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Version de mars 2018 Lettre n°7 du Laboratoire APEMAC

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Version de mars 2018

Lettre n°7

du

Laboratoire

APEMAC

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Lettre n°7 du Laboratoire EA4360 APEMAC •••• mars 2018

� Adolescence et tentative de suicide : devenir, soutien social, facteurs de risque et prévention de la récidive suicidaire - F abienne Ligier

� Adaptation culturelle et validité de contenu des instruments de mesure - Jonathan Epstein

� Facteurs associés à l’hétérogénéité des pratiques vaccinales des médecins généralistes en France - Marion Le Maréchal

Directeur de rédaction

Francis Guillemin

Comité de rédaction

Francis Guillemin, Cyril Tarquinio

Secrétaire de rédaction

Véronique Baron

Coordonnées de la rédaction

Laboratoire EA4360 APEMAC

Ecole de Santé Publique

Faculté de Médecine

9, avenue de la Forêt de Haye

BP 20199

54505 Vandoeuvre Lès Nancy

Réalisation

Francis Guillemin, Véronique Baron

Ont participé à ce numéro

Jonathan Epstein, Marion Le Maréchal, Fabienne Ligier

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Editorial

Editorial Avec 2018 commence un nouveau contrat quinquennal pour notre unité de recherche qui évolue sous

son nouveau nom "Adaptation, mesure et évaluation en santé. Approches interdisciplinaires" et se resserre autour de deux équipes :

� MICS "Mesure et interventions complexes en santé" à Nancy ; � EPSAM "Adaptation, comportements de santé et prise en charge psychologique" à Metz.

Saluons au passage l'équipe de Paris qui, pendant 9 ans sous la direction du Pr Joël Coste, a apporté une contribution remarquable aux problématiques scientifiques de la mesure et de la qualité de vie chez les malades chroniques et en population.

Le projet scientifique des cinq prochaines années 2018 à 2022 s'articule autour de quatre grands thèmes et neuf axes :

� Thème "Concepts et méthodes" - Axe "Concepts et méthodes pour les interventions complexes" - Axe "Concepts et méthodes pour les mesures de santé perçue"

� Thème "Modes de vie favorables et promotion de la santé" - Axe "Modes de vie favorables – Inégalités sociales de santé"

� Thème "Malade chronique, santé perçue et adaptation" - Axe "Mesures de PRO et prédiction dans les Maladies Chroniques (PROMaC)" - Axe "Autonomie, processus d’adaptation du patient et dispositifs d’accompagnement"

� Thème "Evaluation des pratiques, stratégies et organisation des soins" - Axe "Pratiques de soins et de prévention : bon usage des antibiotiques et pratiques vaccinales" - Axe "Stratégies et organisation des parcours de soins" - Axe "Cancer : déterminants de la santé perçue et prise en charge" - Axe "Evaluation des psychothérapies"

La gouvernance de l'unité évolue avec la création d'un Comité scientifique composé de : Nelly Agrinier, Cédric Baumann, Jonathan Epstein, Francis Guillemin, Joëlle Kivits, Charles Martin-Krumm, Laetitia Minary, Laurent Muller, Abdou Omorou, Christine Perret-Guillaume, Céline Pulcini, Christine Rotonda, Cyril Tarquinio, Nathalie Thilly, Aurélie Van Hoye.

Les travaux des doctorants seront valorisés avec d'autant plus de force qu'ils représentent maintenant, vu le processus de sélection des candidats au doctorat de plus en plus serré, le fer de lance des avancées scientifiques de l'unité.

Malgré tous ces changements, un élément majeur de stabilité demeure, le nom de l'unité APEMAC, qui était au départ un acronyme, puis est devenu un nom par lequel nous sommes reconnus par notre université et nos partenaires extérieurs, et est maintenant une véritable marque d'identité autour de laquelle nous nous rassemblons tous. Il n'est pas inutile de rappeler que notre unité a le statut d'une EA, et qu'EA veut dire "Equipe d'Accueil de doctorants".

Nous vous souhaitons à tous une excellente lecture et cinq années fructueuses.

