l’œil nu ». Enfin, la fin du troisième

75 http://www.london.gov.uk/sites/default/files/planning_decisionsclarendon_square_haringey_heartlands_report.pdf

49

rapport annonce même qu’une équipe travaillant sur un autre projet du même type a déjà pris

connaissance du HIA réalisé et envisage de l’appliquer à son propre cas. Il semble donc que les

évaluations en Angleterre soient menées très sérieusement par des personnes investies et

volontaires.

Ainsi, ces rapports nous montrent que les HIAs en Angleterre sont menés sur des projets de

toute sorte et par des structures différentes, que la législation encadre et promeut la démarche, en

encourage la pratique régulière, mais que la difficulté reste celle de la prise en compte du HIA dans

la réalisation même d’un projet. Plusieurs raisons poussent à la non-prise en compte des

recommandations : le coût, le temps nécessaire, le stade du projet évalué parfois trop avancé, etc.

Il semble donc que la prochaine étape à suivre afin d’encourager l’implantation des HIAs en

Angleterre, est celle de leur suivi, qui est soit trop lent, soit trop faible, voire même inexistant. Il ne

suffit pas de réaliser des évaluations d’impact lorsqu’elles sont obligatoires, celles-ci ne sont

réellement utiles que si elles sont suivies d’une prise en considération effective de leurs

recommandations. Il semblerait donc profitable de se pencher sur le problème de la sensibilisation

des entreprises et des porteurs de projets à la démarche HIA : en effet, comme nous l’avons expliqué

au début de cette partie, Hilary Dreaves considère que les entreprises s’intéressent encore trop peu

à la pratique des HIAs. Ce type d’évaluation est largement promu par l’action politique et

universitaire, mais son intérêt n’a peut-être pas encore touché l’ensemble des individus et des

structures auxquels elle s’adresse et sans lesquels il est difficile d’agir efficacement.

50

51

La Suisse

La Suisse est un pays de 7,3 millions d'habitants, répartis dans 26 cantons. On y observe un ensemble de cultures diverses qui se côtoient, la langue étant la principale distinction entre ces dernières. Ainsi, la Suisse alémanique regroupe la majorité des germanophones au centre et au nord du pays. La Suisse romande concentre les francophones à l'ouest tandis que les italophones se trouvent majoritairement au sud, en Suisse italienne. Enfin, le romanche est une langue parlée par les minorités montagnardes du sud-ouest.

La Suisse a adopté un système de fonctionnement fédéral. Les cantons demeurent souverains mais la répartition des compétences entre eux et la confédération est formalisée dans la constitution fédérale. Toute compétence qui n'est pas explicitement déléguée à la confédération est du ressort des cantons. De cette grande autonomie découle le fait que la question de la prévention autour de la santé, et donc celle des EIS, va majoritairement se poser au niveau cantonal.

Enfin, la Suisse dispose du troisième IDH mondial d'après le classement des pays suivant cet Indice publié par le programme des Nations Unies pour le développement datant de juillet 201476. Elle dispose donc d'un fort PIB par habitant, d'une importante espérance de vie et de forts niveaux de vie et d'éducation. On peut donc supposer que la Suisse dispose des moyens financiers nécessaires à la mise en place des EIS et des acteurs ayant les compétences indispensable à leur mise en œuvre77.

I. PREMIERS ELEMENTS D'ANALYSE

L'Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’évaluation d’impact sur la santé

Dans le cadre de notre étude, nous sommes partis d'un rapport, publié par l'OMS78 en 2014, qui recensait tout un ensemble d'informations liées à l'EIS, pays par pays. Il en ressortait ainsi pour la Suisse un certain nombre d'éléments : au moment de la publication de ce rapport, un projet de loi fédéral sur la promotion de la santé et de la prévention était en discussion. Ce projet faisait mention des EIS comme outils officiellement utilisables afin d'atteindre les objectifs fixés.

Il existe deux cantons au sein desquels les EIS font l'objet de textes de loi, Genève et Fribourg. Il est important de noter que pour Fribourg, les EIS font donc partie intégrante des outils de promotion de la santé depuis 1999.

L'université de Genève, toujours d'après ce rapport de l'OMS, est très présente et fait partie des acteurs majeurs de l'EIS, elle offre ses conseils et accompagne la mise en place de ces dernières.

Si l'échelle cantonale demeure majoritaire dans la réalisation des EIS en Suisse, il existe une association, la Fondation Suisse pour la Promotion de la Santé qui soutient les EIS au niveau fédéral.

76 Disponible en anglais : http://hdr.undp.org/en/data 77 L'ensemble de ces informations sont tirées du site de l'ambassade de France à Berne : http://www.ambafrance ch.org/-Presentation-generale- 78 Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’évaluation d’impact sur la santé : http://apps.who.int/iris/handle/10665/128046

52

La plate-forme EIS

Un certain nombre d'éléments sont apparus suite à aux recherches que nous avons menées. Le premier, et non des moindres, est l'existence d'une plate-forme recensant l'ensemble des EIS sur tout le territoire79. Celle-ci a été fondée par plusieurs cantons (ceux de Genève, du Jura et de Tessin) et deux associations, Equiterre (considérée comme un partenaire incontournable sur le territoire dans le domaine du développement durable) et la fondation Promotion Santé Suisse, lesquels forment tous ensembles l’Association Suisse pour l’Evaluation d’Impact sur la Santé. La plate-forme fait état d'EIS ou de projets d'EIS en cours dans sept cantons, alors que la Suisse en compte vingt-six. Ainsi, cette plate-forme a pour vocation de centraliser les expériences relatives aux EIS, elle publie un certain nombre de guides et propose de suivre l'actualité relative aux EIS dans le monde. Un véritable intérêt pour l'outil existe donc, et, bien qu'il semble circonscrit à un nombre relativement restreint de cantons, lorsque l'on en vient au cas particulier de Genève, celui-ci est davantage engagé dans la démarche.

Genève, canton pionnier en matière d'EIS

En effet, c'est le canton qui cumule le plus grand nombre d'EIS : au nombre de huit, ces EIS sont polarisées autour de trois acteurs majeurs: l'université de Genève, l'association Equiterre et le canton de Genève. De par le travail en commun de ces acteurs, un effet de transversalité émerge, au gré des projets et de leur ampleur. Ainsi, pour le projet d'agglomération franco-valdo-genèvois, une EIS complète a été réalisée, regroupant les trois acteurs. Parfois, l'intervention du canton n'est pas nécessaire pour impulser une EIS, et ce sont l'université et l'association Equiterre qui en ont réalisé une conjointement dans le cadre du périmètre d'aménagement coordonné Bernex-Est80. On observe également que le canton de Genève endosse une double-casquette car il est à la fois enquêteur (s'appropriant l'outil EIS en interne, avec en 2007 une étude autour de la question suivante: peut-on fumer dans les établissements publics?), mais aussi demandeur d'EIS (dans une posture toute différente, pour des sujets le concernant moins directement, comme l'impact du vélo à assistance électrique – une EIS complète réalisée par l'association Equiterre). C'est donc pour toutes ces raisons, le dynamisme apparent de certains cantons, la transversalité observée dans la réalisation des EIS, l'évolution légale qui était en train de s'opérer avec le projet de loi fédéral sur la promotion de la santé et la prévention que nous avions jugé pertinent de retenir la Suisse parmi les pays étrangers qui font partie de notre enquête.

79http://www.impactsante.ch/spip/ 80http://www.impactsante.ch/spip/article.php3?id_article=33

53

II. UN OUTIL A L'ABANDON ?

Une appropriation différenciée de l'EIS

Il convenait alors d'approfondir notre analyse, de façon à suivre véritablement l'actualité des EIS sur le territoire Suisse et esquisser les premières conclusions. La première chose qui nous a frappés, c'est, nous l'avons dit, la faible proportion de cantons ayant adopté une EIS, mais le fait est que seuls les cantons dits latins (donc de langue française ou italienne) sont véritablement actifs dans ce domaine. Autrement dit, si le canton alémanique de Fribourg (de langue allemande donc), avait intégré dès 1999 les EIS à son arsenal législatif, aujourd'hui la plate-forme suisse des EIS ne recense aucune étude réalisée sur ce territoire. Le tableau suivant permet de mesurer les différences qui existent entre les différents territoires :

Canton Langue officielle EIS complètes réalisées

EIS courtes réalisées

Genève Français 5 3

Jura Français 4 1

Tessin Italien 1 1

Vaud Français 0 1

Fribourg Français et Allemand En cours 0

Neuchatel Français 0 0

Argovie Allemand 0 1

Le second point marquant, c'est la faible fréquence d'actualisation de cette plate-forme EIS. En effet, la dernière étude postée date de 2007, et la dernière actualité remonte à 2013 (s'agissant de l'organisation de la Conférence Internationale sur l'évaluation d'impact sur la santé qui s'est déroulé du 2 au 4 octobre 2013). Se posent donc un certain nombre de questions : le site est-il à l'abandon ? Certaines EIS qui sont présentées comme étant en cours de réalisation sur le site, ont-elles été achevées ou s'agit-il encore d'un défaut d'actualisation ? Cela évoluera peut-être dans les mois à venir, mais le fait est que tout au long de notre enquête, aucune information nouvelle n'a fait l'objet d'une mise à jour sur ce site dédié à la plate-forme EIS en Suisse.

Des adaptations nécessaires au contexte national

Pour ce qui est des EIS-mêmes, ce qui nous a interpellés c'est la faible place donnée à la parole citoyenne. Nous avons ainsi analysé l'ensemble des EIS réalisées par la ville de Genève, qu'elles soient courtes ou rapides et, ce qui en est ressorti c'était la faible mise en avant d'une enquête réalisée dans le cadre de l'étude, qui s'appuyait davantage sur un panel de données internationales, d'enquêtes menées par l'OMS ou Genève et préalables à l'EIS elle-même. On observe alors un véritable travail de rationalisation économique et méthodologique, au travers de l'élaboration d'indicateurs, les plus pertinents possibles (en matière de santé, notamment).

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Il faut y voir, d'après M. Jean Simos, responsable du groupe de recherche environnement et santé à l'Université de Genève, la transposition par la Suisse sur son territoire d'une démarche de culture anglo-saxonne. En effet, l'EIS arrive sur le territoire suisse tout droit de Liverpool, sous la forme du Health Impact Assessment, et l'apport des chercheurs en sciences sociales nord-américains et britanniques y est important. Mais le contexte est différent dans ces pays, et les populations beaucoup plus impliquées de façon directe, sans faire appel à des représentants élus81, d'où la prégnance du recueil de données qualitatives, des entretiens et du recueil des avis des citoyens au cours de la réalisation d'une EIS. De l'autre côté du spectre se trouve la vision prônée par l'OMS, davantage quantitative. La Suisse va opter pour un juste milieu, de façon bien évidemment à prendre en compte un certain nombre de critères qualitatifs, , mais également à produire des données chiffrées, à partir desquelles les représentants politiques pourront saisir plus directement l’intérêt d'inclure la santé au sein des politiques publiques82.

III. LA METHODOLOGIE D'EIS DANS UNE PHASE DE TRANSITION

La question du Röstigraben

Il nous fallait alors réaliser des entretiens83, accéder à une source d'information la plus actuelle possible une fois épuisées les informations que pouvaient nous fournir le site internet et la bibliographie disponible. Ainsi, la division observable au niveau de l'appropriation des EIS entre cantons latins et alémaniques serait liée au Röstigraben, nom donné à la frontière culturelle et linguistique entre l'allemand et le français, qui trouve ses racines dans l'histoire. De plus, cette résistance aux expériences incluant une participation citoyenne forte s'explique sur le temps long. M. Jean Simos, que nous avons interrogé faisait le parallèle avec le programme Fourchette Verte84, initiative lancée en 1993 visant à modifier les habitudes des consommateurs qui, dans ses débuts, a connu un meilleur succès dans les cantons latins qu'alémaniques 85 (après 20 ans d'existence, le label Fourchette Verte est employé par dix cantons). Quant à ce « vide » observé depuis la dernière étude postée sur le site en 2007, il ne s'agit pas d'une erreur ou d'un abandon du site. Notre interlocuteur évoque à ce sujet un problème de budget et de départ de personnes-ressources, sans nous apporter de précisions supplémentaires. Il souligne également la vision davantage quantitative portée par les cantons alémaniques, à la différence d’un modèle plus latin de l’EIS, tel que prôné par l'association Equiterre, qui cherche à affirmer la parole citoyenne au travers des études qu'elle réalise.

81 Entretien avec M. Jean Simos, responsable du Groupe de recherche environnement et santé (GRES) à l'Université de

Genève. 82 Idem 83 Dans le cadre de notre enquête, nous avons réalisé deux entretiens : avec M. Jean Simos, responsable du Groupe de

recherche environnement et santé à l'Université de Genève et avec Mme Catherine Favre Kreut, responsable de santé chez Promotion Santé Suisse.

84 http://www.fourchetteverte.ch/fr/ 85 Entretien avec M. Jean Simos, responsable du Groupe de recherche environnement et santé (GRES) à l'Université de

Genève.

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Un contexte fédéral difficile

Mme Catherine Favre Kreut, responsable de projets chez Promotion Santé Suisse et membre du comité de direction de l'Association suisse pour l’évaluation d’impact sur la santé, a également noté ce « ralentissement » des EIS, et ce même chez les cantons pionniers. Une consultante en santé publique a d'ailleurs été engagée par Promotion Santé Suisse de façon à évaluer la situation d'un œil neuf et tenter d'apporter des solutions aux problèmes identifiés : convaincre de nouveaux cantons d'adopter la méthode EIS et sensibiliser davantage les décideurs à cet outil. En ce qui concerne le projet de loi sur la promotion et la prévention de la santé dont il était question dans le rapport de l'OMS, portant sur la promotion et la prévention de la santé, l'article traitant des EIS a finalement été rayé lors des débats parlementaires : « [l'EIS a été ] mise à la corbeille pour des raisons budgétaires et techniques86 ». Dans ce contexte de resserrement des budgets, dont la Suisse est également victime, l'absence de volonté politique au niveau national, et la compétition entre les outils d'évaluation de la santé en Suisse pèsent sur l'avenir des EIS dans ce pays. L'association Equiterre demeure pourtant un acteur particulièrement compétent dans le domaine, même si le bassin d'experts qui le composent apparaît comme linguistiquement limité (exclusivement francophone). Cependant, les choses évoluent également du côté de la Suisse alémanique avec la réalisation d'une EIS à Fribourg et disponible sur le site officiel du canton87.

IV. EQUITERRE, ACTEUR DU RENOUVEAU DES EIS EN SUISSE

Equiterre, association impliquée dans la promotion des EIS

Nous l'avons vu, l'association Equiterre cherche véritablement à appuyer l'outil EIS et à trouver des solutions pour redynamiser cette démarche sur le territoire à travers le recrutement d'une consultante. L'engagement de l'association va même au-delà, son apport en termes de promotion de la santé dans toutes les politiques publiques étant considéré comme majeur.

L'association Equiterre, telle que nous la connaissons aujourd'hui, dénombre près de 10 000 membres et donateurs et existe depuis 2002, année où le passage du nom Société de Protection de l'Environnement à Equiterre a été décidé. Ce changement souligne précisément la volonté de l'association de se détacher de la seule défense environnementale pour adopter le spectre plus large du développement durable et ses trois piliers, économique, environnemental et d'équité sociale.

Centre de compétences reconnu, Equiterre est une association à but non-lucratif dont les bureaux sont situés à Lausanne, Berne et Genève. Son approche, transversale et interdisciplinaire, vise le développement territorial durable et la promotion de la santé en Suisse.

86 Entretien avec Mme. Catherine Favre-Kruit, responsable de projets chez Promotion Santé Suisse. 87Lien vers le site officiel du canton de Fribourg :

https://www.fr.ch/ssp/fr/pub/prevention/evaluation_dimpact_sur_la_san.htm

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Si les actions de l'association sont nombreuses, l'EIS fait l'objet d'une page Web spécifique, sur laquelle on trouve diverses caractéristiques, définitions et l'ensemble des EIS réalisées par Equiterre. Ainsi, pas moins de quatorze EIS, sur des thèmes aussi divers que l'effet des éoliennes sur les populations, la promotion du vélo à assistance électrique ou encore la valorisation des traces de dinosaures de Courtedoux, ont été réalisées88.

L'EIS de 2012 : des recommandations véritablement prises en considération

Enfin, l'EIS dont nous avait parlé M. Jean Simos au cours de notre entretien, intitulée « Paysages agricoles et santé », réalisée pour le compte de l'Union Suisse des Paysans, toujours indisponible sur la plate-forme EIS, fait l'objet d'une présentation sur le site d'Equiterre. Cette étude, réalisée en 2012, est (avec l'EIS du canton de Fribourg de 2011) l'exemple le plus récent d'emploi de l'outil EIS sur le territoire suisse.

Il s'agit d'une enquête de grande ampleur, réalisée en collaboration avec Nicola Cantoreggi, membre du GRES (groupe de recherche environnement santé) de l'université de Genève. Au cours de l'EIS, 409 personnes ont été interrogées, le but étant d'étudier l'influence des paysages agricoles sur la santé et le bien-être de la population en Suisse, apprécier les impacts potentiels sur la santé des populations d'une agriculture de proximité et enfin de fournir à l'Union Suisse de Paysans les informations nécessaires lui permettant de sensibiliser ses partenaires sur les interactions entre activités, prestations de l'agriculture et santé humaine.

Une fois l'EIS achevée, dans la continuité de celle-ci, des ateliers de réflexion ont été organisés en mai 2012, réunissant à la fois l'Union Suisse des Paysans et le Parti Socialiste Suisse, au cours desquels des perspectives communes d'action ont été retenues par les participants, allant dans le sens des recommandations faites au terme de l'EIS. Cette continuité entre syndicat professionnel et dirigeants politiques assure non seulement la reconnaissance de l'outil EIS, mais rend plus certaine la mise en œuvre des recommandations qui disposent de différents leviers d'action89.

L'EIS de 2011 : une implantation réussie au sein du canton alémanique de Fribourg

Le respect des recommandations et le fait qu'une continuité des EIS une fois achevées soit assurée semble faire également l'objet de l'évaluation menée au sein du canton de Fribourg.

Cette dernière a été réalisée par un groupe de travail réunissant des représentants du Service de la santé publique (SSP) du canton de Fribourg – en charge du pilotage de cette action dans le cadre du développement durable – des représentants du Service de l’action sociale (SASoc) – service qui gère les aspects de l’accueil, de l’hébergement et de l’encadrement des migrants au niveau du canton – et des membres de la plate-forme suisse sur l’EIS – en charge de l’exécution de l’évaluation.

L'EIS du canton de Fribourg avait pour objectifs : la sensibilisation des acteurs du système politico-administratif, ainsi que des décideurs et des interactions entre les activités et décisions dans le domaine de l’asile avec la santé ; l’élaboration de recommandations de promotion de la santé et la mise en place d’un protocole d’accompagnement en termes de santé dans le cadre de l’ouverture d’un centre de requérants d’asile.

Au terme de l'étude, les aspects liés à l'alimentation et à l'activité physique sont apparus comme des axes à développer pour améliorer la santé des requérants d'asile. Cette recommandation 88 Site de l'association Equiterre : http://www.equiterre.ch/index.php?lang=fr 89 Présentation de l'EIS réalisée pour le compte de l'Union Suisse des Paysans en 2012 :

http://www.eis2012.ca/docs/Pr%C3%A9sentations/6G_CantoreggiDiallo.pdf

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a été intégrée dans le programme cantonal fribourgeois « Je mange bien, je bouge bien » 2014-2017, avec le développement d’une mesure qui vise la mise en place d’ateliers ludiques de sensibilisation à la thématique de l’alimentation pour les familles vivant dans les centres de requérants d’asile. Un projet pilote a été lancé en juin 2014 au Foyer des Remparts à Fribourg, où six ateliers ont été menés par deux diététiciennes avec le soutien du personnel du foyer. Au vu du succès de ces ateliers, l’action sera renouvelée en 201590.

V. UNE IMPLANTATION DURABLE DE L'OUTIL EIS

Des acteurs dont le savoir-faire est reconnu dans le monde

On le voit donc, un véritable savoir-faire existe, les recommandations sont suivies d'effets et l'association Equiterre se place définitivement comme un acteur central dans la promotion et l'emploi de l'outil EIS. Dans ce paysage suisse de l'EIS, l'université de Genève apparaît également comme un acteur très actif, à travers le Groupe de recherche pour l'environnement et la santé. Ainsi, l'université de Genève a réalisé une EIS rapide intitulée « Assainissement et valorisation des déchets ménagers au Burkina Faso ».

Pour ce qui est de l'implication des acteurs et de la promotion de l'outil EIS dans le monde, M. Jean Simos apparaît comme un acteur particulièrement investi dans la promotion de l'EIS en France. Il est par exemple intervenu lors de la réalisation des deux EIS de Rennes, en tant que Président de l'Association Nationale pour la Promotion de la Santé et le Développement Durable91. On le retrouve également cité dans le document Actes de la Journée EIS par INPES-EHESP et CNFPT, où il est question d'un atelier métropolitain ayant eu lieu à Nantes en présence de tous les acteurs politiques, « à l'occasion duquel Jean Simos est venu de Genève [...] présenter son expérience de l'EIS ».

L'EIS: un outil de décision

Le travail de rationalisation économique tout comme le travail sur les indicateurs tel qu'il est pratiqué dans des rapports comme celui présenté par le Comité d'aménagement franco-valdo-genèvois pourraient servir d'exemple en vue du développement de l'EIS en France : la démarche gagnerait ainsi en crédibilité et pourrait alors s'imposer plus facilement comme outil de décision valable92.

En effet, la lecture de l'annexe de ce rapport, intitulée « Élaboration d'indicateurs pertinents en matière de santé » pourrait inspirer le travail de rationalisation de l'EIS et appuyer l'applicabilité de cet outil. Ainsi, huit grands champs thématiques sont définis : l'urbanisation, la mobilité, le logement, l'économie, la formation, l'environnement, la santé et la culture. Pour chacun de ces champs est défini un ensemble précis d'objectifs et, pour chacun de ces objectifs, sont explicitement précisés leur lien avec la santé, les standards et les recommandations faites autour d'eux. Par ailleurs, des indicateurs pertinents sont retenus, puis est établi le sens dans lequel on veut influer sur ces derniers, les sources à même d'exploiter, mesurer et surveiller ces indicateurs et enfin les indicateurs non-retenus sont exposés.

90 Site du canton de Fribourg traitant de l'EIS : http://www.fr.ch/ssp/fr/pub/prevention/evaluation_dimpact_sur_la_san_print.htm 91 Site de l'université de Genève, page du GRES : http://www.unige.ch/environnement/gres/Collaborateurs/Simos.html 92Lien vers le rapport de l'EIS « Comité d'aménagement franco-valdo-genèvois », voir annexe 1 page 35 :

http://www.impactsante.ch/pdf/EIS_projetaggloFVG_2007.pdf

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Conclusion

De l'exemple Suisse, il nous faut tirer un certain nombre de leçons : la stabilité des acteurs et la transmission de l'expérience sont des points nécessaires à la pérennisation des EIS. Enfin, il faut appuyer leur spécificité et leur avantage, l'EIS « n'est pas un processus qui génère des blocages, contrairement à l'EIE qui fonctionne par paliers (si vous dépassez un seuil votre projet est bloqué)93 ».

L'EIS doit donc convaincre, mais elle semble bénéficier du soutien d'un nombre important d'acteurs internationaux, mobiles et motivés qui cherchent à faire sa promotion avec force (il était par exemple question au cours de notre entretien avec Mme. Catherine Favre Kreut de la réalisation d'une EIS à Villeurbanne par l'association Equiterre, en France donc).

Malgré un apparent passage à vide, tel que le laisse supposer la plate-forme EIS, l'outil continue à être employé (en 2011 et 2012), les recommandations faites sont suivies d'effets sur le long terme et l'implantation de l'outil sur les territoires de langue allemande semble engagée, avec un rayonnement international jusqu'en Autriche.

Enfin, l'outil EIS semble disposer de solides soutiens, comme l'association Equiterre, l'association Promotion Santé Suisse ou encore l'Université de Genève, qui ensembles assurent le maintien d'une base d'experts mobiles et disponibles, comme M. Jean Simos qui continue à faire bénéficier l'étranger de son expertise de façon à propager l'outil (qui semble avoir déjà fait les preuves de sa capacité à orienter concrètement la prise de décisions sur le terrain) et à renforcer sa réputation.

93 Entretien avec Mme Catherine Favre Kreut, responsable de projets chez Promotion Santé Suisse.

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Le Québec

Les raisons du choix de ce pays d’étude et notre méthodologie

Le choix d’étudier la pratique de l’EIS au Québec s’explique par l’implémentation d’une véritable stratégie d’institutionnalisation des EIS aujourd’hui à l’œuvre au sein de la province. De fait, nos premières recherches bibliographiques sur la méthodologie et les valeurs de l’EIS nous ont conduits à découvrir une littérature extrêmement importante à ce sujet provenant du Centre de Collaboration Nationale sur les Politiques Publiques et la Santé (CCNPPS), une institution à mission fédérale mais située au Québec. Comme nous le détaillerons dans ce qui suit, le CCNPPS est l’acteur fédéral majeur en matière de promotion de la santé et de la méthode des EIS au Canada. Par conséquent, c’est par le biais de sa plate-forme que nous avons obtenu des rapports sur les EIS réalisées au Canada, ainsi que le contenu de conférences et de formations en ligne visant à développer la pratique à toutes les échelles de gouvernement.

Après ces premières recherches préliminaires, nous avons cherché à replacer la pratique des

EIS au sein d’un contexte plus large, soit la place qu’occupent les politiques de santé publique au Canada. En effet, l’EIS n’a pas eu le même succès selon les provinces (états). C’est pourquoi, il nous est apparu intéressant d’analyser les variables explicatives du succès ou de l’insuccès, afin d’en tirer des enseignements pour comprendre ce qui favorise l’institutionnalisation de ce type d’évaluation. Enfin, le fait que la douzième conférence internationale sur les EIS ait été organisée par le Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec en 2012, témoigne des compétences disponibles en la matière sur ce territoire94. A ce titre, le CCNPPS ne circonscrit pas ses formations sur les EIS au territoire canadien mais exporte son expertise à travers le monde. Ses représentants sont régulièrement invités pour des conférences et pour donner des formations, notamment en France et ce, dès les premières manifestations d’intérêts pour cette nouvelle méthode d’évaluation (par la Société française d’évaluation et le centre de planification stratégique notamment, en 2010). Aussi, nous avons souhaité interroger Mme. Louise St-Pierre qui travaille au CCNPPS depuis sa création et a fait ses études doctorales sur le plan d’évaluation d’impact sur la santé. Notre entretien téléphonique nous a permis de préciser la répartition actuelle des compétences en santé publique au Canada et à l’échelle provinciale, mais surtout de faire le bilan de plus de dix ans d’évaluation d’impact sur la santé des politiques publiques au Québec.

94 La douzième conférence internationale sur l’évaluation d’impact sur la santé portait sur quatre orientations majeures : la place de l’EIS dans le développement des politiques publiques, l’institutionnalisation de l’EIS : faire face aux enjeux politico-administratifs, la diversité des pratiques : une trame commune à dégager, une flexibilité à préserver et l’évaluation, la recherche et l’éthique : pour faire évoluer la pratique des EIS (cf. www.eis2012.ca).

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Les premières expériences de l’EIS au Canada

En premier lieu, il est nécessaire de rappeler que c’est à Ottawa que s’est tenue la première conférence sur la promotion de la santé publique en 1986. « La promotion de la santé va bien au-delà des simples soins de santé. Elle inscrit la santé à l'ordre du jour des responsables politiques de tous les secteurs et à tous les niveaux, en les incitant à prendre conscience des conséquences de leurs décisions sur la santé et en les amenant à admettre leur responsabilité à cet égard95». De là a débuté une réflexion menée par le gouvernement fédéral canadien, on peut citer comme illustration le rapport Stratégies d’amélioration de la santé de la population : Investir dans la santé des Canadiens, publié par le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population en 1994. Toutefois, la compétence sur les politiques de santé n’est pas fédérale mais provinciale. Aussi, l’EIS a été expérimentée pour la première fois en Colombie britannique en 1993 par le cabinet du Ministère de la santé de province, d’après les recommandations de la Commission royale sur les coûts et services de la santé qui préconisait d’identifier les impacts sur la santé de tout nouveau programme, politique ou législation afin d’en débattre s’ils s’avéraient être significatifs96. Malgré la création d’une boîte à outil proposée par le Ministère de la Santé un an plus tard et le développement de formations aux EIS, un remaniement ministériel conduit au départ des personnes-ressources qui en assumaient la tâche97. Dès lors, il est permis d’observer que les dispositifs d’action publique innovants demeurent soumis au volontarisme politique, à moins de faire l’objet d’une institutionnalisation (cadre législatif). Alors que la Colombie Britannique n’a pas poursuivi plus longtemps l’expérience, « en 1996, un premier rapport sur les EIS commandé par le Ministère de la Santé du Canada en était arrivé à la conclusion que le développement de cette approche dans toutes les provinces serait grandement facilité par l’établissement de politiques de santé dotées d’objectifs populationnels et d’une vision à long terme. En effet, les effets sur la santé des politiques ne peuvent qu’être envisagés sur un long horizon temporel et leur prise en compte suppose une vision large et sociale de la santé98 ».

95 Charte d’Ottawa, 21 novembre 1986, Conférence internationale pour la promotion de la santé publique (consultée sur

le site www.sante.gouv.fr - le 20 avril 2015). 96 http://www.impactsante.ch/ 97 TREDEZ G., L'évaluation d'impact sur la santé : analyse et perspectives de développement dans le Nord – Pas-de-Calais,

ORS Nord-Pas-de-Calais, mars 2013, p.44. 98 CCNPPS, Table ronde canadienne portant sur l’évaluation d’impact sur la santé (ÉIS) : Rapport, Montréal, Québec, 22

février 2008, p.9.

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I. LE QUEBEC : AU SOMMET SUR LES QUESTIONS DE SANTE

PUBLIQUE

La préoccupation quant aux impacts sur la santé que pouvait avoir un projet ou une politique s’est d’abord développée au Québec dans une perspective de santé environnementale, dans le cadre des évaluations d’impacts environnementaux99. En 1992, le gouvernement du Québec a identifié dans sa Politique de santé et de bien-être (PSBE), quatre stratégies :

- Soutenir les milieux de vie et développer des environnements sains et sécuritaires ; - Améliorer les conditions de vie ; - Agir pour et avec les groupes vulnérables ; - Harmoniser les politiques publiques et les actions en faveur de la santé et du bien- être100.

S’inspirant de la Charte d’Ottawa, l’objectif de la PSBE était d’impulser une action intersectorielle afin d’améliorer la santé. Pour cela, la santé publique telle que conçue par le Ministère de la Santé québécois repose sur quatre piliers : la surveillance, la prévention, la protection et la promotion des environnements favorables pour la santé. « Alors que dans d’autres provinces, la promotion de la santé est marginale (ce sont des sous-services, voire des sous-sections), au Québec on compte autant de personnel pour la protection que pour la promotion 101 ». Ces quatre piliers trouvent leur ancrage légal dans l’article 54 de la Loi de santé publique de 2002 qui est le fruit d’un groupe de travail mis sur pied par le Ministère de la Santé et des services sociaux (MSSS) de l’époque, pour réviser la Loi de santé publique. Ce groupe de travail avait alors pris connaissance de l’expérience de la Colombie britannique en matière d’EIS mais également d’autres retours d’expériences internationales, et a utilisé les outils du consensus de Göteborg pour proposer le projet de l’article 54.

« Le ministre est d’office le conseiller du gouvernement sur toute question de santé publique. Il donne aux autres ministres tout avis qu’il estime opportun pour promouvoir la santé et adopter des politiques aptes à favoriser une amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population. À ce titre, il doit être consulté lors de l’élaboration des mesures prévues par les lois et règlements qui pourraient avoir un impact significatif sur la santé de la population102». De plus, l’article précise que le Ministre peut s’autosaisir pour donner son avis à n’importe quel autre ministère quant à un projet, un programme ou une politique. Toutefois, d’après Mme. Louise St-Pierre, chargée de projet au CCNPPS, le type d’évaluation d’impact sur la santé proposé par l’article 54 a été « adapté à une utilisation gouvernementale, c’est-à-dire une utilisation stratégique. Le Ministère de la Santé s’en tient surtout au « dépistage », il y a aussi des recommandations mais ça s’arrête souvent là, ça ne se fait pas de façon aussi directe qu’au niveau local. Le Ministère de la Santé vient en soutien de la prise de décision, il lui faut reconnaître la légitimité des objectifs des autres secteurs, on peut dire qu’il avance une perspective gagnant-gagnant ».

99 Loi sur la qualité de l’environnement, 1972, Gouvernement Provincial du Québec. 100 DELISLE N., Définition des concepts et des principes d’intervention en développement des communautés, Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie, Longueuil, 2012, p.7. 101 Entretien avec Mme. Louise St-Pierre du CCNPPS. 102 La Loi sur la santé publique de 2001 mis en œuvre en 2002.

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La santé publique est donc « venue » aux autres secteurs d’action publique en grande partie à la suite de la loi de 2001 : « Avec l’article 54, le Ministère soutient la recherche. Il y avait une lacune du personnel de la santé publique vis-à-vis des politiques publiques, ils n’avaient pas de connaissance de l’administration. Le premier geste a été de soutenir les infrastructures de recherche pour comprendre comment se prennent les décisions publiques et quelle est la place des données en santé publique pour mener des politiques publiques. Le Ministère a financé pendant six ans le Groupe d’Étude sur les Politiques Publiques sur la Santé (GEPPS) qui émane de l’école d’administration publique. L’objectif était d’informer les gens du Ministère de la Santé et de la Direction Générale de la Santé pour comprendre les multiples boîtes noires entre les pratiques de travail des différents ministères », nous a encore expliqué Mme. Louise St Pierre. L’école de santé publique de Montréal a également était créée en 2001 dans ce but.

En 2003, le MSSS a confié à l’Observatoire de l’administration publique de l’École nationale d’administration publique (ENAP) une étude auprès de 18 ministère et organismes pour situer le niveau d’implantation du mécanisme d’analyse d’impact et la réceptivité de cette nouvelle mesure : « Les résultats de cette étude révélèrent une faible adhésion de certains ministères et organismes autour des principes visés par l’article 54, un manque de connaissances à l’égard du mécanisme et des facteurs qui déterminent la santé et le bien-être (principaux obstacles à l’implantation) et confirmèrent ce qui avait déjà été trouvé dans la littérature, soit que les ministères et organismes à vocation sociale adhéraient davantage à la démarche que les ministères et organismes à vocation économique 103». Par conséquent, le MSSS créa un certain nombre d’outils afin de parer aux écueils avancés par l’ENAP dans son rapport d’étude. Au nombre de ces outils figurait un guide méthodologique amélioré paru en 2004 en s’inspirant des expériences européennes de l’EIS, où l’on retrouve les cinq grandes étapes de cette démarche (dépistage, cadrage et analyse sommaire, analyse approfondie, ajustement des mesures et prise de décision, évaluation du processus et suivi). Un document portant sur les déterminants sociaux de la santé à l’intention des ministères et organismes fut également créé en 2005, afin de les sensibiliser au lien entre leur mission respective et la santé des populations. De 2002 à 2012, le MSSS a enregistré 519 demandes de consultation de la part des autres ministères104 (pour une majeure partie d’entre elles concernant des projets de loi ou de règlement). L’étude observait une tendance à consulter de manière prospective le MSSS, bien que dans seulement 20 % des cas des modifications aient été exigées aux ministères et organismes d’où provenaient les demandes.

103 L’application de l’article 54 de La Loi sur la santé publique du Québec. Note documentaire, CCNPPS, août 2012 p.7. 104 Ibidem p.7.

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Le développement des EIS par le Centre de collaboration nationale des politiques publiques105 et la santé106

Lorsque le CCNPPS a été créé, le besoin en outils d’aide à la décision a fait partie des premières demandes qui sont remontées lors d’une tournée réalisée au Québec auprès des acteurs et décideurs en santé publique. Dès 2008, le Centre a étudié les différentes expérimentations d’EIS alors en cours au Canada (Nouvelle-Écosse, Ontario et Québec). « L’instauration de la pratique de l’ÉIS dans tout le Canada représente un défi non négligeable. À côté des enjeux méthodologiques liés aux évaluations prospectives et de ceux relatifs aux besoins de connaissances et de compétences des acteurs de santé publique, figurent très certainement ceux liés à la dynamique intersectorielle à l’intérieur de laquelle s’inscrit nécessairement l’ÉIS. L’action en faveur des politiques publiques favorables à la santé et celle de l’ÉIS supposent une incursion dans les sphères de responsabilités qui ne sont pas celles de la santé. Non seulement est-il nécessaire que les acteurs de santé publique soient informés et sensibilisés à cette approche si l’on souhaite l’étendre et en faire un maillon fort des actions sur les politiques publiques favorables à la santé, mais il faut aussi que les autres secteurs de la décision publique soient informés de ce que la santé publique peut leur apporter107 ».

105 Ibidem p. 20. 106 www.ccnpps.ca 107 CCNPPS, Table ronde canadienne portant sur l’évaluation d’impact sur la santé (ÉIS) : Rapport, Montréal, Québec,

22 février 2008, p.15.

Le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé

Missions

Le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé (CCNPPS) vise à accroître l’expertise des acteurs de la santé publique en matière de politiques publiques favorables à la santé, à travers le développement, le partage et l’utilisation des connaissances. Le CCNPPS fait partie d’un réseau canadien de six centres financés par l’Agence de la santé publique du Canada créé en 2005-2006.

Répartis à travers le Canada, chacun des Centres de collaboration nationale en santé publique se spécialise dans un domaine précis, mais partage un mandat commun de synthèse, d’utilisation et de partage des connaissances. Le réseau des Centres agit autant comme une structure de diffusion des contributions spécifiques des Centres que de lieu de production conjointe des projets communs. Le Québec a été choisi pour accueillir au sein de son Institut de santé publique le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé du fait de son expérience en la matière. Depuis, le centre est devenu un acteur majeur pour la promotion de la santé, par la production de ressources tant pour les décideurs que pour les acteurs en santé publique.

Axes de recherches

Connaître et identifier ce que sont les politiques publiques et leurs effets sur la santé.

Générer et utiliser les connaissances sur les politiques publiques favorables à la santé.

Identifier les modèles et les acteurs pour la collaboration intersectorielle.

Influencer le développement de politiques publiques.

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II. LA QUESTION DU MODELE D’EIS A ADOPTER

« L’EIS peut avoir des confusions avec ce qui se passe en environnement, il faut constamment expliquer », nous a témoigné Mme Louise St-Pierre, chargée de projet du CCNPPS. La question de l’intégration des EIS aux EIE s’est toujours posée. Les EIE bénéficiant d’un cadre légal depuis plus longtemps et de ce fait étant davantage rentrées dans la routine institutionnelle, une EIS qui y serait intégrée bénéficierait de la pérennité de cette pratique. Ce modèle d’EIS correspondrait à l’EIS dite « mandatée », selon la typologie établie par Ben Harris Roxas (2012). Cependant, cette stratégie d’intégration de la santé comme objectif au travers des EIE n’a pas rencontré l’adhésion des acteurs de la santé canadiens. Lors d’une table ronde sur le thème des EIS en 2012 organisée par le CCNPPS, il fut remarqué que « la faible légitimité du secteur de la santé dans les ÉIE, due à une définition floue de la santé dans la loi fédérale en évaluation environnementale (Loi canadienne en évaluation environnementale — LCEE), et la tendance observée vers une vision de la santé restreinte aux aspects physiques, font dire aux participants que la notoriété du Canada, sur ce plan, serait plus grande à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. Les efforts consentis à ce chapitre au cours des années 1990 ont été le fait de quelques individus qui ont assumé pendant plusieurs années un leadership permettant d’ouvrir la perspective des évaluations d’impacts sur la santé en considérant les répercussions sociales, et en ouvrant une discussion à l’égard de la santé dans une dynamique fédérale-provinciale108». Dans ce sens, le modèle préféré à celui de l’EIS mandatée (contrainte par obligation réglementaire) est celui de l’aide à la décision. Ce modèle correspond à une EIS menée de façon volontaire avec l’accord des décideurs et intégrant la participation de nombreuses parties prenantes. On recherche ici à mettre en exergue autant les impacts positifs sur la santé des projets évalués, que leurs impacts négatifs pour les corriger ensuite109.

Les EIS au niveau local : d’un projet pilote au développement de la pratique

Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes largement basés sur les rapports des EIS conduites dans la région de la Montérégie pour analyser la façon dont s’organisent au niveau local les compétences et la mise en œuvre d’une EIS et ses limites. En préambule, nous présenterons l’organisation des compétences en santé au Québec. L’organisation socio-sanitaire du Québec est divisée en dix-huit régions, avec à la tête de chacune d’elle une agence de la santé et des services sociaux. On y retrouve notamment110 :

La Direction de santé publique (DSP) (niveau régional) ;

Les Centres de Santé et de Services Sociaux (CSSS) (niveau local) ;

Les municipalités (niveau local) qui n’ont pas de compétences en santé mais, de par leur activité, ont un impact sur les déterminants sociaux de la santé.

En appui institutionnel aux projets menés par les directions de la santé publique, le CCNPPS, le Ministère de la Santé ou l’Institut National de Santé Publique du Québec peuvent également apporter un soutien politique, financier et de conseil.

108 Ibidem p.8. 109 CCNPPS, La 12e conférence internationale sur l’évaluation d’impact sur la santé (ÉIS) : Des questions nouvelles pour répondre à l’évolution de la pratique, Synthèse des échanges, octobre 2013. 110 ST-PIERRE L., MENDELL A., Implantation de l’évaluation d’impact sur la santé au Canada : le projet pilote EIS en Montérégie, Québec, CCNPPS, 2012, p.5.

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Une EIS pilote en Montérégie ou la revalorisation d’une approche populationnelle en santé

Le projet pilote a eu lieu sur le territoire local de la Haute-Yamaska en Montérégie comprenant huit municipalités. La plupart adhéraient au Réseau Québécois des Villes et Villages en santé, ce qui démontrait une sensibilisation des élus aux problématiques de santé publique avec, de surcroît, une relation positive entretenue de longue date avec le centre de santé et les services sociaux de la Haute-Yamaska. L’objectif du projet pilote était « de documenter l’utilité et les conditions de succès qui favorisent l’intégration de la pratique au sein de la Montérégie et, éventuellement, pour l’ensemble des régions socio-sanitaires du Québec111». La Direction de la Santé Publique (DSP) a entrepris le projet car « se questionnait sur leur rôle en tant qu’appui aux centres de santé locale avec une nouvelle approche de santé populationnelle. C’était le bon moment pour introduire de nouvelles pratiques. De façon un peu informelle, un groupe de travail s’est créé mais il n’était pas prévu de faire un rapport sur le projet. Mais après le projet, la DSP de Montérégie était convaincue de la démarche car tous les partenaires avaient trouvé que c’était une bonne idée. Par conséquent, le CNNPPS a voulu publier quelque chose 112». De fait, le CCNPPS s’est largement appuyé sur le projet pilote de 2007-2008 pour construire un modèle d’EIS à développer pour l’ensemble du Canada. L’EIS pilote de 2007-2008 a porté sur trois projets : un projet de politique municipale pour les aînés, un projet de construction d’une usine de transformation des déchets domestiques en compost et un projet de coopérative de solidarité pour favoriser la revitalisation d’un village. Une acculturation de chaque milieu (pouvoirs publics et santé publique) a été nécessaire. Entre autres, il a été souligné à ce sujet « la nécessité d’ajuster la démarche et les outils standards proposés par la littérature sur les EIS en fonction des contextes et des spécificités des politiques à l’étude. Il s’agissait dans ce dernier cas de préserver le caractère structurant de la démarche d’EIS, tout en assurant une flexibilité suffisante pour répondre aux besoins des milieux 113». Toutefois, le défi posé par une nouvelle façon de considérer la santé s’est également présenté au sein de la DSP, comme nous l’explique Mme. Louise St-Pierre : « Il avait un souci de la DSP d’opérer un changement culturel professionnel de leur part, car ce sont en général les gens en santé environnementale qui font des évaluations avec du quantitatif et une prise de décision d’autorité : « nous savons ce qui est bon pour vous ». Alors, que la petite équipe qui travaille en santé communautaire n’était pas reconnue comme la plus scientifique. L’équipe constituée de personnes chargées du développement des communautés, dans la hiérarchie, ce ne sont pas les gens les plus hauts. Ils sont beaucoup sur le terrain, leur données ne sont donc pas toujours visibles. Leur confier le travail était stratégique car ils connaissaient le terrain : les centres locaux et les municipalités, or il fallait que les municipalités se sentent à l’aise pour présenter sur la table leur projet ».

111 Ibidem p.1. 112 Entretien avec Mme. Louise St-Pierre, chargée de projet au CCNPPS. 113 ST-PIERRE L., MENDELL A., op.cit. p.16.

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Le développement de la démarche d’EIS sous l'impulsion de la Direction Régionale de la

Santé (DRS)

Après cette première EIS pilote, la démarche s'est progressivement développée en Montérégie. Comme nous l'a expliqué Mme. Louise Saint-Pierre au cours de notre entretien, « en Montérégie, la DRS a pris deux ans pour financer, pour piloter et coordonner la pratique, une personne a été engagée qui avait un background en administration et qui n’avait pas d’idée reçue sur la santé publique ». Cette nouvelle personne est M. Émile Tremblay, cité en tant qu'auteur principal de la plupart des rapports et considéré comme étant un « courtier de connaissance » entre la DSP, le CSSS et les municipalités. Quel est le rôle d’un courtier de connaissance ? Selon la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (2003; Meyer, 2010), le courtage de connaissance se définit comme un « moyen d’établir des interactions entre décideurs et scientifiques » qui « permet de transgresser les barrières culturelles et organisationnelles des univers politiques et scientifiques et de définir des objectifs mutuellement bénéfiques soutenant l’intégration des données probantes dans les processus décisionnels ». M. Tremblay lui-même, ainsi que la Direction de la Santé Publique, résument le travail du courtier de connaissance en deux schémas114 éloquents qui nous permettent ici de mieux comprendre sa place, son rôle et ses méthodes :

114 TREMBLAY E., NAVERT P., BLACKBURN M., DUFORT J., DRAPEAU J-B., NOISEL N., GAGNON F., Évaluation d’impact sur la santé du projet Quartier TOD à Sainte-Catherine. Rapport sur les impacts potentiels et recommandations, Montréal, Québec, CCNPPS, 2014, p.21

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Grâce au travail de la DSP et de M. Emile Tremblay, le fonctionnement général de la démarche d’EIS en Montérégie est maintenant bien rodé : « il y a l'institution d'une commission scientifique en charge des données probantes, une commission locale de suivi du projet et ils sont associés au service d’évaluation des programmes. Le CNNPPS a monté un protocole, pour cela on est retournés sur le terrain avec les gens qui avaient participé aux EIS. C'était très positif car toutes les municipalités étaient enchantées de l’approche et de la personne d’Emile Tremblay. Elles ont toutes intégré les recommandations et les considéraient comme réalistes » (selon Mme. Louise St-Pierre).

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Selon notre contact, c'est donc l'histoire d'un succès de l'implantation durable de la démarche, illustré par le grand nombre d'EIS réalisées, dont nous allons maintenant présenter quelques exemples115 :

Nom de l'étude et année de

Réalisation

Lieu et échelle de réalisation

Nature de l'objet évalué

Thème concerné

Temporalité de l'EIS par rapport au

projet

Acteurs porteurs et associés

1 - Scénario de revitalisation du cœur de Beloeil,

2012

Centre de Beloeil

Stratégie Santé et qualité de vie des citoyens :

aménagement urbain,

développement social et

économique

Prospective116 DSP, CSSS Richelieu-Yamaska, municipalité, Emploi Québec, Centre Local

d’Emploi (CLE), Carrefour jeunesse emploi, Club de

recherche d’emploi, Comité de Lutte à la Pauvreté

(CLAP), Réflexion, Evaluation, vision, Evolution (Révé)

2 - Cité de la santé et du savoir :

rapport sur les impacts potentiels

et recommandations,

2013

Municipalité de Salaberry-de-

Valleyfield

Stratégie Pôle de référence régional pour répondre aux

enjeux de santé et d'éducation

Prospective DSP, CSSS du Suroît, Commission scolaire de la

Vallée-des-Tisserands, Collège de Valleyfield

3 - Plan directeur d'aménagement :

rapport sur les impacts potentiels

et les recommandations,

2013

Municipalité d'Henryville

Plan directeur d'aménagement

Aménagement de circuits pédestres

et cyclables, amélioration

d'installations récréatives scolaires et municipales

Prospective DSP, CSSS Haut-Richelieu-Rouville, municipalité, comité du pacte rural

4 - Plan directeur d'aménagement :

rapport sur les impacts potentiels

et les recommandations,

2014

Municipalité de Frelighsburg

Plan directeur d'aménagement

Réduction du trafic automobile, amélioration des interconnexions

pédestres et réaménagement

des parcs municipaux

Prospective DSP, CSSS La Pommeraie, municipalité

5 - Projet résidentiel du secteur de la

carrière : rapport sur les impacts potentiels et

recommandations, 2014

Carignan, secteur de la

carrière

Projet résidentiel Confort résidentiel :

circulation, parcs et espaces verts,

bruit

Prospective DSP, CSSS Haut-Richelieu-Rouville, municipalité

Comme nous l'avons précisé plus haut, la pratique de l'EIS est maintenant bien implantée en

Montérégie et la profusion de sources disponibles nous permet de dégager un certain nombre d'éléments récurrents. Le premier d'entre eux est bien sûr la présence de M. Emile Tremblay en tant que chef de projet et courtier de connaissances, mais également celle de Mme. Manon Blackburn (surveillante de l’état de santé de la population). Les autres acteurs revenant systématiquement dans ces rapports, que nous pouvons donc considérer comme des partenaires indispensables de l'EIS, sont la DSP et les CSSS (Centres de santé et de services sociaux) locaux, ainsi que des responsables des 115 Les rapports sont tous disponibles sur le site du CCNPPS : http://www.ccnpps.ca/13/evaluation_d'impact_sur_la_sante.ccnpps, consulté le 25/04/2015. 116 Nous entendons par « évaluation prospective » une évaluation ex ante.

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municipalités concernées : ces EIS impliquent par conséquent tous les échelons, du niveau régional (DSP) au niveau local (municipalité) en passant par le niveau territorial (CSSS). Enfin, le plan des rapports est standardisé, didactique même, commençant toujours par rappeler des notions de base sur les déterminants de santé, le lien entre municipalité et santé, « l’écosystème municipal »...

En revanche, les rapports présents sur le site du CCNPPS ne développent pas la méthodologie

ni la durée de l'EIS (raison pour laquelle notre tableau ne répartit pas les EIS dans les catégories desktop, rapide ou complète) et présentent leurs conclusions sans réflexivité apparente sur la démarche en elle-même (sans faire état des difficultés rencontrées, des limites… mais préviennent que le but du rapport n’est pas d’être exhaustif), signe d'une démarche bien rodée qui a dépassé la phase expérimentale. Ainsi, chaque rapport présente, de manière générale, les bénéfices attendus de chaque type d’aménagement, de chaque décision, de manière informée et référencée. Les recommandations sont clairement formulées et récapitulées à la fin de chaque partie dans des tableaux, mais aucun budget/plan de financement/plan d’action (réglementairement parlant) n’est présent : les auteurs se limitent apparemment à pointer les éléments qui pourraient apporter un bénéfice et laissent le soin aux décideurs de proposer comment les implanter ou non.

La méthodologie précisément employée n’étant pas expliquée, il nous est difficile de

l’analyser (nous ne savons pas par exemple s’ils ont beaucoup recours aux entretiens). Toutefois, ces EIS sont prospectives et évaluent toutes un objet d'étude se situant à l'échelon local, en se basant apparemment sur les plans d’action des municipalités (ce qu’elles veulent faire, les objectifs qu’elles voudraient atteindre…), une observation physique du terrain et des études de documents (nous pouvons donc postuler qu'elles adoptent le plus souvent un point de vue théorique et urbanistique).

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III. STRATEGIE D’INSTITUTIONNALISATION DE LA DEMARCHE AU

QUEBEC : TRANSFERT DE COMPETENCES, COMMUNICATION

ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE

Fort de ces multiples EIS menées en Montérégie, le CCNPPS a pu alimenter son site internet d’une multitude de ressources en ligne (rapports des EIS, grille d’évaluation des projets, outils pour l’étape de dépistage, accès aux guides internationaux sur la pratique, etc.). Cependant, il n’est pas certain que les autres DSP reprennent à leur compte cette nouvelle offre de service aux municipalités, notamment car « il y a une croyance des DSP que cela prend beaucoup de ressources, or la DSP de Montérégie est relativement bien dotée. Il y a une tradition comme quoi cette DSP n’a pas peur de l’innovation, l’EIS n’est qu’un exemple parmi d’autres. Elle est vue par les autres comme différente […]. Mais, en fait c’est l’affaire d’une personne ressource qui capitalise des ressources » (Mme. Louise St-Pierre, chargée de projets CCNPPS).

Pour l’heure, c’est le CCNPPS qui se charge de transmettre ces ressources aux régions et municipalités intéressées. Il participe notamment à des tables de concertations et alimente des plateformes où s’échangent leur expertise et leurs ressources. Par ailleurs, une formation en ligne a été montée, ce qui fait qu’à terme, l’Institut National de Santé Publique du Québec pourrait également monter des formations ad hoc, selon Mme. Louise St Pierre : « Il y aussi les journées annuelles de santé publique où l’on peut monter des ateliers méthodologiques sur les EIS. Dernièrement, l’Université de Montréal a monté un cours en ligne plus large que celui du CNNPSS. Le programme aborde les modèles d’analyses des politiques publiques, les transferts de connaissances, les théories sur la participation citoyenne. Il est offert aux gens qui font leur maîtrise en santé publique ». D’ailleurs, il est à noter que l’Université de Montréal et l’Université de Sherbrooke ont financé un projet de recherche sur les mécanismes d’institutionnalisation des EIS au Québec.

L’avenir des EIS suspendu à la réforme de la santé ?

Le développement de la pratique d’EIS, en particulier leur financement par les DSP et l’Institut National de Santé Publique du Québec, semble être à l’heure actuelle en suspens. En effet, la réforme de la santé prévoie de supprimer les agences de santé régionales, tandis qu’une coupe de 20 % du budget de la santé publique est annoncée. La Loi de Santé publique sera elle aussi révisée et l’avenir de l’article 54 demeure incertain. Néanmoins, d’après Mme. Louise St Pierre, « les gens du Ministère de la santé ont eu une utilisation de l’article 54 de façon stratégique, ils n’ont pas trop irrité les autres secteurs. Ils ont fait preuve de diplomatie et c’est peut-être ce qui va sauver l’article. Il y a aujourd’hui une proposition de mettre en avant les EIS dans le programme national de santé publique. Nous avons l’espoir qu’elle figurera bien, mais comme la Montérégie est victime de son succès, il y a de bonnes chances que cela soit le cas ».

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La Finlande

Entourée par la Suède à l’ouest, la Norvège au nord et la Russie à l’est, la Finlande est un des États membre situé le plus au nord de l’UE. C’est également un des pays les moins densément peuplés de l’Union, dont il est membre depuis 1995. La Finlande a intégré la Zone Euro dès 2002 et possède une économie hautement industrialisée basée sur d'abondantes ressources forestières et minières qui s’appuie sur de grandes capacités d’ingénierie et d’importants investissements en capitaux dans la technologie, l'industrie électronique et les télécommunications117.

Le pays est régulièrement présenté en modèle, notamment pour ses réalisations en matière d’environnement et de qualité de vie, mais aussi en termes d’éducation. Son économie repose en grande partie sur l'administration publique, la défense, l'éducation, la santé et les services sociaux qui représentaient en 2012118 21,9 % du PIB, mais aussi sur son industrie (19,1 %) et sur le commerce de gros et de détail, les transports et les services d'hébergement et de restauration (17,5 %). La balance commerciale de la Finlande est presque toujours excédentaire depuis 1992 et le pays exporte principalement vers la Suède, la Russie et l'Allemagne d’où provient également la majorité de ses importations119.

On considère, malgré le climat rigoureux, que la qualité de vie en Finlande est remarquable tant en termes de santé que de bien-être. Elle est par exemple mieux placée que la France pour les chances d'arriver à 35 ans en bonne santé120 se concrétisent. Dans le domaine du cancer, on parle même d’exception finlandaise : alors que partout dans le monde (principalement dans les pays développés) on observe une fréquence accrue des cancers, la Finlande est relativement épargnée par ce phénomène. De nombreux indices plaident pour des causes environnementales et une plus faible exposition à des perturbateurs endocriniens ou à des produits cancérigènes pour expliquer cette particularité121.

Pour différentes raisons, il nous a semblé enrichissant d’étudier le cas de la Finlande. En effet, c’est un pays qui utilise depuis plus de vingt ans la démarche d’évaluation d’impact afin d'analyser l'effet des politiques publiques sur la société. En outre, ce pays a développé une vision originale de l’EIS en élargissant dès le début l’évaluation d’impact environnemental qui inclue l'impact social et l'impact sur la santé. Très imprégnée par une culture de santé publique, l'approche finlandaise est en effet centrée sur l'humain, l'environnement étant pris en compte dans son rapport direct à l'homme et à son bien-être. La Finlande a par ailleurs développé des outils d’évaluation d’impact originaux, se proposant d’évaluer un nombre considérable de facteurs. C’est pourquoi il nous a semblé particulièrement intéressant d’approfondir notre analyse des pratiques d’EIS en Finlande. Nous espérons en effet en tirer des enseignements sur leurs réalisations, toujours dans une perspective de développement et d’institutionnalisation de l’EIS en France.

117 http://www.universalis.fr/encyclopedie/finlande/ 118 Statistiques économiques issues du site web officiel de l'Union européenne : http://europa.eu/about-eu/countries/member-countries/finland/index_fr.htm 119 http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/FIN/en/NE.RSB.GNFS.ZS.html 120 Donnée compilée à partir du site de l’INSERM et du CNRS http://maryland.mri.cnrs.fr/hly/index.php?c=cr&l=fr&s= 121 INSERM, « Cancer, approche méthodologique du lien avec l'environnement », Expertise collective, 2005, p13-18.

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Notre méthodologie

Le nombre relativement important de sources bibliographiques disponibles a rendu cette étude de cas possible. Nous avons commencé notre travail par une analyse bibliographique assez générale afin de d’esquisser les contours de l’approche finlandaise en termes d’EIS (notamment à travers des documents généraux concernant cette démarche issus de l’OMS). Nous avons par la suite approfondi notre analyse bibliographique grâce à des ressources spécifiques nationales, dont une grande partie est disponible en anglais. De nombreuses lectures ont été nécessaires afin de bien comprendre l’articulation entre les différents outils utilisés en Finlande. Malheureusement, certaines ressources n’étaient disponibles qu’en finnois, langue que nous ne maîtrisons pas, ce qui nous a parfois empêché d’obtenir de précieuses informations.

Par ailleurs, nous avons rapidement identifié certains auteurs qui revenaient particulièrement souvent dans nos recherches bibliographiques, ainsi qu’une institution de santé publique incontournable en Finlande, l’Institut national de santé et de bien-être (le THL, en finnois). Nous avons ainsi contacté trois membres de cet Institut dans l'espoir de mieux comprendre l'approche en santé publique spécifique à la Finlande et de les interroger sur les apports des outils d'évaluation originaux développés dans ce pays. Seul le docteur en santé publique, M. Tapani Kauppinen, a répondu à notre sollicitation et ce, de manière rapide et très aimable. Son statut de docteur en santé publique et de chercheur en Développement, bien-être et inégalités de santé au THL, en faisait un acteur tout à fait légitime et éminemment pertinent dans le cadre de notre enquête. En outre, l’opportunité de nous entretenir avec un chercheur du THL, particulièrement présent dans nos lectures bibliographiques, a été une chance unique qui nous a permis d’éclaircir certains points et d’approfondir notre compréhension du système finlandais. Cet échange s’est effectué par courriel, à travers la mise à disposition de notre grille d’entretien pour les acteurs français préalablement traduite en anglais et une série de questions suscitées122 par notre première phase d’analyse des documents disponibles. Le docteur Kauppinen s’est entièrement plié à notre exercice et a répondu à toutes nos questions123, tout en nous proposant de nouvelles sources bibliographiques ainsi que toutes les références nécessaires pour bien saisir la démarche finlandaise en termes d’EIS.

122 Voir notre grille d’entretien (cf. Annexe n°6). 123 Toutes les citations de cette partie sont, sauf mention contraire, issues de l’échange que nous avons eu avec le docteur

Kauppinen. Les citations ont été traduites par nos soins, en privilégiant toujours le respect du sens et la cohérence du

propos plutôt que la littéralité de l’échange.

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I. CONTEXTE D’EMERGENCE ET PHILOSOPHIE DE L’APPROCHE

FINLANDAISE EN TERMES D’EIS

Culture de l'expertise et de l’évaluation d’impact

La Finlande a développé depuis une vingtaine d’années une culture de l’évaluation des projets, programmes et politiques publiques. L’objectif est d’assurer une bonne gouvernance en réservant notamment une partie des budgets alloués à des mesures d’impact.

Le rapport Mieux légiférer en Europe: Finlande, réalisé par l'OCDE124, témoigne de certaines spécificités finlandaise en termes de gouvernance publique. En effet, la Finlande présente plusieurs caractéristiques originales, à savoir le rôle primordial de l'Etat considéré comme le principal garant et protecteur de la société et des pratiques en matière de gouvernance et de réglementation fortement marquées par la recherche du consensus, l’absence de caractère officiel, la collégialité, le gradualisme et souvent le corporatisme. De plus, le système finlandais n’établit pas de distinction nette entre l’élaboration des politiques et l’élaboration des lois. La gouvernance s'appuie en effet sur un exécutif décentralisé, les pouvoirs réglementaires étant à la fois confiés aux ministres, aux organes officiels et aux municipalités.

Le rapport atteste également de traditions bien ancrées en matière de consultation et de consensus, ce qui est de nature à favoriser les démarches de participation citoyenne développées par les EIS et les autres outils d'évaluation d'impact comparables. Néanmoins, il faut noter que les consultations sont menées davantage dans le but de rechercher un consensus que dans celui de rassembler des données probantes et d’évaluer l’impact potentiel des nouveaux projets réglementaires.

En 1996, le gouvernement finlandais a lancé pour la première fois une politique visant à améliorer la qualité et la gestion de la réglementation, à travers notamment certains programmes législatifs prévisionnels, des recommandations sur l’élaboration des propositions du gouvernement. La Finlande a ainsi adopté le principe du document d’orientation du gouvernement et de nouveaux principes directeurs intégrés pour l’évaluation d'impact ex ante, et un code sur la consultation.

La Finlande offre donc un cadre prometteur pour une intégration approfondie des préoccupations en matière de bonne gouvernance en soulignant la nécessité d’une évaluation fondée sur des données probantes propices aux processus décisionnels, de mise en œuvre et de suivi. C'est une véritable culture de l'expertise et de l'évaluation d'impact qui se développe en Finlande, qui a une avance persistante en la matière sur un pays comme la France125.

124 Mieux légiférer en Europe: Finlande, OCDE, 2010 (L'OCDE a lancé en partenariat avec la Commission européenne un

projet pour examiner l’évolution de la gouvernance réglementaire dans 15 pays de l'OCDE et d’identifier les écarts par

rapport aux bonnes pratiques définies par l’OCDE et l’UE. Cf. le site internet : http://www.oecd.org/fr/gov/politique-

reglementaire/mieuxlegiferereneurope-resumes.htm) 125 B. Perret, L'évaluation des politique publiques, La découverte, 2010, p.59.

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Participation aux programmes de l'OMS

La Finlande est un pays qui a une véritable culture de santé publique avec une culture de la prévention particulièrement ancienne. Elle développe ainsi une volonté de promouvoir la santé à travers une réflexion sur la réforme du système de santé qui intègre la prévention sanitaire à tous les niveaux. Une spécificité importante concerne également l’échelle de la mise en œuvre de la prévention sanitaire qui se fait essentiellement au niveau local126.

Par ailleurs, la Finlande fait partie des pays moteurs dans les programmes de santé publique de l’OMS. Depuis la Charte d’Ottawa de 1986, la Finlande a été un pays particulièrement impliqué, notamment dans le Réseau des Villes-Santé de l’OMS127. Elle a par exemple accueilli dès 1994 une conférence sur le thème « Santé et environnement », organisée par le bureau régional Europe de l’OMS128. De plus, suite à la conférence de l'OMS à Alma-Ata en 1978 et à son programme Santé pour Tous en l'an 2000, la Finlande a entamé une réflexion sur son système de santé et a formulé ses propres objectifs. Dès 1985, la Finlande (en collaboration avec ce programme de l'OMS) est devenue l'un des premiers pays au monde à tenter de formuler une politique systématique de santé publique. Au début des années 1990, un groupe d'experts de l'OMS a participé à l'évaluation du programme de santé publique finnois, qui a conduit à l'adoption de la Stratégie révisée pour la coopération basée sur cette évaluation. Les directives et résolutions données par l'OMS ont également servi à établir le dernier programme finnois, Santé 2015, qui donne les objectifs de la politique nationale de santé publique finlandaise129.

La santé dans toutes les politiques

La Finlande s'inscrit dans le mouvement mondial pour l'instauration de la « Santé dans toutes les politiques » (STP). Cette approche se fonde sur les structures de gouvernance et de prise de décisions du gouvernement afin d’intégrer la STP et de garantir sa durabilité. De plus, la STP nécessite des outils et des processus pour recueillir des données à examiner et à évaluer, ce qui implique l’utilisation d'évaluations d'impact. Les EIS rentrent dans ce cadre et permettent d'appliquer un principe de transversalité de l'action publique, afin d'améliorer la gouvernance selon le principe que les décisions d'un secteur ne doivent pas nuire aux autres secteurs ou à la santé de la population.

La Finlande a ainsi été un des premiers pays à avoir adopté une approche santé à travers des « politiques saines130 », afin de répondre aux préoccupations de santé publique du pays. Un projet exemplaire et fondateur a été celui de Carélie du Nord lancé en 1972, visant à réduire l'impact des maladies cardiovasculaires dans cette région finlandaise à travers la participation d'autres secteurs comme les organismes communautaires, les producteurs laitiers et de viande ainsi que les écoles dans le but d’améliorer la santé de la communauté. Ce projet a impliqué le soutien des autorités finlandaises et de l'OMS et a entraîné une réduction significative de la mortalité par maladie cardiovasculaire131. Il a été considéré comme un modèle de réussite pour la collaboration intersectorielle et a servi d’exemple pour la déclinaison nationale de la démarche. Il a permis

126 D. Jourdain-Menninger et M. Lignot-Leloup, Comparaisons internationales sur la prévention sanitaire, IGAS, 2003, p2. 127 http://www.villes-sante.com/uncategorized/les-villes-sante-de-loms/ 128 IGAS, Rapport annuel Santé, pour une politique de prévention durable, 2003, p.56. 129 Ministry of social affairs and health, Government Resolution on the Health 2015 publi health programm, 2001, p 3-6. 130 Nommées healthy policies par le THL, notamment. 131 www.healthypolicies.com/2011/08/health-in-all-policies-the-emperor%E2%80%99s-old-clothes/

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notamment de poser les bases de la démarche d’évaluation d’impact en santé132 en démontrant la pertinence et l’efficacité d’une approche intégrée des risques sanitaires133. La Finlande a poursuivi ses travaux en matière de Santé dans toutes les politiques. Ainsi en 2001, elle a formulé les principes pour la mise en œuvre du programme de coopération actuellement en cours «Santé 2015» qui fournit un cadre pour la promotion de la santé en intersectorialité134. Le but de cette stratégie à long terme est d'améliorer la santé, d’aider à promouvoir l'adoption d’habitudes de vie saines chez les finlandais et de réduire les disparités de santé entre les différents groupes de la population (ISS).

Au niveau municipal, il s'agit d'appliquer le principe de la STP dans les projets et politiques

locales : la HIA (EIS) et l’évaluation d’impact social (SIA)135 sont obligatoires depuis 1994 pour certains types de projets, de plans et de programmes mentionnés dans la Loi sur la procédure en matière d’évaluation d’impact environnemental, la Loi sur l’utilisation des terres et la construction ou la Loi sur l’évaluation d’impact environnemental relative aux plans, aux programmes et aux politiques136. Au niveau national, entre 2002 et 2006, des projets ont été réalisés en vue de l’institutionnalisation de l’ÉIS. On trouve également la trace de la volonté d'instaurer la STP dans la création d'une norme contraignante exigeant l’évaluation d’impact intégrée, mais dans la pratique la législation reste imprécise et incomplète.

La Finlande a accueilli en juin 2013 la 8ème Conférence Mondiale sur la promotion de la santé à Helsinki. Parmi ses principaux objectifs, la conférence cherchait à répondre aux défis de la mise en œuvre de la santé dans toutes les politiques, d'encourager l'échange et les retours d'expérience, ce qui pourrait conduire à la conception des voies efficaces pour la collaboration intersectorielle et d'analyser l'impact et l'avancement de la promotion de la santé depuis la première conférence sur la promotion de la santé en 1987. En tant que contribution à la conférence, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a publié un livre avec une portée internationale pour aider les décideurs du monde entier à mettre en œuvre l'approche Heath In All Policies (ou STP).

La question des inégalités sociales de santé (selon le sexe, les catégories socio-professionnelles ou les zones géographiques) a été également prise en compte de manière sérieuse face au constat persistant de leur importance et de leur permanence, voire leur aggravation. Dans un système de santé pourtant universel, les ISS peuvent être perçus comme un échec démocratique du système de soin, incapable de protéger les plus fragiles. Le contexte géographique et démographique de la Finlande peut certainement expliquer le défi qu’a constitué l’accès égalitaire au système de soin et une prise de conscience de ces inégalités géographiques et sociales plus précoce qu’en France. En effet, la Finlande a fait de la réduction des inégalités un axe majeur de sa politique de santé publique137 et ce, dès 1986, avec des objectifs particulièrement ambitieux (réduction de 20 % des différences de mortalité entre les catégories socioprofessionnelles, par exemple138).

