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  • LA LETTRE VERNIMMEN.NET

    LA LETTRE VERNIMMEN.NET : ET DU SITE

    LE COMPLEMENT DE LOUVRAGE WWW.VERNIMMEN.NET

    ACTUALITE : Lanalyse financire des groupes brsiliens

    TABLEAU DU MOIS : Lendettement des pays

    RECHERCHE : Pourquoi les entreprises sintroduisent- elles en bourse ?

    QUESTION ET REPONSE : CDS, CDO et Abacus

    NOS LECTEURS ECRIVENT : Pour ou contre les CDS secs ou peut-on parier sur le malheur des autres ? par Franois Meunier

    * * *ACTUALITE : Lanalyse financire des groupes brsiliens

    377 entreprises brsiliennes taient cotes en dcembre 2009 sur la bourse de Sao Paulo. En liminant de lchantillon celles du secteur financier, celles ne disposant pas de 4 annes de comptes et celles trop petites, on aboutit un ensemble de 182 socits reprsentant 97 % de la capitalisation boursire brsilienne (qui est denviron 930 Md, soit les deux tiers de celle dEuronext Paris ou peu prs celle de lAustralie).

    Nous leur avons appliqu la mthodologie danalyse financire habituelle (1). Leurs comptes agres sont disponibles sur demande via la boite aux lettres du site www.vernimmen.net. Pour la plupart, elles clturent leurs comptes au 31 dcembre.

    Cration de richesse

    Le chiffre daffaires cumul des entreprises brsiliennes de lchantillon est de 382 Md, soit lquivalent du chiffre daffaires cumul de BP et Shell.

    Les entreprises brsiliennes cotes font apparatre une trs grande diversit de taille : les 20% les plus grandes font 80 % du chiffre daffaires, 86 % du rsultat dexploitation avec des chiffres moyens de 8 Md et 1,4 Md.

    A linverse, les 20% les plus petites font 0,6% de chiffre daffaires, - 3 % du rsultat dexploitation avec des chiffres moyens de 66 M et 1,7 M.

    La concentration est nettement plus forte quen Chine (2) et similaire celle de lInde (3).

    (1) Voir le chapitre 10 du Vernimmen 2010. (2) Voir la Lettre Vernimmen.net n 54 de janvier 2007.(3) Voir la Lettre Vernimmen.net n 72 de janvier 2009.

    N 87

    Mai 2010

    Par Pascal Quiry

    et Yann Le Fur

    Au sommaire du prochain numro :

    - ACTUALITE : Endettement et prime de contrle

    -TABLEAU DU MOIS : Les dates de clture

    -RECHERCHE : La gestion du poste client des socits en difficult

    -QUESTION : Le Q de Tobin, l

    de Jensen et les ratios de Sharpe et de Treynor

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    Lnergie est le premier secteur avec 33% du total du chiffre daffaires, en lent dclin relatif depuis quelques annes au profit des tlcoms et des biens de consommation. Les ressources naturelles souvent cites comme secteur emblmatique du Brsil sont en dclin et ne font plus que 16 % du chiffre daffaires 2009 :

    Sans surprise le niveau de croissance de ces entreprises cotes a t fort depuis 2006 avec + 9 % / an en moyenne. Comme linflation brsilienne a t de lordre de 5 % / an, ces entreprises ont cru en volume de lordre de 4 % / an, soit plus que lconomie brsilienne dans sa totalit qui sest contente dun taux de croissance en volume de 3,4 % / an environ sur cette priode.

    Cette forte croissance se serait accompagne dune stabilit des margesdexploitation, sil ny avait pas eu 2009 :

    A titre de comparaison les marges dexploitation des groupes europens ont t en 2009 de lordre de 11 %. A la diffrence de la Chine (o ce mme ratio tait de 9 %) spcialise dans des exportations bas prix, le Brsil tire parti de ses richesses naturelles et de produits plus forte valeur ajoute.