Francis Guillemin,

Directeur de l'unité APEMAC

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Synthèses de travaux de Thèses d’Université soutenues

ADOLESCENCE ET TENTATIVE DE SUICIDE : DEVENIR, SOUTIEN SOCIAL, FACTEURS DE RISQUE

ET PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE SUICIDAIRE

soutenue le 30 novembre 2016

à l’Université de Lorraine

Fabienne LIGIER

sous la co-direction du Pr Francis Guillemin et du Pr Bernard Kabuth

Contexte

La tentative de suicide (TS) concerne 8 à 10 % des adolescents et la récidive suicidaire dans l’année, ou récidive précoce, touche 15 à 20% de ces adolescents et peut être majorée par une alliance thérapeutique fragile. Même si elle est compliquée à instaurer, la prévention de la récidive est doublement importante : en termes de morbidité immédiate mais aussi à plus long terme, tant au niveau scolaire/professionnel, qu’au niveau affectif et psychique. En l’absence de données dans la littérature, il apparait important d’évaluer la santé perçue et la perception du soutien social chez les jeunes suicidants, comme facteurs prédictifs potentiels de récidives.

Objectifs

L’objectif de cette thèse était de confirmer l’impact de la récidive suicidaire sur le devenir des adolescents suicidants et, secondairement, de faire émerger des éléments permettant de développer un dispositif de prévention de cette récidive. Cet objectif a été décliné en 3 axes de recherche : (1) décrire le devenir psychosocial des suicidants et le poids de la récidive sur ce devenir ; (2) étudier l’impact du fait de ne plus être joignable par l’équipe de soins un an après la TS ; (3) étudier les modalités de communication, le soutien social et la santé perçue des jeunes suicidants.

Méthode

Trois recherches ont été menées auprès d’adolescents suicidants au sein du CHRU de Nancy, dont une en association avec le CHRU de Strasbourg. L’étude OUTCOMES a été menée sur 309 sujets, avec une évaluation au moment du geste et à 10 ans. L’étude REPEATERS est centrée sur l’association du fait de ne plus être joignable par l’équipe de soins avec la récidive suicidaire chez 249 jeunes patients. L’étude MEDIADO a pour objets la modalité d’utilisation des moyens de communication, la perception du soutien social et la santé perçue de 58 adolescents suicidants, comparés à 225 témoins.

Résultats

1) Selon les résultats de l’étude OUTCOMES, les jeunes suicidants qui avaient récidivé durant l’année suivant le geste d’inclusion ont un devenir psychosocial altéré lorsqu’ils sont devenus adultes, ce qui inclut une majoration du risque de récidive suicidaire dans les 10 ans (OR=2,3; IC95%=1,1-4,9).

2) L’étude REPEATERS retrouve une association entre le fait de ne plus être joignable par les soignants 1 an après la TS d’inclusion et le risque de récidive suicidaire jusqu’à 10 ans après le geste primaire (HR=2,8; IC95%=1,4-5,5), comme présenté dans la figure ci-dessous.

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3) L’étude MEDIADO a montré que, chez les suicidants, l’utilisation des SMS est privilégiée pour « rester en

lien » avec les proches et qu’ils évaluent de manière plus péjorative que leurs pairs, soutien social et santé perçue. Enfin, ils accepteraient de recevoir un SMS de la part de leur médecin, incluant un message de soutien.

Conclusion et perspectives

Ce travail a permis de montrer que la récidive suicidaire précoce à l’adolescence est associée à un devenir psychosocial moins favorable pour ces adolescents devenus jeunes adultes. La récidive précoce est également associée à un risque majoré de TS à plus long terme, tout comme le fait de ne plus être en contact avec le jeune patient. Des dispositifs de veille axés sur le fait de « rester en contact » avec les suicidants ont été développés chez les adultes ces dernières décennies et ont montré tout leur intérêt en termes de prévention de la récidive suicidaire et du suicide. S’inspirant de ces dispositifs non intrusifs, basés sur le « souci de l’autre », nous avons développé un dispositif de veille à l’intention des adolescents suicidants. Ce dispositif, MEDIACONNEX, s’appuie sur l’envoi de SMS et il sera évalué à travers un essai multicentrique randomisé contrôlé dont les inclusions ont débuté début 2017.