132 Pekka Puska, Erkki Vartiainen, Tiina Laatikainen, Pekka Jousilahti, Meri Paavola, The North Karelia projet : From North

Karelia to national action, THL 2009, p.7 et p.49-54. 133 IGAS, op.cit. 2003, p.57. 134 Ministry of social affairs and health, op.cit., 2001, p 7-9. 135 Ces types d'évaluation seront défins en détail par la suite. 136 J. H. Lee, N. Röbbel et C. Dora, Analyse transnationale sur l’institutionnalisation de l’EIS, OMS Genève, p.10. 137 IGAS, op.cit. 2003, p.61. 138 Ibid, p.62.

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Le système de santé finlandais

Le système de santé finlandais se distingue par plusieurs spécificités : une couverture et un accès universels aux soins (dont le financement est assuré par la fiscalité) et un secteur public dominant (dans le cadre d'une organisation des soins très décentralisée). Depuis plus de vingt ans, la tendance est à une plus large autonomie des municipalités et une responsabilisation financière de ces dernières particulièrement accrue. L'assouplissement de la fonction de planification de l'Etat central et une succession de réformes qui ont accentué la décentralisation et introduit des méthodes de management privé ont également été une évolution notable.

Ainsi, la Finlande connaît une réforme importante en 1993 qui renforce l'autonomie financière des municipalités et leur liberté de décision et qui réduit la contribution financière de l'Etat aux dépenses de santé : en 1999, l'enveloppe budgétaire allouée aux régions a diminué de moitié139. Suite à une situation économique et financière difficile dans les années 1990, le pays a engagé une réflexion pour trouver le niveau optimal de décentralisation qui concilie à la fois une certaine égalité des soins sur l'ensemble du territoire, une responsabilisation et une autonomie accrues des acteurs du système de santé. Face au constat de grandes disparités de soins au niveau des régions éloignées et de la prise en charge des personnes âgées, le gouvernement a engagé des réformes du système de santé dont l'objectif principal est l'amélioration de l'accès aux soins pour toute la population. En effet, les statistiques révèlent que les dépenses de santé par résident en Finlande varient de 1 à 2,5 selon les comtés140. Une vaste consultation de tous les professionnels de santé et des usagers a conduit au programme de santé publique ambitieux, Santé 2015, présenté en avril 2002. Le manque de financement de dépenses de santé dans certaines régions s'explique par le fait que certains élus locaux, par souci de réélection, hésitent à augmenter les impôts locaux141. Ce programme se donne plusieurs objectifs et s'axe notamment sur la prévention et la promotion de la santé, institués en véritable pilier de la nouvelle politique de santé. Par ailleurs, la Finlande dispose d'un plan quadriennal, d'un projet national de santé et d'un programme de santé publique renouvelé environ tous les quinze ans (comme celui de Santé 2015).

Une approche centrée sur l'humain

L’approche finlandaise des EIS développe une philosophie dont le prisme est centré sur l’humain et son bien-être. Cette approche par le bien-être permet d'intégrer un large éventail de facteurs environnementaux et de déterminants de la santé. Les premières EIS qui ont été développées étaient les évaluations d’impact environnemental. Selon cette approche santé et bien-être, l'évaluation d'impact environnemental (EIE) pratiquée en Finlande inclue dès son origine beaucoup plus de déterminants de santé que son équivalent français. Ainsi, dès la loi de 1994 définissant la procédure d’EIE, l’impact environnemental est défini comme « les effets directs et indirects à l’intérieur et à l’extérieur du territoire finlandais d’un projet sur la santé humaine, les conditions de vie et les aménités ainsi que les interactions entre ces différents facteurs142 ».

139 www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/assurance-maladie-europe/europe-du-nord.shtml 140 Teil Alice, Les modalités de définition des objectifs et priorités de santé publique : analyses des dispositifs espagnols,

finlandais, anglais et suédois, in Politiques et management public, vol. 22 n° 3, 2004. « Une génération de réformes en

management public : et après ? », Actes du treizième colloque international - Strasbourg, jeudi 24 et vendredi 25

novembre 2003 - Tome 2, p.117-135. 141 Ibid. 142 Traduction libre extraite du texte de loi 1994 avec tous les amendements jusqu'à 2009 disponible sur le site :

http://www.finlex.fi/en/laki/kaannokset/1994/en19940468.pdf

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II. CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET RÉGLEMENTATION

Le THL, l'Institut national pour la santé et le bien-être143 La Finlande est dotée d'un centre national de ressources en santé publique : le National

Institute for Health and Welfare, qui opère pour le compte du Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Ce pôle de ressources, couramment appelé THL de son nom en finnois, est un véritable institut de recherche et de développement en santé publique composé de chercheurs, d'universitaires et de médecins en santé publique. Le THL a été formé le 1er janvier 2009 suite à la fusion de l'Institut national de santé publique de la Finlande (KTL) et du Centre national de recherche et de développement pour le bien-être et la santé (STAKES). Avec son budget total d'environ 94 M € en 2010 (dont 68 % provenait du financement de l'Etat, 27 % de financements extérieures et 5 % des services payants), c'est la plus grande organisation d'experts rattachée au ministère de la santé et sa source principale de données scientifiques en santé publique.

Haut lieu de la recherche scientifique, THL a vocation à servir la société dans son ensemble, à travers son objectif de promotion de la santé et du bien-être en Finlande. Il rassemble, en plus de la communauté scientifique, des acteurs de terrain, des hommes politiques du gouvernement central et des municipalités. Basé à Helsinki et présent dans six autres villes finlandaises, plus d'un millier d'experts dans les domaines de la recherche en santé et de la protection sociale travaillent à la prévention des maladies et des problèmes sociaux de santé. Autorité officielle en matière de statistiques épidémiologiques, le THL maintient et encourage l'utilisation d'une base de connaissances solides dans le domaine et ce également à une échelle plus fine au niveau des municipalités.

De plus, les fonctions statutaires du THL sont notamment l'étude, la surveillance, l'évaluation, le développement et l'orientation de la protection sociale et des activités de soin. Il fournit également l'aide nécessaire à la mise en œuvre des politiques, procédures et pratiques favorisant la santé et le bien-être grâce à son travail de recherche et développement proposant des initiatives innovantes. Dans ce cadre, il assume la responsabilité de la planification, de la gestion et du suivi la protection sociale au moyen d'un système national d'information et de données sur les usagers du système de santé finlandais. Certaines institutions étatiques sont subordonnées au THL, comme les hôpitaux psychiatriques publics et les pensionnats d'Etat.

Par ailleurs, le THL est une institution à portée internationale qui multiplie les coopérations à l’étranger. Il participe notamment aux collaborations d'experts avec l'ONU, l'OMS, l'Union européenne (DG SANCO144, CEPCM145) et de nombreuses associations internationales (IANPHI146 par exemple). Les chercheurs de cet institut sont actifs dans de nombreux organismes scientifiques européens et internationaux dans les domaines de la santé et du bien-être. La Finlande produit ainsi une littérature scientifique importante sur les évaluations d'impact et leur utilisation, notamment grâce au travail fourni par le THL.

143 Les informations de ce paragraphe sont issues du site du THL et de la page anglaise de wikipédia consacrée à cette

institution : https://www.thl.fi/en/web/thlfi-en/about-

ushttp://en.wikipedia.org/wiki/National_Institute_for_Health_and_Welfare_%28Finland%29 144 Direction générale de la santé et des consommateurs au niveau de l’Union européenne 145 Centre européen de prévention et contrôle des maladies 146 International Association of National Public Health Institutes

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Processus d'élaboration des lois et évaluation d'impact

Le principe d'utilisation des évaluations d'impact est porté au plus haut niveau de l'Etat. Dans le rapport du Ministère de la Justice de 2008 Impact assessment in legislative drafting, Guidelines147, les évaluations d'impact sont considérées comme un élément clé du processus d'élaboration des lois. Ce rapport poursuit d'ailleurs un travail initié plusieurs années avant et propose de nouvelles directives remplaçant les précédentes résolutions du gouvernement concernant les évaluations d'impact économique (1998), les évaluations d'impact environnemental (1998), les évaluations d'impact commercial (1999) et les évaluations d'impact du développement régional (2003)148 et vient compléter les Instructions de rédaction de projet de loi de 2004.

Dans la culture institutionnelle finlandaise, l'évaluation de l'impact des lois et autres

dispositions est une base essentielle pour l'élaboration des politiques, la promotion de la réalisation des objectifs de la société. Une bonne évaluation d'impact permet en effet de produire une meilleure réglementation puisqu'elle fournit des informations aux rédacteurs des lois en intégrant le point de vue de toutes les parties prenantes sur les effets et sur la pertinence des politiques, afin d'en réduire les effets négatifs possibles. Les parties prenantes et les personnes touchées par les dispositions réglementaires sont en effet souvent en mesure d'offrir des informations pertinentes sur l'impact d'une réforme proposée149.

Grâce à une évaluation d'impact, il est possible de s'assurer que les décideurs aient accès à suffisamment de renseignements fiables sur les différentes options réglementaires et leurs conséquences. L'évaluation d'impact doit être dûment prise en considération dans la mesure où elle comprend une brève description des impacts des dispositions proposées et qu'elle envisage les différentes conséquences de l'application de ces dispositions150.

Selon les objectifs que se donnent le Ministère de la Justice151, les évaluations d'impact doivent être développées afin d'améliorer le cadre réglementaire et la clarté de la législation en permettant une interaction ouverte des parties prenantes et en proposant plusieurs scénarios alternatifs de réglementation. Chaque ministère qui rédige des lois au sein de sa branche d'activité est responsable de la qualité de la législation et, pour ce faire, a la possibilité d'utiliser l'outil d'évaluation d'impact. Le Ministère de la Justice promeut et coordonne la coopération entre les ministères afin d'améliorer la qualité des lois au sein du gouvernement, en essayant de favoriser un travail d'intersectorialité.

147 Minitry of Justice, Impact assessment in legislative drafting, Guidelines, Finland, 2008 (disponible au lien suivant :

http://oikeusministerio.fi/material/attachments/om/julkaisut/6FiopyBT5/nettiversio_60_s.pdf). 148 Ibid p5. 149 Ibid p9. 150 http://oikeusministerio.fi/en/index/basicprovisions/legislation/parempisaantely/lawdraftingprocess_0.html 151 http://oikeusministerio.fi/en/index/basicprovisions/legislation/parempisaantely.html

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Dans l'approche finlandaise, les évaluations d'impact sont donc au cœur du processus d’élaboration des lois et forme une composante à part entière de la bonne gouvernance. Comme nous le confie M. Kauppinen, « les HuIA font partie d’une large législation comme les autres évaluations d’impact que [promeuvent les institutions] ». Le secteur de la santé n'échappe donc pas à cette règle et c'est en toute logique que le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé a financé un travail de développement des évaluations d'impact152 et a légiféré pour promouvoir les HIA, SIA et HuIA153.

Réglementations et lois de santé publique

L’année 1999 est une date clé puisque c’est l’année où le Ministère finnois des Affaires sociales et de la Santé a publié un guide sur les HIA et les SIA, qui fait figure de référence154. Depuis 2002, plusieurs travaux ont conduit à l'adoption de normes et de directives pour la mise en œuvre de l'évaluation d'impact intégrée. Bien que ces normes aient du mal à s'imposer au niveau national, il semble que l'obligation réglementaire au niveau municipal et local soit effective.

En 2007, le Ministère de la Justice en Finlande a dirigé les travaux qui ont menés à l’adoption des normes et des directives pour la mise en œuvre de l’évaluation d’impact intégrée (Directives sur l’évaluation d’impact), exigées par la loi depuis bon nombre d’années. Les directives présentent les conséquences potentielles par secteurs, les méthodes d’évaluation et les sources d’information. Ces directives s’appliquent aux projets de loi, de règlements et de normes, à l’évaluation d’impact national relative à l’élaboration, à l’adoption des normes de l’UE et à la mise en œuvre des obligations internationales.

Comme nous le rapporte le chercheur du THL que nous avons interrogé, les différentes législations instituant les HIA, SIA et HuIA sont arrivées après plusieurs années d'expérimentation non contraignante de ces démarches : « d’abord il y avait cette idée [d’institutionnalisation et de réglementation contraignante], après avoir mené beaucoup de projet et d'exemples pour montrer l'évaluation d’impact à de nouveaux acteurs, bien avant les derniers programmes et législations ». Par la suite, ces démarches se sont routinisées et ont fait l'objet d'une volonté d'intégration : « aujourd’hui, les HuIA font partie des évaluations d’impacts intégrées (EII), [même si] souvent les HuIA sont les seules formes d’évaluation d’impact qui sont réalisées, même si d’autres formes d’évaluations comme celles sur les enfants ou le genre ont été renforcées ».

A l’occasion de la présentation du Programme de Santé Publique de 2015, le Ministère des Affaires sociales et de la Santé a affirmé pour la première fois officiellement : « Les EIS peuvent être menées en faisant partie d’une plus large évaluation d’impact sur le bien-être et la santé ». D'après une traduction non officielle155 d’un extrait de la proposition du gouvernement au Parlement pour un nouvel Health Care Act (30.12.2010/1326)156, les évaluation d'impact sur la santé et le bien-être sont au cœur du système de promotion de la santé à travers leur mise en place au niveau local : « Dans la préparation des décisions et des solutions, les municipalités et les responsables administratifs

152 Information tirée de notre entretien avec M. Kauppinen. 153 Health Impat Assessment, Social Impact Assessment and Human Impact Assessment. Ces termes seront définis plus

précisément dans la partie suivante. 154 Tanapi Kauppinen et Kirsi Nelimarkka, Review of finnish social and health impact assessment, in Journal of

Environmental Assessment Policy and Management Vol. 6, No. 1 (March 2004) p.1-17. 155 Traduction du finnois en anglais réalisée pour notre étude par M. Kauppinen, que nous avons ensuite traduite nous-

mêmes en français. (cf. http://www.stm.fi/c/document_library/get_file?folderId=42733&name=DLFE-6214.pdf) 156 Les citations sont extraites du chapitre 2 de la proposition de loi, paragraphes 11 et 12.

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locaux des hôpitaux sont nécessaires pour mener à bien une évaluation des impacts des dites décisions et solutions pour la santé et le bien-être des populations afin de prendre en compte ces impacts en santé dans leurs décisions ».

Toujours selon cette proposition de loi, « les municipalités sont requises pour surveiller la santé et le bien être des habitants en incluant tous les facteurs qui pourraient avoir un impact sur la santé ou le bien-être selon les groupes de population ainsi que les mesures implémentées par les services municipaux en réponse aux besoins de santé des habitants ». Les municipalités se trouvent donc en charge de la santé de leurs habitants et doivent se munir d’instruments et de données nécessaires pour accomplir cette tâche : « Un rapport sur la santé et le bien-être des habitants et sur les mesures implémentées doit être soumis annuellement au conseil municipal. De plus, un rapport plus approfondi sur la santé et le bien-être devra être soumis au conseil municipal à chaque terme de mandat. Dans leur stratégie de planification, les communes doivent fixer les objectifs pour la promotion de la santé et du bien-être sur les bases de conditions et de besoins locaux afin de définir les mesures nécessaires pour les supporter et utiliser les indicateurs municipaux spécifiques pour le faire ».

Les communes se voient ainsi attribuer une responsabilité en termes de promotion de la santé et du bien-être. C'est pourquoi la loi stipule que « les différents secteurs administratifs municipaux doivent coopérer pour assurer la promotion de la santé et du bien-être ». Par ailleurs, les modalités de coopération et de partenariats sont formalisées dans l'idée d'intégrer toutes les parties prenantes : « La municipalité doit coopérer avec les autres acteurs publics, les entreprises privées et les ONG. Si le bien-être social et les provisions de soins ont été arrangés en collaboration entre différentes municipalités, l’espace de coopération du groupe de communes doit faire preuve d’une grande capacité de coopération entre les différents secteurs. Cela doit être de même concernant les évaluations d’impact sur la santé et sur le social (HIA et SIA) dans les municipalités de cet espace de coopération ». Cette nouvelle loi de santé est entrée en vigueur le 1er mai 2011, les autorités locales sont donc désormais obligées d’avoir recours à la HIA (santé) et à la SIA (social).

Enfin, plusieurs lois encadrent l’obligation de réaliser des évaluations d’impact (HIA et SIA ou directement une HuIA qui regroupe les deux). Cette obligation réglementaire trouve sa base légale dans au moins trois textes : la Loi sur la procédure d'évaluation d'impact environnemental (468/1994), la Loi sur l'utilisation des terres et sur la construction (132/1999) et la Directive européenne sur l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (2001/42/CE).

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III. DIFFÉRENTS OUTILS D'ÉVALUATION COMPLÉMENTAIRES : HIA,

SIA et HuIA

Comme nous l'avons vu précédemment, la Finlande dispose d'une véritable culture de l'évaluation d'impact, développant en ce sens une série d'outils complémentaires qui permettent d'évaluer les impacts des plans, programmes ou projets publics, comme le souligne le chercheur du THL qui a répondu à nos questions : « développer les EIS était aussi un des axes du Public Health Programme de 2015 et STAKES157 a collaboré avec le Réseau des Villes-Santé finlandaises pour développer et tester des méthodes d’évaluation d’impact ».

L'approche finlandaise appliquant le concept de bien-être (donc une vision large de la santé), a ainsi mené au développement d'un large éventail d'outils d'évaluation d'impact qui puisse prendre en compte de multiples facteurs, autant sociaux que de santé, au sens le plus large du terme. Selon la nature du projet évalué, l'évaluation d'impact peut ainsi inclure l'évaluation d'impact sur l'économie, l'environnement, la santé mais aussi le genre, la santé mentale, la pauvreté et les inégalités. Comme nous le verrons, certains outils se recoupent dans leur analyse de certains impacts et il existe une réelle volonté d'intégration de ces différents outils d'évaluation pour une approche la plus exhaustive et la plus pertinente possible au regard du projet évalué.

Les finlandais évoquent principalement les trois outils, que sont la Health Impact Assessment (HIA - outil le plus proche de l'EIS comme on peut l'entendre en France, mais aussi au Royaume-Uni ou au Canada), la Social Impact Assessment (SIA – qui, comme son nom l'indique, prend en compte des aspects plus sociaux) et la Human Impact Assessment (HuIA). Selon M. Kauppinen, « les HIA et les SIA ont été développées sous la première législation qui avait été faite sur les EIE. Aujourd’hui, les SIA sont toujours incluses dans les EIE et les outils d’urbanisme et d’aménagement du territoire, alors que les HuIA sont devenues l’outil principal de la prise de décision municipale ». En 2003, le STAKES devenu ensuite le THL ou National Institute for Health and Welfare, a démarré un projet de cinq ans « pour encourager la mise en œuvre des EIS au niveau local », l'objectif étant « d’intégrer des évaluations d'impact dans les processus de prises de décision municipales ». M. Kauppinen nous a expliqué à ce sujet que « les élus ont fourni de meilleurs équipements pour appliquer ces évaluations dans leur propre travail ».

Dans le but de produire une évaluation intégrée prenant en compte les spécificités de la vision finlandaise de la santé et du bien-être, la Finlande a donc théorisé une évaluation d'impact originale : la Human Impact Assessment. Cette évaluation se propose d'être un cadre recouvrant les évaluations d'impact environnemental, d'impact sur la santé et d'impact social. Ce concept peut être rapproché de celui d'Integrated Impact Assessment (IIA) utilisé dans plusieurs autres pays. Lorsque nous lui avons demandé de nous expliquer la différence entre HuIA et IIA, l’acteur interrogé nous a affirmé qu’il n’y avait « pas du tout [de différences], même si les HuIA sont centrées sur l’humain, donc l’approche est anthropocentrique dans le modèle finnois. [...] Les impacts ne sont pas seulement humains mais aussi organisationnels, économiques et, de nos jours, environnementaux ».

157 Centre national de recherche et de développement pour le bien-être et la santé, qui regroupé avec l'Institut national

de santé publique de la Finlande a formé le THL.

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Le THL a ainsi poursuivi ses travaux de développement de la HuIA pour compléter les autres outils existants d'évaluation d'impact au niveau local et dans le processus d'élaboration des lois. Les HuIA sont ainsi mises en œuvre à l'échelle nationale, régionale et locale et impliquent au même niveau le Ministère de l'Environnement, le Ministère des Transports et des Communications et celui des Affaires sociales et de la Santé. Au niveau municipal, ce sont déjà quelques cinquante HuIAs qui ont été mises en œuvre par les autorités locales158. Selon les auteurs Turtiainen et Vanclay, les objectifs du processus de HuIA sont les suivants159 :

Augmenter le nombre d’informations sur les effets humains

Renforcer les impacts positifs et prévenir les effets négatifs

Augmenter la participation de différentes autorités au processus

Résoudre le conflit entre objectifs (ambitieux) et moyens à mettre en œuvre (limités)

Fournir les outils nécessaires à la responsabilisation des populations locales

Améliorer les conditions des groupes vulnérables

En réalité, comme le développe M. Kauppinen, HIA, SIA et HuIA sont trois outils complémentaires : « Les HIA - qui incluent des données épidémiologiques - et les SIA - la santé dans un contexte social général de bien-être - sont deux approches très importantes en Finlande, qui se placent sous l’égide de la HuIA. » La HuIA recoupe donc l'approche des HIA et des SIA qui se complètent selon deux approches complémentaires : « Les HIA ne sont pas automatiquement intéressées par les inégalités [sociales de santé] mais plutôt par la santé moyenne en Finlande. Les SIA ont des listes qui permettent d’identifier différents groupes de personnes par sous-groupes sociaux, de genre, d’âge, de culture et régionaux ». La HuIA est une forme de prospective ou ex ante d'évaluation d'impact qui, comme les autres outils, se propose de mettre en lumière les impacts de différents scénarios et solutions alternatifs. La HuIA participe donc à fournir des informations pour la prise de décision et à prévenir d'éventuels conflits. Tous projets, plans ou programmes visés par la Loi sur la procédure d'évaluation d'impact environnemental et l'utilisation des terres ou par la Loi sur le bâtiment sont soumis à l'évaluation HIA et SIA, qui se réalise le plus souvent sous la forme d'une HuIA. Enfin, comme l’indique un guide consacré à réalisation de la HuIA160, celle-ci est un outil de gestion du bien-être en favorisant une analyse holistique des impacts d’un projet.

A la question de savoir ce qui distingue les EIS selon la méthodologie classique issue du consensus de Göteborg et développée par la cellule IMPACT de Liverpool, le docteur en santé publique du THL que nous avons interrogé nous déclare que pour l’HuIA « il n’est pas question de profession, de secteur ou de savoir-faire entre santé et social, l’approche centrée sur “l’humain” est plus neutre pour commencer - neutre également concernant le genre ». En d’autres termes, la HIA et la SIA proviennent des secteurs de la santé et du social qui sont chargés et investis de sens, alors que le prisme humain permet une approche plus neutre et plus globale, moins orientée par des logiques propres aux secteurs de la santé et du social.

158 Informations issues du site de THL : https://www.thl.fi/en/web/thlfi-en/research-and-expertwork/tools/human-

impact-assessment 159 Kauppinen, K. Nelimarkka, K. Perttila, The effectiveness of human impact assessment in the Finnish Healthy Cities

Network, Ed: Elsevier, 2006, p5. 160 Tapani Kauppinen and Kirsi Nelimarkka, Human Impact Assessment (HuIA) as a tool of welfare management, STAKES,

Training material, 2004, p.4.

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Selon M. Kauppinen, il existe d'autres types d'impact évalués, que nous allons exposer dans le tableau récapitulatif suivant (à partir également des définitions que donne le THL161) :

Tableau récapitulatif des différents outils d'évaluation d'impact avec un prisme «humain»

Nom de l'outil

Description et objectifs

Health Impact Assessment (HIA) with a focus on environment

Identifier les impacts sur la santé de l'environnement : ce type de HIA se concentre sur les politiques et les projets qui ont des effets sur l'environnement physique, tels que le bruit, l'odeur et la pollution de l'air, du sol et de l'eau.

Social Impact Assessment (SIA)

SIA vise à identifier et évaluer les conséquences sociales provoquées par des projets, des plans ou des programmes. Alors que la HIA telle que définie ci-dessus ne se réfère qu'à l'identification des dangers pour la santé physique, la SIA couvre également l'évaluation des déterminants sociaux et psychologiques de la santé.

HIA with a broad definition of health

Avec le programme de santé publique Santé 2015, un travail a été commencé sur le développement d'une HIA basée sur une définition large de la santé. Ce type de HIA couvre ainsi les aspects sociaux et psychologiques de la santé.

Health Inequalities Impact Assessment (HIIA)

Récemment, l'accent est de plus en plus mis sur les inégalités sociales de santé dans les HIA. Cependant, face au constat de la persistance des ISS et au relatif échec de la HIA pour évaluer de manière pertinente les impacts sur différents groupes de population, la HIIA a été créée.

Gender Impact Assessment and Child Impact Assessment

Comme leur nom l’indique, ces types d'évaluation d'impact ciblent des groupes de personnes spécifiques. Ils visent à développer des moyens afin d’identifier les impacts sur différents groupes, ce que les autres types d'évaluation ne parviennent à faire qu'en partie.

La Finlande fait également partie des quelques pays qui mettent en place des Strategic Environmental Assessment (SEA). La SEA peut être qualifiée de processus systématique d'aide à la décision visant à assurer les aspects de durabilité environnementale, économique et sociale d'une politique, plan ou programme. Impulsée par une directive européenne de 2001, son utilisation reste limitée à un nombre restreint de projets. Dans la mesure où l'EIE finlandaise comporte un volet social et un volet santé importants, on peut considérer que cet outil est assez redondant avec les autres évaluations pratiquées en Finlande. Ce qui fait la spécificité de la SEA c’est que celle-ci permet aux autorités de mieux percevoir non seulement les effets directs mais aussi indirects et récurrents des impacts de leurs programmes, et ce, pendant la phase d’élaboration du programme.

161 www.thl.fi/en/web/thlfi-en/research-and-expertwork/tools/human-impact-assessment/terminology

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Afin de pouvoir réaliser toutes ces évaluations, un enjeu de première importance est l’accès à des données probantes qui puissent alimenter la démarche scientifique d’évaluation d’impact. En ce sens, la Finlande s’est dotée d’un service produisant et regroupant des données sur la santé et le bien-être de ses populations, à une échelle la plus fine possible. Ce système de référence pour la promotion de la santé, dénommé TEAviisari, permet de faire des analyses comparatives ou benchmarking et couvre ainsi toutes les municipalités et leurs services de Finlande. TEAviisari est un service en ligne qui décrit l'activité de la promotion de la santé des habitants des municipalités. Le service prend en charge la planification et la gestion de la promotion de la santé municipale et régionale. Il permet entre autres de voir et de comparer les données par région ou par municipalité, de voir l’évolution des tendances, de connaitre et de comparer les données des écoles, etc. C’est un système essentiel pour l’accès et la mise en commun des données nécessaires aux évaluations d’impact.

Au final, plus de deux cents études d'impact environnemental (comprenant HIA et SIA) ont été mises en œuvre en Finlande depuis 1994. Par ailleurs, ce sont des centaines d'évaluations d'impact qui ont été utilisées dans l'aménagement et la planification de l'utilisation des terres depuis 1999 et plus de vingt évaluations environnementales stratégiques (SEA) depuis 2005.

IV. MISE EN OEUVRE DES EVALUATIONS D’IMPACT

L’approche finlandaise des évaluations est presque exclusivement une approche ex ante, à tel point que le chercheur que nous avons interrogé ne tient compte dans son discours que des évaluations réalisées en amont des projets : « tout ce dont j’ai parlé ne concerne que d’évaluations ex ante ».

Le guide de formation HuIA as a tool of welfare management162 distingue les évaluations d'impact obligatoires de celles qui sont réalisées volontairement. L'objectif reste cependant le même dans les deux cas puisqu'il s'agit toujours de faciliter la prise de décision en faisant en sorte qu'elles incluent davantage les parties prenantes. Ces deux types de configurations (obligatoire ou volontaire) sont donc considérés comme une évaluation prospective.

Certains projets, programmes ou plans d'aménagement du territoire et de planification de l'utilisation des terres se voient dans l'obligation légale de réaliser, lors des travaux préparatoires, une évaluation d'impact sur la santé (HIA) et d'impact social (SIA) qui est souvent réalisée dans le cadre de la HuIA. Cette Statutory advance assessment (comme le traduit le THL en anglais), est donc utilisée dans les travaux préparatoires sur les projets réalisés à toutes les échelles, que ce soit au niveau des municipalités, des sous-régions, des provinces ou au niveau national.

162 Tapani Kauppinen and Kirsi Nelimarkka, Human Impact Assessment (HuIA) as a tool of welfare management, STAKES,

Training material, 2004, p.4-5.

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Pour ce qui est de l'évaluation d'impact volontaire ou Voluntary advance assessment, celle-ci est également réalisée à toutes les échelles de gouvernement afin d'éclairer la prise de décision et de faciliter le processus d'élaboration de projet, plan ou loi. Les domaines de mise en œuvre des HuIA sont nombreux : il peut tout autant s'agir de la mise en œuvre de stratégie de protection sociale, de l'élaboration de systèmes de soin et de programmes pour les personnes âgées ou les personnes handicapées, de la conception de centres de santé et bien-être régionaux ou de l'amélioration des quartiers (Kauppinen et Nelimarkka, 2004).

Comme nous l’avons déjà vu, la HuIA est un outil clé dans la gestion et le développement de la santé et du bien-être des populations et c'est tout naturellement que le programme de santé publique Santé 2015 insiste sur la nécessaire extension du dispositif afin de couvrir toutes les activités et politiques, au moment de leur élaboration ou de leur réévaluation. Le principe de la réalisation ex ante, donc prospective, des évaluations d'impact est particulièrement utile dans les situations où il est nécessaire de réagir à un changement ou à une évolution spécifique de la situation. Par exemple, si une tendance inquiétante émerge dans une stratégie de santé et de bien-être, l'évaluation peut être utilisée pour trouver la meilleure façon de composer avec ces nouvelles contraintes. De plus, une évaluation préalable peut permettre d'influencer l'avenir et de chercher des moyens d'arriver à une meilleure situation. Enfin, la démarche d'évaluation d'impact aide à trouver les partenaires qui doivent être impliqués dans la planification et la mise en œuvre d'un projet.

Comme nous le confie M. Kauppinen, les acteurs à l'initiative d'un projet ou d'un programme doivent être porteurs de la démarche : « Chaque ministère doit faire ses propres évaluations, sur leur propre domaine de compétences » et ce, dans le but de respecter le principe d'intersectorialité et « de santé dans toutes les politiques ». Il en va de même pour les régions et les municipalités : « Au niveau local, chaque secteur devrait faire des évaluations d’impact ». Ce sont donc les responsables de projet qui sont en charge de la bonne réalisation de l'évaluation d'impact : « L’idée c’est que les évaluations d'impact sont la responsabilité des initiateurs ». Les décideurs politiques ne sont pas forcément ceux qui portent la démarche : « Non [les hommes politiques ne sont pas impliqués dans le processus], sauf dans le cas où ils ont une évaluation qui fait partie de leur proposition de projet ». En effet, ce sera le responsable d'une structure portant un projet d'activité ou un programme qui portera la démarche et en assurera le bon fonctionnement.

A la question de savoir si la HuIA est un outil de démocratie local ou participative, M. Kauppinen répond qu’il s’agit d’«un outil transparent qui permet de collecter et montrer les impacts des différentes alternatives d’un projet et donne des possibilités de participer à la protection [de la population et de l’environnement] ». La démarche d'évaluation d'impact permet en effet d'intégrer les parties prenantes et donc les citoyens dans le processus de décision et d’élaboration d'un projet. Cependant, M. Kauppinen nous prévient : « Au niveau local, cela dépend de l’autorité » même si « généralement, [les citoyens sont impliqués dans la démarche] ». Enfin, cela est formalisé dans le cadre des EIE où « la consultation citoyenne est faite par le bas ».

En ce qui concerne le profil des évaluateurs et le portage de la démarche, M. Kauppinen nous explique qu'il y a « des consultants (bureaux d'études) qui vendent des évaluation d’impact mais surtout des EIE ». Par ailleurs, l'idée est que les services à l'initiative de l’évaluation montent en compétence afin de réaliser eux-mêmes la démarche, même s'ils doivent se faire aider pour cela : « les ministères peuvent les produire eux-mêmes ou utiliser des instituts de recherches [publics]. Au niveau local, l’idée est que ceux qui font les évaluations le font dans le cadre de leur travail lorsqu’ils participent au processus de décision ». Cette montée en compétence et la réalisation de l'évaluation par les porteurs de projet permettent la prise de conscience des acteurs impliqués quant au rôle

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qu'ils ont à jouer dans la santé et le bien-être de la population. M. Kauppinen le résume bien ainsi : « C’est l’idée de “la santé dans toutes les politiques” : les gens des différents secteurs devraient apprendre à voir les conséquences de leur propre travail ». Cette logique de mise en œuvre détermine également les modalités de financement : « C’est pour cela que les évaluations d'impact sont financées par ceux qui sont responsables du projet ». De cette manière, il est n'est plus possible que les décideurs ou aménageurs continuent d'ignorer les impacts qu'ils produisent dans le cadre de leurs activités.

Pour ce qui est de la perception de la démarche et sa réception par les parties prenantes, il peut encore exister des réticences : « ceux qui n’aiment pas le processus disent qu’ils ne peuvent pas le faire car ils n’ont pas d’argent et pas de temps. » Néanmoins, la démarche se routinise et est plutôt bien diffusée : « ceux qui comprennent l’idée d’évaluation d’impact disent que ça fait partie d’une bonne préparation d’une prise de décision ». L'idée selon laquelle les évaluations d'impact participent à une bonne gouvernance et favorisent l'acceptabilité sociale des projets est ainsi bien répandue.

Selon notre enquêté, mise à part pour l'EIE, la prise en compte des recommandations n'est pas soumise à une obligation réglementaire : « Il n’y a que les EIE qui sont soumises à un système de contrôle, toutes les autres font partie du système de prise de décision politique. Quand elles font partie d’une adoption environnementale, il y a des autorités qui disent si les EIE sont assez bien ou pas. Mais, pour les autres formes d’évaluation, il n’existe pas de sanction si elles sont mal faites ». Ainsi, c'est un reproche qui peut être fait aux évaluations d'impact comme les HIA, SIA ou HuIA : en effet, les résultats peuvent être ignorés ou la démarche instrumentalisée par les initiateurs. Cependant, comme le révèle un article scientifique sur l'efficacité des HuIA, le processus lui-même pourrait avoir plus d’effet que ses résultats163.

Ces différents outils d’évaluations d’impact rencontrent cependant des difficultés à prendre en compte et à agir sur les ISS : « Ça reste trop compliqué, nous continuons d’identifier les groupes sociaux et tous les ministères ou autorités locales ont de grosses difficultés à comprendre les connections entre les inégalités et leur propre travail ». Comme nous l'avons vu dans la partie précédente, les évaluations d'impact traditionnelles (HIA principalement mais aussi la SIA) ne parviennent pas toujours à endiguer le problème des ISS : « Les HIA ne s’intéressent pas automatiquement aux inégalités [sociales de santé] mais plutôt à travers la santé moyenne en Finlande. Les HuIA ont des listes qui permettent d’identifier différents groupes de personnes par sous-groupes sociaux, de genre, d’âge, de culture et régionaux ». Ainsi, les HuIA sont censées pouvoir permettre une meilleure prise en compte des ISS, même si cela reste un défi important. En ce sens, la Finlande a développé les Health Inequalities Impact Assessments (HIIA), spécialement créées pour évaluer de manière pertinente les impacts sur différents groupes de population.

163 T. Kauppinen, K. Nelimarkka, K. Perttila, The effectiveness of human impact assessment in the Finnish Healthy Cities

Network, Ed: Elsevier, 2006, p.9.

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Comme le montrent les chercheurs du THL, T. Kauppinen et K. Nelimarkka, dans un article scientifique écrit en 2003164, on se confronte à trois types de difficultés quand on analyse les HIA, à savoir :

l’évaluation de la différence entre les impacts causés par le programme et les autres changements (ne résultant pas du programme mais d’un changement social « normal ») ;

la définition des concepts utilisés dans les programmes qui peuvent diverger d’une région à l’autre ;

l’estimation des impacts négatifs produits par les HIA.

Les auteurs insistaient déjà sur la nécessité de mettre des HIA à tous les niveaux de décision et sur la nécessaire implication des professions de la santé et du social dans les HIA. Ils soulignent également l'importance de l’articulation des niveaux locaux et du niveau national dans les HIA. Enfin, les auteurs attirent l'attention sur le manque de littérature théorique disponible concernant les HuIA (constat à nuancer vu que l’article est de 2003 et étant donné les ressources disponibles - même en anglais - sur le sujet actuellement).

Un autre article écrit par les mêmes auteurs en 2006165, porte sur un projet d'étude sur la réalisation et l'efficacité des HuIA. Ce projet a été initié par le THL en collaboration avec 6 municipalités finlandaise et suivi par l'OMS, suite au constat qu'il existait beaucoup de recherches et d’informations sur les EIE mais beaucoup moins sur les HIA et encore moins sur les HuIA. Suite à cette étude, un constat préoccupant a été fait : une évaluation de haute qualité peut produire de nouvelles informations pour les décideurs mais qui peuvent ne pas être suivies au moment de la prise de décision. La qualité de l’évaluation n’est pas donc pas le seul critère d’effectivité d'une évaluation d'impact. Parfois, il n’est pas facile de savoir de manière claire si l'amélioration des impacts et la réduction des inégalités de santé sont le fait d'un programme spécifique ou non. Les auteurs concluent sur la grande difficulté voire l'impossibilité de connaître l'efficacité des évaluations d'impact en termes sanitaires. C'est pourquoi, on mesure généralement la prise en compte des recommandations et non les effets directs sur la santé et le bien-être, comme cela pourrait sembler pertinent de le faire. Il est néanmoins possible d'étudier l’atteinte ou non des objectifs d’une évaluation, en interviewant par exemple les participants avant et après.

Lors de l'étude portée par le THL, les six municipalités impliquées devaient réaliser au moins une HuIA dans ce cadre. Dans la majorité des cas, les municipalités n’avaient pour autant pas d’attentes précises au départ du processus d’évaluation car il s’agissait pour elles une nouvelle méthode. Le plus souvent, les municipalités voulaient obtenir des informations sur les effets des décisions sur la population (par groupes d’âge, groupes sociaux) ou sur les effets des changements de procédure. Cependant, les municipalités sont restées principalement préoccupées par les données de coût des différents scénarios alternatifs, les conséquences en termes sanitaires pouvant passer au second plan : « pour tous les acteurs, renforcer les effets positifs et prévenir ou mitiger les effets négatifs était un but indirect ; seulement quelques municipalités ont utilisé la spécificité des HuIA dans ce sens166 ».

164 Tanapi Kauppinen et Kirsi Nelimarkka, Review of finnish social and health impact assessment, in Journal of

Environmental Assessment Policy and Management Vol. 6, No. 1, March 2004, p.1-17. 165 T. Kauppinen, K. Nelimarkka, K. Perttila, op.cit, 2006, p.1-10. 166 Ibid, p.6.

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Au final, l’influence de l’évaluation sur la décision finale dépend surtout de l’évaluation elle-même. Les municipalités se sont accordées pour dire que les HuIA avaient facilité le processus d’aménagement car elles avaient initié la discussion autour de plusieurs alternatives, ce qui est sans conteste une plus-value qui n’aurait pas lieu d’être sans l’évaluation. Par ailleurs, les projets de HuIA permettent d’accroître la base de données des municipalités. De plus, l'importance de donner la parole aux habitants en installant une démarche d'empowerment des populations, a été soulignée. Dans plusieurs municipalités, la HuIA n’a pas résulté en une prise de décision claire mais a eu le mérite d'avoir aidé à construire une discussion stratégique sur le projet. Les auteurs révèlent un risque à ce type de démarche : que l'évaluation soit conduite pour des résultats précis en n’analysant finalement pas les alternatives ou les effets possibles. Pour éviter cela, il faut réaliser une description des effets et justifier pourquoi un effet est considéré comme positif ou négatif. Malgré tout, la HuIA et son processus permettent aux participants de prendre conscience des impacts et de faire évoluer leur point de vue. Comme le soulignent les deux auteurs, les participants à l’étude ont noté l’importance des interactions et de la coopération pour mener à bien les HuIA. De plus, cette démarche fonctionne comme un véritable plaidoyer de l'intersectorialité et démontre l'importance de l’interdisciplinarité pour arriver à bonne décision. Les auteurs concluent même que le processus de l'évaluation d'impact pourrait avoir autant d’effet que son résultat.

Quelques exemples…

Afin de mieux illustrer la réalisation de la démarche en Finlande et des différents objets que les évaluations d’impacts peuvent concerner, nous avons décidé de prendre quelques exemples de HuIA. Il n’y a ici aucune prétention d’exhaustivité, il s’agit simplement de mieux rendre compte des étapes de réalisation et du genre de projets qui sont évalués.

Le guide de 2004 Human Impact Assessment (HuIA) as a tool of welfare management167, consacré à réalisation de la HuIA, s’adresse à ceux qui sont engagés dans le secteur de la santé, en supposant que les personnes chargées de l'évaluation sont des experts du secteur de la santé municipale168. Ce guide décrit en sept étapes toutes les opérations nécessaires à la réalisation d’une HuIA, à savoir : nécessité et organisation de l'évaluation, acquisition et compilation de l'information, identification des impacts et des limites, formulation et description des scénarios alternatifs, évaluation des impacts et des alternatives, rédaction du rapport et enfin suivi et contrôle169. De ce document170 nous avons extrait le schéma suivant, qui présente le raisonnement nécessaire pour savoir si un projet devrait faire l’objet d’une HuIA (volontaire) :

167 Tapani Kauppinen and Kirsi Nelimarkka, op.cit, 2004, p1-37 168 Ibid p.3. 169 Ibid. p.2. 170 https://www.thl.fi/documents/189940/268000/huiatrainingmaterial.pdf

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T. Kauppinen et K. Nelimarkka, tous deux chercheurs au STAKES puis au THL, ont regroupé

dans un document171 huit exemples de démarche HuIA sur des projets locaux de structures de promotion de la santé. Parmi ces exemples, nous avons sélectionné six projets afin d’établir un tableau montrant la diversité des projets évalués, les différents publics concernés ainsi que l’échelle des projets :

171 T. Kauppinen et K. Nelimarkka, HuIA examples of project on local structures and management of health promotion, STAKES, 2006, p.1-20.

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Municipalité concernée

Type de projet Public concerné Echelle du projet

Kuusiokunnat Système de soin Personnes atteintes de maladies professionnelles

Sous régionale

Muurame Equipement de soin pour logements spécialisés

Personnes âgées, personnes handicapées, personnes

avec des troubles mentaux

Intercommunale

Muurame Activités pour centre de jour pour toxicomanes

Personnes toxicomanes Locale

Närpiö Localisation d’une école maternelle

Elèves, parents d’élèves Locale

Salo Organisation d’activités extra-scolaire

Elèves de primaire Locale

Salo Enseignement supérieur pour personnes handicapées

Personnes avec des troubles mentaux

Locale

Par ailleurs, depuis un article que nous a transmis M. Kauppinen172, nous avons extrait six exemples d’utilisation de HuIA qui ont été réalisées dans le cadre d’un projet de 5 ans (2003-2007) initié par le THL pour encourager le développement des évaluations d’impact au niveau local en les intégrant aux processus de décision municipaux. Les municipalités partenaires au nombre de six font toutes parties du Réseau finlandais des Villes-Santé de l’OMS. Chaque municipalité devait développer une HuIA, comme suit :

Municipalités de Eastern Ha¨me : Travail de six municipalités qui ont créé une unité régionale pour développer le projet. La HuIA dans ce projet était focalisée sur les impacts en santé des équipements d’urgence dans les centres de soins du point de vue des utilisateurs et du personnel.

Ville de Jyväskylä : Ce projet concernait le développement du contenu de la méthodologie SIA afin de trouver les moyens appropriés pour décrire l’intégrité sociale en développant des outils pour la surveillance des cadres de vie.

Ville de Kajaani : Evaluation des effets durables des services alternatifs sur le bien être des habitants.

Ville de Kerava : Etude des effets des changements de ressources et pratiques sur les employés d’un service de soin.

Sous-région d’Oulunkaari et municipalité de Vaala : Étude des alternatives pour créer un centre pour la santé et le bien-être.

Ville de Turku : Evaluation réalisée sur les lieux de regroupement des différents groupes de population et sur les effets de ces lieux sur les groupes.

172 T. Kauppinen, K. Nelimarkka, K. Perttila, op.cit., 2006, p.3-4.

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Enfin, nous avons extrait deux tableaux d’un article scientifique de T. Kauppinen et de K.

Nelimarkka173 écrit en 2003, qui propose un compte-rendu de l’utilisation des HIA et SIA en Finlande. Le premier tableau montre les différentes échelles de décision soumises à l’évaluation et le type de projets évalués dans ce cadre :

Ce dernier tableau montre le type de questions que doit comporter la grille d’analyse d’une HuIA pour un plan ou un programme, selon quatre grandes catégories :

173 Tanapi Kauppinen et Kirsi Nelimarkka, op.cit., March 2004, p.1-17.

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PARTIE 4 :

LES PREMIERES EIS EN FRANCE : ANALYSE

COMPAREE

La ville de Rennes

Superficie du territoire : 50,39 km²

Nombre d’habitants : 208 0331

Spécificités en matière de santé :

- Première Ville-Santé de l’OMS en France en 1990

- Accueille l’EHESP

- Siège français de l’association S2D, Santé Développement

Durable

Rennes

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LES EIS EN BREF :

La Crèche Colette :

Localisation : Rennes, quartier de la ZAC de Beauregard

Projet concerné : Ouverture d’une nouvelle crèche

Composantes du projet évaluées : Les transports, le réchauffement climatique, la participation, les pratiques de la crèche

Type d’EIS : EIS « pilote »174, rapide et rétrospective

Commanditaire : Projet impulsé par l’association S2D, Santé Développement Durable

Autres acteurs impliqués : Trois services de la ville de Rennes : le service Hygiène et santé, la Direction des crèches et le service Mission Environnement, membres du CoPIL

Benchmark : Non, mais prise en compte de la définition de la santé selon l’OMS

Méthodologie appliquée : Modèle de Merseyside (sélection, délimitation, analyse, recommandations, suivi/évaluation)

Temps de réalisation : Période de stage de cinq mois

Budget : 2,6 millions d’€ pour le projet de la crèche / 2500€ pour l’EIS. (rémunération de la stagiaire en charge)

174 Selon la chargée des politiques de santé au niveau régional de l’EHESP que nous avons interrogée, « l’expérience de la Crèche Colette n’était pas vraiment une EIS ».

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La halte ferroviaire de Pontchaillou :

Localisation : A la croisée des quartiers de Villejean/Beauregard et de La Touche et Nord Saint Martin

Projet concerné : Restructuration de la halte ferroviaire de Pontchaillou (domaine urbanisme/transports)

Composantes du projet évaluées : Les déplacements et les transports, les espaces aux abords de la halte, le bâtiment multi-service, l’environnement (qualité de l’air, sols, etc…) et la participation

Type d’EIS : Concomitante et complète

Commanditaire : Le Service Santé Environnement de la ville de Rennes

Autres acteurs impliqués : La Ville de Rennes, l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), l’association S2D précédemment citée, le Service des études urbaines de Rennes Métropole, l’Agence Régionale de Santé (ARS Bretagne) et dans une moindre mesure, le CHU de Pontchaillou et la SNCF

Benchmark : La première EIS menée sur la crèche Colette mais aussi les EIS réalisées en Grande-Bretagne, en Suisse et au Québec

Méthodologie appliquée : Utilisation de données existantes, entretiens et observations de terrain - Modèle de Merseyside (sélection, délimitation, analyse, recommandations, suivi/évaluation)

Temps de réalisation : Période de stage de cinq mois

Budget : Rémunération légale de la stagiaire en charge, soit 1668€, plus des frais annexes de fonctionnement

C’est sur cette deuxième évaluation d’impacts sur la santé, réalisée plus récemment et sur

un projet urbain de plus grande ampleur que celui de la crèche Colette, que nous avons concentré notre étude et notre analyse.

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I. NOTRE METHODE D’ENQUETE

A) Tableau des entretiens réalisés : Dans le cadre de notre étude, huit entretiens téléphoniques ont été réalisés entre le 8

décembre 2014 et le 24 février 2015, recueillant ainsi les retours d’expérience de onze acteurs, dont dix ont pris part à la réalisation de l'EIS de la Halte ferroviaire de Pontchaillou.

Le tableau ci-dessous liste l’ensemble des acteurs que nous avons interrogés :

ORGANISME DESCRIPTION DIRECTION CONTACTEE

Ville de Rennes

Organisme membre du réseau Bretagne Urbanisme Santé (RBUS)

Service Santé Environnement, deux acteurs : - Responsable - Chargée de mission Qualité de l’Air Intérieur

Rennes

Métropole

Collectivité territoriale impliquée dans les politiques d’urbanisme et d’aménagement de la métropole rennaise

Service Urbanisme : Chargé de la planification des questions de santé et vieillissement

EHESP

Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, membre du réseau RBUS

Trois acteurs : - Enseignante chercheuse, Département Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire - Enseignante chercheuse en charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP - Etudiante stagiaire en charge de l’EIS de Pontchaillou

S2D

Santé Développement Durable, association internationale pour la promotion de la Santé et le Développement, membre du réseau RBUS

Présidente du Centre collaborateur des Villes-Santé de l'OMS

S2D - Université de Genève

Branche suisse de l’association, siège à Genève Directeur de l’association en Suisse, également enseignant en environnement et santé

ARS Bretagne

Agence Régionale de Santé de la région Bretagne, membre du réseau RBUS

Direction de la santé publique : Ingénieure santé environnement

Conseil Régional de Bretagne

Organisme non-impliqué dans la réalisation des deux EIS mises en place mais qui manifeste un intérêt pour la démarche

Direction de l'aménagement et de la solidarité : Chargée du suivi des politiques de promotion de la santé

DGS

Direction Générale de la Santé Département des urgences sanitaires : Chargée de la gestion des alertes d’origine environnementale

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B) Les étapes de l’étude :

Phase préparatoire : de septembre à décembre 2014

Avant d’interroger ces différents acteurs, nous avons effectué un travail de recherche sur les deux EIS menées à Rennes, en nous appuyant notamment sur les rapports rédigés par les deux stagiaires responsables de ces démarches à Rennes.

En revanche, le temps que nous avons pu accorder à l’étude des EIS en France et à l’étranger

ne nous a pas permis d’interroger tous les acteurs impliqués dans les deux EIS à Rennes. Etant donné que nous avons rencontré beaucoup de difficultés à entrer en contact avec les acteurs ayant participé à l’EIS de la crèche Colette (à l’exception de la Présidente de l’association S2D), nous avons uniquement réalisé des entretiens avec ceux impliqués dans l’EIS du projet de la halte ferroviaire de Pontchaillou.

Par ailleurs, nous avons pu accéder à de nombreuses informations sur les projets de la ville

de Rennes (y compris en termes de prise en compte de la politique de santé) grâce à la mise en place, en novembre 2014, d’une plate-forme en ligne175 afin de formaliser le réseau constitué par les acteurs des EIS sur le territoire. Il s’agit du réseau dit « RBUS », Réseau Bretagne Urbanisme Santé176. Cette plate-forme met à disposition une large documentation sur les EIS, sur la manière de favoriser et de préserver la santé dans la ville (urbanisme durable, etc.), sur les acteurs de la santé dans la région Bretagne (leurs engagements, les groupes de travail…) ainsi que sur des événements programmés dans d’autres villes françaises, en lien avec la santé.

Campagne d’entretiens : de mi-décembre 2014 à début mars 2015

Choix des personnes à contacter et prise de contact

Nous avons alors contacté les différents services concernés par la réalisation de l’EIS de Pontchaillou et avons été agréablement surpris d’obtenir très rapidement un retour favorable de la plupart d’entre eux177. Ainsi, nous avons facilement obtenu des rendez-vous téléphoniques178, bien qu’étalés dans le temps en raison des emplois du temps souvent très chargés des acteurs. Nous avons constaté une réelle coordination et une transversalité entre les acteurs interrogés, mais aussi une réelle volonté de promouvoir leur démarche et de nous donner toutes les informations nécessaires, afin que nous puissions à notre tour rendre compte de ces aspects dans notre analyse. Enfin, nous sommes également entrés en contact avec un organisme régional qui n’a participé à aucune des deux EIS rennaises mais qui promeut la santé à travers différents outils179 et s’intéresse à la démarche d’EIS : le Conseil Régional de Bretagne180.

175 www.rbus-eis.org 176 Se référer à la sous-partie « Perspectives sur la région : quelles leçons tirer des expériences rennaises ? » du présent rapport. 177 Il n’y a qu’un seul acteur qui n’a pas souhaité participer à notre enquête, sur les douze que nous avons sollicités. 178 Deux de ces entretiens ont été réalisés, l’un avec deux, l’autre avec trois acteurs en même temps. 179 Voir p. 30 180 Ce contact nous a été suggéré par un agent de l’ARS Bretagne. Bien que n’ayant jamais participé à une EIS, la chargée

de suivi des politiques de promotion de la santé au Conseil régional de Bretagne que nous avons interrogée, a montré

beaucoup d’intérêt pour ce dispositif.

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Caractéristiques des entretiens menés pour l’étude sur Rennes

Disponibles, les acteurs que nous avons rencontrés ont également pu répondre a posteriori, par courriel, à des questions supplémentaires que nous leur avons posées lorsque nous avons démarré notre analyse (cette phase a débuté dès le mois de février 2015 et s’est effectuée sur la base de la grille d’analyse commune aux quatre territoires français étudiés et présentée en introduction181).

II. MISE A L’AGENDA DE L’EIS

A) Caractéristiques du territoire Les EIS menées à Rennes nous amènent à nous intéresser aux spécificités du territoire et plus particulièrement aux thématiques de l’urbanisme (l’aménagement urbain), de la petite enfance et de la santé, très présentes à Rennes.

La ville de Rennes, capitale de la région Bretagne, est la 11e commune la plus peuplée de France. Elle est depuis le 1er janvier 2015 le siège de l’une des onze métropoles françaises de droit commun182, rassemblant plus de 420 000 habitants. La ville possède un important patrimoine historique et est aujourd’hui très dynamique, pour plusieurs raisons.

D’une part, la ville dispose d’un réseau de transports urbains et péri-urbains très développé, avec de nombreuses lignes de bus, deux lignes de métro et un large réseau de voies cyclables. Elle est également facilement accessible depuis le reste de la France (aéroport, autoroutes, et d’ici 2017 une ligne grande vitesse qui la reliera à Paris en 1h26). Du fait notamment de la qualité de ce réseau, Rennes a été élue en 2014 « ville la plus durable de France » par le magazine Terra Eco.

D’autre part, le « Projet urbain 2015 »183 marque également la volonté politique de dynamiser la ville. Ce plan veut faire de Rennes « une ville solidaire et durable » en posant sept orientations thématiques : Rennes se veut être une ville centre de la métropole régionale, une ville d’accueil, dynamique, mobile, conviviale, une « écoville » et une ville en mutation. Pour atteindre ces objectifs, des projets d’aménagement voient le jour régulièrement, comme la création de Zones d’Aménagements Concertés (dans le quartier Beauregard, par exemple).

181 Voir introduction du présent rapport. 182 Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et de l’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM. 183 Direction de l’Aménagement et de l’Urbanisme, Le Projet urbain 2015 : une ville solidaire et durable, Ville de Rennes, janvier 2005, 108 p.

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Pour entrer dans la catégorie de ville solidaire, Rennes doit prendre en compte la répartition de la qualité de vie entre ses habitants ainsi que leur niveau de santé. La ville compte plusieurs établissements publics hospitaliers, dont le Centre Hospitalier Universitaire de Pontchaillou, et accueille également l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP). Enfin, Rennes faisant depuis 1990 partie du réseau des villes-santé de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)184, elle s’engage par exemple à agir pour la réduction des inégalités sociales de santé au sein de sa population.

Dès sa création en 2000, Rennes Métropole a saisi l’enjeu urbanistique lié à sa position de troisième ville la plus importante du territoire français en termes de croissance démographique. En effet, l’intercommunalité, qui regroupe aujourd’hui quarante-trois communes, a vu sa population croître rapidement depuis le début des années 1990, entraînant une forte augmentation des demandes de logement et la nécessité de développer le réseau de transports urbains. Rennes a donc cherché à s’adapter au modèle européen « de villes compactes », mis en avant dans la Charte d’Aalborg en 1994, privilégiant une vie urbaine à l’échelle d’un territoire plus large, tout en poursuivant les objectifs de solidarité et de durabilité.

La ville s’est donc dotée de documents urbanistiques afin d’accompagner les évolutions sociodémographiques et économiques de l’intercommunalité. Ainsi, le SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale), le PLH (Plan Local de l’Habitat) et le PDU (Plan de Déplacement Urbain) ont respectivement pour objectifs de lutter contre l’étalement urbain et de protéger les espaces naturels, de proposer un habitat socio-économiquement adapté à la situation de la population et de prioriser les modes de transports alternatifs et multimodaux. Ces trois documents s’inscrivent dans une démarche de développement durable, contribuant ainsi à favoriser la prise en compte des impacts en matière de santé publique. Par ailleurs, Rennes Métropole s’est approprié les Approches Environnementales de l’Urbanisme promues par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) au cours de différents projets, ce qui ne fait que renforcer l’engagement pris en matière de développement durable au sein de sa politique d’aménagement urbain185.

Concernant le domaine de la petite enfance, la Ville de Rennes considère que cette politique a des répercussions sur le long terme et impacte le fonctionnement de notre société, que ce soit pour l'emploi, le pouvoir d'achat ou encore l'éducation. Elle doit par conséquent poursuivre simultanément des objectifs variés : « La conciliation de la vie familiale et professionnelle, la promotion de l'égalité en matière d'emploi, le développement de l'enfant, le soutien à la parentalité et la prévention sanitaire et sociale »186. C’est donc une thématique importante en termes de politiques publiques menées par la Ville.

Une présence d’acteurs importante permettant un contexte favorable à la prise en compte de la santé

La ville de Rennes bénéficie par ailleurs d’un groupement d’acteurs sur son territoire qui impulse la prise en compte de la santé dans les politiques publiques et le développement des démarches d'EIS.

184 Se référer à la sous-partie « Une présence d’acteurs importante permettant un contexte favorable à la prise en compte de la santé », p.11 du présent rapport. 185 Tollec L. 2011 - « Construction et mise en œuvre d’une démarche d’Évaluation des Impacts sur la Santé pour un projet d’aménagement urbain : application à la halte ferroviaire de Pontchaillou et ses abords » - Mémoire de stage de l’École des Hautes Études en Santé Publique, p. 9-11. 186 http://metropole.rennes.fr/politiques-publiques/culture-education-vie-sociale/la-petite-enfance/

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En effet, Rennes est la première ville française à avoir rejoint en 1990 le réseau Villes-Santé

lancé par l’Organisation Mondiale de la Santé et coordonné en France par l’association Santé Développement Durable (S2D). A l’époque déjà, l’adjointe déléguée à la santé (de 1983 à 1995) de la ville de Rennes, actuelle présidente de cette association en France, souhaitait que les décisions prises par la municipalité tiennent compte des implications et des conséquences sur la santé de la population187. Elle a elle-même participé à la Conférence d’Ottawa en 1986 et a participé à la mise en œuvre du plan santé de la ville de Rennes. S2D, en tant qu’Association Internationale pour la Promotion de la Santé et le Développement, ou plus simplement Santé Développement Durable, est un organe collaborateur de l’OMS chargé du soutien au mouvement des Villes-Santé, mis en place en 1986 et s’inscrivant dans une volonté d’impliquer les villes dans une démarche de « Santé pour tous ». La ville de Rennes s’y est associée dès le départ et a permis à la branche francophone de S2D de s’implanter en mars 1989. Cela a marqué une première étape dans la prise en compte de la santé dans les politiques urbaines188. Aujourd’hui la Ville de Rennes, accompagnée de S2D, poursuit les objectifs de la phase six du programme Ville-Santé de l’OMS, dont le but est la santé pour tous en Europe. Cette sixième phase durera jusqu’en 2019 et vise, à travers des actions prioritaires notamment, à réduire les inégalités sociales de santé (ISS). Par ailleurs, la présence de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique à Rennes (EHESP), du fait de son objet d’étude, renforce l’intérêt que la ville porte à la santé. S’y ajoute également un portage politique important : à partir de 2006 et la mandature d’Edmond Hervé, un groupe de travail s’est penché sur la question de l’urbanisme et de la santé, afin d’identifier les différents axes reliant ces deux politiques189.

Enfin, si ces réflexions se sont amorcées doucement avec quelques acteurs de la Ville de Rennes et de S2D, l’équipe fut progressivement rejointe par d’autres acteurs et les réflexions ont abouti à une première concrétisation, en 2008, avec l’EIS de la crèche Colette.

Ainsi, la ville de Rennes s’inscrit dans une démarche de long terme, visant à intégrer les problématiques de la santé aux projets d’urbanisme et d’aménagement. Cette perspective est d’autant plus importante au vu de la dynamique démographique de la ville. Elle se traduit par de nombreuses initiatives de la part de la Ville de Rennes, comme notamment la participation au réseau Villes-Santé, initié par l’Organisation Mondiale de la Santé.

187 D’après l’entretien avec le Président de S2D en Suisse. 188 Site de l’association S2D et des villes-santé françaises. 189 Selon le chargé de mission urbanisme de Rennes Métropole.

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B) Perception de la santé L’ensemble des acteurs interrogés se réfèrent à la définition de la santé proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS190) et reprise dans la Charte d’Ottawa (1986) qui visait « la santé pour tous » à l‘horizon 2000.

Perception de la notion de santé des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l'EIS à Rennes

A titre d’exemple, un chargé de mission urbanisme à Rennes Métropole considère la

définition de la santé de l’OMS comme l’« approche globale de la santé qu’[ils ont] désormais à Rennes Métropole ». Ainsi, tous les acteurs mettent en avant l’acception large de cette définition, qui ne se limite pas seulement au bien-être clinique de l’individu mais également à son bien-être mental et social. En effet, de nombreux facteurs influencent la santé d’un individu, comme l’environnement et les politiques publiques qui sont menées localement.

Perception de la notion de santé des acteurs non-impliqués dans la mise en œuvre de l'EIS à Rennes

Nous avons pu interroger une chargée de suivi des politiques de promotion de la santé au

Conseil régional de Bretagne, qui n’a pas été impliquée dans les EIS à Rennes. Elle a cependant mis en avant une vision et une définition de la notion de santé qui rejoignent celles prônées par l’OMS et les autres acteurs des EIS : « chaque politique publique doit prendre en compte l’impact qu’elle peut avoir sur la santé » car « la santé, c’est l’affaire de tous ».

Ainsi, pour l’ensemble des acteurs que nous avons interrogés à Rennes, la santé doit être comprise comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité »191, définition proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé.

190 « Etat de complet bien-être, à la fois physique, mental et social et pas seulement l'absence de maladie ou d'infirmité » (Organisation Mondiale de la Santé, 1946). 191 http://www.who.int/about/definition/fr/print.html

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C) Le processus d’émergence de l’EIS de Pontchaillou

Perception de la notion d’EIS des acteurs impliqués dans cette démarche à Rennes

Au-delà de la prédisposition du territoire à accueillir la réalisation d’une EIS, les acteurs-

mêmes ont trouvé des intérêts communs à la mettre en place. Lorsque nous leur avons demandé ce que la notion d’EIS leur évoquait, ils ont fait pour la plupart référence au consensus de Göteborg (1999)192 et ont mis en avant plusieurs aspects de cette démarche qui, selon eux, doit :

- Promouvoir l’intersectorialité : la coopération entre des acteurs du monde de la santé, de

l’urbanisme, de l’aménagement…, issus de structures distinctes (municipalité, universités, agence, …), favorise la transversalité dans le cadre d’une EIS. Ainsi, selon une enseignante-chercheuse en Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire de l’EHESP, l’ « un des avantages de la démarche, avant même le fait d’établir des recommandations qui peuvent aboutir, c’est son processus d’intersectorialité, d’interdisciplinarité ». Elle souligne également le fait que par l’EIS « la santé peut devenir un objet fédérateur » entre les services et les secteurs

- Permettre une prise de conscience face à la santé : les comportements ont un impact sur

la santé de chacun de nous. Ces comportements dits « individuels » sont largement influencés par l’environnement domestique et de travail, et plus largement par les politiques publiques qui structurent la société. Pour l’enseignante-chercheuse en charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP, « l’originalité et l’intérêt de la démarche EIS sont le fait qu’elle mette l‘accent sur les déterminants de la santé dans les politiques publiques qui n’ont pas pour objet la santé ». Dès lors, du fait de leur entrée par les déterminants de santé, les EIS permettent à différents secteurs d’intégrer les questions de santé et de prendre conscience que leur propre secteur a un impact sur la santé. Par ce constat, l’on comprend que tous les secteurs d’action publique peuvent intégrer les questions de santé à leurs missions. Selon sa collègue, que nous avons également interrogée, l’EIS « porte un regard systémique quant à la prise en compte des questions de santé. C’est un outil qui va plus loin, notamment car il s’intéresse à l’ensemble des déterminants de la santé ».

A Rennes, c’est notamment grâce à l’intersectorialité que les acteurs ont compris l’importance de tenir compte de la santé dans leurs projets et des possibles impacts que ceux-ci peuvent avoir sur la population. L’EIS donne alors une « clé d’entrée assez insolite » aux acteurs venant de secteurs différents, selon le responsable du service Santé Environnement à la Ville de Rennes.

Enfin, grâce à un travail d’information et de sensibilisation, de nombreux professionnels ont

adopté un « regard plus explicite vis-à-vis de la santé humaine », d’après un urbaniste de Rennes Métropole. Dans ce cadre, une impulsion par certaines structures (comme la petite enfance), ou même une coordination par le haut (par les politiques), sont considérées par les acteurs de l’EIS à Rennes comme facilitatrices de cette prise de conscience.

192 « Une combinaison de procédures, de méthodes et d’outils par lesquels une politique, un programme ou un projet peut être jugé quant à ses effets potentiels sur la santé de la population et la distribution de ces effets à l’intérieur de la population ».

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Développer le processus démocratique et la transparence : au cours de la réalisation des EIS, une phase de concertation citoyenne est fortement recommandée, ce qui, selon la Présidente de S2D, permet de faire « converger les intérêts » des différents acteurs ou populations concernés. Cela est notamment favorisé par la dimension locale des projets soumis aux EIS qui, par ce critère-même, permettent d’adapter la méthodologie au terrain et donc aux intérêts des populations.

Mettre en valeur les projets : de par sa définition, l'EIS consiste à prendre en compte tant les

aspects négatifs que positifs d’un projet. De plus, les conclusions de l'EIS, réunies au sein d’un rapport, sont rendues publiques. Il ressort de notre entretien avec la Présidente de S2D et les deux employés à la Ville de Rennes, que l’EIS est « utile pour augmenter les effets positifs et diminuer les effets négatifs d’un projet sur la santé ». Enfin, pour l’étudiante en charge de la réalisation de l'EIS de Pontchaillou, il a été «intéressant, pour une fois, de mettre en évidence les impacts négatifs et qu’on ne les cache pas, qu’on parle autant des impacts négatifs que positifs ».

Ainsi, les acteurs ayant participé à l'EIS de Pontchaillou font généralement un retour très

positif de leur expérience. Qu’il s’agisse de l’étudiante-stagiaire, du chargé de mission en urbanisme de Rennes Métropole ou de l’enseignante-chercheuse au département Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire à l’EHESP, tous ces acteurs considèrent l’outil EIS comme « une démarche positive », « une démarche intéressante », et « un outil fédérateur ». Ce bilan s’est récemment concrétisé par la programmation d’une nouvelle EIS à Rennes, dans un autre quartier, avec la participation des mêmes acteurs193.

La présence d’acteurs particuliers sur le terrain

Afin de comprendre pourquoi et comment les EIS ont commencé à se développer à Rennes, il convient de s’intéresser à la configuration des acteurs présents sur le territoire. Nos entretiens ont montré que le paysage institutionnel, associatif et universitaire du territoire a été un atout majeur dans l’implantation des EIS à Rennes.

L’étudiante-stagiaire en charge de la réalisation de l’EIS de Pontchaillou que nous avons interrogée, considère que toutes les conditions étaient réunies pour mener cette démarche. Selon elle, il y aurait eu « un terreau favorable à l’émergence de l’EIS », puisque « l’atout majeur, c’est que sur place il y avait individuellement des gens motivés qui étaient physiquement à Rennes et qui connaissaient bien le terrain et les acteurs ». En effet, comme nous l’avons précédemment évoqué, il y a à Rennes un réseau d’acteurs impliqués dans le domaine de la santé publique, travaillant à la croisée de la santé et de l’urbanisme. Le fait que ces acteurs soient sensibilisés à l’EIS (grâce à leur parcours professionnel et à la collaboration entre différents services), et concentrés géographiquement sur un même territoire, a favorisé l’expérimentation de cette démarche à Rennes. En effet, si certains acteurs ont découvert les EIS à travers une expérience à l’étranger ou une collaboration avec un pays étranger (comme les enseignantes-chercheuses de l’EHESP), d’autres l’ont découverte sur le terrain-même (en entrant en contact avec les certains acteurs de l’EIS de Pontchaillou).

193 Ce quartier se trouve au sud de la ville, sur un site de grands ensembles de bâtiments des années 1970. Le projet vise une revitalisation du lieu, avec l’objectif d’attirer de nouveaux habitants dans ce quartier très social. Le projet d’EIS a été confirmé le 13 janvier 2015, le cadre global de l’étude reste encore à définir.

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De plus, la volonté politique a joué un rôle essentiel dans la mise à l’agenda de l'EIS, comme

l’explique l’étudiante-stagiaire : le projet de la halte ferroviaire de Pontchaillou répondait à une demande formulée à cette époque-là par les élus de la ville, qui, après avoir entendu parler de l’expérimentation sur la crèche Colette, ont voulu renouveler et approfondir cette expérience. Ainsi, le portage politique a facilité la réalisation de l'EIS, en favorisant notamment l’accès aux informations et les diverses prises de contact nécessaires à l’évaluation avec les partenaires du projet d’aménagement. Enfin, en plus du « terreau favorable », la présence et l’implication de l’EHESP à Rennes ont permis que l'EIS soit menée par une étudiante en stage de fin d’étude, réduisant considérablement le coût de la démarche.

