Lettre du DSF n°52 - unisylva.com

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Direction Générale de l’Alimentation Sous-Direction de la Qualité, de la Santé et de la Protection des Végétaux Département de la santé des forêts Sommaire Actualité sylvosanitaire 1 Bilan phytosanitaire 2017 Entomologie 2 GEFF 2017 3 Résistances aux invasions biologiques 4 Caractère invasif du capricorne asiatique Forêt 5 Peuplement relique de hêtre LA LETTRE DU DSF N° 52 – DECEMBRE 2017 Dans cette lettre du DSF, l’habituel bilan de l’année écoulée dresse le tableau des principaux événements de cette année sylvosanitaire : les conséquences des mauvaises années clima- tiques précédentes, la tempête Zeus, les gelées tardives d’avril… en constitueront le fil rouge. Mais d’autres phénomènes plus ponctuels ont aussi marqué l’année : les dégâts inquiétants d’encre du châtaignier ou la découverte de Phytophthora ramorum sur mélèze du Japon en Bretagne, et la pyrale du buis qui a continué de s’étendre dans le sud et l’est de la France… Bonne année 2018 ! Fabien Caroulle Département de la santé des forêts Lettre du DSF n° 52 1/14

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Direction Générale de l’AlimentationSous-Direction de la Qualité, de la Santé et de la Protectiondes Végétaux

Département de la santé des forêts

Sommaire

Actualité sylvosanitaire

1 Bilan phytosanitaire 2017

Entomologie2 GEFF 20173 Résistances aux invasions biologiques4 Caractère invasif du capricorne asiatique

Forêt5 Peuplement relique de hêtre

LA LETTRE DU DSF

N° 52 – DECEMBRE 2017

Dans cette lettre du DSF, l’habituel bilan de l’année écoulée dresse le tableau des principauxévénements de cette année sylvosanitaire : les conséquences des mauvaises années clima-tiques précédentes, la tempête Zeus, les gelées tardives d’avril… en constitueront le fil rouge.Mais d’autres phénomènes plus ponctuels ont aussi marqué l’année : les dégâts inquiétantsd’encre du châtaignier ou la découverte de Phytophthora ramorum sur mélèze du Japon enBretagne, et la pyrale du buis qui a continué de s’étendre dans le sud et l’est de la France…

Bonne année 2018 !

Fabien Caroulle

Département de la santé des forêts

Lettre du DSF n° 52 1/14

La Lettre du DSF est destinée principalement aux correspondants-observateurs et aux partenaires du Département de la santé des forêts. Elle diffuse des informations brèves à ca-ractère technique et scientifique sur les problèmes phytosanitaires forestiers au sens large, qu’ils soient nationaux ou internationaux, et se fait l’écho des activités et informationspropres au DSF. À parution régulière, elle est ouverte aux suggestions de chacun, et peut publier des textes courts.La Lettre du DSF est également accessible sur Internet à l’adresse : http://agriculture.gouv.fr/suivi-de-la-sante-des-foretsIl est également possible de s’abonner à la version électronique de la Lettre du DSF à partir de cette adresse.

La Lettre du DSF n° 52 – Décembre 2017Directeur de la publication : Frédéric DelportRédacteur en chef : Fabien CaroulleOnt collaboré à cette lettre : Les CO et les pôles interrégionaux de la santé des forêts, Pilar Fernandez-Conradi, Marion Javal, Adib Ouayjan.

Département de la santé des forêts - 251 rue de Vaugirard 75732 Paris cedex 15Tél. : 01 49 55 51 95 fax : 01 49 55 59 49Mél : [email protected]

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ACTUALITÉ SYLVOSANITAIRE

1 Bilan sylvosanitaire de l’année 2017

L’année climatique 2017 a débuté par un hivertrès sec sur l’ensemble du pays, y compris sur lesmassifs montagneux où l’enneigement a été moinsabondant que la moyenne. Comme cette sécheressese situe dans le prolongement de celle de l’automne2016, les sols étaient beaucoup plus secs qu’à l’ac-coutumée à l’entrée du printemps. Le printemps aconnu des précipitations un peu plus importantespour la partie méridionale de la France, mais répar-ties de façon irrégulière. En revanche, le quart nord-est a connu un sévère déficit pluviométrique, en par-ticulier le long des frontières belge et allemande. Aucours de l’été, des orages dans le nord de la Franceont permis de compenser ce déficit, tandis que la sé-cheresse reprenait dans le sud. En automne, seul unpetit quart nord du pays a pu bénéficier de précipita-tions généreuses : aux prémices de l’hiver 2017-2018, certaines régions connaissent une situation desécheresse préoccupante : la Vendée, et surtout laCorse et la bordure méditerranéenne.

Si les températures ont été froides en janvier, lereste de l’année a été beaucoup plus chaud que lamoyenne, aussi bien au printemps, qu’en été. Il fautnoter néanmoins qu’un refroidissement généralisé àla fin du mois d’avril a occasionné des dégâts de gelstardifs. Au cours de l’été, les épisodes caniculairesont été relativement brefs et le passage régulier deperturbations a permis des températures plus clé-mentes, voire fraîches, dans le quart nord-ouest du

pays, ceci contribuant à limiter les épisodes difficilespour la végétation.

