Lettre Information CISS Oasis n 2

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2 Février 2010 n° 2 Lettre d’information sur l’écosystème oasien Renforcement des capacités d’intervention des organi- sations de base pour la préservation des écosystèmes oasiens au Maroc »

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Newsletter sugli ecosistemi oasiani N. 2 - febbraio 2010 (MAROCCO)

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N°2Février 2010

n° 2Lettre d’information sur l’écosystème oasien

Renforcement des capacités d’intervention des organi-sations de base pour la préservation des écosystèmes

oasiens au Maroc »

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QUI SOMMES-NOUS?Cooperazione Internazionale Sud Sud (CISS) est une organisation de coopération et de solidarité internationale italienne qui gère, depuis sa création, une centaine d’actions pluriannuelles (projets achevés et en cours tous confondus) et plus de 220 actions de petite envergure, cofinancées par l’UE, par le Gouvernement Italien, par des agences des Nations Unies et par la coopération décentralisée.

CISS est une structure qui a pour mandat d’apporter son expertise et son soutien aux acteurs intervenant dans le développement. Elle est présente sur le territoire marocain depuis 2004. Elle propose aux acteurs locaux un éclairage extérieur et distancié face à leur action afin de les aider à appréhender leur objet d’intervention, à utiliser les outils et les méthodes les plus adaptés, mais aussi à saisir l’impact de leur travail et à le mettre en valeur. Son intervention est menée selon une approche interdisciplinaire et participative mobilisant diverses compétences.

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som

mai

reLes dernières interventions du projet

Encadré : modalité de gestion de l’eau dans une oasis de Tata, Tizgmirt, nouvelle zone d’intervention du projet CISS

Focus sur la restauration et la valorisation du patrimoine architectural et culturel

Mise en réseau d’acteurs Charte

Qui sommes-nous ?

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Notre projet « Renforcement des capacités d’intervention des organisations de base pour la préservation des écosystèmes oasiens au Maroc » financé par l’Union Européenne entame sa deuxième année d’éxecution. L’ensemble des actions prévues au sein de la première zone d’intervention, l’oasis d’Oum d’Oum El Aleg, ont été conclues à la satisfaction de l’ensemble des partenaires du projet, population, associations et autoritéslocales.Comme nous le verrons dans ce second bulletin

d’information, l’intervention visant à la promotion de l’écotourisme dans la région à travers notamment la restauration du patrimoine architectural et culturel a été engagée sur la base d’un

diagnostic des potentialités élaboré sur l’ensemble

de la province de Tata. Les actions de réhabilitation de palmeraies, de protection de sols

et d’amélioration de la gestion de la

ressource en eau ont été concrètement engagées dans l’oasis de Tigzmirt.

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Si l’ensemble de cette dynamique territoriale engagée à travers un ensemble d’actions intégrées pour la protection et la valorisation des oasis de la province de Tata s’inscrit dès les premisses de la formulation de notre projet dans le cadre de politiques nationales fortes telle que l’INDH, la création de l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes ne pourra que renforcer notre intervention.

En novembre 2009, Sa Majesté le Roi Mohamed VI a en effet donné ses instructions au gouvernement en vue d’engager le processus de création de l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes, et ce au regard de l’importance que revêtent la sauvegarde et le développement des espaces oasiens à travers le territoire national.

Cette agence aura pour mission d’œuvrer à la protection et à la valorisation des espaces oasiens et de l’arganier selon le principe du développement durable. Parmi ses axes stratégiques de travail figureront notamment la protection et le renouvellement du patrimoine national de palmiers dattiers, pivot de l’écosystème oasien, la rationalisation de la gestion des ressources en eau et la lutte contre la désertification et l’ensablement. Elle s’appuiera pour cela sur la mise en place des conditions favorables au développement humain ainsi que sur la création d’activités nouvelles compatibles avec la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel des écosystèmes oasiens.

Les acteurs investis dans les oasis du Maroc tels que nous les croisons chaque jour au fil de

nos interventions et échanges ne pourront être que plus forts de cet nouvel appui insitutionnel, d’une agence dont le rôle visera en outre à catalyser et faciliter des initiatives en faveur des espaces oasiens.