III. MISE EN ŒUVRE DES EIS L’intérêt porté au développement, à l’aménagement urbain et aux politiques de transport explique donc le choix des deux projets sur lesquels ont été réalisées les deux évaluations d’impacts sur la santé, en 2008 et 2011. Nous allons revenir plus en détails sur ces deux expériences afin de présenter la mise en œuvre de ces EIS dans la ville de Rennes.

A) Présentation des deux EIS

La Crèche Colette

La première EIS réalisée dans la ville de Rennes fut celle de la Crèche Colette, en 2008. Le

projet concernait l’ouverture d’une nouvelle crèche dans un quartier en réaménagement urbain : le quartier Beauregard.

Plusieurs raisons ont influé sur le choix de ce projet : D’une part, le domaine de la petite enfance était considéré par les différents acteurs de

l’évaluation comme un facteur fondamental d’influence sur la santé des individus. Le but a été d’intégrer la question de la santé et de l’environnement des usagers dans le fonctionnement de la crèche. Comme le souligne l’enseignante-chercheuse en charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP, « les professionnels qui œuvrent dans le domaine de la petite enfance ont un rôle déterminant [sur la santé] parce que toutes les personnes qui sont autour des enfants, tous ceux qui ont un rôle éducatif, peuvent influencer vers un comportement favorable à la santé ».

Suivant cette logique, le projet de la crèche Colette s’est développé en parallèle d’une

démarche Haute Qualité Environnementale (HQE), qui vise à agir en faveur du développement durable. Ainsi, les crèches qui participent à cette démarche ont pour objectif de réduire les effets négatifs sur l’environnement et la santé. Ainsi, l’inscription dans une démarche HQE justifie la mise en place d’une EIS, afin de rendre compte du respect des engagements pris par la crèche.

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Enfin, étant donné qu’il s’agissait d’une première évaluation réalisée sur le territoire, le projet choisi ne pouvait être de trop grande ampleur. Il était nécessaire d’utiliser un « petit » projet afin de mettre en place une méthodologie et d’initier les acteurs à travers une première expérience de cet ordre.

Commandée par l’association Santé Développement Durable - S2D, l’EIS a été soutenue et en

partie financée par trois services de la ville de Rennes, membres du comité de pilotage : Hygiène et Santé, Mission Environnement et la Direction des Crèches.

L’EIS a été rendue possible grâce à la mise en place d’un groupe de travail appelé « Crèche :

Démarche Santé, Environnement », composé de différents acteurs de la ville de Rennes, comme la Mission Environnement, la Direction des crèches ou encore le service Hygiène et Santé.

Elle a été réalisée par une stagiaire sur une durée de cinq mois (la phase de sélection du projet

ayant été effectuée en amont par la ville de Rennes et l’association S2D). Il s’agit donc d’une EIS rapide, menée rétrospectivement au projet d’aménagement, mais prospectivement à la mise en fonctionnement de la crèche (celle-ci a ouvert ses portes le 1er juillet 2008). Trois réunions ont été organisées afin de réunir le Comité de pilotage et d’informer les acteurs du déroulement de l’évaluation.

La population visée par l’évaluation concerne principalement les enfants de la crèche. La

stagiaire chargée de l’EIS s’est penchée sur quatre points d’évaluation : les transports (accès à la Crèche, mise à disposition d’emplacements pour les vélos, par exemple), le réchauffement climatique, la participation et les pratiques internes du personnel de la Crèche (le choix du mobilier, des produits d’entretien, des couches, la gestion les déchets…).

Enfin, les recommandations dans la réalisation du projet d’aménagement de la crèche ont

été limitées et concernaient davantage les méthodes de fonctionnement. Cependant, cette première expérience a permis de jeter les bases d’une méthodologie réutilisée lors de la seconde évaluation d’impacts.

La halte ferroviaire de Pontchaillou

La seconde EIS, réalisée dans les domaines de l’urbanisme et du transport, a porté sur le

projet de réaménagement de la halte ferroviaire de Pontchaillou, lancé en 2009. Cette EIS est considérée comme la « première expérience française dans le champ de

l’aménagement urbain »194. Elle a été réalisée à l’initiative d’un large réseau d’acteurs qui ont vu dans ce projet une opportunité de renouveler l’expérience de la Crèche Colette (la méthodologie utilisée a d’ailleurs été la même) : le Service Santé-Environnement de la ville de Rennes, qui a travaillé en collaboration avec l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), l’association S2D précédemment citée, le Service des études urbaines de Rennes Métropole et l’Agence Régionale de Santé (ARS Bretagne). Plusieurs raisons expliquent le choix de ce site, notamment sa proximité du Centre Hospitalier Universitaire (CHU de Pontchaillou), d’universités et de lycées, ainsi que de logements sociaux et étudiants.

194 Présentation officielle de l’EIS lors de la Rencontre régionale santé environnement, le 22 octobre 2013 à Rennes.

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Cette EIS a été effectuée sur cinq mois par une étudiante en génie sanitaire de l’EHESP durant son stage de fin d’étude. Il s’agit d’une EIS concomitante et complète, car elle s’est intégrée au projet alors en cours d’élaboration, avant le début des travaux de restructuration de la halte.

Avant le démarrage de cette EIS, un comité de pilotage (CoPIL) a été mis en place, regroupant

des élus en charge de l’urbanisme et de la santé à la ville de Rennes. Le rôle principal de ce CoPIL a été de fixer le calendrier de l’évaluation et de la superviser. A l’instar du CoPIL, un groupe de travail technique (ou comité technique, CoTECH) en charge de la réalisation-même de l’EIS a été constitué. Ce groupe de travail s’est composé de deux chargés d’études du Service des études urbaines de Rennes Métropole, d’un ingénieur du Service Santé Environnement de la ville de Rennes, ainsi que de deux enseignantes-chercheuses et d’une stagiaire de l’EHESP. Cette stagiaire a réalisé l’EIS.

Par la suite, la phase de cadrage de l’EIS a permis de cibler les populations concernées par le

projet et l’évaluation : les usagers du TER, les usagers du CHU, les habitants du quartier, les étudiants et les lycéens. La stagiaire en charge de la réalisation de l’EIS a eu recours à des entretiens individuels avec les différents acteurs impliqués dans cette démarche, à des observations de terrain et à la recherche de données probantes pour effectuer son étude. Les données ont été analysées grâce à l’utilisation d’une grille multicritères195.

Finalement, l’EIS a mis en évidence le fait que de nombreux éléments du projet étaient

d’emblée favorables à la santé de la population. De plus, des recommandations ont été apportées afin d’améliorer encore plus les aspects positifs du projet et de limiter les impacts négatifs. Ces recommandations ont été divisées en cinq catégories : transports et déplacements, espaces aux abords de la halte, bâtiment multi-service, environnement et participation196.

195 Grille de recueil des données, « balayant de façon la plus exhaustive possible les différentes thématiques relatives à la santé au sens large » (L. TOLLEC, mémoire de l’EHESP, p.218). 196 Cf. le rapport rédigé par la stagiaire en charge de l’EIS Pontchaillou, octobre 2011, p.32.

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Le rapport final d’évaluation197 fait état d’un budget de 1668 euros (ce qui correspond à la gratification de la stagiaire durant les cinq mois de stage) et des frais annexes de fonctionnement (mise à disposition d’un bureau, d’un poste informatique, de salles de réunions, etc.). Etant donné que la phase d’évaluation de l’EIS et que l’application de ses recommandations sont actuellement en cours, à la fin de la démarche, le budget total comprendra également le coût salarial de l’actuelle Chargée de mission Qualité de l'Air Intérieur, du service Santé Environnement de la ville de Rennes, qui est en charge de la phase de suivi de cette EIS.

B) Gouvernance et jeu d’acteurs

Etudiante de l’EHESP en stage de fin d’étude

L'EIS de Pontchaillou a été réalisée par une étudiante de l’EHESP en stage de fin d’étude, encadrée par une enseignante de l’EHESP, un urbaniste de Rennes Métropole et le responsable du service Hygiène et Santé de la ville de Rennes.

Les services de la Ville de Rennes et de Rennes Métropole

Leur rôle a été de porter et de réaliser le projet. En effet, le service Santé Environnement de la Ville de Rennes et le Service de l’Urbanisme de Rennes Métropole ont mobilisé leurs connaissances et compétences spécifiques au sein du projet. Une fois la méthodologie maîtrisée et l’intersectorialité confortée, ces deux structures ont mis en œuvre la démarche d’EIS, en s’appuyant sur l’intervention de la stagiaire de l’EHESP qui a assuré le lien entre ces deux collectivités.

L’EHESP

Le rôle des deux enseignantes-chercheuses de l’EHESP a été essentiel dans la mise en œuvre de l’EIS. Elles ont apporté un « soutien méthodologique » et sont qualifiées par les autres acteurs de « personnes ressources »198 dans le sens où elles sont intervenues afin de former les autres acteurs à la démarche dont elles avaient déjà l’expérience (de par leur collaboration avec des équipes québécoises). Elles ont également assuré le suivi du projet et participé à la phase de réflexion en ce qui concerne les recommandations. Enfin, elles ont fait la promotion de l’EIS par la publication d’un article dans la revue Développement Durable et Territoires199.

197 Mémoire de l’EHESP, « Construction et mise en œuvre d’une démarche d’Evaluation des Impacts sur la Santé pour un projet d’aménagement urbain. Application à la halte ferroviaire de Pontchaillou et ses abords », octobre 2011, p.28. 198 Selon le président de S2D en Suisse. 199 Laurine Tollec, Anne Roué le Gall, Alain Jourdren, Frédéric Auffray, Françoise Jabot, Anne Vidy, Pascal Thébault, Pauline Mordelet, Jean-Luc Potelon et Jean Simos, L’Évaluation d’Impacts sur la Santé (EIS) : une démarche d’intégration des champs santé-environnement dans la voie du développement durable. Application à un projet d’aménagement urbain : la halte ferroviaire de Pontchaillou à Rennes, Vol. 4, n°2, Juillet 2013.

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L’Agence Régionale de Santé de Bretagne

Nos entretiens montrent son intervention notamment en amont de la réalisation de l’EIS. Sa mobilisation fut ponctuelle de par sa participation à des groupes de réflexion avec les autres acteurs. L’ingénieure en Santé-Environnement à l’ARS que nous avons interrogée, définit l’intervention de l’ARS en termes de « démarche partenariale de construction de la politique de définition des actions à mettre en œuvre ». Ainsi, l’ARS n’a pas été impliquée dans la phase de mise en œuvre de la démarche, sa position a été plutôt celle d’un accompagnement et d’une promotion de l’EIS de Pontchaillou et des EIS en général sur le territoire breton. Par ailleurs, l’ARS Bretagne a apporté un soutien financier à la Ville Rennes et à l’association S2D (notamment lors la mise en place du site internet de RBUS), a organisé des séminaires sur la thématique de l’urbanisme et de la santé et a réalisé des plaquettes de promotion sur les EIS. Enfin, l’ARS a joué un rôle essentiel en termes de promotion des EIS sur le plan politique, ce qui a permis la prise en compte de la démarche dans le Programme Régional Santé Environnement 2 (PRSE2) et dans le Contrat Local de Santé. Ainsi, l’ARS a intégré la démarche d’EIS dans le cadre de sa mission globale de promotion de la santé à travers des outils divers, financiers ou communicationnels. Son rôle est alors essentiel, non pas dans la réalisation des EIS, mais dans leur portage au niveau régional et national. A ce sujet, l’ingénieure de l’ARS que nous avons interrogée, souligne la « volonté [de l’ARS] d’encourager les collectivités » à s’intéresser à la démarche d’EIS et à la promotion de la santé sous tous ses aspects.

L’association Santé Développement Durable

C’est la première institution à avoir « poussé les EIS en France »200 - et notamment dans une ville comme Rennes - par la publication de guides sur les EIS dès 2006-2007. Ses membres sont intervenus en tant « qu’experts et ont apporté un appui méthodologique ». Il s’agit donc d’un acteur qui est intervenu très en amont (afin que les EIS puissent intégrer l’agenda politique) et qui a porté et piloté le projet par la suite.

Autres acteurs

De manière plus ponctuelle, ont été associés des représentants du Centre Régional d’Etudes, d’Actions et d’Information en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI), de la Maison Santé de Redon, ainsi que les directeurs des quartiers impactés par le projet d’urbanisme. Il faut cependant noter l’absence des représentants de la SNCF et du CHU lors des réunions d’accompagnement de l'EIS, comme le souligne le responsable du service Santé Environnement à la Ville de Rennes que nous avons interrogé : « [...] il y avait l’autre groupe, celui du comité de pilotage du projet d’aménagement de la halte, qui travaillait de son côté [...], donc le CHU était un acteur foncier comme les autres [...] qui a accueilli de manière plutôt sympathique la démarche de l’EIS [...] quand nous avons consulté leurs représentants de services plutôt techniques ». Ces acteurs ont été consultés en amont du projet mais n’ont pas manifesté la volonté de participer plus particulièrement aux différents comités. La plupart des acteurs interrogés à ce sujet nous ont fait part de leur difficulté à déterminer les interlocuteurs adaptés au sein de la SNCF et du CHU. Selon l’enseignante-chercheuse de l’EHESP au département Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire, les porteurs du projet n’avaient « apparemment pas touché les bonnes personnes » au vu de l’implication de ces représentants dans l’EIS. La chargée de mission Qualité de l’Air Intérieur à la Ville de Rennes conforte cette idée : « […] avec le CHU, il était difficile de dire quelles personnes et quels services de soins devaient participer à la démarche. Nous avons surtout travaillé avec des services techniques alors qu’il aurait peut-être été judicieux d’associer des personnels soignants à la démarche ». De plus, selon 200 Selon le Directeur de cette association en Suisse.

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elle, la mobilisation des services techniques, lors des quelques rencontres avec le personnel du CHU et de la SNCF, a mis en évidence les divergences de points de vue concernant la conception de la santé avec l’équipe menant l'EIS autour du projet : les préoccupations étaient principalement financières et matérielles pour ces services techniques tandis que peu d’importance était accordée à la santé globale des individus.

C) Retour critique sur les points clefs de la mise en œuvre

Organisation des acteurs

Certains de ces partenaires se sont rassemblés dans un Comité Technique (CoTECH) qui forme aujourd’hui le réseau RBUS. Parmi eux, des représentants de la Ville de Rennes, de Rennes Métropole, de l’EHESP, de l’ARS Bretagne et de S2D. Cette équipe technique s’est réunie à deux reprises (au début et à la fin de la réalisation de l'EIS) au sein d’un Comité de Pilotage (CoPIL) en présence des élus en charge de la santé et de l’urbanisme. Il convient par ailleurs de rappeler une fois de plus l’importance du portage politique du projet, qui a facilité la mise en place de l'EIS. Ainsi, selon l’étudiante-stagiaire qui a réalisé l'EIS, « le fait d’avoir le politique porteur du projet est hyper important ». Cependant, l’action du politique n’est pas allée jusqu’au pilotage du projet mais relevait davantage d’un suivi ponctuel au sein du CoPIL.

Les équipes des comités techniques et de pilotage ont adopté un « fonctionnement informel

» selon un urbaniste à Rennes Métropole que nous avons interrogé. Ce partenariat a donné lieu en novembre 2014 à la signature d’une convention entre Rennes Métropole, l’ARS Bretagne, l’EHESP et S2D, ce qui, selon le même acteur de Rennes Métropole fixe « aujourd'hui un cadre qui permet d’aller plus loin » afin de développer la démarche et le recours aux EIS et d’avoir une réflexion plus intégrée de la santé dans les futurs plans d’urbanisme. Les autres acteurs interrogés complètent ce point de vue en mettant l’accent sur le fait que la démarche d’EIS permettra l’intégration des questions de santé dans un plus grand nombre de secteurs, de par son caractère intersectoriel. L’enseignante-chercheuse en charge des politiques de santé au niveau régional à l’EHESP se dit d’ailleurs « optimiste face à la pérennisation de la démarche au-delà des personnes qui la portent à Rennes » grâce à ce partenariat nouvellement concrétisé. Ce partenariat semble avoir vocation à durer dans le temps, comme le prouve la création de la plate-forme RBUS et la mise en place d’un Master spécialisé à l’EHESP consacré aux EIS.

La détermination de la méthodologie

D’après l’étudiante en charge de la réalisation de l'EIS, étant donné que cette EIS n’est que la deuxième expérience d’un tel dispositif à Rennes, la stagiaire « n’avai[t] pas vraiment de ligne de conduite » ou de méthodologie prédéfinie. Elle s’est alors inspirée de l’EIS mise en place sur la crèche Colette, et surtout des différentes expériences menées à l’étranger, notamment en Suisse, au Québec et en Angleterre. Son rôle a donc été de fédérer et surtout de collecter l’ensemble des connaissances et des données sur le sujet.

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Après avoir étudié comment les acteurs ont participé à l’élaboration de l’EIS de Pontchaillou, il est nécessaire à présent de comprendre quelles ont été les modalités de sa mise en œuvre. Plus exactement, il sera intéressant de se focaliser sur les freins et les leviers de la réalisation de cette EIS.

IV. BILAN ET RECEPTION DE L’EIS DE PONTCHAILLOU

Il est pour l’instant assez difficile d’évaluer l’impact de l'EIS sur le projet de la halte ferroviaire. En effet, les travaux sont toujours en cours tandis que les différents acteurs interrogés estiment ne pas avoir pris assez de recul pour établir ce bilan. L’évaluation du suivi des recommandations est encore en cours et assurée en partie par la chargée de mission Santé Environnement de la Ville de Rennes. Selon elle, le travail actuel consiste à « vérifier que les recommandations sont bien prises en compte, auquel cas il s’agit de comprendre pourquoi, si c’est une question technique, financière, etc… ». Les entretiens que nous avons réalisés font ressortir le fait que l’évaluation de l'EIS est un long processus, les recommandations s’adaptent aux évolutions du projet. Ainsi, si le travail de préparation, d’encadrement en amont est très important, il est également indispensable d’avoir des agents mobilisés en aval (voire très en aval) afin d’assurer le suivi de l'EIS, comme le souligne le chargé d'études du Service Etudes Urbaines de Rennes : « pour procéder, il faut intervenir assez en amont et très en aval ». Interrogé sur le sujet, cet acteur insiste également sur les différentes étapes d’une EIS : « après l’étape de l’étude, on passe à l’opérationnel, et ce sont d’autres collègues qui suivent ces opérations-là. Cela fait partie de nos recommandations : suivre la maîtrise d’œuvre et la conduite des opérations. On ne fait pas des recommandations comme ça, dans le vent, mais bien pour mener un travail de suivi et d’accompagnement le plus loin possible ». L’évaluation du suivi des recommandations de l'EIS fait donc partie intégrante de l'évaluation d’impacts et se fait, dans le cas de l'EIS de Pontchaillou, en parallèle avec la mise en œuvre du projet. Le calendrier a d’ailleurs établi un suivi des recommandations jusqu’en 2025, ce qui montre l’implication forte en aval. Cet accompagnement et le suivi sur le long terme permettent donc la concrétisation de l'EIS qui n’en reste pas au stade de « la bonne parole » 201mais est réellement prise en compte dans la réalisation du projet évalué.

Des retours globalement très positifs

Lorsque nous les avons interrogés, les acteurs n’ont pas évoqué de réels freins à la réalisation

de la démarche. Ils ont tous tenu un discours plutôt positif quant à la mise en place de ce dispositif à Rennes. Le responsable du service Santé Environnement de la Ville de Rennes explique par exemple qu’ « il n’y a pas eu de grosse difficulté à ce niveau ». L’étudiante-stagiaire confirme ce discours en évoquant le fait que « la motivation locale a permis de réaliser l’EIS durant [son] stage », ce qui ne semblait pas être évident au départ, du fait de la durée de sa mission. Elle ajoute également que l’équipe n’a « jamais eu de bâtons dans les roues ». En effet, il semblerait que cette expérience influence durablement la façon de travailler des différents participants. Par exemple, la stagiaire ayant réalisé l'EIS, qui travaille aujourd'hui à la DGS, explique que « cette expérience de transversalité fait qu’aujourd'hui, dans tous [ses] projets, [elle] essaye de garder en tête la transversalité ». De même, l’enseignante-chercheuse au département

201 Selon le chargé d'études du service Etudes Urbaines de Rennes.

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Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire à l’EHESP explique que le processus d’intersectorialité est presque plus important que la formulation des recommandations. De la même manière, le chargé de mission urbanisme de Rennes Métropole décrit comment, à travers l’EIS, un réel échange entre les secteurs s’est opéré et que cela a permis « une meilleure connaissance de la santé dans le milieu de l’urbanisme et de l’urbanisme dans le milieu de la santé ». Ainsi, la santé est aujourd’hui partie prenante des enjeux de l’urbanisme et ce, grâce à la présence des acteurs sur le territoire et à leur coopération.

Par ailleurs, même si l’EIS apparaît également comme une « nouvelle contrainte » pour les acteurs impliqués (selon une enseignante-chercheuse de l’EHESP), cette démarche permet finalement de valoriser les points positifs d’un projet soumis à cette évaluation. En ce sens, l’EIS de Pontchaillou a révélé qu’il y avait à la base de nombreux aspects positifs dans le projet quant à son impact sur la santé des usagers. La méthodologie de l’EIS a permis alors de s’adapter au terrain, et de comprendre « que beaucoup de recommandations [ont été] faciles à émettre », (certaines de ces recommandations relevaient du sens commun dans le cas de l’EIS de Pontchaillou, selon l’étudiante-stagiaire). Dès lors, leur application a représenté une tâche facile pour des professionnels de l’aménagement urbain, « sans qu’ils se soient posé la question d’un quelconque impact sur la santé », d’après le responsable du Service Santé Environnement à la Ville de Rennes.

Quels freins à la réalisation de l'EIS de Pontchaillou ?

Cependant, après avoir posé des questions plus précises au cours des entretiens que nous

avons réalisés, les acteurs nous ont fait part de plusieurs difficultés rencontrées lors de la réalisation de l’EIS de Pontchaillou.

Tout d’abord, si l’intersectorialité au sein de la démarche d’EIS est un fort atout mis en avant,

sa mise en pratique demande un long travail d’adaptation de la part des acteurs. Le chargé d'études du service Etudes Urbaines de Rennes Métropole qualifie ainsi sa mission de « relais entre les connaissances du registre de la santé et de l’aménagement urbain ». Son rôle a été de « traduire, de faire le passeur entre [ses] collèges », à la fois sur le plan de la sensibilisation et sur des aspects techniques « pour insuffler un autre regard ». En effet, les professionnels de ces différents domaines ont des référentiels, un vocabulaire spécifique, des priorités et des techniques de travail différents.

Ce même acteur évoque également le besoin d’ « acculturation » au vocabulaire de la santé

par les professionnels de l’urbanisme et vice versa, ce que nous a par ailleurs confirmé l’étudiante-stagiaire en charge de la réalisation de l’EIS de Pontchaillou. Cette étape apparaît en effet comme essentielle car elle permet de faire prendre conscience aux acteurs de la « plus-value » d’une approche transversale. Pour le chargé de mission urbanisme de Rennes Métropole, lors de l’élaboration de l’EIS de Pontchaillou, cette difficulté a pu être limitée par un travail amorcé en amont : les différents acteurs ont pu s’accorder sur des définitions communes (de la notion de santé, par exemple) et s’habituer à leurs vocabulaires respectifs en travaillant sur d’autres thématiques « plus classiques », comme la qualité de l’air et les nuisances sonores. On constate alors que les problèmes de communication et de compréhension inhérents à la diversité des acteurs engagés, peuvent être surmontés à travers un travail d’information progressif et commun sur des questions de plus en plus complexes. Pour la stagiaire qui a réalisé l'EIS, cette transversalité était induite par les outils utilisés, ce qui a donc facilité le travail face au premier constat de la diversité des acteurs, avec par exemple le recours à une grille multicritères propre au milieu de la santé et la cartographie généralement rattachée à l’urbanisme. Cependant, la difficulté

112

liée au partage d’un langage commun n’a pas toujours été dépassée, notamment avec les partenaires extérieurs, comme le CHU, dont le représentant était directeur des travaux et se représentait le projet en termes de finance et non d’aménagement du territoire ou de santé. Il semble donc important de promouvoir en amont la démarche de l’EIS pour ensuite faciliter un travail transversal comprenant un ensemble d’acteurs diversifié.

La deuxième difficulté soulignée par les acteurs est le temps nécessaire à la réalisation d’une EIS. En effet, la stagiaire responsable de ce dispositif à Rennes qualifie cette démarche de « chronophage » qui peut parfois retarder la réalisation du projet-même. Cette difficulté explique en partie le choix de confier l'EIS à une stagiaire car, comme le souligne le chargé de mission de la Ville de Rennes, les acteurs impliqués dans cette démarche ont eu « […] un petit peu de mal à mobiliser du temps personnellement ».

Par ailleurs, les acteurs que nous avons interrogés considèrent que l’EIS de Pontchaillou n’a pas suffisamment pris en compte la thématique des inégalités sociales de santé. En effet, pour l’enseignante-chercheuse du département Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire à l’EHESP « le vrai point faible [de cette EIS], ce sont les inégalités de santé car nous n’avons pas su améliorer ce point qui aurait pu être davantage développé mais ce n’est qu’aujourd’hui, avec le recul nécessaire, que l’on s’en rend compte ».

Une autre difficulté décelée par certains acteurs a été l’accès aux informations. En effet, il a parfois été difficile de « mobiliser l’ensemble des données à disposition » (selon le chargé de mission urbanisme de la Ville de Rennes), dont la quantité et la qualité variaient selon les thématiques de l’EIS.

Enfin, une composante majeure de la démarche d’EIS est la participation citoyenne. Sur ce point, (à l’exception du président du réseau S2D en Suisse, qui la qualifie d’ « assez correcte »202), les acteurs de Pontchaillou ont jugé l’implication des citoyens trop modeste, et l’ont identifiée comme un point important à améliorer à l’avenir. En effet, l'EIS n’a été présentée aux habitants qu’une seule fois, lors d’une réunion de quartier. Si la plupart des participants ont semblé très intéressés par cette démarche et ont fait part de certaines de leurs idées et préoccupations (notamment sur l’accès pour les personnes à mobilité réduite), le suivi n’a pas pour autant été assuré (les questionnaires qui leur ont été distribués n’ont jamais été retournés, par exemple). Selon l’étudiante-stagiaire, la faible participation des citoyens à la démarche est due notamment au fait que l’EIS a été réalisée pendant les vacances d’été.

202 Selon cet acteur, il n’est pas commun dans les systèmes latins de faire participer directement les citoyens, contrairement aux pays anglo-saxons où, traditionnellement, la participation communautaire est beaucoup plus directe, et cela pas uniquement dans le cas des EIS.

113

Le tableau ci-dessous présente de façon succincte les points que nous venons d’évoquer dans cette sous-partie :

Points positifs Points négatifs

L’Intersectorialité, qui a mené à la création d’un réseau pérenne, le Réseau

Bretagne Urbanisme et Santé (RBUS) regroupant les différents acteurs ayant pris part à l'EIS de Pontchaillou. Cela a

également permis de renforcer la coopération entre les différents acteurs

issus de domaines distincts et de s’appuyer sur différentes structures.

L’accès aux informations, soit peu nombreuses, soit difficilement

exploitables.

La transparence, grâce notamment à la mise en valeur des points tant positifs que

négatifs du projet. Cela permettra également de valoriser le projet par la suite, en montrant que les différents impacts ont été pris en compte dans

l’aménagement de la halte ferroviaire.

Les difficultés liées à certains acteurs, difficiles à mobiliser (les

citoyens) ou avec lesquels il n’a pas toujours été évident de

communiquer (les représentants du CHU et de la SNCF).

L’adaptation aux réalités du terrain dans la méthodologie et par la création d’ «

outils sur mesure ». Les guides méthodologiques sur les EIS établis dans

différents pays étrangers permettent d’en suivre les grandes lignes et de les adapter

au projet et au territoire.

L’intégration de certaines caractéristiques de l’EIS, comme la participation citoyenne ou encore

des Inégalités Sociales de Santé, qui n’a pas été assez développée dans

l’EIS de Pontchaillou.

Une meilleure prise en compte de la santé et de l’environnement dans l’ensemble

des secteurs d’action mobilisés.

Le temps nécessaire à la réalisation d’une EIS approfondie, qui peut

retarder le projet-même.

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V. PERSPECTIVES SUR LA REGION : QUELLES LEÇONS TIRER DES

EXPERIENCES RENNAISES ?

Comme nous l’avons déjà évoqué, la réalisation de l’EIS de Pontchaillou et son succès ont été portés par le Réseau Bretagne Urbanisme et Santé. Il s’agit d’un groupe « d'échanges, de réflexions et d'expérimentations autour de la santé, de l'urbanisme et des EIS »203. Ce réseau est né en 2010 dans le cadre du Programme Régional Santé Environnement (PRSE 2) à l'occasion de l'organisation d'un séminaire « Urbanisme, Environnement et Santé », à destination des collectivités et des aménageurs. Par la suite, ce réseau a permis la mise en place l’EIS de la halte ferroviaire de Pontchaillou. Aujourd’hui le réseau est composé de représentants de la Ville de Rennes, de Rennes Métropole, de l'Agence Régionale de Santé de Bretagne (ARS), de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) ou encore de l'association Santé Développement Durable (S2D). R-BUS fonde son action sur le soutien à l’organisation de colloques, à l’écriture de guides et rapports et, à l’expérimentation de la démarche EIS. Il participe ainsi directement à la promotion de l’EIS et à son expérimentation.

De fait, la démarche d’EIS semble se pérenniser et s’appuyer sur des bases solides grâce à RBUS. L’enseignante-chercheuse à l’EHESP en charge des politiques de santé au niveau régional évoque à ce sujet une convention de partenariat entre Rennes Métropole, l’ARS Bretagne, l’EHESP et S2D signée en novembre 2014 à Rennes, à l’occasion d’un congrès rassemblant des professionnels de divers horizons204. Ce congrès fut d’autant plus important qu’il a permis de présenter la démarche d’EIS à de nouveaux acteurs. Selon le directeur du Service Santé Environnement de la ville de Rennes, les trois cent participants à ce congrès étaient aussi bien des universitaires, des spécialistes des politiques de santé environnementale, des techniciens des villes, des experts du monde paysage et urbanisme, que des chercheurs de différents domaines. Il a ajouté que l’événement avait permis la création d’une certaine « dynamique » et a participé à l’instauration d’un échange avec les nouveaux acteurs. Enfin, en parallèle à ce congrès, a eu lieu une conférence grand public intitulée « Pour un urbanisme favorable à la santé », interrogeant les citoyens sur leur vision de la santé et du bien-être en ville. Tout cela montre bien la volonté des acteurs du réseau RBUS de trouver de nouveaux collaborateurs et de populariser la démarche d’EIS.

203 http://rbus-eis.org/ 204 Cinquième Congrès National Santé Environnement, intitulé “Paysage, Urbanisme et Santé”, les 25, 26 et 27 novembre 2014 à Rennes.

115

Vers l’implication d’un nouvel acteur ?

Le Conseil Régional de Bretagne, bien que sans compétence légale en matière de politique de santé, agit volontairement pour la promotion de la santé, avec d’autres partenaires. Par exemple, le Conseil régional a impulsé la prise en compte de la santé dans différentes politiques auprès des communes de la région (ce sont des formes d’EIS locales), et ce, grâce notamment à l’appui du Programme Régional Santé Environnement.

Sans avoir participé à l’EIS de Pontchaillou, le Conseil régional a pris part au projet de la halte

ferroviaire par son implication dans la politique des transports. A l’époque, la chargée de mission au Conseil Régional a pris contact avec RBUS, à titre personnel, ce qui lui a permis de participer à la phase de réflexion et de formulation des recommandations.

La chargée de suivi des politiques de promotion de la santé au Conseil Régional nous a fait

part de la nécessité d’organiser des formations en santé-environnement dans la région, notamment avec l’appui de l’IREPS (Instance Régionale d’Education et de Promotion de la Santé) et du REEB (Réseau d’Education à l’Environnement en Bretagne). Ces institutions pourraient être des acteurs clés dans le développement des EIS et la sensibilisation aux thématiques de santé et d’urbanisme. Enfin, cette chargée de mission au Conseil régional ajoute que, face à la démarche de l’EIS, le Conseil régional pourrait avoir un rôle de :

- promotion, notamment à l’échelle locale, ce qui serait sûrement le meilleur échelon car il permet aux acteurs de terrain d’adapter la démarche aux spécificités du territoire. Pour cela, il est nécessaire de communiquer sur l’outil EIS, en utilisant des relais comme les animateurs de santé, en lien avec les élus et les collectivités locales ; - porteur d’une expérimentation de la démarche dans des structures comme les lycées (dont ils possèdent les bâtis), en collaborant avec d’autres acteurs sur le territoire.

Enfin, le Conseil régional aurait pour projet de soutenir le développement des EIS dans la région. Le soutien serait proposé aux élus des plus petites agglomérations qui, contrairement à Rennes, n’auraient pas les moyens propres d’expérimenter cet outil. Cette initiative fait partie d’un « processus de conception intégrée »205 dans le cadre d’un programme de « Bâtiment durable ». Le secteur visé est avant tout celui de l’urbanisme mais le projet intègre les questions de santé et propose l’expérimentation d’une EIS à l’échelle de quartiers206. Cela témoigne de la dynamique qui s’est mise en place à Rennes et de la naissance d’un véritable intérêt pour l’évaluation d’impacts sur la santé et sa pratique par de nouveaux acteurs.

205 Ou « méthode PCI », originaire du Canada, qui vise aujourd’hui en France à définir les conditions de réussite, à identifier les freins, les leviers et les ajustements nécessaires à la réussite d’un programme de Bâtiment durable. (Cf.la page http://www.reseau-breton-batiment-durable.fr/rencontres/le-processus-de-conception-integre) 206 S’inscrit dans le programme lancé par le Ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité en juillet 2014, intitulé “Revitaliser les centres-bourgs : un enjeu majeur pour l’égalité des territoires”

116

117

La région Provence - Alpes -

Côte d’Azur

Superficie du territoire : 31 400 km2

Communautés d’agglomérations :

Marseille Provence Métropole : 604,75 km2 (18 communes)

Nice Côte d’Azur : 1 400 km2 (49 communes)

Toulon Provence Méditerranée : 366,41 km2 (12 communes)

Nombre d’habitants : 4 935 575 habitants (2012)

Marseille Provence Métropole : 1 045 823 habitants (2012)

Nice Côte d’Azur : 537 569 habitants (2012)

Toulon Provence Méditerranée : 425 612 habitants (2012)

Troisième région de France par sa démographie et son PIB/habitant

Les villes de Marseille et Nice appartiennent au réseau Villes-S Santé

de l’OMS depuis respectivement 1998 et 2007

Marseille

Toulon

Nice

118

L’EIS EN BREF :

207 Cf. partie « La mise en œuvre de l’EIS en région PACA » du présent rapport.

Localisation Région Paca : Marseille Provence Métropole, Nice Côte d’Azur et Toulon Provence Méditerranée.

Projet concerné

Trois Projets Urbains Intégrés (PUI)

Composantes du projet évalué

Treize opérations des PUI

Type d’EIS

EIS complète et rétrospective

Commanditaire

Secrétariat Général des Affaires Régionales (SGAR) PACA en partenariat avec les trois communautés urbaines Marseille Provence Métropole (MPM), Toulon Provence Méditerranée (TPM) et Nice Côte d’Azur (NCA)

Evaluateurs

Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP)

Autres acteurs impliqués

Agence Régionale de Santé (ARS) PACA, Conseil Régional PACA, Direction Générale de la Santé (DGS), Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et l’Attractivité Régionale (DATAR), Centre de Ressources des Politiques de la Ville (CRPV), Citoyens (opérateurs et bénéficiaires des PUI)

Influence d’expériences internationales

Influence principalement suisse et québécoise

Méthodologie appliquée

Choix des actions évaluées à l’aide d’un outil créé sur-mesure (modélisation de la préférence)207. Participation citoyenne, rencontre des usagers

Durée

11 mois (janvier 2012- décembre 2013)

Budget

Budget initial de 60 000 euros

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Une seule EIS, celle qui fait l’objet de notre enquête, a été jusqu’à présent réalisée sur le territoire de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

I. NOTRE METHODE D’ENQUETE Les principaux objectifs de l’étude de l’EIS menée en région PACA ont été : 1. Identifier les acteurs ayant participé à la mise en œuvre de l’EIS et leur degré d’implication dans

la démarche ; 2. Mettre en avant la spécificité de l’EIS menée en région PACA en tenant compte des

caractéristiques propres au territoire ; 3. Mieux comprendre les voies d’institutionnalisation de la démarche sur le territoire et les freins

éventuels.

A) Tableau des entretiens réalisés : Nous avons mené neuf entretiens téléphoniques entre janvier et mars 2015 auprès de :

Organismes Directions interrogées

EHESP

Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - Etablissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel

Trois acteurs : - Enseignante chercheuse, Département Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire - Enseignante chercheuse en charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP - Etudiante stagiaire en charge de l’EIS

ARS PACA

Agence Régionale de Santé -Etablissement public

Responsable du service projets - Direction Déléguée aux Politiques Régionales de Santé

CRES PACA

Comité Régional d’Education pour la Santé - Centre de ressources généraliste en éducation pour la santé et santé publique - Structure associative

Chargée de projets

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Toulon Provence Méditerranée (TPM)

Etablissement public de coopération intercommunale

Responsable du Service Subvention globale FEDER208 Pôle financier et Commande publique

Direction générale de la Santé (DGS)

Direction générale du Ministère de la Santé

- Chef de la Mission Prospective et Recherche - Chargé de mission à la Mission Prospective et Recherche

Santé Publique Consultants

Cabinet de consultants en santé publique

Consultante en santé publique et chargée d’enseignement à l’EHESP

A cela s’ajoute quelques échanges de courriels avec le Conseil Régional de la région PACA. Les entretiens ont duré entre quarante minutes et une heure et demie. Ils ont été réalisés à partir d’une grille d’entretien commune au territoire et définie à l’avance. Cette dernière a cependant été adaptée au fil des entretiens pour confirmer ou infirmer nos premières hypothèses.

B) Les étapes de l’étude

La phase préparatoire : de septembre à décembre 2014

Nous avons commencé par essayer de comprendre le contexte de la mise en œuvre de l’EIS en région PACA et à identifier les principaux acteurs impliqués dans cette démarche. Le travail de recherche s’est appuyé sur un corpus documentaire, ainsi que sur des recherches sur le Web. Le rapport produit au terme de l’EIS n’était pas accessible en ligne au début de notre étude, nous avons dû alors entrer en contact directement avec les enseignants-chercheurs de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) afin de pouvoir le consulter. A partir de ce rapport, nous avons sélectionné les acteurs ayant directement impulsé et/ou réalisé l’EIS en région PACA. Il s’agissait du Secrétariat Général des Affaires Régionales (SGAR) de la Préfecture, l’EHESP, l’Agence Régionale de Santé (ARS) PACA, le Conseil Régional, trois établissements publics de coopération intercommunale (Marseille Provence Métropole, Toulon Provence Méditerranée et Nice Côte d’Azur), la Direction Générale de la Santé (DGS), et la Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale (DATAR). Par la suite, nous avons sélectionné un ensemble d’acteurs intéressés par la démarche. Ces acteurs avaient été associés à l’EIS menée en région PACA ou sont aujourd’hui impliqués dans la promotion de l’EIS sur le territoire : une chargée d’enseignement à l’EHESP et également consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants, le Centre de Ressources des Politiques de la Ville (CRPV) PACA, le Comité Régional d’Education pour la Santé PACA (CRES), et les Comités Départementaux d’Education pour la Santé (CODES).

208 Fonds Européen de Développement Economique et Régional

121

La plupart des personnes en lien avec la démarche d’EIS en région PACA appartiennent donc à des structures publiques ou parapubliques. La seule personne contactée n’entrant pas dans ce cadre (la consultante du cabinet de conseil SantéPubliqueConsultants) a été contactée en raison de son implication dans la réalisation de l’EIS, mais aussi en tant que chargée d’enseignement à l’EHESP et de par son intérêt pour l’évaluation de politiques publiques dans le domaine de la santé.

La campagne d’entretiens : de mi-décembre 2014 à début mars 2015

Nous sommes entrés en contact avec ces acteurs par courriel avant de les appeler directement (lorsque nous avions leur numéro de téléphone). Pour obtenir de nouveaux contacts, nous demandions systématiquement aux personnes ayant accepté de répondre à nos questions de nous diriger vers les autres acteurs impliqués/intéressés par cette démarche sur le territoire.

Une difficulté majeure de notre enquête a été la prise de contact avec les acteurs institutionnels et politiques. Malgré nos multiples relances, nous n’avons jamais pu entrer en contact avec le SGAR, pourtant commanditaire de l’EIS. Le CRES nous a transféré un courriel de la part de l’agent en charge de la démarche au SGAR (aujourd’hui entièrement investi à la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS)), évoquant son manque de temps et l’impossibilité de donner suite à nos demandes d’entretien mais abordant toutefois quelques éléments sur l’EIS réalisée. De nombreuses relances ont également été nécessaires afin d’obtenir une réponse de la part du Conseil Régional (finalement, nous avons eu un court échange de courriels avec deux agents de la Délégation à l’évaluation sur la démarche d’évaluation, de manière générale, mais pas directement sur l’EIS ni sur l’EIS de la région PACA en tant que telle).

De même, il nous a été très difficile de contacter les chargés des projets urbains intégrés (PUI) des trois métropoles/communautés urbaines concernées, en raison d’un turn-over très important au sein de leurs structures. Les acteurs en poste au moment de l’EIS ne le sont plus aujourd’hui, tandis que leurs successeurs, totalement étrangers à la démarche, n’ont pas donné suite à nos demandes d’entretien pour cette raison. Seule la responsable du service subvention globale FEDER de Toulon Provence Méditerranée a accepté de nous accorder un entretien malgré le fait que la démarche d’EIS lui était inconnue. Elle nous a cependant fourni un ensemble de documents techniques sur la méthodologie employée pour la réalisation de l’EIS dans la région mais n’avait visiblement jamais pris le temps de les consulter. Enfin, nous avons également essayé d’entrer en contact avec la DATAR, le CRPV, et les CODES du Var et des Bouches du Rhône qui n’ont jamais donné suite à nos sollicitations.

Concernant les acteurs spécialisés dans le domaine de la santé publique, la prise de contact a été nettement plus facile et rapide. En effet, l’équipe d’évaluatrices de l’EHESP a été très réactive et nous a accordé plusieurs entretiens. Il en est de même pour la chargée de projets du CRES, la responsable du service projets de l’ARS PACA et la chargée d’enseignement et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants qui ont été très enthousiastes d’échanger avec nous au sujet de l’EIS.

Le Chef de la Mission prospective et recherche et son chargé de mission de la DGS se sont aussi montrés disponibles et intéressés lors des entretiens que nous avons menés. Enfin, nous avons eu un court échange de courriels avec l’Observatoire Régional de la Santé (ORS) PACA qui n’était toutefois pas familier à la démarche d’EIS.

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Notre enquête, bien qu’elle offre une vision précise du contexte de l’Evaluation d’Impact sur la Santé réalisée en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de sa mise en œuvre par des acteurs, des difficultés rencontrées et des perspectives quant à son développement sur le territoire, s’est heurtée à quelques difficultés liées, entre autres, à la disponibilité et au changement de poste des acteurs. Par conséquent, nous n’avons pas pu recueillir les propos de l’ensemble des acteurs impliqués. Enfin, bien que la plupart des acteurs institutionnels n’aient pas pu être directement interrogés, nous avons tout de même obtenu certaines informations quant à leur rôle grâce à nos autres entretiens et à la lecture de documents – ce qui nous a permis de mener une analyse approfondie de cette démarche dans la région PACA.

II. LA MISE A L’AGENDA DE L’EIS EN REGION PROVENCE-

ALPES-COTE D’AZUR

A. Les caractéristiques du territoire Il convient d’observer la situation géographique et socio-économique du territoire régional

afin de saisir les disparités de conditions de vie, de travail et de ressources qui potentiellement ont un impact sur la santé des habitants.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est en effet marquée par de forts contrastes. De par sa géographie (fort relief, espaces protégés nombreux, etc.), la population de cette région est très concentrée sur le territoire : selon l’INSEE209, 76 % des habitants de la région occupent 10 % de sa superficie. Considéré comme un atout majeur, le patrimoine naturel de la région PACA constitue en revanche une contrainte pour l'aménagement du territoire. La population régionale est principalement répartie sur la bande littorale, zone qui concentre également la majeure partie des pôles d’activité économique. Avec 158 hab/km2, la région est très urbanisée et se positionne ainsi au 4e rang national des densités de population, derrière l'Île-de-France et le Nord-Pas-de-Calais. Troisième région au niveau national par sa démographie (presque cinq millions d'habitants), la région Provence-Alpes-Côte d’Azur présente donc un dynamisme important, dû à un solde migratoire positif.

Cependant, la région PACA est une des régions les plus touchées par la pauvreté et où les inégalités sont plus marquées que la moyenne nationale. L’héliotropisme attire une population aisée et vieillissante, accentuant ainsi les écarts de richesse entre les ménages et les disparités entre les territoires de la région. Un des enjeux majeurs résultant de ce phénomène est principalement le difficile accès au logement des ménages, la région étant la plus chère de France sur le plan immobilier après l'Île-de-France. Le contexte résidentiel et d’activité, les conditions de vie et de travail, le statut d’emploi et le niveau de rémunération, constituent autant de facteurs structurels qui favorisent en amont la formation d’un capital initial d’avantages et de désavantages en matière de santé et qui illustrent, par leurs

209 INSEE, données 2012 : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=18915

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grandes disparités, la nécessaire prise en compte de l’objectif de réduction des inégalités sociales de santé dans les politiques mises en œuvre sur le territoire. Cet objectif figure aujourd’hui comme prioritaire dans le Projet régional de santé 2012-2016 élaboré par l’ARS PACA210.

Face à ce constat de fortes disparités socio-économiques infra-régionales, des programmes européens consacrés à la problématique des quartiers en difficulté ont vu le jour au sein des instances européennes dans les années 1990 afin de favoriser un développement social urbain fondé sur une approche intégrée, en tenant compte de ses dimensions environnementale, sociale et économique et en favorisant une action publique transversale et partenariale : il s’agit des projets urbains intégrés. C’est à travers l’axe 4.1. du Programme opérationnel du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER)211 mis en œuvre en région PACA sur la période 2007/2013 et représentant une enveloppe de vingt-trois millions d’euros, que trois communautés urbaines ont été sélectionnées suite à un appel d’offre pour se voir attribuer les fonds FEDER dans le financement de leurs projets urbains intégrés ou PUI212, à savoir les deux métropoles urbaines Marseille Provence Métropole (MPM) et Nice Côte d’Azur (NCA), et la communauté urbaine Toulon Provence Méditerranée (TPM).

Tableau 1 : Présentation des communautés urbaines et de leurs projets urbains intégrés

Communauté urbaine

Marseille Provence Métropole213 Nice Côte d’Azur214 Toulon Provence Méditerranée215

Présentation

1er janvier 2000 : naissance de MPM

18 communes

1 million d’habitants

604,75 km2

2016 : fin de l’actuelle mandature et début de la métropole Aix-Marseille Provence

1er janvier 2012 : naissance de la 1ère métropole de France, NCA

49 communes

550.000 habitants

1.400 km2

220.000 emplois

1er janvier 2002 : naissance de TPM

12 communes

Plus de 400 000 habitants

366,41 km2

1ère communauté d’agglomération de France

Caractéristiques des territoires d’action

des PUI

Quartiers marseillais en difficulté représentant 95 % des habitants des quartiers sensibles de MPM (soit 376 000 habitants)

Territoire prioritaire d’intervention : la Basse Vallée du Var (concentre un ensemble de problèmes économiques, sociaux et environnementaux)

Quatre zones sont classées en géographie prioritaire : Toulon (20% de la population, 30.000 habitants), La Seyne- sur-Mer (50% soit 30.000 habitants), La Garde (33% soit 7.500 habitants), Hyères les Palmiers (17% soit 8.500 habitants).

Axes d’intervention du PUI216

Axe 1 : Emploi et développement économique Axe 2 : Recherche d’une plus grande cohésion sociale et territoriale Axe 3 : Transports et mobilités

Axe 1 : Relancer une dynamique économique et commerciale articulée avec la priorité emploi Axe 2 : Emploi, l’insertion, promouvoir l’égalité des chances Axe 3 : Engager un renouvellement urbain durable, promoteur d’emplois et respectueux de l’environnement Axe 4 : Désenclaver les quartiers pour développer leur attractivité

Axe 1 : Activité économique et entreprenariat (création et reprise d’entreprises dans les quartiers sensibles et renforcement des réseaux d’information et d’échanges entre entrepreneurs et demandeurs d’emplois) Axe 2 : Revitalisation économique (attractivité des quartiers, désenclavement)

210 Projet régional de santé Provence Alpes Côte d’Azur 2012-2016, ARS PACA. 211 « Appréhender les espaces urbains sensibles dans l’approche globale de la ville pour contribuer et bénéficier du dynamisme économique ». 212 Rapport final « Evaluation d’impact sur la santé de trois projets urbains intégrés en région PACA », EHESP, juin 2013, 108p. 213 http://www.marseille-provence.fr/ 214 http://www.nicecotedazur.org/ 215 http://www.tpm-agglo.fr/ 216 http://www.europe-urbain.fr/index.php/les-projets/p-a-c-a

124

Les PUI permettent de penser ensemble les politiques urbaines et les politiques sociales sur des territoires dits sensibles, en créant une dynamique entre les villes et les quartiers (ou les territoires) les plus en difficulté. Quatre-vingt-trois opérations ont été entreprises à ce sujet dans les trois communautés urbaines.

Prise en compte des inégalités sociales de santé et processus d’émergence de l’EIS

Une conjoncture nationale et européenne favorable

L’EIS réalisée en région PACA a une certaine spécificité par rapport aux autres EIS mises en place en France : elle représente à ce jour la seule EIS qui est issue d’une impulsion étatique – la Préfecture – et s’inscrivant dans une action conjointe avec l’Union européenne. En effet, en février 2011, un groupe d’experts réunis par la Commission européenne s’est formé autour de la « Joint Equity Action » (cf. encadré) regroupant seize Etats engagés dans une action conjointe avec l’Union européenne (UE) sur l’équité en santé. D’après nos entretiens, la Direction Générale de la Santé était l’interlocuteur principal de ce groupe d’experts et a permis à deux enseignantes-chercheuses de l’EHESP217 de participer à des actions de formation et d’échanges d’expériences218. Au même moment, l’évaluation d’impact sur la santé en région PACA était en train de se mettre en place.

La Joint Equity Action219

La Joint Equity Action est une action conjointe entre l’UE et ses Etats membres qui a débuté en février 2011 pour prendre fin en janvier 2014. L’objectif attendu a été la réduction des inégalités de santé en appuyant l’élaboration des politiques au niveau national et régional et en favorisant la participation de l’ensemble des parties prenantes. Cette action conjointe est née dans le cadre du Programme Santé de l’UE, en impliquant quinze Etats membres et la Norvège, ainsi que vingt-cinq organisations partenaires, trente régions et de nombreuses parties prenantes. Parmi les axes de travail développés et les outils nécessaires proposés pour réduire les inégalités de santé et inscrire l’équité en santé, figurait en premier lieu l’Evaluation d’impact sur la santé (EIS).

Un an avant la fin du programme opérationnel FEDER 2007/2013 mettant en œuvre la

politique européenne de cohésion, la Préfecture de la région PACA - alors autorité de gestion des fonds FEDER - a en effet souhaité réaliser une EIS des trois projets urbains intégrés en cours.

217 Ce sont ces deux enseignantes-chercheuses de l’EHESP qui ont évalué l’EIS des PUI en région PACA. 218 Selon un agent de la DGS. 219 http://www.equityaction-project.eu/

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Ce volontarisme politique de la Préfecture a été favorisé par l’organisation d’un séminaire220 sur les inégalités sociales de santé et les EIS en janvier 2010, par le Centre d’Analyse Stratégique, la DGS, la Société française de l’évaluation, et avec la collaboration de l’Union internationale de Promotion de la Santé et d’Education pour la Santé où se développait une réflexion sur les possibilités d’émergence en France de l’outil EIS.

Tous les entretiens que nous avons réalisés indiquent que l’impulsion de l’EIS réalisée en PACA s’est traduite autour de l’action d’un acteur-ressource221 : le chargé de mission santé/cohésion sociale au SGAR, également chargé de mission à la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS). Sa double casquette semble avoir été un atout indispensable à la mise en place de l’EIS dans la région.

En effet, comme l’illustrent les propos de l’ensemble de nos enquêtés, le rôle joué par cet acteur qui a permis de réunir les parties prenantes et a rendu possible une action multi partenariale autour de l’EIS : « Les portes ont été ouvertes, on a eu un gros soutien politique par l’entremise du SGAR via [le chargé de mission santé/cohésion sociale] qui était la personne-clé avec une certaine influence au SGAR, un grand facilitateur qui a désamorcé tous les blocages. [Le chargé de mission santé/cohésion sociale], est dans la région depuis longtemps, connaît de nombreux acteurs et travaillait déjà en intersectoriel avec un pied dans la santé et le social (DRJSCS) et un autre plutôt dans le développement économique et l’aménagement du territoire (SGAR)222 ».

B. Perception de la santé

Perception de la santé des acteurs impliqués dans l'EIS

Au-delà d’un contexte européen et national favorable à l’EIS, son impulsion dans la région semble aussi correspondre à une perception très étendue de la santé qu’ont les acteurs impliqués. La plupart des personnes interrogées s’accordent en effet sur une définition de la santé proche de celle de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de la Charte d’Ottawa223, à savoir l’idée que la santé repose sur un bien-être physique, mental, social et environnemental qui renvoie alors à une « situation mouvante et évolutive, qui s’entretient au quotidien », et « qui n’est pas l’apanage des professionnels de santé224 ».

220 Selon l’étudiante-stagiaire de l’EHESP au sein du SGAR en charge de la réalisation de l’EIS, le chargé de mission

santé/cohésion sociale au SGAR était présent à ce séminaire, « intéressé par les outils d’évaluation des politiques

publiques en général ». 221 Comme nous l’avons évoqué, ce chargé de mission au SGAR n’a malheureusement pas pu nous accorder un entretien. Les éléments exposés dans notre analyse concernant l’implication et le travail de cet acteur sont exclusivement issus des entretiens réalisés avec les acteurs qui se sont exprimés à ce sujet. 222 Selon l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR. 223 La charte d'Ottawa du 21 novembre 1986 définit la promotion de la santé comme « le processus qui confère aux populations les moyens d'assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d'améliorer celle-ci ». Cette définition envisage la santé « comme étant la mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut d'une part, réaliser ses ambitions et, d'autre part, évoluer avec le milieu ou s'adapter à celui-ci". 224 Selon la responsable du Service Projets à l’ARS.

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L’engagement dans la démarche d’EIS pris par les acteurs interrogés a été favorisé par cette approche multidimensionnelle de la santé. Leur définition « systémique » a en effet permis de faciliter la compréhension de l’outil, et de son intérêt, qui a alors été plus rapide auprès de ces acteurs225.

Par ailleurs, comme le précise l’équipe de l’EHESP, l’EIS « dépend de la culture de la personne, de son expérience, de là où elle a travaillé ». Il est en effet important d’observer les parcours personnel et professionnel de chaque acteur impliqué afin de comprendre la mise en place d’une EIS. En région PACA, la personne ayant impulsé cette démarche -le chargé de mission SGAR/DRJSCS - a effectué une formation dans le domaine de l’inspection de l'action sanitaire et sociale à l’EHESP, tandis que sa carrière professionnelle antérieure est très tournée vers la santé publique. Ce n’est donc pas surprenant que la démarche et les objectifs de l’EIS lui soient aussi familiers. En effet, selon l’ensemble de nos enquêtés, l’implication de cet acteur a été importante et constante226 durant l’évaluation.

En revanche, l’association - pourtant indispensable - des trois communautés urbaines à la

démarche, a semblé être plus difficile. Les projets urbains intégrés s’inscrivant, comme leur nom l’indique, dans une logique globale prenant en compte les dimensions physique, économique et sociale du développement urbain ; il n’en reste pas moins que les services techniques des communautés urbaines en charge de ces PUI ont eu des difficultés à comprendre dans un premier temps leur implication dans le champ de la santé. Selon l’équipe de l’EHESP, le terme d’ «Evaluation d’Impact sur la Santé » induit en effet beaucoup de confusions : il ne semblait pas évident pour les services techniques chargés du pilotage des projets urbains intégrés d’être impliqués dans une évaluation « sur la santé » : « ils disent qu’ils ne font pas de santé227». L’actuelle responsable du Service Subvention globale FEDER de la communauté urbaine TPM qui n’a pas participé à la démarche d’EIS confirme elle aussi cette idée : « Je n’ai pas de volet santé à proprement dit, ou alors ce n’est pas dans le volet urbain228 ».

Quels objectifs attendus ?

L’EIS est, pour l’ensemble des acteurs interrogés un outil intéressant pour plusieurs raisons. Selon la responsable du Service Projets de l’ARS, cette démarche « permet de se placer hors du cadre sanitaire classique pour évaluer l’impact d’une politique qui n’a, a priori, rien à voir avec la santé », ce qui comporte une multitude d’avantages comme celui d’instruire une vision globale de l’action publique, plus proche de la population, de par les « dynamiques de participation » et « des rassemblements d’acteurs ayant chacun leurs points de vue à partager229 ».

225 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 226 Il est important de noter que l’absence d’entretien réalisé avec cet acteur ne nous permet pas de bien mesurer son implication dans la démarche. 227 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 228 Toutefois, des entretiens avec les chefs des PUI en poste au moment de l’EIS auraient été bénéfiques afin de recueillir

l’ensemble des éléments nécessaires pour aboutir à une conclusion à ce sujet. 229 Selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants.

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Pour ce qui est du SGAR, selon nos enquêtés, ce service de la Préfecture s’est saisi de l’outil EIS, cherchant à atteindre un double objectif :

Tout d’abord, celui d’apporter des éléments de connaissance sur les effets des PUI sur la santé et la qualité de vie des habitants, afin de tirer les enseignements des opérations conduites pour améliorer les opérations à venir et préparer la prochaine génération des PUI issus de la politique de cohésion 2014-2020230. Les résultats de l’EIS ont en effet pour but d’expliciter les impacts (positifs et négatifs) sur l’état de santé, la qualité et les conditions de vie des habitants afin de rendre compte des axes à améliorer, à ajuster ou à développer pour faire de chaque PUI des projets respectueux pour la santé tout en tenant compte des autres dimensions du développement urbain et durable. L’EIS est ainsi perçue comme un outil d’aide à la décision, multisectoriel et participatif en vue de l’élaboration des documents stratégiques de ces PUI, à travers « une grille de questionnements pour aider ceux qui donnent les subventions afin de choisir les politiques/projets en fonction des impacts sur la santé et des objectifs qu’ils cherchaient au niveau des territoires231 ». L’atteinte de ce premier objectif devait également permettre de valoriser les effets des PUI sur la réduction des inégalités sociales de santé tout en confrontant la dimension santé dans les réflexions prospectives en cours sur les « villes durables232 ». La responsable du Service Projets de l’ARS considère, quant à elle, que « la réussite en santé de ces PUI était vue en tant que bonus par rapport à l'axe du développement économique ». Le deuxième objectif est celui d’être novateur, jouer un rôle de chef de file, « d’éclaireur233 » en expérimentant cette méthode peu utilisée en France afin de contribuer à son développement. Selon l’équipe de l’EHESP, « l’idée était d’appliquer la démarche à ces thématiques pour l’expérimenter, instiller un peu plus de santé dans ces projets ».

Enfin, le déploiement d’une démarche d’EIS dans la région était aussi et surtout « l’occasion d’inscrire la France à ce mouvement européen », comme le souligne une des évaluatrices de l’EHESP. L'ARS PACA a été impliquée dans la démarche dès le début et les deux organismes (le SGAR et l’ARS) ont envoyé à la DATAR une demande de financement, se retrouvant ainsi rapidement associés au programme du groupe d’experts européen.

Ce processus d’émergence de la démarche d’EIS dans la région a donc conduit à une phase

d’action : le SGAR a confié à l’EHESP la réalisation de l’EIS sur des projets urbains intégrés.

230 Rapport final « Evaluation d’impact sur la santé de trois projets urbains intégrés en région PACA », EHESP, juin 2013, p.8. 231 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 232 Rapport final EIS PACA, op.cit. p.8 . 233 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP.

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III. LA MISE EN ŒUVRE DE L’EIS EN REGION PACA

A) Retour critiques sur les points clefs de la mise en œuvre

L’EIS en région PACA s’est déroulée entre janvier 2012 et décembre 2013 suivant un calendrier d’exécution récapitulant les étapes de la démarche d’EIS234. Il s’agit d’une évaluation rétrospective qui portait sur des projets urbains intégrés déjà conçus pour la période 2007-2013 et mis en œuvre. L’EIS était cependant concomitante à certaines opérations découlant de ces PUI qui étaient en cours de réalisation.

Formation d’un COPIL décisionnaire

Un comité de pilotage (CoPIL) a été constitué, regroupant l’ensemble des parties prenantes, à savoir :

- Trois personnes du SGAR (le chargé de mission SGAR/DRJSCS et deux agents de la mission Stratégie, Etudes, Evaluation) ;

- Trois personnes de l’EHESP (deux enseignants-chercheurs et une chargée d’étude, étudiante-stagiaire) ;

- Deux personnes de l’ARS PACA (le responsable Stratégie et pilotage et la responsable du Service Projets à la Direction Déléguée aux Politiques Régionales de Santé) ;

- Deux personnes à la Délégation de l’évaluation du Conseil Régional PACA ; - Trois responsables PUI de chaque communauté urbaine (MPM, NCA et TPM) ; - Le docteur et chargé de mission Recherche et politiques de santé de la DGS ; - Le directeur du CRPV PACA (qui a assisté à une réunion du CoPIL) ; - Un agent de la DATAR (qui n’a pas assisté aux réunions).

Le CoPIL validait chaque étape de la démarche d’EIS et s’est réuni à plusieurs reprises pendant sa réalisation235. Etant donné le nombre d’opérations financées par les trois projets urbains intégrés (83), il s’est agit d’abord de catégoriser ces opérations afin de dresser un premier profil de chaque PUI. Par la suite, une méthode de la modélisation de la préférence236 a été expérimentée par les membres du CoPIL. Selon une des enseignantes-chercheuses à l’EHESP que nous avons interrogée, « il y a eu une réelle création d’outil sur-mesure/spécifique avec la modélisation multicritères ». Le CoPIL a décidé d’effectuer une sélection représentative des opérations avec l’aide de critères considérés comme

234 Article La démarche d’EIS disponible en ligne sur la Plateforme d’EIS du Réseau Bretagne Urbanisme et Santé http://rbus-eis.org/index.php?option=com_content&view=article&id=75&Itemid=502 235 Grâce à l’un de nos enquêtés, nous avons eu connaissance de réunions du CoPIL en mai, juillet et août 2012. 236 La méthode, utilisant la méthode PROMETHEE (Preference Ranking Organisation METHod for Enrichment Evaluations), consiste à classer les opérations en fonction du degré de préférence des acteurs au regard des critères préalablement retenus. Pour cela, une matrice a été créée afin de coter les opérations en fonction de la satisfaction des critères. La cotation pour chaque opération a été établie avec les trois responsables de PUI. Une fois la matrice renseignée, le logiciel « Decision Lab » procède à une comparaison des opérations par paire pour chacun des critères et aboutit à un classement des opérations de selon une échelle de préférence, des plus préférés à gauche vers les moins préférés à droite. La distance entre deux opérations permet de pointer combien une opération est préférée à une autre. – Rapport final EIS PACA, op.cit. p. 12.

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« non discriminants » (budget, territoires concernés, etc.) et des critères de choix des opérations définis par les chefs des PUI237. Par ordre d’importance déterminé par le CoPIL, ces critères étaient :

- la faisabilité du recueil d’informations ; - l’utilisation potentielle des recommandations ; - le caractère emblématique des opérations ; - l’efficacité propre des opérations retenues ; - le lien avec la santé et la qualité de vie ; - la récurrence des opérations.

Treize opérations ont ainsi été retenues : la relocalisation d’une pharmacie (NCA), la création d’une épicerie sociale (NCA), des jardins familiaux (MPM), une formation/insertion dans les métiers de la métallurgie (NCA), des jardins communautaires (TPM), l’aide à la création d’entreprises (TPM), la création de microcrèches (MPM), des chantiers éducatifs (MPM), la mise en place d’une Cyberbase (TPM), la relocalisation d’une auto-école (NCA), l’action vers l’emploi (MPM), des animations de rue avec des jeunes (TPM) et la création d’une centrale de mobilité (TPM).

Méthodologie

Afin de mettre en évidence les effets générés par ces diverses actions sur les conditions de vie des habitants, des indicateurs tels que les déterminants sociaux ou encore la qualité de vie perçue par les populations ont été employés. Une grille de soixante variables déclinant les principaux déterminants de santé (comportements, habitudes et conditions de vie, réseaux sociaux, environnement physique et socioéconomique, services publics) a été élaborée par le CoPIL, en empruntant également des concepts et des outils développés à l’étranger, notamment en Suisse et au Canada (Québec)238.

L’équipe d’évaluation s’est en effet appuyée sur plusieurs types d’information et de données

pour mener à bien l’EIS. Pour la stagiaire de l’EHESP au SGAR, « ce qui fait la force de l’EIS, c’est le croisement entre les données scientifiques (revue de littérature, indicateurs locaux récoltés) et la prise en compte du cadre de vie spécifique des usagers/bénéficiaires ». Ainsi, le travail a débuté par la collecte de données probantes et a été approfondi et complété par la collecte de données qualitatives principalement recueillies auprès des citoyens (opérateurs et bénéficiaires).

La collecte de données probantes

Afin de mettre en évidence les chaînes de causalité entre les projets évalués et la santé et de recenser les déterminants sociaux de la santé qui étaient en jeu dans le déroulement des opérations des PUI, un « important travail de revue de littérature pour anticiper les attentes concernant les impacts potentiels239 » a eu lieu, en s’appuyant donc essentiellement sur un corpus documentaire conséquent, comme le précise une des enseignantes-chercheuses à l’EHESP : « On a cherché sur les thématiques qui étaient celles sur lesquelles travaillaient les opérateurs des PUI pour documenter les liens avec la santé, par exemple, on a recherché dans la littérature tout ce qui peut exister sur les liens

237 Selon des documents techniques transmis par la Responsable du Service Subvention globale FEDER de TPM. 238 Modèle Kellog, 2004 ; Modèle Dahlgren et Whitehead, 1991 ; Ministère de la Santé et des services sociaux québécois. – Rapport EIS PACA – EHESP, op.cit. 239 Selon l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR.

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entre espaces verts et santé. Est-ce que le fait d’avoir un environnement plus vert, un paysager esthétique et sain, a une influence sur la santé ? ».

Ce corpus documentaire était en partie composé des documents disponibles relatifs aux

opérations : documents de projets FEDER, annexes techniques, rapports d’instruction et d’activités. A partir de ces recherches, et conjointement avec les membres du CoPIL, une description approfondie de chaque opération retenue a ainsi été réalisée, mettant en lumière une analyse du problème, la stratégie de changement recherchée, les résultats attendus et l’estimation des impacts à partir d’une grille construite240. Enfin, ce premier travail a ensuite été complété et confronté aux perceptions des divers acteurs concernés, recueillies sur le terrain : « les points de vue d’experts, les points de vue des professionnels et les points de vue de la population241 ».

L’implication des citoyens à la démarche

La participation des citoyens s’est révélée fondamentale dans l’évaluation d’impact sur la santé des projets urbains intégrés visés. En effet, leur intégration est absolument nécessaire dans un souci de réduction des inégalités sociales de santé, « sinon il y a un risque de passer à côté de certains sujets car les enjeux sont différents selon les populations », comme le précise la stagiaire de l’EHESP au SGAR.

Un ensemble d’indicateurs ont donc été collectés localement. Les entretiens avec les habitants se sont effectués à deux niveaux : les initiateurs/porteurs des opérations évaluées et les bénéficiaires consultés notamment à travers la réalisation d’entretiens individuels et de « focus group242 ». Par ailleurs, des visites de certains sites243 ont également été organisées ainsi que des ateliers de travail à raison d’une journée par communauté urbaine.

La population ciblée par les opérations des PUI était majoritairement en situation précaire. Selon la chargée d’enseignements à l’EHESP et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants, le choix de l’échantillonnage était d’une importance capitale : « il n’était pas possible d’interroger énormément de personnes (pas en profondeur), d’où l’importance méthodologique de bien choisir ses interlocuteurs et de leur poser les bonnes questions ». Enfin, la réception des citoyens a été satisfaisante : selon l’équipe d’évaluation « les bénéficiaires du PUI étaient toujours ravis quand on leur posait des questions, car cela montrait qu’on s’intéressait à eux. Les opérateurs étaient également enclins à parler de leur situation et de leurs projets244 ». Ce sentiment est partagé par une des enseignantes-chercheuses à l’EHESP (« […] demander aux habitants de vous faire partager leurs expériences par rapport à ce qu’ils sont en train de vivre sur une action de retour à l’emploi, ça les intéresse, ils auront des choses à dire »), et par la responsable du Service Projets de l’ARS (« […] c’est quelque chose qu'on observe régulièrement », « ils sont en général ravis de répondre »).

Enfin, il a été indispensable d’associer les chefs des PUI tout au long de la démarche d’évaluation. Ils ont été donc constamment sollicités par l’équipe d’évaluation qui précise avoir été

240 Rapport final « EIS de trois PUI en région PACA », op.cit. p.13. 241 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 242 « Un focus group » ou « groupe de discussion » est une méthode qualitative de recherche sociale qui prend forme au sein d’un groupe spécifique culturel, sociétal ou idéologique afin de favoriser l’émergence de toutes les opinions et déterminer l’attitude qu’il adopte au regard d’un produit, service ou concept. 243 La Maison du Projet GUP du quartier des Moulins à Nice et le Jardin collectif sur la commune d’Ollioules, cf. Rapport

final « EIS de trois PUI en région PACA », op.cit. p.14. 244 Selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et la consultante de SantéPubliqueConsultants.