La bordure méditerranéenne et la Corse ont étéles plus durement touchées par la sécheresse persis-tante depuis le début de l’année, y compris pour lesessences les plus résistantes, comme les chênes àfeuilles persistantes et les pins. Dans les jeunes peu-plements, les sécheresses printanière et éventuelle-ment estivale ont causé quelques dessèchements etdes rougissements de pousses, mais relativement peude plantations ont été touchées massivement : oncompte moins de 4 % de plantations touchées parplus de 50 % de mortalités, ce qui classe l’année2017 en termes d’échec de reprise des plantationscomme une année moyenne, loin derrière 2015 ou2011, au terme desquelles de nombreux échecs deplantation avaient été constatés.

Les dégâts dus aux vents violents ont été nom-breux, en particulier à cause de la tempête Zeus du 6mars 2017 et dans une moindre mesure des tem-pêtes de février (Kurt, Leiv et Marcel). Zeus a par-couru le pays de la Bretagne à la Corse, et ses consé-quences se sont essentiellement fait ressentir sousforme de dégâts diffus de chablis et de bris de cimes.La pluviométrie abondante du début de mois mars apu accentuer les dégâts de chablis dans la mesure oùles sols étaient plus meubles. Selon les régions, lesessences touchées étaient les épicéas de Sitka (Bre-tagne), le douglas (Limousin et Nord-Ouest), lespeupliers (Anjou et Charente-Maritime avec 10à

12000 m³ à terre ) et l’épicéa commun (Massif cen-tral, Jura). En outre, la tempête Egon du 12 au 13janvier a parcouru le nord de la France et renverséplusieurs milliers de m3 de hêtre dans les forêts deSeine-Maritime et a occasionné des dégâts dissémi-nés dans les Ardennes et la Meuse.

La douceur et la sécheresse de l’hiver ont logique-ment limité les dégâts dus à la neige lourde : seulsquelques bris de cime ont eu lieu dans les Alpes, tan-dis que quelques jeunes plantations de douglas cou-chées sont à déplorer dans le Massif central.

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Dégâts de Zeus sur épicéa de Sitka, avec l'aide de laphéole de Schweinitz

Photo : Jean-Claude Rouillé

Les dégâts de gel tardif ont été particulièrementimportants et répandus : les signalements de gel ontuniformément frappé la forêt française. Il faut enchercher la raison dans la période de froid inhabituelqui a eu lieu à la fin du mois d’avril, alors que la vé-gétation avait déjà bien démarré grâce à la douceurqui prévalait depuis le début du mois de mars. Cesont d’ailleurs les feuillus qui ont été les principalesessences touchées : les chênes caducifoliés en pre-mier lieu, mais également le hêtre et dans unemoindre mesure, le châtaignier, le frêne, le robinierou le noyer. Autre victime collatérale, les chenillesdéfoliatrices ont également été perturbées dans leurdéveloppement par cet épisode de froid inattendu.

En dépit des orages estivaux, les dégâts signalésde grêle ont été rares cette année. En revanche, lespeuplements touchés l’ont été avec une grande vio-lence : fin juin, dans le Nord du Puy-de-Dôme etl’Ouest de l’Allier, plus de 1000 m³ de chablis ont étéà déplorer, essentiellement sur pins noirs et syl-vestres. Le sph æ ropsis des pins ne tarde pas ensuiteà s’installer sur les peuplements touchés.

Paradoxalement, les à-coups du climat de l’année2016, et dans une moindre mesure de l’année 2015ont eu plus d’effets sur les peuplements que le climatde 2017 : la succession de la sécheresse de ces an-nées et des engorgements du printemps 2016 a en-core laissé des traces sur des essences comme leschênes (vert et pubescent), les charmes, les pins lari-cio… Les symptômes se matérialisent par des rou-gissements et des mortalités disséminées.

Sur pins… Après l’augmentation marquée des populationsde processionnaire du pin ces deux dernières an-nées, les niveaux se sont stabilisés en sortie d’hiveret tendent à la diminution dans la partie méridionaledu pays, exception faite de Pyrénées et du Massiflandais autour du bassin d’Arcachon. La présence dela processionnaire reste néanmoins significative. Ladouceur continue de l’année 2017 a été propice àune recrudescence d’anomalies dans la biologie deprocessionnaire, qui se sont matérialisées par desprocessions précoces dès le mois de novembre 2017,parfois provoquées par la famine. Dans les caussesdes Cévennes en particulier, on a assisté à des colo-

nies divaguant à la recherche de nourriture sur gené-vrier, épicéas, jusqu’à l’intérieur des habitations, leshouppiers des pins aux alentours ayant été entière-ment consommés. En ce qui concerne sa progres-sion septentrionale, la chenille a rapidement avancé àtravers la Champagne, sur un front de plusieurs di-zaines de kilomètres de large, allant de Meaux àSaint-Dizier. Plus au sud, elle a entrepris le contour-nement du plateau de Langres par ses flancs orien-taux et occidentaux. Les foyers en avant du front(Chamouille dans l’Aisne et Obernai dans le Bas-Rhin) sont fermement installés ; le foyer de Rhuis(Oise) a même montré de nouveaux signes d’activité,alors qu’on n’avait plus signalé de nid depuis 2014.En altitude, la progression est le plus souvent limitéepar l’absence de pins.