Notre lettre d’information est un moyen de vous faire connaître nos actions dans le cadre de ce projet et de vous informer des problématiques y afférentes à travers des articles, des interviews, des témoignages, des reportages. Nous vous souhaitons donc à toutes et à tous une bonne lecture et nous vous remercions par avance pour votre fidélité !

L’équipe CISS

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Les dernières interventions du projetActions visant une utilisation rationnelle des ressources en eau

A l’oasis d’Oum El Aleg, première zone d’implantation des activités et comme prévu dans le projet CISS, les agriculteurs regroupés en association se sont réunis à plusieurs reprises afin de désigner, à l’unanimité, trois agriculteurs expérimentés et maîtrisant le droit et les lois de distributions des eaux du bassin destinées à l’irrigation. L’association a incité les agriculteurs à planter les arbres fruitiers au long des séguias (petits canaux d’irrigation) pour leur besoin croissant en eau, alors que les palmiers dattiers ont été plantés sous forme linéaire et avec des mesures précises (5 m de diamètre entre les palmiers dattiers). Les agriculteurs ont pris connaissance des horaires d’irrigation et des règles à respecter et appliquer afin de limiter les pertes en eau et l’évaporation.

A l’oasis de Tigzmirt, la seconde zone d’intervention du projet CISS, la communauté locale organisée au sein des associations Al Ghait des Usagers d’Eau de la source de Tigzmirt et Al

Wahda pour le développement et l’action humanitaire, a pris conscience des normes et de la nécessité de la gestion rationnelle et du bon usage des ressources hydriques. Le comité de suivi des travaux du forage en cours de réalisation a contribué au choix du site tenant en compte la distance entre la motopompe et le bassin d’accumulation.

Bassin d’accumulation dans l’oasis d’Oum El Aleg, Akka

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Actions de restauration végétale

Suite à la construction d’un puits et d’un bassin d’accumulation dans l’oasis d’Oum El Aleg, des plants de palmiers et d’arbres fruitiers ont été plantés sur la majeure partie de l’oasis dégradée et sèche. L’association Haoud Oum El Aleg composée d’agriculteurs expérimentés a opté pour le choix de planter des rejets de palmiers dattiers locaux, de variétés locales (El Jihel, Boufeggous, Bouskri et Sayer Laâyalat). Ce choix a notamment reposé sur une expérience passée avec des plants de la pépinière de l’INRA à Agadir. Ces plants étaient effectivement résistants au bayoudh mais en revanche peu productifs et

peu adaptés au climat de Tata. Les variétés locales choisies sont résistantes aux maladies tel que le bayoudh et, adaptée au climat. En effet, les plants issus de rejets locaux produisent dès la troisième année (contre dix ans pour les plants de la pépinière). Les arbres fruitiers distribués de manière équitable à l’ensemble des agriculteurs de l’oasis se composent d’orangers, de figuiers, de grenadiers, de vignes et d’abricotiers. Afin de recomposer l’ensemble des strates de l’oasis, des semences maraîchères ont également été apportées par le projet CISS afin d’assurer le couvert végétal du sol et augmenter les productions familiales. Les agriculteurs ont ainsi procédé, à l’aide des fertilisants organiques, à la semence sur leur parcelle de légumes variés (courgettes beldia, tomates, carottes muscades, etc.). Ces plantations ont couvert une quarantaine d’hectares auparavant détériorés et non viables. Chacun des bénéficiaires des palmiers dattiers et des arbres fruitiers a signé un contrat avec CISS dans lequel il s’engage à planter et prendre soin des plants (irrigation et entretien).

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Les activités relatives à la protection des sols ont été réalisées et finalisées à l’oasis d’Oum El Aleg. Une palissade de 1000 m linéaires a été installée à une distance de 300 m de l’oasis, distance qui permet à la palissade de freiner le vent sableux venant de la partie sud-ouest de l’oasis. L’association Houd Oum El Aleg a, avec l’aide et l’appui technique de l’équipe CISS, organisé plusieurs réunions en faveur des habitants de l’oasis et ont désigné les ouvriers chargés de la mise en place de la palissade, du transport des touffes et du suivi technique. Cette dernière tâche a été assurée par des agriculteurs expérimentés et les techniciens de la Direction provinciale des eaux et forêt.