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« […] très bien reçue par les porteurs des PUI, pas de difficulté pour avoir les contacts et les entretiens245 », notamment lors de réunions organisées dans les trois villes distinctes. Ces réunions ont été par ailleurs l’occasion « d’analyser les critères et la méthodologie et d’analyser les résultats obtenus auprès des bénéficiaires246 ». En effet, il s’est agi de prévoir une restitution et un retour d’informations « pour faire le point des premiers résultats, des matériaux de l’enquête et des analyses247 ».

La formulation de recommandations et l’élaboration d’une grille multicritères248

Les résultats ont été analysés selon une approche relative, c'est-à-dire en comparant l’ensemble des opérations entres elles au regard du bilan global des impacts sur la santé puis par principaux groupes de déterminant. Ils ont ensuite été repris en resituant les opérations dans le contexte de chaque site249.

A l’issue de ce travail d’analyse, trois grandes recommandations ont été formulées par

l’EHESP et validées par le CoPIL. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de ces recommandations mais évoquerons seulement les grandes lignes de ce qui a été retenu :

- Systématiser l’utilisation d’un outil pour prendre en compte la santé dans les opérations des PUI : la grille d’analyse multicritères. Cette grille a été conçue afin d’aider les opérateurs dans la conception de leurs projets en réinterrogeant les mécanismes en jeu ; de repérer tous les effets possibles de leurs actions et d’identifier les axes d’amélioration ; d’être un outil d’aide à la décision pour les responsables des PUI en disposant d’une meilleure connaissance des opérations et de leur capacité à atteindre les objectifs du programme FEDER250.

- Prendre en compte les effets de l’ensemble des opérations à l’échelle du territoire. - Prendre en compte la dimension santé dans le futur programme opérationnel du FEDER.

Les recommandations formulées étaient destinées à la fois aux concepteurs du programme

opérationnel du FEDER, aux responsables gestionnaires des PUI et aux opérateurs, afin de faciliter la communication et les échanges d'informations entre les différents niveaux (local, régional, national et européen) intervenant dans la mise en place d'un PUI.

L’EIS est une démarche flexible et adaptable à chaque projet dont la mise en œuvre repose sur le multi-partenariat entre les acteurs impliqués dans chaque opération. La participation des citoyens et l’utilisation de divers supports et outils (documents d’urbanisme et projets existants, observations de terrains, cartographies, entretiens auprès des différents partenaires et acteurs cibles, etc.) ont constitué des données probantes quantitatives et qualitatives qui ont permis la création d’une grille multicritères, outil d’aide à la décision251.

245 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 246 Selon la responsable du service projets de l’ARS. 247 Selon l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR. 248 Grille présentée à l’annexe 8 de ce rapport (p.257.) 249 Rapport final « EIS de trois PUI en région PACA », op.cit, p.15. 250 Ibid, p.56. 251 Ibid, p.59 à 62.

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B) Gouvernance et jeu d’acteurs L’EIS est un outil qui incite des acteurs provenant de différents milieux à travailler ensemble s’ils souhaitent de réelles améliorations sur leur territoire.

Les acteurs institutionnels : au centre de l’impulsion de la démarche d’EIS

Le Secrétariat Général des Affaires Régionales (SGAR) de la Préfecture joue un rôle de relais entre l’échelon national et local. Il veille à la cohérence de la mise en œuvre des politiques nationales et de celles de la Communauté européenne qui relèvent du niveau régional, en assurant la mise en œuvre de certaines d'entre elles252. Dans le cadre de l’EIS de la région PACA, cette structure est considérée comme centrale dans le portage des politiques nationales concernant la prise en compte des inégalités sociales de santé. En effet, le SGAR a été un centre d’impulsion, comme nous l’avons vu précédemment, de l’évaluation d’impact sur la santé sur des projets urbains intégrés menés sur son territoire d’action. Le SGAR était également présent à toutes les réunions du CoPIL afin d’accompagner la démarche et contribuer aux choix méthodologiques : « […] le portage politique national était très moteur, le SGAR était un bon soutien, ce qui facilitait le travail253 ».

Les trois communautés urbaines : Marseille Provence Métropole, Toulon Provence Méditerranée et Nice Côte d’Azur La démarche d’EIS n’aurait pu avoir lieu sans la collaboration essentielle des trois communautés urbaines, dans la mesure où il s’agissait de PUI déployés sur leurs territoires et menés par les communautés-mêmes puisque, comme nous l’indique une de nos enquêtées, « […] de façon assez originale, la région PACA était la seule région où le SGAR avait délégué le financement des fonds européens aux différentes métropoles et leur laissait les gérer254 ». En effet, les services techniques de ces communautés d’agglomération ont été particulièrement mobilisés. Les responsables des PUI ont représenté un relais indispensable entre l’équipe d’évaluation et les porteurs de projets (les opérateurs) et les bénéficiaires. D’après nos enquêtés, leur implication a été croissante tout au long de la démarche : les chargés de mission PUI « sont assez bien et vite rentrés dedans et intéressés », ce qui a permis à l’équipe d’évaluation d’avoir de « vraies discussions, dans un cadre très ouvert et collégial et sans aucune tension ». L’Agence Régionale de Santé (ARS) PACA a pour mission de définir et programmer la politique régionale de santé, en coordination avec ses partenaires et en tenant compte des spécificités de la région et de ses territoires. Pour l’équipe de l’EHESP que nous avons interrogée, « les ARS s’associent et cela est normal car elles sont dans leur registre et leur rôle est vraiment de faire un plaidoyer en faveur de l’EIS, car l’EIS permet de rapprocher le secteur de la santé des autres secteurs de politiques publiques ». Cette vision est également partagée par la responsable du Service Projets de l’ARS qui insiste sur le rôle majeur de l’ARS, « indispensable pour légitimer la santé publique ». Elle précise par ailleurs que l’ « […] on n'obtiendra pas d'avancées majeures pour la santé en restant dans le sanitaire pur : on est mauvais en France, il faut également axer les efforts sur l'éducation, le logement, l'emploi... et c'est à l'ARS de le porter ». Enfin, selon notre enquêtée, l'ARS a organisé une réunion publique pour présenter et diffuser la démarche d’EIS à savoir : « une petite conférence auprès

252http://www.paca.pref.gouv.fr/Services-de-l-Etat/L-Etat-dans-la-region-PACA/Prefecture-de-region/Le-S.G.A.R 253 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 254 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP.

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d'acteurs concernés, de représentants universitaires pour présenter les résultats de l'étude255 ».

Une équipe d’évaluation pluridisciplinaire

L’équipe d’évaluation a été responsable de la mise en œuvre de l’EIS et de la remise du rapport d’évaluation au CoPIL. L’Etudiante de l’EHESP en stage de fin d’étude

L'EIS des projets urbains intégrés a été réalisée par une étudiante en Master, en alternance à l’EHESP/MinesParisTech, dans le cadre d’un stage256 de fin d’étude au SGAR, pour une période de six mois. Son rôle fut majeur lors de l’initiation de la démarche d’EIS car cette étudiante-stagiaire a été le principal relais de l’EHESP sur place en région PACA : elle a été chargée du recueil d’informations et de données auprès d’opérateurs et de bénéficiaires, et de la constitution du réseau de contacts et personnes-ressources. Etant donné la durée du stage, la mission de cette étudiante a pris fin au moment de l’élaboration de la grille d’évaluation des impacts257. L’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP)

Le rôle des deux enseignantes-chercheuses de l’EHESP a été essentiel tout au long de l’EIS. Elles ont apporté un « soutien méthodologique » et sont qualifiées par les autres acteurs de « personnes ressources » dans le sens où elles sont intervenues afin de former les autres acteurs à la démarche dont elles avaient l’expérience de par leur collaboration avec des équipes québécoises. D’après nos entretiens, elles ont participé à toutes les réunions du groupe de suivi, à toutes les restitutions sur les sites et également à quelques rencontres avec les opérateurs258.

Elles ont également entrepris l’analyse des données et formulé les recommandations. Enfin, elles ont assuré la promotion de l’EIS en organisant une restitution quelques mois après l’achèvement de l’EIS, en participant à de nombreuses rencontres dans le cadre de la politique de la ville et également par la publication de divers articles évoquant cette EIS259.

Enfin, il est intéressant de noter que ces deux enseignantes-chercheuses ont également réalisé l’EIS à Rennes. Si leur collaboration dans le cadre des démarches d’EIS semble aussi régulière et « efficace », c’est parce qu’elle est caractérisée par un atout majeur qui est celui de l’intersectorialité : l’une est tournée vers la santé environnementale tandis que l’autre est médecin en santé publique. Cela leur permet d’adopter une approche complémentaire, comme le précise l’une d’entre elles : « On a chacune notre réseau, nos pratiques, notre expérience, la façon dont on aborde le problème, on se comprend mais on ne voit pas les choses avec la même paire de lunettes et on essaye d’identifier entre les deux milieux ce qui fait que les ponts ne se font pas ».

255 Selon l’agent de l’ARS PACA. 256 Les frais pédagogiques de la formation ainsi que les indemnités du stage ont été inclus dans le budget prévisionnel de l’EIS. 257 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP. 258 Idem 259 Voir, par exemple l’article « Les premiers pas dans l’évaluation d’impact sur la santé en France » dans la revue La santé en action, juin 2013, n°424, p.50-53.

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L’appui d’une formatrice et chargée d’enseignement, consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants.

Lorsque le stage de l’étudiante a pris fin, les deux enseignantes-chercheuses de l’EHESP ont sollicité une formatrice et chargée d’enseignement à l’EHESP depuis 1998, également consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants basé à Nice. D’après notre entretien mené avec cette personne, il en ressort qu’elle a essentiellement effectué un travail de terrain auprès des opérateurs et bénéficiaires des PUI, à Marseille et à Nice : elle a « aidé à finaliser l’évaluation, à renseigner la grille, et pour tout le travail d’analyse ».

Des acteurs en périphérie

Le rôle de la Direction Générale de Santé (DGS) a été, selon notre enquêté au sein de cette institution, « très marginal » : il s’est agit de « […] donner la possibilité d’une part aux personnes de l’EHESP et à quelqu’un de l’ARS PACA260 de participer aux actions de formation et d’échanges mises en place dans le cadre de cette action ». En effet, le représentant de la DGS a participé à quelques réunions du CoPIL afin de contribuer à des réflexions, à des éléments de discussion mais « n’a pas eu un rôle actif » : « Pour nous, ça a été surtout une manifestation d’intérêt pour ce type de démarche261 ». Enfin, selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP, la DGS s’y est associée avant tout parce qu’il s’agissait de la première « EIS-Etat ».

Le Conseil Régional PACA a été impliqué, selon nos enquêtés, pour « l’intérêt évaluatif de l’EIS262 ». En effet, c’est la Délégation à l’Evaluation du Conseil Régional qui a été associée à cette démarche afin de découvrir ce nouveau dispositif d’évaluation. Toutefois, à travers un court échange de courriels, les deux agents du Conseil Régional de la Délégation à l’Evaluation nous ont expliqué que « les conditions dans lesquelles [ils ont] été associés à cette démarche ne [leur] permettent pas d’apporter un éclairage utile aux questions que [l’on] se pose ». Il nous est alors difficile de déterminer le rôle exact du Conseil Régional dans la mise en place de l’EIS.

La Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale (DATAR), membre du CoPIL et principale financeure de l’EIS en région PACA, n’a, selon nos enquêtés, pas participé aux réunions organisées dans la région mais était tenue au courant de l’évolution de la démarche à travers des documents et compte-rendu qui lui étaient transmis par les membres du CoPIL263.

Enfin, le directeur du Centre de Ressources des Politiques de la Ville (CRPV) PACA, toujours en poste aujourd’hui, était présent lors d’une réunion du CoPIL parce qu’il « coordonnait les trois PUI », selon l’agent de l’ARS PACA que nous avons interrogé.

260 Nous n’avons pas su déterminer quel acteur de l’ARS PACA avait participé à ces activités dans le cadre européen. 261 Selon l’agent de la DGS. 262 Selon l’agent de l’ARS. 263 Selon une enseignante-chercheuse de l’EHESP.

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En conclusion, bien que certains acteurs qui étaient associés à la démarche d’EIS soient restés en marge de celle-ci, le jeu d’acteurs semble s’être bien déroulé, comme en témoigne l’équipe d’évaluation qui évoque l’intensité des échanges au sein du CoPIL264 : « Au départ les acteurs émettaient une certaine suspicion face à l’EIS mais le meilleur indicateur c’était l’investissement et la présence des personnes (pas d’absentéisme !), il y a eu un vrai processus d’acculturation des personnes et le développement d’outils innovants. ». En effet, la « bonne volonté et collaboration des acteurs sollicités » a permis l’aboutissement du travail : « Tous les acteurs sont convaincus par la démarche et comprennent bien l’intérêt de cette approche de santé publique265 ».

IV. BILAN ET RECEPTION DE LA DEMARCHE D’EIS MENEE EN

REGION PACA

A. La question de la méthodologie

Comme nous l'avons déjà évoqué, l'EIS complète et rétrospective menée en région PACA portait sur l'étude des impacts sur la santé de trois Projets Urbains Intégrés (PUI), portés par les collectivités territoriales de Marseille Provence Métropole (MPM), Nice Côte d'Azur (NCA) et Toulon Provence Méditerranée (TPM). Le Comité de Pilotage (constitué pour rappel par l'ARS, le SGAR, des représentants des PUI, l'équipe de recherche universitaire de l’EHESP, la DATAR ainsi que les représentants de la DGS) avait décidé, lors de sa validation du cahier des charges et de la méthodologie de la démarche, d'évaluer partiellement les effets de santé de chacun des trois PUI, c'est-à-dire de ne soumettre qu'une partie de leurs actions constitutives à l'évaluation (treize sur quatre-vingt trois, plus exactement), plutôt que d'enquêter sur la totalité des actions d’un seul PUI.

Cette décision a engendré des difficultés organisationnelles, puisqu'il s'agissait de couvrir trois territoires en même temps et que cela engageait des coûts plus importants en matière de financement, de personnel et de supervision du processus d'enquête, venant s'ajouter aux exigences déjà élevées d'une EIS complète266.

Par ailleurs, comme dans le cas de l’EIS menée à Borderouge à Toulouse, la démarche rétrospective en région PACA a été accueillie avec scepticisme par certains acteurs, allant même jusqu’à questionner le nom à donner à l’opération.

En effet, pour les « puristes » se conformant à une définition stricte de l'EIS267, une telle évaluation serait nécessairement et uniquement prospective puisqu'elle cherche à anticiper les possibles effets sur la santé d'une politique publique afin d'intégrer ces considérations au processus décisionnel.

Pour d'autres acteurs, l'évaluation menée en région PACA mérite bel et bien le titre d'EIS car son importance ne tiendrait pas tant à la prospectivité ou au résultat qu'à la démarche en elle-

264 Idem 265 Selon l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR. 266 Selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants. 267 Selon l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR s’appuyant sur les propos de Louise SAINT-PIERRE (CCNPPS, Québec).

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même268 et au processus. De plus, les corpus théoriques ne précisent pas qu’une EIS ne peut pas être rétrospective : l’évaluation ex ante d’un projet n’est que la forme la plus souvent utilisée d’une EIS, bien que certains auteurs la considèrent comme la forme la plus efficace. L'évaluation en région PACA a effectivement été menée suivant une méthodologie de type EIS et, même si elle n'a pas précédé les projets dont elle cherchait à étudier les conséquences, il restait tout de même une marge de manœuvre dans la mesure où toutes les opérations des PUI n'avaient pas encore été mises en œuvre. Enfin, les résultats de l'EIS en région PACA étaient bel et bien destinés à nourrir la réflexion pour l'établissement des PUI sur la période 2014-2020, satisfaisant ainsi la condition que l'EIS « devrait » servir à planifier ex ante une politique publique, programme ou projet. L'évaluation menée en région PACA apparaît donc comme une EIS atypique (doublement atypique, si l'on considère que c'est pour l'instant la seule en France à avoir été commandée par l’État à travers les services préfectoraux et non par une collectivité territoriale), mais tout de même une EIS.

Toutefois, la difficulté majeure générée par le caractère rétrospectif de l’EIS est, selon une des enseignantes-chercheuses à l’EHESP, qu’ « il faut être très vigilant au fait que ça reste une EIS car on regarde les effets sur la santé d’actions de projets urbains qui n’ont pas été faits pour faire de la santé (qui attendaient d’autres résultats) ; et il faut constamment faire attention à ne pas tomber dans l’évaluation des actions qui se sont passées ». C’est pour cela que notre enquêtée considère que faire une EIS de manière rétrospective n’est pas un « bon contexte » et qu’elle ne souhaiterait donc plus renouveler l’expérience.

B. La question des moyens, du portage politique et de la

collaboration intersectorielle Les acteurs avec qui nous nous sommes entretenus269 nous ont rapporté que, parmi les raisons des réticences des décideurs, élus et collectivités territoriales à accepter d'organiser l'EIS en région PACA, la question du coût et des délais imposés par la démarche (qui retardent le processus de mise en forme de nouvelles politiques publiques) revenait fréquemment. La chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante au cabinet SantéPubliqueConsultants, a mentionné ces inquiétudes qui peuvent décourager les acteurs locaux de porter une EIS. Quant à la démarche menée en région PACA, cette personne pense également qu'il était impossible de réduire le nombre d'actions évaluées, à moins d'accepter une forte perte en termes de qualité du rapport final, voire la possibilité de rendre l'EIS complètement inutile.

La question du coût organisationnel, financier et temporel a donc posé des difficultés aux décideurs, mais qui ne pouvaient être résolues facilement, car vouloir trop économiser ou simplifier les choses dans ce domaine aurait risqué de compromettre l'efficacité de la démarche270. Ces coûts étaient donc un sacrifice auquel il fallait consentir. Le problème de ces coûts était par ailleurs lié à une autre difficulté mise en avant lors de cette EIS, par l’ARS, notamment : la question du nombre restreint de personnel formé à la démarche (encore peu développée et peu connue) et, en conséquence, le nombre restreint d'enquêteurs disponibles : la stagiaire du SGAR, par exemple, a fait remarquer que l'équipe de recherche était constituée pour l'essentiel « d'un étudiant et de deux enseignants-chercheurs en manque de temps » pour évaluer treize projets répartis sur trois grands terrains d'enquête, sans compter l’appui de la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du

268 Selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants. 269 En particulier la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SPC, notre contact à l’ARS PACA et l'évaluatrice de l'EHESP. 270 Selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SPC.

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cabinet SantéPubliqueConsultants qui a assisté la démarche d'évaluation en menant des entretiens sur le terrain. On le voit donc, il était matériellement difficile d'organiser la collecte de données auprès de nombreux enquêtés, dispersés et hétérogènes : la charge de travail était très importante, surtout que l'EIS a dû être réalisée essentiellement par l'étudiante-stagiaire, faute d'une véritable équipe évaluatrice271. Pour cette raison, le nombre d'actions constitutives des PUI à évaluer a été ressenti comme excessif par certains acteurs 272(un excès de charge de travail qui pouvait impacter la qualité finale de la démarche).

Un autre élément problématique mentionné par nos enquêtés (par l’ARS et la stagiaire de l'EHESP au SGAR en particulier), se situait dans l'information et la sensibilisation des acteurs impliqués dans l'EIS. L'origine de ce problème semblait ici essentiellement d'ordre sémantique, puisque les acteurs pensaient que le terme « évaluation » signifiait qu'une autorité allait noter la qualité et les performances des PUI, émettre une forme de jugement de valeur... une sorte « d'agression » en somme, ainsi résumée par l'un de nos contacts : « Ça porte très mal son nom l’évaluation d’impact parce que ça porte le terme d’évaluation. Pour tout le monde, l’évaluation c’est de rendre compte de l’efficacité de quelque chose qui s’est passé, alors que l’EIS c’est s’imaginer quels vont être les impacts potentiels d’une action mais pas du tout son efficacité273 ». Il y avait donc un besoin de pédagogie et, comme le souligne l’agent de l’ARS, « l'appropriation de l'objectif a pris un certain temps ». Malgré le travail de sensibilisation fait par l'ARS et l’EHESP, la collaboration sur cette démarche essentiellement qualitative n'a pas été facile à organiser, ce qui nous ramène aux questions sur la difficulté de la vaste entreprise de recueil des données. Cette problématique du vocabulaire est encore d'actualité et, au vu des idées préconçues que les acteurs se font sur la démarche de par son nom, nous pouvons nous demander si le terme « évaluation » est vraiment le plus approprié274 pour définir cette démarche.

Enfin, les acteurs interrogés s'accordent pour dire qu'il a fallu du temps pour mettre en place une collaboration intersectorielle autour de l’EIS, mais dès qu’elle fut établie, cette collaboration s'est déroulée sans accrocs majeurs (autres que les difficultés engendrées par la nouveauté du dispositif auquel les participants n'étaient pas habitués) : l'étudiante de l'EHESP qui était en stage au SGAR mentionne à ce sujet la bonne volonté des acteurs sollicités et le bon fonctionnement du comité de pilotage, tandis que l’ARS attribue cela à « l'absence d'enjeux majeurs » et au fait qu' « on ne marchait sur les plates-bandes de personne ».

271 Selon l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR. 272 Idem. 273 Selon l’agent du CRES PACA. 274 Selon nos enquêtés de l’EHESP et de l’ARS PACA.

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C. La question de la réussite des objectifs

L’EIS en région PACA avait pour objectif l’étude des impacts sur la santé des PUI sur la période 2007-2013 afin de formuler des recommandations qui entreraient en ligne de compte dans le processus décisionnel des nouveaux PUI pour la période 2014-2020. Plus largement, l’EIS s’inscrivait également dans une démarche de sensibilisation des acteurs-clés de la région aux problématiques de santé publique afin de créer des dynamiques durables de coopération inter-institutionnelle et intersectorielle.

Par ailleurs, selon notre contact de l’EHESP, stagiaire au SGAR, « l’évaluation de l’évaluation n’est presque jamais faite, il faudrait une équipe externe qui s’en charge a posteriori. D’autant que c’est une étape qu’il faudrait budgéter dès le début, même si c’est parfois fait à l’étranger par des acteurs déjà rodés à l’EIS ». En ce qui concerne notre enquête, nous manquons à ce jour d’informations attestant objectivement de l’accomplissement ou non des objectifs de cette EIS, mais nous disposons tout de même d’éléments recueillis au travers de nos entretiens et des réponses, y compris négatives, à nos demandes d’entretiens.

Enfin, il convient également de rendre compte de la question « d'héritage » que cette démarche suppose (quelle influence a-t-elle eu ?, Ses recommandations ont-elles été entendues ?…). Se pose avant tout la question de la prise en compte des résultats de l'enquête, qui visait à sensibiliser les acteurs et à élaborer une grille de lecture afin d’orienter les choix futurs des décideurs. Il est difficile de répondre à cette question, car l'efficacité de cette EIS en elle-même a été peu évaluée, même si nous pouvons relever quelques éléments de réponse à cette question issus des entretiens que nous avons menés : en contactant la personne qui, à Toulon Provence Méditerranée, a succédé à celle en charge de l'EIS en région PACA, nous avons compris que celle-ci était, selon ses propres mots, « totalement étrangère à la démarche » et qu’elle n’avait pas eu connaissance de la grille élaborée par l'EHESP pour la préparation de la version 2014-2020 des PUI. De plus, selon cette personne, la prise en charge d’une démarche d’EIS ne serait pas de la compétence de son service : « Honnêtement, je pense que l’EIS ne relève pas du tout de mon service, clairement ». Elle précise également que, pour les futures opérations des PUI de 2014-2020, une des trois priorités275 d’investissement est dédiée aux « infrastructures sociales, sanitaires et éducatives, à l’égalité des chances et la lutte contre la pauvreté » mais que la porte d’entrée se fait par la question de l’emploi. Cet entretien nous a également permis de nous rendre compte qu’il n’y avait pas eu non plus de sensibilisation durable à la vision de la santé véhiculée par cette démarche à TPM : quand nous lui avons demandé sa définition de la santé, la chargée de mission de TPM nous a d’abord répondu « je ne suis pas docteur », puis a établi une distinction claire entre les notions de santé et qualité de vie (alors que les autres acteurs interrogés considèrent la qualité de vie comme une composante de la santé). Enfin, lorsque nous nous lui avons demandé si elle pensait qu’un programme politique pouvait avoir des effets sur l’état de santé des individus, sa réponse est différente encore de celle formulée par les autres acteurs que nous avons interrogés : « Pas sur la santé directement ; ça va contribuer à améliorer le cadre de vie des habitants. Indirectement il y a un impact, mais pas direct. Ça découle, effet ricochet, mais je ne peux pas dire que j’améliore la santé

275 Les trois priorités en cours de validation sont, selon la Responsable du service FEDER de TPM :

– Développer les activités compétences emplois dans quartiers prioritaires. – Améliorer l’accessibilité, les transports durables et l’employabilité des habitants. – Favoriser les infrastructures sociales, sanitaires et éducatives, l’égalité des chances et lutter contre la pauvreté.

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des habitants, c’est leur cadre de vie, ce n’est pas la même chose. Par définition, si on améliore leur cadre de vie, on peut juger qu’il y a une meilleure santé mais c’est par déduction, pas par l’action ».

Pour ce qui est des deux autres collectivités, Nice Côte d'Azur et Marseille Provence Métropole, il nous a été très difficile d’entrer en relation avec les responsables actuels des PUI ou encore avec les responsables en poste au moment de l'EIS, qui avaient été transférés dans d’autres services. En effet, lors d'un court échange de courriels que nous avons eu avec le nouveau Directeur Europe et Subventions à Marseille Provence Métropole, celui-ci nous a répondu qu'il était dans l'incapacité de répondre à nos questions : « Sur l'EIS-même, je suis au regret de vous dire que je n'ai malheureusement pas d'information sur le sujet. […] Interne à Marseille Provence Métropole, il me semble que la démarche avait été suivie personnellement (et uniquement) par mon prédécesseur ». Cet acteur nous a finalement dirigés vers les services du SGAR qui assuraient le pilotage du dispositif à l'époque.

Ce manque de suivi et de traçabilité nous amène à la conclusion que, si les représentants de ces collectivités ont pu être sensibilisés à la démarche d’EIS à l'époque, il n’y a eu aucun « héritage » de cet outil par la suite, en raison des changements de postes et des roulements d'équipes qui ont eu lieu au sein de ces collectivités. À ce titre, on peut penser que la santé publique n'entre pas encore beaucoup en ligne de compte dans les politiques publiques des collectivités locales en région PACA ou, tout du moins, que son influence n'est pas encore très développée du point de vue des volets économiques, sociaux, environnementaux. Notre point de vue a été partagé par la représentante de l'ARS qui pense que les décideurs, à l'égard de la santé publique, n'y voient qu' « […] un volet parmi d'autres qui ne fait pas le poids face au volet économique ou un autre, après il faut que les gens s'emparent de la démarche ».

Enfin, pour ce qui est des chefs des PUI en poste durant l’EIS, les évaluatrices de l’EHESP font toutefois état d’un changement progressif mais important dans les conceptions que ces acteurs avaient de la santé publique et de leur propre rôle dans ce domaine. Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment dans notre rapport, il y a eu une prise de conscience graduelle de la part des chefs de projets qui, au départ, ne faisaient pas le lien entre leur travail et le domaine de la santé publique et ne se considéraient pas comme des acteurs concernés par ce domaine, mais qui se sont au final retrouvés très impliqués dans la démarche, très intéressés et sensibilisés quant aux répercussions de leurs actions. Cependant, nous ne sommes pas en mesure à ce jour de confirmer les dires des évaluatrices de l’EHESP, car les changements de postes qui ont eu lieu au sein des communautés urbaines nous ont empêchés d’obtenir un entretien avec les chefs de projet PUI en poste à l’époque de l’EIS.

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D. La question de l’implication des parties prenantes et de la

diffusion des résultats Les acteurs les plus actifs ont été l’ARS et le SGAR en tant que porteurs initiaux du projet,

ainsi que l’équipe universitaire de l’EHESP qui avait répondu à l’appel des deux premiers acteurs. Les porteurs des projets ont participé à l’élaboration de la méthodologie, collaboré de bonne grâce à l’enquête et répondu à toutes les questions posées276.

Un certain nombre d'acteurs n'ont pas participé à l'EIS en elle-même : en effet, les élus277 et la DATAR étaient peu présents (le soutien politique de la démarche étant notamment dû au travail de « déblocage » du SGAR), tandis que les professionnels de santé n'ont pas été sollicités lors de cette démarche, or, même si la plupart de nos contacts partagent une conception de la santé qui n’est pas limitée à l'aspect purement sanitaire/clinique, l'implication de ces professionnels de santé reste, selon l’ARS, indispensable pour accéder aux données cliniques sur l'état de santé de la population.

Comme nous l’avons déjà précisé plus haut, l’implication des représentants des collectivités locales s’est faite sur une base majoritairement individuelle, sans laisser de trace durable dans leurs services : avec le changement des équipes et le remplacement des représentants ayant siégé au CoPIL, le rapport final de l’EIS n’a pas été pris en compte dans les nouveaux PUI et est resté pour l’heure sous-publicisé.

Sur le plan de la participation citoyenne, nos enquêtés ont pu constater que la démarche était très bien accueillie par le public278. Contrairement à ce à quoi ils pouvaient peut-être s'attendre (nos enquêtés nous ont fait part de l’idée reçue selon laquelle, en de telles situations, les interrogés refuseraient de répondre aux questions, les considérant comme une perte de temps), les bénéficiaires des projets s'étaient montrés très heureux d'être interrogés et avaient fait preuve de bonne volonté en répondant aux questions des enquêteurs. Cette participation est essentielle au succès d'une EIS et amène des bénéfices pour les deux grands groupes d'acteurs concernés (décideurs et porteurs de projets d'un côté, population bénéficiaire de l'autre) : les décideurs obtiennent un retour d'expérience sur les effets de santé de leurs projets et les citoyens ont l'occasion d'informer les décideurs de leurs conditions de vie, exerçant par-là même une forme de démocratie locale qui, selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants, constitue une différence marquante de l’EIS par rapport aux audits. Dans le cas de l'EIS en région PACA, cette participation a globalement été jugée satisfaisante par nos contacts, mais encore une fois difficile à mettre en place si l’on tient compte du problème de la représentativité de l’échantillonnage, de la capacité d'écoute particulière qui a dû être mobilisée par les enquêtrices auprès des usagers et du manque de moyens et d’effectifs. Ce sentiment est partagé par une des deux enseignantes-chercheuses à l’EHESP qui regrette toutefois de ne pas avoir davantage mobilisé la population, malgré les difficultés rencontrés sur le terrain.

276 Selon les enseignantes-chercheuses de l’EHESP, l’étudiante - stagiaire de l’EHESP au SGAR et la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants. 277 Selon une enseignante-chercheuse à l’EHESP, qui précise : « Je ne sais pas très bien comment cela est remonté au niveau des politiques. Nous, on ne les a pas vus, sauf à Marseille. Je ne sais pas trop le lien qu’il y a pu avoir entre le chargé de mission et eux. On aurait bien aimé qu’ils soient là à des restitutions, notamment finale ». 278 Selon la chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SPC et la stagiaire de l’EHESP au SGAR.

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Le tableau ci-dessous présente de façon succincte le bilan que nous venons de dresser :

Points positifs Points négatifs

La mise en place d’un travail intersectoriel donnant lieu à des échanges productifs

La sensibilisation des services en charge de la conception et de la réalisation des PUI aux questions de justice environnementale et d’équité

La mise en évidence du lien entre état de santé et choix urbanistiques.

Les effets pédagogiques de l’EIS pour les services et appropriation par les habitants grâce à la participation citoyenne

L’adaptation aux réalités du terrain dans la méthodologie et par la création d’ « outils sur mesure ». Les guides méthodologiques sur les EIS établis dans différents pays étrangers permettent d’en suivre les grandes lignes et d’adapter cette démarche au projet et au territoire

L’accès aux informations en raison de difficultés organisationnelles liées à l’éloignement géographique des trois métropoles urbaines et au nombre important d’opérations des PUI évaluées

La faible prise en compte des recommandations car les projets étaient déjà réalisés ou en cours de réalisation. Par ailleurs, en raison d’un manque de suivi et de transmission, les responsables des PUI pour la période 2014-2020 n’ont pas eu connaissance des recommandations

Les difficultés liées à certains acteurs, parfois difficiles à mobiliser (les citoyens) ou avec lesquels il n’a pas toujours été évident de communiquer au départ (les acteurs politiques et institutionnels)

Le temps nécessaire à la réalisation d’une EIS approfondie en raison du nombre important d’opérations évaluées

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V. PERSPECTIVES DANS LA REGION : QUELLES LEÇONS

TIRER DE L’EXPERIENCE EN REGION PACA?

A. Les considérations des acteurs sur l’EIS en général Alors que la prise en compte des inégalités sociales de santé, en vue de leur mise en évidence

et future réduction, est l'une des innovations proposées par la démarche d’EIS, l'enquêtrice-stagiaire de l’EHESP au SGAR nous a affirmé que cette lecture a été difficile à mettre en place, bien que toujours présente en arrière-plan, car les expériences locales menées auparavant manquaient de réflexivité et avaient été insuffisamment documentées. L'équipe de recherche a donc fait face à un manque de corpus de connaissances pragmatiques sur les inégalités sociales de santé en région PACA. Elle a surtout pu avoir accès à des articles scientifiques trop généraux pour une démarche locale et hautement contextualisée. Si nous combinons cela à ce que nos entretiens avec les responsables actuels des collectivités locales de la région nous ont appris de l’influence à long terme de l’EIS en terme de sensibilisation aux questions de santé publique, il apparaît que la prise de conscience dans les collectivités locales279 en région PACA reste insuffisante.

C’est bien pour cela qu’en vue d'un développement et d'une diffusion de la démarche d’EIS, les acteurs interrogés ont souligné l'importance du travail de « sensibilisation, d'information et de plaidoyer280 ». Cet aspect a été pris en main entre autres par le Comité Régional d’Éducation pour la Santé (CRES) PACA281 qui nous a expliqué que dans la « […] région PACA, on préfère bien expliquer, rallier à cette cause ceux qui sont en mesure de financer les EIS, donc les institutionnels, et former en parallèle ceux qui sont susceptibles de mettre en place ces EIS (les CRES, les ASV, les élus qui sont les commanditaires des EIS etc.) ». Le CRES n'a pas participé à l'EIS proprement dite mais son personnel a suivi une formation à la fin de l'évaluation, lorsque ses résultats ont été communiqués, afin de pouvoir devenir un porte-parole de l'EIS. Avant cela, notre interlocutrice elle-même avait participé à une semaine de formation organisée par l’EHESP sur la question, puis avait fait venir les deux évaluatrices de l’EHESP en région PACA afin de participer à une nouvelle formation à destination de l’ARS PACA. Le CRES, ainsi que les différents Comités Départementaux d’Éducation pour la Santé (CoDES, dont les directeurs ont été à leur tour formés à l'EIS par le CRES), font connaître la démarche d’EIS par le biais de campagnes de sensibilisation et de formations proposées aux élus282, à l'ARS et, de manière plus générale, à tout acteur intéressé par cet outil283 (selon notre contact, qui témoigne d'un

279 Cf. l’entretien avec le successeur de la représentante au CoPIL de Toulon Provence Méditerranée et l’échange de courriels avec le successeur du représentant de Marseille Provence Métropole. 280 Selon l’agent du CRES PACA. 281 Notre enquêtée définit le CRES comme une « structure associative qui fait partie d’un réseau d’éducation et de promotion de la santé. Au niveau de la région PACA, il y a une organisation que l’on ne retrouve pas partout, car il y a le CRES et sur chaque département il y a une association distincte du CRES, dans chaque département, les CODES qui sont beaucoup plus des acteurs de terrain et de proximité. Il y a des projets régionaux qui sont coordonnés par le CRES et portés par les différents CODES. » 282 L’agent du CRES évoque notamment, en guise d’exemple, une formation organisée dans le département du Var à destination des élus. 283 Suite à deux journées de formation à l’EHESP, après s’être formée à l’université d’été de Besançon en juillet 2014, notre interlocutrice a pu mettre en place ses propres formations et journées de sensibilisation à partir du mois de septembre 2015 (une formation adressée aux directeurs des CoDES, puis deux sessions de formation en binôme avec l’université de Genève et M. Tierno Diallo, à destination de l’ARS, la DRJSCS, les CODES et des ASV. Par la suite, notre interlocutrice est intervenue dans des séminaires sur l’EIS (un séminaire organisé par des acteurs de l’urbanisme, un autre organisé par le CODES 84 et une intervention à deux reprises dans le cadre de la politique de la ville). Depuis le

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enthousiasme certain à l'idée de participer à une EIS : « J’adorerais qu’on me sollicite. Il va falloir se lancer. Dès que j’interviens dans un séminaire, beaucoup de gens viennent me voir à l’issue en étant super intéressés ». Ce travail est considéré comme vital pour le développement de la démarche, surtout auprès des élus (et non pas des « élus santé » déjà suffisamment sensibilisés) : « Plus on va sensibiliser et informer une personne au sein d’une équipe municipale, plus on a de chances à la fois de développer cette démarche et de l’instaurer comme quelque chose de routinier, c’est-à-dire de l’inscrire dans les projets de financement. Il faut essayer de diffuser l’intérêt de cette démarche pour qu’elle soit inscrite dans les projets qui vont être menés. Plus il y a de personnes informées, plus il y a de chances pour que ça puisse se mettre en place »).

Un tel travail de formation est également effectué par notre contact du cabinet SantéPubliqueConsultants, qui intervient, en tant que consultante, dans des présentations du dispositif EIS en partenariat avec l'EHESP, et est également en contact avec le CHU de Nice pour un éventuel nouveau projet d'EIS.

L’ARS PACA, dont la représentante avait déjà pointé la nécessité d’associer davantage les professionnels de la santé à de futures EIS (afin de bénéficier de données cliniques et épidémiologiques solides sur l’état de santé général de la population), semble croire à la possible synergie du dispositif avec celui de l'évaluation d'impact environnemental (EIE), en accord avec sa propre pratique qui associe déjà environnement et santé au sein de ses directions, y voyant une complémentarité évidente. Ainsi, selon la responsable du Service Projets, institutionnaliser et rendre obligatoire la démarche la ferait progresser et, une fois arrivée à maturité, celle-ci serait « naturellement » récupérée par le secteur privé qui favoriserait une diffusion plus vaste.

Ce point de vue n'est pas forcément partagé : si la consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants envisage bien un développement de la démarche, elle prévient toutefois que la rendre obligatoire conduirait à en augmenter considérablement le nombre : « il y a un risque de perdre en qualité au profit de la quantité ». Or, chaque EIS est unique, avec une méthodologie pensée en fonction du contexte particulier de chaque évaluation, ce qui pourrait occasionner des coûts dissuasifs ou pourrait rendre une standardisation de l'outil très difficile à mettre en place et sans doute non souhaitable au vu du risque important de perte en termes de qualité de l'analyse. De plus, l’EIS étant une démarche favorisant l’échange bilatéral entre citoyens et élus par le biais de la participation citoyenne (et non une démarche unilatérale comme l’audit), elle diffère grandement de ce que les cabinets privés ont l’habitude de faire et, à ce titre, un certain temps d’adaptation pourrait être nécessaire.

Enfin, au sujet d’une éventuelle récupération de l’outil par le secteur privé, une mise en garde est toutefois adressée par la chargée de mission du CRES. : Si elle trouve intéressante l’idée de sensibiliser les associations, elle prend toutefois l’exemple du Maroc pour avertir des dérives possibles d’une démarche portée et prise en main par des cabinets privés, soumise à la loi du marché, à savoir une perte d’objectivité :« comme ils veulent avoir des contrats, ils font des recommandations qui vont surtout dans le sens du poil des projets qu’ils étudient ».

mois de décembre 2014, elle participe avec l’INPES aux journées de la prévention en juin 2015, avec mise en place d’une session sur l’EIS. Lors de ces journées, elle fera partie du comité scientifique avec un Australien, un Québécois, un Suisse, des membres de l’EHESP et de l’INPES.

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B. Le futur de l’EIS en région PACA : quelles possibilités ? La gestion des fonds FEDER ne se fait plus par les services de l’Etat mais par les régions, il n’y

a donc plus la possibilité pour le SGAR de continuer à impulser cette démarche à cause du changement de portage institutionnel des projets et donc des acteurs284.

Il semble peu probable que l’ARS, pourtant acteur porteur de la première démarche d’EIS en région PACA, puisse à nouveau jouer ce même rôle pour la mise en place d’une nouvelle évaluation sur le territoire. En effet, l’ARS manque de moyens pour se positionner en tant que commanditaire d’une nouvelle EIS. A cela s’ajoute également un frein politique puisque, selon sa responsable du Service Projets, cette agence est encore largement évaluée sur « sa capacité à redresser l'hôpital ». Mais cela ne veut pas dire que l'ARS ne continue pas son travail de promotion de la démarche : notre contact a ainsi mentionné l'objectif de « prévention sur la santé en-dehors du cadre associatif » et l'existence d'un projet qui permettrait d'inclure le dispositif EIS dans les Contrats Locaux de Santé (CLS) afin de permettre aux collectivités d'initier cette démarche. La responsable du Service Projet de l’ARS a également mentionné l'intérêt que pourrait avoir la démarche pour les services de l'aménagement territorial, notamment sous la forme de diagnostics sanitaires. Ainsi, si l'ARS PACA n'a pas les capacités de demander elle-même la réalisation d'une EIS, elle s'engage résolument en tant qu'acteur promouvant la démarche, visant à la diffuser et à faciliter sa réalisation par d'autres acteurs, qu'elle se propose également de mettre en relation. Cela ferait donc de l'ARS PACA un créateur des conditions de développement, un important promoteur-entremetteur-facilitateur de l'EIS285.

Notre contact au CRES PACA, dont nous avons déjà mentionné le rôle formateur appuyé par les CoDES, a dressé pour nous une liste d’acteurs qui, selon cette personne, seraient indispensables à la démarche, à savoir :

- les élus des collectivités locales, car ce sont eux qui mènent les politiques, doivent agir pour la santé de leurs citoyens et donc solliciter la réalisation d'une EIS dont ils seraient partie prenante ;

- les acteurs de l'éducation et de la promotion de la santé ainsi que les Ateliers Santé-Ville (ASV), que cette chargée de mission au CRES définit comme « une démarche locale de santé publique qui s’intègre à la politique de la ville et qui est vraiment dans une démarche de promotion de la santé, projet qui va être amené à travailler sur différents déterminants ».En effet, ces acteurs pourraient véritablement servir à porter l’EIS (« […] ils sont très biens situés pour aller interroger les autres volets de la politique de la ville, l’emploi, logement, lutte contre la délinquance, aménagement du territoire, éducation ... et d’aller sur ces projets-là mettre en place des EIS »), notamment par le biais des Projets Locaux de Santé Publique (PLSP), programmations de santé à l’échelle intra-communale ou communale qui « pourraient très bien intégrer dans la programmation de leurs projets la réalisation d’EIS sur un projet éducatif, un projet d’aménagement d’un quartier, de développement de transport etc. ». Enfin, selon la chargée de mission au CRES, les équipes en charge de ces ASV et PLSP disposent de compétences tout à fait transposables à l’EIS, car ce sont des « professionnels de la méthodologie de projets » qui pourraient très bien accéder à la démarche pour peu que l’on complète leur savoir à la méthodologie EIS au préalable. Enfin, notre interlocutrice du CRES évoque également l’implication des universitaires (dont l'EHESP, mais également la possibilité, par exemple, de voir s’impliquer en région PACA le laboratoire de santé publique de La Timone, plus grand hôpital de

284 Selon l’étudiante – stagiaire de l’EHESP au SGAR. 285 « Les ARS s’associent et cela est normal car elles sont dans leur registre et leur rôle est vraiment de faire un plaidoyer en faveur de l’EIS, ça permet de rapprocher le secteur de la santé des autres secteurs de politique publique » (selon l’évaluatrice de l’EHESP).

145

Marseille) pour la réalisation des EIS. Ainsi, selon le type de projet évalué, les parties prenantes pourraient être constituées d’élus locaux, de l'équipe projet et, selon les cas, d’urbanistes, de la régie des transports, du rectorat... Les financements, eux, pourraient venir de l'ARS286 ou même des services de la Cohésion Sociale (l’État, la Direction Régionale de la Santé, des Sports et de la Cohésion Sociale...).

Enfin, l'évaluatrice de l’équipe universitaire de l’EHESP, pense, quant à elle, que les EIS futures devraient impliquer les IREPS (Instances Régionales d’Éducation et de Promotion de la Santé, qui sont l'équivalent du CRES dans certaines régions), mais que, pour ce faire, il faudrait davantage former leur personnel.

Après l’expérimentation d’une Evaluation d’Impact sur la Santé en région PACA, d’autres acteurs se sont aujourd’hui emparés de la démarche et se l’approprient. Un travail de plaidoyer et de sensibilisation aux inégalités sociales de santé et à l’EIS est en cours. Ce travail de formation, d’information et de diffusion des connaissances sur l’EIS est nécessaire pour considérer l’EIS comme un réel outil d’aide à la décision, participatif et intersectoriel, et inscrire les politiques publiques et projets dans une approche intégrée et systémique. Le Comité Régional d’Education pour la Santé Paca porte et promeut aujourd’hui la démarche en organisant des formations qui sont de plus en plus régulières auprès d’élus et d’autres acteurs afin d’aboutir à une nouvelle phase d’action (enrichie des leçons tirés de l’expérience sur des projets urbains intégrés) et au développement de l’EIS dans la région.

286 La directrice des projets de l’ARS n'a pas la même opinion sur la capacité de son agence à porter financièrement une EIS, comme indiqué précédemment.

146

147

La ville de Toulouse

Superficie du territoire : 120, 86 km2

Nombre d’habitants : 453 317 habitants en

2012

Métropole européenne, Toulouse est la

quatrième ville de France. Elle fait partie du

Réseau Français Villes-Santé de l’OMS, tandis

que le Service Communal d’Hygiène et de

Santé de la Ville met en place des Ateliers

Santé Ville (ASV) depuis 2007. La démarche

d’EIS a été identifiée comme étant

compatible avec les objectifs du Plan

Municipal de Santé de 2009, notamment au

titre de l’objectif 5.1 développé dans ce Plan.

Toulouse

148

L’EIS EN BREF

Localisation Ville de Toulouse, quartier Borderouge-Trois Cocus

Projet concerné l’Espace Petite Enfance (EPE) de Borderouge-Trois Cocus

Composantes du projet

évalué

Des déterminants (sociaux et environnementaux) de la santé

impactés par l’EPE

Type d’EIS EIS rapide, participative et rétrospective

Commanditaire Service Communal d’Hygiène et de Santé (SCHS) de la Ville de

Toulouse

Evaluateurs SCHS et une étudiante-stagiaire de l’EHESP

Autres acteurs impliqués - Directeur et coordinatrice Petite Enfance de la Direction de la

Petite Enfance de la Ville de Toulouse

- Directeurs de la crèche familiale, du Multi Accueil, du Lieu

d’accueil parents-enfants de l’EPE

- Des conseillers municipaux et l’adjointe au maire chargée de

la santé publique

- Des représentants des parents

- Le personnel de l’Espace Petite Enfance

Influence d’expériences

internationales

- Consultation de 3 guides pratiques du Royaume-Uni, de

l’Australie et de l’OMS287

- Evaluation sommaire inspirée de l’outil de la catégorisation

des résultats promotion de santé suisse288

Méthodologie appliquée Principalement inspirée du modèle de Merseyside289 :

Sélection, cadrage et évaluation sommaire, analyse

approfondie, recommandations et ajustements, suivi et

évaluation

Durée 14 mois (mars 2012-mai 2013)

Budget Rémunération d’un stage

287 Mémoire de Carine Gayrard sur l’EIS menée sur l’Espace Petite Enfance de Borderouge, p.10 288 Ibid., p.18 289 Ibid., p.9, p.11-13

149

I. NOTRE METHODE D’ENQUETE

Les principaux objectifs de l’étude sur l’EIS menée à Toulouse ont été :

Identifier les acteurs ayant participé à la mise en œuvre de l’EIS et leur degré d’implication dans la démarche ;

Mettre en avant la spécificité de l’EIS menée à Toulouse en tenant compte des caractéristiques propres au territoire ;

Mieux comprendre les voies d’institutionnalisation de la démarche sur le territoire et les freins éventuels à cette institutionnalisation.

Pour remplir ces objectifs, notre étude s’est déroulée en trois phases : une phase préparatoire, une campagne d’entretiens et, enfin, l’analyse des entretiens réalisés.

A. Tableau des entretiens réalisés

Tableau 1 : Liste des acteurs interrogés

ORGANISME DESCRIPTION DE

L’ORGANISME DIRECTION CONTACTEE

ARS

Midi-Pyrénées

Etablissement public,

Agence Régionale de

Santé

Département Prévention

et Promotion de la Santé

Département Santé

environnementale au sein de la

Direction de

Santé Publique

Agence d’Urbanisme

et d’Aménagement

Toulouse aire urbaine

Association loi de 1901 Écologie des Territoires

Conseil Régional Midi-

Pyrénées Conseil Régional Vice-Président

Institut Fédératif

d'Etudes et de

Recherches

Interdisciplinaires

Santé Société

Fédération de recherche

inter-universitaire, Directeur

Mutualité Française

Haute-Garonne

Organisme à but non

lucratif Directrice

Service Communal

d’Hygiène et de Santé

de la Ville de Toulouse

Etablissement public Domaine Santé Environnement,

Service Promotion de la Santé

Toulouse Métropole Etablissement public Direction de l’Environnement

150

Tableau 2 : Liste des acteurs contactés/n’ayant pas participé à notre enquête

B. Les étapes de l’étude

La phase préparatoire : de septembre à décembre 2014

Cette étape a été principalement organisée autour de recherches bibliographiques. Nous

avons alors cherché à comprendre le contexte de la mise en œuvre d’une EIS à Toulouse et à

identifier les principaux acteurs impliqués dans cette démarche. Le travail de recherche s’est appuyé

sur un corpus bibliographique et sur des recherches sur le Web. Ainsi, un document particulièrement

utile pendant cette phase préparatoire a été les actes du colloque sur les EIS, organisé par l’IFERISS

en 2013 avec le soutien de la Région Midi-Pyrénées, qui décrivait l’expérimentation de l’EIS de

Borderouge, toujours en cours à cette époque-là290.

La recherche bibliographique s’est avérée complexe car aucun rapport sur cette EIS menée en 2011

n’est à ce jour en libre accès au public. Nous avons alors dû avoir recours à d’autres solutions, en

prenant notamment contact avec les personnes en charge de cette EIS.

290 L’EIS de Borderouge a été menée de 2011 à 2013. Lors du colloque sur les EIS organisé par l’IFERISS, les agents du Service d’Hygiène et de Promotion de la Santé de la Mairie de Toulouse étaient encore à la phase de rédaction du rapport.

ORGANISME DESCRIPTION DE

L’ORGANISME DIRECTION CONTACTEE

ADEME

Midi-Pyrénées

Etablissement public, Agence

de l'Environnement et de la

Maîtrise de l'Énergie

Direction Villes et territoires

durables

Cellule de l’InVS

en région (Cire) Midi-

Pyrénées

Etablissement public, Cellule

interrégionale d'épidémiologie

de l’Institut de veille sanitaire

Responsable

Crèche Danielle

Mitterrand à Borderouge Crèche municipale Directrice

IREPS Midi-Pyrénées

Etablissement public, Instance

Régionale d’Education et de

Promotion de la Santé

Directrice

Mairie de Toulouse Etablissement public Ancienne Adjointe au Maire,

chargée de la Santé Publique

151

La campagne d’entretiens : de mi-décembre 2014 à début mars 2015

Choix des personnes à contacter et prise de contact

Nous avons établi, lors de la phase préparatoire, une première liste de personnes à contacter

dans le cadre de notre étude. Cette liste tenait compte de deux critères :

- d’une part, un critère concernant l’implication des acteurs dans la démarche : nous avons ainsi

cherché à contacter les personnes concernées par l’EIS à Toulouse (soit parce qu’elles appartenaient

à la structure visée, soit parce qu’elles avaient impulsé la mise en œuvre de l’EIS) ;

- d’autre part, un critère concernant l’intérêt des acteurs pour la démarche : dans le but de

comprendre les voies d’institutionnalisation de l’EIS sur le territoire toulousain, nous avons cherché

à rencontrer les acteurs qui soutenaient la démarche, soit à titre personnel, soit au nom de leur

institution.

Cette liste de contacts issue notamment des actes du colloque de 2013 sur les EIS a été

complétée au fur et à mesure de nos entretiens291. Dans la plupart des cas, les acteurs ont répondu

favorablement à nos demandes d’entretiens (effectuées par mail ou téléphone), en se montrant

enthousiastes et agréables. Nous avons ainsi rencontré un membre de l’Institut Fédératif d'Etudes

et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société, trois agents de l’Agence Régionale de Santé, deux

agents de l’Agence d’Urbanisme et d’Aménagement Toulouse aire urbaine, un agent de Toulouse

Métropole et quatre agents de la Mairie de Toulouse. Nous sommes également entrés en contact

avec la Directrice de la Mutualité Française et le Vice-président du Conseil Régional en charge des

politiques de Solidarité (jeunesse, santé, insertion par l’économie, lutte contre les discriminations

et logement).

En revanche, certains acteurs n’ont pas donné suite à nos demandes d’entretien, malgré leur

participation directe à cette démarche à Toulouse. C’est le cas notamment des responsables de

l’Etablissement Petite Enfance de Borderouge où l’EIS a été mise en place292.

Caractéristiques des entretiens menés à Toulouse

A la différence des trois autres territoires d’étude sur les EIS en France où nous avons eu

recours à une enquête par téléphone, les entretiens menés à Toulouse ont été réalisés en présence

des acteurs, dans un face-à-face vif et convivial. Cela nous a permis d’avoir accès au discours des

acteurs mais aussi de les observer et de pouvoir en détacher quelques éléments supplémentaires

(que nous qualifierons de « métadiscours ») qui nous ont paru importants à analyser.

291 En effet, nous avons procédé par « ramification » : quelques-uns des acteurs nous ont renvoyés vers d’autres contacts, voire ont facilité la prise de contact pour nous. 292 En effet, lorsque nous avons cherché à entrer en contact avec la Directrice de l’établissement Petite Enfance de Borderouge, celle-ci nous a d’abord expliqué par téléphone qu’elle ne souhaitait pas s’entretenir avec nous sans l’aval de sa hiérarchie. Malgré de nombreuses relances de notre part par mail et par téléphone, les responsables de cette structure n’ont jamais donné suite à nos sollicitations.

152

Par ailleurs, la campagne d’entretiens nous a permis de constater que l’EIS de Borderouge

avait fait l’objet d’un investissement et d’un portage politiques de la part des élus en place à cette

époque-là. Ainsi, le changement de gouvernance suite aux élections de mars 2014 a compliqué notre

prise de contact avec certains élus de l’ancienne municipalité qui sont aujourd’hui particulièrement

difficiles à contacter.

L’analyse des entretiens : de février à avril 2015

Les informations recueillies lors des entretiens ont fait l’objet d’une analyse de notre part par

la suite. A ce stade-là de l’étude, un intérêt particulier a été accordé à la définition de la notion d’EIS

par les acteurs interrogés, ainsi qu’à leur perception de la santé. Dans le cas des acteurs non-

impliqués dans cette démarche à Toulouse, nous avons également cherché à comprendre la manière

dont les acteurs avaient pris connaissance de cet outil et leur vision quant à l’institutionnalisation de

l’EIS sur le territoire.

II. LA MISE A L’AGENDA DE L’EIS

A. Les caractéristiques du territoire

Afin d’apporter quelques éléments de contexte, il

convient d’illustrer dans cette sous-partie les principales

caractéristiques du territoire sur lequel l’EIS a été menée.

Nous faisons en ce sens l’hypothèse que les

problématiques structurantes du territoire en termes

d’intégration et de mixité sociale, ainsi que le dynamisme

de la Ville de Toulouse en matière de santé publique, ont

largement contribué à l’expérimentation du dispositif

d’EIS.

Borderouge est un quartier toulousain récent, par

opposition au centre-ville historique, qui se situe au nord-

est de la ville. Ce territoire a connu une très forte croissance

démographique ces dernières années, sa population ayant

augmenté de 54,6 % entre 1999 et 2007. A Toulouse, 6000

nouveaux habitants s’installent chaque année, notamment

dans ce type de quartier.

Ce quartier neuf a attiré de nombreux promoteurs qui ont fait de cette zone à forte croissance démographique un espace attractif pour le logement. Depuis 2007 et l’arrivée du métro,

Figure 1 Quartier de Borderouge-Trois-Cocus et périmètre de l'EIS

153

la mise en place de huit lignes de bus, d’une gare intermodale, d’un accès au périphérique et de trois stations de vélos, la zone a été désenclavée. Les services se sont multipliés pour améliorer le confort des habitants : modes de transports doux, piétonnisation des rues, création de parcs et de services marchands de proximité… L’accès à ce quartier ayant été rendu plus agréable à vivre grâce aux nombreux équipements, Borderouge a attiré beaucoup de familles, d’où l’importance d’évaluer l’impact des services liés à l’enfance dans ce quartier.

Ce quartier est d’autant plus intéressant qu’il est à la charnière des Izards, un espace en

rénovation urbaine qui possède relativement les mêmes caractéristiques démographiques et les mêmes problématiques que Borderouge. Enfin, la population de Borderouge est mixte et souvent issue de la diversité, ce qui donne à ce quartier l’aspect d’un espace où se tissent les problématiques d’intégration sociale. Il est apparu alors nécessaire sur cette toile de fond de s’intéresser à la santé des habitants, selon la définition de la santé de la Charte d’Ottawa qui intègre ces dimensions293.

B. La perception de la santé

Les acteurs que nous avons interrogés définissent la notion de santé en se rapportant à leur parcours. Leurs points de vue se recoupent et se complètent. Leurs différents discours à propos de la santé nous éclairent sur leur vision des EIS et sur la manière dont ils s’approprient cet outil.

Perception de la notion de santé des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’EIS à

Toulouse

La définition de la notion de santé que le médecin inspecteur de santé publique à l’ARS

retient, par exemple, est celle adoptée par l’OMS en 1946, reprise dans la charte d’Ottawa en 1986,

à savoir « un état de complet bien-être physique, mental et social ». Il complète pourtant cette

définition en indiquant que « […] la santé n’est pas un état mais une dynamique ». Par ailleurs,

comme le directeur de l’IFERISS, le médecin de l’ARS déplore que cette définition ne soit pas

partagée au sein du corps médical.

L’ancienne stagiaire de l’EHESP qui a mené l’EIS à Toulouse reprend, quant à elle, la définition

de la santé de l’OMS qu’elle s’est largement appropriée. En effet, celle-ci souligne l’importance de

considérer les déterminants de santé, reprenant ainsi le célèbre schéma de Dahlgren et Whitehead

(1991)294.

Perception de la notion de santé des acteurs non-impliqués dans la mise en œuvre de l’EIS

à Toulouse

Acteurs ayant un intérêt pour la démarche d’EIS à titre individuel

Selon le Conseiller régional d’Europe Ecologie les Verts que nous avons interrogé, la notion d’Inégalités Sociales de Santé (ISS) représente « une question fondamentale, qui est perçue, mais

293 En 2000, la Déclaration de Mexico complétait la définition de la santé de la Charte d’Ottawa en soulignant l’importance « du support social comme facteur de protection de la santé ». 294 Mémoire de Carine Gayrard sur l’EIS menée sur l’Espace Petite Enfance de Borderouge, p.6.

154

jamais vraiment prise en compte ». Par ailleurs, cet acteur relie la notion de santé aux politiques urbaines (« […] dans les quartiers populaires, l’industrialisation est toujours construite dans le sens du vent ») et à l’environnement, car sa clé d’entrée pour comprendre la santé s’appuie largement sur des aspects écologiques. Selon la directrice de la Mutualité Française de Midi-Pyrénées, la définition de la santé correspond à celle de l’OMS et concerne des projets multidisciplinaires : « […] ça peut être l’aménagement du territoire politique de la ville, de la prévention santé […], c’est un tout. Logements, qualité de l’air, qualité de l’eau… Tout projet. »

Acteurs ayant un intérêt pour la démarche d’EIS au titre de l’organisme auquel ils appartiennent

Depuis sa création en 2009, la notion d’Inégalités Sociales de Santé (ISS) apparaît comme une priorité pour l’IFERISS, même si l’on assiste à un manque de débat sur les ISS en France (considérées plutôt comme un problème d’accès aux soins), comme le souligne le Directeur de cet Institut : « […] le débat en France [sur les ISS] est difficile, y compris avec les institutions publiques et les ARS. […] Les ISS ne parlent pas aux gens car c’est purement statistique [...]. Il est très difficile de mobiliser sur les ISS ». Face à ce problème, les EIS sont citées par le Directeur de l’IFERISS comme une solution possible, étant donné que celles-ci « […] permettent de faire entrer la santé dans toutes les politiques [...]. Si on pose des questions aux gens sur les impacts en santé, ils répondent système de soin, prévention, tabac, alcool, de façon rarissime ils citent les conditions de travail, l’aménagement, l’urbanisme ». Ainsi, contrairement à la vision française en la matière, le Directeur de l’IFERISS insiste sur le fait que la santé ne doit pas se limiter au système de soin. Par ailleurs, pour cet acteur, l’aspect social ne transparaît pas non plus dans la définition que l’on a de la santé (« les déterminants sociaux ne font pas partie du schéma de pensée française »). Il note pourtant une évolution en ce sens depuis les 30 dernières années : ce qu’il manquerait « c’est du volontarisme politique, […] on attend encore la Simone Veil qui va bouleverser les esprits ». Enfin, le grand avantage des EIS réside dans le fait qu’elles interrogent directement le citoyen : « […] Les EIS permettent, elles, d’intégrer les citoyens. Elles intéressent les gens car ils se sentent concernés […] ».

Pour les deux agents de l’AUAT que nous avons interrogés, la santé est « le résultat de multiples facteurs liés aux habitants, aux facteurs extérieurs ». Ces acteurs soulignent en ce sens le fait que la santé recouvre à la fois l’état physique mais également l’état moral et social des individus. Leur définition fait apparaître notamment l’aspect des inégalités (« accès aux soins, accès aux équipements, aux aménités de villes ») et prend en compte la santé communautaire (« les différentes pratiques et modes de vie ont un impact sur la santé »). Enfin, les deux personnes de l’AUAT complètent leur définition par une approche plutôt originale, fondée sur la culture : « C’est [une] approche plutôt culturelle : immigrés, étrangers diffèrent en matière d’alimentation et de ressources culturelles et sociales. ». Finalement, tous ces aspects concourent à une définition qui correspond bien à celle de l’OMS : « On est sur une définition de la santé qui se rapproche de la notion de bien-être ».

Enfin, selon la chargée de mission Qualité de l’air et environnement sonore de Toulouse

Métropole, la notion de santé est incluse dans la définition de la santé « par l’environnement », même si d’autres aspects peuvent également entrer en jeu : « […] Il ne faut pas la voir rien que par l’environnement, il y a une autre approche sur la santé à prendre en compte, en particulier le social, l’activité ou le chômage car ceux qui ne sont pas inscrits dans la société peuvent développer des traumatismes donc la santé est très large et l’environnement est une grande partie, le fait d’avoir des jardins, de la biodiversité… C’est vraiment multisectoriel et à des niveaux très différents». Ainsi,

155

même si sa définition n’inclut pas explicitement le terme « d’inégalités sociales de santé », la chargée de mission a pleinement conscience des multiples facteurs pouvant avoir un impact sur l’état de santé des populations. En cela, elle s’approprie la définition de la santé inscrite dans la Charte d’Ottawa.

La notion de santé, selon les acteurs que nous avons interrogés, se rapproche le plus souvent de la définition inscrite dans la Charte d’Ottawa de 1986. En ce sens, cette définition dépasse très largement le cadre strictement médical. Ce que l’on peut également noter est la forte influence du parcours et du profil des acteurs interrogés sur la définition de la santé (les médecins en santé publique que nous avons interrogés considèrent, par exemple, que leur vision de la santé diffère de celle des autres médecins). Ainsi, selon leur profil, les acteurs interrogés arrivent non seulement à comprendre et à valoriser la démarche d’EIS, mais également à avoir un regard critique sur leur propre profession.

C. Le processus d’émergence de l’EIS

Si le quartier de Borderouge à Toulouse disposait d’un ensemble de critères favorables à l’élaboration d’une EIS, comment celle-ci a pu être mise à l’agenda politique et surtout quels ont été les acteurs mobilisés lors de la mise en œuvre ?

L’expérimentation de l’EIS menée à Toulouse a été inscrite dans le cadre du Plan Municipal de Santé de 2009. C’est un agent du Service Communal d’Hygiène et de Santé (SCHS) de la Ville de Toulouse qui s’est chargé d’initier cette démarche. Médecin de formation, cet agent (qui n’a pas une conception « classique » de la santé, mais qui rattache plutôt sa propre définition à celle de la promotion de la santé : « la santé n’est pas un état, mais une dynamique ») s’intéressait depuis longtemps à la démarche d’EIS, en ayant beaucoup lu sur le sujet et après avoir été formé à cette méthode par l’université de Liverpool295.

Concrètement, l’occasion de déclencher une EIS a été saisie lorsqu’une étudiante-stagiaire

de l’EHESP a été recrutée par la Mairie de Toulouse et sollicitée pour mettre en œuvre cette démarche. Il s’est agi alors d’une bonne opportunité pour ces deux acteurs, puisque le médecin en santé publique y trouvait l’occasion de mettre en pratique ses savoirs sur l’EIS, tandis que pour l’étudiante stagiaire il y avait là une bonne opportunité pour réaliser un travail de terrain dans le cadre de son parcours universitaire.

295 Ces informations ont été obtenues lors d’un entretien avec cet acteur.

156

Au-delà de la motivation des acteurs qui ont initié cette EIS, celle-ci a pu être mise en place grâce à une réponse positive à un appel d’offre lancé aux différentes directions de la ville afin de mettre en œuvre l’EIS. La Direction Petite Enfance y a répondu favorablement. Les acteurs en charge du Grand Projet Ville avaient également notifié leur volonté de participer, mais c’est uniquement le premier projet qui a été retenu, étant donné que le SCHS s’était déjà positionné sur ce projet. Pour des raisons de temps, il était impossible de mener deux EIS de front. Le groupe constitué par le SCHS et la Direction Petite Enfance s’est ensuite orienté vers l’Etablissement Enfance Famille de Borderouge. L’étudiante-stagiaire de l’EHESP évoque à ce sujet une « question d’opportunité » pour qualifier le choix de l’endroit où l’EIS a été mise en place.

Enfin, il faut noter que la politique de la petite enfance faisait partie des principaux objectifs à atteindre par la Mairie de Toulouse en 2011, qui avait annoncé la création de nombreuses places d’accueil pour les familles toulousaines. Les décideurs (notamment les élus chargés de la politique santé) y trouvaient ainsi l’intérêt de promouvoir les questions de santé, mixité et qualité de vie, à travers un cas pratique - l’établissement de petite enfance- qui pouvait être un bon indicateur d’efficience des politiques menées dans le domaine de la santé et de la petite enfance.

Au regard de ce que nous venons de décrire, nous considérons que dans le cas de l’EIS menée à Toulouse il s’est agi d’une conjoncture favorable à sa mise à l’agenda, sans pour autant pouvoir évoquer la présence d’un réseau d’acteur autour de cette démarche. Nous pouvons désormais poser la question des enjeux relatifs à l’élaboration de l’EIS mais également des perspectives quant au renouvellement de cette démarche à Toulouse.

157

III. LA MISE EN ŒUVRE DE L’EIS

Dans cette sous-partie, il convient de se demander quels ont été les objectifs visés lors de la

mise en œuvre de l’EIS à Toulouse. En effet, nous tenterons de comprendre si cette EIS a favorisé

une meilleure prise en compte de la santé dans les politiques publiques, le principal pari de cette

démarche étant d’impulser une culture de la santé au sein de la collectivité. Ainsi, nous évoquerons

dans un premier temps les différents participants à cette évaluation et leurs intérêts particuliers à y

participer, pour rendre compte ensuite des choix qui ont été faits lors de sa mise en œuvre (en

termes de méthodologie, notamment).

A. Gouvernance et jeux d’acteurs

La Ville de Toulouse

Comme nous l’avons évoqué précédemment, une politique volontariste de promotion de la

santé avait été menée par la Mairie, sous l’impulsion de la directrice du SCHS et de l’adjointe au

Maire à la santé, à travers deux modalités d’action : les Ateliers Santé-Ville et le PMS de 2009296. Ce

dernier avait identifié cinq priorités en 2010 à travers un processus de diagnostic territorial de santé.

Par ailleurs, une conférence citoyenne organisée dans ce cadre avait fait émerger l’idée d’une

meilleure prise en compte de la santé dans les politiques municipales, l’objectif de la mairie étant

alors de promouvoir la santé dans les politiques publiques et de minimiser les impacts négatifs sur

la santé des citoyens. Du côté de la Mairie, au-delà d’un cadre règlementaire favorable, il y avait un

enjeu électoral et la promesse des « Mille Places » à laquelle l’ancien Maire de la Ville s’était

engagé297. Le domaine de la Petite Enfance faisait alors l’objet d’une attention importante de la part

des décideurs.