L a maladie des bandes rouges a été moins pré-sente qu’en 2016 et surtout qu’en 2015 : c’est vrai-semblablement une conséquence de la sécheresse es-tivale de 2016, ce qui confirme une nouvelle foisl’importance des paramètres climatiques antérieursdans le développement de la maladie. Pour ladeuxième année consécutive, les pins laricio ont ain-si pu bénéficier de houppiers densément feuillés,promesse d’une croissance retrouvée. Il faut cepen-dant exclure de ce constat le Pays basque où lesconditions d’humidité restent favorables à la mala-die.

L’armillaire continue d’être responsable de mor-talités sporadiques dans les jeunes peuplements depins maritimes des Landes de Gascogne. On latrouve parfois associée à d’autres problèmes phyto-

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Jeunes pousses de sapin nécrosées par legel, dans l'Hérault

Photo : Jean-Baptiste Daubrée

sanitaires, la sécheresse et le sténographe en particu-lier.

Les dégâts des scolytes sur pins ont eu globale-ment tendance à être moins importants que l’annéeprécédente. On peut souligner également quelquesatteintes autour des foyers de mortalités liés à lagrêle et au sphæropsis des pins.

Les dégâts d’hylobe sur plantations de pins ontété quasiment absents cette année.

Les signalements de sphæropsis des pins ontété sensiblement plus fréquents cette année, en parti-culier dans l’est de la France. Ils ont été détectésaprès des orages de grêle (Meuse, Puy-de-Dôme,Ain), ou dans des peuplements implantés sur dessols à faible réserve en eau et touchés par la séche-resse (Haute-Marne, Aube, coteaux calcaires bour-guignons et franc-comtois). Les pins sylvestre, noirset laricio sont les essences les plus exposées.

Le plan de surveillance du nématode du pins’est poursuivi selon les mêmes modalités que les an-nées précédentes, à savoir, pour les correspondants-observateurs du DSF, la localisation des peuple-ments de pins dépérissants et une participation auxpiégeages de Monochamus, l’insecte vecteur du néma-tode. Des personnels des FREDON ou des SRALont aussi été associés à cette recherche. La présencedu ravageur n’a pas été détectée.

Sur pin maritime, de nombreux cas de verse ontété observés dans une zone comprise entre Le Mans,

Tours et Angers, et de façon plus éparse en Nou-velle-Aquitaine (Lot-et-Garonne et Gironde). Lesconditions climatiques (en particulier les précipita-tions abondantes du printemps 2016, la douceur duprintemps 2017 et les coups de vent) a vraisembla-blement favorisé ce processus en facilitant une crois-sance exubérante. Si certains peuplements peuventse redresser, pour d’autres, la situation est irrémé-diable.

La lyde du pin a été trouvée de façon beaucoupplus fréquente dans les jeunes peuplements du grandouest, et dans une moindre mesure dans le sud duMassif central. Si ses dégâts restent extrêmementmodestes, sa progression spatio-temporelle dans leszones touchées est remarquable.

Quelques dégâts épars, mais sévères, de buprestebleu du pin sont apparus sur pin sylvestre et pinmaritime : cet insecte est intervenu suite à l’affaiblis-sement de ces peuplements par la sécheresse de2016.

Le chancre des rameaux du pin d’Alep a étédiscret, mais toujours présent.

Les attaques de pyrale du tronc se sont multi-pliées dans le grand ouest sur pin maritime, voiresylvestre et laricio. Les attaques sont visibles sur desarbres d’âge variable, parfois sur de très jeunesarbres (5 ans) rendant leur avenir très incertain.

Des attaques de rouille vésiculeuse sur des peu-plements de pins maritime, d’Alep et à crochets sontrelevées en Nouvelle-Aquitaine dans les départe-ments de la Charente-Maritime, des Landes et desPyrénées-Atlantiques.

Sur douglas…

Les jeunes plantations de Douglas ont souffert dela sécheresse printanière ce qui s’est traduit pardes rougissements du feuillage (Massif Central, Mor-van, Bretagne, Normandie, sud des Vosges). Lesmortalités occasionnées sont parfois supérieures à20 % des plants. Des symptômes de type rougisse-ment physiologique ont également été notés dansle Morvan et le Jura sans doute en lien avec l’épisodede sécheresse de fin d’hiver et du gel du mois d’avril.

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Verse du pin maritime

Photo : François-Xavier Saintonge

Ces dégâts diffus confirment la fragilité de l’essencedans cette période de sortie d’hiver.

La cécidomyie des aiguilles du douglas détec-tée en 2015 en Wallonie puis en Moselle, apparaîtdésormais présente dans presque tout le Grand Est,et en extension vers le sud. L’impact de cet insectedemeure pour l’instant limité, mais reste cependant àsurveiller, notamment sur les plants et les jeunesarbres, où il peut provoquer des pertes d’aiguillesnon négligeables. En effet, dans l’aire d’origine dudouglas, cet insecte présente occasionnellement desphases de pullulations importantes.

L’hylobe fait partie des insectes posant problèmeaux reboiseurs du Massif Central (Morvan compris)dans le déroulement de l’itinéraire sylvicole. Au prin-temps 2017, des attaques ont eu lieu sur des arbresdont le stade de sensibilité semblait dépassé, sur desplantations de 4 ans. Des attaques survenues surdouglas avant débourrement, sur des arbres en situa-tion de stress hydrique ont eu un impact fort surquelques plantations ainsi que dans des régénéra-tions naturelles, dans le Morvan essentiellement, oùle niveau d’attaque a été remarquable.