    Investissements

    La gestion de lactif conomique ne montre pas de faiblesse :

    En % 2006 2007 2008 2009

    Chiffre d'affaires 100 100 100 100Execdent brut d'exploitation 29 29 28 25Rsultat d'exploitation 21 21 21 16Rsultat net 13 14 12 11

    En % 2006 2007 2008 2009

    Chiffre d'affaires/actif conomique 101% 104% 100% 87%

    16%15%

    13%

    7%

    6%

    6% 2%

    33%

    Energies Ressources naturelles Tlcom Biens de consommation

    Services Industrie Services publics Autres

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    Le besoin en fonds de roulement samliore constamment en jours de chiffre daffaires :

    Sans surprise, compte tenu de sa croissance en volume plus proche de celle des pays dvelopps que de la Chine ou de lInde, les investissements ne reprsentent que 1,4 fois la dotation aux amortissements.

    Financement

    Compte tenu dune croissance qui nest plus spectaculaire et grce une bonne rentabilit comme on le verra dans un instant, les entreprises brsiliennes de notre chantillon ont dgag depuis 2007 un flux de trsorerie disponible aprs frais financiers peu prs quilibr :

    Laugmentation de lendettement qui a progress des deux tiers entre 2006 et 2009 reste globalement raisonnable puisque reprsentant 1,5 lexcdent brut dexploitation 2009, soit le niveau moyen des grands groupes europens.

    2006 2007 2008 2009

    BFR en jours de chiffre d'affaires 68 j 50 j 49 j 44 j

    Rentabilit

    La rentabilit des entreprises brsiliennes cotes est correcte : autour de 10 % aprs impt pour la rentabilit conomique en 2009 (16 % les annes davant) contre un cot du capital de 12 %. La rentabilit des capitaux est encore meilleure compte tenu dun effet de levier modr : environ 15 % en 2009 et 20 % avant.

    En versant 49 % de leurs bnfices sous forme de dividende, les groupes brsiliens ont adopt une politique de distribution en accord avec une croissance qui se ralentit mme si elle ferait rver ici, surtout en ce moment

    En fait, la seule caractristique financire des entreprises cotes dans ce pays qui les rattache aux pays mergents sont les paramtres boursiers : PBR de 4 et PER 2009 de 30, ce qui nest particulirement pas donn pour des entreprises qui ne font que gagner que leur cot du capital On y lira lanticipation par les investisseurs de meilleurs rsultats venir que le volume dactivit du premier trimestre 2010 de lconomie brsilienne (+ 9,8 % en rythme annualis) pouvait laisser prsager.

    (en Mr$ 2007 2008 2009

    Capacit d'autofinancement 159 165 168- Variation du BFR - 11 101,0 - 5+ Autres lments 25 54 - 5= Flux de trsorerie d'exploitation 195 118 168- Flux de trsorerie d'investissement 141 201 176= Flux de trsorerie disponible aprs frais financiers 54 - 83 - 8

    Financ par : Augmentation de capital - dividendes verss - 46 - 11 - 33

    Augmentation de l'endettement net - 7 96 41

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    Aprs tout, le PIB du Brsil dpassera celui de la France cette anne. Ainsi va le monde .

    Boursirement, les groupes brsiliens ont t affect comme les autres et ont perdu plus fortement de leur valeur en 2008 avant de se reprendre en 2009.

    Indice de la bourse de Sao-Paulo

    * * *Du cot de la comptabilit

    LIASB, du cot de la comptabilit, a annonc une consultation publique en vue de modifier sa normes IFRS 9 sur les instruments financiers. La possibilit pour les entreprises de valoriser leurs passifs financiers en valeur de march et dinclure le gain ou la perte en rsultant dans leurs rsultats pourrait ainsi tre supprime.