Aux enceintes de l’oasis, les agriculteurs ont procédé à un travail laborieux de prise de mesures de leurs parcelles et à l’aide d’une photo aérienne, un croquis de l’ensemble des parcelles a été réalisé. Les agriculteurs ont également constitué un comité de suivi élu par les membres de l’association et les habitants du l’oasis afin de procéder au nettoyage des parcelles. Ils ont ensuite tracé et creusé les creux pour la plantation et les canalisations pour éviter toute sorte d’érosion et de pertes en eaux. La technicienne agronome, chargée auprès de l’équipe CISS de suivre les activités de plantation et d’irrigation, a assuré le suivi, l’accompagnement et la consultation des agriculteurs pour la plantation et l’irrigation.

Protection des sols

Construction d’une palissade de lutte contre l’ensablement

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Modalité de gestion de l’eau dans une oasis de Tata, Tizgmirt, nouvelle zone d’intervention du projet CISS

Source de vie et élément essentiel de l’écosystème oasien, l’eau doit être au centre de toutes interventions. Connaître sa disponibilité et son mode de gestion est primordial. Afin d’illustrer le système d’organisation prévalent dans de nombreuses aosis, nous vous présentons succintement quelques caractéristiques des modalités de gestion de l’eau dans l’oasis de Tizgmirt, province de Tata.

L’eau et modalités d’usage

L’eau est un élément principal pour la stabilisation des oasis. L’homme a déployé tous ses efforts pour son captage et sa maîtrise (construction des khettaras, aménagement de sources). Les sources et les puits constituent les deux principaux types d’alimentation en eau de Tigzmirt.

La source revêt un symbole très fort chez les habitants de l’oasis vivant à la zone de Bani. Elle est symbole de la vie dans toute les oasis. L’aïn (la source) de l’oasis de Tigzmirt se trouve au milieu de l’Ouedi,

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liée à une série de canaux souterrains (les khettaras) au nombre de 65 sur une distance de 1 km 300. Ces khettaras sont aujourd’hui tarries du fait de la présence d’un puits moderne équipé d’une motopompe par une ONG actrice dans les oasis (propos des habitants de Tigzmirt).

La distribution des eaux de la source

La distribution des eaux destinées à l’irrigation est liée à la possession des parcelles, à la contribution au creusement et à la construction des khettaras. Un grand propriétaire terrier a le droit à une session supérieure à celui qui possède une petite parcelle.

Il y a deux systèmes traditionnels pour la distribution des eaux destinées à l’irrigation.

le système du tour ou tawala. Les sessions des eaux se distribuent sur une période de 1. 9 jours. La durée de 9 jours s’appelle adan, un cycle hydrique complet. Tout bénéficiaire a le droit à une session d’eau durant 9 jours et doit attendre deux semaines pour le retour de la tournée. La session d’eau se mesure selon le nombre d’habbat. Une habbat est

équivalente à 12 mn d’accès à l’eau et chaque 5 habbats correspond à une heure d’usage d’eau.

Le second système se base sur l’utilisation d’un bâton de bois, asqoul, qui sert de mesure du niveau 2. d’eau dans le bassin. L’unité de mesure permise par l’asqoul est l’heure.

L’exploitation des eaux des puits

Compte tenu de la dégradation et de l’asséchement des sources, système traditionnel d’approvisionnement, l’exploitation de puits équipés de motopompes est devenue une pratique fréquente dans bon nombre d’oasis pour palier le manque de disponibilité d’eau d’irrigation.

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L’exploitation de l’eau par les puits dans l’oasis de Tigzmirt reste c e p e n d a n t

très faible par rapport aux autres oasis. L’oasis ne dispose que d’un seul puits privé et un deuxième puits collectif destiné à l’irrigation des parcelles de toute la population de cette oasis. Le puits collectif Anou N’tigzmirt a été creusé en faveur de la population de Tigzmirt par les fonds de l’INDH en partenariat avec l’association Al Ghait d’usager des eaux de Tigzmirt.

En termes d’exploitation des eaux du puits collectif, la gestion des eaux destinées à l’irrigation

est une charge confiée au comité de gestion de l’association agricole locale. Ce comité se charge de la distribution des eaux, de la réparation et de l’entretien des équipements du puits (motopompe et canalisations).