Les tempêtes de février et mars ont été particu-lièrement ressenties dans les peuplements de douglasqui avaient connu des éclaircies récentes (Charente,Haute-Vienne et Allier) ou dans les jeunes planta-tions dont la mise en place avaient été négligées(Aude).

La rouille suisse a été peu signalée en 2017, bienque souvent présente à l’état endémique.

Une mortalité notable de douglas adultes dans leMassif du Morvan a eu lieu sur 200 tiges pour 400m3 vraisemblablement due aux déficits hydriques dessols lors à la sécheresse et le niveau élevé des tempé-ratures des deux précédentes années.

Sur mélèzes…

Pour le mélèze, le fait majeur de l’année est la dé-tection sur le territoire national de Phytophthoraramorum : deux cas ont été officiellement confir-més au cours de l’été en forêt domaniale de Saint-Cadou et en forêt domaniale du bois du Gars (Finis-tère), dans des peuplements adultes de mélèze du Ja-pon. Au cours de l’année, l’impact du pathogène aété important sur ces peuplements, entraînant desmortalités non négligeables à l’échelle du peuple-ment. Des investigations plus fines ont été menéespour mieux caractériser la zone de présence du pa-thogène dans le milieu naturel et de ses dégâts. Ellesseront poursuivies en 2018.

La tordeuse grise du mélèze a provoqué desdéfoliations très précoces, à partir de fin mai dansdes zones de basse altitude habituellement épargnéespar la défoliation. Celle-ci a ensuite été très intensesur l’ensemble des Alpes pour la troisième annéeconsécutive.

Mycosphaerella laricina, pathogène ayant faitl’objet d’un nombre exceptionnel de signalementsl’année précédente, n’a été mentionné qu’une seulefois en 2017.

La présence du chancre du mélèze dans desplantations de mélèzes d’Europe âgées d’une ving-taine d’années continuent d’être identifiée dansl’Ain, l’Ardèche et le Cantal.

Dans le Grand Est, des mortalités ou descentesde cime plus ou moins disséminées dans les peuple-ments sont parfois relevées, sans causes identifiées.

Sur épicéas…

Les chablis d’épicéas ont été particulièrementplus nombreux en 2017 que les dernières autres an-nées, à cause des tempêtes hivernales qui ont traver-sé l’hexagone (cf. ci-dessus) : c’est le cas de l’épicéade Sitka en Bretagne et de l’épicéa commun dans leMassif Central, le Morvan, le nord des Alpes et lesud du Jura et jusqu’à la Seine-Maritime.

Dans le Nord-Est, des attaques précoces de ty-pographe et de chalcographe ont été observées.Les insectes ont été repérés sur bois frais à terre, enmars dans les Ardennes et dans le Morvan et débutavril dans les Vosges. De nombreux foyers ont été

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signalés un peu partout dans la région, aussi bien enplaine qu’en montagne, allant de quelques dizaines àplusieurs centaines de m3 : la météo du printemps etde l’été semble avoir joué un rôle très favorable àleur développement. En Auvergne et dans les Alpesdu Nord en revanche, la situation est revenue à unétat d’endémie, malgré les périodes de canicule esti-vale et la colonisation des chablis de la tempêteZeus : le report sur les pessières n’a pas été constaté.

Le fom è s continue d’être signalé dans le Puy-de-Dôme mais aussi dans le Cantal, la Corrèze, laHaute-Vienne, la Loire et les Pyrénées-Orientales. Saprésence fragilise les peuplements qui deviennentplus sensibles aux chablis, comme l’a montré la tem-pête Zeus.

Peu de dommages du puceron vert de l’épicéade Sitka cette année sur le littoral de la Manche : lafroidure du mois de janvier n’y est certainement pasétrangère.

Sur sapins…

Depuis le printemps 2017, des rougissementsen taches ont été constatés dans divers sapinières,en particulier sur les stations les plus sèches, maispas uniquement. Le phénomène a pu s’accentuer aucours de l’été et a été retrouvé dans de nombreuxendroits : Forez, Beaujolais, Jura, Hautes-Pyrénées,Aude, Vosges. Ces dommages concernent des peu-

plements ayant subi des perturbations dans leur en-vironnement proche (ouvertures, éclaircies…) maisaussi des stress hydriques intenses des saisons précé-dentes.

Profitant de ces conditions climatiques difficiles,les scolytes Pityokteines (le s pinidenté générale-ment) sont à l’origine de nombreuses mortalités entaches (de plusieurs dizaines d’arbres), avec ponc-tuellement du p ityographe sur les branches. Le pis-sode y est également associé, plus rarement le curvi-denté (est de la France). Les stress hydriques de2015 et 2016 sont à l’origine de ces pullulations.

Le sapin pectiné a souffert comme l’épicéa dechablis diffus suite à la tempête Zeus, mais dans unsecteur moins étendu : essentiellement en Haute-Loire, dans le Forez mais aussi ponctuellement dansles Alpes, et en Bourgogne. Les coupes rases ou le

fomes sont des facteurs d’affaiblissement qui ontcontribué à provoquer ces dégâts.

Une mineuse du sapin peu commune, Epinotiasubsequana, a attaqué une sapinière du Var sur 200hectares, avec un risque important de dépérissement,le gui étant largement présent dans ce peuplementen limite de station.

Quelques attaques du chermès du tronc du sa-pin ont été signalées dans les Vosges, en Margeride,dans la Montagne Noire, en Côte d’Or.