    Si comme il est probable, cette disposition est adopte, il ne sera plus possible pour une entreprise ou une banque de senrichir de sa propre dcrpitude pour reprendre le titre de larticle que nous avions consacr ce sujet dans la Lettre Vernimmen.net n 80 doctobre 2009. Le gain ou la perte rsultant apparatraient dans le compte des other comprehensive income et donc en capitaux propres sans passer par le compte de rsultat.

    Outre son caractre contre-intuitif, lIASB sest rendu compte que les investisseurs ntaient pas demandeurs de ce traitement comptable quils extournaient systmatiquement. Comme quoi, mme avec lIASB, la raison peut prvaloir

    * * *

    TABLEAU DU MOIS : Lendettement des pays

    Si la dette des organismes gouvernementaux japonais est la plus leve de lchantillon 197 % du PNB, elle est 93 % dtenue localement (ce mme ration est de 44 % pour la France), ce qui la rend plus supportable.

    Dans le monde dvelopp, limportance de la dette des entreprises par rapport au PNB doit beaucoup au degr dinternationalisation des entreprises et donc leur taille (puisque ce sont les plus gros qui sont les plus internationales) : Royaume-Uni, France, Suisse. Alternativement, elle reflte un niveau dendettement important par rapport au flux de trsorerie dgags : Chine, Japon, Espagne.

    Lendettement des mnages est le plus haut dans les pays qui ont connu une bulle immobilire rcente : Etats-Unis, Royaume-Uni et Espagne, car lessentiel de lendettement des mnages est de nature immobilire.

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    0 1 /2 0 0 6 0 5 /2 0 0 6 0 9 /2 0 0 6 0 1 /2 0 0 7 0 5 /2 0 0 7 0 9 /2 0 0 7 0 1 /2 0 0 8 0 5 /2 0 0 8 0 9 /2 0 0 8 0 1 /2 0 0 9 0 5 /2 0 0 9 0 9 /2 0 0 9 0 1 /2 0 1 0 0 5 /2 0 1 0

    Source : Bovespa.

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    On remarquera le poids de lendettement des socits financires britanniques (194 % du PNB) d limportance du secteur financier britannique et de ses banques (HSBC, Barclays et RBS).

    Les pays mergeants constituent une classe bien part avec un niveau dendettement relatif 2 3 fois plus faible que pour les pays dvelopps. Quant au trs faible niveau dendettement de la Russie, on pourra le mettre sans risque sur le faible niveau de gouvernance gnrale qui nincite pas les prteurs prter (peut-tre le reste dun got amer des emprunts russes) !

    Emprunteur Etats-Unis Royaume-Uni Japon Allemagne France Italie Espagne Suisse Chine Inde Russie Brsil

    Etat 67% 59% 197% 73% 80% 109% 56% 37% 32% 66% 5% 66%

    Socits non financires 79% 110% 95% 69% 114% 83% 141% 75% 96% 42% 40% 30%

    Mnages 97% 103% 69% 64% 44% 41% 87% 118% 12% 10% 10% 13%

    Institutions financire 53% 194% 110% 80% 84% 82% 82% 84% 18% 11% 16% 33%

    Total 296% 466% 471% 285% 323% 315% 366% 313% 159% 129% 71% 142%

    Date T2 2009 T2 2009 T2 2009 T2 2009 T2 2009 T2 2009 T2 2009 2007 2008 2008 2008 2008

    Source : Debt and deleveraging: The global credit bubble and its economic consequences McKinsey Global Institute, Janvier 2010.

    Les moins endetts

    Les plus endetts

    * * *

    ARTICLE DE RECHERCHE : Pourquoi les entreprises sintroduisent-elles en bourse ?

    La recherche en finance consiste le plus souvent laborer des modles explicatifs des dcisions financires, et tester les prdictions de ces modles partir de bases de donnes comptables et financires. Larticle que nous prsentons ce mois-ci relve dune autre approche : linterrogation directe (et anonyme) de directeurs financiers. Les rsultats obtenus nont pas la mme robustesse scientifique, puisque les taux de rponse sont gnralement faibles (moins de 5%) et que la sincrit des rponses, mme anonymes, peut tre mise en cause. Il sagit toutefois dun bon complment aux travaux scientifiques, trs utile notamment pour les comparaisons internationales.