Concernant l’organisation de la distribution, l’association a mis en place un système d’actions. Les membres achètent des actions comme frais d’adhésion à l’association. Chaque actionnaire paye 150 Dh pour chaque action qu’il achète et qui équivaut à une heure d’eau. Ensuite, en fonction du tour de distribution d’eau, ces actionnaires peuvent bénéficier du nombre d’heures/ actions achetées et paient effectivement 20 dh par heure

d’irrigation. L’actionnaire peut également vendre, louer ou donner une partie de ses heures aux autres agriculteurs.

L’association compte 45 agriculteurs bénéficiaires. Ils se répartissent au total 170 actions équivalentes à 170 heures d’eaux. Ainsi le tour d’eau est calculé en fonction du nombre d’heures distribuées et / ou des actions. La solidarité reste cependant l’aspect général et capital de la communauté et surpassent le calcul des heures d’accès à l’eau.

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FOCUS SUR LA RESTAURATION ET LA VALORISATION DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL ET CULTUREL

A travers un entretien effectué avec Mme Salima Naji, consultante auprès de l’équipe CISS sur le volet « développement de l’écotourisme dans la province de Tata », nous vous présentons la démarche que nous avons engagée sur le territoire suite à l’élaboration d’un diagnostic détaillé du patrimoine architectural et culturel de la province de Tata.

Qui est Salima Naji ?Architecte de l’École d’architecture de Paris-La-Villette (DPLG), et Docteur en Anthropologie sociale (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris), diplômée du Laboratoire de Troisième cycle Arts, Esthétiques Sciences et Technologies de l’Image (Paris VIII), Salima Naji est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur les architectures vernaculaires du Sud Marocain.

Parallèlement à ses recherches, elle exerce son métier d’architecte en explorant les procédés constructifs ancestraux tout en s’investissant dans des actions concrètes de sauvetage ou de développement culturel (greniers de l’Anti-Atlas, Ksar d’Assa, des mosquées rurales du Haut-Atlas, etc.). Elle a reçu le Prix Jeunes Architectes de la Fondation EDF en 2004 et a été nommée Inspiring women, expanding Horizon par la Mosaic Foundation à Washington en 2008. En ce début d’année 2010, elle vient de recevoir le Prix d’architecture de l’Ordre des architectes du Maroc.

Entretien avec Salima Naji

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Quelle est votre définition du « patrimoine » ?

Le patrimoine est ce qui nous vient des anciens, que ces biens soient matériels ou intangibles. Et c’est vrai qu’à travers ce mot est finalement subsumée l’idée-même de culture, l’idée que ce mot englobe énormément de variables tant humaines, sociales que matérielles avec des traces visibles (gravures rupestres, ensembles bâtis, édifices particuliers, objets, instruments, etc.) ou moins visibles. J’ai entendu de belles formules dans les montagnes que je pourrais faire miennes : « Ces vieux greniers sont comme l’image des aïeux, ils veillent

sur nous, nous devons aussi veiller sur eux, continuer à les entretenir ». Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les pratiques et ce que j’appelle un « patrimoine vivant ». Je note la disparition d’une culture par la perte de ses usages, même si aujourd’hui, on sait que l’identité n’est pas figée dans ses formes et se réélabore constamment, un patrimoine est vivant s’il est entouré de

pratiques. J’intègre donc dans ma définition l’usage d’un lieu ; mais c’est le plus fragile et le moins mesurable. Voyez Jamaa Lfna classée patrimoine de l’humanité, patrimoine intangible – c’est très intéressant conceptuellement ce paradoxe (conserver le fugace) – mais comment être en mesure de faire perdurer ces traditions immatérielles parfois détachées d’un univers qui les a fait naître ? On expérimente parce que le jeu en vaut la peine. Parce que le patrimoine n’est pas seulement un legs, c’est aussi un devoir, des obligations. Une éthique.

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Pouvez-vous nous présenter votre intervention dans le cadre de notre projet globalement ?