Quelques cas du champignon foliaire Lirula ner-visequia ont été observés dans le Vaucluse et les

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Rougissements de sapins pectinés en vallée de laThur (68)

Photo : Tony Larousse

Un versant défolié par Epinotia subsequana

Photo : Jean-Baptiste Daubrée

Alpes-de-Haute-Provence, pour la plupart sans gra-vité.

Les dépérissements massifs de peuplements desapin de Vancouver continuent d’être signalés,principalement dans la Haute-Vienne et la Creuse,essentiellement en association avec des scolytes Pi-tyokteines et des attaques de pourridiés racinaires. Ilsont d’ailleurs pu être amplifiés par les sécheresses ré-centes.

Sur cèdres de l’Atlas…

Quelques fentes liées à la sécheresse ont été no-tées dans les régions aussi variées que la Bretagne oule Lot.

La cochenille des aiguilles du cèdre a continuéson expansion : au nord vers Gap, à l’est dans leVerdon, jusqu’à la limite des Alpes-Maritimes et duVar. Les attaques peuvent être impressionnantesdans la zone d’origine, mais aucun dégât n’a été si-gnalé sur ces arbres.

Dans l’Aude, de forte pertes foliaires et des jau-nissements sont survenus en fin d’hiver, sans quel’on puisse mettre en évidence des facteurs bio-tiques. Ces symptômes avaient déjà fait l’objet de si-gnalements similaires en 2008.

Sur peupliers…

Les attaques de rouilles foliaires du peuplieront été limitées cette année.

Les peupliers ont aussi souffert de la sécheressedont les symptômes se sont manifestés par despertes foliaires importantes, des échecs de reboise-ments et des fentes, notamment sur le cultivarI45/51.

Le gel printanier a également affecté certainscultivars avec des mortalités importantes sur desplantations en vallée de Garonne.

Le parcours de la tempête Zeus a évité les bassinspopulicoles : les bris de cime ont eu lieu essentielle-ment dans la vallée de la Loire, entre Chinon et Sau-mur, en Vendée et en Charente-Maritime.

Les cas d’attaques de puceron lanigère du peu-plier se multiplient dans les Hauts-de-France sur lescultivars classiquement concernés : I214, Triplo... Lemarais poitevin, jusqu’alors épargné, est désormaistouché par l’insecte. Les mortalités concernent desattaques de l’année 2016, mais pour le reste, peu designalements de ce ravageur ont été effectués.

Il n’y a quasiment pas eu de dégâts dus au brunis-sement des feuilles dont le champignon Marsonin-na brunnea est responsable.

Sur hêtre…

Les dégâts de gel tardif ont été particulièrementnombreux sur hêtre, en particulier sur la chaîne desPyrénées et dans une moindre mesure en Lorraine,Franche-Comté et dans le Cantal. Cela s’est traduitpar des flétrissements, des rougissements de houp-pier, et un déficit foliaire d’autant plus prononcélorsque les peuplements concernés avaient connupar le passé des fructifications abondantes ou desdéficits hydriques prononcés.

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Fente de sécheresse sur cèdre

Photo : Jean-Claude Rouillé

L’orcheste du hêtre a connu des pullulations lo-cales en Normandie, dans les Vosges du Nord et defaçon plus étendue, dans le massif de la forêt desAndaines, entre Besançon et Morteau (Doubs).

Au cours de l’été, de nombreuses hêtraies nor-mandes et des Hauts de France ont montré des jau-nissements du houppier.

La sécheresse de 2017 s’est manifestée sur hêtreessentiellement sur les reliefs de l’Aude (Corbières etMontagne Noire) et dans le Tarn.

Sur chênes…

Depuis 2015 jusqu’au milieu de 2017, le climat aété globalement défavorables : les signalements dedépérissements se sont par conséquent multipliéschez les chênes caducs dans l’Allier, la Nièvre, laCharente, le Limousin, la région parisienne et l’ouestde la France. Pour certains massifs de la région pari-sienne (Saint-Germain, Fontainebleau, Compiègne),la crise s’est installée durablement et à un niveau éle-veé : une enquête en forêt de Compiègne a ainsimontré que 60 % des chênes pédonculés de 130 ansétaient dépérissants ou morts. Les tassements de sol,le vieillissement des peuplements, les ouverturesbrutales, les surdensités… constituent le cortègeusuel de facteurs impliqués dans ce processus. Plusinquiétants, d’autres cas plus brutaux sont apparusen particulier dans de jeunes peuplements de chênes

sessiles, en lien probable avec les ennoiements duprintemps 2016.

Les plantations de chênes ont sévèrement ressentile gel tardif d’avril : plus de 60 % des plantationsmontraient des symptômes attribués à ce refroidisse-ment brutal. Néanmoins les dégâts ont globalementété sans gravité majeure : la moyenne de plants flétrispar chantier étaient de 27 %, avec une mortalitémoyenne inférieure à 1 %. Parmi les peuplementsadultes, ce gel a induit des retards de débourrement.

Les défoliateurs précoces, dont la montée enpuissance est pourtant attendue, ont vu leur dyna-mique d’installation brisée par le gel d’avril : les né-croses qu’il a provoquées dans le feuillage leur ontôté une bonne partie de leur ressource alimentaire.Des problèmes de coïncidence phénologique entrehôte et insecte ont pu également interférer.