    Larticle porte sur les introductions en bourse des entreprises europennes (1). Les auteurs ont adress un questionnaire de plus de 100 questions 1808 entreprises europennes introduites en bourse entre 1994 et 2004 ; ils ont obtenu 78 rponses (soit 4,3%, un taux satisfaisant pour ce genre dtude). Leur chantillon est suffisamment vari (tailles et caractristiques des entreprises, places boursires et annes dintroduction) pour tre exploitable.

    Les rsultats sont pour la plupart semblables ceux obtenus sur les entreprises amricaines (2). Le bnfice attendu de lintroduction le plus souvent cit (par 83% des directeurs financiers) est lamlioration de la rputation et de la visibilit de lentreprise.(1) F. Bancel et U.R. Mittoo (2009), Why do European firms go public ?, European Financial Management, vol.15, n 4, pages 844-884.(2) Par exemple J. Brau et S.E. Fawcett (2006), Initial public offerings : an analysis of theory and practice, Journal of Finance, volume 61, n1, pages 399-436.

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    Ceci est conforme la prdiction du prix Nobel Robert Merton, selon lequel une plus grande visibilit (notamment auprs des analystes) et une base dinvestisseurs largie permettent aux entreprises introduites en bourse de voir leur cot du capital diminuer (3). Pour 56% des interrogs, lintroduction en bourse a permis une amlioration du pouvoir de ngociation face aux cranciers.Lautre bnfice attendu est de financer la croissance. Lintroduction en bourse apparat comme une tape normale dans le dveloppement dune entreprise. Cet objectif est reconnu dans 75% des cas (et la rduction du taux dendettement dans 35% des cas). Les entreprises qui augmentent leur capital loccasion de lintroduction sont effectivement celles qui ont les taux de croissance les plus levs. Toutefois, la part dmission de nouvelles actions dans les introductions est assez faible (35% en moyenne) ; lessentiel consiste en la mise sur le march dactions existantes. Lobjectif reste celui de la croissance, mais externe : coter les actions en bourse et les utiliser pour des oprations de fusions-acquisitions. Le choix de la place de cotation tient compte dans plus de la moiti des cas de cet objectif.Lintroduction en bourse offre galement une porte de sortie aux dtenteurs du capital. Elle leur permet de cder leurs actions en plusieurs tapes et souvent un prix plus lev que celui obtenu en labsence de cotation. Cet objectif est cit dans 60% des cas, et les auteurs remarquent quil est particulirement mis en avant au Royaume-Uni.(3) R. Merton (1987), A simple model of capital market equilibrium with incomplete information, Journal of Finance, volume 42, n3, pages 483-510.

    * * *

    QUESTION DU MOIS : CDS, CDO et Abacus par Franois Meunier

    Les CDS sexpliquent en deux mots partir dun exemple. Un contrat de CDS sur Carrefour commencera par dfinir le montant couvert, par exemple 10 M, avec une protection formule ainsi : contre le versement dune prime, par exemple de 1,5% du montant couvert, soit 150.000 , je toucherais 10 M si Carrefour fait dfaut, et rien sil ne fait pas dfaut. Si jamais je possde des obligations Carrefour pour un montant de 10 M et que jai des craintes sur la solvabilit de Carrefour, il me suffira de les adosser un CDS pour 10 M, et je me retrouve virtuellement avec une obligation sans risque. (Pas compltement, je subis le risque de la contrepartie qui ma vendu la protection. Sil sagit dune entit qui est triple A comme ltat franais, jai donc synthtiquement en main lquivalent dune obligation de ltat franais.)Je peux tout autant acheter le CDS sans disposer par avance de lobligation Carrefour. Payant simplement ma prime, je gagnerais avec mon CDS sec 10 M en cas de faillite de Carrefour. Il y a donc l un moyen extrmement commode de se mettre dcouvert de (ou shorter) Carrefour. En labsence de CDS, le seul moyen de vendre dcouvert consiste emprunter lobligation auprs dun investisseur qui la dtient dj (contre un intrt) et de lui rendre physiquement un terme prdtermin. Si Carrefour fait dfaut, le prix de rachat terme est tomb zro et je gagne la diffrence. Il nest pas facile de trouver des investisseurs prts vous prter des titres et souvent le march des prts et emprunts de titres est souvent compltement illiquide. Le march des CDS est un substitut commode. Mais il nest pas non plus facile de trouver des intermdiaires prts vous vendre des CDS secs, sur Carrefour ou sur toute autre actif.