Nous avons choisi un très beau village toujours habité dans la sublime palmeraie d’Aqqa où nous espérons ensuite poursuivre sur 3 autres villages. Cette intervention est un point de départ pour s’occuper d’une palmeraie mythique méconnue à cause de la guerre et de l’héritage post-colonial. Les habitants sont très motivés pour construire des actions en direction du patrimoine et du tourisme. Il faut se hâter car le béton gagne, certaines très belles demeures s’effondrent, le village perd de son tracé initial. Les soubassements des remparts sont en maçonnerie de pierre (architecture de collecte prélevée sur place), l’élévation est en pisé sans les tours de flanquement qui habituellement bloquent ces sites. L’enceinte est très abîmée et

La conscience aussi que les choses sont fragiles, ténues, que nous formons un tout et que chaque action devrait être mesurée. Le patrimoine pour moi est un ensemble de repères ancrés dans les couches du passé, et qui nous indiquent bien des voies pour construire l’avenir. En tant qu’architecte, je me nourris de la pensée des architectures du passé, et chacun des édifices que je relève, influera sur mes propres travaux. C’est aussi pour cela que je mets l’accent sur les procédés constructifs et les hommes. Car il y a là un savoir qui ne peut se transmettre que par la main (pas seulement par les mots), par le faire (la poiêsis grecque), par le contact direct. Ampaté Bâ dit qu’en Afrique, un vieillard qui se meurt est une bibliothèque qui brûle, je dirais pour ma part qu’un édifice qui s’effondre, c’est des millénaires de mises au points sur des procédés et des matériaux, qui disparaissent. Il faut laisser mourir les bâtiments de leur mort naturelle disait Philibert de l’Orme au XVIIe…

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les trois portes défensives sont à reconstruire ou renforcer. La porte principale de la forteresse se situe dans le mur sud en une porte coudée qui s’ouvre par un arc à anse de panier entièrement construit en maçonnerie de pierre, les surélévations sont réalisées en pisé. Les vantaux sont toujours en place.

L’action première qui sera menée avec les partenaires consistera en une délimitation des remparts, une première consolidation d’urgence, et un renforcement des portes historiques. La forteresse est par ailleurs munie d’un puits exceptionnel qui sera consolidé et de demeures fortifiées. Ces dernières, maisons

extrêmement bien conservées et particulièrement intéressantes d’un point de vue culturel, feront l’objet d’un inventaire (architectural, patrimoine immatériel des modes de vie, de stockage, récits locaux et mythes des origines) et, à l’aide d’une équipe d’étudiants, ces monuments historiques seront relevés pour pouvoir envisager leur restauration, seconde.

Par ailleurs, d’autres éléments architecturaux feront l’objet d’une enquête pour intéresser leur découverte touristique, cependant sans prévoir encore leur restauration pour le moment. Des réservoirs d’eau notamment, ouvrages hydrauliques souterrains

appareillés en maçonnerie de pierres jointes par un mortier de chaux, permettaient de stocker de grandes quantités d’eau pour faire face aux périodes de pénuries et de longs sièges. Ces bassins en partie démolis, comptent deux grands réservoirs qui communiquent entre eux par trois arcs en plein cintre reposant sur des piliers carrés. L’ouvrage est couvert par des longues voûtes en berceau s’appuyant sur une série d’arcades. Les monuments religieux ont déjà fait l’objet d’un inventaire succinct à part : en effet, le tourisme au Maroc dès qu’il est associé à un site religieux, s’il ne draine pas des touristes nationaux ou musulmans, peut porter préjudice à ce lieu en le «

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souillant » et obtenir l’effet inverse. Pour les lieux consacrés, notre attitude sera donc très prudente de concert avec la population.

La plus grande difficulté est de convaincre de la bonne intentionnalité du projet et de réunir toutes les forces locales entre elles. Nous avons la chance d’avoir un creuset de maîtres maçons qui d’un point de vue technique pourront supporter le projet tout en tirant un bénéfice direct.

Plus précisément quelles sont les réalisations que vous avez déjà accompagnées et celles prévues pour la suite ?

L’expérience des greniers collectifs appuyés sur les lignages locaux et les anciens inflas (conseil des sages), m’a permis de mettre au point une méthode qui me semble en tant qu’architecte-anthropologue juste pour sauver des sites en associant d’abord ceux qui en bénéficieront en premier chef : la population locale.