Références bibliographiques

1. Chitsabesan P, Harrington R, Harrington V, Tomenson B. Predicting repeat self-harm in children-how accurate can we expect to be? Eur Child Adolesc Psychiatry. janv 2003;12(1):23-9

2. Consoli A, Cohen D, Bodeau N, Guilé J-M, Mirkovic B, Knafo A, et al. Risk and Protective Factors for Suicidality at 6-Month Follow-up in Adolescent Inpatients Who Attempted Suicide: An Exploratory Model. Can J Psychiatry Rev Can Psychiatr. févr 2015;60(2 Suppl 1):S27-36

3. Milner AJ, Carter G, Pirkis J, Robinson J, Spittal MJ. Letters, green cards, telephone calls and postcards: systematic and meta-analytic review of brief contact interventions for reducing self-harm, suicide attempts and suicide. Br J Psychiatry. 1 mars 2015;206(3):184-90

Publications issues de la thèse

1. Ligier F, Guillemin F, Angot C, Bourion S, Kabuth B. Recurrence of suicide attempt in adolescents lost to contact early by clinicians: The 10-year REPEATERS cohort of French adolescents. J Adolesc. août 2015;43:111-8

2. Ligier F, Kabuth B, Guillemin F. MEDIACONNEX: a multicenter randomised trial based on short message service to reduce suicide attempt recurrence in adolescents. BMC Psychiatry. 2016;16:251

En rouge : sujets non joints à 1 an

En bleu : sujets joints à 1 an

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ADAPTATION CULTURELLE ET VALIDITE DE CONTENU DES INSTRUMENTS DE MESURE

soutenue le 30 mars 2017

à l’Université de Lorraine

Jonathan EPSTEIN

sous la direction du Pr Francis Guillemin

Introduction

Dans un cadre conceptuel universaliste, où l’on reconnaît que l’adaptation d’un questionnaire dans une autre culture doit prendre en compte la nécessité d’éventuelles modifications au-delà de la traduction, l’adaptation culturelle a pour but d’aboutir à un instrument ayant une équivalence fonctionnelle complète dans une autre langue.

Les objectifs de notre travail étaient : - recenser les recommandations existantes pour conduire une adaptation culturelle, - apporter des éléments de preuve de l’utilité de certaines étapes du processus pour arriver à une bonne

validité, - proposer des éléments d’innovations améliorant ce processus, notamment des éléments préservant la

validité de contenu.

Méthodes

Nous avons effectué une revue de la littérature sur les méthodes d’adaptation culturelles, Les stratégies de recherche utilisées dans les bases de données MEDLINE (pubmed), EMBASE, PsycINFO, et Web of Science associaient les termes “cross-cultural” et “adaptation or translation or validation” avec “questionnaire or instrument”. Les références bibliographiques des articles trouvés sur ces bases ont été utilisées pour trouver d’autres articles pertinents ainsi que d’éventuelles recommandations en ligne ne faisant pas l’objet d’une publication.

Puis nous avons mené une étude expérimentale mesurant les effets d’un comité d’expert et de la contre-traduction en produisant quatre versions d’un même questionnaire avec ou sans comité d’expert et contre-traduction (Figure 1). Ces traductions ont été comparées sur leurs propriétés psychométriques et leur contenu.

Nous avons ensuite examiné les apports sur le contenu du questionnaire de l’utilisation d’un comité supplémentaire, de l’intervention d’un comité à des étapes supplémentaires, en amont et en aval di processus, d’une collaboration étroite avec le développeur, ou de l’utilisation d’un questionnaire d’analyse de la compréhensibilité (ELF-Q).

Figure 1

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Résultats

Nous avons identifié 42 articles proposant 30 stratégies traitant de traduction et d’adaptation culturelle de questionnaires. Il existe peu de preuve expérimentale appuyant une recommandation ou une autre pour l’adaptation culturelle. La plupart des recommandations prônent l’usage d’un comité d’experts et d’une contre-traduction. Les quelques études comparatives ne retrouvent pas d’effet net d’un non-respect de ces recommandation sur les propriétés du questionnaire adapté en dehors d’effets sur son contenu.

Notre étude expérimentale a montré un effet positif du comité d’expert sur le contenu. Il n’y avait pas ou peu de différences entre les traductions sur leurs propriétés métriques, notamment les quatres traductions présentaient une invariance de mesure entre elles (Tableau1). Aucun effet de la contre-traduction n’a été mis en évidence.