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    * * *NOS LECTEURS ECRIVENT : Pour ou contre les CDS

    secs ou peut-on parier sur le malheur des autres ? par Franois Meunier (1)

    La nouvelle tourmente sur le march de la dette ralimente le dbat sur les CDS ou credit default swaps). (Voir encadr ci-aprs destination de ceux de nos lecteurs qui voudraient mieux connatre ce sigle recouvre.)

    Passe encore, disent certains, quon puisse utiliser ces produits financiers comme instruments de couverture contre le risque de dfaut dune contrepartie, dette souveraine ou prive. Mais il est inacceptable de disposer de CDS secs , sans objet couvrir. Cela devient de purs instruments de spculation, sans utilit sociale. Parce que ces CDS secs constituent une grande partie de lencours de CDS en circulation, les arguments pour les bannir sont aussi solides que ceux pour bannir les cambriolages de banque , dit Wolfgang Mundchau dans une chronique inhabituellement virulente du Financial Times du 28 fvrier 2010 : Time to outlaw naked credit default swaps.

    (1) Prsident du comit scientifique de lAssociation Franaise des Directeurs Financiers et de Contrle de Gestion (DFCG).

    Des contraintes rglementaires empchent souvent de le faire ; ou encore on se heurte la solvabilit de la contrepartie qui vend le CDS.

    La solution alors est de fabriquer synthtiquement des obligations Carrefour et de les vendre des investisseurs. Il suffit que je constitue un fonds appelez le Abacus qui achte des obligations du Trsor franais et qui vous vende en mme temps des CDS Carrefour sur un montant couvert identique (et gags sur la valeur des obligations du Trsor). Le fonds se financera en mettant ses obligations propres, qui sont videmment assises sur la valeur agrge des emprunts dtat et des CDS. Linvestisseur qui achte de telles obligations aura en main lemprunt dtat et lobligation de payer le mme montant au cas o Carrefour ferait dfaut. Si Carrefour fait dfaut, il perd tout ; linverse il touche le coupon de lemprunt dtat et la prime du CDS qui nest pas trs loigne du coupon que verserait lobligation Carrefour : nest-ce pas l la dfinition dune obligation Carrefour ? On appelle cela un CDO pour Collateralised Debt Obligation. Le fonds fait comme si il avait lui-mme mis des obligations Carrefour alors bien sr quil nest pas Carrefour.

    Par une arithmtique simple : Obligation Carrefour + CDS Carrefour = Obligation sans risque,

    Et donc : Obligation sans risque - CDS Carrefour = Obligation Carrefour synthtique .

    A partir de l, le monde vous est ouvert : mettez la place de lobligation Carrefour des obligations immobilires subprime ou des tranches de fonds de titrisation subprime et vous avez le systme qui a fait gagner tant dargent au hedge fund Paulson & Co (1 Md$), et tant perdre IKB et RBS. Lacheteur de CDS subprime est Paulson ; le fonds metteur des obligations synthtique subprime est Abacus ; les investisseurs malheureux sont IKB et le rehausseur de crdit ACA (qui a achet une sorte de caution de la part dABN AMRO, rachet bien tort par RBS) ; larrangeur de tout cela est Goldman Sachs. Cherchez le vice.