Pour l’immense Qsar d’Assa, j’avais découpé les choses en deux, d’un côté les parties collectives : les remparts, ses borjs ruinés que nous avons restitués entièrement avec des techniques et des matériaux exclusivement traditionnels. Mais nous avons aussi restauré 2 mosquées et d’autres édifices religieux encore en projet. De l’autre côté, nous avions d’autre part, toutes les demeures de particuliers que nous voulions sauver en promouvant des Activités Génératrices de Revenus et en cherchant, en fonction de chaque porteur de projet, mais aussi en fonction de la qualité, du potentiel de la demeure, quelle serait la fonction la plus intéressante qu’il pourrait porter. Comme j’avais passé beaucoup de temps sur place, dormi ou déjeuné chez les uns ou les autres, il m’était possible de réfléchir en détail aux choses. Aujourd’hui

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Quel regard porte la population sur ce type d’intervention et quelles sont ses attentes ? Quelles sont les résistances ou l’accueil rencontré dans la relation avec les différents intervenants, clients, administrations, entreprises ?

Il y a d’abord ce souci de distinction : s’échapper de la glèbe, ne pas faire paysan, choisir le neuf, effacer tout ce qui est trop pauvre. On voudrait balayer ce qui symbolise le petit, le mineur, le fragile : la misère (à leurs yeux) et mettre des projets étincelants et hors échelle à la place. Et peu importe s’ils ne fonctionnent que pour le jour de l’inauguration. Mais c’est cela la vraie misère culturelle. Il y a ensuite les pouvoirs publics. Notre code de l’urbanisme est un code inadapté

nous avons des maisons d’hôtes, des cafés, des restaurants, des musées, mais aussi des boutiques AOC (Appellation d’Origine Contrôlée), un cyberespace, des épiceries. Malheureusement, pour des raisons de mauvais encadrement du projet, après toutes mes mises en œuvre de départ, il y a aujourd’hui quelques freins essentiellement politiques. Même si j’avais veillé à pourvoir chacun des 7 lignages qui constituent le Qsar. C’est pour cela qu’avec Agadir Ouzrou, nous sommes très prudents et désireux de faire participer toute la population sans exclure qui que ce soit.

et amnésique sur nos architectures en terre crue, sous prétexte de loi anti-sismique,

il condamne tout ce qui ressemblerait au vernaculaire (« Décret n°2-02-

177du 9 hija 1422 », 22 février 2002) approuvant le règlement de Construction Parasismique (R.P.S2000) applicable aux

bâtiments, fixant les règles parasismiques et instituant le Comité

National du Génie Parasismique.

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Ainsi, aucune autorisation de construction en pisé ne peut être délivrée s’il n’y a pas un chaînage en ciment intégré. Aucun entrepreneur ne prend le risque de construire sans chaînage de ciment. Le ciment vient ainsi en remplacement de tout, hors-échelle, énorme, il dégouline de médiocrité et de laideur dans tout le Sud marocain, sur les côtes du littoral, dans la moindre campagne. Les formes élaborées avec intelligence disparaissent au profit d’une rigidité et d’une morne répétitivité qui écrase l’ancien, le recouvre. Je pense à ce texte de Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, où il dit que la civilisation n’est plus cette fleur fragile qu’on préservait, qu’on développait à grand-peine : « Ce que vous nous montrez voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité » disait-il… En parlant de la société de consommation et sa cohorte d’objets inutiles qui balaye tout.

Construire dans une démarche durable est aussi une façon de lutter contre des pertes irréversibles en termes qualitatifs, sociaux et culturels. Par ailleurs, contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, construire en matériaux locaux est trois fois moins cher que construire en ciment. Par contre il nécessite 10 fois plus d’énergie et une vraie présence sur les chantiers. Et surtout ne souffre aucune « évaporation » : on ne peut pas tricher ou transformer les quantités comme avec le ciment…

Votre engagement pour le durable est donc un positionnement éthique, culturaliste mais aussi social ?