Le Service Communal d'Hygiène et de Santé (SCHS) de la Ville de Toulouse

L’enjeu pour le SCHS était de promouvoir la volonté politique et institutionnelle affichée à

l’époque : renforcer la cohésion sociale dans les quartiers toulousains et minimiser les impacts sur

la santé de la population en expérimentant la démarche à travers une EIS pilote. En effet, pour le

SCHS, il était nécessaire de passer d’abord par une première expérience de terrain avant de procéder

réellement à la mise en œuvre des objectifs du PMS. Concrètement, il s’est agi de réunir de la

littérature et des données probantes sur la démarche d’EIS afin de pouvoir l’appliquer à d’autres

projets. Le SCHS pouvait ainsi acquérir de nouvelles compétences en termes d’évaluation de projets

tout en se positionnant en tant que chef de file par rapport aux autres services municipaux. Enfin, le

296 Plus exactement, c’est l’objectif 5 du PMS qui traduisait cette volonté pour les décideurs. 297 En février 2009, l’ancien Maire de Toulouse s’exprimait dans la Dépêche sur ce sujet : « Nous souhaitons créer au moins un millier de places supplémentaires durant ce mandat municipal. C'est-à-dire passer de 4 500 places actuellement (27 crèches municipales, 10 familiales municipales et 18 haltes-garderies) à 5500, voire 6 000 en 2014 ». Source : http://www.ladepeche.fr/article/2009/02/18/561244-toulouse-mille-places-de-creches-en-projet.html

158

but du SCHS a été de montrer l’intérêt des EIS dans les processus d’aide à la décision, ainsi que

d’indiquer à l’équipe municipale (grâce à des données de terrain) comment elle allait pouvoir

s’emparer de la démarche d’EIS afin de la généraliser sur le territoire.

La DPE (Direction Petite Enfance) et ses agents

Les Espaces Petite Enfance accueillent des enfants de 0 à 6 ans par

secteur géographique pour assurer la garde et les loisirs. Ils ont aussi

vocation à favoriser les échanges avec les acteurs locaux du quartier et

les familles.

La DPE de Borderouge a été la première à répondre à l’appel d’offre lancé

par le SCHS pour mener l’EIS pilote dans l’intérêt de pouvoir bénéficier

d’une évaluation de leur structure : la DPE s’inscrivait donc dans une

démarche réflexive d’action publique. Les agents pouvaient ainsi prendre

conscience des qualités et des limites du service offert par l’établissement, ainsi que des aspects à

revoir ou à améliorer pour que la structure ait le moins d’impacts négatifs possibles sur la santé des

utilisateurs.

B. Retour critique sur les points clefs de la méthodologie

Nous revenons ici sur la mise en œuvre de l’EIS et les étapes de son déroulement, à savoir :

la constitution du comité de pilotage, la méthodologie et les recommandations formulées par les

agents du Service d’Hygiène et de Santé à l’issue du travail de terrain.

Constitution du CoPIL et détermination des objectifs de l’EIS

L’EIS a réuni un groupe d’acteurs, composé à la fois d’élus, d’agents du Service Communal

d’Hygiène et de Santé et du personnel de l’établissement de la Petite Enfance (dont la directrice et

des assistantes maternelles). Ces personnes se sont constituées en un comité de pilotage (CoPIL) qui

a défini et élaboré une stratégie de mise en œuvre de l’EIS.

Le groupe de travail s’est d’abord mis d’accord sur les objectifs à atteindre : le principal

objectif défini a été l’évaluation des impacts sur la santé induits par la structure et l’élaboration de

recommandations pour minimiser les impacts négatifs. Enfin, compte tenu des intérêts divergents

des parties prenantes au projet, l’EIS a été investie de plusieurs objectifs différents (qui ont pu parfois

différer de l’objectif principal298).

298 En effet, les participants à l’EIS avaient défini des objectifs spécifiques en fonction de leurs propres attentes. Ainsi, la Direction Petite Enfance souhaitait particulièrement que l’EIS amène à formuler des recommandations sur la qualité du service offert par l’établissement, tandis que le Service Communal Hygiène et de Santé y voyait plutôt l’intérêt d’élargir ce travail de terrain à d’autres politiques publiques et de faire de cette EIS pilote une expérience qui pourrait amener à utiliser la démarche de manière plus généralisée.

Figure 2 l'Espace Enfance-Famille de Borderouge-Trois Cocus

159

La définition de la méthodologie

La question de la méthodologie a été une des premières interrogations du CoPIL : en effet, la

stagiaire de l’EHESP n’avait jamais eu affaire à une EIS auparavant. Au départ, elle s’est

particulièrement attachée à comprendre la démarche à travers une large littérature et des guides299.

Lorsque nous l’avons interrogée, la stagiaire nous a fait part de sa difficulté à s’approprier l’outil, ne

s’agissant pas, selon elle, d’une méthode « clef en main ».

Ainsi, le premier travail a été de rechercher quelles EIS à travers le monde avaient déjà abordé

la thématique de la petite enfance. Cette recherche a donné quatre résultats, mais seulement une

EIS avait réellement fait l’objet d’une application similaire. Qui plus est, cet exemple ne pouvait pas

servir de bonne pratique pour le cas toulousain car l’EIS en question avait suivi une méthodologie

spécifique, qualifiée de « participatory stakeholder workshop »300.

Finalement, le CoPIL a décidé de suivre plusieurs modèles afin que l’EIS s’adapte le mieux

possible aux caractéristiques spécifiques de l’établissement. Une méthode en cinq phases (issue du

modèle de Merseyside et permettant de considérer la santé de manière globale301) a été retenue

par la suite. Enfin, compte tenu des contraintes matérielles (un personnel peu nombreux, peu de

moyens financiers alloués, un temps imparti court), le CoPIL a décidé de mener une EIS rapide

intermédiaire et participative.

Le travail effectif : l’évaluation sommaire puis approfondie

Comme nous l’avons indiqué, l’EIS de Borderouge a été rapide, rétrospective et participative :

rapide car elle correspond à quelques mois, rétrospective, car elle a été mise en place sur une

structure déjà existante et participative car la méthode choisie a été de procéder par entretiens afin

d’évaluer les impacts sur la santé de cette structure, comme nous allons le voir par la suite. Le choix

d’une méthode qualitative a entraîné l’implication de nombreux participants sur la base du

volontariat.

Une évaluation dite sommaire a d’abord été nécessaire afin de rassembler des données sur

la structure et de réaliser une observation rapide de terrain. Cette évaluation - une étape

préliminaire et indispensable à la formulation des recommandations - a précédé une analyse plus

approfondie des bénéfices et des impacts sur la santé de l’établissement Petite Enfance.

299 Cette bibliographie dense avait été réunie précédemment par un autre stagiaire. 300 Il s’agit d’une EIS très rapide et menée par un groupe d’acteurs en une seule journée. 301 Le modèle de Merseyside a été conçu par l’Observatoire de santé publique de Liverpool en 1997. Il met l’accent sur les aspects socio-économiques et culturels des EIS, et cela, par le biais notamment des déterminants de la santé. Source : http://www.impactsante.ch/spip/article.php3?id_article=56

160

Les documents302 que nous avons eus en notre possession ont fait ressortir quatre bénéfices

sur la santé des usagers identifiés par le CoPIL : le développement de l’enfant, la valorisation de la

parentalité, l’insertion socio-professionnelle des familles et le vivre-ensemble dans le quartier303.

Après avoir défini les bénéfices sur la santé des usagers, il a fallu trouver des éléments

pouvant agir sur chacun de ces bénéfices (ce qui a permis de démarrer la deuxième phase de

l’évaluation, dite approfondie). Pour ce faire, le CoPIL a choisi de se concentrer sur la problématique

du vivre- ensemble. En effet, le personnel de l’établissement Petite Enfance avait déjà réfléchi à la

manière dont ils pouvaient améliorer les impacts en santé induits par les trois autres

problématiques. Ainsi, six déterminants de la santé impliquant le vivre-ensemble ont été identifiés :

« le lien social, la participation et l’implication familiales, l’information, la rencontre et la mise en

réseau, l’intégration sociale et la mixité »304.

Les deux phases d’analyse (sommaire et approfondie), ont permis de rendre compte de

l’importance de la thématique du vivre-ensemble. Cette dernière s’inscrit dans un des principes clés

des EIS, à savoir le principe d’équité : mettre en œuvre une EIS doit permettre de développer des

initiatives permettant la cohésion sociale et un traitement équitable de tous les citoyens.

La formulation des recommandations

A l’issue du travail d’analyse, une dizaine de recommandations ont été formulées par le SCHS

et validées par le CoPIL305. Ces recommandations étaient de deux types :

- Celles découlant d’effets négatifs sur la santé, déjà pris en compte par la structure et intégrées dans

les schémas d’évolution future ;

- Celles découlant d’effets négatifs sur la santé qui n’avaient pas été pris en compte par la structure.

En ce sens, les recommandations formulées sur la thématique du vivre-ensemble insistent sur la

nécessité de faire de l’Espace Petite Enfance un espace-relais d’information pour le quartier : « Hors

les liens tissés de manière individuelle entre parents ou entre parents et professionnels (assistantes

maternelles par exemple), […] on peut conclure que les activités et le fonctionnement actuels de l'EPE

ont un impact limité sur le lien social dans les quartiers limitrophes, en matière d’engagements

associatifs ou autres engagements citoyens notamment »306.

302 Nous faisons référence ici au rapport rédigé à l’issue de l’EIS, au mémoire de l’étudiante-stagiaire de l’EHESP ainsi qu’aux actes du colloque sur les EIS, organisé en 2013 à Toulouse. 303 « - L’EEF garantit le développement physique, cognitif, affectif et relationnel de l’enfant. - L’EEF renforce, valorise et soutient la parentalité. - L’EEF contribue à l’insertion socioprofessionnelle des familles. - L’EEF renforce le « Vivre ensemble » dans les quartiers de Borderouge – 3 Cocus. », cf. le mémoire de M2 de l’étudiante de l’EHESP qui a mis en œuvre l’EIS. 304 Voir le rapport rédigé à l’issue de l’EIS (2013), p.23. 305 Nous ne reviendrons pas ici sur l’ensemble des recommandations formulées, nous évoquerons seulement ce qui

caractérise globalement ces recommandations. 306 Rapport rédigé à l’issue de l’EIS par le SCHS, p.22.

161

Enfin, les deux acteurs promoteurs du SCHS qui ont mis en œuvre l’EIS dans le quartier de

Borderouge insistent également sur le fait que les recommandations constituent uniquement une

aide à la décision et n’ont aucune valeur injonctive : « elles n’ont de valeur que « d’aide à la décision

» aux « décideurs » de la Petite Enfance qui, seuls, sont à même à en juger la faisabilité concrète307 ».

IV. BILAN ET RECEPTION

L’objectif de cette sous-partie est d’aboutir à une analyse des difficultés rencontrées par les

acteurs lors de la mise en œuvre de l’EIS à Toulouse. Pour ce faire, nous nous efforcerons de relier

ces difficultés à des problématiques plus larges (les moyens alloués, la gouvernance, le jeu

politique, etc.). Nous résumons les points principaux de cette partie dans un tableau en fin de

partie.

La question de la méthodologie

La complexité de la méthodologie a constitué un défi pour ceux qui ont porté l’évaluation de Borderouge. Lorsque nous l’avons interrogée, l’étudiante-stagiaire qui a réalisé l’EIS a insisté à plusieurs reprises sur le fait que la mise en place de cette démarche demande une certaine appropriation d’un point de vue méthodologique : « J’ai fait une EIS, même si elle est rapide, c’est compliqué. […] C’est vraiment une méthode qui est complexe d’autant que ce sont des outils qu’on n’a pas l’habitude d’utiliser ». Selon elle, lors de la définition de la méthodologie, l’enjeu a été de trouver « [l’outil] le plus adapté ». Autrement dit, ce qui a particulièrement posé problème dans le cas de l’EIS de Borderouge a été de choisir la meilleure méthode parmi celles existantes, adaptée au cas toulousain.

Par ailleurs, nous considérons que le fait d’avoir attribué cette mission à une étudiante

stagiaire qui n’avait pas expérimenté ce dispositif auparavant, a représenté une tâche difficile à mener et a rendu le travail encore plus fastidieux.

Enfin, des retours critiques nous sont parvenus quant à l’établissement Petite Enfance de

Borderouge. En effet, le fait de mener une EIS sur une structure existante n’était peut-être pas le choix le plus judicieux, comme le remarquent les acteurs ayant mené cette EIS : « L’Etablissement Petite Enfance de Borderouge est une structure existante. Démarche le plus souvent mobilisée de manière prospective, l’EIS n’a pas apporté ici de préconisations susceptibles de modifier significativement cette structure dans son architecture, son organisation ou son fonctionnement308 ».

307 Ibid, p.14. 308 Ibid, p.23.

162

La question des moyens et du portage politique

L’insuffisance des moyens humains et financiers, le manque de portage politique ou encore le caractère expérimental de la démarche, ont représenté autant de difficultés lors de la mise en œuvre de l’EIS à Borderouge. Interrogés sur ce sujet, les acteurs considèrent que lorsque « […] ce n’est pas politiquement porté, reconnu, cette approche globale de promotion de la santé n’est pas une priorité309 » (l’étudiante-stagiaire de l’EHESP). Le médecin en santé publique qui a porté la démarche, considère lui aussi que l’EIS de Borderouge « n’avait pas assez de financements par la mairie310 ». Enfin, le budget alloué au recueil de données sur le terrain a fait l’objet de la gratification du stage de l’étudiante de l’EHESP311.

Une EIS investie par une compétition politique ?

Nous avons déjà évoqué le fait que les participants à l’EIS de Borderouge avaient différemment compris l’objectif d’une telle démarche312. En effet, ces points de vue divergents ont influé sur la mise en œuvre de l’EIS : « […] il y a eu un malentendu avec le directeur de la Petite Enfance. Il n’a pas très bien compris de quoi il s’agissait. Il y a rapidement eu quelques dissensions. Il pensait que ça allait lui servir de propagande pour sa propre politique » (selon le médecin en santé publique du SCHS313). Qui plus est, ces conflits ont eu un impact sur la diffusion des résultats et des recommandations de l’EIS314, comme nous le verrons plus loin dans notre analyse.

Ces divergences sont peut-être en lien avec le fait que l’EIS ait été rétrospective. Le personnel

de l’établissement ainsi que le Directeur du Service de la Petite Enfance ont pu percevoir l’expérience menée comme une évaluation de leurs méthodes de travail. N’ayant pas pu obtenir un entretien avec le personnel de la Petite Enfance, nous ne disposons malheureusement pas d’informations pouvant corroborer cette hypothèse.

Quels ont été les objectifs atteints ?

La mise en œuvre de ce dispositif à Borderouge a permis au SCHS d’acquérir les compétences nécessaires en matière d’EIS. En ce sens, l’objectif lié à l’expérimentation de la démarche et à la mise en application des compétences a été atteint. L’étudiante-stagiaire de l’EHESP considère, quant à elle, que cette démarche a permis à la Ville de Toulouse d’atteindre l’objectif 5.1 du Plan Municipal de Santé315. En revanche, certains acteurs que nous avons rencontrés mais qui n’ont pas participé à cette démarche, estiment que l’on ne peut pas véritablement parler d’une EIS dans le cas de Borderouge, de par le caractère rétrospectif de cette démarche (comme l’a affirmé en notre présence le Directeur de l’IFERISS pour qui « l’EIS de Borderouge n’était pas vraiment une EIS », même si celle-ci « […] a permis de promouvoir l’idée »).

309 Données recueillies en entretien. 310 Idem 311 Idem 312 Se référer à la sous-partie : « Quels acteurs ont été impliqués dans la démarche et pourquoi ? ». 313 Données recueillies en entretien. 314 Se référer à la sous-partie : « Implication des parties prenantes et diffusion des résultats ». 315 En effet, certaines recommandations ont bien été prises en compte par l’établissement Petite Enfance, notamment, les recommandations portant sur des changements dans la place des équipements au sein de l’établissement (bancs, par exemple).

163

Implication des parties prenantes et diffusion des résultats

Selon l’étudiante de l’EHESP, « […] le caractère facultatif de l’EIS a généré des difficultés dans la mobilisation des différentes parties prenantes, malgré leur sensibilité réelle pour la santé. L’EIS n’étant pas inscrite dans les plannings déjà surchargés de chacun, elle peut donc rester en second plan si les personnes clefs, au sein des organisations et administrations, ne soutiennent pas la démarche316». Autrement dit, l’étudiante souligne ici sur l’importance du portage politique tout au long de la démarche, ce qui n’a pas réellement été le cas pour l’EIS de Borderouge.

Le manque d’implication et de suivi de la part des élus s’est largement confirmé lors de la publication des résultats. Ainsi, l’EIS qui a été menée à Toulouse est restée une expérience isolée, non publicisée. Le médecin en santé publique qui a porté cette démarche affirme à ce sujet que le rapport issu de l’EIS est resté « un peu enterré ». De fait, le directeur de la Petite Enfance n’a pas véritablement souhaité donner de suite au travail qui avait été réalisé. Il n’y a eu ni publicisation du rapport, ni diffusion des résultats à un niveau hiérarchique plus élevé. Les décideurs n’ont jamais eu le rapport entre les mains317 ; les élus (même ceux associés au CoPIL), n’ont pas relayé la démarche. Selon nous, cela pourrait s’expliquer par le fait que dès le départ, l’objectif de l’EIS n’a pas été compris de la même manière par tous les acteurs. Le directeur de la Petite Enfance, qui souhaitait que la démarche lui permette de valoriser le nouvel établissement de l’EPE Borderouge, a semble-t-il rejeté les recommandations qui ont été faites318.

Enfin, un grand nombre d’élus de la région n’ont toujours pas pris connaissance de cet outil. A ce sujet, un élu au Conseil Régional Midi-Pyrénées nous confiait notamment que, lors du colloque de réflexion sur l’EIS qui a été mené à Toulouse en juin 2013, l’EIS était encore « un objet inconnu » au Conseil Régional319.

316 Mémoire de M2 réalisé par l’étudiante stagiaire de l’EHESP, p.29. 317 Cela est peut-être dû aux « dissensions » entre le directeur de la DPE et le SCHS, dont nous faisions mention précédemment. 318 Données recueillies en entretien. 319 Données recueillies en entretien.

164

Points positifs de l’EIS réalisée à

Toulouse

Points négatifs de l’EIS réalisée à

Toulouse

Des objectifs atteints

Les objectifs d’évaluation de la

structure Petite Enfance ont été

réalisés, le COPIL ayant produit des

résultats et des recommandations.

Difficultés méthodologiques

Des acteurs non formés porteurs de la

démarche peuvent être ralentis au

départ par la complexité de la prise en

main de l’outil.

L’intérêt des participants pour une

démarche intersectorielle

Les porteurs de la démarche ont été

très volontaires et ont su constituer un

groupe de participants intersectoriel,

intéressés pour mener à bien l’EIS. De

même, les citoyens se sont vus

attribuer un rôle dans la mise en

œuvre de l’EIS.

La question de la communication et le

problème de diffusion des résultats

Bien que la démarche ait été menée à

terme et ait produit des résultats et des

recommandations, les acteurs n’ont pas

communiqué sur la démarche par la

suite, raison pour laquelle l’expérience

n’a pas servi d’exemple ou d’impulsion.

Le frein politique

L’investissement politique de l’outil et les

changements d’élus suivant les élections

peuvent expliquer un non partage des

connaissances et des compétences

acquises par l’EIS pilote.

165

V. PERSPECTIVES DANS LA REGION : QUELLES LEÇONS

TIRER DE L’EXPERIENCE DANS LA VILLE DE TOULOUSE ?

L’évaluation menée à Toulouse a été riche d’enseignement tant sur l’expérimentation de la

méthode d’EIS (acquisition et mise en pratique de compétences, prise en charge de l’expérience

par une structure publique…), que sur la manière dont les différents acteurs se sont saisis de cet

outil. Cela nous renseigne également sur les possibilités de développement de cette démarche

dans la région et sur les freins éventuels à son institutionnalisation.

Sur le territoire toulousain à l’heure actuelle, l’EIS mise en place par le SCHS demeure la seule expérience en la matière, alors que dans d’autres régions on en compte jusqu’à cinq aujourd’hui. Parmi les acteurs que nous avons rencontrés, très peu étaient au courant de l’EIS de Borderouge et de ses résultats, alors même qu’ils connaissent et adhèrent à la démarche d’EIS en elle-même et travaillent dans des structures de santé ou d’aménagement implantées sur le territoire320.

Par ailleurs, nous nous sommes rendu compte que le colloque organisé en 2013 par l’IFERISS a eu un effet de « publicisation » de la démarche en général, en faisant sortir cet outil du champ académique où il est davantage connu et porté. Cependant, cette démarche semble se cantonner pour l’instant à un cercle d’acteurs informés sur le sujet. De plus, nous pouvons faire le constat que, depuis la fin de l’expérimentation menée à Borderouge, l’intérêt porté à la démarche n’évolue que lentement sur l’ensemble du territoire. En effet, les acteurs qui ont une connaissance sur l’EIS, même s’ils montrent un intérêt marqué pour la démarche, restent assez réticents lorsqu’il s’agit de la mettre en œuvre. Ces réticences vont plus loin que de simples questions de coût et de manque de temps, bien que ces questions aient également pu être évoquées lors des entretiens que nous avons réalisés : « On fait très vite marche arrière car on se rend compte que pour entrer dans ce processus-là, il faut du temps, de l’argent et des compétences […]. C’est un processus long et coûteux » (la Directrice de la Mutualité Française).

Il semble alors que la démarche d’EIS se répand difficilement sur le territoire et qu’il existe des freins à la multiplication d’expériences. Selon nous, ces freins pourraient être spécifiques à l’outil (moyens humains et financiers nécessaire considérés comme importants, nouvelles compétences à acquérir…), mais ils concernent surtout la perception que certains des acteurs du territoire se font de la démarche même. Pour les acteurs n’ayant pas participé à la démarche menée sur Toulouse, l’EIS peut être considérée comme « trop complexe ». A ce sujet, la directrice de la Mutualité Française nous affirmait que «ce n’est pas le choix que l’on a fait même si l’on se pose inévitablement la question [de l’intérêt de l’EIS] ». Le Directeur de l’IFERISS s’interroge, quant à lui, sur la capacité des certains acteurs à mener des EIS : « aujourd’hui, le problème monte sur l’agenda politique sans qu’on ait les moyens d’y répondre321 ».

320 C’est le cas notamment des agents de l’AUAT et de l’ARS (cf. données recueillies en entretien). 321 Données recueillies en entretien.

166

Le préalable nécessaire à la diffusion de la démarche sur le territoire : une perception

novatrice de la santé et de l’action publique

Pour mettre en œuvre une EIS, les acteurs concernés doivent être initiés à une démarche intersectorielle et avoir une vision large de la notion de santé.

Concernant la formation des médecins, qui peuvent être porteurs de la démarche, il est essentiel que ces derniers s’ouvrent sur les autres disciplines et qu’ils s’approprient la définition de la santé inscrite dans la Charte d’Ottawa de 1986 (c’est ce que considèrent notamment deux médecins en santé publique, membres de l’ARS : « […] en France, la santé, pour l’instant, c’est ‘mon docteur’ » ; « on a besoin des sciences sociales, de l’épidémiologie, des statistiques322 »). Les élus sont également des leviers importants pour développer cette démarche sur le territoire. En effet, sans une volonté politique forte, les opportunités d’expérimenter la démarche restent assez limitées. Sur le territoire, il faudrait alors être en mesure d’identifier des acteurs susceptibles de porter cette démarche323. Il est par ailleurs indispensable d’instaurer davantage d’interdisciplinarité et d’intersectorialité dans l’action publique territoriale. A ce sujet, un des agents de l’ARS affirmait que : « […] tout seuls, on ne sera pas efficaces », rejoint par un membre du SCHS : « Ça nécessite une collaboration en strates, entre différentes directions ».

Ces enjeux vont de pair avec deux problématiques plus globales : un changement de paradigme dans l’action publique et la communication autour de l’EIS. C’est notamment autour de cette dernière dimension que le territoire peut agir, en organisant, à l’instar de ce qui avait été fait en 2013, des colloques et des séminaires sur la question. Ces colloques doivent impliquer un panel large d’acteurs sur le territoire (les aménageurs, les décideurs, les professions médicales, les citoyens, les associations, les structures interprofessionnelles, etc.) et être tournés vers l’apprentissage de la démarche autant qu’ils pourraient permettre de faire le point sur les expériences menées ailleurs en France ou dans les autres pays qui pratiquent habituellement l’EIS. En effet, c’est en analysant les expériences menées ailleurs que l’on prend conscience de l’opérationnalité de l’outil et que l’on peut s’en saisir effectivement. La nécessité de se comparer aux autres territoires a d’ailleurs été évoquée par nos enquêtés eux-mêmes : « L’idée, c’est de pouvoir apprécier un territoire par rapport à un autre, pouvoir avoir des éléments d’évaluations réelles [...], qu’on sache chercher un vocabulaire commun324». Enfin, il faudrait également se fixer des objectifs précis pour chaque EIS menée : « […] Il faut qu’on arrive à cibler dans quels cas de figure on les met en place. Moi, je ne vais pas dire « c’est intéressant sur Toulouse ». Je dirais « c’est intéressant sur Toulouse dans les cas de figure qui répondent à tel ou tel critère car il y a une réelle plus-value […]. On ne peut pas faire des évaluations partout. […] Ce sont des démarches qui sont lourdes, chronophages, qui impliquent beaucoup de gens. Il faut se fixer des critères de priorisation » (un Agent de l’ARS).

322 Idem. 323 Cf. la sous-partie qui suit. 324 Un agent de l’AUAT.

167

Quelles sont les parties prenantes nécessaires à impliquer dans la démarche ?

Dans les autres régions de France où les EIS mises en œuvre ont été nombreuses, les acteurs interrogés ont pu mettre en avant le rôle porteur de certaines structures.

En premier lieu, l’ARS pourrait parfaitement se positionner en chef de file sur des projets de ce type, comme elle a su le faire dans d’autres régions de France. Or, sur la région toulousaine, l’ARS semble pour l’instant en retrait sur les démarches d’EIS. A ce sujet, le médecin en santé publique qui a mené l’EIS de Borderouge a affirmé : « […] de ce que j’ai vu et de ce que j’en sais, l’ARS n’est pas dedans, elle est à côté ». Cependant, les agents de l’ARS que nous avons interrogés ont manifesté un certain intérêt pour cette démarche (certains ont même suivi des formations interprofessionnelles sur les EIS, organisées dans les structures auxquelles ils appartenaient auparavant325).

La seconde structure qui pourrait contribuer à la diffusion des EIS sur le territoire est Toulouse Métropole. Pour que cette collectivité puisse efficacement agir en la matière, il est nécessaire qu’elle travaille en amont sur les projets, pour ne pas systématiquement s’associer à des EIS rétrospectives qui sont, dans la majorité des cas, moins effectives. Un membre de l’ARS considère à ce sujet qu’il faudra notamment se saisir des EIS dans le cadre « […] du développement de projets en devenir 326».

Les citoyens toulousains pourraient eux-aussi être à l’initiative d’une EIS, à condition que l’on ait publicisé préalablement la démarche et qu’ils s’organisent au sein d’une « structure juridique327 ». L’implication citoyenne est primordiale selon certains acteurs interrogés : « […] l’idée aussi, derrière l’EIS, c’est quand même une dimension de concertation […] c’est aussi associer les habitants à la démarche, à l’élaboration du projet328 ».

Enfin, les bureaux d’étude et cabinets d’experts pourraient également avoir un rôle à jouer lors de l’élaboration des EIS, considérés par certains acteurs que nous avons rencontrés comme des partenaires de premier plan (dans le sens où les bureaux d’étude permettent habituellement d’éviter certains « conflits d’intérêt329 »).

Quelle configuration possible pour les EIS menées sur la région toulousaine ?

La réalité du territoire est à prendre en compte lorsque l’on cherche à comprendre comment un outil d’action publique peut se diffuser. Or, des moyens d’institutionnalisation ont été cités par certains acteurs lors des entretiens que nous avons réalisés.

Sur le territoire toulousain, les EIS pourraient être incluses dans un premier temps au sein des Agendas 21, qui, de par leur approche intersectorielle et intégrée, pourraient constituer un outil intéressant d’institutionnalisation de l’EIS, comme nous l’a affirmé le Vice-président du Conseil Régional en charge des politiques de solidarité : « […] l’EIS pourrait trouver sa place dans les agendas 21 ».

325 Données recueillies en entretien. 326 Idem. 327 Selon un agent de l’ARS. 328 Selon un agent de l’AUAT. 329 Selon un agent du SCHS.

168

L’importance du PNSE a également été citée par un des acteurs interrogés, sans toutefois

surestimer l’importance de la règlementation en la matière : « Dans le PNSE, il y a une action qui vise à valoriser ou favoriser ces EIS. Mais, on voit qu’on n’en est pas encore à l’instaurer et à la rendre obligatoire. Et je verrais mal que ça devienne obligatoire dans un délai proche330 ».

330 Selon un agent de l’ARS.

169

La région Île-de-France

Nanterre Plaine Commune

Superficie du territoire : 12 011 km2

Plaine Commune : 47,4 km2 (9 communes)

Nanterre : 12,19 km2

Nombre d’habitants : 11 898 502 habitants (2012)

Plaine Commune : 411 367 habitants (2012)

Nanterre : 90 722 habitants (2012)

Capitale française, concentre les principales agences

de santé nationales (INPES) et ministères (DGS,

SGMAS)

170

L’EIS EN BREF

Localisation Communauté d'agglomération de Plaine Commune Projet concerné

3 projets de transport en commun : la Tangentielle Nord, le Tramway T8 Sud et la Gare Saint-Denis Pleyel (avec le franchissement Landy/Pleyel)

Composantes du projet évalué

Projet global de mobilité par rapport aux déplacements de la population sur le territoire

Type d’EIS

EIS de format intermédiaire, prospective ou concomitante selon les projets

Commanditaire

Communauté d'agglomération de Plaine Commune et ARS Île-de-France

Evaluateurs

ARS Île-de-France, ORS Île-de-France

Autres acteurs impliqués

INPES, IMPACT de l'Université de Liverpool, IAU, la RATP la SNCF, la Société du Grand Paris, le STIF, la DRIEA, les associations : Plaine Commune Promotion, Conseil de développement, Association des usagers de transport de Plaine Commune, Environnement 93, centre de ressources Profession Banlieue et CEREMA Lyon.

Influence d’expériences internationales

EIS suivant les valeurs du Consensus de Göteborg Soutien méthodologique du groupe IMPACT de l'Université de Liverpool

Méthodologie appliquée

Sélection des projets grâce à une méthode de modélisation de la préférence sur la base d'entretiens réalisés avec des informateurs clés (chefs de projets) Cadrage : définition du périmètre de l'EIS, de la population cible, des déterminants de la santé étudiés, du type de données utilisées Revue de littérature sur les liens entre transport en commun et santé Compilation de données statistiques existantes Analyse approfondie des projets, du profil des populations, de la mobilité actuelle et de l’accessibilité future, des données probantes issues de la revue de littérature et du recueil de la perception de la population

Durée

11 mois, de mars 2013 à mai 2014 (sans compter les phases de communication du rapport final et d'évaluation de l'EIS)

Budget

Estimé à 200 000 euros

171

Localisation Nanterre, projet « cœur de quartier » Projet concerné

Réhabilitation urbaine autour de la gare Nanterre-Université : construction de logements, services, bureaux, commerces. Emprise totale du projet : 3,5 hectares

Composantes du projet évalué

Formes urbaines, espaces publics, offre de commerce, traitement de la mixité sociale, continuité et cohérence urbaine

Type d’EIS

EIS complète et concomitante au montage et à la validation du projet

Commanditaire

Ville de Nanterre (direction de la santé)

Evaluateurs

Université de Versailles Saint-Quentin

Autres acteurs impliqués

EPADESA (aménageur), 50 habitants des cités Anatole France, Provinces Françaises et Terrasses 10 et 11, représentants d’amicales de locataires impliqués dans des projets communautaires avec une bonne connaissance des quartiers et le centre social de la Traverse

Influence d’expériences internationales

EIS suivant les valeurs du Consensus de Göteborg. Méthode Impact et Equiterre (lecture de rapport uniquement).

Méthodologie appliquée

Portrait du territoire et collecte de données probantes, Enquête qualitative auprès des habitants, Co-création (évaluateurs et porteurs de projet) d’une grille d’évaluation, Évaluation, délibération et recommandations, suivi de projet (en cours)

Durée

9 mois (mai 2014-janvier 2015)

Budget

Environ 15 000 euros

172

Le territoire d’Île-de-France (IDF) concentre de nombreuses initiatives pour la promotion de la santé dans toutes les politiques et à toutes les échelles de gouvernement. Que ce soit au sein des ministères, de leurs agences, des collectivités territoriales, voire auprès de certains universitaires, un réseau d’acteurs se forme autour de l’outil de l’évaluation d’impact sur la santé (EIS), dans une démarche stratégique pour faire peser davantage les problématiques de santé dans le débat public.

L’Île-de-France est la région la plus peuplée de France et concentre 12 millions d’habitants,

soit 18 % de la population française totale331. C’est une région qui connaît un fort développement dans un contexte de densité de population unique en France. De plus, les nombreuses migrations pendulaires quotidiennes liées à ce bassin d’emploi exceptionnel sont de vrais défis posés au politique et aux aménageurs. D’ailleurs, le territoire regroupe les plus grands projets d’aménagement et de développement d’infrastructures de transports du pays, alors que les enjeux de santé publique se multiplient (pollution atmosphérique, inégalités sociales et territoriales de santé, etc.). Il n’est ainsi pas surprenant que les EIS recensées sur ce territoire aient eu avant tout pour objet des projets d’aménagements et de rénovation urbains, ou des projets et des politiques de transport. L’objectif visé est de préserver ou d’améliorer la qualité de vie des populations concernées.

Plusieurs EIS ont été menées en Île-de-France mais toutes n’ont pas été abouties du point de

vue de la méthode. Nous en avons ainsi retenu deux dans le cadre de notre étude : l’EIS réalisée par l’ARS et l’ORS pour la Communauté d'agglomération de Plaine et celle réalisée par la ville de Nanterre. En effet, il s’agissait des évaluations les plus citées au cours des entretiens que nous avons réalisés. Elles nous ont parues incontournables de par le fait qu’elles présentaient l’avantage d’intégrer l’ensemble des étapes de la démarche telles qu’elles étaient ressorties de notre revue bibliographique.

Par ailleurs, deux autres évaluations menées par l’ORS ont eu lieu en IDF, à savoir : « Les

avantages sanitaires de la pratique du vélo dans le cadre des déplacements domicile-travail332 », et « Les bénéfices et les risques de la pratique du vélo, évaluation en Île-de-France333 ». Bien que l’auteure se soit formée à la démarche de l’EIS et s’en soit inspirée, les deux évaluations ne sont pas publiées en temps qu’EIS car elles n’ont pas intégré la dimension de participation citoyenne pourtant centrale dans la « philosophie » sous-tendant l’EIS. C’est pourquoi, leur mise en place ne sera pas davantage détaillée dans le présent rapport. Toutefois, nous avons pris soin d’intégrer la vision de l’ORS sur les EIS et, de manière plus générale, le point de vue des différents acteurs institutionnels promouvant la démarche des EIS au niveau national et régional.

331 INSEE, données de 2013. 332 Cf. un rapport réalisé pour la Coordination Interministérielle pour le Développement de l'Usage du Vélo, Corinne Praznoczy, 2013, 31 pages. 333 L’étude publiée en septembre 2012 par l’ORS Ile-de-France avait pour objectif de faire le point sur les bénéfices et les risques sanitaires de la pratique du vélo en Ile-de-France, qu’ils soient individuels ou collectifs (effets sur la santé de l’activité physique, accidentologie, diminution de la pollution atmosphérique, du bruit…), à partir de scénarios d’évolution de la pratique du vélo établis en collaboration avec les décideurs. Cette étude est associée au projet européen TAPAS et a été intégrée dans les actions du défi 4 «Donner un nouveau souffle au vélo» du Plan de déplacements urbains de la Région Ile-de-France (PDUIF). Cf. POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE - NUMÉRO SPÉCIAL - NOVEMBRE 2012.

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I. NOTRE METHODE D’ENQUETE

A. Tableau des entretiens réalisés

ORGANISME DESCRIPTION DE L’ORGANISME

DIRECTION CONTACTEE

ARS Île -de-France Agence Régionale de la Santé Pôle Besoins, Réduction des Inégalités, Territoires :

- 2 Chargés de mission EIS

DGS Direction Générale de la Santé Mission prospective et recherche : - Chef de mission - Chargé de mission

DRJSCS IDF Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la

Cohésion Sociale

Chargée de mission promotion de la santé

IAU Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France

Service transport (2 personnes)

INPES Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé

Chargée d’expertise scientifique en promotion de la santé

ORS Observatoire Régionale de la Santé en Île-de-France

Chargée d’études

SGMAS Secrétariat Général des Ministères chargés des Affaires Sociales

Médecin en santé publique

SNCF Société Nationale des chemins de fer français

Responsable des relations institutionnelle de la région Paris Nord

Université Liverpool Groupe IMPACT de l’Université de Liverpool

Enseignante-chercheuse

Université de Versailles St Quentin en Yvelines

Laboratoire de recherche Culture Environnement Arctique Représentation et Climat

Enseignante- chercheuse rattachée au laboratoire CEARC (ancienne chargée

d’étude à l’ORS IDF)

Etudiant en thèse au laboratoire CEARC

Université de Versailles St Quentin en Yvelines

Master Science de la santé, de l’environnement, du territoire

Enseignant-chercheur au laboratoire CEARC et Directeur de master

Ville de Nanterre Direction de la santé Coordinatrice EIS (étudiante à l’UVSQ)

Ville de Nanterre Conseil municipal Élu délégué à la Ville Universitaire (ancien élu à la santé), Président de l’association

Élus, Santé Publique et Territoires

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B. Les étapes de l’étude

Phase préparatoire : de septembre à décembre 2014

Après avoir mené une recherche sur les différentes EIS réalisées en Île-de-France, nous nous sommes centrés sur l’EIS de Plaine Commune. En effet, cette dernière est la plus importante du territoire en termes de budget et d’acteurs mobilisés. Qui plus est, elle a été réalisée dans le but de promouvoir la démarche. Ainsi, cette évaluation a bénéficié d’une campagne de communication importante, tandis que les ressources documentaires334 concernant cette EIS sont nombreuses et facilement accessibles. C’est notamment le rapport final qui nous a servi de base afin de cibler et contacter les principaux acteurs impliqués, mais aussi de comprendre fonctionnement précis de cette EIS.

En complément de tout cela, certains auteurs (contactés au cours de nos recherches bibliographiques) nous ont fournis de nouveaux contacts nous permettant ainsi d’étoffer la liste d’acteurs référents sur cette EIS et d’affiner notre analyse. Ainsi, cette liste d’acteurs comporte désormais l’ancienne chargée de missions EIS à l’ORS IDF, des élus, des ministères déconcentrés et l’université de Versailles St-Quentin qui nous a appris qu’une EIS était en cours de réalisation à Nanterre. Moins médiatisée, il nous a fallu mener un important travail d’enquête sur cette EIS afin de récolter autant de témoignages que possible (à la différence de l’EIS de Plaine, l’analyse sur l’EIS de Nanterre se base donc largement sur les entretiens que nous avons réalisés).

Enfin, étant donné la place centrale du territoire Île-de-France dans le paysage politique français, nous avons cherché à contacter les acteurs nationaux susceptibles d’être mobilisés sur la démarche d’EIS : la DGS, l’INPES, l’EHESP et l’association « Élus, santé publique & territoires ».

Campagne d’entretiens : de mi-décembre 2014 à début mars 2015

D’un point de vue méthodologique, les entretiens qui ont duré entre 40 min et 1h15, ont été réalisés à partir d’une grille de questions communes au territoire français et définies à l’avance. Cependant, cette grille a été adaptée au fil de notre enquête, avec l’obtention de nouvelles informations venant confirmer ou infirmer nos hypothèses de départ. Dans l’ensemble, le taux de réponse à nos demandes d’entretien est assez élevé : sur vingt-quatre acteurs contactés, seules sept nous ont laissés sans nouvelles ou nous ont redirigés vers d’autres acteurs. Au total, nous avons réalisé 15 entretiens en Île-de-France, parfois avec plusieurs interlocuteurs simultanément.

334 Disponible essentiellement sur le site de l’ARS Ile-de-France : http://ars.iledefrance.sante.fr/Transports-en-commun-et-sante.177130.0.html et sur la présentation « Mise en place d’une démarche EIS sur des projets transport à plaine commune” lors du colloque “Dynamiques urbaines et enjeux sanitaires », du 12 septembre 2013 (Université Paris Ouest – Nanterre la Défense).

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Analyse des entretiens : de février à avril 2015

Dix-sept acteurs ont été interrogés par entretien téléphonique entre novembre 2014 et mars 2015. Si leurs profils sont variés, un certain nombre d’occurrences apparaissent et permettent d’établir des catégories. Ainsi, la plupart des acteurs proviennent d’une structure publique ou remplissant (avec) une mission de service publique. L’université est également très présente, avec des professeurs et des étudiants dans le domaine de la santé, de la santé publique et de la santé environnementale.

Pour ce qui est de l’éventuel emploi des EIS par des cabinets de conseil ou des bureaux

d’études, une seule personne travaillant dans une telle structure a été contactée, en raison du poste qu’elle occupait à l’ORS IDF au moment de la réalisation de l’EIS de Plaine Commune. Ce n’est donc pas en sa qualité de consultante que nous nous sommes dirigés vers cette chargée d’études, sachant par ailleurs que la démarche d’EIS ne semble pas encore suffisamment développée pour être susceptible d’intéresser des bureaux d’études.

D’autre part, les acteurs privés que nous avons interrogés étaient moins concernés par la démarche d’EIS (considérée comme trop éloignée de leurs préoccupations quotidiennes et de la palette d’outils qu’ils emploient habituellement). Nous noterons finalement dans notre panel d’acteurs interrogés « l'absence » pour ce territoire des agents des services administratifs et techniques des communes ayant mis en place une EIS. Cela s’explique par notre difficulté à les contacter, soit parce que nous n’avons pas obtenu les coordonnées des acteurs impliqués, soit parce qu’elles n’ont pas donné suite à nos demandes.

Concernant les compétences et les parcours des acteurs interrogés, la plupart des interviewés bénéficient d’une expérience (formation initiale, emploi…) en lien avec le domaine de la santé (oude la santé publique), tandis que très rares sont les promoteurs de la démarche ayant un parcours relevant du domaine de l’urbanisme. De plus, nous avons noté au fil de nos entretiens que de nombreux acteurs promouvant la démarche d’EIS étaient passés au cours de leur parcours professionnel par différentes structures, ce qui a contribué à tisser des liens et à créer des ponts entre les diverses institutions relevant du domaine de la santé.

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II. LA MISE A L’AGENDA DE L’EIS

En Île-de-France, la Communauté d'agglomération de Plaine Commune et la ville de Nanterre comptent parmi les territoires ayant les plus importants projets d’aménagement en cours. A titre d’illustration, dix-neuf opérations d’aménagement étaient en cours à Plaine Commune pour l’année 2014, soit 2 500 000 m² de surface bâtie (entre logements, bureaux et locaux d’activité) créée à terme335. Par conséquent, le développement urbain a donné aux deux collectivités l’opportunité d’expérimenter l’outil d’EIS.

Cependant, les deux EIS conduites à Plaine et Nanterre ne sont pas les seules expériences de ce type en Île-de-France. En effet, à travers nos entretiens, nous avons pu retracer le parcours des acteurs ayant participé à « l’importation » de la méthode d’EIS sur le territoire national. Ainsi, peu après la promulgation d’une série de lois sur la santé,336 un groupe de travail informel s’est constitué, avec pour objectif de « réfléchir à ce qu’étaient les EIS et comment elles pouvaient se déployer en France337 »Bien que les membres de ce petit groupe se soient réunis indépendamment de leurs structures respectives, il y avait déjà les futures parties prenantes aux EIS mise en place en Île-de-France entre 2013 et 2015, à savoir : des agents de l’ORS et de l’ARS Île-de-France, des enseignants-chercheurs de l’Université Versailles St Quentin (UVSQ), des consultants, des agents de la Ville de Nanterre, le Secrétariat Général du Comité Interministériel des Villes et des élus à la santé.

A. Plaine Commune

a) Les caractéristiques du territoire

Plaine Commune - une communauté d’agglomération regroupant Aubervilliers, Epinay-sur-Seine, L’Ile-Saint-Denis, la Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains et Villetaneuse - est la première zone industrielle d’Europe, également en phase de reconversion puisqu’il s’agit du troisième pôle d’emplois tertiaires en Île-de-France (elle compte 155 000 salariés répartis entre 13 000 entreprises). Plaine Commune est un espace en pleine expansion économique, et le nombre d’emplois qui y sont proposés est supérieur à la population résidente en âge de travailler. Une double mobilité des travailleurs s’instaure donc : il faut à la fois des salariés venant d’autres communes pour pourvoir les postes offerts, mais il est également important de souligner qu’une part importante des emplois proposés ne correspondent pas aux qualifications professionnelles de la population locale. Les entreprises nouvellement installées recourent ainsi à des « transferts d’emploi » tandis que les salariés embauchés proviennent d’autres communes, voire d’autres départements de l’Île-de-France.

A Saint Denis, un actif sur trois travaille sur place, ce taux tombe à un pour cinq à Stains et à

un pour six à Villetaneuse. Cette inadéquation entre l’offre d’emploi et la qualification des habitants entraîne une forte mobilité domicile/travail. Les moyens de déplacement utilisés varient fortement selon le type de liaison et les catégories socio-professionnelles. Par ailleurs, le réseau de transport s’avère très déficitaire et, dans le contexte du développement de la Métropole du Grand Paris, d’importants projets d’aménagements visent sa densification.

335 www.plainecommune.fr 336 Loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ; Loi du 14 avril 2010, Hôpital, Patients, Santé et Territoires. 337 D’après le témoignage de l’ancien élu à la santé de Nanterre, qui faisait à l’époque partie de ce groupe.

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Le Projet Régional de Santé (PRS)338 de 2013-2017 prévoit, dans son troisième axe stratégique, de « conduire une politique de santé partagée avec tous les acteurs locaux, au plus près de la réalité des territoires ». Il prévoit également le développement de démarches et d’outils innovants au service de la lutte contre les inégalités de santé, « au premier rang desquels les évaluations d’impact sur la santé339 ». Cet axe entend ainsi agir sur les ISS en promouvant la démocratie sanitaire et en prenant en compte l’ensemble des déterminants de santé340. L’on assiste alors sur ce territoire à un contexte particulièrement favorable au développement d’expérimentations comme l’EIS.

Par ailleurs, dans le cadre du Contrat de Développement Territorial (CDT), le territoire de

Plaine Commune a été nommé comme « Territoire de la Culture et de la Création ». Il présente en effet l’un des plus forts potentiels de croissance et de développement de la métropole parisienne341. Cependant, malgré cette croissance économique, c’est aussi l’un des territoires les plus inégalitaires de la région. La population y est plus jeune avec un taux d’immigration plus élevé que la moyenne du département. Elle est aussi moins dotée en capital scolaire et rencontre des difficultés d’accès à l’emploi. C’est pourtant le second pôle universitaire (45 000 étudiants) d’Île-de-France mais, là encore, une part importante des étudiants vient d’autres communes ou départements. Dans ce contexte de forte mobilité, il faut désengorger et optimiser le réseau, tandis que les projets d’aménagement doivent être valorisés afin de rendre la région encore plus attractive et de permettre d’agir sur les inégalités présentes sur ce territoire.

b) La perception de la santé

A l’origine de l’EIS de Plaine Commune, on retrouve l’ARS Île-de-France. Son directeur de l’époque avait appris à manier cet outil suite à une formation au Québec et, intéressé par son potentiel, a souhaité le mettre à profit sur son territoire. On note ici l’importance de l’initiative personnelle en tant « qu’accélérateur de processus » pour l’implantation de la démarche d’EIS sur un territoire. Celle-ci fut ensuite relayée par le pôle « Besoin, Réduction des Inégalités, Territoires » de l’ARS, dans lequel nous retrouvons les trois acteurs les plus influents de la mise à l’agenda et de la réalisation de l’EIS étudiée ici, à savoir le directeur de service et ses deux coordinatrices. L’outil correspond en effet à la vision large de la santé promue par ce service et définie de la manière suivante dans le rapport final de l’EIS de Plaine: « L’état de santé des populations se caractérise par des interactions complexes entre différents facteurs individuels, socio-environnementaux et économiques, qui peuvent avoir une influence positive ou négative sur la santé et qui sont globalement désignés sous l’appellation de «déterminants de la santé ».

338La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009 a confié aux Agences régionales de santé la mission d’élaborer un Projet régional de santé (PRS) pour 5 ans. 339Synthèse du Projet Régional de Santé d’Île-de-France. 340 http://prs.sante-iledefrance.fr/wp-content/uploads/2013/09/PSR-2013-web.pdf 341 Laporte A. et Dubreuil M. (sous la dir.). Évaluation des impacts sur la santé de projets transport à Plaine Commune (93). Paris : Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, Observatoire régional de la santé (ORS) Île-de-France, synthèse rapport final mai 2014.

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La question qui se pose alors est : pourquoi avoir choisi Plaine Commune comme partenaire pour réaliser une EIS ? Cela s’explique à la fois par des considérations pratiques et stratégiques. La première d’entre elles, c’est que la communauté de communes se situe dans le département de Seine St Denis (93), l’un des territoires prioritaires en termes de lutte contre les inégalités sociales de santé pour l’ARS. De même, d’un point de vue pratique, il était important pour cette agence de pouvoir « expérimenter l’EIS sur un territoire assez vaste342 ». Enfin, la troisième raison invoquée est celle de l'existence préalable sur la commune d’une politique de santé centrée sur les inégalités, à travers les contrats locaux de santé qui préconisent entre autres la mise en place d’EIS. Dans ce cadre, trois études de faisabilité343 sur des projets d’EIS ont été réalisées sur la communauté d’agglomération de Plaine. Leur impact est cependant à relativiser fortement, comme le souligne notre interlocutrice de l’ARS lorsqu’elle affirme qu’ « […] elles ont juste permis de pas faire d’erreur dans la suivante : […] c’était un étudiant, ce n’était pas du tout adapté pour faire une EIS ». Cela ne l’empêche pas d’évoquer un peu plus loin l’importance d’autres dispositifs, comme les Ateliers Santé-Ville, qui ont permis l’émergence d’un climat propice au développement des EIS : « C’est une approche très participative, avec un diagnostic local participatif. C’est une vision de la santé large, c’est la mentalité propice à l’EIS ». Dans ce cas de figure, les politiques de santé mises en place au niveau local ont certainement joué un rôle d’acculturation des services aux questions de santé.

On le voit donc, un grand nombre de précautions ont été prises préalablement et un certain

nombre de calculs réalisés pour s’assurer de la pertinence de la mise en place d’un tel outil sur le territoire. Cela nous mène à une dernière considération pour ce qui est de la mise à l’agenda de l’EIS : la volonté de mieux connaître et de promouvoir cette démarche en France. En effet, il s’est agi de « faire une EIS “test”, à la fois une expérience pour voir exactement comment ça fonctionne et un modèle », nous confie la chargée de projet EIS de l’ARS.

Enfin, une attention particulière a été accordée à la formation des acteurs et à la

communication tout au long du processus. Ainsi, avant la mise en place de l’EIS, l’ARS a organisé plusieurs formations sur le sujet. Ces formations ont été réalisées par des chercheurs du groupe IMPACT de Liverpool et ont été financé par l’INPES. Elles se sont déclinées en 3 modules :

- ½ journée pour les acteurs souhaitant connaître la démarche ; - 1 journée pour les acteurs potentiellement intéressés pour la mettre en place ; - 4 jours pour les acteurs susceptibles d’être chefs de projet d’une EIS.

342 Entretien avec la chargée de mission EIS de l’ARS IDF. 343 Cette information nous a été donnée en entretien, nous n’avons pas eu accès aux études elles-mêmes.

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B. Nanterre

a) Les caractéristiques du territoire

Située aux portes de la métropole parisienne, avec pour principale interface le centre d’affaire de La Défense (144 600 emplois, 1er pôle d’emploi après Paris d’Île-de-France344), Nanterre se retrouve au cœur des projets du Grand Paris. C’est dans ce contexte que l'établissement public d’aménagement de la Défense Seine-Arche (EPADESA) a initié toute une série de projets de (ré) aménagement et de restructuration des axes de communication, dans un périmètre englobant les quartiers de l’Université et République de Nanterre345.

Les défis urbanistiques posés par l’espace se profilant dans l’axe de la Grande Arche de

l’esplanade de la Défense sont de taille. Le paysage urbain à Nanterre est marqué par d’importantes coupures urbaines dues aux infrastructures de transport (échangeurs, lignes du RER) mais également par une fragmentation fonctionnelle de l’espace346. A cet égard, on observe dans le quartier de l’Université une polarisation spatiale des flux de déplacements autour des équipements et des infrastructures suivants : l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, la Cité administrative, la Gare RATP et SNCF Nanterre Université. Pour autant, ces espaces sont peu reliés aux ensembles de logements à dominante sociale (les cités Marcellin Berthelot et Provinces françaises), certains étant concernés par des projets de rénovation. On retrouve les mêmes problématiques dans le quartier République, également desservi par la gare Nanterre Université. En effet, construite de manière provisoire en 1972, la réfection de la gare participe à l’ambition du projet Cœur de Quartier, conçu par l’EPADESA, de créer une « couture sociale 347 » entre les espaces fonctionnels cités ci-dessus : « En refaisant la gare on restructure le quartier », affirme l’Elu délégué à l’Université, que nous avons interrogé.

Face à ces bouleversements urbains, la perception des habitants quant à l’évolution de leur

quartier représentait un enjeu important pour les acteurs de l’EIS. Ainsi, l’ancienne chargée de mission EIS à l’ORS considère la rénovation urbaine comme « […] a priori positive [pour ce qui est de] la réhabilitation des logements, des tours HLM. Et pourtant parfois, même si objectivement les conditions d’habitation ne sont pas maximales, détruire un quartier pour le reconstruire ailleurs c’est détruire un microcosme qui fonctionne. [...] Deux mêmes actions sur deux quartiers n’auront pas les mêmes effets. Est-ce qu’on n’aura pas un impact plus négatif ? C’est le qualitatif [d’une méthode d’évaluation] qui peut le dire ». Ce point de vue est partagé par le responsable de l’enquête « habitants » réalisée dans le cadre de l’EIS de Nanterre : « Les populations vulnérables sont difficiles à toucher, se pose la question si elles sont capables de s'approprier leur cadre de vie : quelles sont leurs capacités de résistance ? ». Selon lui, l’objectif de l'EIS était de comprendre « […] comment la population à côté du projet de la municipalité de Nanterre allait réagir et qu'en pensait-elle ? La

344 En Ile-de-France, 39 pôles d'emploi structurent l'économie régionale, François Dubujet, Yoann Musiedlak (Insee Ile-

de-France), François Mohrt, Pauline Virot (Apur), lu le 20 mars 2015. (www.insee.fr). 345 Ce périmètre correspond à l’opération d’intérêt national (OIN) Seine-Arche qui prévoit que l’Etat conserve la maîtrise de la politique d'urbanisme en raison de son intérêt majeur. Pour ce faire, il confie cette mission à des établissements publics d’aménagement chargés, en lien avec les villes, de conduire les études d'aménagement et la programmation urbaine, d’acquérir et viabiliser les terrains (réalisations des réseaux, des espaces publics), de commercialiser les terrains, de monter et coordonner les opérations et d’aménager les espaces publics. Une fois sa mission achevée, le tout est rétrocédé aux villes qui en prennent la gestion (cf.www.epadesa.fr/). 346 Constat repris du Rapport Final EIS Cœur de quartier. 347 Ibidem

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question de l’équité n’est pas toujours évidente pour les municipalités, ni toujours bien comprise ou traitée ».

b) La perception de la santé

L’EIS du projet Cœur de quartier conçu par l’EPADESA est le fruit d’une double impulsion, avec d’un côté, la volonté des services de la municipalité et d’un de ses élus et, de l’autre côté, l’Université Versailles St Quentin.

Un engagement municipal de longue date pour la santé

En premier lieu, le rapprochement des services urbanisme et santé de la Ville autour des problématiques de santé, de bien-être et de développement durable, a motivé la décision d’expérimenter une EIS sur ce territoire. Nanterre présente par ailleurs l’originalité de bénéficier d’un important service de santé348,en grande partie dû à l’ancien élu en charge de celui-ci, qui fut également 1er adjoint au maire et qui occupe aujourd’hui le poste de président de l’association Elus, Santé Publique et Territoire : « Pendant neuf ans, on a essayé de mettre en place non pas que des actions de santé mais quelque chose qui soit une politique cohérente de santé au niveau local ». Dès l’après-guerre, la Ville s’est dotée de trois centres locaux de santé (ce qui correspond à 120 000 consultations par an349) : « Le soin n'est pas une compétence des communautés de communes, mais on a essayé de renforcer le lien entre les spécialistes de l'hôpital et les médecins de la ville ». Par la suite, le service de santé a mis en place en 2001 des Ateliers Santé Ville (ASV) et, en 2005, un observatoire local pour la santé a été créé. Ainsi, « il y a des outils, une réflexion, une envie de faire». Enfin, le service urbanisme de la Ville était particulièrement actif quant à l’intégration des principes du développement durable et notamment de la notion de bien-être dans les projets portés par la collectivité, à l’instar de la révision du Plan Local d’Urbanisme qui s’est basé sur l’Approche Environnementale de l’Urbanisme350.

De manière générale, les services de santé de Nanterre ont développé une approche

s’attachant avant tout à réduire les inégalités sociales en santé. C’est en ces termes que l’ancien élu à la santé nous a fait part de son point de vue sur cette question: « A partir du moment où d’une part le soin coûte de plus en plus cher, les dépenses de santé sont de plus en plus importantes; on passe des soins aigus à des maladies chroniques, qui nécessitent bien d’autres choses qu’un médecin, un malade, une ordonnance,... mais toute une organisation de prise en charge, en amont, en aval, etc. A partir du moment où la question de l’environnement devient une question majeure, évidement on s’interroge sur les questions de prévention de la maladie bien en amont de la prévention de la maladie elle-même, et on s’interroge sur les déterminants de la santé. A partir du moment où on s’interroge sur les déterminants de la santé, on se dit que ça serait bien de s’y intéresser avant pour prendre des décisions, plutôt que d’essayer d’évaluer à posteriori en quoi cette décision a pesé en bien ou en mal sur la population ».

348 Le service de la santé compte aujourd’hui environ 150 personnes dont un tiers est affecté au service de prévention et de santé publique par ailleurs évaluées par l’atelier santé ville et l’observatoire local de santé. 349 El Ghozi Laurent, « Les politiques municipales de santé publique », Les Tribunes de la santé 1/2012 (n° 34), p. 19-33. 350 L'Approche Environnementale de l'Urbanisme a été développée non seulement pour contribuer au respect des exigences réglementaires en matière d'environnement, mais surtout pour favoriser la recherche d'un mieux environnemental et énergétique dans les pratiques urbanistiques (Le Guide métrologique, ADEME). L’ADEME présente l’approche comme un outil d’aide à la décision, à la gestion de projet et à l’encadrement de la maîtrise d’ouvrage.

181

Un partenariat avec l’université

L’Université Versailles St Quentin (UVSQ) (78) a été sollicitée pour encadrer le projet du fait des compétences et de la connaissance sur les EIS qui s’y sont développées. De fait, deux chercheurs du laboratoire Cultures, Environnement, Arctique, Représentation, Climat (CEARC) ont fait partie du groupe de travail informel sur les EIS constitué dans les années 2000 et cité plus haut. De plus, le Directeur du Master en formation continue « Sciences de la Santé, de l'environnement, du territoire et de la société » a fait de cet outil d’évaluation un de ses objets de recherche universitaire et forme des étudiants à la démarche.

Interrogé sur sa vision de la santé, cet enseignant-chercheur, ayant également dirigé l’EIS de

Nanterre, a souligné le fait que « […] la santé permet de donner du sens au développement durable ainsi que de réduire les risques ». A la prévention des risques s’ajoute, selon un de ses doctorants, la possibilité « […] de comprendre en quoi un environnement va être perçu différemment par des populations ». Dès lors, l’EIS peut permettre de mettre en lumière un sentiment d’injustice et d’iniquité causé par certaines politiques publiques. Quant à l’étudiante qui a mis en place et coordonné l’EIS à Nanterre au sein du service de santé, cela justifie l’intérêt de la démarche car « […] si l’on est capable de mesurer les facteurs environnementaux sur la santé, reste les déterminants sociaux de la santé que l’on connaît mal et qui ne sont pas suffisamment pris en compte par les politiques publiques. […] L’objectif est d’améliorer la décision publique en prenant en compte les attentes du corps social ». Nous observons alors que la vision de la santé qui ressort du discours universitaire est systématiquement définie au regard de l’existence des inégalités sociales de santé, d’une équité et d’une justice environnementale peu prises en compte par les pouvoirs publiques, ce qui légitime à la fois les travaux de ces chercheurs et la nécessité d’apporter une aide aux décideurs.

La sélection d’un projet à évaluer

Les universitaires, tout comme les services de la mairie, n’ont pas fait valoir d’intérêt politique spécifique au projet d’EIS, mais plutôt sa dimension pédagogique : « […] Plus à titre d'exercice que pour véritablement vérifier les choses puisque le projet était bouclé, décidé, les travaux en cours, donc on arrivait un peu tard, mais c’était plus à titre d'exercice et d’exemple. De plus, il était relativement circonscrit […] »351. De fait, le projet Cœur de quartier piloté par l’EPADESA était déjà bien avancé lorsque le choix d’évaluer son impact sur la santé des habitants a été fait : « La marge de manœuvre concernait l’aménagement des espaces publiques, la proposition d’offres de commerce et d’animation en lien avec les habitants » (selon l’Elu délégué à la ville universitaire). Enfin, l’évaluation ne s’est pas circonscrite uniquement au périmètre du projet Cœur de quartier mais a inclus également dans son analyse l’aménagement de la nouvelle gare de Nanterre Université, la couverture d’une partie du RER A, la rénovation conduite sur la cité des Provinces Françaises et l’aménagement des Terrasses entre la Grande Arche à la Seine côté Nanterre.

351 Professeur universitaire à l’UVSQ.

182

L’objectif de l’EIS était double : conduire un processus ouvert permettant une montée en compétences de la municipalité sur les liens entre santé, bien-être et urbanisme, et donner à la ville de nouveaux moyens de réfléchir et d’exprimer ses attentes en matière de soutenabilité, d’équité et de bien-être dans les projets d’urbanisme en cours ou à venir352. Les maladies cardio-vasculaires, l’obésité, le diabète et la santé mentale avaient également été identifiées par l’observatoire local de la santé et le CCAS comme les principales problématiques de santé publique connues des populations résidentes.

L’évaluation de Cœur de quartier s’est donc concentrée sur cinq aspects : l’offre

commerciale, les espaces publics, les formes urbaines, le traitement de la mixité sociale et la continuité urbaine, susceptibles d’avoir un impact sur ces pathologies.

III. LA MISE EN ŒUVRE DE L’EIS

La mise en œuvre des EIS de Plaine et Nanterre a été faite suivant une méthodologie bien définie. Cependant, de par les spécificités propres à chacun des terrains, des adaptations ont été nécessaires. Nous présenterons ainsi le rôle des différents acteurs impliqués, puis nous reviendrons sur les spécificités méthodologiques de ces deux expériences.

A. Plaine Commune

a) Gouvernance et jeux d’acteurs

L’EIS de Plaine, d’une ampleur particulièrement importante, a mobilisé de nombreux acteurs aux différents stades du processus. Il s’agit alors de comprendre de quelle manière chaque acteur s’est investi dans cette démarche et avec quelles ressources.

Les commanditaires à l’origine de la mise en place de l’EIS

Ce sont la communauté d’agglomération de Plaine Commune et l’ARS-IDF qui sont à l’origine de l’EIS, qui « a commencé par des rencontres entre le Président de la communauté d’agglomération et le Directeur des services [de l’ARS] ». Il y eut une « première réunion en 2012 avec des gens de Plaine [où] on a désigné un référent ». D’autres réunions ont suivi « avec les personnes de l’écologie urbaine et de l’Agenda 21 [de la communauté d’agglomération de Plaine Commune]353 ». Les deux coordinatrices et responsables de l’EIS (de l’ARS et de l’ORS Île-de-France ) ont ainsi initié les premières étapes de sa mise en place avec les services techniques de Plaine Commune : « avec eux, on a défini le comité de pilotage ». Le CoPIL a permis, outre son rôle d’approuver le cadrage de l’EIS et le document final, d’intégrer dans le processus de décision tous les acteurs pouvant faciliter l’accès aux données nécessaires à l'EIS. Souhaitant utiliser l’EIS comme un outil d’aide à la décision, les évaluatrices ont essayé de mobiliser au maximum les élus, ce qui a engendré quelques difficultés : « On avait quelques élus dans le comité : l’élu au transport qui était toujours là, l’élu à la santé qui n’était pas toujours là, mais on l’a rencontré par ailleurs354 ».

352 Cf. le Rapport final EIS Cœur de quartier, p2. 353 Citations extraites d’un entretien avec la coordinatrice de l’EIS de Plaine. 354 Idem.

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Une équipe d’évaluation pluridisciplinaire

L’objectif de cette équipe était de mener le travail de recherche préalable et d’apporter les garanties scientifiques au projet. Par ailleurs, cette équipe, composée de huit membres aux compétences variées, s’est chargée de la mise en œuvre de l’EIS ainsi que de la remise du rapport d’évaluation final au CoPIL.

A la tête de l’équipe il y a avait les deux coordinatrices de l’ARS et de l’ORS Île-de-France.

Formées au préalable à la méthode d’EIS, elles ont fait en sorte que les connaissances et le savoir-faire de chaque acteur puissent s’articuler tout au long du processus. Elles se sont entourées de six autres acteurs du territoire afin de mener à bien cette évaluation de grande ampleur. Ainsi, pour la partie « recueil de données », les personnes de l’ORS se sont chargées des données relatives au profil des populations tandis que les deux chargés d’études de l’IAU ont analysés les données liées à la mobilité et à l’accessibilité. Concernant la participation citoyenne, plusieurs acteurs ont collaboré afin d’établir une méthode pertinente de consultation des populations impactées. Ces mêmes acteurs ont par ailleurs réalisé le travail d’empowerment355 nécessaire à la consultation des personnes les plus défavorisées et marginalisés. On trouve ainsi dans ce groupe le centre des ressources en politique de la ville de Seine-Saint-Denis Profession Banlieue, des représentants des services des trois villes sélectionnées, un représentant de la communauté d’agglomération en charge de la participation citoyenne et une chercheuse en sciences sociales sur les démarches participatives (CEREMA, Lyon)356.

Le Comité de pilotage décisionnaire

La gouvernance de l’EIS a été assurée par le comité de pilotage (CoPIL), seul décisionnaire. Il a guidé le déroulement de l’EIS, participant à la sélection des critères de choix des projets de transport évalués, sélectionnant un des scénarios d’évaluation réalisés par l’équipe d’évaluation et validant le cadrage donné à l’étude. La spécificité du COPIL de Plaine est qu’il comptait également des membres observateurs dépourvus de tout pouvoir décisionnaire, puisqu’ils ne participaient pas au vote. C’est le caractère expérimental et l’intérêt suscité par la démarche qui permettent d’expliquer cet élément.

Outre les commanditaires (à savoir, la communauté d’agglomération Plaine Commune et

l’ARS Île-de-France), le CoPIL comprenait : - les promoteurs des projets transport : la Société du Grand Paris, la SNCF, la RATP, le Syndicat

des transports d'Île-de-France (STIF), la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Équipement et de l'Aménagement Ile-de-France (DRIEA) ;

355 La notion recouvre des acceptions et s’opérationnalise de différentes manière, dans ce cas de figure nous nous référons à la définition utilisé par les coordinatrices dans le rapport de Plaine Commune, op.cit 356 Cf. Rapport final de l’EIS de Plaine Commune, op.cit. (voir la liste des contributeurs présentée en début du rapport).

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- les institutions intéressées par le développement de ces projets : la délégation territoriale de l’ARS en Seine-Saint-Denis357, le Conseil de Développement de Plaine Commune (représentants de la société civile358), le club des DRH de Plaine Commune Promotion359, l’association des usagers des transports de Plaine Commune et l’association de défense de l’environnement, Environnement 93.

Des financeurs impliqués et désireux de promouvoir la démarche

Au niveau national, l’INPES essaye de promouvoir la démarche d’EIS et de la rendre visible. Selon la chargée d’expertise scientifique en promotion de la santé qui a participé à notre enquête, l’INPES joue un « rôle de plaidoyer » de cette démarche auprès des colletivités, ce qui permet d’intégrer la « santé dans toutes les politiques » et d’atteindre l’objectif de réduction des inégalités sociales de santé. L’INPES n’a pas le rôle d’évaluateur : « ce ne serait pas possible au niveau national ». Cependant, cette institution a financé l’EIS de Plaine Commune et a participé à tous les CoPIL : « [notre] objectif était de voir comment ça se mettait en place, les dynamiques qui se mettent en place ». Toujours selon elle, « la question du financement est importante car cela peut être un frein à la mise en place de l’EIS. [...] Les collectivités n’ont pas toutes le financement et au Québec, par exemple, elles ne financent pas du tout ». En effet, dans le contexte actuel de restriction budgétaire pour les collectivités, la question du financement d’une EIS n’est pas anodine. Il arrive aussi que d’autres organismes apportent leur soutien à la mise en place des EIS, comme ce fut le cas de l’ARS-IDF qui a contribué au financement de l’étude et a mis à disposition des moyens humains. Cependant, pour la chargée d’expertise de l’INPES, même si « les ARS sont prêtes à soutenir financièrement des EIS », il ne sera pas possible « pour toutes les ARS de porter ces projets ». Le médecin en santé publique du SGMAS abonde en ce sens et souligne la « nécessité des logiques pluri-partenariales » afin de trouver des financements adéquats, comme cela fut le cas avec « l’INPES et l’ARS pour Plaine Commune ».