La processionnaire du chêne apparaît en forteexpansion dans de nombreuses forêts du Nord de laFrance : des pullulations importantes accompagnéesde défoliations sont relevées en Champagne humide,dans la Woëvre, entre le lac de Madine et Étain (plusde 8000 hectares ont été défoliés), et ponctuellementdans certains massifs de Lorraine, dans l’Aisne et lelong de la vallée de la Seine. De plus, elle a été signa-lée dans certains secteurs, où on ne l’avait pas oupeu observée depuis de nombreuses années en parti-culier dans l’ouest du département des Vosges, enHaute-Saône, dans le Val-d’Oise et en Normandie,

où sa présence marquée a nécessité l’évacuation dedeux lycées.

Le bupreste des branches du chêne reste uninsecte très impactant dans la chênaie du sud de laFrance. Son action sur les arbres est parfois significa-tive en termes de masse foliaire affectée rapportée àla taille des arbres. Il est bien délicat de définir uncycle pluriannuel pour ce ravageur. Il convient égale-ment de noter sa présence fréquente dans la valléede la Loire entre Blois et Nantes.

Les défoliations de bombyx disparate, initiéesen 2015, ont perduré au nord du Cap Corse.D’autres foyers sont également apparus au sud del’île.

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La processionnaire vue du ciel, près d’Étain dans laMeuse

Photo : Jean-Claude SZTUKA

Conformément à son cycle biologique, les dégâtsdu hanneton forestier ont été minorés par rapportaux années précédentes. Dans les Vosges du Nord,l’insecte a progressé vers le nord par rapport à 2016.

L’oïdium a causé beaucoup moins de dégâtsqu’en 2016, en relation vraisemblablement avec leprintemps sec de 2017. C’est en Loire-Atlantique,dans le Lot et les Alpes-Maritimes, sur chêne pubes-cent, qu’il a été le plus fréquent. Il a souvent affectéles repousses qui ont suivi les défoliations de proces-sionnaires du chêne, ce qui fait craindre un affaiblis-sement de ces arbres.

Le chêne vert a réagi par des rougissements mas-sifs à la sécheresse de l’été 2017. Alors qu’en 2016seules des tâches de rougissements isolés avaient étésignalées, cette année, ce sont des versants entiers,parmi les plus exposés et les plus arides, qui ont pré-senté des rougissements comparables dans leur in-tensité et leur localisation à ceux de 2003. Les der-niers contreforts du Massif central et des Alpes, et lacôte occidentale de la Corse sont les plus impactés.

Les deux sécheresses des années 2016 et 2017 onteu un fort impact en termes de dépérissement surles chênes lièges. Des dépérissements ont été si-gnalés notamment dans les Maures et l’Estérel, maisaussi en Corse-du-Sud. Un des facteurs impliquésdans ces mortalités est le charbon de la mèrepresque systématiquement trouvé sur les arbresmorts cette année. En outre, des dégâts liés à la le-vée ont été signalés.

Les attaques du charançon sauteur du chêneont perduré dans l’ouest de la France, mais se sont ànouveau déplacées vers l’ouest, dans la basse valléede la Loire.

Par rapport à 2016, le cynips Callirythis rufes-cens est en nette régression dans le massif desMaures.

Sur châtaignier…

L’aire du cynips du châtaignier a continué às’étendre à partir des zones de présence antérieure,en direction de l’Ille-et-Vilaine en particulier. Unnouveau signalement a été fait dans le Bas-Rhin à

Bergholtzzell. À ce jour, les seules régions encore in-demnes sont l’ouest de la Bretagne, la Normandie etl’est de la France (en-dehors du signalement ponc-tuel cité ci-dessus). Son parasitoïde, Torymus sinensis,régule fortement les populations quelques annéesaprès son arrivée, ainsi que des Torymus autochtones.

La situation du châtaignier a empiré partout enFrance, et c’est la maladie de l’encre qui a été la plusdommageable pour la santé de l’essence. La succes-sion en 2016 d’un printemps très humide puis d’unesécheresse estivale marquée a entraîné le développe-ment de la maladie qui s’est traduite en 2017 par desmortalités totales sur des surfaces de plusieurs hec-tares en forêt de Montmorency ainsi que dans denombreux peuplements des Cévennes, de Charenteet des régions Centre Val de Loire, Île-de-France etPays de la Loire. Le diagnostic de l’encre n’est pas

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Jaunissement de houppiers de chênes-liège

Photo : Jean-Baptiste Daubrée

Dégâts d'encre sur châtaignier

Photo : François-Xavier Saintonge

toujours aisé, le prélèvement autour de la nécrose,en particulier, est délicat. La confusion avec un dé-périssement multifactoriel est donc possible.

Sur frênes…

Chez le frêne, la zone couverte par la chalarosepoursuit son extension vers l’ouest même si la pro-gression semble avoir été assez limitée en 2017. Lamaladie a tout de même franchi la Garonne au ni-veau de Bordeaux. Désormais, seule la pointe Bre-tagne, le bassin aquitain et le pourtour méditerra-néen restent indemnes. Dans la zone anciennementcontaminée et où l’enjeu économique frêne est ma-jeur, une évaluation a confirmé que le Pas-de-Calaisconstitue la zone la plus affectée. Dans le nord-ouest, le climat relativement frais et humide de l’été2017 pourrait avoir été favorable au pathogène etentraîner une nouvelle dégradation des houppiers en2018. Les scolytes du frêne restent jusqu’alors à unniveau tout à fait anecdotique.