Derrière tous ces enjeux, l’obsession reste de faire moderne et ce que j’appelle la « non-confiance culturelle » en sa propre culture, on va toujours chercher les modèles ailleurs. En fait, pour beaucoup de personnes (notamment les décideurs), est réactionnaire qui construit en matériaux traditionnels, est moderne qui utilise un ciment, gadget non maîtrisé. J’aime le ciment mais justement, quand il est bien mis en œuvre, et non lorsqu’il remplace, recouvre, cache un matériau vernaculaire. Tout le monde ne parle plus ici aussi que

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de développement durable, hélas sans qu’aucune VRAIE réflexion ne se fasse – de façon globale – ni sur l’acte de construire, ni sur la pérennité de l’édifice, encore moins sur les conséquences de ces choix...

Ainsi au delà de la mémoire des lieux, de la valeur patrimoniale, plusieurs questions doivent être posées dans un pays où le rural représente encore plus de 50% de la population. On ne peut plaquer des recettes européennes en un copié-collé rapide. Il y a une vraie nécessité de réflexion. D’autant que la mise en œuvre souvent aléatoire du ciment dans les montagnes ou les vallées présahariennes favorise des pathologies

Rempart du Ksar d’agadir N’Ouzrou

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du bâtiment immédiates que la communauté ne peut réparer. A cela s’ajoute l’insalubrité des nouveaux bâtiments. Enfin, le budget est généralement trois à cinq fois plus élevé pour atteindre un résultat médiocre comparé à une architecture en pierre ou en terre !

Par conséquent, si la modernité est l’accès à de meilleures conditions de vie pour l’ensemble des individus, nous devons être sensibles au coût, à la durabilité et à l’hygiène des lieux. Or, certaines populations désespérées ne pensent souvent qu’à une IMAGE qui pourrait leur faire croire qu’elles participent du mouvement du monde urbain, préférant investir dans une architecture de béton que dans l’adduction d’eau ou la gestion des eaux usées, juste pour avoir l’apparence de la modernité : elles passent à coté de l’essentiel, c’est à dire l’amélioration de leurs conditions de vie sociales et sanitaires, au mépris du legs des anciens. Il y a une acculturation réelle. Et la forme qui émerge actuellement est cette envie de reconstruire des « villages berbères » ou des musées en allant, nécessairement, piller des sites qui possèdent encore leurs portes, leurs piliers, etc. Je prépare actuellement un essai sur cette « disneylandisation du monde berbère ».

Ce pays qui est l’un des représentants de traditions constructives en pisé des plus intéressantes du monde n’a même pas su adapter des lois constructives à ce matériau millénaire !

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Mise en réseau d’acteurs L’équipe de projet local CISS a appelé à plusieurs réunions tenues dans le siège du projet à Tata. Les associations ont été amenées à débattre de l’ensemble des problèmes de leurs oasis. Les associations, orientées par l’équipe CISS, a mis en lumière un ensemble de problématiques, les ont analysées et ont suggéré une forme d’organisation et de plate-forme commune entre les associations. « La Charte du réseau associatif provincial de l’environnement oasien de Tata » a permis à ces organisations de donner un sens à leurs actions et de centrer leurs visions sur des thématiques plus précises. Leurs engagements ont consisté à mettre en avant les actions ayant pour objectif la reconstitution de la série d’équilibre entre les éléments composant l’écosystème oasien, à savoir : l’eau, le sol, la végétation, le patrimoine historico-culturel ainsi que les ressources humaines.

Au fil des réunions qui ont permis l’élaboration de cette Charte, il a été mis en avant les indicateurs de « bonnes pratiques », définis de manière participative dans le cadre de la composante régionale du projet (cf. bulletin d’information Oasis n°1). Ces indicateurs vont être les fils conducteurs que toute action associative du réseau, visant un développement intégré et durable, devra prendre en considération.

Les 38 associations qui ont participé à ces débats et au diagnostic associatif local se sont engagées de manière inconditionnelle à mettre en œuvre les principes de la Charte et de convaincre les acteurs partenaires aux objectifs et aux normes de la conservation et de la préservation de l’écosystème oasien.

Ce réseau d’association uni autour de la charte sert de corpus de plaidoyer et de défense de l’écosystème oasien lors des rencontres locales, nationales ou régionales.

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pour soutenir Les projets du CissLes citoyens et les entreprises peuvent contribuer au financement des projets Ciss par donations sur

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