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    Pour dautres au contraire, cette technique de couverture est bnfique. Acheter un CDS sec, cest se donner la possibilit de vendre dcouvert, de shorter, lactif financier dont on pense que le prix va baisser, une opration en gnral difficile faire sur les marchs financiers et jamais sur le march des marchandises courantes (vous ne pouvez pas vendre une botte de poireaux dont vous ne disposez pas). Les spculateurs ne sont jamais une population trs aime, mais les spculateurs qui deviennent riches quand les marchs chutent, c'est--dire quand les temps sont difficiles, sont carrment antipathiques. Ils vivent du malheur des autres. Pourtant, vendre quand on dispose dune information ou dune conviction que la hausse de prix ne peut pas durer, cest transmettre au march linformation quil est prudent darrter dacheter. Le spculateur ne gagne de largent que quand il vend haut ce quil a achet bas ; ou, lenvers, quand il vend haut ce quil va racheter bas dans le futur. Acheter bas fait remonter le cours ; vendre haut le fait baisser. Par consquent, sauf cas bien documents, lintervention du spculateur est en moyenne stabilisatrice (autrement, il perdrait de largent !).

    Le hedge fund Paulson & Co impliqu (mais non mis en examen) dans la plainte de la SEC, autorit de contrle des marchs financiers aux tats- Unis, contre la banque Goldman Sachs a fait prcisment ceci, chercher par un montage complexe et dtourn vendre dcouvert le march immobilier subprime aux Etats-Unis, ceci juste avant sa chute. Les avocats de la vente dcouvert, et donc des CDS secs, font valoir que si cette technique avait davantage t rpandue, bien dautres que John Paulson, faisant comme lui le constat de la survaluation du march immobilier amricain en 2006 et 2007 mais sans moyen de prendre position la baisse, auraient pu commencer vendre. Ce qui aurait refroidi les investisseurs et calm le march. Et peut-tre vit le retournement de la mi-2007. Pouvoir facilement vendre dcouvert, cest dans la plupart des cas empcher le march de monter des niveaux stratosphriques ; de la mme faon que pouvoir acheter, cest empcher les prix de march de seffondrer. (On observe quil y a des bulles de march, et non des anti- bulles , preuve de la facilit plus grande acheter qu vendre.)

    Jusquici, rien de nouveau : les arguments suivent la ligne de partage habituelle entre pro- et anti-marchs. Et pourtant quelque chose gne ! Pour lindiquer, voici un exemple hautement fictif, mais pour autant tout fait ralisable aujourd'hui.

    Imaginez que Boeing dcide de baisser brutalement de 20% le prix catalogue de son futur B777. Cela force Airbus faire de mme sur son A350, futur concurrent du B777. Les marges des deux constructeurs seffondrent. Mais auparavant, Boeing a achet des wagons de CDS sur Airbus. En raison de leffondrement de la rentabilit, le prix des obligations des deux constructeurs chutent et le prix de leurs CDS senvole. Rsultat : la guerre des prix affaiblit Airbus, mais pas Boeing qui aura les profits de sa position short sur Airbus. Ainsi, les CDS pourraient enrichir larsenal de la concurrence industrielle. Choquant ? Bien sr ! Illgal ? Pas forcment aujourd'hui, bien quon sente quun devoir dinformation incombe Boeing vis--vis des investisseurs qui lui ont vendu les CDS. Cest ce questime la SEC dans sa prsente action en justice contre Goldman Sachs : la banque aurait manqu son devoir dinformation sur son fonds Abacus, celui qui vendait des protections Paulson & Co, finances par lmission dobligations auprs dinvestisseurs.