Les défoliations de frênes oxyphylles liés à la tor-deuse des buisson (Archips rosana) aux environsd’Aubagne (Bouches-du-Rhône) ont perduré, mêmesi leur intensité a diminué.

Sur les autres feuillus…

Phénomène assez rare, des dépérissements mas-sifs de charmes sont observés au cours du prin-temps dans le nord-ouest de la France : Nord, Ven-dée, Cher, Loir-et-Cher… Les inondations du prin-temps 2016 suivies de la sécheresse estivale en sontprobablement la cause. Aucun agent biotique n’y estassocié.

La pyrale du buis a progressé en forêt dans denombreux endroits : le long des vallées de la Saôneet de l’Ain, sur les coteaux calcaires bourguignons etfranc-comtois, sur le piémont pyrénéen, sur lesmarges du Massif Central, en Dordogne, en Cha-rente-Maritime… Dans la vallée du Rhône, sur leszones totalement défeuillées en 2016 par la pyrale dubuis, les arbres ont refait des gourmands. Laconsommation de ces gourmands est survenue enfin d’été. On a continué à voir progresser les défolia-tions : la limite altitudinale de 600 mètres identifiéeen 2016 a été dépassée et des défoliations totales ontété notées jusqu’à 900 mètres. Ces défoliations ontcausé de réelles inquiétudes : d’une part, liées à l’aug-mentation du risque incendie, d’autre part, en liaisonavec les mortalités des parties aériennes du buis etsur la pérennité de l’essence sur de vastes zones oùelle est la composante unique du sous-étage. La pré-sence des imagos pose des problèmes dans les sec-teurs où les papillons envahissent les zones urbani-

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Charmes défeuillés à la fin du mois de juillet 2017 enCôte d'Or

Photo : Jean-Luc Edouard La chenille de pyrale du buis.

Photo : Pierre Girard

sées en périphérie des zones de défoliations totales.Comme en 2016, les attaques ont pris de l’ampleuravec un net caractère politique et un intérêt des mé-dias pour la problématique, en particulier en Ar-dèche et dans la Drôme. En revanche, dans les sec-teurs totalement défoliés en 2016, la problématiques’est atténuée : les populations de pyrale sont là maisplus discrètes.

Le foyer de Xylosandrus crassiusculus de Nicea progressé dans la ville de Nice, malgré les abattagesde destruction. Les piégeages ont permis de montrerla progression sur Cannes et Eze. Xylosandruscomptactus a aussi été trouvé largement sur cettezone, notamment sur Antibes aussi bien sur carou-bier que sur arbre de Judée.

Des dépérissements de peuplement d’érables sy-comores sont notés (Haut-Rhin, Doubs, Saône-et-

Loire), en lien avec des facteurs pathologiques iden-tifiés (Phytophthora plurivora, Fusarium solani…), favori-sés vraisemblablement par des contextes stationnelsdifficiles et par les excès climatiques des dernièresannées (alternance d’ennoiement et de périodessèches).

Source : DSF et ses correspondants-observateurs

ENTOMOLOGIE

Les Groupes des Entomologistes Fo-restiers Francophones en Savoie2

Le pôle Auvergne-Rhône-Alpes a organisé le 11ème

Groupement des Entomologistes Forestiers Franco-phones à Yenne, en Savoie.

Diversité et résistance des forêts auxinvasions biologiques : cas du châtai-

gnier et des interactions entre chancre etcynips

3Les plantes sont au centre d’une grande diversitéd’interactions biotiques entre organismes plus oumoins proches qui les exploitent en tant que res-sources. Dans ce cadre, il s’agit de comprendre com-ment les infections fongiques de la plante et la diver-sité des arbres en forêt modifient les interactionsentre arbres et insectes. De façon générale, l’effet de

l’infection préalable des plantes par les champignonssur les préférences et performances des insectess’avère négatif. Cependant, la magnitude de cet effetvarie selon le mode de vie du champignon, la guildetrophique de l’insecte et la spatialité des interactions(interactions locales ou distantes).

Dans le cas du châtaignier et de deux de ses bio-agresseurs exotiques, le cynips et le chancre, l’effetde la composition en essences forestières des forêtsde châtaigniers atteintes de chancre a été comparé autaux d’infestation par le cynips.

Afin d’identifier les mécanismes sous-jacents aux ef-fets de la diversité des forêts sur cet insecte invasif,les communautés d’insectes parasitoïdes et de cham-pignons endophytes présents dans les galles ont étédécrites. Les taux d’infection par le cynips étaientplus faibles dans les mélanges de châtaignier avec duchêne et du frêne que dans des parcelles de châtai-

gnier monospécifiques ou dans les mélanges avec dupin. La composition des forêts influence égalementla composition des communautés de parasitoïdes as-sociés aux galles du cynips mais pas leur abondance,richesse ou diversité. En revanche, les communautésde champignons endophytes des galles sont indé-pendantes de la composition forestière. Cependant,celles présentes dans les galles diffèrent fortement decelles des tissus foliaires adjacents.L’étude des interactions entre les plantes et les in-sectes et champignons qui leur sont associés permet-tra de mieux comprendre les relations entre diversitéet fonctionnement des écosystèmes et de éventuelle-ment de proposer des applications pour la gestiondes bio-agresseurs forestiers natifs et exotiques.