Tableau 1

Nous avons montré que chacune des innovations proposées pouvaient avoir un intérêt sur l’amélioration ou le maintien de la validité de contenu

Conclusion : En l’état actuel des connaissances il n’est pas possible de formuler de nouvelles recommandations, et il semblerait que plusieurs procédures permettent d’aboutir à des questionnaires ayant de bonnes propriétés psychométriques. La validité de contenu devrait être au centre des préoccupations lors de l’adaptation culturelle.

Au vu de nos résultats il est raisonnable de penser qu’un comité améliore la validité de contenu d’une adaptation alors que la contre-traduction semble plus être une aide à la communication qu’un outil méthodologique et ne pas avoir d’effet si toute l’équipe travaillant sur l’adaptation est suffisamment à l’aise dans les deux langues.

Une collaboration étroite avec le développeur du questionnaire original peut aider à s’approcher de l’équivalence entre les questionnaires.

L’ELF-Q est un outil prometteur que pourrait utiliser un comité d’experts lors de l’adaptation.

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Publications issues de la thèse

1. Epstein J, Santo RM, Guillemin F. A review of guidelines for cross-cultural adaptation of questionnaires could not bring out a consensus. J Clin Epidemiol. 2015;68(4):435-41.

2. Epstein J, Osborne RH, Elsworth GR, Beaton DE, Guillemin F. Cross-cultural adaptation of the Health Education Impact Questionnaire: experimental study showed expert committee, not back-translation, added value. J Clin Epidemiol. 2015;68(4):360-9.

3. Santo RM, Ribeiro-Ferreira F, Alves MR, Epstein J, Novaes P. Enhancing the cross-cultural adaptation and validation process: linguistic and psychometric testing of the Brazilian-Portuguese version of a self-report measure for dry eye. J Clin Epidemiol. 2015;68(4):370-8.

4. Bourion-Bédès S, Schwan R, Epstein J, Laprevote V, Bédès A, Bonnet JL, Baumann C. Combination of classical test theory (CTT) and item response theory (IRT) analysis to study the psychometric properties of the French version of the Quality of Life Enjoyment and Satisfaction Questionnaire-Short Form (Q-LES-Q-SF). Qual Life Res. 2015;24(2):287-93.

5. Petkovic J, Epstein J, Buchbinder R, Welch V, Rader T, Lyddiatt A, Clerehan R, Christensen R, Boonen A, Goel N, Maxwell LJ, Toupin-April K, De Wit M, Barton J, Flurey C, Jull J, Barnabe C, Sreih AG, Campbell W, Pohl C, Duruöz MT, Singh JA, Tugwell PS, Guillemin F. Toward Ensuring Health Equity: Readability and Cultural Equivalence of OMERACT Patient-Reported Outcome Measures. J Rheumatol. 2015;42(12):2448-59.

6. Clerehan R, Guillemin F, Epstein J, Buchbinder R. Using the Evaluative Linguistic Framework for Questionnaires to Assess Comprehensibility of Self-Report Health Questionnaires. Value in Health. 2016;1;19(4):335–42.

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FACTEURS ASSOCIES À L’HETEROGENEITE DES PRATIQUES VACCINALES

DES MEDECINS GENERALISTES EN FRANCE

soutenue le 13 juin 2017

à l’Université de Lorraine

Marion LE MARECHAL

sous la co-direction du Pr Céline Pulcini, Dr Nelly Agrinier et Dr Pierre Verger

Introduction

Les maladies à prévention vaccinale ont connu une diminution drastique de leur incidence après l’introduction de la vaccination (1). Cependant, la couverture vaccinale de nombreuses maladies en France est insuffisante (1). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces couvertures vaccinales sub-optimales : les polémiques vaccinales qui entament la confiance de la population envers la vaccination et la conduisent à en surestimer les risques (2), une méconnaissance des maladies à prévention vaccinale (2) un reste à charge élevé pour certains vaccins (2), ou encore la complexité du parcours pour se faire vacciner. Les médecins généralistes (MG) sont la pierre angulaire de la politique vaccinale française. Avec les pédiatres, ils sont à l’origine de 90% des prescriptions de vaccins en France (3). Les patients ont généralement confiance en leur MG et, dans une certaine mesure, ces derniers peuvent convaincre leurs patients hésitants de se faire vacciner (4). L’augmentation de l’opinion défavorable du public envers la vaccination, associée au constat d’une couverture vaccinale insuffisante, démontre l’importance de prendre en compte les attitudes et perceptions des MG vis-à-vis de la vaccination.