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    Lexemple est extrme mais illustre une vraie difficult des CDS. Ces produits, prsents comme des instruments dassurance financire, scartent pourtant du principe fondamental de lassurance, qui est quon ne peut acheter une assurance qu titre de protection, c'est--dire contre un risque quon subirait personnellement. C'est le principe indemnitaire. Avec en corollaire linterdiction pour lassur de cder son contrat dassurance et donc de le valoriser constamment sur un march. Pourquoi cette prcaution (2) ? Pour simplifier, elle sert viter un danger associ depuis toujours au march de lassurance, et quon oublie trop sur les marchs financiers, savoir lala moral. Il nest pas bon de permettre au voleur de prendre une assurance sur la maison quil va voler ; ou au tueur gage une assurance-vie sur son contrat . Quelle garantie a-t-on sur le march du crdit que le risque est bien exogne, quil nest pas dans lintrt de lacheteur dassurance de provoquer le risque contre lequel il se couvre, ou tout le moins de ne rien faire contre. La question nest pas innocente. Beaucoup de hedge funds ont fait il y a deux mois un pari assez facile gagner : vendre la dette grecque (par achat de CDS) tout en vendant massivement leuro. Pas besoin dune grande liquidit sur le march du CDS grec. Au contraire mme : plus le cours des CDS montait (plus de 8% par an au cur de la crise), plus montaient les doutes sur la prennit de la zone euro, et donc plus srement allait baisser leuro. Il est donc essentiel quil ny ait pas dinterfrence entre le risque et celui qui est cens le porter. Or, sur le march du crdit, les interfrences abondent comme le montre lexemple dAirbus et de Boeing (3). Cest bien pour cette raison que les assureurs prennent des prcautions extrmes quand ils structurent leurs produits : ils souhaitent que lassur nait pas de prise importante sur le risque assurer et cherche au contraire le rduire au maximum. Ils introduisent des clauses de partage du risque ou des obligations de prvention par des audits pralables. Ceci en sus, comme on la vu, du principe indemnitaire et de non cessibilit (4).

    Rien de tout cela sur le march des CDS. Dans un laps de temps infrieur une dcennie, on a mis sur le march des produits dassurance non indemnitaires, cessibles tout vent, sans les prcautions contractuelles qui vaudraient pour des produits de la sorte, dans la totale opacit sur les acheteurs et les vendeurs, en dehors de tout march organis.

    Ce nest pas nier lutilit de ces produits de couverture, preuve le dveloppement gigantesque du march. Mais niant obstinment les manifestes difficults lies aux asymtries dinformation, les CDS sont venus sans le cadre contractuel, juridique, institutionnel et rglementaire appropri. Cest cela quil faut corriger au plus vite.

    (2) Qui nexistait pas forcment aux origines de lassurance. Quand les premiers Lloyds se runissaient dans un clbre bar londonien au 17e sicle, ctait bien des paris sur le succs ou lchec de telle ou telle expdition maritime quils se livraient, et ce faisant permettaient des investisseurs de se couvrir. (3) Cest moins vrai sur dautres marchs sur lesquels existent des drivs. Par exemple, les options de change euro/dollar reprsentent un petit encours sur un march extrmement liquide et difficile manipuler.(4) Cest pour cette raison quils sont peu laise avec les normes comptables IFRS (IFRS 4), qui introduisent la notion de juste valeur et donc lide dune valorisation par un march pour un contrat dassurance, mme si des portefeuilles de polices dassurance peuvent faire lobjet de cession entre assureurs.

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    * * *Au sommaire de la Vernimmen.com Newsletter

    de mai 2010

    NEWS: Value creation in LBOs

    THIS MONTH'S GRAPHS: Late payement in Europe

    RESEARCH: Competitive IPO

    Q&A: What is contingent convertible capital?

    Pour la consulter cliquez ici

    * * *

    Notre partenaire pour les offres demploi disponible sur le site www.vernimmen.net lance un rseau social consacr aux financiers sous www.peopleinfinance.fr

    Avis aux amateurs !

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