Pour en savoir plus : thèse de Pilar Fernandez-Conradi

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Invasion du capricorne asiatique : gé-nétique, traits d’histoire de vie et éco-

logie4Le capricorne asiatique est un exemple d’insecteayant profité du commerce international depuisl’Asie pour s’installer dans une partie de l’Amériquedu Nord où il est présent depuis les années 1990, etde l’Europe où sa présence a été détectée au débutdes années 2000. Cette espèce hautement polyphagese développe dans les arbres urbains et peut causerleur mort, soulignant l’importance du contrôle de sapopulation. Les modes de dissémination du capri-corne asiatique constituent désormais un exemplequi permet d’appréhender de façon plus large les in-vasions biologiques.

À partir de l’analyse de son cheminement à travers lemonde, ses caractéristiques biologiques peuvent êtreétudiées pour estimer si elles sont responsables dusuccès de ses diverses invasions et dans quelle me-sure son impact écologique se fait ressentir dans lemilieu naturel, en se focalisant sur les modificationsde la faune de xylophages, que sa présence aurait puentraîner.

De cette analyse fine, il résulte que l’invasion par lecapricorne asiatique constitue un processus com-plexe incluant plusieurs introductions ainsi qu’unscénario de colonisation à partir de l’Amérique duen ce qui concerne le foyer de Gien. Il apparaît éga-lement que certains traits de l’espèce ont contribué à

modeler son schéma de distribution. Ainsi, sa résis-tance au stress thermique notamment a probable-ment favorisé son installation sous des climats va-riés. Par ailleurs, la dispersion naturelle du capri-corne asiatique semble très limitée, mais l’espècen’est pas restreinte par ses capacités physiologiquespour se disperser. Enfin, l’étude préliminaire de lafaune autochtone ne révèle pas pour le momentd’effet de l’espèce envahissante sur les Cérambycidésindigènes.

Au regard des autres cas d’invasion documentés, lecas du capricorne asiatique souligne donc la diversitédes caractéristiques des espèces devenant invasives,et confirme la difficulté d’en dresser un portrait type.

Pour en savoir plus : thèse de Marion Javal

FORÊT

Dendroécologie et génétique d’unepopulation de hêtre en limite de l’aire

de répartition de l’espèce 5Le changement climatique devrait causer un déclindes populations d’arbres forestiers résidant à desfaibles latitudes, en marges chaudes de la distribu-tion de l’espèce. En effet, le réchauffement et lestress dûs au changement de l’équilibre hydrique de-vraient a priori entraîner une réduction de la crois-sance et de la reproduction des arbres, ainsi qu’uneaugmentation de la mortalité.

Dans ce contexte, il apparaît intéressant d’analyser lastructure démographique et génétique d’une popula-tion naturelle de hêtre située dans un refuge clima-tique, en marge chaude de la distribution de l’espècedans le sud-est de la France. Cette population persistesur les pentes des gorges karstiques le long d’une ri-vière, le Ciron (Gironde), un lieu qui hébergeait déjàdes hêtres pendant la dernière période glaciaire. Dansce cadre, il est intéressant de comprendre commentcette population de refuge climatique a réussi à per-sister à travers les changements climatiques passés etcomment elle pourrait répondre au réchauffementclimatique en marche.

L’étude de la structure et la diversité génétique desarbres adultes de ces peuplements révèle que la po-pulation se compose de deux groupes génétiquesavec différents niveaux de diversité. Cela peut reflé-ter l’existence d’une population locale ancienne quia été successivement colonisée par des génotypesexogènes.

Pour conforter cette hypothèse, le système d’accou-plement et les modèles de mouvement du pollen ausein de la population a été réalisé en analysant lesprogénitures de graines provenant d’arbres mèressélectionnés tout le long de la population. Cette ap-proche a montré que l’accouplement prédominant

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entre voisins génétiquement apparentés a entraînéune structure génétique spatiale très forte. Ce phé-nomène aide à expliquer le brassage lent des deuxgroupes génétiques présents dans la population.

Une analyse dendroécologique basée sur une partiede la population adulte de hêtres (et des chênes pé-donculés échantillonnés par comparaison) révèleque la croissance du hêtre a été relativement peu af-fectée par des conditions climatiques de plus enplus sèches. Une forte augmentation de la crois-sance radiale a été démontrée pour le hêtre entre1860 et 1920 qui a atteint un plateau plus tard. En-suite, la croissance a légèrement diminué depuis lesannées 1980, et cela restera probablement stable à

l’avenir d’après les scénarios climatiques futurs de larégion. En outre, les analyses à des échelles fines, ycompris les isotopes, montrent une grande hétérogé-néité de performance entre les arbres en termes decroissance et d’efficience d’utilisation d’eau. Cela esten partie expliqué par la topographie locale de la val-lée refuge, et pourrait également être influencé, dansune faible mesure, par le génotype des arbres.

La combinaison des deux approches de recherche, ladendroécologie et l’écologie moléculaire, a permis àcette étude d’atteindre des meilleures connaissancessur cette population particulière de hêtres dans la val-lée du Ciron et sur sa performance dans un environ-nement abiotique contraignant. Ces idées repré-

sentent des informations de base précieuses pour laconservation et la gestion de cette population etd’autres populations d’arbres forestiers dans un cli-mat en évolution rapide.

Pour en savoir plus : thèse d’Adib Ouayjan

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