Les objectifs principaux étaient d’évaluer les connaissances, perceptions, attitudes, et pratiques des MG français vis-à-vis de certains vaccins, pour lesquels la couverture vaccinale est sub-optimale en France et/ou pour lesquels des polémiques existent. Le travail de thèse s’est entièrement appuyé sur les données d’une enquête transversale menée en 2014 auprès d’un échantillon de MG français.

Méthodes

L’UMR 912 Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale (« SESSTIM »), la DREES et l’ORS de la région PACA ont mis en place sur la période 2014 – 2016 un panel national de MG libéraux. Ce panel comporte cinq vagues d’enquêtes thématiques, dont la première a été entièrement consacrée à la vaccination. Tout le travail de cette thèse est basé sur cette vague d’enquête. La population de référence était l’ensemble des MG libéraux exerçant en cabinet de ville en France métropolitaine. Les MG inclus dans l’étude étaient tirés au sort au sein de la liste exhaustive du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), soit 62 000 MG français. Les médecins ont été sélectionnés selon une procédure de tirage aléatoire stratifié sur : 1) le sexe ; 2) l’âge ; 3) l’accessibilité potentielle localisée au médecin (APL), indicateur de densité d’offre de médecins généralistes accessibles (disponible au niveau de chaque commune) ; 4) le nombre de consultations entre décembre 2011 et novembre 2012. Les MG inclus devaient répondre à un questionnaire téléphonique de 30 questions incluant diverses thématiques sur la vaccination. La méthodologie du panel a fait l’objet d’une publication à part entière.

Cinq axes de recherche ont été explorés : 1) mettre en évidence des profils de médecins discordants ou non entre leurs pratiques vaccinales pour leurs enfants et leurs recommandations vaccinales pour leurs patients ; 2) décrire la perception par les MG des principales polémiques vaccinales françaises ; 3) évaluer la fréquence des recommandations des MG à leurs patients pour le vaccin contre le méningocoque C ; 4) décrire le comportement déclaré des MG concernant la recommandation de vaccination d’un enfant se

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présentant avec une rhinopharyngite typique ; 5) décrire les outils que les MG trouveraient utiles pour améliorer leur pratique vaccinale quotidienne.

Résultats

Le taux d’acceptation de s’engager dans le panel (vague d’inclusion) était de 46 % (1706/3718 MG) et le taux de réponse à la première vague d’enquête sur la vaccination était de 92 % (1582/1706 MG). Le détail de l’inclusion des MG dans le panel est résumé dans la Figure 1. Les données ont été pondérées sur les quatre variables de stratification (âge, sexe, volume d’activité, et APL), pour corriger d’éventuels biais de sélection. Les principales caractéristiques de MG répondants et non-répondants sont regroupées dans le Tableau 2.

1) Soixante pourcent des MG interrogés présentaient un haut niveau de discordance entre les recommandations vaccinales pour leurs patients et leurs pratiques vaccinales pour leurs enfants. La plupart d’entre rapportaient vacciner leurs propres enfants sans pour autant recommander la vaccination à leurs patients. Par exemple, parmi les MG avec un haut niveau de discordance, 21 % des MG ne recommandaient pas la vaccination contre la rougeole-oreillons-rubéole à leurs patients alors que 100 % d’entre eux rapportaient la pratiquer sur leurs propres enfants.

2) La moitié des MG interrogés n’étaient pas sensibles aux polémiques vaccinales. Cependant, 32 % étaient indécis quant aux associations entre les vaccins et la survenue de maladies proposées, et 11 % étaient très sensibles à l’ensemble des polémiques vaccinales proposées. Les MG qui pratiquaient des médecines alternatives et ceux qui avaient confiance aux informations diffusées par les médias de masse présentaient un plus grand risque de sensibilité aux polémiques vaccinales.