Transporteurs et aménageurs

Le temps imparti à notre enquête ne nous a pas permis d’entrer en contact avec tous les participants au CoPIL. Les aménageurs360 par exemple, - (la Société du Grand Paris et la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Équipement et de l'Aménagement Île-de-France (DRIEA-IDF)) ne font pas partie de la liste d’acteurs interrogés. Des sociétés de transport manquent également à l’appel, comme le Syndicat des Transports d'Île-de-France (STIF) et la RATP que nous n’avons pas été en mesure d’interroger. Nous ne pouvons donc pas rapporter les points de vue de ces acteurs, bien que certains d’entre eux aient parfois été cités dans nos entretiens. Nous nous sommes malgré tout entretenus avec le responsable des relations institutionnelles de la région Paris Nord361 de la SNCF qui a participé au CoPIL de l’EIS de Plaine

357 « [L’ARS] est représentée dans chaque département par une délégation territoriale. Ces délégations remplissent les missions de proximité de l’agence et sont en particulier l’interface locale des partenaires extérieurs (préfet, conseil général, établissements de santé etc.). Chaque directeur de délégation territoriale est membre du comité de direction de l’Agence ». Source : site internet ARS IDF : http://ars.iledefrance.sante.fr/Delegations-territoriales.125056.0.html 358 « Les Conseils de développement, ont vocation à faire participer la société civile aux projets de territoire des Agglomérations et des Pays ». Source : site de la communauté d’agglomération de Plaine Commune http://www.plainecommune.fr/ 359 Plaine Commune Promotion est une association regroupant des entreprises et collectivités territoriales du territoire. 360 On entend par « aménageurs » les maîtres d’ouvrage, publics ou privés, qui sont en charge de la recherche, de l’étude, de l’acquisition, de la viabilisation et de la vente des terrains urbanisables. 361 Un des districts administratifs utilisés par la SNCF pour découper le territoire de la région Île-de-France.

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Commune. Pour cet acteur, la démarche d’EIS fut une découverte : « je croyais que l’EIS de Plaine était la première EIS française ». Il a été contacté par l’ARS et Plaine Commune alors que le projet venait d’être approuvé. Les agents de la SNCF n’avaient donc pas d’attente particulière quant à cette démarche qu’ils qualifient d’« insolite ». L’acteur interviewé s’interroge en effet sur la nécessité de mettre en place une EIS considérant celle de Plaine Commune quelque peu « redondante avec [leurs] préoccupations déjà existantes pour la santé », et insistant sur les spécialistes et l’expérience de la SNCF en la matière : « tout ce qu’ils demandaient, nous, on l’avait prévu ».

Par ailleurs, cet acteur s’interroge sur le choix des projets évalués : « on s’attendait à ce que ce soit plutôt le transport routier qui fasse l’objet d’une évaluation, il me semble quand même que c’est ce qui a le plus d’impact ». L’évaluation portant exclusivement sur les transports en commun, le responsable de la SNCF avait « […] insisté pour que soit retenu le projet de la Halte de la Tangentielle Nord”, ce qui a été d’ailleurs le cas. En effet, sa réaction montre à quel point il est important d’intégrer toutes les parties prenantes du CoPIL dans la sélection et le cadrage du ou des projets évalués. Cela permettrait à la fois d’éviter certaines frustrations ou incompréhensions de la part des acteurs impliqués tout en garantissant une meilleure réceptivité des résultats produits.

Enfin, le responsable de la SNCF que nous avons interrogé considère que « la mise à l’agenda

de l’EIS n’est pas du ressort de la SNCF, parce que [cette institution] n’est pas le décideur final des projets ». Il a néanmoins manifesté son intérêt à participer à d’autres démarches de ce type, même si « [il] ne sait pas du tout comment ». En effet, l’EIS a été « appréciée par la Direction Développement Durable [de la SNCF]».

Les associations, représentants d’usagers et de la société civile

Une des spécificités de l’EIS de Plaine Commune mises en avant par de nombreux acteurs interrogés est la place importante accordée à la consultation citoyenne. La coordinatrice de l’ARS définit en effet cette démarche à travers deux caractéristiques : « L’EIS est très focalisée sur les ISS tant dans sa définition que dans sa méthode. Elle implique une participation citoyenne. […]C’est ça qui la différencie de l’EIE”. Pour ce faire, les évaluatrices et les membres du CoPIL ont souhaité produire une expertise « profane » nécessaire à la formulation des recommandations au même titre que l’expertise dite scientifique. En effet, la première est plus centrée sur un « savoir-faire expérimenté » alors que la seconde doit permettre de faire ressortir les besoins et les considérations des habitants concernant leur cadre de vie. La coordinatrice de l’EIS de Plaine affirme ainsi que « ce qui fait la force de l’EIS, c’est le croisement entre les données scientifiques - revue de littérature, indicateurs locaux récoltés - et la prise en compte du cadre de vie spécifique des usagers/bénéficiaires. Sinon, il y a le risque de passer à côté de certains sujets, et donc aussi des inégalités sociales de santé, car les enjeux sont différents selon les populations ».

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Autre point, la participation citoyenne, en allant rechercher des populations « peu politisées » rempli aussi une mission de sensibilisation aux enjeux politiques et montre que cela peut aussi être l’affaire de tous. Cette étape permet d’informer les personnes concernées de l’existence de nouveaux projets, de faire émerger les liens entre la santé et les transports et finalement de sensibiliser à la capacité d’action individuelle et collective sur les politiques publiques, ici de transport. L’évaluatrice parle en ce sens « d’empowerment des populations », et voit l’EIS comme un moyen d’aider des populations à agir sur leur environnement.

Enfin, tous les auteurs interrogés s’accordent sur l’importance de cette partie du processus.

Pour les salariés de l’IAU ayant pris part à la démarche, c’est « fondamental. C’est sans doute le point fort ». Pour eux, c’est là que réside le véritable intérêt de l’EIS, de plus cela « permet de voir des problèmes auxquels on n’aurait pas pensé. C’est vraiment l’apport qu’il faudrait refaire. Le responsable des relations institutionnels de la SNCF présent lors de la restitution, souligne qu’ « [il] a senti qu’il y a eu une implication, de vraies questions ont été posées ».

b) Retour critique sur les points clefs de la méthodologie

L’EIS mise en place sur trois projets de transports à Plaine a été réalisée selon la méthodologie IMPACT362. Les acteurs n’ont donc pas cherché à mener une action réflexive autour de la démarche d’EIS mais ont suivi les étapes « classiques », préexistantes dans les guides étrangers. Plutôt que de reprendre une par une ces différentes étapes, nous présenterons quatre moments clefs sur lesquels les acteurs sont particulièrement revenus au cours des entretiens, à savoir la formation à la méthodologie de l’EIS, la définition du comité de pilotage, l’accès aux données et la participation citoyenne.

Le soutien méthodologique

Étant donnée la nouveauté de la démarche en France, un soutien méthodologique était nécessaire pour mener à terme l’EIS de Plaine Commune, comme nous l’a affirmé la coordinatrice de ce projet : « Pour faire une EIS, il faut en avoir déjà fait une et donc être accompagné pour la première ». Toute l’équipe de Plaine a ainsi été formée par le groupe IMPACT de l’université de Liverpool, à travers cinq séances de formation-action réparties sur toute la durée de l’EIS. Mme Hilary Dreaves de l’Université de Liverpool a personnellement suivi cette démarche tout au long du processus. L’on constate alors qu’il existe un réseau international de soutien aux EIS cherchant à faciliter l’acculturation à l’emploi de l’outil et son utilisation par les acteurs impliqués. En France, les acteurs institutionnels travaillant à l’échelle nationale comme la DGS ou l’INPES, ont également été initiés à la démarche par les membres du Centre de Collaboration Nationale des Politiques Publiques en Santé (CCNPPS) du Canada363.

362 Méthode développée par l’université de Liverpool (cf. la partie III du présent rapport : Institutionnalisation des EIS à l’étranger/ B. L’Angleterre). 363 Information recueillie durant les entretiens.

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Définition du comité de pilotage

La mise en place du CoPIL de Plaine Commune ressort comme l’une des étapes clefs de l’EIS menée sur ce territoire. En effet, il est primordial de réussir à rassembler les bons acteurs pour que les recommandations soient véritablement co-construites et, de ce fait, soient collectivement acceptées : « Il faut les bonnes personnes autour de la table, sinon c’est une étude comme une autre » (selon la coordinatrice de l’EIS). Le rôle des commanditaires et des évaluateurs est alors en premier lieu de convaincre les personnes-clefs de s’impliquer dans l’EIS. Pour cette étape délicate, les évaluateurs doivent parfois mobiliser les appuis et soutiens politiques.

Pour illustrer nos propos, nous reprendrons l’exemple donné en entretien par la

Coordinatrice de l’EIS, qui s’est exprimée au sujet de la participation du Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF) au comité de pilotage de Plaine364 : « Le plus compliqué au début, c’était avec le STIF qui a été très réticent, ils n’avaient pas très envie d’être dans le CoPIL. Ils ne comprenaient pas très bien ce qu’on voulait faire, sachant qu’ils venaient de réaliser une évaluation d’impact environnementale et ne voyaient pas très bien ce qu’on allait apporter de plus. On a eu du mal, comme à chaque fois qu’on écrivait au Président du STIF, il redescendait l’invitation au service des études alors que cela aurait dû rester au niveau décisionnel, il disait : « Mais nous, qu’est-ce qu’on a à y faire ? ». Finalement, il a fallu des appuis politiques pour qu’ils viennent, parce que sans eux, cela aurait été un peu difficile de faire cette EIS ». Plusieurs éléments ressortent alors de ses propos : la difficulté à convaincre les partenaires de l’utilité de l’EIS, l’importance d’une intervention politique et la place primordiale du Syndicat des Transports qui décidera en dernier ressort de la mise en œuvre du projet.

Accès aux données

L’EIS de Plaine Commune a eu recours à une analyse quantitative des données, ce qui permet notamment de réaliser un cadrage socio-démographique du territoire étudié. Plus exactement, ces données chiffrées permettent de situer la commune dans un environnement plus global (département, région) et soulignent également ses spécificités. L’accès à ces données peut parfois être un frein à la bonne réalisation du projet, plus particulièrement à l’échelle fine d’une commune produisant moins de statistiques nécessaires à la mise en place d’une EIS. Cette étape de cadrage, très importante dans le processus d’une EIS, a pu être réalisée dans le cas de Plaine Commune grâce à la participation de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme (IAU) d’Île-de-France, comme nous l’a expliqué un de ses agents: « On a aidé l’ORS à faire le cadrage socio-démographique. Nous avions l’accès aux données, c’est assez important pour dégrossir les données, il faut des indicateurs pertinents ». Par ailleurs, le même agent de l’IAU s’est exprimé sur l’importance du travail partenarial entre les divers acteurs impliqués dans la démarche : « On travaille régulièrement ensemble. Et cette manière de monter des partenariats, on le fait très souvent au quotidien ». Cette habitude de travailler en partenariat et d’associer différentes thématiques à l’urbanisme, comme l’environnement, apparaît en effet comme l’une des clefs de réussite de l’intégration de l’IAU dans le projet.

364 La composition du comité a été décidée par les évaluatrices, le Président de la communauté d’agglomération de Plaine, le Directeur des services et les membres du Service de l’écologie urbaine.

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Participation citoyenne

La partie consacrée à la participation citoyenne a fait l’objet d’une attention toute particulière à Plaine Commune, comme le souligne la chargée de projet EIS de l’ARS : « l’idée était de faire une vraie participation citoyenne. [...] On voulait s’adresser aux personnes qui n’avaient pas l’habitude d’être dans les groupes [de consultation], qui n’ont pas l’habitude de parler en public ». Cette phase de l’enquête fut particulièrement approfondie et une partie de l’équipe d’évaluation365 y était explicitement affectée. De plus, deux spécialistes de la participation citoyenne366 ont été sollicités sur le sujet.

Organiser une participation citoyenne d’ampleur n’est cependant pas chose aisée et l’équipe

a dû faire face en ce sens à un certain nombre de difficultés. Elle s’est d’abord tournée vers des structures locales qui menaient déjà des actions de participation avec les habitants. La coordinatrice de l’EIS de Plaine affirme cependant que « les démarches de démocratie locale participative peuvent être un frein à l’organisation de la participation citoyenne ». En effet, le partenariat n’a pas abouti car les membres d’associations locales étaient réticents à la démarche. En effet, mobiliser les populations les plus marginalisées est une difficulté que certains acteurs peuvent considérer comme insurmontable.

L’équipe d’évaluation a alors changé de stratégie : « Nous, on les a laissé tomber et on est

allé voir directement les associations »367, avec plus de succès cette fois-ci. Des entretiens et des focus-groupes ont pu être mis en place. Les populations ciblées concernaient les riverains et les usagers actuels ou futurs des installations de transports. Une attention toute particulière a été portée à la population identifiée comme la plus vulnérable. La coordinatrice souligne à ce sujet l’investissement de l’équipe tout au long de la démarche pour récolter et restituer une parole citoyenne la plus fidèle possible : « On s’est déplacé, on a fait des focus-groupe au plus proche. Et pour les réunions de co-construction, on est allé les chercher pour les amener dans les lieux. Ça prend du temps si on veut le faire bien ». Enfin, le dernier point issu de nos entretiens, laisse entendre le fait que les habitants ont aussi été

sollicités pour la restitution finale de l’EIS, plus précisément « [...] les habitants qui étaient contents

et qui avaient été invités. Cette réunion de restitution avait été centrée sur le fait que les habitants

allaient pouvoir interpeller les décideurs et les transporteurs » (selon la Coordinatrice de l’EIS).

365 Selon un entretien réalisé avec la chargée de mission de l’EIS, ce comité était composé de : la Directrice de profession banlieue un centre de ressource de la ville (axé sur la participation citoyenne), une personne ayant réalisé sa thèse sur le sujet, la personne en charge de la participation citoyenne à Plaine Commune et les représentants des politiques de la ville des communes sélectionnées. 366 Tous deux rédacteurs du rapport « Pour une réforme radicale de la politique de la ville », remis au ministre de la ville M.Lamy en 2013. Ce rapport propose un bilan général de la participation citoyenne aujourd’hui en France. 367 Selon la Coordinatrice de l’EIS.

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B. Nanterre

a) Gouvernance et jeux d’acteurs

L’EIS de Nanterre n’a été possible que grâce à la mobilisation conjointe de plusieurs groupes d’acteurs qui se sont rencontrés, associés et parfois concurrencés. Certains d’entre eux n’ont pas souhaité être associés au projet ou se sont très peu investis dans sa réalisation. C’est cet engagement et ce désengagement des acteurs qui vont être analysés ici, pour voir comment s’est construit un jeu d’acteurs complexe autour du projet.

Les coordinateurs

L’EIS a été mise en place par une chargée de mission de la Direction de la santé de la Ville, recrutée dans le cadre de son stage de fin d’étude d’une durée de neuf mois. Elle avait préalablement reçu une formation sur la méthode d’EIS dans le cadre du Master « Sciences de la santé, de l'environnement, du territoire et de la société» suivi à distance et proposé par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). Par ailleurs, un autre diplômé du même Master est intervenu dans le cadre de sa thèse en justice environnementale pour mener l'enquête auprès des habitants. Enfin, le Directeur et responsable de ce Master a également suivi de près la réalisation du projet, complétant ce panel de compétences universitaires. Ces trois acteurs se sont en effet révélés très impliqués tout au long de la démarche. Porteurs du projet, ce sont eux qui ont proposé une méthodologie pour l’EIS et l’ont adaptée aux spécificités du terrain.

Les évaluateurs : les services administratifs de Nanterre

L’EIS a été impulsée par le Service de santé de la Ville qui disposait déjà d’une longue expérience dans la promotion de la santé au niveau local. Cette démarche a permis d’associer quinze agents issus de sept directions de la ville : la Direction de la santé, la Direction de l’aménagement et du développement, la Direction de la tranquillité urbaine, la Direction de l’environnement, la Direction de l’infrastructure, la Direction de l’action sociale et la Direction de la vie citoyenne. Lors de nos entretiens, le rôle joué par ces différentes directions a été mis en avant par un universitaire présent lors de la réalisation de l’EIS de Plaine : « C’est rarement au niveau des élus que ça se passe. Ils ont un intérêt lointain. Ça vient des services, quand cette culture s’installe, elle remonte aux élus ». Pour la coordinatrice de l’EIS, la présence et l’implication des services administratifs de la Ville font toute la spécificité de cette EIS : « Nous, [l’équipe de l’Université Versailles St Quentin] n’avons pas été là que comme un bureau de consultants, mais nous avons voulu intégrer tous les services de la ville. Ils ont participé à l'élaboration d'une grille d'évaluation multicritères et ont évalué le projet en suivant ces critères. Or, cela n’arrive pas souvent qu’un comité technique évalue un projet de A à Z ».

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Les élus de la Ville et les élus de quartier

En dehors de l’engagement personnel de l’ancien élu à la santé, les autres élus de la Ville n’ont pas été à l’origine de l’EIS et n’y ont pas réellement participé. Les élus de quartiers, quant à eux, ont également été invités à intervenir dans la démarche, sans suite de leur part. Ainsi, les évaluateurs de l’EIS ont dû se tourner vers les chefs de quartiers pour mener à bien leur travail368.

Enfin, cette difficulté à mobiliser de façon régulière les acteurs impliqués dans le projet s’est ressentie également dans le mode de fonctionnement du CoPIL : « C'est là que ça a pêché, moi, j'étais gênée car nous avions un comité de pilotage flottant, à géométrie variable. Ce n’était pas les même élus, directeurs, directeur général administratif, je ne referai plus ça ! Cela ne m’a pas facilité la tâche, sinon cela aurait été un engagement plus fluide et clair des élus si cela avait été arrêté » (selon la Coordinatrice de l’EIS de Nanterre).

Les aménageurs

Une autre difficulté soulevée par les acteurs interrogés a été le manque d’intérêt dont a fait preuve l’aménageur EPADESA lors de la mise en place de l’EIS. Cela s’est traduit notamment par le fait que c’est le responsable du développement durable de l’EPADESA et non le chef de projet qui était en charge du dossier. De plus, sa participation au CoPIL s’est faite en tant qu’observateur, sans apport ou implication réels de sa part dans l’évaluation du projet. Cette relative « absence » de l’aménageur a été regrettée par les autres acteurs, comme nous l’a affirmé l’Elu délégué à la Ville Universitaire que nous avons interrogé : « […] Enfin, même si les services santé et urbanisme ont été volontaristes et étaient impliqués, l’aménageur in fine c’était l’établissement publique d’aménagement EPADESA [qui] regardait ça de loin et avec une certaine suspicion ».

L’ARS

L’ARS n’a pas été associée au projet, bien que contactée au départ, si l’on croit aux dires de la coordinatrice de l’EIS qui affirme à ce sujet que : « [l’ARS] a été associée dans un sens mais pas suffisamment....ils n’ont pas été motivés, n’ont pas donné de financement ». Toutefois, lors de la récolte de données probantes afin de réaliser le diagnostic du territoire, l’ARS a fourni quelques statistiques qui n’ont pas pour autant été exploitées, car jugées insuffisamment fines en comparaison avec les données proposées par l'observatoire local de Santé. Cependant, la chargée de mission de l’ARS nous a confié en entretien ne pas avoir été sollicitée pour la réalisation de l’EIS, s’agissant, selon elle, d’une « chasse gardée » de l’UVSQ. Nous ne sommes pas en mesure dans le cadre de notre analyse de savoir ce qu’il en est réellement. Cependant, il nous semble que ces différentes positions de la part des acteurs interrogés illustrent la compétition qui s’installe autour de la définition et de la mise en œuvre des EIS sur le territoire.

368 Les chefs de quartiers sont des personnes en charge d’informer les élus des quartiers de ce qui s’y passe au quotidien.

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b) Retour critique sur les points clefs de la méthodologie

Comme dans le cas de Plaine Commune, nous ne reviendrons ici que sur les points saillants de la démarche d’EIS, perçus comme positifs ou négatifs par les acteurs que nous avons interrogés.

Choix de la méthodologie

Ce que nous avons retenu des différents entretiens réalisés auprès des acteurs ayant participé à l’EIS de Nanterre (équipe pilote et élu), c’est que la méthode employée est avant tout considérée comme exploratoire. L’on apprend alors à ce sujet que la chargée de projet de la mairie de Nanterre « a fait avec la philosophie générale », en s’inspirant de plusieurs guides sur les EIS369 et des retours d’expériences et en ajustant au mieux la méthodologie aux objectifs définis au sein de l’équipe pilote : « La philosophie de s’appuyer sur la vision des habitants, on l’avait déjà clairement en tête. L’étude de ce qui s’est fait à Bilbao, avec des entretiens auprès de la population locale, nous a confortés dans l’idée d’en mener une, mais surtout nous a aidé à décider comment exploiter les entretiens réalisés et comment les intégrer dans l’EIS » (selon la Coordinatrice de l’EIS).

Sélection du projet

Cette étape est la plus déterminante dans la conduite d’une EIS, en ce qu’elle délimite les possibilités de réorientation du projet évalué. Si, comme à Nanterre, la finalisation des plans et la consultation publique du projet ont déjà eu lieu, la marge de manœuvre pour modifier la décision de l’aménageur - quels que soient les impacts sur la santé mis en lumière - est fortement réduite : « L’EIS de Nanterre avait ses limites, d’abord le fait que le territoire soit réduit, qu’on soit sur un projet déjà décidé et que les marges de décision soient donc très limitées, réduites », affirme l’Elu délégué à la Ville Universitaire.

Par conséquent, il nous semble important de souligner combien l’étape de sélection du projet

relève d’une décision politique. Dans le cas de Nanterre, le projet « Cœur de quartier » est porté (politiquement) au plus haut niveau par le cabinet du maire (celui-ci étant par ailleurs le Président de l’EPADESA). Dès lors, « […] faire la preuve qu’il y a des liens entre des indicateurs sanitaires, voire de morbidité, et ce qu’ils [les aménageurs] ont construit, c’est difficile » (selon l’Enseignant-chercheur de l’UVSQ).

Collecte de données probantes

L’échelle des données est considérée par la coordinatrice de l’EIS de Nanterre comme un des points les plus problématiques pour la bonne conduite d’une EIS : « Le niveau national ne correspond pas au découpage physique des quartiers. Dans les observatoires locaux on trouve beaucoup d’indicateurs, mais pour un projet à une échelle relativement fine, il faut croiser des données ». Les données probantes récoltées pour l’EIS de Nanterre ont été apportées en grande partie par le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) et l’Observatoire local de santé : « Beaucoup de collectivités ont mis en place un observatoire et sont capables de générer une base de données à une échelle pertinente » (selon cette même personne responsable de l’EIS de Nanterre).

369 La revue bibliographique concernant la méthodologie des EIS s’est basée sur le Guide Merseyside (Méthode Impact de l’Université de Liverpool), le guide de la plate-forme EIS d’Equiterre (Suisse) et 10 rapports d’EIS dont celui de Plaine Commune et de la crèche Pontchaillou (Rennes). Une attention particulière a été accordée aux points suivants : le temps de réalisation de l’EIS, les services impliqués et la manière de procéder à l’évaluation (collective ou non).

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Enquête auprès des habitants

L’idée de réaliser une enquête auprès des habitants a été soumise par la coordinatrice de l’EIS et un doctorant de l’UVSQ, lequel fut par la suite mobilisé afin de la mettre en place. Leur objectif était de « démontrer que les résultats de l’EIS en étaient plus tangibles, il ne s’agissait pas de faire du bruit ou du buzz ».

Dans le même temps, la volonté de mener cette enquête est liée au postulat de départ, selon lequel « la question de l’équité n’est pas toujours bien traitée par les municipalités. La question n’est pas forcément traitée en urbanisme ; le technicien se base sur un citoyen lambda avec un certain nombre de services, il ne prend pas en compte les attentes des populations spécifiques» (selon le Doctorant de l’UVSQ en charge de l’enquête auprès des habitants). Force est de constater que le recours à la participation citoyenne n’était pas dénué de militantisme dans l’argumentaire défendu par l’équipe universitaire, celle-ci venant légitimer les recommandations de leur rapport quand bien même celles-ci allaient à l’encontre du projet de l’aménageur. Selon le professeur universitaire qui suivait le projet, l’enquête n’a pas produit des « données classiques, mais abordait des problèmes chroniques [...], elle explorait le rapport entre la perception de l'environnement et le ressenti que les gens en avaient. Dans quelle mesure pouvaient-ils avoir un sentiment d'injustice?370 ». Comme à Plaine, la notion d’empowerment de la population (grâce à cette forme « hors-norme » de consultation) a été avancée par la coordinatrice de l’EIS : « l’évaluation était en fait une co-construction avec leur expertise locale [celles des habitants], leurs besoins, leurs envies. Si on veut que les projets fonctionnent, il faut qu'ils se sentent concernées et impliqués ».

Par ailleurs, selon l’équipe de l’UVSQ qui a piloté l’EIS, l’enjeu était de créer les conditions

favorables à l’obtention de réponses de la part des populations « qui n’ont pas l’occasion, ni l’envie [de s’exprimer]. » « Il ne faut pas les inviter dans une réunion publique du soir pour débiter les « âneries des promoteurs » avec des propositions aseptisées sans intégrer le public et les enjeux qui sont concernés. On les questionne rarement sur les attentes précises. Ce que demandent les gens c’est de la considération. Ils sont sensibles à l’inégalité de traitement. Ils n’ont pas l’impression d’être respectés et n’ont pas l’impression de bénéficier des investissements ». Partant de ce point de vue, la forme de l’enquête a été particulièrement étudiée371 par l’équipe pilote de l’UVSQ et s’est faite en deux temps. Tout d’abord, une phase de porte-à-porte, sous forme de questions-discussions, a été effectuée auprès de 50 habitants des cités Anatole France et Provinces Françaises. Par la suite, un dialogue avec des représentants d’associations a été initié, pour les inviter à participer à l’élaboration de la grille multicritères d’évaluation du projet « Cœur de quartier ».

370 L’enquête menée auprès des habitants a par ailleurs fait l’objet d’une observation participante pour le doctorant qui l’a réalisée, dans le cadre de sa recherche doctorale : « L'enquête a également permis de comprendre et de cerner les relations des enquêtés au quartier : liens de voisinage, engagement asso, discussion… soit le « capital social du quartier », c’est-à-dire les ressources que les personnes peuvent mobiliser comme l’entraide, les soutiens, mais aussi le contrôle social ». 371 Le guide d’entretien comprenait une dizaine de questions centrées sur l’attachement au quartier avec l’appui d’une carte, pour que les enquêtés puissent localiser les lieux où ils se sentaient bien ou non. La question de leurs sensations éprouvées dans différents lieux était aussi posée. La préparation de l'enquête s'est faite sur trois jours, les entretiens se sont faits à deux pendant six jours, l’analyse et la retranscription pendant deux semaines.

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Si l’équipe pilote de l’EIS s’est dite très satisfaite des résultats de cette première phase, la seconde étape de la consultation citoyenne n‘a pas été à la hauteur de leurs attentes, comme nous l’a affirmé la coordinatrice de l’EIS « [C’est] beaucoup plus difficile de rassembler les gens, [il n’y a] pas [eu] assez d'acteurs locaux de la société civile impliqués car cela s'est fait aussi tardivement. C’est dommage car ils peuvent apporter une plus-value, ils connaissent les problématiques du quartier et ne sont pas associés à la mairie ».

Réalisation d’une grille d’évaluation collective

La coordinatrice de l’EIS considère l’élaboration collective d’une grille d’évaluation avec les services de la mairie comme une étape à part entière de l’EIS, bien qu’elle ne fasse pas partie de la méthodologie officielle des guides internationaux. Selon elle, ce fut véritablement le moment où s’est créé un début de culture commune autour de la santé et du bien-être : « Tous les services, l’aménageur et les porte-paroles des citoyens étaient invités à participer à l’élaboration des critères. L’objectif était de créer un échange pour voir ce que chacun avait comme définition et concept de la santé372. Les connexions entre les missions des différents services et les effets sur la santé se font beaucoup plus vite ».

Par ailleurs, ce travail a permis de mettre en évidence un désaccord sur l’impact du projet en

termes d’équité ou d’iniquité, comme nous l’a expliqué la chargée de mission EIS : « […] la venue de ce projet qui vient réhabiliter un espace urbain dégradé est vue positivement. Mais en termes d'équité, les choses ne sont pas suffisantes. A qui cela va (ne pas) profiter, quel type de commerce ? Les populations autour sont défavorisées, donc si les nouveaux commerces sont haut de gamme ils bénéficieront aux nouveaux habitants ».

Organisation matérielle de l’EIS

Le faible coût de l’évaluation rapportée à son bénéfice (données nouvelles ou données confortant des décisions déjà prises) a été souligné par tous les acteurs interrogés au sujet de l’EIS de Nanterre, comme l’affirme, par exemple un élu de la ville de Nanterre …. : « Pas des sommes colossales, alors que les projets d’aménagement coûtent des millions ». En revanche, la chargée de mission EIS a mis en avant le temps nécessaire à la réalisation du projet (« c’est chronophage, c’est sûr! »), notamment la rédaction du rapport, considérée comme « une tâche énorme », qu’elle a en grande partie assumée seule.

372 La grille avait été proposée à l’état d’ébauche par l’équipe pilote de l’EIS, ensuite elle a été retravaillée par les services de la Ville. Chaque critère a été noté (rapport de pertinence de 1 à 4 selon un code couleur). Les critères ayant été le mieux notés par les services ont été retenus en séance de délibération. La grille a été présentée au CoPIL par la suite.

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IV. BILAN ET RECEPTION

A. Plaine Commune

Il est encore tôt pour tirer tous les enseignements de l’expérience de l’EIS de Plaine Commune. Cependant, une des coordinatrices de l’EIS nous confie à ce sujet que : « la restitution finale en fin de compte s’est faite qu’avec des gens -avec beaucoup de gens - qui avaient participé à l’ensemble du processus et qui étaient donc assez contents ».

Pour ce qui est de la réception du rapport final par les membres du CoPIL qui a eu lieu lors de la quatrième et dernière réunion du comité, une des évaluatrices que nous avons interrogée nous a affirmé que : « […] lors du dernier CoPIL, ils avaient dit qu’ils étaient intéressés, qu’ils allaient prendre en compte un certain nombre de recommandations ». Par ailleurs, lors de la réunion publique de restitution du rapport à laquelle les élus, les habitants et autres parties prenantes du projet étaient conviés, la réception des résultats et des recommandations a été très positive, selon cette même évaluatrice : « Il n’y a pas eu de problème puisque tout le monde avait participé au processus. Y compris la RAPT et le STIF » (pourtant réticents au début). La participation citoyenne a été, quant à elle, une étape particulièrement approfondie. Le responsable de la SNCF que nous avons interrogé juge ainsi le processus de participation citoyenne intéressant tout en s’étonnant de « la crainte de certains personnes concernant ce nouveau projet de transport en commun ».

En revanche, l’impératif de participation citoyenne n’est cependant pas partagé par tout le

monde, les acteurs institutionnels par exemple (peut-être plus éloignés du terrain), n’en voient en effet pas toujours l’utilité. C’est ainsi que le médecin en santé publique de la DGS que nous avons interrogé considère que « si [l’évaluation] produit des résultats qui correspondent à ce que les gens attendent, on n’a pas forcément besoin de les embêter à participer à la mise en œuvre de l’action ». Le médecin en santé publique du SGMAS affirme quant à lui qu’ : « […] il ne faut pas décourager les bonnes volontés en menant des EIS qui ne font que confirmer ce que l’on sait déjà, il ne faut pas réinventer la roue sous prétexte d’EIS, on sait déjà ce qui fonctionne ». Néanmoins, tous les acteurs s’accordent sur le fait que l’organisation d’une véritable consultation citoyenne peut améliorer substantiellement le projet, car : « […] sinon on projette sur les gens des jugements de valeur qui sont les nôtres et qui ne sont pas forcément les leurs, et donc on perd la définition de ce qu’on mesure. [...] Du coup, la participation citoyenne ça légitimera, en effet, les résultats pour les gens, s’ils se reconnaissent dedans (comme l’affirme le médecin de la DGS).

Selon Hilary Dreaves, l’experte d’IMPACT que nous avons interrogée, la prise en compte des

recommandations émanant de l’EIS est primordiale et permet de juger de l’efficacité de la démarche : « il faut voir si les recommandations ont été prises en compte [...], seule l’application des mesures préconisées par l’EIS permet de juger de son efficacité. [...] En Angleterre, les mandats électoraux sont courts quand les EIS sont des processus longs, ce qui complique la prise en compte des recommandations ». En effet, comme l’affirme une des coordinatrices de Plaine Commune, parmi les étapes de l’EIS, les recommandations occupent une place fondamentale : « leur formulation a pris du temps, d’autant plus qu’elles ont fait l’objet de navettes entre les parties prenantes373 ». La

373 Actes de la Journée d'échanges sur les EIS du 29 janvier 2015 organisée par l’INPES, l’EHESP et le CNFPT qui s’était fixée comme objectifs de faire connaître la démarche EIS dans ses composantes pratiques, d’apporter des éléments tangibles sur les modalités de mise en œuvre de la démarche par des témoignages et d’aider les acteurs, qui le souhaitent, à se lancer dans la démarche. Cette journée visait un large public (les agents des ARS, les agents et élus des

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concertation en amont et la co-construction de l’évaluation permettent ainsi une bonne réception des résultats de l’EIS et favorisent donc la prise en compte des recommandations. Comme on l’a vu, l’adhésion des parties prenantes à la démarche a été particulièrement manifeste lors de la dernière réunion du Comité de pilotage, ce qui présage d’une prise en compte, au moins partielle, des recommandations issues de l’EIS de Plaine Commune (la Société du Grand Paris a notamment exprimé l’intention de les intégrer au cahier des charges de l’ensemble des gares374).

De manière générale, les acteurs impliqués dans l’EIS de Plaine Commune ont été séduits par

la démarche et par la qualité du travail effectué, même ceux qui étaient plutôt réticents au départ. L’expérience a été riche d’enseignement et sa réussite encouragera les acteurs mobilisés à renouveler ce type d’expérience. L’INPES estime cependant que le cadrage de l’EIS a été peut-être trop ambitieux : « Lors de l’EIS de Plaine, on s’est aperçu avec le recul qu’on avait été trop ambitieux et qu’on aurait dû prendre un plus petit projet ». Néanmoins, au vu du succès de l’opération, l’INPES entend poursuivre son rôle de soutien aux EIS, en publiant notamment un document pour valoriser le processus de mise en œuvre de l’EIS de Plaine et en tirer les enseignements valorisables au niveau national.

Enfin, l’expérience de Plaine Commune a permis une large prise de conscience des enjeux de

santé par tous les acteurs impliqués (qui espèrent dorénavant voir ces enjeux davantage intégrés aux nouveaux projets). Par ailleurs, de nouveaux liens de travails se sont tissés à l’issue de l’EIS : la Communauté d’agglomération de Plaine Commune a par exemple sollicité l’ARS pour participer à la révision de son Plan Local de Déplacement tandis que des liens durables avec les transporteurs ont été noués375. On voit donc dans ce cas que l’EIS est un bon outil de concertation et de co-construction des politiques publiques, ce qui contribue indubitablement à une meilleure acceptabilité sociale des projets.

Points positifs Points négatifs

Effets pédagogiques de l’EIS pour les services et appropriation par les habitants

Empowerment des populations défavorisées

Bonne réception des recommandations

Meilleure prise en compte de la santé par les politiques de la communauté d’agglomération (ex: plan local de déplacement)

Collaboration durable avec les transporteurs

Cadrage de l’EIS « trop » ambitieux

Améliorations seulement à la marge pour certains des projets déjà en cours

Difficulté d’impliquer les transporteurs et incompréhension de leur part sur l’utilité de l’outil

collectivités territoriales, les décideurs, les agents dont les projets/programmes/plans peuvent avoir un effet sur la santé de la population ou tout acteur qui se questionne avant de se lancer dans une démarche EIS). 374 Ibid. 375 Ibid.

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B. Nanterre

Des éléments positifs et négatifs se dégagent de l’EIS réalisée à Nanterre. Rappelons que celle-ci poursuivait un double-objectif : évaluer l’impact du projet sur la santé des habitants, mais également elle se devait d’être une EIS « test » permettant au personnel de la mairie et à l’équipe universitaire de se familiariser à la méthode. C’est donc suivant ces deux grands axes que nous allons tirer des conclusions de cette expérience.

En premier lieu, les acteurs rappellent que l’EIS de Nanterre étant concomitante à la

réalisation du projet d’aménagement « Cœur de Quartier », l’essentiel des décisions étaient déjà prises et que les possibilités d’action étaient alors assez limitées. De plus, certains résultats pouvaient être jugés prévisibles : « [Les résultats] tombaient sous le sens : oui, il faut mettre des lieux de convivialité, éviter de mettre des logements qui donnent sur les voies ferrées ; oui, il faut des commerces de proximité plutôt que de grands centres étant donné les caractéristiques socio-économiques de la population qu’il y a autour ; oui, il faut éviter de faire des ruptures de quartier, enfin des choses assez simples. Ces choses ou recommandations qui tombaient sous le sens, elles sont légitimées car on dit que si on ne le fait pas cela va avoir un impact sur la santé. Et ça c’est nouveau, ça donne un argument supplémentaire ».

Par ailleurs, l’EIS de Nanterre permettrait de justifier une action publique (ou non action) par

rapport aux conséquences mesurables qu’elle aurait dans le futur sur la santé des individus. La démarche d’évaluation est alors utilisée comme un instrument de légitimation de certaines idées. On peut penser ici à la volonté de promouvoir davantage la santé au sein des politiques municipales et intercommunales. Ainsi, à Nanterre, la recommandation de reconduire des EIS a été inscrite au sein du Plan Climat Energie Territorial de la municipalité. Dans cette perspective, l’EIS de Nanterre dessert un projet politique, bien que les acteurs interrogés ne l’aient jamais évoqué en ces termes.

Il apparaît également que l’EIS de Nanterre a permis de faire émerger un avis de la part des

populations qui n’avaient pas été entendues jusque-là. Les évaluateurs, en changeant le répertoire de questions habituellement posées aux habitants, ont pu obtenir des avis nouveaux. L’enseignant-chercheur qui a encadré l’EIS rappelle ainsi que « les questions posées aux habitants n'étaient pas des questions sur l’urbanisme et le logement, ce qu’on sait très bien faire, mais des questions sur leur manière de vivre, leur bien-être. C’était un autre regard, une autre interrogation. Et cela a produit d'autres réponses qui n’étaient pas celles auxquelles [les élus] étaient habitués ». Il rappelle aussi l’importance du langage, en effet un même terme ne renvoie pas toujours à la même signification pour les politiques et pour les habitants. Ces incompréhensions peuvent produire un décalage entre la décision politique et les attentes des populations. Lors de l’étude il s’est ainsi rendu compte que « quand on parle de l’environnement, les habitants parlent des relations avec les autres habitants, pas des arbres et les oiseaux. C’est difficile à faire passer car les décideurs résonnent en termes d’infrastructures sans se préoccuper du fait que la population évalue son environnement sur des critères différents. Quand on parle d’environnement, la discussion est ramenée à des critères d’interaction sociale ».

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Par ailleurs, les évaluateurs et l’équipe pilote se sont déclarés satisfaits des résultats de l’EIS de Nanterre. Ils montrent notamment qu’en sortant de la procédure très normalisée d’une EIS, de par les concertations publiques traditionnelles, et en sollicitant un public habituellement loin des préoccupations du politique, on peut accéder à des avis et retours critiques habituellement inaccessibles de la part des habitants. En revanche, l’équipe municipale, a quant à elle été surprise de l'état de déception des habitants qui se sont montrés « excédés, soit parce qu'il ne se passe rien, soit parce que cela bouge trop ailleurs » (selon la coordinatrice de l’EIS). En effet, l’enquête auprès des habitants a révélé que l'arrivée d'un nouveau quartier n'est pas forcément perçue comme un élément positif, dans le sens où cela peut bousculer les habitants qui ne se sentent plus vraiment chez eux.

Concernant la méthodologie, les évaluateurs soulignent la sensibilisation importante des différents services de la mairie aux questions de santé et de ses déterminants. L’EIS a été alors une bonne occasion pour eux de travailler ensemble sur une problématique commune : « L’action intersectorielle est affichée mais sur le terrain, elle n’existe pas. Un service d’aménagement ne communique pas avec le service environnement. Dans un service, on peut avoir des personnes qui n’ont jamais travaillé ensemble. L’EIS invite les gens à venir travailler ensemble ». C’est pour cette raison que l’équipe pilote n’a pas réalisé elle-même l’évaluation mais plutôt « [a] fait travailler les services sur la question. On constate que les gens sont contents car ils sortent de leur zone de confort. Ils ont travaillé sur une catégorie plus globale, c’est une culture commune » (selon l’Enseignant-chercheur de l’UVSQ). En effet, les services administratifs ont été sollicités de nouveau pour la phase finale de l’EIS : « l’évaluation de l’évaluation ». Un bilan a ainsi été dressé avec les services administratifs qui ont pu exprimer leur ressenti sur la démarche. Néanmoins, ces conclusions n’émanent que de l’équipe coordinatrice venant de l’Université et ne sont que partiellement représentatives de la réception de l’EIS par tous les acteurs impliqués dans la démarche376.

Un autre point important concernant la réception des résultats issus de l’EIS de Nanterre concerne la réaction du Maire, comme nous l’a affirmé l’ancien Elu en charge de la santé : « L'EIS a fait part des critiques des habitants qui remettaient en cause des décisions du maire. En tant que maire et président de l’EPADESA (l’aménageur du projet), le maire l’a assez mal pris ». Cette réaction peut s’expliquer en partie par le fait que le maire n’a été présent qu’à la réunion de lancement et à la réunion de fin de projet du COPIL. Il n’a donc pas suivi la construction de l’EIS et l’émergence progressive des résultats, notamment ceux issus de l’enquête auprès des habitants. Pour l’élu à la ville de Nanterre interrogé en entretien et présent à la réunion de restitution, la réception négative des résultats par le Maire « prouve que cela [le rapport de l’EIS] dit quelque chose, quelque chose d'autre de ce qui était dit jusqu’à présent ».

Finalement, on peut dire que cette EIS est parvenue à attirer l’attention des acteurs

impliqués, tandis qu’un intérêt pour la démarche émerge progressivement sur le territoire. Si l’on croit aux dires de l’Elu à la Ville universitaire, on peut considérer alors qu’un changement de positionnement et une prise de conscience de l’établissement public d’aménagement EPADESA (encore minimes certes, mais notables) ont eu lieu à l’issue de l’EIS de Nanterre : « Mais bonne nouvelle, à la suite de cette EIS, la question a été évoquée au Conseil d’administration de l'EPADESA. Et le directeur s’est dit qu’il fallait peut-être voir. Il y a quatre ans, quand j’avais parlé des EIS, j’avais

376 De fait, notre demande d’entretien auprès des diverses directions de la ville n’ayant pas eu de suite, notre analyse ne saura pas rendre compte de l’avis des services techniques sur cette question.

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été renvoyé au Service développement durable et environnement. Cela n'avait rien donné. Ils avaient écouté sans comprendre. Là, la question de l'EIS a été abordée ».

Points positifs Points négatifs

Recueil d’un point de vue différent de la part des habitants

Sensibilisation de l’équipe municipale aux questions de justice environnementale et d’équité

Début de travail intersectoriel par les services

Mise en évidence du lien entre état de santé et choix urbanistiques

Émergence d’un point de vue critique du projet de l’aménageur

Manque d’implication de l’aménageur EPADESA pendant le processus

Difficulté à impliquer les élus de quartiers et CoPIL « flottant »

Réception difficile des résultats de l’évaluation par le Maire

Faible prise en compte des recommandations car le projet est déjà avancé

V. PERSPECTIVES DANS LA REGION : QUELLES LEÇONS TIRER DE

L’EXPERIENCE EN REGION ILE DE FRANCE ?

En Île-de-France, plusieurs acteurs se positionnent aujourd’hui comme promoteurs et formateurs de la méthode d’EIS, sans pour autant qu’un chef de file se dégage véritablement parmi eux. De même, l’absence de guide méthodologique unique écarte la possibilité d’une vision commune de l’outil et laisse chaque acteur libre de réaliser les expérimentations qu’il souhaite.

Durant la première expérience francilienne à Plaine Commune, l’ARS et l’ORS ont fait appel

aux compétences de l’équipe IMPACT de l’Université de Liverpool pour se former, et former les services de la mairie à la méthode de l’EIS. Face aux coûts de cette formation et au vu de l’expertise produite durant l’EIS de Plaine, il n’est pas exclu que l’ARS se positionne à l’avenir comme formatrice et promotrice de référence. Le discours377 de la coordinatrice de l’EIS de Plaine vient corroborer cette hypothèse : « Pour sa part, l’ARS a pu vérifier le succès de la démarche. Grâce à ce travail, l’ARS dispose d’une expertise méthodologique dans le domaine des EIS. L’EIS ayant été réussie, nous pouvons poursuivre notre plaidoyer en faveur de la démarche et de la prise en compte des déterminants de santé, favoriser les échanges intersectoriels et agir contre les inégalités sociales de santé ».Ce discours a été confirmé par une salariée de l’ARS lors de notre entretien : « […] en Île-de-France, on est dans la phase de naissance de cette nouvelle démarche, l’ARS a un rôle important pour essayer de la diffuser, pour faire en sorte qu’il y ait de l’information sur la démarche, mettre de la santé dans toute les politiques. C’est son rôle, de favoriser, de faire de l’information, du plaidoyer

377 Actes de la Journée d'échange sur les EIS, ayant eu lieu le 29 Janvier 2015, organisée par l’EHESP, l’INPES et le CNFPT. (Lu sur le site de l’INPES le 27 mars 2015).

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sur l’EIS. Ce n’est pas son rôle de faire les EIS. Si on a fait la première, c’est qu’il n’y avait personne de formé et que, pour faire de la publicité pour quelque chose, il faut bien le connaître et savoir le réaliser. L’ARS IDF a plus de moyens, donc il faut faire diffuser la démarche, et à la fois être un appui méthodologique pour la constitution des comités de pilotage et pour les évaluateurs ». En effet, l’idée d’une plate-forme EIS sur le site de l’ARS, avec des outils méthodologiques à destination des collectivités intéressées, a été évoquée lors de notre échange avec la chargée de mission EIS de l’ARS.

Cependant, il nous est apparu au cours des entretiens qu’en plus de l’ARS, l’UVSQ (et

notamment l’équipe d’enseignants du master Sciences de la santé, de l'environnement, du territoire et de la société), se positionne également en tant que promoteurs-formateurs de l’EIS. Or, si les visions respectives que l’ARS et l’UVSQ ont de l’EIS ne sont pas à proprement parler antagonistes, elles n’en demeurent pas moins quelques peu différentes quant aux objectifs escomptés de l’évaluation en tant que telle. D’un côté, l’ARS plaide pour un usage politique de l’EIS, c’est-à-dire la nécessité d’impliquer les décideurs afin que les recommandations soient prises en compte et, qu’à terme, la santé soit réellement prise en compte dans les politiques publiques378. D’où la volonté de l’ARS d’aider avant tout les commanditaires des futures EIS à constituer leur comité de pilotage dans une perspective stratégique : « […] on peut faire une étude, mais si elle n’est pas relayée par les décideurs politiques… On fait cette étude pour faire évoluer ces gens-là, qu’ils prennent conscience de l’importance de la santé. S’ils ne sont pas là, c’est une étude de plus. Elle a raté sa cible » (selon la Coordinatrice de l’EIS de Plaine, qui par ailleurs nous a donné son point de vue sur l’EIS de Nanterre, mise en place par une équipe de l’UVSQ : « Ce n’était pas vraiment une EIS, au sens où l’on met les décideurs autour de la table, ceux qui vont pouvoir faire quelque chose. Quand ça a été présenté, il n’y avait pas grand monde autour de la table, c’était très universitaire, très centré sur la participation citoyenne, et pas vraiment une EIS comme un projet d’aide à la décision politique »). Sur ce point, l’équipe de l’UVSQ reconnaît que les élus ont difficilement été mobilisés sur la durée au sein du CoPIL à Nanterre. Or, il est intéressant de mentionner que le ton du rapport produit à l’issue de l’EIS de Nanterre a été plus critique - alors qu’il était davantage consensuel à Plaine où les élus étaient mobilisés - et, de fait, la réception de ce rapport a été plus délicate à Nanterre.

C’est ainsi que le professeur de l’UVSQ défend une approche quelque peu différente de la

méthode d’EIS, à l’encontre de celle préconisée par l’ARS : « L’accompagnement universitaire garanti l’indépendance et pas forcément l'obligation de résultats ». La vision défendue est celle d’une autonomie lors de la réalisation de l’évaluation pour démontrer plus en avant les liens entre urbanisme, état de santé et bien-être des populations. L’enseignant-chercheur ayant encadré la réalisation de l’EIS à Nanterre s’est d’ailleurs déclaré « contre l’institutionnalisation de la pratique. […] Les acteurs institutionnels ? Ils résonnent en normes et si on a des normes à proposer, on aurait que des quartiers sur un même modèle. Ce n’est pas comme ça qu’on peut procéder ». En d’autres termes, si l’ARS se focalise avant tout sur les élus comme cibles de la conduite du changement, l’UVSQ place comme premier objectif de l’EIS le changement de culture de l’ensemble des services ainsi que la prise en compte de l’avis des populations en tant qu’« experts de leur milieu de vie379 ».

378 « Une EIS ce n’est pas que de l’évaluation, c’est la deuxième chose extrêmement importante. Il y a une partie politique qui est assez fondamentale. Il faut les bonnes personnes autour de la table, sinon c’est une étude », (selon la Coordinatrice de l’EIS Plaine). 379 En témoignent les deux communications faites lors du colloque Paysage, Urbanisme et Santé à Rennes, le 26 novembre 2014, par la coordinatrice et le chargé d’enquête auprès des habitants de l’EIS de Nanterre, tous deux anciens étudiants diplômés de l’UVSQ : « Au-delà d’une aide à la décision, une démarche en faveur de l’action collective ? » et « L’importance de rapprocher les intentions des porteurs de projet des attentes des populations concernées ».

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PARTIE 5 : FREINS ET LEVIERS A UNE

INSTITUTIONNALISATION DES EIS EN

FRANCE

A l’origine de notre étude, la demande initiale formulée par l’IFERISS a été d’étudier l’acculturation de l’EIS en France et son éventuelle institutionnalisation. Dans cette partie, nous allons aborder les perspectives d’institutionnalisation non plus par territoire mais par thématique-clé afin de mieux mettre en relief les similitudes et les différences des expériences françaises en termes d’EIS.

I. UN OUTIL MULTIFORME, DONT LA DEFINITION EST ENCORE

UN ENJEU

Comme nous l’avons démontré à travers l’analyse des EIS menées sur les quatre territoires d’étude, en France cette démarche peut prendre des formes multiples, chaque EIS ayant ses spécificités. En effet, les EIS se distinguent sur quatre principaux aspects : la méthodologie choisie, le type de projet concerné, les parties prenantes impliquées dans l’EIS et, enfin, le caractère plus ou moins expérimental de la démarche menée.

La diversité des EIS mises en œuvre est la preuve que cet outil s’adapte très facilement aux contraintes locales (en termes de moyens humains et financiers, notamment). Selon certains acteurs que nous avons interrogés, cette souplesse constitue son principal avantage. En Île-de-France, un universitaire affirme que cela permet de convaincre les collectivités de l’utilité de la démarche : « L’EIS est un ensemble de processus assez souple. [...] On utilise un aspect du processus EIS pour susciter l’intérêt des collectivités ». Cependant, l’existence de multiples méthodes et guides sur l’EIS donne à l’outil une apparente complexité. Les acteurs peuvent ainsi éprouver des difficultés à s’en saisir. A Toulouse, l’étudiante-stagiaire de l’EHESP qui a mené l’EIS, a évoqué cet aspect lors de notre entretien : « J’ai fait une EIS, même si elle est rapide, c’est compliqué. […] C’est vraiment une méthode qui est complexe d’autant que ce sont des outils qu’on n’a pas l’habitude d’utiliser ».

202

1) Enjeux terminologiques

Bien que des efforts soient réalisés par certaines institutions pour publiciser la démarche380, les EIS en France restent encore confinées à un cercle réduit d’acteurs. Une campagne de communication autour de l’outil apparaît alors comme nécessaire, notamment auprès des agents de la fonction publique chargés des projets d’aménagement. Une ambigüité subsiste en effet dans la définition-même de ce que constitue une EIS, comme le remarque un agent de la SNCF en Île-de-France que nous avons interrogé : « [...] il faudrait peut-être une meilleure communication en amont sur la démarche. Cela permettrait une sorte de notoriété pour convaincre. Dans les entreprises, [...] on sait ce qu’on fait. Là, c’était quelque chose de nouveau, [il était] extrêmement difficile de faire participer des collègues ».

Une des ambigüités autour de la notion de l’EIS et mise en exergue par certains acteurs interrogés, porte sur le terme en lui-même, qui a été traduit de l’anglais « Health Impact Assesment » en « Evaluation d’Impact sur la Santé ». Or, le terme « évaluation » est assez connoté : les acteurs qui n’ont jamais réalisé une EIS vont ainsi rapprocher cet outil des évaluations « classiques » réalisées sur les projets habituels, alors que la finalité de l’EIS n’est pas de noter ou de sanctionner, mais de donner des pistes supplémentaires de réflexion lors de la conception ou après la réalisation d’un projet. En région PACA, un agent du CRES considère ainsi que « [l’EIS] porte très mal son nom [...] parce que ça porte le terme d’évaluation. Pour tout le monde l’évaluation c’est de rendre compte de l’efficacité de quelque chose qui s’est passé ; alors que l’EIS c’est s’imaginer quels vont être les impacts potentiels d’une action, mais pas du tout son efficacité ». La coordinatrice de l’EIS de Plaine Commune abonde en ce sens : « Le mot « évaluation » ne va pas pour l’EIS car c’est une forme d’échange et de partenariat alors que l’évaluation renvoie en France à quelque chose de très sanctionnant ».

Faut-il alors trouver une autre traduction de l’Health Impact Assessment ? La réponse ne va pas de soi. Au final, ce qui importe n’est pas tant de figer une définition du terme mais bien de faire collaborer entre eux des services ayant des méthodes de travail différentes et de les faire adopter progressivement une définition globale de la santé. En ce sens, l’avantage de l’EIS est de constituer un objet-frontière381, comme le remarque un Chargé de mission à la Mission Prospective et Recherche de la DGS : « L'avantage d'avoir des EIS ou un autre outil, c'est d'avoir une base commune de compréhension de certains sujets de santé ». L’enjeu va donc plus loin qu’un simple débat terminologique. En outre, le même Chargé de mission de la DGS considère que : « figer un terme précis pourrait desservir l’outil. Un des inconvénients du recours au terme consacré est potentiellement d’exclure les [personnes qui ne savent pas forcément ce qu'il y a derrière ce terme. Le non recours au jargon ne doit pas être perçu comme une moindre compétence ». On peut garder le terme, mais quand on parle plus longuement avec les personnes, l'idée est de voir si ce qu'ils font

380 L’IFERISS à Toulouse participe notamment de cet effort. En 2013, deux communications ont été réalisées par M.Ivan Théis sur la méthode EIS lors d’un séminaire puis d’un colloque organisés par l’IFERISS. En mars 2015, le Directeur de l’IFERISS, a également été invité à venir présenter la démarche d’EIS à la Commission Santé de l’Association des Régions de France. 381La structure de tels objets est « suffisamment commune à plusieurs mondes sociaux pour qu’elle assure un minimum

d’identité au niveau de l’intersection tout en étant suffisamment souple pour s’adapter aux besoins et contraintes

spécifiques de chacun de ces mondes ». Il permet une compréhension commune à partir d’une multitude de

« traductions » enter acteurs provenant de différents secteurs (Trompette, P., Vinck D. « Retour sur la notion d’objet-

frontière ». Revue d’anthropologie des connaissances. 2009, 3(1): 5-27.

203

peut être amélioré sur certains points et s'il y a des marges de manœuvre ».

2) Un enjeu méthodologique : nature des données employées et périmètre de l’EIS

Concernant les choix méthodologiques à adopter, un des thèmes fréquemment abordés est

d’abord celui de la taille de l’EIS et de l’ampleur des projets que cette démarche devrait concerner. Pour que l’usage de l’EIS se généralise en France, le périmètre de l’EIS devrait, selon certains acteurs, être circonscrit. Au niveau national, le Chargé de mission de la DGS considère ainsi qu’il est nécessaire de valoriser les « petites EIS, pour montrer que ça peut se faire sur trois jours, que ça ne coûte rien […] ». En effet, cela a un fort impact incitatif : « Les villes se diront : « d'accord, je veux bien mettre un peu de sous là-dedans, avec 5000 € j'ai eu un service et la population a participé, tout le monde au final s’y retrouve » ». De fait, les EIS ambitieuses peuvent paraître trop exigeantes en temps et en argent, comme le souligne le même acteur que nous avons interrogé à la DGS qui donne l’exemple de l’EIS menée en Île-de-France : « Quand c'est présenté, tout le monde est admiratif du résultat mais se dit que jamais il ne pourra faire ça, ni avoir le financement à hauteur de ce qu'il y a eu en Île-de-France, où il a fallu plus de 200 000 € ». En effet, on peut imaginer que l’EIS étant un nouvel outil d’aide à la décision, la priorité est d’abord de rassurer les élus et les services qui souhaiteraient l’expérimenter.

L’enquête que nous avons réalisée au niveau des quatre territoires en France ne nous permet cependant pas de trancher définitivement sur ces débats. Il nous apparaît seulement que la taille d’une EIS doit dépendre des objectifs clairement établis au départ et du projet des institutions souhaitant la mettre en œuvre. La question est bien de savoir si l’on désire tester un nouvel outil d’aide à la décision, promouvoir l’utilisation de cet outil, ou faire dialoguer les services administratifs entre eux.

Un deuxième point méthodologique important à souligner est celui de la nature des données probantes permettant d’évaluer les impacts du projet, de la politique ou du programme sur la santé des personnes concernées. L’avantage de l’EIS est de pouvoir combiner l’utilisation de données quantitatives et qualitatives.

L’utilisation de données quantitatives possède l’avantage de « la force du chiffre » : une

ancienne chargée de projet EIS à l’ORS d’Île-de-France affirmait ainsi que « les diagnostics quantitatifs demeurent la règle car ils aident à la décision ». Cependant, le choix de récolter des données quantitatives a le désavantage de rendre invisibles les différences territoriales : « même si on trouve des caractéristiques pareilles qui émergent, les solutions ne sont pas les mêmes. Ce qui peut être bénéfique dans un territoire ne l’est pas forcément dans un autre endroit » (selon la même chargée de projet à l’ORS). Il serait alors plus judicieux de privilégier la méthode qualitative car elle permet d’entrer en conformité avec les enjeux de démocratie participative avec lesquels l’EIS tente de composer. Prenant l’exemple de l’EIS menée en Île-de-France, la chargée d’expertise scientifique en promotion de la santé de l’INPES juge que la « participation citoyenne est un enjeu important [...], c’est une partie très réussie à Plaine Commune », une position d’ailleurs partagée par l’ARS. De fait, le ressenti des citoyens sur leur bien-être, leur état de santé et la perception (négative ou positive) qu’ils se font de leur environnement, est une donnée en soi.

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D’un point de vue méthodologique, les EIS ne semblent pas être institutionnalisées en France. Ce n’est pas tant le caractère fluctuant des méthodes employées dans les expériences françaises mais bien l’existence de controverses sur les avantages et les inconvénients de chaque méthode qui permet de dresser ce constat : on en est encore à une phase de définition de ce qui constitue la « meilleure méthode » à employer –peut-être d’ailleurs, n’existe-t-elle pas. L’existence de polémiques sur le terme-même d’EIS, nous permet également d’avancer l’idée qu’une des premières voies d’institutionnalisation de la démarche en France consiste bien en la mise en place d’une séparation stricte entre cet outil d’action publique et l’évaluation classique des projets. Cependant, ces débats d’ordre terminologique ne doivent pas occulter le but principal d’une EIS, à savoir la prise en compte de la santé dans toutes les politiques.

II. QUEL PROJET POLITIQUE POUR L’EIS ? DES USAGES VARIES

Au cours de nos entretiens, nous nous sommes aperçus que les acteurs interrogés n’avaient pas une vision unique sur la finalité de l’EIS. Il convient tout d’abord de rappeler la diversité des profils des acteurs interrogés qui expliquent en partie des points de vue sensiblement différents sur cette démarche. Si certains acteurs mettent en avant les résultats d’une EIS, d’autres accordent beaucoup plus de crédit à la démarche en elle-même. Les EIS apparaissent cependant comme des instruments d’aide à la décision très pertinents, notamment pour ce qui est de la prise en compte de la santé et plus particulièrement des Inégalités Sociales de Santé (ISS) dans des politiques publiques variées.

Tout d’abord, les acteurs interrogés sont conscients que l'EIS en France est encore au stade

de l’expérimentation. A Rennes, le chargé d'études du Service Etudes Urbaines de la Ville de Rennes, considère les deux EIS réalisées et le projet d'EIS en cours comme une démarche progressive, chaque projet étant un peu plus ambitieux et mieux développé par rapport au précédent (il définit, par exemple, la deuxième EIS comme le moyen de « rectifier un peu le tir »). De même, son équipe « considère que [la seconde EIS rennaise sur la halte ferroviaire de] Pontchaillou est une expérience et qu’il faut l’éprouver ailleurs, dans un contexte urbain et socio-démographique différent », afin d’approfondir la démarche d’EIS. Ce procédé d’expérimentation permet en effet de tenir compte des erreurs et des manquements des précédentes EIS. Par ailleurs, des facteurs qui conditionnent la mise en place d’EIS ont été soulevés par les acteurs interrogés un niveau des quatre territoires, à savoir : la temporalité de cette démarche par rapport au projet, l’implication de certains acteurs et le recours à la consultation citoyenne. A titre d’exemple, pour un acteur toulousain, effectuer une première expérience de terrain a été nécessaire avant la mise en œuvre des objectifs de plans municipaux de santé.

Par ailleurs, même si les acteurs considèrent que l'EIS est encore une démarche expérimentale, ils y voient tous une utilité certaine. Ainsi, certains acteurs interrogés considèrent que la finalité première d’une EIS réside dans les résultats de l’évaluation. Le chargé de mission de la DGS parle en ce sens de « plus-value des recommandations pour la santé des populations », qui devrait donner une légitimité et un poids supplémentaire à la réalisation des projets. Il ne faut pas pour autant se borner à effectuer des recommandations, mais s’efforcer de formuler les

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recommandations les plus pertinentes et les plus adaptées à la situation. Le qualitatif des recommandations doit prévaloir sur le quantitatif. En effet, « la prise en compte des recommandations est un résultat d’évaluation intermédiaire, ce qui est plus important c'est que les recommandations soient in fine évaluées comme bonnes pour la santé», insiste le Chargé de mission de la DGS. La stagiaire en charge de la réalisation d’une EIS à Rennes met en avant, quant à elle, la composante « transparence » que l'EIS ajoute aux projets, notamment grâce à la parution de rapports publics consignant les conclusions de cet outil : « Je trouvais intéressant que pour une fois, on mette en évidence les impacts négatifs et qu’on ne les cache pas, qu’on parle autant des impacts négatifs et positifs ». Enfin, les autres acteurs interrogés définissent l'EIS comme un outil permettant de prendre en compte les impacts tant négatifs que positifs, afin de les expliciter au maximum et de les prendre en compte dans le projet évalué.

Par ailleurs, le processus-même d’une EIS est mis en exergue par les acteurs interrogés : selon

une coordinatrice de l’EIS de Plaine Commune, par exemple, « une EIS, ce n’est pas que de l’évaluation, c’est la deuxième chose importante [à savoir]. Il y a une partie politique qui est assez fondamentale ». Une enseignante de l’EHESP de Rennes affirme également qu’ « avant même d’établir des recommandations qui peuvent aboutir, c’est [le] processus d’intersectorialité et interdisciplinarité qui est le plus important ». De même, l’une des composantes principales des EIS repose sur la multidisciplinarité des acteurs engagés et des approches utilisées : les équipes sont généralement formées de professionnels du domaine de la santé et de l’urbanisme, tant politiques et institutionnels qu’associatifs. Comme le met en avant le chargé d'études du Service Etudes Urbaines de la ville de Rennes, la démarche de l'EIS demande un important travail d’acculturation, pour développer des méthodes de travail permettant et tirant le meilleur profit de cette intersectorialité. En effet, ce travail en amont et au cours de la réalisation de l'EIS permet d’établir des relations de travail entre les secteurs, pouvant ensuite être réinvesties dans d’autres projets. Certains acteurs inscrivent donc leur analyse de la démarche dans une perspective plus large que la réalisation stricto sensu de l'EIS.

Les EIS, par leur force de proposition et de transversalité, présentent donc un intérêt avéré pour les politiques, soit comme outil d’aide à la décision, soit comme instrument politique. Suite aux différents entretiens réalisés, nous considérons à ce stade de notre analyse que les décideurs politiques semblent assez réceptifs au sujet de l’EIS et sont de plus en plus sensibilisés à l’importance de la prise en compte de la santé dans les politiques d’urbanisme. Ainsi, d’après l’un des coordinateurs d’une EIS à Rennes, l’Adjoint à la santé et le Vice-président de Rennes Métropole ont saisi les enjeux liant urbanisme et santé et encouragent les démarches en ce sens. Ils ont même intégré cette logique aux nouveaux Plans Locaux d’Urbanisme (PLU). En effet, pour cet acteur de Rennes, « le développement des EIS s’inscrit dans un mouvement national de prise de conscience des liens entre santé et urbanisme », ce qui apparaît, selon lui, comme « une rupture idéologique ». Enfin, à l’instar de la prise en compte de l’environnement dans les politiques publiques, cet acteur de Rennes considère que la démarche d’EIS finira elle aussi par s’imposer.

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Comme nous l’avons vu, dans la région PACA, l’outil EIS est utilisé en soutien à la préparation et la mise en œuvre de Projets Urbains Intégrés (PUI), à travers la réalisation d’une grille d’aide à la décision destinée aux concepteurs et porteurs de ces projets, pour une meilleure prise en compte des potentiels impacts des PUI sur la santé. Faire comprendre aux décideurs l’importance et l’apport réel de la démarche, est un des enjeux majeurs que doivent relever les promoteurs de l'EIS. En effet, lors de notre enquête, les acteurs concernés nous ont souvent fait part de l’importance du portage et du soutien politiques pour la réalisation de l'EIS. La présence de décideurs dans le processus d’évaluation est donc indispensable à la réalisation et au développement futur des EIS en France.

Enfin, tous les acteurs interrogés s’accordent pour dire que les EIS sont un instrument adéquat de promotion de la santé dans les politiques publiques au niveau local. Certains acteurs évoquent l'EIS comme un moyen d’orienter les politiques publiques vers la réduction des Inégalités Sociales de Santé (ISS). Pour le Directeur de l’IFERISS à Toulouse, par exemple, « le problème c’est le manque de débat sur les inégalités sociales en santé, qui sont comprises comme le problème d’accès aux soins », y compris par des institutions publiques comme les Agences Régionales de Santé. Les EIS seraient alors un moyen de rendre la problématique des ISS plus lisible, en montrant aux acteurs impliqués les impacts que peuvent avoir leurs projets sur la santé (les projets d’aménagement, par exemple). Cette démarche permettrait également d’enrôler la population, qui se sentirait alors plus concernée par la thématique des ISS.

Les EIS, bien qu’ayant encore besoin de définition et de plus amples expérimentations, apparaissent comme un outil d’aide à la décision et d’intégration de la santé dans les politiques publiques, tant par les recommandations apportées que par le processus-même de cette démarche. Cependant, si le développement de l’intersectorialité apparaît comme un atout essentiel de l’EIS, il est plus difficile à valoriser sur le court terme les résultats concrets de l’évaluation. Il convient alors d’allier ces deux finalités afin de susciter l’intérêt pour un développement rapide des EIS (par la mise en avant des recommandations résultant des EIS), tout en poursuivant un travail de fond en termes de transversalité (grâce au processus-même de la démarche).

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III. QUI IMPULSE LA DEMARCHE ? D’INITIATIVES PERSONNELLES A

LA CONSTITUTION D’UN RESEAU D’ACTEURS PUBLICS

Les entretiens que nous avons réalisés nous ont permis de constater que les EIS avaient souvent été à l’initiative d’un ou deux acteurs moteurs qui cherchent ensuite à impliquer des structures et des institutions plus importantes pour pérenniser la démarche. Nous chercherons ici à dresser un bref descriptif du profil des acteurs concernés par des EIS, pour ensuite analyser comment à travers la construction d’un réseau, des institutions se saisissent de cette démarche. Nous questionnerons ensuite la place des collectivités pour voir quel rôle elles pourraient être amenées à jouer.

1) Des acteurs moteurs

La démarche d’EIS étant encore émergeante en France, les acteurs impliqués sont peu nombreux. On voit cependant se constituer un réseau d’acteurs fortement impliqués, aux caractéristiques bien particulières. Le premier constat que l’on fait en ce sens est que la plupart des acteurs impliqués dans une EIS sont issus du domaine de la santé publique, avec pour certains d’autres expériences professionnelles que le domaine médical. Ils ont souvent un parcours pluridisciplinaire qui leur confère une certaine légitimité dans différents domaines. A Toulouse, par exemple, l’EIS a été impulsée par un médecin qui travaillait à l’époque pour le Service Hygiène et Santé de la Ville de Toulouse.

On retrouve par ailleurs une sensibilité forte à l’égard des déterminants de santé, antérieure à leur intérêt pour les EIS, qui découle souvent d’une expérience vécue dans les pays en développement. Cette expérience aurait alors joué un rôle de « révélateur » de l’importance de l’environnement extérieur sur la santé, comme le souligne un élu de Nanterre : « J’ai eu une prise de conscience en travaillant dans des pays critiques. L'action curative individuelle est très vite limitante, il faut prendre en compte des facteurs plus englobants : l’accès à l’eau, aux ressources... Cela amène à s'intéresser aux déterminants de santé, c’est-à-dire à ceux qui sont en amont de la maladie ».

Finalement, on note qu’une part importante des acteurs impliqués dans des EIS en France

ont été formés à cette démarche à l’étranger (les lieux de formation sont la cellule IMPACT de l’université de Liverpool, l’association Equiterre en Suisse, et le réseau CCNPPS (Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé) au Québec. Ce sont donc des acteurs dotées d’importantes ressources politiques (c’est-à-dire ayant la capacité à devenir des interlocuteurs légitimes et essentiels) et de ressources d’expertise382 (c’est-à-dire la capacité à produire un discours légitime sur un problème d’action publique) qui leur permettent de porter et de promouvoir la démarche d’EIS.