3) Soixante-huit pourcent des MG recommandaient la vaccination à méningocoque C chez les enfants de 12 mois et seulement 56 % d’entre eux la recommandaient en rattrapage chez les enfants et les jeunes jusqu’à 24 ans. Les trois-quarts des médecins percevaient comme principale barrière que leurs patients n’avaient jamais entendu parler de cette vaccination.

4) La quasi-totalité des MG (93,8 %) décidait de repousser la vaccination d’un enfant présentant une pharyngite fébrile non compliquée. La fièvre était le principal facteur influençant cette décision, puisque les enfants qui présentaient une température égale à 38°C avaient 3,24 fois plus de chance d’être vaccinés que les enfants avec une température égale à 39°C (RR = 3,24 IC95%[2,05-5,13].

5) Les principaux outils que les MG percevaient majoritairement (> 80%) comme utiles pour améliorer leur pratique quotidienne étaient les campagnes d’information grand public sur la vaccination, les argumentaires à destination des MGs sur les bénéfices et les risques de chaque vaccin, les livrets d’information sur la vaccination pour les patients, et de disposer d’un carnet de vaccination électronique intégré à leur logiciel métier.

Discussion

Ce travail a permis de mettre en avant la forte hétérogénéité de perception et de pratiques selon les médecins, les vaccins et les populations cibles.

Le travail sur la vaccination à méningocoque C a mis en évidence que les médecins percevaient que cette vaccination était inconnue du grand public. La mise en place de ce vaccin en 2010 a probablement souffert d’un manque de communication et d’une absence de campagne de vaccination à la fois auprès du grand public, mais également auprès des MG. Comme suggéré dans plusieurs rapports qui font état de la situation vaccinale en France (5), les pouvoirs publics ne sont pas assez engagés dans la thématique vaccinale, avec principalement un manque de communication avec les professionnels de santé et le grand public.

Les MG semblent également partager certains doutes de la population générale quant à l’utilité et à la sécurité des vaccins. Dans notre travail sur la perception par les médecins des polémiques, nous avons mis en évidence qu’une partie importante des médecins sont indécis quant à l’association entre certains vaccins et la survenue de certaines maladies sans lien évident avec l’état des connaissances et des éléments de preuve scientifique publiés sur ces questions.

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Il apparaît également que la formation des MG à la vaccination est insuffisante et contribue probablement à la couverture vaccinale basse pour plusieurs vaccins. Une étude récente a mis en évidence qu’un tiers d’étudiants français en deuxième cycle d’études médicales interrogés se sentaient insuffisamment préparés pour faire face aux questions relatives à la vaccination, particulièrement lorsqu’il s’agissait de patients présentant une hésitation vaccinale (6).

Conclusion

En France, les couvertures vaccinales de plusieurs vaccins sont insuffisantes. Les MG, au cœur de la politique vaccinale française, semblent insuffisamment préparés pour répondre aux doutes de leurs patients sur l’efficacité et la sécurité des vaccins. La décision récemment prise* par la Ministre de la Santé de rendre obligatoire huit vaccins, pour l’instant seulement recommandés, est une mesure prise dans l’idée de clarifier les recommandations, de faciliter le discours du MG auprès de ses patients et de palier rapidement au risque de résurgence épidémique des maladies à couverture vaccinale insuffisante. Pour la bonne mise en œuvre de cette mesure, la communication des autorités de santé avec les MG devra être exemplaire sur les objectifs et les modalités de mise en application de l’obligation vaccinale.

Références bibliographiques

1. InVS. Mesure de la couverture vaccinale en France. 2012; Available from: http://www.invs.sante.fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses/Maladies-infectieuses/2012/Mesure-de-la-couverture-vaccinale-en-France

2. Larson HJ, Cooper LZ, Eskola J, Katz SL, Ratzan S. Addressing the vaccine confidence gap. The Lancet. 2011 Aug 12;378(9790):526–35.

3. Blanc P. Rapport sur la politique vaccinale [Internet]. 2007. Available from: http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-off/i0237.asp

4. Nichol KL, Zimmerman R. Generalist and subspecialist physicians’ knowledge, attitudes, and practices regarding influenza and pneumococcal vaccinations for elderly and other high-risk patients: a nationwide survey. Arch Intern Med. 2001 Dec 10;161(22):2702–8.

5. Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination. Rapport sur la vaccination [Internet]. 2016. Available from: http://concertation-vaccination.fr/wp-content/uploads/2016/11/Rapport-de-la-concertation-citoyenne-sur-la-vaccination.pdf

6. Kernéis S, Jacquet C, Bannay A, May T, Launay O, Verger P, et al. Vaccine Education of Medical Students: A Nationwide Cross-sectional Survey. Am J Prev Med. 2017 Feb 22;

Publications issues de la thèse

� Le Maréchal M, Collange F, Fressard L, Peretti-Watel P, Sebbah R, Mikol F, Agamaliyev E, Gautier A, Pulcini C, Verger P. Discrepancies between general practitioners’ vaccination recommendations for their patients and practices for their children. Med Mal Infect. 2015 Oct;45(10):403-10.

� Agrinier N*, Le Maréchal M*, Fressard L, Verger P, Pulcini C. Discrepancies between general practitioners' vaccination recommendations for their patients and practices for their children. Clin Microbiol Infect. 2017 May;23(5):311-317. *co-premiers auteurs.

� Le Maréchal M, Agrinier N, Fressard L, Verger P, Pulcini C. Low Uptake of Meningococcal C Vaccination in France: A Cross-sectional Nationwide Survey of General Practitioners' Perceptions, Attitudes and Practices. Pediatr Infect Dis J. 2017 Jul;36(7):e181-e188.

� Le Maréchal M, Agrinier N, Verger P, Pulcini C. Quelles mesures sont perçues comme utiles par les médecins généralistes français pour améliorer leurs pratiques vaccinales ? Bull Épidémiol Hebd. 2017. 19 oct 2017 (Hors-série).

� Le Maréchal M, Fressard L, Agrinier N, Verger P, Pulcini C. General practitioners’ perceptions of vaccination controversies: a French nationwide cross-sectional study. Clin Microbiol Infect. 2017 Nov;24.

� Le Maréchal M, Fressard L, Raude J, Verger P, Pulcini C. General practitioners and vaccination of children presenting with a benign infection. Med Mal Infect. 2018 Feb;48(1):44-52.

* Thèse soutenue le 13 juin 2017

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Tableau 2 : Caractéristiques des médecins éligibles ayant refusé ou accepté de participer au panel.

Effectif Refus de participer Accord pour participer Variable

(N=3724) Effectif Fréquence (%) Effectif Fréquence (%)

Sexe

Homme 2536 (68,1%) 1461 72,6 1075 62,8

Femme 1188 (31,9%) 551 27,4 637 37,2

p-valuea : <.001*

Tranche d'âge (ans)

<50 1225 (32,9%) 581 28,9 644 37,6

50-58 1326 (35,6%) 718 35,7 608 35,5

>58 1173 (31,5%) 712 35,4 460 26,9

p-valuea : <.001*

Volume d'activité entre décembre 2011 et novembre 2012

<3067 actesb 792 (21,3%) 410 20,4 382 22,3

3067-6028 actesb 1914 (51,4%) 1014 50,4 900 52,6

>6028 actesb 1018 (27,3%) 588 29,2 430 25,1

p-valuea : 0.018*

APL b de la commune d'activité

< -19.3% APLc national 935 (25,1%) 498 24,7 437 25,5

-19.3% à +17.7% 1895 (50,9%) 1026 51 868 50,7

> +17.7% APLc national 894 (24,0%) 488 24,3 406 23,7

p-valuea : 0.83

a : le test de la différence de répartition pour chaque variable (ex. : sexe) entre les médecins ayant refusé et ceux ayant accepté de participer au panel b : nombre de consultations et de visites c : APL : Accessibilité potentielle localisée (indicateur de densité d’offre de médecins généralistes accessibles) * : une p-value<0.05 était considéré comme significatif

Figure 1 : Diagramme de flux de participation et de réponse des médecins généralistes à l’enquête

MG tirés au sort N = 5,151

MG éligibles N = 3,724

MG ayant accepté de participer N = 1,712

MG ayant répondu à la première enquête

N = 1,582

MG qui n’ont pas pu être contactés N = 695

MG non éligibles N = 732

MG ayant refusé de participer N = 2,012

MG n’ayant pas répondu à la première enquête

N = 130

Taux de participation= 46 %

Taux de réponse= 92 %

MG : Médecin Généraliste