Enfin, du fait du petit nombre d’acteurs formés, ce sont souvent les mêmes qui se trouvent être impliqués dans les différentes EIS que nous avons étudiées : on retrouve par exemple certains acteurs de l’EIS menée en PACA impliqués dans la mise en œuvre de l’EIS à Rennes. Cette mobilité

382Nous entendons par la notion d’expert la définition donnée par O. Nay et A. Smith : « [Un expert est] en mesure d’intercéder entre les institutions, il peut s’affranchir des dépendances horizontales et verticales que son statut lui impose, il sait utiliser les règles et endosser des rôles propres aux différents milieux dans lesquels il intervient, il parvient à mobiliser et contrôler les images légitimes des groupes et univers qu’il met en contact. Il est en mesure d’appuyer une référence à une grandeur faisant appel à un principe universel ou un intérêt général » (NAY Olivier et SMITH Andy (dir), Le gouvernement du compromis. Courtiers et généralistes dans l’action politique, Paris, Economica, 2002, p.67.)

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des acteurs participe à la consolidation d’un réseau d’acteurs autour de la démarche d’EIS en France.

2) La mise en place d’un réseau d’institutions

Les acteurs impliqués dans des EIS en France ne restent pas isolés et cherchent à impliquer

les structures dont ils font partie : ils forment en ce sens une coalition de cause pour que ces structures (direction ministérielle, agence de santé, université ou école, service en région de l’Etat…) se positionnent en tant que promoteurs de la démarche. En revanche, si ces structures ayant un ancrage régional semblent actuellement très actives, la démarche d’EIS peine quant à elle à être prise en charge par les instances ministérielles.

Une des institutions les plus investies dans la démarche d’EIS est l’EHESP. En effet, des étudiants stagiaires de l’EHESP ont participé et coordonné plusieurs EIS comme cette de Toulouse, de Rennes et de la région PACA, encadrés par des professeurs spécialistes du sujet. L’école a de plus participé à la création du premier réseau formel d’acteurs autour de l’EIS : le Réseau Bretagne Urbanisme et Santé (R-BUS) qui « constitue un groupe d’échange, de réflexion et d’expérimentation autour de l’urbanisme de la santé et des EIS »383. Enfin, l’EHESP s’est également investie dans le domaine de la formation à la démarche d’EIS (en novembre 2014 une formation de quatre jours a été mise en place pour la première fois) et a aussi co-organisé avec l’INPES et le pôle de compétences Santé du CNFPT une journée d’échange autour des EIS en janvier 2015. L’EHESP se pose ainsi en acteur quasi incontournable pour les personnes souhaitant se former à la démarche.

Les ARS apparaissent comme les seconds acteurs-clefs du développement de la démarche en France. Ce constat a d’abord été fait par la coordinatrice de l’EIS PACA : « dans toutes les régions où ça commence à bouger, il y a toujours l’ARS qui est là, pour favoriser ». En effet, l’étude comparée des différents projets d’EIS confirme cette tendance. Il faut noter cependant que l’ARS endosse un rôle un peu différent selon les régions et les configurations d’acteurs : à Plaine, l’ARS a été l’institution qui a initié et porté la démarche, à Rennes et en région PACA, elle a été associée avec d’autres acteurs très tôt dans le projet. Les deux nouvelles EIS de Lilles et Nantes (qui n’ont pas fait l’objet de notre analyse) sont également mises en place avec le concours des ARS. En revanche, seules les EIS de Toulouse et Nanterre se démarquent de cette tendance nationale, par l’absence de l’ARS au processus.

Si certaines ARS restent pour l’instant en retrait, d’autres ont clairement défini la diffusion des EIS

comme une de leur priorité. C’est particulièrement le cas en Ile-de-France où l’ARS joue un rôle majeur,

comme le souligne une chargée de mission EIS appartenant à cette structure : « L’ARS a un rôle important

pour essayer de diffuser [l’EIS], pour faire en sorte qu’il y ait de l’information sur la démarche, de mettre de

la santé dans toute les politiques. C’est son rôle, de favoriser, de faire de l’information, du plaidoyer sur l’EIS.

Ce n’est pas son rôle de faire les EIS. Si on a fait la première, c’est qu’il n’y avait personne de formé et que

pour faire de la publicité pour quelque chose il faut bien le connaître et savoir le réaliser. L’ARS Ile-de-France

a plus de moyens, donc il faut faire diffuser la démarche et être un appui méthodologique à la fois pour la

constitution des CoPIL et pour les évaluateurs ».

383http://rbus-eis.org/

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Au niveau ministériel, la Direction Général de la Santé (DGS) et le Secrétariat Général des Ministères chargés des Affaires Sociales (SGMAS)384 se sont positionnés comme promoteurs de la démarche. Bien que plus éloignés du terrain et donc de la réalisation-même des EIS, ces institutions ont démontré un intérêt à l’égard de cette nouvelle pratique en France.

La Direction Générale de la Santé a organisé en 2010 une formation385 sur le sujet. Elle a suivi

la mise en place d’une seule EIS à ce jour (en région PACA) et cherche à structurer un réseau d’acteurs autour de cette démarche en France, même si ce projet semble encore peu abouti : « On n’est pas impliqué directement dans d’autres évaluations. Il y a un an et demi, on a essayé de réunir toutes les personnes impliquées dans les expériences de ce type-là pour essayer de catalyser sur ses différentes expériences et essayer d’enclencher des actions de coordination ou de soutien mais, notre investissement dans la stratégie nationale de santé et la loi de santé a reporté les choses que l’on avait envisagé de faire. [...] Pour l’instant, on n’a pas réussi à dégager les ressources nécessaires pour avoir un rôle plus actif » (selon le Chargé de mission prospective à la DGS que nous avons interrogé). Malgré ces difficultés, la DGS pense pouvoir promouvoir la démarche dans le cadre du futur comité interministériel pour la santé, comme le souligne le même acteur interrogé de la DGS : « Il y a une structure qui est en train de se mettre en place et dans laquelle ces questions-là devraient revenir, c’est le comité interministériel pour la santé. Dans ce cadre-là ce type d’outil devrait devenir tout à fait pertinent. Mais, pour l’instant, on en est encore à trouver les modalités concrètes pour mettre en place cette structure ».

Le Secrétariat Général des Ministères chargés des Affaires Sociales est une institution qui est, de par son positionnement, déjà dans l’intersectorialité puisqu’il assiste les ministres chargés du travail, de l'emploi, de la santé, de la sécurité sociale, des solidarités, de la cohésion sociale, de la jeunesse, de la vie associative, de la ville et des sports. Le médecin en santé publique du SGMAS que nous avons interrogé considère par exemple qu’il « […] joue en quelque sorte le rôle d’interface entre DGS et ARS ». D’ailleurs, selon une des coordinatrices de l’EIS de Plaine Commune, « [ce médecin] est dans les premiers à avoir « poussé » le sujet en France ». Cet acteur du SGMAS explique ainsi que depuis quelques années, « [il] cherche à promouvoir l’EIS auprès des ARS et de la DGS malgré l’agenda chargé de ces dernières, car l’EIS est un outil permettant de lier décision politique et santé, l’impact de l’un sur l’autre ne faisant aucun doute ». Enfin, cet acteur se dit être plutôt optimiste quant au développement de l’EIS en France et relativise son faible essor : « la démarche est encore nouvelle et l’EIS intéresse enfin du monde après trois ans de travail, les gens y voient enfin un outil opérationnel ».

L’INPES (L’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé) est une agence indépendante créée en 2002 pour mettre en œuvre les politiques de prévention et d’éducation autour de la santé. L’EIS en tant qu’instrument de prévention des risques relatifs à la santé entre donc dans son champ d’action. Un contrat d’objectifs et de performance signé le 30 janvier 2012 entre l’État et l’INPES vise explicitement l’amélioration du transfert des connaissances scientifiques en matière de prévention, de promotion et d’éducation pour la santé et de lutte contre les inégalités sociales de santé. Par ailleurs, une coopération avec les ARS doit favoriser la cohérence et la complémentarité entre les niveaux national, régional et local. Enfin, l’INPES apporte également un

384Tous deux appartenant au Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. 385Séminaire sur les EIS par le Centre d’Analyse Stratégique organisé par la DGS, la Société française de l’évaluation avec la collaboration de l’Union internationale de Promotion de la Santé et d’Education pour la Santé (28 janvier 2010).

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soutien financier : principal financeur de l’EIS de Plaine Commune, l’institut a lancé un appel à projets le 25 mars 2015 qui offre l’opportunité de financer jusqu’à trois expérimentations d’EIS pour une enveloppe totale de 150 000€. Il s’agit bien ici de conforter l’implantation des EIS et leur mise en œuvre sur le territoire national, en soutenant financièrement des initiatives locales. Il est cependant important de noter qu’en 2016 l’INPES va fusionner avec l’InVS (Institut de veille sanitaire) et l’Eprus (Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) en une agence « Santé publique France » : « un seul établissement au service de la surveillance de la santé de la population française ». Elle devra notamment permettre de dégager des moyens pour renforcer des missions telles que « l’évaluation de l’impact sur la santé des politiques publiques »386.

3) Rôle (encore incertain) des collectivités locales ?

Si de nombreuses structures se positionnent au niveau régional et national, c’est essentiellement pour promouvoir la démarche d’EIS et non pour la mettre en place. Ainsi, ces structures sont considérées comme des relais, tandis que la mise en œuvre concrète des EIS reviendrait plutôt aux collectivités territoriales.

Actuellement, la prise de position des collectivités est assez disparate. Toujours associées à la démarche, elles s’y investissent de manière inégale. L’enjeu réside surtout dans leur investissement futur et, pour le Chargé de mission de la DGS, cela ne va pas de soi : « Pour les EIS, je me demande si réellement il y a une demande derrière. Certaines ARS poussent, mais c'est surtout, au sein des ARS, des directeurs de santé publique. Il y a un petit noyau de personnes qui finit par faire émerger le sujet des EIS [...] mais je ne suis pas certain qu'il y ait un marché en France. Pour avoir un marché il faut une solvabilité, je ne suis pas certain que les villes [vont s'y lancer] ».

Ainsi, pour que les EIS se développent, il faut absolument que les collectivités territoriales soient sensibilisées à la démarche. En effet, quelle que soit la bonne volonté des acteurs de la santé publique, ce sont les collectivités territoriales qui peuvent faire émerger une demande, face à une offre qui se structure de plus en plus : « Les ARS ne peuvent pas demander à une ville de le faire. A la rigueur, si elles leur proposaient gratuitement de faire une EIS, une ville peut toujours refuser -pas le temps, etc. - et on ne pourrait pas faire grand-chose », explique le Chargé de mission à la DGS. Une chargée de mission de l’ORS, se montre relativement positive quant à leur possible action : « Les collectivités territoriales ont souvent les compétences internes nécessaires à la réalisation d’une EIS. Mais besoin de se familiariser et se former à la démarche EIS, de savoir gérer la conduite d’un projet multipartenarial. Ca nécessite de l’expérience et c’est une gestion politique habile, ce qui relève plus du savoir-être. Un soutien méthodologique serait certainement nécessaire ».

L’EIS est une démarche actuellement portée par un réseau d’acteurs restreint : issus de la santé publique, ses acteurs sont intéressés par des problématiques transversales. Mobiles, ils se sont formés à l’étranger et œuvrent actuellement à la diffusion de la démarche en France. Pour ce faire, ils cherchent à mobiliser des institutions influentes. Actuellement l’EHESP et certaines ARS régionales semblent être au cœur de ce réseau. D’autres acteurs nationaux sont également impliqués : l’INPES, la DGS, le SGMAS… A terme, la tâche de la mise en œuvre des EIS devrait revenir aux collectivités locales, un important travail de sensibilisation auprès des collectivités est à ce jour nécessaire.

386Site internet de l’InVS : http://www.invs.sante.fr/L-Institut/Projet-nouvel-etablissement-2014-2016 [consulté le 31/04/2015].

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IV. ROLE ET FONCTION DES ACTEURS D’UNE EIS : UN PARTAGE

ENCORE INCERTAIN

Dans cette sous-partie, nous tenterons de rendre compte de la répartition des rôles entre les différents acteurs impliqués dans les EIS analysées en France. En d’autres termes, nous cherchons donc à répondre à la question « qui fait quoi en matière d’EIS ? ».

Afin de faciliter la comparaison entre nos quatre territoires d’étude, nous avons classé les

acteurs en trois catégories, correspondant à un rôle distinct au sein de la procédure d’EIS. En effet, sur chaque territoire les mêmes fonctions étaient souvent désignées sous des qualificatifs différents, ce qui rend difficile la comparaison. Les termes de coordinateurs, évaluateurs et partenaires de la collecte de données sont donc à comprendre ici uniquement selon la définition que nous proposons plus bas. Il faut par ailleurs tenir compte du fait que ces catégories sont non-exclusives, c’est-à-dire qu’un même acteur peut très bien se trouver dans plusieurs catégories.

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1) Les coordinateurs

Cette catégorie désigne les acteurs les plus investis, à savoir ceux qui ont fait l’analyse des données récoltées lors de l’enquête et qui les ont synthétisées. Ce sont aussi les rédacteurs du rapport de l’EIS (à ne pas confondre avec les acteurs ayant impulsé la démarche que nous retrouverons dans la seconde catégorie). Leur rôle est de coordonner les différents acteurs, on le retrouve donc dans toutes les catégories (CoPIL et équipe d’évaluation). Il nous cependant paru intéressant de les présenter aussi de manière isolé pour mieux mettre en avant leur action.

Villes/régions Les coordinateurs

Toulouse Médecin et étudiante-stagiaire du Service Communal Hygiène et Santé (SCHS) de la Mairie de Toulouse (l’étudiante étant en formation à l’EHESP).

PACA Deux professeures de l’EHESP appuyées d’une étudiante-stagiaire au SGAR pour la réalisation de l’EIS et de la chargée d’enseignement à l’EHESP également consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants.

Rennes Un stagiaire de la Mairie pour les deux EIS menées (dont une de l’EHESP).

Île-de-France Plaine Commune : 2 chargés de mission de l’Agence Régionale de Santé (ARS) et l’Observatoire Régional de Santé (ORS) ; Nanterre : une stagiaire de la Mairie de Nanterre et un professeur de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ).

Les coordinateurs des EIS menées sur les quatre territoires d’étude proviennent de différents organismes (SCHS, ARS, ORS, Services de la Mairie, EHESP, cabinet de consultants…). Dans trois de ces EIS (PACA, Rennes, Toulouse), on retrouve des coordinateurs disposant d’une formation EHESP, toutefois la différence reste marquée : deux professeures/évaluatrices, une étudiante en stage au SGAR et une consultante (également chargée d’enseignement à l’EHESP et contactée en cette qualité) dans le cas de PACA, alors qu’une stagiaire sur deux dans le cas de Rennes et une étudiante-stagiaire à Toulouse ont bénéficié d’une formation à l’EHESP. En d’autres termes, l’EHESP semble être un acteur central, mais non indispensable, puisque toutes les EIS n’y font pas appel et que les autres coordinateurs sont d’origines diverses.

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2) Le Comité de Pilotage

Cette catégorie désigne les décideurs, les acteurs ayant une capacité d’action sur le projet,

que ce soit les élus, ou dirigeants du projet (directeur de crèche, aménageurs, transporteurs…) Présentes tout au long de la démarche, les équipes d’évaluation ont participé à la formulation des recommandations et les ont mises en œuvres, pour certains d’entre elles. Les coordinateurs sont aussi présents dans cette catégorie en animant et préparant le CoPIL.

Villes/régions Les équipes d’évaluation

Toulouse Élus, coordinateurs (le SCHS), agents de la Direction Petite Enfance, agents de la Crèche Colette (dans ce cas, la Directrice et l’Assistante maternelle).

PACA Représentants du SGAR, de l’ARS, deux évaluatrices de l’équipe universitaire de l’EHESP, la DGS, des élus et responsables des trois collectivités territoriales concernées ainsi que des projets urbains intégrés évalués.

Rennes Élus, EHESP, tous les membres du réseau R-BUS.

Île-de-France Plaine Commune : ARS, ORS, SNCF, la Société des Transports d’Île-de-France (STIF) et des élus à Plaine Nanterre : les représentants des services de santé et d’urbanisme de la Mairie à Nanterre, des élus, l’EPADEZA.

Dans chacune de ces EIS, des difficultés ont été rencontrées quant à l’implication des

décideurs en dernier ressort, par exemple l’EPADESA en Île-de-France ou encore la Directrice de la Crèche Colette à Borderouge. De manière plus générale, il faut également préciser que les élus ne siégeaient pas de manière permanente au CoPIL et qu’il fut parfois difficile de les mobiliser. Les autres membres du CoPIL sont des représentants des entités concernées par l’EIS, et qui varient donc selon l’objet de la démarche, bien que l’on constate l’implication de l’ARS à la fois en région PACA et à Plaine. Parmi les organismes impliqués d’un point de vue « scientifique » (car ils ont assuré un rôle important dans la mise au point de la méthodologie et la collecte des données), il n’y a pas de récurrence en-dehors de la participation de l’EHESP en PACA, à Rennes et à Toulouse.

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3) L’équipe d’évaluation

Cette dernière catégorie regroupe les personnels « de terrain » qui sont allés récolter les

données, mener les entretiens, analyser les statistiques… Une question qui se pose à l’égard de cette catégorie est de savoir si une part du travail a été déléguée ou non (à des bureaux d’études, par exemple).

Villes/régions Partenaires de la collecte de données probantes

Toulouse Une stagiaire de la Mairie, également étudiante à l’EHESP.

PACA Une stagiaire du SGAR, également étudiante de l’EHESP (supervisée par les deux enseignantes-chercheuses) ; une chargée d’enseignement à l’EHESP et consultante du cabinet SPC ; des responsables et organisateurs des PUI.

Rennes Deux stagiaires, dont une étudiante de l’EHESP.

Île-de-France Plaine Commune : données récoltées par l’ORS, la SNCF, et l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme (IAU), ainsi qu’un groupe spécialiste des démarches de participation citoyenne ; Nanterre : une stagiaire, un doctorant et un enseignant chercheur de l’UVSQ.

On remarque ici la forte présence de stagiaires et d’étudiants qui peut être mise en relation

avec le manque de moyens financiers (sauf à Plaine où des acteurs différents et sans doute plus qualifiés ont été mobilisés).

Concernant le rôle que peuvent jouer les bureaux d’études dans l’EIS, là encore les avis sont partagés. De manière générale, les acteurs rencontrés pensent qu’à court terme la démarche n’est pas encore assez mature et formalisée pour convenir aux bureaux d’étude. A moyen ou long terme les avis divergent : pour le responsable du service Santé-Envt de la Ville de Rennes « Tout dépend du domaine d’application de l’EIS, mais oui ça peut être pas mal. Si les acteurs privés y prennent part ça illustrerait l’existence d’une demande publique, ce qui serait plutôt bon signe, signe de la reconnaissance de l’EIS. » Au contraire, pour la présidente de S2D en France « Il y a le danger du commercialisme, un risque d’utilisation par des groupes privés de l’EIS pour vendre leur marchandise ».

Concernant la place qu’auraient les bureaux d’études, les avis concordent : lors de la collecte de données mais pas en tant que coordinateurs. Ainsi, pour un membre de l’IAU « le bureau d’étude pourrait être là pour aider, faire le terrain, la formalisation du tableau. Mais le principe-même est de faire intervenir des acteurs publics. Ça n’a aucun sens, il faut que ce soit porté par l’acteur public sinon les recommandations sont illégitimes et ne seront pas appliquées ». La stagiaire de la mairie de Nanterre en charge de l’EIS affirme elle de manière un peu plus marquée que « La bonne solution n'est pas les bureaux d'études, l’accompagnement universitaire garantie l’indépendance et il n’y a pas forcément une d'obligation de résultats, c'est la démarche avant tout qui compte et le fait d’avoir fait travailler ensemble les acteurs qui était le plus important. ».

Si nous comparons maintenant les catégories entre elles, nous remarquons que les acteurs coordinateurs sont souvent également présents en tant que partenaires de la collecte de données probantes, bien que l’on n’ait pas forcément affaire aux mêmes individus (une observation qui vaut au sens large pour toutes les catégories : si un même acteur peut très bien se trouver dans deux

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catégories différentes, voire trois - dans le cas de l’EHESP en région PACA – cela ne veut pas dire que les mêmes individus seront impliqués). Cette similitude était attendue : les coordinateurs ayant pour tâche d’analyser et synthétiser les résultats des partenaires de la récolte de données probantes, il peut paraître logique de confier les deux parties du travail aux mêmes personnes. On remarque également que les équipes d’évaluation, ont tendance à inclure la plupart, voire la totalité, des acteurs des autres catégories : là aussi, on pouvait s’y attendre puisque leur tâche est de définir ensemble la méthodologie selon laquelle travailleront les autres catégories et de superviser ledit travail. Enfin, la dernière observation que nous pouvons faire à ce niveau concerne l’EHESP, qui est présente dans trois des six EIS étudiées, bien que son rôle précis diffère à chaque fois : cet acteur universitaire fait alors figure de relative autorité sur la démarche d’EIS en France, dont l’expertise a été plusieurs fois sollicitée ou du moins mise à profit. Toutefois, les EIS d’Île-de-France ont été menées sans l’intervention de l’EHESP, on ne peut donc pas parler de « monopole de l’EHESP de la démarche d’EIS ».

On en conclut qu’il n’y a pas en France un modèle standardisé de répartition des rôles et que

celui-ci s’adapte donc à chaque contexte, malgré une présence remarquable de l'EHESP en tant

qu'acteur universitaire, peut-être bientôt rejoint dans ce rôle par l'Université de Versailles

Saint-Quentin. La participation (ou non) des acteurs à la démarche peut largement être vue

comme dépendante des opinions et sensibilités des initiateurs de l’EIS, chargés de recruter

ceux qui y prendront part. En effet, ces initiateurs cherchent généralement à mobiliser leurs

contacts en fonction de la pertinence qu'aurait pour eux leur participation, et ce sont ensuite

ces contacts qui, en fonction de leur rôle et de la façon dont ils le perçoivent, selon leurs

propres opinions et sensibilités, vont ou non accepter de rejoindre la démarche.

V. L’INTERSECTORIALITE : UN PREALABLE INDISPENSABLE OU

UN APPORT DE L’EIS ?

L’EIS, est une démarche qui se veut intersectorielle. Celle-ci peut aussi bien désigner une collaboration entre des institutions responsables de secteurs différents que la coopération intra-institutionnelle de services aux compétences et domaines d’activités variés, comme par exemple, faire travailler ensemble les services de la santé, de l’urbanisme et de l’environnement au sein d’une même Mairie. Répondre aux questions concernant l’intersectorialité nous renseigne sur l’EIS-même, si l’on considère celle-ci comme étant nécessaire à la faisabilité de l’EIS (et dans ce cas, existait-il de l’intersectorialité avant ou a-t-il fallu l’introduire spécialement pour les besoins de la démarche ?) ou comme étant le fruit-même d’une EIS (l’EIS crée-t-elle de l’intersectorialité qui n’était pas là avant, ou bien amplifie-t-elle l’intersectorialité préexistante ?). Ces options ne sont pas nécessairement exclusives, mais les exposer nous amène également à réfléchir sur la permanence du phénomène de collaboration intersectorielle requis, créé ou amplifié par l’EIS. En d’autres termes : cette coopération d’institutions et de services perdure-t-elle dans le temps ?

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1) La progression de l’intersectorialité : avant et après l’EIS

Si l’on prend l’exemple de Nanterre, l’EIS menée sur ce territoire ne s’appuyait sur aucun cas

précédent (aucun travail intersectoriel n’avait jamais été accompli avant l’évaluation, tandis que le travail des acteurs au sein des services techniques n’était pas considéré comme transversal) : la première réunion de différents acteurs issus de secteurs variés et participant à l’EIS a eu lieu lors de la rédaction de la grille multicritères utilisée dans le protocole d’enquête. La commune de Nanterre a ainsi pu faire collaborer ses services dédiés à la santé et à l’urbanisme : une telle coopération étant une première pour la commune, on peut donc dans ce cas qualifier l’intersectorialité d’apport réel à l’EIS.

Pour l’autre EIS d’Île-de-France, celle de Plaine, les choses ont été différentes : dans ce cas, le Directeur de l’ARS locale connaissait le Président de l’agglomération de Plaine-Commune, ce qui a amené à l’impulsion et au portage de la démarche. Le développement de liens intersectoriels lors de cette évaluation s’est bien passé et a perduré dans le temps : les contacts établis sont restés liés et les acteurs du territoire continuent de travailler ensemble lorsque la situation le requiert. Parmi les partenariats qui ont favorisé l’intersectorialité, nous pouvons notamment évoquer celui avec l’Institut d’Aménagement Urbain (IAU), déjà intersectoriel de par la nature des acteurs avec qui il travaille (des aménageurs), et membre du CoPIL. Puisque les dynamiques intersectorielles étaient déjà en place au sein de cette institution, nous ne pouvons pas dire que l’EIS y a créé de l’intersectorialité. En revanche, dans les services techniques impliqués, il n’y avait pas d’intersectorialité : on peut donc pointer l’existence d’un besoin d’acculturation entre les acteurs de la santé et les autres acteurs impliqués dans la démarche.

À Rennes, l’intersectorialité a été favorisée par le travail que la Ville effectuait depuis 2006 en collaboration avec l’association S2D (rattachée à l’OMS) et qui peut apparaître comme une suite logique de la réalisation de la première EIS. Un travail progressif s’est accompli entre ces deux acteurs et un partenariat très informel a eu lieu, favorisant l’acculturation de la démarche d’EIS. Après la seconde EIS de 2012, des conventions ont été passées entre tous ces acteurs, permettant l’institutionnalisation progressive de la démarche et annonçant une future troisième évaluation. Enfin, ces acteurs ont fini par former le Réseau R-BUS, dont le travail intersectoriel a connu quelques difficultés : en effet, le Réseau peinait à trouver des interlocuteurs au sein de la SNCF et du CHU qui pouvaient véritablement travailler en coopération transversale, car ceux-ci n’avaient pas les mêmes perspectives (ne parlant le plus souvent qu’en termes financiers tandis que les autres acteurs de l’EIS étaient davantage focalisés sur les aspects de la qualité de vie et de la santé).

En région PACA, la démarche a supposé en amont un travail de sensibilisation, d’éducation, de plaidoyer pour permettre l’acculturation, ainsi que le développement d’un langage commun autour de la notion d’EIS : en effet, très peu d’intersectorialité existait avant l’EIS, celle-ci a dû être développée à partir des actions d’un petit nombre d’acteurs (l’initiateur du projet au SGAR et la coordinatrice de l’EIS à l’ARS, notamment). Toutefois, l’intersectorialité a semblé être un préalable nécessaire chez ces acteurs qui ont impulsé la démarche en région PACA. L’initiateur de l’EIS (chargé de mission à la fois au SGAR et à la DRJSCS) connaissait un ensemble d’acteurs hétérogènes, ce qui a facilité la formation d’un CoPIL et la collaboration entre les différents acteurs impliqués. Le roulement des équipes a depuis effacé une bonne part de l’empreinte de l’EIS dans la région (notamment dans les trois collectivités locales, MPM, TPM et NCA), et le retour d’expérience de l’EIS n’a pas réussi à convaincre les décideurs de l’importance de cette démarche. Cependant, l’ARS, le CRES et les CoDES poursuivent leur travail de sensibilisation (l’ARS notamment, se consacre à la mise en relations de

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possibles futurs acteurs et initiateurs de nouvelles EIS tandis que le CRES et les CoDES assument une tâche de promotion et de formation à la démarche). En termes d’intersectorialité, le bilan est donc mitigé, mais nous pouvons dire qu’elle s’est développée à la suite de l’EIS qui a été menée dans cette région.

Enfin, à Toulouse, il n’existait pas de collaboration intersectorielle avant l’EIS. En effet, l’évaluation de Borderouge était d’importance réduite et ses recommandations n’ont pas été suivies. Néanmoins, certains acteurs de la démarche ont proposé la mise en place d’un partenariat à l’avenir : l’intersectorialité à Toulouse, comme à Nanterre, apparaît alors comme un apport de l’EIS.

2) Analyses et opinions des acteurs : un dialogue intersectoriel favorisant la démarche

d'EIS et son efficacité

Si nous prenons l’exemple de la région PACA au travers des informations de notre contact de

l’ARS, la collaboration intersectorielle n’existait que très peu au début et sa mise en place a nécessité un long processus de déblocage, notamment de la part du SGAR (qui avait impulsé la démarche). Durant cette phase, un élément récurrent des EIS examinées est le rôle déterminant de l’initiateur ou porteur du projet. Notre contact de l’EHESP, en stage au SGAR au moment de l’EIS et ayant également participé à l’EIS de Plaine-Commune, décrit ce processus amenant différents acteurs à coopérer et à travailler ensemble comme une « acculturation nécessaire des différents acteurs de la santé qui ne partagent pas forcément les mêmes approches : différences entre ceux du secteur santé-environnement, ceux de la promotion et ceux qui s’intéressent aux ISS. L’EIS permet de faire le pont entre tout ça » avant de conclure qu’il existe un « besoin de pédagogie interne au champ santé pour désectorialiser ». Comme le résume également le Rapport de la Journée EIS de l’EHESP et de l’INPES, « les EIS interpellent l’intersectorialité des champs sanitaires et non sanitaires, la santé ne devant pas en effet être réduite au seul champ sanitaire ». De même, une universitaire impliquée dans les EIS en Île-de-France décrit les effets positifs d’une coopération amenée par la démarche : « Dans un service, on peut avoir des personnes qui n’ont jamais travaillé ensemble. L’EIS invite les gens à venir travailler ensemble. On ne pratique jamais comme évaluateur, on fait travailler les services sur la question. On constate que les gens sont contents car les gens sortent le leur zone de confort. On travaille sur une catégorie plus globale. C’est une culture commune ».

La collaboration intersectorielle, dans ces cas précis, ne concernait que certaines institutions avant le début de l’EIS, mais a été développée par les acteurs initiateurs et porteurs de la démarche afin de garantir son succès : en effet, l’intersectorialité permet d’adopter une approche transversale, multidisciplinaire en créant la méthodologie de l’évaluation, ainsi que de garantir la coopération des acteurs en les associant au processus et de partager les ressources. Ces ressources peuvent être des ressources humaines mais aussi des compétences, des points de vue et des informations : la collecte des données probantes est en effet grandement facilitée en intégrant de manière bilatérale des partenaires tels que les ORS, les instituts et agences d’urbanisme… dont les bases de données sont importantes pour l’enquête : un des agents de l’ARS en Île-de-France affirmait ainsi, en parlant des perspectives de réussite d’une EIS menée par une seule agence que : « […] tout seuls, on ne sera pas efficaces ». De même, en région PACA, notre contact de l’ARS locale regrettait que la démarche n’ait pas impliqué les professionnels de la santé (épidémiologues…) qui, malgré une définition souvent très « clinique » de leur domaine, auraient pu apporter d’appréciables informations sur l’état de santé général de la population. Enfin, selon la Présidente de l’association S2D en Suisse, impliquée dans l’EIS à Rennes : « n’importe quel service de la ville peut avoir un rôle à jouer en santé et aurait

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pu participer à l’EIS ». Selon lui, cela montre que tous les services sont concernés et peuvent avoir un rôle à jouer ensemble, que l’EIS n’est pas l’affaire d’un unique service spécialisé.

D’une manière plus générale, le chargé d’études du Service d’Études Urbaines de Rennes, a beaucoup à dire sur la dimension de l’intersectorialité dans la réalisation de l’EIS de Pontchaillou : selon lui, l’équipe a tout d’abord « adopté un fonctionnement informel » entre les différents acteurs, qui n’a donné lieu que récemment à une convention de partenariat entre Rennes Métropole, l’ARSB, l’EHESP et S2D : « on a aujourd'hui un cadre qui nous permet d’aller plus loin » pour développer la démarche et le recours aux EIS, d’avoir une réflexion plus intégrée de la santé dans les futurs plans d’urbanisme (par exemple, le plan d’urbanisme de 2015). Ce chargé d’études a « […] dû s’acculturer au vocabulaire santé et à cette approche large », cela a notamment été facilité par « des collaborations sur d’autres thèmes avec les services santé ». Par ailleurs, l’une des composantes de la démarche d’EIS a été de favoriser « l’information et la sensibilisation » du secteur de la santé par le monde de l’urbanisme et vice versa, ce qui a permis d’adopter un « regard plus explicite vis-à-vis de la santé humaine ». C’est une étape également importante car elle permet de faire prendre conscience aux acteurs de la « plus-value » d’une approche transversale. Les EIS permettent de jouer sur des échelles différentes, d’avoir des approches et donc des recommandations différentes, ce qui n’est pas toujours bien entendu par certains acteurs. Ces « univers de formation et de mode de pensée très différents » ont pu s’accorder sur une définition commune et s’habituer à leurs notions respectives en travaillant sur d’autres thèmes « plus classiques », comme la qualité de l’air et les nuisances sonores. Il y a donc des problèmes de communication inhérents à la diversité des acteurs engagés, mais ces problèmes peuvent être surmontés à travers un travail d’information et en avançant progressivement sur des questions de plus en plus complexes. La collaboration instaurée entre les différents acteurs sur le territoire permet de développer « une démarche plus qualitative et plus explicite ». La Présidente de S2D résume cet état de fait en disant que « dans la démarche d’EIS préconisée par l’OMS est mis en avant l’aspect intersectoriel. On s’aperçoit qu’il n’y a jamais un seul intérêt, mais des intérêts contradictoires. La démarche participative est essentielle pour discuter et faire converger les intérêts ».

3) Un dialogue intersectoriel encore fragile

Toutefois, l’intersectorialité mise en place lors d’une EIS peut être caractérisée par une

certaine vulnérabilité en ce qu’elle dépend bien souvent d’actions individuelles pour voir le jour. L’exemple de PACA est ici particulièrement approprié, puisque le chargé de mission du SGAR était en grande partie responsable de l’implication des autres acteurs. Cependant, les agences et les collectivités locales de la région ont depuis vu la composition de leurs équipes changer : après le départ des acteurs (dans d’autres services) qui s’étaient impliqués exclusivement et personnellement dans la démarche d’EIS, leurs successeurs nous ont fait part de leur méconnaissance de l’outil EIS. L’héritage n’était donc pas resté dans le service. D’un autre côté, une forte implication personnelle pourrait théoriquement pousser un acteur arrivant sur un nouveau poste de tenter de sensibiliser ses collègues et supérieurs, de répandre la démarche et d’en faire la promotion. Une telle empreinte laissée par la démarche nous est rapportée par la chargée d’étude à l’ORS et coordinatrice de l’EIS de Plaine : « la Commune de Plaine invite les deux évaluatrices à participer à la refonte des plans locaux de déplacements, etc… L’intersectorialité, le fait de mettre la santé publique au cœur des projets de la ville est bien passé et perdure. [...] A la fin de la démarche, tous les acteurs sont convaincus par la démarche, comprennent bien l’intérêt de cette approche santé publique ».

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Enfin, comme nous le précise également un de nos contacts en Île-de-France, il existe

également une divergence entre l’ambition affichée par les superviseurs du projet et la réalité de l’expérience. « Ce n’est pas une difficulté, mais un constat. L’action intersectorielle est affichée mais sur le terrain, elle n’existe pas. Un service d’aménagement ne communique pas avec le service environnement », selon l’étudiante-stagiaire ayant mené l’EIS à Toulouse (et travaillant actuellement au Service Promotion de la santé du SCHS) qui explique également à quel point il est difficile, en pratique, de faire coopérer des acteurs issus de différents secteurs : « Ça nécessiterait tout le temps vraiment une collaboration en strates, entre différentes directions » afin de véritablement récolter tous les bénéfices attendus de l’intersectorialité. Cela nécessite par ailleurs qu’il y ait un portage et un partage politiques au préalable.

4) Le Comité Interministériel sur la Santé

En matière de portage politique - même si la référence précise à l’EIS n’est pas toujours faite

- il existe au plus haut niveau un effort certain fait en direction d’une plus grande collaboration intersectorielle, avec la création du Comité Interministériel sur la Santé (CIS), dont la mise en place suite au décret du 18 juin 2014 contribue à la mise à l’agenda de l’EIS. En effet, le CIS introduit la notion d'évaluation d'impact, sans désigner proprement les EIS, mais instaure un suivi de l'élaboration des plans ou programmes ayant un impact sur la santé ou les ISS. Pour le Chargé de mission de la DGS que nous avons interrogé, en charge du sujet CIS, « l'avantage d'avoir des EIS ou un autre outil, c'est d'avoir une base commune de compréhension de certains sujets de santé ».

Cependant, notre contact nous informe qu’il existe un certain risque à l’institutionnalisation par le haut de cette démarche en France : en effet, le Ministère de la santé se retrouve isolé, mis à l'écart en fonction des priorités politiques telles que l’emploi, le maintien de l’activité industrielle et agricole. Cela peut être d’autant plus marqué, si les revendications du Ministère de la santé sont perçues comme excessives, déraisonnables ou envahissantes, remettant ainsi en cause la « souveraineté » et l’indépendance d’un ministère dans son domaine au nom d’impératifs qui ne lui sont pas traditionnellement attachés. La consultante du cabinet SPC évoquait à ce sujet le risque de « tout penser en termes de santé », tandis que notre contact de l’ARS PACA attribuait une part du succès final de la mise en place de la collaboration au fait « qu’on ne marchait sur les plates-bandes de personne ». Dans ce cadre, l'EIS est un bon outil pour faciliter la mise en œuvre de la santé dans toutes les politiques, comme l’explique à nouveau notre contact de la DGS : « quand on travaille dans l'interministériel, la plus grande difficulté est la compréhension et la prise en compte mutuelles des intérêts sectoriels. L'avantage d'avoir des EIS ou un autre outil, c'est d'avoir une base commune de compréhension de certains sujets de santé ».

Une plus grande collaboration aux sommets de l’État, entre les ministères, apparaît cependant indispensable malgré les possibles inconvénients d’une institutionnalisation par le haut car, selon notre contact de la DGS, quand on cherche à agir en santé publique, « on se retrouve très vite sur des déterminants en termes d’éducation, d’emploi, logement, transports etc., tous les déterminants sociaux qui sont en dehors de nos leviers d’action. Du coup, ça oblige à se poser la question de « comment on fait pour inciter les autres à prendre la santé en compte dans les politiques, les actions qu’ils mènent... » [...]. De plus en plus de personnes pensent que c’est important [l’intersectorialité] et l’EIS est un des moyens qu’on peut avoir pour discuter avec les responsables des politiques publiques dans d’autres secteurs mais ce n’est pas encore la culture dominante. [...]».

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5) Des réticences institutionnelles toujours à surmonter

D’où l’intérêt des études d’impact, malgré les réticences liées à la perspective d’un

alourdissement administratif causé par la nécessité de se concerter systématiquement avec les autres ministères, car il y a l’idée « que dans les études d’impacts des projets de loi, on puisse intégrer explicitement cette dimension-là, impact sur la santé, qui actuellement est un peu sous-entendue dans impact social mais pas forcément explicitement. Les arbitrages politiques et réalistes pour éviter de faire fuir les autres ministères sont de dire qu’il vaut mieux ne pas parler de dispositif trop formalisé car ça va faire fuir les gens et c’est vrai que lorsqu’on regarde les études d’impact des projets de loi, c’est un peu des exercices imposés qui dans les administrations, peuvent aussi perdre de la substance. Si vous regardez le décret de création du Comité interministériel pour la santé, il n’y a pas le mot « évaluation d’impact » mais une formulation qu’on a directement reprise de l’article 54 des Québécois, l’idée de déterminer les conséquences pour la santé des politiques qui sont susceptibles d’avoir un impact sur la santé. On essaye de l’inscrire dans le texte sans le dire explicitement pour ne pas faire fuir les gens ».

Notre interlocuteur de la DGS admet que ce qui peut amener les institutions à rejeter l’EIS, c’est « la prédominance de la culture verticale des sujets avec son corollaire, la tendance naturelle à vouloir se protéger contre l’intrusion d’autres sujets ». Pourtant, citant les travaux des anglais et des québécois en la matière, notre contact affirme également que « ça marche d’autant mieux de faire les EIS des autres politiques à partir du moment où on reconnaît que ces autres politiques ont aussi leur objectifs propres et que le jugement porte sur l’ensemble. Y compris comment les objectifs de santé peuvent aussi contribuer à leurs objectifs propres. Alors qu’en caricaturant, il peut y avoir des gens dans le secteur de la santé qui arrivent en disant « vous êtes bien gentils mais tout ce qui compte le plus est notre objectif d’amélioration de la santé à nous et vos objectifs à vous ils sont moins importants » ». On retrouve ici l’idée précédemment exprimée de la réaction légitime que des responsables politiques pourraient avoir en étant confrontés à des acteurs de santé au discours si autocentré qu’ils en viendraient à tenter de phagocyter les autres formes d’action publique. Notre contact précise cependant que, selon lui, « il n’y a pas des conflits mais des objectifs multiples. Il y a un truc intéressant dans les discours et dans l’analyse qui existe et même factuellement, au lieu de parler de la santé dans toutes les politiques comme on a fait pendant quelques années, c’est de parler de la responsabilité de l’ensemble du gouvernement sur la santé, dire que la santé ça dépend de tout le monde, ça intéresse tout le monde avec les autres choses qui intéressent tout le monde, plutôt que de dire « on va mettre de la santé chez vous ». L’intersectorialité n’est pas la tendance dans les administrations centrales. Même à des niveaux où ça devrait venir tout seul, des domaines comme la santé scolaire ou la santé au travail, ou la santé-environnement, les interactions entre les ministères concernés ne sont pas forcément simples. Pour la santé au travail, la DG du travail revendique une approche basée sur les équilibres entre les partenaires sociaux parce que c’est comme cela que le système fonctionne.” Selon lui, c’est sur ce genre d’ambitions qu’est bâti le CIS, toutefois nous devrons attendre de voir les premières réunions de ce comité (au rythme prévu de deux ans, ce qui peut paraître insuffisant) pour juger de son efficacité réelle. De plus, rien ne dit que l’EIS y sera un sujet de discussion majeur.

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La conclusion d’un de nos interlocuteurs d’Île-de-France sur la question de l’intersectorialité est que « si certaines compétences techniques sont nécessaires lors de la mise en œuvre d’une EIS, il est surtout fondamental de s’interroger sur les effets d’un projet ou d’un programme soumis à l’évaluation. Pour ce faire, les acteurs concernés doivent être initiés à une démarche intersectorielle et avoir une vision large de la notion de santé ». Ce point de vue est partagé par d’autres acteurs interrogés à l’EHESP et à l’ARS PACA qui ont pris en main l’important travail de sensibilisation et de formation à l’EIS, mais aussi aux problématiques de santé publique en général. Nous pouvons ajouter qu'au vu des fragilités existant encore dans les dynamiques intersectorielles nouvellement établies, le travail de tous les acteurs est essentiel, non seulement de manière horizontale comme le font l'ARS, les CRES, l'EHESP, et les initiateurs des EIS, mais également de manière verticale, par le haut, grâce au CIS.

VI. LES ENJEUX DE LA FORMATION, DES RETOURS D’EXPERIENCE

ET DU TRANSFERT DE COMPETENCES

La formation est le premier enjeu d’une EIS, nécessaire et préalable à sa réalisation. En effet, il ne faut jamais oublier qu'à l’origine d’une EIS l'on retrouve un ensemble d’acteurs ayant des parcours bien spécifiques, qui vont porter cet outil. Le nombre d’acteurs dont il est question est encore restreint, la démarche étant relativement peu connue en France.

Si la formation prise au sens large peut inclure également les retours d'expérience et le

transfert de compétences, nous adopterons ici une vision davantage segmentée. Par formation, nous entendons l'instant t à partir duquel les acteurs vont acquérir les connaissances nécessaires à la réalisation d'une EIS suite, notamment, à l'apport d'une institution extérieure. D'où la distinction de cette notion avec celle de transfert de connaissances qui renvoie, quant à elle, à la perpétuation d'un savoir et de son appropriation par les acteurs au sein de leurs services respectifs. Enfin, le retour d'expérience est l'étape qui doit servir à crédibiliser l'EIS et affirmer sa spécificité, elle vise donc les acteurs qui n'ont pas encore expérimenté cet outil.

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1) La prégnance des acteurs internationaux…

Il ne faut pas oublier le fait que la démarche d’EIS ne trouve pas ses origines en France, mais bien à l'étranger. Que ce soit l'Université de Liverpool, en Angleterre, qui revendique la production des « Health Impact Assessment » ou encore l'Organisation Mondiale de la Santé qui promeut actuellement un rapprochement entre EIS et évaluation environnementale stratégique, on constate que les acteurs majeurs de l'EIS ne sont pas initialement français. Il a donc fallu implémenter cet outil, l'injecter au sein du territoire national et le promouvoir pour espérer sa diffusion. Ce sont donc des acteurs internationaux qui se sont saisis de cette tâche.

… lors des formations initiales

Dans un premier temps, il s'agit de former le personnel intéressé par la démarche. On observe ainsi divers modèles comme celui de Rennes, qui s'est intéressé aux EIS par le biais de l'Organisation Mondiale de la Santé et son réseau Ville-Santé, que l'agglomération intègre dès 1990. Cette même ville de Rennes est actuellement membre du Conseil d'Administration de l’association internationale pour la promotion de la Santé et le Développement Durable S2D, laquelle a pour objectif de populariser les principes de la « Santé pour tous » de l'OMS et leur application en milieu urbain. Avant cela, l’Adjointe déléguée à la santé de la ville (de 1983 à 1995) s'inscrivait déjà dans cette optique internationale avec sa participation à la conférence d'Ottawa, où fut établie la première charte internationale sur la promotion de la santé. On observe donc clairement l'apport international relatif à la question des EIS, que l'on peut mettre en lien avec l'affirmation aujourd'hui de l'EHESP de Rennes comme promoteur national de l'outil. Un second modèle émerge, plus récent puisqu'il concerne l'EIS de Plaine Commune, dont le rapport final a été publié en mai 2014. En effet, étant donnée la nouveauté de la démarche, un soutien méthodologique était nécessaire. L'équipe de l'ARS Ile-de-France a ainsi été formée par le groupe IMPACT de l'Université de Liverpool, et cette aide s'est poursuivie tout au long de la réalisation de l'EIS.

…lors des colloques et autres journées de formations

Ce soutien ne se limite pas à la réalisation stricte des EIS, il entend faciliter la diffusion de cet outil. D'où un véritable travail d'acculturation, mené lors d'événements tels qu'un atelier métropolitain, auquel M. Jean Simos est venu de Genève afin de partager son expérience des EIS. La nomination de Nantes comme Capitale Verte de l'Europe en 2013 sert également à son rayonnement international et va inciter au développement du secteur de la santé environnementale. Enfin, la France s'intègre au tissu des EIS qui se déploie progressivement, comme le remarque une enseignante chercheuse de l’EHESP (lors de la journée EIS organisée par l'INPES, l'EHESP et la CNFPT) qui parle en termes de « liens [entretenus] avec [ses] collègues étrangers ».

On observe une fois de plus un suivi de la part des acteurs internationaux qui ont joué un

rôle essentiel dans l'implantation des EIS en France et ont contribué à la formation et à la sensibilisation des acteurs nationaux autour de cet outil.

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2) L'enjeu du transfert de compétences…

Les questions qui peuvent se poser à ce sujet sont les suivantes : Quelle appropriation de

l’EIS par les acteurs nationaux une fois la formation achevée ? Dans quelle mesure vont-ils parvenir à transférer les compétences acquises de façon à pérenniser l'utilisation de cet outil ?

…réalisé par les acteurs nationaux

Nombreux sont en effet les acteurs qui s'affirment comme les dépositaires de la méthodologie EIS. On peut par exemple citer la région PACA et le CRES (Comité Régional d'Education pour la Santé) qui entend réaliser des formations pour la promotion de l'EIS, auprès des élus notamment, avec des sessions « courtes, une demi-heure dans un séminaire ou dans le meilleur des cas une demi-journée. ». Il s'agira de les « convaincre, par l'exemple », leur expliquer en quoi ils sont des acteurs de la promotion de la santé, etc...

L'ARS Ile-de-France est un autre acteur qui entend accompagner la réalisation des EIS sur le

territoire national en transmettant les compétences qu'elle a acquises en la matière. Elle entend ainsi mettre en ligne un ensemble d'outils méthodologiques et aider à la constitution des comités de pilotage des EIS.

Pour ce qui est de l'EHESP de Rennes, son approche du transfert de compétences sera très

académique puisqu'il s'agit de la mise en place d'une offre de formation en partenariat avec l'INPES. En avril 2015, « un parcours visant au développement des compétences en matière d'EIS »387 vu le jour. On note qu'un « axe de promotion de la santé émerge également au sein de l'EHESP » de façon à « croiser les compétences de chaque département en vue d'élaborer des outils et d'aider les différentes institutions désirant initier une EIS »388.

Il s'agit ici d'éléments traitant de la mise en place d'une EIS, mais comme nous l'avons vu

avec les acteurs internationaux, il faut aller au-delà et considérer sa promotion et l'actualité entourant cet outil comme parties intégrantes du processus de transfert de compétences.

…à travers la médiatisation et l’information autour de l'EIS

Les colloques, les journées de l'EIS, les conférences traitant de ce sujet sont autant d'espaces qui permettent la découverte de cet outil. Ces événements sont également d’importantes occasions pour sensibiliser les acteurs à la méthode des EIS. Nous pouvons ainsi citer pêle-mêle les Actes de la journée EIS, organisée par l'INPES, l'EHESP et la CNFPT, le colloque de Rennes « Paysage, Urbanisme et Santé », organisé au mois de novembre 2014 au cours duquel « différentes cultures professionnelles ont pu être croisées »389. Aura également lieu, en juin 2015 et organisée par l'INPES, la Journée de la Prévention et de la Santé Publique.

Divers acteurs tentent de devenir « les centres » autours desquels gravitera la future «

activité EIS » française. La ville de Rennes est ainsi très présente, avec la constitution du réseau R-BUS, lequel dispose d'un site qui publie un certain nombre de guides méthodologiques, traite de l'actualité des EIS sur l'ensemble du territoire et a même organisé en novembre 2014 un congrès 387 Anne Roué Le Gall, Actes de la journée EIS par INPES-EHESP et CNFPT. 388 Idem. 389 Dr. Patricia SARAUX-SALAUN, Médecin-directeur, Ville de Nantes, Actes de la journée EIS par INPES-EHESP et CNFPT.

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visant à promouvoir la démarche auprès des professionnels. L'INPES dispose également d’un site dédié au sujet et compte publier prochainement « un document pour valoriser le processus de mise en œuvre de l'EIS de Plaine afin de tirer des enseignements sur cette expérience à valoriser au niveau national »390.

3) Le retour d'expérience capable de vaincre les résistances…

A travers le retour d'expérience et la valorisation du rapport d’évaluation, il s'agit de tirer des enseignements des EIS menées, de façon à adapter les méthodologies au territoire, à ses spécificités. En effet, seul un retour d'expérience efficace et intégré peut véritablement permettre l'appropriation de l'outil en France.

…qui doit se développer et se systématiser...

On observe, en fonction des EIS, des transmissions d'expériences plus ou moins positives. Ainsi, on a l'exemple de l'EIS de Plaine Commune, qui, en plus de faire l'objet d'un document visant, nous l'avons vu, à tirer des enseignements de l'expérience, a également bénéficié d'une communication importante de la part de l'ARS Ile-de-France au moment de la publication du rapport.

A l'inverse, malgré l'appropriation par le CRES en région PACA du volet formation de l'EIS, le

retour d'expériences s'est soldé par un échec, et il n'en résulte aujourd'hui qu'un très faible transfert de compétences au sein des services techniques des communautés urbaines et une sensibilisation à l'EIS quasi-nulle. A Toulouse, le problème rencontré est le même : le retour d'expériences a fait l’objet d’une présentation lors d'un séminaire organisé par l’IFERISS qui a réuni 70 personnes de la région (chercheurs, agents de l'ARS plus quelques élus régionaux et municipaux) dont la majorité n'était pas sensibilisée à l'EIS, voire ne connaissait pas du tout cet outil.

Pourtant, parmi les acteurs rencontrés sur le territoire toulousain, très peu connaissaient

l'EIS qui y avait été réalisée et la majorité n'avait jamais eu accès aux résultats, alors même que ces acteurs adhèrent à la démarche et appartiennent à des structures de santé ou d'aménagement du territoire de premier plan391.

En effet, la personne ayant été en charge de l'EIS indique que le rapport produit suite à la

réalisation de cette dernière est resté « un peu enterré », ce que nous confirmons au vu de la difficulté avec laquelle nous sommes parvenus à nous procurer ledit rapport.

...de façon à précisément définir l'EIS ainsi que son intérêt

En effet, les retours d'expériences sont le biais par lequel l'EIS va véritablement se confronter au terrain. Pour la chargée d'expertise scientifique en promotion de la santé de l'INPES, « on ne manque pas de guides méthodologiques », et tous les acteurs des institutions nationales estiment nécessaire d'effectuer un travail d'acculturation autour de la démarche d’EIS. Toutefois, il s’agit de donner corps à cette acculturation, de l'ancrer. Se pose alors le problème de la définition des Inégalités Sociales de Santé, supposées être au cœur de la démarche d’EIS. En effet, selon le chargé d'étude à l'ORS Ile-de-France, on « manque de corpus de connaissances pragmatiques sur les

390 Entretien avec la chargée d'expertise scientifique en promotion de la santé de l'INPES. 391 Cf. partie V sur Toulouse.

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ISS autres que des articles scientifiques trop globaux ». Le retour d'expérience concernant les EIS déjà menées devrait permettre de cibler ces grandes inégalités, territoire par territoire.

Plusieurs éléments ressortent de cette analyse. Tout d'abord, une compétition s'engage autour de l'imposition par divers acteurs de leur propre vision des EIS. On peut citer les plateformes internet de Rennes, de l'INPES, du CRES ou encore de l'ARS d'Ile-de-France et les nombreuses aides méthodologiques et formations proposées par chacun d'entre eux. Tous veulent donc former, promouvoir, et cela serait bénéfique car, selon la chargée d'expertise scientifique en promotion de la santé de l'INPES, il existe actuellement « un manque de ressources humaines compétentes pour réaliser des EIS ». D'autres, au contraire, estiment qu'« il y a une réticence à mettre en œuvre des EIS car il y a une immaturité des décideurs » (selon un des médecins en santé publique que nous avons interrogé).D'où la volonté d'effectuer ce travail d'acculturation, de promotion et de formation afin de vaincre les résistances.

Une seconde piste est celle de l'intervention académique qui ouvrirait alors un nouvel espace d'expérimentation. En effet, selon un universitaire, « les institutions n'ont pas la capacité de mener des expérimentations. En France, la recherche-action est regardée comme une curiosité. Il faut susciter l'EIS comme un objet de recherche. On a besoin de générer de nouvelles données. Si on fait des recherches en urbanisme-santé, on a beaucoup de publications, mais pas de conclusions définitives ». Cela renvoie au problème du manque de retours d'expériences dont nous traitions plus haut.

Par ailleurs, le manque de personnes afin de comprendre et appliquer la méthode d’EIS serait un autre frein majeur à son développement. Quant à la compétition pour imposer sa propre vision de l'EIS, elle est à relativiser au regard des collaborations existantes, notamment entre l'EHESP, le CNFPT et l'INPES et de la mise en place future d'une unique Agence de Santé Publique qui précisera le rôle des ARS, des collectivités territoriales et de l'INPES dans l'accompagnement des acteurs souhaitant réaliser une EIS.

Enfin, la formation, les retours d'expériences et le transfert de compétences sont des étapes essentielles permettant de soutenir, d’assurer et de garantir l'implantation définitive des EIS sur le territoire français.

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VII. UNE (NON) REGLEMENTATION DES EIS ?

Notre enquête sur les territoires français nous ont permis d’aborder la question de la réglementation des EIS avec les acteurs interrogés : si les acteurs ayant déjà expérimenté cette démarche y trouvent un intérêt, la réglementation n’est pas quelque chose qui va de soi et ce d’autant plus pour les acteurs interrogés qui n’ont jamais participé à cette démarche. Par ailleurs, chaque territoire aborde cette question à partir d’un contexte local particulier qui se doit d’être pris en compte dans notre analyse, comme nous l’ont montré les territoires étrangers ayant institutionnalisé sous diverses formes cette démarche.

Nous avons dans un premier temps remarqué la réticence générale des acteurs interrogés face à l’idée d’une réglementation à court terme. En effet, il semble que les enjeux actuels restent l’expérimentation, la promotion de la démarche et la formation de nouveaux acteurs. La coordinatrice de l’ARS Île-de-France réagit à cette question par un : « Non, c’est beaucoup trop tôt, ce n’est pas possible à faire, on n’a pas assez de compétence. Il faudrait déjà une bonne expérience en France ! ».

D’autre part, le volet financier des structures semble être un frein pour appuyer cette démarche nouvelle qui n’a pas encore révélé tous ses atouts. Selon un agent du Service Promotion de la Santé de la Mairie de Toulouse « il est trop tôt. Il faut une prise de conscience, une culturation d’abord et légiférer après. En période de réduction budgétaire, il est difficile de s’investir, mobiliser les ressources, partir de zéro sur un nouveau sujet ». Or, selon l’étudiante-stagiaire à l’EHESP pour l’EIS à Rennes, « il faut mettre en avant l’impact financier pour promouvoir les EIS ». Selon elle, la démarche permet de réduire à long terme le budget de la santé en systématisant l’intégration de cette question dans d’autres secteurs comme l’urbanisme.

Il est donc important de promouvoir les EIS avant tout, et cela passe notamment par la « sensibilisation des décideurs » (selon la consultante du cabinet SantéPubliqueConsultants que nous avons interrogée), ou encore par les « initiatives locales et les partages d’expériences [qui] sont peut-être les points-clés » pour promouvoir les EIS (selon une l’enseignante-chercheuse de l’EHESP à Rennes392). Ce point de vue est soutenu par la chargée de suivi des politiques de promotion de la santé au Conseil régional de Bretagne : « il faut passer par le niveau local, les collectivités ou à travers des animateurs de santé car eux connaissent les territoires et peuvent s’adapter au contexte, alors que vouloir toucher le grand public en général ne fonctionne pas ». Ce levier de promotion rejoint d’ailleurs l’idée de former de nouveaux acteurs à la démarche avant de l’institutionnaliser. Un agent du Conseil Régional de Bretagne que nous avons interrogé parle notamment de « l’IREPS et le REEB » qui ont déjà réalisé des projets avec l’appui du Conseil Régional de Bretagne et qui pourraient être intégrés à cette démarche (ces acteurs avaient déjà sollicité le Conseil Régional au sujet du « besoin de formation en Bretagne en santé et environnement »).

A court terme, la question d’une réglementation semble faire consensus auprès des acteurs des différents territoires, il semble qu’elle serait trop précipitée face aux enjeux actuels des EIS en France. Cependant, à moyen voire à long terme, cette question crée un certain débat entre les acteurs interrogés. En effet, si certains semblent en faveur d’une réglementation, ce n’est pas le cas de tous. Cette division va au-delà des territoires et des acteurs interrogés.

392 Du Département Santé-Environnement-Travail et Génie Sanitaire.

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Selon une enseignante-chercheuse de l’EHESP à Rennes, sans réglementation « il y a toujours des gens qui ne seront jamais touchés ». La réglementation permettrait alors de donner un réel aboutissement à cette démarche intéressante ou, comme le souligne un agent de l’ARS PACA interrogé, « la réglementation ferait progresser l'EIS, si celle-ci était obligatoire ». Enfin, pour le Président de l’association « Élus, Santé Publique et Territoires », la réglementation « oblige les services à y réfléchir et à s'interroger sur la démarche. […] Après la question de la rigidité, de la perte de créativité, c’est autre chose, la question des décrets, une question de souplesse de la définition de l'EIS. C’est une autre question […] que ce soit dans la loi, c'est une clef. Après, on ouvre une porte on ne sait pas ce qu'il y a derrière. Mais si la porte est fermée, la porte est fermée ». C’est également le point de vue du Directeur de l’IFERISS à Toulouse, qui « souhaite que l’esprit de l’EIS soit inscrit dans la loi » mais qui appuie le fait que, pour lui, c’est au travail du Ministère de la Santé de promouvoir cette démarche - et qui le fait en partie grâce à des groupes de réflexion – et cela « devrait se traduire au niveau du comité interministériel sur la santé ». La réglementation ou sa recommandation393 serait donc une éventuelle voie pour inciter les acteurs et les territoires à s’intéresser à cette démarche voire à la mettre en œuvre.

En revanche, le fait de réglementer peut ne pas suffire, comme le confirme un chargé de

mission à la DGS (« Le niveau national où on élabore les lois peut impulser, mais rendre obligatoire quelque chose dans ce domaine ne suffit pas pour que cela soit respecté,»), ou encore l’enseignante-chercheuse en charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP à Rennes (« On voit aujourd’hui que c’est réglementé et obligatoire au Québec mais pourtant il y a toujours des acteurs qui ne jouent pas le jeu car même si le Ministre de la Santé a la compétence à ce sujet il n’a pas de pouvoir sur les autres ministres. Donc réglementer ne fait pas tout »). Sa collègue va plus loin dans ses propos : pour elle, il ne « faut pas d’EIS à tous prix ! […] Il faut trouver un juste niveau d’institutionnalisation, le côté volontaire est intéressant car on se permet plus de choses ». En revanche, pour l’urbaniste de Rennes Métropole que nous avons interrogé, il n’est pas nécessaire de légiférer : « il faut continuer à s’autoriser cette liberté d’approche et de méthodologie ». Par ailleurs, le responsable du Service Santé-Environnement à la Ville de Rennes ajoute que « la contrainte aurait sans doute des effets contre-productifs […] le principe de la concertation entre beaucoup d’acteurs et les citoyens rend le cadre réglementaire de toute façon difficile à mettre en place, il aurait sans doute un effet réducteur sur la démarche de l’EIS ». Et c’est sans oublier le fait, selon la responsable de suivi de projet de l’EIS en Seine St Denis et coordinatrice du projet d’évaluation des EIS à l’ORS Île de France, que « normer l’approche EIS [serait difficile] car les déterminants de santé sont très nombreux et ne sont pas les mêmes selon les projets ». Enfin, le responsable du Service Santé-Environnement à la Ville de Rennes conclue son propos sur la réglementation par : « l’EIS est justement une façon de faire autre chose que de la réglementation, elle promeut des vraies valeurs à intégrer dans un projet, l’EIS réglementée ne serait plus une EIS ».

393Selon la Présidente du réseau S2D en France.

228

Il apparaît alors que les acteurs revendiquent souvent le fait que l’institutionnalisation de l’EIS doit passer avant tout par une « volonté politique indispensable pour impulser la pratique. Il faut argumenter pour convaincre d’abord les hommes politiques394 ». De même, pour intégrer cette démarche, « on peut donc imaginer de développer un outil rapide qui pourrait être utilisé de manière presque systématique sur les projets, afin de déterminer si certains aspects méritent une étude plus approfondie. Cela faciliterait la diffusion et le recours plus régulier aux EIS ». L’institutionnalisation de la démarche passerait donc par son adaptation au terrain, ce qui est finalement déjà une de ses caractéristiques. En revanche, sa réglementation, quelle qu’elle soit, serait « peut-être une contrainte supplémentaire [pour les aménageurs]», selon la chargée de mission Environnement sonore /Qualité de l'air de la Direction Environnement à Toulouse Métropole.

Lors de notre enquête, s’est posée également la question de la prise en compte des EIS dans

les Evaluations d’Impact Environnementales. Une enseignante-chercheuse de l’EHESP395 à Rennes considère à ce sujet que « pour ce qui est de l’EIS au sein de l’EIE, pourquoi pas, ça permettrait d’intégrer les questions de santé et de promotion de la santé automatiquement dans nos politiques ». Pour la responsable du Service Projets à la Direction Déléguée aux Politiques Régionales de Santé de l’ARS PACA, « créer une synergie EIS-EIE serait une bonne idée, puisque l'ARS associe déjà santé et environnement ». Le responsable du Service Santé-Environnement à la Ville de Rennes complète cette idée : « les EIE intègrent aussi des éléments d’impacts sur la santé, d’une certaine manière l’EIE contient l’EIS ». En effet, ces deux études d’impacts « partagent le même objectif de voir qu’il n’y a pas des choses à améliorer pour la politique. Il n’y a aucune raison que ça ne puisse pas fusionner », selon un membre de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme en Île-de-France, qui toutefois conclue propos par un : « Mais pour l’instant ça ne peut pas le faire : l’une est très cadrée, l’autre non ».

Les acteurs semblent majoritairement avoir adopté un certain consensus quant à la difficulté de la fusion de ces deux démarches : « Il existe des évaluations d’impacts intégrées avec de tout. Mais, mélanger EIS-EIE c’est très difficile, car pour l’EIE ce n’est pas facile d’avoir une définition de la santé aussi large. L’EIS est très focalisée sur les ISS tant dans sa définition que dans sa méthode. Elle implique une participation citoyenne, ce qui n’est pas forcément possible dans une EIE. On peut rajouter des déterminants de la santé dans les EIE mais jamais de participation citoyenne, sauf si on décide de faire une vraie fusion EIS EIE intégrée et qu’on se donne les moyens de la faire complètement. Mais je ne crois pas » (selon la coordinatrice EIS de l’ARS Île-de-France). Pour le Directeur de l’IFERISS à Toulouse, le « risque d’un lien trop étroit entre EIE et EIS serait que la santé devienne un aspect secondaire de l’environnement. Il faut garder le terme de santé pour mettre les ISS en débat ». Et, en effet, « en distinguant, on évite de tomber dans l’amalgame de la contrainte environnementale396 ».

394Selon l’étudiante-stagiaire à l’EHESP pour l’EIS à Rennes. 395 En charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP. 396 Selon la Responsable Ecologie des Territoires de l’AUAT à Toulouse.

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Il semble alors que la difficulté de cette fusion EIS-EIS se base sur la division entre les divers secteurs du système administratif, comme le montre le chef de la Mission Prospective et Recherche de la DGS : « l’obstacle posé renvoie aux débats entre la vision du Ministère de la Santé et celle du Ministère de l’écologie. Les EIE conçues par le Ministère de l’écologie s’arrêtent assez vite aux produits et aux expositions, potentielles plus que réelles, donc en amont des EIS. Il s’agit plus d’une approche d’ingénieurs, qui repose sur des modélisations très quantitatives. Si on veut prendre en compte l’impact sur la santé de la population, il y a d’autres déterminants à prendre en compte et des approches un peu moins « propres », moins « dures » qu’il faut pouvoir mobiliser ».

Enfin, il semble important pour les acteurs interrogés « de conserver la possibilité de mener des EIS indépendamment des EIE », comme le confirment une enseignante-chercheuse de l’EHESP à Rennes397 et la chargée d’études à l’ORS et coordinatrice de l’EIS de Plaine Commune (« Les pays qui ont légiféré sur l’EIS font des retours qui ne sont pas si positif que ça. [...] C’est bien que cela reste volontaire car c’est une démarche de plaidoyer pour la promotion de la santé dans les politiques publiques [qui] permet de faire comprendre aux porteurs de projets les enjeux de la santé qu’ils portent ») ou encore l’ingénieure Santé Environnement de l’ARS Bretagne (en disant qu’il « ne faut pas trop encadrer l’EIS pour qu’elle puisse garder sa souplesse et ne pas être dénaturée », sachant que le fait de l’intégrer à l’EIE la rendrait obligatoire).

Il apparaît alors que des travaux sont encore à faire avant d’institutionnaliser l’EIS. Cette institutionnalisation semble davantage être corrélée à des incitations, des recommandations et à la promotion de l’EIS. Par ailleurs, plutôt que synonyme de réglementation, qui pourrait être contre-productif ou imputerait la nature de cette démarche, l’EIS se doit d’être encore expérimentée afin de prendre davantage en compte les questions de santé et des ISS. C’est une chose à laquelle une fusion avec l’EIE ne semblerait pas suffire en l’état actuel de la mise en œuvre de ces deux démarches en France.

397 En charge des politiques de santé au niveau régional et de l’évaluation des politiques à l’EHESP.

230

231

PARTIE 6 : EN GUISE DE CONCLUSION :

QUELQUES RECOMMANDATIONS398

Domaine 1 : Communication et valorisation de l’outil EIS

Les recherches bibliographiques et enquêtes de terrain que nous avons menées nous permettent de dresser le constat suivant : la démarche d’EIS sur le territoire français reste pour l'instant confinée à un petit cercle d'acteurs avertis et formés. Ainsi, pour que la démarche d’EIS s'institutionnalise en France, il est nécessaire, en priorité, de valoriser cet outil auprès de l'ensemble des acteurs concernés : élus, collectivités territoriales, citoyens, mais aussi aménageurs et agences de santé (ARS et ORS). Cela nécessite de s'engager sur trois voies différentes, mais complémentaires, à savoir :

insister sur l'aspect concret et pratique de l'outil ; montrer que l'EIS est un instrument de démocratie participative ; clarifier les termes employés pour ne pas que les acteurs confondent l'EIS avec une simple

démarche d'évaluation des résultats d'un programme ou d'une politique.

Insister sur l'aspect pratique de l'outil, c'est d'abord montrer aux aménageurs et aux décideurs que l'EIS n'est pas seulement une démarche permettant d'introduire des préoccupations de santé publique dans les projets. En effet, en prenant en compte en amont les préoccupations citoyennes, l'EIS permet surtout de se placer au plus proche des besoins des administrés et des réalités du terrain.

Renforcer l'aspect concret de l'EIS, c'est aussi montrer des expériences qui marchent. Il faut

que chaque territoire s'engage à diffuser ses retours d'expérience afin de permettre à d'autres acteurs de se saisir de la démarche. En ce sens, la création d'une plate-forme d'information et d'échange regroupant l'ensemble des démarches ayant été réalisées en France - ou en cours de réalisation - permettrait aux acteurs de véritablement appréhender la réalité pratique de l'outil et la diversité de ses applications. Idéalement, cette plate-forme pourrait permettre de faire l'inventaire des différents types de projets concernés par une EIS en France et de recenser les différentes méthodologies appliquées. Elle servirait également de support aux acteurs souhaitant mettre en place des EIS, en recensant les personnes-ressources ou les institutions qui s'engagent pour sa diffusion.

Valoriser la démarche d’EIS, c'est aussi montrer sa spécificité par rapport à d'autres outils

d'élaboration de politiques publiques. Si l'EIS peut faire ressortir les défauts de conception d'un programme ou d'une politique, elle permet également de communiquer autour d'un projet et de rapprocher les citoyens de la fabrique des politiques publiques. En ce sens, l’on peut parler d’un instrument puissant de démocratie participative, qui permet de replacer le citoyen au cœur de la décision, même si l'avis final appartient aux élus. De ce point de vue, la plate-forme précédemment évoquée pourrait également permettre de recenser les outils de démocratie participative employés

398 Ces recommandations sont issues du travail et de l’analyse des auteurs et n’engagent pas nécessairement l’IFERISS.

232

lors de la mise en œuvre des EIS dans les différents territoires français (entretiens, focus groups, etc.).

Enfin, l'institutionnalisation de la démarche d’EIS en France ne peut se faire sans une

clarification des termes et des visées de l'outil auprès des acteurs concernés. Il est nécessaire de pouvoir détacher l'outil de sa connotation « évaluative » auprès des décideurs et aménageurs. L'EIS n'est ni un outil de publicité de l'action publique, ni un dispositif sanctionnant ou visant à encadrer l'action publique. Cette dimension doit être véritablement abordée pour ne pas induire de contre-sens sur l'objectif de la démarche (en effet, nous avons constaté lors de nos différents entretiens que la confusion était parfois chose aisée, surtout concernant les acteurs n'ayant pas mené directement une EIS).

233

Fiche pratique

Domaine 1 Valoriser l'outil et clarifier ses objectifs

Objectif Promouvoir l'outil auprès des décideurs en clarifiant ses objectifs et ses différentes modalités d'application

Constats Seul un cercle d'acteurs réduit connaît et maîtrise la démarche d’EIS en France. Les décideurs et aménageurs pourraient cependant trouver un grand nombre d'intérêts à la démarche, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la démocratie de proximité. « L'Evaluation d'Impact sur la Santé » a reçu une traduction non appropriée de l'anglais Health Impact Assessment ce qui induit des confusions sur les objectifs-mêmes de l'outil.

Préconisation Créer un site web, plate-forme d'échange et de communication sur les EIS en France afin de :

Donner un aspect plus concret à l'outil en favorisant les retours d'expérience ; Informer sur l'EIS, ses différentes modalités d'application, ses objectifs ; Mettre en avant les avantages des EIS en termes de mise en œuvre de la

démocratie de proximité

Délai de mise en place

Entre trois mois et un an399

Acteurs concernés

Destinataires du site web : décideurs, aménageurs citoyens collectivités locales agences de santé

Créateurs/contributeurs au site web :

acteurs ayant mis en œuvre des EIS en France EHESP IFERISS

Coût estimé Entre 500€ et 1000€400

399 C'est ce qui correspond plus ou moins au temps nécessaire à la création d’un site web, en fonction de la formule choisie (cf. http://www.lafabriquedunet.fr/blog/cout-creation-site-internet/) 400 Ces estimations correspondent plus ou moins au coût de création d'une plateforme web (500 euros si le site est créé par un webmaster freelance ; 1000 euros, s’il s’agit d’une société spécialisée). Cela peut être gratuit si l'on maîtrise le langage HTML, et que l'on n'a pas besoin d'engager de personnel externe (que ce soit en free lance ou en agence). Cf. http://www.lafabriquedunet.fr/blog/cout-creation-site-internet/

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Domaine 2 : Développer la demande d’EIS au sein des collectivités

Nos recherches bibliographiques et enquêtes de terrain nous ont amenés à constater que

les ARS ne pourraient à elles seules porter les projets d’EIS. Les ARS sont des partenaires essentiels mais qui ne peuvent pas toujours promouvoir cette démarche. Ainsi, comme nous l’ont proposé certains acteurs interrogés et le montrent les premières expérimentations sur le territoire français, la demande des EIS doit venir des collectivités territoriales.

S’agissant d’une démarche qui n’est pas encore très connue en France, avant de pouvoir

mener réellement des EIS aux différents niveaux de collectivités territoriales, il est nécessaire de faire connaître la démarche après des régions, intercommunalités et mairies. Le but de cet accès à la connaissance étant avant tout pédagogique, il est préférable de structurer un réseau de formateurs spécialisés sur la question des EIS et capables d’intervenir sur les territoires locaux et surtout auprès des acteurs considérés comme étant en amont de l’EIS. La mission de ces formateurs serait de présenter la démarche d’EIS et d’apporter des exemples concrets en termes d’EIS déjà réalisées sur le territoire français où à l’étranger.

A l’instar de certaines collectivités en France, afin de promouvoir la démarche d’EIS au

niveau local, il est intéressant de s’appuyer sur les dispositifs de santé publique existants comme les Atelier Santé-Ville (AVS) et les Contrats Locaux de Santé (CLS). En effet, de par leur nature et objectifs, les ASV et les CLS sont deux dispositifs importants : l’ASV est « à la fois une démarche locale et un dispositif public » qui vise à améliorer l’état de santé des populations dans les quartiers les plus défavorisés et à réduire les inégalités sociales de santé (ISS)401, tandis que les CLS, signés par les collectivités et les ARS ont pour but de « mettre en cohérence la politique régionale de santé en permettant une meilleure articulation du Projet régional de santé et des démarches locales de santé existantes402 ». De plus, il est également recommandé de profiter de la révision des outils réglementaires tels que le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) et le Plan régional santé-environnement (PRSE) pour y intégrer l’EIS. Ces outils, grâce à leur caractère réglementaire, peuvent favoriser plus efficacement la réalisation des EIS au niveau local.

Enfin, une autre façon qui permettrait de se familiariser avec la démarche serait de valoriser les EIS courtes et rapides. Le but ici serait que les collectivités territoriales connaissent la démarche d’EIS dans un meilleur délai et comprennent les déterminants de santé et les ISS en jeux, deux thématiques importantes qu’abrite l’EIS. Force est de dire que le processus est plus intéressant à valoriser que les résultats-mêmes de l’EIS, car c’est le processus qui permet aux collectivités locales de mieux connaître la méthodologie et les intérêts de cette démarche.

401 http://www.plateforme-asv.org/tout-savoir-sur-les-asv/latelier-sante-ville-cest-quoi 402 http://www.ars.aquitaine.sante.fr/Les-contrats-locaux-de-sante.123801.0.html

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Fiche pratique

Domaine 2 Développer la demande d’EIS au sein des collectivités

Objectif La demande doit venir des collectivités (les ARS ne pouvant pas être à l’origine de la demande)

Constats - Les ARS ne peuvent pas être à l’origine des EIS - Il existe encore un manque de connaissance sur l’EIS - Certains dispositifs en santé publique ont déjà fait la promotion de l’EIS

Préconisations - Faire connaître la démarche au niveau des collectivités territoriales - S’appuyer sur les dispositifs de santé publique existants pour développer la demande en EIS - Valoriser des EIS courtes pour se familiariser avec les ISS et les déterminants de santé

Délai de mise en place

Assez long

Acteurs concernés Collectivités territoriales, spécialistes en EIS, ARS…

Coût estimé Assez élevé car cela implique des moyens humains importants

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Domaine 3 : Développer la qualité de l’offre des formateurs de l’EIS

Même si nous ne sous-entendons pas que la qualité de l’offre actuellement disponible pour

les EIS est mauvaise (bien au contraire !), il faudra toutefois surveiller plusieurs points. Nous l’avons vu, on assiste à une multiplication des offres de formation. Qu’il s’agisse du CRES en région PACA, de l’ARS d’Île-de-France ou de l’INPES, tous ces acteurs comptent proposer une formation d’accompagnement dans la réalisation des EIS. Qui faudrait-il choisir parmi ces acteurs ?

Si la future Agence de Santé Publique a pour charge de préciser le rôle des ARS, des collectivités territoriales et de l’INPES dans l’accompagnement des acteurs souhaitant réaliser une EIS, il faudra trancher sur le plan de la formation. Ainsi, mettre en place une division à partir de schémas pré-existants nous semble souhaitable dans une certaine mesure :

Laisser aux universités le champ de l’expérimentation (comme c’est le cas de l’Université Versailles-Saint-Quentin) ;

Confirmer le rôle de l’EHESP dans la formation académique des « agents de l’EIS » (ces opérateurs pourraient être chargés de la coordination du projet, du traitement de l’information et de son suivi) ;

Le troisième volet est d’avantage problématique, il s’agit de la formation des agents des collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs actuellement en poste qui pourraient voir dans l’EIS un outil d’aide à la réalisation de leur mission. Il est possible de laisser les choses en l’état et donner à chacun des organismes la possibilité de se positionner sur le « créneau EIS » dans sa région. Cela permettrait alors au CRES PACA, de prendre de l’importance, réaliser l’ensemble des formations EIS dans cette région. Il en serait de même pour l’ARS en Île-de-France, avec le risque sur ce territoire de voir apparaître un effet de compétition entre ces deux structure du moment où l’INPES, basé également en Île-de-France, entend lui aussi proposer des formations.

Nous envisageons alors la solution suivante : attribuer à un organisme en priorité la

compétence de formation à l’outil EIS. Il s’agit d’éviter les doublons inutiles, chacun des organismes (CRES PACA ou Instances Régionales d’Education et de Promotion de la Santé (IREPS) dans d’autres régions, ARS et INPES) pouvant s’appuyer sur un réseau inter-régional (le CRES PACA à travers la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (FNES)403, l’INPES, qui est un partenaire traditionnel de cette même fédération404 et l’ARS à travers les antennes déconcentrées de l’Etat). L’INPES est également présente en région, à travers les Pôles Régionaux de Compétence en éducation et promotion de la santé (PRC) qu’elle finance. En Auvergne, il y a bien une ARS et un PRC mais pas d’IREPS405. L’avantage qu’ont l’INPES et les ARS est qu’ils bénéficient d’une direction centralisée. L’ARS est co-pilotée par la Ministre chargée de la santé et des sports et le Ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville406. L’INPES est quant à lui placé directement sous la tutelle du Ministre de la santé407. On peut donc estimer qu’il serait plus « facile » d’impulser un programme national de formation aux EIS à destination des agents des collectivités au sein de l’une de ces structures, faisant, par exemple, appel aux formateurs issus de

403 http://www.fnes.fr/presentation/reseau_et_ses_membres.php 404 http://www.inpes.sante.fr/espace-reseau/ireps.asp 405 http://www.ars.sante.fr/portail.0.html 406 http://www.ars.sante.fr/Le-Pilotage-national.89753.0.html 407 http://www.inpes.sante.fr/INPES/quefaisonsnous.asp

237

l’EHESP. Toutefois, à la différence de l'ARS, l'INPES n'a pas d'autorité établie sur le réseau d'établissements (IREPS, FNES, COREPS, etc.) représenté par la FNES. Par ailleurs l’INPES est vouée à fusionner avec l’Institut de veille sanitaire (INVS) et l’Établissement de préparation et de réponses aux urgences sanitaires (Eprus).

C'est pourquoi, il nous semble souhaitable au vu des informations dont nous disposons, que l'ARS, avec une impulsion forte engagée par le Comité National de Pilotage qui la préside, devienne le détenteur de la compétence de formation à l'outil EIS.

Il faut cependant croiser les différentes approches, chaque région, chaque service administratif ayant son propre rapport aux politiques de santé, sa propre sensibilisation préalable à la question. L’idée selon laquelle le CRES PACA pourrait proposer une formation adaptée au public (agents administratifs ou élus) est un premier pas vers une adaptabilité aux enjeux régionaux. Les divers séminaires et évènements qui traitent de l’EIS pourraient alors comporter un volet « transmission des compétences », au cours desquels les formateurs des diverses régions se retrouveraient pour organiser la transmission selon un certain nombre de critères : la réalisation d’une EIS suite à la formation, l’intégration de notions propres aux inégalités sociales de santé à des textes comme les Plans Locaux de Santé, etc.

238

Fiche pratique

Domaine 4 Développer la qualité de l’offre des formateurs de l’EIS

Objectif Répondre à la demande de formation à travers un réseau français d’acteurs compétents

Constats De nombreuses institutions veulent prendre en charge la formation à l'outil EIS On manque de transfert de compétences et de retours d'expérience concernant les EIS

Préconisations - Scénario 1 : laisser les institutions faire et organiser une formation multipolaire autour d'elles en fonction de leur implantation régionale Scénario 2 : exploiter le réseau d'Agences Régionales de Santé pour organiser une formation centralisée et impulsée par le Comité National de Pilotage - Arranger un temps spécialement consacré au retour d'expérience et à la formation lors des divers évènements autour de l'EIS

Délai de mise en place

Difficile à estimer précisément

Acteurs concernés ARS (formateur principal) INPES et CRES PACA (qui redirigent vers les ARS les acteurs soucieux de se former à la méthodologie EIS) EHESP qui fournit les intervenants nécessaires à la réalisation de la formation

Coût estimé Faible pour les ARS (cela revient à recruter un ou deux formateurs spécifiques)

239

Domaine 4 : Faciliter la mise en œuvre des EIS

Plusieurs acteurs que nous avons interrogés lors de notre enquête nous ont fait part de leur enthousiasme quant à la démarche d’EIS, en se déclarant convaincus du bien-fondé du processus en lui-même mais aussi des résultats qui en découlent. La quasi-totalité des acteurs interrogés, qu’ils aient ou non déjà participé à des EIS, se sont donc montrés confiants et volontaires pour développer et approfondir cette démarche en France. Pourtant, ce qui émerge par ailleurs c’est le constat fait par certains acteurs quant à la difficulté de mettre en œuvre une EIS. En d’autres termes, la démarche attirerait beaucoup de participants, mais ceux-ci seraient freinés en amont par une mise en œuvre trop complexe qui nécessite des connaissances et des compétences techniques spécifiques.

Il nous est donc apparu nécessaire de formuler quelques recommandations afin de faciliter

la mise en œuvre des EIS et pour que les promoteurs mais aussi les participants puissent se doter des compétences et connaissances nécessaires avant même d’envisager cette démarche. Nos préconisations consistent en des exemples d’actions qui pourraient être mises en œuvre dès le début de l’EIS pour favoriser un déroulement logique et efficace. Un cadrage précis de l’EIS sera donc la phase préliminaire à tout début d’analyse de terrain afin de proposer un plan délimité des étapes. Nous noterons que ce cadrage ne devra pas être trop large, car plus celui-ci est large plus la mise en œuvre de l’EIS sera difficile. Un cadrage précis et adapté aux enjeux de l’EIS permettra alors de faciliter sa mise en œuvre. Un acteur désigné pour ses compétences pourrait alors avoir la charge de suivre à plein temps le déroulé du projet et de coordonner les différentes étapes et acteurs, afin que l’état d’avancement de l’EIS ne dépende pas uniquement des contraintes liées à l’agenda des participants. Il pourrait s’agir du coordinateur de l’EIS. Nous préconisons également que cette personne soit externe à la démarche afin d’éviter les conflits d’intérêt. Ce suivi devra également être intégré au budget de l’EIS.

Afin de faciliter la phase d’analyse sur le territoire, nous préconisons par ailleurs que soient regroupées les données existantes de plusieurs observatoires ayant déjà investi le terrain afin d’obtenir une analyse plus fine et plus rapide du périmètre concerné par l’EIS. Ceci permettrait de baser l’analyse sur des données probantes afin que l’évaluation soit le plus en accord possible avec les réalités du terrain. Dans le même temps, nous pensons qu’il est nécessaire que l’EIS s’appuie sur des acteurs locaux ainsi que sur des réseaux déjà constitués. Le choix des acteurs de l’évaluation tout comme la désignation d’un panel large de participants est fondamental pour faciliter la mise en œuvre de la démarche. Ainsi, les acteurs locaux qui disposent d’une connaissance du terrain doivent être mis à profit et intégrés à l’EIS. Il faudra également être très attentif à la composition du CoPIL car celui-ci est déterminant pour un déroulement efficace de l’évaluation, dont la composition doit être mixte et intersectorielle : experts, techniciens mais aussi élus et décideurs ainsi que des représentants de citoyens. Enfin, un budget provenant de financements multiples pourrait également faciliter la mise en œuvre de l’EIS car cela permettrait de diviser les charges entre les parties prenantes et faire en sorte que le budget ne soit pas un obstacle ou un frein à la mise en œuvre de cette démarche.

240

Fiche pratique

Domaine 4 Faciliter la mise en œuvre des EIS

Objectif Préciser le cadrage et les objectifs de l’EIS en amont

Constats Acteurs intéressés et volontaires souvent freinés par des difficultés de mise en œuvre de l’EIS Compétences et connaissances nécessaires à la mise en œuvre d’une EIS qui doivent être renforcées par un cadrage précis

Préconisations Définir un cadrage d’étude précis et adapté au terrain Désigner un coordinateur « externe » qui suive à plein temps les étapes de l’EIS Favoriser l’accès aux données et valoriser le regroupement de données probantes pour produire des informations précises un terrain Impliquer les acteurs locaux en s’appuyant sur les réseaux/partenariats existants Former un CoPIL mixte pour favoriser l’intersectorialité : experts et décideurs Budget provenant de financements multiples

Délai de mise en place

Rapide (avant la mise en œuvre)

Acteurs concernés Tous les participants à l’EIS

Coût estimé Moyen (à intégrer au budget)

241

Domaine 5 : Portage institutionnel de la démarche d’EIS

L’analyse des données que nous avons recueillies lors de notre travail de terrain a fait apparaître une réelle nécessité d’inscrire les EIS dans une dynamique globale de l’action publique. En effet, la diversité des acteurs et les ressources (tant humaines que matérielles) nécessaires pour la réalisation d’une EIS induisent une forte disparité entre les territoires. Ces inégalités entre les différents territoires étudiés semblent en partie découler des acteurs impliqués. Il semble alors que certains acteurs institutionnels pourraient jouer un rôle clé dans l’instauration d’une dynamique nationale à l’égard de l’EIS. Les territoires français ayant eu recours à des EIS, restent assez peu nombreux à ce jour, mais une demande croissante semble émerger. Il serait donc pertinent de favoriser l’émergence d’un portage institutionnel de la démarche afin de faciliter la réponse à cette demande croissante. Dans cette optique, il est important de trouver un échelon adapté pouvant assurer le lien entre les niveaux national et local, et ainsi servir de point de référence aux différents acteurs. Une coordination centralisée nous apparaît également nécessaire afin de permettre l’émergence d’un intérêt pour la démarche sur l’ensemble des territoires français.

Les acteurs que nous considérons comme prometteurs pour l’avenir des EIS sont les

Agences Régionale de Santé (ARS) présentes dans chaque région. En effet, bien qu’en charge de l’application des politiques nationales de santé, les ARS sont également des acteurs proches des réalités et des spécificités de leur territoire, ce qui en fait des relais adéquats entre les différents échelons territoriaux. Dans le cas des EIS françaises que nous avons étudiées, les ARS sont régulièrement apparues comme des acteurs moteurs au sein de la démarche. De plus, les ARS sont présentes dans toutes les régions, ce qui permet de toucher l’intégralité des territoires français. Certaines s’inscrivent déjà dans une démarche d’intersectorialité, notamment avec la mise en place de Comités de Coordination des Politiques Publiques (CCPP, suite à la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires du 21 juillet 2009), qui visent la « complémentarité des stratégies institutionnelles dans ces différents domaines408». Les ARS pourraient donc s’ériger en acteur central et ressource pour les acteurs souhaitant recourir à une EIS, en effectuant la promotion de la démarche et en mettant à disposition les outils et informations nécessaires à son développement. Cependant, il est important de rappeler que les ARS ne peuvent qu’apporter un soutien aux acteurs volontaires, mais n’ont pas les compétences nécessaires pour imposer le recours à la démarche.

De plus, comme le montre notre étude de terrain, il existe de sensibles disparités entre les priorités et les actions des ARS. Il serait alors envisageable d’impulser une orientation au niveau national (à travers son conseil national de pilotage). Il existe en effet depuis juin 2014 un Comité Interministériel pour la Santé (CIS), « dont la mission est de promouvoir la prise en compte de la santé dans l'ensemble des politiques publiques409». Saisir cette opportunité politique et institutionnelle pourrait permettre une approche au niveau national, ce qui conférerait une légitimité plus grande au développement de la démarche d’EIS et œuvrerait pour une certaine uniformité entre les territoires. De plus, ce CIS s’inscrit dans la logique de cette démarche, puisqu’il fait collaborer différents ministères sur des questions relatives à la santé. Cela permet donc d’associer des acteurs de domaines variés au domaine de la santé.

408 www.ars.paca.sante.fr/Commission-de-coordination-des.131568.0.html 409 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029102405&dateTexte=&categorieLien=i

242

Fiche pratique

Domaine 5 Portage institutionnel de la démarche

Objectif Inscrire les EIS dans une dynamique globale de l’action publique

Constats Disparité du portage institutionnel entre les territoires face à la démarche d’EIS Importance du rôle des ARS dans la mise en place d’EIS sur certains territoires

Préconisations Développement des ARS comme acteur central et ressource pour favoriser les EIS sur les territoires Coordination centralisée grâce au CIS pour impulser une dynamique nationale

Délai de mise en place

Assez rapide

Acteurs concernés ARS, CIS

Coût estimé Faible car contribution et participation des structures existantes

243

NOTRE RAPPORT EN BREF…

Les étapes de notre étude

Phase 1

• Septembre/octobre• Découverte du projet et travail de recherches

bibliographiques sur l'EIS en France et dans le monde

Phase 2

• Octobre• Choix des territoires à traiter et validation par l'IFERISS

Phase 3

• Novembre/février• Travail de terrain - enquête auprès des acteurs

Phase 4

• Février/fin avril• Analyse, synthèse et formulation des préconisations

• Restitution sous forme d'un rapport et d'uneprésentation (lors du Symposium organisé par l'IFERISS,le 13 mai 2015)

244

L’évaluation d’impact sur la santé

• L’EIS consiste en unensemble de procédures,méthodes et outils, quivisent à évaluer les effetspositifs et négatifspotentiels d’un projet surla santé, ainsi que ladistribution de ces effetsau sein de la population

Définition

Consensus de Göteborg en 1999

• Les EIS sont déjà développéees àl'étranger

• Les EIS sont "emancipées" desEvaluations d'Impact surl'Environnement (EIE) grâce à uneméthodologie propre

• La démarche d'EIS s’appuie sur unedéfinition large de la santé et uneprise en compte des déterminantssociaux de la santé

• Il s'agit d'une démarche requise ausein même de la démarchepolitique

Caractéristiques

• Les décideurs politiques

• Les promoteurs de projets

• Les citoyens potentiellement touchés par le projet

• Des experts

• Démarche multidisplinaire et

intersectorielle

Qui?

LE DEPISTAGE (screening)

Sélectionner les programmes ou

projets qui peuvent avoir un

impact sur la santé

LE

CADRAGE

(scoping)

Déterminer le type de

ressources et l’ampleur de l’EIS qui sera

nécessaire pour l’analyse

L’ANALYSE(appraisal)

Evaluer les impacts à l'aide de données à la fois qualitatives et quantitatives

LES RECOMMANDATIONS

Communiquer l’analyse aux décideurs

et formuler des recommandations

L’EVALUATION

Observer les effets de l’EIS sur la

proposition du projet initial et en

termes de sensibilisation des parties prenantes

245

Type d’EIS

EIS « desktop » :

à partir de données existantes et exécutées

en quelques jours

EIS rapides :

utilisent des informations existantes

ou facilement accessibles sur le terrain et sont

réalisées en quelques semaines

EIS complètes :

requièrent des recherches plus

approfondies sur le terrain et sont menées

sur plusieurs mois

La méthode nécessite des compétences en gestion de

projet, mais aussi des compétences rédactionnelles

et relationnelles

Possibilité de formation à l'étranger ou en France: Equiterre en Suisse, IMPACT à Liverpool, le Centre de collaboration

nationale sur les politiques publiques et la santé (CCNPPS) du Québec, le Réseau Bretagne Urbanisme et Santé (R-BUS)

L’EIS est un outil innovant permettant d’instaurer la

santé dans toutes les politiques

L'EIS tient compte de l’équité et de l’égalité en santé

En France, cette démarche relève encore d’un défi, même si l’on constate un

contexte favorable à son évolution, en ralliant tous les secteurs à la démarche

246

Le regard de la science politique sur la démarche d’EIS

L’EIS est pour nous un objet d’étude aussi intéressant qu’éminemment complexe au croisement de plusieurs disciplines des sciences politiques : les sciences de l’administration publique, les sciences de la délibération et de la participation et, dans une moindre mesure, l’étude des mouvements sociaux dépendamment des acteurs qui se saisissent de cette évaluation.

TRA

NSV

ERSA

LITE

- Beaucoup de domaines de

l'action publique ont une influence sur la

santé

- L’EIS s’attache à évaluer la

distribution des effets d’une

politique en tenant compte des

déterminants sociaux de la santé

PAR

TEN

AR

IAT

- L'EIS fait travailler ensemble une

pluralité d’acteurs privés, publics ou

parapublics

- La recherche de consensus est un gage d'efficacité

PAR

TIC

IPA

TIO

N C

ITO

YEN

NE

- Rejoint l’idée de la « démocratie

technique »

- Un outil d’aide à la décision publique

- L’EIS est un instrument

politique chargé de représentations

247

L’importation des EIS en France

Une conjoncture favorable

• Investissement croissant dans les politiques en santé publique.

• Mise en place d'actions de lutte contre les exclusions et les Inégalités Sociales de Santé.

• Création en 2009 des Agences Régionales pour la Santé et des Directions régionales dela jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) pour conduire de politiquesfavorables à la santé au sein de l'échelon régional.

Le séminaire du 28 janvier 2010

• Séminaire national « Évaluation d’impact sur la santé : méthodes diverses d’analyse »,organisé par la Direction Générale de la Santé, le Centre d’analyse stratégique et laSociété française d’évaluation.

• Rappel des fondements de l'EIS : la Charte d'Ottawa, la deuxième conférenceinternationale sur la promotion de la santé et le Consensus de Goteborg.

• Retours d'expériences venant de la Suisse et du Québec.

Les premières suites...

• Premières expérimentations à Rennes et en région PACA.

• Promotion de l'outil par des acteurs présents : Direction Générale de la Santé,Inspection des Affaires sociales, DRJSCS PACA.

248

Les EIS à l’étranger

Suisse

Les EIS font l’objet de textes de

loi à Genève et à Fribourg

Plateforme Internet EIS : guide

méthodologique, rapports,

contact

Acteurs clé : l'association

Equiterre, la Fondation de

Promotion de la Santé Suisse,

l’Université de Genève

Dix-sept EIS réalisées à ce jour

dont 8 à Genève

Contacts interviewés :

Catherine Favre Kreut, Jean

Simos

Finlande

Approche originale incluant de

nombreux déterminants de la

santé

Les EIS rentrent dans le cadre

de « Santé dans toutes les

politiques »

Les EIS (HIA) et l’évaluation

d’impact social (SIA) sont

obligatoires depuis 1994 pour

certains types de projets, de

plans et de programmes

Plus de cent d’études d'impact

environnemental (comprenant

HIA et SIA) ont été réalisées

depuis 1994

Contact interviewé : Tapani

Kauppinen

Angleterre

Pays précurseur des EIS

Nombreux guides d’EIS

(ministériel, municipaux,

universitaires), plateforme

Internet HIA Gateway

Acteurs clé : John Kemm

(Observatoire de santé

publique) Alex Scott Samuel

et Hilary Dreaves (Université

de Liverpool)

EIS parfois obligatoire au

niveau local (health Act 2007)

Contact interviewé : Hilary

Dreaves

Québec

EIS inscrit dans La Loi de

Santé publique 2002 (art.14)

Guide, rapports, formation en

ligne, études universitaires

sur les EIS, disponibles sur le

site du CCNPPS

Acteurs clé : Ministère de la

santé, Centre de

Collaboration des Politiques

Publiques de Santé,

Directions régionales de santé

EIS menée au niveau

ministériel et local

Contact interviewé : Louise

St-Pierre

249

Les EIS en France

Île-de-France Une très forte densité de population, une activité économique importante et de nombreux projets

d’aménagement et de rénovation urbaine sur un territoire qui connaît de fortes inégalités sociales de santé.

Une concentration d’acteurs nationaux en santé publique influents (INPES, DGS, SGMAS…) et des services

déconcentrés, forces de projets innovants en santé (DRJSCS, ARS et ORS).

EIS de Nanterre sur le projet « Cœur de quartier » (2014-2015) :

Projet de réhabilitation urbaine autour de la gare Nanterre Université : construction de

logements, offre de services, bureaux, commerces de proximité

•Une collectivité sensibilisée aux enjeux de santé publique et souhaitant monter en compétences.

•Une direction de la santé organisée et des données probantes accessibles.

•L’université de Versailles Saint-Quentin comme partenaire et coordinateur de l'EIS.

Mise à l’agenda

•Une technique de participation citoyenne novatrice, centrée sur des populations peu politisées

• Une démarche d'évaluation intersectorielle permetant une sensibilisation des différents services aux inégalités sociales en santé et d'équité des politiques publiques

•Des difficultés à impliquer durablement les élus dans le CoPIL

Points clefs de la mise en œuvre

•Une évaluation critique du projet.

•Une communication finalement réduite autour de la démarche (restitution de fin de projet récente).

•Une réception des résultats mitigée par les élus, mais une volonté de reconduire la démarche de la part des services techiques.

Résultats , réception et perspectives

250

Rennes

Un territoire mobilisé autour de la santé publique : première Ville-Santé OMS de France (1990).

Une concentration d’acteurs intéressés par la santé publique et son intégration au sein d’autres

secteurs (Ville de Rennes, Rennes Métropole, ARS Bretagne, Association S2D, EHESP…).

L’EIS « pilote » de la crèche Colette :

Ouverture d’une nouvelle crèche en prenant en compte la santé et l’environnement des usagers dans son

fonctionnement

EIS de Plaine Commune sur 3 projets de transports en commun (2013-2014) :

Projet de transport en commun : La Tangentielle Nord, le Tramway T8 Sud et la Gare Saint-

Denis Pleyel

•L’ARS Ile-de-France a souhaité expérimenter et promouvoir cette démarche dans le cadre de sa mission de réduction des inégalités sociales en santé.

Mise à l’agenda

• Un suivi méthodologique et une formation de tous les acteurs parties prenantes à la méthode IMPACT pour réaliser l'EIS

•Une participation citoyenne de grande envergure

•Un CoPIL regroupant des structures partenaires variées et des décideurs

Points clefs de la mise en œuvre

• Une communication importante pour valoriser l’EIS et ses résultats

•Une réception positive des résultats, mais pas de de changements majeurs dans les projets étudiés

•Une formation à l'EIS possible de la part de l'ARS pour les collectivités intéressées

Résultats , réception et perspecties

251

•Impulsion de l'association Santé et Développement Durable (S2D).

•La Ville de Rennes souhaitait connaitre et expérimenter la démarche.

• Sollicitation de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique pour la méthodologie.

Mise à l’agenda

• EIS rapide et rétrospective réalisée sans difficultés par une stagiaire à l'EHESP.

•Intersectorialité effective des différents services de la Ville de Rennes au sein d'un groupe de travail.

Points clefs de la mise en œuvre

•Evaluation limitée à quatre points spécifiques.

•Bonne réception de la démarche qui a permis de jeter les bases méthodologiques pour la seconde EIS.

Résultats, réception et perspectives

L’EIS de la halte ferroviaire de Pontchaillou :

Restructuration de la halte ferroviaire en améliorant l’environnement des usagers. •Commande du Service Santé-Environnement de la Ville de Rennes souhaitant perfectionner la démarche.

•Implication de Rennes Métropole, de l'association S2D, de l'EHESP, de l'ARS Bretagne, du le CHU et de la SNCF.

Mise à l’agenda

•EIS complète et concomitante réalisée par une stagiaire accompagnée d'un CoPIL regroupant des structures variées.

•Méthodologie approfondiemettant en évidence les nombreux points positifs du projet existant.

•Participation citoyenne et prise en compte des ISS limitées.

Points clefs de la mise en œuvre •Suivi et évaluation

toujous en cours.

•Mise en place de la plate-forme R-BUS en charge des EIS sur le territoire : Réseau Bretagne Urbanisme Santé

•Préparation d'une nouvelle EIS à Rennes par R-BUS.

Résultats, réception et perspectives

252

Provence – Alpes - Côte d’Azur

Une très forte densité de population, une activité économique importante et de nombreux

projets d’aménagement et de rénovation urbaine sur un territoire qui connaît de fortes

disparités économiques et inégalités sociales de santé.

Une première « EIS-Etat » qui inscrit la France dans la dynamique européenne de réduction

des inégalités sociales de santé.

EIS réalisée sur trois projets urbains intégrés (PUI) dans les métropoles urbaines Marseille

Provence Métropole (MPM), Nice Côte d’Azur (NCA) et Toulon Provence Méditerranée (TPM)

Treize opérations évaluées parmi quatre-vingt-trois financées par le Fonds Européen de

Développement Régional (FEDER) visant le développement et la revitalisation des territoires dits

« sensibles ».

• Un fort volontarisme politique: le Secrétariat Général des Affaires Régionales (SGAR) de la Préfecture de région PACA

•Une conjoncture nationale et européenne de lutte contre les inégalités sociales de santé.

•Une volonté de connaître et expérimenter la démarché d'EIS.

Mise à l’agenda

•EIS complète, rétrospective et concomitante selon les opérations des PUI évaluées. Réalisée par une stagiaire et des enseignants-chercheurs de l' Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP).

• Démarche intersectorielle regroupant des acteurs hétérogènes nationaux et régionaux dans un CoPIL.

• Participation citoyenne : prise en compte de l'avis des bénéficiaires et opérateurs des projets urbains évalués.

Points clefs de la mise en œuvre

• Sensibilisation réussie des différents services aux inégalités sociales en santé et à l'équité dans les politiques publiques.

• Des recommandations formulées peu prises en compte par les élus et les responsables des PUI du nouveau programme opérationnel FEDER pour la période 2014/2020.

•Des formations à l'EIS possibles de la part du Comité Régional d'Education pour la Santé (CRES) PACA pour les acteurs du territoires (Agence Régionale de Santé (ARS), élus et collectivités).

Résultats, réception et perspectives

253

Toulouse

Un territoire avec une très forte croissance de population

Une volonté d’expérimenter la démarche EIS dans le domaine de la Petite Enfance pour

s’assurer de la compatibilité de l’action municipale avec le Plan Municipal de Santé

•Un volontarisme de la part de la Direction Petite Enfance de la Mairie de Toulouse dans le cadre du projet des "Mille Places"

•Une expérimentation de l'EIS permise par la formation préalable d'un membre du Service Communal d'Hygiène et de Santé à la méthode EIS

Mise à l’agenda

•Participation citoyenne : prise en compte de l'avis des usagers et des personnels de l'établissement

•EIS rétrospective mise en oeuvre par un membre du Service Communal d'Hygiène et de Santé ainsi qu'une étudiante-stagiaire de l'EHESP

•Moyens financiers et temps imparti relativement peu importants

•Des élus membres du CoPil

Points clefs de la mise en œuvre

• Quelques recommandationsformulées à l'issue de l'EIS intégrées par la direction dans les plans futurs de développement de l'établissement

•Une démarche restée unique sur le territoire

• Des campagnes de communication autour de la démarche et de sa méthode sont nécessaires.

Résultats et réception

EIS réalisée sur l’Etablissement Enfance Famille, dans le quartier de Borderouge-Trois-Cocus

Un établissement de Petite Enfance (crèche, halte-garderie, lieu parents-enfants) situé dans un quartier nouveau

à la périphérie de la Ville de Toulouse.

254

Une définition encore en jeuEnjeux de terminologie sur le terme d'évaluation

Choix de méthodologies différentes en fonction du contexte et des objectifs

Des finalités variéesUn outil d'aide à la décision

Une démarche novatrice (intersectorialité et acculturation aux problématiques de santé)

Un réseau d'institutions qui se structure

Niveau national (DGS, SGMAS, INPES)

Niveau régional (ARS)

Niveau local (collectivités territoriales?)

Les universités (EHESP, UVSQ)

L'intersectorialité au coeur de la démarche

Un dialogue intersectoriel favorisant la démarche d'EIS et son efficacité

Des réticences institutionnelles à surmonter malgré une volonté du Comité interministériel pour la santé

Les enjeux de la formation

Formation initiale par les acteurs internationaux

Transferts de compétence par les acteurs nationaux

Retours d'expériences

Une réglementation des EIS serait-elle prématurée ?

Réticences des acteurs par rapport à une réglementation à court terme (nombre de formateurs à la méthode

insuffisant)

Intégrer les EIS dans les EIE : une fusion complexe

Freins et leviers à une institutionnalisation des EIS en France

255

Préconisations

Domaine 1 : Communication et valorisation de l’outil EIS

•Création d'une plate-forme d'échange et d'information sur les EIS en France

Domaine 2 : Développer la demande d’EIS au sein des collectivités

•Faire connaître la démarche au niveau des collectivités territoriales

•S’appuyer sur les dispositifs de santé publique existants pour développer la demande en EIS

•Valoriser des EIS courtes pour se familiariser avec les ISS et les déterminants de santé

Domaine 3 : Développer la qualité de l’offre des formateurs de l’EIS

• Arranger un temps spécialement consacré au retour d'expérience et à la formation lors des divers évènements autour de l'EIS

Domaine 4 : Faciliter la mise en œuvre des EIS

•Désigner un coordinateur « externe » qui suive à plein temps les étapes de l’EIS

•Favoriser l’accès aux données et valoriser le regroupement de données probantes pour produire des informations précises un terrain

Domaine 5 : Portage institutionnel de la démarche d’EIS

•Développement des ARS comme acteur central et ressource pour favoriser les EIS sur les territoires

•Coordination centralisée grâce au CIS pour impulser une dynamique nationale

256

257

ANNEXES

Annexe 1 – Prises de contact et entretiens pour la ville de Rennes

Organisme Poste Contact et relances Entretien final

Ville de Rennes Responsable du Service Santé

et Environnement

24/11/2014 et 25/11/2014 : prises de

contact par mails, puis relances après une

première réponse de sa part

Réalisé le 14 janvier

2015

Ecole des Hautes

Etudes en Santé

Publique (EHESP)

Enseignante Chercheuse 27/11/2014 : prise de contact par mail, puis

échanges de mails

Réalisé le 24 février

2015 avec l'équipe

PACA

S2D France Directrice du réseau France 24/11/2014: prise de contact par mail, puis

échanges de mails

Réalisé le 14 janvier

2015

Ville de Rennes Ingénieure Service Santé et

Environnement

24/11/2015 : prise de contact par mail Non (cette personne

ne fait plus partie du

service)

Agence régionale de la

Santé (ARS) Bretagne

Ingénieure Santé

Environnement

25/11/2015: prise de contact par mail, puis

relancée

Réalisé le 8

décembre 2014

Ville de Rennes -

Réseau Rbus

Chargée de mission Sante

Environnement

25/11/2014: prise de contact par mail, puis

échange de mails

Réalisé le 14 janvier

2015

CREAI Directeur du CREAI Bretagne -

membre de S2D et du réseau

RBUS

25/11/2014 : prise de contact par mail

Janvier 2015 : relances

Non, pas de réponse

S2D Président 25/11/2014 : prise de contact par mail

03/12/2014 : accepte un entretien

complémentaire à un autre acteur

20/01/2015 : relance

Réalisé le 27 janvier

2015 avec l'équipe

Suisse

Conseil Régional Chargée de suivi des politiques

de promotion de la santé

10/12/2014 : mail envoyé, puis échanges de

mails

Réalisé le 23 janvier

2015

Rennes Métropole Chargé de la planification des

questions de santé et

vieillissement

11/12/2014 : prise de contact par mail, puis

échanges de mails

Réalisé le 16 janvier

2015

Ville de Rennes Stagiaire en charge de la

réalisation de l'EIS Pontchaillou

11/12/2015 : prise de contact par mail,

propose également de nous répondre en

complément d'autres acteurs

Réalisé le 19 janvier

2015

258

Annexe 2 – Prises de contact et entretiens pour la région PACA

Organisme Poste Contact et relances Entretien final

EHESP Enseignante chercheuse 03/12/2012 : prise de contact par

mail, puis échanges de mails

Réalisé le

23/01/2015

Secrétariat Général

pour les Affaires

Régionales (SGAR) -

Préfecture PACA

Chef de la mission Stratégie,

études, évaluation

25/11/2014 : prise de contact par mail

10/12/2014, 21/01/2015 : relances

Non

Direction Régionale

de la Jeunesse, des

Sports et de la

Cohésion Sociale

(DRJSCS) - Préfecture

PACA

Responsable du pôle

observation, contrôle,

évaluation, ingénierie

Novembre 2014 - Janvier 2015 :

tentatives de contacts par mail et

téléphone, sans réponse.

Non

Marseille Provence

Métropole

Directeur Europe et

subventions

21/01/2015 : prise de contact par mail Non

Agglomération

Toulon Provence

Mediterranée

Responsable du service

global subvention FEDER

21/01/2015 : prise de contact par

mail, puis échange de mails

Réalisé le

2/02/2015

Métropole Nice Côte

d'Azur

Chargée du Plan

d'Urbanisme Intercommunal

25/11/2014 : prise de contact par mail

10/12/2014 : relance

Non (cette

personne ne fait

plus partie du

service)

Métropole Nice Côte

d'Azur

Responsable des études

générales et actions

territoriales

21/01/2015 : mail envoyé Non

Conseil régional

PACA

Chargé de mission

économie, innovation,

enseignement supérieur

25/11/2014 : prise de contact par mail

10/12/2014 : relance

Non

ARS PACA Secrétariat général 25/11/2014 : prise de contact par mail

10/12/2014 : relance

ARS - Direction

Déléguée

Responsable du service

projets

aux Politiques Régionales de

Santé

21/01/2015 : prise de contact par

mail, puis échange de mails

Réalisé le

28/01/2015

EHESP Consultante en Santé

publique et chargée

d'enseignement

10/12/2014 : prise de contact par mail Réalisé le

11/02/2015

Centre Régional

d'Education pour la

Santé (CRES) PACA

Chargée de projets 26/01/2015 : prise de contact par

mail, puis échange de mails

Réalisé le

5/02/2015

259

Annexe 3 – Prises de contact et entretiens pour l’Ile-de-France

Organisme Poste Contact et relances Entretien final

ARS Ile de France (IDF) Chargée des formations

Evaluation d’Impact en Santé

Chargée de développement de

projet scientifique et membre

du projet EIS

26/11/14 : prise de contact par mail, puis

échange de mails

Réalisé le

11/12/2014

ARS IDF Chef de projet EIS 26/11/14 : prise de contact par mail

02/12/14 : prise de contact par téléphone

09/12/14 : nouveau contact pour convenir

d'un entretien

03/02/15 : contact par mail pour convenir

d'une nouvelle date d'entretien

Réalisé le

20/03/2015

ARS IDF Adjoint à la direction de santé

publique

01/12/14 : prise de contact par mail, il

nous a renvoyés vers un autre acteur

Non

International Health

Impact Assessment

Consortium (IMPACT),

Université de Liverpool

Enseignante chercheuse 20/11/2014 : prise de contact par

téléphone, puis échange de mails

Réalisé le

09/12/2014

Institut national de

prévention et

d'éducation pour la

santé (INPES)

Chargée de mission en

promotion de la santé

03/12/2014 : prise de contact par mail,

puis relance par téléphone

Non

Communauté

d'agglomération de

Plaine Commune

Ex-directeur général des

services de Plaine Commune

26/11/2014 : suite à un échange

téléphonique, envoi d'un mail à son

secrétariat

10/12/2014 : relance par mail, pas de

réponse

Non

Observatoire Régional

de la Santé (ORS) IDF

Responsable de suivi de projet

de l’EIS en Seine St Denis et

coordinatrice du projet

d’évaluation des EIS en IDF

26/11/2014 : prise de contact par mail

8/12/2014 : appel téléphonique sans

réponse

Réalisé le

27/01/2015

Secrétariat général des

ministères chargés des

affaires sociales

Médecin de santé publique 26/11/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le

02/12/2014

Communauté

d'agglomération de

Plaine Commune

Contact Presse pour l'EIS de

Plaine Commune

01/12/2014 : prise de contact par mail

Janvier 2015 : relances par mail et

téléphone

Non

Communauté

d'agglomération de

Plaine Commune

Contact Presse pour l'EIS de

Plaine Commune

01/12/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le

09/03/2015

Plaine Commune

Communauté

d'Agglomérations

Chargé de mission Novembre 2014 - Janvier 2015 : tentatives

de contacts par téléphone, sans réponse.

Non

Institut

d’aménagement et

d’urbanisme Île-de-

France

Chargé d'étude 09/12/14 : prise de contact par mail, puis

échange de mails

Réalisé le

21/01/2015

260

Institut

d’aménagement et

d’urbanisme Île-de-

France

Chargée d'études démographe

urbaniste

09/12/14 : prise de contact par mail, puis

échange de mails

Réalisé le

21/01/2016

SNCF Responsable institutionnel

régional

03/02/2015 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le

10/02/2015

Société Française de

Santé Publique

09/12/2014 : prise de contact par mail Non

Direction Régionale de

la Jeunesse, des Sports

et de la Cohésion

Sociale (DRJSCS) - IDF

Chargée de mission promotion

de la santé, pôle social,

jeunesse et vie association

03/02/15 : prise de contact par mail, puis

échange de mails

Réalisé le

12/02/2015

Université de St

Quentin (UVSQ)

Chercheure associée à l'équipe

de recherche Cultures,

Environnements, Arctique,

représentations, Climat

(CEARC)

Ancienne chargée d'études

pour ORS IDF

27/11/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le

18/12/2014

UVSQ Enseignant chercheur au

CEARC, coordinateur EIS de

Nanterre

21/01/20154 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le

28/01/2015

UVSQ Etudiante chargée de l'EIS

Cœur de ville à Nanterre,

récompensée par le 2ème prix

du colloque de Renne

Urbanisme et Santé

31/01/2015 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le

27/02/2015

UVSQ Etudiant ayant travaillé sur l'EIS

Cœur de ville à Nanterre pour

l'enquête habitant,

récompensé par le 2ème prix

du colloque de Renne

Urbanisme et Santé

31/01/2015 : prise de contact par mail,

puis échange de mails

Réalisé le 5/02/2015

Conseil municipal de

Nanterre

Chirurgien hospitalier - Elu de

Nanterre - Président de

l’association Elus, santé

publique et territoires

21/01/2015 : prise de contact par mail

21/01/2015 : relance, puis échange de

mails

Réalisé le

27/02/2015

Mairie de Nanterre Chargé d'étude au Pôle

prévention santé

21/01/2015: prise de contact par mail Pas de réponse

261

Annexe 4 – Prises de contact et entretiens pour la ville de Toulouse

Organisme Poste Contact et relances Entretien final

ARS Midi-Pyrénées Médecin Inspecteur de Santé

Publique, Cellule de Veille,

d'Alerte et de Gestion des

urgences Sanitaires (DAUSPS)

30/11/2014 : prise de contact par mail

10/12/2014 : relance, puis échange de

mails

Réalisé le

26/01/2015

Agence d’Urbanisme

et d’Aménagement

Toulouse (AUAT)

Responsable Écologie des

territoires

30/11/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

10/03/2015,

IFERISS Directeur 30/11/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

21/01/2015

Mairie de Toulouse Commanditaire de l’EIS Novembre - décembre 2014 : tentative

de prise de contact par téléphone

Non

Mairie de Toulouse Coordinatrice de l'EIS sur la

crèche de Borderouge

17/12/2014 : prise de contact par

téléphone, puis échange de mails

Non

Crèche de Borderouge Directrice 03/12/2014 : prise de contact par

téléphone

Non

Conseil Régional Midi-

Pyrénées

Vice président en charge des

solidarités

29/11/2014: prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

20/01/2015

Instance Régionale

d’Education et de

Promotion de la Santé

Midi-Pyrénées

Directrice générale 29/11/2014 : prise de contact par mail

08/12/2014 : relance

Non

Mutualité Française

Midi-Pyrénées

Président de la Mutualité

Française Midi-Pyrénées

29/11/2014 : prise de contact par mail

09/12/2014: relance, puis échange de

mails

Réalisé le

13/02/2015 (avec sa

remplaçante, la

Présidente actuelle

de la Mutualité

Française Midi-

Pyrénées)

ARS Midi-Pyrénées Directrice de la santé Publique 08/12/2014: prise de contact par mail Non

Ville de Toulouse Chargée de mission au service

promotion de la santé

04/03/2015 : prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

10/03/2015

ARS Midi-Pyrénées Responsable du département

Prévention et promotion de la

santé

10/12/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

20/02/2015

ARS Midi-Pyrénées Responsable du département

Santé environnementale

26/11/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

20/02/2015

ADEME Chargé de mission Urbanisme,

transport, mobilité, air

22/01/2015 : prise de contact par mail,

puis une relance

Non

ARS Midi Pyrénées Chargée de mission sur la

question des inégalités sociales

de santé

10/12/2014 : prise de contact par mail Non

Ville de Toulouse Responsable du service Santé

et Environnement au Service

Communal d'hygiène et de

Santé (SCHS)

10/02/2015: prise de contact par mail

27/02/2015 : relance, puis échange de

mails

Réalisé le

10/03/2015

262

Toulouse Métropole Chargée de mission

Environnement sonore et

Qualité de l'air, Direction

Environnement

10/02/2015: prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

24/02/2015

ARS Midi-Pyrénées Responsable Cellule de l’InVS

(Cire)

24/02/2015 : prise de contact par mail

04/03/2015 : relance puis échange de

mails

Non

263

Annexe 5 – Autres prises de contact et entretiens

Organisme Poste Contact et relances Entretien final

ORS Nord Pas de

Calais

Cartographe, chargé d'étude,

auteur d'un rapport sur les

EIS

27/11/2014 : prise de contact par mail Non, pas de

réponse

ORS Rhône Alpes Epistémologiste en Santé

environnementale

21/01/2015 : prise de contact par mail Non

CCNPPS (Québec) Chargée de projets 26/11/2014 : prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

16/12/2014

Association suisse

pour l'EIS

Membre du comité 17/03/2015: prise de contact par mail,

puis échange de mail

Réalisé le

26/03/2015

Direction Générale de

la Santé (DGS)

Chef de la Mission Prospective

et Recherche

26/11/2014 : prise de contact par mail

01/12/2014 : message téléphonique

Réalisé le

06/02/2015

DGS Chargé de mission au Service

Mission, Prospective et

Recherche

26/11/2014 : prise de contact par mail

01/12/2014 : message téléphonique

Réalisé le

10/02/2015

264

Annexe 6 – Grille d’entretien avec les acteurs impliqués dans des

EIS

Thématique Questions

Trajectoire

personnelle

Pouvez-vous vous présenter?

Quel est votre poste actuel et depuis quand?

Quel est votre parcours professionnel et universitaire ?

Définition et

perception de la

santé

Qu'est-ce qui détermine l'état de santé d'un individu, selon vous?

Pensez-vous que seuls les professionnels de la santé peuvent déterminer et

évaluer l'état de santé d'un groupe de personnes?

Pensez-vous qu'une politique, un programme ou un projet peuvent avoir des

effets sur la santé des individus?

Définition et

représentation de

l'EIS

Quelle est votre définition de l'EIS ?

Mise à l'agenda

de l'EIS

Pourquoi avoir réalisé une EIS sur votre territoire?

Quelles attentes vis-à-vis des EIS avant la mise en place et après?

Avez-vous recherché des retours d'expériences pour mener votre EIS?

Qui est à l'initiative de cette EIS? Quels facteurs structurels et conjoncturels ?

Quels acteurs ont été mobilisés au début du projet ? (citoyens, municipalité,

ARS, autre...) Pourquoi ? A quelle échelle ? Quel niveau de décision?

Quelle participation et quelle mobilisation citoyennes ? A quel moment?

Y a-t-il eu une participation des acteurs tout au long de la démarche? Qui ne

s'est pas mobilisé ? Pourquoi ?

Quels acteurs sont indispensables au déclenchement d'une EIS, selon vous ?

Mise en œuvre de

l'EIS

Sur quel projet/ programme/ politique, l'EIS a été mise en place ?

Quel type d'EIS ? (prospective, concomitante)

Quelle expertise a été mobilisée ?

Quel est/a été le rôle de votre structure lors de cette démarche (appui technique

? autre?)

Quels ont été les acteurs impliqués au cours de l'EIS ?

Quel portage et suivi politique? A quel moment les décideurs sont intervenus et

avec quelle perception de l'EIS?

Quelle a été la participation, le mode d'implication des citoyens? Quelle

acceptabilité du projet initial/ en cours et à la fin de l'évaluation ?

La question de l'équité en santé a-t-elle été prise en compte, abordée au cours

de l'EIS?

Quelle temporalité, délais de mise en œuvre des actions prévues dans le cadre

de l'EIS?

Quels moyens déployés (humains et financier) ? Par qui?

Quelle communication sur l'EIS?

Quelles ont été les difficultés rencontrées ? Comment y avez-vous fait face ?

Vous ont-elles obligé à modifier vos ambitions de départ ?

Collecte de données probantes : vous a-t-il semblé difficile d'accéder à des

données tant qualitatives que quantitatives pour analyser les impacts du projet?

Aviez-vous vous-même ou au sein de l'équipe de projet les compétences

nécessaires au traitement de ces données?

Vous a-t-il semblé à un moment donné manquer d'information nécessaire pour

nourrir l'évaluation?

La méthode utilisée a-t-elle été quantitative ou qualitative? Pourquoi?

265

Résultats /

évaluation

Quels bilans faites-vous des EIS?

L'évaluation a-t-elle fait l'objet de l'évaluation?

1. Quelle recevabilité de la démarche auprès des acteurs impliqués

(appropriation) ?

2. Quels impacts organisationnels dans la mise en œuvre l'EIS?

3. Comment se sont déroulées les relations intersectorielles?

4. Quel rôle des organisations impliquées ?

L'EIS a-t-elle était un succès ? Si non, pourquoi? A-t-elle entrainé la modification

de la politique ou du programme?

les recommandations ont-elles été prises en compte dans quelle mesure? La

démarche a-t-elle été reprise en interne pour d'autres projet ou à l'externe par

des personnes intéressées?

Quelle amélioration apporteriez-vous à la démarche entreprise?

Quels acteurs ont été mobilisés au début du projet ? (citoyens, municipalité,

ARS, autre ...) Pourquoi ? A quelle échelle ? Quel niveau de décision?

Quelle participation et quelle mobilisation citoyennes ? A quel moment?

Y a-t-il eu une participation des acteurs tout au long de la démarche? Qui ne

s'est pas mobilisé ? Pourquoi ?

Jusqu'où a été l'évaluation? quels ont été les principaux facteurs favorables /

défavorables?

Institutionnalisati

on et

Perspectives

Connaissez-vous les EIE? Selon vous, pourrait-il y avoir un rapprochement

possible entre une EIS et une EIE ? A l'instar des EIE, pensez-vous que l'EIS en

France devrait être réglementée ? La réglementation pourrait représenter un

levier de promotion et d'implémentation ? Si oui, sous quelle forme ?

(obligatoire, harmonisation d'une méthodologie, pour quel type de projet, à quel

échelon, etc...) ?

Voyez-vous d'autres leviers de promotion possibles pour l'EIS? Par exemple se

servir des contrats locaux de santé avec les ARS ou les plans locaux de santé

pour développer la démarche.

Quels acteurs n'ayant pas été associés à votre EIS devraient être/pourraient être

associés à l'avenir?

Pensez-vous que les acteurs privés devraient prendre davantage part à la

démarche EIS ? (BE, associations...)

Pouvez-vous nous donner le contact d'autres acteurs susceptibles d'être

intéressés par la démarche EIS ou ayant eux-mêmes une position sur les EIS?

266

Annexe 7 – Grille d’entretien avec les acteurs non impliqués dans

des EIS

Thématique Questions

Trajectoire personnelle

(discussion informelle

avec l'acteur interrogé)

Pouvez-vous vous présenter? Quel est votre poste actuel et depuis quand?

Quel est votre parcours professionnel et universitaire ?

Définition et perception

de la santé

Qu'est-ce qui détermine l'état de santé d'un individu, selon vous?

Pensez-vous que seuls les professionnels de la santé peuvent déterminer et

évaluer l'état de santé d'un groupe de personnes?

Pensez-vous qu'une politique, un programme ou un projet peuvent avoir des

effets sur la santé des individus?

Définition et

représentation de l'EIS

Connaissez-vous les EIS?

Si oui, comment en avez-vous entendu parler? Pouvez-vous définir

brièvement les EIS? Pourquoi n'y avez-vous pas eu recours jusqu'à présent

(manque de connaissance sur la méthodologie, moyens financiers...) ?

Avez-vous déjà entendu parler d'EIS effectuées à l'étranger? (si non, les

étudiants font un rapide état de l'art sur cette démarche à l'étranger)

Si non (les étudiants donnent alors la définition de l'EIS à l'acteur interrogé) :

si vous aviez été au courant des démarches d'EIS, pensez-vous que vous

auriez pu y avoir recours/que vous pourrez y avoir recours? Si oui, sur quel

type de projet/dans le cadre de quelle politique et pourquoi ?

Jusqu'à présent, avez-vous déjà évalué les impacts sanitaires possibles des

politiques que vous avez mises en place/souhaité mettre en place? (Si oui,

par quel moyen? Sur quels aspects? Quels types de politiques?)

Identification des freins

et leviers de

développement des EIS

Pourquoi pensez-vous qu'une EIS puisse être intéressante/ importante sur

votre territoire? Sur quel type de projet?

Quels acteurs devraient être mobilisés lors d'une EIS sur votre territoire ?

Quels acteurs devraient être à l'initiative de cette démarche sur votre

territoire ?

Une participation citoyenne aux EIS est-elle nécessaire, selon vous?

Connaissez-vous les EIE ? En avez-vous déjà réalisé/participé à cette

démarche ? Selon vous, pourrait-il y avoir un rapprochement possible entre

une EIS et une EIE ? A l'instar des EIE, pensez-vous que l'EIS en France

devrait être réglementée ? La réglementation pourrait représenter un levier

de promotion et d'implémentation ? Si oui, sous quelle forme ? (obligatoire,

harmonisation d'une méthodologie, pour quel type de

projet, à quel échelon, etc...) ?

Pensez-vous à d'autres acteurs non mobilisés qui seraient susceptibles d'être

intéressés par les EIS?

Pensez-vous avoir besoin de retours d'expériences avant de mettre en place

une EIS?

Quel pourrait être le rôle de votre structure dans la mise en place d'une EIS

future? Au sein de votre équipe/structure, y a-t-il des acteurs ayant les

compétences ou l'expérience pour mener à bien une EIS?

De quels moyens auriez-vous besoin?

Pensez-vous que l'IFERISS puisse être un des principaux partenaires pour

mener à bien une EIS?

267

Annexe 8 - Exemple de grille d’analyse multicritères utilisée pour

l’EIS menée en région PACA410

I- Questions à se poser par rubriques

de déterminants de santé

Oui

Si oui

Comment ?1

Non

Si non

Possibilité d’agir ?2

3

SO

Des impacts <0

peuvent-ils

être identifiés

Points d’améliorati

on4

Domaines

FEDER

oui

non 1Préciser le lien entre l’opération et le déterminant ciblé (expliciter dans la mesure du possible le cheminement des effets entre l'opération et le déterminant)

2Si oui préciser comment ? Sinon, le déterminant ciblé est sans objet et cocher la case suivant SO. L'évaluation pour le déterminant en question s'arrête là. 3Sans objet, aucun lien ne peut être établi entre l’opération et le déterminant ciblé (« vrai » impact neutre ») 4Au regard des réponses précédentes, lister les axes d’amélioration de l’opération po ur maximiser les bénéfices et minimiser les impacts négatifs ?

Individus

Habitudes de vie et comportements favorables à la santé physique

L’opération est-elle susceptible

d’améliorer la qualité nutritionnelle

des individus ?

De favoriser l’activité physique ? Peut-elle permettre de réduire la consommation de substances psychoactives (alcool, produits

illicites, tabac, …) ?

Conditions de vie L’opération contribue-t-elle à la sécurité alimentaire des individus ?

L’opération contribue-t-elle à la sécurité de logement des individus ?

L’opération améliore-t-elle le revenu des individus ?

Compétences personnelles et sociales

L’opération améliore-t-elle le niveau

d’instruction des individus ?

L’opération améliore-t-elle la confiance en soi/estime de soi ?

L’opération améliore-t-elle le sentiment de contrôle des individus ?

L’opération améliore-t-elle l’autonomie des individus ?

L’opération favorise-t-elle la capacité des individus à rebondir après des difficultés (résilience)

L’opération permet-elle aux individus d’acquérir des connaissances

nouvelles ?

L’opération permet-elle de renforcer l’apprentissage du savoir être en société (citoyenneté) - respect des autres ?

- respect des espaces publics/privés ?

respects des règles sociales ?

L’opération permet-elle aux individus

d’intégrer les codes de la vie

professionnelle (ponctualité, tenue

vestimentaire, langage…) ?

410 Cette grille est issue d’un rapport sur l’EIS rédigé par l’EHESP.

268

L’opération permet-elle révéler le potentiel des individus ?

Réseaux sociaux et communautaires

Famille

L’opération est-elle susceptible

d’améliorer les relations familiales

(faciliter la communication, faciliter

l’expression, les échanges…)

Communauté locale et de voisinage

L’opération est-elle susceptible de faciliter

la participation/implication des groupes ou

communautés à la vie du quartier ?

L’opération permet-elle au groupe d’être une ressource pour l’individu ?

L’opération est-elle susceptible de renforcer la capacité d’agir des

organisations/réseaux/groupes

(empowerment collectif) et la capacité

d’influencer les décisions les concernant

?

L’opération est-elle susceptible de

renforcer l’entraide et la solidarité entre

les personnes au sein de la communauté

?

L’opération est-elle susceptible de favoriser la mixité entre les générations ?

L’opération est-elle susceptible de

favoriser la mixité entre les groupes

sociaux ?

Environnement physique

Qualité des milieux

L’opération permet d’améliorer la qualité

de l’air ?

L’opération permet d’améliorer la qualité de l’eau ?

L’opération permet d’améliorer la qualité de des sols ?

L’opération est-elle susceptible de contribuer à réduire la production des déchets et permet-elle un circuit

d’élimination respectueux de

l’environnement (tri, recyclage…) ?

Ressources naturelles

L’opération est-elle susceptible d’agir positivement sur la préservation des espèces oubliées ?

L’opération est-elle susceptible d’agir positivement sur la préservation de la ressource en eau ?

L’opération est-elle susceptible d’agir positivement sur la préservation des

espaces naturels (espaces verts, zones

calmes…) ?

L’opération est-elle susceptible de produire de la biodiversité ?

Climat

Si l’opération est susceptible de générer

des émissions de GES, des actions

d’atténuation sont-elles envisageables ?

Si l’opération est susceptible de créer un îlot de chaleur, des actions d’atténuation sont-elles envisageables ?

269

Politique Développement Durable

L’opération intègre-t-elle la mise en

œuvre d’une politique de

développement durable (ex : Signature

d’une charte développement durable,

éco-geste, information sur le sujet …)

Cadre de vie

L’opération est susceptible d’améliorer

l’aménagement/

l’entretien des espaces publics ? L’opération permet-elle d’équilibrer la répartition entre les espaces verts et les

espaces urbains ?

L’opération favorise-telle la création d’espaces de loisirs ?

Si l’opération est susceptible de générer des nuisances sonores, des

actions d’atténuation sont-elles

envisageables ?

L’opération est susceptible d’améliorer la qualité esthétique du cadre de vie ?

L’opération est susceptible d’améliorer la sécurité du cadre de

vie ?

Transports et déplacement

L’opération favorise-t-elle l’accès aux

infrastructures de transport ?

L’opération favorise-t-elle la mobilité des personnes ?

L’opération est-elle susceptible de créer de la continuité entre différents

territoires ? (continuité)

L’opération est-elle susceptible de favoriser plusieurs moyens de

déplacement (intermodalité)

Environnement socio-économique

Politique du logement

L’opération est-elle susceptible

d’améliorer l’accès au logement ?

L’opération est-elle susceptible d’améliorer les conditions de logement des personnes (salubrité,

sécurité…) ?

Politique de l’Emploi

L’opération est-elle susceptible de

faciliter l’accès à l’emploi ?

L’opération est-elle susceptible de rétablir l’égalité hommes femmes dans

l’accès à l’emploi ? sécuriser l’emploi ?

L’opération est-elle susceptible de sécuriser l’emploi ?

L’opération est-elle susceptible de développer le marché de l’emploi ?

L’opération est-elle susceptible de contribuer au développement économique local ?

Politique Travail

L’opération est-elle susceptible

d’améliorer les conditions de travail des

personnes (sécurisation de l’emploi,

rémunération, protection sociale)?

L’opération est-elle susceptible de créer un climat de travail agréable et détendu au sein de l’organisation?

270

L’opération est-elle susceptible d’améliorer la reconnaissance et la

considération des personnes au travail ?

Services publics

L’opération est-elle susceptible d’améliorer l’accès à l’offre de services ?

L’opération est-elle susceptible d’améliorer la qualité de l’offre de services ?

L’opération est-elle susceptible d’améliorer les conditions de fonctionnement de l’offre de services ?

L’opération est-elle susceptible d’améliorer les infrastructures et moyens de communication ?

Questions complémentaires sur les conditions de réussite de l'opération et pistes d'optimisation

Quels sont les facteurs clés de réussite de

l'opération?

- sur la période financée

- comment rendre l'opération pérenne après la

période de financement? Quelles sont les voies

à exploiter (synergies avec d'autres politiques

de la ville? )

Quelles sont les partenaires institutionnels associés ou pouvant être concernés par

l'opération?

Quelles sont les voies de synergie

envisageables avec ces partenaires? (préciser

les opportunités et contraintes?)

271

272

LISTE DES SIGLES

Pour le territoire français :

ACSé : Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des Chances AEU : Approches Environnementales de l’Urbanisme ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie ARS : Agence Régionale de la Santé ASV : Atelier Santé-Ville CCPP : Comités de Coordination des Politiques Publiques CDT : Contrat de Développement Territorial CHU : Centre Hospitalier Universitaire CIS : Comité Interministériel sur la Santé CLS : Contrat Local de Santé CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale CoDES : Comité Départemental d'Education pour la Santé CoPIL : Comité de Pilotage CoTECH : Comité Technique CR : Conseil Régional CREAI : Centre Régional d’Etudes, d’Actions et d’Information en faveur des personnes en situation de vulnérabilité CRES : Comité Régional d'Education pour la Santé CRPV : Centre de Ressources pour la Politique de la Ville CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale DATAR : Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale DGS : Direction Générale de la Santé DIV : Délégation Interministérielle de la Ville DRASS : Directions Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales DRJSCS : Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale DRJS : Directions régionales de la jeunesse et des sports DSS : Déterminants Sociaux de la Santé EES : Evaluation Environnementale Stratégique EHESP : Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique EIE : Evaluation d’Impact sur l’Environnement EII : Evaluation d’Impact Intégrée EIS : Evaluation d’Impact sur la Santé EPADESA : Établissement Public d'Aménagement de La Défense Seine Arche EPRUS : Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires FEDER : Fonds Européen de Développement Régional HQE : Haute Qualité Environnement IAU : Institut d’Aménagement et d’Urbanisme IDF : Île De France IFERISS : Institut Fédératif d'Etudes et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société IGAS : Inspection Générale des Affaires Sociales INPES : Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

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IREPS : Instance Régionale d'Education et de Promotion de la Santé ISS : Inégalités Sociales de Santé InVS : Institut de veille sanitaire LASSP : Laboratoire des Sciences Sociales du Politique MPM : Marseille Provence Métropole NCA : Nice Côte d'Azur OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONG : Organisation Non-Gouvernementale ONI : Opération d’Intérêt National ONU : Organisation des Nations Unies ORS : Observatoire Régional de Santé PACA : Provence Alpes Côte d'Azur PDU : Plan de Déplacement Urbain PIB : Produit Intérieur Brut PLH : Plan Local de l’Habitat PLU : Plan Local d’Urbanisme PLUI : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal PRAPS : Programmes Régionaux d’Accès à la Prévention et au Soin PRSP : Programme Régional de Santé Publique PUI : Projet Urbain Intégré PRSE : Programme Régional Santé Environnement RBUS : Réseau Bretagne Urbanisme Santé REEB : Réseau d’Education à l’Environnement en Bretagne S2D : Santé Développement Durable SCHS : Service Communal Hygiène et Santé SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SGAR : Secrétariat Général pour les Affaires Régionales SGMAS : Secrétariat Général des Ministères chargés des Affaires Sociales SNCF : Société Nationale des Chemins de fer Français SPC : Santé Publique Consultants (cabinet de consultants) STIF : Société des Transports d’Île-de-France STP : Santé dans Toutes les Politiques TPM : Toulon Provence Méditerranée UMR : Unité Mixte de Recherche UVSQ : Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ZAC : Zone d’Aménagement Concerté

274

Termes d’origine étrangère

CCNPPS : Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé (Québec) CDC : Centers for Disease Control and Prevention CEPCM : Centre européen de prévention et contrôle des maladies DH : Department of Health DG SANCO : Direction générale de la santé et des consommateurs au niveau de l’Union Européenne EIA : Environmental Impact Assessment EPA : Environmental Protection Agency EQUAL : Equity in Health Research and Development Unit EPHIA : European Policy Health Impact Assessment HIA : Health Impact Assessment HIIA : Health Inequalities Impact Assessment HuIA : Human Impact Assessment HIAP : Health in All Policies HPP : Healthy Public Policy IANPHI : International Association of National Public Health Institutes IIA : Integrated Impact Assessment IMPACT : International Health Impact Assessment Consortium NHS : National Health Service NSW : New South Wales PHL : Public Health Law (français: LSP, Loi sur la Santé Publique) PHO : Public Health Observatory SBN : Sund By Net (Réseau des Villes-Santé) SEA : Strategic Environmental Assessment SIA : Social Impact Assessment STAKES : Centre national de recherche et de développement pour le bien-être et la santé (Finlande) THL : Institut National de Santé et de Bien-être finnois

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Page du site web du THL consacrée à la terminologie des différentes évaluations d'impact :

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Source image : T.Lartilleux (http://c.lartilleux.free.fr/Tom_lartilleux_site.htm#_top)